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Essai de maîtrise Modèle d’intervention en psychologie des relations humaines et diversité culturelle Katy Deschamps, Université de Sherbrooke Résumé Depuis environ 50 ans, l’immigration transforme lentement les milieux de travail québécois. Ceux-ci sont maintenant à l’heure de la gestion de la diversité. Le psychologue en relations humaines est donc plus que jamais appelé à tenir compte de la diversité culturelle dans sa pratique professionnelle. Ainsi, deux éminents auteurs ont alimenté la réflexion sur les différences culturelles en milieux de travail. Hofstede a analysé les cultures nationales à partir des concepts suivants : la distance hiérarchique, l’individualisme et le collectivisme, la masculinité et la féminité et le contrôle de l’incertitude. Quant à lui, Hall utilise, entre autres, le niveau de référence au contexte pour exposer certaines différences culturelles. Devant ces constats théoriques, on remarque que le modèle d’intervention en psychologie des relations humaines n’est pas universel, mais bien culturellement déterminé. En effet, il est de faible distance hiérarchique, à la fois individualiste et collectiviste, féminin, à faible degré de contrôle de l’incertitude et à faible référence au contexte. Dans cette perspective, des accommodements visant à adapter le modèle d’intervention aux contextes culturels différents sont proposés pour la phase de l’entrée. Le modèle a donc avantage à tenir compte des enjeux culturels naissants. Introduction Comme toutes les sociétés industrielles avancées, le Canada et le Québec se voient de plus en plus sollicités par l’immigration internationale. Selon le Ministère des Relations Internationales (1997), l’immigration vers le Canada a atteint un niveau très important après la Seconde Guerre mondiale. De 1945 à 1966, années où la population du Canada franchissait la barre des 20 millions, le pays accueillait en moyenne 125 000 nouveaux arrivants par an, à quelques années exceptionnelles près. Dans l’ensemble, le nombre d’immigrants est demeuré sensiblement au même niveau pendant les années 70 et la plupart des années 80. Ce n’est que depuis 1990 que le nombre annuel d’immigrants dépasse la marque des 200 000. Sur ce nombre, le

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Essai de maîtrise

Modèle d’intervention en psychologie des relations humaines et diversité culturelle

Katy Deschamps, Université de Sherbrooke

Résumé

Depuis environ 50 ans, l’immigration transforme lentement les milieux de travail québécois. Ceux-ci sont maintenant à l’heure de la gestion de la diversité. Le psychologue en relations humaines est donc plus que jamais appelé à tenir compte de la diversité culturelle dans sa pratique professionnelle. Ainsi, deux éminents auteurs ont alimenté la réflexion sur les différences culturelles en milieux de travail. Hofstede a analysé les cultures nationales à partir des concepts suivants : la distance hiérarchique, l’individualisme et le collectivisme, la masculinité et la féminité et le contrôle de l’incertitude. Quant à lui, Hall utilise, entre autres, le niveau de référence au contexte pour exposer certaines différences culturelles. Devant ces constats théoriques, on remarque que le modèle d’intervention en psychologie des relations humaines n’est pas universel, mais bien culturellement déterminé. En effet, il est de faible distance hiérarchique, à la fois individualiste et collectiviste, féminin, à faible degré de contrôle de l’incertitude et à faible référence au contexte. Dans cette perspective, des accommodements visant à adapter le modèle d’intervention aux contextes culturels différents sont proposés pour la phase de l’entrée. Le modèle a donc avantage à tenir compte des enjeux culturels naissants.

Introduction

Comme toutes les sociétés industrielles avancées, le Canada et le Québec se voient de plus en plus sollicités par l’immigration internationale. Selon le Ministère des Relations Internationales (1997), l’immigration vers le Canada a atteint un niveau très important après la Seconde Guerre mondiale. De 1945 à 1966, années où la population du Canada franchissait la barre des 20 millions, le pays accueillait en moyenne 125 000 nouveaux arrivants par an, à quelques années exceptionnelles près. Dans l’ensemble, le nombre d’immigrants est demeuré sensiblement au même niveau pendant les années 70 et la plupart des années 80. Ce n’est que depuis 1990 que le nombre annuel d’immigrants dépasse la marque des 200 000. Sur ce nombre, le

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Québec accueille, en moyenne, chaque année pas moins de 25 000 nouveaux arrivants sur son territoire (Ministère des Relations Internationales, 1997).

La situation de l’immigration québécoise s'est modifiée considérablement au cours des 40 dernières années. Alors qu'en 1956, plus de 90 % des immigrants étaient d'origine européenne, en 1994, près de la moitié viennent d'Asie; à cela s’ajoutent bon nombre de gens originaires de l’Amérique latine, de l’Afghanistan ou de divers pays africains (Ministère des Relations Internationales, 1997). Les « Premières Nations » viennent parfaire cette mosaïque multiculturelle alors que l'on compte environ 67 200 autochtones, soit plus de 59 400 Amérindiens et 7 800 Inuits.

Le portrait présenté précédemment démontre clairement que la diversité culturelle au Québec est un phénomène dont on ne peut nier l'existence. En plus d'affecter le tissu social du pays, cette immigration grandissante vient affecter les rapports déjà existants au sein des milieux de travail. Les immigrants deviendront nos collègues de travail, nos patrons, nos subordonnés ou nos chefs d’entreprise. Pour le psychologue en relations humaines, ils seront à la fois les clients et les acteurs des systèmes-clients auprès desquels nous serons appelés à intervenir.

Dans la documentation scientifique, on retrouve un nombre important d’ouvrages qui centrent leur réflexion sur la gestion de la diversité culturelle au sein des organisations. Cependant, peu d’auteurs se sont aventurés à étudier les répercussions possibles de la culture sur les modes de gestion. Pourtant, tout porte à croire que la culture joue, ici aussi, un rôle déterminant dans la façon dont les gestionnaires dirigent leur entreprise et, de surcroît, leurs personnels. Dans sa pratique, tant au Québec qu’au Canada, le psychologue en relations humaines est très souvent appelé à travailler en collaboration avec des gestionnaires. Mais est-il autant habitué, voire outillé, pour travailler en collaboration avec un client d'origine yougoslave, japonaise ou même britannique? Comment prendre en compte les différentes variables culturelles en jeu qui influenceront l'élaboration du processus d'intervention? Devra-t-il modifier son approche auprès du client, sa façon d'analyser la situation initiale, de recueillir la demande du client et même de structurer l'ensemble de son processus d'intervention qui a, pourtant, fait ses preuves maintes fois auparavant au sein des organisations nord-américaines majoritairement monoethniques? Si la culture influence les styles de gestion, il semble pertinent de croire que le psychologue en relations humaines sera confronté, tôt ou tard, dans sa pratique, à intervenir dans un contexte marqué par des enjeux interculturels de ce type.

