Entretien Avec Lounis Aggoun

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1 Algérie : Les années de sang et les complicités de la France par Silvia Cattori* L’indépendance n’a pas permis à l’Algérie de sortir de la violence. Loin s’en faut. Le pouvoir n’a pas été rendu au peuple, mais a été accaparé par un groupe, initialement choisi par la France pour protéger ses intérêts. Pour se maintenir, ce groupe n’a pas hésité à manipuler des islamistes et à plonger le pays dans un nouveau cycle de violence. Dans un ouvrage documenté, « La colonie française en Algérie. 200 ans d’inavouable », Lounis Aggoun dénonce un système élaboré par des Algériens avec le soutien de la France, puis des Etats-Unis, au détriment de tout un peuple. 14 OCTOBRE 2010 Thèmes AfriCom : Contrôle de l’Afrique Silvia Cattori : Votre ouvrage « La colonie française en Algérie. 200 ans d’inavouable » [1 ] est très impressionnant. 600 pages, denses, captivantes, s’appuyant sur une ample documentation, qui parlent avec empathie d’un peuple maltraité, mis à genoux. On comprend que c’est là le récit d’un homme meurtri par la souffrance de son peuple, résolu à se confronter à cette réalité brutale, à la vérité. Est-ce comme cela que vous le vivez ? Lounis Aggoun [2 ] : Je ne souhaite pas mêler mes écrits au flot intarissable de contresens et de contrevérités qui font office de littérature sur l’Algérie. Comment ne pas être meurtri lorsqu’on est le témoin permanent du spectacle de son peuple martyrisé ? Comment ne pas être révolté ensuite de voir le tyran se draper de vertu et se présenter comme le garant de la liberté, le meurtrier, le violeur, le voleur, le voyou, en somme tout ce qui fait l’Etat algérien, venir quotidiennement nous asséner ses leçons de morale ? Il n’y a pas de juste milieu dans le drame algérien. Il y a d’un côté le territoire des colons (les nouveaux s’entend) et de l’autre celui des colonisés, qui vivent une réalité affreuse. Une fois que l’on a pris conscience de cela, pouvons- nous simplement vaquer à nos occupations ? J’ai beau essayer, je n’y arrive pas. Silvia Cattori : L’histoire récente de l’Algérie, de ses relations avec la France, relève du mensonge permanent, dites-vous dans votre livre. La France, voulant préserver coûte que coûte ses intérêts stratégiques en Algérie, a-t-elle vraiment œuvré de façon à ce que, après 1962, l’Algérie ne puisse pas accéder à la pleine possession de sa souveraineté ? L’Algérie

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Algérie : Les années de sang et les complicités de la Francepar Silvia Cattori*

L’indépendance n’a pas permis à l’Algérie de sortir de la violence. Loin s’en faut. Le pouvoir n’a pas étérendu au peuple, mais a été accaparé par un groupe, initialement choisi par la France pour protéger sesintérêts. Pour se maintenir, ce groupe n’a pas hésité à manipuler des islamistes et à plonger le pays dans unnouveau cycle de violence. Dans un ouvrage documenté, « La colonie française en Algérie. 200 ansd’inavouable », Lounis Aggoun dénonce un système élaboré par des Algériens avec le soutien de la France,puis des Etats-Unis, au détriment de tout un peuple.

14 OCTOBRE 2010

ThèmesAfriCom : Contrôle de l’Afrique

Silvia Cattori : Votre ouvrage « La colonie française enAlgérie. 200 ans d’inavouable » [1] est très impressionnant. 600 pages, denses, captivantes,s’appuyant sur une ample documentation, qui parlent avec empathie d’un peuple maltraité, misà genoux. On comprend que c’est là le récit d’un homme meurtri par la souffrance de sonpeuple, résolu à se confronter à cette réalité brutale, à la vérité. Est-ce comme cela que vous levivez ?

Lounis Aggoun [2] : Je ne souhaite pas mêler mes écrits au flot intarissable de contresens et decontrevérités qui font office de littérature sur l’Algérie. Comment ne pas être meurtri lorsqu’onest le témoin permanent du spectacle de son peuple martyrisé ? Comment ne pas être révoltéensuite de voir le tyran se draper de vertu et se présenter comme le garant de la liberté, lemeurtrier, le violeur, le voleur, le voyou, en somme tout ce qui fait l’Etat algérien, venirquotidiennement nous asséner ses leçons de morale ? Il n’y a pas de juste milieu dans le dramealgérien. Il y a d’un côté le territoire des colons (les nouveaux s’entend) et de l’autre celui descolonisés, qui vivent une réalité affreuse. Une fois que l’on a pris conscience de cela, pouvons-nous simplement vaquer à nos occupations ? J’ai beau essayer, je n’y arrive pas.

Silvia Cattori : L’histoire récente de l’Algérie, de ses relations avec la France, relève dumensonge permanent, dites-vous dans votre livre. La France, voulant préserver coûte quecoûte ses intérêts stratégiques en Algérie, a-t-elle vraiment œuvré de façon à ce que, après1962, l’Algérie ne puisse pas accéder à la pleine possession de sa souveraineté ? L’Algérie

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comptait-t-elle davantage pour la France, que d’autres anciennes colonies ?

Lounis Aggoun : Les choses ne se présentent pas de façon aussi manichéenne. Cela dit,l’œuvre faussement libératrice du général de Gaulle en Afrique est connue. Comment croirequ’il ait conçu en Algérie le projet contraire à celui qui était le sien dans le reste du continent ?Cela ne revient pas à dire qu’il souhaitait le malheur des Algériens. Loin s’en faudrait. Maisentre son projet, d’une Algérie indépendante entre les mains d’un pouvoir garant des intérêtsfrançais (cela, ce sont ses propres propos qui l’attestent) et la concrétisation (une dictatureabominable qui a exacerbé toutes les turpitudes de l’ancien colon), il y a une marge et un fleuvede sang. Les dérives du pouvoir après le cessez-le-feu du 19 mars 1962 sont de laresponsabilité des Algériens (quelles que soient les influences extérieures, qui sont réelles).Mais le mensonge originel (et il est colporté par ceux-là mêmes qui prétendent militer pour lavérité et l’histoire) consiste, un demi-siècle après, à nier qu’au départ il y a une volonté dupouvoir français de noyauter l’administration algérienne. Après, c’est une trivialité de dire quel’apprenti-sorcier a perdu le contrôle de sa créature diabolique. C’est tout cela que j’ai souhaitédocumenter dans cet ouvrage, en m’appuyant non pas sur des racontars mais sur lesdéclarations des plus hauts responsables concernés au sein de l’Etat français et du pouvoiralgérien. La vérité est là, écrite par bribes. J’ai simplement réuni les bribes et la vérité émerge,aveuglante. Il suffit de vouloir la regarder en face, pour tenter de reconstruire le futur sur desassises saines ; ou détourner les yeux et continuer à fonder les relations entre les deux pays surdes sables mouvants. Les faiseurs d’opinion pourront continuer (je ne me fais aucune illusion)à prétendre que la France n’est pour rien dans le désastre algérien après l’indépendance et queceux qui affirment le contraire ne sont que des excités immatures ; les faits sont accablants et ladémonstration restera.

Silvia Cattori : L’affirmation que l’Indépendance a été suivie « d’une première décennied’élimination des élites et de noyautage » met à mal la vision romantique qui avait cours dansles années 60-70, d’une Algérie socialiste triomphante, admirable, toute engagée dans lesoutien des mouvements de libération, dotée de brillants diplomates, forte d’une remarquablepolitique étrangère ? Etait-ce une vision totalement erronée ? Pouvez-vous expliciter ?

Lounis Aggoun : Entre les envolées lyriques de Houari Boumédiène [3] sur la scèneinternationale et la réalité qu’il imposait au peuple algérien, il y a la différence entre le jour etla nuit. Et comme dans toute illusion, les déconvenues sont d’autant plus douloureuses que lerêve était beau. Quant aux brillants diplomates (et il n’est pas question de dire qu’il n’y en eutpas), ils n’ont servi que de caution à des politiques qui relèveraient du crime contre l’humanitési une justice internationale pouvait se pencher sur la question. Au demeurant, la réponse àvotre question est simple : la qualité de cette administration peut aisément se mesurer au faitque l’un de ses plus éminents membres, Abdelaziz Bouteflika, est devenu président en 1999,près de quarante ans après avoir jeté les jalons de la dictature algérienne ; et qu’il poursuit sonœuvre dévastatrice en ce moment même. Il faut toujours se méfier des histoires romantiques.C’est la vocation de l’élite de ne pas y sombrer. Or, des observateurs et les commentateurs detous ordres continuent de colporter des sornettes qui justifient le maintien d’un pouvoir dont ilsse prétendent les opposants.

Silvia Cattori : Vous avez sans doute des raisons qui vous permettent d’associer Ahmed BenBella à Boumediene et Bouteflika. Ben Bella, invité à la tribune de grands rassemblements, etfort applaudi, comme je l’ai constaté au Forum social européen (FSE) à Florence en Italie, ennovembre 2002, demeure très estimé. Qu’a-t-il en commun avec eux ?

