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Economie du développement Cours de 1 ère année de Master Université Montpellier 3 2007-2008 Plan détaillé du cours Première partie Benoît Prevost [email protected]

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Economie du développement Cours de 1ère année de Master

Université Montpellier 3 2007-2008

Plan détaillé du cours

Première partie

Benoît Prevost

[email protected]

Cours de B. Prévost – Université Montpellier 3

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Avertissement Cette brochure est exclusivement destinée aux étudiants de Master 1ère année AES et LEA de l’Université Paul Valery. Il ne s’agit que d’un plan détaillé du cours et en aucun cas du cours lui-même. Le but de cette brochure est d’aider les étudiants à suivre le cours et sa logique. En fonction du calendrier universitaire, certains chapitres seront beaucoup moins développés que prévus. Le cours s’appuie sur des schémas et autres diapositives power point pour lesquels il est vivement recommandé de faire des impressions papier qui permettront de mieux suivre les séances d’enseignement. Ces schémas et diapositives sont disponibles dans les fiches. Le cours est pédagogiquement articulé aux travaux dirigés qui sont à la fois un complément et un approfondissement. La lecture des différents textes proposés sur le site internet (http://alter.developpement.free.fr) guidera les étudiants souhaitant acquérir des connaissances sérieuses et, du coup obtenir une bonne note… La brochure elle-même sera régulièrement actualisée dans sa version internet, à la fois pour s’adapter aux modifications du cours en temps réel mais aussi, et surtout, pour s’adapter aux questions posées par les étudiants : des fiches, schémas et références complémentaires seront ainsi mis en ligne en fonction des besoins pédagogiques. Vous êtes donc invités à regarder très régulièrement les modifications sur le site. Pour l’examen final, il sera considéré que les étudiants ont pris connaissance de l’ensemble des dispositions expliquées en cours et en travaux dirigés, et mises en ligne (par exemple les listes de définitions à connaître, etc.). Une bibliographie est donnée en fin de brochure. L’essentiel de cette bibliographie est constitué d’ouvrages et d’articles accessibles soit via la biu, soit via internet (accès libre pour certains textes ; accès réservé pour les articles tirés du service ADDOC).

Economie du développement

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Plan Introduction générale

1. Quelques chiffres 2. Premières définitions du développement

Développement et croissance Idéologie et imaginaire du développement

3. Quelques repères Les premières conférences internationales Le sous-développement comme retard ou comme blocages ? Trois grandes périodes

Première partie - Définitions et analyses du sous-développement Chapitre 1 - Développement, pauvreté et inégalités : définitions et mesures

Introduction : quels enjeux autour des définitions ? 1. Les approches monétaires et économiques de la pauvreté et du développement

1.1. Les définitions monétaires de la pauvreté 1.2. Le calcul des indicateurs monétaires 1.3. Mesurer les performances d’un pays : l’approche par le Produit National/Intérieur Brut et ses critiques

2. Les approches multidimensionnelles du PNUD 2.1. L’IDH 2.2. Les IPH

2.3. Les indicateurs sexo-différenciés 2.4. Quelques chiffres

3. Les inégalités 3.1. Les inégalités économiques et leur mesure

Les ratios La courbe de Lorenz et l’indice de Gini

3.2. Les autres sources d’inégalités Les inégalités ne sont pas seulement économiques La question du genre en économie du développement

Chapitre 2 - Les théories du développement capitaliste

Introduction 1. Les philosophies et théories libérales de l’histoire

1.1. Smith La dynamique historique de l’accumulation

La dynamique morale de l’accumulation 1.2. Rostow et les étapes de la croissance 1.3. Prolongements libéraux contemporains

Hayek

Fukuyama L’approche néo-institutionnaliste : entre théorie standard et hétérodoxie Conclusion : marché, développement et démocratie, des relations ambiguës

2. Perspectives hétérodoxes et critiques 2.1. L’approche marxienne de l’histoire 2.2. L’approche anthropologique de Polanyi 2.3. Capitalisme, impérialisme et sous-développement 2.4. Histoire et sous-développement Conclusion : croissance, développement et progrès

Chapitre 3 - Les trappes à sous-développement 1. Sous-développement et blocages de la croissance

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1.1. Quelques données sur la croissance dans les PVD Les dynamiques mondiales Une réalité contrastée La structure de la croissance

1.2. Rappels sur théories de la croissance Les facteurs de la croissance : l’approche par la demande

L’importance du capital 2. Sous-développement et structures socio-économiques

2.1. Le sous-développement comme sous-développement du marché 2.2. Le sous-développement comme sous-développement des infrastructures 2.3. L’analyse structuraliste 2.4. La question démographique

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Introduction générale

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1. Quelques chiffres

1,2 milliards de personnes vivent avec moins que l’équivalent de 1$ par jour, et 2,8 milliards avec moins de l’équivalent de 2$ par jour. 865 millions de personnes souffrent de sous-alimentation. Pour l’Afrique sub-saharienne, cela représente 30% de la population. La moitié des personnes qui souffrent de sous-alimentation dans le monde sont des petits paysans, près de 20% sont des ruraux sans terre, et près de 15% des éleveurs et des pêcheurs. Plus d’1 milliard de personnes n’a pas accès à l’eau potable. 2,6 milliards n’ont pas d’équipements sanitaires. En Afrique sub-saharienne, l’espérance de vie moyenne est de 46,1 ans ; elle est de 77,8 ans pour les habitants des pays de l’OCDE. L’écart entre les 20% les plus riches et les 20% les plus pauvres, au niveau mondial, est passé de 30 à 80 entre 1960 et 2002. Les 20% les plus pauvres reçoivent 1,5% de la richesse mondiale. Les 40% de personnes les plus pauvres du monde reçoivent 5% de la richesse mondiale. Les 5% les plus riches ont un revenu annuel moyen équivalent à 114 fois celui des 5% les plus pauvres. Le revenu des 1% les plus riches correspond aujourd’hui à celui des 57% les plus pauvres. Les revenus cumulés des 500 individus les plus riches de la planète dépassent désormais ceux des 416 millions de personnes les plus pauvres.

