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16 17 Sidney , 29 ans, gérant de magasin rencontré au 15 rue François Guisol à Nice Face à sa ville, petits entretiens au hasard des rencontres Vous êtes en ville, est-ce un choix ou une nécessité ? C’est un réel choix, le choix de la simplicité, je vis à 10 minutes à pied de mon travail, ce temps gagné est appréciable. Qu’appréciez-vous en ville ? Le Monde. En fait, j’apprécie le mouvement perpétuel et la proximité des lieux que je fréquente. Qu’est-ce qui pourrait, selon vous, être amé- lioré ? “No parking, no business”, on manque cruellement de parking à Nice et il faut vraiment améliorer ça... Selon vous, qu’est-ce qui fait réellement dé- faut à votre quartier ? Malgré quelques frémissements, dans mon quartier mais plus globalement dans la ville, c’est la Culture qui fait défaut. Je reste optimiste, on commence à prendre conscience de sa nécessité... Quel est votre avis sur l’architecture qui nous entoure ? J’adore l’architecture du Port et des vieux quartiers niçois... et ai beaucoup de réserve sur le Palais Nicéa. Je pense que dans l’ensemble nous avons beaucoup de chance car il y a quand même à Nice beaucoup de belles architectures de style très différents et c’est ce patchwork architectural qui fait aussi l’identité de notre Ville. Il faut que la Ville évolue constamment pour ne pas mourir.

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le magazine du Syndicat des Architectes de la Côte d’Azur

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Sidney, 29 ans, gérant de magasinrencontré au 15 rue François Guisol à Nice

Face à sa ville, petits entretiens au hasard des rencontres

Vous êtes en ville, est-ce un choix ou une nécessité ?C’est un réel choix, le choix de la simplicité, je vis à 10 minutes à pied de mon travail, ce temps gagné est appréciable.

Qu’appréciez-vous en ville ?Le Monde. En fait, j’apprécie le mouvement perpétuel et la proximité des lieux que je fréquente.

Qu’est-ce qui pourrait, selon vous, être amé-lioré ?“No parking, no business”, on manque cruellement de parking à Nice et il faut vraiment améliorer ça...

Selon vous, qu’est-ce qui fait réellement dé-faut à votre quartier ?Malgré quelques frémissements, dans mon quartier mais plus globalement dans la ville, c’est la Culture qui fait défaut. Je reste optimiste, on commence à prendre conscience de sa nécessité...

Quel est votre avis sur l’architecture qui nous entoure ?J’adore l’architecture du Port et des vieux quartiers niçois... et ai beaucoup de réserve sur le Palais Nicéa. Je pense que dans l’ensemble nous avons beaucoup de chance car il y a quand même à Nice beaucoup de belles architectures de style très différents et c’est ce patchwork architectural qui fait aussi l’identité de notre Ville. Il faut que la Ville évolue constamment pour ne pas mourir.

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Estelle, 50 ans, exploitante agricolerencontrée au marché, Mouans-Sartoux

Face à sa ville, petits entretiens au hasard des rencontres

Vous êtes en ville, est-ce un choix ou une nécessité ?C’est une nécessité parce que je travaille sur le marché. Je vis à la campagne, et ça c’est mon choix.

Qu’appréciez-vous en ville ?Le contact avec les gens, le bruit.

Qu’est-ce qui pourrait, selon vous, être amé-lioré ?De toute évidence les places de parking ou améliorer les transports en commun, et peut être aussi les espaces verts qui sont bien pauvres et peu originaux...

Selon vous, qu’est-ce qui fait réellement dé-faut à votre quartier ?Il manque des lieux conviviaux, de simples lieux où les gens pourraient se rencontrer, dialoguer bref passer du temps...

Quel est votre avis sur l’architecture qui nous entoure ?Nous sommes au marché paysan, c’est un lieu convivial. Le marché est convivial grâce aux personnes qui y sont et non pas par son architecture. C’est en fait le reproche que je peux faire à l’architecture qui nous entoure, elle n’a pas de sens si elle n’est pas pratiqué par les gens, et elle n’est pas souvent pensé pour les gens.

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MACLARY MEP 13/01/09 18:00 Page 1

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Mauro, 55 ans, designerrencontré au 42 du boulevard Stalingrad à Nice

Face à sa ville, petits entretiens au hasard des rencontres

Vous êtes en ville, est-ce un choix ou une nécessité ?Mon choix était simple: soit la Ville, soit la campagne profonde, pas d’entre-deux. La Ville s’est imposait pour mon activité professionnelle.

Qu’appréciez-vous en ville ?J’aime la diversité. Des quartiers très typés aux ambiances différentes, des images propres à chacun d’entre-eux. La Ville c’est cette fusion de fragments d’histoire et de gens.

Qu’est-ce qui pourrait, selon vous, être amélioré ?On ne peut pas parler d’amélioration. Les années 50 et 60 ont créé les pires des choses de la Ville de Nice et personne n’a pu innover après cela. On se retrouve avec un Musée d’Art Contemporain qui est devenu une anecdote. Il faut repenser la cohérence architecturale de cette ville.

Selon vous, qu’est-ce qui fait réellement dé-faut à votre quartier ?C’est l’Architecture Contemporaine qui fait défaut à mon quartier et à ma Ville. Je suis italien et ce problème semble être le même un peu partout dans les villes qui ont une Histoire. La ville musée n’a que peut d’avenir, et sur ce coup, Nice a vraiment un tramway de retard... Il faut avoir plus de courage.

Quel est votre avis sur l’architecture qui nous entoure ?Il faut que les architectes et les urbanistes fassent très attention quand ils interviennent dans un quartier. Il y a trop d’exemples où leurs interventions ont anéanti l’âme du quartier. Mais il y a aussi beaucoup d’exemple où leur non-intervention a engendré un chaos urbain, c’est le cas dans mon quartier où l’on subit à chaque arrivée des paquebots des congestions de véhicules...

