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1 | 72 Université Toulouse II Le Mirail UFR d’Histoire, Arts et Archéologie Département Archives et Médiathèques MÉMOIRE Pour obtenir le grade de Master 2 professionnel en Archives et Images Présenté et soutenu par Claire David le 03/08/2014. Entre perte et rejet : La place de la mémoire d’entreprise dans les opérations de fusions-acquisitions. Travaux dirigés par Frédérique Gaillard et Isabelle Theiller.

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Université Toulouse II Le Mirail

UFR d’Histoire, Arts et Archéologie

Département Archives et Médiathèques

MÉMOIRE

Pour obtenir le grade de Master 2 professionnel en Archives et Images

Présenté et soutenu par Claire David le 03/08/2014.

Entre perte et rejet :

La place de la mémoire

d’entreprise dans les opérations de

fusions-acquisitions.

Travaux dirigés par Frédérique Gaillard et Isabelle Theiller.

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Remerciements

Ce mémoire est un travail transversal qui regroupe les observations de domaines

différents. Mes connaissances étant majoritairement issues du domaine de la gestion

documentaire et de l’archivistique, il m’a fallu beaucoup de recherches et d’avis pour arriver à

une réflexion cohérente sur ce sujet. Ce travail constitue une action d’interprétation et j’espère

que les spécialistes de l’économie ou de la sociologie des entreprises voudront bien excuser

les possibles raccourcis et approximations présents dans le texte.

Je tiens à remercier Mme Hélène Ziegelbaum, Brasseries Kronenbourg qui par sa

connaissance du fonctionnement des entreprises a su m’amener à me poser des questions

pertinentes.

Je tiens également à remercier, Mme Isabelle Theiller et Mme Frédérique Gaillard qui

ont orienté ma réflexion et m’ont apporté de précieux éclairages sur une problématique

complexe.

Mes plus sincères remerciements à Virginie Labrue, historienne d’entreprise qui a pris

le temps de m’écouter et me donner des arguments pour étayer mon propos, ainsi qu’à Mr

Vincent David qui m’a apporté de nombreux cas concrets de pertes en entreprise.

Je tiens à remercier Mr Patrick Barreau, professeur d’économie au Lycée Marguerite de

Valois à Angoulême pour ses renseignements précieux sur les sciences de gestion et

d’économie.

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Résumé

Ce mémoire s’intéresse au rôle joué par la mémoire de l’entreprise lors des opérations

de fusions-acquisitions. Il apparait que les refus de changements consécutifs peuvent

occasionner des pertes de connaissances extrêmement préjudiciables pour les entreprises.

L’archiviste d’entreprise, dépositaire conscient de la connaissance tacite de l’entreprise peut

minimiser les risques liés aux opérations de fusions-acquisitions.

Mots-clés

Archivage, archive d’entreprise, record management, knowledge management, mémoire

d’entreprise, connaissance, fusion, acquisition, gestion des crises, gestion des entreprises,

gestion des archives d’entreprise, archiviste d’entreprise.

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Sommaire

Remerciements ........................................................................................................ 3

Résumé .................................................................................................................... 4

Mots-clés ................................................................................................................. 4

Sommaire ................................................................................................................ 5

Introduction ............................................................................................................. 6

Partie 1 : Définition du problème .............................................................................. 8

1. Les fusions-acquisitions ............................................................................................ 9

2. Le capital immatériel de l’entreprise face aux fusions-acquisitions .......................... 21

3. Conclusion ................................................................................................................ 34

Partie 2 : Eléments de réponses .............................................................................. 35

1. Les archives d’entreprises .......................................................................................... 36

2. Le rôle de l’archiviste d’entreprise ............................................................................. 45

3. Conclusion ................................................................................................................ 57

Conclusion ............................................................................................................. 58

Bibliographie ......................................................................................................... 60

Sites ressources ...................................................................................................... 66

Table des figures .................................................................................................... 68

Table des matières ................................................................................................. 69

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Introduction

La mémoire est un mécanisme essentiel pour tout organisme qu’il soit un individu ou

une organisation communautaire. Elle se positionne à la base de tout processus de décision.

Les entreprises, comme les individus qui y travaillent, possèdent une mémoire qui leur est

propre. Cette mémoire est basée sur une mise en corrélation de connaissances individuelles de

manière à former un ensemble cohérent. La formation de cet ensemble se fait par l’intégration

de plusieurs facteurs : collectifs et individuels, historiques, culturels, relatifs aux expériences

vécues et aux connaissances tacites et explicites.

Depuis une vingtaine d’années, les nouvelles technologies de l’information et de la

communication ont lancé les entreprises sur des marchés évoluant de plus en plus vite basés

sur la connaissance et caractérisés par une concurrence féroce. L’entreprise doit se développer

vite pour s’adapter aux changements constants, ne pas disparaitre et rester compétitive. Pour

répondre à ces exigences, les entreprises ont le plus souvent recours à un mode de

développement non-organique : les fusions-acquisitions. Les fusions consistent au

rapprochement de deux entités, bien souvent de taille égale, soudées par la volonté commune

de construire une société nouvelle. Les acquisitions sont des opérations où le rapport entre les

deux structures, est celui de dominant-dominé. L’acheteur devient le propriétaire de

l’entreprise achetée.

Ces stratégies s’accompagnent de profonds bouleversements organisationnels et

structurels qui touchent l’ensemble des individus des entreprises concernées. En effet, les

efforts réalisés pour augmenter l’efficacité de la production remettent en cause les modèles

organisationnels préétablis et acceptés par tous. La moitié des opérations de rapprochement se

concluent par des échecs1, souvent dus à l’incapacité de comprendre et d’intégrer les

processus et les pratiques de l’autre.

Pour les justifier, on évoque souvent la faute d’une culture d’entreprise trop forte

entrainant une incapacité à accepter la culture de l’autre. Mais qu’est-ce que la culture d’une

entreprise si ce n’est un ensemble organisationnel issu de son histoire ? Quels sont alors les

rôles et les impacts de la mémoire et de la connaissance sur ces opérations ? La mémoire est-

elle un frein ou un déterminant moteur à leur mise en place ? Peut-on utiliser les archives,

1 Thomas Straub, Reasons for Frequent Failure in Mergers and Acquisitions, Springer Sciences and

Business Media, 2007

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matière première de la construction de l’histoire comme outil d’aide à la construction d’une

histoire nouvelle ? Quel est le rôle de l’archiviste dans ces périodes de bouleversement ?

Comment son travail est-il perçu dans l’entreprise et comment peut-il influer sur la

construction de sa mémoire et de son histoire ?

Dans un premier temps, nous mettrons en avant les problèmes liés à la mémoire de

l’entreprise et les difficultés occasionnées par les opérations de fusions-acquisitions. Pour

cela, nous présenterons ce que sont réellement les opérations de fusions-acquisitions, les

difficultés inhérentes à leur mise en place et leur justification économique.

Ces enjeux seront mis en parallèle avec la connaissance, à la fois motif et victime de ces

opérations. Nous verrons ensuite le lien direct présent entre la connaissance et la mémoire de

l’entreprise et comment l’aspect historique de cette dernière conditionne l’acceptation ou le

rejet d’un changement.

Le problème posé dans ce mémoire est dual. La première question tourne autour de la

notion de la perte de la connaissance constitutive à un changement et aux préjudices qui en

découlent. La seconde difficulté constatée est plus liée à la remise en question d’une identité

liée à une mémoire et à des valeurs communes par un changement brutal ou une domination

exacerbée d’une entité sur une autre. En réalité, ces deux problématiques sont très proches : la

perte de la connaissance est souvent le résultat d’une approche trop dominatrice. L’entreprise

absorbée est alors contrainte d’occulter son passé, au risque de créer des tensions internes

nuisibles à la bonne marche de l’entreprise, ou de rejeter le modèle imposé par l’acheteur, ce

qui risque, à terme, d’entrainer l’échec de l’opération.

Après avoir caractérisé le problème, nous nous attacherons à démontrer le lien entre

archives et mémoire et la qualité que les premières ont pour la constitution de la seconde.

Nous soulignerons les apports des archives comme outil d’accompagnement au changement et

comme aide à la construction d’une histoire commune. Nous mettrons en avant comment la

qualité probante des archives permet, dans une certaine mesure, de pallier les pertes de

connaissances occasionnées par les opérations de fusions-acquisitions. Ces deux enjeux seront

appuyés par une redéfinition du rôle de l’archiviste d’entreprise qui se place comme un acteur

pivot entre la stratégie économique développée par les dirigeants et le volet opérationnel porté

par les salariés.

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Partie 1 : Définition du problème

Dans cette première partie, nous exposerons les motivations à l’origine des opérations

de fusions-acquisitions, et traduirons de manière économique l’impact des facteurs moteurs

que sont le capital, le travail et la connaissance.

Après avoir démontré le rôle primordial joué par la connaissance comme motif

d’opération de fusions-acquisitions, nous nous intéresserons à sa définition et à son lien avec

la mémoire. Nous conclurons cette partie en mettant en avant les conséquences directes des

fusions-acquisitions sur le fonctionnement des entreprises et leurs liens avec des possibles

pertes de connaissance et des rejets identitaires conduisant parfois à l’échec des opérations.

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1. Les fusions-acquisitions

A. Définition

Pour se développer, une entreprise peut choisir deux solutions : accroitre son capital en

augmentant de manière progressive ses capacités de production ou prendre le contrôle de

moyens de productions préexistant dans d’autres entreprises.

La première solution correspond à ce que l’on appelle la croissance interne. Elle trouve

rapidement ses limites en raison de la difficulté de disposer en interne de ressources

suffisantes pour progresser durablement. En effet, ce genre de croissance est long, et les délais

pour percevoir les fruits d’un investissement sont incertains.

A l’inverse, la croissance externe, c’est-à-dire la prise de contrôle d’actifs déjà en

situation de productivité, permet d’économiser les délais nécessaires à la maturation d’un

investissement interne. Ce dernier mode de croissance est matérialisé par les opérations de

fusions-acquisition. Les fusions-acquisitions sont donc des prises de contrôles ou des partages

d’actifs en situation de production immédiate.

Juridiquement une fusion-acquisition est décrite comme la transmission du patrimoine

d'une société à une autre société, une dissolution de la société absorbée et un échange de

droits sociaux2. Quels sont les enjeux sous-jacents à ces opérations ? Comment se traduisent-

ils de manière économique ?

B. Des outils au service de la stratégie de l’entreprise

On assiste depuis les années 1990 à une concentration des marchés qui se répartissent

progressivement entre quelques gros acteurs. L’expansion de ces firmes s’est faite en utilisant

le mécanisme de croissance externe. Au-delà du fait d’apporter des actifs immédiatement

opérationnels, les fusions-acquisitions facilitent l’implantation dans un cadre international.

Ainsi, pour s’insérer efficacement dans un pays étranger, les entreprises envisagent

généralement deux solutions : un transfert de compétence par la mise en place d’accords

commerciaux ou une acquisition de l’entreprise locale intégrée ensuite dans l’ensemble

2Serge, Braudo, « Définition de fusion et scission », Dictionnaire de droit privé [en ligne]. Disponible

sur : http://www.dictionnaire-juridique.com/definition/fusion-et-scission.php (consulté le 15/08/2014)

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international formé par le groupe. D’après Matthias Kipping3 50 % des entreprises choisissent

ce mode d’investissement à l’étranger à égalité avec la création de filiale native de la société-

mère.

Les fusions-acquisitions sont un véritable moyen de croissance pour les entreprises.

Elles forment un des instruments centraux de la stratégie de développement4 d’une

organisation entrepreneuriale. Les motivations à leur mise en place peuvent découler de

plusieurs raisons5.

B.1 Les enjeux stratégiques

Les fusions-acquisitions sont avant tout des outils servant la politique de l’entreprise.

Ces opérations peuvent être des réponses à des situations où l’entreprise est en difficulté dans

son environnement ou à des cas de figure où l’entreprise veut déstabiliser ses concurrents.

Des stratégies défensives

Face aux évolutions rapides des marchés économiques, les entreprises doivent s’adapter

rapidement ou disparaitre. Dans certains cas, les fusions-acquisitions peuvent servir à affermir

la position d’une entreprise en difficulté :

- L’entreprise est brusquée par une évolution rapide du marché ou une action

offensive d’un concurrent et veut avoir plus de poids sur le secteur en question.

- L’entreprise veut consolider sa position sur un secteur arrivé à maturité. Ces

secteurs sont caractérisés par une croissance de production globale nulle faute d’une

demande suffisante de la part des consommateurs. Pour l’entreprise, le seul moyen

de croître consiste donc à arracher des parts de marché à ses concurrents. Avec des

fusions-acquisitions, l’entreprise accroît ainsi ses parts de marché en dépit d’une

stagnation ou d’une diminution de la demande.

3 Kipping, Matthias. “Assurer le succès des fusions et acquisitions : les contributions d’une approche

historique.” Le journal de l’école de Paris du management 86, no. 6 (November 1, 2010): 14–20. Disponible

sur : http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=JEPAM_086_0014 (Consulté le 02/08/2014)

4 D’après l’agence Reuters, le marché des fusions-acquisition en France accuse une croissance de +153%

au premier trimestre de l’année 2014. Donnée issue de : Nadège Bernard. « Comment tirer parti des fusions-

acquisition ? ». Le café de la bourse, 20 juin 2014. Disponible sur :

https://www.cafedelabourse.com/archive/article/tirer-parti-fusions-acquisitions# (consulté le 03/04/2014)

5 Meier, Olivier, and Guillaume Schier. Fusions acquisitions s ra é ie inance ana e en . Paris:

Dunod, 2012.

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- L’entreprise veut s’adapter à une évolution technologique et acquérir une taille

critique. La question de la taille ou masse critique dans la stratégie de

développement des entreprises est un objectif central. La taille ou masse critique est

une sorte de palier au-delà duquel l’entreprise améliore de manière significative sa

compétitivité. À ce stade de développement, la part de marché de la firme doit lui

permettre de réduire ses coûts et d’améliorer ses marges par rapport à ses

concurrents. Sur certains marchés très compétitifs, la stratégie visant à atteindre une

masse critique n’est plus seulement un objectif de croissance, mais une question

essentielle de survie. Un rachat sert donc à augmenter sa masse et à se rapprocher un

peu plus de cet idéal lui permettant d’accroître sa compétitivité.