Le présent article cherche donc à trouver des réponses à ces questions. Dans un premier temps, une revue de la documentation scientifique permettra de mettre en relief les différences culturelles présentes dans les milieux de travail et de comprendre l'influence de la culture sur les modes de gestion. Dans un second temps, nous cernerons comment ces variables culturelles viennent influencer notre modèle

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d'intervention comme psychologue en relations humaines. Nous étudierons l'impact de ces variables sur le processus d'intervention du psychologue en relations humaines et, plus spécifiquement, lors de la phase de l'entrée telle que présentée par Lescarbeau, Payette et St-Arnaud (1996). Enfin, la conclusion proposera quelques accommodements possibles pour adapter les étapes de l’entrée dans un contexte culturel opposé au modèle d’intervention.

Il est important de mentionner que les exemples cités dans cet article ont été tirés d’expériences de travail pour la plupart vécues à l’étranger. Fraîchement diplômée et n’ayant encore jamais travaillé au Québec dans un contexte de diversité culturelle, les exemples cités permettent d’illustrer l’influence de la culture sur l’articulation du modèle d’intervention en psychologie des relations humaines. Quoique limités au contexte de travail à l’étranger, les hypothèses de réponses soulevées dans cet article pourront possiblement éclairer de nouvelles pistes d’application du modèle d’intervention dans un contexte de diversité culturelle.

L’influence de la culture en milieux de travail

Quelques auteurs dont Hall (1959, 1969, 1976, 1983), Hofstede (1984, 1997) et Trompenaars (1993), pour ne nommer que ceux-ci, ont tenté de cerner l’influence et le rôle de la culture dans une situation de travail. Ils se sont intéressés à la façon dont certaines situations s’expriment dans diverses cultures nationales et à la manière dont s’y manifestent les valeurs. Leur préoccupation de base consistait à comprendre comment les « programmations mentales », qui servent de soubassement à l’expression des normes culturelles, se mettent en place. Chacun à leur façon, ils ont défini des éléments constitutifs de la culture nationale. Cet article s’attarde principalement sur les modèles de Hofstede et Hall. Le modèle de Hofstede sera d’abord l’objet d’un exposé succinct, alors que l’apport de Hall viendra compléter le portrait des différences culturelles utilisées pour les fins du présent article.

Geert Hofstede et la culture nationale

L'étude des dimensions culturelles a pris un tournant décisif dans le début des années 1980. Geert Hofstede publiait alors les résultats d’une étude réalisée auprès d’un échantillon de plus de 100 000 employés de la multinationale IBM, répartis dans plus de cinquante pays, sur les cinq continents (Hofstede, 1980; Hofstede et Bond, 1984). Hofstede cherchait à identifier des valeurs associées à la variation des tendances culturelles. Hormis leur nationalité, les sujets avaient, selon Hofstede, plusieurs points en commun : niveau hiérarchique, fonctions, rôles et tâches, etc. L'incidence de leur nationalité sur leurs réponses aux différents tests d'évaluation fut donc facile à détecter. À partir des résultats observés, Hofstede a dégagé quatre dimensions qui

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caractérisent une culture nationale au sein des organisations : 1) la distance hiérarchique, 2) l’individualisme versus le collectivisme, 3) la masculinité versus la féminité, 4) le contrôle de l’incertitude. Ces éléments constitutifs de la culture nationale seront tour à tour examinés dans les pages qui suivent.

La distance hiérarchique : plus de pouvoir ou moins de pouvoir

Ce premier élément de la culture nationale porte spécifiquement sur les inégalités sociales et les relations avec l'autorité. En fait, la distance hiérarchique réfère à la façon dont le pouvoir, le prestige et la richesse sont distribués au sein d’une culture. Selon Hofstede (1984, 1997), la distance hiérarchique est la mesure du degré d’acceptation d’une répartition inégale du pouvoir par ceux qui ont le moins de pouvoir dans les institutions ou les organisations d’un pays. La distance hiérarchique est mesurée à partir des systèmes de valeur de ceux qui ont le moins de pouvoir, car il est plus facile d’observer le pouvoir qu’un autre exerce sur soi que le pouvoir que l’on exerce soi-même sur les autres. Il y a donc des milieux culturels où la distance hiérarchique est élevée et d’autres où elle est considérablement plus faible, avec toutes les variations intermédiaires possibles.

Dans les cultures à forte distance hiérarchique, on peut constater que la hiérarchie des organisations reflète l'inégalité toujours présente qui existe entre les supérieurs et leurs subordonnés. En effet, les employés doivent obéissance à leur patron et, plus particulièrement, ils doivent lui témoigner du respect car les supérieurs et les subordonnés se considèrent inégaux de par nature. Il est possible de reconnaître de telles cultures à même les manifestations visibles du statut hiérarchique conféré aux supérieurs car elles contribuent à « asseoir » leur autorité : véhicule de fonction luxueux, stationnement et ascenseur réservés, grand bureau et service d’une secrétaire. Les subordonnés sont en général flattés que leur supérieur hiérarchique soit ainsi généreusement doté car, par contrecoup, ils en retirent eux aussi du prestige : il vaut mieux avoir un patron riche et puissant que trop modestement pourvu. Il va de soi que l'échelle salariale des patrons soit beaucoup plus élevée que celle des employés. Dans un contexte à faible distance hiérarchique, faire étalage de tels signes de richesse est, au contraire, généralement mal vu car l'égalité est une valeur dominante.

En ce qui a trait à la prise de décision, les cultures qui sont caractérisées par une forte distance hiérarchique démontrent une centralisation quasi totale des pouvoirs décisionnels. Le pouvoir et l'influence sont concentrés dans les mains de quelques personnes au lieu d’être répartis plus justement dans le milieu. Le patron idéal dans ces cultures est, aux yeux des subordonnés ayant participé à l’étude de Hofstede (1984), un autocrate bienveillant ou paternaliste. Donc, pas de consultation ni de gestion participative; la règle de la majorité prime sur le consensus. Il faut ajouter à

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cela que l'autorité en place n'a pas à justifier ses décisions ni ses actes. Quant aux subordonnés, ils s'attendent à être dirigés et il ne leur est pas demandé de faire preuve d'initiative, non pas parce qu'ils n’en sont pas capables mais bien parce que cela ne correspond pas aux exigences rattachées à leur statut au sein de l’organisation. D’ailleurs, s'ils le font, ils risquent fort d'être réprimandés pour cette manifestation d'autonomie. Ainsi, une supervision étroite est normalement perçue positivement par les subordonnés. Les cultures fortement hiérarchisées communiquent d’une manière qui limite les interactions au maximum tout en renforçant les différences entre les individus. Il n'est pas surprenant de constater que les employés craignent de démontrer leur désaccord à leur patron et sont peu enclins à avoir confiance les uns envers les autres. De même, les supérieurs démontrent peu de considération à l'égard de leurs employés et sont souvent difficiles d'accès alors que dans les organisations démocratiques, les leaders sont physiquement plus accessibles.

Individualisme ou collectivisme : « Je » ou « Nous »

À ce moment de l’exposé des tendances culturelles, il importe de souligner que les traits qui décrivent l’une ou l’autre des dimensions identifiées par Hofstede (1984) sont situés aux extrémités d’un continuum. La plupart des groupes culturels se situent entre les deux pôles extrêmes. De plus, n’oublions pas que, dans tout groupe, il y a des variances au niveau des tendances individuelles.