2. Premières définitions du développement

Développement et croissance

La définition de la documentation française (http://www.ladocumentationfrancaise.fr/revues-collections/problemes-economiques/glossaire/) :

« Le concept désigne l’ensemble des transformations techniques, sociales, démographiques et culturelles accompagnant la croissance de la production. Le développement est une notion qui traduit l’aspect structurel et qualitatif de la croissance. Il peut être associé à l’idée de progrès économique et social (amélioration du niveau de vie et du niveau d’instruction, du bien-être de l’ensemble de la population). »

La définition de Chenery (1979, p.vii) : « On peut considérer que le développement économique est un ensemble de transformations intimement liées qui se produisent dans la structure d’une économie, et qui sont nécessaires à la poursuite de sa croissance. Ces changements concernent la composition de sa demande, de la production et des emplois aussi bien que de la structure du commerce extérieur et des mouvement de capitaux avec l’étranger. Pris ensemble, ces changements structurels définissent le passage d’un système économique traditionnel à un système économique moderne. »

La définition de Sen (1999 – 2003, p.14) : « Le développement peut-être appréhendé comme un processus d’expansion des libertés réelles dont jouissent les individus. En se focalisant sur les libertés humaines, on évite une définition trop étroite du développement, qu’on réduise ce dernier à la croissance du produit national brut, à l’augmentation des revenus, à l’industrialisation, aux progrès technologiques ou encore à la modernisation sociale. »

Idéologie et imaginaire du développement

Naturalisme du développement et du capitalisme

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Processus cumulatif La succession de stades et l’industrialisation L’irréversibilité

3. Quelques repères

C’est un paradoxe : « l’économie du développement est à la fois l’une des plus anciennes et l’une des plus récentes branches de la science économique » (Meier, 1988, p.3). L’une des plus anciennes parce que la plupart des questions qu’elle soulève étaient au cœur de l’économie politique naissante de la fin du 18ème siècle. L’une des plus récentes parce que ce n’est que dans les années 1950 qu’émerge un champ disciplinaire dont les praticiens revendiquent la singularité : le terme « économie du développement » n’apparaît dans les ouvrages et articles scientifiques ainsi que dans les intitulés de cours, qu’après la seconde guerre mondiale.

Les premières conférences internationales

Bretton Woods (1944) : We are to concern ourselves here with essential steps in the creation of a dynamic world economy in which the people of every nation will be able to realize their potentialities in peace; will be able, through their industry, their inventiveness, their thrift, to raise their own standards of living and enjoy, increasingly, the fruits of material progress on an earth infinitely blessed with natural riches. This is the indispensable cornerstone of freedom and security. All else must be built upon this. For freedom of opportunity is the foundation for all other freedoms. (Address by the Honorable Henry Morgenthau, Jr., at the Inaugural Plenary Session, July 1, 1944)

Création du FMI et de la BIRD à Bretton Woods. La Havane (1946) : création de l’Organisation Internationale du Commerce dont l’objectif est :

« Aider et stimuler le développement industriel ainsi que le développement économique général, particulièrement en ce qui concerne les pays dont le développement industriel est encore à ses débuts, et encourager le mouvement international des capitaux destinés aux investissements productifs. » (Charte de La Havane, 1948, article 1er)

1 L’OIC ne sera pas ratifiée par le Congrès américain l’année suivante ; échec qui débouche sur la création du GATT (qui deviendra l’OMC en 1995 à la fin du cycle dit Uruguay Round). Depuis leur origine (1945), les Nations Unies se sont fixé pour objectif de promouvoir « le relèvement des niveaux de vie, le plein emploi et des conditions de progrès et de développement dans l'ordre économique et social » (Charte des Nations Unies, 1945, chapitre IX (Coopération économique et sociale internationale), article 55) ; cet objectif sera finalement consacré par la Déclaration sur le droit au développement, en 1986 :

« Le droit au développement est un droit inaliénable de l'homme en vertu duquel toute personne humaine et tous les peuples ont le droit de participer et de contribuer à un développement économique, social, culturel et politique dans lequel tous les droits de l'homme et toutes les libertés fondamentales puissent être pleinement réalisés, et de bénéficier de ce développement. » (Nations Unies, Déclaration sur le droit au développement, 1986, article 1er )

1 L’objectif de la Conférence de La Havane est d’« atteindre les objectifs fixés par la Charte des Nations Unies, particulièrement le relèvement des niveaux de vie, le plein emploi et les conditions de progrès et de développement dans l'ordre économique et social envisagés à l'article 55 de cette Charte » (article 1er).

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Deux organismes des Nations Unies : La CNUCED (1964), le PNUD (1965) Le BIT « Le développement a été historiquement un projet nationaliste » (Rai, 2002). Sauvy (1952) : première occurrence de l’expression « Tiers-monde » Décolonisation : 1945 : début de la guerre d’Indochine ; 1947 : Indépendance de l’Inde ; 1955 : Conférence de Bandoeng ; 1962 : accords d’Evian.

Le sous-développement comme retard ou comme blocages ?

Chenery (1979, p.264) : « Le grand regain d’intérêt porté au développement économique qui a marqué la période d’après la Seconde Guerre mondiale s’est traduit par deux grandes interrogations : en premier lieu, quels sont les facteurs responsables du rythme d’ensemble du progrès économique ? ; en second lieu, quelle est l’affectation optimale des ressources données susceptible d’encourager la croissance ? »

On voit ici que le souci principal était celui de la croissance et de la meilleure stratégie à mettre en place pour accélérer la croissance et permettre aux pays sous-développés de rattraper leur retard. Mais, dans le même temps, identification de blocages qui sont propres aux pays pauvres. L’objectif des pionniers était (Meier, 1988) :

« Identifier les rigidités, les retards, les déficits et les excédents, les faibles élasticités de l’offre et de la demande, et les autres caractéristiques particulières de la structure des pays en développement qui influent sur les ajustements économiques et le choix d’une politique de développement. »

On voit ici se dégager deux séries de problèmes importants que nous rencontrerons régulièrement :

• Les liens entre croissance et développement. Analyser le développement économique ne revient-il pas à s’intéresser presque exclusivement à la croissance et à ses aspects trop étroitement économiques, comme par exemple les taux de croissance et de productivité, l’industrialisation puis la tertiarisation, etc. ? La croissance économique est-elle un préalable au développement ? La croissance permet-elle nécessairement le développement ? Les questions se multiplient, en fait, et de nombreuses controverses ont éclaté dès les années 1960 et surtout 1970 face au constat de l’appauvrissement de certains pays, au point qu’émergera le concept de « croissance appauvrissante » ; les années 1990 ont aussi vu l’émergence de nouvelles controverses et la remise en question de nombreuses croyances en ce qui concerne les liens entre croissance, pauvreté, inégalités et développement.