- L’entreprise passe d’un contexte local à un environnement mondial. Sur ces trente

dernières années, la logique stratégique des firmes est passée de la nécessité

d’exporter ses produits à la nécessité de mondialiser ses activités. Cette nouvelle

logique est marquée par une division accrue du travail avec le transfert des lieux de

productions et de décisions à une échelle globale. Au niveau économique, le cadre

d’analyse de l’entreprise dépasse le cadre national pour s’inscrire dans un contexte

mondial avec toutes les implications juridiques qui peuvent en découler. La

perception de l’importance d’une entreprise se mesure en grande partie à son niveau

d’internationalisation. Cette mondialisation des marchés conduit les entreprises à

augmenter leur taille et leur présence au niveau mondial de manière à pouvoir

prétendre à une place d’importance dans l’économie mondiale.

Des stratégies offensives

D’une autre manière, les fusions-acquisitions peuvent être utilisées par une entreprise

pour mettre en difficulté ses concurrents et influencer le marché. La firme va chercher à

déstabiliser les positions de ses concurrents de manière à augmenter sa propre influence :

- L’entreprise souhaite accroître sa dominance sur le marché. Son but est alors d’avoir

plus de poids sur son marché et par conséquence, de pouvoir influencer directement

sur celui-ci.

- L’entreprise souhaite capter des ressources spécifiques (compétences ou capitaux)

impossibles à obtenir en jouant sur une croissance interne. C’est le cas lorsqu’une

entreprise souhaite racheter une marque prestigieuse. En effet, ce type de ressource

peut difficilement être créé grâce à une croissance interne. Si ces ressources

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spécifiques peuvent être obtenues en interne, mais au prix d’un temps long (mise à

jour des compétences, etc.), la nécessité d’être compétitive peut conduire

l’entreprise à procéder à une fusion-acquisition.

- L’objectif d’une fusion peut être également une prise de position sur un marché

novateur et porteur aussi bien en termes de secteur d’activité que de territorialité. Il

s’agit alors d’être précurseur dans un domaine afin d’acquérir une position

dominante.

- L’entreprise veut gêner ses concurrents ou entraver l’entrée d’une nouvelle

entreprise sur le marché. Des motifs purement opportunistes ou politiques de

relations entre les parties prenantes peuvent également rentrer en ligne de compte.

B.2 Les enjeux financiers

Au-delà des raisons stratégiques en lien avec la politique de l’entreprise, les fusions-

acquisitions peuvent être mises en place pour des motifs purement financiers. En effet, une

des raisons évoquées fréquemment pour justifier la mise en place d’une fusion-acquisition est

modélisée par la théorie de l’efficience6 : les fusions peuvent augmenter la valeur de la

production (qualité ou quantité) tout en baissant les coûts et en augmentant les revenus. Cette

théorie met en avant l’existence de synergies7 opérationnelles provoquées par ce

rapprochement. Elles correspondent à la diminution du coût unitaire global de la production

en comparaison des moyens mis en œuvre. Elles peuvent avoir lieu sur deux plans : la

volumétrie8 et le partage des ressources

9.

6 Michal Bradley, Anand Desay, E Han Kim; 1988 “Synergistic gains from corporate acquisitions and

their divisions between the stockholders of target and acquiring firms [PDF]” Journal of Financial Economics

n°21, p.3-40. Disponible sur :

http://deepblue.lib.umich.edu/bitstream/handle/2027.42/27298/0000318.pdf?sequence=1 (Consulté le

02/08/2014)

7 Phénomène par lequel le résultat d’une action commune est plus grand que la somme des résultats de

ces actions menées séparément.

8 Les entreprises vont utiliser à plein régime leur capacité de production en vue de répartir leurs frais fixes

sur de plus gros volume.

9 Réorganisation du fonctionnement interne de l’entreprise en vue de son intégration dans le groupe.

C’est-à-dire spécialisation et division des tâches, réduction des travaux doublons entre les filiales, centralisation

des directions, répartition plus efficace des effectifs.

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Dans le langage courant, ces synergies entrepreneuriales sont appelées communément

« économie d’échelle ». Elles augmentent l’efficience10

de l’entreprise grâce à la réduction de

ses coûts de production unitaire alors que la quantité de production augmente. La présence de

frais fixes explique qu’en augmentant le volume de sa production, une entreprise pourra

répartir ces coûts stables sur davantage de produits, réduisant ainsi leur coût de revient et de

production unitaire. Se regrouper pour acheter permet des achats en plus gros volumes et ainsi

avoir plus de poids pour la négociation des prix auprès des fournisseurs.

Au niveau de l’organisation interne de l’entreprise, les économies d’échelle proviennent

de la division du travail. Une grande entreprise ou un groupe pourra mettre facilement en

œuvre le principe de la spécialisation des tâches.

C. La connaissance, un motif de fusions-acquisitions

C.1 La connaissance, un avantage concurrentiel

Pour pouvoir croitre, une entreprise doit créer de la valeur. Historiquement, les seuls

facteurs de productions considérés comme facteurs de croissance étaient le travail (activité

rémunérée qui permet la production de bien et de service) et le capital (stock de biens et de

richesses nécessaires à la production) de l’entreprise. Le capital était considéré exclusivement

du point de vue physique. Il faudra attendre la théorie des ressources pour que le capital

immatériel11

, capital dont la connaissance fait partie, soit perçu comme un avantage

déterminant pour la compétitivité d’une entreprise.

L’objectif de la théorie de la ressource est de déterminer les facteurs qui sous-tendent

l’avantage concurrentiel des entreprises. Ses premières formulations datent de 1959 avec les

travaux d’Edith Penrose12

. Dans cet ouvrage, Penrose souligne la perte de capital que

représente le départ d’un employé de la firme.

10 Optimisation des outils mis en œuvre pour parvenir à un résultat. Elle peut se mesurer par le rapport des

résultats obtenus sur les ressources utilisées.

11

« Le capital immatériel désigne l'ensemble des actifs non monétaire et sans substance physique détenus

par l'entreprise en vue de son utilisation pour la production ou la fourniture de bien et de services. » Définition

tiré de CIGREF, Capital immatériel, 7 jours pour comprendre [PDF], CIGREF, 2006. Disponible sur :

http://www.cigref.fr/cigref_publications/RapportsContainer/Parus2006/2006-Capital-immateriel-7jours-pour-

comprendre-CIGREF.pdf (consulté le 14/08/2014)

12

Lise Arena, Edith Penrose et la croissance des entreprises, Lyon, ENS Editions, coll. (Feuillets,

économie politique moderne), 2014, 104

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Cette idée confère à la connaissance une valeur économique, au même titre que les

biens tangibles et reconnus. Dans un article paru en 2005, Colette Depeyre13

qualifie cette

théorie de pensée dominante pour la recherche en stratégie d’entreprise sur ces 20 dernières

années, car elle a été à l’origine de nombreux articles et écrits.

La théorie des ressources a été véritablement formalisée par Wernerfelt en 198414

. Dans

ces travaux, Wernerfelt se pose une question centrale. Pourquoi une firme est plus

performante qu’une autre sur une longue période ? Ses recherches s’intéressent à plusieurs

axes : le secteur de l’organisation, la position de la firme sur le marché, les produits

développés, etc. Cependant, il n’arrive pas à créer de véritables corrélations entre les axes

étudiés et la performance durable d’une entreprise.

Il en déduit donc l’existence d’un autre facteur. Un facteur qui ne proviendrait pas de

l’environnement extérieur de l’entreprise mais qui lui permettrait d’améliorer durablement ses

performances. Wernerfelt le nomme « ressource ». Selon lui, chaque entreprise s’efforce de

créer, de développer des ressources qui lui assurent des avantages concurrentiels durables. Ils

peuvent être liés aux propriétés des ressources elles-mêmes ou être dépendants de la capacité

de la firme à acquérir de nouvelles ressources (via les fusions-acquisitions, par exemple). De

nombreux travaux ont suivi pour expliquer et relayer la manière dont une firme pouvait

identifier ses ressources, les rendre opérationnelles et obtenir ainsi un avantage concurrentiel.

C’est dans les années 1990 que la théorie se recentre sur le capital immatériel. En effet,

le capital physique et de travail (lié au personnel) peut facilement s’acheter et constitue une

ressource nécessaire, mais dont les avantages ne peuvent être perçus comme durables

(échanges facilités entre firmes, remplacement fréquent de la force de travail, etc.). La notion

de capital immatériel est donc née du besoin de conceptualiser la valeur cachée de

l’entreprise, valeur qui n’apparait pas dans son bilan. Cette valeur se matérialise par la notion

de connaissance.

13

Colette DEPEYRE, 2005. « Retour sur la théorie des ressources » Le Libellio d'Aegis [PDF], n° 1, pp.

9-14. Disponible sur : http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/26/29/91/PDF/2006-01-11-941.pdf (consulté le

02/08/2014)

14

Biger Wernerfelt, 1984. « A resource-based view of the firm », Stratégic Management journal [PDF],

n°5, p. 171-180. Disponible sur : http://users.jyu.fi/~juanla/READINGS/wernerfelt_1984.pdf (consulté le

02/08/2014)

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C.2 Une stratégie offensive : la captation de la

connaissance

Drucker [1993] considère la connaissance comme une ressource stratégique déterminant

la capacité d’adaptation d’un système : « De plus en plus, la productivité du savoir va devenir

pour un pays, une industrie, une entreprise, le facteur de compétitivité déterminant. En

matière de savoir, aucun pays, aucune industrie, aucune entreprise ne possède un avantage ou

un désavantage 'naturel'. Le seul avantage qu'il ou elle puisse s'assurer, c'est de tirer du savoir

disponible pour tous un meilleur parti que les autres »15

.

Il existe de nombreux exemples concrets qui illustrent l’importance de la connaissance

comme motif de fusions-acquisitions. Google, géant économique des nouvelles technologies

en fournit un exemple frappant. Son tableau de fusion-acquisition est impressionnant16

. Il

commence en 2001 avec le rachat de Deja, système en réseau de gestion de forum, se poursuit

avec des acquisitions dans les domaines d’interactions d’internautes (Pyra Labs – Blogging,

Neotonic Software – Relation client, Genius Labs – Blogging, etc.) et d’hébergement de

contenu (Youtube, Picasa, etc.). Il a élargi son champ d’action en rachetant des systèmes

d’exploitation mobile (Android, Allpay GmbH, brNET GmbH, etc.) tout en mettant en place

des outils d’analyse puissants (Trendalyzer, Zipdash, etc.). En parallèle, Google développait

des technologies visant à rendre l’algorithme de son moteur de recherche plus performant.

Entre 2001 et 2013, Google ne réalise pas moins de 123 fusions-acquisitions visant à

développer ses connaissances et compétences dans des domaines variées (publicité en ligne,

étude des comportements, rôles des interactions, etc.). À partir de ces rachats, l’entreprise a

développé de nombreuses technologies ludiques, intuitives et accessibles à tous.

En 2013, Google commence à développer une nouvelle branche de ses activités. Les

neurosciences et l’intelligence artificielle. En une année, il a procédé au rachat de neuf start-

up spécialisées dans la robotique et les sciences neurales. Il se trouve aujourd’hui en situation

15 Dans son travail, Michel GRUNDSTEIN, 2002. Le Management des Connaissances dans l'Entreprise :

Problématique, Axe de progrès, Orientations [PDF]. Disponible sur : http://michel.grundstein.pagesperso-

orange.fr/References/Rr050207.pdf (consulté le 02/08/2014) cite Peter Drucker.

16

Antoine Duvauchelle, 2010. « Google devrait être premier sur le marché des fusions et acquisition en

2010 ». Clubic. Disponible sur : http://pro.clubic.com/entreprises/google/actualite-351664-google-premier-

fusions-acquisitions-2010.html (consulté le 02/08/2014)

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de quasi-monopole sur ce terrain d’avenir. Seul Apple commence à s’intéresser aux objets

connectés, mais sans égaler Google.

Aujourd’hui, les marchés où la connaissance possède une incidence stratégique directe,

sont les plus dynamiques en termes de croissance de production et d’emploi. Accroître ses

capacités en acquérant de nouvelles connaissances, est un motif stratégique de développement

qui passe souvent par des opérations de fusions-acquisitions.

C.3 Une stratégie financière : les économies d’échelles

La fonction de production de Cobb-Douglas

Pour modéliser le concept d’économie d’échelle au sens microéconomique, les

économistes utilisent une fonction de production. Il s’agit d’une représentation mathématique

qui exprime la relation entre les facteurs de production d’une entreprise et la quantité de bien

ou de service qui en résulte. Elle indique sous forme d’équation ou de modélisation graphique

ce que l’entreprise peut réaliser à partir des différentes quantités et combinaisons de ses

facteurs de production.

Dans cette étude, nous nous intéresserons plus particulièrement à la fonction de

production telle que définie par les travaux du mathématicien Charles Cobb et testée par

l’économiste Paul Douglas. Cette fonction a été la base de nombreux postulats en économie et

ses propriétés mathématiques permettent d’expliquer des concepts complexes tels que la

productivité marginale ou encore la loi des rendements décroissants.

Pour l’appliquer au principe des rendements puis des économies d’échelles, il y a

plusieurs notions à prendre en compte. La première est la quantité de bien ou de service

produite. Nous la nommerons Q. Les autres composantes de la fonction de production sont les

facteurs de production. C’est-à-dire les ressources (matérielles ou non) utilisées lors du

processus de production de biens ou de services. Les sciences de l’économie en ont défini

plusieurs types. Dans leurs travaux, Cobb et Douglas considèrent deux facteurs de

production : le travail (noté L) et le capital (noté K). Les coefficients α et (α-1) représentent

respectivement la rémunération du capital et la rémunération du travail.