PUB MOUANS ESQUISSE MEP 16/01/09 15:18 Page 1

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Mélanie, 29 ans, chef d’entrepriserencontrée dans la rue du Suquet, à Cannes

Face à sa ville, petits entretiens au hasard des rencontres

Vous êtes en ville, est-ce un choix ou une nécessité ?C’est une nécessité pour mon travail principalement mais aussi parce que j’ai besoin de cette effervescence. Mon choix serait la campagne pour m’y reposer...

Qu’appréciez-vous en ville ?Essentiellement cette effervescence. Il se passe toujours quelques chose en ville, et ça me plaît..

Qu’est-ce qui pourrait, selon vous, être amé-lioré ?Les places de parking ! J’ai tourné 45 minutes pour venir travailler ce matin et malheureusement aucune ligne de transport en commun ne dessert mon itinéraire... elles sont pensées pour les touristes !

Selon vous, qu’est-ce qui fait réellement dé-faut à votre quartier ?Le respect de l’existant. Par exemple, la rénovation du Musée Tuby est une catastrophe... Il est normal et crucial que la ville évolue, mais il faut la comprendre avant de vouloir la transformer... il semble que cela face défaut aux décideurs.

Quel est votre avis sur l’architecture qui nous entoure ?J’aime le Suquet parce qu’il reflète encore l’authenticité, malheureusement ses abords sont incongrues, construits ou reconstruits sans se soucier des gens y habiteraient... L’architecture qui nous entoure nous renvoie encore ce manque de respect.Mais il semblerait que les esprits changent et que les mentalités évoluent... tout doucement... trop doucement...

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la Villa Tugendhat

La villa Tugendhat à Brno, en République tchèque, a été conçue par l’architecte Ludwig Mies Van der Rohe et construite, suite à une commande de Grete et Frits Tugendhat, entre 1927 et 1930. C’est un exemple exceptionnel de petit édifice résidentiel typique du style international du mouvement moderne dans l’architecture du début du XXe siècle.

La villa Tugendhat est un exemple exceptionnel du style international du mouvement moderne en architecture tel qu’il s’est développé en Europe dans les années 1920. Sa valeur particulière réside dans la recherche de moyens à mettre en oeuvre des concepts spatiaux et esthétiques novateurs, satisfaisant les nouveaux besoins apparaissant dans le mode de vie, tout en tirant parti des opportunités offertes par la production industrielle moderne. La villa Tugendhat a établi un modèle pour l’habitation résidentielle du XXe siècle, et a eu une influence majeure sur les constructions postérieures.

Les visuels de ce dossier ont été entièrement réalisés en images de synthèse d’après les plans

originaux de Ludwig Mies Van der Rohe par l’agence guillaume andré, architecte et associés

www.guillaumeandre.fr

La villa Tugendhat est considérée comme l’un des fleurons de l’architecture du XXe siècle, comme en atteste l’intérêt qu’elle suscite depuis son édification. En 1930, des doutes éphémères quant à son concept novateur eurent tôt fait de céder la place à l’admiration et à l’enthousiasme. Avec le temps, cette admiration devint unanime et Brno se tailla une place à part dans l’histoire de l’architecture contemporaine. Théoriciens, historiens de l’art, architectes, tous s’accordent à reconnaître que cette oeuvre marque un tournant décisif dans le développement de l’architecture, et tout particulièrement dans l’approche moderne de l’espace et de sa construction. En effet, la fusion intérieure et la nature tournée sur l’extérieur de l’espace ont considérablement altéré la relation de l’homme par rapport à l’infini spatial

entourant le bâtiment, la rapprochant de l’interprétation de l’espace tel que l’entendent la philosophie et la physique modernes. De ce point de vue, il est important de prendre en compte les conceptions et les objectifs de l’architecte pour étudier la villa Tugendhat, demeurée intacte jusqu’à ce jour, tant du point de vue spatial que visuel – c’est-à-dire qu’elle n’a été altérée ni par les habitants d’origine, ni par les changements intervenus ultérieurement dans l’histoire de l’édifice. Les autres idées sous-tendant le programme de construction sont restées intactes dans leur forme originale ou peuvent être restaurées, grâce à l’importante documentation sur l’urbanisme, aux archives photographiques et à l’analyse technique du bâtiment, élément qui vient renforcer son extraordinaire valeur. Il en va de même pour les meubles et aménagements sobres de

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la villa, dont la majorité a été dessinée par Mies Van der Rohe ; leur légèreté et leur relative rareté font ressortir l’élément spatial. Tous les meubles manquants dans l’espace de vie principale ont été remplacés par des reproductions. Il convient de mentionner que, si le créateur de cet édifice a pu entièrement réaliser son projet, c’est essentiellement grâce à une collaboration idéale avec la très cultivée famille

Tugendhat, ce qui ajoute encore à la valeur singulière et à l’importance de la demeure. C’est probablement pour cela que jamais une oeuvre de conception analogue ne devait réapparaître dans le travail de Mies, que ce soit en Europe ou en Amérique. La villa Tugendhat à Brno, ainsi que plusieurs autres oeuvres de la fin des années 1920 (Glasraum à Stuttgart, le pavillon reconstruit à Barcelone), fait partie des plus grands chefs-

d’oeuvre de Ludwig Mies Van der Rohe. En construisant ce bâtiment, Mies, pour la première fois dans l’histoire de l’architecture moderne, a transcrit de façon monumentale l’idée d’un nouveau mode de vie, fondé sur la théorie nouvelle d’un espace flottant librement autour de la maison et de la relation de cette dernière avec son environnement. Cette idée, avec laquelle avaient déjà joué Adolf Loos et Frank Lloyd Wright et qui avait été appliquée dans une moindre mesure dans de petites maisons familiales ou dans des complexes d’appartements, a permis aux occupants d’utiliser l’espace de vie à son maximum, et non pas qu’une partie de ce dernier. Cela à son tour a fondamentalement modifié la relation des individus à leur environnement spatial, et même à un environnement spatial infini. C’était une approche révolutionnaire de la construction, de l’espace et des matériaux, et des liens qu’ils entretiennent, eux et l’édifice tout entier, avec leur environnement naturel.

