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ENCONTRE AVEC CATHERINE FRANCESCHI-CWJX LESY-NDROMEDEBURN-OUT: ÉTUDE CL~IQUE ETIMPLICATIONS ENPSYCHOPATHOLOGIEDUTRAVAIL" RÉSUMÉ Le syndrome du « burn-aut » ou « épuisement >>’ professionnel » a éte’ décrit dans les années ~Zsoi~ante-dix aux Etats-“&J&au ‘sein des profes- Siens d”aide. Son app&ihn &ulte d’une tran- formation des valeurs li&s,‘~au’ travail. Le ta7 blcau clinique, les hypothéses ‘psychopathalo- giques le concernant sont pr&scntts suivis d’une &mparaison avec des entités telles que les troubles de l’adaptation, le stress, la dépression ,:,’ &aKm.iété. ‘L& enquftc a étk réalisée auprès de soignants ‘,‘eh psychogériatrie pour vérifier si le « burn- ( eut >> pouvait exister en France et préciser ses rapports avec la dépression, le stress et I’anxié- té. Les résultats confirment une valeur transcul- turelle limitée et une forte ressemblance à ,un noyau dépressif névrotique. Une certaine détresse psychologique existe bien :dkis les professions soignantes, elle, est abordcc ‘qn terme de psychopatholc+gië du’ travail. Des ‘, moyens sont ainsi propos& pnur soutenir ce ,, ‘graupe professionnel. Ce travail est une thèse de médecine présentée et soutenue à la Faculté de Médecine de Limoges en octobre 1992. PLAN INTRODUCTION PlU3M~ÈRE PARTIE : PSYCHOPATHOLOGIE DU TRAVAIL 1) DÉFINITION 2) HISTORIQUE 2a Meyerson 2b Le GuiUant, Begouin, Sidavon 3) EVOLUTION ULTÉRIEURE DE LA PSYCHOPATHOLOGIE DU TRAVAIL 3a C. Veil, R. Amiel 3b A.-F. Zoila 4) LES THÉORIES DE C. DEJOURS 4a Approche psychanalytique en psychopa- thologie du travail 4b Hypothèses théoriques développées pat Dejours - La charge psychique du travail - Souffrance, anxiété, idéologie défensive des métiers - L’insatisfaction au travail l le contenu s&2z$icatz~ l le contenu cqonomique 5) INSATISFACTION AU TRAVAIL ET MALADIES MENTALES * Cc travail fait suite et clôture l’ensemble des artklcs publîks SUI hrn-OUL Le syndrome du burn-out $ ‘0, -- & Y - 5

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ENCONTRE AVECCATHERINE FRANCESCHI-CWJX

LESY-NDROMEDEBURN-OUT:ÉTUDE CL~IQUE ETIMPLICATIONS

ENPSYCHOPATHOLOGIEDUTRAVAIL"

RÉSUMÉ

Le syndrome du « burn-aut » ou « épuisement>>’professionnel » a éte’ décrit dans les années

~Zsoi~ante-dix aux Etats-“&J&au ‘sein des profes-Siens d”aide. Son app&ihn &ulte d’une tran-

formation des valeurs li&s,‘~au’ travail. Le ta7blcau clinique, les hypothéses ‘psychopathalo-

” giques le concernant sont pr&scntts suivis d’une&mparaison avec des entités telles que lestroubles de l’adaptation, le stress, la dépression

,:,’ &aKm.iété.

‘L& enquftc a étk réalisée auprès de soignants‘,‘eh psychogériatrie pour vérifier si le « burn-

( eut >> pouvait exister en France et préciser sesrapports avec la dépression, le stress et I’anxié-

té. Les résultats confirment une valeur transcul-turelle limitée et une forte ressemblance à ,unnoyau dépressif névrotique.

Une certaine détresse psychologique existe bien:dkis les professions soignantes, elle, est abordcc

‘qn terme de psychopatholc+gië du’ travail. Des‘ , moyens sont ainsi propos& pnur soutenir ce

, , ‘graupe professionnel.

Ce travail est une thèse de médecine présentéeet soutenue à la Faculté de Médecine deLimoges en octobre 1992.

PLAN

INTRODUCTION

PlU3M~ÈRE PARTIE :PSYCHOPATHOLOGIE DU TRAVAIL

1) DÉFINITION

2) HISTORIQUE

2a Meyerson

2b Le GuiUant, Begouin, Sidavon

3) EVOLUTION ULTÉRIEURE DELA PSYCHOPATHOLOGIE DU TRAVAIL

3a C. Veil, R. Amiel

3b A.-F. Zoila

4) LES THÉORIES DE C. DEJOURS

4a Approche psychanalytique en psychopa-thologie du travail4b Hypothèses théoriques développées patDejours

- La charge psychique du travail- Souffrance, anxiété, idéologie défensive desmétiers- L’insatisfaction au travaill le contenu s&2z$icatz~l le contenu cqonomique

5) INSATISFACTION AU TRAVAILET MALADIES MENTALES

* Cc travail fait suite et clôture l’ensemble des artklcs publîks SUI Iç hrn-OUL

Le syndrome du burn-out

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LE SYNDROME DE BURN-OUT :ÉTUDE CLINIQUE ET IMPLICATIONS

EN PSYCHOPATHOLOGIE DU TRAVAIL

DEUXIÈME PARTIE : LE BURN-OUT

1) EMERGENCE DU CONCEPT EN 1974 :FREUDENBERGER

2) DESCRIPTIONS ULTÉRIEURESDU BURN-OUT

2a Hypothèse de Maslach

2b Pines, Aronson, Kafry

2c Cherniss

2d Edelwich et Brodsky. Autres auteurs

2e Le burn-out en 1980 vu par Freudenberger

3) LE BURNOUT EN EUROPE

3a En France

3b En Suisse

4) ECHELLES DE MESURE DU BURN-OUT

4a M.B.I. : présentation et utilisation

4b Le Tedium measure et sa comparaisonau M.B.I.

4c Le modèle en huit phases de Golembiesky

Annexes : M.B.I. et Tedium measure

5) LES CONSÉQUENCES DU BURNOUTET LES MESURES PRECONISÉES

5a

5b

-

-

Les conséquences

Mesures préconisées contre le hum-out

Pour FreudenbergerPour MaslachPour LauderdalePour MacinickPour GranthamEnfin pour Masson

TROISIÈME PARTIE :PSYCHOPATHOLOGIE DU BURN-OUT

1) HYPOTHÈSES CONCERNANT LEBURN-OUT LUI MÊME

la Les professions à risques pour le bum-out

lb Les approches cognitive-comportementales

lc Les approches psychanalytiques

Id Les personnalités prédisposantes au burn-out

2) Où SE SITUE LE BURNOUT?

2a Troubles de l’adaptation et burn-out

- Burn-out et désadaptation sociale- Trouble de l’adaptation et pathologie psychiarrique- Troubles de l’adaptation (Tableaux 1 et 2)

2b Stress et burn-out

- Rappel historique et évolution actuelle dustress- Pacteurs de stress professionnels et burn-out. Cotaflit et amba@S de Miel Le stress relationnel

l Le dérotilement de la carrike professionnelle- Les modes de réponses au stress et au burn-outl Rappels théoriquesl Coping et hum-out

2c Dépression et bum-out

- Dépression d’épuisement ou « maladie desdirigeants »- Dépression essentielle de l’école psychoso-matique- Comparaison burn-out et dépression par éva-luation quantitative

2d Anxiété et bum-out

QUATRIÈME PARTIE : ÉTUDEDU BURN-OUT AUPRESD’UNE POPULATION D’INFIRMIER(E)S

1) MATÉRIEL ET MÉTHODE

la La population choisie

lb Le contenu de l’enquête

- Données descriptives générales- Echelles d’auto-évaluation- Echelles d’hétéro-évaluation

2) RESUL TATS (GRAPHIQU E S )

CINQUIÈME PARTIE : DISCUSSION

1) cobqmm4m~s D E S R E S U L T A T S D E

L’ENQUETE

6 Recherche en soins infirmiers N’ 32 _ Mars 1993

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2) ,QU’A-T-ON ÉVALUÉ AU TRAVEF DEL’ECHELLE DE BURN-OUT APPLIQUEE ANOTRE POPULATION ?

2a Un effet du stress professionnel

2b Evaluation d’une anxiété

2c Evaluation d’une dépression

3) IMPLICATIONS EN PSYCHOPATHOLOGIEDU TRAVAIL

CONCLUSION

BIJ3LIOGFtAPHIE

INTRODUCTION

Le travail est une loi universelle de l’humanitéqui place l’homme dans une certaine ambiva-lence : travailler est une nécessité (<< gagner savie )l), une source de progrès moral et matériel,mais c’est aussi une souffrance psychique et phy-sique (c( se tuer au travail 1)).Avec l’avènement de la société post-industrielle,le travail s’est vu allégé par les progrès technolo-giques, surveillé par des lois protectrices,compensé par les vacances et les loisirs (AMIEL,1989).Or, depuis l’après-guerre, il a été de plus en plusquestion de la fragilité de l’équilibre psychologi-que des travailleurs, de leur « fatigue », à l’imagepar exemple de « la maladie des dirigeants » oude « la névrose des téléphonistes et des mécano-graphes ».

Les enjeux de la toxicité du travail sur la santémentale ont fait l’objet d’une réflexion gran-dissante qui a donné naissance à une nou-velle « discipline » : la psychopathologie du tra-vail dont nous exposerons les origines et ledéveloppement dans la première p&e de notretravail.

Si, grâce à la psychopathologie du travail, le cou-ple « travail-fatigue » est devenu évident dans sanotion de souffrance, il en est un autre qui s’estprogressivement dessiné : celui de « profession-épuisement ». La profession renvoie à un acte deparole qui engage l’individu dans son identité so-ciale. L’épuisement évoque la métaphore dupuits qui est devenu sec (LEBIGOT et LA-FONT, 1985).

Nous nous sommes intéressés à cet épuisementprofessionnel parce que tout d’abord, en tantque trouble psychopathologique, il implique àplus ou moins long terme l’intervention nouvelledu psychiatre ou du psychologue sur les lieux du

travail. Ensuite, parce que cet épuisement sembleprendre des proportions grandissantes à l’imagedu syndrome de « bum-out » décrit aux Etats-Unis et au Canada.Le « burn-out » est le plus souvent traduit par« syndrome d’épuisement professionnel » en dis-cours francophone. Il se développe dans les pro-fessions d’aide et de responsabilité envers autrui(enseignement, soin, soutien social ou judi-ciaire...).

Notre deuxième partie présentera donc ce qu’estce syndrome depuis sa description initiale en1974 par FREUDENBERGER, psychanalysteaméricain, jusqu’à son évolution actuelle.

Nous verrons comment au fil des années et auprix d’une abondante littérature son sens originals’est élargi, déformé, dilué.

Actuellement, son utilité est perdue de vue, sonentité nosologique (à supposer qu’elle existe) estmise en doute devant l’absence de spécificité duconcept. Ainsi, le « burn-out » serait devenu belet bien victime de sa popularité, tel un phéno-mène de mode.

Il n’a pas épargné l’Europe, où on le voit de fa-çon moins appuyée, occuper un espace situé en-tre médecine du travail et psychiatrie (espaceconcernant la santé mentale du sujet en situationde travail).

Cet engouement ne doit pas laisser indifférent :le concept de « burn-out », outre des hypothèsesthéoriques et une réflexion clinique parfois so-lides, a impliqué la création d’échelles de me-sures et d’infrastructures de soutien profession-nel pour pallier aux conséquences coûteuses quilui sont attribuées : absentéisme, troubles men-taux ou somatiques divers, voire au contraire« présentéisme apathique » entravant un bon dé-roulement du travail à effectuer.

Au cours de notre pratique d’interne en psychia-trie nous avons eu l’impression de rencontrer uncertain épuisement au sein des équipes infir-mières voire d’expkrimenter personnellement uncertain découragement dans le cadre de sima-tions de soins.

Peut-on dire alors qu’il s’agissait du « burn-out » ? Quelle serait ainsi sa validité transculru-relie ? Ne ressemble-t-il pas aux résultats déjàplus anciens et connus des recherches sur lestress au travail ? Et quelle est sa relation avecd’autres pathologies psychiatriques (dont on veuttant le démarquer) qu’elles soient adaptatives,dépressives ou anxieuses ?

Nous avons donc retenu pour notre étude desinterrogations forcément réductrices : le « burn-out » peut-il se rencontrer dans un système desoin français ? Nous en doutons, mais si tel estle cas il faut bien préciser ses rapports avec lestress, un éventuel noyau dépressif, une anxiéténévrotique.

Le syndrome du hum-out

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Pour tester ces hypothèses, nous avons choisiune population d’infirmier(e)s travaillant dans lesunités de psychogérïatrie du C.H.S. Esquirol. Eneffet comme nous le verrons, les professions desanté sont tout particulièrement exposées au« burn-out ».

Nous essaierons tout d’abord de vérifier dansquelle proportion le syndrome de « burn-out » serépartit dans cet échantillon ainsi que ses rap-ports cliniques avec la dépression, l’anxiété et lestress.

La discussion s’articulera autour des notionsd’identité et de spécificité clinique et psychopa-thologique du « burn-out » et proposera une ré-flexion en terme de psychopathologie du travail.

PSYCHOPATHOLOGIEDU TRAVAIL

1) DÉFINITION

S e l o n C h r i s t o p h e DEJOURS (1980a, 1 9 8 2 ,1989), la psychopathologie du travail « étudie lerapport psychique de l’homme au travail ».

La démarche initiale trouve son intérêt dansl’étude des conséquences du travail sur la santémentale des travailleurs et sur les conditions dela transformation éventuelle du travail. Un tra-vail peut être de ce fait reconnu comme patho--ne (si ses conséquences sont néfastes) ou aucontraire structurant (si ses effets sont favorablessur la santé mentale).

DOPPLER et GODARD (1990) constatent avecregret que le terme de psychopathologie du tra-vail a le plus souvent une représentation floueou hétérogène pour les différents intervenants(médecins du travail mais aussi psychiatres, so-ciologues, ergonomes...).

11 est difficile d’obtenir une définition « of&cielle » tant le terrain est déjà balisé par diffé-rentes approches toutes aussi légitimes.

Il serait de ce fait plus juste de parler « des psy-chopathologies du travail » et d’en faire non pasune discipline mais « un axe de recherche sur le-quel de multiples modèles viendraient se gref-fer ». Dans cette optique, la psychopathologie dutravail permettrait une approche nouvelle par lacréation d’une clinique spécifique en situation detravail.

Nous allons exposer comment et quand la psy-chopathologie du travail est apparue. Xl s’agitd’une apparition « récente » puisque la majoritédes auteurs la situe vers la fin de la DeuxièmeGuerre mondiale.

Nous verrons ensuite les différents courantsdont elle a bénéficié et nous nous attarderons

sur les théories actuelles de C. DEJOLJRS qui,de l’avis de tous, a apporté indéniablement uneimpulsion nouvelle à cette réflexion.

En préambule, nous préciserons que l’ensembledes auteurs cités travaillent fréquemment ensem-ble, du moins c’est l’impression que nous avonseue en lisant leurs différents ouvrages etcommunications.

2) HISTORIQUE

2a) Meyerson

C’est en 1941 que MEYERSON signale que l’onpeut considérer le travail comme une « véritableconduite psychologique ».

En 1955, dans « le journal de psychologie », ilcontinue dans la même voie et parle du travailen tant que « fonction psychologique », c’est-à-dire une conduite par laquelle « l’homme se faitet se défait » (A.-F. ZOÏLA, 1989a).

A.-F. ZOÏLA attribue le mérite à Meyersond’avoir ainsi apporté une position nouvelle parrapport au cadre classique de la relation homme-travail. Nous rappellerons succinctement quecette relation homme-travail prend un relief pax-ticulier à cette époque du fait de l’évolutionm ê m e des sociétés occidentales. Après leXXX= siècle, avec son développement du capita-lisme industriel et de lutte pour la survie ((x vivrepour l’ouvrier, c’est ne pas mourir » ciré parDEJOLJRS), un nouveau mouvement va se met-tre en place après la Première Guerre mondialeen France : reconnaissance des maladies profes-sionnelles en 1919, Comité consultatif des acci-dents du travail, semaine des 40 heures etcongés payés en 1936. 11 aboutit en 1941 à l’ins-titutionnalisation de la médecine du travail, à lacréation de la Sécurité sociale en 1945 et descomités d’hygiène et de sécurité en 1947(DEJOURS, 1980a).

Mais, après l’intérêt porté ainsi pour le « corps »de l’ouvrier, est apparu de façon secondaire unintérêt pour l’équilibre psychique de l’homme autravail.

En France, la psychopathologie du travail naîtdans les années cinquante sous le nom de quel-ques précurseurs.

2b) Le Guillant, Begouin, Sivadon

Leurs travaux vont inaugurer les recherches psy-chopathologiques dans le monde du travail vers1950.

Les notions d’adaptation et de réadaptation do-minent leur thèse. Cette valeur structurante dutravail trouve en partie son origine dans les ex-périences réalisées en institutions psychiatriques

Recherche en soins infirmiers N’ 32 - Mars 1993

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à partir de l’apport de la psychothérapie institu-tionneIIe et du développement de l’ergothérapiepour les malades mentaux (GODARD, 1987).Sivadon présente ainsi l’activité professionnellecomme moyen privilégié de réinsertion sociale,donnant naissance à des structures telles que lescentres d’aide par le travail ou les ateliers proté-gés.

Cette analyse s’étend également à l’étude de ladésadaptation de l’homme au travail selon unenosographie médico-psychiatique classique.Cette nosographie a le défaut, selon GODARD,d’éluder l’organisation du travail au profit d’uneindividualisation des conflits.

En effet, selon LE GUILLANT, le milieu dutravail est considéré comme agressif et patho-gène (au niveau de ses conditions) et crée un af-frontement bilatéral entre « ce qui était déjà là,»et « ce qui est créé par le travail » (A.-F. ZOI-LA, 1989b).

C’est dans cet esprit qu’il décrira « la névrosedes téléphonistes (LE GUILLANT et al., 1956)et, des mécanographes » (LE GLJILLANT etBEGOUIN, 1957). 11 s’agit d’une « névrose » ausens expérimental du terme (conditionnement ré-pondant au type 1 ou Pavlovien) qui s’appuie surdes théories comportementales (DEJOURS,1982).

Les auteurs décrivent un « syndrome spécifiquerésultant d’une tâche spécifique ». Chez les opé-ratrices de téléphone, le syndrome comprend deslapsus, actes manqués ainsi qu’un « syndromesubjectif de fatigue nerveuse » et le mécanismeen est la contamination avec irruption du travaildans la vie domestique.

DEJOURS qui reconnaît l’intérêt de cette des-cription et la respecte, regrette l’emploi abusif determes psychanalytiques (lapsus, actes manqués)en dehors de leur champ d’application, ce quirisque de créer un malentendu sur l’explicationdu trouble observé.

Ultérieurement les études dans le milieu du tra-vail (tâches répéütives et monotones) n’ont pasété developpées.

3) EVOLUTION ULTÉRIEURE DE LAPSYCHOPATHOLOGIE DU TRAVAIL

3a) C. Veil, R. Amiel

C. VEIL, en 1964, a choisi de considérer nonplus les conditions de travail mais son organisa-tion (les conditions renvoient à I’environnementphysique, biologique ou chimique, aux concl-tiens d’hygiène et de sécurité, alors que l’organi-sation considère la division des tâches, leurcontenu, la responsabilité, le rapport à la hiérarchie...).

Pour lui, la désadaptation du sujet face aux im-pératifs de l’organisation n’est plus l’élément ma-jeur mais ce qui est important est de considérerl’inadéquation de cette organisation au regard dece que l’on connaît du fonctionnement psychi-que (GODARD, 1987).

R AMIEL (1985) a été séduit par l’expressionemployée par le Pr Y. Pélicier de « migrant fonc-tionnel » pour désigner l’homme dans la sociétéoccidentale actuelle qui est contraint à un effortcontinu d’adaptation et « d’acculturation » dufait de l’évolution sociale.

La charge mentale ainsi accrue semble être àl’origine de pathologies « socialement acceptables(assecmoses) » avec un rôle favorisant non négh-geable des médecins (<< iatrogénie ))).Ces pathologies ne relèvent plus du schéma clas-sique qui dichotomise les maladies aiguës néces-sitant des « soins », et les maladies chroniquesimpliquant une réadaptation. Ceci a fait place,selon AMIEL toujours, à une psychopathologie« bâtarde » comme l’illustrent le << nervousbreakdown » des Anglo-saxons ou le « burn-out » des Américains.

Pour n’en être pas moins bâtardes, ces patholo-gies sont authentiques et comprennent autant dedétresse psychologique (fatigue, honte, tristesse)que de conduites inadaptées (absentéisme, acci-dents, pharmacodépendance) ou encore d’inci-dents psychopathologiques avérés (dépressionsd’épuisement, anxiété).Le recours à la psychopathologie du travail dansce contexte offre la possibilité au médecin d’in-tégrer des données cliniques nouvelles et surtoutde réaliser une prévention de ces mal-adapta-tions.

Outre le r81e du médecin (généraliste, du travailou psychiatre), la prévention doit passer par l’ir-dividu qui doit « s’auto-éduquer » sur un plansocio-sanitaire.

3b) A.-F. Zoïla

Cet auteur, inspiré à la fois de l’école deMEYERSON et dans une moindre mesure dumodèle adaptatif que nous venons de présenter,a contribué à élaborer selon GODARD (1987)une « anthropo-phénoménologie du travail ».

L’activité professionnelle se présente comme unlieu privilégié où se jouent les rapports de l’indi-vidu et de son environnement socioculturel.A.-F. ZOÏLA (1989b) écrit « l’homme fait le tra-vail et le travail fait l’homme ». C’est dans cettenotion d’élaboration de la personne par son tra-vail que se trouve la dimension anthropologique(c’est-à-dire à la fois économique, sociale et his-torique) .

La dimension historique se sépare en deux ver-sants : l’historicité et l’historiahté. L’historicitéconcerne une série de faits humains repérables et

Lc syndrome du bum-out

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objectivables pour l’individu et pour les autres.L’historialité est une série d’actes de langage, dereprésentations mentales... autant d’aspects inté-rieurs qui ne se réduisent cependant pas à lasubjectivité. Ainsi : « l’homme chemine en fai-sant son histoire qui s’inscrit dans 1’Histoixe (detous les hommes et de toutes les situations tra-versées par l’homme) ».

Les références théoriques de A.-F. ZOÏLA fontappel à la philosophie et ses exposés s’appuientsur des citations de NIETZCHE et de HEI-DEGGER. Le postulat choisi par A.-F. ZOÏLAest que « la personne est et demeure inachevée,que les humains ont à apprendre à être ».

Un sujet peu ou mal élaboré aura tendance àrompre son équilibre précaire d’autant plus fa&lement que les conditions extérieures Yaurontsollicité de manière trop forte, trop prolongée.Dans le travail, un tel sujet peut souffrir parcequ’il se vit exclu de son propre temps et qu’iln’a pas la possibilité d’accorder sa propre his-toire à son poste, à son mode opératoire ou auxrelations interpersonnelles.

Les interprétations psychopathologiques deA.-F. ZOILA (1989b) sont basées sur un modèlede « sites ». Un site est « une création, une orga-nisation, un monde d’artifices et de médiationfabriqué par l’individu ». Il existe un site globalet des sites spécifiques (autour de chaque acü-vité). C’est l’adéquation, la maîtrise et l’harmoniede ces sites qui permettent d’éviter les rupturesoccasionnant la souffrance.

Il existe dans ce modèle une place pour le désirqui peut s’investir d’autant mieux que le systèmedes sites est moins rigide. En matière de travail,« la souplesse du système dépend à la fois del’employeur et du travailleur et de leur capacitémutuelle à acquérir plus de savoir-être ».

Nous en sommes arrivés à un aspect pratique-ment « existentiel P dans l’érude des rapports del’homme au travail et l’emploi de termes tels que« souffrance », « désir »... permet de présentermaintenant les théories de C. DEJOURS qui ontenrichi les échanges entre tous les intervenantsconcernés par la psychopathologie du travail.

4) LES THÉORIES DE C. DEJOURS

L’approche de C. DEJOURS combine sa dualitéprofessionnelle (il est à la fois psychiatre et mé-decin du travail) et son intérêt pour les théoriespsychanalytique et psychosomatique.

Ainsi, nous lui devons, comme l’écrit A.-F. ZOÏ-LA (1989a) d’avoir contribué à faire entrer lapsychanalyse « par la grande porte » dans lemonde du travail. C. DEJOURS a publié en1980 un ouvrage intitulé « travail : usure men-tale. Essai de psychopathologie du travail » danslequel il pointe les souffrances inapparentes et

l’intériorisation des contraintes de travail essen-tiellement dans le monde ouvrier.

Nous exposons dans un premier tempscomment C. DEJOURS situe la psychopatholo-gie entre l’histoire individuelle et le travail (ap-proche psychanalytique en psychopathologie dutravail) puis nous présenterons ses hypothèsesthéoriques (charge psychique du travail, souf-france, anxiété et idéologie défensive des mé-tiers, insatisfaction dans le travail, insatisfactionet maladies mentales).

4a) Approche psychanalytiqueen psychopathologie du travail

La psychanalyse au sens strict tient compte dessources endogènes de la souffrance chez un indi-vidu. Ces dernières trouvent elles mêmes leursorigines dans l’histoire précoce du sujet, c’est-à-dire dans l’organisation psychique qui se met enplace lors des trois à cinq premières années de lavie (DEJOURS, 1982).

Ainsi, les échecs, les souffrances, les maladiesmentales sont autant de décompensations liées àune faillite préexistante. Dans cette optique, letravail est envisagé comme révélateur de cettefaille, il ne peut à lui seul être responsable dudésordre. Ceci fait dire à DEJOURS (1982) que :« le radicalisme psychanalytique disqualifie de faitla psychopathologie du travail ».

DOPPLER et GODARD (1990) s’interrogentun peu de la même manière : « est-il légitimed’étendre à la situation de travail l’usage deconcepts psychanalytiques forgés à partir d’unerelation duelle ? » 11 semble que oui si l’emploides théories psychanalytiques est fait en connais-sance de cause et de manière prudente.FREUD a d’ailleurs proposé un certain nombred’explications concernant l’articulation de l’appa-reil psychique et du champ social incluant le tra-vail, en particulier dans le rôle sublimatoixe aaxi-bué i certaines activités. Ces activités sont celles

si sont librement choisies, créatrices oucomplexes, ce qui n’est pas le cas de la majoritédes professions.Pour C. DEJOURS (1982) se pose la questionessentielle : « qu’est-ce qui fait les différences en-tre un cadre supérieur insatisfait de son travail etun ouvrier de l’industrie mécanique ? » : auchoix névrotique du cadre malade de son travails’oppose sans doute d’après l’auteur la limitationdu choix du jeune ouvrier obligé de faire un tra-vail qui ne lui plaît pas. Le travail dans cedeuxième cas est alors une contrainte psychiquepathogène contre laquelle l’individu va élaborerdes défenses.

L’étude de ces défenses est primordiale pourC. DEJOURS (198Oa) : « toute conduite, touteposture, tout discours même lorsqu’ils paraissentaberrants poux l’observateur extérieur ont tou-jours une légitimité ». Ces conduites ont une

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fonction précise dans l’économie du sujet vis-à-vis des contraintes réelles du travail.

