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    L’analyse de ces témoignages met en évidence lefait qu’une telle dynamique est multifactorielle,des éléments personnels et familiaux étantretrouvés :Les éléments personnels concernent 6 enfants, dont4 ont un comportement déviant et 2 une intelligencemoyenne.Les éléments familiaux comprennent le divorce desparents dans 5 cas, la pauvreté dans 5 cas, la vio-lence au sein de la famille dans 5 cas, la présenced’un illettrisme familial dans 4 cas, et une défaillancedu système éducatif dans 3 cas.Sur le plan physique, on retrouve la présence deblessures, de marques diverses, de malnutrition, deproblèmes de santé et d’abus sexuel.Sur le plan psychologique, on retrouve la présenced’une importante impulsivité, une hétéro-agressivité,un comportement antisocial, une symptomatologiedépressive, anxieuse, en lien avec un stress post- traumatique, des troubles de sommeil, de l’énurésie,du tabagisme et de la toxicomanie.Les enfants institutionnalisés apparaissent enmeilleur état physique que les enfants laissés dansles rues, tandis qu’ils soufrent des mêmes problè-mes psychologiques, ce qui met en évidence unecarence de soins psychiatriques. La question de lasanté mentale joue un très grand rôle dans l’appa-rition et la perpétuation du phénomène des enfantsdes rues à Alexandrie, et nécessite une prise encharge spécifique.Plusieurs actions sont proposées :- un programme d’éducation des parents concer-nant les méthodes pédagogiques appropriées pourprévenir la maltraitance des enfants, et par suite lapromotion de leur santé mentale,

    - des programmes de formation destinés aux professeurs pour la prévention, la détection précoce duretard scolaire et le traitement de ses causes,- un renforcement de la présence d’un psychiatredans les services qui viennent en aide aux enfants- des programmes d’éducation destinés à la société tout entière pour changer son regard vis-à-vis de ceenfants et pour sensibiliser les organisations gouvernementales et non gouvernementales dans le bude réhabiliter et d’éduquer ces enfants.e phénomènedes enfants « sans abri » est en croissance constant

    Alexandrie, comme dans plusieurs pays du monde. Oestime leur nombre à plus de 250 000. Certains de cenfants sont « dans la rue », mais maintiennent dsez bons contacts avec leurs familles, qu’ils retrouvsouvent chaque soir. S’ils sont dans la rue, c’est souvpour travailler, s’amuser, passer du temps, ou en raisde l’exiguïté de leur logis où ils n’ont fréquemmqu’une petite place pour dormir.D’autres sont véritablement des « enfants des rues »ils séjournent 24 heures sur 24 ; ils n’ont pas d’aufoyer. Certains y cherchent leur identité.Ce groupe d’enfants marginalisés n’a pas ce qusociété considère comme des relations appropriéavec les institutions majeures de l’enfance telles qufamille, l’éducation, et la santé (OMS, 1993).L’exposition continue à l’environnement hostile drue, tout comme leur mode de vie désocialisé, met lbien-être mental, physique, social et spirituel en danget les expose à de nombreux problèmes de santé qne sont pas caractéristiques des autres populations même classe d’âge.Ces enfants sont plus susceptibles d’être victimes d’aphysique, émotionnel et/ou sexuel, d’être victimesviolences, de souffrir de maltraitance ou de devoir q

    Causes et impactsdu phénomènedes enfants des ruesà Alexandrie

    Mariam Bedwani *,Jérôme Palazzolo**,Christian Mesenge**** Psychiatre,Université internationale Senghor,Alexandrie, Égypte ** Psychiatre libéral, Nice Professeur au Département Santé,Université internationale Senghor,Alexandrie, Égypte *** Directeur du Département Santé,Université internationale Senghor,Alexandrie, Égypte

    Notre étude descriptivea pour objectif de mettreen exergue le phénomènedes enfants des ruesà Alexandrie, ceci afind’évaluer les causes decette problématique etson impact physique etpsychologique sur lesmineurs.Ce travail concerne30 enfants âgés de8 à 18 ans (12 filleset 18 garçons). Desentretiens individuelsont été réalisés, et seuls10 témoignages ont étéexploitables.

