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Epiplooplastie de recouvrement après résection de la paroi thoracique pour ostéoradionécrose sternale
Jocelyn Bellier1, Christophe Jayle2, Edouard Sage1, Matthieu Glorion1, Philipe Puyo1, Benoît Couturaud1, Alain Chapelier1.
Auteur correspondant : Service de Chirurgie Thoracique et Transplantation Pulmonaire, Hôpital Foch, 40 rue Worth, 92150 Suresnes. Tel + 0033146252244 ; Fax +0033146252018 ; e-mail : [email protected]
1 : Service de Chirurgie Thoracique et Transplantation Pulmonaire, Hôpital Foch, Suresnes
2 : Service de Chirurgie Cardiaque et Thoracique, CHU, Poitiers
Word count Abstracts: 200/196
Word count: 1398
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Abstract
Objectif : L’ostéoradionécrose (ORN) sternale est une complication pouvant survenir
plusieurs décennies après une irradiation thoracique. En cas de lésions sévères avec ulcération
cutanée, le traitement chirurgical associant une résection pariétale à un recouvrement par
lambeau peut être proposé. Nous rapportons ici notre expérience du lambeau épiploïque dans
ce contexte.
Méthode : Ont été inclus rétrospectivement, les patients présentant une ORN sternale ulcérée
entre 2005 et 2015.
Résultats : Treize patients, d’âge médian 69,2 [46,5 – 92,8] ans ont été inclus. Le délai médian
entre la radiothérapie et la résection était de 30 ans. Après une résection cutanée et osseuse
sternale élective, l’épiploon, prélevé par une laparotomie sus-ombilicale, pédiculisé sur
l’artère gastro-épiploïque droite et ascensionné par un trajet sous-cutané, a recouvert
complètement le défect pariétal. La mortalité était nulle et la cicatrisation a été obtenue chez
tous les patients. Une nécrose partielle du lambeau a été observée chez 2 patients, d’évolution
favorable sous traitement local. Une éventration post opératoire a nécessité une cure
chirurgicale secondaire.
Conclusion : Après résection élective sternale pour ORN, le lambeau épiploïque offre une
couverture efficace et simple permettant une cicatrisation complète. Les propriétés
angiogéniques et immunitaires de l’épiploon en font le lambeau de choix pour le
recouvrement des ORN sternales.
Mots clef: Paroi thoracique, Radiothérapie, Infection de paroi, Epiploon, Cicatrisation
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Objective: Sternal OsteoRadioNecrosis (ORN) is an uncommon complication that may occur
several decades after thoracic radiation therapy. For severe lesions with skin ulceration,
radical treatment by resection of ORN and coverage with a flap can be proposed. We report
herein our experience of sternal ORN treatment with an omental flap.
Methods: Retrospective analysis from January 2005 and December 2015 of all patients with
ulcered ORN
Results: Thirteen patients with a median age of 69,2 years, were treated for extended sternal
ORN. Median interval between radiotherapy and treatment was 30 years. After elective
cutaneous and sternal resection, omentum was carried out by supra-umbilical median incision,
pediculated over the right gastroepiploic artery and subcutaneously translated to cover the
parietal defect. The chest wall healing was achieved in all patients with no mortality. A partial
necrosis of the flap was noticed in 2 patients with a good evolution with local treatment. One
case of eventration required a surgical cure in the follow-up.
Conclusions: After elective sternal resection for severe ORN, omental flap offers an efficient
and simple coverage allowing complete healing in all patients. Angiogenic and immune
abilities of the omentum make it the flap of choice for the coverage of sternal ORN.
Key words: Chest wall, Radiotherapy, Infection, Omentoplasty, Wound healing,
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Introduction
L’ostéoradionécrose de la paroi thoracique est une complication tardive de la radiothérapie.
Elle se caractérise par une nécrose du tissu osseux consécutive à la perte de la
microvascularisation et à l’apparition d’un tissu fibreux pauvre en cellules immunitaires le
rendant propice aux infections. Cette pathologie se rencontre essentiellement au niveau de la
mâchoire et du fémur dans le cadre de la radiothérapie des cancers ORL et pelviens et sa
survenue dépend du type d’os atteint, de la dose et du fractionnement de la radiothérapie (1).
L’atteinte sternale est rare et survient le plus souvent très à distance d’une radiothérapie pour
cancer du sein. En cas de survenue d’ulcération cutanée avec infection, la première approche
thérapeutique associe des soins locaux avec détersion des tissus superficiels nécrotiques,
l’antibiothérapie voire l’oxygénothérapie hyperbare (2). Cependant, en cas d’échec et d’ORN
sternales étendues avec atteinte cutanée, une prise en charge chirurgicale doit être envisagée.