Mais de par leur rôle propre de défense, ellesvont s’opposer à l’émergence de la souffrance etil faudra par une approche « compréhensive >>aller à la recherche du sens que ces conduites etces discours ont pour le travailleur.

La sommation au niveau collectif de ces psycho-pathologies individuelles représenterait hnale-ment la psychopathologie du travail.

Dans ce cadre, C. DEJOURS (1982) se demandesi il n’y aurait pas une clinique spécifique à la si-tuation de travail, non réductible à des affectionsrépertoriées dans la nosographie classique.

Cette question reste un axe de recherche actuelet futur dont la trame serait pour l’essentiel for-mée par les notions que nous allons exposermaintenant.

4b) Hypothèses théoriques développéespar C. Dejours

La charge pphiqua de travail

Il s’agit d’une notion qui rend compte de la par-ticipation affective de l’homme à sa situation detravail. Cette entité se place à côté de la chargephysique (conception physiologique classique,base de l’ergonomie) et de la charge mentale (àla fois psychosensorielle et cognitive). Elle inclutdes « phénomènes d’ordre psychologique, psy-chosociologique, voire sociologique : variablescomportementales, caractérielles, psychopatholo-giques, motivationnelles, etc. >> ( D E J O U R S ,1980b).

La charge psychique n’est pas quantifiable aumême titre que la charge ergonomique. L’évalua-tion est avant tout qualitative, dans toute la va-riété et la difficulté qu’offre la subjectivité durapport homme-travail. La charge psychique estreliée à l’adéquation entre la structure mentale del’individu et l’organisation du travail. Par « orga-nisation >>, C . DEJOURS entend commeC. VEIL la division et le contenu des tâches,l’encadrement, le degré de responsabilitk. Enréponse aux contraintes organisationnelles, s’éla-bore donc cette charge psychique selon la per-sonnalité de l’ïndtvldu. Lorsqu’un travail permetla diminution de la charge psychique, il est dit« équilibrant >>,-. source de plaisir, dans le cascontra&,~%“~travail est dit fatiguant, source d’in-satisfaction et de « souffrance », cette dernièrenotion étantY.pa&ulièrement importante en psy-chopathologie du travail.

Soufiance, anxiét& idéologie deyensiue des métiers

La souffrance, résultat d’une accumulation de« charge psychique >>, est le lieu d’investigationprivilégié de la psychopathologie du travail pourC. DEJOURS. Elle représente un équilibre insta-

ble situé en deçà de la maladie mentale. Cettesouffrance commence selon l’auteur quandl’homme au travail ne peut plus apporter aucunaménagement à sa tâche dans un sens qui seraitplus conforme à ses besoins physiologiques et àses désirs psychologiques, en somme lorsque lerapport « homme-travail >> est bloqué (1980a).

La souffrance est le plus souvent <( masquée >> etsa mise en évidence est difficile puisque le clin&cien aura à faire à une « séméiologie par défaut »à type d’« effacement des comportements libres >>.De plus, la forme que revêt cette souffrancechange avec le type d’organisation du travail.

Selon C. DEJOURS (1982), un travail répétitif etmonotone crée une insatisfaction, les tâches dan-gereuses exécutées en groupe donnant naissanceà une anxiété spécifique. Les défenses élaboréespour lutter contre ces différentes formes desouffrance fonctionnent selon une logique rigou-reusement organisée et on peut les retrouver auniveau individuel comme au niveau collectif.Lorsque les « stratégies collecüves de défense >>servent de base à la construction d’un systèmede valeur, deviennent un but, C. DEJOURS lesregroupe sous le vocable d’« idéologie défensivede métier >> (DEJOURS et ABDOUCHELI,1990).

Il a particulièrement étudié ce phénomène chezles ouvriers du bâtiment qui présentent descomportements de défi vis-à-vis du risque, unerésistance aux consignes de sécurité paraissantparadoxaux pour un observateur extérieur. Or detelles conduites ont un rôle précis, celui de for-mer une cohésion entre les ouvriers ainsi qu’unmode de reconnaissance immédiat et un moyende sélection et d’exclusion des travailleurs quicontrôlent mal leur peur.

Par ailleurs, cette idéologie défensive, si utilepour la cohésion du groupe, trouve un intérêtauprès de l’employeur puisqu’elle permet d’espé-rer une bonne productivité en faisant obstacle àl’expression du malaise réel (anxiété réactionnelleà la peur) ressenti par les ouvriers.

Pour que s’élabore une idéologie défensive demétier, il faut une souffrance vécue par la collec-tivité ouvrière au sein d’un travail d’équipe.

Un des aspects évoqués de la souffrance est l’insatisfaction dont nous allons développer les dif-férentes caractéristiques en situation de travail.

L’inJatiykction au travai[

Pour comprendre d’où provient l’insatisfactiondans le travail, DEJOURS (1982) sépare la tâcheen deux contenus : le contenu significatif et lecontenu ergonomique.

Le contenu significatif

Il est d’une part concret : c’est le sens de latâche vi-à-vis des valeurs sociales et idéologi-ques du moment (y compris le salaire et son co-rollaire, les loisirs).

Le syndrome du burn-out

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Il est d’autre part plus symbolique, plus abstrait,et devient alors un lieu d’articulation entre lespulsions, les désirs, les fantasmes et la forme dutravail, c’est-à-dire les issues que le travail Peutoffrir à l’excitation et à la sublimation.

Ainsi, une tâche pourtant socialement valoriséepeut quand même être à la source d’une insatis-faction du fait d’un non investissement imagi-naire de la part du travailleur.

Pour équilibrer au mieux le désir et la réalité,certaines conditions sont nécessaires :

- une structure mentale apte au jeu du fantasme,- un libre choix de la tâche pour offrir unchamp d’expression à la production fantasmati-que et au plaisir,

- une organisation du travail souple et uncontenu ergonomique assez complexe et mobile.

DEJOURS précise (1989) que le plaisir dans letravail sera favorisé par une tâche de « concep-tion » en opposition à celle d’« exécution ». Ilpréfère ces termes à ceux plus classiques detâche « intellectuelle » ou « manuelle » un peudépassés et qui représentent mal la mise en jeudu processus de sublimation.

L’inadéquation entre le contenu significatif de latâche et le fonctionnement mental du sujet créeune insatisfactick d’autant plus que le travail seradivisé, ne laissant aucune place au fantasme.L’exemple en est le travail taylorisé qui repïé-sente selon DEJOURS (1982) un modele expérï-mental de névrose du comportement.

Le contenu ergonomique

Le contenu ergonomique du travail est aucontraire du précédent la composition réelle dela tâche avec ses exigences ps chosensorielles,

Ppsychomotrices et intellectuelles cognitives.

L’équilibre, là encore, entre ces exigences et lemode opératoire de l’individu, conditionne la sa-tisfaction ou la frustration mais dans un registreun peu différent du précédent puisqu’il s’agit làdu « plaisir de fonctionner », non toujours sous-tendu par des fantasmes. Ainsi : « offrir par latâche de quoi exercer les aptitudes du travailleur,c’est aussi couvrir les besoins de son économiepsychosomatique, c’est-à-dire lui donner lachance de conserver sa santé ».

Mais quels sont les risques encourus par le tra-vailleur si justement tous ces équilibres ne sontpas respectés ?

5) INSATISFACTION ET MALADIESMENTALES

Pour DEJOURS (198Oa), l’organisation du tra-vail ne fabrique pas de maladies mentales spécifi-ques : « les psychoses de travail n’existent pas,Pas P lus que les névroses du travail ». Les dé-

compensations de ce type dépendent de la struc-ture de la personnalité acquise bien avant le dé-but du travail.

Le moment de la décompensation est par contreun problème plus délicat dans lequel intervien-nent sans doute trois facteurs :- la fatigue qui fait perdre à l’appareil mentalsa souplesse,

- le syndrome de frustration-agressivité réac-tionnel qui laisse sans issue une grande partie del’énergie pulsionnelle,- l’organisation du travail en tant que « cour-roie de transmission » des exigences extérieuresqui s’opposent aux investissements pulsionnels.

La forme de la décompensation est variée (pho-bies, crise d’hystérie, délire...) et ne se manifestepas forcément sur le lieu du travail. Mais il peutexister une exacerbation de conflits relationnelssous forme de délire de persécution, de ven-geance, qui va se cristalliser sur l’encadrement, lahiérarchie.

La conséquence première de la décompensationest l’arrêt de travail, à savoir la soustraction del’organisation de travail pathogène. La dé-compensation psychonévwoùque apparaît ainsicomme un sauvetage économique qui va proté-ger l’individu dans sa santé globale.

L’étude épidémiologique de la santé mentale autravail est difficile pour deux principales raisonsd’ordre méthodologique :- la première est de bien définir le champd’application des troubles que l’on veut explo-rer : que quantifier et avec quels instruments 7Les signes de mauvaise santé mentale au travailne sont pas d’emblée manifestes et ce même aulong cours. Ce qui semble intéressant de dépisterest le vécu des travailleurs avec analyse des sima-tiens en deçà de la décompensation psychiatri-que : une fatigue, un ennui, une agressivite ou aucontraire une hypernormalité ;

- le deuxième Problème est que l’apparitiond’une maladie exclut le sujet du milieu profes-sionnel. Même en toute bonne foi, un biaisexiste lorsque l’on étudie les troubles des sujetsencore en activité, dans le sens d’une sous-esti-mation de la Prévalence des pathologies.

Une fois ces réserves faites, il est possible d’ex-poser un certain nombre de données chiffréesconcernant les troubles mentaux au travail.

Selon la majorité des auteurs, la prévalence de la« morbidité psychiatrique mineure » (qui va del’anxiété à la dépression en passant par les symp-tômes psychosomatiques...) varie selon les étudesentre 10 et 30 Yo.

Rappelons que l’estimation O.M.S. de la fré-quence des états dépressifs est de 3 % dans lapopulation générale.

JENISINS (1985a et b) au moyen de GeneralHealth Questionnary a trouvé une prévalence

12 Recherche en soins idïrmiers N” 32 - Mars 1993

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élevée (33 O%) d’atteintes psychiatriques mineuresdans une population de 415 employés adminis-tratifs en Angleterre. Après un entretien et uneévaluation clinique, seulement 2 à 3 % d’entreeux relevaient d’un traitement psychiatrique. Lediagnostic le plus fréquemment posé était celuide dépression. La présence de signes d’atteintepsychiatrique mineure a été corrélée avec untaux élevé d’absentéisme.

Aux Etats-Unis, une enquête très vaste a été réa-lisée par EATON et al. (1990) auprès d’une cen-taine de professions pour estimer la prévalencede la dépression majeure (selon les critèresD.S.M. III). Les trois professions présentant uneprévalence la plus élevée (soit environ 10 Oh)sont dans l’ordre les avocats, les enseignants,puis les secrétaires. La fréquence de la dépres-sion majeure estimée par ces mêmes auteursdans la population générale est de 3 à 5 % (Iris-titut National de Santé Mentale).

BROMET et al. (1990) ont trouvé dans unepopulation de 1 870 cadres d’entreprises et em-ployés 23 % d’épisodes dépressifs majeurs sur ladurée de vie et 9 % sur une année et ce chez leshommes. Les taux sont respectivement de 36 et9 % chez le personnel féminin.

En France, le syndrome dépressif arrive en têtedes préoccupations en épidémiologie du travailsans doute par sa fréquence et l’importance deses conséquences.

BOITEL et al. (1990) retrouvent une prévalencede 10 % de dépression dans les entreprises dubâtiment ét des travaux publics.

M. ESTRYNBÉHAR (1992), chez 1 500 in&-mières de l’Assistance Publique de Paris, relève31 % de troubles du sommeil, 26 % d’utilisa-trices de psychotropes et 26 % de troubles psy-chiatriques mineurs détectés au moyen du Gene-ral Health Questionnary.

Pour rester dans le milieu hospitalier, PONT-GOUDARD et al. (1987) à Marseille ont étudiédes dossiers de médecine du travail concernantles employés (infirmières, aides-soignantes etagents) du secteur public et privé :- en secteur public, 21 % des dossiers faisaientpart de « problèmes psychiatriques » dont 15 %actuels et 7 % avec traitement ;

- en secteur privé, 14 % de dossiers relevaientd’un tel problème avec 6 % de troubles actuelset 4 % avec traitement.

Globalement, l’étude concluait qu’une infirmièresur six, une aide-soignante sur cinq et un agentsur quatre souffraient de troubles psychiatriquesen secteur public. Pour le secteur privé, les pro-portions sont plus faibles avec une infirmière surdouze, une aide-soignante sur six et un agent surcinq.

PONT-GOUDARD retient de cette étude la fré-quence élevée des troubles et la fragilité évidentedes personnes occupant les postes les plus bas

dans la hiérarchie hospitalière. L’absentéisme deces agents et d’ailleurs statistiquement plus élevéque celui des infirmières et des aides-soignantes.Toujours dans le milieu hospitalier, en Limousin,les statistiques de médecine du travail de l’année1990 (non publiées) constatent la fréquence éle-vée des troubles neuropsychiatriques des em-ployés puisque par exemple au C.H.S. Esquirolces troubles arrivent au 2” rang de fréquence,soit 16 % (après les affections respiratoires). Lapathologie entraîne le plus souvent un arrêt detravail inférieur à 21 jours (dans 63 % des cas),ou un arrêt de travail de plus de 21 jours (dans21 % des cas), 16 % n’entraînant aucun arrêt detravail.

Pour la même année au Centre Hospitalier Uni-versitaire voisin, il est relevé une prévalence de7 % seulement de troubles neuropsychiatriquesmais il existe aussi 9 % « d’états morbides maldéfinis avec fatigue générale ». Cet exemplemontre l’importance des critères diagnostiques àutiliser si l’on veut étudier la répartition d’unepathologie dans une population donnée et ren-voie à toute la problématique des classificationsdes maladies mentales.

En France, les employés du milieu hospitaliersemblent particulièrement vulnérables aux trou-bles psychopathologiques au même titre que lesenseignants d’ailleurs. C’est ce qui a été constatépar DUFLOT et al. (1985) dans une étude de larépartition des congés longue durée pour trou-bles mentaux chez les fonctionnaires de deuxdépartements de 800 et 260 000 habitants(Mayenne et Finistère). L’Education Nationalevient en tête avec 4,8 congés longue durée pourmille, suivie par les hôpitaux et les postes et té-lécommunications (3,5 pour mille). Les résultatsde cette dernière administration pourraient réac-tualiser les thèses de LE GUILLANT sur la fré-quence des décompensations des téléphonistes,mais selon DUFLOT, il ne s’agit pas des mêmestroubles (ni des mêmes causes) que la fameuse« névrose » décrite en 1956. Cependant, DU-FLOT estime que les fonctionnaires ne « sontpas plus épuisés ou plus atteints de maladiementale que les autres catégories profession-neles » mais que Yarrêt maladie paraît en général« arranger tout le monde » au risque d’exposer lesujet et l ’entourage au double bénéfice se-condaire (statut de maladie et bénéfice financier),avec perduration de cet état entretenu par lerythme espacé des contrôles.

Au-delà du constat de la morbidité psychiatriqueen milieu de travail quel qu’il soit, il est souventdifficile de préjuger du rôle exact du travail dansl’apparition de ces troubles.

Ainsi BOITEL et al. (1990) écrivent dans lesconclusions de leur enquête que « si le lien entrearrêt de travail et maladie dépressive a été établi,il ne permet pas de conclure en terme de causa-lité ». Cela demanderait des études longitudinalestrès élaborées et difficilement réalisables.

l;e syadrome du burn-out

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En 1984, LÉGER et al. ont tenté d’évaluer l’in-cidence des troubles psychiatriques lies au tra-vail, avec ce dernier comme origine du trrouble.Quarante dossiers sur 524 consultations (dul/Ol au 31/05/19&3) ont été retenus. Dans prèsde la moitié des cas, il existait des antécédentspsychiatriques ou un trouble de la personnalitéévident. Finalement, 3 % du total des consul-tations semblaient accorder au travail l’origine dutrouble Qe facteur déclenchant étant en fait unemise au chômage). Les auteurs concluent là aussi« qu’il n’y a pas de maladie du chomage demême que le travail ne peut être reconnucomme facteur unique des troubles mentaux ».

Même si, au vu de la litterature, 10 % enmoyenne des travailleurs présentent un troublemental (le plus souvent dépressif), il faut aussiconsidérer les 90 % restants, « non malades ».

Cette majorité trouve sans doute dans I’acttvrtéprofessionnelle un équilibre favorable à la santépsychique et physique. Pour exemple, les aksteset les chercheurs, les pilotes de chasse qui peu-vent au prix d’une satisfaction sublimatoire, ou-blier certaines contraintes salariales ou maté-rielles (DEJOURS, 198Oa).

De même, ASSELIN (cité par BIBEAU, 1985) aconstaté, au cours d’une vaste enquête dans différentes catégories socio-professionnelles, que75 % des gens continueraient à travailler mêmes’ils avaient assez dargent pour vivre. Parcontre, deux personnes sur trois changeraientalors d’emploi...

Ce type de constatation confirme la crainte deDEJOURS (1980a) qui constate que les sociétésoccidentales actuelles évoluent vers un choixd’organisation du travail pathogène (division, ri-gidité, manque de responsabilité) qui risque d’ex-poser de plus en plus le travailleur à une insatis-faction professionnelle.

L’évolution dans les sociétés occidentales s’estfaite d’après BIBEAU (1985) selon quatre mo-dèles culturels dominants qui se sont mis enplace successivement dans les quatre dernièresdécennies :

- les années cinquante avec leur expansionéconomique et une << éthique du travail » mar-quée par les valeurs chrétiennes traditionnelles etune idéologie capitaliste ;

- les années soixante caractérisées par un« éthos de la consommation » avec l’investisse-ment de la vie hors travail et le plein profit de lacroissance économique ;

- au début des années soixante-dix apparaît unmouvement d’insatisfaction au travail exacerbépar la crise économique et sociale ;

- cette insatisfaction a conduit au dernier mo-dèle, celui du « désinvestissement » où le travailest perçu comme une simple quantité d’activité.

Les grandes lignes de ces modèles sont bien sûrcaricaturales et ne sauraient rendre compte des

modifications plus profondes des individus et deleur mentalité. Toujours selon BIBEAU, « l’es-prit de performance à traduire dans le travail au-rait cédé le pas devant l’apothéose de l’individua-lisme et du culte du Moi », tel que l’a écritLASH dans son ouvrage intitué « le complexe deNarcisse ou la nouvelle sensibilité américaine ».Cette culture narcissique ne conduit pas exclusi-vement à un désinvestissement dans le travailmais elle crée aussi une exacerbation de lacompétition indwrduelle qui a souvent été appe-lée « l’idéal d’excellence ».L’ensemble des modifications des valeurs liéesau travail a vraisemblablement participé en Amé-rique du Nord à l’émergence du syndrome de« buxn-out b> (BESSE et al., 1992). Cette entitédécrite et présentée comme un état clinique nou-veau a éveillé l’intérêt de nombreux auteurs de-puis maintenant plus de quinze ans. Maladie spé-cifrque pour les uns, malaise psychosocial, effetdu stress ou mythe pur et simple pour d’autres,ce concept demande à être précisé, car il repré-sente de façon presque sûre une réalité nord-américaine Observ&e.

En langage francophone, le « burn-out » est tra-duit le plus souvent par « syndrome d’épuise-ment professionnel » sans que cette traductionsoit d’ailleurs très satisfaisante pour les auteurs.

Notre travail se propose de présenter le conceptde « bum-out » depuis son origine en 1974 jus-qu’à nos jours avec ses caractéristiques cliniques,ses moyens de mesure et les différentes ap-proches théoriques dont il a bénéficié.

Les hypothèses psychopathologiques le concer-nant seront comparées avec les notions de trou-bles de l’adaptation, de stress, de dépression,d’anxiété ce qui conduira à proposer nos hypo-thèses de réflexion.

LE BURN-OUT

1) EMERGENCE DU CONCEPT EN 1974 :FFKEUDENBERGER

Le terme de « burn-out » est apparu en tantqu’entité clinique dans la littérature nord-amérï-Caine en 1974.

C’est Herbert FREUDENBERGER (1974), psy-chanalyste, qui utilise le premier cette expressionoriginale pour désigner un état particulier de dé-tresse observé chez des sujets « ni névrotiques nipsychotiques au sens médical du terme ». Il seréfère de façon précise à la définition du diction-naire : le verbe « to burn-out » signifiantM échouer », s’user ou devenir épuisé devant unedemande trop importante d’énergie, de forces,de ressources ». En terme d’industrie aérospa-tiale, cela correspond à l’épuisement du carbu-

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rant d’une fusée avec comme résultante la sur-chauffe et le bris de la machine (GRANTHAM,1985).

Pour justifier ce terme, FREUDENBERGERécrira en 1980 : « Je me suis rendu compte aucours de mon exercice quotidien que les genssont parfois victimes d’incendïe tout comme lesimmeubles ; sous l’effet de la tension produitepar la vie dans notre monde complexe, leurs res-sources internes en viennent à se consumercomme sous l’action des flammes, ne laissantqu’un vide immense à l’intérieur même si l’enve-loppe externe semble plus ou moins intacte ».

Ses premières observations concernent des soi-gnants dans une clinique psychiatrique de type« free clinic » où lui-même intervenait. En effet,à côté de son activité libérale, FREUDENBER-GER travaille plus particulièrement dans ce typede structure avec des soignants certes mais aussides intervenants « volontaires » auprès de causesparfois assez marginales.

Dans ce type d’exercice, le « burn-out » peut semanifester de manières variées en fonction despersonnes et les premiers signes apparaissent en-viron un an après le début du travail.

FREUDENBERGER décrit ce qu’il a pu observerselon deux grands axes symptomatiques :

- les signes p~&r+es : la personne se plaint defatigue, de maux de tête, de troubles gastro-in-testinaux, de troubles du sommeil. Cet ensemblede signes dits « psychosomatiques » n’a rien debien spécifique. Plus caractéristiques seraient lestroubles du comportement ;

- les signes cor@ortementaux : la personne quisouffre de « burn-out » présente un ensemble designes inhabituels tels qu’une irritabilité, unehypersensibilité aux frustrations, une prompti-tude à la colère, aux larmes.

Le soignant devient inopérant, bien que passantdes heures à la tâche. Il ne quitte (pas encore)son poste et reste en place dans un contexte peugratifiant. Un repli est possible : « la personnenapparart et agit comme si elle étair déprimée ».

L’attitude est souvent marquée par une rigidité,une maîtrise de soi évoquant la « paranoïa ». Lavision de tout ce qui est fait ou proposé est né-gative, entachée d’un certain cynisme. 11 existefréquemment un abus d’alcool ou de psycho-tropes. L’évolution d’un tel état avec fatigue etfrustration grandissantes peut se faire de diversesmanières, mais une fois les symptômes patents,le point de rupture est proche avec inefficacitédans le travail, conflits y compris dans la viepersonnelle et accentuation des conduites addic-tives précitées.

Paradoxalement, la personne souffrante s’entêteà s’investir dans son travail : « elle s’acharne àcontinuer dans la voie qui l’a rendue déprimée.L’incendie s’intensifie, se propageant encore plusvite dans toutes les directions ».

D’après les réflexions de FREUDENBERGER,il ressort un profil type du sujet exposé : d’édu-cation souvent rigide, compétent, inspirantconfiance, il est dynamique, refuse tout compro-mis et s’engage tout entier à la tâche dans le butde concrétiser un idéal (terme employé dans sasignification commune et non dans sa valeurpsychanalytique).Le problème de ces éventuels traits de personna-lité prédisposants sera repris plus loin dans notretravail, car c’est un point qui a éveillé l’attentionde plusieurs auteurs.

Nous allons aborder comment ce tableau clini-que initial a ensuite été repris et remodelé pard’autres auteurs y compris par FREUDENBER-GER lui même dans son ouvrage écrit en 1980.

Par souci de clarté, nous présenterons les dîffé-rentes approches dans une succession chronolo-gique.

2) LES DESCRIPTIONS ULTÉFUEURESDU BURN-OUT

2a) Hypothèse de Maslach

L’équipe s’organisant autour de Christina MAS-LACH à partir de 1975 va privilégier la cliniquedans un souci de meilleure déftnition avec élabo-ration d’un instrument de mesure, MASLACHen effet déclarait (cité par SCARFONE, 1985) :« . . . en agrandissant le filet, on attrape beaucoupde poissons, mais des espèces les plus diversesparmi lesquelles on ne se retrouve plus ».

L’équipe californienne a étudié le phénomène de« buxn-out v auprès d’une population de soi-gnants, de travailleurs sociaux, d’enseignants,d’avocats. La définition finalement proposée estla suivante : le « but-n-out » est « un syndromed’épuisement physique et émoüonnel qui conduitau développement d’une image de soi inadé-quate, d’attitudes négatives au travail avec pertedes intérêts et de senüments pour les clients ».Le terme de client représente le bénéftciaire dutravail en général, et suivant les cas sera rempla-cé par panent, élève ou autre.

Trois éléments centraux du syndrome sont défi-nis :- [email protected] pbyJique et/ozr Pgchiqtie : il provientd’une demande psychologique excessive chez despersonnes en relation d’aide envers d’autres dansle cadre professionnel. Pour MASLACH, ainsique pour la plupart des auteurs, « l’épuisementserait la composante-clé du syndrome » ;- la w d+ersonnahation )> ou perte d’empathie :pour laquelle nous préférons la traduction decl déhmanziation j> dans les rapports interperson-nels. Le patient à l’hôpital est traité par exemplecomme un objet (réificaüon), l’infirmière accom-plissant ses soins « comme un robot ». Si une

Le syndrome du burn-out

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certaine distance vis-à-vis des patients est néces-saire de la part du soignant pour accomplir unsoin correct (JACKSON et al., 1986) dans le cadredu « burn-out », la notion de détachement estexcessive, conduisant au cynisme.

- Le manqzie d’accomplirsement personnel : cecomposant représente les effets démotivantsqu’une situation difficile peut entraîner par sa ré-pétition, quand, malgré la réitération des efforts,il n’y a pas l’effet positif attendu. La personnecommence alors à douter de ses réelles capacités,et lorsqu’elle est persuadée que ses efforts nemènent à rien, elle abandonne, éprouvant alorsun manque d’accomplissement. Cet état d’espritinclut des signes tels que « moral bas, retrait,baisse de la productivité au travail ».

Le début des signes se fait assez précocement,environ un an après la prise de fonction.

Il est difficile d’en estimer la fréquence en fonc-tion du sexe du fait de la sur-représentation fé-minine habituelle des professions exposées.

Par contre, il existerait d’après MASLACH desdifférences d’expression, les femmes souffrantsurtout d’épuisement émotionnel, les hommes dedéshumanisation et de manque d’accomplisse-ment personnel (MASLACH et JACKSON,1981).Les personnes plus jeunes représentent une ten-dance à la déshumanisation plus marquée alorsque les plus âgées accusent plutôt un manqued’accomplissement personnel. Cette notion a étéconfirmée par SNIBBE et al. (1989) qui ontcomparé les degrés de « burn-out » dans une po-pulation de médecins généralistes, internes etpsychiatres intervenant dans un service d’ur-gences. Les internes, débutant dans la professionavec une moyenne d’âge inférieure aux autresgroupes montrent un fort degré de perte d’em-pathie par rapport à leurs aînés. Par contre, lesentiment d’accomplissement personnel est assezélevé dans les trois groupes, quel que soit l’âgeet malgré un épuisement patent.