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    Entretiens comparés avec des enfants institutionnalisés et d’autres non institutionnalisés

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    ter les zones rurales pour des zones urbaines, de vivre

    dans la pauvreté, de se prostituer, de consommer dessubstances comme l’alcool et/ou le cannabis, voire d’êtreinfectés par le virus du VIH. Par ailleurs, ils ont peurecours aux services de santé existants, qu’ils considè-rent avec méfiance et qu’ils évitent.Par ailleurs, cette situation constitue un important fac-teur de risque vis-à-vis de la survenue d’une sympto-matologie psychique problématique telle qu’un stresspost-traumatique chez un enfant qui a été victime d’unabus, ou un trouble de l’estime de soi au vu de l’exclu-sion sociale et de la critique subies quotidiennement(OMS, 2006).L’objectif de notre étude est de mieux comprendre le

    pourquoi de la présence de ces enfants dans la rue. Ils’agit d’une analyse de leur situation, des causes quiles ont poussées à se retrouver là, des alternatives quileur sont offertes par l’État, les différentes institutionset les centres de santé. Cette analyse est le prérequisnécessaire à toute action d’accompagnement visantà élaborer un projet de réinsertion familiale, scolaire,sociale et/ou professionnelle.

    Entretiens individuels

    Nous nous sommes entretenus avec 30 enfants âgés de8 à 18 ans (âge moyen : 14 ans), et seuls 10 témoignagesont été exploitables.Les enfants :

    •Ahmed : Ahmed est un garçon âgé de 18 ans. Il a deux frères etune sœur, et il a quitté sa maison à l’âge de 9 ans enraison, selon ses dires, de la sévérité extrême de sa mère,qui ne savait ni lire ni écrire. Il ne voulait pas aller àl’école, et on le forçait à s’y rendre. Lorsqu’il revenait del’école et que sa mère le voyait jouer, elle « le mettait aucoin » : il restait debout le nez contre le mur jusqu’à cequ’il tombe d’inanition, à bout de force. Sa petite sœurétait également victime de maltraitance, se faisant brûlerla jambe au fer rouge lorsqu’elle ne faisait pas ce que samère lui disait. Ahmed souligne : « Je la voyais faire celaà ma sœur, et je ne voulais surtout pas qu’il m’arrive lamême chose ! Je n’ai jamais aimé l’école, je n’aime pasma mère non plus. Jamais je ne retournerai à la maison,

    je suis bien mieux comme ça. Un jour, j’ai pris le trainpour Le Caire, je voulais voir la capitale dont tout lemonde parlait ! J’ai vécu là-bas pendant un mois chezune famille qui m’a trouvé en train d’errer tout seuldans la rue le soir. Ils ont essayé de me ramener dansma famille ; ils ont même fait passer une annonce dansle journal. Alors, je me suis enfui et je me suis rendu à

    Alexandrie, où j’ai élu domicile sous le pont Moharrem

    Bek avec un autre garçon que j’ai rencontré. Lui, il snif-

    fait de la colle, il était complètement coupé du monde.Moi, je n’ai jamais essayé : j’ai trop vu les dégâts causéspar ce comportement. Ensuite, un compagnon de galèrem’a parlé d’un centre d’accueil de jour, alors j’y suis alléavec lui. Les éducateurs m’ont proposé de travailler àl’hôpital, et voilà 6 ans que j’y exerce une petite activitéd’entretien. J’y mange, je dors là-bas, et le week-end jele passe à l’accueil de jour avec mes copains ».Les éducateurs ont essayé de ramener Ahmed chez sesparents il y a un an, mais il s’est de nouveau enfui.

    Aujourd’hui, Ahmed n’aime pas qu’une femme luidonne des ordres au travail (« Ça me rappelle mamère »). Son comportement est caractérisé par une

    certaine impulsivité : s’il se met en colère, il ne parvientpas à se contrôler.

    • Sherif :Shérif est un garçon âgé de 13 ans. Ses parents ontdivorcé il y a 4 ans, et se sont remariés chacun de leurcôté. Lorsque Sherif va chez son père, il est battu parsa belle-mère ; lorsqu’il va chez sa mère, il est battu parson beau-père. Ne sachant pas où aller, il s’est retrouvédans la rue. Il a alors quitté Le Caire, et a pris le trainpour Alexandrie. Là, il a rencontré un garçon de la ruequi l’a guidé vers un centre de santé. Il vit actuellementen foyer, a repris une scolarité normale et a de bonsrésultats. Il rend régulièrement visite à ses parents, maisprésente un épisode dépressif majeur.