La nouvelle théorie de l’espace à vivre, liée à la philosophie existentialiste et qui a transformé des zones de vie isolées en un environnement de vie sans frontières, a

apporté de nouvelles idées au développement du modèle de la maison familiale et de ses variations ; du fait de leur nature radicale, ces idées n’ont été progressivement mises en oeuvre qu’après la Seconde Guerre mondiale.

De surcroît, la villa Tugendhat est un exemple exceptionnel du nouveau concept de villa, de par la façon dont elle limite l’aspect imposant traditionnel et l’environnement formel, en privilégiant l’amélioration de la qualité de vie, tant physique (le confort offert par l’équipement technique) que spirituelle (en utilisant l’espace comme la catégorie esthétique la plus importante). La demeure est un exemple du plus haut niveau de vie de l’entre-deux-guerres, illustrant le mode de vie d’une élite sociale cultivée, riche et moderniste.

En termes de catégories de biens culturels, telles qu’elles sont définies à l’article premier de la Convention du Patrimoine mondial de 1972, il s’agit d’un monument.

HistoireLa villa Tugendhat est l’oeuvre de l’architecte allemand Mies Van der Rohe (1886-1969), pour Grete Weiss et son mari Fritz Tugendhat, membres de riches familles d’industriels

de la ville de Brno, dans l’ancienne Tchécoslovaquie.L’architecte accepte la commande en 1927 ; la conception dure environ deux ans, parallèlement à celle du pavillon allemand (1928-1929) de l’exposition internationale de Barcelone, commandé par le gouvernement allemand. La construction de la villa Tugendhat s’achève à la fin de l’année 1930. L’architecte supervise le projet jusque dans ses moindres détails, dessinant aussi personnellement le mobilier de la maison, mondialement réputé.Mies Van der Rohe est l’un des principaux architectes du développement du mouvement moderne en architecture qui caractérisa la conception et la construction dans les années 20 et 30 en Europe et en Amérique du nord. Originaire d’Aix-la-Chapelle et travaillant à Berlin, il est influencé par l’oeuvre et les enseignements de Behrens et de Berlage, par les principes du mouvement De Stijl, ainsi que par Frank Lloyd Wright. Ses intérêts initiaux le portent vers l’élaboration de concepts de construction pour des gratte-ciel en béton armé et en verre, au début des années 20 ; en 1927, il crée à Stuttgart les appartements Weissenhof, autre oeuvre clé du mouvement moderne. À partir de 1926, Mies Van der Rohe est membre du Deutscher Werkbund et, de 1930 à 1933, directeur du Bauhaus à Dessau. Il part ensuite s’installer à Chicago, enseigne à l’Institut de Technologie de l’Illinois et conçoit de grands immeubles de bureaux, qui deviennent dorénavant sa « marque de fabrique ». Les meubles qu’il dessine sont devenus des classiques du XXe siècle. Sous l’occupation allemande, la famille Tugendhat fuit la Tchécoslovaquie et l’État allemand s’approprie la villa en 1939. Celle-ci perd la plupart de son mobilier d’origine, et subit des altérations et dommages, causés par exemple par l’explosion d’une bombe dans le voisinage, en 1944. Après la guerre, l’édifice est repris

par l’État de Tchécoslovaquie ; il est utilisé par un hôpital pour enfants voisin, puis par l’institut national de la santé de Brno, devenant propriété de la ville de Brno. En 1962, la villa est déclarée monument national. Sa restauration est envisagée de plus en plus sérieusement ; la première étude à cet effet est réalisée en 1971, et débouche sur une campagne de restauration en 1981-1985, qui garantit provisoirement la continuation de l’utilisation du bâtiment. Le Fonds de la villa Tugendhat est fondé en 1993, suivi par la décision des Amis du Fonds Tugendhat d’entreprendre une restauration scientifique

de l’édifice. Les travaux commencent en 1994, et des fonds sont levés pour meubler la maison de répliques des pièces originellement dessinées par Mies Van der Rohe. DescriptionLa villa Tugendhat est une demeure indépendante située dans un quartier résidentiel de Brno, Brno-Cerná Pole, au 45 rue Cernopolní. L’entrée de la maison donne sur la rue au nord de la parcelle de terrain,

qui descend en pente vers le sud pour former un petit jardin. Une rue borde la villa, dotée de trois niveaux, l’un face à la rue et les deux autres se développant en pente vers le jardin. Le toit est plat, et chaque niveau possède un plan différent. La superficie totale au sol est d’environ 2 000 m2. On peut accéder directement depuis le niveau de la rue au dernier étage, qui jouit d’une terrasse traversant la maison et formant un balcon donnant sur le jardin. De là, on parvient à un petit vestibule, aux chambres de la famille et aux aires de service ; la chambre principale et le dressing se trouvent côté jardin. Le garage et la loge du gardien sont du côté ouest de la

maison. Des escaliers partent du couloir et du balcon pour mener jusqu’à l’étage principal, composé de trois parties : l’espace de vie principal, avec un jardin d’hiver d’environ 280 m2, soit presque les deux tiers de l’étage, et des divisions subtiles entre des espaces aux différentes fonctions : salle de réception, coin musique, bureau et bibliothèque, salon, salle à manger et services. La seconde partie compte une cuisine, et la troisième était réservée aux domestiques.

