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Tunis 10 octobre 2013 Ensemble contre la peine de mort La Charte des Droits Fondamentaux de l'Union européenne affirme que "Toute personne a droit à la vie" et que "Nul ne peut être condamné à la peine de mort, ni exécuté". L’opposition de l’Union européenne à la peine de mort est une opposition de principe, fondée sur la conviction que la peine de mort, inutile et cruelle, appartient au passé, à une vision de la justice « instrument de vengeance et de revanche » héritée des temps anciens où la loi du Talion dominait. Cette conviction est partagée par les 28 Etats membres de l’UE, qui voient dans la peine de mort une négation du droit à la vie proclamé par la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948. Cette négation est d’autant plus difficile à comprendre que la peine de mort ne dissuade pas les criminels potentiels de passer à l’acte, n’a pas de vertu préventive et est sans effet sur le taux de criminalité. Depuis 2007, la journée mondiale contre la peine de mort, célébrée le 10 Octobre, a également été déclarée "Journée européenne contre la peine de mort". Dans leur déclaration conjointe publiée hier, la Haute Représentante de l'Union Européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Mme Catherine Ashton, et le Secrétaire général du Conseil de l'Europe, M Thorbjørn Jagland, réitèrent avec conviction la position de l'Union européenne contre la peine de mort. Où en sommes-nous aujourd’hui dans le monde ? Plus de deux-tiers des pays ont aboli la peine de mort en droit ou en pratique. Mais force est de constater que cinquante-huit pays la maintiennent, vingt-et-un pays ayant même, selon Amnesty International, procédé à des exécutions en 2012. Qu’en est-il en Tunisie ? Si le gouvernement tunisien n'a pas aboli la peine de mort, en pratique, aucune exécution n’a eu lieu depuis 1991. En 2012, Mme Ashton – qui a fait de l’abolition à l ‘échelle mondiale une priorité personnelle - avait demandé à tous les Etats membres des Nations Unies de soutenir la Résolution présentée à l'Assemblée Générale des Nations Unies appelant à un moratoire global contre l'application de la peine de mort, en vue de son abolition universelle. L'Union européenne a salué avec force la décision des autorités tunisiennes de soutenir cette résolution, le 19 novembre 2012 et encourage aujourd’hui la Tunisie à accomplir un nouveau pas vers l'abolition de la peine capitale. L'abolition, dans la période actuelle propice au renforcement des Droits de l’Homme, serait la suite logique de cette avancée que représente le moratoire. Un retour en arrière sur cette question serait difficilement compréhensible pour l’opinion tunisienne, comme pour le reste du monde. Autre signe encourageant que tient à saluer également l’Union européenne, la ratification en juillet 2011 par la Tunisie du Statut de Rome créant la Cour Pénale Internationale (CPI), lequel rejette la peine de mort. Bien que le champ d'application de la CPI vise à punir les pires des crimes, et plus particulièrement les génocides et les crimes contre l’humanité, le Statut de Rome interdit le recours à la peine de mort. La Tunisie a également accepté la recommandation faite par les Nations Unies dans le cadre de l'Examen Périodique Universel du Conseil des Droits de l'Homme des Nations Unies, de « considérer l'abolition de la peine de mort tenant compte de la nouvelle réalité du Pays". Concrètement, cela signifie que toutes les peines de mort seraient converties en peines d'emprisonnement. A l’heure où l’Assemblée Nationale Constituante finalise la nouvelle Constitution tunisienne, l'Union européenne encourage la nouvelle Tunisie, à abolir définitivement la peine capitale et à ratifier le "Deuxième Protocole facultatif se rapportant au pacte international relatif aux droits civils et politiques visant à abolir la peine de mort". Par ces deux démarches, la Tunisie montrera la voie à ceux qui hésitent à progresser vers le moratoire et l’abolition, et contribuera à réduire davantage le nombre malheureusement encore trop élevé de pays qui persistent à croire que la mort des uns aurait une vertu pédagogique et soulagerait la douleur des autres. Laura Baeza Ambassadeur, Chef de la Délégation de l'Union Européenne en Tunisie