    • Yousry : Yousry est un garçon âgé de 16 ans. Nous l’avons ren-contré dans un centre d’accueil de jour, ce qui signifiequ’il vit encore dans la rue. Il refuse d’être institution-nalisé. Son père a quitté le domicile conjugal, aban-donnant la mère de Yousry avec ses 4 enfants. Troisans plus tard, la mère se remarie et part à son tour dela maison. Yousry vit alors avec son frère aîné, qui estmarié. Mais l’épouse de ce dernier est violente vis-à-visdu jeune homme, qui prend alors la décision de partirvivre dans la rue. Il envisage de retourner chez son frèrelorsqu’il sera âgé de 19 ans : « Je serai grand et fort, et àpartir de ce moment là ma belle-sœur ne pourra plusme maltraiter », souligne-t-il.

    Yousry apparaît violent, agressif vis-à-vis des autres :« Lorsque quelqu’un ma taquine dans la rue, il peutm’arriver de le frapper. Et le problème, c’est qu’à partirde ce moment-là, je ne parviens plus à me contrôler. Jesouhaiterais que l’on puisse m’aider à mieux gérer mesémotions », rajoute le jeune homme.Par ailleurs, un épisode dépressif d’intensité moyenne

    À l’occasion d’uneprise de LSD, le badtrip peut durer entrequatre et vingt-quatreheures ; pour uneprise d’ecstasy, il fautcompter entre quatreet huit heures ; pourles champignons, dedeux à douze heures,enfin, pour le speed,la durée du bad trippeut aller jusqu’àdouze heures.

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    est mis en évidence, lorsque Yousry évoque son quo-tidien : « Le fait de dormir sur le trottoir me fait mesentir mal dans ma peau. Je ne supporte pas le regard

    des passants ; je voudrais leur expliquer que je ne suispas un mauvais garçon, mais que ce sont les circons-tances qui m’ont poussé là. Il m’arrive d’avoir des idéesnoires, de me dire que la mort serait une sorte de sou-lagement ».Le jeune homme fume du cannabis de manière quo-tidienne, consomme des benzodiazépines de manièreanarchique, et a arrêté de sniffer de la colle il y a troissemaines.

    • Moustafa :Moustafa est un garçon âgé de 15 ans, il a une sœuraînée et un frère cadet. Il vivait au Caire, mais a fui le

    domicile familial car il ne voulait pas aller à l’école alorsque sa famille le forçait à s’y rendre. Ses parents sont declasse socio-économique moyenne, le père de Moustafane sachant cependant ni lire ni écrire.Le jeune homme présente un comportement déviant :avant de vivre dans la rue, il avait déjà fait de nom-breuses fugues, et se conduisait de manière désadaptée.

    Ainsi, « pour rire », il lui est arrivé de mettre le feu à l’unde ses camarades de classe. Le responsable du centrede santé le prenant en charge souligne, en parlant deMoustafa : « Ce gamin nous a tous rendu fous ! C’est uninconditionnel des problèmes divers et variés : chaque

    jour il a des soucis avec les passants, les forces de l’ordre,les autres jeunes de la rue ».Le jour de notre entretien, Moustafa devait retournervivre chez ses parents, qui l’acceptaient à la seule condi-tion qu’il cherche un travail. Moustafa consomme ducannabis de manière pluri-quotidienne, et des benzo-diazépines très régulièrement. Il est décrit comme « trèsimpulsif » : « Il lui est déjà arrivé à plusieurs reprises detout quitter sur un coup de tête », rajoute le responsabledu centre de santé.

    • Mahmoud :Mahmoud est un garçon âgé de 11 ans. Son père tra-vaille en Arabie Saoudite ; il vit avec sa mère et ses deuxfrères. Aucune maltraitance n’est relevée, mais le jeunegarçon souligne : « Je me sentais étouffé à la maison, àl’école. La plupart du temps, je ne savais pas quoi faire, je m’ennuyais. Alors j’ai quitté la maison ; j’ai pris letrain pour Alexandrie. Je dormais dans un kiosque prèsde la citadelle. Une association caritative m’a proposéune chambre dans un foyer. Je suis bien ici, je ne veuxpas retourner à la maison ; je suis une formation pourdevenir mécanicien, et j’aurai un diplôme à la fin ».