Le second élément définissant la culture nationale porte sur la régulation des relations entre l'individu et le groupe social. Cette dimension réfère à la façon dont les individus se définissent eux-mêmes et définissent leurs relations avec les autres. En effet, une très large majorité des habitants de notre planète vit dans des sociétés où l’intérêt du groupe prime sur l’intérêt personnel. Selon Hofstede, dans ces sociétés dites traditionnelles, l’accent n’est pas mis sur l’individu, mais sur le groupe, non sur le développement individuel, mais sur la préservation du lien communautaire. Les sociétés à tendance collectiviste se caractérisent par le fait que les personnes qui y naissent sont intégrées dans des groupes forts et soudés qui continuent de les protéger tout au long de leur vie, en échange d’une loyauté indéfectible. Ces cultures accentuent leurs relations avec les gens à un degré plus élevé et plus profond. À l’inverse, dans nos sociétés occidentales, nous mettons davantage l’accent sur l’autonomie de l’individu et la réalisation de soi. Les liens entre les personnes sont plutôt relâchés et chacun doit se prendre en charge.

Dans les cultures privilégiant l'individu, les organisations sont des outils essentiels. Elles ont été conçues délibérément pour servir des individus qui sont propriétaires, employés et clients. Les membres des organisations nouent des relations parce que c'est dans leur intérêt de le faire. Leurs liens sont abstraits, juridiques et réglés par contrat. S'ils coopèrent, c'est que leurs intérêts particuliers sont en jeu. Chacun occupe

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une fonction différenciée et définie et il est rémunéré pour cela. L'autorité a son fondement dans la qualification de l'individu à effectuer ses tâches et dans l'utilisation de ses connaissances, ce qui permet à l'organisation de mieux travailler.

Dans des cultures qui privilégient la collectivité, les organisations sont moins la création ou l'instrument de ses fondateurs que des ensembles sociaux dont font partie tous ses membres. Ces ensembles sociaux ont une signification et un objet adoptés par ses membres. De même, les organisations sont souvent assimilées à une grande famille, à une communauté ou à un clan qui développe et forme ses membres.

Dans les cultures dites traditionnelles, on peut observer que le travail n’est pas la valeur qui est privilégiée car, si on travaille, c’est pour vivre et non le contraire. Trompenaars (1993, p. 97) démontre clairement que les façons de travailler dans ces cultures sont différentes de celles privilégiées dans les pays nord-américains.

D'un côté, on travaille individuellement, seul. Dans ce cas, on est vraiment son propre maître. Les indépendants décident de la plupart des questions eux-mêmes et ce qui en résulte les regarde. On a tout simplement qu’à prendre soin de soi-même, sans attendre que d'autres prennent soin de soi. Pour d’autres, la formule consiste à être dans un groupe où tout le monde travaille ensemble. Chacun participe aux décisions et peut compter sur les autres.

On note également que dans les cultures à tendance collectiviste, les dirigeants sont moins concernés par les nouvelles influences et les nouveaux modes de gestion. À l’opposé, les managers des cultures individualistes tentent d'être à jour et d'endosser de nouvelles idées et tendances plus modernes afin d'améliorer la gestion de l'entreprise.

En ce qui concerne les relations d'affaires, au sein des cultures collectivistes, la qualité des relations l’emporte sur l’affaire à traiter. On cherche d’abord à nouer une bonne relation amicale, basée sur la confiance réciproque avec l’interlocuteur, avant d’aborder l’aspect professionnel. Quant à la relation entre l’employeur et l’employé, elle se noue sur une base morale, comme un lien familial. De la même façon que, dans ces pays, on ne renie pas ses enfants, on ne congédie pas non plus un employé peu productif.

Masculinité et féminité : « Elle » et « Lui »

Le troisième élément constitutif de la culture nationale renvoie aux conséquences sociales de l'appartenance à l'un ou l'autre sexe. En fait, il correspond à la représentation que chacun de nous, en tant que porteur d’une identité sexuelle, se fait de soi-même en société, de la façon dont chacun évalue ses capacités et veut les faire percevoir dans son milieu social et professionnel. Hofstede (1984) prétend que

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chaque culture développe et encourage des comportements dits masculins et féminins et, selon qu’une culture valorise plus ou moins l’un ou l’autre des pôles, on peut dire qu’il s’agit d’une culture masculine ou féminine.

En ce qui concerne le travail et la situation professionnelle, une culture masculine se caractérise comme suit : obtenir des salaires élevés ou d'avantageuses conditions de rémunération, voir ses mérites reconnus quand on fait un bon travail, accéder à des postes élevés, avoir l’occasion de faire un travail stimulant qui donne le sentiment de se réaliser. La culture féminine, quant à elle, privilégie les attitudes suivantes : avoir de bonnes relations de travail avec son supérieur immédiat, travailler dans un climat de coopération, vivre et travailler dans un environnement agréable et avoir la sécurité de travailler dans la même entreprise aussi longtemps que désiré. On constate également que, dans les cultures féminines, les conflits sont résolus à l’aide de compromis et de négociations.

Les cultures à tendance masculine peuvent être reconnues à même les valeurs qu'elles portent. Ainsi, les valeurs dominantes sont les suivantes : faire preuve d'assurance, avoir de l'ambition, savoir s'imposer devant ses subordonnés, avoir un sens de la concurrence et de la compétition. L’agressivité, l'autorité et le succès matériel sont des valeurs qu'ils ne faut pas sous-estimer dans ces cultures. De même, la « loi du meilleur » est vivement valorisée et l'échec est un drame parfois vécu comme une véritable tragédie. Enfin, l'accent est plus porté sur l'équité que sur l'égalité dans les rôles sociaux entre les deux sexes, laquelle est une option plutôt féminine. Pour poursuivre, disons qu’une culture féminine en est une qui est caractérisée par un ensemble de valeurs et d'attitudes telles : être modeste, collaborer avec ses condisciples, se contenter d’un résultat moyen et ne pas faire de promesses que l’on ne peut tenir. Les cultures dites féminines prônent également une bonne qualité de vie, des relations interpersonnelles harmonieuses et font état de préoccupation pour les plus faibles. L'échec est davantage un accident de parcours qu’un drame, car il est perçu comme un outil d'apprentissage.

Le contrôle de l’incertitude : le curieux et le dangereux

Ce quatrième et dernier élément de la culture nationale concerne les façons propres de gérer l'incertitude liée à la maîtrise de l'agression et à l'expression des sentiments. L’incertitude vient du fait que, par définition, nous ne savons pas de quoi demain sera fait. Il s'agit en fait de cette fameuse peur de l'inconnu. Le degré de contrôle de l’incertitude, que l’on peut déceler dans les traits culturels d’un pays, mesure donc le degré d’inquiétude que les habitants de ce pays ressentent face aux situations inconnues ou incertaines.

