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Entre pittoresque et gardenesque L’architecture et les jardins périurbains du XIX e siècle de la ville de Québec Mémoire Véronique Fortier Maîtrise en histoire de l’art Maître ès arts ( M.A. ) Québec, Canada © Véronique Fortier, 2017

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Entre pittoresque et gardenesque L’architecture et les jardins périurbains du XIXe siècle de

la ville de Québec

Mémoire

Véronique Fortier

Maîtrise en histoire de l’art

Maître ès arts ( M.A. )

Québec, Canada

© Véronique Fortier, 2017

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la ville de Québec

Mémoire

Véronique Fortier

Sous la direction de :

Marc Grignon, directeur de recherche

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RÉSUMÉ

Ce mémoire a pour objet d’étude les théories esthétiques du paysage et les aménagements

paysagers des jardins périurbains du XIXe siècle de la ville de Québec. Afin de poser un

regard nouveau sur le sujet, nous examinerons les liens concrets entre l’aménagement des

jardins, les pratiques horticoles, l’architecture des serres et l’architecture des résidences,

en tenant en compte des influences anglaises et américaines. Notre but est de montrer que

le courant dit « pittoresque » est en fait très diversifié et contient des pratiques variées ;

on constate que le souci de l’environnement évolue considérablement à travers le

XIXe siècle. Nous analyserons d’abord les différentes théories esthétiques et nous

présenterons leurs théoriciens, puis de manière plus élaborée, nous étudierons l’esthétique

pittoresque et son influence sur la ville de Québec. Nous nous baserons sur quelques

représentations picturales ainsi que sur des ouvrages du XIXe au XXI

e siècle portant sur

l’architecture et les aménagements paysagers des domaines périurbains de la ville de

Québec. Enfin, nous proposerons une nouvelle vision de l’esthétique du paysage avec le

gardenesque en analysant l’architecture des résidences et leurs aménagements paysagers

ainsi que différents événements historiques de la deuxième moitié du XIXe siècle à

Québec.

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SOMMAIRE RÉSUMÉ ........................................................................................................................... iii

SOMMAIRE ...................................................................................................................... iv

LISTE DES FIGURES ...................................................................................................... vi

REMERCIEMENTS .......................................................................................................... xi

AVANT PROPOS ............................................................................................................ xii

INTRODUCTION .............................................................................................................. 1

CHAPITRE 1 .................................................................................................................... 10

1.1 De l’Angleterre à l’Amérique ............................................................................... 11

1.1.1 Edmund Burke : le beau et le sublime ........................................................ 11

1.1.2 William Gilpin, Uvedale Price et Richard Payne Knight : le pittoresque .. 14

1.1.2.1 Humphrey Repton................................................................................ 20

1.1.3 John Claudius Loudon et Andrew Jackson Downing : le gardenesque...... 23

CONCLUSION ................................................................................................................. 29

CHAPITRE 2 .................................................................................................................... 31

2.1 Les jardins et paysages de la Nouvelle-France et du Bas-Canada ........................ 32

2.2 La vision anglaise du paysage étranger ................................................................ 38

2.2.1 Le pittoresque illustré : James Pattison Cockburn ...................................... 41

2.2.1.1 La nature .............................................................................................. 43

2.2.1.2 Le paysage colonial ............................................................................. 45

2.3 Le pittoresque en architecture ............................................................................... 48

2.3.1 La serre........................................................................................................ 53

CONCLUSION ................................................................................................................. 56

CHAPITRE 3 .................................................................................................................... 59

3.1 Andrew Jackson Downing : le gardenesque en Amérique du Nord ..................... 60

3.2 Les grands domaines et le style gardenesque ....................................................... 65

3.2.1 Woodfield ................................................................................................... 65

3.2.2 Spencer Wood et Spencer Grange .............................................................. 67

3.3 Le jardin canadien au XIXe siècle ......................................................................... 70

3.4 La serre à Québec.................................................................................................. 76

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CONCLUSION ................................................................................................................. 86

CONCLUSION ................................................................................................................. 89

BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................ 94

FIGURES ........................................................................................................................ 104

LISTE DES SERRES INVENTORIÉES........................................................................ 124

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LISTE DES FIGURES

Figure 1.1 : Loudon, John Claudius. Arbres arrangés dans le style gardenesque, 1838.

Dessin à l’encre noire. Londres. (Image tirée de John Claudius Loudon, The Suburban

Gardener and Villa Companion, Londres, Longman, Orme, Brown, Green, and

Longmans; and W. Black, 1838, p. 165.)

Figure 1.2 : Loudon, John Claudius. Arbres arrangés dans le style pittoresque, 1838.

Dessin à l’encre noire. Londres. (Image tirée de John Claudius Loudon, The Suburban

Gardener and Villa Companion, Londres, Longman, Orme, Brown, Green, and

Longmans; and W. Black, 1838, p. 165.)

Figure 2.1 : Villeneuve, Robert de. Plan de la ville et Chasteau de Quebec fait en 1685

mezuree exactement par sieur de Villeneuve, 1685. Encre noire. Québec. (image tirée de

Marie-Josée Fortier. Les jardins d’agrément en Nouvelle-France. Étude historique et

cartographique. Québec, Les Éditions GID, 2012, p. 308.)

Figure 2.2 : Chaussegros de Léry, Gaspar-Joseph. Jardin de l’intendant, Québec, 1752.

Encre noire. Détail du plan de Chaussegros de Léry. Québec. (image tirée de Marie-Josée

Fortier. Les jardins d’agrément en Nouvelle-France. Étude historique et cartographique.

Québec, Les Éditions GID, 2012, p. 308).

Figure 2.3: Cockburn, James Pattison. Mr. Sheppard’s Villa at Woodfield, 1830.

Aquarelle avec pinceau et encre brune sur crayon sur du papier vélin. 23.8 cm x 15.2 cm.

Canada, Bibliothèque et Archives du Canada, nᵒMikan 2836100.

Figure 2.4 : Cockburn, James Pattison. Quebec from Pointe à Piseau, 1831. Aquarelle

avec pinceau et encre brune sur crayon sur du papier vélin. 31.2 cm x 52,2 cm. Québec.

(image tirée de Christina Cameron & Jean Trudel. Québec au temps de James Patterson

Cockburn. Québec, Éditions Garneau, 1976, p.36).

Figure 2.5: Cockburn, James Pattison. Cape Diamond from Spencer-Wood, september

20th 1830, 1830. Sépia. 15.2 cm x 22,5 cm. Québec. (image tirée de Christina Cameron

& Jean Trudel. Québec au temps de James Patterson Cockburn. Québec, Éditions

Garneau, 1976, p. 35).

Figure 2.6: Cockburn, James Pattison. Spencer Wood [a residence in Sillery near

Quebec], 1829. Aquarelle et encre sur papier vélin. 45.5 cm x 28.30 cm. Canada,

Bibliothèque et Archives du Canada, nᵒMikan 2838622.

Figure 2.7 : Anonyme. Asile-Champêtre de Joseph F. Perrault, protonotaire à Québec,

1812. Peinture. Québec, Bibliothèque et Archives Nationale du Québec, Centre de

Québec, cote : P600, S5, PAQ83.

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Figure 2.8: Anonyme. Villa Marchmont, 1865. Photographie sépia. Québec. Galerie qui

fait trois côtés de la résidence. (image tirée de France Gagnon-Pratte, L’architecture et la

nature à Québec au dix-neuvième siècle : les villas. Québec, Ministère des Affaires

culturelles, 1980, p. 273).

Figure 2.9: Forrest, Charles Ramus. Wolfesfield, a villa residence near Quebec city,

1821-1823. Aquarelle sur crayon sur papier vélin. 51,1 x 33,6cm. Canada, Peter

Winkwoth Collection of Canada, Bibliothèque et Archives du Canada, nᵒMikan 2838331.

Figure 2.10 : Anonyme. Le château Saint-Louis et une partie de la basse ville. Vers 1818.

Aquarelle sur mine de plomb sur papier vélin. 32.1 x 42.2 cm. Canada, Québec. Musée

des beaux-arts du Canada, Ottawa, nᵒ16686.

Figure 3.1: Anonyme. Aménagement des dépendances et des jardins autour d’une

résidence péri-urbaine, 1877. Dessin au crayon et à l’encre brune. Ontario. (image tirée

de Ron Williams, Landscape Architecture in Canada. Canada, McGill-Queen’s

University Press, 2014, p. 176).

Figure 3.2: Drummond, William Francis. Contoured plan of the environs of Quebec,

Canada East, surveyed in 1865-1866, 1865-1866. Dessin à l’encre. Détail de

l’aménagement du domaine de Woodfield. Canada, Bibliothèque et Archives nationales

du Québec, cote: G/3452/Q4/1867/C65 CAR.

Figure 3.3: Drummond, William Francis. Contoured plan of the environs of Quebec,

Canada East, surveyed in 1865-1866, 1865-1866. Dessin à l’encre. Détail de

l’arrangement des arbres du domaine de Woodfield. Canada, Bibliothèque et Archives

nationales du Québec, cote: G/3452/Q4/1867/C65 CAR.

Figure 3.4: Drummond, William Francis. Contoured plan of the environs of Quebec,

Canada East, surveyed in 1865-1866, 1865-1866. Dessin à l’encre. Détail du jardin

géométrique à Woodfield. Canada, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, cote:

G/3452/Q4/1867/C65 CAR.

Figure 3.5: Drummond, William Francis. Contoured plan of the environs of Quebec,

Canada East, surveyed in 1865-1866, 1865-1866. Dessin à l’encre. Détail de la résidence

et de la serre du domaine de Woodfield. Canada, Bibliothèque et Archives nationales du

Québec, cote: G/3452/Q4/1867/C65 CAR.

Figure 3.6: Lemercier, Alfred Léon. Spencer Wood Near Quebec, 1860. Lithographie.

15.2 cm X 22.6 cm. Canada, Bibliothèque et Archives du Canada, Alfred Léon Lemercier

collection, nᵒMikan 2934639.

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Figure 3.7: Drummond, William Francis. Contoured plan of the environs of Quebec,

Canada East, surveyed in 1865-1866, 1865-1866. Dessin à l’encre. Domaine de Spencer

Wood et Spencer Grange. Canada, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, cote:

G/3452/Q4/1867/C65 CAR.

Figure 3.8: Drummond, William Francis. Contoured plan of the environs of Quebec,

Canada East, surveyed in 1865-1866, 1865-1866. Dessin à l’encre. Détail du jardin

géométrique du domaine de Spencer Wood. Canada, Bibliothèque et Archives nationales

du Québec, cote: G/3452/Q4/1867/C65 CAR.

Figure 3.9: Livernois, Jules-Ernest. Spencer Wood, 1863. Photographie en noir et blanc.

Canada, Bibliothèque et Archives du Canada, Collection de photographies par Jules-

Ernest Livernois, nᵒMikan 3329966.

Figure 3.10: Drummond, William Francis. Contoured plan of the environs of Quebec,

Canada East, surveyed in 1865-1866, 1865-1866. Dessin à l’encre. Détail de

l’aménagement des arbres du domaine de Spencer Wood. Canada, Bibliothèque et

Archives nationales du Québec, cote: G/3452/Q4/1867/C65 CAR.

Figure 3.11: Anonyme. Spencer Grange, 1865. Photographie en noir et blanc. Détail de la

villa et de la serre. Québec. (image tirée de France Gagnon-Pratte, L’architecture et la

nature à Québec au dix-neuvième siècle : les villas. Québec, Ministère des Affaires

culturelles, 1980, p. 63).

Figure 3.12: Drummond, William Francis. Contoured plan of the environs of Quebec,

Canada East, surveyed in 1865-1866, 1865-1866. Dessin à l’encre. Détail de

l’aménagement paysager du domaine de Spencer Wood. Canada, Bibliothèque et

Archives nationales du Québec, cote: G/3452/Q4/1867/C65 CAR.

Figure 3.13: Anonyme. Morton Lodge, XIXe siècle. Photographie en noir et blanc.

Québec. (image tirée de France Gagnon-Pratte, L’architecture et la nature à Québec au

dix-neuvième siècle : les villas. Québec, Ministère des Affaires culturelles, 1980, p. 118).

Figure 3.14: Anonyme. Morton Lodge, XIXe siècle. Photographie en noir et blanc. Détail

de la serre. Québec. (image tirée de France Gagnon-Pratte, L’architecture et la nature à

Québec au dix-neuvième siècle : les villas. Québec, Ministère des Affaires culturelles,

1980, p. 118).

Figure 3.15: Anonyme. Serre viticole au domaine Cataraqui, vers 1880. Photographie en

noir et blanc. Québec. (image tirée de Nicole Dorio-Poussart. « Mémoire adressé au

Conseil du patrimoine culturel du Québec – Renaissance d’un patrimoine inconnu ou

oublié : un jardin potager et fruitier dans les grands domaines ». La Charcotte, 2014, vol.

28, nᵒ1, p. 10).

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Figure 3.16: Anonyme. Beauvoir, vers 1890. Photographie en noir et blanc. Québec.

(image tirée d’André Bernier. Le Vieux-Sillery. Québec, Direction des arrondissements:

Centre de documentation, Direction de l'inventaire des biens culturels, 1977, p. 100).

Figure 3.17: Anonyme. La serre à raisins de la famille Dobell à Beauvoir, vers la fin du

XIXe siècle. Photographie en noir et blanc. Québec. (image tirée de la Commission de la

Capitale Nationale de Québec lors de l’exposition sur Les Grands Domaines de Sillery,

Centre d’interprétation du domaine Cataraqui, Québec, photographie prise par Véronique

Fortier, le 10 octobre 2016).

Figure 3.18: Anonyme. Wolfefield, 1890. Photographie en noir et blanc. Québec. (image

tirée de France Gagnon-Pratte, L’architecture et la nature à Québec au dix-neuvième

siècle : les villas. Québec, Ministère des Affaires culturelles, 1980, p. 321).

Figure 3.19: Drummond, William Francis. Contoured plan of the environs of Quebec,

Canada East, surveyed in 1865-1866, 1865-1866. Dessin à l’encre. Détail du domaine de

Marchmont. Canada, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, cote:

G/3452/Q4/1867/C65 CAR.

Figure 3.20: Muerrie, C.A. Holland House, Senator James Gibb Ross lived in this house

until his death in 1888, 1896-1897. Photographie en noir et blanc. Canada, Bibliothèque

et Archives du Canada, nᵒMikan 3330742.

Figure 3.21: Grant, John. Holland House, St. Foye Road, Quebec, 1840. Aquarelle avec

pinceau et encre brune sur crayon sur du papier vélin. 26.6 cm X 18.2 cm. Canada,

Bibliothèque et Archives du Canada, nᵒMikan 2889843.

Figure 3.22: Muerrie, C.A. Holland House, Senator James Gibb Ross lived in this house

until his death in 1888, 1896-1897. Photographie en noir et blanc. Canada, Bibliothèque

et Archives du Canada, nᵒMikan 3330744.

Figure 3.23: Muerrie, C.A. Holland House, Senator James Gibb Ross lived in this house

until his death in 1888, 1896-1897. Photographie en noir et blanc. Détail de la serre à

Holland House. Canada, Bibliothèque et Archives du Canada, nᵒMikan 3330744.

Figure 3.24: Staveley, Harry. Plan of proposes additions to Highland for John T. Ross,

1897. Dessin à l’encre. Canada, Bibliothèque et Archives du Québec, centre de Québec,

Fonds Famille Staveley, cote P541, microfilms 4M00-4637.

Figure 3.25: Anonyme. La villa Hamwood, 1865. Photographie en noir et blanc. (image

tirée de France Gagnon-Pratte, L’architecture et la nature à Québec au dix-neuvième

siècle : les villas. Québec, Ministère des Affaires culturelles, 1980, p. 247).

Figure 3.26: Anonyme. La villa Hamwood, 1921. Photographie en noir et blanc. (image

tirée de France Gagnon-Pratte, L’architecture et la nature à Québec au dix-neuvième

siècle : les villas. Québec, Ministère des Affaires culturelles, 1980, p. 247).

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REMERCIEMENTS Je tiens d’abord à remercier mon directeur de recherche, Marc Grignon, qui a grandement

contribué à la réalisation de ce mémoire. Ses nombreux commentaires ont guidé mes

réflexions tout au long de mon écriture, rendant cette expérience agréablement

enrichissante.

Ensuite, mes remerciements vont à mes parents, Jacquelin et Louise, qui m’ont toujours

encouragée dans mes études. Ils m’ont appris que le travail et la persévérance

garantissent la réussite et je ne les remercierai jamais assez.

Enfin, je tiens à remercier mon conjoint, Laurent, pour sa présence et son soutien moral

dans les moments les plus difficiles. Je le remercie de m’avoir épaulée dans la réalisation

de tous mes projets.

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AVANT PROPOS

Ce mémoire se penche sur le courant pittoresque à Québec et examine plusieurs

catégories esthétiques anglaises du XIXe siècle. Les sources primaires et secondaires sur

lesquelles nous nous appuyons sont souvent en anglais: par souci de précision et de

nuance, nous avons choisi de laisser les citations dans la langue originale. Notre propre

compréhension de ces textes est explicitée dans les commentaires qui précédent ou qui

suivent les citations. En effet, les traductions françaises de ces textes ne nous satisfont pas

toujours, et au lieu de mélanger les citations en langue originale, les traductions publiées,

et nos propres traductions, nous avons jugé plus utile de conserver l'anglais partout tout

en clarifiant notre lecture dans nos commentaires.

Il en va de même pour le terme de gardenesque, que nous conservons en anglais tout en

le mettant en italiques. Nous suivons ainsi l'usage favorisé par la majorité des auteurs

ayant abordé cette notion en français. Nous reconnaissons toutefois que certains auteurs

proposent le terme « jardinesque » (voir: Judith K. Major, « A. J. Downing (1815-1852).

Au-delà du traité sur le jardin paysager », Histoire des jardins. De la Renaissance à nos

jours, Paris, Flammarion, 2002, p. 426).

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INTRODUCTION Dans ce mémoire, nous tenterons de vérifier l’importance accordée, dans les

aménagements paysagers à Québec, à l’esthétique pittoresque, considérée comme une clé

d’explication s’appliquant à tout le XIXe siècle. Par exemple, la Commission de la

capitale nationale du Québec, lors de l’inauguration du centre d’interprétation des grands

domaines de Sillery à l’automne 2016, soulignait que le centre a pour but « de mettre en

valeur la richesse historique et patrimoniale des grands domaines qui ont ponctué la

falaise de Sillery au XIXe siècle

1 ». L’installation du centre dans l’ancien poulailler de la

résidence Cataraqui rappelle « l’étroite relation qu’entretenaient leurs propriétaires avec

la nature, de même que l’influence du mouvement pittoresque sur l’aménagement de ces

lieux de villégiature2. » La renommée de ces domaines, notamment le domaine Cataraqui,

est connue grâce à la qualité des descriptions fournies par les rares documents existants

encore aujourd’hui. En exposant des éléments liés à l’environnement de l’époque, au

mode de vie de la bourgeoisie, aux activités quotidiennes de ces hommes et femmes qui

vivaient dans des résidences reflétant leur grande richesse, le centre d’interprétation

propose une certaine vision du XIXe siècle à Québec. En notant le niveau d’érudition des

propriétaires de ces domaines de Sillery, leur goût pour les sciences naturelles, qui sont

en plein essor à l’époque, ainsi que la place de la nature dans l’architecture, les auteurs

expliquent cette situation par l’influence notable du mouvement pittoresque tout au long

du XIXe siècle. Nous croyons que cette affirmation doit être nuancée, puis précisée.

Québec : ville pittoresque ?

La question du pittoresque à Québec et de son influence sur l’architecture et les

aménagements paysagers du XIXe siècle a largement été documentée depuis les

années 1980. Il est donc bien connu que la bourgeoisie de l’époque développe un goût

1 Anne-Marie Gauthier, « Nouveau Centre d’interprétation des grands domaines de Sillery », Commission

de la Capitale Nationale de Québec, [En ligne], http://www.capitale.gouv.qc.ca/commission/zone-

medias/nouveau-centre-d-interpretation-des-grands-domaines-de-sillery, (consultée le 5 décembre 2016). 2 Ibid.

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prononcé pour les jardins et l’environnement naturel autour de ses résidences, et ce en

raison de l’influence du mouvement pittoresque. France Gagnon-Pratte et Philippe Dubé

le mentionnent en parlant des nombreuses villas construites à Québec à l’époque

victorienne : « Toutes ces villas sont blotties au sein d’une nature luxuriante. Leur

construction suscite la création de véritables parcs-jardins ; […]3 ». Luc Noppen abonde

dans le même sens et rapporte que « les notables de la ville chercheront [au XIXe siècle] à

renouer contact avec la nature4 » en achetant de grands domaines en dehors de la ville.

Par ailleurs, Janet Wright signale que la construction de ces villas, presque toutes édifiées

dans un jardin ou un parc paysager, est révélatrice des « préoccupations qui sont au cœur

de l’esthétique pittoresque soucieuse de créer autour du bâtiment et de son cadre une

atmosphère propre à frapper la vue et la sensibilité.5 » Ainsi, les nombreuses villas de la

bourgeoisie de Québec sont toutes caractérisées à l’époque par leurs « vastes parcs

pittoresques6 » ainsi que par leurs « jardins victoriens

7 ». Il en va de même pour

l’architecture, comme le démontre France Gagnon-Pratte dans un magnifique inventaire

des villas construites au XIXe siècle à Québec. Dans cet ouvrage, elle explique que

l’implantation d’une nouvelle classe sociale de grands bourgeois, composée de militaires,

de commerçants et de hauts dignitaires du régime colonial anglais provoque un

bouleversement dans les structures sociales. Cette situation engendre des changements

dans l’architecture et dans l’aménagement des domaines de la ville de Québec qui mènent

à l’implantation de l’esthétique pittoresque8. L’auteure consacre, en fait, tout un chapitre

au mouvement pittoresque, qui aurait participé à cette « révolution de la relation maison-

jardin », d’après les concepts romantiques véhiculés en Angleterre par l’architecte

paysagiste William Kent9. Cette cohésion entre la nature et la résidence est aussi

constatée par Danielle Dion-McKinnon ; cette dernière critique cependant le besoin

d’expression de la richesse des propriétaires des domaines par la construction de villas

3 France Gagnon-Pratte et Philippe Dubé, « La Villa », Magazine Continuité, nᵒ 40, 1988, p. 24.

4 Luc Noppen et al., Québec : trois siècles d’architecture, Québec, Libre expression, 1979, p. 60.

5Janet Wright, L’architecture pittoresque au Canada, Canada, Agence Parcs Canada et Lieux patrimoniaux

du Canada, 1984, p. 7. 6 Frédéric Smith, Parc du Bois-de-Coulonge, Québec, Fides, 2003, p. 21.

7 Ibid, p.53

8 France Gagnon-Pratte, L’architecture et la nature à Québec au dix-neuvième siècle : les villas, Québec,

Ministère des Affaires culturelles, Musée du Québec, 1980, p. 5. 9 Ibid., p. 88.

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« prétentieuses » où « on aménage des jardins avec fontaines et belvédères [et où] on

plante des arbres rares.10

» Ces villas, qui entourent Québec d’une véritable couronne de

jardins le long du chemin Saint-Louis et du chemin Sainte-Foy, de même que leurs

aménagements, jardins, serres, salles de dessins et de musique reflètent bien le

romantisme de l’époque11

.

En ce qui concerne Sillery, André Bernier explique que l’aspect « pittoresque du site, la

proximité de Québec, la proximité du fleuve et des chantiers de bois ainsi que le prestige

du site12

» influencent le choix des propriétaires. Bernier décrit lui aussi les domaines

comme des lieux marqués par le romantisme et le naturalisme, admettant qu’ils

représentent bien l’époque victorienne et l’influence du mouvement pittoresque13

.

L’attirance de la bourgeoisie anglaise pour les paysages pittoresques et les jardins est

aussi démontrée par les recherches de Frédéric Smith sur les deux domaines les plus

connus aujourd’hui à Québec, soit le domaine Cataraqui et le domaine de Spencer Wood

(Bois-de-Coulonge). Smith relate que dans la deuxième moitié du XIXe siècle les

domaines se transforment le plus souvent en raison du goût des propriétaires pour

l’horticulture et les jardins. À Cataraqui comme à Spencer Wood, le propriétaire

« s’emploie à faire de sa [nouvelle] demeure un lieu de retraite au goût du jour, empreint

d’un romantisme proprement victorien » par l’ajout de jardins potagers et de serres14

. Cet

apport scientifique aux aménagements paysagers dont parle Frédéric Smith dénote d’une

évolution dans les préoccupations des propriétaires et des jardiniers des grands domaines

de Québec. Les effets de la popularisation des sciences naturelles dans les jardins de

Québec amènent, selon nous, des transformations importantes. En nous appuyant sur les

sources de l’époque, nous proposerons que l’esthétique pittoresque évolue vers une autre

esthétique, le gardenesque.

10

Danielle Dion-Mc Kinnen, Sillery. Au Carrefour de l’histoire, Montréal, Boréal Express, 1987, p. 94. 11

John Hare, Histoire de la ville de Québec, Montréal, Musée canadien des civilisations, 1987, p. 223 12

André Bernier, Le Vieux-Sillery, Québec, Direction des arrondissements : Centre de documentation,

Direction de l’inventaire des biens culturels, 1977, p. 55. 13

Ibid. 14

Frédérick Smith, Cataraqui : histoire d’une villa anglaise à Sillery, Québec, Publications du Québec,

2011, p. 39. ; Parc du Bois-de-Coulonge, Québec, Fides, 2003, p. 21.

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4

La science au cœur des aménagements paysagers

William Taylor se concentre sur ce phénomène dans son ouvrage The Vital Landscape où

il explique que, dans le cas de l’Angleterre, les sciences naturelles influencent la

population et l’amènent vers une meilleure compréhension de l’être vivant. Taylor parle

aussi d’« environmental awareness15

» en expliquant que la population bourgeoise du

XIXe siècle prend conscience de son environnement et de l’effet que celui-ci peut avoir

sur leur propre bien-être. L’intérêt pour la compréhension des êtres vivants, mais plus

particulièrement de l’homme et de son milieu de vie, permet au XIXe siècle un

croisement entre les domaines de l’architecture, de l’horticulture et de l’architecture

paysagère qui se manifeste notamment par l’importance accordée au type de bâtiment le

plus représentatif de la « culture of environmentality » : la serre. Pour Taylor, la serre

devient un élément majeur dans la représentation des nouvelles préoccupations de la

population de la seconde moitié du XIXe siècle.

La Grande-Bretagne est alors marquée par la présence d’importants théoriciens, comme

John Claudius Loudon qui développe de nouvelles approches autour de préoccupations

« environnementalistes ». Comme l’explique Taylor, Loudon crée non seulement un

nouveau prototype de serres en accord avec les avancés techniques et industrielles de

l’époque, mais il propose une nouvelle vision de l’aménagement paysager qui intègre

notamment les sciences naturelles (horticulture et botanique)16

. Loudon définit en 1832

un style d’aménagement paysager qu’il nomme le gardenesque17

, popularisé en

Angleterre ainsi que dans ses colonies tout au long de la deuxième moitié du XIXe siècle.

Le gardenesque de Loudon incorpore certains principes du pittoresque, tels que la

variété, l’harmonie et le contraste, aux nouvelles préoccupations associées au

développement et à la popularisation de l’horticulture et de la botanique. Ces

préoccupations correspondent bien à ce que Taylor tente de démontrer : « Given the

popularization of science, particularly in the second half of the nineteenth century, the

15

William M. Taylor, The Vital Landscape. Nature and the Built Environment in Nineteenth-Century

Britain, Angleterre, Ashgate Publishing Limited, 2004, p. 1. 16

Ibid., p. 10. 17

John Claudius Loudon, The Suburban Gardener and Villa Companion, Londres, Longman, Orme,

Brown, Green and Longmans; and W. Black, 1838, p. 160.

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5

language of form, functions and appearances was means whereby knowledge of the

necessities of domestic life was acquired […]18

. » En effet, il explique que l’intérêt pour

l’horticulture et le design résulte du développement au milieu du XIXe siècle d’une

nouvelle conscience de l’environnement, l’« environmental awareness », qui correspond

à l’essor et à la popularisation de la serre19

.

Le pittoresque et le gardenesque pourraient s’être côtoyés dans plusieurs jardins

coloniaux, rendant difficile les catégorisations tranchées. Nous pensons que le Bas-

Canada, en tant que colonie anglaise, s’inscrit dans ce mélange de catégories esthétiques

et que les jardins des grands domaines périurbains de la ville de Québec reflètent

également l’évolution des styles esthétiques et témoignent de ces nouvelles

préoccupations qu’amènent la popularisation des sciences naturelles et les nouvelles

théories esthétiques.

Catégories esthétiques et jardins de Québec

À la lumière de ces informations, nous tenterons dans ce mémoire de déterminer quelle

catégorie esthétique peut être associée aux aménagements paysagers de la ville de

Québec du XIXe siècle. Nous avons choisi d’étudier deux grands domaines situés en

périphérie de la ville de Québec, soit Woodfield et Spencer Wood/Spencer Grange. Ce

choix est motivé par la quantité d’information et de descriptions qui existe et qui porte

sur les aménagements paysagers de ces domaines ainsi que sur l’organisation spatiale des

lieux.