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La fonction de production telle que déterminée par leur travaux se traduit de cette

manière17

:

Q = f (K, L) = A Kα

L(α-1)

La fonction de production telle que définie par Cobb-Douglas représente la

transformation des facteurs capital (K) et travail (L) en un produit ou un service noté Q grâce

à un coefficient fixe noté A. Les économistes considèrent que l’entreprise est en situation de

rendements d’échelle croissants si, soit m un coefficient fixe :

f(mL, mK) > mf(K, L)

Le rendement d’échelle est la relation entre la variation de quantité du bien ou service

produit avec les modulations des moyens mis en œuvre pour sa fabrication. La notion

d’économie d’échelle se rattache au concept de rendements d’échelle dans le sens où il y a

économie d’échelle si les rendements d’échelles sont croissants. Dans ce cas, la quantité de

biens ou de services produite augmente proportionnellement plus vite que les quantités de

facteurs de production utilisés.

L’incidence des ac eurs de produc ion sur les écono ies d’échelles

Les facteurs de production sont les agents qui influent directement sur la productivité

des entreprises. Pour Philippe Darreau, professeur d’économie à l’Université de Limoges18

, le

travail est considéré comme « un flux et non [comme] un stock qui s’accumule »19

. Pour lui,

la quantité de travail suit l’évolution démographique. Il appréhende la fonction travail comme

une force fournie par l’ensemble des populations. Le capital est un stock qui s’accroît au

17 David Stadelmann, 2005. La fonction de production Cobb-Douglas : illustration de ses propriétés

mathématiques importantes pour les analyses économiques [PDF]. 25p. Disponible sur :

http://david.stadelmann-online.com/pdf/0005_cobbdouglas.pdf (Consulté le 02/08/2014)

18

Philippe Darreau, 2003. Expliquer la croissance [PDF]. Disponible sur :

http://www.unilim.fr/pages_perso/philippe.darreau/expliquerlacroissance.pdf (consulté le 02/08/2014)

19

La différence entre stock et flux peut être expliquée de manière analogue aux définitions données par le

domaine de la physique. Un stock correspond à un solde donné pour un instant T, alors qu’un flux correspond à

la variation de stock sur une période donnée.

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cours du temps. Il est accumulé par des individus qui épargnent et investissent20

. Comme le

stock de capital augmente, il est normal que la production augmente.

Les théories économiques s’accordent à expliquer que l’augmentation de ces deux

facteurs induit dans un premier temps un rendement croissant, et donc des économies

d’échelle. Ainsi, l’augmentation du capital peut permettre au travailleur d’être plus efficace.

Mais l’accumulation de ces facteurs se traduit par la suite par un rendement décroissant : la

productivité d’un facteur diminue lorsque l’on accroît son utilisation21

. Ainsi, si une entreprise

possède 100 pelles et 100 travailleurs et qu’elle achète 10 pelles de plus, la productivité du

capital va décroitre et la fonction de production va être en situation de rendement décroissant.

Comment expliquer que les rendements soient toujours croissants ? Comment les

entreprises continuent à être rentables si l’accumulation du capital et de la force de travail

signifient à terme un rendement d’échelle décroissant ?

La réponse est dans la formule. Le coefficient A dépend d’un niveau de technologie ou

de connaissance à un instant t. A est donc un coefficient qui dépend du temps.

Mathématiquement, cela se modélise par :

f(K, L) = A(t) Kα

L(α-1)

Dans ce modèle, la connaissance est considérée comme une fonction croissante du

temps. Les connaissances sont cumulatives, elles s’additionnent. Ce raisonnement peut se

traduire très simplement par des exemples concrets. « Une fois que l’on a produit le feu, cette

invention ne disparaitra pas par la consommation de ce bien. Si à partir de l’idée de feu, Denis

Papin produit une machine à vapeur, cette machine s’usera à la longue, mais l’idée [la

connaissance] de la machine à vapeur restera à tout jamais dans la connaissance. Elle viendra

s’accumuler au stock immatériel des connaissances. »22

La connaissance est donc le facteur qui permet de réactiver la croissance des fonctions

de production lorsque la seule accumulation des capitaux et du travail la bloque. De

20 Cf Travaux d’Adam Smith et Turgot sur le phénomène de croissance.

21

Loi des rendements décroissants

22

Philippe Darreau, 2003. Expliquer la croissance [PDF]. Disponible sur :

http://www.unilim.fr/pages_perso/philippe.darreau/expliquerlacroissance.pdf (consulté le 02/08/2014)

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nombreuses études prouvent l’importance du facteur de production connaissance et son

influence sur la fonction de production d’une entreprise.

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Les fusions-acquisitions, opérations consistant à prendre possession d’actifs en

situations de production immédiate, permettent aux entreprises de se développer et de

rester concurrentielles. Ce mode de croissance est un outil stratégique pour s’adapter

rapidement à un environnement caractérisé par une évolution rapide. Au-delà des

atouts que ce type d’opération peut apporter (taille critique, achat d’un actif non

productible en interne, etc.), les fusions-acquisitions sont créatrices de synergies

opérationnelles qui permettent des économies d’échelles.

La connaissance fait partie du capital immatériel de l’entreprise et joue un rôle au

niveau des orientations politiques et financières de l’entreprise. La captation d’une

connaissance spécifique est liée à une stratégie offensive qui pousse l’entreprise à rester

à la pointe d’un secteur, ou à garder un monopôle. De plus, la connaissance est

essentielle à la réalisation d’économies d’échelles durables.

La connaissance possède un rôle très important pour le développement des

entreprises aussi bien au niveau politique que financier. En ce sens, elle donne souvent

lieu à des opérations de fusions-acquisitions. Qu’est-ce que la connaissance ? Quels

peuvent être les risques ?

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2. Le capital immatériel de l’entreprise face aux fusions-

acquisitions

Le capital immatériel d’une entreprise est un élément non monétaire et sans substance

physique constitué par des connaissances et des capacités. Il représente l’ensemble des actifs

immatériels de l’entreprise, c’est-à-dire des éléments qui n’apparaissent pas dans son bilan.

Les travaux d’Edvisson (1997)23

permettent de catégoriser le capital immatériel en

différent types de connaissances et capacités :

- Le capital humain (connaissances tacites, connaissances explicites, compétences

individuel, capacité d’apprentissage, capacité d’innovation, etc.)

- Le capital organisationnel (connaissances communes à l’organisation de

l’entreprise, procédures formalisées, ensemble de valeurs communes, etc.)

- Le capital relationnel (connaissances caractérisant les relations de l’entreprise à

son environnement)

Les fusions-acquisitions sont des opérations qui impliquent des efforts et une

reconsidération complète de l’ensemble des activités au sein du groupe et de l’entreprise.

Comment cette reconsidération des activités et des rôles de chacun va influer sur le capital

immatériel des entités considérées ? Et comment ce capital va influencer la manière dont va se

dérouler l’opération ?

A. Le capital immatériel de l’entreprise

Emportées par le courant de la mondialisation, les organisations changent de stratégies

de développement. Elles ne se concentrent plus sur la seule accumulation du travail et du

capital, mais s’intéressent également au capital immatériel. Toute entité pensante doit décider

pour agir. Les entreprises se retrouvent confrontées à des problèmes dont les solutions, au-

delà des contraintes matérielles, font appel à des connaissances pour être pertinentes.

L’acquisition de connaissances nouvelles permet donc, en théorie, d’accroître ses capacités de

décisions.

23 Edvinsson, L. et Malone, M. Le capi al i a ériel de l’en reprise. Iden i ica ion esure ana e en .

Maxima, 1998.

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A.1 La connaissance : éléments de définition

La connaissance est le résultat d’une action désignant le rapport de la pensée à une

réalité extérieure. Plusieurs philosophes se sont succédé pour définir le champ couvert par la

connaissance et expliciter les liens étroits entre les notions de données, d’information et de

connaissance. Ces notions représentent en réalité trois étapes différentes d’un processus

cognitif.

Une donnée brute est le résultat direct d’une mesure pouvant être quantitative (poids,

taille, âge, etc.) ou qualitative (nom, couleur, ville, etc.). Elle devient une information

lorsqu’elle est communiquée à une entité capable de l’interpréter, de lui donner du sens. Une

fois transformée en information utilisable, la donnée brute peut être intégrée par l’individu

dans l’ensemble d’information qu’il détient. Cet ensemble d’informations mises en relation

les unes avec les autres, forme les connaissances d’un individu. La connaissance est donc un

processus individuel visant à donner du sens à une donnée et à créer des corrélations avec

l’ensemble des informations détenues par chacun24

.

Figure 1 : La formation de la connaissance

24 Didier FROCHOT, 2003. « Document, donnée, information, connaissance, savoir » Les infostratèges

[en ligne] Disponible sur : http://www.les-infostrateges.com/article/031269/document-donnee-information-

connaissance-savoir (consulté le 02/08/2014)

Information

Donnée

brute

Interprétation

Connaissance

Mise en corrélation

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À chaque étape d’interprétation, des facteurs individuels et subjectifs entrent en compte

et orientent le résultat final. Ainsi, à partir des mêmes données et informations, les idéaux ou

la culture propre à chaque individu vont conduire l’interprétation et mener à des

connaissances différentes.

Selon la psychologie cognitive, il existe plusieurs formes de connaissances.

Les connaissances explicites correspondent à une information interprétée et codifiée qui

est transmise à un groupe de destinataires sous une forme clairement définie et structurée

(voire normée).

Les connaissances tacites sont des connaissances qui ne sont pas clairement formulées.

Cette forme de connaissance constitue un savoir primordial qui représente plus de 70 % des

connaissances détenues par l’entreprise25

. Ce type de connaissance est difficile à exprimer car

il semble, pour ses détenteurs, tenir plus de l’inné que de l’acquis. Les connaissances tacites

sont souvent assimilées à une forme de flair et de compétences qui ne s’explique pas. Qui plus

est, elles peuvent être difficilement repérables car certains acteurs n’ont pas conscience d’être

détenteur de ces savoirs. De ce fait, ces connaissances sont présentes au sein de chaque

individu, mais n’ont pas été formalisées et pérennisées sous forme d’informations disponibles

pour les autres employés.

Cette différenciation a été décrit pour la première fois dans les travaux de Michael

Polanyi26

qui distingue les connaissances qui peuvent être exprimées en utilisant des formes

symboliques et des représentations – connaissances explicites ou codifiées – et d’autres

formes de connaissances qui ne peuvent se prêter facilement à de telles représentations – les

connaissances tacites. Pour citer illustrer ses propos : “we can know more than we can tell”27

,

ce qui signifie littéralement « nous en savons plus que ce que nous disons ».

25 Ermine, J.-L. (2010). « Une démarche pour le transfert intergénérationnel des savoirs », Télescope, vol.

16, nº 1, p. 83-107. Disponible sur :

http://www.telescope.enap.ca/Telescope/docs/Index/Vol_16_no_1/Telv16n1_ermine.pdf

26

Michael Polanyi, 1966. The tacit dimension [en ligne], University of Chicago. Disponible sur :

http://files.meetup.com/2380361/Polyani%20TacitKnowing.pdf (consulté le 02/08/2014)

27

1966, p. 4

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L’importance des liens entre dimensions tacites et explicites des connaissances est

démontrée dans plusieurs études. Les travaux d’Ikujiro Nonaka et d’Hirotaka Takeuchi

prouvent l’importance du transfert des connaissances au sein d’une organisation ainsi que les

difficultés à mettre en place des processus de transmission efficace28

. Ces démarches en

permettant de formaliser et d’exprimer une connaissance, sont des éléments centraux pour

toutes formes d’innovations.

La connaissance peut être évaluée selon son degré de formalisation (tacite ou explicite)

et son niveau de mémorisation et d’appropriation (individuel ou collectif). En croisant ces

deux critères d’évaluation, on arrive à caractériser plusieurs types de connaissances.

Connaissance Tacite Explicite

Individuelle Connaissance innées,

automatique

Connaissance déclarative

Collective Ensemble de valeurs sous-

jacentes à une culture

Connaissance scientifique,

objective

Figure 2 Carac érisa ion de la connaissance en onc ion de son de ré de or alis e e d’appropria ion

Les travaux de Nonaka et Takeuchi partent du fait que la connaissance est créée grâce

aux différentes interactions entre les individus. Les croisements entre les connaissances

échangées formalisées ou non vont leur permettre de définir quatre modes de transferts,

indépendants du niveau de mémorisation.

La socialisation est une interaction entre deux connaissances tacites. Comme

l’expérience tacite ne se transmet que par l’expérience (tant qu’elle n’est pas

formalisée), ce transfert se fait par passation de modèles mentaux ou de gestes

techniques. Les connaissances tacites n’étant généralement pas formulables,

cette transmission a majoritairement lieu par l’observation et la pratique.

La combinaison est l’interaction de deux connaissances explicites. C’est une

reformulation, une restructuration d’une connaissance déjà codifiée et acceptée.

Par exemple, cette reformulation peut avoir lieu via un nouveau canal de

communication et créer ainsi une nouvelle connaissance.

28 Ikujiro Nonaka, Hirotaka Takeuchi, 1997, La connaissance créatrice la dyna ique de l’en reprise

apprenante [en ligne] De Boeck Supérieur- 303 pages. Disponible sur :

http://books.google.fr/books/about/La_connaissance_cr%C3%A9atrice.html?hl=fr&id=gy5oY0-ZcsEC (consulté

le 02/08/2014)

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L’externalisation est la formulation, l’expression d’une connaissance tacite,

c’est-à-dire le passage d’une connaissance tacite à une connaissance codifiée.

Généralement, la connaissance tacite est alors modélisée sous forme de concepts

ou d’hypothèse.

L’internalisation, à l’inverse est l’appropriation d’une connaissance codifiée de

manière à ce qu’elle devienne une connaissance tacite. C’est un processus

d’apprentissage de base qui correspond par exemple, au fait de réviser en lisant

des manuels.

Figure 3 : Les transferts de connaissances / Nonaka et Takeuchi. Disponible sur :

http://books.google.fr/books/about/La_connaissance_cr%C3%A9atrice.html?hl=fr&id=gy5oY0-ZcsEC

Toutes les opérations de transfert de connaissances finissent par constituer un capital de

connaissances, une sorte de patrimoine mémoriel propre à l’entreprise. Pour que ce

patrimoine soit capitalisé, pérennisé et enregistré dans la mémoire collective de l’organisation,

il faut absolument que ses composantes soient identifiées, structurées et formalisées.

