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ENTREPRENDRE AU FÉMININ Une réalité multiple et des attentes différenciées Annie Cornet, Christina Constantinidis Lavoisier | « Revue française de gestion » 2004/4 n o 151 | pages 191 à 204 ISSN 0338-4551 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2004-4-page-191.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Annie Cornet, Christina Constantinidis« Entreprendre au féminin. Une réalité multiple et des attentes différenciées », Revue française de gestion 2004/4 (n o 151), p. 191-204. DOI 10.3166/rfg.151.191-204 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Lavoisier. © Lavoisier. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 91.181.158.92 - 01/09/2017 09h37. © Lavoisier Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 91.181.158.92 - 01/09/2017 09h37. © Lavoisier

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ENTREPRENDRE AU FÉMININ Une réalité multiple et des attentes différenciéesAnnie Cornet, Christina Constantinidis

Lavoisier | « Revue française de gestion »

2004/4 no 151 | pages 191 à 204 ISSN 0338-4551

Article disponible en ligne à l'adresse :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2004-4-page-191.htm--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Pour citer cet article :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Annie Cornet, Christina Constantinidis« Entreprendre au féminin. Une réalitémultiple et des attentes différenciées », Revue française de gestion 2004/4 (no 151),p. 191-204.DOI 10.3166/rfg.151.191-204--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

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Les femmes optent de plus

en plus souvent pour le

statut d’indépendante et,

trop rarement encore, pour

le statut de « chef

d’entreprise ». Cet article

cherche à comprendre les

facteurs qui semblent

guider leur choix, le type

d’activités vers lesquelles

elles s’orientent, les

difficultés qu’elles

rencontrent ainsi que leurs

succès et les stratégies

mises en œuvre pour

réussir leur projet. Cet

article est fondé sur une

recherche quantitative et

qualitative qui permet de

montrer que le projet

entrepreneurial des

femmes a certes des

similarités avec celui des

hommes mais certains

choix et stratégies restent

marqués par des rapports

sociaux de genre.

Cet article s’intéresse à la réalité des femmes quine sont pas sous contrat de travail salarié maisexercent leur activité soit sous le statut d’indé-

pendant (personne physique et/ou profession libérale),soit comme actionnaire d’une société (personne morale).Ces femmes assument, seule ou en partenariat, tous lesrisques et responsabilités financières, administratives etsociales liés au développement de leurs activités.Nous utiliserons, comme des études similaires, le termede femmes entrepreneures et/ou d’entrepreneuriat fémi-nin, même si ce terme est ambigu et peut parfois porter àconfusion. En effet, pour certains, s’intéresser à l’entre-preneuriat signifie qu’on cible le processus de création1

E N T R E P R E N E U R I AT

Entreprendreau féminin

Une réalitémultiple etdes attentesdifférenciées

1. Étude GEM (Global Entrepreneurship Monitor). Le GEM a pourobjectif d’évaluer l’activité entrepreneuriale d’un pays. Pour ce faire, ilutilise l’index d’activité entrepreneuriale totale (Total EntrepreneurialActivity – TEA index), c’est-à-dire la proportion d’individus dans lapopulation active (entre 18 et 64 ans) appartenant à une des deux caté-gories suivantes : individus impliqués dans un processus de créationd’entreprise (qui ont entrepris au moins une activité pour démarrer uneentreprise) dans les 12 derniers mois et qui ne paient pas de chargessociales ou de salaires depuis plus de 3 mois et individus propriétairesd’une entreprise (entièrement ou en partie) depuis moins de 42 mois(qui paient des charges sociales ou des salaires depuis 3 à 42 mois).(www.gemconsortium.org).

PAR ANNIE CORNET, CHRISTINA CONSTANTINIDIS

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d’une entreprise ; pour d’autres, est consi-déré comme entrepreneur, toute personnequi est actionnaire d’une société en per-sonne morale et/ou employeur (« les chefsd’entreprise »). D’autres, enfin, regroupentsous ce terme toutes les personnes qui ontlancé une activité quels que soient le statutchoisi, l’étape du cycle de vie de l’entrepriseet le nombre d’employés.Les études sur l’entrepreneuriat féminin sestructurent généralement autour de troisthèmes : le profil de la femme indépendanteet/ou entrepreneure, le profil des entreprisesdirigées par des femmes et leur secteurd’activité, et, enfin, leurs attitudes et vécusen regard de diverses problématiques, tellesque la croissance et la stratégie, le finance-ment, les réseaux, les formations, leur stylede gestion et de leadership. Ces étudesvisent à déterminer si les femmes entrepre-neures ont des caractéristiques et comporte-ments spécifiques, en regard d’un publicmasculin et si, ces spécificités nécessitent lamise en place de dispositifs spécifiquesd’aide à l’entrepreneuriat.Cette recherche amène à défendre l’idéequ’il faut aborder la situation des femmesentrepreneures et/ou indépendantes sous unangle systémique. La vie quotidienne de cesfemmes est le résultat d’une interaction per-manente entre leur vie professionnelle etleur vie familiale ; plusieurs de leurs choixsont guidés par leur position dans la sociétéet par le type d’infrastructures que la sociétémet à leur disposition (quantité, qualité etefficience des services des gardes). Enfin,comprendre ce qui motive et guide leurschoix ne peut se faire sans un détour par laréalité du marché du travail et le statut des

