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uelles sont au juste les spé-cificités du modèle anglo-

saxon ? A en juger par lesexperts que nous avons consul-

tés, elles sont multiples, àcommencer par l’éten due

de la Supply Chain jusqu’au point devente et l’innovation. « Les Anglo-saxons ont une vision globale de la

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Grande distributionQuel modèle

pour demain ?Les groupes de Grande Distribution anglo-saxons comme Wal-Mart

ou Tesco sont souvent cités en exemple pour leurs bonnes pratiques, particulièrement en Supply Chain Management. Stocks allégés, livraisons

des magasins plus fréquentes, systèmes d’informations performants, collaboration fournisseurs étendue, couplage de la Demand et

de la Supply Chain en interne : autant de concepts largement appliquésqui ont prouvé leur efficacité. Mais qu’en est-il de la Grande Distribution

française ? Se cale-t-elle sur cette vision anglo-saxonne ou a-t-elle ses propres modèles ? Est-elle en mesure de mettre ces principes

en pratique ou se heurte-t-elle à des freins historiques, réglementaires ou culturels spécifiques ?

Supply Chain. Ils ne cherchent pas àoptimiser les coûts de transport ou àavoir les coûts logistiques les plusbas, mais regardent jusqu’au maga-sin, en intégrant jusqu’à son compted’exploitation. Par exemple, pourfaciliter la mise en rayon, Tesco uti-lise des Dollies (des plateaux à rou-lettes qui supportent des présentoirs),

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même si cela fait perdre un peu en opti-misation de chargement, parce qu’auglobal, il est gagnant », explique Jean-Marie Picard, Direc teur Associé chezCPV Associés. Autre astuce relevéepar Laurent Thoumine, ManagingPart ner chez Kurt Salmon Associate(KSA) : « Dans les années 1990, auxEtats Unis, des logisticiens avaientinventé un concept de parois amoviblespour réassortir des palettes de CocaCola dans les Superstores de Wal-Mart. Les linéaires étaient ainsi réap-provisionnés par l’arrière, sans avoir àsortir une palette de la réserve ». LesDirec teurs logistiques et Supply Chainsont sans doute les mieux placés pouraider les commerçants à optimiser lalogistique de leurs surfaces de ventes.De même, Wal-Mart et Tesco ont eul’idée de coupler les outils de merchan-dising (de type Apollo, Intactix, Space -man…) qui établissent les plano-

grammes en définissant des profon-deurs, largeurs, minimums de pro-duits... avec les outils de gestion desstocks. « L’intro duction de nouveauxproduits, l’extension de facing, la fin devie de produits, etc. sont des informa-tions qui intéressent les logisticienspour adapter les approvisionnements »,justifie Laurent Thoumine (KSA).

Des circuits de distributionplus réactifsLes circuits de distribution anglo-saxons sont aussi plus courts, d’où desniveaux de stocks plus bas. « Le schéma

anglais restreint le nombre de lieux de stockages. Très rapidement, auRoyaume Uni, les distributeurs se sonttournés vers des prestataires pour créerdes plates-formes de consolidationmulti-distributeurs. Ainsi, les fournis-seurs livrent ces plates-formes de distri-bution en camions complets, puis lesmarchandises sont acheminées en flux

tendus jusqu’aux plates-formes d’écla-tement pour délivrer les magasins.Résultat chez Tesco : trois semaines destock en moyenne sur les plates-formesde consolidation, quatre jours sur lesplates-formes d’éclatement et quasirien en magasin, contre le double enFrance », expose Jean-Marie Picard(CPV Associés), sachant que les maga-sins passent deux commandes par jourchez Tesco (matin et après-midi) contreune le matin en France. Même volontéde raccourcir les schémas de distribu-tion chez Wal-Mart. « Plus de 50 % duCA de Wal-Mart est livré en flux tendu,sans point de stockage intermédiaire »,illustre Olivier Dubouis, DirecteurAssocié, Diagma. Et de comparer lesniveaux de stocks entre enseignes : « En2008, Carrefour et Auchan affichaientchacun 37 jours de stocks. De son côté,le rapport annuel de Tesco en 2009 fai-sait état de 19 jours de stock. »

