Épidémies de coqueluche aux Etats-Unis en 1992

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FLAS H-I N FO R MATI O NS epidemies de coqueluche aux Etats-Unis en 1992 2 ~pid~mies de coqueluche survenues aux Etats-Unis clans les Etats du Massachusetts et du Maryland ont fair l'objet d'un article r~cent du MMWR (I). Cet article r~sume et dis- cute les principales informa- tions publi~es dans Particle original du MMWR. I'epiddmie du Massachusetts L E 16 novembre 1992, 1 cas de coqueluche chez une lyc~enne de 14 ans fut notifi6 au D~partement de sant6 publique du Massachusetts (DSPM). La maladie avait d~but6 2 jours avant et 1 test s&ologique indiquait un niveau 61ev4 d'anticorps IgG dirigd contre la toxine pertussique (TP). Devant la notion de toux prolong~e ~voquant la coqueluche chez d'autres 61~ves du m~me lyc~e (population : 623) et chez des dl~ves d'un coll~ge voisin (population : 702), le DSPM a r6a- lis~ une recherche active de cas de coqueluche dans ces 2 &oles et la communaut~ avoisinante du 20 novembre 1992 au 5 janvier 1993. Tousles 61}ves ayant une toux depuis 1 semaine ou plus ont ~t~ identif~6s par le personnel du lyc6e et du coll~ge et ont ensuite cs ~ ~t~ interrog6s par les enqu~teurs ~ du DSPM. Les investigateurs ont ~ d6fini 1 cas clinique de la mani~re ~ suivante : une toux de 14 jours ou plus ayant d~but6 entre le 1~ sep- tembre et le 31 d&embre 1992. 1 sujet ayant une toux aigu~ associ6e Journal de PEDIATRIE et de PUI~RICULTURE n ~ 6-1993 ~t l'isolement de Bordetella pertussis au niveau du naso-pharynx &ait consid~r~ comme bact&iologique- ment confirmS. La recherche par ELISA des anticorps IgG dirig6s contre la TP a ~t~ proposde aux cas cliniques. Au total, 225 cas de coqueluche clinique ont 6t~ identifi&. Parmi les 54 cas cliniques ayant fait l'ob- jet d'une culture, 6 6taient confir- m~s bactdriologiquement ; 20 autres cas avaient un test s&olo- gique positif. L'~ge des cas variait de 5 mois ~i 46 ans (m6diane = 15 ans) ; 218 (97 %) cas fr6quen- taient le coll~ge ou le lyc6e et 214 (95 %) ~taient ~g~s de 10 ~i 19 ans. Le pic de l'dpid6mie a eu lieu fi la fin du mois d'octobre (Fig. 1). Au moins l'un des symp- t6mes suivants : quintes paroxys- tiques, << chant du coq ,, et vomis- sements en fin de quintes a&6 not~ pour 155 (69 %) patients. La toux a durd de 10 ~t 95 jours (m~diane : 30 jours). Aucun patient n'a ~t~ hospitalisd ; 215 (96 %) ont regu un traitement antibiotique, le plus souvent ~i base d'~rythromycine. Les taux d'attaque dans le lycde variaient de 20 fi 28 % sans relation ~vidente avec l'ann6e d'&ude. Par contre, dans le coll~ge, le taux d'attaque &ait sup6rieur dans les classes plus ~g~es (grades 7 et 8 ; 12,3 % et 15,6 % respectivement) que dans les classes les plus jeunes (grades 5 et 6 ; 4,9 % et 5,6 % respective- ment). L'&ude des camets de vac- cinations a montr~ que 209 (96 %) cas avaient regu au moins 4 doses de vaccin anti-coquelu- cheux. Afin de r~duire la trans- mission de la coqueluche, une pro- phylaxie par l'&ythromycine a 6t~ recommand& pour tousles ~l}ves et le personnel du lyc6e, le 24 novembre, et du coll~ge, le 14 d&embre (Fig. i). 60 5O 40 Cas 30 20 10 o --l 25 1 aoQt Semaine de d~but Prophylaxie dans le college 8 15 22 29 6 13 20 27 3 10 17 24 1 8 15 sept oct nov d(~c FIG 1 - Cas de coqueluche selon la semaine de debut de la toux, Massachusetts (1/9-1/12, 1992). 357

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FLAS H-I N FO R MATI O NS

e p i d e m i e s de c o q u e l u c h e aux E ta ts -Un is en 1992

2 ~pid~mies de c o q u e l u c h e survenues aux Etats-Unis clans les Etats du Massachusetts et du M a r y l a n d ont fa i r l'objet d'un article r~cent du MMWR (I). Cet article r~sume et dis- cute les principales in forma- t ions publ i~es d a n s Particle original du MMWR.

