Encéphalopathie au métronidazole et dégénérescence olivaire hypertrophique réversibles

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J Radiol 2010;91:304-6 © Éditions Françaises de Radiologie, Paris, 2010 Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés lettre neuroradiologie Encéphalopathie au métronidazole et dégénérescence olivaire hypertrophique réversibles X Cazals (1), P Omoumi (1), P Agnard (1), R Bibi (1, 2), C Ferquel (1), N Cazeneuve (1), L Hocqueloux (1) et C Magni (1) Key words: Metronidazole. Encephalopathy. Hypertrophic olivary degeneration. MRI. Mots-clés : Métronidazole. Encéphalopathie. dégénérescence olivaire hypertrophique. IRM. Le patient a été traité par une vitamino- thérapie de sevrage, une quadri-antibio- thérapie (Métronidazole 500 mg × 3 + Ceftriaxone + Vancomycine + Thiam- phénicole) par voie intraveineuse pen- dant 4 semaines puis une bi-thérapie (Mé- tronidazole 500 mg × 3 + Ceftazidime 6 g /jour). Cliniquement il gardait une discrète hémiparésie gauche séquellaire des abcès cérébraux. Cinq semaines plus tard sont apparus des troubles de l’équili- bre, de la marche et de la phonation. L’examen clinique retrouvait une fran- che hémiparésie gauche, un signe de Ba- binski gauche, une dysarthrie cérébelleu- se, un élargissement du polygone de sustentation, une danse des tendons, une dysmétrie aux membres supérieurs. Le patient était apyrétique, sans trouble de conscience. Une nouvelle IRM (1.5 Tesla) a été réalisée avec des séquences en écho de spin pondérées en T2 et T1 sans et avec injection de produit de contraste, en FLAIR, en diffusion et FLAIR 3D. Elle montrait (fig. 1) la persistance des abcès les plus volumineux, la disparition des micro-abcès, l’apparition sur les séquen- ces TSE T2 et FLAIR, d’hypersignaux bilatéraux et symétriques des noyaux dentelés, des pédoncules cérébelleux su- périeurs et inférieurs, des colliculi infé- rieurs, des faisceaux centraux du tegmen- tum et des noyaux olivaires inférieurs discrètement hypertrophiés. Ces lésions étaient en discret hypersignal en diffusion avec un ADC augmenté (fig. 2), en dis- cret hyposignal en T1 sans rehaussement après injection de gadolinium. En l’absence de trouble de conscience, de fièvre, et compte tenu de la mise en route précoce d’une vitaminothérapie, l’appari- tion d’hypersignaux bilatéraux et symé- triques des noyaux dentelés évoquait, dans un contexte de prise de Métronida- zole (96 g sur 64 jours), une encéphalopa- thie secondaire à cet antibiotique. Le Fig. 1 : Séquences axiales en écho de spin T2 montrant les hypersignaux sur les noyaux dentelés (flèche noire) (a), les faisceaux centraux du tegmentum (flèche blanche) et les noyaux olivaires inférieurs hypertrophiques (flèche noire) (b). ab e FLAGYL ® (Métronidazole) est un antibiotique antibactérien issu de la famille des 5-nitro imidazolés, utilisé depuis plus de 30 ans dans le traite- ment d’infections médicochirurgicales à anaérobies et de certaines infections para- sitaires. Ses principales complications neurologiques sont les céphalées, les neu- ropathies sensitives périphériques et l’ataxie. L’encéphalopathie au Métroni- dazole est une complication rare, dont une vingtaine de cas sont rapportés en imagerie. L’ensemble des lésions (1) est réversible à l’arrêt du traitement à l’ex- ception de certaines lésions du corps cal- leux et des noyaux olivaires inférieurs. Nous présentons le cas d’un patient at- teint d’une encéphalopathie au Métroni- dazole, avec atteinte des noyaux olivaires inférieurs. Toutes les lésions sont réversi- bles à l’arrêt du traitement y compris l’at- teinte olivaire. Observation Nous rapportons le cas d’un patient âgé de 51 ans, éthylo-tabagique chronique, sans antécédent particulier, hospitalisé pour prise en charge d’abcès cérébraux multiples à Fusobactérium Nucléatum dé- couverts suite à des troubles de conscience dans un contexte de fièvre et d’altération de l’état général. En dehors des abcès à pyogènes aux étages sous et supra- tento- riels, l’IRM ne montrait aucune autre anomalie. L (1) Service de Neuroradiologie, Hôpital de la Source, CHR Orléans, 14, avenue de l’Hôpital 45067 Orléans ce- dex 2. (2) Service de Neuroradiologie, Hôpital Breton- neau, CHRU Tours, 2, boulevard Tonnellé 37000 Tours. Correspondance : X Cazals, 64, rue de la Californie, 37000 Tours. E-mail : [email protected]