Des investissements élevés et récurrents dans les SI« Les Anglais ont une vision très pro-cess du métier de la distribution.C’est un Business performant s’il estbien huilé. D’ailleurs, ils ont beau-coup investi dans les systèmes d’in-formation », remarque Laurent deBourmont, Directeur Associé chez

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Laurentde Bourmont,DirecteurAssocié,ArgonConsulting

Jean-MariePicard, DirecteurAssocié,CPV Associés

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Argon Consulting. A titre d’exemple,Sainsbury s’est lancé dès 2000 dansune refonte complète de son systèmed’information hétérogène (400 appli-cations différentes rien qu’en SupplyChain) et obsolète (remplacementdans la fin des années 1990 d’unWMS maison de 30 ans par celui de

Didier Thibaud, Directeur SC de Carrefour France

« Nous sommes arrivés au bout de certains modèles »

Pour Didier Thibaud, il ne faut pasopposer les distributions françaises etanglo-saxonnes : « Nous sommes tous

d’accord sur les concepts, mais ils sont justemoins mis en musique en France. » L’ob -jectif du Directeur SC de Carrefour Franceest « de partir plus du client, de la visionrupture en linéaire et de mettre en placeen amont l’organisation pour baisser lesstocks et les coûts de distribution. » LaSupply Chain de Carrefour France s’est déjàorientée dans cette voie puisqu’une équiped’approvisionnements assistés, qui piloteles algorithmes de propositions de com-mandes, a été initiée. « Cette organisationétend la vision de la Supply Chain jusqu’aulinéaire et permet de partager les décisionsentre l’exploitation magasin et la SupplyChain », commente Didier Thibaud. Ainsi,les coefficients de saisonnalité saisis dansl’outil de réapprovisionnement sont pilotésen central à partir des données macro d’IriSecodip sur sept régions. Ils sont mis enplace semaine par semaine, avec adapta-tion, et les magasins chefs de file, hebdo-madairement, voire quotidiennement, par-tagent les décisions avant application viades conférences téléphoniques. De même,Carrefour France évolue vers le CategoryManagement. Depuis deux ans pour le nonalimentaire et dix mois pour l’alimentaire,des équipes Achats, Marke ting et SupplyChain sont sur le même site. Le numérodeux de la distribution mondiale est aussien train d’opérer de profonds change-ments au sein de ses S.I. « La distributionfrançaise doit se réorganiser vers des S.I.plus performants et réactifs qui entraînentun cercle vertueux dans l’assise des

concepts », assène Didier Thibaud. Mais cequi le préoccupe le plus concerne la colla-boration fournisseurs. « Je crois intime-ment aux projets montés de type GMA deDanone avec des commandes alloties etdes propositions d’approvisionnement par magasin. Un fournisseur gère 100 à 250 réfé rences contre 2.000 pour un appro-visionneur de Carrefour. Il connaît mieux lasaisonnalité de ses produits, les animationspromotionnelles… C’est une connaissancemétier dont il doit nous faire bénéficier. Etnous avons de beaux exemples où les sor-ties de caisses accélèrent la mise en placede nouveaux produits. De s’étonner toute-fois : Je décou vre, en comparant la distribu-tion anglo-saxonne et nous, des fournis-seurs beaucoup plus réactifs sur les délais etles fréquences de livraison qu’en France (48à 72 h vs 4 à 8 jours dans le sec). Et même,si la distance expli que un à deux jours, je necomprends pas ce niveau d’écart. » Ildénonce également le système desbarèmes quantitatifs chers aux fournis -seurs : « Ce système franco-français, quin’existe nulle part ailleurs, nous fait appro-visionner des marchandises dont nousn’avons pas besoin ! », s’insurge-t-il. Evo -quant les irréductibles 10 % de rupturesmesurées par ECR, il poursuit : « Nous som -mes arrivés au bout de certains modèles. Ilfaut donc inventer de nouvelles stratégies,comme les CCC qui sont une vraie réponsepour les petits et moyens fournisseurs, enMDD comme en marque nationale. Je suissincèrement confiant, car quand le com-merce est difficile, il faut trouver ensembledes solutions. Et les plus rapides à le faireseront ceux qui gagneront. »