Les travaux de MASLACH marquent d’unepierre blanche l’évolution historique du syn-drome.

Nous verrons plus loin l’échelle de mesure quiest née de ces recherches cliniques (MaslachBurn-out Inventory).

2b) Pines, Aronson et Kafry

Ces auteurs américains ont écrit en 1982 un ou-vrage « Burn-out : from tedium to personnalgrowth » sous-titré en français « Comment nepas se vider dans la vie et au travail ».

Pour eux, le mot « burn-out » - traduit parépuisement - doit être réservé aux cas où letravailleur est impliqué intensément avec desgens durant de longues périodes de temps, en-

tramant une pression émotive soutenue et répé-tée.En cela, l’épuisement diffère de la « lassitude »(tedium en anglais) qui est le résultat d’une pres-sion chronique prolongée (que celle-ci soit intel-lectuelle, physique ou émotionnelle).

Ces auteurs considèrent l’épuisement comme unconcept « psycho-social » dont les troiscomposantes sont les suivantes :- la fatigue physique : elle se traduit par unediminution d’énergie, un affaiblissement, de l’en-nui. Il existe une propension aux maladies (mi-graines, rhumes...) et aux troubles du sommeil ;

- la fatigue émotionnelle : elle est accompagnéede sentiments de désespoir et d’impuissance. Enphase aigu& il est noté la possibilité de « trou-bles mentaux avec idées suicidaires » ;- la fatigue mentale : elle résulte du développe-ment d’attitudes négatives vis-à-vis de son tra-vail, de soi-même et de sa vie. La personne estdéçue par elle-même et par son travail. Cette fa-tigue mentale projetée sur les autres favorise ladéshumanisation des rapports avec autrui.

Comme MASLACH, PINES et ses collabora-teurs estiment que les travailleurs les plus expo-sés sont ceux des services de santé et des ser-vices sociaux ainsi que les enseignants.

Mais il existe aussi un risque de <( burn-out »dans les grosses administrations.

PINES, ARONSON et KAFRY ont eux-aussiélaboré une échelle quantitative pour évaluerl’épuisement et la lassitude : le « Tedium Mea-sure )i. Cet instrument sera présenté au coursd’un chapitre ultérieur et sera d’ailleurs comparéau Maslach Burn-out Inventory.

Bien que s’étant détaché de l’équipe de MAS-LACH, PINES et ses collaborateurs restent rela-tivement proches de la conception initiale expo-sée au début de ce chapitre. Les modifications

Iapportees sont de l’ordre de la nuance, sans mo-dification de fond.

D’autres équipes ont abordé le phénomène du« burn-out » sur un mode plus dynamique etévolutif. En effet, l’épuisement apparaît bel etbien comme un processus, il ne suit pas uneévolution linéaire mais cyclique (CROMBEZ etal., 1985). Il est progressif et contagieux et faitappel indéniablement à une notion de duréedans le temps.

Les auteurs suivants ont privilégié l’aspect évolu-tif du Q burn-out ». Ils ont en commun l’idéequ’il est l’aboutissement d’un stress continu.

2c) Chemiss

Après des enquêtes sut des professionnels dusecteur public en 1980, le « burn-out » apparaîtpour CHERNISS (cité par CROMBEZ et al.,

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1985) comme un processus transactionnel àtrois étapes :- initialement : déséquilibre entre les ressourcesindividuelles et organisationnelles face aux exi-gences du travail ;

- dans un second temps : réponses de natureémotionnelle ;- fmalement : changement dans les attitudes etles comportements du travailleur.

Il s’agit pour CHERNISS d’un retrait psycholo-gique par rapport au travail. Il a élaboré autourde ce processus tout un ensemble de donnéesqui sont autant d’éléments précurseurs d’atti-tudes négatives faisant le lit du « burn-out »(événements vitaux stressants, facteurs de santéindividuels...) rassemblés dans une grille permet-tant une prise en compte plus globale du syn-drome d’épuisement.

2d) Edelwich et Brodslq. Autres auteurs

EDELWICH et BRODSKY (cités par CROM-BEZ) ont décrit quatre stades :

- le premier est celui de I’enthatlsiaspne, périodeinitiale de la profession où tous les espoirs sontpermis, marquée par un débordement d’énergie ;

- dans un deuxième temps, le travail paraîtoccuper une place moins importante. L’individuaccuse une baisse d’énergie mais continue à endépenser : c’est la stagnation ;

- les limites du travail étant ainsi dévoilées, lapersonne en vient à douter de la pertinencemême de ce travail. C’est le stade de Jiwstrationqui précède celui de Tap&ie, où le travail estmaintenu mais avec une prise de distance maxi-male. L’individu tente de se protéger de tout cequi pourrait mettre en danger sa sécurité psycho-logique. En effet, c’est la santé qui est menacéepar ce processus qui peut aboutir à une maladiephysique ou mentale, le suicide n’étant pas exclu.

Michel VENINGA et James SPRADLEY (citéspar CROMBEZ et al., 1985) décrivent eux, en1981, cinq étapes qui apportent peu de change-ment par rapport à celles décrites ci-dessus : en-thousiasme, baisse d’énergie et fatigue, diminu-tion du rendement et dépression, état de criseavec pessimisme et manque de confiance en soi,l’ultime étape étant « l’impasse ».

M. LAUDERDALE, lui, individualisera rroisphases : la « confusion », la frustration et le dé-sespoir.

Nous terminerons cet exposé par les modifica-tions que FREUDENBERGER lui-même appor-ta à son concept six ans après, dans son ouvrageécrit en 1980 et publié au Canada sous le titre« L’épuisement professionnel : la brûlure in-terne » (1987).

2e) Le burn-out en 1980 vu par Freudenberger

Globalement, nous dirons que le concept initiala vu son champ d’application s’élargir.

La défmition en est un peu modifiée : le « burn-out » réside dans le fait de « s’épuiser en s’éver-tuant à atteindre un but irréalisable que l’on s’estfixé ou que la société impose ». Quelqu’un quien souffre << souffre de fatigue ou de frustrationaiguë causée par sa dévotion envers une cause,un mode de vie ou une relation qui n’a pas pro-duit la récompense attendue ».

Nous ne sommes plus dans le cadre limité du« soignant » mais nous retrouvons au fil despages autant d’histoires de vies variées : méde-cins, infirmières, enseignants bien sûr, mais aussicadres, étudiants, couples en difficulté, pasteur,jeune comédienne, femme au foyer, etc. Bref,l’incendie semble s’être propagé à l’ensemble dela société comme se le demande l’auteur : « lanation américaine n’est-elle pas collectivement etindividuellement plongée au cœur même d’unphénomène croissant d’épuisement ? »

Un des processus reconnu comme responsabledes symptômes est le rythme croissant des exi-gences de la société nord-américaine qui repro-duirait de façon imagée selon l’auteur la situationrencontrée dans « Alice au pays des merveilles »lorsque le lapin dit à Alice : « II faudra courir detoutes tes forces pour rester au même endroit. Sihi veux aller ailleurs, il te faudra courir au moinsdeux fois plus vite. »

Nous retrouvons aussi les traits de personnalitéet les comportements qui amènent l’individu à se« brûler ». Il s’agit, comme pour le « profiltype » esquissé en 1974, « d’hommes et defemmes dynamiques qui n’admettent pas l’exis-tence de limites dans les idéaux qu’ils cherchentà atteindre ». Ces « idéaux » concernent des ob-jectifs tels qu’une cause humaine à défendre, untalent, une position dans la communauté, l’ar-gent, le pouvoir, etc.

Les professions d’aide et de responsabilité en-vers autrui gardent une haute vulnérabilité au« burn-out » : là plus qu’ailleurs, le dévouementest parfois sans limite et va se heurter rapide-ment aux seuls côtés négatifs de l’individu quel’on est censé soulager.

Le travailleur reste le plus souvent seul avec sonsentiment d’incompétence et de frustration avecémergence possible alors des signes d’épuise-m e n t .

Le tableau cIinique rejoint dans l’ensemble celuidécrit dans l’article du « journal of social issues »de 1974. Il débute par un stade de fatigue puisse mettent en place progressivement l’indiffé-rence, I’ennui, le cynisme, le sentiment d’êtreindispensable tout en étant insuffisammentapprécié. D’abord limitée au travail, cette symp-tomatologie peut gagner la vie privée avec de se-rieux problèmes relationnels. En réaction à tous

Le syndrome du bure-out

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ces signes s’élaborent des « attitudes négatives » :négation de l’échec, de la peur, de l’âge, de lamort. Ces attitudes permettent temporairementde ne pas ressentir la souffrance et l’épuisementmais représentent ce que FREUDENBERGERappelle les « fausses cures » au même titre que lerecours aux conduites déviantes (drogues, alcool,jeux de hasard, sexe, etc.).

3) LE BURN-OUT EN EUROPE

En Amérique du Nord, le « burn-out » a doncconnu un certain succès faisant l’objet de nom-breux articles et ouvrages (FREUDENBERGER,PINES, KAFRY e t ARONSON, C H E R N I S S ,EDELWICH e t BRODSKY p o u r l e s prinû-paux) .

Il a été l’un des thèmes de réflexion lors de lapremière rencontre franco-canadienne entre laSociété Médico-Psychologique et l’Associationdes psychiatres du Québec en 1985.

Depuis les années quatre-vingt, l’utilisation de cevocable est apparue en Europe, assez rapidementen Angleterre, plus timidement et avec une cer-taine méfiance en France. Le thème du « burn-out » était abordé avec celui du stress lors desXXI”” journées de Médecine du travail en 1990 àRouen.

Le passage de ce terme en langage francophonese fait de deux manières :

- soit le terme de « burn-out » est utilisé telquel avec une définition de référence à l’appui ;

- soit le mot « burn-out » est traduit : le plussouvent par << épuisement professionnel » ou

<< syndrome d’épuisement professionnel ».

CORIN et BIBEAU (1985) remarquent que laforte charge symbolique attachée à ce mot endiscours anglophone, suggérant la métaphored’« une consomption interne totale » et au tra-vers de laquelle tant d’Américains se seraientreconnus, n’est pas du tout rendue par la traduc-tion d’« épuisement ».

Suivant l’étymologie, « épuiser » consiste à viderl’eau d’un puits à force d’en avoir trop retiré.Pour GAYDA et VACOLA (1985), il ne s’agitpas d’une carence du système d’extraction maisdu contenu.

Ce terme a donc aussi une valeur métaphoriqueen français puisque la parole, l’inspiration oul’argent peuvent s’épuiser exactement de lamême manière qu’un puits sec manque à sa pro-messe (LEBIGOT et LAFONT, 1985).

L’étude de la littérature donne différentes ap-proches du « burn-out » en discours franco-phone européen : ce sont celles de C. CHAZA-RIN, BESSE et D. DUMONT, M. ESTRYNBÉHAR, A . RAIX e n F r a n c e o u c e l l e d e0. MASSON en Suisse.

3a) En France

Pour CHAZARIN C. (1991), cadre infirmier, le« burn-out » apparaît comme une des modalitésd’une « usure professionnelle » résultant dustress chez les infirmières.Le terme « usure » est préféré à celui d’épuise-ment car « dans le fait d’être usé existe la possi-bilité de réparation (changement pour du neufou reconstitution) ».

BESSE et al., 1992, y voient eux « une détresseexpérimentée par des sujets encore jeunes,confrontés aux contraintes de la vie actuelle, par-mi lesquelles interviennent des facteurs de stressau travail ». Cette détresse résulte en fait d’uneinadaptation et conduit à l’usure. Le termed’usure a dans ce contexte le mérite de rappelerque l’évolution des rapports de l’homme à sontravail est sous-tendue par l’évolution du sujetlui-même (personnalité et expérience). « Dé-tresse, inadaptation et usure » ont le mérite selonD. DUMONT d’être plus immédiatement acces-sibles à la compréhension francophone.

RAIX A. (1990), professeur de Médecine duTravail, a abordé le concept américain au coursd’un exposé qui constate la forte ressemblanceentre le « burn-out », la maladie des dirigeantsdécrite dans les années cinquante et la « dépres-sion ».

Un des points communs de ces différentes enti-tés serait une personnalité pathologique de type« état limite » selon BERGERET J. Nous re-viendrons ultérieurement sur l’intérêt de ceshypothèses.

M. ESTRYNBÉHAR (1992) a réalisé en colla-boration avec 1’INSERM une enquête auprèsd’infirmières de l’Assistance Publique de Paris(1 500 personnes en 1987). Elle retrouve de fa-çon générale une « ambiance dépressive » qu’ellerapproche du phénomène de « burn-out » par ledécouragement, la prise de distance, les signespsychosomatiques. L’origine suspectée à partirde ses recherches et de ses analyses ergonomi-ques se trouve dans les conditions de travail quigénèrent des facteurs de stress trop importants.Ainsi : <( le burn-out n’est pas un état constitu-tionnel ; il est acquis et doit trouver ses causeset ses remèdes dans la structure même de l’insti-tution >>.

3b) En Suisse

0. MASSON (1990) est pédo-psychiatre et s’estintéressé à ce sujet car elle lui reconnaît uneforte incidence dans les milieux médico-sociauxintervenant auprès des mineurs en difficulté. Elleutilise indifféremment les termes de « burn-out »ou d’épuisement professionnel. Elle décrit unopérateur envahi de doutes quant à ses capacitésd’interventions et quant à la crédibilité des ins-truments professionnels. Il se sent isolé, irritable,

Recherche en soins infirmiers N” 32 - Mars 1993

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déprimé et se surprend à se montrer agressif àl’égard des patients ou de ses pairs. Malgréd’éventuels redoublements d’efforts, son efficaû-té baisse. Il présente des affections psychosoma-tiques les plus diverses.L’évolution d’un tel syndrome varie selon la per-sonnalité des individus. La forme la plus répan-due serait une présentation apathique avec repli,non implication et dès que possible changementde poste ou de profession.

D’après l’auteur, les causes d’un tel épuisementne sont pas à limiter aux caractéristiques indivi-duelles, mais plutôt dans l’analyse de facteurs su-pra-individuels (institutionnels, hiérarchiques)dans ce qu’ils imposent d’arbitraite ou de contra-dictoire à l’exécutant de base.

Ainsi 0. MASSON récuse le « portrait type » del’acteur social véhiculé au travers du conceptd’épuisement : l’opérateur social n’est pas forcé-ment « l’être fragile et sacrificiel que l’oncherche souvent à dépeindre comme tel ». Sonimpression est que « le butn-out rend l’actionsociale inefficace et que Yinefficacité génère leburn-out ». Il serait ainsi effet et cause desapragmatismes professionnels constatés en prati-que et par les études épidémiologiques.

Nous constatons donc que le concept initial deFREUDENBERGER s’est développé dans diffé-rentes directions cliniques et évolutives. Leterme a même traversé l’Atlantique mais avecune utilisation limitée et prudente. Les auteursqui ont reconnu le « burn-out » comme une en-tité clinique ont tenté de la mesurer pour accé-der à un langage commun au moyen d’une éva-luation quantitative.

Nous allons présenter les différents travaux réali-sés dans cette optique et principalement les deuxplus usités : le Maslach Burn-out Inventory et leTedium Measure.

4) LES ÉCHELLES DE MESUREDU BUFW-OUT

4a) Maslach km-out Inventory (M.B.1.) :présentation et utilisation

C’est en 1980 que MASLACH publie l’échelleobtenue pour mesurer ce qu’elle appelle désor-mais un « syndrome spécifique » (MASLACH etJACKSON, 1981).

Elle a retenu quatre composantes : critèresd’épuisement émotionnel, de déshumanisation,d’accomplissement personnel et d’engagement autravail, avec une série de 47 items qui ont étévalidés par méthode statistique d’analyse facto-rielle.L’échelle a été proposée à une population de cl-verses professions reconnues comme étant cxpo-sées au « burn-out » lors d’études précédentes

(enseignants, assistants sociaux, policiers, infn-mières...).

Les analyses statistiques ont montré que « I’épti-sement émotionnel » et la « déshumanisation »sont validés séparément mais corrélés entre eux.« L’accomplissement personnel » est validé demanière indépendante. « L’engagement au tra-vail » n’a pas été retenu dans la forme finale del’échelle.

Pour finir, l’échelle déhnitive comprend 22 items :sa fiabilité et sa validité sont statistiquement re-connues.

Il existe une traduction francophone qui a étéprésentée par FONTAINE (1985).

Les items relèvent d’une auto-évaluation sousforme d’expression de sentiments ou d’attitudespersonnels dans le travail, par exemple : « Je mesens très énergique » ou « je me sens à bout à lafin d’une journée ».

La personne doit évaluer ces items dans deux di-mensions :

- une dimension de fréquence cotée de 0 à 6(de jamais à chaque jour) ;

- une dimension d’intensité cotée de 1 à 7 (detrès peu à énormément).

Trois sous-groupes sont en fait présents dansl’échelle :

- 9 items pour I’épuisement émotionnel,

- 5 items pour la déshumanisation,

- 8 items pour l’accomplissement personnel.

Ainsi, on obtient plusieurs scores en addition-nant chaque réponse aux différents sous-groupesd’items.

Un tableau d’interprétation des scores obtenusest donné par les auteurs et propose des niveauxbas, moyen ou élevé de « burn-out ».

Il a été vérifié que le « burn-out » ne correspondpas seulement à une insatisfaction au travail.

De même, le syndrome ne serait pas influencépar la recherche de « désirabilité sociale ».

Par contre, il est corrélé significativement à :

- l’intention de quitter son travail,

- la diminution du contact avec autrui,

- l’absentéisme,

- les mauvaises relations avec l’entourage,

- un recours excessif aux médications psycho-tropes et à l’alcool.

Un biais possible de l’échelle reconnu par MAS-LACH est dû au fait que certaines propositionsexpriment des sentiments qui vont à l’encontrede la conformite habituelle de la profession ima-ginée par le travailleur (par exemple « Je tiaitedes patients de façon impersonnelle, comme s’ilsétaient des objets » ou <X Je ne fais pas vraimentattention à ce qui arrive à plusieurs de mes pa-tients 1)).

Le syndrome du burn-out

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Pour cette raison, JONES a élaboré une variantede l’échelle de MASLACH, le Staff Burn ouScale of Health Professionnal qui ajoute dixitems visant à déceler une falsification. L’évalua-tion porte simplement sur l’intensité, le détaildes items n’est malheureusement pas exposédans l’article (STOUT et WILLIAMS, 1983).A côté du Maslach Burn-out Inventory, d’autreséchelles quantitatives ont été proposées avecplus ou moins de succès et surtout de sérieuxméthodologiquc.Nous en trouvons quelques exemples dans l’art-cle de STOUT et WILLIAMS (1983). Le plussouvent, il s’agit de séries d’items explorant à lafois le phénomène proprement dit mais aussi sescon&qucnces physiques, personnelles, comporte-mentales et adaptatives (MacCONNEL, MIL-LER et POTTER...).

Les études tentent de corréler le « burn-out »avec divers facteurs personnels et environnemen-taux. Comme l’avait déjà fait MASLACH,PINES et KAFRY le corrèlent positivementavec l’intention de démissionner. SAVICKY etCOOLEY le relient à la fatigue chronique, lamoindre résistance aux maladies, l’absentéisme.Mais en pratique, les deux échelles quantitativesles plus employées sont le Maslach Burn-outInventory, vu précédemment, et le Tedium Measure.

4b) Le Tedium Measure et sa comparaisonau M.B.I.

Le « tedium » a été défini par PINES comme« un épuisement physique, émotionnel et mentalavec négation de soi-même, de son environne-ment professionnel et familial ».L’échelle proposée comporte 21 items d’auto-évaluation, concernant la fréquence d’un senti-ment éprouvé.Un seul score est obtenu par additions puissoustractions.

ANNEXES

La comparaison entre le M.B.I. et le TediumMeasurc F.M.) effectuée par STOUT et WII-LIAMS (1983) conclut que le T.M. est un instn-ment simple à utiliser et qu’il est fiable et valable.Le M.B.I. serait mieux approprié pour des don-nées plus fines, plus dynamiques (dimension defréquence).

En bref, ils mesurent bien le même phénomènemais de façon différente et ne sont donc pas in-terchangeables.

Enfin, une dernière approche intéressante estcelle effectuée par GOLEMBIESKY à partir duMaslach Burn-out Inventory.

4c) Le modèle en huit phases de Golembiesh

Après avoir confronté statistiquement les scoresdu M.B.I. à un ensemble de variables issues dela grille de CHERNISS (Cher&s work setting),GOLEMBIESKY propose un modèle en huitphases progressives pour évaluer le « burn-out ».

Ce modèle a été validé et utilisé par des auteurstels que BURKE et DESZA (1986), BURKE etGREENGLASS (1989) et WOLPIN et al. (1990)qui en apprécient l’aspect évolutif et dynamique.

Les huit phases peuvent être condensées en troisgroupes : « buxn-out » de niveau bas (phases 1,2 et 3), de niveau moyen (phases 4 et 5), et en-fin de niveau élevé (6, 7 et 8).

L’intérêt est de pouvoir évaluer la stabilité desphases au cours du temps et de rechercher parquels facteurs est influencée la progression etdans quels sens.

BURKE (1986, 1989) cite les résultats d’une ob-servation longitudinale faite par GOLEMBIE-SKY en utilisant ce modèle : les personnes clas-sées de 1 à 3 et de 6 à 8 n’avaient pas bougéaprès trois ans alors que celles se trouvant auxstades 4 et 5 s’étaient réparties également entreles phases plus hautes et plus basses.

Maslach Bum-out Inventory (traduction FONTAINE)

Indiquez la fréquence à laquelle vous ressentez ce qui est décrit à chaque item ainsi que l’intensité aveclaquelle vous le ressentez.

Frépence :

Jamais quelques fois chaque mois quelques fois chaque quelques fois chaque jourpar an par mois semaine par semaine

0 1 2 3 4 5 6

très peu

1

un peu assez moyennement beaucoup très fortement énormément

2 3 4 5 6 7

Recherche en soins infirmiers N’ 32 - Macs 1993

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ITEM(encerclez le chiffte correspondant) FRÉQUENCE I N T E N S I T É 1

1. Je me sens émotionnellement drainé(e) par mon travail. 0 1 2 3 4 5 6 1 2 3 4 5 6 712. Je me sens à bout à la fin d’une journée. 0 1 2 3 4 5 6 1 2 3 4 5 6 7

3. Je me sens fatigué(e) lorsque je me lève le matin etque j’ai à affronter une journée de travail.

0 1 2 3 4 5 6 1 2 3 4 5 6 7

1 2 3 4 5 6 7

-7

4. Je peux comprendre facilement ce que mes patients 0 1 2 3 4 5 6ressentent.

5. Je sens que je traite plusieurs patients de fa$onimpersonnelle, comme s’ils étaient des objets.

0 1 2 3 4 5 6 1 2 3 4 5 6 7

6. Travailler chaque jour avec des gens, c’est vraimentun fardeau pour moi.

0 1 2 3 4 5 6 1 2 3 4 5 6 7

7. Je résous avec efficacité les problèmes de mes~ patients.

8. Je me sens brûlé(e) par rapport à mon travail.

0 1 2 3 4 5 6 1 2 3 4 5 6 7

0 1 2 3 4 5 6 1 2 3 4 5 6 7

0 1 2 3 4 5 6 1 2 3 4 5 6 7-19. Je crée une influence positive sur les gens que jecôtoie à mon travail.

10. Je suis devenu plus insensible aux gens depuis quej’ai cet emploi.

0 1 2 3 4 5 6 1 2 3 4 5 6 7

11. Je crains que ce travail ne m’endurcisse émotion-nellement.

0 1 2 3 4 5 6 1 2 3 4 5 6 7

12. Je me sens très énergique. 0 1 2 3 4 5 6 1 2 3 4 5 6 7

13. Je me sens frustré(e) par mon travail. 0 1 2 3 4 5 6 1 2 3 4 5 6 7

14. Je sens que je travaille trop fort à mon emploi. 0 1 2 3 4 5 6 1 2 3 4 5 6 7

15. Je ne fais pas vraiment attention à ce qui arrive àplusieurs de mes patients.

0 1 2 3 4 5 6 1 2 3 4 5 6 7

16. Travailler directement avec des gens me stresse 0 1 2 3 4 5 6beaucoup.

1 2 3 4 5 6 7

17. Je peux facilement créer une atmosphère détendueavec mes patients.

0 1 2 3 4 5 6 1 2 3 4 5 6 7

18. Je me sens épanoui(e) lorsque j’ai travaillé étroitementavec mes patients.

0 1 2 3 4 5 6 1 2 3 4 5 6 7

19. J’ai accompli plusieurs choses utiles dans ce travail. 0 1 2 3 4 5 6 1 2 3 4 5 6 7

20. Je me sens au bout du rouleau. 0 1 2 3 4 5 6 1 2 3 4 5 6 7

21. Dans mon travail, je traite les problèmes émotionnels 0 1 2 3 4 5 6 1 2 3 4 5 6 7très calmement.

22. Je sens que mes patients me blâment pour leursproblèmes.

0 1 2 3 4 5 6 1 2 3 4 5 6 7

Le syndrome du burn-out

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Maslach Bure-out Inventory : composantes des sous-échelles

Epuisement émotionnd

1 Je me sens émotionnellement drainé(e) par mon travail.

2 Je me sens à bout à la fm d’une journée.3 Je me sens fatigué(e) lorsque je me lève le matin et que j’ai à affronter une autre journée de travail.

6 Travailler chaque jour avec des gens, c’est vraiment un fardeau pour moi.

8 Je me sens brûlé(e) par rapport i mon travail.

13 Je me sens frustré(e) par mon travail.

14 Je sens que je travaille trop fort à mon emploi.

16 Travailler directement avec des gens me stresse beaucoup.20 Je me sens au bout du rouleau.

Déhmanisation

5 Je sens que je traite plusieurs patients de manière impersonnelle, comme s’ils étaient des objets.

10 Je suis devenu(e) plus insensible aux gens depuis que j’ai cet emploi.

11 Je crains que ce travail ne m’endurcisse émotionnellement.

22 Je sens que les patients me blâment pour leurs problèmes.

15 Je ne fais pas vraiment attention à ce qu’il arrive à plusieurs de mes patients.

Accomplzfsemen~ personnel

4 Je peux comprendre facilement ce que mes patients ressentent.

7 Je résous avec efficacité les problèmes de mes patients.9 Je crée une influence positive sur les gens que je côtoie à mon travail.

12 Je me sens très énergique.

17 Je peux facilement créer une atmosphère détendue avec mes patients.

18 Je me sens épanoui(e) lorsque j’ai travaillé étroitement avec mes patients.

19 J’ai accompli plusieurs choses utiles dans ce travail.

21 Dans mon travail, je traite les problèmes émotionnels très calmement.

Tedium Measure (traduction par BOLJYOUCAS dans l’ouvrage de PIRES, ARONSON et KAFRY)

En vous servant de l’échelle d’évaluation ci-dessous, indiquez la fréquence à laquelle vous vous sentez :

J amais une ou rarement parfois souvent généralement toujoursdeux fois

1 2 3 4 5 6 7

1 fatigué. 12 inutile.

2 déprimé. 13 ennuyé.3 satisfait de votre journée. 14 troublé.4 physiquement exténué.

5 exténué au niveau émotif.15 dé$u ou dépité par les autres.

6 heureux.16 faible et impuissant.

7 « à plat ».17 désespéré.