Analysant d’abord ces deux domaines pendant la première moitié du XIXe siècle, en fait

jusqu’en 1840, nous déterminerons quelles sont les caractéristiques qui correspondent

précisément à l’esthétique pittoresque. Les images de ces domaines réalisées par James

Pattison Cockburn nous permettent de voir, à travers les yeux d’un Anglais de l’époque,

comment la ville de Québec était représentée et de comprendre les raisons qui ont amené

18

William Taylor, The Vital Landscape. Nature and the Built Environment in Nineteenth-Century Britain,

Londres, Éditions Ashgate, 2004, p. 7. 19

Ibid, p. 70.

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l’artiste à préférer l’esthétique pittoresque pour représenter certains paysages de Québec.

Afin de compléter les représentations de Cockburn, nous utiliserons les descriptions des

domaines de Woodfield et de Spencer Wood/Spencer Grange tirées de son ouvrage

Quebec and its environs ; being a picturesque guide to the stranger20

ainsi que celles21

que propose James MacPherson LeMoine, auteur et historien prolifique du XIXe siècle né

à Québec.

Ensuite, nous nous pencherons sur l’évolution de Woodfield et de Spencer Wood/Spencer

Grange après 1840 pour montrer comment se développe l’approche gardenesque. Pour ce

faire, nous nous appuierons sur quelques textes22

de John Claudius Loudon qui

définissent les principales caractéristiques associées aux aménagements paysagers de

style gardenesque. De manière plus élaborée, nous utiliserons le traité23

d’Andrew

Jackson Downing, qui présente une approche plus exhaustive de l’esthétique

gardenesque selon les théories de Loudon tout en adaptant ces caractéristiques au

contexte nord-américain.

Le traité de Downing est important dans notre recherche puisqu’il présente une certaine

évolution et une adaptation des styles esthétiques au contexte d’implantation et aux

préoccupations locales. Par ailleurs, les traités de Downing et de Loudon sont reconnus

comme importants par leur popularité qui les rend accessibles aux notables de la ville de

Québec. À cet effet, Loudon fait mention dans l’un de ses textes24

de la richesse de

l’aménagement paysager de Spencer Wood ainsi que du talent de son jardinier, et

20 James Pattison Cockburn, Quebec and its environs; being a picturesque guide to the stranger, Londres,

Thomas Cary & Co. 1831, 42 p. 21

James McPherson LeMoine, Maple Leaves. Canadian History and Quebec Scenery, Third Series,

Québec, Hunter, Rose & Company, 1865, 138 p. ; Picturesque Quebec, Montréal, Dawson, 1882, 535 p. ;

Monographie et Esquisses, Québec, J.G. Gingras, 1885, 478 p. 22 John Claudius Loudon, The Green-House Companion and Natural arrangement of Green-House Plants,

Londres, Harding, Triphook and Lepard, 1824, 473 p. ; Remarks on the construction of Hot-Houses,

Londres, Architectural Library, 1817, 133 p. 23 A.J. Downing, A Treatise on the Theory and Parctice of Landscape Gardening adapted to North

America with a view to The Improvement of Country Residences, New-York & Londres, Wiley and

Putnam, 1841, 452 p. 24 John Claudius Loudon, « Art. II Foreign Notices: North America », The Gardener’s Magazine, Octobre

1837, p. 467.

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7

LeMoine fait des commentaires élogieux sur le traité de Downing dans deux importants

ouvrages25

.

Bien entendu, nous sommes conscients que l’influence de l’esthétique pittoresque peut

s’étendre au-delà du milieu du XIXe siècle ; le pittoresque englobe en fait des pratiques

très variées qui s’étendent tout au long de la période considérée. Selon France Gagnon-

Pratte, l’influence du mouvement pittoresque en architecture s’exerce entre 1830 et

187026

, tandis que Janet Wright date ce même mouvement entre 1780 et 186527

. Bien

qu’il soit difficile d’attribuer des dates précises à l’esthétique pittoresque, en prenant en

compte l’arrivée des notables anglais et le développement du style gardenesque, nous

pouvons situer le début de l’influence pittoresque entre 1800 et 1810 et son expansion

jusqu’en 1840. La catégorie esthétique du gardenesque, qui s’installe tranquillement en

Grande-Bretagne vers 1832, prendrait alors place à Québec entre 184128

et 1845, à la

même période que la publication du traité d’Andrew Jackson Downing aux États-Unis,

puis son influence s’intensifierait dans les années 1850 jusqu’à la fin du XIXe siècle.

Ainsi, en examinant les liens concrets entre l’aménagement des jardins, les pratiques

horticoles, l’architecture des serres et l’architecture des résidences, puis en tenant compte

des influences anglaises et américaines, nous tenterons de poser un nouveau regard sur

les théories esthétiques du paysage et sur les aménagements paysagers des jardins

périurbains du XIXe siècle de la ville de Québec. Nous voulons démontrer que le courant

pittoresque est en fait très diversifié et contient des pratiques variées ; le souci de

25 Monographies et Esquisses (1885) et Picturesque Quebec (1882). 26

Pour France Gagnon-Pratte, l’architecture palladienne, qui est populaire à Québec entre 1780 et 1820 ne

fait pas partie du mouvement pittoresque. C’est plutôt à partir de 1830 que les résidences dans le style

palladien, transformées par l’ajout d’annexe, font partie, d’après l’auteure, du mouvement pittoresque.

Gagnon-Pratte, Ibid., p. 82. 27

Janet Wright, L’architecture pittoresque au Canada, Ottawa, Direction des lieux et parcs historiques

nationaux Parcs Canada, Environnement Canada, 1984, p. 102-127 28

L’année de 1841 marque également le Canada par l’Acte d’Union. Cet acte a pour effet de réunir les

deux provinces du Canada, le Haut-Canada et le Bas-Canada, et de passer ainsi d’une structure de

gouvernance colonialiste à une structure nationale canadienne en donnant plus de responsabilités au

gouvernement canadien. « L’Acte d’Union, loi du Parlement britannique, entériné en juillet 1840 et

promulgué le 10 février 1841, a réuni les colonies du Haut-Canada et du Bas-Canada sous l’égide d’un seul

et unique gouvernement, donnant naissance à la Province du Canada. » Jacques Monet, mise à jour le 3

avril 2015, « L’Acte d’Union », Encyclopédie Canadienne, [En ligne], < http://www.encyclopediecanadienne.ca/fr/article/lacte-dunion/>, (consultée le 13 décembre 2016).

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l’environnement évolue considérablement à travers le XIXe siècle et plus précisément

pendant la deuxième moitié du XIXe siècle avec le gardenesque. En bousculant ainsi la

vision courante de l’architecture et du paysage de Québec, ce mémoire nous permettra

d’apporter de nouvelles perspectives d’interprétation sur l’environnement de la ville de

Québec.

Le premier chapitre de ce mémoire nous servira d’introduction aux différents concepts

sur les catégories esthétiques du XVIIIe siècle ainsi qu’à leurs théoriciens respectifs.

Nous examinerons d’abord les théories d’Edmund Burke portant sur le beau et le

sublime, puis nous aborderons les théories de William Gilpin, de Uvedale Price, de

Richard Payne Knight et de Humphrey Repton sur le pittoresque. Nous donnerons

beaucoup d’importance à la définition du pittoresque, qui évolue et se complexifie

pendant tout le XVIIIe siècle et jusqu’au XIX

e siècle. Finalement, nous aborderons les

concepts de l’anglais John Claudius Loudon et de son homologue américain Andrew

Jackson Downing sur le gardenesque. Nous nous intéressons plus particulièrement à ces

deux auteurs en raison de leur important rôle dans le développement de la compréhension

du paysage au XIXe siècle.

Dans le deuxième chapitre, nous aborderons plus précisément la présence du pittoresque

dans le Bas-Canada et son implantation dans les paysages de la ville de Québec. Nous

tenterons ainsi de comprendre pourquoi l’esthétique pittoresque est préférée aux autres

esthétiques, le beau et le sublime, pour représenter la ville de Québec au XIXe siècle.

Pour ce faire, nous parlerons brièvement des premiers jardins en Nouvelle-France, puis

nous aborderons le sujet de leur transformation vers le style préféré des colons anglais, le

pittoresque. Ensuite, nous traiterons des aspects qui lient les représentations pittoresques

de la ville à la vision anglaise de Québec au XIXe siècle en analysant trois représentations

des domaines périurbains de Québec, Woodfield, Spencer Wood/Spencer Grange, peintes

par James Pattison Cockburn entre 1830 et 1831. Finalement, nous nous intéresserons à

l’intégration de l’esthétique pittoresque dans l’architecture et dans l’aménagement

paysager de la ville de Québec. Nous donnerons des exemples de villas construites à

l’époque afin de comprendre comment l’architecture s’est adaptée à cette esthétique et

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9

ultimement comment l’influence pittoresque a été accompagnée par l’introduction de la

serre autour des habitations.

Le troisième et dernier chapitre examinera comment l’esthétique du gardenesque s’est

implantée dans le paysage de la ville de Québec dès 1841. Nous aborderons d’abord les

caractéristiques du gardenesque que propose Andrew Jackson Downing dans son ouvrage

A Treatise on the Theory and Practice of Landscape Gardening, Adapted to North

America publié en 1841 aux États-Unis. Ensuite, en analysant les domaines de Woodfield

de Spencer Wood/Spencer Grange, nous parlerons du développement des aménagements

paysagers vers le style gardenesque en utilisant les caractéristiques énumérées par

Downing. Puis, nous étudierons la transformation du jardin canadien au cours du XIXe

siècle par l’introduction du style gardenesque en considérant son évolution dans la ville

de Québec ainsi que la popularisation des sciences naturelles. Enfin, nous parlerons du

déploiement des traités d’horticultures au Canada, de la création de sociétés

d’horticulture et enfin de la popularisation de la serre dans les domaines de Québec.

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CHAPITRE 1

LES CATÉGORIES ESTHÉTIQUES ANGLAISES

Les historiens de l’art reconnaissent que les catégories esthétiques anglaises ont servi à

appréhender les paysages canadiens au tournant du XIXe siècle

1.

Avant d’examiner comment elles ont influencé l’architecture et l’aménagement paysager

à Québec, il nous semble utile de connaitre les principales catégories esthétiques en nous

appuyant sur les auteurs qui, à nos yeux, proposent les meilleures synthèses de leurs

idées; nous examinerons successivement les concepts concernant le paysage développées

par Edmund Burke, William Gilpin, Uvedale Price, Richard Payne Knight, Humphrey

Repton et John Claudius Loudon. Nous verrons comment la catégorie esthétique du beau

s’est fragmentée à partir du milieu du XVIIIe siècle, d’abord avec Edmund Burke et ses

idées sur le sublime, ensuite avec l’introduction du pittoresque, lui-même décliné en

plusieurs interprétations, de Gilpin à Loudon. À ceci s’ajoutera une autre catégorie,

moins connue, mais tout aussi fondamentale pour notre recherche, le gardenesque, que

nous continuerons à nommer en employant le terme anglais. Nous considérons ce style

comme l’indice d’un développement majeur dans la compréhension du paysage au XIXe

siècle, et il mérite par conséquent que nous nous intéressions à ses attributs et à son

rapport particulier au paysage au même titre que les autres catégories esthétiques.

1 Ian S. MacLaren, « The Limits of the Picturesque in British North America », Journal of Garden History,

Vol. 5, N° 1, 1985, p. 97-111 ; Marylin J. McKay, Picturing the Land. Narrating Territories in Canadian

Landscape Art, 1500-1950, Montréal, McGill-Queen’s University Press, 2011, 359 p. ; Alain Parent,

« Entre empire et nation. Gravures de la ville de Québec et des environs, 1760-1833 », Thèse de doctorat,

Québec, Université Laval, 2003, 299 p. ; Didier Prioul, « Les paysagistes britanniques au Québec : de la

vue documentaire à la vision poétique », dans Béland, Mario, dir., La Peinture au Québec, 1820-1850 :

nouveaux regards, nouvelles perspectives, Musée du Québec & Les Publications du Québec, 1991, p. 50-

59 ; Ron Williams, Landscape Architecture in Canada, Montréal, McGill-Queen’s University Press, 2014,

664 p.

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1.1 De l’Angleterre à l’Amérique

Les nombreux essais sur l’esthétique du paysage s’additionnent aux débats suscités par la

découverte de nouvelles émotions lors des voyages des Britanniques sur le continent

européen, et en particulier du Grand Tour, qui est un moment fondamental dans la

formation de tout jeune aristocrate dès le XVIIe siècle

2. C’est à cette époque que s’éveille

en Angleterre une appréciation pour les paysages en peinture et notamment l’intérêt des

membres de l’aristocratie pour la collection de peintures de paysage. En voulant montrer

leur connaissance artistique, les membres de l’élite s’approprient les théories sur

l’esthétique pour caractériser les paysages représentés3.

Au XVIIIe siècle, les recherches théoriques d’Edmund Burke, de William Gilpin,

d’Uvedale Price, de Richard Payne Knight et de Humphrey Repton portent en majeure

partie sur la catégorisation de l’esthétique de la relation au paysage. C’est en revalorisant

les qualités visuelles, « susceptibles de produire et de créer chez le spectateur des

sensations et des états d’âme variés4 », que sont définies les nouvelles catégories

esthétiques. Ainsi, les notions de beau et de sublime prennent place aux côtés du

pittoresque et permettent de catégoriser les paysages en fonction des différentes émotions

qu’ils suscitent chez les spectateurs.

1.1.1 Edmund Burke : le beau et le sublime

Edmund Burke (1729-1797) est l’auteur d’un essai écrit au XVIIIe siècle qui distingue les

catégories esthétiques du beau et du sublime et établit, pour près d’un demi-siècle, « a

wholly objective conception of the effect of visible objects on the passions5. » Né à

2 Christopher Hussey, The Picturesque. Studies in a Point of View, 2

e éd., Archon Books, 1967, p. 12.

3 Ibid, p. 12.

4 France Gagnon-Pratte, L’architecture et la nature à Québec au dix-neuvième siècle : les villas, Québec,

Ministère des Affaires culturelles, 1980, p. 89. 5 Hussey, op. cit., p. 12.

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12

Dublin en 1729, Burke est reconnu comme un politicien engagé6 et un philosophe. Sur le

plan politique, il soutient, tout au long de sa carrière, les Américains dans leur quête de

l’indépendance et il s’oppose vivement à la Révolution française. Les premiers ouvrages

de sa longue carrière d’écriture sont : A Vindication of Natural Society : A View of the

Miseries and Evils Arising to Mankind (1756), A Philosophical Enquiry into the Origin of

our Ideas of the Sublime and Beautiful7(1757, révisé en 1765) et An Essay Towards an

Abridgement of English History (1757-1762). Entre 1758 et 1765, il participe comme

rédacteur en chef à l’Annual Registrer, une publication qui permet à plusieurs auteurs

d’analyser les événements politiques internationaux de l’année courante. En 1765, Burke

devient le secrétaire particulier du marquis de Rockingham, premier ministre de la

Grande-Bretagne. Au cours des années suivantes, il publie plusieurs versions de ses

discours parlementaires, dont American Taxation (1774), Conciliation with America

(1775) et Fox’s East India Bill (1783) ainsi que des commentaires sur la politique

domestique et les affaires internationales, comme An Appeal from the New to the Old

Whigs (1791), Letters on a Regicide Peace (1795-1797) et A Letter to a Noble Lord

(1796)8.

Dans son essai esthétique, A Philosophical Inquiry into the Origins of our Ideas of the

Sublime and Beautiful (1757), Edmund Burke définit les propriétés du beau comme

l’harmonie entre les parties. Dans les mots de Milani, il s’agit de: « smallness,

smoothness, variety, fragility, and colour in the appropriate doses » ainsi qu’harmonieux

et attirant9. Dans la nature, le beau peut être vu à travers des éléments spécifiques tels que

« un cygne, une rose, et un jardin [conçu] par Brown10

. » Dans le même sens, le

philosophe allemand Emmanuel Kant (1724-1804), qui tient compte de l’essai de Burke

6 Il a longtemps été député à la Chambre des communes britannique, en tant que membre du parti Whig. Ian

Harris, « Edmund Burke », The Stanford Encyclopedia of Philosophy, 2012, [En ligne],

<http://plato.stanford.edu/archives/spr2012/entries/burke/>, (consulté le 23 août 2016). 7 Ce texte attire l’attention de penseurs tels que Denis Diderot et Emmanuel Kant. James Prior, Life of the

Right Honourable Edmund Burke, 5e éd., Londres, Henry G. Bohn, 1854, p. 47.

8 Harris, op. cit.

9 Raffaele Milani, Art of the Landscape. Montréal, McGill-Queen’s University Press, 2009, p. 109.

10 Edmund Burke, A Philosophical Inquiry into the Origins of our Ideas of the Sublime and Beautiful,

Londres, R. and J. Dodsley, 1757, p. 94-95.

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13

notamment sur les jardins de Lancelot « Capability » Brown11

, déduit dans Critique du

jugement (1790) que le beau peut être ultimement exprimé dans le paysage par l’ordre,

l’élégance et la symétrie. Raffaele Milanie propose que le beau permet un arrangement

parfait entre « the formal garden, where there is representation, the art of landscaping (the

imitation and control of nature), and the landscape garden, where we have the garden as

nature12

. » Cette beauté parfaite a inspiré selon Milanie les observateurs dans les anciens

jardins classiques. Enfin, les différentes théories sur le beau dans le paysage s’accordent

sur un point : « the idea of Beauty unifies all others in a fusion of the self and nature.

Being itself is Beauty and poetry is seen to spring from nature13

. »

À l’opposé du beau, le sublime est un concept esthétique qui renvoie aux émotions les

plus fortes. La définition du sublime de Burke implique l’idée de la douleur, du danger,

de la terreur, de la passion et de l’effroi mélangé avec l’admiration et le respect. Dans la

nature, « a storm at sea, a gloomy forest, a lion, a tiger, or a rhinoceros, are all

sublime14

. » Dans le même sens, Milani explique que « The sublime is that which is vast,

rough, dark, and massive; it is a kind of tranquility tinged with terror15

. » D’après lui, la

définition d’Emmanuel Kant dans Critique du jugement (1790) s’applique bien à ce que

l’on peut ressentir à la vue d’un paysage sublime. Kant utilise également des termes que

propose Burke dans son essai tels que « power » et « vastness » pour décrire sa vision de

l’immensité de la nature16

.

Le sublime est néanmoins perçu et théorisé différemment pendant tout le XVIIIe et le

XIXe siècle par d’autres penseurs. Ainsi, Kant voit l’expérience du sublime comme

l’ultime libération de l’homme par rapport à la nature, tandis que pour le poète

11

Au XVIIIe siècle, Lancelot Brown (1716-1783) est le concepteur de jardins le plus populaire en

Angleterre. Son surnom « Capability » provient de son habitude d’inviter les notables à améliorer les

capacités ou « capability » du paysage. Il exploite donc les possibilités des jardins en détruisant le jardin

français plus formel et géométrique, qui était alors populaire, pour le remplacer par des éléments plus

« naturels ». Stéphanie Ross, « The Picturesque : An Eighteenth-Century Debate », The Journal of

Aesthetics and Art Criticism, Vol. 46, N° 2, hiver 1987, p. 273. 12

Milani, op. cit., p. 111. 13

Ibid., p. 113. 14

Burke, op. cit., p. 60. 15

Milani, op. cit., p. 110. 16

Ibid., p. 101.

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14

romantique William Wordsworth (1770-1850) il s’agit d’une expérience participative ou

immersive dans la nature17

. De manière générale, le sublime peut contenir toute réaction

intense engendrée par des paysages naturels éblouissants, majestueux ou extrêmement

accidentés, réels ou peints18

.

Pendant un certain moment, les concepts du beau et du sublime suffirent pour décrire

l’esthétique des paysages et pour définir tous les plaisirs esthétiques ressentis. Par contre,

de nouvelles qualités dans la peinture du paysage du XVIIIe siècle amènent une

complexité qui n’appartient plus aux catégories esthétiques « anciennement » définies.

Comme l’expose Christopher Hussey, « in the landscape painting of Gainsborough

appeared a great quality of rough, shaggy, and summarily delineated objects, derived

from Dutch landscape, that immediately pleased the connoisseurs but were obviously

neither sublime nor beautiful19

. »

1.1.2 William Gilpin, Uvedale Price et Richard Payne Knight : le pittoresque

La catégorie esthétique du pittoresque est au centre de nombreux débats de théoriciens

esthétiques du XVIIIe et du XIX

e siècle. Entre William Gilpin, Uvedale Price et Richard

Payne Knight, sa définition diffère un peu ; d’abord très ancrée dans l’aspect « pictural »,

la catégorie s’ouvre ensuite à d’autres préoccupations, comme la perception

multisensorielle et les associations20

.

La notion classique du pittoresque a d’abord été formulée par William Gilpin. D’origine

anglaise, William Gilpin (1724-1804) est connu pour avoir raffiné les concepts sur les

catégories esthétiques du paysage avec l’ajout du pittoresque et pour avoir élaboré des

théories sur l’esthétique de l’image. Dès 1748, il consacre un essai à sa visite du domaine

17

Milani, Ibid., p. 102. 18

Ian S. MacLaren, The Influence of Eighteenth-century British Landscape Aesthetics on Narrative and

Pictorial Responses to the British North American North and West, 1769-1872, Thèse de doctorat, London,

University of Western Ontario, 1983, p. 34. 19

Hussey, op. cit., p. 13. 20

Marc Grignon, « Architecture and "Environmentality" in the Nineteenth Century », Journal of the

Society for the Study of Architecture in Canada, Vol. 38, Nᵒ 2, 2014, p. 68-70.

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15

de Stowe dans le Buckinghamshire, où il s’intéresse particulièrement à l’aménagement

des jardins et au paysage21

. En 1753, Gilpin devient le directeur de la Cheam School for

Boys dans le Surrey, puis il tente de produire un premier essai portant sur la théorisation

du paysage, mais celui-ci passe inaperçu en raison de la fameuse publication d’Edmund

Burke portant sur le sublime et le beau (A Philosophical Inquiry into the Origins of our

Ideas of the Sublime and Beautiful, 1757)22

. Il tourne alors son attention sur l’image et le

graphisme, puis publie anonymement en 1768 son Essay on Prints qui porte sur

l’esthétique de diverses images et sur leurs artistes. Au total, trois éditions de son essai

sont publiées entre 1768 et 1781 ; la dernière édition est pour la première fois signée par

Gilpin. Entre 1768 et 1776, William Gilpin passe ses étés à voyager à travers l’Angleterre

en prenant des notes dans le but d’écrire un prochain livre23

. Après avoir quitté sa

fonction de directeur d’école, Gilpin publie en 1786 un autre important essai,

Observations, relative chiefly to picturesque beauty, made in the year 1772 : on several

parts of England ; particularly the mountains, and lakes of Cumberland, and

Westmoreland24

, qui annonce le début du romantisme où on constate le grand intérêt de

Gilpin pour les ruines.

William Gilpin décrit en 1768, dans son Essay on Prints, la beauté du pittoresque comme

un concept différent de celui associé au sublime et au beau. En voulant englober son

appréciation de la peinture de paysage de Nicolas Poussin ou de Claude Lorrain et pour

encourager « a picture-imagination25

» lors de voyages, Gilpin définit le terme

pittoresque comme l’expression d’une sorte particulière de beauté qui est agréable dans

un tableau26

. Aussi, Gilpin explique que « l’imagination picturale » s’exerce par

l’orientation de l’attention sur l’analyse et l’évaluation de scènes naturelles rencontrées

21

Dictionary of Art Historians, «Gilpin, William». A Biographical Dictionary of Historic Scholars,

Museum Professionals and Academic Historians of Art. [En ligne], <

https://dictionaryofarthistorians.org/gilpinw.htm>, (consulté le 23 août 2016). 22

Ibid. 23

Ibid. 24

William Gilpin, Observations, relative chiefly to picturesque beauty, made in the year 1772 : on several

parts of England ; particularly the mountains, and lakes of Cumberland, and Westmoreland, Londres, T.

Cadell and W. Davies, Strand, 1786, 330 p. 25

Mavis Batey, « The Picturesque : An Overview », Garden History, Vol. 22, N° 2, The Picturesque, hiver

1994, p. 122. 26

Jean-Rémi Mantion, « William Gilpin et la beauté pittoresque », Critique, nᵒ 766, mars 2011, p. 233.

Page 28: Entre pittoresque et gardenesque - Université Laval › jspui › bitstream › 20.500.11794 › ...Entre pittoresque et gardenesque L’architecture et les jardins périurbains du

16

pendant les voyages pour trouver les paysages les plus réceptifs à la peinture27

. Dans le

même sens, selon Hussey, William Gilpin distingue à l’aide des termes « Picturesque

Beauty » et « Picturesque Sublimity »28

les objets qui sont beaux et sublimes et qui

seraient adéquats pour la peinture.

Dès 1794, les concepts de Gilpin sur la beauté pittoresque sont repris et transformés par

d’autres théoriciens : « […] Gilpin’s practical ideas for encouraging a picture-

imagination when travelling was developed into abstract picturesque theory by the two

Herefordshiresquires Richard Payne Knight and Uvedale Price29

. »

En contraste à Gilpin, Uvedale Price définit le pittoresque en 1794 comme un mouvement

qui met l’accent sur les qualités de l’irrégularité, la rudesse et la complexité des

mouvements30

. Sir Uvedale Price (1747-1829) est né en Angleterre dans le Herefordshire

et, tout comme son ami et voisin Richard Payne Knight (et comme William Gilpin), il est

l’un des protagonistes du mouvement esthétique du paysage, le pittoresque31

. Bien nanti,

Price est, tout comme Edmund Burke, membre du parti Whig de la Chambre des

communes britannique. Uvedale Price est reconnu pour son Essay on the Picturesque, As

Compared with the Sublime and The Beautiful, publié en 1794 (édition augmentée en

1796-1798 et en 1819), où il développe ses idées sur la théorie du pittoresque en tant que

catégorie esthétique32

. Il est aussi reconnu pour être un excellent musicien et un artiste

très doué. En 1767, il part étudier l’italien à Florence, puis il amorce son Grand Tour à

Rome, à Venise et à Turin avant de se rendre en Suisse33

. De retour en Angleterre, Price

s’active dans le jardin de la maison familiale et fait plusieurs changements esthétiques en

faveur de la beauté naturelle du paysage. Cette expérimentation met de l’avant le mépris

que voue Uvedale Price au style de jardin popularisé par Brown, qu’il considère comme

monotone et banal. L’approche de Brown consiste en une organisation équilibrée et

27

Batey, op. cit., p. 122. 28

Hussey explique que le terme Picturesque Beauty a déjà été utilisé par Gilpin contrairement à celui de

Picturesque Sublimity. Hussey, Ibid, p. 13. 29

Batey, op. cit., p. 121. 30

Gagnon-Pratte, op. cit., p. 89. 31

William Prideaux Courtney, « Price, Uvedale », Dictionary of National Biography, 1885-1900, Vol. 46. 32

Ross, op. cit., p. 271. 33

Ibid, p. 272.

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17

simple avec l’utilisation de quelques éléments naturels du paysage, tels que des bosquets,

un étang ou la courbe d’une colline. Price prône plutôt un amalgame d’éléments naturels

et fait « l’éloge des accidents de la nature : un arbre racorni [ou] une branche à demi

emprisonnée dans la surface gelée d’une mare34

». Pour Price, un jardin se doit d’être

sauvage, contrasté et d’aspect négligé. D’après lui, le concepteur de jardin doit alors

penser son aménagement de manière à ce que tous les sens soient en extase35

.

L’esthétique du beau, plutôt associée aux jardins de Brown, ne s’accorde pas avec les

caractéristiques que propose Price. Le pittoresque, en tant que catégorie esthétique,

permet d’améliorer la nature à la façon d’un peintre, pour apprécier son apport

multisensoriel et « multi-émotive ». Ainsi, Price « […] isolated a set of qualities which

allowed him to mark what was missing in the gardens of « Capability » Brown and to

establish criteria for successful improvements. These qualities comprise the

picturesque36

. » Price définit le pittoresque à partir de caractéristiques telles que la

rudesse, les variations soudaines et l’irrégularité. Ces qualités lui permettent de s’éloigner

de la peinture et de prendre une certaine distance face à la conception strictement

picturale de Gilpin pour éventuellement se tourner vers l’esthétique du paysage. Selon

Price, le pittoresque n’est pas moins indépendant de l’art pictural que le beau et le

sublime, mais « the qualities which make objects picturesque […] are equally extended to

all our sensations, by whatever organs they are received.37

» Ainsi, pour Price ce sont les

qualités immersives et l’expérience sensorielle qui distinguent l’esthétique pittoresque du

paysage peint38

.

En voulant imiter les concepts d’Edmund Burke pour le sublime et le beau, Uvedale Price

fait du pittoresque une catégorie abstraite qui permet de qualifier les paysages plus

irréguliers. Mavis Batey l’explique ainsi : « Price […] tried to make the Picturesque an

34

Encyclopédie Universalis, « Price Uvedale - (1747-1829) », Encyclopædia Universalis, [En ligne], <

http://www.universalis.fr/encyclopedie/uvedale-price)>, (consulté le 23 août 2016). 35

Ross, op. cit., p. 273. 36

Ibid., p. 273. 37

Uvedale Price, Essays on the Picturesque, as Compared with the Sublime and the Beautiful; and on the

Use of Studying Pictures, for the Purpose of Improving Real Landscape, Londres, J. Robson, 1796, p. 53. 38

Grignon, op. cit., p. 70.

