Enseignant et jeune

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En plus des mutations sociétales de ces dernières années, le mode de recrutement et la formation des enseignants ont subi de profondes modifications. Le SE-Unsa a trouvé nécessaire de mieux connaître cette nouvelle génération qui s’est destinée au métier d’enseignant à travers une grande enquête sur Internet. Voici les résultats. ••• n°149 octobre 2011 le NSEIGNANT 15 E ÊTRE ENSEIGNANT ET JEUNE en ce début de XXI e siècle… Le SE- Unsa a voulu savoir ce que recouvrait cette réalité. Il a donc interrogé de jeunes collègues sur leur vision du métier mais aussi plus largement sur leurs centres d’intérêt, leurs préoc- cupations face à une société en perpétuel bouleversement. Leurs réponses variées, parfois surprenantes, témoignent de leurs questionnements et de leur lucidité face aux défis qui les attendent. Confirmation de la carence en formation Si les trois quarts des jeunes affirment «s’éclater» dans leur métier, ce n’est pas grâce à leur formation. En effet, ils sont 68% à indiquer que leur formation professionnelle les a peu ou pas du tout préparés aux réalités du terrain. Il est intéressant de constater que plus on est jeune, plus la proportion d’insatisfaits augmente. Malgré cela, 80% DOSSIER N N N o o o t t t r r r e e e e e e n n n q q q u u u ê ê ê t t t e e e « « « E E E n n n s s s e e e i i i g g g n n n a a a n n n t t t e e e t t t j j j e e e u u u n n n e e e » » »

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En plus des mutations sociétales de ces dernières années,le mode de recrutement et la formation des enseignants

ont subi de profondes modifications. Le SE-Unsa a trouvénécessaire de mieux connaître cette nouvelle génération

qui s’est destinée au métier d’enseignant à travers une grandeenquête sur Internet. Voici les résultats.

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n°149 • octobre 2011 • l’eNSEIGNANT 15

EÊTRE ENSEIGNANT ET JEUNE en cedébut de XXIe siècle… Le SE-Unsa a voulu savoir ce querecouvrait cette réalité. Il a doncinterrogé de jeunes collèguessur leur vision du métier maisaussi plus largement sur leurscentres d’intérêt, leurs préoc-cupations face à une sociétéen perpétuel bouleversement.Leurs réponses variées, parfoissurprenantes, témoignent deleurs questionnements et deleur lucidité face aux défis quiles attendent.

Confirmation de lacarence en formation

Si les trois quarts des jeunesaffirment «s’éclater» dans leurmétier, ce n’est pas grâce à leurformation. En effet, ils sont 68%à indiquer que leur formationprofessionnelle les a peuoupasdu tout préparés aux réalités duterrain. Il est intéressant deconstater queplus onest jeune,plus la proportion d’insatisfaitsaugmente. Malgré cela, 80%

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estiment bien connaître les responsabilitésinhérentes à l’exercice de leur métier.Face à cela, ils sont très partagés concernantleur avenir. S’ils tiennent dans leur très grandemajorité (93%) à leur statut de fonctionnaired’État, la moitié d’entre eux n’envisage pasd’exercer ce métier jusqu’à la retraite. La mêmeproportion souhaite pouvoir effectuer uneseconde carrière dans l’Éducation nationale.

Ils sont 32% à envisager de travaillerun jour dans une collectivité d’outremer ou à l’étranger. Ils sont égalementtrès intéressés par un stage dans unautre pays afin d’en découvrir lesystème éducatif.

Les préoccupations quotidiennes

Le pouvoir d’achat reste la préoccu-pation première pour 36,5% de cesjeunes collègues, suivie de leur vieprofessionnelle (31%). Une forteminorité (46%) se sent isolée dansl’exercice de son métier. 61% estimentque le milieu enseignant est particu-lièrement replié sur lui-même et 87%pensent que la profession est malperçue par la société. Interrogés surle rôle des médias, les avis corroborentles affirmations précédentes. Uneécrasante majorité (84,2%) pense queles médias ne donnent pas une imagepositive de leur profession.