    • Ibrahim :

    Ibrahim est un garçon âgé de 13 ans, qui vivait jqu’alors avec ses parents et ses frères. Son père est tré ; il ramasse des morceaux de cuivre qu’il va reven

    sur le marché. Il transporte ce cuivre sur une carritirée par un cheval. Ibrahim voulait lui aussi un cval, mais son père lui a signifié qu’il ne pouvait paen acheter un pour l’instant. Frustré, le jeune garça quitté le domicile familial. Nous avons renconIbrahim dans un foyer, cela faisait 2 ans qu’il était dla rue. Le projet le concernant était un retour imminechez ses parents. Très vite, nous avons pu mettre évidence un retard mental moyen chez ce garçonvenait de passer son certificat d’étude égyptien, avec moyenne générale de 4 sur 30… Ibrahim consommdu cannabis de manière quotidienne.

    • Khaled :Khaled est âgé de 16 ans. Originaire de Damiett Alexandrie, ses parents ont divorcé lorsqu’il avait 5Chacun d’eux s’est remarié, et le jeune enfant a aété victime de maltraitance dans ses deux nouveafoyers. Il s’est alors retrouvé dans la rue, et a été prischarge dans un foyer d’accueil, où il est resté plusieannées. Il est ensuite retourné dans son quartier. Nole rencontrons au foyer, où il est venu rendre visiteses éducateurs. Maintenant, Khaled vit seul dans uchambre meublée dans la même rue que sa mèretravaille chez un coiffeur, et il est fiancé. Il ne cesseraconter des histoires, fruits de son imagination : ilmet en scène de manière héroïque, soulignant commil s’est vengé des maltraitances dont il a été victilorsqu’il était petit. Khaled abuse du cannabis et dbenzodiazépines.

    • Amal : Amal est une jeune fille de 14 ans. Sa mère ne sailire, ni écrire. Elle a été trouvée dans la rue, et recuepar des touristes au beau milieu d’une violente disp

    Amal a alors été hospitalisée en psychiatrie, car sonne n’a souhaité l’accueillir, et il n’existe aucun fd’accueil pour fille à Alexandrie. Elle présente un remental moyen. Incurique, elle souffre d’incontineurinaire. Amal fume du cannabis de manière qudienne, sniffe de la colle et présente des crises clastiqlorsqu’elle est frustrée. À présent, l’hôpital est devpour elle un lieu de vie, où elle est prise en charge le plan physique et sur le plan psychique.

    • Sayeda :Sayeda est une jeune fille âgée de 15 ans. Ses pareont divorcé lorsqu’elle avait 7 ans. Son père a qule domicile conjugal, et sa mère s’est remariée. Ealors placé Sayeda chez un couple comme employée

    Les phénomènes

    de reviviscencesintrusives ont lecaractère subjectifdes perturbationsperceptives et desaffects vécus lorsde l’intoxicationaux hallucinogènes.C’est une répétitionspontanée ettransitoire, parfoispermanente, decertains aspects del’expérience induitepar l’hallucinogèneen son absence.

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    maison à plein-temps. La petite fille a alors été victimede maltraitance, et est retournée vivre chez sa mère.Celle-ci l’a alors placée chez une dame (qui la maltrai-

    tait également), et récupérait la totalité de son salaire.Sayeda s’est enfuie, et est partie vivre dans la rue. « Jepassais mes nuits assise sur le trottoir, effrayée par cequi pouvait m’arriver. Je me réveillais plusieurs foisdurant la nuit, tellement j’avais peur. Je mangeais dupain et des fèves, je n’ai pas avalé un morceau de viandependant les 3 années où j’ai vécu dans la rue. J’ai mendiéau début, jusqu’à ce que je gagne 3 livres égyptiennesavec lesquelles j’ai acheté des Kleenex. J’ai alors revendudes mouchoirs en tirant un maigre bénéfice à chaquefois. Puis j’ai rencontré un jeune homme qui habitaitle quartier où je dormais. Il m’a proposé de me marieret de vivre avec lui, et j’ai accepté. Trois jours plus tard,

