Entretien de François Hollande

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  • 7/29/2019 Entretien de Franois Hollande

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    ENTRETIEN DE FRANCOIS HOLLANDE FRANCE 2 28/03/13-DP: Bonsoir, monsieur le prsident. Merci d'accorder la France cegrand entretien. Nous allons tenter daller droit au but. Il y a de la

    dception, de la dsillusion. Croissance zro, chmage record, pouvoird'achat en baisse, dficit... O va la France ? Nous allons parler du cap,de la rigueur qui parat sans fin, de beaucoup de sujets qui concernentdirectement les Franais comme les allocations, les retraites, ladlinquance, peut-tre. D'abord, un mot plus personnel qui concernevous et qui concerne l'exercice du pouvoir. Pour le rsum, on pourraitdire que beaucoup se demandent si, dans ce qui ressemble unetempte, vous avez l'autorit, le temprament pour tenir la barre d'une

    main ferme ?-FH: Merci, d'abord, pour votre invitation. Quand je me suis prsent l'lection prsidentielle, je connaissais la situation du pays.

    -DP: Vraiment ?

    -FH: J e savais la crise qui le frappait. Qui frappe l'Europe. J e savais qu'ily avait depuis cinq ans une augmentation du chmage. 1 million dechmeurs en plus. J e savais qu'il y avait des dficits. Comment l'aurais-

    je sous-estim ? En revanche, ce que nous n'avions pas anticip, c'taitque cette crise allait encore durer plus longtemps que prvu. Alors,qu'est-ce que j'ai fait ? J 'ai simplement annonc des mesures ? Non !

    J 'ai mis en place une politique. Tous les outils sont l. Ce sont cesoutils-l qui maintenant vont tre mis en oeuvre pour atteindre l'objectif.Quel objectif ? Parce que je suis lucide... J e suis conscient.

    -DP: Vous entendez ce qui se dit ?

    -FH: Il y a un chmage qui progresse continuellement. Sur les 60derniers mois, 52 avaient une augmentation du chmage. Donc, monpremier objectif, et je l'ai affirm, c'est inverser la courbe du chmage la fin de l'anne.

    -DP: L inverser, a veut dire quoi ? C'est un voeu pieux ?

    -FH: a veut dire quoi ? Que a va augmenter jusqu' fin de l'anne. Etpuis, la fin de l'anne, nous serons sur une baisse du nombre dechmeurs. Est-ce que c'est un voeu ? Non ! Ce n'est pas non plus un

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    pronostic. C'est un engagement, et une bataille que je mne. J e vais ymettre tous les moyens. J e ne vais pas les inventer, ils sont l. Il y a desemplois d'avenir, nous allons en parler. Les jeunes qui sont sansqualification seront 150 000 avoir un emploi derrire.

    Cela arrivera srement. Ce qui compte, c'est d'avoir autant de jeunesque nous l'avions souhait. Remettre le pied l'trier pour ces jeunesqui sont souvent des quartiers difficiles.

    -DP: C'est surtout dans le secteur public.

    -FH: Oui, surtout le secteur public et associatif. Et puis, il y a le contratde gnration. Cela vient d'tre vot. Cela va crer de 70 000 90 000

    crations d'emplois pour les jeunes et le maintien des seniors, c'est--dire de ceux qui peuvent le transmettre l'esprance, dans l'entreprise.Mais je ne vais pas simplement mettre en oeuvre ces outils-l. J 'aigalement dcid, au mois de novembre, de faire ce qu'on appelle lepacte comptitivit. Cela veut dire quoi ? Ce sont des mots. Ce que lesFranais veulent comprendre, c'est ce qui va se passer. Pour toutes lesentreprises, en 2013, elles vont avoir une diminution de l'ensemble deleur masse salariale de 4 %. Avec cela, les entreprises peuvent investir,

    embaucher, exporter, faire tout ce que peut faire une entreprise quandelle affronte, et elles l affrontent aujourd'hui, la comptition. Cela se meten oeuvre tout de suite. Mais je ne me suis pas arrt l. J 'ai cr unebanque publique dinvestissement. Pour quoi faire ? Pour qu'il y ait desmoyens financiers qui seraient apports justement aux entreprises, enfonds propres, en prt, toute forme de participation pour les amener versdes filires qu'on considre comme stratgiques prioritaires. Lesquelles? La transition nergtique, les nergies nouvelles, la sant, l'conomie

    vivante, et biotechnologies, l'automobile, les voitures propres. Et puisaussi tout ce qui a trait au logement. Nous mettons en place unepolitique.

    -DP: La bote outils, on l'a entendu, nous allons parler de certaines deces options dtailles. Tout d'abord, un mot. Vous dites que vous n'avezpas sous-estim la crise. On se souvient que vous disiez que cette crisetait passagre, que la crise de l'euro tait derrire nous, vous aviezprononc ces mots.

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    -FH: Bien sr ! Qu'avons-nous rgl jusqu' prsent ? J 'y ai contribupuissamment. C'est prcisment la crise de la zone euro.

    -DP: Elle n est pas rgle, il y a eu Chypre rcemment et peut-tre la

    Slovnie demain.-FH: L, ce sont des pays de taille modeste que nous traitons. Non sansdifficult, compte tenu des excs du systme financier.

    -DP: L Italie est toujours fragile. C'est un grand pays.

    -FH: L Italie aussi. Les mcanismes ont t introduits depuis 10 mois.Parce que je vous rappelle que je suis prsident de la Rpubliquedepuis 10 mois. Pas depuis 10 ans. J e n'ai pas la responsabilit du paysdepuis 10 ans. Depuis 10 mois. Mais moi, je ne me dfausse pas. J esuis l. J e suis prsident. Ce n'est pas pour me mettre en contradictionavec mon prdcesseur. C'est pour rgler l'tat du pays, pour le lguerventuellement mon successeur.

    -DP: Quand vous annonciez des prcisions de croissance de plus de 1,5% pour cette anne 2013 et pour 2014 et les annes suivantes, on voitbien que cette croissance ne sera pas au rendez-vous. Cette crise est

    plus forte que ce que vous aviez imagin.-FH: Quand je suis arriv aux responsabilits de la France, lesprvisions de la Commission europenne et de tous les instituts pour2013, c'tait 1,2 %. Moi-mme, j'ai considr que ces prvisionsntaient pas ralistes. C'tait sous mon prdcesseur. Ce n'tait pasraliste. J e ne lui ai pas reproch. Tout le monde tait sur cettehypothse-l. J 'ai dj corrig au mois de septembre. Ce ne sera pas1,2 %, mais 0,8 % au mieux. Et puis, j'ai eu aussi la franchise de direque non, finalement, on ne ferait pas 0,8, parce que l'Europe tait enrcession. L'Italie, l'Espagne, le Portugal, la Belgique, le Royaume-Uni...Ce n'est pas la croissance, que ces pays connaissent, mais c'est unedcroissance, une rcession. Nous, nous nallons pas nous en vanter,nous sommes en croissance zro, nulle. On ne cre pas d'emplois. J 'aipris des mesures pour tenir compte de cette situation. Quelle est mapriorit ? Quel est mon cap ? Ma priorit, je l'ai dit, c'est l'emploi. Maismon cap, c'est la croissance. J e veux que la France connaisse unecroissance. Pourquoi, une croissance ? Parce que c'est la production

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    nationale qui est en cause. Moi, quand je vois les images, ce qui meheurte le plus, ce sont les entreprises qui ferment, les salaris qui necomprennent pas ce qui leur arrive, les dcisions douloureuses qui sontprises, parfois dans des petites entreprises. On arrte une activit.

    Donc, j'ai ce devoir de remettre de la croissance.

    -DP: Restaurer la croissance.

    -FH: Restaurer la croissance, renforcer la comptitivit, ce que nousavons fait avec le pacte. Le crdit d'impt, qui va permettre auxentreprises d'avoir moins de charges et donc de pouvoir investir. Labanque d'investissement... Et puis aussi rorienter l'Europe.

    -DP: On n'en parlera un peu plus tard. Mais je veux insister sur cettefameuse bote outils. Puisque tous les outils sont l. Il y aura plus derformes d'ampleur pour la productivit. Les outils sont l, il fautsimplement les dvelopper. On attend la croissance maintenant ?

    -FH: Non. Les outils sont l, il faut les utiliser pleinement.

    -DP: Ils sont suffisants ?

    -FH: D'abord, il faut les utiliser. Utilisons-les. Les entreprises ont disposition le pacte de comptitivit, un crdit d'impt qui leur permetd'allger immdiatement leurs charges.

    -DP: On en dit un mot ?

    -FH: La banque publique d investissement est prte avancer l'argentncessaire.

    -DP: Lorsque Louis Gallois parlait d'un choc de comptitivit, il parlait

    d'un montant de 30 50 Mrd d euros. L, vous donnez 20 milliardsd'allgements aux entreprises pour le cot du travail. C'est quasiment lemontant que vous leur avez pris avec les augmentations d'impts. Est-ce que a n'est pas une opration nulle ? C'est ce que disent lesentreprises.