L’espace de vie s’ouvre par de grandes fenêtres sur deux côtés, et est directement relié à la terrasse, en partie à ciel ouvert et en partie couvert ; un large escalier descend jusqu’au jardin. Le rez-de-chaussée abrite des locaux de service à usage technique. La structure principale de la maison est faite de béton armé avec une charpente en acier. Des piliers d’acier poli supportent l’ensemble de la maison, tandis qu’un squelette d’acier porte également des panneaux de céramique au plafond. L’extérieur de la maison est peint en blanc. Des dalles de travertin de couleur claire ont été utilisées pour les escaliers qui descendent au

jardin ; dans l’espace de vie, le sol est recouvert d’un linoléum couleur ivoire. L’entrée est recouverte de panneaux sombres en palissandre. Le mur du fond de l’espace de vie est fait en onyx de grande qualité, articulé en panneaux de 3 mètres sur 5, la même division que pour la baie vitrée s’ouvrant sur le jardin. Le mobilier d’origine a été dessiné par l’architecte lui-même, et certaines pièces ont été conçues, spécialement pour cette maison ; c’est

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le cas par exemple de la chaise Tugendhat, en acier plat chromé, garnie de cuir piqué. L’espace de vie était meublé de telle façon que chaque pièce de mobilier avait sa place. L’équipement mécanique conçu et construit pour la maison était lui aussi exceptionnel : il comprenait notamment des solutions structurelles spécifiques pour l’utilisation des piliers d’acier, pour le traitement du mur d’onyx importé des montagnes de l’Atlas africain, et pour le fonctionnement électrique des grandes fenêtres à encadrement en acier. La maison possédait un système de chauffage central et de régulation.

Gestion et protectionLa ville de Brno, représentée par la municipalité de Brno, est propriétaire de la villa Tugendhat. Le musée municipal de Brno en est l’administrateur et l’utilisateur. La villa Tugendhat est classée patrimoine culturel, et bien du patrimoine culturel national par le décret gouvernemental de la République tchèque n °

262/1995 Coll., promulguée le 16/08/1995. Elle fait donc ainsi l’objet d’une protection aux termes de la législation applicable (décret n ° 20/1987, concernant la conservation publique du patrimoine culturel, décret n ° 66/1988, et loi sur la construction n ° 50/1976). Une zone tampon a été définie autour du bien.

La villa a un plan de gestion. Depuis 1994, la responsabilité de la gestion incombe au musée municipal de Brno. L’objectif principal en est d’entretenir la villa et de la présenter au public. Par le passé, la villa n’était pas ouverte au public, mais elle attire aujourd’hui un nombre croissant de touristes tchèques et étrangers (presque 8 000 en 1999).En 2001, une mission de l’ICOMOS (Conseil International des Monuments et des Sites) aura comme conclusion le classement de la villa sur la liste du patrimoine mondial.

Conservation et authenticitéPendant la Seconde Guerre mondiale, la villa a subi des

dégâts ; par ailleurs, elle a abrité différents occupants au cours de l’après-guerre, ce qui a causé quelques altérations au bâtiment. Depuis les années 60, la villa est protégée en qualité de bien culturel, et des efforts ont été entrepris tant pour son étude que pour son entretien. La première restauration a eu lieu dans les années 80, suivie d’une seconde campagne dans les années 90. Actuellement, la villa, en bon état, fait l’objet d’une maintenance régulière.

Sur ses soixante-dix années d’existence, et en dépit des diverses altérations subies par la maison depuis la perte de sa fonction première, le dessin original de l’architecte est demeuré intact. Les changements survenus n’ont pas affecté les caractéristiques fondamentales, à savoir la construction, les matériaux et la forme. Son état actuel est le résultat des restaurations des années 80 et 90, fondées sur des études détaillées du bâtiment lui-même, des dessins et des écrits de Mies Van der Rohe (archives de New York, archives du Bauhaus

de Berlin et de Munich, et archives de Brno) et des témoignages de ses habitants d’origine. L’édifice a été meublé de reproductions du mobilier original. S’il a souffert jadis, il n’en a pas moins conservé tous les éléments essentiels de son architecture, et peut être considéré comme satisfaisant sous tous les aspects le critère d’authenticité.

Mies Van der Rohe a travaillé à la fois en tant qu’architecte et en tant que designer de mobilier. Dans un domaine comme dans l’autre, son travail compte parmi les principales références du XXe siècle en matière de design. La qualité particulière de Mies Van der Rohe réside dans sa quête de la perfection, dans le design dans son ensemble aussi bien que dans le plus petit détail. Cela se remarque tout particulièrement dans la fusion des formes néoclassiques, empreintes de simplicité, d’universalité et d’austérité, avec la netteté, la perfection des proportions, l’élégance et la sobriété du détail. Il cherchait à

trouver l’essence de tous les éléments de construction, et à développer ses solutions de design jusqu’à leur expression la plus pure, ce qui impliquait un développement plus approfondi de la qualité spatiale du bâtiment, de la relation et de l’articulation des diverses fonctions intérieures, et de leur liaison avec l’extérieur. La villa Tugendhat (avec le pavillon de Barcelone) est l’exemple le plus connu et le plus ancien de son travail dans cet esprit. La villa se caractérise par son mobilier dessiné de la main même de l’architecte, dont certaines pièces sont devenues des classiques toujours produits à ce jour. À la fin de sa carrière, Mies Van der Rohe a développé plus avant ses idées fondamentales, particulièrement dans le cadre de la construction de grands immeubles de bureaux, et son approche a eu une influence prépondérante dans la seconde moitié du XXe siècle en Amérique.