    un homme est venu lui rendre visite. Il était absent.L’homme s’est énervé, et il m’a violée. Lorsque monmari est rentré, il m’a alors chassée de la maison, encriant que je n’étais qu’une traînée. Je suis donc repar-tie vivre dans la rue. J’ai pu trouver une place dans unfoyer au Caire (car à Alexandrie il n’existe aucun foyerpour les filles), et me voilà actuellement en formationpour apprendre à faire des tapis ». Sayeda présente unépisode dépressif caractérisé d’intensité moyenne. Ellea fait 3 tentatives de suicide à la suite de son viol.

    • Mohamed :Mohamed est un garçon de 8 ans. Ses parents sontdivorcés, son père s’est remarié et sa belle-mère l’a mal-traité à plusieurs reprises. Il a alors quitté le domicilefamilial, il a rencontré d’autres garçons qui l’ont orientévers un foyer d’accueil. Il poursuit une scolarité normale,et tient un discours cohérent et adapté. Son humeur estsyntone. Mohamed souffre d’énurésie.

    Les problématiques mises en évidence Le phénomène des enfants des rues est important enÉgypte, surtout dans les grandes villes comme Le Caireet Alexandrie. C’est un phénomène global, qui n’est pasparticulier aux pays en voie de développement (OMS,2000) et qui concernerait près 250 000 enfants.En analysant les 10 témoignages précités, on peutconstater que dans la plupart des cas il s’agit d’uneproblématique multifactorielle, comme l’a décrit Lewis

    Aptekar (Rapport Croix Rouge, 1999) : « La pauvreté nepeut expliquer à elle seule ce phénomène, c’est plutôtun ensemble de facteurs qui semble être à l’origine dela décision de l’enfant de vivre dans la rue ».

    Quelle prévention ? Dans le contexte alexandrin, malgré la qualité des pré-ventions secondaire et tertiaire existantes, il est néces-

    saire d’intégrer le soin et la prise en charge psychiatriau sein de cette dynamique. Par ailleurs, il apparimportant de souligner que la prévention primaire

    actuellement loin d’être satisfaisante.Les axes des stratégies préventives (secondaire, tertiaexistantes se présentent comme suit :

    1. La prévention secondaire :Il s’agit de promouvoir la santé mentale des enfades rues en répondant à leurs besoins primaires, leprodiguer des soins médicaux et psychologiques, aique l’aide sociale nécessaire.

    Les besoins primaires :Pour les enfants déjà dans la rue :

    • De la nourriture, des vêtements à disposition dans

    centres d’accueil de jour, pour encourager les enfaà y venir.• Un abri pour ceux qui le veulent, car souvent cenfants ont des difficultés à s’adapter à la vie instionnelle.

    Les soins médicaux :Pour les enfants qui sont dans la rue :Des unités mobiles vont jusqu’à eux. La présence dmédecin et d’une infirmière est bien souvent nécsaire.Pour les enfants qui visitent le centre d’accueil jour :• Présence d’un médecin généraliste et d’une infirmipour les soins de santé primaires ;

    • Avis d’un dermatologue en cas de besoin ;• Éducation sanitaire pour les enfants ;• Éducation sexuelle ;• Participation à un groupe d’échange dont l’objectifque les enfants des rues puissent, entre eux, échangleurs propres expériences.Pour les enfants institutionnalisés :

    • Examen médical périodique, éducation sanitaire.

    La promotion de la santé mentale des enfants drues :La présence d’un psychologue dans les centres d’accde jour et dans les foyers permet de détecter l’éventuprésence de troubles psychiques chez les enfants, etmettre en œuvre une éventuelle thérapie individueainsi que des groupes de parole.

    Le support social :Grâce à la présence d’une assistante sociale qui invient au sein des centres d’accueil de jour et des intutions, les enfants peuvent trouver un certain étayaleur permettant de mieux gérer leurs difficultés qu

    sirocco

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    Références

    Bayti :Enfants des rues – Alertemondiale. http://www.bayti.net,2006.

    Comité International de laCroix-Rouge :Rapport de la Croix- Rouge sur les enfants des rues,1999. http://www.geocities.com/ joelmermet/enfants_des_rues.