femmes salariées (le plafond de verre qui estpour les plus qualifiées, un moteur de l’en-trepreneuriat). De plus, la réalité desfemmes entrepreneures et indépendantes nepeut se comprendre sans croiser d’autresvariables indépendantes, telles que le niveaude qualification, l’âge ou l’origine ethnique.Nous ne nous inscrivons pas dans unevision naturaliste des différences hommes-femmes. Nous proposons tout simplementde prendre en compte leurs réalités socio-économiques et culturelles, les effets deleurs trajectoires de socialisation qui ont étéconstruites autour de la différenciation desrôles sociaux et des genres et voir dansquelle mesure les femmes elles-mêmesdéfinissent leur activité d’entrepreneure enregard de différences sexuées.

I. – MÉTHODOLOGIE

Si, en Belgique, les femmes représentent50 % de la population active et 42 % de l’en-semble des salariés, leur part n’excède pas29 % des assujettis au statut d’indépendant(Goffin et al., 2003). Si on cible « les chefsd’entreprise », on constate qu’elles ne repré-sentent que 12 % des actionnaires à titre prin-cipal des sociétés, auquel on peut ajouter18 % d’associée2. En France, selon les esti-mations réalisées (ACPE, 2001; Béthoux,2000, 2002), on obtiendrait une proportionassez similaire. Si ces chiffres permettent depointer la sous-représentation des femmesdans ce statut d’entrepreneur et de tra-vailleurs indépendants, il faut les prendreavec beaucoup de prudence. Si la variable« sexe » existe pour le fichier des indépen-dants (travailleurs autonomes), dans pratique-

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2. Lambrecht et Pirnay (2003), http://www.ulg.ac.be/crdocpme

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ment tous les pays, les bases de données surles entreprises n’encodent pas le sexe desactionnaires. Les chiffres sur les femmes« chef d’entreprise » sont donc souvent desestimations qui résultent d’une analysesecondaire des données (notamment à partirdu prénom). Par ailleurs, le contexte juri-dique et/ou fiscal peut fausser les chiffres.Ainsi dans plusieurs cas, l’entreprise est aunom d’un des conjoints alors que c’est l’autrequi en assume la responsabilité. Se pose éga-lement le problème du manque de visibilitédes conjointes aidantes3 ou co-entrepreneurqui apparaissent dans les données statistiquespour autant qu’elles aient été déclarées, cequi est loin d’être systématique.Même si nous observons une sous-représen-tation des femmes dans ce statut, la crois-sance de l’entrepreneuriat est cependant for-tement liée à l’intérêt croissant des femmes

pour ce statut. En Belgique, les femmesconstituaient 38 % des nouveaux indépen-dants en 2002. Durant la période 1972-2001,si le nombre d’indépendants masculins aaugmenté de 8,9 %, le nombre d’assujetties aconnu une progression de 29,7 %. Au Québec, de 1981 à 2001, le taux de crois-sance de l’entrepreneuriat masculin (tra-vailleurs indépendants et employeurs) étaitde 32 % et 213 % pour l’entrepreneuriatféminin (définition extensive) (St Cyr, Houn-tondji et Beaudouin, 2003). On peut doncpenser que les femmes sont largement res-ponsables du dynamisme entrepreneurial.Cette recherche s’inscrit dans un projet,appelé Diane, financé par le Fonds socialeuropéen, coordonné par l’UCM-Hainaut etMarkant (CEZOV), associations qui défen-dent les intérêts des classes moyennes etproposent un ensemble de services à leurs

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3. En Belgique, comme dans la plupart des pays européens, les conjoints aidants sont à 90 % des femmes.

PRÉSENTATION DE L’ÉCHANTILLON

– 31 % des femmes de notre échantillon sont dans le secteur du commerce, 23 % dans lesecteur des services, 24 % sous le statut de professions libérales. Nous avons seulement10 % des femmes pour le secteur de l’industrie, du bâtiment/construction et de l’agriculture.– 37 % ont moins de 40 ans, 30 % plus de 50 ans.