• La spécificité des pays en développement et de l’économie du développement. Faut-il déployer un appareil théorique spécifique pour analyser les pays en développement ou se contenter d’appliquer les modèles mis au point à partir de l’expérience des pays riches ? Ici, deux grands types de questions :

o d’une part la question de la répétition historique des expériences de développement (les pays riches montrent-ils la fin du développement, les moyens à mettre en oeuvre et les chemins à suivre pour y parvenir ?

o d’autre part la question de la pertinence des théories économiques pour apprécier la spécificité des PVD ; dès les années 1950 les auteurs qui pourtant utilisent les théories standard de la croissance (comme Lewis par exemple), insistent sur les conditions spécifiques dans lesquelles ces théories peuvent s’appliquer dans les pays pauvres : l’interrogation sur ces spécificités donnera naissance à ce qu’on appelle l’approche « structuraliste » du développement. Les traits les plus généraux de cette approche concernent l’affirmation de structures spécifiques aux PVD. Mais les auteurs reconnaissant ces spécificités se distingueront ensuite les uns des

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autres par les spécificités auxquelles ils s’intéressent, jusqu’où ils pousseront la logique de la spécificité et de la diversité : l’analyse du sous-développement (identification des structures maintenant un pays dans le sous-développement) tient alors une place aussi importante que la théorie du développement (identification des leviers et mécanismes qui peuvent jouer pour dépasser les blocages). L’analyse suppose alors le plus souvent à la fois le rejet d’hypothèses centrales de l’analyse économique (nous aurons l’occasion de le voir à plusieurs reprises, par exemple à propos du fonctionnement des marchés nationaux et internationaux, ou encore à propos des rendements d’échelle) et une perspective pluridisciplinaire qui articule l’économique, le social et le politique.

Trois grandes périodes

Ces questions, et d’autres qui en découlent, ont aujourd’hui une actualité tout aussi importante que dans les années de formation de l’économie du développement. Il est possible de distinguer trois grandes périodes dans l’évolution de l’économie et des politiques de développement. Une première période va de l’après-guerre jusqu’à la fin des années 1970. Cette période est marquée par une forte intervention de l’Etat, propre à la fois au contexte international et à la situation de la théorie économique, sous influence sinon keynésienne, du moins interventionniste. Il y a peu de débats sur le fait que l’Etat est considéré comme l’acteur principal des premières phases du développement, au moins pour une phase de transition qui permet à un pays de dépasser ses blocages et de s’engager sur le voie de la croissance moderne, rapide et auto-entretenue. Les débats portent sur la manière dont l’Etat peut y parvenir, débats articulés autour de deux grandes questions : faut-il avoir une stratégie d’investissements répartis de façon équilibrée dans les différents secteurs de l’économie ou bien faut-il plutôt concentrer les efforts sur un secteur moteur, au risque de générer des déséquilibres ? faut-il s’insérer dans la division internationale du travail en se spécialisant dans certains secteurs d’exportation afin de s’appuyer sur la demande mondiale pour entretenir la croissance, ou bien protéger ses marchés au profit d’une production nationale s’adressant à une demande nationale ? Ces questions seront intimement liées à celle des liens avec les puissances économiques étrangères, notamment les liens issus de la décolonisation et de l’endettement extérieur des PVD. Dans les années 1970, les débats se recentreront sur la question de l’impact de la croissance sur les populations : en particulier, la question alimentaire suscitera des débats sur la place de l’agriculture dans les stratégies de développement ; la spécialisation internationale des PVD sera aussi une question essentielle. Une seconde période va du début des années 1980 aux années 1990. Cette période correspond à la crise de la dette (qui débute avec la crise mexicaine de 1982) et à un revirement très marqué des théories et politiques : la théorie néoclassique reprend le dessus dans les universités occidentales et donc, tout logiquement au sein des institutions internationale. L’Etat est jugé responsable de la crise des PVD, à l’image de l’échec de l’Etat keynésien tel que les libéraux (ou néolibéraux) le décrive dans les pays riches. La spécificité des PVD va être niée durant plus d’une décennie durant laquelle seront appliquées, systématiquement, les politiques standard d’ajustement structurel (Plans d’Ajustement Structurels). Enfin, une troisième période a commencé dans les années 1990, marquée par la remise en question des PAS et des théories qui les fondent. La lutte contre la pauvreté est redevenue le premier objectif des politiques de développement. Cette période est beaucoup moins tranchée du point de vue idéologique et politique même si de très nombreux auteurs considèrent que le néolibéralisme reste dominant (et sans partage). De très nombreux débats ont conduit à la conception et à la mise en place de nouvelles stratégies dont le microcrédit et la bonne gouvernance sont les aspects les plus connus et les plus représentatifs.

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Nous verrons dans une première partie quelles sont les bases pour appréhender la question du sous-développement avant d’étudier, dans les trois parties suivantes (qui correspondent aux trois périodes identifiées), comment ont évolué, depuis plus de cinquante ans, les stratégies de développement menées dans les pays pauvres.

Encadré 1. Quelques pionniers de l’économie du développement P.N. Rosenstein-Rodan, 1943, “Problem of industrialization of easterns and south-eastern Europe”, Economic journal Hoselitz, 1952, The progress of underdeveloped areas R. Nurske, 1953, Problems of capital formation in underdeveloped countries A. Lewis, 1954, Theory of economic growth H. Myint, 1954, “An interpretation of economic backwardness”, Oxford Economic Papers S. Kuznets, 1956, “Quantitative of economic growth”, Economic development and cultural change G. Myrdal, 1957, Economic theory and underdeveloped regions Hirschman, 1958, Stratégies de développement économique