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De la façon dont une culture « gère » les sentiments d’insécurité de ses membres, Hofstede (1984) tire une conclusion très importante pour notre propos. Dans une culture à fort besoin de contrôle de l’incertitude, « ce qui est différent est dangereux », alors que, dans une culture à faible contrôle de l’incertitude, « ce qui est différent est curieux ». On peut donc s’attendre à ce qu’une culture qui manifeste un besoin élevé de contrôle de l’incertitude en soit aussi une à dominance collectiviste, car il faut s’unir pour faire face au danger et à l’adversité. Ces cultures s'avèrent actives, agressives, émotives, compulsives, recherchent la sécurité et s'avèrent plutôt intolérantes. À l’inverse, dans une culture qui éprouve un moindre besoin de contrôle de l’incertitude, qui tolère mieux l'ambiguïté, la tendance va être à l’individualisme parce que l'environnement est moins source de danger que de découvertes et de nouveautés. Ces cultures sont davantage de type « contemplative », moins agressives et émotives. Les individus sont plus détendus, acceptent de prendre des risques personnels et sont relativement tolérants face aux différences.

Edward Hall et les caractéristiques du contexte culturel

Le contexte est défini comme l’environnement dans lequel les processus de communication prennent place et aident à définir la communication comme telle. Une culture selon laquelle le sens de la communication est très peu déterminé par le contexte environnant est identifiée comme étant une culture à faible référence au contexte. À l’opposé, une culture qui va puiser le sens de la communication à même l’environnement et le contexte dans lequel prend place la communication est appelée culture à forte référence au contexte. Quoique simpliste, cette définition résume bien l'essence du concept de cultures à forte et faible référence au contexte qui fut d’abord popularisé par Edward T. Hall (1976). Pour nous en imprégner, nous allons jeter un coup d’œil attentif à cette dichotomie basée sur le contexte culturel.

Culture à faible référence au contexte

Il est possible de décrire la culture à faible référence au contexte à l’aide de quatre dimensions : l’association, l’interaction, la temporalité et l’apprentissage. Chacune de ces dimensions permet de saisir ce qui caractérise, entre autre, la culture nord-américaine.

L’association Selon Hall (1976), dans une culture à faible référence au contexte, les relations se nouent et se dénouent rapidement. Beaucoup d’individus peuvent faire partie du cercle des relations d’une personne; les limites du cercle ne sont pas claires. Les choses sont accomplies en appliquant une méthode et en se fixant un but. L'identité

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d'une personne est ancrée en elle-même et dans ses réalisations. La structure sociale est décentralisée; la responsabilité est plus démocratisée et partagée par les personnes occupant différents échelons.

L'interaction La communication est considérée comme un moyen d'échanger de l'information, des idées et des opinions. Les habiletés de communication, dans une telle culture, sont également fortement valorisées. Le contexte dans lequel l'interaction prend place est moins important que le message véhiculé par les mots : pas étonnant que les personnes fassent un usage minime d'éléments non verbaux. Le message verbal est explicite, élaboré, très spécifique et a tendance à être fortement détaillé et, parfois, redondant. Il se doit d'être direct et d'expliquer clairement les choses. Ordre, logique et raisonnement chronologique sont clairement exprimés dans les messages verbaux. Faire preuve d’un esprit de synthèse et développer son exposé de manière linéaire est aussi de mise. En situation de conflit, le désaccord exprimé est dépersonnalisé. Dans une telle culture, les personnes ont tendance à se retirer d'un conflit avec quelqu'un et à se remettre au travail. Elles se concentrent davantage sur des solutions rationnelles et non personnelles.

La temporalité Dans une culture à faible référence au contexte, le temps est une commodité et doit être consommé ou sauvé. Le temps s’inscrit dans une logique séquentielle et linéaire. Les choses sont alors planifiées pour être faites une à la fois, à des moments particuliers. L'important, c'est que l'activité soit faite efficacement. Ainsi, le changement est plutôt rapide et les résultats quasi immédiats. Comme le dit le dicton : le temps c’est de l’argent!

L'apprentissage La réalité est fragmentée et compartimentée. Une seule source d'information est utilisée pour développer la connaissance. La pensée est inductive, passant du spécifique au général. L'attention est aux détails. L'apprentissage se fait en suivant les directives et les explications précises des autres personnes. L'orientation individuelle est préférée pour l'apprentissage et la résolution de problèmes. La vitesse d’apprentissage est estimée. L'important est de bien apprendre une chose rapidement.

Culture à forte référence au contexte

Une culture dite à forte référence au contexte est une culture qui va puiser le sens de la communication à même l’environnement et le contexte dans lequel prend place la

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communication. C’est donc tout le contraire de ce que nous venons de voir précédemment. Tout comme la culture à faible référence au contexte, il est possible de définir la culture à forte référence au contexte sur la base des mêmes dimensions c’est-à-dire l’association, l’interaction, la temporalité et l’apprentissage. Allons voir de plus près comment s’articule la culture à forte référence au contexte.

L'association Les relations reposent sur la confiance, elles se bâtissent lentement et sont stables. On peut distinguer les personnes appartenant et n'appartenant pas à un cercle de relations en particulier. La manière dont les choses sont accomplies dépend des relations entre les gens et de l'attention portée à la dynamique du groupe. L'identité d'une personne est enracinée dans les groupes c'est-à-dire la famille, la société et le groupe travail. La structure sociale et l'autorité sont centralisées, la responsabilité se retrouve en haut. La personne qui a figure d’autorité travaille pour le bien du groupe.

L'interaction Toujours selon Hall, la grande majorité des informations provient du contexte physique dans lequel prend place la communication ou encore de l’ensemble des normes et codes culturels intériorisés par l’individu. Une très faible partie des informations contenues dans le message est explicite et codifiée. Un usage important d'éléments non verbaux comme le ton de la voix, l'expression du visage, les gestes et le mouvement des yeux, véhiculent une grande part de la conversation. Tout se joue dans l’implicite, le non-dit et les codes culturels. Le message verbal étant implicite, le contexte – c’est-à-dire la situation où le message intervient, les gens en présence et les éléments non-verbaux – est plus important que les mots. Le message verbal est indirect; on tourne autour du sujet et on l'embellit. La communication est considérée comme une forme d'art, une manière de lier conversation. La communication est plutôt circulaire et évolue dans une logique qui est, pour nous Nord-américains, un peu chaotique et irrationnelle. Le désaccord est personnalisé. Les personnes sont alors sensibles au conflit exprimé par une autre personne. Le conflit doit être résolu avant de continuer le travail ou doit être évité parce qu'il menace l’harmonie des relations.

La temporalité Chaque chose est faite en son temps. Le temps n'est pas facilement planifié car les besoins des gens peuvent empiéter sur l'horaire du temps. Le plus important est que l'activité se fasse, peu importe quand. Le changement est lent. Les habitudes et les façons de faire sont enracinées dans le passé, longues à changer et stables. Le temps est un processus qui appartient aux autres et à la nature.

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L'apprentissage La connaissance est rattachée à la situation; les idées sont reliées, synthétisées et globales. De multiples sources d'information sont utilisées. La pensée est déductive, passant du général au spécifique. L'apprentissage se fait d'abord en observant le modèle et la démonstration des autres et en les mettant en pratique par la suite. Les groupes sont préférés pour l'apprentissage et la résolution des problèmes. La précision est estimée. L'important est de bien apprendre une chose.