Manhattan Associates). Sous la hou-lette du CEO, toute la fonction infor-matique est externalisée à Accenture(et Sun Microsystems) pour fairemigrer progressivement les plates-formes et systèmes propriétaires duDistributeur vers des solutions Bestof Breed inter opérantes du marché.

Un budget de 1,8 Md$ est alloué,complété en 2005. De son côté,Auchan a fait lui aussi appel àAccenture, mais pour redévelopperen interne son système commercial.Un plateau de consultants a travaillé àLille deux ans durant avant que leDSI ne soit remercié et le projet, fina-

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tion. Ils travaillent en mode projet,avec des indicateurs et des exigencesau moins égales à celle de la France(ex : délais courts), indique Jean-MariePicard (CPV Associés). Et de pour-suivre : Les Anglo-saxons organisentles approvisionnements autour duCategory Management. Par gamme deproduits (lessives, vêtements enfants,etc.), ils placent dans le même bureautrois acteurs clefs qui travaillent deconcert à améliorer la profitabilité dela catégorie de produits : Achats,Marketing offre et Responsable SupplyChain (qui dépendent de leurs hiérar-chies respectives). Chez nous, histori-quement, les organisations sont cloi-sonnées mais discutent lors de réu -nions inter départements. » Cet aspectculturel tiendrait-il aux hommes ? Entout cas, les Anglo-Saxons semblentne pas mégoter sur les recrutements decompétences élevées dans les fonc-tions Supply Chain, ni sur la recon-naissance de la fonction. « La pre-mière caractéristique de Wal-Mart etTesco est la densité de matière grisedans leurs Directions Supply Chain.Ils ont quantité de cerveaux de niveauingénieur pour réadapter dynamique-ment la structure par rapport aux caté-gories de produits et aux fournisseurs.De plus, la Supply Chain est connectéeà la Demand Chain. En Angleterre etaux Etats Unis, les logisticiens et lescommerçants ont une telle collabora-tion sur les prévisions à la maille heb-domadaire que l’adaptation des res-sources logistiques est bien meilleure.Ils ont une capacité de réaction beau-coup plus forte. Enfin, dans neuf cas sur 10, le Directeur Supply Chainest membre du Comex, ce qui n’est pas aussi systématique en France »,remarque Laurent Thoumine (KSA).

Le poids de la réglementation françaisePourquoi la Grande Distribution fran-çaise n’a-t-elle pas évolué selon lesmêmes schémas ? Comme le rappelleavec bon sens Jean-Luc Fonteneau,DG de Diagma, il est a priori hasar-deux de comparer les coûts et perfor-

lement arrêté. « La Grande Distri bu -tion alimentaire en France n’a pascru aux progiciels ERP et n’a pris cevirage que tardivement, à la diffé-rence du Royaume Uni et des EtatsUnis où les solutions du marché sontplus installées à l’image d’OracleRetail, de JDA ou de SAP Retail »,observe Laurent de Bourmont(Argon). Les Américains ne sontd’ailleurs pas en reste côté investis-sements informatiques, comme enatteste Olivier Dubouis (Diagma) : « Les enseignes américaines allouententre 0,8 % et 1,5 % de leur CA aubudget informatique. Wal-Mart inves-tit ainsi depuis longtemps dans saSupply Chain et ses S.I. Les grandsdistributeurs français n’en ont jamaisfait autant sur la durée. »