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objective, abstract category comprising all rough objects and abrupt deviations as Burke

had categorized the Beautiful as smoothness and gradual deviations39

. »

En 1801, Price publie un essai nommé A Dialogue on the Distinct Characters of the

Picturesque and Beautiful en réponse à la critique que porte Richard Payne Knight, dans

la seconde édition de The Landscape, sur la définition du pittoresque que Price présente

en 179540

. La relation entre Uvedale Price et Richard Payne Knight est difficile tout au

long de leur carrière et varie en fonction de leur accord sur les définitions et les concepts

de chacun sur le pittoresque. Au départ, leurs critiques sur le style de jardin de Brown

vont dans le même sens, et comme leur jugement sur le rapport entre l’art et le paysage

s’accorde, Payne Knight propose à Price de participer à une publication (The Landscape,

1795)41

. Price va cependant refuser en raison des théories de Payne Knight qui dépassent

le simple concept esthétique pour tendre vers une théorie du goût plus complexe reposant

sur le point de vue de l’observateur et non, comme chez Price, sur les objets eux-

mêmes42

.

Puis, Payne Knight développe son idée sur le pittoresque et critique vivement l’accent

que met Edmund Burke, de même qu’Uvedale Price, sur l’apport des sensations et des

émotions dans le paysage ou la peinture43

. Pour Payne Knight, l’appréciation d’un

paysage est directement influencée par le niveau de connaissance des paysages peints ;

les connaissances surpassent ainsi les émotions. Payne Knight développe cette idée qu’il

nomme la théorie de l’association et, comme l’explique Christopher Hussey :

« Knight’s contention was that the picturesque consisted only in a manner of

viewing things – with an eye and mind educated in the principles of painting;

and that picturesque beauty was simply the beauty of visible objects; called so

because painting, by imitating the visible qualities only, isolated beauty from

whatever irrelevant qualities or circumstances might tend to conceal it44

».

39

Batey, op. cit., p. 123. 40

Ross, op. cit., p. 272. 41

Ibid. 42

Richard Payne Knight, An Analytical Inquiry into the Principles of Taste, Londres, imprimé par Luke

Hansard, 1806, p. 196. 43

Batey, op. cit., p. 123. 44

Hussey, op. cit., p. 69.

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Richard Payne Knight (1750-1824) est tout aussi important dans le développement des

concepts entourant l’esthétique du pittoresque. Né en Angleterre dans le Herefordshire,

Payne Knight reçoit une courte éducation à la maison familiale en raison de sa faible

santé et finalement il n’étudie pas à l’université. Il est connu comme collectionneur et

critique d’art, archéologue, philologue et politicien, membre du Parlement britannique45

.

Richard Payne Knight et son frère Thomas Andrew Knight, horticulteur, héritent en 1764

du domaine familial à Downton, Herefordshire46

. En 1767, Payne Knight part pour

l’Italie et commence son Grand Tour, qui dure plusieurs années. À son retour, il possède

une importante collection d’art qu’il installe dans sa demeure de style « Gothic Revival »

nouvellement construite47

. Il organise en 1778 l’aménagement paysager de son domaine

en suivant les concepts du pittoresque, qu’il préconise48

. Payne Knight rejoint en 1781 la

société des Dilettanti qui regroupe une communauté d’érudits d’Europe s’intéressant aux

antiquités, aux principes archéologiques, à l’art et à la littérature49

. Entre 1786 et 1806,

Payne Knight publie plusieurs essais, mais le plus populaire d’entre eux reste son

Analytical Inquiry into the Principles of Taste de 1805 (trois éditions, 1805-1806), qui

présente les associations comme un concept joint au pittoresque50

. Il est aussi l’auteur de

deux poèmes didactiques nommés The Landscape (1794-1795) où il critique les

méthodes d’aménagement paysager de Lancelot Brown ainsi que la définition du

pittoresque que propose son collègue Uvedale Price.

Dans son texte Analytical Inquiry into the Principles of Taste, Payne Knight offre une

définition du pittoresque très différente de ce qu’avait avancé Price dans son essai. Il

explique que l’erreur de Price est d’avoir cherché « distinctions in external objects which

only exist in the modes and habits of viewing and considering them51

. » Pour Payne

Knight, le pittoresque est constitué d’associations qui se révèlent dans l’esprit de

45

Warwick William Wroth, « Knight, Richard Payne », Dictionary of National Biography, 1885-1900, Vol.

31. 46

Ibid. 47

Ibid. 48

Ibid. 49

Lionel Cust, History of Society of Dilettanti, Londres, MacMillan, 1898, p.1-4. 50

Milani, op. cit., p. 97. 51

Payne Knight, op. cit., p. 197.

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l’observateur et non, comme chez Price, dans l’environnement. Il explique ainsi comment

une association peut constituer le pittoresque :

« […] this very relation to painting, expressed by the word picturesque, is

that, which affords the whole pleasure derived from association; which can,

therefore, only be felt by persons, who have correspondent ideas to associate;

that is, by persons in a certain degree conversant in that art. Such persons

being in the habit of viewing, and receiving pleasure from fine pictures, will

naturally feel pleasure in viewing those objects in nature, which have called

forth those powers of imitation and embellishment […]. The objects recall to

the mind the imitations, which skill, taste, and genius have produced; and

these again recall to the mind the objects themselves, […]52

. »

Christopher Hussey propose un rapprochement des théories sur le pittoresque de Price et

de Payne Knight, qui partagent certaines préoccupations impressionnistes, soit la

recherche de qualités visuelles dans le paysage peint ou réel, notamment la lumière et les

couleurs des plantes53

. D’après Hussey, « The impressionist garden that they visualized

was a reaction from the garden of idea contemplated by Brown […]54

. » Ces deux

théories se distinguent cependant par la dimension subjective du pittoresque et l’idée

d’association chez Payne Knight, qui contraste avec la dimension objective de l’argument

de Price.

1.1.2.1 Humphrey Repton

Reconnu comme le successeur de Lancelot « Capability » Brown, Humphrey Repton

(1752-1818) s’inscrit dans le débat sur le pittoresque par ses aménagements paysagers

sobres et irréguliers, et se distingue, selon Mavis Batey, par une approche plus pratique

que ses prédécesseurs : « […] Repton’s system of landscape gardening embracing

flexibility and amenity as well as picturesque principles which flourished and was

practiced all over the country.55

» Né à Bury St Edmunds en Angleterre, Repton est

destiné à devenir marchand et à travailler pour son père à Norwich, mais sa passion pour

52

Ibid., p. 152-153. 53

Hussey, op. cit., p. 160. 54

Ibid. 55

Batey, op. cit., p. 126.

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l’horticulture l’amène vers une profession très différente56

. En 1773, il démarre une petite

compagnie de textiles qui n’est pas très performante, puis, à la mort de ses parents, il

tente sa chance en tant que journaliste, acteur, artiste et poète57

. Il produit en tant

qu’aquarelliste amateur plusieurs représentations de paysages de l’Angleterre ainsi que

des plans d’aménagement paysager dans le style qu’il préconise, le pittoresque. Ces petits

emplois ne lui apportent pas la reconnaissance qu’il souhaite jusqu’à ce qu’il se présente

lui-même en 1788 comme un « landscape designer » auprès de la ville de Norwich : il

reçoit son premier contrat à Catton Park58

. À l’aide de ses Red Books59

(plus de 400),

Repton rassemble plusieurs croquis, aquarelles, plans d’aménagements et textes pour

présenter son travail à ses clients60

. Ses Red Books sont en fait organisés pour répondre

aux besoins individuels de chaque client61

: un ingénieux système de caches, des vues

avant/après leur permettent de visualiser les interventions paysagères projetées62

. En

1794, alors que Repton s’apprête à publier Sketches and Hints on Landscape Gardening,

écrit à partir des Red Books, son travail est attaqué par Richard Payne Knight dans The

Landscape, a Didactic Poem address to Uvedale Price, puis par Uvedale Price dans

Essay on the Picturesque63

. Les deux protagonistes des théories du pittoresque critiquent

fortement les aménagements paysagers de Repton en leur reprochant leur monotonie et

leur manque de complexité. Malgré cela Repton publie Sketches and Hints on Landscape

Gardening (1795), en prenant soin de souligner la diversité et la variété de ses

aménagements pour répondre à Price et Knight, ce qui lui apporte une grande popularité.

En 1795, il réalise plus d’une cinquantaine de contrats lui donnant de la notoriété chez les

architectes et les notables et favorisant la renommée de ses techniques d’aménagement,

reconnues partout en Grande-Bretagne64

. Enfin, les nombreux volumes écrits par Repton

56

André Rogger, Landscapes of Taste. The Art of Humphrey Repton’s Red Books, Londres, New York,

Routledge, 2007, p. 8. 57

Ibid. 58

Hussey, op. cit., p. 162. 59

Les livres sont publiés par Repton dès 1795, puis ils sont republiés par John Claudius Loudon en 1840.

Rogger, op. cit., p. 38. 60

Rogger, Ibid., p. 65. 61

Hazel Fryer, « Humphry Repton’s Commissions in Herefordshire : Picturesque Landscape

Aesthetics », Garden History, Vol. 22, N° 2, The Picturesque, Hiver 1994, p. 163. 62

Rogger, op. cit., p. 45, 54-57. 63

Fryer, op. cit., p. 163. 64

Rogger, op. cit., p. 15-18.

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22

entre 1794 et 1818 lui permettent de synthétiser et de populariser les idées des grands

théoriciens et designers du jardin anglais — naturel et pittoresque — du XVIIIe siècle

65.

Les aménagements de Repton sont caractérisés par l’installation de plates-bandes florales

géométriques aux abords des résidences et par une organisation irrégulière, avec des

sentiers sinueux s’éloignant de la résidence66

. Il construit l’aménagement en fonction du

style de la résidence pour une parfaite harmonisation avec l’environnement, puis il ajoute

des éléments architecturaux créateurs d’émotions dans le même style que le bâtiment

principal, comme un pavillon, un petit pont, un temple, des bancs et des vases ou des

urnes remplies de fleurs67

.

Pour Humphrey Repton, le pittoresque fait partie d’un ensemble de stratégies, dont

l’ordre, la symétrie, l’utilité et la conformité, qui permettent de construire une situation

propre à la création du jardin d’émotion. L’effet pittoresque est ainsi décrit par Repton :

« […] furnishes the gardener with breadth of light and shades, forms and groups, outline

and colouring, balance of composition and occasional advantage from roughness and

decay, the effect of time and age68

. » Ainsi, pour Repton, les jardins ne sont pas construits

simplement en fonction de leur capacité à avoir l’air d’une peinture, mais pour leur

utilisation au quotidien et le plaisir qui en résulte ; il mise sur le confort, l’intimité et

l’apport social du jardin.

Le pittoresque est ainsi associé aux émotions de mystère que l’on ressent lors d’une

promenade dans un boisé aux sentiers sinueux, percé par la lumière et offrant des vues

particulières69

. Enfin, cette catégorie esthétique s’annonce comme un retour vers la nature

romantique en créant une communion entre la résidence et la nature qui l’entoure. Repton

pouvait proposer dans ses aménagements paysagers l’installation de sentiers, de chutes,

65

Williams, op.cit., p. 179. 66

Rogger, op. cit., p. 134. 67

Ibid., p. 133-134 68

Fryer, op. cit., p. 168-169. 69

Hussey, op. cit., p. 130-137.

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23

de grottes, de terrasses, de serres, etc. pour agrémenter les promenades et prolonger la

demeure dans la nature70

.

1.1.3 John Claudius Loudon et Andrew Jackson Downing : le gardenesque

Au cours de l’année 1832, un nouveau type d’aménagement paysager est proposé en

Angleterre, dans la continuité de l’esthétique pittoresque. Il s’agit du gardenesque style,

ainsi désigné par l’important théoricien John Claudius Loudon71

.

John Claudius Loudon, né en 1783 en Écosse, travaille pendant toute sa vie au

développement du goût pour l’horticulture et pour le jardinage. L’entrepreneur, auteur et

jardinier-paysagiste s’adonne à l’avancement des sciences naturelles ainsi qu’à la

diffusion des théories et des techniques d’horticulture à une population mixte et de

différentes classes sociales. En 1822, il publie sa considérable Encyclopedia of

Gardening. Rééditée huit fois et réimprimée une fois jusqu’en 1870, soit vingt-sept ans

après la mort de Loudon, elle est considérée comme l’ultime ouvrage de référence en

horticulture pendant tout le XIXe siècle

72. Loudon publie, dès 1826, un journal nommé

Gardener’s Magazine qui permet, entre autres, aux jardiniers de discuter de leur travail

dans une perspective artistique et technique. Au début du XIXe siècle, il visite de

nombreux jardins en Angleterre, mais aussi au Canada73

, pour ensuite les critiquer et les

décrire dans le Gardener’s Magazine. De manière substantielle, Loudon contribue aux

écrits théoriques sur l’horticulture de même que sur l’architecture, la décoration intérieure

et le design des jardins74

. Dès le début de sa carrière, son intérêt pour la culture des

plantes en serre se remarque dans ses nombreuses publications. En tant que membre de la

Horticultural Society of London dès 1815, Loudon rend accessibles les résultats de ses

70

Rogger, op. cit., p. 134. 71

Colleen Morris, « The Diffusion of Useful Knowledge: John Claudius Loudon and His Influence in the

Australian Colonies ». Garden History, Vol. 32, Nᵒ 1, printemps 2004, p. 101. 72

Brent Elliot, Victorian Gardens, Londres, B.T. Batsford, 1986, p. 12. 73

John Claudius Loudon visite Spencer Wood en 1837. John Claudius Loudon, « Art. II. Foreign Notices :

North America », The Gardener’s Magazine and register of rural & domestic improvement, Octobre 1837,

p. 467. 74

Stephan Koppelkamm, Glasshouses and Wintergardens of Nineteenth Century, New York, Rizzoli

International Publication, Inc. 1981, p. 19.

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24

nombreuses expérimentations75

sur la forme la plus efficace de la serre, basée sur le bien-

être des plantes dans un environnement artificiel. Nous reviendrons sur les différents

éléments techniques relevés par Loudon sur la serre, mais pour l’instant concentrons-nous

sur le gardenesque style développé au cours de sa longue carrière.

Les théories de John Claudius Loudon sur l’aménagement paysager émergent au début de

ses travaux au sein de l’école pittoresque, associée à Price et Payne-Knight, où il

développe parallèlement le gardenesque style76

. En s’inspirant des grandes théories sur le

pittoresque et le jardin moderne du XVIIIe siècle, Loudon met l’accent sur une meilleure

compréhension de l’aspect plus pratique et philosophique de la profession d’architecte

paysagiste. Le jardinier-paysagiste devient ainsi un artiste et son œuvre devient le jardin.

Loudon ne va pas seulement s’inspirer des principes esthétiques du jardin anglais,

notamment l’aspect social du jardin développé par Repton, il va aussi intégrer quelques

concepts de théoriciens français, notamment les formes géométriques, pour la création du

style gardenesque. De cette manière, « Throughout his career, he viewed landscapes with

an undeniably British eye. But his mind, which craved order, system, and unity, was

attracted to French modes of thought77

. » Ainsi, le style gardenesque, conçu par Loudon

en 1832 et présenté dans sa critique de l’essai Pratical Hints on Landscape-Gardening de

William Gilpin, permet de tirer le meilleur du pittoresque par l’emploi de formes

géométriques et de plantes exotiques organisées de manière indépendante ainsi que par

l’utilisation de regroupements pittoresques de végétaux78

. Par l’organisation de

« overgrown masses of trees and shrubs, and by loosely grouping the natural features a

lawn, Loudon hoped to reconcile two conflicting desires79

» : l’étude de spécimens, qui

poussent sous des conditions à peu près idéales, de manière individuelle et l’appréciation

d’un paysage composé de manière pittoresque. En 1838, Loudon décrit ainsi le

gardenesque style dans son ouvrage The Surburban Gardener and Villa Companion :

75

Titre de la lecture lors de l’événement: « On the Form which the Glass of a Forcing house ought to have

in order to receive the greatest possible Quantity of Rays from the Sun », Koppelkamm, Ibid, p. 19. 76

Morris, op. cit., p. 101. 77

Melanie Simo, « John Claudius Loudon : On the planning and design for the Garden Metropolis »,

Garden History, Vol. 9, Nᵒ 2, 1981, p. 194. 78

Morris, op. cit., p. 116. 79

Simo, op. cit., p. 194.

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« […] the production of that kind of scenery which is best calculated to

display the individual beauty of trees, shrubs and plants in a state of nature;

the smoothness and greenness of lawns; and the smooth surfaces, curved

directions, a dryness and firmness of gravel walks; in short, it is calculated for

displaying the art of the gardener80

».

Dans la conception du style gardenesque de John Claudius Loudon, l’art des jardins est

vu comme un travail artistique où la science et l’art s’entremêlent pour donner un

caractère au domaine. Loudon illustre le principe de l’imitation de la nature par une

organisation artificielle des jardins. Ceux-ci sont alors transformés par l’artiste-jardinier,

qui notamment supprime la végétation indigène, puis la remplace par des plantes

exotiques81

.

En incorporant les principes du pittoresque tels que la variété, l’harmonie et le contraste,

le style gardenesque révèle « the beauty not only of the trees and shrubs in garden, but

also of the art of the gardener82

». Bref, le design et les sciences, telles que la botanique et

l’horticulture, prennent une place substantielle dans le travail du concepteur de jardins,

qui devient un artiste et un architecte du paysage. William Taylor expose également cette

influence des sciences et la relation de l’homme avec l’environnement. Il explique que

« Given the popularization of science, particularly in the second half of the nineteenth

century, the language of form, functions and appearances was means whereby knowledge

of the necessities of domestic life was acquired […]83

. » Selon lui, l’intérêt pour

l’horticulture et le design résulte d’une nouvelle conscience de l’environnement,

l’« environmental awareness », qui s’est développée au XIXe siècle avec la popularisation

de la serre84

.

Comme plusieurs théoriciens avant lui, Loudon démontre la spécificité du gardenesque

style par sa comparaison avec une autre catégorie esthétique. Il présente la différence

80

John Claudius Loudon, The Suburban Gardener and Villa Companion, Londres, Longman,

Orme, Brown, Green and Longmans; and W. Black, 1838, p. 160. 81

Loudon, Ibid., 1838, p. 140-141. 82

Morris, op. cit., p. 116. 83

William Taylor, The Vital Landscape. Nature and the Built Environment in Nineteeth-Century Britain,

Londres, Éditions Ashgate, 2004, p. 7. 84

Ibid, p. 70.

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26

entre l’organisation du paysage dans l’esthétique du pittoresque et l’organisation du

paysage dans l’esthétique du gardenesque85

. Il explique d’abord que lors de la

construction d’un paysage dans le style gardenesque, les arbres, les buissons et les

végétaux doivent être séparés et regroupés par type. Il poursuit en disant que « every

gardenesque group must consist of trees which do not touch each other, and which only

become groups by being as near together as is practicable without touching, and being

apart from larger masses, or from single trees or rows of trees86

. » La figure 1.1 illustre le

concept de proximité de Loudon où les arbres conservent des distances variées tout en

étant relativement isolés. La figure 1.2, en comparaison, représente un regroupement dans

le style pittoresque où les végétaux forment des amalgames concentrés. Contrairement au

style pittoresque, il n’y a pas de boisé dans le gardenesque style. C’est d’ailleurs ce

qu’explique Loudon dans sa comparaison des deux styles esthétiques :

« […] they [les boisés] are to be scattered in the gardenesque manner, every

tree and shrub should stand singly, as in the geometrical manner they should

stand in regular lines or in some geometrical figure. In the gardenesque there

may be single trees and single shrubs; but there can be no such thing as a

single tree in the picturesque. […]In the gardenesque, the beauty of the

isolated tree consists in the manner in which it is grown; in the picturesque

the beauty of a tree or shrub, as of every other objects in the landscape,

consists in its fitness to group with other objects. Now the fitness of one

object to group with another evidently does not consist in the perfection of

the form of that object, but rather in that imperfection which requires another

object to render it complete87

».

Bien que le style gardenesque ait été développé en Angleterre, divers théoriciens ont

contribué à sa popularisation en diffusant les travaux de Loudon à travers le monde ou en

élaborant leurs propres préceptes sur le sujet. La distinction entre le pittoresque et le

gardenesque repose toujours sur la dimension plus « environnementale » du second.

L’auteur Andrew Jackson Downing, admirateur et continuateur reconnu de Loudon88

,

évoque le gardenesque style dans son traité89

, écrit en 1841 aux États-Unis, qui porte sur

85

Ceci nous permet de confirmer que le gardenesque n’est pas pensé par Loudon dans la continuation du

pittoresque, mais bien comme une catégorie esthétique à part entière. 86

Loudon, op. cit., 1838, p. 164. 87

Ibid., p. 166. 88

Chris Brooks, The Gothic Revival, Londres, Phaidon, 1999, p. 197. 89

A treatise on the theory and practice of landscape gardening adapted to North America (1841).

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27

les théories et les pratiques de l’aménagement paysager en Amérique du Nord. Downing

emprunte librement les théories de Loudon pour composer son très influent ouvrage90

.

Andrew Jackson Downing (1815-1852) est né dans la ville de Newburgh à New York.

Malgré sa mort précoce, Downing est reconnu dans toute l’Amérique pour sa carrière de

jardinier-paysagiste et pour ses écrits dans le domaine de l’horticulture. Ayant vécu toute

sa jeunesse dans un village parmi des fermiers autosuffisants qui faisaient pousser leurs

fruits et légumes afin de les vendre au marché de la ville, Downing développe

naturellement une passion pour l’horticulture et l’agriculture. Sa carrière débute en fait à

l’âge de seize ans, lorsque Downing joint son frère Charles Downing dans l’entreprise

familiale spécialisée en horticulture nommée Botanical Garden and Nurseries of

Newburgh91

. Les dix années suivantes, Downing écrit une douzaine d’articles pour des

revues sur l’horticulture et s’informe en lisant de nombreux ouvrages sur l’histoire de

l’aménagement paysager et sur les théories esthétiques du paysage. En 1841, Andrew

Jackson Downing publie son célèbre ouvrage, A Treatise on the Theory and Practice of

Landscape Gardening (4 éditions en douze ans), où il introduit ses propres pensées sur

les catégories esthétiques du beau et du pittoresque ainsi que sur le gardenesque. Le traité

s’inspire largement des travaux de ses prédécesseurs anglais, Humphrey Repton et John

Claudius Loudon, mais Downing adapte les idées en fonction du climat et des conditions

sociales de l’Amérique du Nord. Une grande partie du livre est consacrée à la description

d’arbres, à des conseils sur l’organisation du terrain en fonction du style architectural de

la résidence et à l’utilisation ornementale de l’eau et des petits édifices. Downing inclut

aussi dans son traité une brève description historique de l’évolution des catégories

esthétiques et des styles d’aménagement paysager. Un an après la publication de ce traité,

Downing publie Cottage Residences, qui propose une série de dessins pour des maisons

de petite taille accompagnée de plans et de descriptions de l’aménagement paysager, de

l’architecture et des détails ornementaux. Les projets de Downing s’appliquent à

l’ensemble des classes sociales ; riches ou pauvres, les personnes peuvent construire eux-

90

Williams, op. cit., p. 179. 91

Therese O’Malley, « From practice to theory: The emerging profession of landscape gardening in early

Nineteenth-Century America », Botanical progess, horticultural innovations and cultural changes, 2007,

p. 223.

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28

mêmes une maison et organiser l’aménagement paysager avec l’ouvrage Cottage

Residences. Republiés dans des revues d’horticulture et d’agriculture, les projets de

Downing ont pour effet d’augmenter grandement sa renommée. En 1845, Downing

publie The Fruits and Fruit Trees of America, qui réunit des informations techniques sur

la nomenclature des fruits et donne des conseils sur l’entretien des arbres fruitiers ;

l’ouvrage devient rapidement très populaire auprès de la population américaine92

.

L’année suivante, il édite l’ouvrage Gardening For Ladies de John Claudius Loudon et

celui de George Wightwick, nommé Hints to Young Architects. La même année (1846),

Downing contribue à plusieurs reprises à la revue mensuelle Magazine of Horticulture,

puis publie sa propre revue, Horticulturist, où il parle du monde rural93

: architecture,

animaux, structure des dépendances, etc. Le dernier livre que publie Downing est The

Architecture of Country Houses (1850) qui propose un aperçu sur l’architecture

domestique et un catalogue sur le travail des architectes de l’époque. À la fin de 1850,

Downing travaille comme jardinier-paysagiste pour des jardins publics et privés aux

États-Unis (Le Capitole, la Maison-Blanche et le Smithsonian)94

.

Voici un extrait du texte où Downing décrit le gardenesque style : « The style is evidently

founded rather upon a cultivated taste for Botany and Horticulture, and a desire to exhibit

every variety of rare ornamental tree and plant, than upon any new element of design95

. »

Le développement des sciences s’intensifie au cours du XIXe siècle et l’esthétique du

gardenesque permet l’intégration des sciences naturelles aux aménagements paysagers,

ce qui a pour effet de complexifier et de diversifier l’organisation des jardins ainsi que le

choix des végétaux.

92

O’Malley, Ibid., p. 232. 93

Ibid., p. 231-232 94

Encyclopaedia Britannica, 2016, « Andrew Jackson Downing », Encyclopaedia Britannica, [En ligne],

https://www.britannica.com/biography/Andrew-Jackson-Downing, (consultée le 1er

septembre 2016). 95

Andrew Jackson Downing, A Treatise of the Theory and Practice of Landscape Gardening, adapted to

North America; with a view to the Improvement of Country Residences with Remarks on Rural

Architecture, New-York & Londres, Wiley and Putnam, 1841, p. 35-36.

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29

CONCLUSION

La présentation de ces différentes formes d’esthétique du paysage nous amène à constater

que le concept de pittoresque a été défini de différentes manières. S’il y a une certaine

perméabilité entre les théories des différents auteurs, leurs différences restent malgré tout

assez marquées.

Les théories sur le pittoresque de Gilpin, Price et Payne-Knight diffèrent au sujet de

l’importance accordée à l’aspect « pictural » du paysage. Price insiste sur l’effet

multisensoriel des aménagements, alors que Payne Knight s’intéresse davantage à

l’aspect psychologique de l’association, mais tous s’entendent pour dire que le

pittoresque est une catégorie esthétique différente du beau et du sublime. Bien que ces

trois penseurs aient passé une certaine partie de leur carrière à dénigrer les jardins de

Brown, son successeur Humphrey Repton a su faire connaître les aspects esthétiques du

pittoresque par leur intégration dans les aménagements paysagers d’une bonne partie des

riches propriétés en Grande-Bretagne. Se basant sur l’effet de surprise, le sentiment de

mystère et l’irrégularité des parcours, Repton popularise à grande échelle l’effet

pittoresque dans les jardins anglais. Il n’est ainsi pas rare que de nombreux notables

anglais voyageant et habitant dans les colonies anglaises intègrent à leurs jardins

l’esthétique pittoresque.

S’inspirant de l’école de Price et Payne-Knight, et d’une certaine manière des

aménagements paysagers de Humphrey Repton, John Claudius Loudon s’inscrit dans la

lignée des théoriciens de l’esthétique du paysage au XIXe siècle. À partir des notions du

pittoresque, de certains aspects des jardins géométriques français et de sa passion pour

l’horticulture scientifique, Loudon instaure une nouvelle catégorie esthétique qu’il

nomme le gardenesque. S’appropriant ce nouveau style, les nombreux amateurs

d’horticulture qu’amène l’époque victorienne trouvent un équilibre entre l’aspect plus

irrégulier du jardin anglais et celui plus symétrique du jardin français, et peuvent mieux

mettre à profit leurs intérêts scientifiques. En popularisant le style en Grande-Bretagne,

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30

Loudon provoque une dispersion du gardenesque dans les jardins des riches voyageurs

vivant dans plusieurs colonies anglaises situées partout dans le monde. Ainsi, le

pittoresque et le gardenesque se côtoient dans plusieurs jardins coloniaux rendant

difficile l’interprétation du style utilisé. Nous pensons que le Bas-Canada, en tant que

colonie anglaise, s’inscrit dans ce mélange de catégories esthétiques et nous tenterons

dans les prochains chapitres de déterminer quelle catégorie peut le mieux être associée à

la ville de Québec.

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31

CHAPITRE 2

LE PITTORESQUE À QUÉBEC

Selon plusieurs auteurs, notamment France Gagnon-Pratte et Janet Wright, le pittoresque

constitue le principal courant esthétique ayant favorisé le développement de villas et de

grands domaines paysagers dans la partie suburbaine de la ville de Québec1.

Parallèlement, les représentations traditionnelles de la ville sont, vers 1830, celles de

paysages magnifiquement pittoresques. Nous tenterons de voir dans quelle mesure

l’étiquette de ville pittoresque fut préférée aux autres catégories esthétiques, le beau et le

sublime, pour représenter la ville de Québec au XIXe siècle.

Nous aborderons, d’abord, dans ce deuxième chapitre, des premiers jardins conçus en

Nouvelle-France, de leur adaptation au territoire du Bas-Canada et de leur développement

esthétique, au cours du siècle suivant, vers le pittoresque. Les changements effectués

dans les jardins fournissent, en fait, les premiers témoignages de l’apport du pittoresque

au paysage du Bas-Canada. Aussi, nous considérerons les effets sur le paysage que

provoque l’arrivée des Anglais au Bas-Canada et nous nous intéresserons à leur

conception du paysage après leur appropriation du territoire de la ville de Québec.