Un modèle d’intervention culturellement déterminé

Hall (1976), à l’instar de Hofstede (1984, 1997), a démontré que la culture avait des répercussions directes sur les milieux de travail. La culture détermine l’organisation du travail et joue sur les relations et les interactions entre les employés (subordonnés et subalternes). Si la culture a autant d’impact dans les milieux de travail, il est pertinent de croire qu’elle influencera également le modèle d’intervention d’un intervenant de même que son action professionnelle. Pour nous en convaincre, nous allons étudier la tendance, c’est-à-dire la « couleur » culturelle, qui se dégage du processus d’intervention utilisé en psychologie des relations humaines. Nous verrons pourquoi ce modèle ne s’exporte pas dans toutes les cultures tel qu’il est constitué actuellement. Nous nous questionnerons sur des accommodements possibles afin d’adapter les façons de faire et les intentions professionnelles à l’intérieur d’un contexte d’intervention culturellement influencé. Pour orienter cette réflexion, nous dégagerons, à partir des quatre dimensions culturelles de Hofstede, le profil culturel du modèle d’intervention en psychologie des relations humaines. Nous ferons de même avec le concept de faible et de forte référence au contexte énoncé par Hall.

Valeurs et principes de la psychologie des relations humaines

Selon St-Arnaud (1995), « tout cadre d’analyse comporte implicitement des valeurs et des principes qui orientent les choix de celui qui l’utilise et influencent les interlocuteurs de l’intervenant » (p. 6). Lorsque l’on s’attarde aux valeurs et aux principes qui sous-tendent la pratique du psychologue en relations humaines, on observe à quel point le modèle d’intervention a été pensé, conçu et articulé dans un contexte culturel particulier : la culture nord-américaine. Le modèle se veut, pour ainsi dire, un moyen et un processus d’intervention que les professionnels d’ici se sont donnés afin de répondre de façon efficace et optimale à une réalité et à des besoins présents dans nos propres organisations. Il est clair que le modèle d’intervention en psychologie des relations humaines a fait ses preuves dans les milieux de travail nord-américains. Il ne s’agit donc pas de remettre en question son efficacité ni sa rigueur au sein de nos organisations. Cependant, qu’en est-il de cette

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rigueur et de cette efficacité lorsqu’on applique comme tel ce modèle auprès d’un client d’origine culturelle différente de la sienne ou auprès d’un système-client pluriethnique? Après avoir scruté la documentation scientifique portant sur les différences culturelles, force est d’admettre que le processus d’intervention privilégié par les psychologues en relations humaines n’est pas un modèle universel.

La distance hiérarchique

Amorçons notre réflexion à partir des travaux de Hofstede (1984, 1997) et, plus précisément, le concept de distance hiérarchique. Tout d’abord, il est aisé de noter que le modèle d’intervention en psychologie des relations humaines se situe sur le pôle préconisant une faible distance hiérarchique. Ce modèle a été conçu dans l’idée de répondre aux valeurs mises de l’avant dans nos entreprises. On observe une valorisation des échanges et des interactions, que ce soit entre le consultant et le client, entre le consultant et le système-client, ou encore, entre le client et le système-client. Cette circulation de l’information vise à réduire les inégalités, ce qui n’est pas toujours facile dans les cultures où les inégalités sont, par définition, naturelles, attendues et souhaitées. De plus, le consultant cherche à créer des conditions d’intervention favorables, c’est-à-dire à développer, avec tous les acteurs impliqués dans l’intervention, une relation basée sur la confiance et le respect des compétences mutuelles. La collaboration, la participation et l’engagement du client et des membres du système-client sont ainsi recherchés par le consultant, car ils s’inscrivent dans une optique de démocratisation des milieux de travail. Pour ce faire, le modèle prône une décentralisation des pouvoirs et des décisions, chose qu’il n’est pas toujours évident à faire valoir dans des cultures où les plus faibles doivent dépendre des plus forts, leur obéir et leur témoigner du respect. Dans un tel contexte, il n’est pas surprenant qu’un consultant éprouve des difficultés à favoriser la responsabilisation, la prise en charge et l’esprit d’initiative des membres du système-client car, dans ces cultures « paternalistes » et « autocratiques », cela ne leur est pas demandé. La nature du modèle d’intervention semble aller à contre-courant de certaines valeurs de base préconisées dans différentes cultures fortement hiérarchisées. Il est clair que ce modèle suscite des résistances de la part du client et du système-client car il remet en question et il confronte directement les valeurs auxquelles les gens s’identifient. Il faut alors expliquer et justifier certains choix professionnels aux acteurs concernés par l’intervention, ce qui ne donne pas toujours des résultats concluants car le modèle de la psychologie des relations humaines est bien loin de leurs modèles dits conventionnels.

Citons un exemple illustrant le décalage qu’il y a entre notre modèle à faible distance hiérarchique et la réalité péruvienne à forte distance hiérarchique. Comme consultante au Pérou, j’ai signifié à mon client mon intention de rencontrer, dans le cadre d’une collecte importante de données, les petits producteurs de coton et de café

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membres des coopératives agricoles. Mon client, un agronome du pays, a refusé sèchement que j’entre en contact avec les petits producteurs, les acteurs du système-client, car il ne voyait pas l’intérêt qu’une professionnelle veuille questionner et échanger avec de simples agriculteurs. Il m’a expliqué que je n’apprendrais pratiquement rien d’eux car ils ne sont pas payés pour discuter de leurs problèmes et de leur dure réalité, mais bien pour cultiver. Il a précisé que les ingénieurs agronomes des coopératives étaient les mieux placés pour répondre à mes questions et que, dans mon intérêt, je ne devais pas passer par-dessus eux. Je n’ai jamais pu rencontrer les petits producteurs agricoles. J’ai dû revoir ma stratégie et mon plan d’intervention même si la démarche touchait exclusivement la réalité et les difficultés des petits producteurs. Cela illustre bien la complexité des rapports hiérarchiques et la difficulté d’impliquer les personnes concernées par l’intervention et ce, indépendamment de leur statut et de leur rôle.

Individualisme et collectivisme

À la question « est-ce que le modèle d’intervention en psychologie des relations humaines favorise davantage l’individualisme ou le collectivisme? », la réponse n’est pas aussi simple à trouver. De tendance plutôt individualiste, le modèle d’intervention pourrait facilement être confondu avec la notion de collectivisme. Tout d’abord, il semble que l’aspect individualiste, très propre aux cultures nord-américaines prime dans l’articulation du modèle. Selon St-Arnaud (1995) qui décrit le modèle d’intervention en psychologie des relations humaines, « le consultant s’inscrit dans une perspective de développement de l’autonomie, de manière à ce que les gens deviennent progressivement plus compétents à solutionner leurs problèmes, à travailler eux-mêmes à l’amélioration de leur situation ou de leurs compétences » (p. 25). De cette façon, le consultant œuvre à assurer le développement optimal des ressources de la personne humaine et, indirectement, des systèmes où celle-ci évolue. Un des effets visés explicitement par les théories du changement qu’utilise un psychologue en relations humaines est la responsabilisation des personnes et des groupes auprès desquels il intervient. Le modèle vise le développement des individus, ce qui lui confère une connotation principalement individualiste.