Celle-ci reste difficile en raison de l’étendue de la résection osseuse nécessaire et de la
limitation des possibilités de recouvrement. Dans les infections de la paroi thoracique,
particulièrement après sternotomie, l’épiploon est un lambeau de recouvrement largement
utilisé avec de bons résultats. Son utilisation en cas d’ORN sternale est peu décrite et nous
rapportons ici notre expérience de résection d’ORN du sternum avec recouvrement par un
lambeau épiploïque.
Patients et méthodes
Il s’agit d’une étude rétrospective sur la période de janvier 2005 à décembre 2015. Outre les
données démographiques, nous avons collecté les données cliniques et celles liées à la
pathologie carcinologique initiale. Le diagnostic d’ORN était le plus souvent évident (figure
1a et b) ou confirmé par une biopsie afin de ne pas méconnaitre une pathologie tumorale.
L’analyse bactériologique a été faite pour orienter l’antibiothérapie.
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Les variables continues étaient exprimées par la médiane [minimum – maximum] et les
variables qualitatives par leur fréquence exprimée en pourcentage.
Technique opératoire
Le premier temps comportait le prélèvement épiploïque par une courte laparotomie médiane
sus ombilicale (figure 2). Après avoir vérifié sa viabilité, l’épiploon était pédiculé sur l’artère
gastro-épiploïque droite, cette manœuvre optimisant la longueur utile du lambeau (3). La zone
d’ORN sternale était réséquée « à la demande » jusqu’à obtenir des tissus cutanés et osseux
viables, en respectant le plus souvent la table interne postérieure du sternum (figure 3) ; en cas
d’atteinte fréquente des cartilages costaux, ceux-ci étaient réséqués. L’épiploon extériorisé
était alors transféré par un trajet sous cutané jusqu’à la zone réséquée ; il recouvrait
l’ensemble la zone de résection et était fixé par des points simples de polyglactine 2-0 sur les
berges cutanées. La cicatrisation était ensuite dirigée par pansement gras (figure 4).
Résultats
Nous avons ainsi pris en charge 13 patients, douze femmes et un homme, d’âge médian de
69,2 [46,5 – 92,8] ans. Les patients avaient pour antécédents un carcinome mammaire dans 12
cas et un carcinome thymique dans 1 cas. Le délai médian entre la radiothérapie et le
traitement chirurgical de l’ORN était de 30 [10 – 42] ans. Une biopsie pré opératoire a été
nécessaire pour confirmer le diagnostic d’ORN dans 4 cas. Une tentative infructueuse de
couverture préalable par myoplastie avait été réalisée dans un autre centre chirurgical chez 3
patients. L’ORN sternale était le siège d’une infection documentée dans 10 cas. Les
prélèvements bactériologiques montraient une infection pluri microbienne dans 5 (38,5 %)
cas, le germe le plus représenté étant le Staphylococcus aureus (46,1 %) (Tableau 1). Durant
l’intervention, trois patients ont eu un geste complémentaire: une mastectomie dans 2 cas et
une ablation de prothèse mammaire dans un cas. Une greffe de peau fine a été réalisée dans le
même temps opératoire dans un cas de résection très étendue, afin d’accélérer la cicatrisation.
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Une complication locale est survenue chez 4 patients : il s’agissait d’une nécrose superficielle
limitée de l’épiploon (n=2), d’une surinfection localisée de la zone de résection (n=1) et d’un
abcès de la laparotomie (n=1). L’évolution a été favorable par un traitement local dans tous
les cas. Une complication postopératoire est survenue chez 6 patients : infection urinaire
(n=4), une pneumonie post opératoire (n=1) et un accident neurovasculaire (n=1). La
mortalité post opératoire était nulle et la cicatrisation a été obtenue chez tous les patients. La
cure chirurgicale d’une éventration abdominale a été faite à distance chez 1 patient.
Discussion
L’ORN est une complication des rayons ionisants pouvant survenir plusieurs décennies après
la radiothérapie, et ce, malgré les techniques modernes de radiothérapie (4). Celle-ci induit
une hypoxie tissulaire secondaire à la thrombose de la microvascularisation laissant en place
un tissu fibreux réactionnel pauvre en cellules immunitaires. L’ensemble de ces phénomènes
aboutit à une nécrose tissulaire et à l’ORN. Au niveau du sternum, la forme clinique
habituelle est constituée par des élevures osseuses sous une peau fine en territoire irradié. La
prise est charge de ces lésions quand survient une ulcération cutanée, est mal codifiée. La
possibilité d’une récidive tardive de la pathologie tumorale initiale ou la survenue d’un
sarcome radio-induit doit être écartée par une biopsie en cas de doute mais celle-ci n’est pas
obligatoire devant un tableau radio-clinique évocateur. Dans les formes débutantes, le
traitement peut se limiter à des soins locaux associés à une antibiothérapie voire à une
oxygénothérapie hyperbare permettant une évolution favorable. Cependant, en cas d’échec et
dans les formes étendues avec une ulcération cutanée, un geste chirurgical de résection est
nécessaire pour obtenir la cicatrisation de la paroi thoracique. Après une large excision
cutanée, la résection osseuse élective « à la demande » de la zone pathologique laisse en place
la fibrose post radique rétrosternale et ne compromet pas la stabilité de la paroi thoracique.