Nous poursuivrons avec les aspects qui lient les représentations pittoresques de la ville et

la vision anglaise de Québec au XIXe siècle. De manière générale, plusieurs auteurs

affirment que le regard anglais sur le Bas-Canada s’organise autour d’une approche

colonialiste de l’esthétique et qu’il est essentiellement concentré sur les rapprochements

visuels entre le paysage d’origine et le paysage étranger2. Au tournant du XVIII

e siècle, il

1 France Gagnon-Pratte, L’architecture et la nature à Québec au dix-neuvième siècle : les villas, Québec,

Ministère des Affaires culturelles, 1980, p. 88. ; Janet Wright, L’architecture pittoresque au Canada,

Ottawa, Direction des lieux et parcs historiques nationaux Parcs Canada, Environnement Canada, 1984, p.

102. 2 Marylin J. McKay (2011), Ian MacLaren (1983, 1985), Alain Parent (2003), Didier Prioul (1991), Janet

Wright (1984).

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est intéressant de noter que c’est le pittoresque qui l’emporte sur les autres catégories

esthétiques, soit le beau et le sublime. Ceci nous amènera à considérer l’apport de James

Pattison Cockburn dans la représentation du paysage pittoresque du Bas-Canada au

XIXe siècle. Les images de Cockburn produites entre 1830 et 1831 sont des sources

solides du XIXe siècle qui nous permettront de mieux comprendre la place que prend

l’esthétique pittoresque à l’époque et la relation qu’entretient l’homme anglais de Québec

avec la nature et le paysage dit « sauvage ».

La dernière partie de ce chapitre, nommée Le pittoresque en architecture, nous permettra

de parler de l’intégration de l’esthétique pittoresque dans l’architecture et dans

l’aménagement paysager de la ville de Québec. À l’aide d’exemples de villas construites

à Québec au début du XIXe siècle, nous pourrons voir comment l’architecture (du

bâtiment et du paysage) s’est adaptée à l’esthétique pittoresque. Il sera aussi question des

premières serres construites dans la ville de Québec et de leur rôle au cours de

l’intégration du pittoresque à l’architecture dans la première moitié du XIXe siècle.

2.1 Les jardins et paysages de la Nouvelle-France et du Bas-Canada

De la Nouvelle-France jusqu’à la période victorienne, l’organisation des jardins a évolué

en s’adaptant aux différents goûts des propriétaires et, du même coup, aux différentes

catégories esthétiques. Cet aperçu de l’évolution des paysages et des jardins, de l’époque

de la colonisation jusqu’au XIXe siècle, permettra d’en comprendre toute la complexité

dans la parfaite application des concepts des catégories esthétiques.

À l’époque de la Nouvelle-France, les jardins sont caractérisés par la géométrie et la

régularité, à la mode française. Les connaissances théoriques et pratiques sur l’art de

concevoir des jardins dans le style français « sont connues et répandues en Nouvelle-

France grâce aux nombreuses publications que les spécialistes de la France font parvenir

dans la colonie3. » Les jardins classiques à la française se caractérisent par la présence

3 Denis Messier, « Les jardins anciens : témoins d’une diversité culturelle ». Québec, Cap-aux-Diamants :

la revue historique du Québec, N° 46, 1996, p. 38.

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33

d’eau, de formes géométriques, de parterres et de longues allées plantées d’arbres4. Nous

pouvons voir sur un plan de la ville de Québec de 1685 (Figure 2.1) les jardins très

géométriques des domaines de différentes institutions religieuses et du domaine du

château Saint-Louis. En majorité, les jardins sont organisés de façon rigoureuse, selon un

plan aux formes carrées ou rectangulaires, et sont séparés par des sentiers réguliers qui se

coupent à angles droits. D’ailleurs, ce plan « permet, d’une part, d’identifier la présence

des jardins institutionnels de la Haute-Ville et, d’autre part […] l’identification d’un

certain nombre d’éléments constituants de ces premiers jardins coloniaux : berceaux,

cabines de verdure, portes d’accès, degrés, vergers, allées, mares, puits, bois naturel.5 »

Par ailleurs, puisque l’espace urbain restreint ne permet pas d’aménager des jardins de

grandes dimensions, Marie-Josée Fortier explique que, dans la Haute-Ville de Québec,

nous ne trouvons pas de « prototype du jardin formel à la française6 ». En tenant compte

de la persistance de la symétrique et de la rigidité des plans, Fortier nomme les jardins

conçus dans la période de la Nouvelle-France des jardins d’agrément. Elle explique, dans

son ouvrage Les jardins d’agrément en Nouvelle-France, que ce concept précis de jardin

renvoie à la notion de plaisir « ressenti à différents niveaux par la conception, la

réalisation et l’utilisation d’un espace extérieur aménagé à l’aide de matériaux

naturels7. » Aussi, le jardin d’agrément se caractérise par « un aménagement qui

comporte sciemment, dans des dimensions modestes ou élaborées, par sa composition et

ses ornements, des éléments physiques, des arrangements qui s’insèrent dans

l’environnement et qui lui confèrent des valeurs artistiques, esthétiques ou une

signification qui va au-delà de la fonction nourricière8. » Il s’agit de jardins de plaisance

dont l’aménagement est produit à partir de règles appropriées générant une certaine

rigidité dans la composition.

À l’époque de la Nouvelle-France, nous pouvons nommer trois types de jardins qui

permettent la catégorisation du jardin d’agrément. La variation du type de jardins n’a pas

4 Marie-Josée Fortier, Les jardins d’agrément en Nouvelle-France. Étude historique et cartographique,

Québec, Les Éditions GID, 2012, p. 471. 5 Ibid, p. 317.

6 Ibid., p. 259.

7 Ibid, p. 32.

8 Ibid, p. 34.

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d’impact sur la structure et sur l’organisation, qui demeurent les mêmes, toutefois un

bouleversement se produit dans l’ambiance et les détails. Ainsi, le jardin de type

fonctionnel, le jardin de type officiel et le jardin de type institutionnel (religieux) se

différencient par les végétaux produits et les éléments d’ambiance tels que les fontaines,

les promenades, les statues, la sensation de tranquillité, etc9. Ces éléments d’ambiance

permettent de remplir l’un des rôles principaux des jardins de l’époque en ce qui a trait à

l’effet de contemplation et le pouvoir de réflexion sur l’esthétique de la nature et sur sa

beauté10

. Aussi, comme l’explique Ron Williams dans son livre sur les aménagements

paysagers du Canada, les jardins ont pour rôle « to provide food, but the gardens of the

governor and the intendant also served as symbols of power and prestige, while the

gardens of the bishop and the religious orders had to respond to the spiritual needs of

their communities as well as to the recreational needs of students and patients, among

others11

. »

Bien que la notion de jardin d’agrément permette de caractériser plusieurs jardins de la

Nouvelle-France, Fortier mentionne que celui de l’intendant de 1752 annonce un nouveau

type de jardin. À partir d’un détail du plan de Chaussegros de Léry de 1752 (Figure 2.2),

l’auteure explique que le jardin du Palais de l’Intendant de l’époque, où se déploient des

espaces répondant à la fois aux besoins privés et institutionnels, serait en fait un

prototype de jardin canadien12

. Comme l’explique Fortier :

« Ce n’est plus un jardin de la Renaissance où l’on cherchait peu à créer des

liens avec l’habitation, mais ce n’est pas un jardin classique, même si on y

retrouve des attributs propres au style : présence d’eau, parterre, formes

géométriques, longues allées plantées […]. De dimensions plus modestes

qu’un jardin formel, il doit malgré tout partager le domaine royal avec

d’autres usages — bâtiments administratifs et commerciaux et espaces voués

à des fonctions industrielles —, même s’il tire le meilleur parti de la

situation13

. »

9 Ron Williams, Landscape Architecture in Canada, Montréal, McGill-Queen’s University Press, 2014, p.

61-64. 10

Ibid, p. 64. 11

Ibid, p. 61. 12

Fortier, op. cit., p. 471. 13

Ibid.

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35

Le jardin canadien s’éloigne de ce que Fortier nomme le jardin d’agrément par la volonté

des propriétaires d’adapter les formes du jardin « aux circonstances locales14

» et par leur

choix « de recourir à la flore locale pour créer leurs aménagements15

».

Dès la conquête britannique, une transformation s’effectue dans le paysage et les jardins

au Canada, sans toutefois écarter complètement les concepts des jardins d’esprit français.

En effet, le jardin anglais, qui permet une plus grande liberté dans l’aménagement,

accueille la nature pour créer différentes ambiances et offrir une expérience

multisensorielle16

, comme pour les jardins d’agrément. Le jardin de style anglais est

généralement ponctué d’éléments architecturaux ou de curiosités pour rendre les

promenades sur les domaines intrigantes et divertissantes, puis pour rythmer les sentiers

sinueux. Lors de la création d’un jardin à l’anglaise, l’utilisation de la végétation déjà

présente sur le site est très courante et l’organisation des sentiers se fait en harmonie avec

la nature, ce qui donne un aspect irrégulier aux passages. La peinture, la littérature et la

poésie font souvent référence à l’atmosphère romantique et pittoresque qui anime les

jardins de style anglais.

Afin de caractériser les jardins aménagés autour de la ville de Québec, nous pouvons

suivre les descriptions de James MacPherson LeMoine, avocat de profession, reconnu en

tant qu’auteur et historien de la ville de Québec. Né à Québec en 1825 d’une famille

écossaise auparavant établie aux États-Unis, LeMoine épouse la nièce du riche marchand

Henry Atkinson, Harriet Mary Atkinson, et s’installe dès 1860 à Spencer Grange sur le

domaine de Spencer Wood17

. LeMoine consacre ses moments libres à des activités

« classiques » chez la bourgeoisie anglaise, notamment l’ornithologie, l’horticulture,

l’organisation d’événements festifs à la villa et surtout l’écriture. Amateur d’histoire,

LeMoine raconte « les belles légendes du fleuve, de la faune, des pêcheries, des chasses

14

Fortier, Ibid., p. 581. 15

Ibid., p. 582. 16

Marc Grignon, « Architecture and "Environmentality" in the Nineteenth Century », Journal of the

Society for the Study of Architecture in Canada, Vol. 38, Nᵒ 2, 2014, p. 73. 17

Roger LeMoine, « LeMoine, sir James MacPherson », Dictionnaire Biographique du Canada, Vol. 14,

Université Laval/University of Toronto, 2003, [En ligne] <

http://www.biographi.ca/fr/bio/le_moine_james_macpherson_14F.html> (consulté le 11 février 2016).

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36

d’oiseaux et l’histoire des villas, des manoirs […]18

» de la ville de Québec. Certains de

ses textes sont traduits de l’anglais au français et du français à l’anglais par LeMoine lui-

même, illustrant sa double appartenance culturelle. « De souches françaises et écossaises

par sa naissance, allié au milieu bourgeois anglophone de la région de Québec par son

mariage et sa résidence, lié aux écrivains anglophones et francophones par sa plume, tel

était James MacPherson LeMoine.19

»

Dans son ouvrage, Picturesque Quebec, James McPherson LeMoine décrit plusieurs

domaines et jardins établis à proximité de Québec, et il souligne toujours l’effet de la

végétation et du paysage. Par exemple, il dit à propos du domaine de Thornhill que :

« […] Thornhill, across the road, one of the most picturesque country seats in

the neighbourhood. […] An extensive fruit and vegetable garden lies to the

east of the house; a hawthorn hedge dotted here and there with some graceful

young maple and birch trees, fringes the roadside; a thorn shrubbery of

luxuriant growth encircles the plantation of evergreens along the side of the

mound which slopes down to the road, furnishing a splendid croquet lawn20

. »

Dans cette description, l’accent est mis sur la végétation luxuriante ainsi que sur la

qualité et la diversité des plantations du paysage pittoresque, démontrant l’intérêt

grandissant de l’homme anglais du XIXe siècle pour ce type d’esthétique du paysage.

Nous y retrouvons certaines caractéristiques des jardins de Lancelot « Capability »

Brown, décrits au chapitre précédent, dont de grandes étendues de gazon, utilisées dans

ce cas-ci comme terrain de croquet, et des collines ornées de nombreux arbres cachant la

route qui se rend à la résidence.

Il nous est possible d’associer la transformation des jardins avec le changement de vision

dans l’esthétique du paysage, notamment par le choix d’éléments précis. Les nombreux

attraits visuels de certains emplacements à Québec attirent la bourgeoisie anglaise à la

recherche de domaines pittoresques. On assiste alors à une explosion dans la construction

de résidences en périphérie de la ville. La liberté que permet l’esthétique pittoresque rend

18

Jean-Marie Lebel, « Le chevalier de Spencer Grange: l’écrivain et historien James Macpherson LeMoine

(1825-1912) », Cap-aux-Diamants : la revue d’histoire du Québec, Vol. 1, Nᵒ 3, 1985, p. 15. 19

Ibid. 20

James Macpherson LeMoine, Picturesque Quebec, Montréal, Dawson, 1882, p. 331.

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37

plus simple la modification du paysage des domaines, notamment par la conservation

d’arbres déjà présents sur le terrain21

.

Cette bourgeoisie, composée de militaires, de commerçants et de hauts dignitaires du

régime colonial anglais, consacre une bonne partie de son temps à créer un

environnement naturel favorable aux nombreux loisirs de l’époque, comme l’horticulture,

l’ornithologie, les promenades dans des sentiers boisés et la collection de curiosités

naturelles.

Le domaine de Bardfield, appartenant en 1838 à George-Josaphat Mountain, possède un

aménagement paysager classique répondant au goût pittoresque de l’époque. LeMoine

explique, dans Monographies et Esquisses, que Bardfield « occupe un plateau élevé. Une

jolie avenue qui serpente sous de verts sapins y conduit par une douce montée.22

. »

LeMoine poursuit en disant que le propriétaire veille à l’exploitation efficace de sa ferme

et occupe son temps dans les jardins du domaine. La présence de nombreux parterres de

fleurs, mais aussi l’existence « de vastes plantations de fraises, de rhubarbes, des couches

de champignons, etc. 23

[…] » dans l’aménagement paysager du domaine, témoignent des

talents de jardinier de Mountain.

Cette description que fait LeMoine est représentative du goût britannique pour les

paysages abondamment décorés de fleurs, d’arbres et de jardins potagers. Les alentours

des habitations sont présentés comme des paysages verdoyants où on peut apprécier la

nature et la tranquillité de la campagne. L’accent est mis sur les jardins et les éléments

ludiques et artificiels du paysage qui, dans plusieurs cas, sont conçus par le propriétaire

possédant certaines connaissances en horticulture et en aménagement paysager. Les

jardins peuvent être adaptés en fonction des végétaux qui parfois proviennent des

21

Ces terrains étaient déjà défrichés en majeure partie parce qu’ils appartenaient à des communautés

religieuses déjà présentes depuis la création de la Nouvelle-France. Louisa Blair, Les Anglos : la face

cachée de Québec, tome 1, 1608-1850, Québec, Éditions S. Harvey, 2005, p. 47. Les domaines ne sont

donc pas totalement sauvages, mais conservent assez de boisés et d’arbres pour recréer des paysages au

style pittoresque. 22

LeMoine, Monographie et Esquisses. Québec, J.G. Gingras, 1885, p. 73. 23

Ibid.

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38

environs de la résidence, mais qui sont en majorité organisés à la manière anglaise ou

européenne.

La citation suivante de LeMoine démontre parfaitement la présence d’éléments ludiques

naturels et de décorations dans l’un des nombreux domaines pittoresques aménagés au

cours du XIXe siècle à Québec : « Parterres à fleurs, verger, boulingrin pour un Archery

Club, jardin potager, pâturages, fontaine jaillissante, sentiers perdus dans la forêt

aboutissant à un ruisseau ou à un siège rustique, haies vives pour masquer les fossés ou

les clôtures […]24

. »

D’après France Gagnon-Pratte, il est clair que l’esthétique pittoresque et le romantisme

prennent une place considérable dans l’environnement du Bas-Canada et certainement

dans la capitale où de nombreux Anglais immigrent après la conquête de 1759 et après le

blocus napoléonien en 180625

.

2.2 La vision anglaise du paysage étranger

Pendant le XVIIIe et le XIX

e siècle, le Bas-Canada traverse des bouleversements

politiques, économiques et sociaux qui résultent notamment de l’arrivée massive de

migrants d’origine anglaise et écossaise. Il est alors possible de voir une transformation

dans l’architecture des bâtiments ainsi que dans l’architecture du paysage résultant de

l’importation de certaines idéologies basées sur des conceptions anglaises du paysage.

Cette manière de voir le paysage s’inscrit dans la catégorie esthétique du pittoresque, qui

devient alors primordiale chez la population coloniale anglaise. Le dépaysement que

rencontrent les voyageurs et les nouveaux arrivants au Bas-Canada provoque toutefois un

mélange dans les catégories esthétiques.

24

LeMoine, Ibid., p. 234. 25

En 1806, Napoléon Bonaparte organise un blocus continental sur le bois et interdit l’accès à l’Angleterre

aux grands ports de la Baltique. L’Angleterre, qui dépend de ce marché, demande à ses nouvelles colonies,

dont le Québec, de lui fournir le bois. Plusieurs commerçants en provenance de l’Angleterre arrivent à

Québec au XIXe siècle, mais surtout entre 1820 et 1830, pour tirer profit de ce commerce du bois en plein

essor. Frédéric Smith, Cataraqui : histoire d’une villa à Sillery, Sainte-Foy, Québec, Publications du

Québec, 2001, p. 3-5.

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39

Certaines caractéristiques de l’environnement maritime et anglais (pluie, brouillard ou

brume légère) encouragent la spécificité nationale et font du pittoresque la manière ultime

de regarder les paysages en Grande-Bretagne entre 1770 et 183026

. Les nouveaux

arrivants tentent alors de retrouver ces caractéristiques dans les paysages du Canada, mais

une certaine tension se crée entre les catégories esthétiques du pittoresque et du sublime.

Comme l’explique Marylin M. McKay, à la fin du XVIIIe siècle et au début du

XIXe siècle « English landscape artists in Canada were working within the same aesthetic

modes as those in England, albeit with a different emphasis27

. » Même si les artistes

retrouvaient parfois en Angleterre des scènes de sublime, généralement l’esthétique des

paysages s’apparentait mieux au beau et au pittoresque. Par contre, au Canada les

voyageurs découvraient une abondance de paysages sublimes28

tout autant que des

paysages pittoresques et beaux, ce qui avait pour effet la création de paysages différents

de ceux de l’Angleterre29

.

Il est possible de percevoir une certaine tension entre les styles esthétiques appliqués aux

paysages canadiens. Ainsi, comme l’explique McKay, cette tension entre les différentes

catégories esthétiques rend plus complexe la construction d’un tableau de paysage qui

suit parfaitement les règles de l’art. En fait, selon McKay, les hommes et les femmes qui

tentaient de reproduire les paysages canadiens pouvaient parfois représenter plus d’une

catégorie esthétique dans une illustration et pouvaient aussi être en désaccord avec

l’association d’une catégorie avec un type de paysage30

.

26

Ian MacLaren, « The Limits of the Picturesque in British North America », Journal of Garden History,

Vol. 5, N° 1, 1985, p. 97-98. 27

Marylin J. McKay, Picturing the Land. Narrating Territories in Canadian Landscape Art, 1500-1950,

Montréal, McGill-Queen’s University Press, 2011, p. 51. 28

Tel que présenté par McKay, le sublime peut prendre plusieurs aspects dans les paysages, notamment une

forêt envahissant des chemins, un paysage sans aucune trace de civilisation et des vallées si creuses que le

fond semble imperceptible. McKay, Ibid., p. 52-58. Au Bas-Canada, le sublime peut alors se distinguer par

une impression de vertige, comme ce que l’on ressent au-dessus de chutes Montmorency à Québec,

explique James MacPherson LeMoine en 1885 :

« Dans un évasement ou bassin creusé dans la rive nord du St-Laurent, la fameuse cascade tombe avec

fracas, d’une hauteur qui vous donne le vertige. Sa blanche écume irisée des rayons solaires, vue du fleuve,

vous fait l’effet d’un colossal rideau de satin blanc ou bien encore, d’un fleuve de lait en ébullition, […]. »

LeMoine, Ibid., 1885, p. 288. 29

McKay, op. cit., p. 51. 30

Ibid.

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40

Dans le même sens, à l’époque des conquêtes anglaises, il arrivait que les voyageurs

contemplent des paysages esthétiquement inconnus créant un trouble chez l’observateur.

Les nombreuses émotions ressenties devant la grandeur d’un paysage non conquis et

sauvage les amènent à vouloir transformer ce paysage en quelque chose de reconnu. Ian

MacLaren, dans son article « The Limits of the Picturesque in Brithish North America »,

illustre ces réflexes par l’analyse des transformations qu’effectuent les voyageurs anglais

coloniaux sur les illustrations des paysages nord-américains31

. Ainsi, se trouvant face à

l’inconnu, le voyageur anglais transforme le paysage en l’adaptant à ce qu’il reconnaît

comme une esthétique intéressante à ses yeux ; dans ce cas-ci, le pittoresque est préféré

au sublime et au beau. Comme l’explique MacLaren, « these picturesque renderings of

foreign, apparently uninhabitable terrain as winding estate roads, criquet pitches, and

waterfalls, helped to sustain the explorers’ dwindling sense of identity in the face of a

nature which resisted identification32

. » Quant à Paul Louis Martin et Pierre Morisset, ils

expliquent que marquer le Canada de « l’empreinte de sa culture et de sa civilisation,

nommer, classifier et prendre possession des ressources et des richesses naturelles qu’il

offrait, imposer à cette étendue perçue comme sauvage et désordonnée les catégories et

les formes de sa propre raison et de la compréhension qu’on a de l’univers33

» font partie

des réflexes qui animent la bourgeoisie immigrante de Québec.

Sans l’ajout d’éléments artificiels, comme les serres, les kiosques, les plates-bandes de

fleurs, et sans la transformation générale de l’environnement autour de leurs habitations,

les immigrants anglais semblent avoir de la difficulté à associer l’environnement du Bas-

Canada avec celui de l’Angleterre. Comme l’explique MacLaren, l’environnement du

Bas-Canada peut donner un sentiment d’insécurité aux immigrants anglais, puisque le

paysage colonial n’entre pas naturellement dans la catégorie esthétique du pittoresque34

.

En voulant retrouver le sentiment familier que suscitent les paysages anglais, les

nouveaux propriétaires de domaines effectuent des transformations dans leur

31

MacLaren, op. cit., p. 100. 32

Ibid., p. 106-109. 33

Paul-Louis Martin et Pierre Morisset, Promenades dans les jardins anciens du Québec, Montréal, Boréal,

1996, p. 21. 34

MacLaren, op. cit., p. 97.

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41

environnement pour l’adapter à ce qui s’apparente le plus à l’Angleterre. Les adaptations

effectuées dans les domaines de la ville de Québec sont produites en fonction de

l’esthétique pittoresque, qui est reconnue par l’homme anglais comme l’expression de la

beauté digne du pays natal. J. M. LeMoine confirme en quelque sorte la recherche d’une

esthétique précise en affirmant que certains domaines présents à Québec peuvent rappeler

ceux de l’Angleterre. C’est ce que nous comprenons lorsqu’il décrit la propriété Beauvoir

de Richard Dobell, un marchand fortuné d’origine anglaise : « The chief charm of

Beauvoir is in its beautiful level lawn and deep overhanging woods, recalling vividly to

mind the many beautiful homes of merry England35

. » Il démontre aussi que certaines

vues peuvent mieux simuler l’apparence des paysages de l’Angleterre que d’autres ; c’est

le cas de la vue de Spencer Grange par rapport à celle de Spencer Wood : « The grand

river views of Spencer Wood, are replaced by a woodland scenery [Spencer Grange],

sure to please the eye of any man of cultivated taste, accustomed to the park-like

appearance of the south of England36

. »

Ce besoin de retrouver visuellement le paysage d’origine s’explique par la recherche d’un

confort qui ne peut être atteint que par l’emprise de l’homme sur le paysage sauvage avec

l’implantation de l’esthétique reconnue en Angleterre à l’époque du pittoresque. Au XIXe

siècle, l’esthétique du pittoresque est aussi préférée par les artistes pour représenter la

ville de Québec.

2.2.1 Le pittoresque illustré : James Pattison Cockburn

James Pattison Cockburn (1779-1847), né à New York de parents britanniques, est le fils

d’un officier d’artillerie. Il reçoit son éducation en Angleterre et fréquente la Royal

Military Academy à Woolwich de 1793 à 1795. Il y étudie l’art du dessin sous la direction

de Paul Sandby. Le lieutenant-colonel James Pattison Cockburn reçoit le commandement

35

LeMoine, op. cit., 1882, p. 374. 36

Ibid, p. 345-346.

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42

du Royal Regiment of Artillery au Canada en 1826 à l’âge de 47 ans37

. Jusqu’en 1836, il

vit à Québec où il a le loisir de produire une œuvre immense sur Québec et ses environs,

pendant les années de calme au Bas-Canada. Ainsi, « La situation de prospérité

économique et la paix lui garantissent de nombreuses heures de loisir dans les environs,

lui permettant de partir en quête de sites pittoresques. Il développe de cette manière une

grande familiarité avec les lieux38

. » Ses dessins nous permettent aujourd’hui de mieux

comprendre la vision de la bourgeoisie anglaise de l’environnement de Québec au

XIXe siècle. L’artiste connaît l’esthétique pittoresque et adhère à tous les critères de

beauté du paysage39

. Les œuvres de Cockburn témoignent de cette recherche de la beauté

pittoresque à Québec, particulièrement celles qui montrent des vues panoramiques de

paysage dramatique40

. Notons que ces nombreuses œuvres sont destinées au public de

Londres, mais qu’elles sont aussi publiées à Québec plus tard pendant le siècle.

À la même époque, l’artiste écrit un guide de la ville de Québec, Quebec and Its

Environs ; being a Picturesque Guide to the Stranger, qui nous permet d’associer les

représentations du paysage du XIXe siècle avec les quelques commentaires de Cockburn.

Laurier Lacroix décrit bien la teneur d’un guide comme Quebec and Its Environs : « Les

guides de voyage feront état de l’emplacement stratégique de la ville de Québec, de la

proximité des rivières et des chutes qui l’entourent, de la beauté du fleuve et de ses côtes

[…]. Les points de vue qui transforment la nature en tableaux sont recherchés, les

émotions sont liées à cette expérience de l’espace naturel41

. »

37

Didier Prioul, « Cockburn, James Pattison », Dictionnaire biographique du Canada, Vol. 7, Université

Laval/University of Toronto, 2003-, [En ligne], <

http://www.biographi.ca/fr/bio/cockburn_james_pattison_7F.html>, (consulté le 10 septembre 2016). 38

Ibid., « Les paysagistes britanniques au Québec : de la vue documentaire à la vision poétique », dans

Béland, Mario, dir., La Peinture au Québec, 1820-1850 : nouveaux regards, nouvelles perspectives, Musée

du Québec et Les Publications du Québec, 1991, p. 54. 39

Christina Cameron et Jean Trudel, Québec au temps de James Patterson Cockburn, Québec, Éditions

Garneau, 1976, p. 17. 40

Ibid, p. 16. 41

Laurier Lacroix, « Entre la norme et le fragment : éléments pour une esthétique de la période 1820-1850

au Québec », dans Béland, Mario, dir., La Peinture au Québec, 1820-1850 : nouveaux regards, nouvelles

perspectives, Musée du Québec et Les Publications du Québec, 1991, p. 68.

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43

Dès les premiers paragraphes du guide apparaissent les aspects communs du vocabulaire

pittoresque de l’époque : « most romantic and charming views », « splendid panorama »,

« delightful promenade », « beautiful scenery », etc42

.

Afin de comprendre comment le pittoresque est exprimé dans les œuvres de Cockburn, et

pourquoi celui-ci choisi ce style en particulier pour représenter des vues de Québec, nous

étudierons trois représentations de Québec réalisées entre 1829 et 1831 par l’aquarelliste.

Nous aborderons respectivement les images de Woodfield, de Quebec from Pointe à

Piseau et de Cap-Diamant à partir de Spencer Wood, de concert avec quelques

commentaires du guide pittoresque et des textes descriptifs de J. M. LeMoine.

2.2.1.1 La nature

Le dessin de Woodfield (Figure 2.3), réalisé par Cockburn en 1830, est représentatif de la

nouvelle relation entre l’homme et la nature qu’amène l’esthétique pittoresque. À cette

époque, Woodfield appartient à William Sheppard, un riche marchand de bois d’origine

anglaise, qui fait l’acquisition en 1816 d’une magnifique villa située sur le chemin Saint-

Louis, entourée de jardins et d’arbres fruitiers. Son intérêt pour l’art, l’horticulture et les

curiosités de la nature l’amène à créer dans sa résidence un petit musée d’histoire

naturelle et à améliorer le domaine avec l’installation de serres et de volières ainsi

qu’avec la plantation de plusieurs vignes à raisins43

.

Dans l’illustration de Cockburn, le premier plan est occupé par un homme et une femme

de classe sociale élevée qui se dirigent vers l’impressionnante résidence située en arrière-

plan. Les deux autres personnages sont possiblement les enfants du couple qui jouent

dans le boisé. L’environnement naturel représenté s’insère visiblement dans l’esthétique

pittoresque avec ses grands arbres centenaires, ses parcours sinueux et ses bosquets de

végétaux bien touffus assemblés de manière irrégulière. Cette vue éloignée de la

42

Lacroix, Ibid. 43

Pierre Savard, « Sheppard, William », Dictionnaire biographique du Canada, Vol. 9, Université

Laval/University of Toronto, 2003-, [En ligne],

<http://www.biographi.ca/fr/bio/sheppard_william_9F.html>, ( consulté le 8 avril 2016).