D’un côté, le modèle axe son action sur l’autonomie des individus et la réalisation de soi. On sait également que dans la culture individualiste, les liens entre les personnes sont plutôt relâchés et que chacun est appelé à se prendre en charge. Ainsi, le consultant appelle chaque individu à faire preuve d’initiative, de responsabilisation et d’autonomie, ce qui ne va pas de soi dans une culture collectiviste. De l’autre côté, le modèle ne favorise pas seulement l’actualisation des personnes, mais également l’actualisation des groupes et des sous-systèmes de l’organisation. En effet, si le modèle accorde autant d’importance au développement et à l’actualisation de la personne, c’est pour en faire un « multiplicateur » qui aidera par la suite le système à

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se prendre en charge. Ainsi, le consultant cherchera à transférer des compétences et des habilités précises à des individus qui auront pour mandat de transmettre par la suite, aux autres membres du système, ces mêmes compétences et habiletés dans une perspective de développement. Ce transfert de compétence favorise l’appropriation de l’intervention par les membres du système-client et s’inscrit dans le principe éducatif d’apprendre à l’organisation à apprendre de l’expérience que procure l’intervention. Cet effet « multiplicateur » qui interpelle plusieurs acteurs de changement sème la confusion et peut laisser croire que le modèle est donc de tendance collectiviste.

Dans une intervention basée sur les principes de la psychologie des relations humaines, la collaboration de tous les membres concernés par une problématique sera recherchée, sans discrimination de niveau hiérarchique. Que ce soit lors de la collecte de données ou de la recherche de pistes d’action, le consultant s’assurera que tous les individus pouvant contribuer à l’amélioration de la situation initiale se feront entendre. Encore une fois, cette contribution de tous les acteurs porte à croire que le modèle est davantage de tendance collectiviste. Mais attention! Ce n’est pas parce que le consultant s’assure de la participation de tous les individus à l’amélioration de la situation initiale que l’approche est pour autant issue de valeurs collectivistes. Au contraire, c’est à cause de l’importance accordée à l’individu (ses besoins, ses intérêts, ses idées, ses opinions, ses perceptions, ses compétences) que l’approche valorise son apport à la démarche. La cohésion du système passe par la satisfaction des individus, ce qui n’est pas le cas dans les organisations où dominent les valeurs collectivistes. L’approche en psychologie des relations humaines est pour ainsi dire clairement ancrée dans une culture individualiste. C’est donc son petit côté « féminin » qui l’amène à se préoccuper des gens et des relations au sein du système.

Ainsi, dans le cadre d’une intervention en Bolivie, je devais apprendre à des gérants de coopératives à utiliser une base de données contenant des informations cruciales pour la gestion de leur entreprise. Étant la seule à connaître le fonctionnement de la base de données et puisque mon contrat tirait à sa fin, la nécessité de transférer mon savoir aux gérants s’imposait. Comme il était impossible de réunir tous les gérants de coopérative pour participer à une formation, j’ai décidé de former deux personnes par milieu, des leaders, qui formeraient plus tard les autres gérants. Ces « multiplicateurs » apprirent rapidement à utiliser la base de données et formèrent par le fait même, les autres gérants. Cela ne se fit pas sans heurts. En effet, le fait de choisir des « multiplicateurs » à même le milieu fut contesté. Cela fit naître une compétition et une jalousie jusqu’alors inexistante. Plusieurs se demandaient : « pourquoi eux et pas moi? ». Ces individus avaient été choisis pour leurs compétences en informatique et en communication, mais ce choix avait tout de même bouleversé le lien collectif qui unissait les gérants, un lien à la fois égalitaire et solidaire. Ils craignaient que les « multiplicateurs » soient passés dans l’autre clan, celui des patrons, et usent d’un pouvoir qui ne servirait pas leur cause. Mon approche

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centrée sur le développement de compétences et sur la responsabilisation de certains individus bien ciblés n’a pas tenu compte de l’aspect collectif qui prime dans cette équipe de travail et de surcroît, dans cette culture. On voit bien toute la complexité d'arrimer le modèle d’intervention en psychologie des relations humaines à une culture collectiviste.

Masculinité et féminité Comparons maintenant le modèle d’intervention en psychologie des relations humaines avec la troisième dimension énoncée par Hofstede, c’est-à-dire la masculinité et la féminité. Ici aussi, il ne faut pas oublier que les traits utilisés pour décrire cette dimension culturelle correspondent aux extrémités opposées d’un seul continuum. En ce sens, le modèle d’intervention se situe plutôt du côté féminin que masculin du continuum. En effet, si l’on regarde de près les valeurs dominantes des cultures de tendance féminine, on remarque que l’attention et la bienveillance destinée à autrui sont primordiales. De même, le maintien de bonnes relations tant au niveau personnel que professionnel revêt beaucoup d’importance. Les hommes comme les femmes sont sensibles et interpellés par l’établissement et le maintien de bons rapports. Du côté du travail, les supérieurs hiérarchiques utilisent beaucoup la voie du consensus. Les patrons démontrent tout de même de la détermination et de l’assurance. D’autre part, les gens préfèrent travailler dans un climat de coopération et dans un environnement sain et agréable. La qualité de vie au travail, l’attention et l’importance des personnes de même que les relations chaleureuses, égalitaires et solidaires priment. Enfin, la résolution de conflits se fait plutôt par voie de compromis et de négociation.

Les valeurs féminines énoncées ci haut sont inhérentes au modèle d’intervention en psychologie des relations humaines. En effet, nous travaillons au mieux-être des organisations, mais aussi des milieux de travail et cela implique la considération des personnes qui en font partie. Pour ce faire, l’intervenant utilise une approche coopérative, en privilégiant une structure de coopération entre lui et les acteurs concernés, puis entre les éléments du système où il intervient. La détermination et la poursuite de buts communs, la définition de champs de compétence complémentaires et le partage du pouvoir sont des notions de première importance pour le psychologue en relations humaines. Ces valeurs s’inscrivent davantage dans une culture à tendance féminine qui prône la solidarité, les relations interpersonnelles harmonieuses et la collaboration; ce qui n’est pas le cas dans une culture masculine compétitive et agressive.

Toujours dans cette optique, le consultant cherche à favoriser la synergie dans le système en associant les acteurs concernés aux différentes étapes de l’intervention. Il vise ainsi à utiliser, de façon optimale, les ressources du système-client. On constate donc que dans le modèle d’intervention en psychologie des relations humaines,

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comme dans la culture à tendance féminine, la composante relationnelle s’avère primordiale.

De plus, il s’avère que le modèle suscite certaines résistances dans un contexte culturel comme le nôtre, c’est-à-dire de dominance masculine, car le succès personnel et matériel, l’argent, la concurrence et l’ambition empêchent de prioriser la valorisation et le développement personnel des individus. Dans un autre ordre d’idées, Hofstede (1991) précise que les cultures à dominante féminine préconisent la devise du « small and slow are beautiful ». Prenons le changement planifié à titre d’exemple. Le modèle d’intervention perçoit le changement planifié comme quelque chose de parfois long qu’il faut traiter avec patience. Or, dans notre société nord américaine, la pensée du « big and fast are beautiful » prédomine, c’est-à-dire que le changement doit être important et les résultats doivent se faire rapidement, ce qui est un trait plutôt masculin. Cela explique pourquoi on rencontre des résistances lorsque l’on intervient dans notre propre pays mais aussi dans tout autre pays où la tendance se veut plutôt masculine.