Société en personne morale : 39,9 %Personne physique : 51 %Inconnu : 9 %

Pas de salariés : 49,7 %de 1 à 10 salariés : 43,1 %de 11 à 50 salariés : 3,5 %Plus de 50 salariés : 1,0 %Associés dans l’entreprise : 31,6 %Pas d’associés (seule) : 68,4 %

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membres (formation et information, secré-tariat social, etc.).Le volet recherche comprenait :– une analyse des statistiques nationalesexistantes (Goffin et al., 2003) ;– une enquête par questionnaire auprès d’unéchantillon de femmes entrepreneures(288 questionnaires complétés pour l’en-semble de la Belgique) (Cornet et al., 2003) ;– des focus groupes, organisés par l’UCM,qui réunissaient des femmes entrepre-neures et indépendantes et des intermé-diaires de l’aide à la création et au déve-loppement des PME autour de thèmes telsque la conciliation vie familiale – vie pro-fessionnelle, l’accès au financement, lestatut des indépendantes ;– pour la région francophone, une quaran-taine d’interviews qualitatives ont été réali-sées. Les interviews ont été diversifiées entermes de secteur d’activités et de provinces ;– des réunions de sensibilisation à la pro-blématique et d’échanges d’idées avec lepersonnel (commercial, administration,réceptionniste, etc.) de l’UCM.

II. – LE PROFIL DES ENTREPRISESDIRIGÉES PAR LES FEMMES

Tous les auteurs précités sont unanimes, lesentreprises détenues par des femmes sontsouvent plus récentes (donc plus jeunes)que celles des hommes.La constitution en société est beaucoup plusrare chez les femmes ; elles préfèrentdemeurer propriétaire unique, contraire-ment aux hommes. Elles optent plus sou-vent pour le statut d’indépendant (personnephysique) que pour la constitution ensociété (personne morale).

Elles travaillent souvent seule (51,2 %).42,75 % ont de 1 à 10 salariés. On est doncmajoritairement dans le monde des TPE(très petite entreprise) et des micro-entre-prises. Le centre de recherche sur les PME(Lambrecht et Pirnay, 2003) attribue cettecaractéristique de taille, non pas au fait quel’entreprise soit gérée par une femme, maisau secteur d’activité et au niveau de forma-tion de l’entrepreneure. Ainsi une entreprisedans le secteur des services engagera moinsde personnes qu’une entreprise dans le sec-teur industriel. Dans notre enquête, le fac-teur, le plus fréquemment évoqué par lesfemmes entrepreneures pour expliquer lapetite taille de leurs entreprises, est le coûtde la main-d’œuvre. Des traits de caractèrepeuvent également jouer un rôle : on voitdans plusieurs interviews une volonté degarder son autonomie et son indépendance,des difficultés à déléguer ou encore le désirde continuer à exercer son métier de base età rester en contact direct avec la clientèle4.Elles semblent, par contre, développer desformes d’organisation du travail basées surdes partenariats d’affaires.L’influence de la taille sur la performancede l’entreprise et sur ses perspectives dedéveloppement a été largement étudiée parLouise St Cyr qui en déduit que ce facteurpénalise les femmes en regard des possibi-lités de financement : « Les entreprises desfemmes semblent se trouver dans un cerclevicieux où la petite taille de leur entrepriserestreint leur accès au financement institu-tionnel et où le manque de financement res-treint les possibilités de croissance desentreprises. » (St Cyr et al., 2003, p. 5).Ces entreprises sont en grande majorité dansles secteurs de la vente au détail, hôtels et

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4. Ce lien avait aussi été mis en évidence par Lee-Gosselin et Grisé (1990).

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restaurants, services collectifs et santé/édu-cation. Les femmes restent peu présentesdans les secteurs industriels, y compris dansles nouveaux secteurs comme le secteur desTIC. En Belgique, 14 % des indépendantsde ce secteur sont des femmes.Nous constatons une présence croissantedes femmes dans les professions libérales(40 % des indépendants inscrits dans uneprofession libérale), avec toutefois une pro-portion très inégale de femmes selon le sec-teur d’activité (majoritaires dans les profes-sions libérales liées à la santé et fortementprésentes dans les professions juridiques,minoritaires dans les professions d’huis-siers de justice, ingénieurs, géomètres etcomptables indépendants).Les femmes qui sont dans des secteurs majo-ritairement masculins soulignent le fait quecela n’a pas été toujours facile de trouverleur place et qu’assez systématiquement,leurs compétences ont été mises en doute. Etcela est d’autant plus vrai quand la femmeest amenée à succéder à un homme (reprised’entreprise). Le diplôme constitue alors unatout pour asseoir sa crédibilité.