Plus de 40 heures hebdomadaires

Les conditions de travail apportent unéclairage particulier sur la manièredont les jeunes enseignants vivent leurmétier. Le premier élément marquantconcerne leur temps de travail. Sa

••• durée hebdomadaire est comprise entre 35et 39 heures pour 23% et supérieure à 40heures pour 72% (voir graphique ci-dessous).En conséquence, ils estiment à 68% ne pasvraiment bien gagner leur vie. À la question «Êtes-vous prêt à travailler plus pour gagner plus ?», les trois quartsrépondent par la négative témoignant ainsi

du ras-le-bol de beaucoup d’en sei -gnants en cette rentrée 2011.Quant à leur notation en tant quefonctionnaire, celle qui leur permetd’évoluer dans leur carrière, les avissont très partagés. Ils sont 43% à sedéclarer plutôt ou énormément atta -chés à la note contre 41,7% (plutôtpas, voire pas du tout). Dans la mêmeveine, ils sont 52% à considérer qu’ilest normal que la note compte dansl’avancement de carrière contre 39%affirmant l’inverse.

Leur regard sur le système éducatif

Interrogés sur les domaines danslesquels, d’après eux, le systèmeéducatif français est efficient, leclassement est sans appel. En premierlieu, transmettre des connaissances(34,7%) puis extraire les meilleurs(27%) et enfin former des citoyens(19,2%). Cela tombe bien puisquepour les deux tiers d’entre eux, leprincipal objectif de leur métier estla transmission des connaissances.À l’inverse, ils trouvent le systèmemoins efficace pour garantir l’éga litédes chances (9,97%), orienter lesélèves (5,63%) et préparer àl’insertion professionnelle (3,4%).

Retrouvez tous les détails et résultats

de cette enquête sur www.se-unsa.org

rubrique «Jeunes enseignants».

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Les jeunes profs ont un regard positif sur letravail en équipe. Pour 25,8% c’est uneévidence, pour 12,3% une demande, unenécessité pour 50% et une formalité pour5,2%. Seuls 7% considèrent cela comme unecontrainte.L’accueil des enfants en situation de handicaples laisse particulièrement démunis. En effet,plus de 90% ne s’estiment pas formés et doncen difficulté dans ce domaine.Face à la difficulté scolaire, la proportion estmoindre. Néanmoins, 45% avouent ne pasvraiment savoir faire progresser un élève endifficulté. Au sujet de la notation des élèves, 48%estiment nécessaire d’attribuer des notescontre 45% qui pensent le contraire. Il seraintéressant de se pencher ultérieurement surla distinction que peuvent faire ces jeunescollègues entre notation et évaluation.

Bien dans leur époque

Les réseaux sociaux demeurent un objetd’intérêt pour les jeunes enseignants.Néanmoins, si 30% se déclarent «accro», 39% manifestent davantage de distance vis-à-vis du phénomène. Les sujets de société qui leur tiennent à cœursont assez variés. Le premier d’entre euxconcerne tout ce qui a trait au dévelop-pement durable et à l’écologie. Immé-diatement après viennent les discriminations.La laïcité ainsi que la faim et la guerre dans le monde suivent. Les nouvelles techno-logies, la mode, les tendances recueillent peu leurs suffrages (voir graphique ci-dessous).

Dans un tout autre ordred’idées, ils sont unemajorité à penser qu’ilest du rôle d’un syndicatd’offrir des avantages,des bons plans ou desréductions. Leurs préfé-rences sont éclectiquesquant aux catégoriesconcernées : la culture, la vie quotidienne,les voyages et enfin le domaine sportif. Ilss’inscrivent ainsi dans l’air du temps d’unetendance plus ou moins consumériste.En conclusion, cette enquête dresse leportrait de jeunes emblématiques de leurépoque, ouverts sur le monde. Investis dansdes associations sportives, culturelles, des organisations syndicales, des partispolitiques, ils témoignent de leur volontéd’en être acteurs.Ils sont parfois surpris par le milieu profes-sionnel qu’ils ont intégré mais s’y inscriventpleinement avec une envie affirmée de voirs’améliorer le système. Critiques et lucidesquant à leurs conditions de travail, ilsattendent d’une organisation syndicalequ’elle soit force de propositions tout en leuroffrant une «protection» à travers la défensede leurs intérêts.Ces résultats confortent le SE-Unsa dans leprojet qu’il porte depuis sa création. Plus quejamais «s’opposer et proposer» demeured’actualité !