    -FH: Ce n'est pas ncessairement les mmes entreprises. C'est vraiqu'on a demand aux entreprises un effort. De l'ordre de 10 milliards

    d'euros. Et on leur a demand cet effort essentiellement pour les plusgrandes, celles qui taient sur le march international et qui avaient les

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    moyens d'assurer cet effort. Nous avons pargn les petites etmoyennes entreprises. Mais il y avait un redressement faire. Tout lemonde veut y participer. J 'ai considr que pour l'anne 2013, et 2014,nous pouvions mettre disposition de toutes les entreprises, ds lors

    qu'elles avaient un salari, toutes les entreprises franaises, peuventbnficier de cet avantage. Ce n'est pas un cadeau. C'est un soutien. J eveux renforcer la production.

    -DP: Cela sera suffisant d'aprs vous pour restaurer la comptitivit ?Vous avez parl de la banque d'investissement.

    -FH: Il y a la banque publique d'investissement, la loi bancaire...Beaucoup d'entreprises souffrent d'un manque de crdits bancaires.

    Nous devons leur apporter toutes les conditions pour trouver du crdit.J 'ai fait relever le plafond du livret A pour qu'il y ait davantaged'investissement, l pargne pouvant aller vers le logement, laconstruction... Mais je pense que nous pouvons encore faire davantage.Et ce soir, je vais dire l'entreprise que nous allons faire un choc desimplification. C'est--dire que... J 'ai dj propos pour le logement.Vous savez, on va rduire de trois fois le dlai pour les constructions.Deux fois pour les contentieux. a, c'est pour le logement. Et je me suis

    dit que nous allons pouvoir trouver de la croissance aussi par lasimplification. Donc, un choc de simplification.

    -DP: C'est--dire, concrtement ?

    -FH: Aujourd'hui, une entreprise, petite, est oblige d'envoyer l'administration 3000 informations par an. 3000 ! Pourquoi ? Demain, ilfaut rduire deux fois, trois fois ce chiffre.

    -DP: Beaucoup l'ont promis.-FH: On va le faire ! Moi, je suis dans l obligation de le faire. J e ne suispas simplement dans l'annonce permanente. J e suis dans l obligation derussir. Parce que le pays ne peut plus attendre. La diffrence dans lasituation d'aujourd'hui et celle qu'on a pu connatre dans le pass, c'estque la crise a t trop longue. Moi, j ai le devoir de faire sortir la Francede la crise et donc, je vais y mettre tous les moyens. J e vous ai dit, dj,toute la bote outils.

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    -DP: Mais vous dire qu'il y en aura pas d'autres ? Si ce n'est la seulesimplification administrative.

    -FH: On a encore beaucoup de choses. La formation professionnelle.

    Les chmeurs qui attendent parfois 15 mois, vous entendez, 15 mois,pour avoir une formation. Un quart des chmeurs attendent 15 mois.Des chmeurs de longue dure. L, je vais proposer qu'un chmeur surdeux puisse avoir une formation professionnelle dans le dlai de deuxmois. Deux mois. Parce que a, c'est une obligation. Donc, on met enplace des mesures pour les entreprises, on met en place des mesuresaussi pour le march du travail. Avec l'accord... Vous vous rendezcompte ? Un accord qu'on peut contester, critiquer, un accord pass

    entre les partenaires sociaux, syndicats, pas tous, syndicats etpatronats, pour que les salaris soient mieux protgs et que lesentreprises puissent avoir plus de souplesse quand il y a des difficultsde conjoncture.

    -DP: Beaucoup ont salu cet accord mais se demandent s il seraretranscrit tel quel par le Parlement dans la loi, stricto sensu.

    -FH: Les engagements que j'ai pris devant les partenaires sociaux qui

    ont sign cet accord, c'est que la loi porterait sur l'accord et rien que surcet accord. Il peut y avoir des corrections qui amliorent. Chaquecorrection devra tre approuve par les signataires. C'est unengagement fort. Pourquoi ? Parce que j'ai voulu faire confiance auxpartenaires sociaux. J amais, vous vous rendez compte, jamais, il n yavait eu un accord entre les partenaires sociaux sur cette question dumarch du travail. Donc les entreprises, la comptitivit, le march dutravail, le choc de simplification, des salaris mieux protgs, parce que

    cet accord va les protger par rapport aux plans sociaux. Pour quunplan social soit approuv, il va falloir qu'il y ait un accord majoritaire dansl'entreprise avec les syndicats. Mais s'il n'y a pas d'accord majoritaire,l administration du travail approuvera. Cela vitera tout ce qui se passeaujourd'hui avec un nombre dentreprises qui licencient de faon trsdouloureuse pour les salaris et mme douloureuses pour lesemployeurs.

    -DP: On va parler de notre grand chapitre de la politique qui sont les

    finances publiques. Deux points d'abord sur les entreprises. Beaucoup

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    de chefs d'entreprise sont troubls car ils entendent des messagescontradictoires. C'est vrai qu'il y a eu des messages contradictoires. Ilsont pu penser qu'ils n'taient pas les bienvenus. Il y a eu des propos decertains ministres qui laissent entendre qutre patron, ce serait pas

    crateur de richesses. Les chefs d entreprise sont-ils les bienvenus ?

    -FH: J e m'adresse tous les Franais. J 'ai besoin de tous les Franais.Quelle que soit leur place dans la vie conomique et sociale. J ai besoinde tous. Les salaris, et les employeurs, de tout ce qui contribue l'activit. Y compris de ceux qui ont travaill beaucoup et qui vont encoretravailler beaucoup.

    -DP: Vous leur dites : "J e compte sur vous".

    -FH: J e compte sur eux. J 'ai dj act par les mesures de confiance quej'ai prises. Ce pacte de comptitivit, cela n'avait jamais t fait jusque-l. J 'ai t plus loin. On va investir dans les filires d'avenir. Beaucoupde jeunes entreprises qui sont dans les secteurs... J 'ai confiance en laFrance, qui est un grand pays. La France est un pays qui a unetechnologie trs avance. On en a fait la dmonstration avecl'aronautique et l automobile ou les biotechnologies. On va investir

    dans les filires d'avenir. Tout ceux qui s'interrogent : "est-ce qu'on estencore une terre de comptition ? Est-ce qu'on ne va pas tre dbordpar les pays mergents? Est-ce que l'Allemagne n'est pas plus forte quenous ?" Eh bien non !

    -DP: Il y en a aussi qui partent.

    -FH: Oui, on dit qu'il y a des mouvements sur le plan fiscal. J 'ai pris deuxdcisions. La premire, c'est sur la transmission de l'entreprise. La

    cession d entreprise. Tous ceux qui ont cr l'activit qui, un moment,parce qu'ils ont atteint l'ge, ou parce qu'ils veulent cder une entreprise des salaris ou d'autres repreneurs, dans de bonnes conditions, onamnagera la fiscalit. J e mettrai plat les choses.

    -DP: C'est--dire ?

    -FH: Pour que ce soit plus simple et surtout moins coteux pour cesjeunes entreprises.

    -DP: Allgement de la fiscalit dans les entreprises ?

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    -FH: Sur la transmission et sur la cession lorsque c'est des repreneursqui permettent bien sr le maintien dans le dveloppement de l'emploi.Deuxime proposition. C'est pour donner un signe, aussi. J e l'avaisannonce dans la campagne, vous vous souvenez, sur les

    rmunrations extravagantes. Parce que moi, j'ai confiance dans leschefs d'entreprise. J e pense qu'il faut qu'ils russissent. Leur russite,c'est la ntre. Et en mme temps, quand il y a des rmunrations quisont trs leves... Bon, j'avais souhait qu'on introduise cettecontribution de 75 %. Le Conseil constitutionnel a appris une dcision.

    J e la respecte. J e vais donc procder diffremment. Dans lesentreprises, d'abord, il va y avoir une transparence de la rmunration.Dans les grandes entreprises, car a ne se passe que dans les plus

    grands entreprises, dans les grandes entreprises, la transparence.L'assemble gnrale des actionnaires sera consulte sur cesrmunrations. Et lorsque la rmunration dpasse 1 million d'euros, ehbien, l'entreprise aura une contribution payer, toutes impositionsconfondues, qui atteindra 75 %.

    -DP: C'est l'entreprise qui prendra en charge...

    -FH: J e respecte pleinement l'engagement que j'ai pris. C'est l'entreprise

    qui prendra en charge. Les actionnaires, en dlibrant. Quel est monide ? Ce n'est pas de punir. Dans ce moment si difficile que l'ontraverse, et o l on demande beaucoup aux salaris, est-ce que ceux quisont au plus haut des rmunrations ne peuvent pas faire un effort deuxans ? Deux ans ! Cet effort, pour ne pas tre sur-le-champ fiscal desmnages, on va faire du ct de l'entreprise.

    -DP: Ce n'est pas le salari qui paie, mais l'entreprise ?

    -FH: L'entreprise sera responsabilise. Quel sera l'effet de cesdispositions ? Beaucoup de grandes entreprises qui pouvaient tretentes de rmunrer certains cadres dirigeants, trs peu, d'ailleurs,plus d'un million d'euros, ces entreprises-l feront, j'imagine, pendantdeux ans, un paiement de cette contribution qui sera plus de 75 %,elles feront en sorte d'expliquer ces cadres dirigeants que mieux vautpendant deux ans faire cela. L'accord qui a t pass par Renault pourgarder les sites en France et faire qu'il y ait plus d emploi en France.