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J Radiol 2010;91:304-6© Éditions Françaises de Radiologie, Paris, 2010

Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

lettre

neuroradiologie

Encéphalopathie au métronidazole et dégénérescence olivaire hypertrophique réversibles

X Cazals (1), P Omoumi (1), P Agnard (1), R Bibi (1, 2), C Ferquel (1), N Cazeneuve (1), L Hocqueloux (1) et C Magni (1)

Key words:

Metronidazole. Encephalopathy. Hypertrophic olivary degeneration. MRI.

Mots-clés :

Métronidazole. Encéphalopathie. dégénérescence olivaire hypertrophique. IRM.

Le patient a été traité par une vitamino-thérapie de sevrage, une quadri-antibio-thérapie (Métronidazole 500 mg

×

3 +Ceftriaxone + Vancomycine + Thiam-phénicole) par voie intraveineuse pen-dant 4 semaines puis une bi-thérapie (Mé-tronidazole 500 mg × 3 + Ceftazidime6 g /jour). Cliniquement il gardait unediscrète hémiparésie gauche séquellairedes abcès cérébraux. Cinq semaines plustard sont apparus des troubles de l’équili-bre, de la marche et de la phonation.L’examen clinique retrouvait une fran-che hémiparésie gauche, un signe de Ba-binski gauche, une dysarthrie cérébelleu-se, un élargissement du polygone desustentation, une danse des tendons, unedysmétrie aux membres supérieurs. Lepatient était apyrétique, sans trouble deconscience. Une nouvelle IRM (1.5 Tesla)a été réalisée avec des séquences en échode spin pondérées en T2 et T1 sans et avecinjection de produit de contraste, en

FLAIR, en diffusion et FLAIR 3D. Ellemontrait (fig. 1) la persistance des abcèsles plus volumineux, la disparition desmicro-abcès, l’apparition sur les séquen-ces TSE T2 et FLAIR, d’hypersignauxbilatéraux et symétriques des noyauxdentelés, des pédoncules cérébelleux su-périeurs et inférieurs, des colliculi infé-rieurs, des faisceaux centraux du tegmen-tum et des noyaux olivaires inférieursdiscrètement hypertrophiés. Ces lésionsétaient en discret hypersignal en diffusionavec un ADC augmenté (fig. 2), en dis-cret hyposignal en T1 sans rehaussementaprès injection de gadolinium.En l’absence de trouble de conscience, defièvre, et compte tenu de la mise en routeprécoce d’une vitaminothérapie, l’appari-tion d’hypersignaux bilatéraux et symé-triques des noyaux dentelés évoquait,dans un contexte de prise de Métronida-zole (96 g sur 64 jours), une encéphalopa-thie secondaire à cet antibiotique. Le

Fig. 1 : Séquences axiales en écho de spin T2 montrant les hypersignaux sur les noyaux dentelés (flèche noire) (a), les faisceaux centraux du tegmentum (flèche blanche) et les noyaux olivaires inférieurs hypertrophiques (flèche noire) (b).