A.2 La mémoire d’entreprise : éléments de définition et

enjeux

Pour avoir une utilité au sein d’un groupe, les connaissances doivent passer d’un

individu au cercle collectif formé par l’entreprise. Pour un individu en bonne santé, le

processus de mémorisation se fait naturellement et n’a pas besoin d’être formalisé. Mais pour

passer d’un cadre individuel à un cadre collectif, ce réseau d’informations doit être exprimé et

formalisé de manière compréhensible pour tous les acteurs du groupe.

Le lien entre la connaissance et la mémoire d’une entité se fait de manière directe. Pour

le comprendre, il convient de partir du principe que la connaissance en soi n’a d’utilité que si

elle est mémorisée. Ainsi, pour créer de la connaissance, il faut être capable d’établir des

corrélations avec des informations préalablement connues et assimilées. Le processus de

Information Information

Acteur Acteur socialisation

combinaison

externalisation appropriation

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mémorisation est donc au cœur de la construction de la connaissance. Le Trésors de la langue

française (TLF) défini la mémoire comme un « processus mental, dans lequel les expériences

proches ou lointaines sont enregistrées »29

. La mémoire est donc une forme d’enregistrement

et d’assimilation des informations qui permet la création de connaissances nouvelles par

l’établissement de liens logiques entre plusieurs informations.

Seule la formalisation et la transmission des connaissances individuelles permettent

d’assurer à la firme les connaissances nécessaires pour prendre des décisions et faire face aux

aléas des marchés. En effet, nous savons tous que personne n’a la capacité de prévoir l’avenir.

Cependant, la mémorisation d’actions, d’expériences passées, aide à prendre des décisions

pertinentes pour éviter des erreurs déjà commises ou faire l’expérience d’un choix

« nouveau ». Le premier enjeu à la constitution d’une mémoire d’entreprise, est donc la mise

en place d’un ensemble de référentiels guidant les choix et les orientations stratégiques de

l’entreprise.

Le second enjeu est un objectif lié à une vision fédératrice où tous les composants

individuels de l’entreprise vont venir se rassembler autour de valeur commune, une sorte de

culture composée par les dirigeants et appuyée par une légitimation historique. La mémoire de

l’entreprise est donc un atout précieux pour construire l’identité de la communauté. Elle

véhicule toujours un certain nombre de valeurs clefs qui détermineront les actions et les lignes

décisionnelles de l’entreprise.

Le troisième enjeu est l’apport que constituent la mémoire et la connaissance historique

de l’entreprise pour la communication interne et externe. Nous l’avons vu, en interne, la

formalisation de la mémoire d’une entreprise sert à créer un processus d’identification

commun à tous les salariés. En externe, cette connaissance de l’histoire apporte une

dimension où l’entreprise prouve sa légitimité sur le marché par ses résultats, mais également

par son ancienneté, son expertise historique.

B. Les impacts des opérations de fusion-acquisition

Comme nous l’avons vu précédemment, la connaissance peut être un des motifs pour

mettre en place des acquisitions. Ces opérations peuvent également être motivées par des

29 TLF. « Mémoire ». Trésors de la langue française. Disponible sur :

http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?12;s=1303525320;r=1;nat=;sol=1 (consulté le 02/08/2014)

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économies d’échelles suite à des synergies opérationnelles. Pour que ces synergies aient lieu,

les opérations impliquent des restructurations fonctionnelles et organisationnelles de

l’entreprise.

Ces changements, en remettant en question des modèles sociaux considérés comme

allant de soi, viennent se heurter à l’identité de l’entreprise et à sa mémoire. Ces ruptures

fonctionnelles amènent souvent à des rejets de la part des salariés et peuvent conduire à

l’échec complet de l’opération. En effet, il ne suffit pas d’apposer des signatures en bas d’un

contrat pour que la réunion de deux sociétés aboutisse à la création d’une entité forte. Les

scissions sont encore plus visibles lorsque les employés de l’une des sociétés se sentent

asservis. Une étude récente d’Iron Mountain en Europe révèle que les salariés en charge de la

gestion de l’information d’une société qui vient d’être rachetée évoquent fréquemment un

sentiment d’abattement30

.

Ces problèmes sont plus évidents dans les cas d’acquisition que dans les cas de fusions.

En effet, les fusions sont guidées par une volonté commune de la part des équipes dirigeantes

qui œuvrent main dans la main pour conduire le changement et parvenir à un but commun.

Les rachats, opérations ne se basant pas sur le principe de l’égalité des deux entreprises,

provoquent plus souvent des difficultés fonctionnelles dues à une certaine forme de rancœur,

de peur et de réticence à l’appropriation de son travail par un tiers. Dans la suite de cette étude

nous concentrerons notre propos sur les opérations apportant le plus de problèmes, c’est-à-

dire, les acquisitions.

B.1 Les conséquences opérationnelles et structurelles des

acquisitions

Dans le groupe

Pour le groupe, une acquisition représente un coût en capitaux élevé. Il s’attend donc à

ce que l’entreprise achetée lui soit profitable immédiatement en étant la plus productive

possible de manière à amortir son coût. Cependant, cette opération implique un changement

de l’organisation originelle de cette société. Toute la difficulté est donc de conduire ces

changements en douceur et de ne pas se poser en rupture avec le mode de fonctionnement

préexistant.

30 Iron Mountain, « Les rachats sont plus risqués que les fusions », Iron Mountain [en ligne], 10 avril

2014. Disponible sur : http://www.ironmountain.fr/news/2014/impr04102014 (consulté le 04/08/2014)

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L’entreprise achetée voit son domaine de compétence auparavant large de toutes les

tâches de gestion et de gouvernance de l’entreprise, se réduire peu à peu à la fonction de

production. C’est-à-dire, la fonction productrice de profit immédiat, les tâches annexes de

gestion et de direction étant en majeure partie assumée par le groupe.

La maison-mère est en situation de contrôle de l’organisation de ses filiales et exporte

son modèle culturel et opérationnel. Pour pallier les problèmes de coordination et d’activités

regroupées entre toutes ses composantes, le groupe standardise ses activités et impose ses

modèles fonctionnels, opérationnels et managériaux aux filiales. Cela implique une complète

réorganisation interne, aussi bien du point de vue des services que des tâches effectuées par

les salariés.

Pour aider à ces réorganisations, le groupe tente d’inculquer sa culture aux filiales. Le

problème constaté est que cette dernière s’arrête bien souvent aux équipes dirigeantes des

filiales et n’atteint que rarement les équipes opérationnelles31

.

Dans l’en reprise

Dans l’entreprise rachetée, la conséquence directe à plus ou moins long terme (tout

dépend de la manière dont est conduit le changement) est le recentrage de ses activités autour

de la production.

Les méthodes de travail sont standardisées et les services ne touchant pas directement à

la production sont bien souvent réduits. Reprenons l’exemple du service informatique : les

effectifs sont réduits et le travail ne consiste plus qu’à établir un relai entre les besoins des

services de l’entreprise et le service concerné dans le groupe. Cela s’accompagne bien

souvent d’une perte de réactivité. Dans le cas d’un problème informatique, au lieu de

contacter le service informatique de l’entreprise et de voir son problème résolu, la personne

confrontée à cette situation devra contacter le service informatique de l’entreprise qui va

contacter le service informatique du groupe qui finalement proposera une solution (avec tous

les problèmes de langues, de rythmes, de fuseaux horaires et de compréhension que cela sous-

entend). Au sein de chacune des filiales, le service informatique va peu à peu disparaitre pour

laisser la place à quelques « coordinateurs » chargés de faire le lien entre le prestataire de

service et la filiale.

31 Problème constaté d’après une expérience personnelle chez Brasseries Kronenbourg.

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Le problème se corse encore avec le recours à des prestataires externes. En effet, pour

certaines problématiques propres à l’ensemble des filiales, les groupes ont de plus en plus

recours à des prestataires externes spécialisés. Elles réalisent ainsi des économies d’échelle :

cela coûte moins cher de payer un prestataire traitant l’ensemble des filiales que de maintenir

une équipe dédiée en poste dans chaque entreprise. Ces prestataires viennent se rajouter à la

liste des intermédiaires entre l’utilisateur et la résolution de son problème.

En interne, certaines volontés du groupe sont mal perçues ou ont du mal à être

comprises par les salariés. En faute, le décalage trop grand entre les différentes cultures32

,

mais aussi parfois une volonté de domination trop forte. À la difficulté d’assimilation d’une

politique étrangère à l’entreprise vient s’ajouter le problème de la transmission. En effet, les

filiales aussi utilisent des prestataires. Ainsi, la multiplication des intermédiaires peut

conduire à des situations ubuesques : la politique du groupe est expliquée en interne aux

salariés de la filiale via une agence de communication extérieure briffée elle-même par le

service communication de la filiale.

L’entreprise fille va se recentrer sur son cœur de métier et toutes les compétences de

fonctionnements annexes (informatiques, communication, etc.) sont à terme confiées à des

groupes de travail externes communs à l’ensemble des filiales d’un groupe donné.

Au niveau humain dans le service

La réforme de l’organisation du travail et des services a des conséquences directes sur

les salariés. Tout d’abord, si cette opération est mal menée, elle peut être totalement rejetée de

la part des salariés. Il y a alors perte d’efficacité.

La standardisation des méthodes amène souvent à des changements dans les outils de

travail (notamment informatique). Là encore, on peut voir s’opérer un refus du changement.

De plus, la redéfinition des tâches amenées par la réorganisation des services peut être perçue

comme peu stimulante. En effet, les véritables fonctions étant gérées par le groupe, les

services internes aux filiales deviennent des relais. Toutes les tâches créatives sont

délocalisées pour ne leur laisser en majeure partie que des tâches de gestion et de contrôle.

32 Florentin Collomp, 1999 « Patrons asiatiques, ouvriers français, le choc des cultures [en ligne] »

L’express.- Disponible sur : http://lexpansion.lexpress.fr/actualite-economique/patrons-asiatiques-ouvriers-

francais-le-choc-des-cultures_1404298.html (consulté le 02/08/2014)

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B.2 Les rejets identitaire et mémoriels

Les opérations d’acquisition peuvent conduire à de fortes réactions identitaires entre

l’entreprise absorbée et le groupe. Dans ces rapports de force, personne n’est gagnant. Au lieu

de servir la cause commune, les connaissances et la mémoire de chacune des entités viennent

se heurter et faire barrage au changement.

On trouve une illustration de ce problème dans l’opération de rapprochement réalisée

entre Renault et Volvo33

dans les années 1990. Pourtant, dans les perspectives, tout présageait

une union fructueuse entre l’entreprise française et son homologue suédois. Cette alliance

aurait permis à Renault d’étendre un peu plus son champ d’action à l’international et de

compter sur les marques et le savoir-faire de Volvo dans le secteur de la fabrication de poids

lourd. Elle aurait permis au groupe suédois un libre accès aux compétences de Renault en

matière de produit automobile et une amélioration de ses prix de revient étant donné qu’en

1993, Volvo est le plus petit des membres de l’alliance. Ce rapprochement aurait permis des

économies d’échelles et des synergies opérationnelles chiffrées entre « 30 à 42 milliards de

francs d'économies d'ici au tournant du siècle »34

.

Pourtant, le contexte de l’époque, où Renault, malgré sa privatisation prochaine restait

une entreprise nationale, pousse la Suède à refuser de céder un des fleurons de son industrie à

la France. Les pressions ont été multiples, aussi bien politiques que journalistiques. C’est ainsi

qu’après 3 ans de cohabitations et de rapprochement, toutes les actions mises en place pour

construire un projet commun s’écroulent. Pour Louis Schweitzer, directeur président-général

de Renault entre 1992 et 2005, qui revient sur les faits lors du colloque organisé

conjointement par la SABIX et l’AAF le 6 juin 2000, « On peut dire que cet échec est le fruit

de nationalismes, nationalisme de l’actionnariat français de Renault, nationalisme suédois et

que le divorce résulte du choc de ces nationalismes »35

.

33 Stéphane Lauer, Renault : une révolution française, Paris, Éditions Jean-Claude Lattès, 2005

34

Marguerite Laforce, « Renault-Volvo : l’échec », Les échos [en ligne], 07/01/1994. Disponible sur :

http://www.lesechos.fr/07/01/1994/LesEchos/16556-533-ECH_renault-volvo--l-echec.htm (consulté le

03/04/2014)

35

Louis Schweitzer, « Première partie : mémoire et stratégies, mémoire et progrès : Renault », Bulletin de

la Sabix [En ligne], 29 | 2001, mis en ligne le 25 juin 2009.Disponible sur : http://sabix.revues.org/308

(consulté le 02/08/2014)

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Dans cette discussion, Monsieur Schweitzer révèle que si l’échec final est dû à des

causes politiques extérieures, l’opération de rapprochement entre les deux entreprises ne se

passait pas très bien. En effet, « La seconde raison [de cet échec] est que cette tentative a été

vécue plus comme une opération « coloniale » que comme une opération de rapprochement.

Donc comme un phénomène de domination, et tout phénomène de domination provoque chez

l’autre, s’il n’est pas faible, une réaction de rejet. ».

Dans cette phrase, Monsieur Schweitzer souligne l’importance de la relation dominant-

dominé dans les opérations de fusions-acquisitions et des réactions identitaires liées à

l’histoire et à la mémoire de l’entreprise absorbée qui en découlent. Ces réactions sont liées à

l’affect, à une forme de connaissance qui n’est pas formalisée, une perception, un ressenti qui

va à l’encontre d’un idéal.

B.3 Les pertes de connaissances

Si cette évolution n’est pas envisagée en amont, on constate une perte de connaissances

massive due aux départs des salariés et aux réactions d’opposition. On retrouve l’illustration

de ce cas avec l’exemple d’IBM, grosse société de développement et de matériel

informatique.