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    Qu a-t-on demand au prsident de Renault ? De diminuer sarmunration. C'est le mme esprit.

    -DP: Puisque vous parlez des impts, il y a un engagement de pris.

    Aprs le choc fiscal 2013, plus d'augmentation d'impt. Est-ce qu'il n'y apas, l, un projet de sincrit. On voit que pour 2014, dj, il y aura 6milliards d'impts supplmentaires parce que certaines ressourcess'teignaient aprs l'anne 2012. Est-ce que vous pouvez dire ce soir : dans le reste du quinquennat, oui, il n'y aura plus d'augmentationd'impts. On prendra dans la dpense.

    -FH: Nous sommes en 2013. J e parlais de 2013. Nous avons pris desdcisions difficiles en 2012 pour 2013. Nous avons demand aux plus

    hauts revenus, mais pas qu'aux plus hauts revenus...

    -DP: Tous les revenus. On a vu la diminution du poids d'achat. C'est d l'augmentation des impts.

    -FH: Non, c'est d aux dcisions qui avaient t prises avant nous pour13 milliards d'euros et par nous, par moi, j'assume mes responsabilits,pour 7 milliards d'euros. Nous devions absolument garder l'objectifdonn.

    -DP: Vous aviez laiss entendre que seulement les plus richespaieraient.

    -FH: Pour l'essentiel, c tait les plus favoriss. J 'en conviens, il y a depetites exceptions.

    -DP: Est-ce que vous l'aviez dit dans la campagne ? Puisqu'on vousreproche souvent : Il na pas dit ce qu il fait.

    -FH: Ecoutez, vous m'avez suffisamment interrog pour savoir que j'aisuffisamment dit que ce serait difficile pour tout le monde. Pour tout lemonde, pour les plus riches. J e pense que cela tait un effort qu'eux-mmes ont regard comme significatif. Reportez-vous certains proposfracassants. Mais c'est plus dur. J e l'ai dit, c'est plus dur. Qu'est-ce que

    j'avais, comme solution ? Laisser filer le dficit ? tre sanctionn par lesmarchs ? Bruxelles ? J e m'y suis refus. J e tiens l'indpendance demon pays. J e ne pouvais pas le faire en 2012. Les budgets avaient tvots. J e ne peux pas rduire telle ou telle dpense qui avait dj t

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    dpense. J 'arrive au mois de mai. Donc, alors, pour 2012, nous avonspris des dcisions qui ont des effets en 2013. Les Franais vont avoir vivre cette dcision-l. Aujourd'hui, nous avons moins de croissance queprvu. Nous allons demander un effort supplmentaire. J e ne dis pas a.

    En effet, nous allons faire des conomies pour qu'il n'y ait pas d'effortsde plus demands aux Franais.

    -DP: Sauf les 6 milliards.

    -FH: Non, a, c'est pour 2014. Des 2014, je lai annonc depuis la fin dumois de dcembre dernier, il y aura une augmentation de la TVA en2014 pour financer le pacte de comptitivit, ce qui permettradembaucher. J e dois financer cela. Il y a une partie en conomies et

    une autre qui sera l'augmentation de la TVA au taux suprieur, le tauxintermdiaire, et une baisse de la TVA sur certains produits de premirencessit pour que le pouvoir d'achat des Franais ne soit pas affect.

    -DP: Sur les produits de premire ncessit.

    -FH: J 'ai dj annonc cela. Pour 2014, en dehors de cette dispositionpour les mnages, il n'y aura aucune autre augmentation d'impts.

    -DP: Ni de taxes ?-FH: Une taxe. Pour financer la Scurit sociale, nous en reparlerons. J eparle de l'tat. Il n'y aura pas d autre augmentation dimpts que celleque j'ai annonce.

    -DP: Et les collectivits locales ?

    -FH: Les collectivits locales sont libres. Elles sont matresses de leurdcision. Elles doivent faire un effort. J e leur ai demand de faire uneffort. Les dotations de l'tat vont tre en diminution. De 1,5 milliard.Chacun doit faire un effort. Ils l'ont compris. Ce n'est pas facile. Maischacun est dans ce processus d'conomies. Et donc, comment fairepour qu'il n'y ait pas d'augmentation d impts ? Faire des conomies.Faire des conomies.

    -DP: J 'ai une question trs simple.

    -FH: Faire des conomies, c'est la seule faon de ne pas dfairel'conomie.

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    -DP: Ce que vous demande la Cour des Comptes. On en parlebeaucoup, ces conomies, les dpenses publiques... Pouvez-vous nousciter ce soir une rforme, une rforme qui fasse baisser de faonimportante la dpense publique ce jour ?

    -FH: La dpense de l'tat ? On parlera aprs de la Scurit sociale. Lesdpenses de l'tat ? On va regrouper tous les achats de l administration.Cela fait 2 milliards d'euros d'conomies. On va dmatrialiser toutes lespices. Cela commence avec les dclarations d impts. Tout va tredmatrialis. Une conomie de plus quelques centaines de milliersd'euros. Ce n'est pas simplement une conomie aux entreprises, cechoc de simplification. C'est aussi l'conomie pour l'tat. On enverra

    beaucoup moins de pices, c'est beaucoup moins de contrles, fairebeaucoup moins de poursuites inutiles que ce soit pour les particuliersou bien pour les entreprises, les collectivits locales. Le choc desimplification, il va aussi concerner les collectivits locales. Toutes cesnormes dont les lus sont las parce que a leur cote, parce que a lesralentit, ce choc de simplification va galement permettre auxcollectivits locales de faire des conomies.

    -DP: a, c'est le fonctionnement. Est-ce qu'il y a dans les rformes de

    structures une rforme que vous allez faire. Quand on regarde la Sude,le Canada, des pays socio-dmocrates, ils ont valu les missions del'tat et ils ont dcid de se passer de certaines missions, parfois deprivatiser certains services, et la social-dmocratie sudoise nefonctionne pas si mal. Pourquoi la France ne ferait pas les mmeschoses ?

    -FH: Nous l'avons fait. Nous avons engag, je vous le rappelle, une

    mission d'valuation des politiques publiques. Et donc, formationprofessionnelle, politique familiale, nous allons en reparler, politique l'gard des collectivits locales, cela va tre revu. Par exemple, ladcentralisation. Ce n'est pas simplement pour transfrer lescomptences, c'est pour viter des superpositions, les doublons.Finalement, chacun s'ajoute la cause commune. Et donc la caissecommune.

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    -DP: On a le sentiment que ces doublons ont t identifis il y alongtemps. Mais des rapports de la Cour des Comptes qui sont souventdans les tiroirs.

    -FH: Cela va tre fait. La diffrence, c'est que moi, je ne suis pas dans leconstat mais dans l'action. J e voudrais juste un chiffre pour que chacuncomprenne bien. Les dpenses de l'tat ont toujours augment.

    Toujours. J e ne parle pas simplement des cinq dernires annes. J eparle des 30-40 dernires annes. Toujours ! On dpensait l'anne 2012plus que l'anne 2011. L'anne 2013, on va dpenser autant que 2012.Autant. Et l'anne 2014, l'tat va dpenser moins qu'en 2013. 1,5milliard en moins. Pourquoi je fais a ? Parce que toute conomie que je

    ralise, c'est un impt en moins pour les Franais qui leur sera pargn.-DP: Allez-vous supprimer un chelon de collectivits locales ? On a lacommune, la communaut de communes, le dpartement, la rgion...

    -FH: Dans la loi de dcentralisation, il y aura l'institution des mtropoles.Les collectivits doivent tre taille europenne.

    -DP: On en rajoute, on n'en enlve pas.

    -FH: Cela va agrger des collectivits qui sont aujourd'hui dans descommunauts. Il y a mme des mtropoles qui vont absorber une partiedes comptences des dpartements. Donc on fait ce travail. Et on le faitavec pragmatisme. On le fait avec respect. Mais on le fait.

    -DP: Quelques exemples prcis de dpenses. On ne parle pasforcment de l'tat. Mais peut-tre les budgets sociaux. Les allocationsfamiliales, est-ce que vous tes dcid en priver les mnages les plusriches, les rduire, ou bien les fiscaliser ?

    -FH: Pour que chacun comprenne qu'on parle de la politique familiale,d'abord, c'est une grande russite, la politique familiale franaise. On l abien entendu. Le chiffre, il n est pas simplement celui des prestations.

    -DP: C'est la bonne nouvelle du jour que nous avons vue.

    -FH: Depuis des annes et des annes, nous avons le plus fort taux denatalit d'Europe pour la fcondit la plus prospre, si je puis dire. C'est

    quand mme un sujet de satisfaction. Cela tient en partie la politique

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    familiale. Il fallait faire... Il faudra aider la garde des enfants. J e le ferai.Mais il y a 2 milliards de dficit. Nous n'quilibrons plus depuis quelquesannes la branche famille. Les recettes sont infrieures aux dpensesde 2 milliards. Il y a deux principes que je vais fixer tout de suite. Il n'y

    aura pas de fiscalisation des prestations familiales. Parce que c'estabsurde. On ne va pas donner d'un ct pour reprendre de l'autre. Non !