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Le choix du lambeau de recouvrement de la zone d’ORN est d’une importance primordiale
dans la prise en charge de ces lésions étendues. Dans les exérèses sternales pour tumeur, le
recouvrement par myoplastie utilisant le grand pectoral ou le grand dorsal est le procédé de
choix offrant de très bons résultats (5,6). Pour le recouvrement après ORN, le choix du
lambeau reste controversé et différentes possibilités ont été rapportées. Des myoplasties de
grand dorsal ont été utilisées mais exposent à une mauvaise adhésion tissulaire en milieu
septique. De plus, la radiothérapie axillaire ou l’utilisation préalable des muscles thoraciques
en chirurgie oncoplastique sont des limites supplémentaires à leur utilisation.
L’épiplooplastie de recouvrement a été utilisée dans des indications aussi diverses que la
reconstruction cervicale, pelvienne ou la couverture de prothèses vasculaires (7). En chirurgie
thoracique, l’épiploon a été utilisé dans la gestion de fistules bronchopleurales, de
comblement de cavité de pneumonectomie ou encore dans le traitement des médiastinites post
sternotomie (8). Son utilisation en tant que lambeau pariétal thoracique a été mentionnée pour
la 1ère fois en 1963 par Kiricuta (9) et deux publications anciennes (10,11) rapportaient
d’excellents résultats de ces couvertures sternales. Plus récemment, Van Wingerden et al. (12)
retenaient l’épiploon comme lambeau de choix dans le traitement chirurgical des infections de
la paroi thoracique post-sternotomie. Des utilisations aussi diverses témoignent de la fiabilité
de l’épiploon en tant que tissu de couverture. Les propriétés angiogéniques et
immunologiques de l’épiploon sont connus de longue date et des études in vitro ont permis de
mieux comprendre les mécanismes biologiques et cellulaires à l’origine des facultés de
cicatrisation. Il a été montré que l’épiploon sécrète des facteurs de croissance,
particulièrement le Vascular Endothelium Growth Factor, permettant de promouvoir sa
vascularisation et le développement de cellules progénitrices (13). L’épiploon peut alors
augmenter sa masse et sa densité vasculaire (14). Une étude récente (15) a également pu isoler
plusieurs populations cellulaires dont certaines jouent un rôle immunomodulateur important et
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d’autres possèdent des capacités identiques aux cellules souches. Ces spécificités font de
l’épiploon un tissu de choix pour la régénération et la cicatrisation tissulaire. Dans notre
expérience, un lambeau épiploïque de recouvrement dans le traitement des ORN sternale a été
utilisé chez 13 patients avec un résultat d’emblée excellent chez 11 patients. Dans 2 cas est
survenue une nécrose partielle et superficielle du lambeau traitée avec succès par soins locaux
avec excision du tissu nécrosé. Aucune récidive infectieuse n’a été constatée à distance. Bien
que survenant souvent chez des patients fragiles présentant des comorbidités, la résection
chirurgicale a été faite sans mortalité.
Dans le traitement des ORN sternales, le recouvrement par l’épiploon est une solution
efficace et adaptée à cette pathologie, le lambeau épiploïque, apportant un tissu richement
vascularisé aux grandes propriétés cicatrisantes. Elle est pour nous la technique de choix de
couverture sternale dans cette indication.
Références
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Figure 1a et b: Images radio-cliniques typiques d'ostéoradionécrose sternale
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Figure 2: Epiploon prélevé par laparotomie sus ombilicale
Figure 3: Résection osseuse élective de la zone d'ostéoradionécrose
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Figure 4: Suivi de cicatrisation
Germes N Pourcentage Staphylococcus 6 46,2 % Strepococcus 4 30,8 %
Klebsiella 2 15,4 % Pseudomonas aerogenosa 1 7,7 %
Citrobacter koseri 1 7,7 % Enterococcus 1 7,7 %
Proteus mirabillis 1 7,7 % Echericha coli 1 7,7 % pas de germe 3 23,1 %
Tableau 1: Proportion des germes retrouvés lors des prélèvements bactériologiques pré opératoires