En 2009, IBM rachète ILOG, entreprise française qui édite des logiciels de gestion pour

les entreprises. Suite à ce rachat, ILOG est réorganisée pour s’intégrer dans le fonctionnement

global d’IBM. Si les équipes stratégiques de développement informatique sont maintenues en

poste, l’équipe commerciale voit ses effectifs se réduire de manière drastique, remplacée peu

à peu par l’équipe commerciale du groupe IBM. Quelque temps plus tard, les managers se

rendent compte que les équipes chargées de vendre les logiciels édités par ILOG en sont

incapables, faute d’avoir en main les argumentaires et les connaissances nécessaires pour

expliquer les fonctionnalités des logiciels. Pour remédier à cette situation, IBM a dû

recontacter d’anciens salariés et mettre en jeux des couts supplémentaires et des formations

pour ses équipes de ventes.

En se basant sur la récente étude d’Iron Mountain36

, on peut souligner l’impact social

des acquisitions sur la gestion des connaissances. En effet, les salariés gestionnaires de

l’information des entreprises rachetées disent craindre « juste après les préoccupations quant à

36 Iron Mountain, « Les rachats sont plus risqués que les fusions », Iron Mountain [en ligne], 10 avril

2014. Disponible sur : http://www.ironmountain.fr/news/2014/impr04102014 (consulté le 04/08/2014)

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l’évolution de leur poste et l’ampleur des changements à venir, […] les conditions

d’intégration des données internes ainsi que celles des clients et ne pas savoir gérer les

incohérences et les doublons. Un tiers des employés des sociétés rachetées déplorent le

manque de stratégie claire de consolidation des dossiers et de protection des données, 44 %

déclarent qu’il n’existe pas de process pour intégrer les documents papier dans les nouveaux

systèmes numériques, et 31 % se plaignent de l’absence de process de stockage des

documents papier »37

.

Cette étude démontre que le ressenti des salariés influence directement les processus de

gestion des données, informations et connaissance. Si ce ressenti est mauvais, le risque qui en

découle est majeur. Que ce soit au niveau des données clients, ou des connaissances relatives

à un produit, un service ou à un processus, leur perte conditionne le bon fonctionnement

d’une entreprise et sa réputation.

Les implications des pertes sont alors :

- financières : peuvent être vues comme de coût d’une amende suite à l’impossibilité de

prouver un fait, une action et comme la perte de temps et de moyens pour parvenir à retrouver

une donnée, une information, une connaissance.

- juridiques : perte d’informations servant de preuve. Cela occasionne des difficultés à

justifier ses activités ou à se défendre dans le cas d’un litige.

- fonctionnelle : une perte des données client peut mener à une mauvaise relation client

et atteindre la réputation de l’entreprise.

La transmission de la connaissance est avant tout un acte social. Elle dépend du

contexte dans lequel les acteurs évoluent, mais aussi des relations interpersonnelles et des

affinités des personnes concernées. En effet, même si le cadre de l’entreprise est censé être un

environnement neutre, la collectivité est composée de myriades d’individus conscients qui

interagissent. Toutes ces interactions sont productrices de nouvelles connaissances, mais

peuvent également être un frein à leur transmission et donc à une bonne mémorisation

collective de celles-ci.

37 Marc Delhaie, « L’information, bombe à retardement des fusions-acquisitions », Rhinfo [en ligne],

28/05/2014, Disponible sur : http://www.rhinfo.com/actualites/article/details-articles/enm/24833_79-l-

information-bombe-a-retardement-des-fusions-acquisitions (consulté le 04/08/2014)

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La connaissance est une vision de la réalité basée sur plusieurs étapes

d’interprétation et de réappropriation. L’ensemble des connaissances formalisées et

enregistrées forment la mémoire de l’entreprise. C’est cette mémoire qui conditionnera

ses capacités de réaction, l’adhésion de ses salariés et d’une certaine manière la

perception de ses consommateurs ou de ses clients. La connaissance est une composante

majeure de la compétitivité d’une entreprise et représente un formidable outil de

croissance. Acquérir de nouvelles connaissances est donc un motif stratégique pour

organiser des opérations de fusions-acquisitions.

Les fusions-acquisitions sont des opérations couteuses. Elles sont donc menées dans

un souci de rentabilité. Cette préoccupation se traduit par des restructurations devant

conduire à des synergies opérationnelles provoquant ainsi des économies d’échelles. Or,

ces changements organisationnels peuvent venir heurter la mémoire des entreprises

considérées et mener à des pertes de connaissances. Nous nous retrouvons donc dans une

situation paradoxale où la connaissance peut être à la fois motif et victime des fusions-

acquisitions.

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3. Conclusion

Les fusions-acquisitions sont devenues un outil stratégique pour la croissance des

entreprises. Ce sont cependant des opérations couteuses qui impliquent un besoin de

rentabilité immédiate. Ce besoin se traduit par des restructurations complètes des

entreprises rachetées afin de générer le plus rapidement possible des économies

d’échelles. Ces changements peuvent venir heurter un élément de croissance

stratégique : la connaissance. En effet, les connaissances et par extension, la mémoire

d’une entreprise sont des facteurs de productions qui lui apportent des atouts non

négligeables en termes d’adaptation, d’adhésion de ses salariés et d’image.

Les restructurations consécutives aux fusions-acquisitions peuvent donc venir se

poser en rupture par rapport à la mémoire de l’entreprise rachetée et générer ainsi des

réactions d’oppositions de la part des salariés. Ces réactions peuvent engendrer des

pertes de connaissances menant à des dysfonctionnements graves et conduire à l’échec

de l’opération de rapprochement. Le rôle de la mémoire dans les opérations de fusions-

acquisition est donc un enjeu central pour le bon déroulement de celles-ci.

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Partie 2 : Eléments de réponses

Cette seconde partie apportera des pistes pour tenter de résoudre ou d’éviter les

problèmes expliqués précédemment.

Les deux problèmes mis en avant sont liés aux notions de connaissance et de mémoire.

Or, le document d’archives est tout cela à la fois, dans le sens où il témoigne d’une

connaissance et forme une mémoire. Les archives apparaissent donc comme un des moyens

possibles pour éviter ou résoudre les problèmes évoqués plus haut. Il en existe bien

évidemment d’autres, mais ceux-ci qui ne seront pas évoqués dans ce mémoire.

Nous verrons dans une première partie les enjeux et les problématiques propres aux

archives d’entreprises, leur valeur probante et contextuelle. Puis nous terminerons ce travail

par l’explication du rôle clef de l’archiviste d’entreprise qui est à la fois facteur et dépositaire

privilégié des connaissances et de la mémoire de l’entreprise, ainsi que la manière dont son

travail peut éviter les problèmes posés précédemment.

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1. Les archives d’entreprises

Les archives d’entreprise consignent les faits, les décisions et les actions de l’entreprise.

Elles sont porteuses de sens et matériaux de mémoire. Elles jouent un rôle central dans le

développement et la croissance des entreprises en contribuant à la collecte, à la formalisation

et à la pérennisation de la mémoire individuelle et collective.

A. Définition

Il n’existe aucune définition légale des archives d’entreprise. Par conséquence, cela

signifie qu’il n’existe pas non plus d’obligation légale.

En effet, si les archives publiques sont définies comme « Les documents qui procèdent

de l'activité, dans le cadre de leur mission de service public, de l'Etat, des collectivités

territoriales, des établissements publics et des autres personnes morales de droit public ou des

personnes de droit privé chargées d'une telle mission. Les actes et documents des assemblées

parlementaires sont régis par l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au

fonctionnement des assemblées parlementaires »38

, les archives privées, c’est-à-dire les

archives d’entreprises sont tout ce qui correspond à la définition globale des archives, mais

qui n’entrent pas dans le cadre couvert par la définition des archives publiques.

En partant de la définition globale des archives proposée par le code du patrimoine,

nous définirons les archives d’entreprise comme suit :

Les archives d’entreprise sont l’ensemble des documents, quels que soient leurs

supports, leurs natures, leurs lieux de conservation et leurs dates, produits ou reçus par

l’entreprise dans l’exercice de ses activités, organisées en conséquence de celles-ci et

conservés en vue d’une réutilisation éventuelle39

. Cette définition contient plusieurs notions

que nous allons clarifier afin d’étayer notre propos.

38 Légifrance, 2008. « Article L211-4 ». Code du patrimoine [en ligne]. Disponible sur :

http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=E7D433D06CD3613982DA93D40468A7BF.tpd

jo04v_1?idArticle=LEGIARTI000020566961&cidTexte=LEGITEXT000006074236&dateTexte=20140802

(consulté le 02/08/2014)

39

Définition issue de la loi de 2008, Code du Patrimoine.

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A.1 L’ensemble des documents

Il est difficile de parler d’« archives » au singulier étant donné qu’un document

d’archives ne peut s’apprécier isolément. L’enjeu principal du travail archivistique est de

sauvegarder et d’expliciter le contexte de production des documents conservés afin de léguer

une donnée (le document) pourvue d’un sens (le contexte) de manière à constituer une

information. C’est ce contexte, matérialisé par la hiérarchisation des grands ensembles formés

par les fonds, séries et sous-séries qui renseigne et légitime la place du document dans les

archives. Ce contexte peut être définit par le producteur, par une fonction métier, un service,

une direction, un projet.

A.2 De toute nature et de toute époque

Lorsqu’on parle d’archives, la plupart des gens ne peuvent s’empêcher de penser à des

locaux sombres et poussiéreux encombrés de piles de vieux papiers sur lesquels se penche un

vieil homme à lunettes. Or, rien n’est moins vrai !

Figure 4 : Sacrés archivistes / Pierre Marchetti.- Nawak Illustrations. Disponible sur : http://www.nawak-

illustrations.fr/tag/archives/

Tout d’abord, les archives ne se limitent pas à des piles de vieux papiers. Les documents

peuvent être des archives dès leur création ou leur réception. On distingue trois étapes dans

leur cycle de vie.

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La première étape : les archives courantes. Ces sont les archives à utilité immédiate.

Pour schématiser, nous pouvons dire que les archives courantes sont les archives qui sont

posées sur le bureau. Le second stade de la vie des archives : les archives intermédiaires. Dans

ce cas, l’utilité immédiate disparait pour laisser la place à un besoin de référentiel ou un

besoin légal. Ce sont les archives que l’on garde dans son armoire. Enfin, le troisième et

dernier stade de la vie des documents d’archives sont les archives définitives. C’est-à-dire des

documents à conserver indéfiniment que ce soit pour leur intérêt historique ou légal40

.

La qualité d’archives d’un document ne dépend donc pas de son ancienneté, ni du fait

qu’il soit écrit en latin ou qu’il présente des mouchetures sur son papier, mais bien de son

contexte de création ou de réception.

Les idées reçues sur les archives concernent aussi la forme et la nature par lesquelles

celles-ci sont matérialisées. Le papier a longtemps été la forme privilégiée pour enregistrer et

formaliser les connaissances. De ce fait, les documents papiers, ou parchemins demeurent

dans l’esprit du plus grand nombre, la seule et unique forme de documents d’archives. Or rien

n’est moins vrai. Peuvent être archives, des fichiers numériques, des photographies, des

dessins, des documents imprimés, mais aussi des objets, s’ils sont produits ou reçus dans

l’exercice des activités de l’entreprise. Ainsi, nous considérerons le document d’archives

comme le support des données, comme un objet porteur de données.

A.3 Produit ou reçu dans l’exercice de ses activités

Si la forme, la nature ou l’époque n’influent pas sur le statut d’un document d’archives,

il faut tout de même que ce document soit le résultat d’une activité humaine. Un fonds

d’archives peut rassembler aussi bien des documents créés et préparés par des personnes

internes à l’entreprise que des dossiers que ces personnes ont reçus de la part d’autres

individus ou d’autres organisations.

Pour avoir la qualité d’archives, un document doit témoigner des activités de

l’entreprise. Or, les activités sont toujours en lien avec un contexte de production, de

réception et symptômes d’une démarche organisationnelle, d’une manière de penser. Les

archives sont des témoins documentaires d’une activité, conservées en raison de leur intérêt à

plus ou moins long terme. En principe, elles doivent être créées en même temps et/ou dans les

40 Ces exemples sont issus des cours que Mme Isabelle Theiller dispense en Master Archives et Images à

l’Université Toulouse le Mirail.

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mêmes finalités que les activités dont ils sont les témoins. On peut en extraire que les archives

sont des preuves directes des faits. On ne peut pas les confondre avec des descriptions ou des

analyses faites a posteriori. Ce n’est qu’à cette condition que les documents et objets peuvent

présenter l’authenticité et le pouvoir d’information véritable qui caractérise les archives.

B. Le support de la connaissance

Comme nous l’avons vu plus haut, les archives sont un ensemble documents, objets

supports de données ou d’informations. Ainsi, les archives peuvent être des documents ne

présentant des éléments propres à être identifiés comme informations significatives qu’après

analyse. En poussant le raisonnement à l’extrême, un simple papier sur lequel est inscrit un

texte, peut s’appréhender comme étant porteur de données brutes. Les données sont alors les

signes alphabétiques que le cerveau humain interprète de manière à former des mots qui

deviennent alors des informations.

Nous comprenons donc que tout document d’archives, par essence porteur de données,

peut participer à la construction de la connaissance. Pour cela, il faut que le lecteur soit

capable de décrypter et d’analyser les données de manière à leur apporter du sens, créateur

d’information. Elle sera ensuite mise en relation avec d’autres informations de manière à créer

une connaissance. Cette dernière étape passe aussi bien par la mise en corrélation avec des

informations personnelles qu’avec les informations apportées par le contexte du document.

Cet environnement est matérialisé par le rapprochement ou l’éloignement physique entre

documents d’archives ainsi qu’avec la hiérarchisation des documents entre eux. Ce rangement

porteur de sens permet d’orienter la création de la connaissance.

Les archives peuvent être considérées comme matériel de construction de la

connaissance, car elles contiennent des objets porteurs de données brutes. Pour pouvoir jouer

cette fonction, elles nécessitent une intervention humaine aussi bien au niveau de

l’interprétation que du rangement physique des documents.

B.1 Le qualité probante des archives

La qualité de preuve intrinsèque aux archives est à l’origine de l’activité archivistique et

de tous les enjeux qui en découlent. C’est pourquoi la notion de document original est

tellement importante lors de la conservation des archives.

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Les archives ont tout d’abord été majoritairement administratives, liées à des

problématiques juridiques. La Révolution de 1789 consacre les droits et libertés des citoyens

avec la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et du Citoyen (article 15) :

« La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ».