8 épuisé moralement. 18 rejeté.

9 malheureux. 19 optimiste.

10 abattu. 20 énergique.

11 pris au piège. 21 anxieux.

22 e9 Recherche cn soins idrmiers N’ 32 - Mars 1993

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Ajouter: 1 + 2 + 4 + 5 + 7 + 8 + 9 + 1 0 +

puis: 3 + 6 + 19 + 20 = B

faire : 32 - B = C

11 + 12 t 13 t- 14 + 15 + 16 + 17 i-18 + 21 = A

ajouter: A + C = D

diviser D par 21 = Tcdium Score (T-S.)

I TS = 1 I « Euphorie » fort improbable.

I TS = 2 ou 3 1 Pas de problème particulier.

TS = 3 ou 4 Réexaminer sa vie, son travail, évaluer les priorités et envisagercertains changements.

TS > 4 Il existe un burn-out (ou tedium) pour lequel une interventionest nécessaire

Nous revenons ainsi au problème de la dynamique du « burn-out » avec en particulier ses effets àcourt, moyen et long terme, mal appréhendés par les échelles d’évaluation.

II est bien évident qu’une échelle de mesure quantitative permet d’observer un phénomène donné à untemps donné et que cette approche est sans doute peu satisfaisante.

Il est important de garder à l’esprit les limites d’un tel outil.

5) LES CONSÉQUENCES DU BURN-OUT ET LES MESURES FBÉCONISÉES

5a) Les conséquences

Nous pouvons concevoir aisément que les diffé’wents symptômes composant le « burn-out » nevont pas être sans retentissement sur l’individuet de fait sur le travail effectué. Quelques signescliniques se définissent d’ailleurs déjà en termede « baisse de productivité », « absentéisme »,etc., autant d’éléments qui sont représentatifs desconséquences dommageables de cet épuisement.

Pour V. MOSS (1989), reprenant un consensusde nombreux auteurs : « Le burn-out est un phé-nomène coûteux tant pour la personne qui va ensouffrir que pour l’employeur et aussi les bénéfi-ciaires de la tâche accomplie ».

0. MASSON (1990) affirme que les patientssont ttes sensibles à la sécurité professionnellequ’ils rencontrent chez l’opérateur. « Démotivé,déprimé, un soignant ne peut arriver à convain-cre ses « clients » de faire ce qui n’est pas à saportée dans sa propre situation. »

Si ces réflexions semblent tout à fait justes, ilfaut pouvoir évaluer de façon quantitative le re-tentissement de ce syndrome et sa responsabilitééventuelle dans les domaines de la productivité,de l’absentéisme, des démissions ou des taux demanifestations pathologiques avérées par exemple.

OK, ces données « objectives » sont difficiles àtrouver dans la littérature.

Nous avons relevé quelques corrélations statisti-quement significatives lors de certaines enquêtes

telles que celle de PINES (1982), auprès de181 opérateurs téléphoniques chez qui la lassi-tude était reliée à la propension au retard, à laprolongation des périodes de repos, au nombrede jours d’absence @ < 0,001).

BURKE et GREENGLASS (1989) ont corréléeux aussi positivement le « burn-out » et l’absen-téisme des enseignants comme l’ont faitPIERCE et MOLLOY (1990) auprès de 700 en-seignants australiens (relation « burn-out » etnombre de journées d’absence statistiquement si-gnificative) .

Un autre exemple avec K.L. ARMSTRONG, ci-tée par PINES, qui a étudié l’épuisement dansles services de protection de l’enfance et aconstaté que les employés arrivaient en retard,prolongeaient les périodes de repos, différaientles contacts avec les patients et les familles, lessoins réalisés étant globalement plus rares et demoins bonne qualité.

Pour 0. MASSON (1990), ces signes font enfait partie de l’adaptation que va déployer le su-jet face à l’épuisement ressenti. Il existe selonelle quatre grands types de réponses :

- la première est un changement d’activité : le su-jet quitte le champ professionnel ou s’engagedans un poste administratif « plus tranquille ».Ces changements de poste, entraînant des rota-tions de personnel souvent rapides, sont nocifscar survenant dans des institutions difficiles oùjustement les patients auraient besoin d’un per-sonnel stable et compétent ;

- la deuxième est de rester à son poste maisavec la mise en place de mesures d’azrtoproteti%n audétriment de la qualité et de l’efficacité (détache-

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ment, perte d’implication espacement descontacts, scotomisaûon des besoins du pa-tient...), ce qui a déjà été décrit sous le termed’« enkystement dans la routine » par C. CHA-ZARIN (1991) ;- la troisième alternative est toujours de resterà son poste mais en déployant au contraire uneconfrontation à la tâche (redoublement d’activité,implication excessive) au risque de mettre sasanté en péril ;

- la dernière réponse possible (et la plus sou-haitable) est la prire de recul par rapport à ses acti-vités mais avec une discussion entre collèguessur le malaise ressenti.

Un autre problème qui est souvent pointé est ledésir de quitter son emploi lorsque l’on souffrede « burn-out ». Ce qui est difficile à évaluer estla proportion des travailleurs quittant effective-ment leur emploi et pour quelles raisons.

A ce sujet, FIRTH et al. (1986) ont trouvé chez150 infirmières une corrélation significative entrele découragement (présent chez 56 % d’entreelles), l’épuisement émotionnel (présent chez32 Oh) et l’intention de démissionner de leurposte.

JACKSON et al. (1986) ont cherché à établir lavaleur prédictive de l’épuisement émotionnel surle désir de quitter l’emploi. Leur enquête est in-téressante car elle a été effectuée auprès d’unecohorte d’enseignants à 1 an d’intervalle. Sur327 participants ioitiaux, 29 avaient quitté leuremploi dans l’armée mais malheureusementétaient partis sans laisser d’adresse. Pour ceuxqui étaient restés en poste, 30 % espéraient unemploi différent de l’enseignement, 6 % aime-raient un poste administratif et 16 % resteraientdans l’éducation mais en un autre heu.

Les conclusions se heurtent « au biais » de l’en-quête notamment sur les « perdus de vue » et lesnon réponses un an après : l’avis de ces per-sonnes aurait pu apporter des éléments de ré-flexion déterminants.

Mais il a tout de méme été confirmé que beau-coup d’enseignants avec des niveaux de « burn-out » élevé restaient en poste et ce malgré l’ex-pression d’un désir de partir.

Pourtant, I’issue du syndrome ne doit pas tou-jours être entrevue en terme d’insatisfaction autravail, d’absentéisme ou de toute autre consé-quence aussi gênante.

Ainsi pour FONTAINE (1985), l’état de criseprovoqué peut parfois être l)occasion d’uneétape mamrative de la personnalité avec un étatpsychologique ultériew plus épanouissant pourl’individu. Ce changement positif dépend bienévidemment de la personnalité du sujet.

Le problème du « burn-out » semble doncconcerner des facteurs qui vont de l’organisationdu travail à la structure de personnalité du rra-

vailleur en passant par tous les modes d’adapta-tion réciproques.

Les interventions pour prévenir ou traiter cephénomène devront considérer tous ces facteurs.

5b) Mesures préconisées contre le burn-out

Pour FREUDENBERGER (1974)

Rappelons qu’initialement ce psychanalyste a réa-lisé ses observations dans un cadre de travail àcoloration culturelle évidente. Il s’agit des clim-ques psychiatriques de type « alternatif (free cli-nies) )) largement basées sur le bénévolat de leursemployés.

Les mesures énoncées peuvent d’après I’auteurprévenir le syndrome mais de manière impar-faite :

- Sélection préalable des travailleurs : il fautessayer de leur faire comprendre la différencequ’il existe entre des « motivations réalistes » etcelles qui ne le sont pas. Il est préférable que letravailleur ressente par lui-même s’il est capabled’assumer sa tâche ;

- une fois le travailleur en place, il est conseilléd’éviter les répétitions de tâche et donc d’effec-mer des rotations de postes ;

- le travail quotidien ne doit pas excéder9 heures. Si cela était le cas, il faut d’abord sedemander pourquoi la personne prolonge sajournée. Le rythme de travail pourrait être rai-sonnablement de trois semaines sur quatre ou detrois mois sur quatre ;

dil faut prévoir un temps d’expression auprès

es autres collègues et pour soi-même, il fautéviter tout ce qui a à voir avec l’introspection etpréférer l’exercice physique dans le but d’épar-gner les ressources émotionnelles. Si un travail-leur malgré tout cela est en état de « burn-out »,il faudra qu’il quitte son travail et y reviennequand il se sera un peu « retrouvé » (rassemblé)au cours de son repos.

En 1980, lorsque FREUDENBERGER abordela prévention et le traitement éventuel du« burn-out », il prend le contre-pied de ce qu’ilécrivait en 1974, notamment en ce qui concernel’introspection.

En effet, dans son ouvrage, il conseille aux gensen souffrant (ou risquant d’en souffrir) de s’in-terroger, de s’enregistrer, de prendre des notessur leurs attitudes et leurs sentiments, le butétant de communiquer aussi bien avec soi-mêmequ’avec les autres.

Une autre attitude efficace semble être de traiterles situations stressantes avec humour.

Comme en 1974, les conseils de repos et demise à distance par rapport au travail sont tou-jours opérants mais non suffisants puisqu’il fautparvenir à abaisser ses critères d’excellence dans

Recherche en soins infirmiers N’ 32 - Mars 1993

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son travail en trouvant « un compromis réalisteentre idéalisme aveugle et cynisme ».

Pour MASU CH

Il existe plusieurs registres de solutions : les r( in-ternes )> centrées sur l’individu et qui consistent àse mettre à distance du travail, à se divertir, àavoir des activités physiques... Les r( externes » quireposent sur l’environnement, par exemple ré-duire le nombre de patients par soignants, dimi-nuer les heures de travail, mais aussi partager lesresponsabilités.

Un troisième volet se situe entre ces deux do-maines et fait appel à la revalorisation descommunications interpersonnelles.

Dans une enquête de PINES et MA%%CH(1978) auprès de personnel soignant en milieupsychiatrique, ce type de solutions préventivess’était vu mettre en application presque « incons-ciemment » par les soignants.

Ainsi par exemple, ceux qui s’accordent une cou-pure au cours de leur journée ont une visionplus « positive » d’un patient schizophrène queles personnes qui n’ont pas pris un temps depause, toute la nuance résidant finalement entreun éloignement réparateur ponctuel et la mise àdistance qui conduit à la déshumanisation.

Un autre point relevé dans cette enquêteconcerne le contenu même des réunions de ser-vices où les « cas » des patients sont abordés. Ilsemble que pour améliorer la qualité des soins etéviter la deshumanisation, il faudrait parler aucours de ces réunions non pas de problèmes mé-dicaux, mais de la façon dont les soignants per-çoivent la personne malade.

Enfin, PINES et MASLACH concluent en insi-stant sur la nécessité première et évidente defaire une prévention auprès des étudiants et deles préparer au cours de leurs enseignements àgérer le stress qu’ils pourront rencontrer ulté-rieurement.

Pour LA UDERD!(citépar COMBREZ et al., 1985)

Il existe cinq types de solutions face au « burn-out ». La première, temporaire, consiste en une« relâche » (changement de routine, privilégierles loisirs).

Une étape ultérieure est le « compromis » entre lesattentes personnelles et les conditions de travail.

Le « nouveau départ » présente une modificationplus sérieuse (changement d’hôpital par exem-ple). Le risque évidemment peut être un simpledéplacement avec répéüüon des mêmes troubles.

La quatrième solution fait appel à un change-ment interne qu’il nomme « voyage intérieur ». Ilcorrespond le plus souvent à une démarche psy-chothérapique.

La dernière solution, plus risquée, est la << muta-tion », changement profond tant dans les concl-uons extérieures qu’intérieures.

Pour MACINICK (1990)

La plupart des solutions dites « externes » resteselon cet auteur du domaine irréaliste : commentpeut-on réellement s’arrêter à sa convenance, ré-duire ses horaires, etc.

Elle préfère compter sur les changements de lapersonne qui seraient plus réalistes. Il faut alorsaccepter les données du système et les compren-dre pour pouvoir vivre et travailler avec.

Ainsi, face aux stades déjà évoqués d’enthou-siasme, de stagnation, de frustration et d’apathie,l’attitude personnelle à adopter sera tour à tour« réalisme, mouvemen< satisfaction, engagement ».

Pour GRcdhTM(1985)

La prévention du « burn-out », « syndrome psy-cho-social menacé d’aspécificité », renvoie à desmesures de soins tout aussi aspécifiques asso-ciant une intervention sur des facteurs person-nels et des facteurs d’environnement.

Ces mesures globales ont une portée thérapeuti-que incertaine (bien que parfois réelle) et ne sau-raient donc être généralisées d’emblée.

Il en est de même pour les prescriptions médica-menteuses symptomatiques qui pourront êtreutiles mais de façon transitoire et adaptée à cha-que cas.

L’auteur se demande finalement si les mesurespréventives et thérapeutiques du « burn-out » nese situent pas concrètement dans « la redéfini-tion de relations plus humaines dans le travail ».

Enin, potir MASSON (1990)

Les causes du « burn-out » sont à rechercherdans les facteurs inter et supra-institutionnels, lesfacteurs individuels étant importants mais nonsuffisants pour expliquer l’ubiquité du phénomène.

Pour prévenir ses conséquences, il faut doncpouvoir analyser les facteurs institutionnels pa-thogènes au cours de discussion et d’échangesentre les différents intervenants.

0. MASSON constate que malheureusement beau-coup de structures supposées travailler ensemblesont en fait très cloisonnées, ce qui entrave jus-tement la communication.

En résumé, nous dirons qu’accepter et reconnaî-tre l’existence d’un « burn-out » est déjà le pre-mier pas pour tenter de l’enrayer, la suite étantplus complexe car il est difficile d’individualiserparmi les stratégies proposées celles qui concer-nent les causes et celles qui concernent lesconséquences du phénomène dont nous vousproposons maintenant les explications psycho-pathologiques et psychodymamiques.

Lc syndrome du burn-out

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PSYCHOPATHOLOGIEDU BURN-OUT

1) HYPOTHÈSES CONCERNANTLE BURN-OUT LUI-MÊME

la) Les professions à risques pourle burn-out

Pour développer ce premier élément, nouscommencerons par remarquer que le champ du« burn-out » s’est d’abord limité à certaines pro-fessions essentiellement définies par une relationd’aide ou de responsabilité envers l’autre. Cesprofessions ont peut-être été l’objet privilégiédes études car elles correspondent à des exi-gences croissant à un rythme accéléré.En France, selon des données de M. ESTRYNBEHAR (1992), entre 1975 et 1986 le nombred’actes techniques infirmiers a augmenté de129 %, le nombre de journées d’hospitalisationen secteur public a chuté de 70,5 à 57,3 millionsavec un nombre d’entrées qui a progressé de5,4 millions à 7,3 millions et en revanche les ef-fectifs du personnel soignant ont augmenté demoins de 30 % (contre une croissance de 112 %du personnel administtatif).

Le profil des activités se trouve parfois un peumodifié. Ainsi, pour prendre l’exemple du méde-cin, il se trouve comme par le passé sollicité pardes problèmes émotionnels difficiles (la douleur,la peur, la mort...) qu’il gère avec un savoir limi-té et parfois incertain.

Mais de plus, de nos jours, il doit accepter dansla relation avec son patient l’intrusion plus mar-quée d’un tiers, que celui-ci soit au niveau desinstances étatiques, judiciaires ou médicales. Bienqu’encore idéalisé, le médecin d’aujourd’hui doitdavantage justifier ses diagnostics, ne pas faired’erreur, et a perdu une bonne partie de sa re-connaissance sociale (BIBEAU, 1985).Autre exemple avec les enseignants qui s’accom-modent mal de leurs désillusions sur la valeurdes diplômes auxquels ils préparent leurs élèves.Ils reçoivent de plein fouet l’angoisse agressivede la jeunesse, sans parler du mépris de certainsparents (LEBIGOT et LAFONT, 1985).Les enquêtes réalisées par BURKE et GREEN-GLASS (1989) en Angleterre chez les cnsei-gnants et les directeurs d’établissements révèlentun épuisement professionnel plus grand chez lesenseignants directement en contact avec lesélèves. Les facteurs reconnus sont de type orga-nisationnels (manque de moyen, classes chargées)et émotionnels (vision négative de l’école par lesélèves). Les enseignants présentent un taux d’ab-sentéisme et de « symptômes psychosomati-ques » plus important que leurs supérieurs hié-rarchiques et ceci étant corrélé avec les degrésd’épuisement.

Un autre corps de métier pouvant souffrir de« burn-out » est, représenté par les policiers.D’après LAVALLEE (cité par BIEDER, 1985),les policiers exercent une profession décriée etne reçoivent pas plus l’estime des citoyens que laleur. Le travail est polymorphe, parfois dange-reux physiquement, le policier élabore le plussouvent des défenses rigides qui entraînentconflits personnels et familiaux.Les conditions psychologiques et sociales (me-naces, manque d’estime, perte d’idéal . ..) concou-rent à l’épuisement (mise en évidence par les en-quêtes de BURKE et DESZCA, 1986, au moyendu M.B.I. et grille de CHERNISS).

Pour LEBIGOT ET LAFONT (1985), les gen-darmes méritent une mention spéciale car onleur demande d’assurer avec sérénité toutes lescontradictions de la société française (ils doiventdonner à la violence institutionnelle un « visagebon enfant )>).

Les professions « d’aide » ont en commund’obliger les individus à soutenir en permanenceune image idéalisée d’eux-mêmes dans des condi-tions de plus en plus difficiles.

D’autres professions épuisent aussi mais sont re-trouvées de façon plus rare dans la littérature.Nous pouvons en reconnaîtte deux groupes :

- professions où il existe une position de dé-pendance face à une instance « mystérieuse etomnipotente » par exemple Ilétat ou l’entreprise(LEBIGOT et LAFONT, 1985). Les exécutantslointains qui servent ces instances n’en reçoiventpas ou si peu I’aura et le prestige. Il s’agit sou-vent de tâches répétitives et monotones : ou-vriers spécialisés, téléphonistes, employés travail-lant dans les grandes administrations ;- le deuxième groupe inclut les professions quine tiennent pas compte des rythmes biologiques(travail posté ou de nuit) ou qui présentent desnuisances.Ce type de métier n’a pas éveillé d’intérêt parti-culier chez les auteurs s’intéressant au « burn-out ». Il reste le domaine de l’ergonomie et de lamédecine du travail.

Les ouvrages américains de FREUDENBER-GER et PINES, ARONSON et KAFRY accor-dent une place certaine au « burr-out » des cadreset des « yuppies », professions envahies de stresset de compétition et largement menacées dansleur santé mentale. Un article récent de LEE etal. (1991), décrit les concernant un « syndromede fatigue chronique » auquel il a été attribuédes morts subites de cadres japonais.Les approches psychopathologiques concernantle « burn-out se sont fait selon deux axes : cogn-tivo comportementale et psychanalytique.

lb) Les approches cognitive-comportementales

MASLACH établit un lien conceptuel évidententre le « burn-out » et le stress. De façon expli-

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cite, le « burn-out » apparaît « comme résultantdes effets cumulatifs du stress dans l’environne-ment de travail » ou comme « un drainage émo-tionnel du stress chronique » (MASLACH etJACKSON, 1981).

C’est du côté des conditions de travail (conflitset ambiguïtés des rôles, surcharge qualitarive) etnon du côté des individus qu’il faut d’aprèsMASLACH chercher les cause du syndrome. Lefonctionnement du sujet n’étant abordé qu’à tra-vers ses modes de réponses au stress, MAS-LACH se situe dans une lignée comportementa-liste. Elle dépasse toutefois le modèle réducteurinitial où seul le milieu extérieur faconne lesréponses de l’individu. Cette aversion pour lementalisme et I’introspection caractérisait eneffet les premières théories comportementales.

Actuellement, l’évolution des conceptions envi-ronnementalistes se fait vers une position selonlaquelle l’environnement et la personne se déter-minent l’un l’autre, c’est l’approche cognitiveprésentée par exemple dans l’ouvrage de COT-TRAUX (1990).Ce modèle interactionnel fonctionne selon lesthéories de l’apprentissage avec imitation, attented’efficacité et de résultats (rôle des renforce-ments) observation visuelle, comportement,autorégulation et liberté.La psychologie cognitive élargit le champ d’ac-tion du comportementalisme en étudiant les pro-cessus mentaux les plus élaborés, conscients etinconscients qui permettent à l’individu de s’ada-pter aux stimuli internes et externes.

Par exemple, MEIER (cité par SCARFONE,1985) illustre cet aspect par différentes questionsmentalisées et qui concernent :

- des attentes quant aux renforcements : « ceque je fais correspond-il à mes buts ? » ;

- des attentes quant aux résultats : « est-ce queje sais ce qu’il faut faire pour obtenir des résul-tats ? » ;

- des attentes quant à l’efficacité : « suis-je capa-ble de faire ce qu’il faut pour parvenir à ces ré-sultats ? ».

C’est une dysfoncüon de ces différentes étapesqui peut être en cause dans la création d’un« burn-out » en situation de travail.

Ainsi, Madeleine ESTRYN-BEHAR est un méde-cin du travail, docteur en ergonomie, qui a réali-sé plusieurs études sur le travail des soignants enmilieu hospitalier et qui a constaté ces dysfonc-tionnements comportementaux.Elle s’intéresse en général au contenu de la tâcheet aux sources de stress spécifiques du métierd’infnmière, pour essayer de dégager les prioritésd’une politique d’amélioration des conditions det r a v a i l .

Après une enquête auprès de 1 500 infirmièresde l’Assistance Publique des hôpitaux de Paris,elle a sélectionné 45 in&mières qui ont participé

à des entretiens sern-directifs (DEBRAY et al.,1988, ESTRYNBEHAR, 1992).

Il apparaît que dans 82 % des cas, les infirmièreséprouvent des sentiments négatifs alors qu’ellesne sont que .8,5 % à manifester des sentimentspositifs. Les senkients négatifs les plus fré-quents sont la fatigue, « l’includence », la soh-tude, la technicité et la désorganisation.

« L’includence » est pour M. ESTRYN-BEHARune des composantes essentielles.

Il s’agit d’un terme emprunté à TELLEN-BACH : la « constellation d’includence » chezcet auteur représente une organisation psychiquecaractérisant le plus souvent un patient unipo-laire dépressif qui va s’enfermer dans des limitesexigeantes pour réaliser ses activités, ces limitescréant i leur tour des contraintes dans la réalisa-tion de ses tâches (OLIE et PETIT JEAN,1981).

M. ESTRYNBEHAR emploie ce terme de psy-chopathologie pour désigner « une situation quiparaît acquise, durable, sans possibilité d’yéchapper ».

Cette situation concerne dans le cas des infir-mières le sentiment de se trouver « débordée parson travail à la fois dans le sens de la masse destâches à accomplir et dans la perspective d’untemps insuffisant pour les réaliser ».

D’après ESTRYNBEHAR, les difficultés psy-chologiques ainsi constatées sont dues au stresset elle rapproche ses observations du processusde « burn-out ».

Selon les théories comportementales sur les-quelles elle s’appuie, elle pense que cet état ré-sulte d’une « impuissance apprise » du fait del’absence de gratification et de récompense.

L’impuissance apprise décrit par SELIGMAN en1967 (SALEHI, 1980) correspond à un phéno-mène où le sujet a pris conscience que ses ac-tions ne menaient à rien devant une situation dé-sagréable précise qui persiste malgré la mise enœuvre de tous ses moyens d’adaptation.

Les in!&mières travaillent ainsi pour elles-mêmesdans la solitude et la responsabilité, ce qui décu-ple leur fatigue. L’absence de communicationdans le système clos et monotone que représentele service de soins est à l’origine en tant querenforcement négatif d’un sentiment de dévalori-sation chronique.

lc) Les approches psychanalytiques

Nous avons esquissé l’idée lors de la présenta-tion clinique, que le « burn-out » survenait dansun contexte particulier où, du fait descontraintes de travail et de stress, allait se majo-rer un conflit entre la réalité et la recherche d’unidéal. Le troisième intervenant dans cette situa-tion conflictuelle est l’engagement que va dé-ployer I?ndividu pour atteindre son idéal. Cet

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idéal, nous l’avons déjà relevé, renvoie à un butque le sujet s’est fixé ou que les valeurs de la so-ciété lui ont imposé. Il existe en tant qu’abstrac-tion dans une repxésentation psychique.

Pour atteindre ce but, le sujet peut -présenter ceque FREUDENBERGER appelle un « engage-ment non mamre ». C’est un engagement exces-sif de type fusionne1 dont le point d’impact sesitue dans les ressources émotionnelles et qui vaconduire à plus ou moins long terme à leurépuisement.

A contrario, une fois l’idéal atteint (ou sensé êtreatteint), la confrontation entre la réalité et sa re-présentation psychique initiale peut plonger lesujet dans une déception et une frustration im-portantes.

D’où ce « vide intérieur » qui résulte selonFREUDENBERGER soit de l’engagement exces-sif avec épuisement des ressources, soit du dé-saccord entre l’idéal et la réalité sensée leconcrétiser.

FREUDENBERGER résume une partie de sesthéories au travers d’une citation d’0. WILDE:« dans le monde, il existe deux sortes de tragé-dies : la première est de ne pas obtenir ce quel’on veut, la deuxième c’est de l’obtenir ».

Un autre aspect de ses théories insiste non pastant sur la personnalité des sujets exposés au« burn-out » mais sur la responsabilité de la so-ciété. En effet il écrit : « le tableau est davantagele résultat d’un malaise récent que d’un trauma-tisme provoqué dans l’enfance. Pendant desannées ces personnes ont une vie positive » ouencore : « ce qui leur arrive ne peut uniquementémaner d’eux, une grande partie du problème estsûrement attribuable à des facteurs extérieurs ».

La société (ou ses substituts) jouerait finalementdeux rôles :- Elle participe à l’élaboration de la personnali-té mais en y introduisant des fragilités (<< cultedu héros » et « reve Américain >> conduisent l’in-dividu à penser que la récompense sera plusgrande si l’on devient différent de ce que l’onest réellement).

- Ultérieurement, par la pression constantequ’elle exerce sur le sujet, elle représente le fac-teur déclenchant ou précipitant d’un épuisement.

Il est parfois difficile de se situer dans les expli-cations données par FREUDENBERGER, carcertaines sont empreintes de contradictions (iln’y a pas de prise de position claire sur le rôleou l’absence de rôle de la personnalité du sujet).

FONTAINE, 1985 (infirmière, docteur en psy-chologie) a repris plus tard un profil de penséeproche de celui de FREUDENBERGER et l’alonguement illustré par le modèle « type » del’épuisement qui est le métier de soignant et enparticulier celui d’infirmière.

FONTAINE explique que ce métier est particu-lièrement exposé à l’épuisement de par l’inégalité

de l’échange qui existe entre l’inknière et sonmalade. L’infirmière dévouée et engagée dansson travail, se trouve en face d’une personneparfois peu capable de reconnaissance car en po-sition de souffrance.Cette dynamique de base se trouve aggravée parles conditions de travail peu favorables (manqued’effectifs, de moyens techniques) ou par lesspécificités de soins difficiles à gérer (soins intensifs, urgences, cancérologie, pédiatrie, psychia-trie).

Lorsqu’une infirmière débute sa carrière, il existeune phase initiale où les motivations sontgrandes mais vont rapidement se heurter au réelavec sentiment d’impuissance, d’échec. Ce senti-ment est incompatible avec les valeurs premièresattribuées au soin. Il s’en suit un sentiment dehonte qui fait naître un besoin d’évitement.