Lounis Aggoun : Ben Bella, c’est l’homme qui a confisqué la liberté aux Algériens. À ce titre,il endosse la plus lourde responsabilité dans le malheur de son peuple. Depuis qu’il a été déchu,je ne crois pas avoir entendu dans sa bouche un début d’autocritique. Au contraire, chaque foisqu’il intervient, c’est pour accabler les meilleurs cadres politiques de la Révolution et pour

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justifier le sort qui leur a été réservé (souvent leur meurtre). Qu’il fasse illusion dans les forumsmondiaux est significatif de l’efficacité du travail des historiens et des journalistes. Quant auxorganisateurs de ces forums, ils sont souvent ceux-là mêmes qui ont été bercés par l’aventureromantique que vous évoquez ; et ils ne souhaitent pas plus que les autres qu’on détruise leursidoles. Ils sont nombreux dans la mouvance communiste qui, après s’être trompés en 1938 ensoutenant Staline (avant de se ressaisir – une fois n’est pas coutume – dans la Résistance), puisen 1956 en votant les pouvoirs spéciaux à l’armée (ils soutiendront de la même façon une autresale guerre en 1992, en prétendant vouloir sauver les Algériens d’eux-mêmes, et en relayantune politique proprement génocidaire, baptisée sans complexe « éradication »), ont cru serefaire une virginité en soutenant le pouvoir totalitaire qui s’installait en Algérie. Ils ont fait dece soutien l’œuvre positive de leur vie. On aura alors beau les mettre aujourd’hui face àl’évidence, ils préféreront détourner les yeux.

Mais votre question mérite d’être élargie. Lorsqu’on découvre les affres du pouvoir actuel, lescrimes du précédent paraissent en comparaison véniels (les 200 000 morts de la décennie 1990sont un crime de masse ineffaçable, mais les menées destructrices à l’œuvre en ce momentauront à long terme des conséquences plus graves encore). Au vu de la décennie 1990, celle de1980 avec Chadli paraît avec le recul somme toute assez douce. Et si l’on tient compte desaffres de la décennie 1980 de Chadli, le règne de Boumediene paraît relever de l’âge d’or del’indépendance algérienne. Connaissant les abominations du régime de Boumediene, l’ère deBen Bella (où s’est pourtant fondée la dictature) paraît donc relever d’une époque de rêve.Outre que le temps apaise les malheurs engendrés par les pouvoirs successifs, cela traduit ladescente inexorable aux enfers des Algériens. C’est cette réalité que j’ai aussi voulu retracerdans ce livre. Quant aux organisateurs de forums sociaux, il n’est jamais trop tard pour sortir del’univers onirique où ils se complaisent et l’on peut espérer qu’ils cesseront de mêler leurénergie à celle des extrêmes qu’ils prétendent combattre…

Silvia Cattori : Tous les chapitres de votre livre sont passionnants et méritent débat.J’aimerais m’entretenir avec vous en particulier de ces événements que vous décrivez avecprécision et qui, dès 1988, préparent le pire. Je crois que peu de gens savent ce qui s’estréellement passé tout au long de ces « années de sang ». Tout cela est terriblement accablant.Jusqu’à quel point le visage de l’Algérie a-t-il été bouleversé à jamais ? Quand pourra-t-ondire que tout cela appartient au passé ?

Lounis Aggoun : Un peuple en cage ; voilà ce que sont les Algériens aujourd’hui. Pour s’enéchapper, des hommes et des femmes liquident tous leurs biens pour s’acheter un hypothétiquepassage en Europe. Sur des barques délabrées qui coulent sitôt en haute mer, ou sur des bateauxen courant le risque d’être jetés par-dessus bord par des équipages qui ne souhaitent pas avoirdes ennuis avec les services d’immigration des pays où ils accostent. Si l’âme du peuplealgérien s’échine à échapper à la furie, le paysage dans lequel évolue la population a été quant àlui totalement abîmé.

Les Algériens souhaitaient la liberté ; on les a plongés dans la dictature. Ils ont voulu imposerla démocratie en 1988 ; on les a plongés dans l’horreur. Aujourd’hui, ils ne connaissent que desennemis : ceux-ci se bousculent devant chez eux pour s’accaparer les richesses (pétrole, gaz,minerais, …) que recèle leur sous-sol. Il y a aussi ceux qui vendent des armes au régime qui lesassassine. Ceux qui voudraient les sauver de leur prétendue propension à la barbarie et quiviennent expérimenter sur eux l’arsenal de la terreur. Ceux qui les accusent de tous lesmalheurs du monde et qui, au nom de cela, s’arrogent le droit de les piller. N’oublions pas lesmédias et les élites occidentales qui désinforment à leur sujet quand elles s’expriment sur euxet qui se volatilisent lorsqu’il devient impératif de les défendre. Dans dix ans, on découvriraque les opérations qui se mènent aujourd’hui – par un gouvernement qui est reçu en grandepompe dans les salons occidentaux – relèvent de crimes contre l’humanité. Et l’on assisteraalors non pas à la condamnation de ces crimes, mais à l’élaboration de nouveaux crimes plus

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abominables encore, qui empêcheront l’opinion occidentale de s’appesantir sur ceuxd’aujourd’hui. Et aujourd’hui donc, naturellement, pour éviter que soient traités les crimes de ladécennie 1990, le pouvoir est en train de tenter de corrompre la population dans ce qu’elle a deplus intime, ses ressorts sociaux. Et ce pays que je vous décris est dépeint dans les colonnes desmédias français comme un Eldorado économique, un exemple de démocratie.

Silvia Cattori : Aujourd’hui, il est devenu clair pour vous que le Groupe islamique armé (GIA)était une émanation de la Sécurité militaire algérienne, une « organisation écran ». Cela était-il déjà clair pour vous dans les années 90 ?

Lounis Aggoun : Cela était clair pour les rescapés des massacres à l’instant même où ilsenterraient leurs proches. Mais que vaut la parole d’un supplicié quand personne ne consent àl’écouter, et même à l’entendre ? Il suffit de ne pas se départir de ce qui est le propre del’homme, la faculté à raisonner, pour savoir que si certains attentats étaient bien l’œuvre desislamistes radicaux, les plus emblématiques, ceux qui ont eu le plus grand retentissement enOccident, étaient bien trop bénéfiques pour le régime, et pour lui seul, pour ne pas êtresuspects : il était essentiel que l’on ne s’interroge pas sur l’identité de leurs véritablescommanditaires. Mais que vaut de savoir, que vaut même que tout le monde sache si les seulesparoles que l’on entende dans les médias français, aujourd’hui, 10 ou 20 ans après les faits,ressassent la même rengaine falsificatrice. Ceux qui, il y a quinze ans, affirmaient déjà que lesémirs les plus sanguinaires, Djamel Zitouni et Ali Touchent par exemple, étaient des agents duDRS (Département du renseignement et de la sécurité) comptent parmi les grands responsablesdes services de sécurité français. C’est l’un de ces secrets de Polichinelle. Cela n’empêche pasles médias de faire comme si personne ne savait et de débiter des contresens à longueur dejournal.

Silvia Cattori : Ceux qui sont au courant de ces pratiques secrètes relevant de la « stratégie dela tension », utilisées par les États à l’insu de leurs citoyens, [4] savent, ou peuventimmédiatement comprendre, que tout ce que vous décrivez et qui paraît appartenir àl’inimaginable est malheureusement bien réel, à savoir qu’une poignée de généraux algériensont délibérément plongé leur propre pays dans le chaos dans le but d’en accuser le FrontIslamique du Salut (FIS), [5], et que la « guerre d’éradication » contre les islamistes avait desmobiles cachés. Mais le grand public, qui est désinformé, qui ignore tout de ces stratégiesmachiavéliques, comment pourrait-il imaginer que les coupables ne sont pas les islamistesmais les généraux qui les manipulent ? Le peuple algérien sait-il ce qui se tramevéritablement ?

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Lounis Aggoun : D’abord, pour être viable, un grosmensonge doit se fonder sur une part de vérité. Des islamistes radicaux, il y en a eu en Algérieet il y en a toujours. Des islamistes désireux de plonger le pays dans la terreur, il y en a. Desislamistes qui souhaitent rééditer contre le colon intérieur les « exploits » de la génération de1954, il y en a. Mais, comme dans toute société, ils sont une ultra-minorité, que les ressortsdémocratiques existant auraient pu cantonner dans cette dimension marginale. Le pouvoir, dontles desseins détestables sont avérés, a planifié (il s’agit d’une préméditation et non pas d’unedérive) de se greffer sur cette minorité, qu’il a grossie de ses propres effectifs, pour pousser lesislamistes non pas à la modération mais à la radicalisation. À titre d’exemple, le « majlissechoura » du FIS, son instance dirigeante, est passé à un moment sous le contrôle absolu duDRS ; certains de ses dirigeants sont aujourd’hui des ministres de Bouteflika ou des députés etoffrent leur pays au pillage international. De tous les leaders de premier rang, seul Ali Benhadjétait sans doute un homme sincère.