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44

résidence montre que la nature, laissée à elle-même, est appréciée des résidents du

domaine. Dans son guide de 1831, Cockburn décrit le domaine de Woodfield comme un

environnement pittoresque à souhait avec sa grande résidence de style classique,

transformée au fil du temps par les nombreux propriétaires :

« The approach to this pleasant villa is through long and shaded avenues of

red oaks […] The villa of Woodfield was originally built by the Catholic

Bishop of Samoa, and has been added to by the several subsequent

proprietors, which makes it more picturesque than regular, and assimilating in

character with the sombre pines and spreading oaks which surround it. The

gardens contain the most extensive collection of rare and native plants about

Quebec44

. »

Notons la présence du chêne, dans la description de Cockburn, qui est considéré par

McKay comme un symbole patriotique de la Grande-Bretagne. Cockburn mentionne, en

fait, à plusieurs reprises la présence de chênes sur le domaine de Woodfield tout en

valorisant le caractère pittoresque du paysage, et donc la présence de nombreuses

possibilités de sujets pour le peintre45

.

Aussi, Cockburn décrit la résidence comme ayant une architecture classique régulière,

mais il précise que les nombreux propriétaires ont transformé son apparence en quelque

chose de plus pittoresque. Nous savons que les différents propriétaires ont effectué

diverses additions au cours des années, ajoutant des annexes qui donnent un aspect plus

irrégulier à la résidence46

. LeMoine, qui décrit Woodfield avant l’incendie de 1842,

confirme cette affirmation en mentionnant l’ajout d’une serre par M. Sheppard,

transformant ainsi l’apparence classique de la résidence :

« Mr. Sheppard improved the house and grounds greatly, erecting vineries

and a large conservatory; changing the front of the house so as to look upon a

rising lawn of good extend, interspersed with venerable oaks and pine, giving

the whole a striking and pleasing aspect. The altercation in the house gave it a

44

James Pattison Cockburn, Quebec and its environs; being a picturesque guide to the stranger, Londres,

Thomas Cary & Co. 1831, p. 11-12. 45

Ibid. 46

Gagnon-Pratte, op. cit. p. 324-325.

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45

very picturesque appearance, as viewed from the foot of the old avenue,

backed by sombre pines47

. »

Bref, ces deux citations, accompagnées de la représentation de Woodfield par Cockburn,

nous permettent d’affirmer que le propriétaire prodigue une apparence naturelle à ses

jardins tout en ajoutant certains éléments architecturaux dans le but d’intégrer la

résidence à la nature et de créer une relation avec celle-ci. France Gagnon-Pratte

démontre parfaitement la place que prend la nature dans les domaines du XIXe siècle :

« Cette façon romantique de recréer la villa dans son environnement suppose une

communion entre les occupants de la demeure et la nature qui les entoure, communion

rendue possible par les prolongements des lieux de séjour dans des serres et de vastes

galeries, qui sont de véritables salons dans la nature48

. » Elle explique aussi que cette

manière de faire est tout à fait dans l’esprit pittoresque, alors très populaire.

Cette représentation du domaine de Woodfield à l’époque de Cockburn adhère

parfaitement au mouvement pittoresque par l’organisation irrégulière du paysage et par

l’omniprésence de la nature.

2.2.1.2 Le paysage colonial

Tout en essayant de mettre en évidence l’ambiance pittoresque des différents domaines

qu’il visite, Cockburn en profite pour représenter, comme l’explique Alain Parent, « des

images d’un lieu paisible et prospère […] qui peuvent promouvoir les investissements et

l’émigration britanniques vers une colonie dorénavant bien établie, pourvue d’une élite

qui sait goûter les plaisirs de la nature et qui ne manque pas d’occasions pour se

divertir49

». Cette élite dont parle Parent est bien illustrée par Cockburn, notamment par

la présence de grandes villas, par la représentation de personnages richement vêtus et des

activités auxquelles ils participent.

47

LeMoine, op. cit., 1882, p. 351-352. 48

Gagnon-Pratte, op. cit., p. 91. 49

Alain Parent, « Entre empire et nation. Gravures de la ville de Québec et des environs, 1760-1833 »,

Thèse de doctorat, Québec, Université Laval, 2003, p. 195.

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46

Le dessin nommé Quebec from Pointe à Piseau, datant de 1831, offre une vue du Cap-

Diamant et du fleuve Saint-Laurent, puis sur les bateaux et les anses où on entreposait le

bois qui était destiné à l’Angleterre (Figure 2.4). Le premier quart du XIXe siècle marque

la ville de Québec par sa grande prospérité économique50

, élément crucial pour une

capitale coloniale. Cockburn le montre de façon claire d’ailleurs par la présence de

plusieurs bateaux sur le fleuve qui font le transport du bois vers la mère patrie. À la

recherche d’une vue parfaitement pittoresque, Cockburn écrit : « At Point à Piseau, above

Sillery cove, from a spot on the left partially cleared, the view of Cape Diamond, with the

St. Lawrence, and shipping, is as perfect a composition as any landscape painter could

desire51

. »

Afin de rendre encore plus romantique et pittoresque le paysage, l’artiste fait l’ajout d’un

homme accompagné par un chien comme élément central de l’image, et d’un second

groupe comprenant deux autres personnages d’un rang moins élevé ; les classes sociales

ne se mélangent pas même lorsqu’elles sont illustrées52

. L’ensemble de l’image présente

une activité de plein air où le propriétaire de l’endroit profite des nombreux sentiers pour

se promener et admirer la vue sur les nombreuses anses à bois. La falaise, où se situe

l’observateur, regroupe les sites des grandes résidences et domaines des riches

marchands. La représentation pittoresque des grands domaines de la ville s’accorde bien

avec le fait que les Britanniques sont à l’époque propriétaires des meilleurs sites, avec les

meilleures vues. En tenant compte de la classe sociale élevée de Cockburn, nous pouvons

comprendre le choix de montrer certaines vues ou activités auxquelles seulement la

bourgeoisie a accès.

La vue sur le fleuve et sur les anses à bois à partir de la falaise est relativement classique

chez Cockburn, qui l’utilise notamment pour représenter le Cap-Diamant à partir de

Spencer Wood (Figure 2.5). En 1830, le grand domaine de Spencer Wood appartient à la

riche famille anglaise des Perceval, qui impose sa présence sur les hauteurs de Sillery.

50

Parent, Ibid. 51

Cockburn, op. cit., p. 12. 52

Parent, op. cit., p.196.

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47

C’est une famille distinguée qui organise des réceptions, des bals dansants et des concerts

dans leur grande propriété. Comme de nombreux propriétaires des grands domaines de

Québec, la famille profite aussi de cette retraite sylvestre pour tenir des expéditions

botaniques et étudier les nombreux spécimens que recèle leur vaste parc-jardin53

.

Cockburn mentionne dans son guide la présence de Spencer Wood parmi les nombreux

domaines placés sur la falaise le long du chemin Saint-Louis et du chemin Sainte-Foy :

« These park-like grounds, with a noble avenue leading to the house, remind one of

England54

. » Le lien visuel entre le pays colonisé et la mère patrie est de nouveau rappelé

par l’entremise de l’architecture de la résidence de Spencer Wood. Le dessin de

Cockburn, datant de 1829 (Figure 2.6), représente la somptueuse résidence des Perceval55

et illustre le couple se baladant sur le domaine. Ces villas représentées par Cockburn,

notamment dans les dessins de Woodfield et de Spencer Wood, sont représentatives, en

grande partie, d’une architecture classique relativement conforme. Notons qu’au

XIXe siècle, l’architecture palladienne coloniale évoque le classicisme officiel

britannique à Québec56

. Le pouvoir de l’Empire britannique sur le Bas-Canada peut être

exprimé de façon symbolique par ce type d’architecture.

Finalement, l’expression du pittoresque semble être un moyen explicite d’illustrer la ville

de Québec, tout en contribuant à présenter une image plaisante et rassurante d’une ville

sécuritaire et belle. Ainsi,

« Le pittoresque est une sorte d’idiome pictural dont l’enjeu demeure avant

tout identitaire et national. Si le pittoresque permet à l’observateur

métropolitain de se familiariser avec l’image du lieu étranger, c’est pour qu’il

puisse se l’approprier intellectuellement, et éventuellement plus efficacement

lorsqu’il s’agit de l’empire… De cette manière, chez Cockburn : […] la vue

urbaine est un véhicule singulièrement apte à exemplifier l’assujettissement

53

Smith, op. cit., p. 18-19. 54

Cockburn, op. cit., p. 11. 55

Michael Henry Perceval décède en fonction le 12 octobre 1829, mais la famille Perceval reste

propriétaire de la résidence jusqu’en 1833. Henry Atkinson, riche marchand de Québec, achète la propriété;

il la transforme considérablement et y fait l’ajout de nombreuses serres. LeMoine, op. cit., 1882, p. 333. 56

Parent, op. cit., p. 153.

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d’un pays sauvage aux principes du gouvernement, des lois, de la religion, de

l’ordre, du commerce et des mœurs britanniques57

. »

Une concordance se forme dans les illustrations de la ville de Québec entre la

représentation du paysage transformé par l’esthétique pittoresque et la représentation de

la ville, qui se veut ordonnée et sécuritaire. Ayant été conçues pour un public londonien,

les vues du paysage canadien réalisées par Cokburn dénotent une certaine préférence

pour l’esthétique pittoresque. Le fait d’utiliser cette esthétique permet une plus grande

appréciation chez le public anglais qui retrouve, comme l’explique MacLaren, « English

landscape qualities in lands that had fallen under British control58

. »

Ainsi, le pittoresque est une caractéristique typique du paysage britannique à l’époque et

il semble devenir un choix essentiel pour les bourgeois anglais de Québec dans

l’appropriation physique et visuelle du territoire ainsi que de leur environnement

d’habitation au XIXe siècle.

2.3 Le pittoresque en architecture

France Gagnon-Pratte et Janet Wright s’entendent pour dire que le mouvement

pittoresque teinte et influence l’architecture des résidences de Québec par une

transformation des styles et une ouverture des demeures vers la nature59

. L’intégration du

pittoresque dans l’architecture à Québec est difficile à dater de manière exacte pour

Gagnon-Pratte, qui situe son influence entre 1830 et 1870, de même que pour Wright, qui

situe ce même mouvement entre 1780 et 186560

.

Comme le montre bien Gagnon-Pratte, le pittoresque caractérise d’abord les

aménagements paysagers autour des villas classiques, puis influence l’architecture elle-

même : « Dans un premier temps, la villa commande un environnement pittoresque. Dans

57

Dans cette citation, Parent parle des vues urbaines réalisées par Cockburn, mais l’observation qu’il

propose est parfaitement adaptée pour les vues périurbaines. Parent, Ibid., p. 199. 58

MacLaren, op. cit., p. 98. 59

Gagnon-Pratte, Ibid., p. 82-116; Wright, op.cit., p. 102-127. 60

Wright, Ibid.

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49

un deuxième temps, cet environnement pittoresque va remodeler l’architecture de la villa

et susciter l’implantation d’une série de petites constructions ornementales au bord des

plans d’eau, dans les bocages et sur les promontoires61

. » En nous intéressant aux

différents styles architecturaux des villas, nous pourrons comprendre l’influence du

courant pittoresque au Bas-Canada tout en évaluant l’intégration de cette catégorie

esthétique dans le milieu suburbain de ville de Québec.

L’application des principes pittoresques dans l’architecture résidentielle amène au

XIXe siècle une popularisation du cottage et de la villa. À Québec, les résidences

secondaires (qui deviennent souvent des résidences principales, par la suite) permettent

aux propriétaires de sortir de la ville et de s’éloigner de la pollution environnante et des

maladies. Or, la recherche de la nature et l’engouement pour l’aménagement paysager

sont des éléments de seconde priorité pour les propriétaires, qui s’attardent plutôt à

choisir un site et à faire construire leur villa62

. Tout le sens de l’esthétique pittoresque est

alors basé sur l’achat d’un site impressionnant situé au sommet du cap ainsi que sur la

construction d’une majestueuse résidence63

. Frédéric Smith explique que la communauté

des grands marchands anglais de l’époque préfère les sites qui se trouvent dans le Haut

Sillery, sur le cap, à la proximité des chantiers de bois et des anses situées le long des

berges de Sillery64

. Le paysage a passablement été transformé depuis la création de ces

domaines jusqu’en 1830, mais nous pouvons reconnaître que, dès le départ, le choix du

site s’intègre bien dans le besoin d’un retour vers la nature, qui caractérise le mouvement

pittoresque.

Comme l’explique Gagnon-Pratte, l’architecture palladienne est très présente au début du

siècle, aussi bien dans le milieu urbain que périurbain. Bien qu’au départ la villa

palladienne ne soit pas particulièrement conçue pour s’intégrer à la nature, le choix du

terrain, beaucoup plus vaste, et l’ajout de dépendances, d’annexes et de serres nous

rappellent l’intérêt grandissant des propriétaires à créer une demeure dans l’esprit

61

Gagnon-Pratte, op.cit., p. 91. 62

Ibid, p. 19. 63

Ibid. 64

Smith, op. cit., p. 5.

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50

pittoresque. C’est le cas de François-Joseph Perreault, qui ajoute à sa résidence de style

classique de l’Asile-Champêtre une serre de chaque côté du corps principal (Figure 2.7),

ce qui permet la mise en relation du jardin et de la demeure. Cette villa palladienne,

construite sur le côté nord de Grande Allée en 1795, s’inscrit dans la nouvelle pensée

romantique du paysage où la nature et les jardins prennent une place considérable dans

l’environnement d’habitation65

. LeMoine donne un aperçu de cette vision romantique de

l’environnement d’habitation :

« Through an avenue with flowery borders, between lines of lofty vases,

filled with blooming plants, the visitor reached the house, which occupied the

center of a garden of four acres. Above the door, at the summit of a flight of

steps, was inscribed in gilt letters, Asyle Champêtre. The house was a double

one with a conservatory at each end, the first erected in Canada, filled with

exotic and native plants; […]66

. »

La résidence Marchmont, appartenant à Henry Caldwell et construite entre 1810 et 1819

sur le côté sud du chemin Saint-Louis67

, présente aussi un style palladien, transformé par

l’ajout d’une galerie entourant trois côtés de la demeure (Figure 2.8). D’après Wright,

pour les Britanniques, une large véranda ou une galerie était essentielle à une résidence

afin de « jouir de l’air frais et d’accentuer l’aspect pittoresque de leurs bucoliques

retraites d’inspiration canadienne68

».

Le concept de villa, découlant du romantisme, permet l’implication de différents styles

architecturaux dans l’esthétique pittoresque. « Dès lors, il n’y a rien d’étonnant à ce que

les villas néo-classiques de la région de Québec se ressentent, par les annexes qui y sont

ajoutées et par l’aménagement de leur environnement, du goût pour le pittoresque69

. »

Dans les années 1820-1830, l’esthétique pittoresque influence l’architecture et « les

normes abstraites rigoureusement géométriques de l’architecture classique font place au

65

Martin et Morisset, op. cit., p. 25. 66

P. Bender, Old and New Canada 1753-1844, Montréal, Dawson Bros., 1882, p. 185-188. 67

Gagnon-Pratte, op. cit., p. 273. 68

Wright, op.cit., p. 105. 69

Gagnon-Pratte, op. cit., p. 89.

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51

respect de la nature et à la création d’effets visuels intéressants70

. » Dans le paysage

pittoresque, les éléments architecturaux sont considérés comme des éléments importants,

mais plutôt secondaires à la composition. C’est en se fondant harmonieusement et

discrètement dans l’ensemble que l’architecture permet à la nature de devenir l’élément

central du domaine.

Pendant cette période, les villas néoclassiques sont populaires à Québec et leur

architecture s’ajuste au mouvement pittoresque par l’ajout d’effets visuels. Ces villas

possèdent souvent les mêmes caractéristiques architecturales de base et ne sont

différentes que par l’ajout de détails en façade. Au-delà de cette ornementation, les villas

deviennent de plus en plus originales avec l’ajout d’éléments qui établissent la relation

avec les alentours. « Dès lors, la rigueur et la symétrie néo-classique cèdent le pas aux

concepts romantiques par l’adjonction d’annexes de divers types71

. » Les grands blocs

réguliers disparaissent pour être remplacés par des bâtiments irréguliers, transformés par

des annexes, à la manière de tentacules qui s’étendent vers la nature et s’intègrent aux

environs.

Les villas néoclassiques de Québec représentent architecturalement le luxe et le confort,

mais les propriétaires prennent aussi soin d’appliquer ces caractéristiques aux alentours

de l’habitation, comme l’exprime J. M. LeMoine en parlant du domaine Cataraqui, sur le

chemin Saint-Louis : « Charming was the contrast, furnishing a fresh proof of the confort

and luxury with which the European merchant, once settled in Canada, surrounds his

home. […] Cataracoui has been recently decorated, we may say, with regal magnificence,

and Sillery is justly proud of this fairy abode […]72

. » L’idée de « luxe », pour les riches

propriétaires de l’époque, peut être associée aux meubles confortables de provenance

exotique (Italie, France, Espagne, etc.), à l’abondance de sculptures et d’œuvres

picturales dans la demeure, mais elle peut aussi faire partie de l’aménagement paysager.

En effet, un domaine luxueux est aussi caractérisé à l’époque par la somptuosité de

l’aménagement de la propriété qui offre une grande quantité de végétaux ainsi que par la

70

Wright, op. cit., p. 6. 71

Gagnon-Pratte, op. cit., p.75. 72

LeMoine, op. cit., 1882, p.380-381.

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présence de nombreuses serres regorgeant de fleurs exotiques, odorantes et colorées qui

habituellement deviennent l’attrait principal du domaine.

Les villas Beauvoir, de Spencer Grange, Thornhill et Wolfefield présentent toutes les

quatre une architecture néoclassique avec quelques ajouts qui contribuent à individualiser

chacune des structures. D’ailleurs, Wolfefield (Figure 2.9), propriété de David Munro

vers 1823, puis de William Price en 1828, rompt avec la sobriété des villas néoclassiques

avec l’ajout d’une grande galerie couverte sur l’un des côtés de la demeure, témoignant

ainsi de la recherche pour une plus grande ouverture de la résidence vers la nature. La

complexification du plan de la résidence par l’ajout d’ailes et d’annexes exprime cette

nouvelle originalité pittoresque de la première moitié du XIXe siècle.

Après 1830, le style néoclassique tend à céder le pas devant des styles plus profondément

pittoresques. C’est à cette époque aussi que la stabilité économique et la forte

implantation de la bourgeoisie anglaise à Québec permettent la construction d’une grande

quantité de nouvelles villas d’après l’esthétique pittoresque73

. Ainsi, cet environnement

pittoresque « va par la suite remodeler l’architecture des maisons de campagne. Après les

villas palladiennes et néoclassiques empreintes de rigidité et de symétrie, on voit donc

apparaître des formes plus irrégulières où l’accent est mis sur le caractère pittoresque :

villas de style Italienne, néo-gothique, […], et des résidences plus modestes appelées

cottages74

. »

« Les valeurs et la conception de l’architecture du mouvement pittoresque — le plaisir de

jouir des paysages de la Nature […] et le goût pour l’asymétrie et la diversité —

exercèrent une grande influence sur l’architecture pendant tout le XIXe siècle

75. » Dans la

première moitié du XIXe siècle, il est indéniable qu’une nouvelle relation au paysage

s’implante à Québec par l’entremise du courant pittoresque. Afin de recréer un paysage

ressemblant à celui de l’Angleterre, le bourgeois anglais transforme son milieu de vie par

la construction d’un aménagement naturel, l’implantation d’éléments créateurs

73

Wright, op. cit., p. 110. 74

France Gagnon-Pratte et Philippe Dubé, « La Villa ». Magazine Continuité. N°40, été 1988, p. 24. 75

Wright, op. cit., p. 7.

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d’émotions, tels que des kiosques, des jardins, des serres ainsi que par l’implantation de

villas aux multiples styles.

2.3.1 La serre

Bien que plusieurs historiens de 1830 à aujourd’hui s’entendent pour dire que la ville de

Québec a été influencée, autant dans l’architecture que dans les représentations

figuratives, par le mouvement pittoresque76

, ils accordent peu d’importance, en général,

aux serres, pourtant présentes pendant tout le XIXe siècle. Leur apport sur les domaines

n’est donc pas réellement étudié par ces auteurs. Ceux-ci mentionneront que des serres

sont construites sur les domaines, qu’elles sont utilisées par le propriétaire ou le jardinier

et surtout qu’elles s’inscrivent dans le mouvement pittoresque. Par exemple, Louisa Blair

mentionne la présence de serres sur les domaines à Sillery, mais ne parle pas de leur

architecture et ne se questionne pas sur leur utilisation et leur fonctionnement : « […] les

marchands britanniques prospères les achètent [terres surplombant les anses de Sillery] et

y construisent des villas dans la plus pure tradition de la campagne anglaise77

, avec des

bijoux de plates-bandes, de pelouses et de serres soigneusement entretenues par leurs

jardiniers anglais et écossais78

. » De même, André Bernier et Danielle Dion-McKinnon

mentionnent la présence de serres sur les domaines des marchands anglais, sans toutefois

parler particulièrement de celles-ci79

.

La serre fait son apparition à Québec dès le XVIIIe

siècle au Château Saint-Louis, à

l’Asile-Champêtre en 1795 et, à la même époque, à la résidence d’Henry Atkinson à Cap-

76

Alain Parent (2003), André Bernier (1977), Christina Cameron (1976), Danielle Dion-McKinnon (1987),

Didier Prioul (1991), France Gagnon-Pratte (1980), Frédéric Smith (2001 et 2003), James MacPherson

LeMoine (1865, 1882 et 1885), James Pattison Cockburn (1831), Janet Wright (1984), Laurier Lacroix

(1991), Louisa Blair (2005), Marc Grignon (2014), Marylin J. McKay (2011), Nicole Dorion-Poussard

(2007) , Paul Trépanier (1989), Ron Williams (2014). 77

Cette tradition dont parle Blair est clairement associée par l’auteur à l’esprit pittoresque. 78

Louisa Blair, Les Anglos: la face cachée de Québec, tome 1, 1608-1850, Québec, Éditions S. Harvey,

2005, p. 48. 79

André Bernier, Le Vieux-Sillery, Québec, Direction des arrondissements: Centre de documentation,

Direction de l’inventaire des biens culturels, 1977, p. 55. Danielle Dion-McKinnon, Sillery : Au carrefour

de l’histoire, Québec, Éditions Boréal, 1987, p. 94.

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Rouge80

. LeMoine décrit, dans ses nombreux textes, les serres que nous retrouvons dans

l’environnement de Sillery, notamment celle qu’installe Henry Atkinston sur son

domaine.

« Vers le même temps [1795], un riche négociant de Québec, feu M. Henry

Atkinson, l’ancien président de la Société d’Horticulture de Québec, et je

crois pouvoir nommer à bon droit le père de l’horticulture artistique, parmi

nous, avait ajouté à son pittoresque manoir au haut de la falaise du Cap-

Rouge, un petit réduit en verre, chauffé à l’eau chaude, où il cultivait ses

chères fleurs en hiver […]81

. »

Déjà, vers 1795, Henry Atkinson fait preuve d’innovation et montre sa grande richesse

avec l’installation d’un chauffage à l’eau chaude dans sa serre ; en effet, cet élément

technique n’est popularisé en Angleterre qu’en 1830 et vers 1850 aux États-Unis. Ainsi,

comme l’exprime Huxley : « The first British green-house installations were made in the

early 1820s, and by the late 1830s a number of boiler systems were available

commercially […] until about 1850 hot-water heating in the United States was very much

a luxury used in the hothouses and vineries of the rich82

. » Bien que la serre d’Atkinson

soit pourvue d’un chauffage innovateur, celle-ci demeure modeste s’accordant avec la

tradition pittoresque voulant que la serre permette l’ouverture vers l’extérieur et la

complexification du plan de la résidence sans toutefois devenir un élément architectural

majeur sur le domaine.

La résidence palladienne de François-Joseph Perreault possède, en 1795, « Le premier

conservatoire de fleurs, autour de Québec […], [la serre] vit le jour au commencement du

siècle, à l’Asile-Champêtre, sur les buttes-à-Nepveu, Grande-Allée, où résidait Joseph

Perrault […]83

». LeMoine décrit « ce champêtre réduit84

» comme une pièce accueillant

des fleurs exotiques : « cette pièce était située dans un des pavillons; à une extrémité,

dans un pavillon semblable et surmonté, comme l’autre, d’une petite tourelle Normande,

80

Pierre Beaudet, Les dessous de la terrasse à Québec : archéologie dans la cour et les jardins du Château

Saint-Louis, Québec, Éditions Septentrion, 1990, p. 83 et LeMoine, op. cit., 1885, p. 339. 81

LeMoine, op. cit., 1885, p. 339-340. 82

Anthony Julian Huxley, An Illustrated History of Gardening, Londres, Paddington Benne Ltd., 1978, p.

154 p. 154. 83

LeMoine, op. cit., 1885, p.339 84

Ibid., p. 169.

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se trouvait un mignon réduit, […]; c’était un conservatoire pour héberger pendant l’hiver

les fleurs exotiques […]85

. » Le plan symétrique de la villa palladienne est par ailleurs

conservé à l’époque avec l’installation d’une serre de chaque côté du corps central. La

construction de ces serres expose non seulement un certain goût pour l’horticulture, mais

elle démontre en outre que la création d’une ambiance pittoresque commence à s’insinuer

dans l’architecture elle-même.

Le château Saint-Louis possède dès 1781 une serre située à l’extrémité de la cour du

château « au sud de la face gauche du bastion sud-est du fort Saint-Louis86

». La serre

plutôt modeste est chauffée par des tuyaux de fumée circulant dans le plancher et est

utilisée pour la culture de fruits et de plantes étrangères pendant l’hiver afin d’accélérer

leur maturité et favoriser la cueillette à l’été87

. En 1815, le château Saint-Louis est équipé

d’une nouvelle serre mesurant 19,75 mètres de longueur par 7,95 mètres de largueur

(Figure 2.10). Cette imposante architecture de verre est utilisée pour la croissance des

végétaux exotiques ainsi qu’un lieu d’agrément pour le gouverneur, sa femme et leurs

invités88

.

Les serres du Château Saint-Louis diffèrent largement de celles d’Henry Atkinson et de

Joseph Perreault par leur situation spatiale sur le domaine. Dans le premier cas, elles sont

éloignées de la résidence et dans le second cas, elles y sont annexées. Les serres sont

érigées sur le domaine du Château Saint-Louis entre 1781 et 1815, sont des exceptions,

puisqu’à l’époque, il est plutôt rare de voir un bâtiment de verre de grandes dimensions

en raison du coût des matériaux et de l’absence de techniques de construction

spécialisées.

Finalement, dans la première moitié du XIXe siècle, un petit nombre de serres sont

construites, et elles forment habituellement des bâtiments assez modestes, qui viennent

parfois développer les plans des résidences bourgeoises. Leur fonction est plutôt

85

LeMoine, Ibid., p. 170. 86

Pierre R. Beaudet, op. cit., p. 95, 96. 87

Ibid. 88

Ibid., p. 97-103.

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utilitaire, consacrée à la culture des fruits et des légumes. Mais elles contribuent aussi à

renforcer l’ambiance pittoresque en permettant d’ouvrir les résidences vers l’extérieur,

appuyant de cette manière la perception des alentours qui caractérise les jardins.

CONCLUSION

En prenant en compte les illustrations de Cockburn, nous pouvons confirmer que

l’esthétique pittoresque est préférée par l’artiste de la période de 1820-1830 pour

représenter la ville de Québec. Les nombreux commentaires de LeMoine et de Cockburn

démontrent que le style pittoresque est une catégorie esthétique essentielle à la première

moitié du XIXe siècle à Québec dans l’organisation visuelle du paysage. L’esthétique du

pittoresque permet à Cockburn d’inscrire les vues de Québec dans un cadre artistique

bien ancré, selon l’idéologie du dessin paysager de la tradition anglaise.

Le mouvement pittoresque devient ainsi populaire au cours de la première moitié du

XIXe siècle dans divers domaines artistiques, notamment l’architecture. L’introduction du

pittoresque amène alors la rencontre de différents styles et la popularisation, à Québec, de

nouveaux types de résidence, tels que la villa et le cottage. Sans perdre l’influence du

néoclassicisme et du palladianisme, le style varié des villas de Québec témoigne d’un

besoin d’aller vers la nature. Ainsi l’architecture néoclassique évolue vers le pittoresque

par l’ajout d’éléments architecturaux et décoratifs, tels que les annexes, les grandes

galeries ainsi que les serres.

Les grands domaines présents à l’extérieur de la ville accueillent de majestueux parcs-

jardins conçus dans le style pittoresque, au goût des riches propriétaires d’origine

britannique. Avec ces immenses aménagements paysagers vient la popularisation de la

serre dès le début du siècle. Par contre, bien que la serre soit un élément connu dans la

première moitié du XIXe siècle, elle n’est pas beaucoup décrite dans le contexte de

l’esthétique pittoresque où elle prend essentiellement la forme d’un bâtiment modeste qui

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permet une continuation de la résidence vers la nature et la complexification des plans

des résidences.