Encadré 2. Alfred Sauvy, “Trois Mondes, Une planète”, L'Observateur, 14 août 1952, n°118, page 14 Nous parlons volontiers des deux mondes en présence, de leur guerre possible, de leur coexistence, etc., oubliant trop souvent qu’il en existe un troisième, le plus important, et en somme, le premier dans la chronologie. C’est l’ensemble de ceux que l’on appelle, en style Nations Unies, les pays sous-développés. Nous pouvons voir les choses autrement, en nous plaçant du point de vue du gros de la troupe : pour lui, deux avant-gardes se sont détachées de quelques siècles en avant, l'occidentale et l'orientale. Faut-il suivre l'une d'elles ou essayer une autre voie ? Sans ce troisième ou ce premier monde, la coexistence des deux autres ne poserait pas de grand problème. Berlin ? Allemagne ? Il y a longtemps qu'aurait été mis en vigueur le système d'occupation invisible, qui laisserait les Allemands libres et que seuls les militaires épris de vie civile, peuvent condamner. Les Soviétiques ne redoutent rien tant que voir l’Europe occidentale tourner au communisme. Le plus fervent stalinien d’ici est considéré là-bas comme contaminé par l’Occident. Parlez plutôt d’un bon Chinois, d’un Indien ayant fait ses classes à Moscou et ne connaissant la bourgeoisie que par la vision correcte et pure qui est donnée là-bas. Mais les Anglais, les Suédois, les Français, autant d’indésirables recrues. Ce qui importe à chacun des deux mondes, c’est de conquérir le troisième ou du moins de l’avoir de son côté. Et de là viennent tous les troubles de la coexistence. Le capitalisme d’Occident et le communisme oriental prennent appui l’un sur l’autre. Si l’un d’eux disparaissait, l’autre subirait une crise sans précédent. La coexistence des deux devraient être une marche vers quelque régime commun aussi lointain que discret. Il suffirait à chacun de nier constamment ce rapprochement futur et de laisser aller le temps et la technique. D’autres problèmes surgiraient qui occuperaient suffisamment de place. Lesquels ? Gardons-nous de poser la question. Transportez-vous un peu dans l’histoire : au cœur des guerres de religion, émettez négligemment l’opinion que, peut-être un jour, catholiques et protestants auront d’autres soucis que l’Immaculée Conception. Vous serez curieusement considéré et sans doute brûlé à un titre ou l’autre, peut-être comme fou. Malheureusement, la lutte pour la possession du troisième monde ne permet pas aux deux autres de cheminer en chantant, chacun dans sa vallée, la meilleure bien entendu, la seule, la «vraie». Car la guerre froide a de curieuses conséquences : là-bas, c’est une cour morbide de l’espionnage, qui pousse à l’isolement le plus farouche. Chez nous, c’est l’arrêt de l’évolution sociale. A quoi bon se gêner et se priver, du moment que la peur du communisme retient sur la pente ceux qui voudraient aller de l’avant ? Pourquoi considérer quoi que ce soit, puisque la majorité progressiste est coupée en deux ? Jamais période ne fut plus favorable à la législation de classe, nous le voyons bien. Absolvons-nous donc de nos vols, par l’amnistie fiscale, amputons sans crainte les investissements vitaux, les constructions d’écoles et de logements pour doter largement le fonds routier, de façon que se fassent plus aisément les retours du dimanche soir dans les beaux quartiers. Renforçons les privilèges betteraviers et alcooliers les moins défendables. Pourquoi se tourmenter, puisqu’il n’y a pas d’opposition ?

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Ainsi l’évolution vers le régime lointain et inconnu a été stoppée dans les deux camps, et cet arrêt n’a pas pour seule cause les dépenses de guerre. Il s’agit de prendre appui sur l’adversaire pour se fixer solidement. Ce sont les durs qui l’emportent dans chaque camp, du moins pour le moment. Il leur suffit de qualifier les autres de traîtres ; bataille facile et classique. Et ainsi ils s’unissent pour une cause en somme commune : la guerre. Et cependant, il y a un élément qui ne s’arrête pas, c’est le temps. Son action lente permet de prévoir que l’ampleur des ruptures sera, comme toujours, en rapport avec l’artifice des stagnations. Comment s’exerce cette lente action ? De plusieurs façons, mais d’une en particulier, plus implacable que toutes : Les pays sous-développés, le 3è monde, sont entrés dans une phase nouvelle : certaines techniques médicales s’introduisent assez vite pour une raison majeure : elles coûtent peu. Toute une région de l’Algérie a été traitée au D.D.T. contre la malaria : coût 68 francs par personne. Ailleurs à Ceylan, dans l’Inde etc., des résultats analogues sont enregistrés. Pour quelques cents la vie d’un homme est prolongée de plusieurs années. De ce fait, ces pays ont notre mortalité de 1914 et notre natalité du XVIIIè siècle. Certes, une amélioration économique en résulte : moins de mortalité de jeunes, meilleure productivité des adultes, etc. Néanmoins, on conçoit bien que cet accroissement démographique devrait être accompagné d’importants investissements pour adapter le contenant au contenu. Or ces investissements vitaux coûtent, eux, beaucoup plus de 68 francs par personne. Ils se heurtent alors au mur financier de la guerre froide. Le résultat est éloquent : le cycle millénaire de la vie et de la mort est ouvert, mais c’est un cycle de misère. N‘entendez-vous pas sur la Côte d’Azur, les cris qui nous parviennent de l’autre bout de la Méditerranée, d’Egypte ou de Tunisie ? Pensez-vous qu’il ne s’agit que de révolutions de palais ou de grondements de quelques ambitieux, en quête de place ? Non, non, la pression augmente constamment dans la chaudière humaine. À ces souffrances d'aujourd'hui, à ces catastrophes de demain, il existe un remède souverain ; vous le connaissez, il s'écoule lentement ici dans les obligations du pacte atlantique, là-bas dans des constructions fébriles d'armes qui seront démodées dans trois ans. Il y a dans cette aventure une fatalité mathématique qu'un immense cerveau pourrait se piquer de concevoir. La préparation de la guerre étant le souci n°1, les soucis secondaires comme la faim du monde ne doivent retenir l'attention que dans la limite juste suffisante pour éviter l'explosion ou plus exactement pour éviter un trouble susceptible de compromettre l'objectif n°1. Mais quand on songe aux énormes erreurs qu'ont tant de fois commises, en matière de patience humaine, les conservateurs de tout temps, on peut ne nourrir qu'une médiocre confiance dans l'aptitude des américains à jouer avec le feu populaire. Néophytes de la domination, mystiques de la libre entreprise au point de la concevoir comme une fin, ils n'ont pas nettement perçu encore que le pays sous-développé de type féodal pouvait passer beaucoup plus facilement au régime communiste qu'au capitalisme démocratique. Que l'on se console, si l'on veut, en y voyant la preuve d'une avance plus grande du capitalisme, mais le fait n'est pas niable. Et peut-être, à sa vive lueur, le monde n°1, pourrait-il, même en dehors de toute solidarité humaine, ne pas rester insensible à une poussée lente et irrésistible, humble et féroce, vers la vie. Car enfin ce Tiers Monde ignoré, exploité, méprisé comme le Tiers Etat, veut, lui aussi, être quelque chose.