a b

e FLAGYL

®

(Métronidazole) estun antibiotique antibactérien issu dela famille des 5-nitro imidazolés,

utilisé depuis plus de 30 ans dans le traite-ment d’infections médicochirurgicales àanaérobies et de certaines infections para-sitaires. Ses principales complicationsneurologiques sont les céphalées, les neu-ropathies sensitives périphériques etl’ataxie. L’encéphalopathie au Métroni-dazole est une complication rare, dontune vingtaine de cas sont rapportés enimagerie. L’ensemble des lésions (1) estréversible à l’arrêt du traitement à l’ex-ception de certaines lésions du corps cal-leux et des noyaux olivaires inférieurs.Nous présentons le cas d’un patient at-teint d’une encéphalopathie au Métroni-dazole, avec atteinte des noyaux olivairesinférieurs. Toutes les lésions sont réversi-bles à l’arrêt du traitement y compris l’at-teinte olivaire.

Observation

Nous rapportons le cas d’un patient âgéde 51 ans, éthylo-tabagique chronique,sans antécédent particulier, hospitalisépour prise en charge d’abcès cérébrauxmultiples à

Fusobactérium Nucléatum

dé-couverts suite à des troubles de consciencedans un contexte de fièvre et d’altérationde l’état général. En dehors des abcès àpyogènes aux étages sous et supra- tento-riels, l’IRM ne montrait aucune autreanomalie.

L

(1) Service de Neuroradiologie, Hôpital de la Source, CHR Orléans, 14, avenue de l’Hôpital 45067 Orléans ce-dex 2. (2) Service de Neuroradiologie, Hôpital Breton-neau, CHRU Tours, 2, boulevard Tonnellé 37000 Tours.Correspondance : X Cazals, 64, rue de la Californie, 37000 Tours. E-mail : [email protected]

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traitement a été suspendu 72 heures aprèsl’apparition des symptômes. Le syndromecérébelleux a disparu en moins d’une se-maine. Le diagnostic d’encéphalopathieau Métronidazole compliquée d’une dé-générescence olivaire hypertrophique a

été retenu. Un contrôle IRM, réalisé 5 se-maines plus tard, montrait une dispari-tion complète des lésions y compris ladégénérescence olivaire hypertrophi-que. Seule persistait une petite cavitéporencéphalique sur le trajet du faisceaucentral du tegmentum.

Discussion

L’encéphalopathie au Métronidazole estune complication rare. Le mécanismen’est pas bien connu, probablement se-condaire à la réduction de certains neuro-transmetteurs aboutissant à la création deradicaux toxiques pour le système ner-veux (2). La réversibilité des lésions estplus en faveur d’un œdème axonal que delésions de démyélinisation (3).Kim (1), dans une étude rétrospective sur7 patients montre que l’encéphalopathieau Métronidazole présente toujours uneatteinte bilatérale et symétrique touchantles noyaux dentelés, souvent la partie pos-térieure du bulbe, du pont, et du mé-

Fig. 2 : Cartographie ADC : sur les noyaux dentelés comme sur l’ensemble des autres lésions l’ADC est augmentée.

Fig. 3 : Représentation du triangle de Guillain-Mollaret sur une reconstruction coronale issue du FLAIR 3D.La flèche noire représente le pédoncule cérébelleux supérieur, la blanche le faisceau central du tegmentum, en pointillé le pédoncule cérébelleux inférieur.