    -DP: Et une rduction ?

    -FH: On va garder l'universalit des prestations familiales. Lesallocations familiales. Pour tre prcis, les plus hauts revenus n aurontplus les mmes allocations familiales que les plus bas. Non, cela serarevu.

    -DP: Y aura-t-il un allongement de la dure de cotisation ou y aura-t-ilune dsindexation des pensions sur la dure de cotisation ? On a sentique mme gauche, il y avait des gens comme Henri Emmanuelli et

    J ean-Marie Le Guen qui disaient qu'il fallait... Pourtant, la gauchesemble refuser certains changements.

    -FH: J 'tais dans cette situation dopposition. C'tait vrai hier, cela pseaujourd'hui.

    -DP: C'est un regret que vous exprimez ?

    -FH: Non. J e parlais d'ingalit. A ceux qui avaient cotis longtemps, ondemandait de cotiser encore davantage. C'est pourquoi, ds monarrive, ceux qui avaient fait leur 40 annuits de cotisation pouvaientpartir la retraite 60 ans. C'tait un principe fondamental. Aujourd'hui,pour cela, pour ceux qui ont cotis longtemps, ils doivent pouvoir partir temps. Mais, comme on vit plus longtemps, l'esprance de vie s'allonge.

    Trs bien. Il va falloir des dures de cotisation plus longue. Cela seral'objet de la ngociation avec les partenaires sociaux. Vous me posezdes questions prcises, je vous rponds prcisment. Aujourd'hui,malgr la rforme qui a t annonce comme la dernire, il faut toujoursse mfier de ceux qui disent que c'est la dernire. J 'vite toujours defaire cette annonce. On nous avait dit que c'tait la dernire. On a 20milliards d'euros de dficit en 2020. 20 milliards d'euros ! Il y en aforcment les prochaines annes. Il va falloir faire un effort aussi pour2014, 2015. Les partenaires sociaux ont t trs responsables. Puisqu'il

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    y a eu un accord sur les retraites complmentaires. Et franchement,avec des mesures trs courageuses.

    -DP: Sur la dsindexation ?

    -FH: Il a t fait sans attendre sur des critres qui concernaient lesretraites complmentaires, il faudra faire diffremment pour le rgime debase.

    -DP: Sur le principe de la dsindexation, la diminution des pensions ?

    -FH: Pas pour les petites retraites, c'est impossible. Pas pour lesretraites de base. C'est impossible que nous soyons dans une remise encause de ce qui est le droit fondamental pour les retraits d'avoir lemaintien de leur pension. Donc, il y aura une discussion sur lesparamtres, tous les paramtres, cotisation, indexation, et allongementde la dure de cotisation.

    -DP: Est-ce que l'indemnisation du chmage sera rforme ? Voussavez ce qu'on dit, que la France est trs gnreuse, notamment pourles plus hauts revenus et notamment pour la dure d'indemnisation.

    -FH: Cette ngociation entre partenaires sociaux, c'est Ple emploi quien a la responsabilit, avec l UNEDIC. Il y aura cette ngociation.

    -DP: Cela peut tre un frein l'emploi ?

    -FH: Qu'est-ce que je veux prendre comme rforme ? On doit consulternos partenaires sociaux. Il faut que le systme d'indemnisationencourage le retour l'emploi. Il faut que les systmes d indemnisationse cumulent avec la reprise d'un emploi, mme temps partiel. Donc onaura revoir ces procdures. Y compris d'ailleurs ce qu'on appelait leRSA activit qui tait une ide trs bonne. Il n a pas vritablementfonctionn. Le faire qu'on donne cette incitation plus forte aujourd'hui la reprise du travail.

    -DP: Vous ne prononcez pas le mot mais vous redoutez l'assistanat ?

    -FH: J e me mfie de ces mots. C'est toujours laisser penser que ceux

    qui touchent une prestation n'y auraient pas droit ou seraient en faute.Celui qui est chmeur aujourd'hui, il ne l'a pas voulu. Le million de

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    chmeurs des cinq dernires annes, ce n'est pas 1 million de gens quise seraient prcipits Ple emploi pour avoir une indemnit. Non.Donc, il va falloir aussi faire cette rforme de la formationprofessionnelle. Ce que je veux, c'est que ceux qui sont au chmage

    puissent dire "c'est une difficult, mais je veux avoir une chance. J e vaisavoir une espce de contrat avec Ple emploi. J e suis Ple emploi, jeme forme, je veux me qualifier, on me donne des moyens et je vaispouvoir retrouver un emploi durable."

    -DP: Un dernier point sur le budget de l'tat. La dfense. Vous avez vuqu'il y a un dbat trs important. Il y aurait des conomies y faire. Leministre de la Dfense souhaite des conomies limites. 181 milliards

    sur cinq ou six ans. Bercy souhaite quelles soient plus fortes. Est-ceque vous allez arbitrer ce dbat qui est important pour la souverainetde la France ?

    -FH: J uste un mot, rflexion. On me dit qu'il faut faire des conomies. Ilfaut montrer qu'on va faire des conomies. J e parle de politiquefamiliale, mais il ne faut pas y toucher. J e comprends. C'est d'un biencommun. J e suis chef de l'tat et chef des armes. J e sais ce qu'estl'indpendance nationale. La France est un grand pays qui peut dcider

    seul.

    C'est notre garantie, notre protection. Il faut la conserver et lamoderniser. Enfin, on peut protger notre territoire. Ce qui est un faithlas que je constate, c'est que les menaces augmentent et les budgetsmilitaires diminuent. Il faut de l'autonomie de dcision, de la protectiondu territoire de dissuasion. Il faut les maintenir. L'annonce que je vousfais, pour viter que ce dbat continue de se drouler, mme s'il est

    lgitime. Ce sera le dbat de ce qu'on appelle la loi de programmationmilitaire. Nous dpenserons 2014 exactement le mme montant qu'en2013. Ainsi, ce sera la mme somme qui sera affecte.

    -DP: On va parler de l'Europe et clore ce chapitre conomie. Vous nousdites que les outils sont tous l. Il y en aura quelques-uns de nouveaux.Vous avez parl des normes, de la formation. Vous dites aux Franais

    que les outils sont l, et qu'on attend la croissance pour nous pousser ?

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    -FH: Non ! Si on ne parle que de la croissance, pas sr qu'elle arrive ! Ilfaut la ressusciter. Il y a ce qu'on appelle la croissance. La croissance,c'est quoi ? Etre plus comptitif que les autres. D'o le pacte que j'aipass avec l'entreprise. Trouver de la croissance, c'est tre sur les

    meilleures filires, d'o les investissements que nous faisons. Trouverde la croissance, c'est avoir un secteur du logement, de l'artisanat, quisoit dynamique. C'est pour a que j'ai pris des mesures exceptionnelles.

    -DP: Aprs avoir relev la TVA sur le btiment.

    -FH: Non.

    -DP: De 7 % 10 %, le taux intermdiaire.

    -FH: Non, c'est en 2014. Ceux qui ont relev le taux de TVA sont nosprdcesseurs. Ils l ont pass de 5,5 7 %. Moi... J 'ai fait tout de suitebaisser la TVA sur le logement social 5,5. Et pour la rnovationthermique, tout ce qui va contribuer amliorer le logement et viter laprcarit nergtique, je ferai une mesure spcifique. J 'ai dj lanc desaides de 1350 euros pour aider tous les particuliers pour rnover leurslogements au niveau thermique. Sur la TVA, je regarderai trsprcisment ce sujet. Parce que je pense que a peut tre aussi unpuissant levier pour l'artisanat et le btiment. Donc, je vais continuer dvelopper ces moyens. Mais il faut utiliser tout ce que nous avons missur la table pour les uns comme pour les autres. C'est la mmepolitique, march de travail, comptitivit, emplois davenir, contrats degnration, filires industrielles... Nous avons l tous les lments, plusla formation professionnelle... Et je suis conscient aussi du problme dupouvoir d'achat. J 'attends pas la croissance, je la cre.

    -DP: Vous dites ce soir : "A crise exceptionnelle, ces outils-l sontsuffisants."

    -FH: Ces outils-l sont mme exceptionnels. Vous vous rendez compte? 20 milliards d'euros pour la comptitivit, le march du travail, lecontrat de gnration qui va donner 4000 euros chaque employeur quigarde un senior et embauche un jeune, des emplois davenir, 150 000,pour les collectivits locales et associations qui vont prendre des jeunesqui sont sans qualification, la formation professionnelle qu'on va revoir...

    J e suis conscient du problme du pouvoir d'achat. Des dcisions qui

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    avaient t prises durant cette priode-l, les Franais manquent depouvoir d'achat. Difficile de leur en donner, mais encadrer les loyers, acre du pouvoir d'achat. Baisser le prix du gaz autant qu'on le pourra, cesont aussi des moyens pour le pouvoir d'achat. Lutter contre les frais

    bancaires, ce sera la loi bancaire, c'est la loi bancaire qui vient d'trevote. On va diminuer les frais bancaires. C'est du pouvoir d'achat.