Comment échapper à la désinformation ? Les Algériens savent et ne sont pas dupes. Je ne parleévidemment pas des Algériens que les journalistes et les entrepreneurs français croisent dansles bars de l’Alleti ou l’Aurassi et pour qui la vie est belle. Je parle de l’Algérie profonde,l’Algérie du troisième collège. Quant aux Français qui souhaitent échapper à l’aveuglement, ilssavent qui il faut lire et qui il faut écouter. J’ajouterais que « les Français de la Franceprofonde » subissent aujourd’hui les mêmes coups de boutoirs de la part de l’Etat français etsont victimes au même titre que les Algériens. C’est pour cela que dire la vérité, entière, quandon la connaît, partout où l’occasion se présente, est une opération de salubrité publique, quidépasse le cadre de l’Algérie. Car le monde entier prend un bien mauvais chemin, et ce qui estdevenu le quotidien des Algériens risque fort de se « globaliser ». Et l’on accusera ensuite lesFrançais de ne pas avoir été assez courageux pour parer des offensives contre lesquelles ilsseront alors devenus impuissants…Mais votre question doit être examinée avec plus de recul. Dans une manipulation, il ne fautpas confondre manipulateur et manipulé(s), tout comme il faut distinguer le désinformateur despersonnes qu’il abuse. Il ne faut pas retomber dans ce travers algérien qui consiste à accuser lavictime d’être victime. Une société reste complexe. Et si la grande masse consacre le peud’énergie dont elle dispose pour s’en sortir, se dépêtrer de la glu où on l’a piégée, elle ne peutpas être accusée d’être mal informée, d’être mal avisée. Le tort en revient à ceux dont lavocation est de l’informer et de l’aviser. Je ne crois pas que le peuple aime qu’on lui mente. Entout état de cause, tous ceux que j’ai croisés à la suite de mes interventions m’ont demandé,sitôt leur lecture achevée, de leur en dire davantage et m’ont même parfois sermonné d’avoiratténué l’âpreté d’une information. Aucun parmi eux ne m’a jamais accusé d’en avoir trop dit.

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En revanche, la plupart des « gardiens des lignes éditoriales » qui m’ont sollicité pour écrire sesont empressés de me poser des garde-fous. M’ont reproché d’en dire trop, de décrire unevérité trop crue. En somme, ils me demandent de maquiller la vérité pour, pensent-ils, ne paseffaroucher le lecteur. Ignorent-ils que la moindre brèche dans une vérité empoisonne cettevérité et la tue ?

Silvia Cattori : Durant ces années de répression sauvage, François Mitterrand était aupouvoir en France. Vous ne semblez pas avoir apprécié les implications de son gouvernementdans ce dossier. Celui-ci a-t-il favorisé la politique de ces généraux algériens qui multipliaientles opérations sanglantes contre leur peuple ? Les a-il réellement considérés comme « lerempart contre l’islamisme radical du FIS » ?

Lounis Aggoun : L’alibi du « rempart contre le terrorisme » est commode. C’est une grosseficelle pour masquer des rapts à grande échelle. La responsabilité de François Mitterrand estmonumentale. Je l’ai démontrée. Mais Mitterrand est un homme et la politique est œuvrecollégiale. Il a présidé des gouvernements de gauche, et des gouvernements de droite. De tousles hommes politiques qui l’ont entouré, ils ne sont pas nombreux à pouvoir se targuer d’avoirmontré un sens de l’honneur concernant les relations avec l’Algérie. Si la responsabilité estpartagée, celle de François Mitterrand crève tous les plafonds en ce sens qu’il avait le pouvoird’agir dans un sens noble et il a systématiquement agi de façon détestable. Il y aurait des livresentiers à écrire sur la question…

Cela étant, les dangers de l’islamisme radical ne doivent pas être minimisés. Et bien desanciens leaders du FIS (ceux qui aspiraient à redonner au peuple algérien sa dignité, même auprix de contorsions culturelles discutables) endossent une lourde responsabilité pour avoir, parinadvertance, contribué à plonger le pays dans le chaos. Pire, 20 ans après les faits, ils semurent encore dans le silence et refusent d’apporter le témoignage qui pourrait aider lesobservateurs à comprendre mieux l’histoire récente de leur pays. En d’autres mots, ils refusentdélibérément d’aider leur peuple à connaître la vérité qui lui permettrait de s’affranchir destyrannies qu’il subit. Exemple parmi d’autres, il est plus qu’évident qu’Abassi Madani, leurchef, travaillait main dans la main avec le DRS. Ils sont nombreux à pouvoir apporter leurtémoignage. Ils ne le font pas. Cette faute est encore plus mortelle que les conséquences de leuramateurisme d’il y a 20 ans.

Silvia Cattori : L’Elysée ne pouvait pas ignorer que les attentats qui faisaient des milliers demorts étaient contrôlés par les services secrets algériens. Quel intérêt avait la France à mettreun terme au processus de démocratisation en Algérie et à se servir de l’instrumentalisation dela menace islamiste ?

Lounis Aggoun : La réponse à votre question peut tenir en un livre. C’est même celui que jeviens de faire publier. L’intérêt de la France et de François Mitterrand n’est pas de ces chosesauxquelles on peut répondre ponctuellement par un oui ou un non. C’est affaire de dynamiques,d’engrenages, de realpolitik, de prédations économiques, de chantages, de préjugés, d’espritsde revanche mal consommé, de peur parfois, etc. Il ne faut d’ailleurs pas confondre l’intérêt dela France et celui de ses gouvernants. Chaque jour qui passe montre qu’ils sont mêmesantinomiques.

Silvia Cattori : Pour n’avoir pas accepté la poursuite du processus démocratique en Algérie,et avoir approuvé l’interruption par la force de l’accès au pouvoir du Front Islamique du Salut(FIS), les puissances occidentales ont donc permis aux généraux algériens d’ouvrir les portesde l’enfer ?

Lounis Aggoun : Encore une fois, les dynamiques et les engrenages à l’œuvre s’étalent sur desannées, des décennies. Si l’on avait expliqué aux dirigeants français que l’interruption de la

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démocratie en Algérie en 1991 engendrerait la décennie morbide que l’on a connue, sans nuldoute qu’ils auraient réfléchi à deux fois. Mais l’art d’un manipulateur est de faire que lesdécisions et les actes qu’il demande d’entériner ou de soutenir masquent les conséquences quien découleraient. Une fois que les conséquences se révèlent, il est trop tard, il faut faire avec leréel, et éviter que les choses empirent, et donc soutenir une dictature qu’il suffit de présentercomme un rempart contre le pire.

Mais avant d’aller plus loin, je voudrais rétablir un fait. On prétend depuis 20 ans que ladémocratie en Algérie va porter les islamistes au pouvoir. Il n’y a rien de plus faux. Lesislamistes, au plus fort de leur mobilisation, c’est-à-dire à un moment où le régime a neutralisétoutes les forces démocratiques et aidé le FIS à se structurer, n’ont pas joui d’une popularitédépassant 30 %. En juin 1991, des élections législatives auraient dû porter au pouvoir unecoalition démocratique. Les généraux algériens ont simulé une guerre civile qui a duré une nuitpour mettre fin au processus démocratique et éliminer le seul gouvernement qui ait œuvré dansl’intérêt du peuple algérien, le gouvernement Hamrouche. Sitôt le processus électoralinterrompu (avec les applaudissements du pouvoir français), le DRS a désigné ungouvernement avec pour objectif de lancer un autre processus électoral dont l’objectif était defaire gagner le FIS et de justifier la fin de la démocratie que le peuple ne méritait pas. Six moisd’une gigantesque manipulation après, le général Larbi Belkheir, maître d’œuvre de cetteopération, annonce cette victoire soigneusement planifiée des islamistes. On connaît la suite.

Silvia Cattori : Qu’en est-il, depuis la disparition de Larbi Belkheir et Smaïn Lamari, desrelations entre le régime de Bouteflika et l’Elysée ? Et des actes que l’on attribue à Al-Qaidaau Maghreb islamique (AQMI) ? Qui se cache derrière ce nom ?

Lounis Aggoun : La réponse à votre question tient en une phrase : L’AQMI et le DRS sont unemême organisation. Le reste est littérature. Les déboires de la France avec le pouvoir algérienviennent de ce que ses plus fidèles agents (Larbi Belkheir et Smaïn Lamari) sont décédésrespectivement en 2010 et en 2007. La France se retrouve donc avec un interlocuteur qui n’estpas dans les mêmes dispositions à leur égard. Le maître actuel du régime, Toufik Mediene,préfère jouer d’autres cartes, américaine, chinoise, etc. C’est cette guerre souterraine qui setraduit sur le terrain par des enlèvements, et des humiliations à répétition infligées par l’AQMI(le DRS) à la France. Le pire, c’est que ni les hommes politiques, ni les journalistes, qui ontpratiqué le mensonge permanent, ne peuvent expliquer les vrais dessous. Et ce sont les experts-imposteurs habituels que l’on retrouve sur tous les plateaux de télévision. Des manipulateurspour qui la vie des otages compte pour quantité négligeable.

Silvia Cattori : Vous revenez à maintes reprises sur le rôle de Jack Lang, Hubert Védrine,Jean-Louis Bianco, Jacques Attali. Pourquoi ces personnages-là, si prisés par nos médiasencore aujourd’hui, sont-ils plus particulièrement blâmables ?

Lounis Aggoun : Ces hommes sont quelques-uns des bons conseillers du pouvoir de l’ombreen Algérie, autour de Larbi Belkheir. Ils sont donc, à des degrés divers, les architectes del’œuvre de cet homme : la destruction de l’Algérie et le renvoi de son peuple dans les affresd’une colonisation pire que la colonisation, et qui n’ose pas dire ce qu’elle est…

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Entretien avec Lounis Aggoun (2/2)Algérie : Les années de sang et le rôle des agents d’influencepar Silvia Cattori*

Les crimes commis par le régime militaire algérien sous couvert de lutte contre le terrorisme ont étéblanchis dans la presse internationale par des agents d’influence. Au centre de ce dispositif, observeLounis Aggoun dans un entretien avec Silvia Cattori, des tireurs de ficelles (Jacques Attali, Bernard-Henry Lévy, etc.) et des second couteaux peu scrupuleux (Yasmina Khadra, Daniel Leconte, XavierRaufer, Mohamed Sifaoui etc.).