Joël Pehau – Nathalie Meyer

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Cette enquête montre une génération investie

dans la société et témoigne de sa volonté

d’en être acteur

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DU CÔTÉ DES STAGIAIRES

LE RÉSULTAT DE L’ENQUÊTE DU MINISTÈRE confirmece que révèlent les deux enquêtes du SE-Unsa de janvier et mai 2011. Les sondésdéclarent à 87% que le bilan de cettepremière année a été assez ou très positifet 92% sont très ou assez satisfaits de leursituation professionnelle. Ils déclarent avoirchoisi l’Éducation nationale en premier lieupour le goût d’enseigner (63%) et le contact,la relation avec les élèves (59%). Seulement3% évoquent les perspectives d’évolutionprofessionnelle ou de promotion commesource de motivation. On les comprend !Si 60% ont eu l’impression de «tenir» leurclasse, il a été difficile pour plus des deuxtiers de gérer leur emploi du temps et pour84% d’accompagner des élèves en difficulté.Mais sur ces chiffres-là, le ministère ne s’estpas trop étendu lors de sa «communicationde rentrée». Peut-être un peu gêné par lapolémique sur la catastrophe annoncée decette deuxième année de la réforme de laformation des enseignants ?Car c’est bien le domaine de la formation quifait l’objet de toutes les critiques des jeunes

profs. Les journées d’accueil ont été inutilespour 67% d’entre eux. Pire, les trois quartsindiquent que les contenus de leur formationsont inadaptés à leur parcours antérieur et àleurs besoins au cours de l’année. Enfin, lamoitié considère que la fréquence desjournées de formation est insuffisante. À l’opposé, plus de 80% se déclarent satis-faits des conseils dispensés par leurs tuteurs.Ces derniers étaient disponibles, les ontsoutenus dans les moments difficiles et leuront apporté de l’aide et des conseils perti-nents pour leurs cours et la tenue de leursclasses. Or ce «tutorat» risque d’être bien misà mal en cette rentrée par les suppressionsde postes.En conclusion, c’est bien dans le domaine dela formation que les insatisfactions sont lesplus grandes. Cet apparent paradoxeconfirme, si besoin en était encore, que cetteréforme, alibi d’économies budgétaires, n’aen rien amélioré la formation des enseignantset personnels d’éducation. Même lessondages le disent…

Joël Pehau

Hasard du calendrier, le ministère de l’Éducation nationale a publié, à la rentrée, les résultats d’un sondageréalisé auprès de 1003 enseignants et personnels d’éducation stagiaires. Il s’agissait de «mesurer objectivement»le ressenti des nouveaux collèguesconcernant la réforme du recrutement et de la formation.

Jeunes et militantsL’enquête

du ministère

Desnouveauxprofs,

heureux de l’être,mais trèscritiques sur leur

formation

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UUNN CCEERRTTAAIINN RREEGGAARRDD SSUURR LLEESS SSYYNNDDIICCAATTSS

LES JEUNES COLLÈGUES SONT D’EMBLÉE PERSUADÉS

de l’utilité des syndicats. Ils sont 42% à lestrouver indispensables et 43,2% à penserqu’ils sont importants. Seuls 7,1% les consi-dèrent comme un «mal nécessaire» et 1,3%comme inutiles. Ce préalable étant posé,il était intéressant de savoir en quoiconsistait cet intérêt. En premier lieu, l’image la plus marquanteest celle d’un garde-fou. Mais pour unepart non négligeable du public interrogé,

les organisations syndicales sont conservatrices, immobilistes et renvoientune image désuète. Certains indiquent alors qu’elles sont «toutes lesmêmes» ! À l’opposé, 14% pensent qu’elles donnent envie d’y adhérer et 28,7%en sont adhérents. Cette dernière donnée correspond peu ou prou autaux global estimé de syndicalisation dans l’Éducation nationale.Considérant maintenant les attentes vis-à-vis des syndicats, là encore,les réponses sont significatives. Pour ces nouveaux enseignants, le rôlepremier d’un syndicat est de proposer. Viennent ensuite par prioritédécroissante : être un médiateur, défendre les intérêts personnels,représenter un contre-pouvoir et être porteur d’un projet éducatif.

Seuls 2,2% estiment qu’il est là pour s’opposer (voir graphique en bas depage).Ainsi nos jeunes collègues témoignent d’une vision distanciée et lucidedu rôle et des responsabilités d’une organisation syndicale.

J. P.

Jeunes et militants Le SE-Unsa a profité

de cette enquêtepour regarder d’unpeu plus près ceque pensent lesjeunes enseignantsdes organisationssyndicales.

ACTEURS PLUS QUE SPECTATEURS

LEE MMOOIINNSS QQUUEE LL’’OONNPPUUIISSSSEE AAFFFFIIRRMMEERRc’est que les jeunes enseignants

ne restent pas les deux pieds dansle même sabot. Ils sont investispour 22% dans une associationsportive, 15% dans uneassociation culturelle, 10,7% dansun syndicat, 9% dans une œuvrehumanitaire. Ils ne sont que 3% à militer dans un parti politique.

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