Comme nous avons pu le voir dans ce chapitre, James MacPherson LeMoine participe à

l’engouement pour le pittoresque en décrivant selon la vision anglaise la magnificence

des domaines de Sillery. À cet effet, LeMoine présente l’aspect du domaine de Spencer

Wood à l’époque de Michael-Henry Perceval entre 1811 et 1834 :

« On the South side of the St. Louis road, past Wolfe and Montcalm’s famed

battle-field, two miles from the city walls, lies, embowered in verdure, the

most picturesque domain of Sillery – one might say of Canada – Spencer

Wood. […] Like several villas of England […], Spencer Wood was [then] a

splendid old seat of more than one hundred acres, a fit residence for the

proudest nobleman England might send us as Viceroy – enclosed east and

west between thow steamlets, hidden from the highway by a dense growth of

oak, maple, dark pines and firs – the forest primeval – letting in here and

there the light of heaven on its labyrinthine avenues; a most striking

landscape, blending the somber verdure of its hoary trees with the soft tints of

its velvety sloping lawn […]. It had also an extensive and well-kept fruit and

vegetable garden, enlivened with flower beds […]; conservatories, […]

pavilions picturesquely hung over the yawning precipice on two headlands,

one looking towards Sillery, the other towards the Island of Orleans, the

scene of many a cosy tea-party; boyers, rustic chairs perdues among the

groves, a superb bowling green and archery ground.89

»

Cette description présente les caractéristiques du paysage qui sont privilégiées par les

Anglais, tels que de grands arbres rappelant les forêts primitives d’origine, de vastes

étendues de verdure, des jardins potagers et de fleurs ainsi que la présence de quelques

kiosques et de serres pour agrémenter la vue sur le jardin et sur le paysage environnant.

Cette vision pittoresque marque les paysages de la ville de Québec au début du XIXe

siècle et expose cette appropriation du territoire entreprise par la bourgeoisie anglaise.

89

LeMoine, op.cit. 1882, p. 332 et 336.

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CHAPITRE 3

LE GARDENESQUE À QUÉBEC

Dans le chapitre précédent, nous avons, à plusieurs reprises, parlé des descriptions que

fait James MacPherson LeMoine, entre 1865 et 1882, des grands domaines périurbains de

la ville de Québec. Ces descriptions mettent l’accent sur la végétation luxuriante des

domaines, le choix des fleurs et l’organisation paysagère sur le terrain tout en utilisant un

vocabulaire spécifique pour définir les végétaux. Bien que LeMoine les présente comme

caractéristiques du paysage éminemment pittoresque de Québec, nous pensons que ces

descriptions précises et détaillées montrent que d’autres préoccupations, de nature plus

scientifique, font leur apparition chez une certaine partie de la population surtout après

1840. Dans ce chapitre, nous tenterons donc de démontrer que le style gardenesque tend

à se substituer au pittoresque, ou plutôt à l’englober dans une pratique plus éclectique, qui

s’amorce dans les années 1840.

En premier lieu, nous reviendrons sur Andrew Jackson Downing, homologue américain

de l’écossais John Claudius Loudon, qui a permis, dès 1841, la popularisation du style

gardenesque et le déploiement de la profession de jardinier paysagiste en Amérique du

Nord. Afin de déterminer les éléments associés au gardenesque qu’emploient les

propriétaires des domaines de la ville de Québec, nous utiliserons l’important traité de

Downing, A Treatise on the Theory and Practice of Landscape Gardening, Adapted to

North America (1841).

En second lieu, la description de deux domaines nous permettra d’illustrer les principes

de Downing. Après 1840, de nouvelles préoccupations s’expriment quant à l’organisation

des domaines et leurs aménagements paysagers. Afin de comprendre cette nouvelle

situation, nous présenterons les domaines de Woodfield et de Spencer Wood/Spencer

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Grange1, qui ont évolué en suivant les nouvelles tendances dans la deuxième moitié du

XIXe siècle. Nous présenterons donc les aménagements paysagers des domaines tout en

évaluant leur rapport au style gardenesque.

Enfin, nous parlerons du développement du jardin canadien au XIXe siècle en considérant

son évolution dans la ville de Québec et la popularisation des sciences naturelles, puis en

notant l’utilisation de végétaux spécifiques. Nous examinerons l’intégration du style

gardenesque dans le jardin canadien, qui domine à partir de la deuxième moitié du XIXe

siècle dans les aménagements paysagers des grands domaines de la ville de Québec.

Ce point nous amènera à parler du large déploiement de traités d’horticulture, puis de la

création de la Société d’horticulture de Québec. Aussi, ce dernier point nous permettra de

souligner l’importance nouvelle accordée aux serres, qui ont grandement marqué le

paysage de la ville de Québec au XIXe siècle et qui s’insèrent dans le contexte spécifique

du gardenesque avec l’intérêt pour les fleurs exotiques et les sciences naturelles.

3.1 Andrew Jackson Downing : le gardenesque en Amérique du Nord

L’ouvrage de Downing qui nous intéresse le plus est son traité de 1841, A Treatise on the

Theory and Practice of Landscape Gardening, adapted to North America ; with a view to

The Improvement of Country Residences with Remarks on Rural Architecture, qui porte

sur la pratique du jardinier et dans lequel il définit le style gardenesque en donnant des

exemples d’aménagements paysagers propices au développement harmonieux des

végétaux. En prenant en considération ce traité, nous pouvons déterminer les

caractéristiques d’un jardin organisé de manière gardenesque. À l’aide de ces

caractéristiques, nous évaluerons dans quelle mesure ce style influence les aménagements

paysagers des domaines périurbains de la ville de Québec.

Comme nous l’avons mentionné précédemment, Downing s’inspire largement des idées

de Loudon pour conceptualiser ses idées. D’abord, il prend en compte notamment

1 Ayant été conçus par la même personne, Spencer Wood et Spencer Grange seront considérés comme

faisant partie du même domaine.

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l’intérêt de Loudon pour la ruralité, le retour vers la nature, et « l’autosuffisance » des

domaines2. En encourageant un retour à la campagne et une autarcie totale des domaines,

Downing propose la mise en place de plusieurs dépendances autour de la résidence

principale. La figure 3.1 présente le modèle d’organisation d’un domaine périurbain

énonçant un retour vers la campagne et la nature, favorisé par Loudon et ultérieurement

par Downing. Les bienfaits d’un retour à la terre, chez la population vivant sur un

nouveau territoire et pour celle vivant sur un ancien territoire, sont clairement exprimés

dans le traité de Downing :

« As a people descended from the English stock, we inherit much of the

ardent love of rural life and its pursuit which belong to that nation; but our

peculiar position, in a new world that required a population full of enterprise

and energy to subdue and improve its vast territory, has, until lately, left but

little time to cultivate a taste for Rural Embellishment. But in the older states,

as wealth has accumulated, the country become populous, and society more

fixed in its character, a return to, and fondness for, those simple and

fascinating enjoyments to be found in country life and rural pursuits, is

witnessed on every side3. »

L’organisation spatiale que propose Downing implique l’implantation de nombreuses

dépendances sur les domaines, tels que : « ice-house, hot-beds, gardener’s house, […]

stables, carriage-house, etc4. » ainsi qu’une spécialisation de certains bâtiments, dont la

serre, qui peut avoir différentes fonctions selon les besoins du propriétaire.

Dans son traité, A. J. Downing envisage quelques possibilités pour rendre l’atmosphère

des domaines périurbains la plus agréable possible. Ces propositions, qui proviennent

nettement de l’influence de Loudon, présentent quelques caractéristiques du style

gardenesque :

« which can render a country seat delightful : beautiful pleasure-grounds,

large enough to admit of a park-like character, varied with trees in irregular

groups, smooth lawns, and firm gravel roads, and walks ; flower and kitchen

2 Ces idées sont présentes dans l’ouvrage de John Claudius Loudon, The Suburban Gardener and Villa

Companion, de 1838. 3 Andrew Jackson Downing, A Treatise of the Theory and Practice of Landscape Gardening, adapted to

North America; with a view to The Improvement of Country Residences with Remarks on Rural

Architecture, New-York & Londres, Wiley and Putnam, 1841, p. II. 4 Ibid., p. 72.

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gardens, well stocked with floral beauties, and the most excellent culinary

productions ; and hot-houses and forcing-houses, filled with all that can

minister to the eye or the palate5. »

Bien que l’attrait pour la ruralité ne soit pas précisément énoncé dans cette citation, il est

question de grands terrains, de « pleasure-grounds » et de leur « parc-like character », que

nous retrouvons seulement en périphérie de la ville ou à la campagne. Ces grands terrains

permettent un aménagement paysager plus complexe, dans le style gardenesque avec une

organisation spécifique de végétaux. Downing reprend l’idée de Loudon sur l’importance

de la variété des arrangements par la combinaison de différentes formes et de couleurs de

végétaux, l’espacement de ces végétaux pour exposer leur attrait individuel,

l’organisation géométrique de végétaux spécifiques dans les jardins et la création de

certains types de jardins aux fonctions bien définies autour de la résidence. Downing

reprend aussi les idées de Loudon quant à l’intégration des sciences naturelles

(horticulture, botanique) dans les jardins. Prenons le temps de bien définir ces

caractéristiques associées au style gardenesque.

Dans son traité, Downing explique l’importance d’intégrer de la variété dans les

aménagements paysagers. Il explique que « Variety must be considered as belonging

more to the details, than to the production of a whole. […] Variety in plantations may be

attained by a combination of qualities opposite in some respects, as the colour of the

foliage, and similar in others, as the form […]6 ». D’après Downing, la variété dans les

arrangements paysagers permet de rendre les promenades plus distrayantes :

« there is no more delightful variety in a walk of half a mile in length, […]

over a diversified surface, bordered occasionally with luxuriant groups of

trees, open spaces of fine lawn, and dense thickets of shrubbery, or

underwood, than in a straight level avenue over the same distance, whose

sides present but one continuous line of trees seen at the same moment, and

presenting but one single and monotonous view7. »

5 Ibid., p. 25.

6 Downing, Ibid., p. 42.

7 Ibid., p. 14.

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Lors de la caractérisation du style gardenesque, Downing met l’accent sur l’importance

d’un certain espacement des végétaux. Il explique qu’une distance variable entre les

végétaux permet de mieux apprécier la spécificité de ceux-ci tout en leur laissant assez

d’espace pour pousser librement. Ainsi, Downing explique que

« planting, thinning, and pruning, in order to produce the latter effect, the

beauty of every individual tree and shrub, as a single object is to be taken into

consideration, as well as the beauty of the mass […]. […] all the trees in a

gardenesque group ought to be so far separated from each other as not to

touch, yet the degrees of separation may be as different as the designer

chooses, provided the idea of a group is never lost sight of. […] In the

gardenesque, the beauty of the isolated tree consists in the manner in which it

is grown […]8. »

Dans son traité, Downing mentionne que le style gardenesque permet d’organiser

géométriquement et linéairement quelques arbres et buissons ; il dit : « Where they are to

be scattered in the gardenesque manner, every tree and shrub should stand singly, as in

the geometrical manner they should stand in regular lines or in some geometrical

figure9. » Dans ce cas-ci, Downing s’éloigne quelque peu des propos de Loudon, qui

propose une organisation géométrique pour les arbres et buissons indigènes (natifs)

seulement pour démontrer l’artificialité de l’arrangement. Loudon explique que

[…] if the common trees of the locality are employed, must be either planted

in lines, or massed in geometrical figures; or, if foreign trees and shrubs only

are used, they may be planted in irregular masses or groups, and as single

trees. […] care must be taken not to crowd, or ever group, them (indigenous

trees) together in such a manner as that a stranger might conclude they had

grown up there naturally10

. »

Pour Downing, tous les arbres et buissons doivent être placés de manière ordonnée et

individuelle dans un jardin de style gardenesque. La différenciation entre l’organisation

des végétaux exotiques et indigènes n’est pas nécessaire, malgré le fait qu’il confirme

l’importance de l’intégration de végétaux exotiques. En effet, il mentionne que « One of

the chief elements of artistically imitation in Landscape Gardening, […] the necessity of

8 Downing, Ibid., p. 36-37.

9 Ibid., p. 37.

10 John Claudius Loudon, The Suburban Gardener and Villa Companion, Londres, Longman, Orme,

Brown, Green and Longmans; W. Black, 1838, p. 140.

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introducing largely, exotic ornamental trees, shrubs and plants, instead of those of

indigenous growth11

. »

L’organisation géométrique de Downing s’observe dans les différents types de jardins sur

le domaine. Il est possible de voir des jardins séparés par des chemins et arrangés de

manière symétrique, dépendamment de leur fonction. Dans son traité, Downing présente

quelques exemples d’aménagement paysager sur un domaine et, outre les nombreuses

dépendances, il montre différents types de jardins, tels que le potager, le jardin de fleur et

le verger12

.

Le style gardenesque peut être caractérisé par le fait qu’il épouse les concepts développés

par les sciences naturelles. En effet, comme nous avons pu le voir dans le premier

chapitre, ce style est popularisé, selon Downing, par les propriétaires de grands domaines

qui ont développé un goût pour l’horticulture et la botanique et qui ont le désir de

posséder une grande variété de végétaux exotiques et rares. Ainsi, les propriétaires et

jardiniers qui conçoivent un aménagement gardenesque ont généralement des

connaissances dans ces domaines et portent une attention particulière au bien-être des

végétaux13

.

L’implantation d’une serre, qui est essentielle à la croissance de végétaux exotiques,

s’associe au développement des connaissances et du goût pour les sciences naturelles. À

l’époque, les nombreuses expérimentations dans le domaine des sciences naturelles ont

permis d’affirmer que l’homme était un être capable de réflexion, d’imagination et

d’invention comparativement aux autres créatures vivantes qui peuplent la planète14

.

Cette compréhension de l’être vivant, mais plus particulièrement de l’homme et de son

milieu de vie, ainsi que de l’apport des sciences naturelles pour contrôler la croissance et

le bien-être des végétaux permet l’éveil d’une certaine conscience du pouvoir de

l’homme sur la nature. Le gardenesque, dans son aspect plus scientifique, témoigne

11

Downing, op. cit., p. 35. 12

Ibid., p. 418. 13

Par exemple avec la distanciation des végétaux pour une croissance plus libre. 14

William M. Taylor, The Vital Landscape. Nature and the Built Environment in Nineteenth-Century

Britain, Angleterre, Ashgate Publishing Ltd, 2004, p. 1.

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d’une meilleure compréhension de l’aspect « environnemental15

» et se distingue de fait

du pittoresque.

Finalement, Andrew Jackson Downing présente dans son traité ses propres

caractéristiques du gardenesque en s’inspirant directement des concepts de John Claudius

Loudon. Le style gardenesque est défini par cinq éléments distincts : la variété dans

l’aménagement et dans les végétaux, l’espacement des végétaux, l’arrangement

géométrique, avec la séparation des différents types de jardins, et l’importance des

sciences naturelles dans le travail du jardinier paysagiste.

3.2 Les grands domaines et le style gardenesque Cette section a pour objectif de démontrer, par l’étude de deux domaines de Sillery, la

présence du style gardenesque dans les aménagements paysagers que conçoivent les

propriétaires et jardiniers à partir de 1841. Nous tenterons donc, à l’aide des cartes

topographiques de l’époque et de documents textuels, de constater l’intégration du style

gardenesque sur les domaines en considérant les caractéristiques que propose Downing.

3.2.1 Woodfield

Comme mentionné dans le deuxième chapitre, le grand domaine de Woodfield est acquis

en 1816 par William Sheppard, qui en profite pour transformer la villa et l’environnement

naturel du domaine16

. Après l’incendie qui détruit la villa en 1842, Sheppard fait

construire une nouvelle résidence, située plus au centre du domaine17

. En 1847, William

Sheppard vend le domaine de Woodfield à Thomas Gibb, qui l’échange à son frère James

Gibb contre un autre domaine à Sainte-Foy18

. La carte de Sillery de 1865 (Figure 3.2),

produite peu avant l’incendie de 1867 qui détruit la nouvelle résidence, illustre la

demeure de James Gibb et sommairement l’aménagement paysager du domaine. Il est

possible de voir sur le domaine quelques sentiers traversant le terrain ainsi que de grandes

15

Taylor, Ibid., p. 5. 16

France Gagnon-Pratte, L’architecture et la nature à Québec au dix-neuvième siècle : les villas. Québec,

Ministère des Affaires culturelles, 1980, p. 324. 17

Ibid. 18

James McPherson LeMoine, Monographie et Esquisses. Québec, J.G. Gingras, 1885, p. 190.

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66

étendues de gazon, que les Anglais appellent « lawn » et qui sont parfois ponctuées

d’arbres. Dans ce cas-ci, les arbres semblent être regroupés en épaisse forêt ou séparés

individuellement (Figure 3.3). Si l’auteur de la carte a respecté la distribution des

végétaux sur le domaine, nous pouvons associer l’organisation individuelle des arbres à

l’une des caractéristiques du gardenesque, c’est-à-dire l’espacement des végétaux, pour

mieux apprécier leur caractéristique individuelle. Par ailleurs, la carte nous permet de

constater la présence de jardins de forme géométrique (Figure 3.4). Nous reconnaissons

de ce fait le mélange entre le jardin anglais (sentiers sinueux, petites forêts) et le jardin de

type français (géométrique) correspondant à l’esprit gardenesque dans l’aménagement

paysager.

En prenant en compte l’importance accrue donnée à la serre annexée à leurs demeures

(Figure 3.5), nous pouvons assumer que William Sheppard et James Gibb sont des

amateurs d’horticulture et qu’ils possèdent quelques connaissances dans la culture de

végétaux. LeMoine confirme cela dans une description qu’il fait du domaine et de

l’environnement d’habitation au temps de Sheppard, puis de Gibb :

« […] a new house was built on a more desirable and commanding site, in the

midst of splendid old oaks and pines, looking down upon an extensive lawn,

[…]. He also built a large conservatory in connection with the house. […]

James Gibb, at Woodfield, possesses one of the most charming places on the

American continent. […] Here is everything in the way of well-kept lawns,

graperies and greenhouses, outhouses for every possible contingency of

weather, gardens, redolent of the finest flowers, […], and every species of

fruit that can be grown19

. »

Sheppard et Gibb proposent des aménagements où, comme nous le voyons dans les

descriptions de LeMoine, les fleurs et les végétaux sont très présents. D’après la

description du journal Morning Chronicle, publié en 1869 (deux ans après la destruction

de la villa), la serre chaude abrite de nombreux végétaux exotiques, tels que des acacias

et des azalées20

. L’intérêt pour les végétaux exotiques, la présence de jardins

géométriques et de végétaux individualisés ainsi que l’intérêt pour l’horticulture nous

19

Id., Picturesque Quebec. Montréal, Dawson, 1882, p. 352-353. 20

LeMoine, Ibid., 1882, p. 353-354.

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portent à penser que Sheppard et Gibb ont conçu l’aménagement paysager du domaine

dans l’esprit du gardenesque.

3.2.2 Spencer Wood et Spencer Grange

En 1834, Henry Atkinson achète à bas prix le domaine de Spencer Wood de Michael-

Henry Percival21

. Pendant l’année qui suit, Atkinson voyage partout en Europe, à la

recherche d’antiquités, d’œuvres d’art ainsi que de plantes et de semences rares22

. Dès

son retour à Québec, il conçoit de magnifiques jardins autour de sa résidence et expose

ainsi sa passion pour l’horticulture scientifique23

. Il organise son domaine en une

propriété agricole rentable entourée de plusieurs champs, animaux, dépendances et arbres

fruitiers ; « il élève vaches, moutons, volailles et chevaux, puis couvre ses champs de blé

et de pommes de terre24

. » (Figure 3.6)

Grâce à la collaboration de Peter Lowe, jardinier écossais engagé par Atkinson en 1846,

les jardins de Spencer Wood (Figure 3.7) prennent forme et se distinguent par leurs

nombreux végétaux exotiques25

. LeMoine décrit ainsi l’aménagement paysager : « Un

jardin féérique de fleurs était situé en arrière du château nord […]. Il y avait aussi un

grand jardin fruitier et potager bien entretenu ; il était émaillé de plates-bandes de fleurs ;

le centre était orné de la plus charmante fontaine circulaire en marbre blanc […]26

. » Un

jardin floral géométrique, composé de plusieurs plates-bandes florales et agrémenté d’une

fontaine au centre, est ainsi aménagé près de la résidence27

(Figure 3.8). Après sa

reconstruction en 1863, à la suite d’un incendie, la résidence principale possède aussi une

grande serre chaude, annexée à la maison (Figure 3.9), pour y faire pousser des plantes

tropicales de même que plusieurs serres chauffées et des serres à forcer qui sont destinées

à la culture d’abricots, de pêches, de bananes, d’oranges, d’ananas et de raisins et même

21

Gagnon-Pratte, op. cit., p. 208. 22

Frédéric Smith, Cataraqui : histoire d’une villa à Sillery. Sainte-Foy, Québec, Publications du Québec.

2001, p. 21. 23

Benoît Bégin, « Bois-de-Coulonge », Magazine Continuité, Hors-série, nᵒ 1, automne 1990, p. 18. 24

Renée Gagnon-Guimond, « Henry Atkinson : gentilhomme et baron du bois », Cap-aux-Diamants : la

revue d’histoire du Québec, Vol. 4, Nᵒ 3, 1988, p. 20. 25

Ibid. 26

LeMoine, op. cit., 1885, p. 183. 27

Bégin, op. cit., p. 18.

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des fleurs tropicales, telles que des orchidées28

. D’après les notes de Peter Lowe, qui

s’occupe des nombreuses serres de Spencer Wood, Henry Atkinson possède trois types

de serres : une serre à orchidées, une serre chaude et une serre à ananas, la « pinery ». Il

donne aussi une description détaillée des végétaux qu’il produit dans ces serres ; il

exprime de ce fait son intérêt pour une horticulture scientifique et sa grande connaissance

de la rentabilisation et de l’utilisation de tous les types de serres :

« In the pinery were grown specimens of the Providence, Enville, Montserrat

and Queenpines – a plant of the latter variety, in fruit, being exhibited at the

Horticultural Exhibition, Montreal, in September, 1852, the fruit of which

weighed between five and six pounds, being the first pine-apple exhibited of

Canadian growth, but not the first grown at Spencer Wood; […].The

following are the names of a few of the plants grown in the stove-house:-

[…]; Amaryllis, […] ; Begonia, Crinums, Centradinias; Calumnias,

Drymonias; Euphorbias, Franciscias; Goldfussïa;[…]; Hibiscus ; Ipomoea ;

[…]; Musa-Cavendishii, which we fruited – the only one fruited in the

province to this day, to my knowledge – the bunch of fruit weighed ninety

pounds; […]; Passiflora; […];etc. In the orchid house, the following are a

portion of the names of plants grown be me: - Bletia ; Bolbophyllum;

Cyppripedium; Cymbedium; Catasetum ; […]. The houses containing the

above were heated by hot-water pipes for atmospheric heat and open tanks

forbottom heat; they were most complete of the kind I have seen either in

Canada or Great Britain – so much so, that, during my stay with Mr.

Atkinson, we used to produce for Christmas and New Year’s Day pine-

apples, cucumbers, rhubarb, asparagus and mushrooms, all in the same

house29

. »

L’aménagement des arbres et des arbustes sur le domaine est caractérisé par la mise en

place de massifs organisés en unités qui se détachent sur un boisé laissé au naturel30

(Figure 3.10). Cette organisation dénote d’un intérêt pour l’expression des

caractéristiques individuelles des végétaux et donc de l’intégration du style gardenesque

dans les aménagements paysagers.

28

Bégin, Ibid. 29

Ce que Peter Lowe nomme « Musa-Cavendishii » est une variété de banane. LeMoine, op. cit., 1882, p.

335. 30

Ibid.

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69

En 1849, Atkinson vend une grande partie de la propriété au gouvernement fédéral qui

veut y loger le troisième comte d’Elgin, James Bruce31

. Atkinson s’installe alors dans sa

seconde résidence, qui est située sur le domaine de Spencer Wood et qu’il nomme

Spencer Grange. C’est en 1844 qu’Atkinson fait construire Spencer Grange ; il y fait

notamment ériger une serre de cent pieds (Figure 3.11) où il cultive plusieurs végétaux

exotiques, dont l’orange, la pêche, l’amande et la figue32

. Par ailleurs, nous notons la

présence de jardins géométriques dans l’aménagement et nous y observons la même

organisation individuelle des arbres et des bosquets (Figure 3.12) qu’à Spencer Wood.

Atkinson emploie le style gardenesque en combinant des jardins de type français par la

symétrie des formes, et des jardins de type anglais avec une végétation laissée au naturel.

LeMoine décrit cet arrangement du domaine ainsi :

« Un coquet castel au milieu d’un bois, des massifs de chênes, d’érables, etc.,

groupés symétriquement au sein d’une verte prairie ; une longue avenue,

frangée d’un côté d’arbres forestiers ; de l’autre, d’une haie vive, mène à la

demeure. En face un orme séculaire, des sentiers dérobés dans la forêt

primitive à l’ouest […] deux jardins, l’un pour les fruits l’autre pour les

fleurs, disposés en terrasses et ceints de haies de lilas et d’arbustes […]33

. »

Cette description montre bien comment cet intérêt pour l’horticulture s’éloigne du

pittoresque au sens strict par la présence du jardin géométrique, la séparation des jardins

par type et l’apport spécifique qu’amène chaque végétal.

Nous pouvons dire que la conception des jardins de Spencer Wood et de Spencer Grange

s’inspire du style gardenesque par l’implantation de jardins géométriques, l’utilisation de

végétaux exotiques et de serres ainsi que par la composition visant l’unité d’une partie de

l’aménagement paysager. Le style gardenesque témoigne par ailleurs d’une plus grande

conscience de l’idée d’environnement, s’éloignant du même fait de l’aspect pictural que

propose le pittoresque. Ainsi, à partir des années 1845, les domaines de Woodfield et de

Spencer Wood/Spencer Grange sont transformés par les propriétaires d’une manière qui

s’accorde avec le style gardenesque, que cela soit fait consciemment ou non. En reliant

31

Smith, op. cit., 2001, p. 24. 32

Ibid., p. 21. 33

LeMoine, op. cit., 1885, p. 187-188.

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certaines caractéristiques spécifiques (géométrie, variation dans l’espacement des

végétaux) du paysage à une sensibilité par rapport au bien-être des végétaux et à une

nouvelle compréhension de l’environnement, qui a été développée par la popularisation et

l’utilisation des sciences naturelles dans les aménagements, le gardenesque s’éloigne des

concepts esthétiques rattachés au style pittoresque.

3.3 Le jardin canadien au XIXe siècle

L’époque victorienne se caractérise par l’intérêt pour les végétaux, renforcé par une

multitude d’éléments et notamment par la mise en place de grands jardins botaniques34

,

comme celui du Queen’s College à Kingston en Ontario (1861), la fondation de sociétés

d’horticulture et les expéditions dans le monde entier pour la recherche de semences et de

plantes exotiques35

. Cet enthousiasme pour les plantes engendre ainsi une redéfinition du

jardin, qui s’éloigne du besoin de créer un aménagement ressemblant à une peinture et où

chaque élément est regroupé pour créer une simple vision esthétique d’ensemble, et qui

favorise désormais l’épanouissement des qualités esthétiques de chaque végétal (couleur,

forme et texture). Cette nouvelle tendance confirme l’approche éclectique du jardin où

chaque secteur du jardin est autonome et présente des végétaux différents, suivant le goût

des propriétaires, par exemple un potager, un verger, un jardin aromatique, un jardin de

fleur, un jardin exotique, etc.36

Il est évident que les progrès techniques ont grandement

aidé à renforcer cette approche du jardin37

. Ils ont aussi favorisé la création de nouveaux

outils, de nouvelles méthodes de travail et de culture ainsi que la construction de serres

34

«Un jardin botanique diffère d’un parc public ou d’un parc d’exposition en ce qu’il inclut une collection

documentée de plantes herbacées ou ligneuses servant à la recherche scientifique ou à l’enseignement. La

disposition des plantes dans un jardin botanique se fait souvent selon une séquence d’évolution botanique,

ou par origine géographique, par l’utilisation particulière ou par fonction. […] Le premier Jardin botanique

au Canada a été créé en 1861 par George Lawson au Queen’ s College à Kingston, en Ontario, mais il a

existé seulement jusque dans les années 1870. » Ce n’est qu’en 1931 que Québec connaît son premier

jardin botanique avec le Jardin botanique de Montréal créé par le frère Marie-Victorin. Roy L. Taylor, 3

avril 2015, «Jardin botanique», Historica Canada, [En ligne],

http://www.encyclopediecanadienne.ca/fr/article/jardin-botanique-1/, (consulté le 11 septembre 2016)) 35

Stefan Koppelkamm, Glasshouses and Wintergardens of Nineteenth Century, États-Unis, Rizzoli

International Publication, Inc. 1981, p. 15. 36

Downing, op. cit., p. 25, 70, 72-75, 443. 37

Koppelkamm, op. cit., p. 14-15.

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plus efficaces, équipées de systèmes de chauffage et d’aération pour chaque type de

végétaux38

.

Le XIXe

siècle voit se développer une importante évolution des styles de jardins, qui se

réinventent en fonction de la mode et du goût des propriétaires. Comme l’explique Ron

Williams, chaque décennie possède son style de jardin et voit passer divers styles

anciens : « The Italian Renaissance, walled gardens of the Tudor Era, Dutch topiaries, the

parterres of the French Renaissance, and the herbaceous borders of English tradition

[…]39

. » Divers aménagements et organisations de jardins sont conçus à l’époque,

notamment la rocaille et le paysage sauvage. À une autre période, l’accent est mis sur une

plante ou sur un arbre en particulier ; parfois il s’agit de conifères, de fleurs tropicales, de

fougères ou de plantes en provenance d’Asie, comme le rhododendron40

(Rhododendron

arboreum41

). Williams explique que la période victorienne connaît une diversité

d’esthétiques et que, pour pouvoir créer et recréer ces différents prototypes de jardin, les

jardiniers ont accès à un savoir horticole, à des outils et des méthodes et à des végétaux

adaptés au climat du Canada42

. Williams démontre qu’au XIXe siècle, les jardiniers

peuvent avoir accès à ces éléments de trois différentes manières : « first, by the

identification of appropriate native plants and their introduction to the garden; second, by

the importation and integration of foreign plants; and finally, by the development of new

cultivated varieties, or cultivars, capable of living under Canadian conditions43

. » Fortier

nous explique, dans son ouvrage, que pendant le Régime français les autorités, les

communautés religieuses et quelques propriétaires de terrains à Québec (jardins privés)

organisent leurs jardins pour faire des expérimentations sur des semences et des plantes

du Canada et de la France, puis les intègrent dans des prototypes de jardins canadiens44

.