Analyse comparativeLe mouvement moderne dans l’architecture du XXe

siècle est apparu en réponse à l’évolution rapide de la situation socio-économique, au nouveau type de production industrielle et aux nouveaux besoins émergents. Ses premières expressions ont vu le jour dans les années 1910 — 1920 avec, par exemple, les travaux de F. Lloyd Wright aux États-Unis et d’architectes européens comme H. P. Berlage aux Pays-Bas, O. Wagner et A. Loos en Autriche, P. Behrens et W. Gropius en Allemagne, et A. Perret en France. De 1920 à 1930, ces prémices sont devenues un style international, acquérant une importance universelle en tant que fondement de tous les développements postérieurs, avec entre autres des exemples comme la maison Rietveld — Schröder à Utrecht (1924) [inscrite sur la Liste du patrimoine mondial en 2000, sur la base des critères i et ii], le Bauhaus (1926) [LPM 1996, ii, iv et vi] de Gropius à Dessau, le bâtiment Weissenhof (1927) de Mies Van der Rohe à Stuttgart (pour une exposition dont les installations ont été dessinées par les architectes les plus en vue de l’époque),

la bibliothèque Viipuri (1927) en Russie, et le sanatorium Paimio (1929) [liste indicative] en Finlande, tous deux oeuvres d’A. Aalto, ainsi que la villa Savoye (1928) de Le Corbusier en France. Mies Van der Rohe a apporté une contribution fondamentale à ce développement, et sa villa Tugendhat (1927-1930) à Brno compte parmi les expressions les plus remarquables de l’architecture résidentielle de la période (le pavillon allemand contemporain à Barcelone a été démoli et récemment reconstruit). C’est auprès de Behrens (professeur également de Gropius et de Le Corbusier), de Berlage et du groupe De Stijl que Mies Van der Rohe a appris ses concepts. Son travail se caractérise par une architecture concentrée sur l’essentiel, visant l’expression la plus pure dans chaque détail comme dans l’ensemble. Son approche a contribué à l’industrialisation ultérieure des méthodes de construction. Contrairement à de nombreux architectes modernes, Mies Van der Rohe a souvent opté pour la symétrie.

L’architecture de Gropius est peut-être la plus proche, dans son esprit fonctionnaliste propre au Bauhaus. À titre de comparaison, Le Corbusier, à partir d’une quête initiale de rationalité et de modularité, a abouti à une expression plus sculpturale, voire même plus « brutale », tout particulièrement dans ses dernières oeuvres, tandis qu’Aalto cherchait des contacts humains avec la société et la nature, mettant ses oeuvres en rapport avec le caractère du lieu. GASources ICOMOS/UNESCO

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Antti LovagArchitecte de renommée internationale pour son travail sur les maisons bulle dont certaines sont devenues très célèbres, et pour sa recherche de l’ergonomie dans l’habiter en ce qu’elle s’attache à la fois à la question des dimensions confortables pour l’homme mais aussi au plaisir que les formes de la construction apportent aux habitants.

Ce personnage atypique dans le paysage des architectes, tant par ses travaux que par ses prises de position, nous révèle ici les fondements de la pensée qui a guidé sa vie tumultueuse de concepteur. Nous le remercions de nous en faire part aussi simplement.

H A B I T O L O G U E , C R E A T E U R E T A V E N T U R I E R

Depuis plus de trente ans, Antti Lovag conçoit des habitations autour des gestes et des besoins de l’homme en harmonie avec le site naturel. Habiter selon Antti Lovag est une aventure. Elle se situe incontestablement dans le futur antérieur ou dans ce monde de la troisième dimension dont il rêve depuis plus de trente ans, rêve que nous tentons de décrire ici.Amoureux de la sphère, Antti Lovag a développé une science de l’habitat en créant les «maisons bulles»,

abandonnant les angles droits au profit des courbes. Son but : réconcilier l’homme, la nature et l’architecture.Les sites internet sur les maisons d’Antti Lovag sont nombreux (1). Publications et magazines grand public lui consacrent régulièrement des articles bien illustrés. Aujourd’hui, Antti Lovag continue de superviser la fin des travaux sur l’un de ses derniers chantiers : la maison du Rouréou à Tourrettes sur Loup construite sans permis de

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Remerciements à Monsieur Pierre Roche, archiviste d’Antti Lovag

construire depuis 1969 et achevée avec la création d’un lac artificiel, volonté de son nouveau propriétaire.

Abandonner le carré pour la courbe «l’habitologie»Pour Antti, nos habitations relèvent d’une géométrie dérivant essentiellement de la ligne droite, contraire à nos besoins. Le carré est inadapté, la courbe est fonctionnelle et se réfère à la nature qu’il considère comme principale source d’inspiration. L’orthogonalité de nos habitations est déconnectée de la nature mais aussi de l’homme biologique. Les formes des constructions ont une influence sur le psychisme, le comportement et sur la vie quotidienne. En visitant une maison bulle, on éprouve tout de suite une impression de bien-être en raison de ses formes organiques composées de courbes multiples,

d’ouvertures ovales. Michel Ragon (Histoire mondiale de l’architecture et de l’urbanisme modernes ) explique que cette recherche de formes optimales trouve dans la bulle de savon, l’œuf, le coquillage, le crustacé, la toile d’araignée sa meilleure représentativité. La forme courbe permet d’obtenir une résistance parfois même supérieure aux autres formes car la coque est autoportante et antisismique. Les gestes, les déplacements d’un homme suivent une courbe dans l’espace que l’étude met en lumière: «l’habitologie c’est approcher l’homme par ses besoins, c’est construire les espaces autour de l’homme et non autour de mètres carrés habitables » en tenant compte des acquis des sciences humaines et des sciences de la vie aussi bien que des conceptions architecturales et des techniques liées aux matériaux nouveaux.