Le contrôle de l’incertitude Le dernier aspect abordé par Hofstede (1984, 1997) concerne le degré de contrôle de l’incertitude. On peut observer que le modèle d’intervention en relations humaines présente une tendance plus marquée vers un faible contrôle de l’incertitude. L’incertitude nous ramène à l’acceptation ou la non acceptation des situations ambiguës et des risques non familiers. Dans le modèle d’intervention, la tolérance à l’ambiguïté demeure un concept clef dans l’articulation du processus d’intervention. Comme chaque intervention compte son lot d’incertitude, le consultant doit gérer et tolérer cette ambiguïté, voire même se laisser porter par les événements. Celui-ci doit faire preuve de créativité et il ne doit surtout pas se limiter à des cadres prédéfinis et restreignants. Au contraire, par son action, le consultant favorise le changement et démontre une confiance dans le potentiel humain des acteurs impliqués dans l’intervention. Il encourage l’appropriation de l’intervention en offrant aux personnes la possibilité d’influencer le déroulement de l’intervention en cours.

Par ailleurs, le modèle d’intervention invite le consultant à devenir plus conscient, plus autonome et plus efficace dans sa pratique. La pratique de l’autorégulation, qui consiste en une réflexion dans l’action, permet au consultant d’ajuster son intervention au fur et à mesure que surviennent des changements. Selon St-Arnaud (1995), « les praticiens qui utilisent une méthode de praxéologie constatent que l’efficacité, sur le plan interpersonnel, suppose une capacité de s’adapter à chaque situation (p. 33) ». Cette autorégulation apporte une souplesse inouïe dans l’intervention en cours. Elle oblige le consultant à requestionner constamment ses intentions et ses stratégies de façon à optimiser son intervention professionnelle.

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Cette ouverture et cette capacité à gérer et réorganiser son action avec souplesse semblent être le propre d’une culture à faible contrôle de l’incertitude.

Par ailleurs, Hofstede (1984, 1997) prétend que pour les cultures à fort contrôle de l’incertitude, le changement est perçu comme une menace, un danger. Le modèle d’intervention en relations humaines, comme nous l’avons vu, prône l’opposé et présente un intérêt marqué pour le changement. Loin de le craindre, il le favorise et l’aide à prendre place dans les organisations. Cela en fait un modèle parfois difficile à articuler dans une culture qui craint le changement, l’incertitude et le déséquilibre que peut provoquer un processus d’intervention.

Culture à forte ou faible référence au contexte

Comme nous venons de le faire avec les travaux de Hofstede (1984, 1997), examinons plus attentivement le modèle d’intervention en relations humaines à partir du regard de Hall (1976) et de sa conception de la culture à forte ou à faible référence au contexte. Sans l’ombre d’un doute, le modèle d’intervention semble répondre aux critères propres aux cultures à faible référence au contexte. Commençons, tout d’abord, avec le concept de temporalité. Dans une culture à faible référence au contexte, les choses sont planifiées pour être faites une à la fois, à des moments particuliers. Chaque chose en son temps, il faut que l’activité soit efficace. Le temps est une commodité qui doit être consommée ou sauvée. Pour se convaincre de l’importance accordée au temps dans le modèle, on n’a qu’à regarder les échéanciers détaillés produits par les consultants. On s’aperçoit que l’orchestration des étapes est rigoureusement calculée et planifiée. Cette planification permet d’éviter les pertes de temps et de gagner en efficacité. Les changements sont relativement rapides et les résultats quasi immédiats.

Outre la temporalité, les interactions entre le consultant et le client ou le système-client sont définies de façon très explicite. Les rôles et les responsabilités sont précisés, discutés et font la preuve d’une entente mutuelle en vue d’obtenir une meilleure collaboration. Le consultant porte beaucoup d’attention à la définition des champs de compétences respectifs. Il ne faut pas empiéter sur le terrain de l’autre ou que le processus provoque des malentendus. Pour ce faire, on détaille, dans un contrat écrit, les étapes qui seront entreprises au cours de l’intervention. On fait signer le client pour s’assurer de sa compréhension et de son engagement. Tous ces besoins de clarification et de précision sont le propre d’une culture à faible référence au contexte. La planification et le déroulement du processus d’intervention n’échappent pas à la règle. Ils sont constitués de plusieurs étapes logiques, linéaires et interdépendantes en vue d’obtenir un résultat souhaité. Chacune des étapes est régie par un échéancier précis où les tâches, les rôles et les responsabilités de chacun sont définis explicitement. On cherche à bien saisir le contexte de la problématique en jeu,

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de même que la demande du client. On clarifie qui agira à titre de client et qui seront les membres du système-client impliqués. Ce souci du détail et de la clarté vise à ce que l’entente entre le client et le consultant soit faite sur une base libre et éclairée. Le déroulement démontre aussi de la transparence. Tous ces traits sont clairement opposés à ceux d’une culture à forte référence au contexte dans laquelle les informations concernant le déroulement de l’intervention se présentent au fur et à mesure selon le contexte environnant et les acteurs impliqués. Dans cette culture, on ne privilégie pas la connaissance en détail des étapes qui vont suivre et on fait confiance à l’expertise et à l’expérience de l’intervenant qui les interpelle lorsqu’il en a besoin.

En Bolivie, par exemple, j’ai dû traiter une demande provenant d’un gérant d’une coopérative agricole. À la troisième rencontre, je lui ai présenté une offre de services telle que nous l’avions convenue. La problématique étant complexe, mon document se voulait volumineux et particulièrement pointilleux. Le souci du détail, la rigueur et la clarté du processus présenté dans l’offre de service faisaient foi de ma culture à faible référence au contexte. Les informations passaient du général au particulier dans un esprit de synthèse logique, pratique et appliqué. J’avais précisé la situation initiale, les buts et objectifs de l’intervention, les rôles et responsabilités, le système-client, les étapes de l’intervention, etc. Tout y était, question d’éviter les malentendus et d’aider le client à faire un choix libre et éclairé. Contrairement aux Nord-américains, les Boliviens utilisent le contexte d’une situation ou d’un environnement pour en tirer des informations permettant de décoder ce qui se passe. Le client ne voyait donc pas la nécessité de clarifier de façon si détaillée le déroulement de l’intervention. L’offre de service s’avéra lourde et contraignante pour le client. De même, la signature d’un contrat formel fut aussi problématique et provoqua de la réticence et de la méfiance de la part du client à mon égard. Le contrat proposé contenait, selon lui, des obligations strictes qui pouvaient se retourner contre lui sous forme de pénalité. Il ne comprenait pas que sa parole et la relation de confiance ne puissent suffire pour établir une relation professionnelle. Les termes proposés dans le contrat étaient, selon lui, trop rigides pour permettre de bien travailler ensemble. Seule une entente verbale parvint à dénouer cette impasse.