Au XIXe siècle, les pionniers en botanique et en horticulture scientifique poursuivent ces

38

Taylor, Ibid., p. 7. 39

Ron Williams, Landscape Architecture in Canada, Montréal, McGill-Queen’s University Press, 2014, p.

171. 40

Ibid. 41

John Claudius Loudon, Encyclopaedia of Plants, Londres, Longmans, Green and Co., 1880, p. 358. 42

Williams, op. cit. 43

Ibid., p. 171-172. 44

Marie-Josée Fortier, Les jardins d’agrément en Nouvelle-France. Étude historique et cartographique,

Québec, Les Éditions GID, 2012, p. 248-259 et 366-369.

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travaux sur les plantes locales et font de grandes contributions dans le domaine des

sciences naturelles au Bas-Canada. C’est le cas de l’abbé Léon Provencher, qui voit à la

création d’une nomenclature et à l’enseignement de l’horticulture et des sciences

naturelles chez la population canadienne (surtout française) par la publication d’ouvrages,

tels que le Traité élémentaire de botanique (1858) et la Flore canadienne (1862)45

.

Ce type d’ouvrages est également populaire chez la population anglophone de Québec.

En effet, dès 1811, Québec est témoin d’un enthousiasme pour l’horticulture et la

botanique chez quelques résidents des grands domaines de Sillery. C’est le cas

notamment de Michael-Henry Perceval, propriétaire de Powell Place en 1811, qu’il

renomme Spencer Wood par la suite, et de son épouse Anne Mary Flower Perceval.

Passionnée de botanique, Mme Perceval parcourt à l’époque son nouveau domaine, à la

recherche des végétaux qui lui rappellent son enfance en Angleterre ainsi que des fleurs

qui caractérisent son nouveau pays d’accueil. Elle n’est pas la seule à s’adonner à ces

recherches ; Henriette Campbell, épouse de William Sheppard, parcourt le grand domaine

de Woodfield, que son époux acquiert en 1816, à la recherche d’espèces qu’elle découvre

dans ses livres de référence en botanique46

. Mme Perceval et Mme Sheppard font des

séances d’herborisation en étudiant le territoire des grands domaines de Sillery et en

recensant les plantes indigènes, dont plusieurs espèces de fougères47

. Ces végétaux sont

très appréciés des botanistes de terrain qui habitent Québec ; c’est le cas notamment de la

comtesse Dalhousie, qui arrive en 1816 à Québec et qui habite avec son époux, le

gouverneur en chef de l’Amérique du Nord britannique, au château Saint-Louis dès

182048

. Ayant développé, tout comme les autres bourgeois de l’époque, un goût pour la

botanique, la comtesse entreprend ses investigations botaniques et identifie de

nombreuses plantes indigènes au Québec ainsi que d’autres, introduites par les colons

français et anglais49

. En 1827, la comtesse expose même ses trouvailles lors d’une séance

45

Jean-Marie Perron « Provancher, Léon », Dictionnaire biographique du Canada, Vol. 12, Université

Laval/University of Toronto, 2003–, http://www.biographi.ca/fr/bio/provancher_leon_12F.html, (consulté

le 2 septembre 2016) 46

Suzanne Hardy, « Les ladies de Sillery », Quatre-Temps, vol.32, nᵒ2, 2008, p. 22. 47

Ibid. 48

Ibid., p. 23. 49

Ibid.

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73

de la Literary and Historical Society of Quebec50

, qui publie son catalogue de plantes

dans un rapport en 182951

.

Dans son catalogue, la comtesse privilégie quelques lieux de Québec pour recueillir ses

espèces de végétaux ; c’est le cas de plusieurs domaines de Sillery, dont Thornhill52

, qui

possède d’épais bouquets de sapins et d’aubépines sur tout le domaine53

. Comme

l’explique Hardy, les botanistes apprécient les boisés de conifères de Sillery et y font de

nombreuses découvertes54

en empruntant les sentiers sinueux qui parcourent les domaines

et en recueillant de précieux spécimens, qu’ils conservent ou qu’ils envoient en

Angleterre et en Écosse. Hardy mentionne que Mme Perceval et Mme Sheppard sont

même en rapport avec le professeur de botanique de l’Université de Glasgow en Écosse,

William Jackson Hooker55

, qui s’intéresse à la flore du Québec56

. Un grand nombre de

végétaux, indigènes ou introduits, et de spécimens de fleurs, minutieusement collectés par

ces femmes, lui ont été expédiés.

Les jardins canadiens prennent forme en s’appuyant d’abord sur ce type d’ouvrages, puis

s’implantent grâce à l’intérêt toujours grandissant pour l’horticulture de la bourgeoisie

émergente de Québec. Résidant dans les domaines en périphérie de la ville de Québec,

50

La Literary and Historical Society of Quebec fut fondée le 6 janvier 1824. « Le comte de Dalhousie,

gouverneur général du Canada de 1820 à 1828, est un des principaux instigateurs de cette société bilingue

qui reçoit sa charte royale en 1831 »; le mandat de la société est de conserver, de mettre en valeur et de

diffuser les documents historiques de la colonie. C’est à l’aide de nombreuses publications qu’elle expose à

la communauté que la société partage ses découvertes. Plusieurs hommes influents ont été président de la

société, dont William Sheppard, qui a aussi participé à la fondation de la société, en 1833-1834, 1841, 1843

et 1847 ainsi que James MacPherson LeMoine en 1871, 1879-1882, 1902-1903. Carman V Carroll, Mise à

jour 3 avril 2015, « Literary and Historical Society of Quebec », Historica Canada, [En ligne], <

http://www.thecanadianencyclopedia.ca/en/article/literary-and-historical-society-of-quebec/>, (consulté le

15 septembre 2016). 51

Literary and Historical Society Of Quebec, Transactions of the Literary and Historical Society of

Quebec, Québec, imprimé par Middleton & Dawson à la Gazette General, 1829, p. 255-262. 52

Hardy, op. cit., p. 23-24. 53

LeMoine, op. cit., 1885, p. 180. 54

Hardy, op. cit., p. 23-24. 55

Sir William Jackson Hooker (1785-1865) est un botaniste anglais reconnu pour avoir été le premier

directeur du Royal Botanic Garden de Kew, près de Londres. Pendant sa carrière de professeur de

botanique à l’Université de Glasgow, il a notamment étudié plusieurs végétaux tels que la fougère, le

lichen, les algues et les champignons, ce qui a grandement enrichi les connaissances dans le domaine.

Encyclopaedia Britannica, mise à jour 2016, « Sir William Jackson Hooker », Encyclopaedia Britannica

Inc., [En ligne], < https://www.britannica.com/biography/William-Jackson-Hooker>, (16 septembre 2016). 56

Hardy, op. cit.

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74

ces bourgeois voyagent en Europe et rapportent des semences, des plantes et des

ouvrages de référence pour faire leur propre aménagement paysager57

. Cette population

prône une esthétique et un certain style qui revient souvent dans leurs jardins. Au début

du XIXe siècle, leur intérêt reste ancré dans le pittoresque et la recherche des

caractéristiques esthétiques rappelant l’Angleterre. Cependant, la curiosité scientifique

passe au premier plan vers 1840 et transforme les jardins en quelque chose de différent,

où le pittoresque existe toujours, mais où il est comme encadré par de nouvelles

préoccupations. L’accent est mis sur chaque élément végétal ; non seulement sur la

couleur de la plante, mais aussi sur sa forme et sa composition. Cette attention aux

propriétés spécifiques de chaque végétal valorise l’implantation de végétaux exotiques

dans l’aménagement.

L’intérêt pour la botanique et l’horticulture de même que la recherche de nouveaux

végétaux, le besoin d’acquérir des semences de fleurs exotiques et le désir d’exposer ses

accomplissements provoquent le regroupement de plusieurs hommes influents de la ville

de Québec. Ainsi, dès 1851, Québec possède sa propre société d’horticulture, tout comme

Montréal qui inaugure sa société dès 184658

. Fondée le 29 août 1851 par plusieurs

notables anglais de la ville de Québec59

, dont James Gibb et Edward Burstall, la Quebec

Horticultural Society se donne comme mandat « to improve the Art, Science and

Products of Horticulture, by means of Public Exhibitions, to be held periodically,

[…]60

. » En 1867, la Société organise un concours d’exposition de végétaux pour ses

membres et pour les amateurs d’horticulture. Les organisateurs divisent le concours en

deux classes, pour les membres de la Société et pour les amateurs, puis proposent la

présentation d’une soixantaine de catégories de végétaux. Les amateurs peuvent ainsi

57

Frédéric Smith, Parc du Bois-de-Coulonge, Québec, Fides, 2003, p. 21 et Hardy, op. cit., p. 22.

Soulignons aussi que LeMoine mentionne l’ouvrage de Downing et que le Gardener’s Magazine de Loudon

parle souvent du Canada. John Claudius Loudon, The Gardener’s magazine and register of rural &

domestic improvement, Londres, volume 1-10, 1826-1834 58

Gaétan Deschênes, Histoire de l’horticulture au Québec, Québec, Éditions du Trécarré, 1996, p. 50. 59

Plusieurs des membres de la société sont (ou seront) propriétaire de grands domaines à Sillery, dont

Edward Burstall (Kirk Ella), James MacPherson LeMoine (Spencer Grange), Charles Ernest Levey

(Cataraqui), James Gibb (Woodfield), John Gilmour (Marchmont). Quebec Horticultural Society, List of

officers, and schedule of prizes offered for the year 1867, also rules and regulations, Québec, imprimé par

A. Coté & Co., 1867. 60

Quebec Horticultural Society, Proceedings connected with the formation of the Quebec Horticultural

Society and its constitution, Québec, imprimé par T. Cary au 2 rue Buade, 1851, p. 1.

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75

exposer leurs plus belles variétés de plantes en pot ou leurs plus belles fleurs coupées.

Plusieurs types de végétaux peuvent être admirés : des végétaux qui ont poussé en serre,

des plants de pétunias, de fuchsias, de roses, de dahlias, de phlox et de zinnias ainsi que

des raisins, des nectarines, des prunes, des melons, des tomates, du maïs, des

concombres, etc.61

Ces expositions sont très populaires auprès de la population

bourgeoise de Québec et attirent même, en 1888, le lieutenant-gouverneur du Québec62

,

Auguste-Réal Angers. En 1888, James Macpherson LeMoine est président de la Société

d’horticulture de Québec et à ses côtés nous retrouvons notamment Richard Reed Dobell,

propriétaire de la villa de Beauvoir à Sillery. Lors de l’événement de 1888, les gagnants

(1er

prix et 2e prix) de l’exposition des plus beaux végétaux reçoivent un montant variant

entre 1,50 $ et 6 $, selon la catégorie de végétaux, le plus gros montant étant décerné à

celui qui présente la plus belle collection de dix variétés de pommes (cinq pommes par

variétés, avec leurs noms)63

. La création de nouvelles variétés de pommes, qui fait partie

des expérimentations de l’époque, démontre que les amateurs d’horticulture ont assimilé

des techniques assez complexes, telles que la pollinisation croisée et la greffe.

Les différents types de jardins (potager, jardin de fleurs, verger, jardin exotique, etc.)

proposés par Downing dans son traité, sont intégrés au jardin canadien. Il est difficile de

déterminer exactement les végétaux qui poussaient dans les jardins de la ville de Québec

à cette époque, mais d’après un rapport de l’Association canadienne des cultivateurs de

fruits, de fleurs et de légumes, daté de 1872, il était possible de trouver dans les potagers

du Canada des asperges, des haricots, des betteraves, du brocoli, des carottes, des

concombres, du maïs, de la salade, des pommes de terre, des pois, etc64

. En ce qui

concerne les vergers, il était possible d’y retrouver plusieurs variétés d’arbres fruitiers,

tels que les pommiers, les pruniers, les pêchers et les poiriers ainsi que des petits arbustes

61

Id., List of officers, and schedule of prizes offered for the year 1867, also rules and regulations, Québec,

imprimé par A. Coté & Co., 1867. 62

Id., List of Officers, Schedules of Premiums, and Rules and Regulations of the Exhibition to be held at

Quebec, On Wednesday and Thrusday, the 5th and 6th September, 1888, under the patronage of His Honor

the Lieutenant-Governor, Québec, imprimé à la Morning Chronicle’s Office, 1888. 63

Ibid. 64

D. W. Beadle, Canadian Fruit, Flower and Kitchen Gardener. Toronto, James Campbell & Son, 1872,

pp. 194-265.

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de fruits sauvages comme des framboisiers et des mûriers65

. Le jardin canadien est

évidemment constitué de jardins de fleurs contenant différentes variétés de végétaux

indigènes et exotiques aux fleurs éclatantes. Nous pouvons admirer dans des jardins des

géraniums, des roses, des dahlias, du pourpier, de la lavande, etc66

. À Québec, les

végétaux indigènes se mélangent avec des végétaux introduits par les propriétaires et les

jardiniers connaisseurs. La serre devient alors un outil indispensable pour la production

de fruits exotiques67

, comme l’ananas, l’abricot, la banane, le raisin et la figue, qui font

fureur à l’époque dans certains des riches domaines de Québec.

3.4 La serre à Québec La serre n’est pas un objet associé directement au style gardenesque, puisqu’elle est

présente aussi dans l’esthétique du pittoresque. Par contre, dans le discours d’Andrew

Jackson Downing, de John Claudius Loudon et même de James Macpherson LeMoine, la

serre est perçue comme un objet scientifique utilisé par les amateurs d’horticulture et de

botanique pour cultiver des végétaux rares et exotiques. Cet attrait pour les sciences

naturelles, démontré par la présence de la serre, participe dans le même esprit que le style

gardenesque, en lui accordant une importance nouvelle.

Les nombreuses expérimentations sur les végétaux ont souvent été réalisées dans des

serres. Objet le plus représentatif de la popularisation des sciences naturelles à Québec et

de l’influence anglaise de Loudon et de Downing, la grande popularité des serres dans la

deuxième moitié du XIXe siècle à Québec résulte de la révolution industrielle et

conséquemment de l’évolution des méthodes de construction qui permet l’introduction du

« confort moderne » dans les résidences68

. L’exploitation de l’acier et du verre en

Angleterre soulève l’enthousiasme des constructeurs pour ces matériaux et pour de

nouvelles structures, synonyme de la modernité à l’époque. Le phénomène s’inscrit

tranquillement à Québec et c’est en « profitant de la nouvelle technologie de verre et

65

Ibid, pp. 61-119. 66

LeMoine, op. cit., 1882, p. 295. 67

Ibid., p. 341 68

Gagnon-Pratte, op. cit., p. 129.

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d’acier [que] quelques propriétaires rivalisent d’opulence dans la construction de vastes

serres et de jardins d’hiver69

. »

L’aspect luxueux de la serre est évoqué par James MacPherson LeMoine, qui souvent

nous présente la magnificence de la serre dans l’environnement enneigé des paysages

hivernaux de la ville de Québec. L’aspect morne des végétaux de la saison froide du nord

de l’Europe et du Canada peut être agrémenté par la présence d’une serre et donner au

propriétaire « […] a delightful contrast between a barren outdoor landscape and an indoor

illusion of springtime […]70

. » Ce contraste entre l’hiver frigorifiant et la végétation

luxuriante est donc très apprécié par la population bourgeoise de l’époque, qui remplit ses

serres de fleurs et de fruits exotiques. LeMoine présente la serre, située sur le domaine de

Kirk Ella dès 1860, qui regroupe notamment plus d’une cinquantaine de camélias

(originaires d’Asie) fleurissant en plein hiver :

« The next objet which catches the eye is the conservatory in which is

displayed the most extensive collection of exotics in Sillery. In the centre of

some fifty large camellia shrubs there is a magnificent specimen of the

fimbriata variety – white leaves with a fringed border; it stands twelve feet

high with corresponding breadth. When it is loaded with blossoms in the

winter the spectacle is exquisitely beautiful71

. »

LeMoine fait une observation relativement semblable en parlant de la serre annexée à la

résidence du domaine Cataraqui :

« What, indeed, can be more gratifying, during the artic, though healty,

temperature of our winter, than to step from a cosy drawing-room, with its

cheerful grate-fire, into a green, floral bower, and inhale the aroma of the

orange and the rose, whilst the eye is charmed by the blossoming camellia of

virgin whiteness; the wisteria, spirea, azalea, rhododendron, and odorous

daphne, all bleeding their perfume or exquisite tints72

. »

Dans ses descriptions, LeMoine manifeste son attachement pour les fleurs colorées et

parfumées que présentent souvent les végétaux exotiques.

69

Ibid. 70

Andreas Stynen, « Une mode charmante: nineteenth-century indoor gardening between nature and

artifice », Studies in the history of gardens & designed landscapes, Vol. 29, N° 3, 2009, p. 221. 71

LeMoine, op. cit., 1882, p. 379. 72

Ibid., p. 381.

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Dans le même esprit que LeMoine, Downing porte une attention particulière à la beauté

des fleurs exotiques et à leur contraste avec l’hiver lorsqu’elles sont placées dans une

serre annexée à la résidence. Il explique qu’il est préférable d’attacher la serre à la

demeure, car : « Nothing can be more gratifying than a vista in winter through a glass

door down the walk of a conservatory, bordered and overhung with the fine forms of

tropical vegetation, - golden oranges glowing through the dark green foliage, and gay

carrollas lighting up the branches of Camellias, and other floral favourites73

. »

Dans la seconde moitié du XIXe siècle, la serre est également perçue comme une sorte de

théâtre permettant de constituer des environnements ludiques et de générer des scènes

exotiques74

. L’utilisation de techniques de régularisation de la température et de

l’humidité permet ainsi de générer de véritables jungles artificielles où se côtoyaient

végétaux et parfois des animaux. Certains auteurs de l’époque tel que Henry Noel

Humphreys, proposent des articles complets sur la culture en serre en présentant les

diverses possibilités d’arrangements décoratifs de végétaux dans le but précis de « relieve

the spectator from the impression that he is walking under glass75

» et de créer de

véritables spectacles exotiques. Humphreys mentionne notamment que les barres d’acier

soutenant la structure peuvent être arrangées de manière irrégulière pour leur donner

l’aspect de branches d’arbres76

et pour créer une atmosphère digne d’une forêt exotique.

Les nombreux végétaux, placés précisément dans la serre pour cacher les matériaux qui la

composent, ainsi que les insectes et les poissons souvent ajoutés à ce microécosystème

sont ainsi exposés, telle une collection d’œuvres exotiques. La serre accorde à l’homme

un certain pouvoir de contrôle sur son milieu de vie par la création d’un environnement

artificiel à l’intérieur de la serre.

73

Downing, op. cit., p. 379. 74

Howard Leathlean, « Gardenesque to Home Landscape: The Garden Journalism of Henry Noel

Humphreys », Garden History, Vol. 23, Nᵒ 2, hiver 1995, p. 180-182. Andreas Stynen, « Une mode

charmante: nineteenth-century indoor gardening between nature and artifice », Studies in the history of

gardens & designed landscapes, Vol. 29, N° 3, 2009, p. 217-221. 75

Henry Noel Humphreys, « On the Picturesque in Hothouses », Gardener’s Magazine of botany,

horticulture, floriculture, and natural science, Vol. 3, janvier- décembre 1851, p. 2. 76

Leathlean, op. cit., p. 181.

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Pour réussir à faire croître des fleurs exotiques à Québec, et ce même en plein hiver, les

propriétaires et jardiniers de serres doivent connaître certaines notions techniques quant à

l’humidité, la température et l’aération des serres, qui sont accessibles à l’époque dans

notamment les traités de Downing et de Loudon.

La lumière est pour Downing l’un des aspects les plus importants à considérer dans

l’élévation d’une serre. Il explique qu’il est essentiel (et évident) pour le bien-être des

végétaux que le toit soit totalement en verre pour faire entrer directement la lumière ; si

possible la structure doit, de plus, être située au sud, au sud-est ou au sud-ouest du

domaine77

. Tout en donnant des astuces pour l’inclinaison du toit, Downing mentionne

que de petites plaques de verre sont à privilégier pour le toit ; d’une plus grande solidité,

les petites plaques de verre sont utiles pour soutenir la lourde neige du nord de

l’Amérique78

.

La chaleur est très importante dans une serre puisqu’elle permet de maintenir la

croissance des végétaux lors de temps plus froid et de veiller à leur survie pendant

l’hiver. Downing explique que lorsque la serre est reliée à la résidence, il est préférable

d’utiliser un chauffage indépendant pour diminuer le risque de variation de la

température79

. C’est le cas notamment de la serre de Morton Lodge, qui possède une

cheminée indépendante de la résidence (Figure 3.13). D’un autre côté, il ajoute que si la

serre est petite, celle-ci peut profiter du chauffage de la pièce adjacente. Quant au

système de chauffage, Downing écrit en 1841 que le système le plus économique reste le

chauffage à air chaud, qui est possible grâce à une chaudière située près de la serre. Par

contre, il souligne qu’un nouveau système de chauffage à eau chaude est disponible80

et

qu’il est beaucoup plus efficace :

« Latterly, its [chauffage à air chaud] place has been supplied by hot water

circulated in large tubes of three or four inches in diameter from an open

77

Downing, op. cit., p. 380. 78

Ibid. 79

Ibid., p. 381. 80

Le chauffage à eau chaude, bien que disponible vers 1841, ne sera popularisé que vers 1850 aux États-

Unis et certainement un peu plus tard au Canada.

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80

boiler […] which employs small pipes of an inch in diameter hermetrically

sealed. Economy of fluel and in the time requisite in attendance, are the chief

merits of the hot water systems, which however have the great advantage of

affording a more moist and genial temperature81

. »

L’aération et l’humidité dans une serre sont difficiles à contrôler l’été et particulièrement

l’hiver. Downing ne porte pas d’attention particulière à ces questions dans son traité bien

qu’il mentionne que l’un des avantages d’un système de chauffage à eau chaude est que

l’air réchauffé est également humidifié. Loudon quant à lui répertorie les diverses options

pour bien ventiler une serre, options qui ont été découvertes à partir de nombreuses

expérimentations scientifiques de chercheurs européens. Pour les serres qui ne sont pas

reliées à une résidence, il propose, par exemple, l’installation d’antichambres aux deux

extrémités de celle-ci qui, lorsqu’une personne entre, se remplit d’air, puis se mêle avec

l’air de la serre lorsque la personne passe de l’antichambre à la serre82

. L’air frais de

l’extérieur est réchauffé par sa séance dans l’antichambre, puis il est dispersé dans la

serre, sans que les végétaux subissent l’effet néfaste du froid extérieur. Pour la période

estivale, il est certain que l’ouverture des fenêtres est préconisée pour une bonne aération

de la serre83

. La serre de Morton Lodge (Figure 3.14) présente également de nombreuses

fenêtres à auvent situées sur presque toute la longueur du bâtiment, favorisant

certainement une bonne aération à l’intérieur. Quant au taux d’humidité dans la serre,

Loudon, comme Downing, estime que le chauffage à l’eau chaude est la méthode la plus

appropriée pour le contrôler84

.

Il existe différents types de serres qui permettent la culture de tous les végétaux

exotiques ; il suffit de varier le taux d’humidité et la température. Ainsi, il est possible à

l’aide de toiles couvrant les fenêtres de protéger les végétaux des rayons du soleil, qui

peuvent être trop chauds pour certaines espèces. Plusieurs jardiniers préfèrent cultiver

une seule variété de plantes dans leur serre ; c’est le cas d’Henry Atkinson, qui possède,

en 1849, une serre à orchidées et une serre à raisins sur son domaine de Spencer

81

Downing, op. cit., p. 381-382. 82

John Claudius Loudon, Remarks on the construction of Hot-Houses, Londres, Architectural Library,

1817, p. 65. 83

Ibid., p. 70. 84

Ibid., p. 53, 55-67.

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81

Grange85

, ainsi que de Charles Elzear Levey, qui fait construire une serre horticole et une

serre viticole (Figure 3.15) près de sa résidence à Cataraqui en 186386

. Richard Reid

Dobell, en 1871, possède sur son domaine de Beauvoir une serre en berceau (Figure 3.16)

pour ses arbres à fruits tropicaux et une serre à un versant pour ses vignes (Figure 3.17)87

.

D’après Pierre Vachon, le propriétaire de la villa possède, en fait, deux types de serres :

« l’un [e], contigu [e] à la maison, était un quadrilatère de vingt-cinq pieds sur vingt-cinq

surmonté d’une voûte vitrée atteignant quinze pieds de hauteur, un petit couloir reliait

cette section à une deuxième [serre] longue de cent pieds sur vingt de largeur et dix-huit

de hauteur maximale, recouvertes d’une toiture à un seul versant88

. »

La première serre en berceau dont parle Vachon et qui est contigüe à la résidence, semble

être une serre chaude pour la culture de fleurs et de fruits exotiques. La seconde serre, à

un seul versant, située à la suite de la première, semble être une serre à forcer pour la

culture du raisin. Il est aussi possible de voir ce type de serre à un seul versant annexée à

la résidence des Price89

(Figure 3.18), à Wolfefield, où les propriétaires peuvent y faire

pousser leurs végétaux90

. Le propriétaire du domaine de Hamwood, Robert Hamilton,

possède lui aussi en 1865 une grande serre annexée à sa résidence. La serre à deux

versants peut être utilisée pour la culture de fruits ou de fleurs exotiques, très présents sur

le domaine, comme l’explique LeMoine : « See yonder mansion, its verdant leaves, with

the leafy honours of nascent spring encircling it like a garlant, exhaling the aroma of

countless bufs and blossoms, embellished by […], grapery, avenues of fruit and floral

trees91

. » Dans le même style, la villa Marchmont, propriété de John Gilmour dès 1848,

possède aussi une serre attachée à la résidence, comme nous pouvons le voir sur une carte

85

LeMoine, op. cit., 1882, p. 346. 86

Smith, op. cit., p. 40. 87

Paul-Émile Vachon, Beauvoir, le domaine, la villa. Fascicule II : 1850-1929, Document S.M. Canada,

8, Cap-Rouge, Pierre Allard, s.m., éditeur, 1977, s.p. 88

Ibid. 89

William Price réside à Wolfefield de 1827 à 1867, puis le domaine passe aux mains de John Evan Price

de 1867 à 1960. 90

Gagnon-Pratte, op. cit., p. 321-323. 91

LeMoine, op. cit., 1882, p. 417.

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82

(Figure 3.19) datée de 186792

. LeMoine explique que la serre annexée à la résidence est

utilisée pour la culture d’une riche collection de fleurs et que les autres « serres chaudes »

servent à « la culture de la vigne93

».

Comme pour les résidences, la serre peut avoir plusieurs styles, en fonction du goût du

propriétaire et de son désir de l’harmoniser avec la demeure. À Sillery, les serres

construites en annexe de la résidence s’accordent, de manière générale, avec le style de

celle-ci. C’est le cas de Holland House où une magnifique serre en berceau (Figure 3.20)

s’accorde avec le style néogothique de la résidence construite en 184894

. La villa fut

d’abord construite en 1767 dans un style classique (Figure 3.21), pour être démolie en

1843 par George O’Kill Stuart, puis reconstruite en 1848 avec l’ajout d’une serre

majestueuse. Située sur un domaine de dimensions imposantes (Figure 3.22), la villa

s’élève dans un vaste parc boisé agrémenté de jardins. Des plantes grimpantes animent le

bâtiment de verre utilisé pour la culture de végétaux exotiques (figure 3.23), et illustrent

bien les connaissances du propriétaire en matière d’aménagement paysager ainsi que

l’importance que prend la serre à partir de 1840.

Le style néogothique est également présent à la villa Highlands de John Theodore Ross,

située sur le côté nord du chemin Saint-Louis, qui en 1897 est améliorée et agrandie par

Harry Staveley95

. Celui-ci fait l’ajout notamment d’une serre de cinquante pieds à l’ouest

92

Courtney C. J. Bond, « Gilmour, John », Dictionnaire biographique du Canada, Vol. 10, Université

Laval/University of Toronto, 2003-, [En ligne], < http://www.biographi.ca/fr/bio/gilmour_john_10F.html>,

(consulté le 25 septembre 2016). 93

LeMoine, op. cit., 1882, p. 324 et Id., op. cit., 1885, p. 175. 94

Gagnon-Pratte, op. cit., p. 256-258. 95

Harry Staveley (1848-1925) est le second membre d’une dynastie familiale active en architecture à

Québec de 1845 à 1960. Il est le fils de l’architecte Edward Staveley et le petit fils de Christopher Staveley,

architecte, ingénieur et arpenteur, de Leicester en Angleterre. Edward Staveley s’installe à Québec en 1844,

puis s’associe de 1845 à 1846 à Frederick Hacker, influent architecte britannique formé dans l’atelier

londonien de John Nash. Il choisit ensuite de « s’imposer à Québec, auprès de la bourgeoisie anglophone

qui lui a commandé maisons, villas, magasins, écoles et églises […]. » Harry s’associe à son père en 1863

et amorce une riche carrière auprès de la firme familiale Edward Staveley and Son, puis devient

« l’architecte victorien par excellence de Québec. » Pendant sa carrière, Harry touche à plusieurs styles

architecturaux, passant par le néoclassicisme puis par le pittoresque américain. Il « emprunte aussi au

répertoire Second Empire, en se cantonnant toutefois […] dans une interprétation fantaisiste, inspirée par

les livres de modèle de la côte-est des États-Unis […]. » En 1900, Edward Black, fils de Harry Staveley,

embrasse aussi la carrière d’architecte et se joint à la firme Staveley and Staveley. Très au fait des

tendances de l’architecture britannique, Edward met son talent de création au profit de la firme dont la

renommée s’étend au-delà de la ville de Québec (Jonquière, Breakeyville, Roberval). Luc Noppen,

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83

de la résidence de style néogothique. À partir du plan de la villa (Figure 3.24), nous

pouvons voir la serre proposée par Staveley, qui s’harmonise avec l’apparence de la

demeure.