Coques et maisons bulle, les premiers créateursArcade, dôme, voûte, coupole, sphère représentent la perfection de la forme architecturale. Au regard de l’histoire, ils ont également symbolisé le pouvoir reproduit par la coupole, celle du Panthéon à Rome, entre autres. Au cours du XIXe siècle, deux matériaux se propagent : l’acier et le béton armé (2). Par sa résistance, il convient pour des formes autoportantes diverses comme les coques qui dégagent cette impression de légèreté par rapport aux constructions en pierre. « La forme découle de la fonction » pour Sullivan et l’Ecole de Chicago qui ont œuvré pour changer les formes orthogonales et les faire évoluer vers les rythmes organiques de la nature. Les formes de la Maison sur la cascade de F.L. Wright (1936) sont significatives d’une relation directe avec la nature environnante. Le Corbusier à la Chapelle Notre Dame du Haut

à Ronchamp (1955) montre que courbes et fonctionnalisme sont conciliables. Eugène Freyssinet invente en 1928 le béton précontraint qui ne se fissure pas et offre une meilleure étanchéité aux coques. Les créateurs et leurs œuvres en voile de béton, aux lignes sinueuses se répandent un peu partout : en Finlande avec Alvar Aalto tout comme les courbes et les formes libres d’Oscar Niemeyer. Il y a les coques réalisées par Eero Saarinen qui recouvrent des espaces gigantesques : aéroports (TWA à New York et Dulles), patinoire (Yale University).

Entre 1960 et 1970, de nouveaux matériaux commencent à orienter les conceptions des premières maisons bulle. A ce propos, Michel Ragon explique que deux tendances se distinguent parmi les concepteurs : ceux qui réalisent une architecture - sculpture issue d’une expression personnelle, une œuvre d’art, et ceux pour qui la forme dérive de la fonction mais libérée de

l’orthogonalité. Friedrich Kiesler fut le pionnier pour l’emploi de la technique de béton projeté dans le bâtiment, avec son projet de « Maison sans fin » (1947). La première maison en voile

de béton est réalisée en 1959 par Pascal Hausermann (le Dolmen), puis d’autres comme Antti Lovag, Guy Rottier ou Jean-Louis Chanéac et Daniel Grataloup.

Techniques de construction en voile de bétonFormes et techniques sont étroitement associées. Le procédé le plus fréquemment utilisé, depuis les années 1960 est le voile de micro béton. Il

s’agit de grilles ou de tissus fixés directement sur le ferraillage déterminant la forme, sur lesquels est projeté le béton à la truelle ou à la pompe. Pour la technique de la

coque, elle est faite avec le ferraillage sur lequel est attaché le coffrage perdu qui absorbe le micro béton projeté. Procédé qui sera perfectionné par Antti Lovag avec la mise au point de gabarits pour le ferraillage. Des coques ont également été réalisées sur tissu tendu sur des arceaux servant de coffrage. L’expérimentation a été poursuivie ailleurs à Fleurus en Belgique. La technique la mieux adaptée

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pour Antti Lovag reste le micro béton ou béton fibré (BEFIB) qui peut être projeté et convenir pour des machines de prototypage. Citons aussi la maison écailles, construction de coque en polystyrène permettant l’assemblage varié de moules et ouvertures réalisée en 1986 pour le Centre d’Etude Technique de l’Equipement à Aix-en-Provence.Ce que privilégie Antti, c’est la conception directe sur le site, procédé qu’il nomme « conception par simulation ». A partir des souhaits du propriétaire, les volumes habitables sont esquissés sur place, des ouvertures et des gabarits courbes sont positionnés, adaptés par rapport à l’environnement et au voisinage direct. L’architecture-sculpture s’illustre par les créations multiformes de Jacques

Couëlle (1902-1996) avec qui Antti Lovag collabore pendant quelques années. Il reste incontestablement le créateur qui, depuis plus de 40 ans a le plus contribué au développement des maisons bulles. En 1963, il intègre dans une maison en pierre à Théoule-sur-Mer, ses premières coques construites en voile de béton. Puis il réalise en 1968 sa première maison bulle prototype qu’il nomme maquette sur la propriété Gaudet à Tourrettes sur Loup et dans laquelle il s’est installé pour y vivre. En 1977, il construit le Laboratoire d’interférométrie avec bulles habitats pour le Centre d’Etudes et de Recherches Géodésiques et Astronomiques du plateau de Caussols.

ITINERAIRE D’UN AVENTURIERPremières expériences 1959 - 1968En 1959, Antti Lovag est en Corse, Il réalise avec le sculpteur Toni Grand des sculptures sur bois. En Turquie, il visite les habitats troglodytes de Cappadoce, formes qui vont avoir une influence sur ses conceptions : un habitat devrait se concevoir à partir des espaces à vivre intérieurs pour développer des espaces séparés ou coordonnés en direction des extérieurs proposés par le site d’insertion. Des maisons corses traditionnelles attirent son attention par leurs voûtes : début d’un long processus de réflexions. Elaboration de 18 projets : aucun n’est réalisé.Antti Lovag s’installe sur la Côte d’Azur en 1963 et rencontre Jacques Couëlle qui l’accueille ainsi que le sculpteur Toni Grand. Antti réalise la maquette de la villa personnelle de Couëlle en Sardaigne. Il remplace les maquettes en terre ne permettant pas une bonne perception des espaces intérieurs par des maquettes en fils métalliques soudés. Il observe longuement des nuraghis sur l’île, ils correspondent à son sens de l’espace bulle et complètent parfaitement les formes des voûtes des maisons corses. Chez un résident à Port la Galère, Antti élabore des bulles pour une maison de bain. A Castellaras le Vieux, il réalise une dizaine de conceptions et d’interventions personnelles pour quelques résidents. Lovag devient rapidement l’assistant de Couëlle pour les relations avec l’Atelier Kandjani de l’agence parisienne et pour l’élaboration de maquettes. A Castellaras le Vieux, dès