    -DP: Supprimer l'exonration sur les heures supplmentaires, a baissele pouvoir d'achat.

    -FH: Ca baisse le pouvoir d'achat. Mais je l'ai fait parce que j'avaisl obligation de redresser les comptes publics. Cela ne m'a pas fait plaisir.En mme temps, fallait-il encourager les heures supplmentaires quand

    il y a plus de 3 millions de chmeurs ? La question mrite d'tre pose.Mais aujourd'hui, je vous dis qu'il y a ce qu'on appelle la participation. J epropose qu'elle soit, pour tous ceux qui, 4 millions de Franais, en ontl'usage, de ces accords de participation, qu'elle puisse tre dbloqueimmdiatement. Tous ceux qui ont un accord de participation et quiveulent jusqu' 20 000 euros, utiliss pour quelque achat que ce soit...

    -DP: Sans raison particulire ? S'ils le dcident, qu'ils puissent en

    disposer ?-FH: Pour acheter un bien, voiture ou autre, participer un apport pourle logement... Ils pourront le faire. Cela durera six mois. Mais celapermettra pendant ces six mois de dbloquer l'pargne pour l'affecter la consommation. Vous voyez, j'avance, mais je veux surtout que lesoutils que nous avons mis en place soit pleinement utiliss. Et parce que

    je pense que grce cela, nous aurons de la croissance ds la fin de2013. Et a, c'est l'engagement que je prends, pas simplement attendrela croissance, mais aller trouver la croissance par nous-mmes grce nos leviers.

    -DP: Vous aviez dit deux ans d'efforts et puis on redistribue ce qu'on agagn. Vous maintenez ce calendrier ?

    -FH: Oui, deux ans pour redresser et ensuite, le reste, trois ans, pournous dpasser. Parce que nous devons aller plus loin. Moi ce que jeveux, ce n'est pas seulement remettre de l'ordre dans les comptespublics, et dans les entreprises. J e veux que les Franais se disent qu'il

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    y a un espoir, qu'ils peuvent s'en sortir et qu'ils peuvent tre lesmeilleurs. Parce que, peut-tre que j'ai d attendre d'tre chef de l'tatpour m'en rendre compte. J e voyage. Nous sommes regards, nous, laFrance, attendus, esprs. En Europe, par exemple qu'attend-on de la

    France ? Qu'elle dise qu'il fallait remettre... Il fallait remettre de l'ordre la crise financire qui s'tait produite. C est fait, pour l'essentiel. Resteencore Chypre, mais a vient d'tre rgl avec des principes qui sonttrs importants. On ne fait pas payer les dposants jusqu' 100 000euros.

    -DP: Vous pouvez prciser ce propos ? Est-ce qu'on va, est-ce qu'onrisque de toucher notre pargne bancaire ? Il y a eu ce prcdent

    chypriote. Il a t retoqu.-FH: J amais. Et je peux tre d'autant plus affirmatif que nous avons faitvoter une loi bancaire, l. Cette loi bancaire anticipe sur ce que doit trel'Europe. L'union bancaire. C'est--dire une supervision. On regarde lesbanques, pour voir si elles font pas d'erreur. Si elles se comportentcomme il convient. On peut intervenir lorsqu'il y a une difficult ou unecrise. C'est ce qu'on appelle la rsolution. Et quand bien mme, on lesrecapitaliserait sans qu'il en cote quoi que ce soit l'pargne. Pourquoi

    ? Parce que dans la loi bancaire, comme ce sera le cas dans l'unionbancaire, tous les dpts jusqu' 100 000 euros sont garantis. EnFrance, nous sommes totalement protgs. Pas de crainte.

    -DP: Vous aviez dit pendant la campagne que vous alliez rorienterl'Europe vers la croissance, notamment avec cet ajout au traiteuropen. Presque un an aprs, l'Europe est plus que jamais dansl'austrit. Est-ce qu'il n'y a pas l une parole qui a t dite et qui n'est

    pas respecte ? Et il n'y avait pas l un engagement un peu lger ?-FH: Mais non. Il y a eu un engagement et une traduction. Ds lespremires semaines, les premiers jours, mme, de ma fonction, j'ai pu,avec les partenaires europens, faire voter ce pacte de croissance de20 milliards d'euros.

    -DP: Qu en est-il aujourd'hui ?

    -FH: J e veille chaque Conseil europen ce que sa mise en oeuvresoit effective.

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    -DP: On nen voit pas beaucoup la couleur.

    -FH: Vous en verrez la couleur. La banque europenned'investissement, qui va faire les prts et va faire ce qui permettra de

    mettre de la croissance, a t recapitalise. Nous avons mobilis desfonds structurels. Cela prend toujours trop de temps. Et moi, j'en aiassez, du temps perdu. L'Europe, c est ce qui nous permet d'tresolidaires. Mais c'est tellement long dans les procdures que nousdevons acclrer.

    -DP: Vous le dites qui, ce soir ?

    -FH: J e le dis tous les partenaires. Nous devons aller plus vite. Y

    compris pour aider des pays comme Chypre ou autres. Ou bien laGrce.

    -DP: Et ils vous ont suivi ?

    -FH: Oui. Mais c'est plus long.

    -DP: Est-ce que la France compte encore en Europe ?

    -FH: Le problme, c'est que je ne suis pas tout seul.

    -DP: On a l'impression que c'est l'Allemagne qui dicte ses lois l'Europeaujourd'hui. Parfois avec les Pays-Bas, comme sur Chypre, avec lesFinlandais. On dirait que la voix de la France nest pas entendue.

    -FH: La voix de la France est entendue sur l'union bancaire. L'Allemagnel a parfaitement admise. Nous avons pu aller vers ces rgles-l, qui nousprotgent de la spculation.

    -DP: Pas sur le budget ni l'austrit.-FH: Sur la taxe sur les transactions financires, Angela Merkel nous asuivis. Nous sommes dans cette tension amicale avec l'Allemagne qui,comme vous le savez, Mme Angela Merkel n'a pas la mme ide quemoi. Mais nous avons une obligation, avancer. Nous avons maintenantun dbat. Sur la rigueur. Pas la rigueur, l austrit. Ce n'est pas la mmechose. Que les pays europens soient dans l'obligation d'tre rigoureux,

    j'en conviens parfaitement. La France en premier. tre rigoureux.

    -DP: Mais elle ne respecte pas son engagement ?

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    -FH: Oui, je vais vous dire. tre dans l'austrit, non. tre dansl'austrit, c est condamner l'Europe non pas tre en rcession, c'estla condamner l'explosion. Parce que je vois ce qui se passe enEurope. Les populismes qui montent, avec ce qui se produit en Italie, les

    mouvements extrmistes, voire mme nonazis, en Grce. J e vois aussides gosmes nationaux. Vous parlez du budget europen. J e leconcde sous mes yeux. La France s'en est plutt bien tire. On amaintenu la politique agricole commune. J 'ai maintenu les fonds pour lesrgions. Mais a t un marchandage. J e me suis demand o estl'intrt europen ? O est l'aventure ? J 'ai cette obligation parce que

    je suis le prsident de la France de dire aux Europens : je fais devantvous comme je le fais devant eux, devant les Franais, aujourd'hui,

    prolonger l austrit, c'est le risque de ne pas aboutir rduire lesdficits et la certitude d'avoir des gouvernements impopulaires dont lespopulistes ne feront qu'une bouche le moment venu.

    -DP: Mais qui vous entend ?

    -FH: Ceux qui sont concerns. L'Espagne, l'Italie, le Portugal, laBelgique... Ils sont tous conscients qu'ils ont fait des efforts. Il fallaitqu'ils en fassent.

    -DP: Cela peut inflchir la position allemande ?

    -FH: La position allemande est aussi celle-ci. L'Allemagne, quand il n'y apas de croissance en Europe, ou quand il y a une rcession, l'Allemagneet -0,3 et la France est -0,6. Ils sont entrans par ce mouvement. Ilfaut argumenter. J e ne ferai pas une politique qui conduise l'Europe l'austrit. On est devant ce choix. Doit-on absolument atteindre nosobjectifs de 2013 ? L'objectif de 3 %. O est-ce qu'on peut faire sereporter l objectif 2014 ? Et vous viter les efforts que l'on fait ?conomies, prlvements qui sont srieux... Donc, je dis que nousn'atteindrons pas les 3 % parce que si je force la ligne, je casserail'espoir du retour de la croissance.

    -DP: Et la commission dit oui ?

    -FH: La commission, je vais discuter. J e ne vais pas du tout prtendrequ'elle va signer le papier que je vais lui prsenter. J e vais argumenter.

    J e sens que cette prise de conscience existe. Et a, c'est mon rle. Mon

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    rle pas simplement parce que je suis un prsident socialiste. J e ne suisd'ailleurs plus un prsident socialiste mais un prsident de tous lesFranais, prsident de la France. Et parce que je suis le chef de l'tatfranais. Et le rle de la France, tous les pays d'Europe disent qu'il faut

    que l'on tienne ce langage, que seuls nous pouvons le faire. AngelaMerkel entend cela aussi. Elle en est consciente. Elle est europenne.