Un sourcing de plus en plus globalPour Jean-Marc Soulier, DirecteurAssocié, Metis Consulting, les grandsdistributeurs tendent à consolider leursachats multi-pays, voire multi-enseignes. « Les distributeurs commeWal-Mart (15 pays) ou Carrefour (36 pays) sont dans des logiquesd’achats conjoints. L’enjeu est la maî-trise de la Wide Supply Chain et de tra-vailler de plus en plus en direct avecles fournisseurs, en court-circuitant lesintermédiaires ». C’est ainsi que fleu-rissent les bureaux de sourcing enAsie, en Afrique du Sud, en NouvelleZélande, etc. de même que des plates-formes de consolidation capables delivrer des conteneurs multi fournis-seurs à des entrepôts ciblés. « Comptetenu de leur taille, les gens de Wal-Mart vont plus vite et frappent plusfort que les autres. La part des MDDélevée étant un facteur de motivationsupplémentaire », ajoute-t-il.

Un sens aigu de la collaboration De l’avis général, le mode collabo-ratif est plus ancré chez les GrandsDistributeurs anglais et américains. « La logique anglo-saxonne est beau-coup plus orientée vers la collabora-

OlivierDubouis,DirecteurAssocié,Diagma

DavidFontaine,ConsultantSolution Senior,ManhattanAssociates

Jean-LucFonteneau,DG,Diagma

LaurentThoumine,ManagingPartner,France,Kurt SalmonAassociates

Jean-MarcSoulier,DirecteurAssocié,MetisConsulting

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mances de chaînes de distributions depays comme la France et le RoyaumeUni (où les distances sont moindres)ou encore les Etats Unis, à l’échelled’un continent. Mais de souligner lepoids important de la réglementation

Sabine El Kasri, Directrice Supply Chain, Monoprix

« La remontée des stocks magasins apporteun vrai changement dans le pilotage »

En tant que Directrice Supply Chain deMonoprix, Sabine El Kasri est respon-sable du pilotage des flux d’approvi-

sionnement depuis les magasins jusqu’auxfournisseurs. La logistique physique étantgérée par la Samada, filiale logistique deMonoprix. Les actions menées par laDirection Supply Chain pour mieux remplirles magasins portent en partie sur laGestion Partagée des Approvisionnements(GPA), la Gestion mutualisée des approvi-sionnements (GMA) et le Merchandising.« Depuis quelques années, nous avons misen place des flux collaboratifs avec degrosses multinationales, en alimentaire,comme en non alimentaire. Ils concernent20 % de nos approvisionnements envolume. Après une pause, nous sommes entrain de reprendre ce dossier », indiqueSabine El Kasri. Cette collaboration, quirenforce une relation déjà aboutie avec cesfournisseurs, suppose de la rigueur, unequalité des référentiels produits et beau-coup d’échanges. « Nous avons obtenu uneamélioration du niveau de stock et de laqualité de service. En outre, nos approvi-sionneurs, déchargés des aspects récurrents,peuvent se concentrer sur les référencesimportantes et les événements (début/ fin de vie, chaînage promotion…) ». LaGMA date de juin 2009 avec Henkel,Colgate, Smithkline et Sara Lee, côté indus-triel, et FM Logistic, côté prestataire logis-tique. « Nous sommes assez satisfaits parrapport aux premiers pilotes en termes degain de qualité et de niveau de stocks.Nous avons gagné presque quatre jours surles stocks entrepôts, multiplié par 2,5 nosfréquences de livraison, avec des rupturesmoins longues, tout en maintenant descharges complètes et en réduisant le