III. – LE PROFIL DE LA FEMMEENTREPRENEURE ET/OU

INDÉPENDANTE

Les caractéristiques prises en compte sontl’âge, le niveau de diplôme, la situationfamiliale et la situation professionnelleavant de prendre le statut d’indépendant.Nous ne traitons pas de l’origine ethnique,faute de données pertinentes, mais ce thèmepourrait s’avérer prometteur pour desrecherches ultérieures.En Amérique du Nord (Canada et États-Unis), les femmes entrepreneures seraientplus jeunes que leurs homologues mascu-

lins (Légaré et St Cyr, 1999). En France,l’ACPE (2001) trouve des résultats un peudifférents : les femmes entrepreneures et/ouindépendantes seraient plus âgées que leurshomologues masculins. Pour la Belgique, larépartition par catégorie d’âge du fichierdes indépendants ne donne pas de diffé-rences significatives. Toutefois, si onregarde la proportion de femmes par caté-gories d’âge, on constate une présencecroissante des femmes dans les plus jeunescatégories d’âge des entrepreneurs et indé-pendants : 37 % des indépendants de moinsde 30 ans sont des femmes pour 24 % desindépendants de plus de 60 ans.L’ACPE (2001) constate que, pour la caté-gorie des moins de 25 ans, les créatricesd’entreprise sont plus nombreuses que lescréateurs. Le rapport s’inverse, par contre,pour les 25-39 ans, avec à nouveau unnombre plus important de femmes qued’hommes dans la création pour lestranches d’âge supérieures à 50 ans.

1. Niveau de diplôme

En Amérique du Nord, les femmes entrepre-neures auraient un niveau de scolarité plusélevé que les hommes, elles ne posséderaientsouvent pas d’expérience antérieure dansleur secteur d’activité (St Cyr et al., 2003).Dans notre enquête, environ un tiers desfemmes entrepreneures ont une formationuniversitaire ou de l’enseignement supé-rieur de type long, un tiers détient undiplôme de l’enseignement supérieur detype court et un tiers a un diplôme de l’en-seignement primaire ou secondaire.Le niveau d’études est fortement corrélé auprocessus d’acquisition du statut d’indé-pendant. Les femmes ayant un niveau dediplôme moins élevé sont généralementdans un processus de création par nécessité

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ou de reprise familiale. Celles qui ont unniveau de diplôme plus élevé (universitaire,école supérieure et graduat) sont plus sou-vent dans des processus de création volon-taires avec l’idée de saisir des opportunités.Au-delà de la question du niveau d’études,plusieurs femmes mettent en évidence queleurs études ne les ont pas préparées à gérerune entreprise et à devenir indépendante.Ceci permet d’identifier une piste d’actionencore trop souvent oubliée pour soutenirl’entrepreneuriat : l’intérêt d’avoir des coursde base en gestion d’entreprise dans son cur-sus scolaire et cela tant pour les universi-taires que pour les diplômes professionnels.

2. Situation familiale

Sur l’ensemble des 288 femmes entrepre-neures, les trois quarts sont en couple (soient216 femmes) et 83,3 % ont un ou plusieursenfants. Parmi les femmes ayant des enfants,46,5 % (soient 113 femmes sur un total de243) ont deux enfants, un tiers de ces femmesont trois enfants ou plus. Leur conjoint oupartenaire travaille généralement dans uneautre entreprise (52,8 % des cas) mais poin-tons tout de même que sur 246 couples, plusd’un cinquième des conjoints/partenairessont associés à la femme entrepreneure(21,2 %). Ces femmes n’ont pas décidé defaire un choix: la famille ou l’activité profes-sionnelle, elles souhaitent, au contraire, trou-ver un équilibre entre les deux pôles.Le centre de recherche PME et entrepreneu-riat de l’université de Liège (Lambrecht etPirnay, 2003) a identifié dans une étudesimilaire que 40 % des femmes qui étaientseules sans enfant au démarrage de l’activitéont gardé ce statut au moment de l’enquêtealors que 80 % des hommes dans la mêmesituation étaient au moment de l’enquête encouple avec enfants. Par ailleurs, ces cher-

cheurs montrent que le fait de se mettre encouple constitue une décision qui retardel’accession au statut d’entrepreneur et celaplus nettement pour les femmes (4,4 ans)que pour les hommes (1 an). Le fait d’avoirou non des enfants ne semble pas, parcontre, avoir un effet différentiel sur leshommes et les femmes. Ces chercheurs entirent comme conclusion que « pour unefemme, ce n’est pas tant d’avoir un enfantque d’avoir un conjoint qui retarde sonentrée dans l’entrepreneuriat » (2003, p. 32).La volonté de mener de front vie profes-sionnelle et vie familiale explique pourquoiplusieurs d’entre elles ont largement parlédes freins que constitue la répartition destâches familiales et parentales pour le déve-loppement de leur activité. Les femmesinterviewées sont majoritairement d’accordpour dire que, même si le conjoint participeaux tâches ménagères et au soin et à l’édu-cation des enfants, c’est la femme qui s’oc-cupe de la majeure partie de ces tâches dansle ménage. 64 % de femmes entrepreneuresdéclarent que leurs activités principales endehors du travail sont la famille et l’éduca-tion des enfants.Paradoxalement, c’est la famille et sescontraintes liées à la répartition sexuée desrôles qui semblent en avoir attirer plusd’une vers ce statut d’indépendant. En choi-sissant ce statut d’indépendant, elles vou-laient avoir plus de flexibilité ce qui ne veutpas dire travailler moins d’heures mais pou-voir gérer son temps de travail et seshoraires, en fonction des besoins de l’acti-vité professionnelle et de la vie de famille.Plusieurs pointent le fait que les structuresde garde sont peu adaptées aux contraintesdes femmes qui travaillent, surtout quandles enfants sont en âge scolaire. L’impor-tance de disposer de structures de garde suf-

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fisantes (pour les enfants en bas âge et pourla période scolaire), de qualité, adaptéesaux réalités des femmes qui travaillentcomme salariées et comme indépendantes aété largement évoquée.