Ce sentiment désagréable va l’amener à penserqu’elle n’est pas forcément responsable de celaet que ce sont peut-être les patients qui sontmauvais (ils ne reconnaissent pas assez son dé-vouement).

Cette opération mentale de projection permetd’extraire du psychisme la pensée conflictuelle.

Un regain d’énergie au travail réapparaît alors (latension psychique étant abaissée), mais seconfronte à la même situation : autant de surme-nage, de patients peu reconnaissants, alors que lasouffrance et la mort persistent de manière pres-que provocante devant ses efforts démesuréspour les enrayer.

Cette perception du peu de gratifications de lapart de ces personnes, que l’on voulait aider etque maintenant on méprise, va mener à uneétape ultérieure où l’adaptation choisie est cellede la dépense psychique minime qui va se mam-fester par la perte de force et d’énergie.

Quelques mises à distances, loisirs ou autre au-ront bien du mal à réparer le processus ainsi encours.

Le bouleversement quotidien des valeurs établiesfait émerger les souffrances anciennes, les deuilsmal résolus et rend plus évidente l’ambiguïté dulien qui avait permis à l’idéal de se construire.

Mais cette impasse, avec détachement insuppor-table pour ce qui avait été une priorité, peut par-fois conduire, en tant qu’étape de « crise », à unenouvelle croissance personnelle.

Malheureusement ce « dépassement » n’est per-mis qu’à ceux qui auront su gérer la crise aumieux, les autres trouvant un compromis moinsconfortable, seul aménagement salutaire que l’appa-reil psychique aura pu élaborer.

FISCHER (cité par SCARFONE, 1985) psycha-nalyste, s’est penché sur l’étude du « burn-out »et a voulu d’emblée distinguer deux situationsqui souvent sont amalgamées. II est parfois légi-time qu’une personne qui rencontre des condi-tions de travail inadéquates présente une perte

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de l’estime de soi avec usure et lassitude (<< wom-out P). Mais cette personne est capable d’allervoir son médecin pour demander de l’aide, pourdire « qu’elle n’en peut plus ».

Par contre un sujet atteint de « burn-out » a unfonctionnement différent : pour maintenir I’illu-sion et l’espoir de correspondre aux critères d’unidéal qu’il s’est fixé, il va instaurer une lutteépuisante. Cette lutte est sans fin, primordialepour maintenir une estime de soi suffisante etcorrespond à un déni de la réalité qui conserveillusoirement une complérude narcissique.

Que ce soit en termes cognitive comportement4ou à plus forte raison psychanalytique, l’élabora-tion de la personnalité apparaît comme un élé-ment primordial dans la façon dont le sujet vapouvoir aborder les étapes de sa vie et de sontravail.

Id) Les personnalités pxédisposantesau burn-out

Pour CROMBEZ et al. (1985), il n’y a pasd’études permettant de mettre en relation le syn-drome d’épuisement avec un type particulier depersonnalité. L’auteur remarque cependant quel’on trouve par exemple chez les médecins uneproportion importante de personnalité de type Aselon FRIEDMAN et ROSENMAN (goût dutravail, sentiment de pression, d’urgence dutemps et attitude compétitive) et qu’il s’agiraitpeut-être d’une vulnérabilité au « burn-out ».

De même CRONIN et STLJBBS en 1981 (citéspar DEBRAY et al., 1988) constatent que parmi65 infirmières, 82 O/o se classent d’elles-mêmescomme ayant un comportement de type A :- elles attendent d’elles-mêmes plus qu’il n’estpossible,- elles réalisent deux tâches à la fois avec uneperpétuelle sensation d’urgence,- elles résistent à l?nnovatlon car celle-ci « ralen-tirait les choses »,- elles interprètent une simple offre d’aidecomme une mise en doute de leurs compétences.

Indépendamment du type de personnalité, deve-nir médecin comporte certains risques commel’indiquent les taux de suicides, de toxicomanie,d’alcoolisme et de consultations psychiatriquesen comparaison avec la population générale(Mac CAWLEY cité par Mac CRANIE etBRANDSMA, 1988).

Cependant, nous pouvons nous demander si unindividu ne choisit pas la profession qu’il vou-drait exercer en fonction de sa personnalité.

Les personnalités de type A ont-elles la vocationde devenir infirmière ou est-ce le travail d’infis-mière qui fait évoluer la personnalité vers letypeA?

Le choix d’être médecin pourrait déjà représen-ter une certaine disposition de la personnalité(CROMBEZ et al., 1985).

Mac CRANIE et BRANDSMA (1988) ont réal-sé à ce sujet une enquête intéressante. Ils ontchoisi trois promotions d’étudiants en médecine,qui comme il est d’usage aux Etats-Unis, avaientrempli à leur admission à l’université un test depersonnalité (M.M.P.I.). Ces trois promotionss’échelonnaient dans les années soixante. Les au-teurs ont retrouvé ces médecins 25 ans plus tardet leur ont demandé par courrier de remplir uneéchelle de « burn-out ». Il a été ensuite tenté decorréler les degrés de « burn-out » avec les don-nées du M.M.P.I. La cohorte de médecins étaitconstituée bien évidemment de spécialistes diffé-rents ainsi que de médecins généralistes, certainsétaient perdus de vue et certains n’ont pas ré-pondu (au total, participation de 440 sur 625). Ilressort de cette étude que les médecins présen-tant un haut degré de « burn-out » actuel accu-saient au début de leurs études certains traits depersonnalité au M.M.P.I.Ces traits concernent :- une tendance à reconnaître certaines difficul-tés personnelles et psychologiques,

- des sentiments de tristesse (trait de dépres-sion),

- de l’anxiété avec incapacité à faire face (traitpsychasthénique et névrotique),

- de l’anxiété lors des confrontations sociales(introversion sociale).

Les auteurs concluent que le risque d’épuisementest donc associé à des traits de personnalité telsque « faible estime de soi, manque de confiance,tendance à l’humeur dysphorique et aux préoc-cupations obsessionnelles, anxiété, passivité etretrait ».

Mais inversement, les traits de personnalité nesont pas retenus comme prédictifs de l’épuise-ment ultérieur et cela pour différentes xestric-tions d’ordre méthodologique (corrélations fai-bles, taux de falsification du M.M.P.I. initial nonnégligeable, nombre de non-réponses).Par contre, il a été établi que la fréquence du« burn-out » n’est pas influencée par les varia-bles extérieures telles que la spécialité, le moded’exercice, le temps de travail.

Le « burn-out » semble résulter d’une perceptionsubjective des conditions de travail, notammenten fonction de l’estimation personnelle du stress.

D’autres études citées dans cet article ont repérédes traits de personnalité identiques (anxiété,mauvaise estime de soi, dépressivité) chez lesmédecins qui avaient fait une tentative de sui-cide.

Pour ROESKE (cité par les mêmes auteurs), detelles tendances de la personnalité font éprouverau sujet une ambivalence vis-à-vis de la méde-cine (aimant toujours son métier mais suppor-

Le syndrome du burn-out

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tant mal les frustrations et l’ambiguïté souventprésentes dans l’exercice quotidien). « La méde-cine en tant que profession n’a pu satisfaire lespropres attentes du sujet ».

HUSTED et al. (1989), reprennent un de ceséléments psychopathologiques, « l’estime de soi »et écrivent qu’une « estime de soi négative ré-sulte du burn-out et contribue à le développer ».Ainsi, le renforcement de cette composante de lapersonnalité permettait de diminuer l’épuisementprofessionnel.

L’estime de soi et sa solidité sont effectivementune des conditions nécessaires pour une vie « enbonne intelligence avec soi-même et les autres »(DESSUANT, 1988).

L’estime de soi provient en partie du Narcis-sisme infantile et se construit par l’acquisition dusens de la réalité. Elle permet un aménagement« supportable » par rapport aux différentes« blessures narcissiques » rencontrées quotidien-nement. La notion de Narcissisme et de ses dé-faillances apparaissent souvent dans les écrits surle « burn-out ».

Pour RAIX (1990), les traits de personnalité etles personnalités abordés dans la littérature sur le« burn-out » correspondent aux « états limites »tels que les a décrits BERGERET (1970, 19 85).

Nous rappelons que ce groupe des états limitesest un groupe distinct des névroses et des psy-choses et correspondrait à une « maladie duNarcissisme ». Les principales caractéristiquesd’une personnalité état limite sont les suivantes :

- si l’on considère la lignée évolutive de la per-sonnalité, le Moi de l’état limite a dépassé ledanger psychotique de morcellement mais n’apas réussi à accéder à une relation génitaled’objet ;

- l’angoisse de perte d’objet dont souffre ir-consciemment le sujet se traduit par un vécupassé malheureux et une espérance de sauvetageinvestie dans la relation de dépendance de l’au-tre. <C Le danger permanent contre lequel se dé-fend l’état limite est la dépression ». L’angoissede perte d’objet est différente de l’angoisse demorcellement et de l’angoisse de castration;

- la relation d’objet est anaclitïque (du grec« s’appuyer contre », de type prégénital. Le moise clive en une position anaclitique et en une au-tre bien adaptée rendant ses sujets « actifs, sé-duisants et adaptables » ;

- les instances idéales sont marquées par unefaiblesse des positions du Surmoi et de la culpa-bilité en opposition de la lignée névrotique.L’CEdipe a été évité selon une séquence Narcis-sisme-Idéal du Moi-Blessure narcissique-Dépres-sion ;

- l’idéal du Moi est « gigantesque et puéril »selon BERGERET. Les sujets abordent les réal-tés avec l’ambition démesurée de « bien faire »pour conserver l’amour et la présence de l’objet.

Si un écart entre le Moi et l’idéal est nécessairepour les acquisitions de l’évolution personnelle,une trop grande distance entre ces formationsinduit un sentiment déprimant d’infériorité.Nous rappelons que I’Idéal du Moi correspondchez FREUD à une « instance de personnalitérésultant du Narcissisme et des identificationsaux parents, à leur substitut et aux idéaux collec-tifs. En tant qu’instance différenciée, l’Idéa1 duMoi constitue un modèle auquel le sujet chercheà se conformer ». Le Surmoi est l’instance quisurveille le Moi et le mesure à son Idéal (DES-SUANT, 1988) ;- la dernière caractéristique de l’état limite(après la spécificité de son angoisse, de sa rela-tion d’objet et de ses instances idéales) concerneles formations réactionnelles de défense. Ellesrequièrent une grande dépense d’énergie etconduisent à une hyperadaptation. Elles fontappel aux mécanismes dc clivage et d’iden-tification projective (maîtrise de l’objet) ainsiqu’au déni à l’évitement et dans une moindremesure au refoulement. Le « clivage » évoquédans ce cas concerne les représentations objec-tales et non un véritable dédoublement du Moi(le Moi de l’état limite se « déforme ))).

Nous pouvons ainsi mieux comprendre la sé-quence psychopathologique avec laquelle unepersonnalité état limik réagit, séquence queRAIX adopte pour expliquer le processus de« burn-out ». Le sujet état limite éprouve unegrande dépendance envers l’autre. La frustrationlui est difficilement supportable et l’échec an-nonce pour lui un risque de « perte d’objet » in-tolérable. Le risque de rupture expose alors à ladépression (qui reste en général sur un mode« névrotique 11).

Pour LEBIGOT et LAFONT (1985) il n’y a pasde structure de personnalité propre prédisposantun sujet au « burn-out ». Les auteurs constatentdans la littérature un éventail qui va de sujetsnévrotiques, obsessionnels, états limites, patholo-gies du caractère et personnalkés sensitives, bref,des traits peut-être un peu plus marqués quedans la population générale.

Par contre, ces sujets auraient comme dénomina-teur commun un état psychologique particulier,caractérisé par son << illogisme ».

Un tel sujet se présente comme quelqu’un quirésiste à accepter une aide dont il a pourtant be-soin. Il refuse d’interrompre ses activités malgrédes troubles évidents qu’il dénie, le tout étantvécu sur un mode persécutif.

Finalement pour ces auteurs, il s’agirait plutôtd’une « personnalité de base de l’homme occi-dental » représentée par deux types d’organisa-tions que LEBIGOT a baptisé par commodité(mais aussi bien entendu par référence à des ou-vrages théoriques « la révolte contre le Père » et« le complexe de Narcisse 1)) : « le rkvolté » et« le Narcisse » :

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- pour le Révolté, il existe une confrontationpermanente à la toute puissance paternelle. Cetteconfrontation est en fait une exigence vitale carelle permet de projeter sur le monde environ-nant son malaise existentiel, de justifier le fonc-tionnement social dans sa complexité, de garderune position infantile. Il existe une confusionentre les droits et le devoirs, les relations aux au-tres deviennent des rapports de force. Lecomportement est sous-tendu par la crainte deperdre l’amour du maître qu’il s’est donné etqu’il croit haïr, d’où culpabilité,

- Narcisse renvoie à des positions plus archaï-ques et rejoint en plusieurs points les théories deBERGERET. La lutte pour la puissance et lebonheur sont du registre imaginaire. On re-trouve cette ambivalence entre un Moi grandioseet une haine de soi-même. Le défi est de réussirdans le regard de l’autre, renvoyant à son incapa-cité propre.

La rencontre de ces deux personnages et d’unesituation de travail va créer un épuisement : chezle Révolté par la Q recherche d’expiation d’unefaute avec l’avantage moral d’être victime d’unenoble tâche », chez le Narcisse, l’épuisement vadonner « une limite infranchissable qui donneraun contour à son image ».

Finalement l’auteur se demande si l’épuisementprofessionnel ne représente pas en somme un<( désir d’épuisement ».

A côté des approches psychanalytiques concer-nant la personnalité d’un sujet pouvant s’épuiserau travail, nous trouvons dans la littérature uneréférence fréquente aux théories de l’appren-tissage social de la personnalité. Cette théorie estbasée sur une construction de la personnalité quifait appel au « comportement appris »: lecomportement se développe, change avec l’expé-rience incluant non seulement l’action de l’indivî-du mais aussi ses pensées, ses sensations, ses dé-sirs.

L’unité de la personnalité se trouve à la foisdans sa stabilité et son inter dépendance avec lemilieu (COTTRAUX, 1990).

L’individu cherche en général à maximiser sonrenforcement positif (conséquence favorabled’un comportement) dans n’importe quelle situa-tion.

A ce niveau intervient un concept important quiest celui du « lieu de contrôle » développé parROTTER en 1966 (SALEHI, 1980).

Ce concept consiste pour l’individu à croire ounon que son propre comportement ou sa proprecapacité et disposition interne déterminent lesrenforcements reçus. Il existe ainsi deux types delieu de contrôle : interne et externe. Les indivi-dus dont le lieu de contrôle est interne perçoi-vent les renforcements comme contingents àleurs propres comportements et croient pouvoirinfluencer les événements qui suivent leurs

comportements. Ces sujets ont l’impressionqu’ils peuvent « contrôler leur destin ».

Les différentes études les concernant et présen-tées par SALEHI en donnent les caractéristiquessuivantes :- ils sont plus attentifs aux aspects de l’envi-ronnemenr- ils prennent plus de dispositions pour amé-liorer les conditions de cet environnement,- ils placent plus de valeur dans « l’habilité »que dans le « hasard » pour la réalisation deleurs tâches,- ils résistent mieux aux tentatives d’influentede l’extérieur.

Au contraire, les sujets qui présentent un lieu decontrôle externe perçoivent le renforcement engénéral comme Ie fait du hasard, de la chance oudu destin, de façon non contingente à leurs pro-pres actions.

Le problème chez de tels individus est que cettecroyance de n’avoir aucun contrôle sur les évé-nements et les renforcements peut conduire àdes actions mal ajustées.

De même, plusieurs études ont montré la fré-quente association entre I’externalité et les trou-bles psychopathologiques. Mais en tant que sim-ple correlation il n’est cependant pas établi delien de cause à effet absolu. Il a été retenu queles individus externes présentaient une anxiété detype inhibitrice et qu’ils étaient plus exposés àdes conditionnements de type << impuissance ap-prise » (telle que nous l’avons déjà définie) etnotamment dans une dimension dépressive.

Cependant, la prise en charge psychothérapiquede tels sujets augmente leur note d'înternaké(mesurée au moyen d’une échelle spécifique dulieu de contrôle établie par ROTTER).

HILLAIRET-HOFFBECK (1991), c a d r e infE-mier, a proposé cette échelle à 21 infirmières engériatrie. L’échantillon est sans doute trop petitpour généraliser les conclusions mais l’auteurconstate que les infirmières se présentent avecun lieu de contrôle externe les exposant donc,d’après ce que nous venons d’énoncer, à des dif-ficultés psychologiques éventuelles.

Cet auteur poursuit dans le cadre d’un D.E.A.de psychologie cognitive cet axe de recherchequi, s’il était confirmé, présenterait un intérêtdans l’explication et la prise en charge des diff-cuités dans le travail.

Le lieu de contrôle se trouve être aussi une destrois composantes du concept de « robustesse dela personnalité » ((< personality hardiness », définipar KOBASA en 1979) à côté de « l’engage-ment » et du « défi ».

M. TOPF (1989), a étudié chez 100 infirmièresde médecine et de chirurgie les corrélations entreles trois dimensions de cette «robustesse » et lesniveaux de stress professionnels et de « burn-

Le syndrome du burn-out

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out ». Il n’a pas toujours été vérifié qu’une per-sonnalité « robuste » est associée à des niveauxbas de stress et de burn-out.Un lieu de contrôle externe augmente le niveaude stress professionnel mais n’est pas corrélé àl’épuisement.

La dimension d’engagement a été corrélée à unépuisement émotionnel élevé et à un faible ac-complissement personnel.

Il s’agit dans cette étude de corrélations qui(comme le reconnaît l’auteur) ne peuvent êtrecomme ayant des relations causales.

Le syndrome de « burn-out » se partage doncentre deux courants de pensée :

- initialement, c’est un psychanalyste qui l’a dé-crit, mais de faFon peu paradoxale, il récuse d’inclure la structure de personnalité dans le troubleprésenté ;

- MASLACH et PINES suivis par de nom-breux auteurs l’ont abordé en terme cognitivo-comportemental, l’action du milieu étant alorsprépondérante, sous-tendue par l’adaptation dusujet aux facteurs de stress.Si un type de personnalité n’a pas été retenu defaçon définitive comme prédisposant au « burn-out », les auteurs s’intéressant à cette approche(aussi bien dans un registre psychanalytique quecognitif) proposent des réflexions passionnantes.

Le problème de toute cette dynamique psycho-pathologique reste sa difficulté à trouver uneplace originale à côté d’autres entités déjà eti-stantes en particulier les troubles de l’adaptation,le stress, la dépression et l’anxiété que nous al-lons présenter.

2) Où SE SITUE LE BURN-OUT 7

2a) Troubles de l’adaptation et bum-out

Il est fréquent de lire que le syndrome de« burn-out » pourrait rentrer en fait dans le ca-dre d’un « trouble de l’adaptation » que celui-cisoit sur un versant psychosocial ou plutôt clîni-que.Deux sous-chapitres sont donc proposés :

- l’aspect psychosocial: le retrait observécorrespondrait à une mal-adaptation sociale quipeut cependant s’intégrer au modèle cultureldans lequel vit le sujet ;

- I’aspect clinique et médico-psychiatrique: le« burn-out » pourrait répondre aux critères diag-nostiques déjà existants des « troubles de I’adap-tation ».

Burn-out et désadaptation sociale

Dans une perspective sociale, il faut considérertout d’abord que l’époque actuelle est marquée

depuis la Deuxième Guerre mondiale par deschangements perçus comme rapides à l’échellede la vie humaine. Et la seule constante qu’on ydécouvre est le changement lui-même (De VER-BIZIER, 1985).

Ces changements imposent des efforts auxquelsne sont pas toujours préparés les individus et lesinstitutions. Des déséquilibres s’observent liés àd’anciennes situations dépassées. Cette adapta-tion permanente et nécessaire n’est pas toujourspossible pour tous et conduit alors à des formesde souffrance variees (découragement, ennui, fa-tigue, repli, évitement et révolte . ..).

Pour CORIN et BIBEAU (19&5), le « burn-out »survenant dans une période de basse conjonctureéconomique illustre précisément cette souffrance.Ce mot, accessible à tous, donne un « code » ex-térieur au sujet, lui permettant de dire en langageconvenu son malaise. C’est un moyen pour légi-timer une situation de retrait chez le travailleurqui ne peut plus accomplir sa tâche, sans qu’ilsoit pour autant pénalisé socialement.

Ce processus a pu être expliqué selon les auteurspar les travaux de LINCOLN en 1938 qui a dé-crit des « modèles culturels d’inconduite » pro-posés par la culture aux individus et que ces der-niers empruntent pour exprimer un malaisepersonnel et relationnel. DEVEREUX (cité parCORIN et BIBEAU, 1985), ethnologue et psy-chanalyste, précise que les symptômes peuventrecouvrir des aspects très variables selon les per-sonnes et les cultures. D’après lui, la « fatiguenévrotique », si proche du « burn out », autoriseun retrait sans « perdre la face » dans une socié-té où le prestige individuel est construit surl’energie et le succès au travail.

GRANTHAM (1985) et BIBEAU (1985) consta-tent en tout cas dans cette « inconduite sociale-ment admise » un effet pygmalion indéniable,puisque « si l’on répète assez souvent à qucl-qu’un qu’il exerce une profession à haut risque,il peut très bien se mettre à chercher et à trou-ver les différents symptômes dont il est sensésouffrir ». Ainsi, aux Etats-Unis, il n’est pas rarequ’un travailleur (cadre et profession d’aide) seprésente en se disant affecté de « burn-out », ré-clamant ainsi un droit à l’épuisement avec unepériode d’arrêt.

Le rôle du médecin dans ce cas est primordial(BIBEAU, 1985 et DORION cité par BXEDER,1985) avec le risque déjà décrit sous le terme de« iatrogénie » par AMIEL (1985) ou d’« hypersé-curité sociale » par De VERBIZIER (1985) poursituer ces personnes qui « règlent leurs comptesavec la société en devenant ou en se portant ma-lades » au sein d’un système médico-social pro-tecteur certes, mais de plus en plus générateurde désadaptation par exclusion.

Le « burn-out » dans ce cadre devient assez symbolique puisqu’il semble représenter aussi l’objetde lutte des formations syndicales. Certains (LA-PLANTE cité par BIEDER, 1985) ont remarqué

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que s’il avait eu un succès important dans lesprofessions d’aide aux Etats-Unis, c’était parceque celles-ci sont particulièrement actives aupoint de vue syndical. L’enjeu est de maintenirune qualité de vie satisfaisante face à des em-ployeurs qui exigeraient une productivité de plusen plus accrue. Le « burn-out » se trouveraitdonc à nouveau au carrefour entre la décrois-sance économique, l’exigence de productivité etle désinvestissement des travailleurs américainspar rapport à leur travail (BIBEAU, 1985).

Trouble de l’adqbtation et pathologie psyhïatn@e

Le « burn-out » n’apparaît pas dans les classihca-tions de psychiatrie (D.S.M.111 R. ou traité depsychiatrie du Québec) ce qui montre la résis-tance du monde psychiatrique à l’adoption de cenouveau terme nosographique (ou se prétendanttel). S’il en est ainsi, c’est tout simplement, pourGRANTHAM (19&5), qu’il faut le classer selonles critères D.S.M.111 dans la catégorie « troublede l’adaptation ».

En effet, au cours de son expérience person-nelle, ce psychiatre a été appelé à étudier denombreux dossiers de mise en invalidité faisantétat d’un diagnostic de « burn-out ». Il posedeux cas de figures :- ou l’usage du terme est erroné, recouvrantun syndrome psychopathologique franc (dépres-sif ou anxieux) relevant d’un traitement adapté ;- ou cet usage paraît se justifier - selon lamodélisation des concepteurs - mais il existealors une méconnaissance de l’aspect psychody-namique de la personne.

GRANTHAM préconise donc en premier lieuune application scrupuleuse de la nosographieclinique psychiatrique dans ces pathologies adap-tatives à expression mentale et une réflexion surl’axe de la personnalité du malade.

Si l’on utilise les critères diagnostiques de l’Asso-ciation Américaine de Psychiatrie, le syndromede « burn-out » peut éventuellement s’insérer :- soit en code V: besoin psychosocial sansdiagnostic médical,- soit plus vraisemblablement dans l’axe 1:trouble de l’adaptation.

Il se situerait ainsi dans la catégorie 309-23 :trouble de l’adaptation avec inhibition au travailou dans les études.

Il en existe d’autres formes possibles : avec hu-meur dépressive, anxieuse, plaintes somatiques,troubles des conduites qui doivent bien sûr êtredifférenciées pour chaque cas du trouble psycho-taphologique correspondant (dépression, anxiété,personnalité antisociale...).

Les troubles de l’adaptation se retrouvent aussidans la classification internationale des maladiesde l’Organisation Mondiale de la Santé, dans laneuvième édition (I.C.D.9) sous la rubrique 309.

Il s’agit de troubles légers et transitoires surve-nant à tout âge chez des sujets n’ayant jamaisprésenté auparavant de troubles psychiques. Cestroubles sont relativement circonscrits ou pro-pres à une situation, généralement réversibles,durant seulement quelques semaines ou quelquesmois. Ces états sont en général étroitement liésdans le temps et dans leur nature à des situa-tions professionnelles ou familiales de diverstypes :

- deuil, migrations, séparation,- style de vie contraignant,- situations propres au métier décrites naguèresous le terme « fatigue industrielle »,

- transports longs et fatiguants entre le domi-cile et le lieu de travail.

Ces troubles peuvent s’accompagner d’une« réaction dépressive brève » ou « prolongée »,un autre type pouvant s’accompagner « d’asthé-nie, d’anxiété, de peur ou d’ennui » (BUGARD,1985).

Au cours d’une enquête réalisée en 1980 (citéepar DEBRAY, 1984), ANDREASEN et WA-SEK ont colligé 400 dossiers de consultations enpsychiatrie pour lesquels un diagnostic de trou-ble de l’adaptation (D.S.M.III) avait été porté. Ilscherchaient à étudier les circonstances de surve-nue d’un tel trouble. La première remarque estque le tableau concerne une population jeunepuisque les auteurs ont pu séparer deuxgroupes : adolescents (âge moyen 17 ans) etadultes (âge moyen 28 ans).

L’association avec une humeur dépressive do-mine (63 % chez les adolescents, 87 % chez lesadultes) avec fréquence des troubles du compor-tement chez les plus jeunes et fréquence aussi del’anxiété et des plaintes somatiques dans les deuxgroupes.

Si les adolescents citent les problèmes scolaires,ce sont les difficultés sentimentales qui arriventen tête chez les adultes juste avant les problèmesprofessionnels et dans 40 %, il est fait état« d’autres circonstances » associées aux princi-pales citées.

Cette constatation est intéressante, car elle per-met de supposer qu’il est difficile d’identifier« un » seul facteur responsable de la désadapta-non, ce qu’a pris en compte l’Association desPsychiatres Américains en transformant le critèreA entre les éditions de 1980 à 1987 duD.S.M. (voir tableaux page suivante).

Il apparaît donc que la notion d’adaptation ren-voit aux relations entre un individu et les événe-ments de la vie auxquels il doit faire face.