Quelques années avant Highlands, les architectes Staveley travaillent à l’amélioration de

la résidence de Robert Hamilton, nommée Hamwood, située sur le chemin Sainte-Foy.

L’illustration de la résidence en 1865 (Figure 3.25), puis en 1921 (Figure 3.26) montre en

partie la serre qui est annexée à l’ouest de la demeure de style Regency. Reliée à la

résidence par un petit passage de verre, la serre présente un toit de verre en pente à

deux versants. D’une longueur remarquable, elle semble avoir été surélevée sur un

monticule de terre pour qu’elle soit au même niveau que la galerie de la résidence, ce qui

donne un aspect majestueux à l’ensemble.

La typologie des serres situées sur les domaines de Sillery est déterminée par la catégorie

de végétaux qui sont entreposés à l’intérieur. Nous parlerons ici de trois types de serres

qui semblent être les plus populaires dans la ville de Québec en nous appuyant sur un

traité de l’auteur français Louis Neumann nommé L’art de construire et de gouverner les

serres96

. Dans ce traité l’auteur décrit chaque type de serres en précisant certaines

spécifications que nous ne retrouvons pas dans les textes de Loudon ou de Downing,

notamment l’aération, le niveau d’humidité et de chaleur, la température et le type de

végétaux qui peut y être accueilli.

Le premier type de serres est la serre à forcer, qui est utilisée pour amener des arbres

fruitiers à donner leurs fruits en dehors de la période de mûrissement habituelle. Les

serres à forcer sont très populaires dans les régions nordiques, puisqu’elles permettent

d’avoir des fruits pendant la longue saison d’hiver. Il est possible d’accorder une serre à

chaque espèce d’arbres fruitiers ; il y a, par exemple, la serre aux pêchers (Peach-house),

la serre aux raisins (Vinery), la serre aux cerises (Cherry house), la serre aux figues (Figs

« Staveley, Harry », Dictionnaire biographique du Canada, Vol. 15, Université Laval/Université de

Toronto, 2003-, [En ligne] <http://www.biographi.ca/fr/bio/staveley_harry_15E.html>, (consulté le

19 septembre 2016). 96

Louis Neumann, L’art de construire et de gouverner les serres, Paris, Audot, Libraire-Éditeur, 1846, 176

p.

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84

house), etc.97

Toutefois, selon Neumann, les arbres fruitiers peuvent facilement être

cultivés dans la même serre, si celle-ci est assez grande et si les variétés de fruits

demandent la même température de croissance. La serre à forcer est toujours située en

plein sud et elle est construite à un seul versant ; le mur du côté nord doit être très épais et

recouvert d’un crépi pour contrer les vents froids98

. Pour éviter une trop grande humidité,

le plancher de la serre doit être au niveau du sol et peut même être surélevé. Ce type de

serre doit être totalement hermétique, puisque le succès de la récolte de fruits hors saison

dépend de la stabilité de la température interne en hiver. Le système de chauffage (eau

chaude ou air chaud) est d’ailleurs essentiel au bon fonctionnement de la serre à forcer99

.

Le procédé de chauffage à eau chaude est recommandé ainsi que le système de

thermosiphon100

pour garantir un meilleur taux d’humidité et une bonne aération de la

serre à forcer. Il est possible de faire pousser dans les serres à forcer plusieurs types de

fruits, comme des raisins, des pêches, des abricots, des prunes, des figues, des cerises, des

fraises, des amandes, des oranges et des ananas ainsi que des légumes pendant toute

l’année101

. La température interne de la serre doit se situer entre huit et dix degrés lorsque

les fruits sont petits et entre douze à quinze degrés lorsque les fruits sont matures102

. Par

contre, certains fruits exotiques, notamment l’ananas et l’orange, nécessitent une

température plus élevée (entre vingt et vingt-cinq degrés) lors de la croissance et lors du

mûrissement des fruits103

.

Le deuxième type de serre est la serre tempérée, qui est l’une des plus communes, et qui

peut être construite à un ou deux versants ; généralement elle n’a qu’un versant. Elle fait

face au sud-est ou au sud-ouest et la température interne doit être environ de vingt-cinq

97

Neumann, Ibid., p. 86. 98

Ibid. 99

Ibid., p. 87. 100

Le thermosiphon est un système de chauffage inventé par l’anglais Thomas Fowler en 1828. En 1829, le

système est approuvé par le Gardener’s Magazine de Loudon, qui décrit le système d’aération de la serre

comme étant un procédé consistant à l’installation de petits tubes à air dont une extrémité est placée vers

l’extérieur de la serre et l’autre est soudée aux tubes de chauffage à eau chaude. L’air de l’extérieur entre

dans le petit tube et se réchauffe pendant son trajet à travers le tube d’eau chaude. Il en résulte une

circulation d’air chaud, continuellement renouvelé, dans la serre. John Claudius Loudon, « Fowler’s Patent

Thermosiphon », The Gardener’s Magazine and register of rural & domestic improvement, Août 1829, p.

453-454. 101

Neumann, op. cit., p. 92. 102

Ibid. 103

Ibid., p. 94.

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85

degrés en été et de huit degrés en hiver104

. Nécessitant une bonne aération en été, la serre

tempérée possède plusieurs petits châssis ouvrants à bascules. Dans une serre tempérée,

les végétaux se cultivent dans des pots et préfèrent une terre riche, mais sablonneuse pour

permettre un bon drainage105

. Plusieurs types de végétaux peuvent croître dans ces serres,

notamment de nombreuses variétés de bégonias, d’acacias, de magnolias, de géraniums,

et différentes espèces de la famille des protéacées et des cactées.

Le troisième type de serre, la serre chaude, possède deux variantes. Dans les deux cas, la

serre doit être chauffée l’hiver pour conserver une certaine température, qui peut être

variable en fonction des végétaux. Généralement, la serre chaude n’a qu’un seul versant

face au sud-est ou au sud-ouest ; le vent froid du nord est bloqué par un mur de brique ou

de pierre soutenu par une masse de terre106

. La première variation de la serre chaude est

conçue pour les végétaux exotiques qui ne peuvent pas endurer une forte humidité. La

serre chaude sèche possède souvent des tablettes pour les végétaux en pots et fragiles au

froid, mais les autres végétaux peuvent être plantés directement dans la terre de la

serre107

. Il est possible de voir, dans une serre chaude sèche, plusieurs variétés de fleurs

qui poussent dans des pots, par exemple des amaryllis, des hibiscus ainsi que plusieurs

variétés de lobélies. Les végétaux qui sont les mieux adaptés pour croître dans la terre

sous une serre chaude sèche sont nombreux ; il est possible d’y faire pousser des

bégonias, des bougainvilliers, des plants de cafés et de cacao, de figuiers, de fruits de la

passion, de jasmin et d’hibiscus108

. La température de ces serres doit rester au-dessus de

huit degrés l’hiver, quinze degrés pour certains végétaux, et ne doit pas dépasser trente-

cinq degrés l’été. Pour gérer l’humidité, la serre chaude sèche possède un système de

chauffage à air chaud, qui assèche légèrement l’air, et elle est construite au niveau de la

terre, réduisant ainsi la propagation de l’humidité du sol dans la serre.

La deuxième variation de la serre chaude est conçue pour recevoir des végétaux

exotiques aimant l’humidité. Cette serre, généralement à un seul versant, doit recevoir

104

Neumann, Ibid., p. 51. 105

Ibid. 106

Ibid., p. 55-56, 61. 107

Ibid., p. 56. 108

Ibid., p. 59.

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une grande quantité de lumière et de chaleur, ce qui explique la forte inclinaison de son

toit de verre (plus de 50 degrés)109

. À l’intérieur, les petits végétaux en pot sont posés sur

des tablettes et les plus gros végétaux sont plantés en pleine terre. Pour augmenter

l’humidité interne, la serre peut être construite de cinquante centimètres à un mètre sous

la surface du sol et les fenêtres doivent rester fermées pendant l’été. Il est aussi conseillé

de donner beaucoup d’ombre aux plantes en été et de répandre de l’eau dans les passages

aménagés à l’intérieur de la serre110

. La température de la serre chaude humide ne doit

pas descendre au-dessous de dix degrés l’hiver ni dépasser trente degrés l’été111

. La serre

chaude humide convient également à plusieurs végétaux exotiques dont le Cryptanthus

acaulis du Brésil, à plusieurs variétés d’Anthurium, à des fleurs de la famille des ananas,

comme le Tillandsia, à de nombreuses variétés de fougères, à de petits arbustes

originaires d’Afrique et d’Asie, dont les clérodendrons et à de nombreuses variétés

d’orchidées112

. Notons que la serre chaude humide peut facilement être convertie en serre

chaude sèche et vice-versa.

Dans le contexte du gardenesque, la serre se développe et se diversifie tout en prenant de

plus en plus d’importance dans les domaines pour finalement être intégrée complètement

à la résidence. Le gardenesque, dans son aspect plus scientifique, génère à l’aide de la

serre une nouvelle compréhension du vivant et une nouvelle sensibilité à la relation entre

l’homme et son environnement d’habitation113

.

CONCLUSION Comme nous avons pu le voir dans ce chapitre, le jardin canadien évolue et s’adapte au

territoire ainsi qu’au goût de leurs jardiniers concepteurs et de leurs propriétaires. Bien

que les jardins du XIXe siècle soient reconnus comme très éclectiques stylistiquement,

109

Ibid., p. 61. 110

Neumann, Ibid., p. 61-62 111

Ibid. 112

Ibid., p. 63-66. 113

Taylor, op.cit. p. 9.

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nous avons déterminé que le style gardenesque représentait le mieux les aménagements

paysagers de la deuxième moitié du XIXe siècle des grands domaines périurbains de la

ville de Québec.

En prenant en compte certaines caractéristiques du style gardenesque exposées par

Andrew Jackson Downing, nous avons pu élaborer une analyse des aménagements

paysagers de certains domaines de Sillery. Downing nous explique que les aménagements

de style gardenesque possèdent plusieurs variétés de végétaux, qui sont distanciés pour

permettre d’apprécier leurs qualités individuelles ainsi que leur rareté et leur exotisme.

Mélangeant le style géométrique du jardin français et l’aspect irrégulier du style

pittoresque, le gardenesque s’adapte à l’intérêt grandissant chez les propriétaires pour des

aménagements plus complexes composés de plusieurs types de végétaux. Nous

constatons dans ces jardins une composition plus rationnelle ; le propriétaire peut y faire

des expériences et affiner ses connaissances sur la nomenclature des végétaux exotiques

et indigènes et leur classification. D’autre part, son caractère plus ludique permet des

explorations botaniques à travers les sentiers sinueux et les forêts laissées au naturel,

témoignant d’une meilleure conscience de la notion d’environnement.

En analysant les aménagements paysagers des domaines de Woodfield et de Spencer

Wood/Spencer Grange, nous avons démontré que le style gardenesque se développe dans

les jardins canadiens après 1840. Nous avons aussi vu que certains propriétaires de

domaines de Québec, notamment Mme Sheppard, qui peut facilement représenter la

classe bourgeoise anglaise de Québec ayant un intérêt pour l’horticulture, s’intéressent

davantage à la végétation indigène de Québec qu’aux plantes exotiques importées. Il est

possible que certains propriétaires anglais voient la végétation indigène canadienne

comme exotique par rapport à celle de l’Angleterre. Tout en conservant un intérêt marqué

pour les végétaux exotiques (orchidées, orangers, etc.), les propriétaires vont apprécier

les spécificités des plantes (rhododendrons canadiens, par exemple) et des arbres (chênes,

érables, etc.) d’origine en les conservant dans l’aménagement paysager. Ce mélange de

végétaux indique une adaptation des caractéristiques de l’esthétique gardenesque au

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jardin canadien, à l’instar de l’esthétique pittoresque qui s’est accordée aux paysages

périurbains du Bas-Canada.

L’attrait pour l’horticulture et la botanique explique en quelque sorte l’important

engouement pour la serre à Québec. Dès 1841, la serre est intégrée à plusieurs domaines

de la bourgeoisie, qui est tentée par la ruralité et vers un retour à la nature ; elle symbolise

alors la maîtrise et le contrôle de l’environnement. Ainsi, de nombreux propriétaires de

grands domaines entourent leurs résidences de dépendances spécialisées, de vergers, de

potagers et de jardins fleuris afin de concevoir un aménagement au goût du jour et un

domaine parfaitement indépendant.

À partir de 1841, la conception picturale du paysage, typique du courant pittoresque,

évolue vers une pratique plus complexe et des aménagements plus éclectiques, de sorte

que l’esprit du gardenesque se retrouve de plus en plus fréquemment dans les grands

domaines de Québec. Au-delà de son utilisation pour l’aménagement paysager et la

culture de plantes exotiques, la serre devient un outil scientifique qui répond au défi du

contrôle de l’environnement dans le but de mieux comprendre et d’améliorer

l’environnement de vie de l’homme114

.

114

Taylor, Ibid., p. 67.

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CONCLUSION

Tout au long de ce mémoire, nous avons tenté de poser un nouveau regard sur les théories

esthétiques du paysage dans le but d’interroger et de nuancer les idées établies concernant

l’environnement périurbain de la ville de Québec. Nous avons montré que les théories

esthétiques, telles que le beau et le sublime, sont liées à des perceptions émotives et

servent au XVIIIe siècle à définir l’ensemble des plaisirs ressentis et à décrire l’esthétique

des paysages et des représentations picturales. Par ailleurs, la complexification des

définitions esthétiques et le développement de nouveaux types de paysage en peinture et

en aménagement paysager placent l’esthétique pittoresque au centre de nombreux débats

au tournant du XIXe siècle. Bien qu’il s’agisse d’un même mouvement esthétique, les

approches de William Gilpin, Uvedale Price et Richard Payne-Knight diffèrent de façon

remarquable avec une transformation des perceptions esthétiques du paysage, notamment

par l’éloignement des tendances picturales vers une adaptation et une meilleure

intégration des nouvelles approches esthétiques aux aménagements paysagers. La

popularisation de l’esthétique pittoresque appliquée aux domaines des notables de

l’Angleterre résulte des efforts fournis par des concepteurs de jardins, comme Humphrey

Repton et John Claudius Loudon, qui intègrent le pittoresque à leurs théories

aménagistes. En voulant associer les concepts du jardin français à ceux du jardin anglais,

qui sont basés sur les principes du pittoresque, John Claudius Loudon fait évoluer

l’esthétique des jardins par une approche inédite qui favorise manifestement les nouvelles

tendances du XIXe siècle quant aux découvertes apportées par les sciences naturelles. Son

intérêt pour l’horticulture et la botanique l’amène donc à théoriser le style gardenesque,

qui ne s’implante pas seulement en Angleterre, mais qui est aussi devenu populaire dans

les colonies britanniques et aux États-Unis. Nous avons vu qu’aux États-Unis, Andrew

Jackson Downing s’approprie la théorie du gardenesque et en recommande l’application

dès 1841 pour l’aménagement des jardins nord-américains.

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Appliquées dans le Bas-Canada après la conquête de 1769 par l’intermédiaire des

militaires et notables anglais ainsi que des représentants du Régime britannique, les

théories esthétiques du beau, du sublime et du pittoresque sont discernables dans

plusieurs illustrations des paysages du Canada. Nous savons toutefois que les nombreux

voyageurs britanniques ne représentent pas parfaitement les paysages du Canada, qui sont

différents de ceux de l’Angleterre, créant ainsi une tension entre les théories esthétiques.

Nous avons vu que l’esthétique pittoresque est privilégiée par rapport aux autres

catégories esthétiques pour la représentation de la ville de Québec par les peintres, James

Pattison Cockburn, par exemple. En effet, l’artiste, en voulant présenter quelques vues de

la ville de Québec, propose sa propre vision anglaise du paysage ; il crée des œuvres

ancrées dans les principes pittoresques des dessins paysagers de la tradition anglaise. Par

ailleurs, nous avons vu que le mouvement pittoresque s’étend au-delà des représentations

et il a, à partir des années 1810-1820, une influence majeure dans l’architecture des

grands domaines situés en périphérie de la ville de Québec. Ces propriétés, habitées par

des immigrants britanniques de la classe bourgeoise, sont construites dès le début du

XIXe siècle à Sillery ; elles offrent aux propriétaires un environnement d’habitation plus

ouvert vers la nature. Cette ouverture est possible grâce à différents ajouts proposés par

l’architecture pittoresque, tels que des annexes, des galeries ainsi que des serres. Nous

avons vu que la serre, dans le mouvement pittoresque, est un élément architectural qui

complexifie le plan des résidences tout en participant à l’ambiance du pittoresque. Enfin,

concernant l’approche de Marie-Josée Fortier sur les jardins d’agrément, nous avons

proposé l’idée que l’esthétique pittoresque, bien qu’intégrée dans l’organisation

esthétique des jardins anglais au XIXe siècle, a subi des transformations pour s’adapter

aux conditions climatiques et spatiales du Bas-Canada. À cet effet, nous pouvons dire que

l’esthétique pittoresque a évolué vers une combinaison d’approches qui s’accordent

mieux à l’environnement périurbain de la ville de Québec ainsi qu’aux goûts et aux

conceptions de l’environnement des propriétaires des jardins.

À partir de 1841-1845, l’ouvrage théorique d’Andrew Jackson Downing portant sur les

théories esthétiques, dont le gardenesque, est popularisé dans la ville de Québec.

L’influence de cet ouvrage sur l’architecture à Québec est reconnue par plusieurs auteurs,

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et nous croyons qu’il est aussi possible d’en constater les répercussions dans les

aménagements paysagers1. En évaluant l’aspect physique des jardins des domaines de

Sillery à l’aide des principes de Downing sur le gardenesque, nous avons confirmé que le

jardin canadien de la deuxième moitié du XIXe siècle a subi certaines transformations et

qu’il a évolué vers une conception plus éclectique. La complexification des

aménagements paysagers qu’amène le gardenesque, par le choix de végétaux précis en

fonction de certaines propriétés visuelles tout comme par la rareté et l’exotisme des

végétaux utilisés, fait état d’une meilleure compréhension de l’environnement. Bien que

l’intérêt pour la botanique soit présent depuis le Régime français au Bas-Canada, nous

avons vu qu’à partir des années 1840, le souci du bien-être des plantes et la

compréhension de leur fonctionnement qu’amène la popularisation des sciences

naturelles (horticulture) chez la bourgeoisie transparaissent dans les aménagements

paysagers des grands domaines de Sillery. Nous avons par ailleurs expliqué que la serre

devient un élément essentiel dans les aménagements paysagers gardenesque pour son

apport scientifique. La serre, d’abord pratique et esthétique avec le mouvement

pittoresque, évolue avec le mouvement gardenesque vers un bâtiment plus complexe

technologiquement, mais aussi symboliquement. En effet, la serre témoigne de cette

nouvelle compréhension de l’environnement ; elle peut être rattachée au confort moderne

associé à l’époque victorienne et essentiellement au besoin de contrôle de l’homme sur

l’environnement.

Le gardenesque en architecture

Contrairement au pittoresque, il est difficile de lier le gardenesque à un style précis

d’architecture. Notre étude laisse voir que le gardenesque est associé à un certain

1Denis Messier, «Les jardins anciens: témoins d'une diversité culturelle», Cap-aux-Diamants: la revue

historique du Québec, Québec, n°46, 1996, pp. 37-41, France Gagnon-Pratte, L’architecture et la nature à

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éclectisme dans les aménagements paysagers. Cette esthétique propose, en effet, un

amalgame de caractéristiques qui sont aussi présentes dans d’autres styles de jardins,

comme la géométrie du jardin français et les regroupements irréguliers de végétaux du

jardin anglais (pittoresque). Ce mélange de styles est associé en architecture au

mouvement pittoresque par Janet Wright et France Gagnon-Pratte. Par la déformation des

formes régulières des résidences à la suite de l’ajout d’annexes et de serres, le pittoresque

témoigne en fait d’un changement d’idéologie au XIXe siècle quant à la manière de vivre.

Par ailleurs, Gagnon-Pratte explique que la serre est indissociable de l’évolution des

méthodes de construction qui permettent dans la deuxième moitié du XIXe siècle

l’introduction du « confort moderne » dans les résidences2. Nous pensons que ce confort

moderne est une manifestation typique de l’intégration du mouvement gardenesque dans

l’architecture et non du mouvement pittoresque. En effet, nous croyons qu’une nouvelle

conception de la nature apparaît dans la deuxième moitié du XIXe siècle grâce au

développement des sciences naturelles et à une meilleure compréhension de l’être vivant

et de son bien-être. D’ailleurs, William Taylor explique que « New ideas about nature

and an expanding array of representational, design and horticultural practices aimed at

making Victorians feel comfortable and "at home" whether they occupied metropolitan

centers, the countryside or the margins of empire3. »

Cet intérêt pour le confort de même que l’apport des sciences dans l’architecture

influencent les architectes résidentiels de Québec. L’organisation interne des résidences

est revue : l’installation de l’eau courante et du chauffage à eau chaude ou électrique dans

chaque pièce révèle le souci de confort du propriétaire. D’autre part, certaines

préoccupations des architectes révèlent qu’ils vont au-delà de l’esthétisme par le

développement d’une conscience environnementale4. Les architectes de la deuxième

moitié du XIXe siècle, dont certains membres de la famille Staveley, reconnue pour de

nombreux projets résidentiels, améliorent leurs plans de construction en fonction de cette

conscience environnementale et transforment leur architecture par l’apport des nouvelles

2 Gagnon-Pratte, op.cit., p. 129.

3 William Taylor, The Vital Landscape. Nature and the Built Environment in Nineteenth Century Britain.

Londres, Éditions Ashgate, 2004, p. 260. 4 William Taylor parle d’un « sense of environmentality », différent de l’environnementalisme du XX

e

siècle, qui est surtout caractérisé par la conscience d’un lien entre organisme et environnement.

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techniques de construction et des avancées technologiques. L’élément le plus révélateur à

ce sujet est l’évolution de la serre dans la seconde moitié du XIXe siècle.

En effet, comme nous l’avons expliqué dans le dernier chapitre, la serre se développe et

se diversifie dans le contexte gardenesque en prenant de plus en plus d’importance dans

les domaines pour finalement être intégrée complètement à la résidence. L’effet de cette

intégration se voit dans le souci de contrôle de l’environnement d’habitation et la

recherche d’un certain confort, qui se manifeste notamment par l’amélioration du

chauffage de la résidence, l’installation de plomberie, l’ajout de nombreuses fenêtres

pour un ensoleillement plus efficace des pièces de séjour, etc. Comme l’explique William

Taylor, l’exploration du mode artificiel de la serre favorise l’essor de l’intérêt chez

l’homme pour son environnement et le développement d’un goût pour une architecture

qui s’adapte au milieu naturel. Ainsi, « While these concerns [environment, the inhabitant

and idea of design] were prefigured by studies of plant life in the closed world of the

conservatory, they encouraged new modes of environmental awareness in other spheres

of human interest such as the Victorian house and garden. »5

5 Taylor, op. cit., p. XVI.

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FIGURES

Figure 1.1 : Loudon, John Claudius. Arbres arrangés dans le style gardenesque, 1838.

Figure 1.2 : Loudon, John Claudius. Arbres arrangés dans le style pittoresque, 1838.

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Figure 2.1 : Villeneuve, Robert de. Plan de la ville et Chasteau de Quebec fait en 1685 mezuree exactement

par sieur de Villeneuve, 1685. Encre noir. Québec.

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Figure 2.2: Chaussegros de Léry, Gaspar-Joseph. Jardin de l’intendant, Québec, 1752. Détail du plan de

Chaussegros de Léry.

Figure 2.3: Cockburn, James Pattison. Mr. Sheppard’s Villa at Woodfield, 1830.

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107

Figure 2.4: Cockburn, James Pattison. Quebec from Pointe à Piseau, 1831.

Figure 2.5: Cockburn, James Pattison. Cape Diamond from Spencer-Wood, september 20th 1830, 1830.

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108

Figure 2.6: Cockburn, James Pattison. Spencer Wood [a residence in Sillery near Quebec], 1829.

Figure 2.7: Anonyme. Asile-Champêtre de Joseph F. Perrault, protonotaire à Québec, 1812.

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Figure 2.8: Anonyme. Villa Marchmont, 1865. Galerie qui fait trois côtés de la résidence.

Figure 2.9: Forrest, Charles Ramus. Wolfesfield, a villa residence near Quebec city, 1821-1823.

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110

Figure 2.10: Anonyme, Le château Saint-Louis et une partie de la basse ville, vers 1818.

Figure 3.1: Anonyme. Aménagement des dépendances et des jardins autour d’une résidence péri-urbaine,

1877.

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111

Figure 3.2: Drummond, William Francis. Contoured plan of the environs of Quebec, Canada East,

surveyed in 1865-1866, 1865-1866. Détail de l’aménagement du domaine de Woodfield.

Figure 3.3: Drummond, William Francis. Contoured plan of the environs of Quebec, Canada East,

surveyed in 1865-1866, 1865-1866. Détail de l’arrangement des arbres du domaine de Woodfield.

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112

Figure 3.4: Drummond, William Francis. Contoured plan of the environs of Quebec, Canada East,

surveyed in 1865-1866, 1865-1866. Détail du jardin géométrique à Woodfield.

Figure 3.5: Drummond, William Francis. Contoured plan of the environs of Quebec, Canada East,

surveyed in 1865-1866, 1865-1866. Détail de la résidence et de la serre du domaine de Woodfield.

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113

Figure 3.6: Lemercier, Alfred Léon. Spencer Wood Near Quebec, 1860.

Figure 3.7: Drummond, William Francis. Contoured plan of the environs of Quebec, Canada East,

surveyed in 1865-1866, 1865-1866. Domaine de Spencer Wood et Spencer Grange.

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114

Figure 3.8: Drummond, William Francis. Contoured plan of the environs of Quebec, Canada East,

surveyed in 1865-1866, 1865-1866. Détail du jardin géométrique du domaine de Spencer Wood.

Figure 3.9: Livernois, Jules-Ernest. Spencer Wood, 1863.

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115

Figure 3.10: Drummond, William Francis. Contoured plan of the environs of Quebec, Canada East,

surveyed in 1865-1866, 1865-1866. Détail de l’aménagement des arbres du domaine de Spencer Wood.

Figure 3.11: Anonyme. Spencer Grange, 1865.

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116

Figure 3.12: Drummond, William Francis. Contoured plan of the environs of Quebec, Canada East,

surveyed in 1865-1866, 1865-1866. Détail de l’aménagement paysager du domaine de Spencer Wood.

Figure 3.13: Anonyme. Morton Lodge, XIX

e siècle.

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117

Figure 3.14: Anonyme. Morton Lodge, XIX

e siècle. Détail de la serre.

.

Figure 3.15: Anonyme. Serre viticole au domaine Cataraqui, vers 1880.

.

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118

Figure 3.16: Anonyme. Beauvoir, vers 1890.

Figure 3.17: Anonyme. La serre à raisins de la famille Dobell à Beauvoir, vers la fin du XIX

e siècle

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119

Figure 3.18: Anonyme. La villa à Wolfefield, 1890.

Figure 3.19: Drummond, William Francis. Contoured plan of the environs of Quebec, Canada East,

surveyed in 1865-1866, 1865-1866. Détail du domaine de Marchmont.

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120

Figure 3.20: Muerrie, C.A. Holland House, Senator James Gibb Ross lived in this house until his death in

1888, 1896-1897.

Figure 3.21: Grant, John. Holland House, St. Foye Road, Quebec, 1840.

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121

Figure 3.22: Muerrie, C.A. Holland House, Senator James Gibb Ross lived in this house until his death in

1888, 1896-1897.

Figure 3.23: Muerrie, C.A. Holland House, Senator James Gibb Ross lived in this house until his death in

1888, 1896-1897. Détail de la serre à Holland House.

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122

Figure 3.24: Staveley, Harry. Plan of proposes additions to Highland for John T. Ross, 1897.

Figure 3.25: Anonyme. La villa Hamwood, 1865.

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123

Figure 3.26: Anonyme. La villa Hamwood, 1921.

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LISTE DES SERRES INVENTORIÉES

1781-1815 Château Saint-Louis

1795 Asile-Champêtre

1795 Résidence d’Henry Atkinston à Cap-Rouge

1816 Woodfield

1821 Morton Lodge

1827 Wolfefield

1834 Spencer Wood

1848 Marchmont

1848 Holland House

1849 Spencer Grange

1860 Kirk Ella

1863 Cataraqui

1865 Hamwood

1871 Beauvoir

1897 Highlands