    Greka LP, Rie N, Islam AB, MakiU, Omori K :Growth and healthstatus of street children inDhaka, Bangladesh. Am J HumBiol 2007 ; 19(1) : 51-60.

    Olivero A, Palazzolo J :La paroleet l’écoute - La relation soignant- soigné face à l’épreuve du SIDA. Ellébore, Collection ChampsOuverts, Paris, 2007.

    OMS (Organisation mondiale dela Santé) :Politiques et plans rela- tifs à la santé mentale de l’enfantet de l’adolescent. Paris, 2005

    OMS (Organisation Mondialede la Santé):Programme de luttecontre les toxicomanies, Rapportsur phase I du projet des enfantsde la rue. Paris, 2001

    Palazzolo J :Guérir vite. Hachette, Paris, 2005

    Palazzolo J :Le cannabis enquestion. Hachette, Paris, 2006

    Palazzolo Jérôme, Roure L :Lecannabis : du plaisir au risque.

    Medline, Paris, 2005Sadock B, Sadock V :Handbook

    of psychiatry. Lippincott Williams& Wilkins, New-York, 2002

    Semple D, Smyth R :Anxiety andstress – Related disorders inOxford Handbook of psychiatry. Oxford University Press, UK, 2005

    UNESCO :Prévenir le VIH/Sidaauprès des enfants de la rue. Lacompréhension physique, psy- chologique et sociale de l’enfantet de l’adolescent en situation àrisque. Paris, 2006

    UNICEF Égypte :Une nouvelleapproche pour les enfants desrues égyptiennes. http://www.unicef.org, 2005

    UNICEF Géorgie :Un nouveaurefuge pour les enfants des ruesen Géorgie. http://www.unicef.org, 2006

    UNICEF :La situation desenfants dans le monde. http://www.unicef.org, 2006a

    UNICEF : Action humanitairede l’UNICEF Malawi. http://www.unicef.org, 2006b

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    diennes, voire d’être réinsérés dans leur famille.Par ailleurs, un soutien éducatif est proposé, soutienpermettant d’aider les familles à modifier la situation à

    l’origine du départ de l’enfant. Il s’agit alors :- d’aider les parents à apporter des soins plus appropriésà leur enfant ;

    - de convaincre la famille d’accepter le retour de l’en-fant fugueur, voire de trouver un proche qui l’accueille(oncle, tante, grands-parents…) ;

    - de permettre aux adolescents de plus de 16 ans debénéficier de papiers d’identité.L’assistante sociale est dans bien des cas considérée parl’enfant comme une figure parentale dont l’objectif estde donner à ce dernier des repères, lui apporter unsoutien externe et un certain confort moral.Lorsque l’enfant bénéficie d’un tuteur, un « guide de

    parrainage » est mis en place pour l’accompagner etessayer d’orienter l’expérience afin qu’elle soit la plusbénéfique possible pour l’enfant.Un suivi du tutorat est assuré par diverses ONG, tel-les CARITAS à Alexandrie, ouMédecins du Monde au Caire.L’objectif final est généralement de proposer un emploiaux adolescents de plus de 16 ans.

    Les soins spécifiques pour les filles déjà dans la rue :Les soins médicaux :

    • Consultations gynécologiques pour prévenir ou dépis-ter une éventuelle maladie sexuellement transmissi-ble ;

    • Rencontre éventuelle avec un obstétricien pour tout cequi concerne le soin prénatal, natal et postnatal ;

    • Éducation sexuelle, abord de méthodes pédagogiquesde base afin d’aider les jeunes mamans à prendre soin deleurs enfants pour ne pas créer une nouvelle générationd’enfants des rues.

    Le soutien psychologique :L’objectif est ici d’aider les adolescentes à surmonter unéventuel traumatisme causé par un viol, une materniténon désirée, et de prévenir toute tentative de suicide.Les thérapies comportementales et cognitives sontgénéralement utilisées, en individuel, en groupe, et untraitement pharmacologique est proposé lorsque celaest nécessaire.