3. Situation professionnelleau démarrage de l’entreprise

Le statut d’indépendant ne constitue paspour la majorité des femmes de notre échan-tillon une rupture par rapport à une situationde non-emploi mais un changement de sta-tut dans une situation de travailleuse. 66 %des femmes travaillaient avant de lancer leurpropre activité, la plupart d’entre elles entant que salariée dans le secteur privé. Cesfemmes optent généralement pour unepériode de transition avec un statut d’indé-pendante à titre complémentaire.En regard des publics cibles de certains pro-grammes d’aide à l’entrepreneuriat, seule-ment 7,3 % des femmes de notre échan-tillon étaient demandeuses d’emploi et5,6 % femmes au foyer. Ces femmes sontsouvent les plus fragiles face au processusd’entrepreneuriat. Elles ont souvent uneimage « faussée » de la vie quotidienne desindépendantes et anticipent mal les implica-tions sur la vie familiale. Ceci entraîne descessations d’activités avec parfois uneaccentuation de la situation de précarité.

IV. – MANIÈRE DE GÉRERLEUR ENTREPRISE

ET « D’ÊTRE EN AFFAIRE »

Nous allons reprendre plusieurs thèmes,déjà documentés dans la littérature : lesmotivations à créer son entreprise et/ou àopter pour le statut d’indépendant, l’accèset les modalités du financement, la crois-sance et la performance de ces entreprises,

l’utilisation des formations et leur implica-tion dans les réseaux.

1. Les motivations à créer son entrepriseet/ou à opter pour le statutd’indépendant

La littérature distingue généralement deuxtypes de profils d’entrepreneur(e)s à partirde leurs motivations à créer une entreprise :le groupe « pull » (création par opportunité)et le groupe « push » (création par néces-sité) (OCDE, 2000).Le profil « création par opportunité et parchoix » (75 % de notre échantillon)regroupe le besoin d’autonomie et d’ac-complissement personnel, le désir d’organi-ser soi-même son travail, l’envie de lanceret de développer un produit ou un service,saisir une opportunité ou relever un défi,peu de possibilités de promotion et « pla-fond de verre ». Ce dernier facteur est par-fois classé dans le groupe « push » (créationpar nécessité), il nous semble toutefois qu’ilrépond à une volonté de rompre avec lesrègles de l’entreprise et de prendre son ave-nir en main.Le profil « création par nécessité » impliqueune notion de choix forcé : chômage, rai-sons familiales comme les dettes duconjoint, licenciements, reprise de l’activitésuite au décès d’un père ou d’un conjoint.Plusieurs femmes mettent en avant que leurretrait du marché du travail pour éleverleurs enfants les a pénalisé fortement quantaux possibilités de retrouver du travailcomme salariée. Le statut d’indépendantleur est apparu comme un moyen (parfois leseul) pour pouvoir réintégrer le marché dutravail.Le scénario de reprise d’une entreprisefamiliale mériterait une attention particu-lière. Dans plusieurs autres cas, on est dans

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une situation de reprise non préparée. Plu-sieurs femmes pointent une situation para-doxale : elles n’étaient pas pressenties pourreprendre l’activité familiale parce qu’ellesétaient une femme, mais les circonstancesles ont amenées à jouer ce rôle de repre-neur. Cette situation n’a pas toujours étéfacile à vivre et plaide pour un travail spé-cifique autour de la préparation de larelève5.

2. L’accès et les modalités du financement

La majorité des femmes de notre échan-tillon sont satisfaites des services de finan-cement qui existent et ne se perçoiventgénéralement pas discriminées par rapportaux hommes. Ces résultats nous ont surpriscar plusieurs recherches mettaient en évi-dence des traitements différenciés desdemandes de financement selon le sexe(OCDE, 2000, Association des banquierscanadiens, 1996 ; Béthoux, 2000 et 2002).En phase avec ces recherches, deux caracté-ristiques se retrouvent toutefois notreéchantillon :– une tendance des femmes entrepreneureset indépendantes à emprunter et à investirdes petits montants. La moitié des femmesentrepreneures ont investi des montantsinférieurs à 25 000 euros lors du démarragede leur activité. Seules 23 % d’entre ellesont injecté plus de 75 000 euros. Ceci varieselon le secteur d’activités.– une prudence face à l’emprunt que cer-tains appelleront aversion au risque. L’ar-gument le plus souvent évoqué par lesfemmes pour justifier cette prudence estleur besoin de « protéger la famille », de