La Révolution pose le principe de la transparence des administrations publiques et le

droit pour chaque citoyen de s’intéresser à la gestion de l’Etat. Dans cette optique, les dépôts

d’archives publiques sont créés en 1790 et la communication libre des documents d’archives

est formalisée par la loi n° 2008-696 du 15 juillet 2008 relative aux archives :

« Tout citoyen pourra demander dans tous les dépôts, aux jours et aux heures qui seront

fixés, communication des pièces qu’ils renferment »41

.

Initialement garantes des droits et libertés des citoyens et des activités des

administrations publiques, les archives voient leurs domaines s’élargir peu à peu à la

justification de l’ensemble des activités de la société. Dans un monde soumis à une législation

de plus en plus prégnante, les archives sont les témoins juridiques, les justificatifs des

activités des organisations, notamment entrepreneuriales.

Au début, la valeur de preuve des archives était essentiellement liée à des

problématiques législatives. Depuis le 19e siècle, les archives revêtent une valeur probante

beaucoup plus subjective, celle de la qualité historique et patrimoniale. Elles ne sont plus

seulement liées à des enjeux juridiques ou administratifs, mais peuvent également, revêtir une

qualité historique, être représentatives d’une époque, d’un courant de pensée.

Il n’existe pas de définition légale des archives historiques, mais l’alinéa suivant la

définition globale42

précise que « la conservation des archives est organisée […] tant pour les

besoins de la gestion et de la justification des droits des personnes physiques ou morales,

publiques ou privées que pour la documentation historique et les besoins de la recherche ».

41 Légifrance, 2008. « LOI n° 2008-696 du 15 juillet 2008 relative aux archives », Code du patrimoine [en

ligne]. Disponible sur : http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000019198529

(consulté le 02/08/2014)

42

Légifrance, 2008. « Article L211-1 », Code du patrimoine [en ligne], Disponible

sur :http://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?idArticle=LEGIARTI000019202816&idSectio/nTA=LEGISC

TA000006159940&cidTexte=LEGITEXT000006074236&dateTexte=20140802 (consulté le 02/08/2014)

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Marie-Anne Chabin définit les archives historiques comme les « documents qui constituent

les sources originales de la connaissance du passé d’une institution, d’une entreprise, d’une

famille ou d’une personne »43

.

Les archives historiques ou patrimoniales peuvent être caractérisées par la fonction,

l’usage auquel elles sont destinées. Seul leur intérêt compte et c’est cette qualité subjective

qui va conditionner leur conservation ou leur élimination. Elles forment un des fondements de

la connaissance future du passé actuel.

Cette dimension purement subjective amène à se poser des questions sur la politique de

conservation en cours dans l’entreprise. Son incidence sur la constitution de la mémoire est

directe. Elle peut conduire à des dérives quant à l’interprétation future des informations

contenues dans les archives selon la conservation ou l’élimination de certains documents ou

objets.

B.2 Les archives, la connaissance organisationnelle de

l’entreprise

La seconde étape de la gestion archivistique consiste à hiérarchiser les documents afin

de former des ensembles cohérents et porteurs de sens. La proximité ou l’éloignement

physique des éléments du fonds est un élément significatif qui influence leur compréhension.

La hiérarchisation a lieu via le classement. Selon l’Association des Archivistes de

France (AAF), le classement est une « opération consistant à la mise en ordre intellectuelle et

physique des documents d’archives à l’intérieur des dossiers, et des dossiers à l’intérieur d’un

fonds, réalisée en application du principe du respect des fonds, ou en cas d’impossibilité

d’application de ce principe, selon des critères chronologiques, géographiques, numériques,

alphabétiques ou thématiques. Le classement aboutit à la constitution des articles, à leur

cotation et à leur rangement sur les rayonnages et conditionne la rédaction de l’instrument de

recherche permettant de les retrouver » 44

.

43 Marie-Anne Chabin, 2010. « Nouveau glossaire de l’archivage », Archive17 [en ligne]. Disponible sur :

www.archive17.fr/index.php/l-archivage-pour-les-nuls/nouveau-glossaire-de-l-archivage.html (consulté le

02/08/2014) 44

AAF, « Petit glossaire de termes archivistiques », Association des archivistes de France [en ligne].

Disponible sur : http://www.archivistes.org/Petit-glossaire-de-termes (consulté le 02/08/2014)

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Cette opération est une forme de modélisation, une classification de l’organisation d’une

entreprise à un instant T. Son enjeu est de refléter les activités de l’entité productrice le plus

fidèlement possible et de garantir la valeur de témoignage et de preuve de tous les composants

du fonds. En cela, elle est une formalisation d’une connaissance tacite.

De par leur contenu et leur structure, les archives sont témoins des valeurs

organisationnelles présentes dans l’entreprise. Au travers de l’étude des documents, on peut

repérer des modèles de travail, des guides, des processus qui témoignent de connaissances et

de modèles organisationnels propres au groupe.

La valeur probante, matérialisée par le caractère original et la hiérarchisation des

archives, est la raison primaire qui conduit toute activité archivistique. Ces documents

représentent une première formalisation des connaissances de l’entreprise. Au-delà des

interactions entre individus, elles forment également un support solide à la construction de la

mémoire de l’organisation.

C. La mémoire de l’entreprise

Comme nous l’avons défini précédemment, la constitution de la mémoire de l’entreprise

passe par la formalisation et le transfert de connaissances spécifiques à chaque individu, partie

prenante de la collectivité. Ainsi, les archives et la mémoire ont toujours été liées par la

qualité de témoins, de trace intrinsèque aux documents d’archives. Comme le dit très bien

Catherine Dugas via l’Association des Archivistes du Québec, « un monde sans archives, est

un monde sans mémoire »45

.

La mémoire est constituée de l’ensemble des connaissances enregistrées par le collectif

formé par l’entreprise, puis par la firme. De cette mémorisation découle une identité qui

caractérise le groupe et tous les individus le composant. Cette identité va influencer la

manière d’appréhender les faits. Ce qui est objectif pour l’individu, car « normé » dans le

groupe, ne l’est pas forcément à une échelle supérieure. Ainsi, une information objective pour

l’individu, peut donc être subjective pour le collectif.

45 Catherine Dugas, « Un monde sans archives est un monde sans mémoire », Association des Archivistes

du Québec [en ligne], 2014. Disponible sur : http://archivistesqc.wordpress.com/2014/02/19/un-monde-sans-

archives-est-un/ (consulté le 15/08/2014)

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Dans la pratique, face à une même situation, toutes les organisations entrepreneuriales

ne vont pas percevoir les choses de la même manière, et vont donc réagir différemment. Or,

cela va influer sur l’avenir de la firme, mais aussi, sur la construction de son histoire et la

manière dont elle sera racontée et décrite. In fine, c’est cette histoire qui sera enregistrée dans

la mémoire collective. Ainsi, la mémoire du groupe construit l’histoire et l’histoire constitue

en parallèle la mémoire collective de la firme. Mémoire et histoire auront toujours une part de

subjectivité. Pourtant, la construction de ces deux éléments repose sur un élément qui semble

objectif : les archives.

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Les archives de l’entreprise sont par nature les dépositaires privilégiés de ses

connaissances explicites. Elles sont le reflet de ses activités et d’un contexte

organisationnel. De par leur qualité probante et le travail de l’archiviste (classement et

respect des fonds), les documents d’archives constituent une forme d’enregistrement et

de mise en relation des connaissances de l’entreprise et forment donc un support

mémoriel important.

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2. Le rôle de l’archiviste d’entreprise

Les connaissances et la mémoire sont devenues des enjeux majeurs dans les sociétés et

organisations actuelles. Lors des acquisitions, les archives des entreprises absorbées

deviennent une part de la mémoire du groupe. On devine aisément que ces échanges,

caractérisés par des rapports de forces inégaux, puissent engendrer des pertes de données ou

de connaissances.

Pour éviter ces pertes qui peuvent avoir des conséquences dramatiques pour l’entreprise,

l’archiviste d’entreprise peut intervenir à deux niveaux.

A. Les rejets identitaires et mémoriels

Les rejets sont plus fréquents dans les cas d’acquisition. Comme l’a parfaitement

expliqué Monsieur Schweitzer, ils sont liés à une relation de domination perçue comme trop

prégnante par l’entreprise rachetée. En effet, l’acquéreur, pour amortir ses coûts veut accroître

sa rentabilité. Pour cela, il met en jeu la théorie de l’efficience et tente de créer des synergies

opérationnelles en réorganisant l’entreprise rachetée de manière à l’intégrer dans ses

processus. Si cette démarche est mal conduite ou tout simplement menée trop vite, l’entreprise

rachetée, déjà mal à l’aise, voit cette réorganisation comme venant bousculer les fondements

de son identité, de sa mémoire.

A.1 L’accompagnement au changement

L’accompagnement au changement est une démarche managériale visant à identifier et

à éviter les risques de rejet liés à une évolution. Toute évolution signifie pour les acteurs, une

phase de renoncement au passé avant un engagement vers le futur. Le passage entre ces deux

phases est souvent problématique, on retrouve alors des arguments type « c’était mieux

avant », « je ne sais pas faire », « je ne sais pas m’adapter ». L’enjeu est donc de présenter la

phase de renoncement au passé de la manière la plus pertinente possible. Il peut alors y avoir

plusieurs arguments :

- Expliquer les nécessités liées à ces changements. Malheureusement, cela

n’implique pas toujours une réaction d’adhésion de la part de la personne

concernée. En effet, même si les nécessités paraissent logiques, l’affectif peut

prendre le dessus.

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- Présenter l’évolution dans une perspective de continuité. Cela permet de satisfaire

le besoin de repères de la personne concernée et replace le changement comme une

perspective logique et acceptable.

Ce travail est collectif entre l’accompagnateur et l’entité concernée. Dans le cas d’une

opération de fusions-acquisitions, l’archiviste doit jouer ce rôle clef, sa connaissance des

processus métier, des informations critique et de l’organisation de l’entreprise étant autant

d’atout à ne pas négliger.

A.2 La construction d’une histoire commune

L’accompagnement au changement peut se faire en écrivant une histoire commune aux

parties prenantes. Ainsi, l’exemple de la fusion de 1970 entre Saint-Gobain et Pont-à-

Mousson est la parfaite illustration du bénéfice d’une histoire bien racontée.

La fusion de 1970 visant à marier Saint-Gobain et Pont-à-Mousson, conséquence

indirecte de l’échec de l’OPE de BSN sur Saint-Gobain et des vues de la Banque d’affaire sur

Pont-à-Mousson, a un but : acquérir une taille critique qui protégera la nouvelle entité de

voisins économiques gourmands. Ce rapprochement est un changement historique pour les

deux entreprises qui décident de rationaliser leurs organisations.

Malheureusement, le climat économique, choc pétrolier de 1973, puis le cycle de

dépression des années 1980 et une suite d’échecs viennent perturber le bon déroulement de la

fusion. Pour remédier à cette situation caractérisée par une efficacité en berne, les dirigeants

tentent de mettre en place différents modèles de management du personnel, font appel à une

pluralité de cabinet de consultant et imposent des modèles normés. Rien n’y fait, les

économies d’échelle espérées n’ont pas lieu faute d’arriver à rationaliser les activités des deux

entreprises.

Roger Martin, premier Président-Directeur Général après la fusion de Saint-Gobain et

de Pont-à-Mousson prend conscience que la rationalisation des activités des entreprises ne

pouvait avoir lieu faute de connaitre précisément leur histoire respective. En 1973, Monsieur

Maurice Harmon, chartiste devient le premier archiviste d’entreprise en France : « J’ai été

recruté en 1974. Trois ans après la fusion de Saint-Gobain, fondé par Colbert au xviie siècle,

avec Pont-à-Mousson, né au xixe siècle, fleuron de la sidérurgie lorraine. Le passé de ces

entreprises était très fort, et chacun en interne invoquait une histoire mythique qui servait la

résistance au changement, souligne ce précurseur. Les Lorrains regardaient avec beaucoup de

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méfiance ces messieurs de Paris et inversement. La direction générale attendait notre éclairage

pour comprendre les blocages. J’ai travaillé avec de nombreux historiens et parfois démonté

des mythes sans fondement historique. À partir de leurs travaux, nous avons cherché à mieux

comprendre l’identité et la culture de l’entreprise. »46

.

Monsieur Harmon a donc œuvré main dans la main avec la direction pour mettre en

place une politique historique visant à identifier et à valoriser les différentes cultures et sous

cultures présentes dans le grand ensemble formé par Saint-Gobain, dans le but de mettre en

avant le dénominateur commun entre tous ces critères47

. L’étude historique formalisée par la

gestion puis l’étude des archives est devenue tout d’abord un outil servant à analyser les

raisons de la résistance au changement, puis un matériau pour construire une histoire

commune. En effet, avant, « le préjugé, en l’absence d’une culture historique, tenait lieu de

connaissance pour beaucoup de dirigeants, d’où heurts et frottements entre une culture de

l’action, sur le terrain, et une vraie culture de connaissance de soi. »48

.

Au travers de cet exemple, nous comprenons que les archives permettent de construire

un récit servant à rapprocher et à intégrer les changements dus aux fusions-acquisitions dans

une continuité historique. Il s’agit de gérer l’évolution dans la perspective de rester fidèle à

des constantes identitaires, de gérer le singulier dans un environnement pluriel. Les archives

et l’histoire qui en découlent sont la réponse aux besoins de repères des salariés face à un

changement qui remet en question leur place et leur passé. Ainsi, comme le dit Benoit

Pommeret, il faut devenir conteur d’histoire pour faire passer le changement49

.