    -DP: Cela ne se remarque pas beaucoup.

    -FH: Oui, mais je suis europen. C'est parce que je suis europen que jene veux pas que l'Europe soit la maison de redressement. J e suis pourle redressement, pas pour la mise au redressement.

    -DP: Une dfaite d Angela Merkel ferait vos affaires ?-FH: Non, je ne me mle pas des affaires lectorales des autres. C'estce que j'ai demand dans la campagne prcdente. Qu'on ne se mlepas des affaires de la France.

    -DP: Vous n'avez pas t entendu.

    -FH: J e ne fais pas aux autres ce que d'autres mont fait.

    -DP: Nous allons parler du Mali. Une question militaire. Est-ce quel'essentiel de la reconqute du territoire a t accompli ? Est-ce quevous avez une date de dbut du retrait pour l'arme franaise ?

    -FH: Oui, nous avons atteint nos objectifs. Premier objectif, stopper laprogression. Cela s'est fait dans les premiers jours au Mali. C'taitensuite, deuxime objectif, reconqurir les villes qui avaient toccupes par les terroristes. C'est fait. J e suis all moi-mme en faire leconstat.

    -DP: On en voit des photos.

    -FH: La population nous confirmait bien que nous tions des librateurs.

    -DP : Vous avez dit que c'tait le plus beau jour de votre vie politique.

    -FH: Pas pour moi, pour la France. La France est un pays colonial.C'tait un pays que la France avait occup autrefois. La France a t

    regarde comme le pays de la libert. Comme le pays del'mancipation. Comme le pays de la dlivrance. a, chaque Franais

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    doit en tre fier. Et les soldats franais doivent tre rcompenss.Remercis. Alors, nous avons atteint ce deuxime objectif qui taitlibrer le Mali. Nous avions comme objectif daller dans le rduit lesterroristes. Aller dans leur sanctuaire, des montagnes extrmement

    difficiles d'accs. L encore, les soldats ont t exemplaires. Ils sontalls pied avec 45 degrs de temprature. J 'ai suivi ces oprations.

    -DP: Vous avez les yeux qui brillent quand vous en parlez.

    -FH: Oui, parce que je suis en admiration devant ce qui a t fait.Certains sont morts. Nous avons eu cinq soldats tus. On a eu plusieursblesss, dont certains graves. Donc ils sont alls chercher lesterroristes, y compris le chef des terroristes, qui a donc t tu. Par un

    bombardement qui a t effectu par l'arme franaise. Donc, nousavons atteint... Sauf, j y reviendrai, n'avons pas pu retrouver nos otages.Donc, nous allons continuer de ce point de vue-l faire cetterecherche. Quand allons-nous maintenant, puisque nous avons atteintnos objectifs, rduire notre prsence ? la fin du mois d'avril, nous nousretirons. Nous sommes plus de 4000. Au mois de juillet, il n y aura plusque 2000 soldats franais au Mali dans le cadre sans doute d'uneopration de maintien de la paix de l'ONU et puis, la fin de l'anne, un

    millier de Franais seulement seront prsents. Et tout cela en bonneintelligence avec le gouvernement malien. Ils ont toujours des forcesprpositionnes pour intervenir si c'tait ncessaire.

    -DP: Alors, un succs militaire mais une grosse incertitude politique. Est-ce que la France va se trouver de fait engage dans la constructiond'une nation malienne ? Parce que pour l'instant, le gouvernementmalien n'est pas lgitime. Il est issu d'un coup d'Etat. Il y aura des

    lections. Est-ce que la France travaille par exemple, ce n'est pas trspolitiquement correct de le dire, mais est-ce que c'est le cas, trouverdes candidats la prsidence malienne, qui pourrait tre lue et refaire que ce pays puisse avoir son unit, notamment entre les

    Touaregs et les ethnines majoritaires ?

    -FH: Non, le temps o la France dsignait des chefs d'tat en Afriqueest rvolu. J e ne ferai pas a.

    -DP: Ne serez-vous pas oblig de le faire ? Comme les Amricains enAfghanistan ?

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    -FH: Ce sont les bonnes manires. Mais il y aura des lections. Nous,nous voulons qu'il y ait des lections au Mali la fin du mois de juillet. Eta, nous serons intraitables l-dessus. Deuximement, il faut qu'il y aitce dialogue avec toutes les composantes de la socit malienne.

    -DP: Qui est aux sources de conflits, pour une grande part.

    -FH: Pour une bonne part. Mais cela est un prtexte. Les dualistesterroristes s'y sont engouffrs. Mais il faut rgler les problmes quiremontent loin, au Mali. Mais a, c'est une affaire entre Maliens. LaFrance avec les Nations unies, les pays africains et les pays europens,continueront de former les troupes maliennes pour assurer la scurit duterritoire. Nous avions un objectif, librer le Mali avec le souci de

    maintenir et surtout de rinstaller la dmocratie. Aprs, c'est une affaireentre Africains.

    -DP: Les otages. Vous avez dit aux familles, parat-il, que la France nepaierait plus pour les otages. C'est la vrit ?

    -FH: La politique de la France, c'est qu'il n'y a pas de versement deranon.

    -DP: Officiellement. Ces dernires annes. Et on savait qu'on sedbrouillait pour qu'il y ait une ranon.

    -FH: Ce que j'ai dit aux familles, je comprends que a les ait affectes,et on a dit "comment pourriez-vous comprendre au moment o noussommes en guerre contre les terroristes, que nous leur versions dessommes d'argent pour quils achtent des armes contre nos soldats ?"Cette nouvelle ne signifie pas quil n y a pas de contact, pas dengociations, qu on ne cherchera pas une solution. Mais aujourd'hui, ilne peut y avoir de versement de quelque ranon que ce soit. J e vous l'aidit, dans le pass, il n'y en a pas eu.

    -DP: Est-ce que vous pouvez confirmer la mort de Philippe Verdon ?

    -FH: J e ne peux pas la confirmer. J e n'en ai pas la preuve. Mais... Leministre Laurent Fabius s'est entretenu avec la famille. Nous avonshlas des lments qui nous conduisent penser qu'il pourrait tre mort.Mais... Vous vous rendez compte ? Tant qu'on nest pas sr, il y a

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    toujours un espoir. Tout ce que nous avons eu comme interception,comme renseignement... On peut penser qu'il aurait t tu.

    -DP: Est-ce que vous avez des preuves de vie des autres otages ? Et

    notamment de la famille avec quatre enfants qui a t enleve auCameroun et qui serait toujours au Nigria ?

    -FH: Oui, nous avons aujourd'hui des preuves de vie. Mais nous nesavons pas exactement o cette famille est retenue. Nous savons quec est au Nigria. Et l encore, nous cherchons tous les contacts qui nouspermettent de pouvoir obtenir la libration. Mais dans ces sujets-l, jedis pas a pour manquer au devoir d'information, moins on en dit, mieuxon agit.

    -DP: La Syrie. La France exprime son souhait de livrer des armes,certaines catgories d'armes aux rebelles. Mme si l'Europe n'acceptepas de lever l'embargo. Est-ce qu'il n'y a pas un danger livrer desarmes dont on ne sait pas si demain elles ne pourraient pas se trouveraux mains des jihadistes. Est-ce que c'est vrai ?

    -FH: Aujourd'hui, il y a un embargo que nous respectons. Cet embargo,il est viol par les Russes qui envoient des armes Bachar al-Assad.C'est un problme. Il y a eu prs de 100 000 morts en Syrie. 100 000. Etavec une guerre civile qui se radicalise. L encore, les jihadistessaisissent cette opportunit pour porter des coups Bachar al-Assadmais en mme temps, prendre des marques pour la suite. Bon. Pournous, il faut continuer la pression politique, militaire, mais il a galementenvoy un message. Quel est-il, ce message ? Il ne veut pas avoir delivraisons d'armes la fin de l'embargo au mois de mai s'il n'a pas lacertitude que ces armes seront utilises par des opposants lgitimes etcoups de toute emprise terroriste.

    -DP: Est-ce qu'on peut avoir cette attitude ?

    -FH: Pour l'instant, nous ne l'avons pas. Donc nous ne le ferons pas tantque nous n'aurons pas la certitude qu'il y a aujourd'hui un contrle parl'opposition de la situation. Et encore des incertitudes. L'opposition s'estdivise ces derniers jours. Mais en mme temps, je voulais envoyer cesignal-l. Il faut faire cette pression-l. On ne peut pas laisser un peupletre massacr. Sans ragir. L opposition doit se structurer, nous donner

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    toutes les garanties, et les Russes doivent favoriser la ngociationpolitique, et ce moment-l, permettre enfin le dpart de Bachar al-Assad.

    -DP: Il nous reste 10 minutes. Il reste des sujets d'actualit comme lemariage homosexuel. Est-ce que les manifestations qui se sontdroules le week-end dernier et qui risquent de se drouler encore, ladtermination des manifestants d'une certaine manire, et leur masseaussi, feront changer votre dcision ?