ne pas la mettre en difficulté suite à desemprunts inconsidérés. On voit ici le poidsdes rôles sociaux, des apprentissages et dela socialisation.Comme le montrent la plupart desrecherches sur le sujet, les femmes font peuappel au financement institutionnel et ne setournent vers le crédit bancaire qu’en cas denécessité. Les femmes exerçant une profes-sion libérale empruntent plus souvent del’argent à leur famille ; elles sont plus nom-breuses à contracter des emprunts ban-caires. Plus de la moitié des femmes n’ontintroduit, au cours des cinq dernièresannées d’existence de leur entreprise,aucune demande de financement bancaire ;20 % n’ont introduit qu’une seule demandeet 21 % d’une à cinq demandes de finance-ment. Ces demandes varient selon que l’en-treprise engage ou non du personnel, le sec-teur d’activité et l’âge de l’entreprise.On peut se demander si ces résultats nereflètent pas avant tout une évolution glo-bale des banques en regard des petitesentreprises et de certains secteurs d’activité.Les banques sont de moins en moins inté-ressées à investir dans des petits projets,notamment dans le secteur de la restaura-tion, du commerce de détail et des soins auxpersonnes. Or, ces secteurs sont majoritai-rement ceux qui sont choisis par lesfemmes. La plupart des femmes qui ont desentreprises de grande taille, dans le secteurindustriel, n’ont souvent pas rencontré deproblèmes majeurs pour obtenir des prêts etfinancer des investissements.Une très large majorité des femmes ayantintroduit une ou plusieurs demandes definancement auprès d’institutions bancaires

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5. Voir notamment les recherches de Louise St Cyr à Hec Montréal.

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ont vu toutes leurs demandes acceptées(82,5 % d’entre elles, soit 50 sur 61). 60 %(79 sur 131) pensent qu’il n’y a eu aucunediscrimination au niveau des garanties per-sonnelles demandées par les banques ou ducautionnement du conjoint.Une analyse sexuée des fonds publics attri-bués pour soutenir l’entrepreneuriat(Cecchini et al., 2003) ne montre pas de dif-férences significatives dans le nombre dedossiers déposés par les femmes et leshommes et le traitement des dossiers. Parcontre, on constate que celles-ci demandentde plus petits montants, ont souvent des dos-siers mieux construits et plus complets et sontplus régulières dans les remboursements.Ce thème du financement reste largementouvert. Certains défendent l’idée qu’il fau-drait mettre en place des fonds spécifiquespour soutenir l’entrepreneuriat féminin6 etplus d’initiatives de microcrédit en mettanten avant le fait que les montants demandéssont souvent peu importants et pourraienttout à fait s’inscrire dans ce type de finan-cement. D’autres pensent, au contraire, quede telles actions entraîneraient une stigma-tisation du public féminin.

3. La croissance et la performance de ces entreprises

Une grande majorité de femmes entrepre-neures et indépendantes s’est fixée commeobjectifs principaux pour leur entreprise lacroissance du chiffre d’affaires et la crois-sance du bénéfice. Près d’une femme surdeux (40,5 %) veut investir dans de nou-veaux équipements et une sur dix dans larecherche et le développement. 10 % envi-sagent l’exportation.

Parmi les objectifs fréquemment mis enavant, on retrouve un souci d’améliorer laqualité de l’offre de produits et services etle respect des clients. Plusieurs pointent unepréoccupation du bien-être du personnel.Par contre, la croissance de la taille neconstitue l’objectif que d’une minoritéd’entre elles. Une étude réalisée en Hollande (Verheul et al., 2002) constateégalement que les femmes entrepreneuresoptent plus souvent que les hommes pourune stratégie de continuité bien plus quede croissance.Autour de ce thème des objectifs se greffela définition de la performance. L’enquêteréalisée par le centre PME conclut que lesentreprises dirigées par les femmes sonttout autant performantes que celles dirigéespar les hommes. Toutefois, comme le sou-ligne très bien Louise St Cyr (2002), toutdépend de la manière dont on définit la per-formance : si on regarde le taux de survie,cela s’avérerait plutôt favorable auxfemmes ; pour la croissance et le rende-ment, il ne semble pas y avoir de différenceimportante entre l’un et l’autre sexe ; parcontre, le critère « taille » est plus favorableaux entreprises gérées par les hommes.Un autre critère à prendre en compte est lerevenu du travail indépendant. Et là, forceest de constater que les femmes semblentretirer moins de revenus de leur activitéindépendante que les hommes. Ainsi, enBelgique, la répartition des hommes et desfemmes assujettis par tranche de revenumontre que les femmes se situent plus sou-vent que les hommes dans les catégories derevenus inférieures (Goffin et al., 2003).54,7 %, déclarent des revenus inférieurs à

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6. De tels fonds sont notamment décrits dans le rapport de Louise St Cyr (2003) et celui de Béthoux (2002), ainsique dans les rapports de l’OCDE.