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Première partie

Définitions et analyses du sous-développement

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Les travaux des pionniers du développement étaient centrés sur les problèmes de croissance et d’accumulation de capital, soucis partagés au sein des universités et des institutions internationales. L’objectif poursuivi est relativement simple comme le prouve l’article 12 de la Charte de La Havane :

« les investissements internationaux, tant publics que privés, peuvent contribuer dans une grande mesure à favoriser le développement économique et la reconstruction, et, par voie de conséquence, le progrès social » (Charte de La Havane, article 12)

Nous verrons au cours de la troisième partie que les liens entre croissance et progrès social ont été très sérieusement remis en question depuis. Mais il faudra garder à l’esprit que les pionniers, aussi bien théoriciens que politiques, administrateurs et technocrates nationaux et internationaux ont longtemps tenu pour admise l’idée que la croissance entraîne systématiquement avec elle une amélioration des conditions de vie. La priorité était donc de stimuler la croissance dans les pays pauvres, quel que soit, d’ailleurs, très souvent, le prix payé à court terme : la promesse d’un progrès futur pouvait justifier le sacrifice de la situation réelle courante d’une partie de la population. La définition du sous-développement tient une place importante dans les stratégies qui ont été mises en œuvre. Ici se trouvent des lignes de fracture entre les auteurs, aussi bien au niveau des explications et définitions qu’au niveau des méthodes utilisées. La question principale était de savoir si le sous-développement relève de retards ou de blocages dans la voie vers un développement capitaliste dont les pays industrialisés donnent l’image la plus aboutie. Les théories de la croissance, issue de l’expérience capitaliste, seront alors appliquées aux pays en voie de développement et les interrogations centrales seront la contrainte en épargne intérieure et l’endettement extérieur, l’efficacité marginale du capital et l’importation de technologies, etc. L’application de ces théories a conduit à mettre à jour l’existence de cercles vicieux, parfois appelés trappes à sous-développement (au niveau macroéconomique) ou trappes à pauvreté (parfois appliquées au niveau microéconomique et reportées au niveau macro). On voit ici l’imbrication définitions/méthode, puisqu’il s’agit essentiellement d’appliquer une théorie « standard » aux pays pauvres. Mais l’analyse des cercles vicieux conduit à prendre en compte les facteurs non économiques qui peuvent expliquer pourquoi certains pays sont restés bloqués à un stade économique primitif et/ou de stagnation2. Cette réflexion conduira ainsi à la prise en compte des structures non seulement économiques mais aussi sociales, culturelles et politiques des pays en voie de développement, mais aussi à la prise en compte des structures internationales de pouvoir qui déterminent la place des PVD dans l’économie mondiale et leurs chances de réussir le passage à une croissance moderne rapide. Nous verrons dans cette première partie quelques fondements de l’analyse du développement et du sous-développement :

1. les fondements de la mesure du développement et des progrès d’un pays ; 2. les grands courants d’analyse du développement et du sous-développement comme

discours généraux sur la société ; 3. les fondements de l’analyse du sous-développement considéré comme un problème

technique : limites de la croissance et blocages structurels à dépasser pour s’engager dans la croissance moderne.

2 La question été déjà soulevée par les économistes du 18ème siècle (Quesnay, Smith) qui s’interrogeaient, notamment sur les raisons de la stagnation de la Chine qui avait été longtemps en avance du point de vue de l’opulence économique et du progrès général (notamment des sciences et des arts).

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Chapitre 1

Développement, pauvreté et inégalités : définitions et mesures

Introduction : quels enjeux autour des définitions ?

Définir pour dénombrer. Les enjeux du dénombrement : les politiques sociales et l’aide internationale. Le point de vue sociologique : comment la société définit-elle ses pauvres (G. Simmel, S. Paugam) ?

« On peut donc parler d’une élaboration à la fois structurelle et conjoncturelle de la pauvreté. Cette élaboration contribue à définir globalement dans chaque pays et à chaque époque le statut des populations jugées pauvres, puisque les modes de désignation qui les constituent et les formes d’intervention sociales dont elles font l’objet traduisent les attentes collectives à leur égard » (Paugam, 2005, p.71) « D’une façon plus générale, le groupe des personnes reconnues comme pauvres dans une société donnée sera plus ou moins bien pris en charge par des systèmes d’assistance et plus ou moins stigmatisé selon des facteurs structurels qui relèvent en grande partie de l’héritage institutionnel » (Paugam, 2005, p.72) « Une forme élémentaire de la pauvreté correspond à un type de relation d’interdépendance entre une population désignée comme pauvre – en fonction de sa dépendance à l’égard des services sociaux- et le reste de la société. [Cette définition] suggère de penser la pauvreté en fonction de sa place dans la structure sociale comme instrument de régulation de la société dans son ensemble – c’est-à-dire considérée comme un tout-, en particulier par l’intermédiaire des institutions d’assistance ou d’action sociale. Une forme élémentaire de la pauvreté caractérise en cela, d’une part, le rapport de la société à l’égard de la frange de la population qu’elle considère devoir relever de l’assistance et, d’autre part, réciproquement, le rapport de cette frange ainsi désignée à l’égard du reste de la société. La condition de ceux que l’on appelle les pauvres et leurs expériences vécues dépendent fortement de cette relation d’interdépendance » (Paugam, 2005, p.88).

Le seuil de pauvreté est toujours une convention. Misère ou pauvreté ? Les facteurs multidimensionnels de la définition et des causes de la pauvreté. L’évolution des approches de la pauvreté et du développement : la critique de l’approche économique standard ; A. Sen, l’IDH, la notion de vulnérabilité. L’enjeu international : les critères de l’aide publique au développement.

1. Les approches monétaires et économiques de la pauvreté et du développement

VOIR FICHE 1

1.1. Les définitions monétaires de la pauvreté

Biens et services = Bien-être ; Seuil de pauvreté = Bien-être minimum. Deux approches du niveau de vie (ou de bien-être) : le revenu ou la consommation. La monnaie comme moyen d’accès au bien-être minimum. Monétisation de l’économie et pauvreté. Les autres moyens d’accès aux biens et services : l’économie non marchande (l’autoconsommation, les solidarités traditionnelles, biens et services publics).

Economie du développement

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La monnaie comme moyen de mesure : l’approche par la consommation et sa mesure en monnaie. Quelles lignes de pauvreté ? La pauvreté absolue : panier de biens minimal indispensable à la survie quotidienne.

1$PPA extrême pauvreté (1800 kcal) 2$PPA pauvreté (2400 kcal)

La pauvreté relative (revenu median ou revenu moyen). 40 %, 50% (norme INSEE) ou 60% (norme Union européenne)

du niveau de vie median

1.2. Le calcul des indicateurs monétaires

Taux de pauvreté.