Adaptation du modèle d’intervention aux réalités culturelles

Comment peut-on adapter le modèle d’intervention en psychologie des relations humaines aux différences culturelles existantes? Il existe, pour ainsi dire, des accommodements possibles qui rendent le modèle plus efficace en contexte interculturel. Pour mieux comprendre, partons d’un cas concret. Imaginons un diplômé en psychologie des relations humaines de l’Université de Sherbrooke qui travaille dans un pays en voie de développement relativement pauvre, situé près de l’équateur et ayant un fort degré d’accroissement de sa population. Imaginons

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également que la culture soit beaucoup plus collectiviste, plus masculine, à plus forte distance hiérarchique, à plus fort contrôle de l’incertitude et à plus forte référence au contexte que la sienne. Dans de telles circonstances, le consultant doit revoir son approche professionnelle afin de l’adapter à une réalité différente. Explorons diverses alternatives possibles permettant d’adapter la phase de l’entrée du processus d’intervention à une culture située près de l’équateur.

D’abord, la relation de confiance avec le client doit l’emporter sur l’affaire à traiter. Pour cela, il faut probablement ajouter une ou deux rencontres supplémentaires avec le client afin de socialiser et de se connaître mutuellement. On peut ensuite prévoir un temps pour explorer concrètement la demande. La distance professionnelle par rapport au client est alors différente; il y a plus de proximité, le contact se veut plus chaleureux, amical et intense. Il ne faut donc pas craindre de s’investir dans la relation. Cependant, le « sexe » du consultant doit être considéré dans cette relation. Être femme dans une culture masculine peut possiblement être difficile. Cela est pire encore si la consultante est jeune de même que hautement et fraîchement diplômée; sa crédibilité et sa considération professionnelle s’en voient affectées et elle doit faire ses preuves pour gagner l’estime de son client.

Toujours dans la phase de l’entrée, il faut porter une attention particulière à la définition des rôles et des responsabilités du consultant. La clarification de ces informations peut s’avérer utile car la conception que l’on se fait d’un consultant diffère d’une culture à une autre. Ainsi, le consultant peut y être perçu comme un exécutant. En discutant et en échangeant sur les perceptions mutuelles, les deux parties pourront en venir à un compromis qui les satisfera. Il faut faire de même avec la définition des champs de compétence. En effet, l’idée de travailler sur la base d’une relation de coopération entre le consultant et le client ne va pas de soi, surtout si la perception que le client se fait du consultant se résume à celle de simple exécutant. De même, les membres du système-client peuvent avoir de la difficulté à collaborer et s’approprier la démarche car leur travail habituel ne laisse pas toujours de la place à l’autonomie et à l’initiative. Ils doivent donc savoir concrètement quel rôle ils ont à jouer et ce qu’ils ont à faire concrètement. Mais, il faut garder à l’esprit qu’il n’est pas coutume pour un journalier de collaborer au développement de son organisation. Par définition, cela ne fait pas partie de son mandat.

Par ailleurs, il faut tenir compte des différentes notions du temps. La ponctualité dans ce type de culture n’est pas la règle. Il ne faut pas interpréter le manque de ponctualité comme du manque de respect, de considération ou d’intérêt à l’égard du consultant ou du contrat. La notion du temps est moins linéaire et définie qu’en Amérique du Nord. Elle est davantage une idée approximative, un point de repère. Rien ne sert alors d’arriver vingt minutes avant la rencontre prévue avec votre client. Les temps d’attente peuvent être utilisés positivement pour s’imprégner du déroulement de la rencontre avec le client et se remettre dans le contexte. Toujours en

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ce qui a trait au temps, il faut éviter les échéanciers contraignants, précis et trop organisés. C’est souvent le constat lorsque l’on regarde de près les offres de service de nos consultants en psychologie des relations humaines. Il est rare, en Amérique du Sud, que les échéances prévues soient respectées à la lettre et il est fréquent de devoir prévoir un délai de temps un peu plus long que ce que l’on avait prévu. Il y a des chances qu’à la date fixée, les choses n’aillent pas comme le consultant le souhaiterait car les critères d’efficacité peuvent varier d’une culture à l’autre et être distincts de ceux intégrés par le consultant.

Pour ce qui est de l’offre de service, il faut se demander si la présentation d’un document écrit s’avère la meilleure solution ou, encore, si la discussion et l’échange seraient plus adéquats. Il semble que la présentation d’un document écrit officialise la démarche, mais il peut être perçu comme quelque chose de contraignant, de lourd et de compliqué pour le client. Ce dernier peut penser que cet outil le pénalisera en cours de route. Il faut alors vérifier avec laquelle des deux alternatives le client se sent le plus à l’aise. S’il opte pour un document écrit, il serait pertinent de planifier le déroulement de l’intervention en collaboration avec le client et ce, à partir d’un canevas de base qui suscitera des discussions. Les ententes peuvent être colligées dans un document qui fait foi de contrat. Il peut également être opportun de présenter une offre de service sous la forme d’un document brouillon moins officiel et donnant plus de pouvoir au client qui peut y apporter les correctifs souhaités.

Ces observations portant sur l’adaptation culturelle de la phase de l’entrée sont loin d’être exhaustives. Il serait intéressant d’expérimenter ces hypothèses ou ces recommandations pour en valider la pertinence et l’efficacité. De même, il serait tout aussi intéressant de faire l’exercice de cette réflexion et d’expérimenter sur le terrain des accommodements possibles pour les autres étapes du processus d’intervention en psychologie des relations humaines. Cela constituerait un avancement important pour la pratique de la profession dans des contextes étrangers et mondiaux. Mais également, cela permettrait de pousser plus loin la réflexion sur le modèle d’intervention lorsqu’il est appliqué dans une organisation nord-américaine où prévaut un contexte de diversité culturelle.

Conclusion

Suite à cette réflexion, il semble pertinent de croire que le modèle d’intervention en psychologie des relations humaines est un modèle culturellement déterminé. De façon plus spécifique, les traits culturels qui caractérisent le modèle d’intervention sont sans contredit situés sur les pôles suivants : la faible distance hiérarchique, l’individualisme, la féminité, le faible contrôle de l’incertitude et la faible référence au contexte. Cette spécificité culturelle, propre au modèle, fait en sorte qu’il n’est pas aussi efficace dans des cultures dont les valeurs de société vont à l’encontre de celles

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qu’il prône. La rencontre de ces cultures sera parfois difficile voire impossible dans certains contextes. L’efficacité de l’intervention s’en ressentira aussitôt.

Dans un contexte où la mondialisation des marchés et la rencontre des cultures s’avèrent de plus en plus inévitables, la question des enjeux culturels au sein des milieux de travail est d’autant plus d’actualité. Avant longtemps, au Québec comme partout dans le monde, il faudra commencer à chercher des accommodements possibles afin d’améliorer l’efficacité de nos actions professionnelles car nos outils et nos modèles théoriques, conçus en fonction de nos propres schèmes de référence culturels, ne sont pas universels. Il faut garder en tête que ce ne sont pas les différentes cultures qui devront se plier à notre modèle d’intervention, mais bien le modèle qui devra tenir compte des enjeux culturels naissants.

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