    -FH: Cette initiative lgislative sur le mariage pour tous n'est pas venuede nulle part. C'tait d'abord ma conviction et pas simplement la mienne.C'tait un engagement que j'avais pris. C'tait une galit pour tous des

    droits qui taient donns tous sans qu'aucun droit ne soit repris d'autres. Les couples htrosexuels auront les mmes droits, pres etmres, et il n'y a rien de chang pour ces couples-l. C'tait un principed'galit. Alors c'est vrai que ces dbats de socit sont toujoursextrmement vivants.

    -DP: Vous vous attendiez une telle position ?

    -FH: J 'ai le souvenir du PACS qui a t un moment trs intense. J e mesouviendrai si j'avais t plus jeune de ce qu'avait t le dbat surl'interruption volontaire de grossesse. J e respecte ces contradictions quiexistent dans la socit franaise. Qu'est-ce que je dois faire ? J e suisun prsident qui veut la fois tenir les engagements et la fois qui a lesouci de respecter et d'apaiser. Qu'est-ce que j'ai dcid avec leParlement ? C'est qu'il y avait dans le texte du mariage pour tous etl'adoption certaines conditions. C'est tout. Et je le redis ici, la PMA, laprocration mdicalement assiste, pour des couples qui ne sont pasncessairement homosexuels, ce n'est pas dans le texte, c'est renvoyau comit national d'thique. Il a donn un avis la fin de l'anne. Donc,cette question-l n'est pas intgre dans le texte.

    -DP: Si le comit d'thique dit non, vous ne ferez pas la PMA ?

    -FH: J e respecterai ce que dira le comit national d'thique.

    -DP: S'il dit oui, vous la ferez ?

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    -FH: J e verrai son avis, je ne veux pas prjuger. Ce n'est pas dans letexte. Lorsqu'on laisse penser qu'il pourrait y avoir subrepticement cettedisposition, ce n'est pas vrai. De la mme manire, comme je vous l'aidit, la base est toujours le Code civil. La gestation pour autrui, la mre

    porteuse, cela restera interdit en France tant que je serai prsident de laRpublique. Donc, voil ce qui peut permettre, non pas de nous mettred'accord, je comprends qu'il y ait cette opposition, qu'elle correspond des visions spirituelles, que je respecte. Mais il y a un moment o il fautaussi accepter la lgitimit du Parlement et du suffrage. Avec le souci detrouver les apaisements ncessaires.

    -DP: La dlinquance. On a senti qu'il avait peut-tre une certaine

    incertitude sur la suppression des peines plancher pour les rcidivistes,c'est--dire ce minimum de condamnations auxquels s'exposent ceuxqui rcidivent. Est-ce que vous confirmez ce soir que ces peinesplancher seront bien supprimes ?

    -FH: Elles seront supprimes quand on aura trouv un dispositif quipermet d'viter la rcidive. On va le trouver, bien sr. Il faut traiter leproblme.

    -DP: Mais ce n'est pas pour tout de suite ?-FH: Il faut qu'on ait tous les moyens pour le faire. Aujourd'hui, il y a despersonnes en prison parce quils ont fait une infraction etautomatiquement, elles se retrouvent en prison. Ce n'est pas forcmentl o ces personnes devraient tre. On devrait mme plutt les enprmunir. Et puis d'autres qui devraient tre en prison qui ne sont pas

    juges, qui ne sont pas suivies, et qui commettent des actes dedlinquance. Donc, on va avoir des dispositions qui permettront detraiter la rcidive pour que justement, elles ne soient pas un risque pourla population. Ce qui est insupportable pour nos compatriotes quisubissent une violence, c'est que celui ou ceux qui les ont attaqus ouagresss soient encore en libert, mme pas en prison, en libert. Qu'ilsreviennent dans n'importe quelles conditions, non suivis. a, ce seratermin.

    -DP: En ce concerne la lacit. La Cour de Cassation a rendu sa

    dcision sur l'affaire Babyloup. Est-ce que vous tes favorable une loiqui rglementerait strictement le port des signes religieux, port apparent,

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    l'expression de signes religieux, certaines catgories d'entreprises,notamment celles qui sont en contact avec le public ou les enfants ?

    -FH: L aussi, soyons prcis. Pour l'affaire de la crche, il s'agit d'une

    crche associative, avec des financements publics, et o une employeavait un signe religieux.

    -DP: Un voile.

    -FH: Cette crche ne voulait pas cela. Elle l avait traduit dans sonrglement intrieur, elle ne voulait pas de signes religieux. La Cour deCassation a donc annul le licenciement. J e comprends que ceproblme puisse se poser. Ds lors qu'il y a contact avec les enfants,

    dans ce qu'on appelle le service public de la petite enfance, une crcheassociative, pas une crche prive, avec des rgles spcifiques, unecrche associative avec des financements publics, il doit y avoir unecertaine similitude par rapport ce qui existe dans l'cole.

    -DP: Il faut un texte de loi ?

    -FH: Donc je pense que la loi doit l'interdire. Le dfenseur des lois asaisi le Premier ministre sur cette ncessit. Mais ce que je veux, c'est

    que la loi suive les principes. Il s'agit de regarder ce problme enparticulier. Les enfants dans les crches. C'est un service public. Il fautque nous posions des rgles, que ce soit un consensus.

    -DP: Ce ne sera pas une loi contre l'islam comme on le dit souvent ?

    -FH: Si on fait une loi gnrale, cela regardera tous les domaines,l'entreprise o il n'y a pas ncessit avoir de rglement intrieur au sujetd'un signe religieux. L o il y a un contact avec le public, une mission

    d intrt gnral, il doit y avoir une rgle. Comme je veux un consensus,je crois que notre intrt est que personne ne se sente discrimin, ouatteint, je souhaite que ce ne soit pas un dbat politique, et donc quenous puissions trouver un texte qui fasse consensus. Et je demanderaidonc au Premier ministre et dfenseur des droits de runir les groupesparlementaires pour qu'un texte puisse tre vot, y compris avec unecommission qui en dfinira les moyens.

    -DP: Dernier point, ce qui nous amne la politique, non cumul desmandats. C'tait une de vos promesses, un marqueur de votre

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    programme. a se fait attendre. Est-ce que cette loi pour interdiction ducumul des mandats a une chance de voir le jour avant la fin de votrequinquennat ?

    -FH: La semaine prochaine, au Conseil des ministres, il y aural'inscription de ce projet de loi de non-cumul des mandats. Cela veut direque les dputs, les snateurs ne pourront plus cumuler cette fonctionavec la qualit de maire, le prsident Conseil gnral, Conseil rgionalou excutif local. Et cela se fera avant la fin de mon mandat. C'est unerforme qui tait attendue, qui n'est pas punitive et qui vise au contraire renouveler, arer, et je pense que les Franais y sont trs attachs.Ce sera la semaine prochaine au Conseil des ministres, au Parlement le

    plus vite possible et appliqu avant la fin du mandat.-DP: La dmission de J rme Cahuzac a sans doute t un coup durpour vous. Est-ce que vous maintenez votre soutien J rme Cahuzacou estimez-vous d'une certaine manire avoir t mal inform ?

    -FH: Moi, je fais confiance sa parole. Quand il y a eu les premiresrvlations, il m'a dit qu'il n'avait pas de compte. Il l a d'ailleurs rptdevant l'Assemble nationale. Maintenant, un juge saisi. Plusieurs,

    d'ailleurs. Et en principe, je le redirais pour tout autre affaire, c'estl'indpendance de la justice et la prsomption d'innocence.

    -DP: Pourquoi le vote de sa dmission ?

    -FH: Parce que je considrais que ds lors qu'il y avait une procdurejudiciaire, n'tait pas possible qu'un membre du gouvernement puissetre soumis quelque influence que ce soit. Et donc soumis convocation chez le juge. C'est l'exemplarit que je voulais raffirmer.

    Chaque fois qu'il y a un membre du gouvernement qui est dans uneprocdure, il n'est plus membre du gouvernement.

    -DP: Cela vous a troubl, vous qui dfendez la Rpubliqueirrprochable ?

    -FH: J e ne peux pas prjuger. J e n'ai pas d'ailleurs dit qu'il taitcoupable. a, ce sera la justice de le dire. Mais, ce que j'avaisdtermin, ce n'est pas la jurisprudence prcdente. Il est mis en

    examen. Ds lors qu on est en procdure, on ne peut plus rester augouvernement.

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    -DP: La mise en examen de Nicolas Sarkozy est une bonne nouvellepour vous ?

    -FH: Mais pourquoi j'aurais un jugement porter ? Ce serait

    inqualifiable, comme prsident de la Rpublique.-DP: C'est un concurrent potentiel.

    -FH: coutez, franchement, d'abord, il y a la prsomption d'innocence.Nicolas Sarkozy est prsum innocent. Pas parce qu'il a t prsidentde la Rpublique ou qu'il pourrait demain, je ne sais pas, tre denouveau candidat. Pour autant, il ne devrait pas tre accus avantmme qu'un juge ait prononc un verdict. Il est mis en examen. Il est

    prsum innocent. Le deuxime principe, c'est que les juges doiventtre respects. Pour leur indpendance.