nombre de mises à quai », se réjouit SabineEl Kasri, qui souhaite étudier d’autresopportunités. Au Merchandising de Monoprix, les plano-grammes sont réalisés par format (ex : CityMarché, Daily Monop) et sous-division(taille magasin, localisation). Trois à huitassortiments sont possibles. « Au niveauSupply, nous intégrons l’ensemble desinformations des planogrammes pourconstituer les commandes de mise sur lemarché et de réassort, précise la DirectriceSC. Ce lien est d’autant plus indispensableque l’ensemble des gammes est en réassortautomatique. » Par ailleurs, un pilotagecentral des événements (jours féries,vacances, Tour de France…) avec les maga-sins est en train de se mettre en place.«Grâce à l’analyse des historiques de vente,nous anticipons mieux les événements àvenir et pilotons les approvisionnementsdes magasins y compris sur des événementslocaux. » C’est une cellule transverse de «Chargés d’études », qui font la planificationet travaillent sur d’autres projets, qui s’enoccupe. Ils sont en relation avec les approvi-sionneurs, les sites logistiques et laDirection des ventes, pour optimiser lesflux. Fin 2009, Monoprix a achevé la mise enplace de G.O.L.D. Shop, outil de réapprovi-sionnement magasins. « Jusqu’alors, nosréassorts étaient basés seulement sur lesventes. Nous connaissons à présent le stockau produit et au magasin. La remontée desstocks magasins apporte un vrai change-ment dans le pilotage et la finesse de déci-sion. » D’ici deux à trois ans, Sabine El Kasrienvisage de développer le cross docking surl’épicerie et le non alimentaire. Les possibi-lités de massification des flux (produits àfaible rotation) sont aussi à l’étude.

en France : « La Grande Distributionfrançaise est très contrainte par unensemble de lois qui n’arrêtent pasde changer. Pour protéger le petitcommerce, on a par exemple gelé lacréation de nouvelles grandes sur-

faces, ce qui a eu pour effet d’agran-dir les surfaces de ventes existantesau détriment des réserves. Dans le même temps, les Grands Distri -buteurs anglais ou allemandsn’étaient pas contraints dans leur

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sent difficiles à surmonter. « Par rap-port aux pays anglo-saxons, noussommes toujours dans une logiqueclient/fournisseur de rapport de forceoù chacun cherche à tirer la couver-

ture à soi plutôt que de jouergagnant-gagnant », estime OlivierDubouis (Diagma). Et de poursuivre :Les ilots de collaboration tiennentsouvent à des personnes, surtout dans

Business », compare Jean-LucFonteneau (Diagma). Et Jean-MariePicard (CPV Associés) de compléter : « Dans les années 2000-2005, la LoiGalland a eu plein d’effets pervers.Les remises logistiques des indus-triels poussaient en effet les GrandsDistributeurs à faire venir les mar-chandises en camions complets pourbénéficier des meilleurs barèmesquantitatifs (BQ) et donc à sur stoc-ker. Puis elle a été abrogée, faisant ducoup sauter ce verrou. Dans le mêmetemps, Tesco revoyait sa SupplyChain en cherchant à minimiser lecoût logistique complet ».

Des spécificités culturelles françaisesD’autres aspects, de nature culturelle,sont des freins à la collaboration.Ainsi, les rapports historiquementtendus entre la Grande Distributionfrançaise et ses fournisseurs parais-

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un contexte économique plus difficilequi ne pousse pas à partager. » Deson côté, Laurent Thoumine (KSA)dénonce « la surpuissance des ache-teurs et leur pouvoir de négociation à la testostérone ». D’autre part, les projets semblent avoirplus de difficultés à se déployer enFrance. « La structure de gouvernanceen France comporte une part impor-tante de franchisés ou d’indépendantsà convaincre individuellement, d’oùune certaine difficulté à déployer mas-sivement les projets. Du coup, ils sontsouvent de même nature qu’Outre-Manche, mais n’ont souvent pas lamême échelle ou la même vitesse dedéploiement », avance Laurent deBourmont (Argon). « Le premier quej’ai entendu parler de Gestion Mutua -lisée des Approvisionnements était

Léandre Boulez d’Auchan : c’était il ya sept ans ! En France, on parle desconcepts mais on met longtemps à lesappliquer. Tandis que chez les Anglo-