Nombre de pauvres

Population totale100

Ecart de pauvreté. Pauvreté mesurée par l’écart moyen exprimé en pourcentage du seuil de pauvreté inférieur à un dollar par jour en parité du pouvoir d’achat (PPA).

Ecart moyen à la ligne de pauvreté

ligne de pauvreté100

Intensité de la pauvreté. L'intensité de la pauvreté correspond à l'écart entre le niveau de vie médian des personnes pauvres et le seuil de pauvreté.

Niveau de vie median des pauvres - ligne de pauvreté

ligne de pauvreté100

1.3. Mesurer les performances d’un pays : l’approche par le Produit National/Intérieur Brut et ses critiques

Le PNB mesure la richesse et la croissance. Que mesure le PNB par habitant ? La classification des pays en 2007 :

Pays à faible revenu : RNB < 825$

(59 pays)

Pays à revenu moyen : 10 065$ < RNB < 826$

(93 pays)

Pays à revenu élevé : RNB > 10 066$

(41 pays) Les parités pouvoir d’achat. La production non marchande. L’utilisation du PNB et la question de l’impact de la croissance sur la pauvreté et les inégalités. Les impacts (effets externes) de la production.

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2. Les approches multidimensionnelles du PNUD

VOIR FICHE 2

« The basic purpose of development is to enlarge people's choices. In principle, these choices can be infinite and can change over time. People often value achievements that do not show up at all, or not immediately, in income or growth figures: greater access to knowledge, better nutrition and health services, more secure livelihoods, security against crime and physical violence, satisfying leisure hours, political and cultural freedoms and sense of participation in community activities. The objective of development is to create an enabling environment for people to enjoy long, healthy and creative lives. » (Mahbub ul Haq, « inventeur » de l’IDH, http://hdr.undp.org/hd/)

Lorsque Amartya Sen définit le développement comme « processus d’expansion des libertés réelles dont jouissent les individus » (Sen, 2003, p. 15), il affirme qu’un ensemble de « libertés fondamentales » (ou « capacité élémentaires ») sont « consubstantielles au processus de développement » (Sen, 2003, p. 57) et que leur privation définit la pauvreté (Sen, 2003, p. 123). Pour Sen, droits et libertés doivent être recherchés comme des biens en soi. Ils ne peuvent être limités à un rôle instrumental, quand bien même ils sont aussi des moyens du développement. Les travaux du PNUD reflètent cette perspective :

Le développement humain (…) a pour objectif de créer un environnement dans lequel les individus puissent développer pleinement leur potentiel et mener une vie productive et créative, en accord avec leurs besoins et leurs intérêts. (…) Pour cela, il est essentiel de renforcer les capacités dont disposent les êtres humains, c’est-à-dire la diversité de ce que les individus peuvent réaliser ou devenir. Les capacités les plus fondamentales dans l’optique du développement humain sont les suivantes : vivre longtemps et en bonne santé, acquérir un savoir et des connaissances, avoir accès aux ressources nécessaires pour mener une existence décente et être en mesure de participer à la vie de la collectivité. En l’absence de ces capacités, un grand nombre de possibilités de choix sont tout simplement impossibles, et maintes opportunités demeurent hors d’atteinte.» (PNUD 2001, p.19)

Bien que la mesure du développement humain par l’IDH se concentre sur trois dimensions (revenu, éducation, santé), les capacités fondamentales qui permettent à un individu de mener une existence décente et d’être en mesure de participer à la vie de la collectivité concernent des aspects très variés de la vie sociale et englobent les quatre champs du développement durable : économique, social, politique et environnemental. On voit ici les fondements d’un dépassement du réductionnisme économique qui limite la fin du développement à l’accroissement du bien-être matériel et les moyens d’y parvenir à la croissance du PNB par habitant. Cette extension de la définition du développement conduit à un rapprochement entre droits de l’homme et développement humain :

« La lutte pour le développement humain et la réalisation des droits de l’homme reposent, à bien des égards, sur une même motivation. Elles reflètent un engagement fondamental en faveur de la liberté, du bien-être et de la dignité des individus, dans toutes les sociétés. Ces préoccupations sous-jacentes sont défendues de diverses manières depuis longtemps (la déclaration française des Droits de l’homme et du citoyen date de 1789), mais les travaux récents sur le développement humain donnent une forme nouvelle à des aspirations et à des objectifs anciens. » (PNUD 2001, p.19)

Une telle perspective soulève la question de la justification du caractère fondamental de certains aspects du développement humain. La définition de « capacités les plus fondamentales » renvoie à l’élaboration de listes de plus en plus nombreuses de besoins humains fondamentaux (Alkire, 2002), des priorités dont les fondements restent à préciser et à justifier. Nous verrons ces aspects du développement humain dans la quatrième partie du cours. Ce premier chapitre nous permettra, avant tout, de nous familiariser avec les instruments permettant de mesurer les

Economie du développement

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performances des pays en matière de développement et de pauvreté appréhendés de manière pluridimensionnelle.

2.1. L’IDH

2.2. Les IPH

2.3. Les indicateurs sexo-différenciés

2.4. Quelques chiffres

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3. Les inégalités

3.1. Les inégalités économiques et leur mesure

VOIR FICHE 3

Les ratios

La courbe de Lorenz et l’indice de Gini

3.2. Les autres sources d’inégalités

Les inégalités ne sont pas seulement économiques

Les inégalités dans les autres registres de la vie sociale. Le cercle vicieux des inégalités à l’origine du cercle vicieux de la pauvreté. Genre, race, caste, classe…autant de facteurs d’exclusions et d’inégalités. L’exemple de la fragmentation ethnique et des services publics.

La question du genre en économie du développement

Genre et inégalités. Genre et développement.

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Chapitre 2

Les théories du développement capitaliste

Introduction

Penser le développement pour penser le sous-développement ? L’occident et le développementalisme : croyances et colonisation des esprits ? Le sous-développement : côté obscur du développement ?