    J 'en suis moi-mme le garant en tant que le chef de l'tat. J e suis garantde l'indpendance de l'autorit judiciaire. Donc, chaque fois quequiconque met en cause un magistrat, je suis moi-mme, en tantqu'institution, d'une certaine faon, oblig d'agir. C'est la raison pourlaquelle je demande la garde des sceaux de saisir le conseil de lamagistrature par rapport des propos qui avaient t tenus l'gard du

    juge gentil. Car je peux pas accepter, quelle que soit la personne qui estmise en cause, mise en examen, qu'un juge puisse tre suspect.

    -DP: Mais un de vos ministres a mis en cause une dcision judiciaire lui-mme. Manuel Valls a critiqu la dcision de la Cour de Cassation.

    -FH: Il peut le dire. Il peut dire "je regrette dcision de la Cour deCassation". J e peux regretter ou contester une dcision. Comme pour leConseil constitutionnel. Mais il s'impose tous les pouvoirs publics.Ycompris moi-mme. On peut dire que j'aurais prfr une autreconclusion, je dois la respecter. En aucune faon un juge, et cela vautpour toutes les affaires, doit tre mis en cause personnellement. Alors,s'il a commis une faute, le juge, d'abord, il y a des voies de recours. Ycompris pour une procdure d instruction. Et puis, s'il a commis unefaute lourde, il peut mme tre traduit de manire disciplinaire devant leconseil suprieur de la magistrature. Et moi, je pense que les jugesdoivent tre responsables. Mais devant l'instance, la seule, qui est leconseil suprieur de la magistrature.

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    -DP: J e vous repose la question du dpart car vous ne m'avez pasrpondu sur ceux qui s'interrogent sur votre autorit. J e vous la reposemanire diffrente. Il y a eu beaucoup de couacs. On a parl de couacsau sein du gouvernement. Il avait des positions qui n'taient pas celles

    du chef du gouvernement qui ont t exprimes. N'aurait-il pas fallu fairerespecter l'unit de la parole du gouvernement et prendre des sanctions? Est-ce que ce n'est pas votre autorit qui est en jeu ?

    -FH: Un gouvernement, c'est une quipe. Il y a toujours des voix quiparfois peuvent tre discordantes. Non pas parce que la pense estdiffrente, mais parfois parce qu'il y a des expressions qui ne sont pasforcment heureuses. Moi, je l'ai dit aux ministres. C'est trop dur pour les

    Franais. On ne peut pas vous le permettre.-DP: Ils continuent.

    -FH: Non, il n'y en a pas eu... Mais vous ne pouvez pas, a vaut pourmoi aussi. Quand c'est dur pour les Franais, commettre la moindreerreur. La moindre imprudence. La moindre expression malheureuse.

    -DP: Le prochain, vous lui direz "dehors !"

    -FH: Oui, mais il le comprendra trs vite. Ce que je dis est une formed'avertissement. C'est trop dur pour les Franais. Et, pour ce qui meconcerne, vous parlez de dcision. J ai pris beaucoup de dcisions, cesderniers mois...

    -DP: Vous savez ce qu'on dit. On dit que c'est un chef pour le Mali maispas forcment pour le chmage.

    -FH: J e le montrerai. Pour le chmage, je veux pas tre jug pour le

    Mali. Les Franais ne vont pas voter dans les prochains mois, lesprochaines annes, pour la politique internationale. Cela compte. Maisc'est pas l-dessus que je serai jug. J e serai jug sur un seul critre.Est-ce que je ferai avancer la France ? Est-ce que je lui ai permisd'avancer ? Est-ce que je lui ai donn confiance en elle-mme ? Est-ceque j'ai pu valoriser ses atouts ? Est-ce que j'ai pu faire diminuer lechmage ? Si je ne l'ai pas fait, je connais la sanction. Moi, qu'est-ceque je veux laisser comme trace ? Ne pas laisser une trace de celui qui

    a voulu durer. De celui qui a voulu prolonger. J 'ai 58 ans. Ma vie, c'est

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    maintenant sur le plan politique qu'elle se traduit. J e veux russir. J e faisrussir mon pays.

    -DP: Vous entendez les doutes sur vous-mme, sur votre autorit ?

    Vous avez entendu un dput socialiste qui dit que quand on estprsident, on n'est pas conseiller rgional.

    -FH: Pour tre arriv l o je suis, j'en ai essuy, des coups. J 'en aiendur, des impacts. J 'ai le coeur solide. J 'ai les nerfs tout fait froids.Le sang-froid. Les nerfs sont vif. Parce que si je veux russir, fairerussir la France, moi, je dois pas tre au premier avis de tempte entrain de savoir comment je vais changer de cap ou comment je vaispouvoir tirer un bord.

    -DP: Mais peut-tre un discours la Winston Churchill ? Du sang et deslarmes...

    -FH: Pourquoi dire du sang et des larmes ? Il faut donner de l espoir, aucontraire. C'est que je considre que la France a des atouts. On parle dela fcondit, la natalit, mais pas seulement. Elle a des chercheurs, desprix Nobel qui ont t rcemment distingus, des innovateurs, lesentrepreneurs qui font des choses formidables. Des salaris qui sedvouent.

    -DP: Donc vous restez optimiste ?

    -FH: J e suis pas optimiste dans le sens o tout va bien et qu'il fautlaisser faire. J e me demande ce qu'est ma responsabilit. Ce n'est pasde tout faire l'appel des entrepreneurs, les salaris ou des ministres duParlement. Ce que j'ai faire, c'est mobiliser le pays. Vous parlez dechef de guerre. J e ne suis pas en guerre, mais en bataille. Moi, je vis enordre de bataille. J e suis le chef de cette bataille. Ceux qui sont dans lesarrire-gardes pour regarder comment se dploient des forces, a nem'intresse pas. Qu'ils restent comme spectateurs. Moi, je ne suis passpectateur ou commentateur de l'approbation, j'avance. J 'avance nonpas pour partir dans je ne sais quelle direction. J 'ai ce cap. Ce cap, jevous l'ai dit, c'est la croissance. La croissance, elle doit revenir.Conditions essentielles de la cohsion sociale, du retour l'emploi etaussi de la confiance du pays en lui-mme. Et notamment de sa

    jeunesse. Moi, vous savez que j'ai fait toute la campagne sur la

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    jeunesse. J 'ai fait des choses sur l'ducation, dans l'avenir etc. Ce queje veux, c'est qu'au terme de mon mandat, c'est que la jeunesse ait puavoir des chances supplmentaires. Pour que la France en ait tinvestie.

    -DP: Encore un mot l-dessus. Ce qu'on appelle le Hollande bashing.Est-ce que a vous touche ? Est-ce que vous ne vous attendiez pas une telle violence ou est-ce que vous considrez que c'est le jeudmocratique normal ?

    -FH: J e pense que c'est le jeu dmocratique. J e connais les humeurs etles modes. J 'ai suffisamment d'exprience pour ne pas en tre affect.Et, comme je vous l'ai dit, je sais ce que je veux faire, je sais ce que je

    dcide, et je sais o on va arriver, c'est--dire la russite. Alors jelaisse faire, dire. Ce qui comptera, ce sera dtre jug sur les rsultats,et pas le discours. On est jug sur des rsultats. Et vous savez, lescritiques, on men a toujours fait. J 'ai toujours t...

    -DP: On les entend particulirement.

    -FH: Et je les connais, ce sont les mmes. Eh bien, cela ne m'a jamaisempch d'atteindre mon objectif.

    -DP: Est-ce que le courant de Franois Hollande existe ? Est-ce qu'il esten train de s'crire ?

    -FH: Oui, d'une certaine faon. Ce n'est pas moi de le dire, mais d'autres de le comprendre. Il faut que je sois exigeant, que je soiscapable de tirer au plus haut le pays. Et en mme temps, je veux tredans l'apaisement. J e trouve qu'en ce moment, les radicalits, unemonte des excs, une violence que je constate dans la rue, et qu'onconstate aussi dans l'expression. J e ne veux pas de cette Rpublique.Ma Rpublique, elle doit tre exemplaire et apaiser. Et si je veux russir aller le plus loin possible, plus haut possible avec la France, il fautaussi permettre ce rassemblement. Cet apaisement. Cetterconciliation. Bien sr qu'il y a une partie du pays qui ne mapprciepas pour des raisons politiques. Et alors ? Moi, j'aime tous les Franais.

    J e veux les emmener vers la russite. Et j'aurai besoin de tous. Maispour cela, c'est le rle du prsident de la Rpublique, il faut fdrer.

    -DP: Merci, Monsieur le prsident d'avoir t notre invit.

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    -FH: Merci vous. Pardon d'avoir t aussi long.

    -DP: C'est de ma responsabilit surtout. Mais c'est vrai qu'il y avaitbeaucoup de thmes. Cela valait la peine de dborder par rapport au

    temps que nous avions annonc.-FH: Au moins, aucune question ne reste sans rponse.

    -DP: J e l'espre. Certaines peut-tre, j'espre qu'on aura aussil'occasion d'en reparler. Merci encore.

    -FH: bientt.

    -DP: Restez avec nous, parce que dans un instant, des analyses sur ce

    qui vient d'tre dit, vous voyez, cela va vite. C est le direct. Tout de suite,un dbat autour dYves Calvi ce sujet. Merci.