HOLMES et RAHE (cité par LHUILIER et al.,1990) élaborent en 1967 une échelle des événe-ments récents de la vie permettant de situer unsujet par rapport aux changements affectant savie pendant une période donnée. Les 43 itemsde cette échelle concernent la famille, le mariage,

Le syndrome du burn-out

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Tableau 2Tableau 1: Critères diagnostiquesdes troubles de l’adaptation

A Une réaction non adaptée à un facteur destress psychosocial identifiable, apparaissantau cours des trois mois suivant la survenue decelui-ci.

B Le caractère non adapté de la réaction setraduit par l’une des deux manifestationssuivantes :(1) un handicap du fonctionnement social ouprofessionnel.(2) des symptômes exagérés par rapport àune réaction normale et prévisible à ce facteurde stress.

C La perturbation n’est pas simplement unexemple parmi d’autres d’une réacùvitéexagérée habituelle à des facteurs de stress, niu n e exacerbation de l’un des troublesmentaux décrits précédemment.

D II est supposé que la perturbation va, endéfinitive, cesser après la disparition dufacteur de stress ou, si celui-ci persiste, dèsqu’un nouveau degré d’adaptation sera atteint.

E La perturbation ne répond aux critèresd’aucun des troubles spécifiques cités précé-demment, ni à ceux du deuil non compliqué.

(Manuel diagnostique et statistique destroubles mentaux, A.P.A. 1980).

la résidence, le travail et la situation écono-mique... Ces événements peuvent être heureuxou malheureux, mais ils ont été retenus pourleur propriété de créer une tension par l’effortd’adaptation qu’ils impliquent. Plus le sujet auraeu des changements à affronter dans une pé-riode donnée, plus la probabilité qu’il connaissedes problèmes de santé majeurs au cours de l’an-née suivante sera forte. Des critiques concernantcette échelle sont apparues en particulier sur lefait que les événements marquants retenusétaient objectifs mais de faFon globale, tenantpeu compte des facultés individuelles d’adapta-tion. D’autres échelles ont été publiées : celles dePAYKEL et KANNER en 1981 ou FERRERIet VACHER... La tendance évolutive de ceséchelles est de tenir compte de la perception duchangement par l’individu lui-même. SelonFOLKMAN et LAZARUS (1986 b), ce sont aucontraire les faits apparemment sans importancede la vie quotidienne qui présagent mieux, parleur caractère plaisant ou déplaisant, de l’état desanté et du moral d’un individu.Ainsi l’approche clinique du « burn-out » aumoyen de critères diagnostiques du trouble del’adaptation permettrait de confirmer les thésesde CORIN et BIBEAU (1985) qui l’envisa-geaient comme une réaction de retrait face à unesituation perçue comme difficile.

A Une réaction à un facteur de stress (ou à demultiples facteurs de stress) psychosocial(aux)identifiable(s), apparaissant au cours des troismois suivant la survenue de ccl&ci(ceuxci).

B Le caractère non adapté de la réaction setraduit par l’une des deux manifestationssuivantes :(1) un handicap du fonctionnement profes-sionnel (scolarité incluse) ou des activités ourelations sociales habituelles.(2) des symptômes exagérés par rapport à uneréaction normale et prévisible à ce facteur destress.

C La perturbation n’est pas simplement unexemple parmi d’autres d’une réactivitéexagérée habituelle à des facteurs de stress, niu n e exacerbation de l’un des troublesmentaux décrits précédemment.

D La réaction non adaptée ne persiste pasau-delà de six mois.

E La perturbation ne répond aux critèresd’aucun des troubles mentaux spécifiques etne constitue pas un Deuil non compliqué.

(Manuel diagnostique et statistique destroubles mentaux, A.P.A. 1987).

Au travers des critères diagnostiques du troublede l’adaptation, la notion de stress est évoquéeet demande à être précisée, cette notion jouantun r81e non négligeable dans le développementdu syndrome de « burn-out ».

2b) Stress et burn-out

Nombreux sont les auteurs qui ont reproché latrop grande similitude du « burn-out » avec leconcept de stress, le premier intégrant le seconddans la plupart de ses définitions (BIBEAU,CROMBEZ, SCARFONE, JACKSON...). Pouren donner quelques exemples, PINES et MAS-LACH (1978) le conçoivent comme « aboutisse-ment d’un stress chronique 1). CHERNISS (citépar BIBEAU, 1985) comme « retrait psychologi-que par rapport au travail en réaction à un stressexcessif ». FARBER (cité par BIBEAU, 1985) levoit comme « une étape fmale dans une progres-sion de vaines tentatives pour affronter une va-riété de conditions stressantes perçues commenégatives ». Enfin, HARRIS (cité aussi par BI-BEAU) écrit « qu’il résulte du stress et l’ac-compagne ». Sous cette optique le développe-ment de quelques rappels sur cette notion destress est nécessaire.

Le mot stress vient du latin « stringere » qui si-gnifie « étreindre, serrer, lier ». Des le XVII~ siè-

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clc, stress est employé en langue anglaise pourtraduire la souffrance, les épreuves, les priva-tions, bref les conséquences d’une vie difficiles’exprimant en un seul mot (STORA, 1991).Au XVIII~ siècle, le sens se modifie et évoque laforce, la pression, Ia charge produisant une ten-sion et à plus ou moins long terme une défor-mation d’un objet.

C’est par analogie que le raisonnement allait as-socier à cette conception physique du stress uneconception médicale et psychologique, les agres-sions liées aux conditions de vie pouvant entraî-ner des dommages physiques ou mentaux chezles personnes.

En 1914, CANNON unlise le mot stress dansun sens physiologique et en 1928 dans un senspsychologique : « le stress correspond à des sti-muli aussi bien physiques qu’émotionnels en rap-port avec I’orgamsarion sociale et industrielle ».Il crée la notion fondamentale d’homéostasie :« ensemble de processus dynamiques visant à lamaintenance du milieu interne », et insiste sur lanon-spécificité de la réponse sympathique enfonction du stimulus (STORA, 1991).

Mais c’est à Hans SELYE (cité par CHAZA-RIN, 1991 et STORA, 1991) biologiste canadien,que nous devons l’essor considérable de ceconcept.

Dès 1936, il propose la définition suivante : « lestress est l’ensemble des réponses non spécifi-ques provoquées par un agent agressif quel qu’ilsoit ».

Il décrit alors le « Syndrome Général d’Adapta-tion » avec ses trois phases :

- phase d’alerte: phase de choc avec décharged’adrénaline,

- phase de résistance : stade d’adaptation maxi-male avec action cortico-surrénahenne prédomi-nante,

- phase d’épuisement : effondrement des méca-nismes d’adaptation pouvant conduire à la mort.

Pour SELYE, le stress est avant tout uneréponse physiologique. L’intensité du stress n’estjamais à zéro, oscillant dans un continuum entrela sous-stimulation et la sur-stimulation, seuls lesextrêmes (la déprivation et l’excès) étant des si-tuations véritablement dangereuses (AMIEL,1989).Ses travaux ultérieurs ont étendu la définitiondes stressors à: «toute demande extérieure quidépasserait un certain niveau d’intensité en affec-tant l’organisme humain ».

Ses théories ont fait l’objet de critiques diverses,la plus commune concernant la notion d’« uni-versalité » propre au syndrome général d’adapta-tion et le court-circuit habituel de l’appareil men-tal de l’individu. Son modèle est de moins eamoins retenu, les auteurs préférant parler de« mosaïque d’adaptation ».

SELYE (cité par LHUILIER et al., 1990) écritpour sa part en 1981 : « le concept de stress lui-même n’est pas assez clair poux faire l’objetd’une analyse scientifique ». Son problème ma-jeur réside dans la conclusion sémanüque dont ilfait l’objet puisqu’il est à la fois :- une force, un stimulus externe quel qu’il soit,- l’ensemble de la réaction entrre agent destress et résultat,- un résultat de ce stimulus.

Le stress en quelques décennies perd sa spécifici-té, il devient un « signifiant de mal être indivi-duel et collectif » assez commode à utiliser etl’intérêt se porte maintenant aux facteurs l?ni-tiant à travers les notions de conflit, d’ambiguïtéde rôle, d’interrelations dans le travail et de dé-roulement de la carrière professionnelle.

Facteurs de .rtress professionnel et hum-out

Conflit et ambiguïté de rôle

Le conflit de rôle se définit comme la contradic-tion provoquée par des demandes différentes àun individu qui, soit ne désire pas répondre vrai-ment à ces demandes, soit pense qu’elles ne ren-trent pas dans le défmition de ses tâches (STO-RA, 1991).

L’ambi@té de rôle est définie comme l’absencede clarté sur le rôle de l’individu au travail, surles objecüfs à atteindre et sur l’étendue de sesresponsabilités.

D A I L E Y (1990), DECKARD e t P R E S E N T(19X9), WOLPIN et al. (1990) et surtout CHER-NISS (cité par BURKE et DESZCA, 1986) ontcorrélé de manière significative ces facteurs avecles niveaux de « burn-out ». Les sujets quiéprouvent un conflit ou une ambiguïté de rôledans leur travail ont des niveaux de <( burn-out »élevés, une insatisfaction dans le travail ainsiqu’un sentiment permanent de tension (stress)avec baisse de l’estime de soi.

Le stress relationnel

Il concerne la nature des relations avec les supé-rieurs hiérarchiques, les subordonnés et les collè-gues de travail. Le manque de considération, l’in-capacité à déléguer, la compétition et la rivalitéainsi que le manque de soutien d’une équipeconduisent là encore à une insatisfaction dans letravail.

Les relations interpersonnelles conflictuelles sontretenues comme un des facteurs les plus stres-sants. Là aussi différentes études ont montré descorrélations avec un burn-out élevé mais la rela-tion de cause à effet est loin d’étre établie. Eneffet, un individu présentant un épuisement vadévelopper des troubles relationnels avec ses col-lègues de par son cynisme et sa tendance inter-prétative. C’est précisément cet état qui peut dé-grader alors les relations interpersonnelles,

Le syndrome du burn-out

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l’ensemble s’inscrivant dans un processus inter-actif permanent.

Le déroulement de la carrière professionnelle

A chaque étape de la carrière professionnelle sedéploie une adaptation spécifique avec le plussouvent : un début actif marqué par une certainecompétition, un milieu de carrière accompagnéde déceptions (sentiment d’avoir atteint le « pla-fond »), une fin de carrière qui exige une énergiesupplémentaire (GARDA et VACOLA, 1985,STORA, 1991).

A côté de ce modèle de déroulement qui a sonrythme propre, il faut aussi considérer la possibi-lité de promotion et de perspective de carrièredans une profession, les deux aspects étant rete-nus comme facteurs de stress (CHAZARIN,1991).Le « burn-out » a été reconnu comme survenantlors de la première partie de cette carrière pro-fessionnelle et même très précocement (un anaprès le début du travail). Des recherches sontnécessaires pour estimer sa survenue à des stadesplus avancés notamment au travers de « l’enkys-tement dans la routine » qui a pu être rapprochéd’une adaptation au stress chronique (CHAZA-RIN, 1991, BESSE et al., 1992).

Pour ftir, deux sources de stress sont à isolerde manière particulière :- l’organisation du travail par elle-même peutgénérer un stress par son ambivalence: legroupe est à la fois protecteur et menaçant (me-nace de l’autonomie, de la liberté individuelle). Sicette ambivalence crée un stress trop important,on peut observer des phénomènes de « wésis-tance au changement » (décrit par STORA,1991) par des attitudes de non participation. Cemanque d’implication est un élément souvent re-trouvé dans le « burn-out »;- la vie privée et le réseau de soutien socialque connaîc l’individu restent indissociables dansla perspective du stress professionnel. Il est erro-né et utopiste de croire que les problèmes per-sonnels « restent à l’extérieur une fois la portedu travail franchie ».

C’est essentiellement pour cette raison que denombreux auteurs préfèrent utiliser le terme de« réaction à risque » plutôt que « facteur de ris-que professionnel ». Le terme « réaction » laissela place pour entrevoir le problème essentiel:alors que le système neuro-endocrinien a sansdoute peu varié depuis des millénaires, on nesait toujours pas pourquoi les mêmes situationsstressantes provoquent des réponses (voire despathologies) différentes selon les individus et se-lon le contexte social (BIBEAU, 1985).

La clinique et les facteurs de stress professionnelssemblent induire la principale confusion entrestress et « burn-out ». Les auteurs ont tenté detrouver la spécificité de ce dernier au moyen desapproches cognitives et notamment du « coping».

Rappels théoriques

C’est LAZARUS qui, dès 1900, reprend unenotion comportementale déjà décrite : le « co-ping » (&HUILIER et al., 1990).

Il s’agit des relations entre les événements stres-sants (majeurs ou mineurs) et les indicateurs del’état d’adaptation. Le « coping » (du verbe ir-transitif to tope with: faite face à) est « l’ensem-ble des efforts cognitifs et comportementauxdestinés à maîtriser, réduire ou tolérer les eti-gences internes et externes qui menacent ou dé-passent les ressources d’un « sujet » (LHUILIERet al., 1990). Le coping peut être une activitémotrice ou un processus de pensée.

Le modèle a bénéficié de plusieurs approches :- une approche selon les caractéristiques de lapersonnalité. Ce sont les travaux de WHEA-TON, MOOS, KOBASA (FOLKMAN et al.,1986). La personnalité est pour ces auteurs pré-existante au coping, c’est elle qui va en quelquesorte le conditionner, offrant une rkponse pré-dictible et répétable. La qualité de la réponse austress dépend de la « robustesse » (hardiness) decette personnalité. Cette robustesse comprendtrois dimensions : l’engagement, le défi et le sensde la maîtrise. Ces qualités permettraient de mo-difier la perception des agents stressants, effetdécrit comme « l’effet tampon » de la robustesseenvers le stress (études auprès d’avocats et decadres par KOBASA et al. de 1981 à 1983 citéespar TOPF, 1989) ;

- une approche plus nuancée par PEARLIN etSCHOOLER (1978), considère à la fois les ca-ractéristiques de la personnalité et le mode pro-pre de coping. Le sujet utilise de manière plus<( souple » que précédemment ses différentes res-sources qui ont été classées en trois groupes : lesressources psychologiques, les ressources socialeset les modes de confrontation spécifiques. Ainsiil est possible de modifier soit la situation destress par elle-même, soit sa signification, soitenfin les effets du sttess proprement dits.PEARLIN a conclu de ses études que, suivantles différents domaines de la vie, l’individu auratendance à privilégier une réponse plutôt qu’uneautre et ce de manière assez spécifique;

- le troisième type d’approche est celle déve-loppée par FOLKMAN et LAZARUS (1986 a etb), qui tient compte d’une relation réciproquedynamique et permanente entre la personne etson environnement. Dans ce cadre, la réponse àun agent de stress passe par une évaluation co-gnitive initiale qui permet de préciser l’enjeu dela situation, puis par le choix du mode deréponse ou coping. Ce coping se fait soit par uneadaptation centrée s.w l’émotion : la signification sub-jective de l’expérience est modifiée par une prisede distance, un déni, de l’humour ou encore uneréévaluation qui consiste par exemple à transfor-mer une menace en défi Qe point commun de

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ces stratégies est de diminuer la charge émotion-nelle née de la situation stressante) ; soit par uneadaptab’on centrée sur le problhe : elle vise à modi-fier la situation elle-même par confrontation ourésolution du problème. Ces auteurs ont tenté demesurer l’influence du choix des modes de ré-ponses sur la survenue de sympt8mes psycholo-giques. Ces choix ne sont pas toujours stables etprévisibles chez une même personne. Les au-teurs ont corré1.é la confrontation, le déni etl’existence d’une symptomatologie dépressive.Un des modes de réponses le plus satisfaisantest la résolution du problème et l’abord des si-tuations avec humour.

L’évaluation cognitive et le coping sont corrélésde manière moins claire avec les symptômesphysiques.

Coping et buxn-out

ALDWIN et REVENSON (1987), PIERCE etMOLLOY (1990) ont posé le problème de la fa-çon suivante : « plus le niveau initial de détresseémotionnelle est élevé et plus le problème estsévère, plus les indtvldus sont portés à utiliserdes modes de réaction mal adaptés accroissantencore la détresse émotionnelle ».

CESLOWITZ (1989) a utilisé l’échelle desmodes de réponses de LAZARUS et FOLK-MAN chez 150 infirmières et l’a comparée auxscores de « bum-out ». Les infirmières ayant lesscores les plus bas utilisent des stratégies de ré-ponses i type de résolution du problème, rééva-luation positive, recherche de soutien social quisont considérées comme de bonnes réponses. Al’inverse, les infirmières présentant un haut degréde « burn-out » utilisent la fuite et l’évitement, lecontrôle de soi et la confrontation qui sont desm o y e n s moins efficaces pour une adaptationcorrecte du moins à long terme.

KELLER (1989 et 1990) retrouve à peu près lesmêmes résultats auprès d’infirmières et de méde-cins. Ceux qui utilisent des moyens de copïng àcourt terme (fuite, recours à la rêverie, à dessubstances toxiques par exemple) ont un épuise-ment émotionnel plus important que ceux quicherchent une résolution du problème ou quiconsidèrent la situation difficile avec humour.

Mais l’écueil de tels travaux - qui foisonnentd’aillews avec plus ou moins de sérieux méthodo-logique - reste dans le fait que le réel début duprocessus ne peut pas être identié clairement

Il s’agit donc d’un terrain de recherche arducomme l’écrivent JACKSON et al., 1986, quipensent par ailleurs que la survie du concept de« burn-out » doit passer par sa différenciation duconcept de stress.

Pour ces auteurs, l’approche par les théories ducoping semble intéressante mais difficile. La dés-humanisation serait pour elle un mode deréponse spécifique dans les professions d’aide etde relations à autrui, plus que l’épuisement émo-tionnel trop proche du stress justement.

2c) Dépression et burn-out

Si le H burn-out » est pour beaucoup d’auteursproche du concept de stress, d’autres estimentqu’il est à rapprocher voire à confondre avec ladépression.

Encore faut-il savoir de quelle dépression l’onparle, tant cette maladie offre dans les classifica-tiens internationales de multiples facettes quivont de la coloration névrotique aux délires.

En 1974 FREUDENBERGER décrit qu’un sujetsouffrant de « burn-out » agit et apparaît commes’il était « déprimé ». Il conkme en 1980 que le« burn-out n’est pas une dépression » car letrouble se limite à un secteur de vie (disparitiondes signes hors travail) et le sujet ne ressent pasde la culpabilité mais de la colère.

Deux points sont à objecter :

- le premier est que ces remarques sont vraiessi l’on considère le début du syndrome. Parcontre lorsque le processus est engagé de façonplus sérieuse, tous les domaines de la vie peu-vent être envahis avec une symptomatologie trèssemblable à celle d’un état dépressif authentique(repli, apathie, troubles du sommeil, perte del’estime de soi et velléités suicidaires dans cer-tains cas) ;

- le deuxième point concerne la notion de CL&pabilité qui n’est pas le critère indispensable audiagnostic d’un état dépressif.

La distinction entre « burn-out » et dépressionest donc difficile à faire. Certains auteurs ne lafont d’ailleurs pas à l’image de RAIX (1990) quiécrit « comme mentionné dans la clinique, leburn-out est une dépression ». 11 s’appuie pourcela sur :- la ressemblance avec « la maladie des mana-gers » (ou encore des dirigeants) décrite dans lesannées cinquante ;- la personnalité des sujets souffrant de« burn-out » qu’il identifie à celle des états li-mites (personnalités exposées essentiellement àdes décompensations dépressives).

D.$ression d’épuisement

La « maladie des dirigeants » est équivalente à ladescription par KIELI-IOLZ de la dépressiond’épuisement faite en 1957 (LAXENAIRE,1984).Elle survient chez des sujets de la cinquantaineayant de grandes responsabilités socio-profes-sionnelles. Elle est catalysée par une maladie ouun choc affectif minime.Le processus pathologique se déroule en troisphases qui peuvent s’échelonner sur plusieurs se-maines ou plusieurs mois :

- Première phase : elle est caractérisée par uneinstabilité caractérielle. Le rendement intellectuelet mnésique diminue. Le sujet a conscience de

Le syndrome du burn-out

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son trouble sans pouvoir y remédier ce qui ac-croît son angoisse, puis lui faire perdre peu àpeu toute initiative.

- Deuxième phase: elle s’amorce après ce sen-timent d’échec. Elle est marquée par un repli sursoi avec des troubles dits « psychosomatiques »qui souvent motivent une consultation.

- Troisième phase : cette dernière phase repré-sente la dépression elle-même avec thymie mo-rose, péjoration de l’existence, dévalorisation etpessimisme. 11 n’y a ni remords, ni culpabilité età ce stade les capacités sont nulles du fait del’importante inertie. Pour LAXENAIRE, cettenotion finale d’épuisement est fondamentale. 11ne faut pas la confondre avec la fatigue qui esten fait une conséquence de l’épuisement et nonune cause.

En réalité, il est difficile de reconnaître uneconstance dans la chronologie des symptômes.

Le traitement de cet état fait appel aux antidé-presseurs associés à une psychothérapie.

La place nosologiquc de la dépression d’épuise-ment est selon KIELHOLZ entre la dépressionnévrotique et la dépression réactionnelle. Elle se-rait due à la conjoncture de traumatismes multi-ples et d’une personnalité particulière.

Cette personnalité a pu être abordée de diffé-rentes manières : ce sont comme dans le « burn-out » des sujets hyperactifs, consciencieux, inves-tissant beaucoup dans le travail sans capacité dedéléguer.

Nous reparlons là des personnalités de type Aselon FRIEDMAN et ROSENMAN, personnal-tés qui seraient fréquentes dans les milleux desoins. GRINKER (cité par LAXENAIRE) lesdénomme « sujets caméléons v car s’adaptant àce que l’on attend d’eux, camouflant leurs affectset leur spontanéité.

Ces personnalités se rapprochent de celles dé-crites par WINICOTT avec leur « faux self »:vie inauthentique superficielle, coupée des réali-tés extérieures ou des personnalités « as if » quivivent « comme si elles étaient exactement cequ’elles paraissent ».

Nous avons vu que ces notions ont été abordéespar FREUDENBERGER lorsqu’il avait écritson « candidat type P au « burn-out ». Ce cancl-dat n’est-il pas alors exposé précisément à cettedépression d’épuisement telle qu’elle a été décritevingt ans auparavant ?

A côté de cette ressemblance avec la dépressiond’épuisement, le « burn-out » a été comparé(SCARFONE, 1985, RAIX, 1990) à une autreentité très « européenne » aussi puisqu’il s’agit dela dépression essentielle décrite par l’École dePsychosomatique de Paris.

Dejt~mssion essentielle

P. MARTY en 1968, au cours d’un séminaire deperfectionnement à l’Institut de Psychanalyse,présente le concept de « dépression essentielle »ou « dépression psychosomatique » ou encore« dépression sans objet »: « essentielle puis-qu’elle constitue l’essence même de la dépres-sion, à savoir l’abaissement du tonus libidinalsans contrepartie positive quelconque ».

Cette dépression est caractérisée par son absencede psychopathologie expressive, au cours d’unentretien où le patient d’ailleurs « ne demanderien car il ne souffre guère ». Le motif de laconsultation est banal: fatigue, incident somati-que... Elle se déroule sans affects selon une rela-tion « blanche » avec l’interlocuteur.

D’un point de vue psychopathologique cepen-dant, la crise existe bel et bien avec installationd’un mode de pensée particulier décrit sous leterme « pensée opératoire ». Celle-ci est caracté-risée par l’effacement des fonctions capitales surtoute l’échelle de la dynamique mentale. La pen-sée consciente colle au réel, sans lien avec uneactivité fantasmatique. Le préconscient est faible,il n’y a pas de vie onirique ni fantasmatique.Pour MARTY, cette dépression représente unemanifestation majeure de la « préséance de l’ins-tinct de mort ».

En effet, la perte de l’énergie libidinale sanscompensation est finalement très proche du phé-nomène de mort (où l’énergie vitale se perd làaussi sans contrepartie).

L’origine de cette désorganisation mentale faitsuite à une angoisse automatique qui, du fait dela fragilité des sujets, va effacer les objets in-ternes (chez le névrosé, c’est l’intrusion objectalequi crée l’angoisse. Dans la mélancolie, l’introjec-tion objectale est associée à la culpabilité).

L’issue d’une telle dépression peut être sévère(morcellement somatique). Pour RAIX (1990), ilexiste certains points communs entre le « burn-out » dans sa forme « asymptomatique » et cettedépression essentielle. Elle peut représenter « lepoint de jonction entre l’infarctus du dirigeant etla rupture dépressive de l’infirmière parfaite etsans défaillance pendant vingt ans ».

Le « burn-out » renfermerait ainsi une « maladiedépressive à double détente : une forme occultéepar des symptômes de lutte et une dépressionsans symptômes (essentielle), sans passage obli-gée de l’une à l’autre ». Leur origine estcommune, « liée au travail dans la mesure où ce-lui-ci est source de carence identificatoire chezun sujet à la personnalité fragile ». SCARFONE(198% retrouve ainsi une « étrange ressem-blance » ente le « bum-out » et la dépression es-sentielle. L’absence de symptômes positifs, lapoursuite des activités habituelles sans tristesseni auto-accusations, l’absence de demande d’aidele confirmeraient. Le rapport avec autrui, « ins-trumental, dévitalisé, pétrifié » tel que décrit

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dans le syndrome d’épuisement peut refléter enfait une vie opératoire selon la défmition despsychosomaticiens.Mais aux États-Unis, les théories psychosomati-ques a fortiori psychanalytiques ne trouvent quetrès peu d’écho, seul FREUDENBERGER pré-sentant quelques points de réflexions communsavec de telles approches.

Comparaison btma-o.ut et dépressionpsy évaluation qzfantitahe

MEIER en 1984 a étudié auprès de 320 ensei-gnants plusieurs échelles et en particulier cellesde « burn-out » (au moyen du M.B.I.), de dé-pression (Costello-Comrey Depression ScaleC.C.D.) et de la satisfaction au travail. Son butétait de vérifier la consistance interne du « burn-out » et de le comparer avec la dépression etd’autres variables.

La consistance interne a bien été vérifiée, mais ila été trouvé aussi une forte corrélation avecl’échelle de dépression ce qui fait supposer quecette cohérence interne correspondrait en fait àla cohérence interne du concept de dépression.

Pour MEIER, les deux concepts semblent aussi« flous » l’un que l’autre. Dépression et « burn-out » ont comme point commun d’exprimer dessentiments négatifs de démoralisation. Leur ap-proche par l’utilisation d’échelles ne permet pasd’appréhender leur réalité. MEIER est convaincumalgré les résultats que l’étiologie du « burn-out » diffère de celles de la dépression et quel’évolution dans le temps des deux tableaux n’estpas la même.

L’état dépressif correspondrait à une perte bru-tale de renforcement alors que la personne peutencore éprouver des issues positives dans sontravail. Dans le « burn-out » il s’agirait d’uneperte insidieuse de renforcement sur une périodede temps plus longue aboutissant à l’absence desatisfaction dans le travail.

Ainsi selon MEIER, le « défi » pour les recher-ches ultérieures sera de repérer et d’analyser cequi le rend différent de la dépression.

FIRTH lui aussi en 1986 a cherché à corréler lesdeux entités auprès de 200 personnes travaillantdans des structures de soins pour handicapésmentaux. Le choix de cette population n’est pasun hasard puisque FIRTH appuie ses hypothèsessur la notion de << dépression professionnelle »qui a été décrite par OSWIN en 1978 dans desmilieux identiques.