I ' e p i d d m i e du M a s s a c h u s e t t s

L E 16 novembre 1992, 1 cas de c o q u e l u c h e chez u n e lyc~enne de 14 ans fut notifi6

au D~partement de sant6 publ ique du M a s s a c h u s e t t s ( D S P M ) . La maladie avait d~but6 2 jours avant et 1 test s&ologique indiquait un n i v e a u 61ev4 d ' a n t i c o r p s I g G dirigd contre la toxine pertussique (TP). Devan t la no t i on de toux prolong~e ~voquant la coqueluche chez d ' a u t r e s 61~ves du m ~ m e lyc~e (popu la t ion : 623) et chez des dl~ves d ' u n co l l~ge vo i s i n (population : 702), le DSPM a r6a- lis~ une recherche active de cas de coqueluche dans ces 2 &oles et la c o m m u n a u t ~ a v o i s i n a n t e du 20 n o v e m b r e 1992 au 5 janvier 1993. T o u s l e s 61}ves ayant une toux depuis 1 semaine ou plus ont ~t~ identif~6s par le personnel du lyc6e et du coll~ge et ont ensuite cs ~ ~t~ interrog6s par les enqu~teurs ~ du DSPM. Les investigateurs ont ~ d6fini 1 cas clinique de la mani~re ~ suivante : une toux de 14 jours ou plus ayant d~but6 entre le 1 ~ sep- tembre et le 31 d&embre 1992. 1 sujet ayant une toux aigu~ associ6e

Journa l de PEDIATRIE et de PUI~RICULTURE n ~ 6-1993

~t l ' isolement de Bordetella pertussis au niveau du naso-pharynx &ait consid~r~ comme bact&iologique- men t confirmS. La recherche par ELISA des ant icorps I g G dirig6s contre la TP a ~t~ proposde aux cas cliniques.

Au total, 225 cas de coqueluche clinique ont 6t~ identifi&. Parmi les 54 cas cliniques ayant fait l 'ob- jet d 'une culture, 6 6taient confir- m~s b a c t d r i o l o g i q u e m e n t ; 20 autres cas avaient un test s&olo- gique positif. L'~ge des cas variait de 5 mois ~i 46 ans (m6diane = 15 ans) ; 218 (97 %) cas fr6quen- taient le coll~ge ou le lyc6e et 214 (95 %) ~ t a i e n t ~g~s de 10 ~i 19 ans. Le pic de l 'dpid6mie a eu l ieu fi la f in du mois d ' o c t o b r e (Fig. 1). Au moins l 'un des symp- t6mes suivants : quintes paroxys- tiques, << chant du coq ,, et vomis- sements en fin de qu in t e s a & 6 not~ pour 155 (69 %) patients. La

t o u x a d u r d de 10 ~t 95 jou r s ( m ~ d i a n e : 30 j o u r s ) . A u c u n pa t i en t n 'a ~t~ hospital isd ; 215 (96 %) o n t regu un t r a i t e m e n t a n t i b i o t i q u e , le p lus so u v en t ~i base d ' ~ r y t h r o m y c i n e . Les t aux d 'at taque dans le lycde variaient de 20 fi 28 % sans relation ~vidente avec l 'ann6e d '&ude. Par contre, dans le coll~ge, le taux d 'a t taque &ait sup6rieur dans les classes plus ~g~es (grades 7 et 8 ; 12,3 % et 15,6 % respectivement) que dans les classes les plus jeunes (grades 5 et 6 ; 4,9 % et 5,6 % respective- ment). L '&ude des camets de vac- c i n a t i o n s a m o n t r ~ q u e 2 0 9 (96 %) cas avaient regu au moins 4 doses de v a c c i n a n t i - c o q u e l u - cheux. Afin de r~duire la trans- mission de la coqueluche, une pro- phylaxie par l '&ythromycine a 6t~ recommand& pour tous le s ~l}ves et le p e r s o n n e l d u lyc6e , le 24 n o v e m b r e , et du col l~ge, le 14 d&embre (Fig. i).