Saxons, une fois que c’est décidé, c’estappliqué », note Olivier Dubouis(Diagma). Une autre explication peutêtre le manque de conviction des diri-

Claude Samson, DG de Samada

« Nous sommes le bras arméde la Direction Supply Chain »

L’objectif premier de Monoprix est dese focaliser davantage sur les magasinset le client final. « L’important, c’est

que le magasin ait bien tous ses produitschaque jour avec les dates qui conviennentafin que le client trouve ses produits dansson magasin toute la journée et tous lesjours de la semaine », résume ClaudeSamson. Pour ce faire, le DG de Samada acréé une Direction développement etQualité chargée de trouver les services sup-plémentaires à instaurer pour que lesmagasins aient le meilleur service aumeilleur coût. Il s’est aussi attaché à déve-lopper le sens du client chez ses équipes. « Nous sommes des prestataires avant tout.Nous sommes au service des magasins etnous essayons d’avoir une excellente liai-son système et humaine entre la SupplyChain appro & pilotage des flux et la logis-tique physique. Dans ce mode de fonction-nement, nous sommes le bras armé de laDirection Supply Chain. Nous avons unevraie relation client/prestataire et lorsquel’on nous demande quelque chose, nous nedisons jamais non. Nous étudions la ques-

tion et voyons ce que nous pouvons faire,à quel coût. » Claude Samson croit parailleurs beaucoup à la coopération et à lamutualisation, notamment pour mettreen place à terme le flux tendu sur les pro-duits secs. « La Grande Distribution fran-çaise doit évoluer vers plus de coopéra-tion entre les acteurs et de mutualisationdes moyens et moins dans le conflit etl’opposition », estime-t-il. Ce qui supposerespect et compréhension de l’autre. Con -crètement, cela passe déjà pour lui par lefait de participer aux négociations trans-porteurs aux côtés de la Direction desachats ou de les gérer lui-même « afin dene pas considérer que les coûts mais aussile service rendu ». En interne, chez Mono -prix des programmes de type « Vis ma vie », dans lequel une personne occupetemporairement la fonction d’une autre,permettent de mieux en saisir les con -traintes. Enfin, Claude Samson apprécieégalement la multiplication des Clubs(Agora, Demeter…) qui instaurent un dia-logue non agressif entre professionnelsde la distribution et industriels.

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geants : « Chez Tesco, les GrandsManagers ont en tête que les schémasSupply Chain ont un impact sur ledéveloppement d’une enseigne. Ils ensont très convaincus et sont très com-pétents sur les aspects Supply Chain.Les Français, de leur côté, n’ont pasune conception très Business de laSupply Chain », juge Jean-MariePicard (CPV Associés). Ce queconfirme Laurent de Bourmont(Argon) : « En France, le succès de laGrande Distribution est fondé sur lapriorité au commerce, le dynamismedes équipes de ventes, les produits, lapuissance d’achat... La Supply Chain,et notamment sa dimension collabora-tive, n’est pas forcément le terrain oùla culture du commerce s’exprime lemieux, même si les choses ont beau-coup évolué en cinq ans. »

Un vent de changementMais les choses changent progressive-ment. « Depuis deux/ trois ans, lagrande distribution nous consultedavantage pour mettre en place ducross-dock. Elle réfléchit aussi à lamise en place de stocks avancés, pourfavoriser le transfert de propriété auplus tard entre le distributeur et sonfournisseur. La Gestion Mutualiséedes Approvi sion nements (GMA) estaussi d’actualité pour augmenter lesfréquences de livraison tout en dimi-nuant les stocks. Par ailleurs, lesGrands Distributeurs tendent à mas-sifier les flux de produits à faible rota-tion sur des plates-formes de regrou-pement dédiées. Enfin, depuis quatre/ -cinq ans, ils s’équipent de plus en plusde logiciels de pilotage des approvi-sionnements magasins et d’optimi-sation des stocks », constate OlivierDubouis (Diagma). D’autre part, pourrendre leurs S.I. plus performants, lesGrands Distributeurs s’ouvrent pro-gressivement aux logiciels du marché(ex : Auchan avec Sterling OrderMana gement de Sterling Com merce,Les Mousquetaires avec G.O.L.D.d’Aldata et DDS, Monoprix avecG.O.L.D Shop d’Aldata, Schie veravec PPS d’Acteos…). « Au début, les