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Tunis 10 octobre 2013

Ensemble contre la peine de mort

La Charte des Droits Fondamentaux de l'Union européenne affirme que "Toute personne a droit à la vie" et que "Nul ne peut être condamné à la peine de mort, ni exécuté". L’opposition de l’Union européenne à la peine de mort est une opposition de principe, fondée sur la conviction que la peine de mort, inutile et cruelle, appartient au passé, à une vision de la justice « instrument de vengeance et de revanche » héritée des temps anciens où la loi du Talion dominait. Cette conviction est partagée par les 28 Etats membres de l’UE, qui voient dans la peine de mort une négation du droit à la vie proclamé par la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948. Cette négation est d’autant plus difficile à comprendre que la peine de mort ne dissuade pas les criminels potentiels de passer à l’acte, n’a pas de vertu préventive et est sans effet sur le taux de criminalité. Depuis 2007, la journée mondiale contre la peine de mort, célébrée le 10 Octobre, a également été déclarée "Journée européenne contre la peine de mort". Dans leur déclaration conjointe publiée hier, la Haute Représentante de l'Union Européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Mme Catherine Ashton, et le Secrétaire général du Conseil de l'Europe, M Thorbjørn Jagland, réitèrent avec conviction la position de l'Union européenne contre la peine de mort. Où en sommes-nous aujourd’hui dans le monde ? Plus de deux-tiers des pays ont aboli la peine de mort en droit ou en pratique. Mais force est de constater que cinquante-huit pays la maintiennent, vingt-et-un pays ayant même, selon Amnesty International, procédé à des exécutions en 2012. Qu’en est-il en Tunisie ? Si le gouvernement tunisien n'a pas aboli la peine de mort, en pratique, aucune exécution n’a eu lieu depuis 1991. En 2012, Mme Ashton – qui a fait de l’abolition à l ‘échelle mondiale une priorité personnelle - avait demandé à tous les Etats membres des Nations Unies de soutenir la Résolution présentée à l'Assemblée Générale des Nations Unies appelant à un moratoire global contre l'application de la peine de mort, en vue de son abolition universelle. L'Union européenne a salué avec force la décision des autorités tunisiennes de soutenir cette résolution, le 19 novembre 2012 et encourage aujourd’hui la Tunisie à accomplir un nouveau pas vers l'abolition de la peine capitale. L'abolition, dans la période actuelle propice au renforcement des Droits de l’Homme, serait la suite logique de cette avancée que représente le moratoire. Un retour en arrière sur cette question serait difficilement compréhensible pour l’opinion tunisienne, comme pour le reste du monde. Autre signe encourageant que tient à saluer également l’Union européenne, la ratification en juillet 2011 par la Tunisie du Statut de Rome créant la Cour Pénale Internationale (CPI), lequel rejette la peine de mort. Bien que le champ d'application de la CPI vise à punir les pires des crimes, et plus particulièrement les génocides et les crimes contre l’humanité, le Statut de Rome interdit le recours à la peine de mort. La Tunisie a également accepté la recommandation faite par les Nations Unies dans le cadre de l'Examen Périodique Universel du Conseil des Droits de l'Homme des Nations Unies, de « considérer l'abolition de la peine de mort tenant compte de la nouvelle réalité du Pays". Concrètement, cela signifie que toutes les peines de mort seraient converties en peines d'emprisonnement. A l’heure où l’Assemblée Nationale Constituante finalise la nouvelle Constitution tunisienne, l'Union européenne encourage la nouvelle Tunisie, à abolir définitivement la peine capitale et à ratifier le "Deuxième Protocole facultatif se rapportant au pacte international relatif aux droits civils et politiques visant à abolir la peine de mort". Par ces deux démarches, la Tunisie montrera la voie à ceux qui hésitent à progresser vers le moratoire et l’abolition, et contribuera à réduire davantage le nombre malheureusement encore trop élevé de pays qui persistent à croire que la mort des uns aurait une vertu pédagogique et soulagerait la douleur des autres. Laura Baeza Ambassadeur, Chef de la Délégation de l'Union Européenne en Tunisie