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7500,00 euros, contre 33,9 % des hommes.22,6% des hommes indépendants se situentdans une catégorie de revenu supérieure à250000 euros, contre 11,3 % des femmes.L’étude du centre PME (Lambrecht et Pirnay, 2003) montre également que, à pro-fils identiques (degré de formation et moti-vation au démarrage), les femmes entrepre-neures ont 3,1 fois plus de probabilité queles hommes d’appartenir à la catégorie derevenus la plus faible et que plus de 32 %des indépendants féminins qui sont tombésen dessous du seuil de pauvreté restent pen-dant une période de référence de 6 ans(1995-2000) en dessous de ce seuil alorsque cette proportion s’élève à 13 % desindépendants masculins. Louise St Cyr(2003, p. 4) pense que « ce constat pourraits’expliquer en partie par le fait qu’ellesconsacrent en moyenne moins d’heures detravail que ces derniers à leur activité entre-preneuriale et qu’il est légitime de sedemander s’il n’existe pas un lien entre letemps investi dans l’entreprise et sa taille. »Les femmes représentaient, en 2002, 38 %des indépendants qui ont cessé leurs activités(choix ou faillite). Il serait intéressant de voirce qui peut expliquer le nombre importantd’arrêt d’activités en tentant d’isoler un effetéventuel du genre (choix du secteur d’activi-tés, compétences de l’indépendant, modifi-cation du système familial, par exemple).

4. Formation permanente

Le frein principal à la formation est lemanque de temps et le fait qu’il n’existe pasde formation en rapport avec certains sec-teurs d’activité (31 %). Vient ensuite lecoût, l’éloignement géographique du lieude formation et le manque d’informationssur ce qui est disponible. Les femmes for-mulent des attentes très précises sur les

modalités de la formation : formations cen-trées, qui tiennent compte de leurs réalitésde femmes donc de leur peu de disponibi-lité. Quant à l’idée d’utiliser des formationsen ligne (par l’internet), les avis divergent,souvent par manque de connaissances de cequi pourrait se construire autour de cetoutil. En ce qui concerne les attitudes vis-à-vis de la mixité dans les formations, unetypologie à trois niveaux se dégage :– une attitude « neutre » (18 %) : cesfemmes sont satisfaites de l’offre de forma-tion actuelle et n’ont aucune attente spéci-fique en regard de la mixité ou non mixitéde ces formations ;– une attitude « plus de mixité » (40 %)mais avec une répartition équilibrée desdeux sexes : ces femmes pensent qu’ellesoseront plus s’exprimer et auront plusconfiance en elle dans une formation où lesfemmes ne seront pas minoritaires ;– une attitude favorable à des groupes spé-cifiquement féminins (20 %).

5. Implications dans les réseaux

58 % des femmes entrepreneures de notreéchantillon sont membres d’un ou plu-sieurs réseaux d’affaires. Quatre femmesentrepreneures sur dix ne participent àaucun réseau. L’étude du centre derecherche PME a des chiffres plus faibles :26 % des femmes disent faire partie d’unréseau pour 42 % d’hommes. Celles quisont le plus souvent dans des réseaux sontles femmes exerçant une profession libé-rale ; à l’inverse seulement un tiers desfemmes du secteur des services en fontautant. Le manque d’implications desfemmes dans les réseaux d’affaire s’expli-querait par plusieurs facteurs : responsabi-lités familiales, concentration dans des sec-teurs féminins qui intéressent peu les

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réseaux traditionnels, constitution desréseaux sur une base informelle qui favo-rise indirectement les hommes7. Ceci apour effet d’accentuer l’isolement desfemmes et pourrait affecter la croissance deleur entreprise (McGregor, 2000).Que recherchent les femmes entrepreneuresau sein d’un réseau d’affaires ? L’analysepermet d’identifier d’un côté, celles quivoient les réseaux comme un lieud’échange et de convivialité ; d’un autrecôté, celles qui recherchent des avantagesplus tangibles, tels que l’accès à la forma-tion, la possibilité d’élargir sa clientèle, detrouver de nouveaux fournisseurs.Pour une partie des femmes, le fait que lesréseaux soient composés majoritairementd’hommes ne semble pas être un frein. Lamajorité pense qu’il faut s’insérer et partici-per à des réseaux masculins et ne pas créerde réseaux féminins. Mais, cela n’empêchepas que 73 % d’entre elles souhaiteraientdevenir membre d’un réseau spécifique-ment adressé aux femmes entrepreneures sielles en avaient la possibilité.Au-delà des réseaux se pose la question de laprésence des femmes dans les associationspatronales. En Belgique, les femmes nereprésentent que 7 % des membres del’Union wallonne des entreprises (UWE),11 % de la Fédération belge des entreprises(FEB) et 13 % de l’UCM (Union des classesmoyennes) (Lambrecht et Pirnay, 2003).