portes du Retail étaient plutôt ferméesà Manhattan, mais progressivement,les Grands Distribu teurs renou vellentleurs applications et adoptent dessolutions Best of Breed du marché. Deplus, avec l’arrivée du e-commerce etdu cross-canal, ils entament desréflexions pour mieux intégrer de nou-veaux systèmes et modèles », souligneDavid Fontaine, Consultant SolutionSenior Chez Manhattan Associates.L’éditeur vient en effet de lancer unesolution baptisée DOM (Distributed

Order Mana gement) qui vise à piloterau mieux et en automatique le traite-ment des commandes à travers les dif-férents canaux selon des schémas pré-établis (passage de commande surInternet et retrait en magasin ou com-mande en magasin et livraison sur unpoint relais …). Le but étant de mutua-liser les stocks et de faire dialoguer dessystèmes hétérogènes à travers unecouche applicative transverse, afin degagner en réactivité vis-à-vis d’unecommande client.

Feridun Akpinar,Directeur SC Alimentaire,

Les Mousquetaires« Notre niveau de service

s’arrête à l’entrepôt »

Notre particularité est qu’un produit vendu sur deux provient de nos usines ou de four-nisseurs que nous contrôlons », souligne

Feridun Akpinar. D’où la priorité accordée au déve-loppement de l’ordonnancement pris en comptedirectement avec les usines, la GPA portant sur l’optimisation du transport. « Depuis cinq ans, nousavons lancé un chantier important de mutualisationdes approvisionnements avec nos 62 usines. Noussommes allés plus loin que la GPA, qui fluidifie lesapprovisionnements mais conserve deux stocks, enmontant des bases pour des stocks avancés quiregroupent les stocks de la Centrale d’achat et desindustriels », expose le Directeur SC Alimentaire desMousquetaires, qui admet en revanche être plus enretard vis-à-vis des fournisseurs externes. Autre spécificité d’Intermarché : des points de ventes géréspar des Indépendants. « Nous mettons à la disposi-tion des points de ventes des outils de réapprovi-sionnement automatique, mais ils sont libres de les utiliser ou pas. Dans ce contexte, il est très diffi-cile d’assurer un niveau de service incluant les pointsde vente et notre niveau de service s’arrête à l’entre-pôt. » De la même manière, le Département Mer -chandising se contente d’être force de proposition.« Nous poussons le développement des réapprovi-sionnements automatiques mais le chemin est long.Le flux tendu a été mis en place dans le frais etmarche bien. Le cadencement oblige les points deventes à respecter des règles. Pour convaincre, il fautfaire la preuve que cela fonctionne. Ensuite celadevient une démarche volontaire. »

«

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L’enjeu du multi-canalLes Retailers se cherchent et testentun foisonnement de nouveaux con -cepts pour se rapprocher du consom-mateur et compléter le modèle endéclin de l’hypermarché. Des formatsde proximités voient le jour : Carre fourCity, Daily Monop… En magasin, sedéveloppent des kiosks (réser ves ados-sées aux magasins où les produits, quine sont pas physiquement en linéaire,peuvent être retirés). Auchan etLeclerc essaient les Drives (où l’onpeut charger dans son coffre de voituredes commandes préparées à l’avance).Les sites de e-commerce fleurissent(Ooshop, Houra.fr, C.Discount …) etle M-Commerce (commandes passéesdepuis un téléphone portable) est en