46 Liaisons Sociales Magazine, « Les entreprises ont la mémoire courte », Liaisons sociales Magazine [en

ligne], 2011, Disponible sur : http://www.wk-rh.fr/actualites/detail/40357/les-entreprises-ont-la-memoire-

courte.html (consulté le 04/08/2014)

47

Maurice Hamon, « Deuxième partie : mémoire d'entreprise et histoire immédiate : Chocs et fusions des

cultures – Saint-Gobain et Pont-à-Mousson : retour sur une fusion "historique" », Bulletin de la Sabix [En ligne],

29 | 2001, mis en ligne le 25 juin 2009, consulté le 06 août 2014. URL : http://sabix.revues.org/322

48

Maurice Hamon, « Deuxième partie : mémoire d'entreprise et histoire immédiate : Chocs et fusions des

cultures – Saint-Gobain et Pont-à-Mousson : retour sur une fusion "historique" », Bulletin de la Sabix [En ligne],

29 | 2001, mis en ligne le 25 juin 2009, consulté le 06 août 2014. URL : http://sabix.revues.org/322

49

Bernard Pommeret, « Devenir conteur d’histoire pour faire passer le changement », Blog-management

[en ligne], 2011, Disponible sur : http://www.blog-management.fr/2011/01/14/devenir-conteur-dhistoires-pour-

faire-passer-le-changement/ (consulté le 04/08/2014)

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B. La perte des connaissances

Comme nous l’avons vu, dans le cas d’une acquisition, le rôle premier de l’archiviste

d’entreprise assisté par les fonctions RH et la direction et d’accompagner le changement de

manière à éviter toute réaction trop violente d’opposition. Si, malgré toutes les actions mises

en œuvre, la mémoire collective œuvre à l’encontre de l’opération, il convient de prendre

certaines dispositions pour éviter des pertes pouvant impacter toutes les étapes de la

constitution de la connaissance et aboutissant toujours à une perte complète ou incomplète de

cette dernière.

B.1 Perte des données

La politique d’archivage implique des choix dont les conséquences seront décisives sur

la compréhension future des données présentes dans les documents. C’est pourquoi, il est

important que l’archiviste d’entreprise soit une personne pivot, au fait des dossiers sensibles

et proches de la direction.

Le premier type de donnée que l’archiviste doit surveiller est les données stratégiques,

c’est-à-dire les données dont la compréhension apporte un avantage concurrentiel. Elles

peuvent être technologiques, et impliquent alors de la part de l’archiviste une connaissance

technique ou un accompagnement. Elles peuvent également être des données à caractères

organisationnelles ou commerciales. Le second type de donnée est les données

administratives et légales. Elles sont les données vitales pour l’entreprise, lui permettant de

redémarrer après un sinistre ou de régler des cas de litiges. Le dernier type de donnée est

transverse. Ce sont les données à caractère patrimonial ou historique. Un document peut

évoluer. Être porteur initialement de données à caractère stratégiques ou administrative, mais

le temps lui apportant un éclairage nouveau, devenir porteur de données historiques.

Tous ces types de données peuvent être soumis aux réactions de rejet d’une acquisition

jugée trop agressive. Nous avons identifié plusieurs dangers et déterminé le rôle de

l’archiviste pour chacun d’entre eux.

Faire table rase du passé un dan er au cœur de la collec e

La collecte est l’action consistant à rechercher et à recueillir des archives auprès de leur

producteur. Contrairement aux archives publiques, les services et les filiales des firmes

privées n’ont aucune obligation légale de versement de leurs archives à une quelconque

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organisation. La conservation ou non des archives se fait donc en interne. Les données

peuvent disparaître faute d’avoir identifié son intérêt critique.

Au-delà des durées légales de conservation des documents et des objets, il faut définir

ce qui doit être considéré comme archives définitives. Certains documents légaux doivent être

conservés indéfiniment. Dans ce cas-là, le choix est simple, leur préservation est assurée.

Mais qu’en est-il des archives qui n’ont plus de valeur administrative ? Comment déterminer

la valeur historique ou patrimoniale des documents ou objets produits par l’entreprise ?

Les fusions peuvent causer la disparition des données en détruisant leur support. On

peut ainsi prendre pour exemple la fusion entre CNEP et BNCI. Félix Torres, spécialiste de

l’histoire et de la mémoire de l’entreprise souligne la catastrophe dans son intervention de la

journée d’étude organisée conjointement par la Société des amis de la bibliothèque de l’Ecole

polytechnique (SABIX) et l’AAF le 6 juin 2000. « L’ancien siège du CNEP rue Bergère

incarne parfaitement le XIXème siècle, il abrite un majestueux escalier. Mais quand les « gens

de la BNCI » sont arrivés dans cet édifice comme les barbares pénétrant dans Rome, ils ont

rencontré au dernier étage un agent dont la tâche était encore de trier des bulletins rose et

bleu, en posant les uns à gauche, les autres à droite. Ils ont fait une table rase terrifiante.

Espérons que l’on retrouvera un jour les archives du CNEP »50

.

La réponse à ce type d’erreurs réside avant tout dans la sensibilisation et

l’accompagnement. L’archiviste doit être un communicant qui explique à chacun et surtout

aux dirigeants l’importance de la gestion des données et des documents produits par

l’entreprise. Lors des fusion-acquisition qui s’accompagnent souvent de restructuration,

l’archiviste doit être considéré par les dirigeants comme une personne ressource.

La tentation hagiographique

Avec la concentration des marchés et le jeu des rachats successifs, les plus vieilles

entreprises aiment à montrer leur légitimité en basant leurs arguments sur un discours

patrimonial qui prouve l’ancienneté de l’entreprise. Les archives utilisées ne sont pas des

archives à utilité administrative, mais bien des archives à valeur historique, des archives qui

décrivent le parcours de l’entreprise. La politique de conservation des archives historiques de

50 Félix Torres, « La Fusion BNP-Paribas », Bulletin de la Sabix [En ligne], 29 | 2001, mis en ligne le 25

juin 2009, consulté le 05 août 2014. URL : http://sabix.revues.org/323

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l’entreprise est sensée permettre de distinguer les documents qui doivent être conservés de

ceux qui doivent être éliminés. Malheureusement, la perception de l’intérêt historique ou non

d’un élément d’archives est soumis avant tout à un jugement individuel, subjectif, basé sur

des valeurs personnelles. Les actions de collecte et d’élimination dépendent donc de la

sensibilité de la personne en charge des archives. De plus, certaines entreprises peuvent être

amenées à mettre en place une politique hagiographique et choisir d’éliminer certains

documents témoins d’actions allant à l’encontre des valeurs véhiculées par la culture du

groupe ou de la filiale à un instant T.

L’action même de constituer un fonds d’archives d’entreprise rend la compréhension de

celles-ci dépendante du jugement de la personne chargée de la collecte et de l’élimination des

documents. Dans certains cas, la volonté d’une organisation peut détourner la valeur probante

des archives à son avantage et mettre en lumière certaine chose pour mieux en dissimuler

d’autres.

L’accessibili é des données

En imposant de nouveaux modèles organisationnels et de nouveaux outils à ses filiales,

le groupe peut également changer le support d’enregistrement des données. Il convient alors

pour l’archiviste de s’assurer que les données sur les supports utilisés antérieurement soient

sauvegardées sur les nouveaux supports ou que le matériel de lecture soit conservé et

maintenu opérationnel au même titre que les données elles-mêmes.

B.2 Perte de l’information

Du point de vue archivistique, la perte de l’information consiste à perdre le sens

contextuel des données présentes dans les documents d’archives. Sens apporté par le travail

de l’archiviste. En effet, si les archives sont les sources primaires de la construction de la

mémoire et de la connaissance de l’entreprise, il faut être conscient que c’est également la

mémoire et les connaissances préexistantes qui conditionnent leur formation. Or le traitement

et la collecte des archives dépendent de la manière de penser de la personne en charge.

« Malgré tout ce que l’on doit à la mémoire collective, c’est l’individu qui se souvient »

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Bosi (1979 : 333)51

Le code de déon olo ie de l’archivis e

Le Conseil International des Archives a finalisé un code de déontologie des archivistes

en 1996 lors de son assemblée générale à Pékin. Ce document a pour but de formaliser les

enjeux et les « bons » comportements que doit adopter un archiviste face à certaines situations

problématiques. Sa vocation est de fournir des éléments pour guider les décisions lorsque les

domaines en question ne sont pas couverts par une législation spécifique. Ce code comprend

10 articles commentés. Les deux premiers articles instituent le principe de « respect des

fonds »52

.

Article 1 : « Les archivistes maintiennent l’intégrité des archives et garantissent ainsi

qu’elles constituent un témoignage du passé digne de foi. »

Article 2 : « Les archivistes traitent, sélectionnent et maintiennent les archives dans leur

contexte historique juridique et administratif, en respectant donc leur provenance, préservant

et rendant ainsi manifestes leurs interrelations originelles. »

Ces deux articles consacrent les grands principes de la gestion archivistique, à

commencer par le principe de respect des fonds. L’archiviste doit s’assurer que les objets et

documents conservés constituent un passé digne de foi. Pour cela, il doit s’assurer que le

travail de traitement reflète la réalité, le contexte de production ou de réception par lequel le

document est parvenu dans le fonds.

Le principe de respect des fonds

La compréhension d’un document est dépendante du contexte dans lequel il est

conservé. Ainsi, un écrit sur les nuggets n’aura pas le même impact s’il est isolé ou assorti

d’un dossier publicitaire ou s’il est lié par la présence organique d’un autre article sur

l’élevage des poulets en batterie et des hormones de croissance. Un document traitant d’un

sujet neutre ne prend de sens que s’il est mis en relation avec son ensemble de production ou

51 Citation tiré de Sírio Possenti, « Réflexions sur la mémoire discursive », Argumentation et Analyse du

Discours [En ligne], 7 | 2011, mis en ligne le 15 octobre 2011, Disponible sur : http://aad.revues.org/1200

(consulté le 01/08/2014)

52

ICA, 1996. « Code de déontologie des archivistes », ICA [en ligne]/ ICA. disponible sur :

www.ica.org/5556documents-de-rference/code-de-deontologie-de-lica.html (consulté le 23/07/2014)

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de réception. A cette seule condition, le lecteur peut percevoir l’impact et comprendre la

volonté initiale du producteur d’archives.

Comme nous l’avons vu précédemment, le code de déontologie des archivistes poussent

ceux-ci à rendre les interrelations entre les documents visibles afin de ne pas orienter la

pensée du lecteur vers un autre sens que la signification voulue par le producteur.

Cependant, cette ligne de conduite peut être compliquée à suivre. En effet, que se passe-

t-il si les archives sont dispersées et que la personne chargée de les traiter ne possède pas la

connaissance tacite de l’organisation de l’entreprise ?

Pour pouvoir appliquer le principe de respect des fonds aux archives d’entreprises, il est

nécessaire que la personne en charge de cette tâche soit dépositaire de la connaissance

organisationnelle de l’entreprise, c’est-à-dire les activités de l’entreprise, son environnement

économique, ses concurrents, la législation qui s’impose à elle, l’ensemble de ses processus

métier, ses règles de gouvernance, le fonctionnement de son système d’information, et ses

besoins en information. En reflétant ces éléments, le plan de classement consiste une forme de

modélisation des connaissances tacites de l’entreprise.

Toutes ces connaissances recoupent des connaissances tacites, par nature difficile à

formaliser et à transmettre. Lors d’une opération de fusion-acquisition, tout dépend de la

nature du rapprochement, mais il ne faut jamais oublier la signification portée par le contexte

dans lequel un document évolue.

B.3 Perte de la connaissance

Le dernier niveau de perte intervient sur la connaissance elle-même. Elle a lieu lors du

départ massif des salariés, seuls dépositaires des connaissances de l’entreprise rachetée.

Une réponse peut être apportée en amont par la mise en place d’une démarche de

knowledge management (KM). Comme la connaissance est avant tout une problématique

humaine, les recherches ont, dans la pratique, servi en majorité les services RH, même si,

nous le verrons la démarche est similaire à la démarche archivistique.

Serge Cacaly définit le KM comme « La gestion organisée, coordonnée et

opérationnelle des savoirs et des savoir-faire individuels et collectifs dans les organisations.

Le management des connaissances ou Knowledge Management se distingue de la veille

stratégique et de l'intelligence économique en ce qu'il s'intéresse aux informations et aux

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connaissances internes, mêmes si celles-ci sont alimentées et enrichies par des apports

externes »53

. C’est une forme de gestion des connaissances qui se concentre sur les savoirs

(connaissances explicites) et les savoir-faire (connaissances tacites). Les deux étant

nécessaires aux mécanismes de décision et au déroulement des processus qui constituent le

cœur des activités de l'entreprise.

Les objectifs du Knowledge Management

Ce mouvement est né autours du constat suivant : les compétences et connaissances

développées au sein d’une organisation représentent un avantage qu’il ne faut pas perdre.

Comme toutes les formes de management, le KM est une forme de gestion du personnel qui

optimise l’efficacité du travail. Son but est d’identifier, de localiser, de caractériser et de

hiérarchiser les connaissances afin de les préserver et de les transmettre au sein du groupe

formé par l’entreprise. Pour passer d’une connaissance individuelle à une connaissance

collective, le processus de mémorisation des connaissances est indispensable. Pour que celui-

ci ait lieu, il faut que les connaissances individuelles soient formalisées et exprimées.

Le but du KM est donc de comprendre et de cartographier toutes les connaissances

individuelles ou collectives présentes dans l’entreprise. Pour cela, la démarche est proche de

la chaine de traitement documentaire : la connaissance est identifiée, caractérisée, collectée,

traitée de manière à la rendre accessible, conservée pour ne pas la perdre et enfin valorisée.

La démarche du Knowledge Management

De manière opérationnelle, dans une entreprise, la démarche de KM, c’est-à-dire de

capitaliser ses connaissances, se déroule en trois étapes.

1. Prise de conscience et repérage des connaissances essentielles :

La première étape consiste à analyser les connaissances critiques, c’est-à-dire les

connaissances essentielles au bon fonctionnement de l’entreprise. Il faut les définir, les

localiser et les cartographier. En effet, cet ensemble de connaissances, ce patrimoine est

vulnérable et dépend parfois d’un seul individu. Toute la difficulté de cette opération consiste

à repérer les compétences et connaissances essentielles et d’en trouver les porteurs.

53 CACALY Serge (sous la dir. de), 2004. Dictionnaire de l'information. Paris : Armand Colin, p.144-

145.