la fin de la seconde guerre, Couëlle a fait construire un château avec des matériaux ramenés d’Espagne puis il a construit des villas composant un petit hameau pour des privilégiés. La spécificité de l’architecture de Couëlle tient à son rapport à la nature : ses maisons s’intègrent parfaitement dans leur environnement naturel parce qu’elles empruntent ses formes. Elles sont des « maisons paysage ». Les maisons bulles d’Antti Lovag intègrent les éléments de la nature : rocher, végétaux...De collaborateur de Couëlle, Antti passe ensuite à la direction de l’atelier comme chef de projets, il réalise la conception d’une annexe d’une villa à Castellaras le Neuf avec des créations expérimentales importantes : piscine à débordement, paroi enroulée/déroulées en spirale pour séparation douche et WC dans l’espace salle de bain. Antti Lovag est invité à créer des aménagements privés dans des appartements dont celui du baron Tiffen qui a contribué au démarrage financier de la Cité Marine à Port la Galère.

En 1968, il démissionne de la Cité Marine, et se nomme « habitologue ».

Construire selon Lovag : à la recherche des formes optimalesConcevoir un « habitat optimal », c’est à dire en demi sphère, signifie se débarrasser de la contrainte des murs plats. La fenêtre s’oriente selon l’ensoleillement et les saisons, selon l’usage de la pièce et en fonction de la vue sur l’extérieur, l’ouverture zénithale diffusant davantage de lumière. Quant aux

meubles intégrés à la construction, ils procurent à la fois une économie de gestes et une économie de déplacements (parce que je suis un fainéant se plait à répéter Antti :placards cylindriques qui pivotent, table ronde de salle à manger mobile pourvue d’un plateau central... De même les portions de coques sont déboîtables pour un fonctionnement dedans / dehors tout en conservant les commodités du même mobilier, comme par exemple pour une salle à manger : les repas peuvent être pris à l’intérieur ou à l’extérieur.Antti Lovag construit 3 grandes villas adaptées directement au site, par la technique de simulation. A Port-la-Galère et à l’Esquillon, sur la commune de Théoule-sur-Mer, dont l’une, appelée « palais bulle » et la troisième : la

« maison du Rouréou » à Tourettes sur Loup pour Antoine Gaudet. Il réalise d’autres maisons bulle dont celle de Fontaines-sur-Saône pour Christian Roux et Pierre Roche (l’archiviste de Antti Lovag). Antti Lovag a dirigé des séminaires de IIe et IIIe cycle dans diverses Ecoles d’Architecture. Il a participé à l’exposition « Architecture Sculpture » à Blois en 1987 et celle de « Architectures non standard » qui s’est tenue au Centre Pompidou en 2004.

La maison du Rouréou à Tourettes-sur-LoupEtudes et construction : 1969 à 2008Pour construire une maison de vacances sur la Côte d’Azur, Antoine Gaudet se porte acquéreur en 1966 d’un terrain de 7,5 hectares,

à l’écart de l’urbanisation. Sensible à l’architecture sculpture, il est séduit par les expériences d’Antti Lovag en ce temps-là responsable de l’atelier Jacques Couëlle. Ainsi débute une aventure originale qui se heurtera continuellement à la logique administrative de l’urbanisme et des sites. L’habitologue travaille depuis plus de 30 ans dans ce lieu composé d’espaces naturels et expérimentaux qui sont devenus le cadre de stages qu’il organise à l’intention des étudiants et des apprentis auto constructeurs, sur place ou en ateliers improvisés.

Une sculpture habitable : la pieuvre sècheL’ensemble se présente comme une grappe de bulles en pleine nature, une imbrication complexe de

demi sphères généralement outrepassées afin d’augmenter l’espace vital. Elles sont reliées par des tuyaux de communication.La maison habite la forêt et épouse le relief, s’intègre au substrat rocheux, telle une pieuvre sèche, elle se répand dans les anfractuosités en déployant ses tentacules qui s’enfoncent peu à peu et disparaissent dans les massifs buissonneux. La pieuvre regarde la mer (de loin), et s’adapte au mode de vie de ses résidents. La maison d’Antti Lovag c’est d’abord un intérieur, l’extérieur ne représentant que le positif des volumes intérieurs. Tout est pensé : la roche, l’ancrage géologique du site, l ’eau, la lumière, les éclairages zénithaux, les vues, les ouvertures sur le paysage, la transparence, le végétal et les rapports dedans/

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dehors, les cheminements et la mobilité, les sons et le silence, l’aménagement. Tout fait l’objet de recherches aboutissant à des solutions élaborées, selon les principes de « l’habitologie ». Des formes singulières surgissent de réflexions sur le lien intime entre l’Homme et la Nature. Elles évoquent à la fois des formes archétypales, archaïques d’abris en terre ou des images de la technicité : capsules de plongée, modules lunaires. Le chantier de cette maison a provoqué des réactions hostiles et des plaintes à l’encontre des réunions professionnelles ou des fêtes organisées sur le site souvent visité et qui accueillent des étudiants, des jeunes architectes, des groupes intéressés par la démarche de l’habitologue. Plusieurs propositions se sont esquissées pour adapter ce site en Centre de recherches architecturales : pour l’instant aucune n’a abouti. Construite sans permis de construire, cette maison, du vivant même de l’architecte, a été inscrite à

l’Inventaire supplémentaire des Monuments Historiques en 1998.