croissance. Pour Jean-Luc Fonteneau,les évolutions de la consommationvont contribuer à redistribuer lescartes : « Les hypermarchés sont enperte de vitesse, de même que lessupermarchés à l’extérieur des villes.Tandis que les supermarchés decentre ville et l’e-commerce sont enpleine croissance. Les grands distri-buteurs lancent plein de tests (livrai-son de nuit…) puis décideront, au vudes résultats, ce qu’il convient dedévelopper. Plusieurs modèles vontcohabiter. On va repartir sur de nou-velles bases, ce qui va offrir desopportunités au niveau Supply Chain,comme peut-être des entrepôts multi-distributeurs pour desservir lesmagasins de centre ville », envisage

le DG de Diagma. Cette multiplicitéde canaux va encore complexifier lagestion des Supply Chains, d’où lanécessité de mettre en face les res-sources adéquates. Heureusement,les recrutements de têtes bien faitesse multiplient. « Nous constatonsdepuis cinq ans que les équipesSupply Chain des distributeurs élè-vent leur niveau de compétence. Desingénieurs sont recrutés pour gérerles prévisions, les approvisionne-ments, optimiser les entrepôts…Nous voyons se constituer deséquipes méthode de très bonne qua-lité. Cela va payer dans les annéesqui viennent », promet Laurent deBourmont (Argon).

Cathy Polge

CLASSEMENT MONDIAL DES ENSEIGNESDE GRANDE DISTRIBUTION PAR CA 2008

La France tire bien son épingle du jeu dans ce format de distribution avec cinq Groupes placés dans les 20 premiers mondiaux

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NOM Formats dominants

1 WAL-MART Stores Inc USA 401,2 405,6 13,9 Hyper/Super/Proximité 15

2 CARREFOUR SA FRANCE 128 129,8 2,3 Hyper/Super/Proximité 36

3 METRO AG ALLEMAGNE 99 100 0,8 Cash& Carry/Warehouse Club 32

4 TESCO Plc UK 96,2 96,2 3,8 Hyper/Super/Proximité 13

5 THE KROGER Company USA 76 76 1,2 Supermarchés 1

6 COSTCO WHOLESALE Corp. USA 71 72,5 1,3 Cash& Carry/Warehouse Club 8

7 REWE ZENTRAL AG ALLEMAGNE 61,5 73,3 n/a Supermarchés 14

8 Groupe AUCHAN SA FRANCE 56,8 57,1 1,1 Hyper/Super/Proximité 12

9 AEON Company Ltd JAPON 48 52,3 0,9 Hyper/Super/Proximité 10

10 CENTRES DISTRIBUTEURS FRANCE 47,6 47,6 n/a Hyper/Super/Proximité 6EDOUARD LECLERC

11 EDEKA Zentral AG & Company KG ALLEMAGNE 47,4 49,4 n/a Supermarchés 1

12 SEARS Holding Corp. USA 46,8 46,8 1 Grands Magasins 5

13 ITM Developpement international FRANCE 44,5 44,5 n/a Supermarchés 8

14 SAFEWAY Inc USA 43,2 44,1 1 Supermarchés 2

15 CASINO GUICHARD FRANCE 39,7 42,2 0,9 Hyper/Super/Proximité 11PERRACHON SA

16 KONINKLIJKE AHOLD NV PAYS BAS 37,8 37,8 1,6 Supermarchés 9

17 WOOLWORTH Ltd AUSTRALIE 36 37,2 1,4 Supermarchés 6

18 SUPERVALU Inc. USA 34,7 44,6 -2,9 Supermarchés 1

19 WESTFARMERS Ltd AUSTRALIE 32,7 38,1 1,1 Supermarchés 2

20 J SAINSBURY UK 32,6 32,6 0,5 Supermarchés 1

Source Deloitte Touche Tohmatsu, Global Powers of Retailing 2010** Etude qui classe 250 Retailers dans le monde, tous secteurs (Alimentaire, spécialisé, Discount… Nous avons extrait de ce classement les groupes de Grande Distribution et de Cash&Carry.