La dépression professionnelle comprend des sen-timents de lassitude, de déception avec sensationd’inutilité du travail accompli. Les infirmières fi-nissent par se résigner à un tel état d’esprit,prennent de la distance et abandonnent toutepossibilité d’améliorer les choses. Un tel état aété aussi dénommé « l’institutionnalisation dupersonnel » par RAYNES en 1979.

FIRTH et al. (1986), sont d’avis que le « burn-out » ressemble beaucoup à cette dépressionprofessionnelle et ont donc essayé de corrélerM.B.I. et échelle de pessimisme de BECK pourconfirmer leur idée. Ils ont associé un test depersonnalité qui envisage les aspects intro et ex-tra punitifs (BEDFORD and Foulds Personnah-ty Devince S&e).

Les résultats confirment la corrélation entre l’hu-meur dépressive exprimée au B.D.I. et la sous-échelle d’épuisement émotionnel du « burn-out »(p < 0,001). Les corrélations avec I’accomplisse-ment personnel (p < 0,Ol) et la déshumanisationCp < 0,Ol) sont plus faibles ce qui était d’ailleursattendu.

L’épuisement émotionnel est corrélé avec les cri-tères de la dépression professionnelle décrite parOSWIN.

Le désir de quitter son poste a aussi été corréléà l’humeur dépressive. Enfin, si le « burn-out »et la dépression se rejoignent bien sur l’humeurdépressive, une nuance intéressante a été mise enévidence : les personnalités de type extra puni-tives manifestent une forte perte d’empathie(sous-échelle de déshumanisation), elles projet-tent leurs problèmes vers les autres. Les person-nalités intro punitives expérimentent des degrésde pessimisme plus important avec manque d’ac-complissement personnel, elles évitent tout chan-gement et toute prise de décisions et sont asso-ciées à la dépression professionnelle.

FIRTH estime pour fini que le concept de dé-pression professionnelle est plus adapté pour dé-crire les tableaux de découragement au mavaildans les institutions de soins au long cours, enaccord avec les travaux d’OSWIN. 11 confirme ladifficulté d’étudier les rapports entre le « burn-out » et dépression, les deux étant vraisemblable-ment liés bien que différents.

HAACK (1988) enfin, les a abordés de manièreintéressante dans une enquête longitudinales’adressant à une cohorte d’élèves infirmiers (enpremière, deuxième et dernière année) à un and’intervalle.

Il est conftrmé que cette population d’étudiantsà majorité féminine est fragile puisqu’il est trou-vé 55 % de symptômes dépressifs sévères aumoyen du C.E.S.D. (Center For EpidemiologicStudies Depression). Les niveaux d’ensemble du« burn-out » sont proches de ceux observés dansles groupes d’infirmières et de médecins en acti-vité.

La consommation d’alcool est fréquente, aug-mentant vers le milieu du cursus pour rester sta-bIe ensuite.

Yélément intéressant est qu’il existe une évolu-tion inversement proportionnellle entre la pré-sence de symptômes dépressifs et celle de« burn-out ». Ainsi, au fur et à mesure de leurprogession dans le cursus, les étudiants manifes-tent moins de symptômes dépressifs alors que

Le syndrome du burn-out

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les scores de << burn-out >> - et notamment celuide déshumanisation - augmentent régt-lièrement.

HAACK émet l’hypothèse - déjà proposée pard’autres auteurs - que le développement d’untel syndrome paraît être un moyen de défensecontre l’affect dépressif. La prise de distance aumoyen de la déshumanisation était l’élément fon-damental de ce processus. Toutefois la hauteprévalence de dépression trouvée dans l’étude in-terroge : est-ce que les personnes dépriméeschoisissent plus volontiers la carrière de soins ?Est-ce que le système d’enseignement est dépres-siogène ? Es-ce que ces étudiants déprimés leresteront en abordant leur vie active?

Autant de questions qui amèneront des proposi-tions de réponses au niveau préventif et quipourront éclairer d’une autre manière le pro-blème du << burn-out ».

2d) Burn-out et anxiété

Certains symptâmes du << burn-out >>, en particu-lier ceux du << registre psychosomatique >> sont japprofondir, notamment dans leur rapport avecl’anxiété ou l’angoisse.

L’angoisse est selon FREUD (Inhibition, symp-tôme et angoisse) un << état d)affect associé à undéplaisir >>. A l’origine elle serait apparue enréaction à l’état de danger que représente la nais-sance.

Cette angoisse initiale est appelée << angoisseautomatique >> et sera reproduite sous formed’<< angoisse signal >> chaque fois que l’individuéprouvera une sensation de danger, que celui-cisoit << réel >> (extérieur) ou pulsionnel (intérieur).A ce moment-là, << l’angoisse signal dalarme »permet d’induire la formation de symptômes quivont soustraire le Moi à la situation de danger.

S’inspirant grandement des théories Freudiennes,l’école de Psychosomatique de Paris considère lemalade psychosomatique en état de << névrosetraumatique >>, c’est-à-dire présentant une fragilitéextrême vis-à-vis des événement extérieurs oudes excitations internes.

Les sujets sont << incapables de traiter mentale-ment les conflits >>, au moyen par exemple dedéfenses élaborées comme les névrotiques, etprésentent alors un processus de somatisation.

L’émotion première donne lieu « à des phéno-mènes mentaux puis somatiques sans que lemental qui précède dans le temps le somatiqueconstitue en lui-même une cause du somatique >>(P. MARTY cité par STORA).

Un des reproches fait aux théories psychosoma-tiques est qu’elles n’expliquent pas le choix del’organe et le moyen par lequel il est atteint lorsdu processus de somatisation.

Le symptôme psychosomatique n’a souvent<< pas de sens >> contrairement au symptôme hys-térique par exemple.

Les manifestaüons en sont des céphalées, des al-gies, des troubles digestifs (ulcère), un éréthismecardiovasculaire voire de l’hypertension arté-rielle..., signalées dans les symptômes cliniquesdu << burn-out >>.

Mais FREUD n’envisageait pas seulement le<< symptôme >> comme unique moyen de luttecontre l’angoisse. Un autre procédé relève del’irhibition.

L’inhibition (limitation d’une fonction en physio-logie) est défmie par FREUD comme « expres-sion d’une limitation du fonctionnement du Moi,soit par mesure de précaution, soit à la suited’un appauvrissement en énergie >>.

L’inhibition contrairement au symptôme est unemodalité indîff&enciée quant à sa structure (cen’est pas un produit de formation de l’in-conscient). Elle permet de renoncer à un fonc-tionnement qui provoquerait le développementde l’angoisse.

L’inhibition peut toucher les grandes fonctionsvitales y compris dans le domaine du travail oùil y existe alors une << diminution du plaisir à tra-vailler, une exécution défectueuse de ce travail,des phénomènes réactionnels tels que la fatiguesi le sujet s’est forcé à poursuivre le travail ».

Pour en revenir au << burn-out >>, la descriptionpsychanalytique évoque ce qui est décrit dansl’épuisement émotionnel (je me sens fatiguée, aubout du rouleau, je travaille trop fort), dans ladéshumanisation (devenir insensible, ne pas faireattention) et le manque d’accomplissement per-sonnel (absence d’efficacité, d’énergie, d’épa-nouissement).

Cet aspect foncièrement névrotique a été décritau siècle dernier dans la Neurasthénie deBEARD : fatigue physique et intellectuelle, trou-bles fonctionnels. Cette Neurasthénie est prochedes traits de caractère psychasthénique (lANET)avec sentiment d’incomplémde, d’inhibition af-fective.

PRINCE cité par BIBEAU suspecte de ce fait le<< burn-out >> de n’être << qu’un maquillage de laNeurasthénie classique ».

L e s nosologies p l u s récentes décrivent uneforme clinique d’inhibition anxieuse (POROT,1984) chez des sujets hyperémotifs et timides,liée à un sentiment d’infériorité, entraînant desconduites d’effacement et d’évitement. Le retraitdu << burn-out >> pourrait alors bien y corres-pondre.

Que ce soit donc sous forme d’élaboration desymptômes psychosomatiques ou d’inhibition, leprocessus du burn-out trouve probablement unepartie de ses origines dans un sentiment d’angoisse mal métabolisé par le sujet.

40 Recherche en soins infirmiers N’ 32 - Mars 1993

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Après cette présentation théorique illustrée parles données de la littérature, nous abordons uneexpérience plus pratique de l’épuisement en mi-lieu de travail au travers d’une enquête d’épidé-miologie descriptive dans un échantillon de po-pulation infirmière.

ÉTUDE DU BURN-OUTAUPRÈS D’UNE POPULATION

D’INFIRMIERStravaillant en milieu

psychogériatriqueau C.H.S. Esquirol

Nous avons présenté comment le syndrome de« burn-out » a trouvé un certain développementau sein des professions d’aide en Amérique duNord. Nous nous sommes demandé si un telphénomène clinique pouvait s’observer chez dessoignants en France.Nos hypothèses sont :- d’une part que le « burn-out » a une valeurtransculturelle limitée : il ne peut être transposétel quel et sans réserve d’un pays à un autre,

- d’autre part que son contenu est fmalementpeu spécifique, ses caractéristiques cliniques leconfondant avec un état dépressif.

Pour vérifier nos hypothèses, nous avons choisiune population de soignants à laquelle nousavons proposé des échelles de psychopathologiequantitative.

1) MATÉRIEL ET MÉTHODE

la) La population choisie

La population a étk choisie au sein du C.H.S.Esquïrol de Limoges, et pour obtenir un échan-tillon suffisamment important d’infirmiers dontl’activité serait assez semblable, nous avonscontacté les personnes travaillant dans les pavil-lons à orientation pspchogériatrique uniquement.Les autres secteurs de soin présentent des prof&trop divers au niveau du recrutement des patho-logies.Dans le cadre de l’enquête, la population de soi-gnants concernés comprenait 124 personnes tra-vaillant dans les unités de psychogériatrie duC.H.S. Esquirol (tous secteurs confondus) en dé-cembre 1991.

Une lettre a été adressée à chacun d’eux débutjanvier 92, en précisant le motif de l’enquête

(épuisement professionnel) et son cadre (thèsede médecine), ainsi que la libre participation etla garantie de l’anonymat.Un coupon réponse était joint pour faire part del’accord ou du désaccord de la personne concer-nant le principe de cette étude (délai de réponseinitial de 1 mois).

Une fois l’accord donné, la personne était ren-contrée sur son lieu de travail pour remplir lesdifférentes échelles d’auto et d’hétéro évaluationretenues.

lb) Le contenu de l’enquête

L’enquête comprend trois parties :

Données descr@tives générales

rL

L

L

Sujet Sexe

AiF

Statut familial

Diplôme Type de formation (psychia-trique spécifique ou diplômed’Etat)

Ancienneté

Activité Date débutprofessionnelle

Motivation choix en psychia-trie (réponse ouverte)

Services antérieurement fré-quentés

Formations réalisées

Service actuel Motivation choix de l’unité(obligation de rotation ouchoix volontaire)

Mode de fonctionnement del’unité (psychogériatrie aiguë,chronique o u h ô p i t a l d eWI

Ancienneté

Antécédents Arrêt maladie dans l’annéeécoulée

Séjour hôpital

Prise d’un traitement médical

Le syndrome du burn-ouz

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MASLACH burn-out inventory

Ne disposant en France d’aucune échelle évaluantle phénomène de « burr-out », nous avons utilisél’échelle américaine de M&%ACH, en gardantbien sûr à l’esprit que cette échelle n’a pas été val-dée statistiquement sur des populations françaises.

Des auteurs anglais (FIRTH) et australiens(PIERCE et MOLLOY) ont employé cette échelleen l’absence de validation dans leur culture.

La traduction de cette échelle a été trouvée dansun article de FONTAINE (Canada) et dans latraduction française du livre sur le « burn-out »de PINES, ARONSON et KAFRY.

Cette échelle de 22 items fournit au total 6 va-leurs, à savoir, un score de fréquence et d’inten-sité pour les trois composantes du syndrome :l’épuisement émotionnel, la déshumanisation etl’accomplissement personnel.Les scores obtenus aux différentes sous-échellespermettent de classer le sujet à un niveau« bas », « moyen », ou (( haut » de burn-out.

Échelle de dépression de BECK(Beck Depression Inventory 1961)

En matière d’échelle de dépression, il existe unegrande abondance de questionnaires. Nousavons retenu celui de BECK, traduit par DELAYet al. en 1963. Une version abrégée de 13 itemsa été proposée en 1972 et c’est celle que nousavons utilisée.PARIENTE et GUELFI (1990) attribuent àl’échelle de BECK une fidélité et une consis-tance interne satisfaisante qui ont pu être large-ment vérifiées.Cette échelle comprend donc 13 items décrits parquatre énoncés correspondant à des degrés d’inten-sité, à cocher selon l’état présent. Ils abordent lesprincipaux symptômes dépressifs y compris ceuxqui évoquent des formes sévères. C’est un test re-connu comme valable pour apprécier la prévalencedes symptômes dépressifs en population générale,ce qui est le cas dans cette enquête.

Un score total est obtenu avec quatre groupesen fonction des seuils :

D e O à 4 Sujet non déprimé

De5à7 Sujet faiblement déprimé

De8à15 Sujet modérément déprimé

Supérieure à 16 Sujet sévèrement déprimé

Nursing Stress Scale (N.S.S.)

Il apparaissait assez difficile de choisir uneéchelle de stress parmi là aussi les nombreusesproposées (essentiellement par les travaux anglosaxons). Au risque d’être critiquable au point de

vue méthodologique, nous avons tenu à utiliseréchelle nord américaine élaborée par

FeGRAY-TOFT en 1981 et dont l’intérêt résidedans sa spécificité de l’exercice infirmier.

Une série de situations « communément ren-contrées à l’hôpital » est proposée et l’infumièredoit cocher « avec quelle fréquence elle a perçucette situation comme stressante ».Sur la série de 34 items, il existe 7 sous-groupes ex-plorant des sources de stress Vari&es (pour les printi-paux citons la mort et les mourants, les conflits avecles médecins et les collègues, le manque de support,la préparation inadéquate, la charge de tiavail).

Pour notre étude nous avons donc utilisé lamoyenne du score obtenu à la N.S.S. pour éva-luer le degré de stress.

Les études statistiques appliquées à cette échellela donnent comme valide sur des populationsnord américaines, elle n’a pas été validée enFrance et nous l’avons donc utilisée comme unsimple indicateur du niveau de stress propre ànotre population.

Échelles d%étér0 évahation

M.A.D.R.S.Montgomery, Asberg Depression Rating Scale)

Cette échelle est une des plus utilisées avec cellede HAMILTON. Elle comprend 10 items éva-lués de 0 à 6 selon une progression de gravité. Iln’y a pas de seuil défini pour évaluer un état dé-pressif et nous avons donc retenu la moyennede notre population pour séparer deux groupes :

- en dessous de la moyenne, absence d’état dé-pressif probable,- au-dessus de la moyenne, présence de symp-tômes dépressifs.

L’échelle d’anxiété de COVI

C’est une évaluation par l’observateur de l’anxié-té perceptible dans le discours, le comportementet les plaintes somatiques. La cotation progressede « pas du tout » à « énormément ». C’est uneéchelle là aussi souvent utilisée et qui a l’avan-tage d’être complète et facile à coter.

2) RÉSULT+~TS

Par courrier et dans le délai prévu, nous n’avonsreçu que 39 réponses acceptant de participer etdeux réponses exprimant un refus (sans motifprécisé). Le taux initial de réponse positive estdonc de 31,45 % ce qui est un taux de participa-tion assez habituel dans les sollicitations écrites.

Nous avons pris la décision de faire une relanceavec rencontre au niveau des équipes soignantes,ce qui a pu mettre à jour les défauts du premiercontact écrit :

- biais par l’utilisation du terme « épuisement )),

42 Recherche en soins îdïrmiers N’ 32 - Mars 1993

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- manque de précision sur le déroulement del’enquête,

- crainte d’une utisation administrative,- de plus, les infirmiers venaient d’être solliti-tés par une enquête mise en place par la méde-cine du travail, d’où une certaine confusion.

Cette deuxième relance a permis d’effectuer lesentrevues, pendant une durée de six semaines.La répartition finale est la suivante :

- 2 refus par écrit,

- 17 refus par oral,- 2 non participation du fait d’un congé maladielongue durée,

- les échelles de dépression, stress et anxiété.

Les résultats apparaissent dans le tableau à-dessous.

Une méthode d’analyse factorielle a été par ai-leurs appliquée aux six sous-échelles de « burn-out » avec leurs valeurs dans l’échantillon. Il res-sort, comme pour les études de MASLACH quel’épuisement émotionnel et la déshumanisationsont corrélés entre eux tandis que la composanteaccomplissement personnel est isolée.

Les différents facteurs de corrélation sont lessuivants (ordre décroissant F = Fréquence, 1 =Intensité, r = Coefficient de corrélation) :

Déshumanisation (J?) et déshumanisation (1)r = 0,8587

Épuisement émotionnel 0 et Épuisement émo-tionnel (JJ r = 0,8065

Accomplissement personnel (J?‘) et Accomplisse-ment personnel (r) x = 0,528O

Épuisement émotionnel (t) et Déshumanisation(l) r = 0,5124

- 5 « impossibilités » pour motifs divers (vacances,maladie, changement d’équipe...).

Soit 98 dossiers remplis dont 3 non exploitables,ce qui fait un échantillon de 95 sujets.

Par souci de clarté, nous présentons les donnéesdescriptives générales et les résultats des échellesde psychopathologie quantitative sous formed’illustrations graphiques (pages ci-après).

Les scores des sous-échelles de « burn-out » ontété comparés par méthode statistique (test duCHI 2) avec :

- les variables descriptives générales de la po- Épuisement émotionnel (I) et Déshumanisationpulation, (F) r = 0,4034

Épuisement émotionnel (F) et Déshumanisation(F ) K = 0,4494

Déshumanisation 0 et Épuisement émotionnelQ) r = 0,4335

Résultats des croisements statistiques (Test du CHI 2)

Sous-échelles de burn-out

4sSexeDiplômeAnnées d’exerciceServices fréquentésFormationsUnité actuelleChoix de l’unitéAncienneté en psychogériatriePosteArrêt maladieBECKM.A.D.R.S.N.S.SCOVI (discours)COVI (comportement)COVI (somatique)

E.E. D A.P. E.E. D A.P.

FRÉQUENCE INTENSITÉ

N S . N.S. N.S. S* N S . N.S.N.S. N.S. NS. N.S. N.S. N.S.N.V. N.S. N.S. N.S. N.S. N.S.N.S. S N.S. N.S. N.S. N.S.N.S. N.S. N.S. N.S. S. N.S.N.S. NS. N.S. S. N.S. SN.S. N.S. N.S. N.S. N.S. N.S.

S N.S. S s NS. N.S.N S . N.S. N.S. N.S. NS. N.S.N.S. N.S. NS. NS. N.S. N.S.

S N.S. N.S. N.S. N.S. N.S.S* N S . N.S. S* S N S .S N.S. N.S. S NS. N.S.

N.S. N.S. NS. S S N.S.N.S. N.S. NS. S S N.S.N.S. N.S. N.S. N.S. N.S. N S .N.S. N S . N.S. NS. N.S. N S .

Abréviations :- E.E. = Epuisement émotionnel.- D = Déshumanisation.- A.P. = Accomplissement personnel.- N.V. = non valide.- N.S. = non significatif.- S = Significatif avec p C 0,05 sauf pour S* où p < 0,001.

Le syndrome du burn-out

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9 0

6 0

7 0

6 0

5 0

4 0

3 0

2 0

1 0

0

T

IRépartition selon le sexe.

Im hommes I

femmes hommes

Répartition selon l’âge.

3 0

2 5

2 0

1 5

1 0

5

021-25 26-30 31-35 36-40 41-45 46-50 51-55 ,B 56

ANS

Statut familial

cblibataire

CI mar ié

I$I vie maritale

n divorcé

q veuf

44 e9 Recherche en soins infirmiers N’ 32 - Mars 1993

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Raisons du choix de l’exercice psychiatrique.

17,54%

,07%

6.14%

1

Type du diplome

9 0

8 0

7 0

6 0

50

4 0

3 0

2 0

1 0

0

3 0

2 5

2 0

1 5

1 0

5

0

a choix

7 hasard

H Etudes r&wmérées

H nécessitb

curiosité, attirance

H opportunité

n titularisation rapide

N infirmierpsychiatrique

q infirmier 0.E

inf i rmierpsychiatrique

infirmier D.E

Ancienneté du diplome.

Oà 6 8 1 0 1 1 A15 16L20 2 1 à25 26à30 >a30ans ans a n s ans ans ans

J

Le syndrome du hum-out

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Nombre d’années d’exercice

8 0

70

6 0

50

40

3 0

20

1 0

0

40

3 5

30

2 5

2 0

T

15 --

10 --

5 --

07

5 0

45

4 0

35

30

2 5

2 0

1 5

1 0

5

0 -r

+ + + +Oàlan là3ans 3àlOans lOà20 rA20ans

ans

Nombre d’unités fréquentées

+aucun un seul deux trois et plus

Autres types d’exercices.

CI-SE autre mil ieu structure autresseulement psychiatrique médicale

4 6 Recherche en soins infirmiers N’ 32 _ Mars 1993

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Fréquence des formations.

35

3 0Ï

2 5

2 0

1 5 t

1 0 -l

5

0 I

50

4 5

4 0

3 5

3 0

2 5

20

15

1 0

5

0 -psychogkiatrie psychog6riatrie

aigue chronique

3 0

2 5

20

1 5

1 0

5

0

aucune obligatoire rare souvent trèssouvent

Pavillon actuel

hbpital de jour

Ancienneté dans le pavillon actuel.

moins de 1 à 2 a n s 2 & 3 a n s 3 & 4 a n s 4 A 5 a n s plus de 51 an ans

Le syndrome du burn-out

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70

60

50

4 0

20

10

0

60

50

40

3 0

20

10

0

Poste occupé

4,21%

E plein temps

•ll partiel ou ambnagé

n veille uniquement

o u i n o n

Arrêt maladie pendant l’année écoulée.

-26%

Prise d’un traitement médical.

o u i n o n

4 8 Recherche en soins infirmiers N’ 32 - Mars 1993

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6 0

5 0

4 0

3 0

2 0

10

0

5 0

4 5

4 0

3 5

3 0

2 5

2 0

15

10

5

0

Hospitalisation pendant l’annéeécoulée.

8 . 4 2 %

91,58%

Répartition de l’état dbpressif parautoévaluation.(EcheIle de BECK).

non déprimé faiblement moyennement sévèrementdéprim6 déprimé deprimé

RBpartition de l’état dépressif parhbtéroévaluation (Echelle de h4.A.D.R.S).

O-5 6-l 0 11115 16-20 21-25 26-30

Le syndrome du burn-out

$ ‘0/--Y&/- 4 9

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AnxiétB évaluée par échelle de COVI.40

3 5

3 0

2 5

2 0

1 5

1 0

5

.Q. .

0 Ipas du tout un peu niodérément beaucoup Bnormément

50

45

4 0

3 5

30

2 5

2 0

1 5

1 0

5

0

1 8

1 6

1 4

1 2

1 0

8

6

4

2

Répartition des scores de stress obtenu & la NursingStress Scale(N.S.S)

a COVl(comportement)

* COVl(somatique)

o-5 6-10 11-15 16-20 21-25 26-30 3135 36-40 4145 4.-50 5155 5.6-60 Si-65

RBpartiton des degrés de burn out en fréquence.

faible moyen

1 E.E(frequence)

0 D(frequence)

q A.P(frequence)

Recherche en soins infbmiers N’ 32 - Mars 1993

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Répartition des degrés de burn out en intensité.4 5

40

3 5

3 0

2 5

2 0

1 5

1 0

5

0 4-

H E.E(intensité)

q D(intensité)

H A.P(intensitB)

4

faible moyen fort- E.E = Epuisement Emotionnel.- D = DBshumanisation.

- A.P = Accomplissement personne

Répartition entre I&n out fort (E-E Blevd, D. Bled et A-Pbas),burn out faible (E-E bas,D. bas et A.P BlevB) et les autres

combinaisons (FREQUENCE). .

66,32

1 4 . 7 4 %

n faible

0 fort

q autres combinaisons

Abréviations:E.E : Bpuisemenl émotionnel

D : déshumanisationA.P. : accomplssement personnel

Répartition entre burn out fort (E-E Bled, D. BlevB et A.P bas),burn out faible (E.E bas, D. bas et A.P Elevé) et les autres

combinaisons (INTENSITE).

60,00% 21,QSX

H faible

0 f o r t

a autres combinaisons

Le syndrome du bura-out

s ‘.,--&.---

51

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DISCUSSION

L’enquête réalisée a apporté un certain nombrede données et fournit matière à un premiertemps de discussion.

1) C O M M ENTAIRES DES RESULTATSDE L’ENQUETE

II y a tout d’abord 19 personnes qui n’y ont pasparticipé (soit 15 Oh), sans qu’il ait été possibled’en apprécier toujours le motif. On peut suppo-ser que ce personnel, malgré la participation deleurs collègues d’équipe, est resté sur la défen-sive soit :

- par refus d’une certaine introspection parrapport à leur souffrance,

- par manque d’intérêt,- par crainte que les réponses ne leur soientpréjudiciables,- ou enfin parce qu’ils éprouvent une perted’illusion et/ou un certain cynisme faisant partied’un épuisement professionnel.

Pour ceux qui ont participé, la séquence s’est dé-roulée en deux temps qui nous paraissent déjàintéressants :

- le premier contact par écrit n’a obtenu quepeu de réponses,

- le deuxième contact avec rencontre auniveau des unités de soins a montré la réalitéd’une « curiosité méfiante » envers ce médecinqui « portait intérêt aux infirmier(e)s ». C’étaitune démarche originale qui éveillait chez eux à lafois la satisfaction d’être pris en compte et unecertaine réticence à « se livrer ». Les entrevuesont été l’occasion, certes, de la quotation deséchelles, mais aussi de l’évocation parfois pro-longée des difficultés ou au contraire de la satis-faction ressentie dans le travail. Les échelles pa-raissaient alors bien ternes et pas toujoursadaptées à côté de la richesse des informaüonsémanant des conversations. Ceci a permis decommencer à prendre conscience qu’un besoind’écoute avec demande d’aide éventuelle étaientpatents, bien au-delà des scores un peu figés denos outils d’évaluation.

L’kchelle de « burn-out » a été accueillie de ma-nière variable mais assez souvent, la compréhen-sion des items était difficile, du fait sans doutede l’imperfection de la traduction utilisée (faitepar des Québécois). L’expression classique « jeme sens brûlé(e) par mon travail », sensée pro-v o q u e r une reconnaissance métaphorique desouffrance n’a pas rencontré une adhésion immé-diate. L’équivalent recherché renvoie à un registxeplus « oral » d’être « vidé, rongé » voire de manièreplus populaire « bouffé » par son travail.

L’échelle de stress par contre au travers de sesitems, est apparue plus accessible à une réalitéquotidienne. Cependant, le mot « stress » a desreprésentations très hétérogènes pour chacun.

Les échelles de pessimisme et de dépression ontprovoqué par leur lecture des réactions prouvantla fragilité de l’équilibre thymique de certainssoignants dont l’état d’esprit en situation de tra-vail était particulièrement sombre.