1. Les philosophies et théories libérales de l’histoire

1.1. Smith

Adam Smith présentait les Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations (1776) comme « une explication des principes généraux du droit et du gouvernement, puis des révolutions qu’ils connurent au fil des différents âges et époques de la société, non pas seulement en ce qui concerne la justice, mais aussi la police, le revenu, les armes, et tout ce qui peut être l’objet du droit » (Smith, 2000, p.20). Le livre fondateur de l’économie politique moderne s’inscrivait dans la perspective d’une histoire conjecturale s’interrogeant sur l’improvement, autrement dit les processus de transformation et d’amélioration de la vie sociale : richesses, institutions, morale et culture étaient associées comme un tout en mouvement ; un tout dont chaque partie est dépendante des autres et dont l’histoire peut se comprendre comme une dynamique de progrès (Prévost, 2002). C’est le constat d’ouverture de la Richesse des nations, l’augmentation spectaculaire de la force productive du travail permet à l’homme, à travers l’histoire, de se libérer progressivement de la misère la plus terrible. Les « nations sauvages », vivent dans un « état de pauvreté » qui les réduit à « détruire elles-mêmes leurs enfants, leurs vieillards et leurs malades » ou à « les abandonner aux horreurs de la faim ou aux dents des bêtes féroces » (Smith, 1991, p.66). Mais dans les « nations civilisées », « l’ouvrier, même de la classe la plus basse et la plus pauvre », peut « jouir en choses propres aux besoins et aux aisances de la vie, d’une part bien plus grande que celle qu’aucun sauvage pourrait jamais se procurer » (Smith, 1991, p.66). Sauvagerie, civilisation : au-delà de ce schéma binaire, A. Smith propose une partition historique des sociétés qui distingue quatre stades dans le « progrès naturel de l’opulence », quatre stades qui font passer l’homme de l’état de sauvage survivant de sa chasse à l’état de civilisé échangeant, sur des marchés toujours plus vastes, une variété toujours plus grande de marchandises produites par une industrie toujours plus productive…

La dynamique historique de l’accumulation

Les fondements des « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations » : l’accroissement du PIB et du PIB/habitant. Le moteur de la croissance : la division du travail. Le rôle du progrès technique : la transformation des conditions de production de la subsistance. Les quatre stades de l’évolution dans la production de la richesse (Meek, 1971 ; Pocock, 1998). Le cours naturel de l’opulence : un autre versant de la dynamique d’accumulation.

La dynamique morale de l’accumulation

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Les modes de subordination. L’invention de l’impôt et l’évolution vers plus de justice. L’équilibre des intérêts, entre main invisible et sagesse de l’homme d’état. De l’histoire idéale à l’histoire réelle : les conséquences de la division du travail ; la corruption des capitalistes et par les capitalistes ; invitation à la modestie de l’Etat.

1.2. Rostow et les étapes de la croissance

Rostow Walt Whitman, Les étapes de la croissance économique, 1960 Rostow W.W., 1988, « Le développement : L’économie politique de la longue période marshallienne », in Meier et Seers, pp.247-285 Objectif de Rostow : appliquer la théorie économique à l’analyse de l’histoire économique. En 1960, définit, à partir de l’expérience des pays industriels, cinq étapes dans le développement économique :

• Le stade des sociétés traditionnelles • Les préalables au décollage (take-off) • Le décollage • La production de masse • la maturité et la consommation de masse

L’essentiel de la dynamique du développement, pour Rostow, tient à la modification des comportements d’épargne qui vont permettre un accroissement de l’investissement et donc une accélération de la croissance de la production par tête. Passage de la stagnation (étape 1) à une accumulation primitive (étape 2) qui financera le take-off (étape 3). La perspective de Rostow est fortement influencée par l’analyse néoclassique de la croissance puisque l’épargne est le point de départ du processus de croissance et de développement. Cette dynamique suppose une modification :

• des conditions économiques et techniques : o possibilité de dégager un surplus qui peut se transformer en épargne, ce qui

suppose une monétisation de l’économie, des progrès techniques… o mais aussi occasions d’investir (développement des marchés, de certains

débouchés, existence d’une main d’œuvre disponible…) ; • mais aussi des mentalités :

o l’épargne de ce surplus n’est pas automatique – voir les sociétés traditionnelles analysées par les anthropologues (voir Mauss) ;

o qui plus est, la transformation de cette épargne en capital n’est pas non plus naturelle (voir Weber);

• ces transformations passent par l’émergence d’une nouvelle classe, une élite économique à la culture plus ouverte à la logique capitaliste.

Parmi les nombreuses critiques portées à Rostow :

• la hausse statistique du taux d’épargne dans les phases 2 et 3 n’en fait pas pour autant une cause de la croissance et du développement ; Hirschman affirmera que c’est au contraire la manifestation de la croissance et du développement qui augmente les occasions d’investir et donc incitent à épargner (Hirschman, 1988)…

• de manière plus générale, on a assisté très rapidement à une critique de l’idée du développement comme succession d’étapes prédéterminées et uniquement valables, a posteriori, pour certains pays industriels :

Economie du développement

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o d’un côté des critiques hétérodoxes, notamment marxistes comme Bettelheim (1961) qui voyaient dans cette théorie une justification, au nom du rattrapage, de la domination extérieure (sous forme d’IDE et de prêts) ; les marxistes comme Bettelheim proposeront des stratégies de développement auto-centrées pour s’arracher à la dépendance vis-à-vis des pays industriels et pour réussir une croissance accélérée sans passer par les différents stades décrits par Rostow ;

o d’un autre côté des critiques moins radicales qui insistent sur le caractère trop déterministe de la théorie de Rostow et préfèrent l’idée principale d’une entrée dans la croissance moderne, comme le fera Kuznets plutôt que d’un enchaînement de relations causales par étapes ; Rostow considère en fait que la différence est minime entre son concept de Take-Off et celui de Kuznets d’entrée dans la croissance moderne (Rostow, 1988) ; en réalité, les critiques de Kuznets portent surtout sur le manque de fondements analytiques (Kuznets, 1972) et empiriques (Gerschenkron, 1962) dans l’explication du passage d’une étape à l’autre.

• L’hétérogénéité des situations des PVD depuis la seconde guerre mondiale, le succès fulgurant de certains pays asiatiques, la stagnation de la plupart des pays africains, la récession des pays latino-américains ont renforcé la critique de l’approche en termes d’étapes.

Rostow lui-même a eu conscience des limites de son approche et, en particulier, de sa capacité prédictive. Il suggère, en 1988, qu’il a sous-estimé quatre facteurs essentiels positifs et négatifs qui ont joué depuis la seconde guerre mondiale et qui distinguent « le processus de développement enregistré par le passé et celui du monde contemporain » (1988, p.269). Pour les positifs :

• un réservoir plus grand de technologie non appliquée et disponible pour la croissance rapide dans les PVD ;

• la disponibilité d’une aide étrangère qui permet de dépasser les insuffisances de l’accumulation primitive.