14 NOVEMBRE 2010

Al Qaida au Magreb Islamique (AQMI), un pseudo groupe islamiste contrôlé par le DRSalgérien, sert à justifier la guerre au terrorisme et les pleins pouvoirs du régime militairealgérien.

Cet entretien fait suite à :« Algérie : Les années de sang et les complicités de la France ».

Silvia Cattori : En 1999 les téléspectateurs francophones ont pu voir, horrifiés, « Bentalha autopsied’un massacre » [1] ; ce reportage montrait que, dans la nuit du 22 au 23 septembre 1997, l’arméealgérienne avait sauvagement tué quelque deux cents villageois. En vous lisant on comprend que cesrévélations n’avaient alors pas réussi à lever le voile sur les crimes d’État. Notamment à cause de« l’influence de Bernard-Henri Lévy [2] et d’une brochette d’intellectuels négatifs, AndréGlucksmann [3], Denis Jeambar [4], Daniel Leconte [5], etc.), bien secondés par des hommespolitiques influents », dont Jack Lang et Hubert Védrine. Pouvez-vous expliciter comment cette« influence » s’est manifestée ?

Lounis Aggoun : Il faut d’abord saluer la rédaction de France 2 qui a eu le courage de présenter cedocument ; il y avait à cette époque Paul Nahon et Bernard Benyamin. Elle n’a plus osé reproduirel’expérience, depuis notamment qu’Arlette Chabot en a été nommée directrice et où la culture dumensonge a atteint une apogée.

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Bernard-Henri Lévy, milliardaire français néoconservateur. Il contrôle d’une main de fer lecontenu idéologique d’une grande partie des médias et de l’édition en France.

Concernant Bernard-Henri Lévy (surnommé BHL), on connaît son rôle habituel dans la galaxiemédiatique et l’influence néfaste qu’il a exercée en 1998 en publiant dans Le Monde – à la suited’une visite de deux jours sous escorte militaire en Algérie – un texte où il exonérait les générauxalgériens de tous leurs crimes, hormis peut-être, disait-il, celui d’incompétence.

Permettez que je cite un extrait de la réponse de Pierre Bourdieu à Bernard-Henri Lévy, qu’aucunmédia n’a jugé opportun de publier, et qui illustre bien le personnage :« Tous ceux qui ont été là, jour après jour, pendant des années, pour recevoir les réfugiés algériens,[…] qui se sont mobilisés, dès juin 1993, dès les premiers assassinats, non seulement pour apportersecours et protection autant que c’était possible, mais pour essayer de s’informer et d’informer, decomprendre et de faire comprendre une réalité complexe, et qui se sont battus, inlassablement […]pour arracher la crise algérienne aux visions unilatérales, tous ces intellectuels de tous les pays quise sont unis pour combattre l’indifférence ou la xénophobie, pour rappeler au respect de lacomplexité du monde en dénouant les confusions, délibérément entretenues par certains, ont soudaindécouvert que tous leurs efforts pouvaient être détruits, anéantis, en deux temps trois mouvements.Deux articles écrits au terme d’un voyage sous escorte, programmé, balisé, surveillé par lesautorités ou l’armée algérienne, qui seront publiés dans le plus grand quotidien français, quoiquebourrés de platitudes et d’erreurs et tout orientés vers une conclusion simpliste, bien faite pourdonner satisfaction à l’apitoiement superficiel et à la haine raciste, maquillée en indignationhumaniste. Un meeting unanimiste regroupant tout le gratin de l’intelligentsia médiatique et deshommes politiques allant du libéral intégriste à l’écologiste opportuniste en passant par lapassionaria des "éradicateurs" [6]. Une émission de télévision parfaitement unilatérale sous desapparences de neutralité. Et le tour est joué. Le compteur est remis à zéro. L’intellectuel négatif arempli sa mission : qui voudra se dire solidaire des égorgeurs, des violeurs et des assassins, –surtout quand il s’agit de gens que l’on désigne, sans autre attendu historique, comme des "fous del’islam", enveloppé sous le nom honni d’islamisme, condensé de tous les fanatismes orientaux, bienfait pour donner au mépris raciste l’alibi indiscutable de la légitimité éthique et laïque ? […] » [7]

Bernard-Henri Lévy, ce médiocre penseur présenté partout comme un intellectuel, cet essayisteengagé aux côtés des puissants — en l’occurrence, des criminels de masse — a réussi à mettre souschape un mouvement d’opinion naissant en France, favorable au peuple algérien.

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Le massacre de Bentalha (22 septembre 1997)

Cela se passait quelques mois après le massacre de Bentalha où, rappelons-le, les militaires qu’ilexonérait ainsi de toute responsabilité, avaient planifié et exécuté — en encadrant des escadrons de lamort constitués de terroristes « islamistes » à leur solde — le massacre indicible d’un millier depersonnes en quelques heures de la nuit, dans un secteur soigneusement balisé par l’armée qui, pourtoute intervention, s’est bornée à empêcher les populations des villages voisins de porter secours auxassiégés, et à barrer la route aux victimes pour les forcer à regagner les lieux du massacre.

Le jour où cette vérité — que ne contestent que ces « agents » de la désinformation — sera admisepar les médias, Bernard-Henri Lévy apparaîtra sous son vrai visage : celui du complice de bien descrimes de masse, de bien des crimes contre l’humanité, et le receleur des spoliations qui endécoulent. En attendant, il est considéré comme le philosophe contemporain le plus talentueux dumonde.

En vérité, les élucubrations de Bernard-Henri Lévy ne font illusion que dans le microcosmemédiatique-politique français qui, contre l’évidence, et de façon délibérée, tente d’imposer une visionbinaire du monde où il y a d’un côté les bons démocrates, eux, le Bien, et de l’autre les « islamo-terroristes » et leurs complices, c’est-à-dire tous ceux qui ne prennent pas ce qu’ils professent pourargent comptant, le Mal. Et si Bernard-Henri Lévy a cette influence, c’est qu’il peut compter sur desolides soutiens dans les médias.

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Daniel Leconte, journaliste français néoconservateur et producteur associé à Bernard-HenryLévy

Sur Arte, une chaîne télévisuelle qui ne manque pourtant pas de compétences, de journalistes etd’historiens intègres, Daniel Leconte sévit en potentat et semble détenir un pouvoir exorbitant. Qu’ily officie comme journaliste à l’éthique problématique, passe encore, étant donné que c’est le sportnational. Mais il est aussi copropriétaire — avec Bernard-Henri Lévy — d’une maison deproduction, Docs en stock, où il réalise des films très contestables du point de vue de la déontologieet de la rigueur. Arte et France télévisions sont devenus un terrain conquis où tous ses films sontdiffusés, sans restriction. Les trusts sont interdits dans tous les domaines, sauf dans les médias, oùBernard-Henri Lévy et Daniel Leconte jouent sur du velours.

C’est donc dans ce cadre qu’Arte a organisé une soirée Thema où Bernard-Henri Lévy et Leconte ontdéversé leur fiel sur le plateau et au travers de reportages où la partialité était le moindre de leursdéfauts. Le matraquage fait ensuite son œuvre, le dogme défendu par cette cohorte malfaisante étantle suivant : les tueurs à l’œuvre en Algérie étaient, de manière évidente, uniquement les fanatiquesislamistes comme l’affirmaient les généraux au pouvoir ! Ainsi décrétés innocents par essence, lesvrais criminels, pour l’essentiel des agents du DRS (Département du renseignement et de la sécurité),des escadrons de la mort, des ninjas, des milices, purent poursuivre leur œuvre en toute impunité. Etsi, ma foi, quelques dérapages étaient à déplorer, ils étaient selon lui parfaitement excusablespuisqu’ils avaient pour mission pionnière de barrer la route à la « barbarie islamiste » menaçant laFrance et l’Occident.

Faire passer des généraux génocidaires pour les sauveurs du monde, voilà l’œuvre en Algérie deBernard-Henri Lévy, ce « Mickey Mouse » — la comparaison est d’Emir Kusturica, à l’occasion duconflit des Balkans où Tartarin-BHL avait commis des engagements analogues — de la penséeintellectuelle. On connaît aussi son engagement en faveur de la politique israélienne et contre lepeuple palestinien, son acharnement contre l’Iran, le Venezuela de Chavez et j’en passe.

L’effet immédiat a été de stopper net le mouvement d’opinion naissant. Ce n’est pas sansconséquence pour le peuple algérien, qui a continué à subir les meurtres de masse sans qu’il soitpossible à quiconque, dans le monde entier, de protester, sous peine d’être accusé de soutenir lefanatisme islamique. Concrètement, le régime, qui était sur le point d’être dénoncé à l’échellemondiale, en est sorti blanchi, renforcé, et légitimé à poursuivre son action meurtrière.

Bernard-Henri Lévy et Daniel Leconte, en anges de la terreur, endossent une lourde responsabilitédans la mort violente de dizaines de milliers d’innocents massacrés après leur intervention, l’arméejouissant d’une impunité acquise grâce à ce blanc-seing.