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aoQt Semaine de d~but

Prophylaxie dans le college

8 15 22 29 6 13 20 27 3 10 17 24 1 8 15 sept oct nov d(~c

FIG 1 - Cas de coqueluche selon la semaine de debut de la toux, Massachusetts (1/9-1/12, 1992).

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FLASH-INFORMATIONS I 'ep idemie du M a r y l a n d

Le 16 novembre 1992, 1 cas de coqueluche confirm6 par la culture chez un ~colier de 10 ans a ~t8 notifi8 au Ddpartement de santd publique du Maryland. Suite fi ce cas, une lettre fur envoySe ~ tous les enfants de la mSme classe et/ou qui avaient pris le mSme bus sco- laire que le cas index. La dSfini- tion utilis~e pour l 'identification des cas &ait la suivante : toux de plus de 14 jours ayant d6but6 ent re le l " n o v e m b r e et le 15 d6cembre 1992 et associ6e l 'un des sympt6mes suivants : toux paroxystique, reprise inspira- toire difficile, vomissements en fin de quintes et l 'absence d 'aut re &iologie.

4 cas, confirm& par la bact&io- logie, ont 8t8 identifi& : 3 ~l~ves et l ' un de leur professeur de 42 ans. Ces 4 cas n 'ava ient de contact entre eux qu'au sein de l'&ole. 10 des 11 personnes ayant ~td en contact hors de l'dcole avec ces 4 cas ont regu une prophylaxie par l ' ~ r y t h r o m y c i n e . Tous les dl~ves de la classe (n = 22) avaient regu 4 doses ou plus de vaccin anticoquelucheux avant l'~ge de 6 ans. 6 cas de coqueluche cli- nique ont 6t6 identifies dans la c o m m u n a u t ~ sans q u ' a u c u n d'entre eux ne soit confirmd par la culture ou la s&ologie.

note de la redact ion

Des 6pid6mies de ce t te ampleur, dans une population vac- cinde d'adolescents et d 'aduhes jeunes, sont rarement d4crites (2). Bien que l 'ensemble des cas de coqueluche clinique n'aient pas 4td confirm~s par les examens mic rob io log iques , cet te &ude indique que la coqueluche peut 4voluer sur un mode 8pid~mique dans une collectivit8 d'adolescents et d'adultes vaccin&. Habituelle- ment, plus de la moiti6 des cas de coqueluche notifiSs aux Etats-Unis surviennent chez le nourrisson (2).

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Dans le Massachusetts, cette pro- por t ion n '&a i t que de 9 % en 1992 et 78 % des cas avaient entre 10 et 19 ans (1). Les auteurs de l'article attribuent cette diff6rence ~t une vigilance accrue des clini- ciens vis&-vis de la coqueluche chez l'adolescent et l 'aduhe et ~i une utilisation plus fr6quente des tests s6rologiques pour le diagnos- tic de la coqueluche, en particulier lors de suspicion de cas group&.

Le diagnostic de la coqueluche n'est pas ais~ et cette maladie est rarement consid~r6e dans le dia- gnostic d i f f&ent ie l d 'une toux persistante de plus de 14 jours aussi bien chez l'enfant que l'ado- lescent et Padulte. La mise en cul- ture des s&r&ions naso-pharyn- g~es requiert un milieu frais de Bordet-Gengou enrichi en sang frais qui est diff~cile ~t rdaliser en rou- t ine ; de ce fair, la plupart des laboratoires n ' isolent qu'excep- tionnellement la bact~rie. La sen- s ibi l i t6 de la cu l tu re , qui ne d~passe pas 50 %, est maximale pendant Ia phase catarrhale de la maladie et se n~gative d~s le d6but de la phase des quintes (2, 3). De plus, la s&ologie classique prati- qu& par les laboratoires, bas& sur l'agglutination, manque de sensi- bilit~ et de sp&ifici t6 (3). Les techniques s~rologiques de d~ve- loppement plus r~cent telles que la recherche par ELISA des anti- corps anti-TP comme cela a 6t~ fait lors de ces 2 dpid~mies ou la recherche par Western-blot d'anti- corps sp&ifiques dirig~s contre 4 antig~nes sp&ifiques (TP, h~mag- glutinine filamenteuse, ad~nylate cyclase-h~molysine et pertactin) ont une bonne sensibiiit6 et sp&i- ficit~ ; 2 pr61~vements sanguins ~t 3-4 semaines d ' in te rva l le sont n6anmoins n&essaires (3). La tech- nique par Western-blot est actuel- lement appliqude en routine, en France, ~i l'Unitd de bact~riologie mol&ulaire et m4dicale de l'Insti- tut Pasteur de Paris (3). La sensi- bilitd et la sp&ificit6 de la s&olo- gie ~i vis6e diagnostique sur un