CONCLUSIONS

Dans cet article, notre objectif n’était pasd’identifier des différences entre « leshommes » et « les femmes » entrepreneurs

mais de voir dans quelle mesure la réalitédes femmes qui se lançaient dans une acti-vité comme indépendante était marquée parles rapports sociaux de genre. Notrerecherche montre que la vie de ces femmesentrepreneures, la façon dont elles se posi-tionnent dans ce monde des indépendants,la façon dont elles vont gérer leur entrepriseet percevoir leur croissance restent influen-cées par leurs réalités « de fille » (scénariode reprise), « de conjointe », « de mère ».La répartition des tâches familiales etparentales à l’intérieur du ménage continueà structurer et à influencer une partie deleurs choix.Le choix du secteur d’activité reste fortementinfluencé par les réalités de genre. Ainsi, ellesinvestissent majoritairement dans des sec-teurs traditionnellement féminins : com-merce, services, soins de santé et services auxpersonnes. Elles sont présentes dans des sec-teurs d’activité traditionnellement masculins(construction, transport, etc.) mais elles ontdû souvent se battre pour asseoir leur crédibi-lité, soit en s’appuyant sur leurs compétenceset diplômes, soit en bénéficiant d’un « men-tor » souvent masculin.La recherche confirme les biais sexués de ladéfinition de performance. Leur choix derester dans des entreprises de petite tailleles pénalise souvent dans leur recherche definancement et dans leur perspective dedéveloppement et de croissance. Au niveaudu financement, la dimension sexuéerevient d’une part, au travers du peu d’inté-rêt des investisseurs pour leurs secteursd’activité et d’autre part, sur l’interprétationqui est donnée au fait qu’elles empruntenten général de petits montants. Cette don-

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7. Voir notamment les travaux réalisés au niveau européen dans le réseau « entreprendre au féminin » :http://europa.eu.int/comm/enterprise/entrepreneurship/craft/craft-women/documents/proceedings-fr.pdf

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née, souvent mise en perspective par lesfemmes comme leur volonté de ne pasmettre la famille en situation de précarité,est interprétée encore trop souvent demanière négative, au travers de la notion« d’aversion au risque », qui pourrait finale-ment devenir une « prise de conscience desrisques ».Les femmes revendiquent une prise encompte de leurs réalités dans les dispositifsd’aide à l’entrepreneuriat. Cela renvoied’une part, à la qualité et à la quantité desinfrastructures de garde pour enfants et auxaides diverses pour déléguer les tâchesfamiliales et parentales (facteur decontexte) d’autre part, à la prise en comptede leurs contraintes dans l’élaboration desprogrammes de formation, dans l’organisa-tion des réseaux, dans l’accessibilité desservices d’aide à l’entrepreneuriat.La recherche montre qu’on ne peut appré-hender cette réalité des femmes et de l’en-trepreneuriat comme un bloc monolithique.Cette réalité est traversée par d’autres rap-ports sociaux : ceux liés au diplôme et à laqualification, ainsi que l’âge et l’origineethnique.Plusieurs pistes d’action devraient s’ins-crire dans une logique de « gender mains-treaming ». Il ne s’agit plus ici de mettresur pied des actions spécifiques pour l’unet l’autre sexe mais d’agir pour transfor-mer de manière préventive les règles dujeu, qui souvent inconsciemment et indi-rectement favorisent les hommes. Ce chan-

gement qui prendra en compte les réalitéssocio-économiques des femmes devraitpermettre un meilleur équilibre entrehommes et femmes dans l’entrepreneuriat.Concrètement, cela signifie, par exemple,rendre plus visible les femmes dans lesmanifestations, cours et informations don-nées sur la vie des entreprises et de leursdirigeants (prix, outils pédagogiques, etc.) ;réfléchir aux biais sexués qui peuvent exis-ter dans des dossiers de sélection d’aides àdes entreprises (dévalorisation des sec-teurs majoritairement féminins, perçuscomme peu porteurs et survalorisation dessecteurs majoritairement masculins), s’as-surer dans les missions commercialesinternationales d’une représentation d’en-treprises gérées par des femmes et de sec-teurs d’activité majoritairement aux mainsdes femmes (Horeca, commerce, soins auxpersonnes, éducation, etc.). Des actions desensibilisation qui visent à agir sur lesreprésentations devraient être réaliséesauprès des intermédiaires sociaux de pre-mière et de deuxième ligne : les ensei-gnants et les orienteurs ainsi que les comp-tables et banquiers qui sont souvent desinterlocuteurs privilégiés.Retenons, enfin, l’importance pour soutenirl’entrepreneuriat des femmes (et deshommes), d’avoir des cours de base en ges-tion d’entreprise dans son cursus scolaire etcela tant pour les universitaires, notammentdans les filières scientifiques, que pour lesdiplômes professionnels.

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