Si l’Algérie était indépendante aujourd’hui, elle serait fondée à les traîner devant les tribunauxinternationaux pour complicité de crimes contre l’humanité. Au lieu de cela, Bernard-Henri Lévy esttoujours l’ambassadeur de la position française dans le monde ; et Daniel Leconte continue dedéverser à la télévision son venin sur les Maghrébins et les immigrés musulmans, car il voit desbarbares dans toutes les banlieues défavorisées entourant Paris.

Silvia Cattori : Tout cela est ahurissant ! La « brochette » des personnalités que vous incriminezdans votre livre s’allonge au fil des pages : Jack Lang, Hubert Védrine, Jean-Louis Bianco, JacquesAttali, Jean-Louis Bruguière [8], Antoine Sfeir [9], Daniel Leconte, Franz-Olivier Giesbert,Guillaume Durand, Yves Calvi, Mohamed Sifaoui, Yasmina Khadra. Ces gens que vous regroupez,qu’ont-ils en commun ? Ont-ils une égale responsabilité dans la collaboration avec « ce simulacred’Etat » algérien, au cours de ces « années de sang », de cette « sale guerre » qui a fait plus de200 000 morts ? Selon vous, quelle place occupent précisément Mohamed Sifaoui et YasminaKhadra ?

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Mohamed Sifaoui, journaliste algérien néo-conservateur

Lounis Aggoun : Mohamed Sifaoui est un homme prêt à « éradiquer » un peuple si cela peut luiapporter une minute de « gloire » à la télévision. Il est une bénédiction pour ce milieu où il fallait un« bougnoule de service ». Il a un profil idéal pour professer la haine du musulman, la haine du jeunede banlieue qui, dans sa dialectique, rêverait de terroriser l’Europe ; la haine des Algériens qui, deson point de vue, sont indignes de la démocratie et ne sauraient rien en faire sinon élire des terroristesà leur tête ; la haine des immigrés qui, prétend-il, n’auront de cesse que lorsqu’ils auront islamisé laFrance. S’il se conduit de la sorte, ce n’est nullement par conviction, mais parce que c’estl’islamophobie qui paie en ce moment ; il professerait la même haine contre le Français s’il était àAlger, la haine du Satan judéo-américain s’il était en Iran, qu’il prend soin de déverser devant des co-invités triés sur le volet et aussi acharnés que lui.

Voici une anecdote. Invité par I-Télé [10] après un terrible attentat à Alger, je croise MohamedSifaoui dans les couloirs, lui aussi convié à réagir à l’événement. Après m’avoir serré la main pourjauger mes intentions, et ayant estimé la consistance de ma poignée de main par trop molle,présageant une attitude hostile à son égard, il se laisse maquiller, fait quelques pas dans le couloir,puis se jette sur son manteau et s’éclipse en simulant une crise, accusant la rédaction d’insulter lamémoire des victimes en donnant la parole à des individus comme moi. Simulacre d’indignationpour éviter d’être confronté à un contradicteur en direct, sans échappatoire possible. En différé, ilaurait pu exiger que soient coupées les séquences dérangeantes pour lui, comme il le fit un jour dansl’émission télévisée Arrêt sur images où il avait exigé rien de moins que la censure d’Olivier Roy,réduit à faire de la figuration sur le plateau.

Voilà pour la méthode du « combattant de la démocratie » Sifaoui. Mais l’histoire ne s’arrête pas là.On croirait que la rédaction d’I-Télé trouverait intolérable qu’un simple invité lui dicte sa conduite ets’interdise de le solliciter à nouveau. Mais une rédaction n’est pas un corps uni et l’inénarrableRobert Ménard [11] — le plus grand pourvoyeur d’agents du Département du renseignement et de lasécurité algérien, dans les médias français du temps où il était directeur de Reporters sans frontières— le reçoit en octobre 2010 dans une parodie de débat musclé qui n’avait d’autre but que lapromotion du dernier ouvrage de Sifaoui. Ce dernier préconisa qu’Eric Zemmour soit interdit deparole à la télévision publique dans son propre pays, au prétexte qu’il est raciste — en somme, unultra-raciste devisant avec un autre sur le sort à donner à quelqu’un qui l’est nettement moins qu’euxdeux —, Ménard, devenu de façon instantanée, après une virée décevante dans les pays du Golfe, oùcomme chacun sait, règne partout la plus grande liberté de la presse, l’intellectuel-scientifique-moralisateur-paternaliste, qui trouve tout ce qui le dérange « ridicule », « stupide même », devenul’âme en quelque sorte de la chaîne quand son patrimoine intellectuel repose sur deux idéessimplistes, en concordance de vues avec Sifaoui, qu’il ressasse à longueur d’interviews : « La

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France, terre chrétienne » et les « Arabes, réfractaires à la démocratie ».

Les médias français, et des hommes comme Jean-François Kahn ou Paul Amar, promeuvent unMohamed Sifaoui qui, s’il parvenait au pouvoir, les enverrait au bûcher sans la moindre hésitation.

Mohammed Moulessehoul (alias Yasmina Khadra), officier algérien chargé de la répressioncontre les islamistes en Oranie. Il se retire soudain de l’armée, signe des romans et incarnedepuis une fausse opposition à celle-ci.

Le cas de Yasmina Khadra – pseudonyme de Mohammed Moulessehoul – se veut plus subtil. Ayantanéanti l’opposition, les généraux algériens avaient besoin de quelqu’un pour l’incarner dans lesmédias français. D’où la pseudo-retraite de l’armée de cet homme pour personnifier une oppositiondans un univers où toute entorse à la version officielle est interdite. Un prétendu opposant qui ajustement pour particularité d’être toujours en phase avec les projets du DRS et qui colleparfaitement avec le discours officiel. Son rôle : sous-estimer la menace ou la nier lorsqu’elle existeet l’inventer quand elle n’existe pas. Un agent parachuté derrière les lignes ennemies pour faire sonœuvre de sabotage de la démocratie, en quelque sorte. Un « intellectuel » qui se croit digne desmeilleurs prix littéraires français et qui serait bien en peine de produire une dissertation digne d’unélève de terminale si elle ne lui était pas soufflée par une brigade de rédacteurs du DRS. Un rôle qu’ilpeut jouer d’autant plus facilement que, à l’instar de Sifaoui, le terrain est balisé devant lui pour qu’ilait rarement à faire face à un contradicteur qui l’affronte sur le fond.

Mais l’ambition de M. Moulessehoul (Khadra) bute contre une réalité incontournable : il ne sait pass’exprimer, ce qui l’oblige à restreindre ses interventions à la télé aux opérations de promotion de« ses » ouvrages où un discours indigent vient systématiquement contredire l’érudition supposée destextes qu’il signe. Un vrai débat résoudrait la question en une seule fois et établirait de façonirrévocable que Sifaoui et Khadra sont les ennemis du peuple algérien, les ennemis de la démocratie,les alliés du terrorisme international, les alliés des stratèges de la tension, bref, tout ce qui constitueun bon agent du DRS.

Silvia Cattori : Un passage de votre livre (page 535) me semble également éclairer desmanipulations qui ont entouré la guerre contre le peuple d’Afghanistan [12] et continuentd’alimenter la propagande contre l’Iran, propagée en sous main, par Israël [13] : « Ceux qui ontdélibérément soutenu un programme qui proclame ouvertement l’éradication d’une partie de lapopulation, ceux qui ont offert leur aide à une tyrannie sur le point d’être démasquée, et ont assuré lerelais de leur propagande à un régime mafieux, ne sont pas de simples spectateurs mais descomplices. Le journaliste, l’expert médiatique, l’homme politique, peuvent gripper cette machine, or,ils n’ont contribué qu’à huiler ses mécanismes. Il s’agit là du stade suprême de la complicité. (…)

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C’est cette tâche ignoble qu’ont froidement accomplie Bernard-Henri Lévy et André Glucksmann,bien secondés par Daniel Leconte et quelques autres leaders d’opinion en 1998. (…) Non contents dene rien faire au bénéfice des victimes, ils ont activement milité pour empêcher la mobilisation des’organiser pour freiner les bourreaux… » Ce passage a de quoi inquiéter sur les complicités quicontribuent à assurer une audience à ces personnages machiavéliques. Avec ce que l’on saitaujourd’hui de leur alignement [14] sur Israël et les néoconservateurs, on en déduit qu’ils ne sontpas arrivés sur ce terrain par hasard, par erreur !? Sont-ils attachés à un appareil précis ?

Lounis Aggoun : Je me garde d’énoncer des choses dont je ne sais rien et je m’efforce de ne rienécrire que je ne serais capable de défendre devant un jury d’assises. Je me contente de ce je sais pourcertain et cela est déjà suffisamment accablant pour cette communauté parasite. Pour autant, lesréseaux financiers, industriels, médiatiques, intellectuels, etc., sont bien documentés par denombreux ouvrages parus ces dernières années. Et les méfaits avérés de Bernard-Henri Lévy sur lepeuple algérien sont suffisamment graves pour qu’il soit inutile d’en rajouter. Chacune de sesinterventions a été une atteinte à la simple raison, une atteinte à l’humanité.