Journal

seul pr~l~vement, comme cela a 6td fait lors de l'~pid6mie du Mas- sachusetts, n'a cependant pas ~t6 valid~e.

La prophylaxie avec l '&ythro- mycine (ou le trim&hoprime-sul- fam6thoxazole si l '4rythromycine est real tol&~e) est recommand~e aux E ta t s -Un i s pour tous les contacts de cas familiaux et en col- lectivit&, quel que soit leur ~ge et leur statut vaccinai. L'utilisation de la prophylaxie lots de ces 2 6pi- d4mies a pu contribuer ~i r~duire la transmission.

Cette 6pid4mie dans une com- munautd d'adolescents et d'aduhes vaccines corrobore la baisse de l ' immunit6 induite par le vaccin an t icoquelucheux ceilulaire au cours du temps (2, 3). Le vaccin actuel n'est plus utilisd en rappel apr~s ta deuxi~me annie du fait de sa mauvaise tol&ance. La politique de rappel vaccinal chez le grand enfant et ~ l'~ge adulte devra &re reconsid~r6e d~s que les nouveaux vaccins acellulaires seront dispo- nibles et que leur efficacit~ aura ~t6 dvalud (2, 3). Plus que jamais, le diagnostic de coqueluche dolt &re ~voqu~ chez une personne ayant une toux prolong~e, quel que soit son Rge et son statut vac- cinal, surtout s'il existe une notion de contage. Les adolescents et les adultes ayant une forme atypique de coqueluche repr~sentent alors un r~servoir d'infection pour les nourrissons qui ne sont pas encore vaccin& ou le sont incompl~te- ment et chez qui la coqueluche peut se compliquer gravement. Dans ces conditions, la reconnais- sance et le t ra i tement pr~coces chez les adolescents et les aduhes peuvent contribuer fi r6duire la transmission aux nourrissons. I1 importe aussi que la vaccination soit commenc6e d~s l '~ge de 2 mois pour r6duire au minimum le risque de coqueluche chez le nourrisson.

En France, la quest ion de la recrudescence de la coqueluche a 6t~ pos& au travers d'une 6tude de

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la coqueluche du nourrisson en rSgion parisienne (3). La maladie n'&ant plus surveillSe dans notre pays, il convient donc de mettre en place une nouvelle surveillance afin dTen appr&ier l ' importance r~elle, d'en d&rire les caract~ris- t iques 8p id~miolog iques et de guider la pr6vention. I1 est tout aussi n&essaire de sensibiliser ~i nouveau les mSdecins ~t ce t te maladie. Cet article montre par ailleurs l'importance de la d&lara- tion et de Finvestigation de telles 8pidSmies. Ces investigations sont

aussi des opportunitSs pour Sva- luer l*efficacit~ vaccinale ou tester la validit~ de crit~res de d~finition ou de diagnostic cl inique de la maladie, ce qui n*a pas ~t~ rap- port~ dans cet article. B!

Extrait du Bulletin 6piddmiologique hebdomadaire, n~ -1993

B i b l i o g r a p h i e

1. CDC Massachusetts and Mary- land, 1992. - Pertussis out- breaks. MMWR 1993 ; 42 : 197-200.

2. HODDER S, MORTIMER EA. - Epidemiology of pertussis and reactions to pertussis vaccine. Epidemiologic Reviews 1992 ; 14 : 243-67.

3. BI~GUI~ P, GRIMPREL E, ROURE C, Gulso N. - La coqueluche en France, necessit~ de la mise en place d'une sur- vei l lance. BEH 1992 ; 48 : 227-8.

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