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2. La formalisation des connaissances essentielles :

La seconde étape est la préservation des connaissances elles-mêmes. Une fois les

connaissances identifiées, y compris les connaissances tacites, il faut trouver un moyen de les

codifier, de les rendre formelles. Cette phase est une forme de recueil et de structuration de la

connaissance. Il est nécessaire d’imaginer des modélisations ou des schémas pour parvenir à

expliciter des notions difficiles à cerner. Cette étape permet d’articuler le patrimoine de

connaissances et la vision stratégique organisationnelle de l’entreprise.

3. La réappropriation des connaissances essentielles :

La troisième phase est le transfert des connaissances de l’entreprise. Elle conduit aussi à

la mémorisation des connaissances à une échelle collective et vient alors formaliser le

patrimoine de connaissances détenues par l’organisation. Celui-ci peut être formalisé par des

référentiels ou des corpus de guides de méthodologies. Cet ensemble va conditionner

l’organisation de l’entreprise dans ses pratiques opérationnelles. Il peut se retrouver dans la

culture véhiculée par l’entreprise, un moyen de rendre ses valeurs opérationnelles, mais aussi

dans les pratiques d’apprentissage et de formation proposés aux salariés. Ce schéma doit être

considéré comme une boucle. En effet, les connaissances doivent sans cesse être

réactualisées54

.

Avant toute restructuration, l’acquéreur doit être conscient du risque de perte de

connaissances et doit mener une démarche pour identifier et pérenniser les connaissances

critiques de l’entreprise qu’il rachète. L’archiviste par sa connaissance des processus métiers

et des documents produits par l’ensemble des acteurs de l’entreprise est une précieuse

ressource. De plus, la démarche de KM est similaire à la chaine de gestion des documents

d’archives : collecte, traitement, conservation et valorisation.

On peut également souligner que si dans la théorie, une démarche de KM est menée

pour protéger et pérenniser le capital de connaissance critique de l’entreprise, dans la pratique

la finalité n’est pas toujours celle-ci. En effet, l’expérience démontre que cette forme de

gestion de la connaissance est souvent utilisée par le service des ressources humaines plutôt

54 Djilali Benmahamed, Jean_Louis Hermine. « Une Démarche Knowledge Management, De La Stratégie

Au Système D'information De L'entreprise. 2009 ». IBIMA 09 : 11th conference on innovation on knowledge

management in Twin Tracks [en ligne]. Disponible sur : http://halshs.archives-

ouvertes.fr/docs/00/43/28/56/PDF/Une_d_marche_Knowledge_Management_de_la_strat_gie_au_Syst_me_d_In

formation_de_l_entreprise.pdf (consulté le 02/08/2014)

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comme un outil de contrôle et d’évaluation de l’efficacité d’un salarié que pour repérer,

formaliser et transmettre les connaissances dont il est dépositaire. Ce détournement est

fréquent et, est symptomatique d’une vision à court terme de la gestion des connaissances de

l’entreprise, tournée vers l’efficacité immédiate plutôt que future.

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Il parait intéressant de s’appuyer sur l’expertise d’un archiviste lors des

opérations de fusions-acquisitions. En effet, les réactions de rejets sont des réactions

affectives, des réactions issues de ressentis ayant une forte dimension tacite. L’archiviste

d’entreprise, de par son poste, doit connaitre les processus métier, le contexte

organisationnel, et autant d’éléments caractérisant la firme. Ces connaissances sont

formalisées lors de son travail. On peut ainsi dire que le plan de classement créé par

l’archiviste est la modélisation d’un ensemble de connaissances tacite sur le

fonctionnement et la manière de penser interne à l’entreprise. L’archiviste d’entreprise,

en formalisant en partie cette connaissance tacite, peut aider à mettre en lumière les

raisons d’un blocage et trouver des solutions.

Enfin, l’archiviste d’entreprise est un rempart contre la perte de la connaissance à

tous les niveaux de sa formation. Pour cela, il doit dépasser les cadres de son métier et

trouver des réponses auprès des fonctions RH, mais aussi connaitre et aider à gérer

l’intégralité du cycle de vie des documents, de leur production à leur élimination ou

conservation définitive.

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3. Conclusion

Les connaissances et la mémoire de l’entreprise sont en parties préservées par leur

représentation physique : les archives. Ces documents sont les témoins privilégiés des

activités de l’entreprise et le travail de l’archiviste permet de leur donner un sens

représentatif d’un contexte.

Ainsi, si les opérations de fusions-acquisition mènent à des blocages de la part des

salariés, c’est trop souvent parce que les changements ont été introduits de manières

brutales. L’archiviste d’entreprise peut jouer sur sa connaissance des archives et donc

de la mémoire de l’entreprise pour mieux cerner les mécanismes de blocages et ainsi

réécrire une histoire commune qui permettra d’aplanir les difficultés.

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Conclusion

Les fusions-acquisitions sont des outils stratégiques pour la croissance d’une entreprise.

Elles apportent de nombreux atouts aux entreprises concernées, une plus grande force sur le

marché, un apport d’actif immédiatement productif, une plus grande rentabilité, etc.

Cependant, ce sont des outils à double tranchant. En remettant en question les fondements

organisationnels des entreprises, les fusions-acquisitions peuvent occasionner des

phénomènes de résistance au changement conduisant à des pertes de connaissances. Ces

pertes ont des conséquences graves pour le bon fonctionnement et la rentabilité future des

entreprises.

Toute la difficulté est donc de conduire ces opérations de manière intelligente et

réfléchie. En effet, les rejets sont souvent liés à des sentiments, à des connaissances tacites qui

viennent se heurter au nouveau modèle imposé par l’acquéreur55

. L’archiviste d’entreprise, le

maître des données peut être un atout de choix. De par son métier, il est dépositaire conscient

de la mémoire organisationnelle de l’entreprise56

et peut ainsi aider à identifier et comprendre

les mécanismes de blocages57

. Si malgré ces efforts, les opérations de fusions-acquisitions

conduisent tout de même à des pertes de connaissances, l’archiviste d’entreprise peut

minimiser les dégâts au niveau des données, de l’information et de la connaissance elle-

même.

Dans le cadre des fusions-acquisitions, les restructurations peuvent entrainer des départs

de salariés et une perte de connaissances pour l’entreprise. Celle-ci n’ayant pas forcément

vocation à être rachetée, la nécessité de la démarche de gestion des connaissances (Knowledge

management) peut ne pas paraitre indispensable aux équipes dirigeantes. Au-delà des fusions-

acquisitions, tout salarié peut démissionner pour d’autres raisons et entrainer une perte de

connaissances nuisible à l’entreprise. Cette prise de conscience pourrait à l’avenir entrainer

une modification des missions de l’archiviste : outre la traditionnelle collecte des données,

n’ayant plus pour la plupart d’utilité immédiate, il voit ses prérogatives s’étendre aux

missions définies par le KM (repérage des connaissances implicites, formalisation et

55 Cf supra B.2 Les rejets identitaire et mémoriels

56

Cf supra B.2 Les archives, l’organisation de l’entreprise

57

Cf supra A.2 La construction d’une histoire commune

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restitution). Ces connaissances actives qui étaient jusqu’à présent conservées dans la mémoire

humaine de l’entreprise constituerait une nouvelle partie de ses archives.

Dans un cadre plus général, l’archiviste d’entreprise peut être un acteur clef pour la

durabilité d’une entreprise. En gérant les documents et connaissances que l’entreprise produit

à chaque étape de sa vie, il assure la pérennité et la traçabilité de ses activités. Il peut fournir

également des documents et preuves relatives à l’histoire, la mémoire, et la culture de

l’entreprise dans le but de fédérer les salariés.

Contrairement à l’archiviste public, dont le rôle au sein de l’organisation est structurel,

l’archiviste d’entreprise doit sans cesse justifier ses activités par des bénéfices économiques.

Son travail est donc profondément différent dans le sens où il doit accompagner le cycle entier

de la gestion de documents. On assiste donc à une évolution de son métier qui n’est plus

renfermé sur lui-même, mais devient transverse à toutes les activités de l’entreprise.

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Bibliographie

Pour refléter l’ensemble des sujets balayés dans ce mémoire, j’ai choisi de faire une

bibliographie commentée où les références sont classées selon les grands thèmes de ce travail.

Economie et entreprise :

Ensemble de monographies et d’articles sur l’organisation des entreprises du point de

vue économique et sociologique.

Monographies :

Arena, Lise, Edith Penrose et la croissance des entreprises, Lyon, ENS Editions, coll.

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Edvinsson, L. et Malone, M. Le capi al i a ériel de l’en reprise. Iden i ica ion

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Lauer, Stéphane, Renault : une révolution française, Paris, Éditions Jean-Claude Lattès,

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de-notre-memoire (consulté le 02/08/2014)

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Archives d’entreprise :

Ensemble de monographies et d’articles traitant de la gestion des archives et du cas

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Monographies :

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Rôle de l’archiviste d’entreprise :

Ensemble de monographies et d’articles traitant du rôle de l’archiviste d’entreprise au

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Pommeret, Bernard, « Devenir conteur d’histoire pour faire passer le changement »,

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Sites ressources

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Légifrance : http://www.legifrance.gouv.fr/

PIAF (Portail International des archivistes Francophone) : http://www.piaf-

archives.org/espace-formation/

TLF (Trésor de la Langue Française) : http://atilf.atilf.fr/

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Table des figures

Figure 1 : La formation de la connaissance _______________________________________________________ 22

Figure 2 : Caractérisation de la connaissance en fonction de son degré de formalisme et d’appropriation ____ 24

Figure 3 : Les transferts de connaissances / Nonaka et Takeuchi. Disponible sur :

http://books.google.fr/books/about/La_connaissance_cr%C3%A9atrice.html?hl=fr&id=gy5oY0-ZcsEC ______ 25

Figure 4 : Sacrés archivistes / Pierre Marchetti.- Nawak Illustrations. Disponible sur : http://www.nawak-

illustrations.fr/tag/archives/ __________________________________________________________________ 37

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Table des matières

Remerciements ________________________________________________________ 3

Résumé ______________________________________________________________ 4

Mots-clés _____________________________________________________________ 4

Sommaire _____________________________________________________________ 5

Introduction ___________________________________________________________ 6

Partie 1 : Définition du problème __________________________________________ 8

1. Les fusions-acquisitions _________________________________________________ 9

A. Définition _____________________________________________________________________ 9

B. Des outils au service de la stratégie de l’entreprise ____________________________________ 9

B.1 Les enjeux stratégiques ______________________________________________________ 10

Des stratégies défensives _____________________________________________________ 10

Des stratégies offensives _____________________________________________________ 11

B.2 Les enjeux financiers ________________________________________________________ 12

C. La connaissance, un motif de fusions-acquisitions ____________________________________ 13

C.1 La connaissance, un avantage concurrentiel _____________________________________ 13

C.2 Une stratégie offensive : la captation de la connaissance ___________________________ 15

C.3 Une stratégie financière : les économies d’échelles _______________________________ 16

La fonction de production de Cobb-Douglas ______________________________________ 16

L’incidence des facteurs de production sur les économies d’échelles __________________ 17

2. Le capital immatériel de l’entreprise face aux fusions-acquisitions ______________ 21

A. Le capital immatériel de l’entreprise _______________________________________________ 21

A.1 La connaissance : éléments de définition _______________________________________ 22

A.2 La mémoire d’entreprise : éléments de définition et enjeux ________________________ 25

B. Les impacts des opérations de fusion-acquisition ____________________________________ 26

B.1 Les conséquences opérationnelles et structurelles des acquisitions __________________ 27

B.2 Les rejets identitaire et mémoriels _____________________________________________ 30

B.3 Les pertes de connaissances __________________________________________________ 31

3. Conclusion ____________________________________________________________ 34

Partie 2 : Eléments de réponses __________________________________________ 35

1. Les archives d’entreprises ________________________________________________ 36

A. Définition ____________________________________________________________________ 36

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A.1 L’ensemble des documents __________________________________________________ 37

A.2 De toute nature et de toute époque ___________________________________________ 37

A.3 Produit ou reçu dans l’exercice de ses activités___________________________________ 38

B. Le support de la connaissance ____________________________________________________ 39

B.1 Le qualité probante des archives ______________________________________________ 39

B.2 Les archives, la connaissance organisationnelle de l’entreprise ______________________ 41

C. La mémoire de l’entreprise ______________________________________________________ 42

2. Le rôle de l’archiviste d’entreprise _________________________________________ 45

A. Les rejets identitaires et mémoriels _______________________________________________ 45

A.1 L’accompagnement au changement ___________________________________________ 45

A.2 La construction d’une histoire commune _______________________________________ 46

B. La perte des connaissances ______________________________________________________ 48

B.1 Perte des données __________________________________________________________ 48

Faire table rase du passé : un danger au cœur de la collecte _________________________ 48

La tentation hagiographique __________________________________________________ 49

L’accessibilité des données ___________________________________________________ 50

B.2 Perte de l’information _______________________________________________________ 50

Le code de déontologie de l’archiviste __________________________________________ 51

Le principe de respect des fonds _______________________________________________ 51

B.3 Perte de la connaissance _____________________________________________________ 52

Les objectifs du Knowledge Management ________________________________________ 53

La démarche du Knowledge Management _______________________________________ 53

3. Conclusion ____________________________________________________________ 57

Conclusion ___________________________________________________________ 58

Bibliographie _________________________________________________________ 60

Economie et entreprise : ___________________________________________________ 60

Monographies : _________________________________________________________________ 60

Articles: ________________________________________________________________________ 61

Connaissances et mémoire d’entreprise : ______________________________________ 61

Monographies : _________________________________________________________________ 61

Articles : _______________________________________________________________________ 62

Archives d’entreprise : _____________________________________________________ 64

Monographies : _________________________________________________________________ 64

Articles : _______________________________________________________________________ 64

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Rôle de l’archiviste d’entreprise : ____________________________________________ 64

Monographie : __________________________________________________________________ 64

Articles : _______________________________________________________________________ 65

Sites ressources _______________________________________________________ 66

Table des figures ______________________________________________________ 68

Table des matières ____________________________________________________ 69

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Archivage, archive d’entreprise, record management, knowledge management, mémoire

d’entreprise, connaissance, fusion, acquisition, gestion des crises, gestion des entreprises,

gestion des archives d’entreprise, archiviste d’entreprise.