Silvia Cattori : « Entendre les médias traiter de sujets concernant les Algériens est pénible »,écrivez-vous, à la fin de votre ouvrage. En quoi les chaînes télévisées TF1 et France 2 [15], que vousappelez à ne plus regarder, sont-elles plus particulièrement blâmables ? Pensez-vous que leursrédactions savaient que les massacres attribués au Front Islamique du Salut (FIS) ou au Groupeislamique armé (GIA), faisaient partie d’une « stratégie de la tension » soutenue par des grandespuissances, dont la France ? Est-ce pour étouffer « l’inavouable » qu’elles continuent de solliciterAlain Bauer [16] et Xavier Raufer [17], que vous dites appartenir à une « nouvelle classe d’experts,d’agents d’influence ayant fait carrière dans les services » ?

Lounis Aggoun : Je dis simplement que, quand on a compris que TF1 fabrique du mensonge, queson journal télévisé ne fait pas de l’information mais du bourrage de crâne pour rendre le cerveau deson auditoire « disponible » pour Coca-Cola — selon les termes de son ancien président —, il fautêtre logique avec soi-même et ne pas contribuer à grossir les audiences qui légitiment ses agressionscontre la vérité. Cela étant, TF1 est une entreprise privée qui n’a pas vocation à informer mais à aiderson patron à gagner des contrats pour bétonner le monde [18] ; et elle le fait somme toute bien. Lecas de France 2 est plus grave puisque son ambition proclamée est d’informer et qu’elle a unemission de service public qui devrait lui interdire de jouer avec la vérité. Or, sa rédaction réalise letour de force de faire pire que TF1. Quand Monsieur Pujadas ment, il trahit la confiance de ceux quifinancent son salaire, c’est plus pénible. La seule justification qu’il donne à ses trahisons est que sespourfendeurs sont populistes et jouent le jeu du Front National (FN).

Il ne serait pas très compliqué de démontrer que David Pujadas — tout comme Daniel Bilalian avantlui — ont plus contribué au succès des thèses du FN que Jean-Marie Le Pen lui-même. Et depuis queNicolas Sarkozy a repris dans des termes encore plus crus les thèses du FN, elles trouvent subitementgrâce aux yeux de Pujadas.

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Christian de Bongain (Alias Xavier Raufer), journaliste et criminologue français. Il a travaillépour diverses couvertures de la CIA, dont le National Strategy Information Center de Bushpère.

En voyant les avions percuter les Tours Jumelles, Pujadas a eu cette réaction consternante :« Génial ! ». On devine aisément ce que les propagandistes auraient fait de ce moment « culte » detélévision s’il s’était agi d’un « jeune de banlieue ». Le passage aurait tourné en boucle dans tous lesfilms, comme preuve irréfutable de la barbarie terroriste qui menace aux portes de Paris. S’agissantde Pujadas, tout le monde s’est accordé pour lui trouver des circonstances atténuantes ! Les loupsn’ont pas la réputation de s’entredévorer. Et dans cet univers de prosélytisme islamophobe, unXavier Raufer est une perle : « Il n’y a que parmi les chercheurs du CNRS qu’on croit encore quel’islam n’est pas un danger », affirmait-il devant Yves Calvi il y a quelques années. Tandis que,évoquant les tortures dans la prison d’Abou Ghraïb, Antoine Sfeir disait : « On ne fait pas d’omelettesans casser des œufs. » Pas davantage de protestations. On est pourtant bien sur la télévisionpublique. On peut multiplier à l’infini les citations d’interventions de Jean-Louis Bruguière, LouisCaprioli, Roland Jacquard, Paul Ammar, Daniel Leconte, Philippe Val, etc., qui sont des hymnesracistes, islamophobes, des déclarations qui n’ont rien à envier aux outrances du leader du FN.

Silvia Cattori : Cette « deuxième » guerre d’Algérie n’a-t-elle pas conduit au climat de méfiance etde rejet que les Arabes musulmans connaissent aujourd’hui, notamment en France ? Et au fait queles Algériens, où qu’ils se trouvent, ont des raisons d’être inquiets ? En somme tout s’est déroulécomme les stratèges d’Etat le voulaient ?

Lounis Aggoun : La stratégie de la peur n’est pas nouvelle. Les généraux algériens voulaient garderle pouvoir, quitte à « éliminer deux millions d’Algériens ». Voilà la chose faite.

Silvia Cattori : En Algérie, la vérité est dangereuse pour ces dirigeants qui n’ont pas la consciencetranquille. Mais est-ce aussi le cas en France ?

Lounis Aggoun : Le fait que la vérité soit dangereuse n’empêche pas les Algériens de la réclamer,au péril de leur vie. Le courage des familles de victimes du terrorisme et de leurs comités de défense— qui ont préféré l’honneur dans le dénuement aux millions que les généraux étaient prêt à leurverser pour obtenir leur démission et leur silence — est infiniment plus méritoire que tous les livresque l’on peut publier à l’abri de la répression immédiate. Et ils sont nombreux à écrire des véritésaccablantes en Algérie même. Le seul journal qui ait annoncé la sortie de mon livre ne se trouve pasen France ; c’est le Quotidien d’Algérie, et c’est pour en dire du bien. Les médias français occultentsystématiquement les efforts incessants des Algériens pour recouvrer un peu de dignité et lasouveraineté sur leur propre terre. Une grande partie du drame algérien se vit hélas en France de

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même que s’y situe le nœud gordien de sa résolution. Mais les médias français ont atteint un tel stadede compromission qu’ils pratiquent l’omerta dans une mesure plus importante encore qu’en Algérie,où certaines révélations parviennent à filtrer, à la faveur de luttes de clans qui se traduisent par desrèglements de comptes dans les médias.

Silvia Cattori : Il existe des gens qui ont une exigence de vérité, mais le grand public n’y aquasiment jamais accès. Ce ne sont pas eux qui sont généralement invités à s’exprimer. Vous leurfaites honneur dans votre livre du reste. Je pense à ce témoin important de la collusion franco-algérienne : Lucile Schmid [19] Y a-t-il une autorité qui leur fait barrage ?

Lounis Aggoun : C’est même une règle que les seuls qui soient admis dans le débat en France sesituent aux extrêmes et que ceux qui peuvent contribuer à la concorde entre les peuples algérien etfrançais sont systématiquement bannis des médias. L’ambassadeur des Nations Unies à Alger, PaoloLombo, fut invité à quitter le territoire après les inondations de Bab-el-Oued, en 2001, quand ildéclara que les Algériens avaient besoin de liberté et de démocratie et non qu’on leur donne du pain.Un téléthon organisé en grande pompe — couronné par un match de football Algérie-OM — a réuni2 milliards de dinars dont les habitants de Bab-el-Oued n’ont jamais vu la couleur.

Tout le monde peut constater au quotidien — au point que ça en devient caricatural — que chaquefois que quelqu’un est disposé à dénigrer le peuple algérien et à vanter les mérites du pouvoirmilitaire, il est accueilli avec force compliments sur tous les plateaux de télévision. A contrario,quiconque prend la défense du peuple et critique le régime en est aussitôt banni : Bourdieu y était unparia, François Burgat y est inexistant, et Olivier Roy en a complètement disparu. On peut multiplierles exemples à l’infini, de spécialistes de l’Algérie, d’anciens journalistes du Monde et de Libération— qui ont vécu dans le pays et l’ont aimé — qui ne sont jamais invités à s’exprimer. Anne Dissezétait présente dans les bureaux du FIS en décembre 1991, et a été témoin direct, lors de l’annonce desrésultats de l’élection, du blêmissement du dirigeant du FIS de l’époque, Abdelkader Hachani (unintellectuel, attaché à la démocratie et à l’intérêt de son pays, et non moins islamiste), qui nesouhaitait nullement la victoire. Hachani a été assassiné depuis par le DRS parce que ne cadrant pasbien avec l’image de l’islamiste égorgeur de bébés que les généraux voulaient présenter ; AnneDissez a été quant à elle invitée à quitter le pays, manu militari. Jean de la Guérivière, GeorgesMarion, José Garçon, Florence Aubenas, Joëlle Stoltz, je pourrais vous citer une longue liste dejournalistes capables de parler intelligemment de l’Algérie et qu’on ne peut accuser d’être desfanatiques de l’islam. Outre d’interdire l’accès à ces « intellectuels positifs », on dissuade lesjournalistes encore attachés à quelque probité intellectuelle en mettant au placard quiconques’aventure à inviter ces empêcheurs de désinformer en rond.

Je ne parle évidemment pas des Algériens, suspects par postulat. Personne ne trouve sidérant que,depuis la décennie 1990, tout ce que l’Algérie a engendré comme grands esprits se soit totalementvolatilisé. Ne reste à offrir au public français que le discours indigent de Mohamed Sifaoui etYasmina Khadra. Au génocide physique succède l’extermination médiatique de tous les intellectuelsalgériens dans le paysage audiovisuel français.

Le pouvoir français, les médias français, sont sous influence directe des services algériens ; ce n’estun secret pour personne. En fait, en l’état actuel des choses, il n’y a rien que le pouvoir algérien nepuisse se permettre en France. Il peut faire exploser des bombes, assassiner des hommes, semer laterreur, et ce sont les médias et les hommes politiques français qui viendront à son secours pourproclamer qu’il est insoupçonnable. Le pouvoir qu’exerce Alger sur Paris est exorbitant. Quiconquedétient un pouvoir ou une influence a été acheté par les généraux durant l’année 2003, jolimentbaptisée « année de l’Algérie en France » ; les réfractaires sont quant à eux graduellement écartés.Des milliards ont été déversés pendant toute une année sur tous ceux qui se déclaraient disposés àfaire la promotion du régime, à « collaborer » avec l’Algérie comme le répétait alors le VRP deBouteflika, Cheb Mami. Le scandale Khalifa, et ses 7 milliards d’euros de fonds dilapidés (qui nesont que la partie émergée de l’iceberg de la spoliation), n’est pas une affaire algéro-algérienne, c’est

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presque une affaire franco-française ; l’Algérie n’a fait, comme toujours, que fournir le fric.