Concernant l’utilisation de l’échelle de « burn-out », il faut préciser en préambule :

- que nous avons appliqué l’échelle M.B.I. se-lon la stricte consigne des auteurs, ce qui fournit6 scores à exploiter,- les nuances entre fréquence et intensité appa-raissent peu significatives. Selon les différentescorr&lations, une ou l’autre s’exprime sans domi-nance particulière,- dans les différentes études de la littérature,les auteurs utilisent rarement ces scores : certainsne considèrent que la variable « fréquence »(WOLPIN, OGLJS, KELLER) ; d’autres ajoutentles différents totaux (MEIER), d’autres enfin tra-vaillent sur la moyenne obtenue dans leur échan-tillon (BURKE, PIERCE, COADY). Il est doncdifficile d’établir des comparaisons avec leurs ré-sultats.

Dans notre échantillon : (résultats simplifiés rap-portés à la moyenne)

Burn-out ELEVE = 14,74 % (fréquence)à 21,05 % (intensité)

Bum-out FAIBLE = 18,95 % (fréquence etintensité)

Autres combinaisons = 60 (intensité)à 66,32 % (fréquence)

Les moyennes de notre population sont trèsproches des normes données par MASLACH etPINES pour les profession d’aide. Seuls nosécarts types sont un peu différents. La méthodestatistique a utilisé nos moyennes avec les écartstypes préconisés par MASLACH.

L’application de l’échelle, malgré l’absence de savalidation en France, donne donc des résultatsdans l’ensemble non « aberrants » (moyennesproches des normes américaines, prévalence du« burn-out » entre 15 et 20 %, concordante avecla littérature).

Le profil de la population et ses relations avec le« burn-out » sont les suivants :

- l’échantillon se compose d’une majorité defemmes ce qui est plutôt attendu en milieu soi-gnant infirmier. La proportion d’hommes n’estcependant pas négligeable (15 %). La surrepré-sentation féminine au sein des milieux infirmiersa donné l’occasion de justifier la morbidité éle-vée de troubles psychopathologiques notammentdépressifs. En ce qui concerne le « burn-out », lalittérature ne donne pas de vulnérabilité particu-lière en fonction du sexe, ce qui est confirmé

52 Recherche cn soins infirmiers N’ 32 - Mars 1993

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dans notre échantillon puisqu’il n’existe pas decorrelation significative entre les deux variables.- La moyenne d’âge est assez élevée (40 ans);Les in&miew(e)s qui ont moins de 40 ans pré-sentent un épuisement émotionnel plus élevé queceux qui ont dépassé cet âge. Par contre, larecherche d’un épuisement dans des tranchesd’âges plus jeunes n’a pas été significative (âge25-30 ans, ancienneté du diplôme inférieure à3 ans, peu d’années d’exercice). On ne retrouvedonc pas de relation entre le nombre d’annéesen contact avec les patients et un épuisement,particulièrement à la période avancée comme« critique » (de 1 à 3 ans). Par contre la déshu-manisation des rapports est plus importante chezles soignants qui ont moins de 10 ans de car-rière. Ceci confirme l’avis de la plupart des au-teurs (MASLACH, JXELLER, SNIBBE) qui ex-pliquent que la perte d’empathie envers lepatient représente une prise de distance exces-sive vis-à-vis de la situation émotionnelle desoin, dans un but de protection chez les soi-gnants jeunes manquant d’expérience pxofession-nelle.

- Le fait d’être diplômé d’état ou infmnier psy-chiatrique n’a aucune conséquence sur les scoresde « burn-out ». Par contre, ceux qui ont travail-lé uniquement au C.H.S. Esquirol présentent unépuisement et une déshumanisation moindresque les infirmier(e)s ayant connu un moded’exercice plus varié. De même, ceux qui ont faitdes formations fréquentes ou très fréquentes(1 par an) sont épuisés avec sentiment d’ac-complissement personnel plus bas que les infir-mier(e)s faisant peu de démarches de formation.Ceci a déjà été observé et expliqué : la formationéloigne temporairement du lieu de travail, c’estune tentative faite pour diminuer un sentimentd’épuisement. Mais cette mise à distance n’estpas toujours efficace.

- Le choix pour la pratique psychiatrique a of-fert des réponses variées : il est motivé dansprès de la moitié des cas et se justifie sur l’inté-rêt de la relation avec le patient (souvent moins« technique » que dans les services médicaux ouchirurgicaux). Des motivations initiales plus« matérielles » arrivent en bonne place maisn’excluent pas un intérêt pour la profession.Nous n’avons pu exploiter de façon méthodolo-giquement satisfaisante cette question qui offraitdes réponses multiples.

- Par contre, une des variables riche en infor-mation concerne la motivation quant à l’acuviteauprès des personnes âgées ((< choix du pavi-lon ))). En effet, 37 O/o de l’khantillon exprimentun choix volontaire de leur unité. Ce groupe-làse trouve significativement plus nombreux dansles unités de psychogériatrie aiguë et l’hôpital dejour. 58 % font état d’une « obligation » dans lecadre des rotations générales des postes. Nonseulement, ce sentiment d’obligation existe maisil est lié à une présence prépondérante en psy-

chogériatrie chronique. Ceci veut dire que la psy-chogériatrie chronique n’est pas prisée et que larotation des postes oblige les soignants à s’ytrouver. Les soignants qui sont ainsi pxésenrs au-près de patients âgés sans I’avoir réellementchoisi, expérimentent de manière significative unépuisement émotionnel plus important avecmauvais sentiment d’accomplissement personnelpar rapport à ceux qui ont choisi la pratiquepsychogériatrique. Mais la composante <( déshu-manisation » n’est pas statistiquement différentepour les deux groupes : malgré l’absence de mo-tivation pour la tâche, la relation avec les pa-tients reste suffisamment empathique, ce qui estplutôt positif. Mais il faut émetrxe peut-être uneréserve et tenir compte d’éventuelles falsifica-tions dans les réponses aux items de déshumam-sation. Un autre apport statistique présente unecorrélation significative entre cette méme ab-sence de choix et la fréquence des arrêts maladieen 1991. L’arrêt maladie rentre alors dans le ca-dre d’un « absentéisme-maladie », seule alterna-tive possible permettant au soignant épuisé de semettre à distance quelques jours de la situationde travail.- De façon un peu paradoxale par rapport auxrésultats précédents, le « burn-out » n’est passtatistiquement différent entre les trois activitésaiguë, chronique ou hôpital de jour. Pourtant, ila été écrit que la pathologie chronique en paxti-culier psychiatrique était bien un défi à la moti-vation soutenue (CROMBEZ et al., 1985, GIL-MORE, 1983). C’est sans doute pour cetteraison que la durée d’exercice est courte dansces unités avec rotation rapide des postes. Cesrotations surviennent finalement dans des unitésqui auraient au contraire besoin de personnelstable et expérimenté (PLOTON, 1981). Au vude ces résultats et de l’ambiance perçue lors desentretiens, on peut dire que la pratique psycho-gériatrique favorise l’épuisement, entraînant uneabsence de choix pour ces unités et une démora-lisation. Ceci est perceptible dans le discours quiexprime soit des sentiments de dévalorisationavec fatalisme, soit des mécanismes projectifs(relativement agressifs) rejetant la faute sur lesystème ou les médecins... La détresse dans uncas comme dans l’autre est la même.- Pour finir, le « burn-out » évalué dansl’échantillon est bien en corrélation avec la fré-quence des arrêts maladie. Nous avons déjà évo-qué l’aspect « défensif » évident de cetteconduite. Par contre, la consommation de psy-chotropes n’est pas élevée : un peu moins de10 O/o. M. ESTRYN-BEHAR avait évalué cetteconsommation à 26 % chez les infirmières deson échantillon. Un biais de falsification existepeut-étre dans le recueil de nos données.

Dans l’ensemble, nous avons donc pu mettre enévidence un certain degré d’épuisement émotion-nel, de déshumanisation et de manque d’ac-complissement personnel au sein de la popula-tion infirmière étudiée. Mais les composantes du

Le syndrome du burn-out

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« burn-out » ne recouvrent pas le « profil » habi-tuellement décrit par les auteurs à savoir : sujetjeune, débutant dans la profession et expérimen-tant une détresse de façon rapide.

Pour expliquer cette discordance, nous pouvonsproposer deux propositions non exclusives l’unede l’autre :- le biais des non réponses (ou de certainesdkmissions précoces) n’a pu permettre d’appré-hender le phénomène dans sa réalité,

- le syndrome de « burn-out », tel que définipar Freudenberger et MASLACH, ne peut êtreappliqué tel quel et sans réserve à des soignantstravaillant dans une institution française.

Notre avis est que, certes un « épuisement » aété retrouvé, mais que celui-ci est plus patent sila tâche n’est pas effectuée avec motivation, si lesoignant a moins de 10 ans de carrière ou pasplus de 40 ans : ce que nous avons évaluécorrespondrait alors à une insatisfaction ou unelassitude plutôt qu’à un véritable « burn-out ».

Il s’agit probablement d’un phénomène d’usure àmoyen terme qui n’a pas grand chose à voiravec un « incendie » massif et rapide.

Au vu de ces réflexions notre idée est qu’aumoyen d’une échelle déftie, nous aurions évalué« autre chose » que ce qu’elle était sensée mesurer.

Là encore, deux explications interdépendantes :

Ces résultats, et les réserves qu’ils imposent,confirment notre première hypothèse de ré-flexion à savoir une valeur transculturelle limitéedu syndrome de « burn-out ».

Cependant, nous avons bien eu le sentimentd’évaluer un phénomène dont il faut préciser ladynamique.

2) QU’A T-ON ÉVALUÉAU TRAVERS DE L’ÉCHELLEDE BURN-OUT APPLIQUÉEA NOTRE POPULATION ?

2a) Un effet du stress professionnel

Le « burn-out », nous l’avons vu, partage denombreux points communs avec le stress, no-tamment par le biais du mode d’adaptationcomportemental (coping) aux différents facteursde stress professionnels.

Maïs assimiler l’épuisement au stress lecondamne à le perdre dans un cadre très flou etgénéral, actuellement délaissé par les auteurs. Lesrecherches sur le stress doivent bénéficier d’unnouveau souffle pour être pertinentes sur unplan clinique sans parler de la psychopathologietrop souvent absente dans ce type de travaux.

L’intérêt du stress peut résider dans l’étude etl’évaluation de certains facteurs spécifiques avecélaboration de stratégies de prévention.

Dans notre étude, il est intéressant de constaterque le stress est effectivement perçu et que lesdifférentes sous-échelles proposées s’organisentde façon plus ou moins prépondérante (méthodede régression linéaire simple avec le niveau destress global évalué par la Nursing Stress Scale) :

- en premier est cité le sentiment d’être prépa-ré(e) de manière inadéquate pour faire face auxbesoins du patient et de sa famille. Cette compo-sante est une des plus proches du schémacomportemental classique : situation nouvelleavec stimulus émotionnel impliquant uneréponse. Si le soignant n’a pas à sa disposition lasolution qui lui paraît la plus adéquate, un« stress » apparaît. Il est vécu sur un mode d’an-xiété et d’insatisfaction ((( il faut bien dire quel-que chose aux familles même si on ne saitpas >>). Le problème majeur des théories dusttess est qu’aucune explication n’est fournieconcernant I’étape la plus cruciale : pourquoi lapersonne ne dispose-t-elle pas de la « meilleureréponse » ?

- le facteur suivant est relatif aux conflits avecle médecin. C’est surtout l’anticipation d’unconflit qui semble générer un certain stress. Iltrouve son origine dans un poids hiérarchiqueencore perqu comme patent;

- enfin, le contact avec la mort et les mourantsn’arrive qu’en troisième place (l’évaluation plusfine de ce facteur serait sans doute intéressante)suivi de la charge de travail, des conflitsd’équipes, d’incertitudes par rapport aux traite-ments ;

- il est étonnant de constater que le sentimentde « man,que de soutien » (primordial pour ES-TRYNBEHAR ) n’arrive ici qu’en dernier. Maisson coefficient de corrélation reste encore trèsfort (0,61). Le sentiment de manque de soutienn’a rien à voir avec le nombre d’heures que lemédecin passe dans le pavillon ou la fréquencedes réunions d’équipe. Ce qui est primordial ànotre avis est l’existence d’une bonne communi-cation avec le médecin qui est perçu (et qui secantonne) trop souvent comme prescripteur toutpuissant, la communication interpersonnelle etavec les surveillants étant de même trop souventdéfaillante. Nous ne sommes pas là pour juger sile manque de soutien ressenti est réel ou pas, lefait est que, per$u comme tel, il est source desouffrances.

2b) Évaluation d’une anxiété

Notre étude a pu mettre en évidence des corré-lations significatives entre épuisement élevé, ac-complissement personnel bas et anxiété percepti-ble dans le discours.

L’évaluation de l’anxiété perceptible dans lecomportement et les signes somatiques n’est pascorrélée à l’épuisement.

Recherche en soins idhniers N” 32 - Mars 1993

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Nous pensons que la participation anxieuse du« burn-out » relève d’une inhibition pxépondé-rante. L’inhibition entraîne une absence de prisede décision et une absence d’initiatives, favori-sées nous l’avons vu par un fonctionnement hié-rarchique qui semble laisser peu de liberté ausoignant. L’inhibition, si elle a un côté « confor-table » pour le sujet est très néfaste pour l’équi-pe de soin qui perd son dynamisme et risque deplonger dans une inertie routinière.

L’échelle que nous avons utilisée n’était malheu-reusement pas adaptée pour appréhender l’inhi-bition anxieuse.

2c) Évaluation d’une dépression

Les corrélations les plus significatives sontconstatées entre <X burn-out » et échelles de dé-pression (auto et hétéroévaluation).

On note une prévalence dépressive concordanteà celle de la littérature : 13 % moyennement dé-primés, 3 % sévèrement.

Le chevauchement entre la composante clé deI’kpuisement émotionnel et l’état dépressif avaitdéja été souligné par MEIER.

Ceci ne nous étonne pas : l’instrument de me-sure de MASLACH évalue tout simplement unprocessus d’affaiblissement et de perte d’énergiequi renvoie à une entité clinique ayant fait sespreuves : la dépression.

Nous pensons que la description du « burn-out »correspond à celle d’un affect dépressif sur desarguments cliniques et psychoparhologiques :- sur le plan clinique : la fatigue, le repli, l’in-hibition, les signes psychosomatiques et surtoutla baisse de l’estime de soi sans culpabilité fla-grante, la demande d’aide (même si elle n’est pasau premier plan) sont autant d’éléments quiorientent vers une dépression « névrotique ».Ce terme est bien sur imprécis et flou puisqu’ilpeut inclure un état dépressif tout à fait modéré,une dépression réactionnelle ou un état surve-nant sur des symptômes névrotiques. L’aspect« névrotique » renvoie pour nous à une repré-sentation simplifiée, donc fortemenr caricaturale,par rapport à la mélancolie. Si l’on se situe dansles critères diagnostiques du D.S.M. III R., onparlera plutôt de << dysthymie ». L’intérêt depointer cette dimension névrotique réside dans lefait qu’on imagine alors presque immédiatementun sujet dont le contact est bon, marqué par unedemande d’aide et un désir de revalorisation nar-cissique. Deux formes cliniques particulières sontintéressantes dans le cadre de notre réflexion :

- la dépression d’épuisement : dans son déroule-ment, elle semble avoir fourni un modèle évidentau « burn-out » (augmentation de l’activité, stagna-tion et repli, effondrement). Cette enüté devraitêtre réservée à notre avis aux professions deresponsabilité (cadre) pour garder son otigïnalité,

- la dépression essentielle : son élaborationthéorique s’éloigne déjà un peu des névroses,mais le tableau clinique est à connaître pourpouvoir aider justement ces déprimés qui ont sipeu de souffrance exprimée.

Au carrefour entre dépression essentielle et dé-pression d’épuisement, nous rejoignons leconcepr de dépression anaclitique décrit parBERGERET. Cette maladie du « Narcissisme »serait de plus en plus répandue dans les sociétésoccidentales. Notre idée est que l’on ne peut pasraisonnablement envisager que la majorité dessoignants, enseignants ou cadres présentent unepersonnalité aussi astructurée.

- Sur le plan psychopathologique : la séquencedécrite dans le « burn-out » : relation envers au-trui, écart trop grand entre Idéal du Moi et réal-té, absence de gratification dans cette relationavec production des symptômes cliniques précé-demment cités, évoque tout à fait une séquencede fonctionnement psychique névrotique. Freud,cité par OLIE a écrit « tout névrosé présentequelques traits de dépression et d’attente an-xieuse ». II n’est pas besoin d’aller alors chercherplus l o i n Yexplication d’un phénomène de« burn-out » au moins dans son initiation. Lessympt8mes constatés résultent de l’élaborationde défenses banalement névrotiques, rentrantsoit dans le cadre d’une réaction de « contre-transfert » (PIus juste serait contre atitude) soitdans l’émergence d’une symptomatologie dkpres-sive si la faille narcissique est trop importante outrop souvent mise à nu.

L’entité de <( burn-out » que les auteurs ont tenuà individualiser depuis 1974 aux Etats-Unis serévèle donc actuellement manquer de spécificité.

L’idée initiale était séduisante : individualiser unesouffrance particulière chez un jeune soignanttrop idéaliste, voulant réparer son propre narcis-sisme dans un engagement envers autrui. Lafrustration inévitable et intolérable issue de laréalité, le plongeait dans une détresse assimilée àune I< brûlure interne ».

Mais par la suite l’klargissement du champ d’ap-plication, le manque d’élaboration théorique (enprivilégiant au contraire les échelles de mesure)l’ont confiné à concept intégrateur @BEAU)par lequel on décide que tout un ensemble designes hétérogènes est dB à des conditions detravail.

Si les premiers écrits ont éveillé notre intérêt parleur originalité, malheureusement c’est une cer-taine déception qui lui a faiait place.

GOLEMBIESKY se console en estimant que sile « burn-out >) n’est pas quelque chose decomplètement nouveau, cela reste une évaluationnouvelle des changements des valeurs liées autravail.

Le « burn-out » semble un peu s’essouffler Ou-tre Atlantique, sous l’effet de ce manque de soli-dité théorique et clinique.

Le syndrome du burn-out

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Dans un même registre, on voit apparaître uncertain « syndrome de fatigue chronique » décritchez les cadres.

Malheureusement, la fatigue n’est peut-être làencore qu’un signe contingent et universel quikhappe à toute description univoque.

Comme l’écrit BUGARD (1760) « commentfaire entrer des phénomènes hétérogènes dansun cadre lui-même imprécis ? la fatigue échappeà toute définition »,

Concernant la fatigue, nous rappellerons qu’ellea déjà été utilisée comme synonyme de dépres-sion d’épuisement et maladie des managers :« fatigue des dirigeants ».

De plus, en psychopathologie, WIDLOCHER(1781) la considère comme un symptôme pri-mordial de l’état dépressif. La fatigue ne seraitpas simplement l’effet de la tristesse mais elle laprÉcéderait. La fatigue relèverait d’un facteurpsychasthenique (crainte d’une incapacité de l’ac-tion) et d’une expression subjective du ralenüsse-ment idéomoteur.

Le « burn-out », la fatigue renvoient donc tousdeux à un noyau dépressif qu’il est nécessaired’évaluer cliniquement.

Mais l’histoire du « burn-out » n’est pas totale-ment sans intérêt, même si elle souffre de cer-taines lacunes.

Ce syndrome a permis de pointer une souffranceen situation de travail et peut faire proposer uneréflexion en terme de psychopathologie du travail.

3) IMPLICATIONS ENPSYCHOPATHOLOGIE DU TRAVAIL

On pourrait réfléchir sur un modèle d’idéologiedéfensive des métiers chez les soignants tel quel’a decrit C. DEJOURS pour les ouvriers du bâ-timent. L’éqclipe d’ouvriers de DEJOURS travaillesur un lieu de danger réel : la peur née de la per-ception de ce danger ne peut être acceptée tellequelle, elle génère une anxiété, une so.$+ance, au-tour de laquelle va s’élaborer une défense co&w5ve :prise de risque, non respect de sécuritk apparais-sant paradoxaux pour I’obsematew commun.

Que proposer chez les soignants ?

L’infumièr(e), dans une pratique hospitalière, ap-partient à une iq,t$e de travail dont le but estd’atténuer la souffrance et obtenir la guérisondes malades. Or, la confrontation entre la réalitéquotidienne et l’idéal de soin (sans doute tropélevé) conduit à la perception d’un << datzger »cette fois-ci interne, pulsionnel, qui va créer uneangoisse : le sentiment dangereux pourrait être ex-primé de la sorte : « je suis incapable d’empê-cher la mort des autres et à plus forte raison jene peux empêcher ma propre mort ». Ce typed’angoisse entraîne un sentiment de culpabilité

propre à la structure névrotique du sujet. Cettesouffrance, accentuée par le manque de re-connaissance (des patients, du groupe social), vaentraîner l’élaboration dkne défense collective qui seprésente comme une oscillation entre engage-ment excessif et désinvestissement, mise à dis-tance par une hypertechnicité et déshumanisationdans les rapports avec autrui.

Ainsi, à la place de l’abnégation du don de soi(religieuse-infirmière) fait place une relative nonimplication qui là aussi paraît paradoxale pourl’observateur.

De meme, « l’endurcissement », l’hypomanie faceaux situations douloureuses, les « pauses café »qui s’éternisent sont autant d’éléments apparentsde cette défense collective qui permet au soi-gnant de se reconnaître dans l’autre et maintientla cohésion du groupe tout entier.

Des variantes propres à la spécificité de l’exer-cice existent : puisque nous avons eu une mo-deste approche du milieu psychogériatique, quel-ques grandes lignes peuvent s’individualiser :

- l’activité n’est en général pas choisie : le soi-gnant qui s’y retwouve ressent un sentimentd’abandon propre par rapport aux autres services ;

- l’idéal soignant est particulièrement pris à dé-faut. Là plus qu’ailleurs, les efforts pour guérir lepatient, pour le faire sortir de l’hôpital serontvains, ne rencontrant que la dégradation inéluc-table et la mort;

- le travail est pénible, agressant toutes lesfonctions physiologiques (vision, olfaction, sys-tème musculo-squelettique) ;

- l’équilibre psychologique est particulièrementmenacé par le contact avec une personne âgéereprésentant un aîné devenu complètement dé-pendant (inversion des rôles) et par le contactomniprésent avec la mort de cet aîné. L’équilibreNarcissique nécessite d’être solide et les conflitspsychiques les plus archaïques devront avoir étéréglés.

La pratique psychiatrique a connu par ailleursdepuis trente ans une évolution propre obligeantle soignant à un adaptation avec remise en ques-tion permanente (SEGUIN, 1989) : mise enplace des chimiothérapies, développement de lapsychopathologie, critiques sociales de I’institu-tien, augmentation du nombre de praticiens, di-versification des centres de soins et ouverturevers l’extérieur...

Ces éléments nouveaux amènent leurs change-ments mais aussi leurs risques et leurs limitespour l’ensemble des intervenants en psychiatrie.

La souffrance évoquée dans le développementd’une idéologie défensive de métier mérite uneinvestigation et un soutien de manière plus logi-que possible.

11 faut tout d’abord une approche clinique rigou-reuse, permettant de reconnaître un état patholo-gique ftanc nécessitant un traitement par exemple.

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Mais il faut aussi proposer un soutien et uneécoute envers le groupe professionnel souffrant.L’enjeu est important et mériterait une mise enplace de groupes de parole dans les unités desoin avec un intervenant extérieur à la structure.Cet intervenant devra manifester une bonneconnaissance du milieu et posséder des qualitésde psychothérapeute. Son rôle est de catalyserles différents affects en abordant le vécu du soi-gnant par rapport à un patient ou à toute autrepersonne de l’équipe. Cette proposition à la foisd’écoute bienveiktnte revalorisante e t d ’ a i d e àl’introspection apporterait un bénéfice à l’équipeet à chacun, mais bien sûr pas à court terme.Notre avis est que le médecin du service parti-cipe à ces démarches pour pouvoir montrer luiaussi les failles de son engagement, ses doutestrop souvent masqués derrière une apparentecertitude.

Cette idée n’est certes pas nouvelle puisque déjà,appliquee essentiellement en entreprise. Le sys-tème de soin français ne semble pas prêt encoreà de telles méthodes qui lui seraient pourtant sa-lutaires.

CONCLUSION

Le lien qui existe entre l’homme et son travail aaidé à bâtir des civilisations. C’est un lien parfoismystérieux en tout cas primordial.

Comprendre ce lien et l’aborder en terme psy-chopatologique permet d’appréhender une partieimportante de l’activité humaine.

C’est ainsi que beaucoup d’auteurs d’horizonsdifférents participent en France à une réflexionparticulière sur la situation de travail aussi bien àpartir du plaisir que de la souffrance qu’elle peutengendrer.

Nous avons présenté les caractéristiques et lesbuts de cette psychopathologie du travail dansune première partie.

Puis nous avons étudié comment une entité ch-nique nouvelle, très liée justement aux valeursculturelles du travail, a été définie aux Etats-Unissous le terme de « burn-out » dans les annéessoixante-dix.

Le syndrome de « burn-out » se manifeste parun sentiment de détresse psychologique chez unsujet en situation de travail épuisant rapidementses ressources émotionnelles dans une relationd’aide envers autrui.

Victime d’un engouement auprès des milieuxscientifiques et sociologiques, les lacunes de cetableau clinique sont rapidement apparues : man-que d’élaboration théorique, manque de spécificité.

A travers le « burn-out », il a été de plus en plusévident que l’on parlait de choses déjà connues,

au carrefour entre stress, trouble de l’adaptation,anxiété ou dépression.

Intéressés cependant par la description initiale,nous avons voulu rechercher dans quelle mesureil était possible de transposer cette notion de« burn-out >P dans un système de soins français.

Il a donc été proposé à un échantillon d’infu-miers travaillant en psychogériatrie des échellesde psychopathologie quantitative évaluant le« burn-out 11 mais aussi la dépression, l’anxiété etle stress.

Les résultats montrent une certain prévalence dusyndrome mais celui-ci ne remplit pas tous lescritères le définissant Outre-Atlantique.

De plus, sa confrontation avec l’entité chnrquede dépression montre qu’à travers lui, la détressepsychologique évaluée correspond à une dynami-que dépressive que nous classons dans un regis-tre général névrotique.

Ceci confirme la valeur mansculturelle limitée dutableau Nord Américain et sa trop forte ressem-blance avec la dépression.

Le syndrome de « burn-out » a l’intérêt cepen-dant de pointer un malaise, une détresse authen-tique qui méritent d’être évalués.

Mais que l’on veuille rechercher une souffranceen deçà de la maladie mentale ou un état patho-logique avéré, il faut garder à l’esprit l’apphca-tion d’une méthode clinique rigoureuse.

Il reste néanmoins vrai que soigner, enseigner,aider l’autre devient peut-être en cette fin de siè-cle plus particulièrement difficile.

Ceci nous a conduit à proposer un modèle« d’idéologie défensive de métier » tel que défmipar C. DEJOURS : les sujets travaillant enéquipe élaborent des défenses individuelles puiscollectives spécifiques pour éviter l’apparitiond’une souffrance et d’une anxiété, incompatiblesavec le bon déroulement du travail.

Le concept que nous proposons chez le groupeinfirmier met en évidence un équilibre précaired’adaptation qui nécessiterait la mise en place degroupes de soutien dont nous esquissons un mo-dèle de fonctionnement.

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