Maison Bernard à Port La Galère (Théoule sur Mer)Etudes et construction sans permis de construire : 1970 - 1989 - l’Esquillon : 1992 - 1993 (3)En 1971, l’architecte réalise une première maison bulle pour l’industriel Pierre Bernard qu’il convainc de renoncer à son souhait de maison provençale. Se révélant trop petite, il l’agrandit puis Antti Lovag commence en 1979 un second ouvrage au lieu-dit de l’Esquillon. Ce lieu fut le cadre d’expérimentations diverses aux pratiques du voile de béton. Très souvent Antti accompagna des groupes d’enseignants et d’étudiants lors de visites commentées.Après le décès de Pierre Bernard survenu en 1991, Pierre Cardin achète cette maison en cours de réalisation qu’il nomme « Palais Bulle »

et poursuit jusqu’en 1993 sa construction par des travaux supplémentaires de « bulles suites » toutes décorées par des artistes contemporains. Le mobilier, sièges et fauteuils inspirés du végétal ont été dessinés par le couturier, à la fois designer. Antti Lovag avait prévu que l’ensemble de ce « vaisseau de bulles » soit entièrement recouvert par la végétation. Le Palais Bulle étend ses courbes organiques aux couleurs de la roche ocre surplombant la Corniche de l’Estérel avec ses hublots qui scintillent sous le soleil et ses jardins suspendus.Construire pour des mécènes a représenté le moyen pour l’architecte d’expérimenter de nouveaux matériaux et des techniques adaptées aux prototypes qu’il construit.

Propos sur le fil recueillis lors de l’exposition «Des sculptures habitées : De Jacques Couëlle aux maisons bulles d’Antti Lovag», Valbonne, Abbaye, 2 mai 2008

« J’ai eu la chance de ne pas faire mon diplôme d’architecte, ce qui m’a permis d’être libre par rapport aux règlements. Je suis un aventurier, car en dehors de tout conditionnement familial, social administratif.L’habitologie est différente de l’architecture. Il faut commencer par les finitions. L’homme, il est comme ça, il bouge comme ça, il n’a pas besoin de voir comme ça, il a une largeur côté bras qui le pousse à se déplacer, à voir comme ça.L’habitat est basé sur le mode de vie. On peut se demander comment l’homme habite-t-il aujourd’hui ? Nous vivons dans le 3e millénaire, nous sommes évolués dans de très nombreux domaines, sauf dans le domaine de l’habitat.Il y a encore un fascisme qui survit, la réglementation, côté démocratie, c’est la médiocratie. Car côté règlement il faut laisser la liberté. On voit construire des lotissements en quadrillage en pleine nature sans réfléchir à la lumière

et aux autres ouvertures de maisons voisines.Ici, sur la Côte d’Azur, nous vivons dans un monde exceptionnel. De l’Italie jusqu’à l’Espagne, nous avons des collines exposées en plein Sud avec un appel d’air et tout cela est bloqué, interdit car il faut construire selon l’alignement ou dans le lit des rivières. C’est du stockage humain. Vous vivez soi-disant dans la démocratie mais c’est du fascisme. Chacun a besoin d’un espace différent. La technologie évolue tout le temps et tout le monde peut construire un espace autour de ses besoins. Au lieu de travailler dans un bureau de 9 heures à 6 heures c’est une c… parce qu’on peut faire cela chez soi. La technologie maîtrise tellement l’évolution, à tel point que nous allons tous pouvoir habiter dans 10 ans ou 20 ans dans les collines,

dans la montagne. On va quitter les villes qui sont un esclavage. Aujourd’hui, on est capable de maîtriser tout un territoire, c’est comme ça que l’on a commencé à construire des villes. On a construit d’abord un château pour le maître, on a attiré des esclaves autour… Mais on continue de conserver ce genre de constructions, ces villes où on ne peut plus circuler ni s’arrêter à cause de la bagnole qu’on ne peut plus garer, c’est lamentable. Aujourd’hui, il faut s’installer dans la nature parce que l’homme en a besoin, la nature c’est quelque chose de formidable… Du côté de l’énergie on va disposer de nouvelles énergies. Par exemple, en s’installant quelque part, on pourra capter l’énergie électrique. On se déplacera dans la 3e dimension, par des systèmes de couloirs,

n’importe où, les routes seront devenues une aberration. Nous sommes entrés dans un monde évolutif tellement extraordinaire que la plupart des gens ne peuvent pas imaginer. Qu’est-ce que l’homme, ses besoins d’espaces d’habita, mais passons, je crois que j’ai dit assez de c...

Quelques bulles lovaguiennes recueillies sur les murs du lieu de l’exposition montée par Pierre Roche : L’architecture ça ne m’intéresse pas, c’est l’espace humain qui m’intéresse, comme un tailleur, créer des enveloppes sur mesure autour des besoins humains. Je ne suis pas architecte, l’esthétique ne m’intéresse pas. C’est l’homme qui m’intéresse, l’homme d’aujourd’hui. Ce

qui m’intéresse, c’est les espaces de vie intérieurs et extérieurs. La façade ne me concerne pas. Mes façades sont réservées aux oiseaux. C’est la végétation qui dessine la façade, elle entre et elle sort. Elle crée une communication entre la maison, l’homme et la nature : la trilogie. Nous ne connaissons pas l’homme qui va vivre dans une enveloppe. L’architecture c’est connaître les besoins de l’homme et créer une enveloppe autour de ses besoins. Comment ? Par la simulation sur place avec le futur usager qui ne peut être qu’un ami. La maison de demain n’est pas obligatoirement une cage rectangulaire, tant de formes sont possibles aujourd’hui. TM

Retrouvez l’interview exclusive d’Antti Lovagsur www.lesaca.fr