Silvia Cattori : J’aimerais revenir sur les relations entre le régime de Bouteflika et l’Elysée et surdes actions que l’on attribue à Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) évoquées lors du précédententretien. En effet celui-ci a suscité un abondant courrier de lecteurs qui, à ma surprise, paraissentconvaincus que les actes attribués par les divers pouvoirs à l’AQMI sont manipulés par l’Étatalgérien avec la complicité de services français notamment !

Lounis Aggoun : Je vous le disais précédemment : AQMI, c’est le DRS. Rendez-vous compte qu’aumoment où le monde occidental proclame dans une belle unanimité que le terrorisme est le fléauprimordial à combattre, les intéressés se donnent comme préalable de leurs investigations d’exclurede la liste des suspects le principal coupable. Le DRS a beau signer ses actes terroristes, les juges, lespolitiques, les médias et les policiers français concernés, organisent des mascarades pour le disculperet pour tenter d’identifier un coupable par essence impossible à confondre puisqu’il est, par décret,insoupçonnable. Restent les lampistes, ceux qui se sont pris les pieds dans le filet, Khaled Kelkal,Boualem Bensaïd, Rachid Ramda et consorts, qui endossent une bien lourde responsabilité au regardde leurs capacités réelles, et que les divers protagonistes (policiers, chroniqueurs judiciaires,jusqu’aux associations de victimes) acceptent comme les parfaits boucs émissaires pour évacuer leproblème en se donnant bonne conscience — les personne arrêtées sont, à un degré ou un autre,coupables — pendant que les commanditaires des actes en cause sont reçus avec faste à l’Elyséepour organiser le pillage des ressources de l’Algérie.

Tout cela conduit à dire que l’AQMI a de beaux jours devant elle. Mais le nom de cette organisationest en soi un chef d’œuvre de manipulation. En quatre mots, on met au ban de l’humanité, sans autrejustification que celle de voir ces mots ainsi accolés, l’islam et tous les peuples du Maghreb, en lesliants à Al-Qaïda et Oussama Ben Laden. On prétend, dans une déclaration, que l’organisation estsoutenue par Al-Qaïda et financée par des pays et des organisations très riches et, dans la mêmephrase, qu’elle a besoin d’enlever des Européens pour se financer. On affirme un moment qu’elle estsuréquipée — sans que jamais, au grand jamais, les intérêts du régime algérien contre qui elle estcensée se battre soient mis en danger — et l’instant d’après que c’est une armée de gueux. On prête àl’organisation le dessein de mener une guerre totale aux envahisseurs et aux Occidentaux, et tout lemonde trouve normal qu’elle n’ait jamais attenté à leurs intérêts — et surtout pas aux étasuniens quipullulent dans la zone — quand le désert, où elle est censée vivre « comme un poisson dans l’eau »,recèle des milliers de kilomètres de pipelines qu’il serait très aisé de faire exploser.

On affirme l’organisation décimée et, sans transition, que le demi-millier de ses soldats contrôle unterritoire grand comme l’Europe de l’Ouest, dans un terrain parmi les plus hostiles de la planète, oùse concentrent pourtant les forces armées de quatre pays qui, officiellement, les traquent, avecl’appui des forces spéciales de la France, de l’OTAN, des USA, etc. On proclame que ces terroristessont capables de frapper où ils veulent, quand ils veulent, et chaque fois qu’ils frappent, c’est dans undessein trouble mais dont on découvre tôt ou tard qu’il sert des objectifs purement crapuleux, quin’ont en tout cas strictement rien à voir avec un quelconque mobile religieux. On prétend ceshommes irréductibles et on diffuse régulièrement leurs sommations contre tel ou tel pays s’il ne seconforme pas à leurs exigences, abroger la loi sur la burqa en France par exemple. Est-ce à dire quesi la France se plie à cette exigence, AQMI accepterait de la laisser piller les pays du Sahel de sesressources ?

Comment concilier cela avec le dessein initial d’Al-Qaïda, qui est de mener une guerre totale contreles Occidentaux ? Jamais AQMI — et, avant elle le GSPC (Groupe salafiste pour la prédication et lecombat) ou encore le GIA — n’a commis un acte, en 20 ans d’existence à maintenant, qui aitcontribué à affaiblir le régime et à servir le peuple. On peut aisément prouver que chacune de sesactions d’envergure est intervenue à un moment clé qui a eu pour conséquence de desservir le peuplealgérien et de renforcer le régime.

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Amari Saïfi (alias Abderazak el Para ou Abou Haydara), dit « le Ben Laden du Sahara »,leader du GSPC. Ce « terroriste islamiste » est en réalité l’ancien commandant de la garde duministère de la Défense algérien et un agent du Département de renseignement et de sécurité(ex-Sécurité militaire)

Dans la littérature foisonnante sur AQMI, qui rappelle que Amara Saïfi [20], alias Abderazak El-Para, alias « le Ben Laden du Sahara », vit paisiblement au club des Pins à Alger, après avoir étéprésenté comme celui qui a conduit au ralliement du GSPC à Al-Qaïda ? Tout ça pourrait êtreloufoque, mais des « experts », des « spécialistes », des « directeurs d’instituts », de « centres derecherche », d’« observatoires », se relaient sur tous les plateaux télévisés pour nous conter, sansrire, une fable qui ne tient que parce qu’elle est énoncée sans contradicteur, par des individus quipeinent à masquer leur filiation avec les services secrets, les centrales mêmes qui gagnent à diffusertoutes ces intoxications. Tous ces pouvoirs illimités, de police, de justice, de médias réunis, neparviennent pas à produire une version des faits qui puisse résister à la moindre contradiction. C’estpour cela que s’impose le bannissement de toute parole se démarquant de l’histoire officielle.

La lutte antiterroriste à l’échelle mondiale telle que la conduisent les décideurs actuels et leurspropagandistes est un échec patent. Elle n’a pas pour conséquence de diffuser la démocratie là où elleest inexistante, elle l’anéantit là où elle existait. C’est exactement l’objectif des terroristes. La seuleréponse concrète des pouvoirs occidentaux consiste à proposer des mesures de fichage de lapopulation, la multiplication des systèmes de surveillance, de biométrie, et donc à anéantir tout ceque les démocraties ont de démocratique. Et pour quel résultat « pragmatique » ?

La présence de Français dans le Sahel risque à la longue d’être intenable. L’intérêt stratégique - sil’on aborde la question du point de vue purement cynique de l’intérêt français - est pourtant vital.Roland Jacquard, Xavier Raufer, Antoine Sfeir, Louis Caprioli, Jean-Louis Bruguière, MohamedSifaoui, voilà les ennemis de la France, car ils sont les complices directs du terrorisme international,leur discours étant axé de sorte à disculper les vrais commanditaires et à tout mettre sur le compte delampistes.

Alors, AQMI, c’est le DRS. Tous ceux qui prétendent le contraire sont de dangereux contrefacteurs.Leur discours n’est que de l’incantation, doublée d’artifices qui ne doivent rien à la déontologie :feindre d’ignorer l’existence d’ouvrages qui attestent de la réalité de certains faits, pour ne pas avoirà donner écho à des vérités dérangeantes ; imposer la charge de la preuve à la victime, quand elledevrait incomber à celui qui accuse.

Je mets au défi quiconque, parmi tous ceux qui détiennent ces pouvoirs — de médias, de police, dejustice, de politique et d’investigation de tous ordres —, d’apporter le moindre élément qui ne soit

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pas du ragot invérifiable, de prétendus attentats déjoués, de confidences d’agents secrets qui n’ont devocation qu’à épater la galerie sans que leurs auteurs soient tenus d’apporter la moindre esquisse depreuve ; tout cela doublé d’un soupçon insidieux qui pèse contre quiconque apporte la contradictionde vouloir favoriser le terrorisme d’être un « conspirationniste », ce qui permet de l’écarter àmoindre frais, de la manière dont on procède dans les dictatures.

Je mets au défi tous ces « experts » réunis, de présenter un seul élément tangible de ce qu’ilsavancent sur AQMI, sinon des messages virtuels, envoyés par des terroristes virtuels, via desémissaires virtuels, qui attestent de thèses grotesques, qui se sont déroulés selon des scénariosrocambolesques, et énoncées devant des journalistes qui semblent n’avoir pour tout cahier descharges que de gober d’autant plus volontiers le mensonge que celui-ci est gros. Jacquard, Bruguière,Sifaoui, Sfeir, Raufer et autres Guidère — la nouvelle version BCBG (Bon chic bon genre) del’expert qui se fout de vous — n’ont pas ambition de mettre fin au terrorisme ; ils favorisent sadissémination et légitiment l’instauration de la dictature dans les sociétés occidentales.