Pour les négatifs : • les effets corrosifs de la Guerre Froide ; • l’impact d’une croissance démographique très rapide : « la plus marquante de ces

différences, qui a entraîné un large éventail de conséquences pathologiques, a été l’effort entrepris pour se moderniser avec une population croissant deux à trois fois plus vite qu’au 19ème siècle » (ibid.). Le rôle d’une agriculture dynamique n’en est alors que plus important comme nous le verrons par la suite.

1.3. Prolongements libéraux contemporains

Hayek

De la main invisible à l’ordre étendu L’opacité du social La critique du constructivisme

Fukuyama

Le contexte : La Chute du Mur de Berlin Démocraties libérales et fin de l’histoire

L’approche néo-institutionnaliste : entre théorie standard et hétérodoxie

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Les fondements du néo-institutionnalisme : coûts de transaction et marchés imparfaits (Coase, Williamson) L’importance des droits de propriété : de la nouvelle histoire économique à l’analyse du changement économique (North) Attention : pour une présentation plus détaillée, voir sur le site : Prévost B. (2007), « Nouvelle Economie Institutionnelle et réformes de seconde génération », Document de travail, CEMI, Université Montpellier 3 Prévost B. (2007), « Douglass North : institutions, développement et libéralisme », Document de travail, CEMI, Université Montpellier 3

Conclusion : marché, développement et démocratie, des relations ambiguës

2. Perspectives hétérodoxes et critiques

2.1. L’approche marxienne de l’histoire

Le matérialisme historique Le mystère de l’accumulation capitaliste Le mystère de l’accumulation primitive La controverse sur l’esprit du capitalisme : Marx et Weber

2.2. L’approche anthropologique de Polanyi

Développement capitaliste et développement des marchés L’économie contre la société

2.3. Capitalisme, impérialisme et sous-développement

Lénine, Luxembourg : l’impérialisme comme « stade suprême du capitalisme » Samir Amin : le développement du sous-développement

2.4. Histoire et sous-développement

La mondialisation comme essence du capitalisme L’Ecole des Annales : Fernand Braudel et l’économie monde Wallerstein et l’économie monde Les concepts de centre et périphérie au cœur de l’analyse structuraliste de Prebisch Les analyses de Furtado

Conclusion : croissance, développement et progrès

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Chapitre 3

Les trappes à sous-développement

1. Sous-développement et blocages de la croissance

1.1. Quelques données sur la croissance dans les PVD

VOIR FICHE 4

Les dynamiques mondiales

Part croissante des PVD dans la croissance mondiale Part croissante des PVD dans le commerce mondial

Une réalité contrastée

La réussite des pays asiatiques La faiblesse des économies africaines La stagnation latino-américaine

La structure de la croissance

Répartitions sectorielles de la production et de la croissance

1.2. Rappels sur théories de la croissance

VOIR FICHE 5

Les facteurs de la croissance : l’approche par la demande

Rappel de l’équilibre emplois-ressources Contribution des différentes composantes à la croissance en Afrique sub-saharienne. L’insuffisance de débouchés intérieurs et la question du positionnement sur les marchés mondiaux. L’insuffisance d’investissement traduit à la fois le manque de débouchés et le manque de ressources à investir : un pays est pauvre parce qu’il est pauvre.

L’importance du capital

Le modèle Harrod-Domar : importance du taux d’épargne et de l’efficacité marginale du capital La critique de Hirschman. La critique de Easterly. Le progrès technique comme moteur de la croissance, du modèle de Solow aux modèles de croissance endogène. La concurrence stimule-t-elle l’innovation et le progrès technique ? L’importance des politiques publiques en matière d’éducation et de formation.

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2. Sous-développement et structures socio-économiques

2.1. Le sous-développement comme sous-développement du marché

L’approche libérale et le manque de marchés, exemple des marchés financiers (Levine, 1993 ; King and Levine, 1993 ; Levine et al., 2002 ; Beck et al., 1999).

Abstract : Joseph Schumpeter argued in 1911 that the services provided by financial intermediaries - mobilizing savings, evaluating projects, managing risk, monitoring managers, and facilitating transactions -stimulate technological innovation and economic development. The authors present evidence that supports this view. Examining a cross-section of about 80 countries for the period 1960-89, they find that various measures of financial development are strongly associated with both current and later rates of economic growth. Each measure has shortcomings but all tell the same story: finance matters. They present three main findings, which are robust to many specification tests: The average level of financial development for 1960-89 is very strongly associated with growth for the period. Financial development precedes growth. For example, financial depth in 1960 (the ratio of broad money to GDP) is positively and significantly related to real per capita GDP growth over the next 30 years even after controlling for a variety of country-specific characteristics and policy indicators. Financial development is positively associated with both investment rate and the efficiency with which economies use capital. Much work remains to be done, but the data are consistent with Schumpeter's view that the services provided by financial intermediaries stimulate long-run growth. (Levine, 1993) Abstract : The authors evaluate: a) whether the level of development of financial intermediaries exerts a casual influence on economic growth; and b) whether cross-country differences in legal and accounting systems (such as creditor rights, contract enforcement, and accounting standards) explain differences in the level of financial development. Using both traditional cross-section, instrumental-variable procedures and recent dynamic panel techniques, they find that development of financial intermediaries exerts a large causal impact on growth. The data also show that cross-country differences in legal and accounting systems help determine differences in financial development. Together, these findings suggest that legal and accounting reform that strengthens creditor rights, contract enforcement, and accounting practices boosts financial development and accelerates economic growth. (Beck et al., 1999)

Un état surdéveloppé responsable de ce sous-développement du secteur privé ? Les théories des marchés imparfaits et les théories contemporaines du développement (Stiglitz).

2.2. Le sous-développement comme sous-développement des infrastructures

Les effets externes Les biens collectifs

2.3. L’analyse structuraliste

Les structures socio-économiques des pvd Les relations de pouvoir dans les PVD Les PVD sous domination : élites nationales et élites internationales

2.4. La question démographique

VOIR FICHE 6 Les trappes à sous-développement expliquées par la démographie : la tension entre croissance du PIB et croissance du PIB/hab. Les différents facteurs de blocage et de dépassement : progrès technique, mise au travail, etc.

Economie du développement

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L’analyse économique standard de la démographie. Un exemple de trappe à sous-développement : faible niveau de PIB/hab. faiblesse des ressources publiques absence de protection sociale natalité élevée faible croissance du PIB/hab. Les difficultés à tenir un discours général sur la démographie : avantages et inconvénients d’une population jeune.