    2. La prévention tertiaire :La réhabilitation :Il apparaît nécessaire de donner à ces enfants le droità l’éducation. La scolarisation doit être une priorité, etpour les enfants plus âgés l’enseignement d’un métierleur permettra de se réinsérer socialement.La mise en œuvre d’une « thérapie vocationnelle » :

    Des activités telles que le sport, le dessin, la musique,l’artisanat… leur permet de découvrir leurs dons et deles encourager ; l’un de ces enfants nous avoua : « On

    a des dons, et quelques-uns d’entre nous seraient assezintelligents pour devenir de brillants médecins ou ingé-nieurs, si les circonstances étaient tout autres… ».

    Recommandations Afin de complémenter les stratégies existantes, nousrecommandons l’intégration des axes suivants :

    1. En prévention primaire :Dans un premier temps, il s’agit de mettre en œuvredes programmes d’éducation pour les familles, dans lebut de les aider à mieux gérer leurs relations avec leursenfants, leur donner quelques informations sur la santé

    mentale infantile et prévenir toute rupture définitivede la communication intrafamiliale. Ces programmesdoivent être diffusés par les médias, relayés par les chefsreligieux dans les églises et les mosquées, être dispo-nibles sous forme de brochures chez les obstétriciens(durant le soin prénatal, à l’accouchement), dans lescentres de santé, chez les pédiatres…Dans ce cadre, il s’agit également d’encourager la miseen œuvre de programmes d’information destinés auxenseignants, programmes axés sur la détection précocedu retard scolaire afin de mettre en évidence au plus vited’éventuels troubles psychologiques chez l’enfant. Ainsi,la présence d’un psychologue en école primaire est deplus en plus courante à Alexandrie, ce qui permet dedétecter un hypothétique TDAH, une dépression, untrouble anxieux…, et favoriser la mise en œuvre d’unsuivi approprié.

    2. En prévention secondaire :La visite périodique d’un psychiatre au sein des unitésmobiles, des centres d’accueil de jour et des centres dedétention est préconisée, ce qui permet de prendre encharge un trouble du comportement, une toxicomanie,un stress post- traumatique… L’objectif est de favoriserla réinsertion de ces enfants dans leurs familles respecti-ves, et ensuite de maintenir des relations intrafamilialesde bonne qualité.

    La prise en charge des filles-mères :C’est à la fois une prévention secondaire pour les fillesdes rues (les nouvelles jeunes mamans) qui bénéficientalors du soutien de leur entourage, et une préventionprimaire pour tout ce qui concerne la promotion de lasanté mentale de leur enfant.Il s’agit donc à la fois d’une solution au problème actuel,et d’une prévention de ce phénomène pour la futuregénération. Il s’agit donc

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    UNICEF :Un monde digne d’en- fants. http://www.unicef.org,2006c

    World Health Organization :Working with street children. Geneva, 2000a

    World Health Organization :Responsibilities of street educa- tors. Geneva, 2000b

    World Health Organization :Understanding substance useamong street children. Geneva,2000c

    World Health Organization :Understanding sexual and repro- ductive health including HIV/AIDand STDs among street children. Geneva, 2000d

    World Health Organization :Determining needs and problemsof street children. Geneva, 2000e

    World Health Organization :Responding to the needs andproblems of street children. Geneva, 2000f

    World Health Organization :Implementing a street childrenproject.Geneva, 2000g

    World Health Organization :Involving the community. Geneva,2000h

    World Health Organization :Aprofile of street children. Geneva,2000i

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    - d’établir un certificat de naissance,- de parer aux besoins primaires (nourriture, vêtements,vaccination…),

    - d’envisager un placement en orphelinat pour les bébésque certaines jeunes mamans refusent d’assumer.

    Conclusion

    Quelle que soit la cause de l’arrivée d’un enfant dans larue, la situation de rupture sociale qui en découle a unimpact indéniable sur son psychisme. Cette dynamiquen’est à l’heure actuelle quasiment pas prise en compteà Alexandrie.Ce qui montre l’importance de la mise en œuvre derecommandations, à l’origine de programmes éduca-tionnels qui serviront à promouvoir la santé mentaledes enfants des rues.

    Nous conclurons sur cette phrase prononcée parMaxime Gorki, à propos du programme pour la jeu-nesse de Makarenkov : « Ce qui frappe, c’est la présenced’enfants doués dans cette bruyante foule de vagabonds.On sait qu’un grand nombre d’entre eux deviendrontdes hommes remarquables ».●

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    clinique

    exergue