Fin novembre 2010, Nicolas Sarkozy participera à une réunion de l’Union pour la Méditerranée.Lorsque l’on verra à la télévision les chefs d’Etats ainsi réunis, nous pouvons être certains d’avoirface à nous quelques-uns des plus sûrs commanditaires et organisateurs du terrorisme international etleurs complices ainsi que les receleurs de leurs actions. C’est ainsi qu’une poignée de prédateursexercent leur férule sur la quasi-totalité de l’humanité, en lui attribuant les méfaits dont ils sont lesinstigateurs, puis en lui imposant d’apporter la preuve de son innocence après lui avoir ôté tous lesmoyens qui leur permettrait de la réunir.

Il est temps que cela s’arrête. Cela peut se faire en ne laissant plus passer le mensonge. En mettantles propagandistes, où qu’ils s’expriment, sur un plateau de télé ou dans un bar, face à l’évidence : ilssont les complices indiscutables du terrorisme. Ils seraient bien en peine de vous prouver lecontraire ; malgré les pouvoirs et les moyens infinis dont ils disposent. Mettre fin au plus grand fléaude l’humanité, le terrorisme, mérite bien un débat entre gens sérieux, tout de même ! Or, MohamedSifaoui, la flétrissure suprême de la pensée, est considéré par les médias français comme le summumde l’intellectuel arabe. C’est criminel.

Silvia Cattori : Votre précédent livre, qui a rencontré un large public, a été occulté par les grandsmédias. Pensez-vous que celui-ci ait des chances de connaître un meilleur accueil médiatique ?

Lounis Aggoun : Lorsqu’on prétend aligner la chronique insoutenable de 200 ans de faitsinavouables, on ne peut pas espérer voir les relais du mensonge permanent faire la promotion d’unouvrage qui dépeint leur propre faillite. Quand bien même chacun verrait 99 raisons d’en parler —notamment parmi ceux qui prétendent militer pour la vérité, contre les médias conventionnels —,l’ouvrage recèle une centième vérité dérangeante pour lui. Il préférera donc occulter les 99 qu’ilvoudrait promouvoir pour ne pas donner crédit à cette centième qui l’accable. La difficulté est alorsde concilier cette entorse avec la promesse de déontologie qu’il a placée sur le frontispice de son site,mais l’art du mensonge n’est-il pas de savoir se mentir à soi-même ? Recensez toutes les personnesqui auraient une petite raison de participer à l’omerta et vous aurez une idée du drame algérien. Lesgénéraux ne sont que le couronnement d’une faillite qui dépasse hélas largement les frontières duClub des pins [21].

Pour espérer un soutien médiatique, il faut être poli. Le hasard a voulu que mon livre paraisse unmois avant un autre, tout entier consacré à l’inavouable histoire de François Mitterrand et la guerred’Algérie [22] qui est un chapitre parmi une vingtaine du mien. L’excellent ouvrage de FrançoisMalye et Benjamin Stora a bénéficié d’un accueil enthousiaste tandis que le mien est salué parl’omerta. Pourquoi ? Au-delà de la bienveillance tout à fait légitime des médias pour l’historienrespectable qu’est Benjamin Stora, il y a une autre dimension plus contestable. Leur livre est un peude l’histoire au passé simple quand le mien est à l’imparfait. Mon livre a une projection dans le

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présent quand le leur est presque un solde de tout compte contre un homme qui ne peut plus nuire.

Or, et c’est une dimension dérangeante de mon livre, les démêlés de Mitterrand avec l’Algérie ne sesont pas arrêtés en 1982 en votant l’amnistie des généraux français putschistes et en redonnant auxgénéraux algériens — non moins putschistes — une partie des archives qu’ils ont aussitôt mises sousscellés, et interdites d’accès. Ils se sont poursuivi par-delà sa mort même. Le mien ne s’arrête pas làoù c’est commode, il démontre qu’à partir de 1982, Mitterrand n’a eu de cesse de reprendre lesévénements là où ils étaient quand de Gaulle l’a « spolié » du pouvoir en 1958. Et que la « saleguerre » commencée en 1990, avec ses éclaboussures en France même, et encore à l’œuvreaujourd’hui, malgré les apparences, est la conséquence directe de cette obsession algérienne deFrançois Mitterrand. L’histoire est bien accueillie tant qu’elle est inoffensive, tant qu’elle n’est pasdérangeante au présent pour « l’establishment ».

À la sortie de Françalgérie, crimes et mensonges d’Etats [23], dans une interview accordée auQuotidien d’Oran, avec Mohammed Harbi — et sans que la question du journaliste ne s’y prêtevraiment — Gilbert Meynier évoque, sans le citer, « un ouvrage paru récemment » qui expliqueraittout « par la manipulation ». Le DRS a dû apprécier. Si ce qu’il proclamait, qu’on ne peut pas toutexpliquer par la manipulation, est une vérité générale indigne d’un grand esprit comme lui, telle n’ajamais été notre intention. Nous avons simplement démontré par A+B que, à propos d’un certainnombre d’affaires sur lesquelles circulent des thèses mensongères, la main du DRS est patente. Pourcontester notre ouvrage, il aurait été intellectuellement honnête de recenser explicitement les pointsde notre démonstration sur lesquels il n’était pas d’accord. Nous attendons toujours. Il n’y a jamaiseu le moindre démenti sur aucune des accusations très graves, avec le nom des coupables, qui setrouvent dans le livre ; l’histoire nous a donné raison sur de nombreux dossiers — celui du meurtrebarbare des moines de Tibhérine, par exemple —. Pourtant, le mensonge et la vérité officielleperdurent, qui font des Algériens un peuple de terroristes en puissance et une nuisance pour leursvoisins, et des généraux meurtriers les gardiens de la liberté et les parangons de la démocratie.

En tout état de cause, quand le moindre fait divers aux antipodes donne lieu à des dépêches et à desbrèves sur les chaines d’info en continu, les médias français oscillent entre le silence total surl’Algérie et le mensonge avéré des « intellectuels négatifs ». Et quand cela s’impose, entre lemeilleur, qu’incarnent ces historiens qui ont produit une part importante de la connaissance surl’Algérie, et le pire, incarné par Mohamed Sifaoui et Mohamed Moulessehoul / Yasmina Khadra, il ya un vide inexplicable sinon par la volonté de plaire au régime des généraux. Où est passée la« masse manquante », des centaines de milliers d’intellectuels, de journalistes, de scientifiques, dechercheurs, de cadres de haut vol, que chacun n’aurait aucun problème à trouver dans sonenvironnement immédiat ? Il suffit de ne pas poser la question pour qu’elle n’appelle aucune réponsedérangeante.

Bref, quand la vérité historique n’est pas mensonge, elle doit être calibrée pour être« commercialisable ». L’histoire est devenue un fonds de commerce que ses « légitimes »propriétaires — ils se partagent l’espace avec des charlatans de tous ordres, de faux prophètes, desimposteurs, des apprentis-sorciers, pour tout dire des terroristes — gèrent avec science. Et,épisodiquement, au compte-goutte, ils concèdent une vérité dérangeante, à raison d’un succès delibraire par an. À ce rythme, il faudrait un siècle de succès de librairie pour espérer voir émergerenfin, par reconstitution de bribes, une vérité entière. Pendant ce temps, un peuple se meurt. C’est unpeu lourd comme sacrifice à consentir pour ne pas commettre de crime de lèse-autorité médiatique.

Silvia Cattori : En conclusion, quelles perspectives pour l’Algérie ?

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Jacques Attali, économiste et essayiste français, né à Oran. Scribe du président FrançoisMitterrand, il joua un rôle central dans les relations franco-algériennes et le développement dupouvoir militaire.

Lounis Aggoun : Le problème de l’Algérie ne se résoudra pas tant que la France est sous influencealgérienne. Et vice versa. Le principal problème est d’ordre médiatique, lié directement àl’information. Ce n’est pas un hasard si celui qui a aidé Larbi Belkheir et son cabinet noir às’approprier l’Algérie dans les années 1980, l’architecte de la décomposition du pays, le concepteurdu libéralisme sauvage (la forme moderne de la tyrannie) et barbare qui a ruiné l’Algérie, est celui-làmême à qui Nicolas Sarkozy confie le soin de dresser la liste des « réformes », l’arsenal de laspoliation du peuple par les puissants, à mener en France : Jacques Attali. Un homme omniprésentdans les médias français.

Nous somme à un carrefour de l’humanité. Ou les peuples parviennent à renverser la vapeur enreprenant les rênes de leur destin, ou ils s’engagent dans un monde de terribles féodalités. Ayantcompris cela, la question est de savoir si nous, le peuple, allons les laisser nous mener docilement àl’abattoir. J’ai répondu qu’il fallait une révolution et que la révolution consiste non pas à sombrerdans le piège de la violence — dont les seuls bénéficiaires sont les puissants, les dictateurs, les forcesoccultes, les apprentis-sorciers, les vendeurs d’armes, les prédateurs de tous poils, les manipulateurs,les garants du mensonge officiel, les terroristes — mais tout simplement à exiger la vérité. Larévolution, ce peut être aussi simple qu’une carte postale envoyée assidument, une fois par mois —au coût d’un timbre-poste, et jusqu’à ce que l’équité soit rétablie — à la rédaction de France 2, àDavid Pujadas, à Arlette Chabot, pour les rappeler à leur mission d’informer ; à un député, à unprésident, à tous ceux qui ont trahi, pour leur signifier que l’on ne votera pas pour eux la prochainefois. Et de tenir parole !

Silvia Cattori : Je vous remercie.