sencéphale ainsi que le splénium du corpscalleux. Sont plus rarement atteints lasubstance blanche sous corticale supra-tentorielle, les noyaux gris centraux et ex-ceptionnellement la commissure blancheantérieure. En diffusion, les lésions sonten hypersignal ou en isosignal. Les lésionsdu corps calleux présentent une diminu-tion de l’ADC en rapport avec un œdèmecytotoxique. Les autres lésions présententune augmentation de l’ADC en faveurd’un œdème vasogénique. Ces lésionssont sans effet de masse et sont réversiblesà l’arrêt du traitement, à l’exception decertaines lésions calleuses. Ainsi Hamma-ni (4) propose une corrélation entre1’ADC diminué et la persistance de lé-sions.Le premier cas d’atteinte olivaire infé-rieure associée à une encéphalopathie auMétronidazole est rapporté dans l’étudede Jung Im Seok (5). Dans ce cas, les lé-sions persistent à distance de l’arrêt dutraitement et s’accompagnent d’une dis-crète hypertrophie. À l’origine de ces lé-sions, les auteurs évoquent une interrup-tion du triangle de Guillain-Mollaretresponsable d’une dégénérescence olivai-re hypertrophique plutôt qu’une neuro-toxicité directe liée au Métronidazole.Deux autres cas d’atteinte olivaire infé-rieure (1, 4) sans hypertrophie sont rap-portés dans les études de Kim et Hamma-mi et sont interprétés par les auteurscomme des localisations atypiques del’encéphalopathie au Métronidazole.Le triangle de Guillain-Mollaret ou fais-ceau dento-rubro-olivaire

(fig. 3)

corres-pond à la connexion de 3 structures : lenoyau dentelé, les noyaux rouges et olivai-re inférieur controlatéraux. Une interrup-tion entre ces structures est responsabled’une dégénérescence olivaire hypertro-phique (6, 7), se manifestant en IRM sousforme d’une hypertrophie des noyauxolivaires inferieurs en hypersignal enpondération T2, ne se réhaussant pasaprès injection de gadolinium (6). Dansnotre observation

(fig. 4)

, la séquence enFLAIR 3D permet de visualiser l’atteintedes deux triangles de Guillain-Mollareten hypersignal associée à une atteinte bila-térale et hypertrophique des noyaux oli-vaires inférieurs. L’hypertrophie desnoyaux olivaires inferieurs associée à l’at-teinte bilatérale des noyaux dentelés nousoriente vers une dégénérescence olivairehypertrophique plutôt qu’une atteintetoxique du Métronidazole. La réversibili-té des lésions est probablement liée à l’ar-

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rêt précoce du traitement après l’appari-tion des premiers symptômes et aucaractère probablement vasogénique del’œdème (ADC élevé).La dégénérescence olivaire hypertrophi-que est le plus souvent unilatérale, lesétiologies les plus fréquemment rencon-trées sont les accidents ischémiques ou hé-morragiques, l’origine post-traumatique,

les maladies démyélinisantes ainsi que lestumeurs en fosse postérieure (6, 7).Une atteinte bilatérale et symétrique desnoyaux dentelés en hypersignal TSE T2 estégalement rencontrée en cas d’encéphalo-pathie de Gayet-Wernicke, d’encéphalopa-thie au bromure de méthyle, de leucinose(maladie du sirop d’érable) ou d’encéphalo-myélite à entérovirus (1).

Fig. 4 : Atteinte du triangle de Guillain-Mollaret avec reconstructions issues du FLAIR 3D.a Pédoncule cérébelleux inférieur (flèche horizontale) et colliculus inférieur (flèche

verticale).b Pédoncule cérébelleux supérieur.c Faisceau central du tegmentum.d Noyau olivaire.

a bc d

Conclusion

L’IRM est un examen indispensablepour le diagnostic d’encéphalopathie auMétronidazole. L’atteinte des noyauxolivaires inférieurs (probablement paratteinte des triangles de Guillain-Molla-ret) est rare. Elle peut être régressivelorsque le traitement est arrêté précoce-ment et lorsque les lésions présentent unADC élevé en faveur d’un œdème vaso-génique.

Références

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7. Rivierre AS, Kremer S, Antoine V, et al.Quel est votre diagnostic? Hypertrophiedégénérative des olives bulbaires. J Ra-diol 2006;87:985-7.