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71 boulevard Raspail 75006 Paris - France Tel : +33 1 75 43 63 20 Fax : +33 1 75 43 63 23 ww.centreasia.eu [email protected] siret 484236641.00029 note I. Une architecture institutionnelle labyrinthique dans un contexte politique pluriel La complexité du système de gouvernance de l’énergie en Inde s’explique d’abord par la nature fédérale de l’Union indienne. Le gouvernement central coordonne l’ensemble de la politique énergétique du pays, par le biais de ministères multiples et d’organismes spécifiques. Quant aux gouvernements des 28 Etats de l’Union, ils disposent de marges de manœuvre récemment élargies, ainsi que d’outils propres qui sont sous leur contrôle, comme les State Electricity Boards, compagnies publiques de distribution d’électricité, disposant elles-mêmes de diverses filiales spécialisées dans nombre d’Etats (Cf. carte en Annexe 3). Dans un système politique fondé sur une démocratie parlementaire, la pluralité grandissante des partis politiques a favorisé l’émergence, depuis plus de vingt ans, de gouvernements de coalition, contestés par une opposition multiforme. Conduites selon un calendrier largement différent de celui des élections générales, les élections aux Assemblées législatives des 28 Etats portent au pouvoir des partis qui peuvent être membres de la coalition en place au niveau fédéral, ou au contraire, membres de l’opposition. Cette pluralité à la fois interne (au sein de la coalition au pouvoir) et externe (dans les gouvernements des Etats fédérés) complique la tâche de la coalition gouvernant à New Delhi—actuellement l’Alliance Progressiste Unie (UPA), dirigée par le parti du Congrès— particulièrement dans un contexte aussi sensible que celui de l’énergie, pour trois raisons qui se croisent : d’abord la pénurie énergétique, inégalement aigüe à travers le pays, qui suscite évidemment des mécontentements ; ensuite la politique des prix, d’autant que de nombreuses subventions existent, et qu’il est très impopulaire d’y toucher ; enfin, la dimension internationale de la sécurité énergétique : les choix du gouvernement indien peuvent être l’objet de critiques, fondées ou politiciennes, quand ils permettent de soulever la question de l’indépendance nationale, on l’a vu par exemple en 2008 quand fut signé l’accord avec les Etats-Unis sur le nucléaire civil. A. Une structure institutionnelle fragmentée au niveau fédéral Le secteur indien de l’énergie se compose d’une constellation d’institutions qui peinent à se coordonner. Il compte principalement cinq ministères en charge, chacun, d’une grande ressource énergétique : charbon, électricité, pétrole et gaz naturel, énergies renouvelables, et département de l’énergie atomique (Cf. organigramme en Annexe 2). En quête d’une gouvernance énergétique : les grands acteurs du secteur de l’énergie en Inde Janvier 2013 Note d’actualité dans le cadre du projet SECI (Sécurité Energétique de la Chine et de l’Inde) en partenariat avec le CSFRS (Conseil Supérieur de la Formation et de la Recherche Stratégiques) Jean-Luc Racine, vice-président, Asia Centre Isabelle Saint-Mézard, chercheure associée, Asia Centre PROGRAMME SECI

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71 boulevard Raspail 75006 Paris - France Tel : +33 1 75 43 63 20 Fax : +33 1 75 43 63 23 w w. c e n t r e a s i a . e u [email protected] 484236641.00029

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I. Une architecture institutionnelle labyrinthique dans un contexte politique pluriel

La complexité du système de gouvernance de l’énergie en Inde s’explique d’abord par la nature fédérale de l’Union indienne. Le gouvernement central coordonne l’ensemble de la politique énergétique du pays, par le biais de ministères multiples et d’organismes spécifiques. Quant aux gouvernements des 28 Etats de l’Union, ils disposent de marges de manœuvre récemment élargies, ainsi que d’outils propres qui sont sous leur contrôle, comme les State Electricity Boards, compagnies publiques de distribution d’électricité, disposant elles-mêmes de diverses filiales spécialisées dans nombre d’Etats (Cf. carte en Annexe 3).

Dans un système politique fondé sur une démocratie parlementaire, la pluralité grandissante des partis politiques a favorisé l’émergence, depuis plus de vingt ans, de gouvernements de coalition, contestés par une opposition multiforme. Conduites selon un calendrier largement différent de celui des élections générales, les élections aux Assemblées législatives des 28 Etats portent au pouvoir des partis qui peuvent être membres de la coalition en place au niveau fédéral, ou au contraire, membres de l’opposition.

Cette pluralité à la fois interne (au sein de la coalition au pouvoir) et externe (dans les gouvernements des Etats fédérés) complique la tâche de la coalition gouvernant à New Delhi—actuellement l’Alliance Progressiste Unie (UPA), dirigée par le parti du Congrès— particulièrement dans un contexte aussi sensible que celui de l’énergie, pour trois raisons qui se croisent  : d’abord la pénurie énergétique, inégalement aigüe à travers le pays, qui suscite évidemment des mécontentements  ; ensuite la politique des prix, d’autant que de nombreuses subventions existent, et qu’il est très impopulaire d’y toucher ; enfin, la dimension internationale de la sécurité énergétique : les choix du gouvernement indien peuvent être l’objet de critiques, fondées ou politiciennes, quand ils permettent de soulever la question de l’indépendance nationale, on l’a vu par exemple en 2008 quand fut signé l’accord avec les Etats-Unis sur le nucléaire civil.

A. Une structure institutionnelle fragmentée au niveau fédéral Le secteur indien de l’énergie se compose d’une constellation d’institutions qui peinent à se coordonner. Il compte principalement cinq ministères en charge, chacun, d’une grande ressource énergétique  : charbon, électricité, pétrole et gaz naturel, énergies renouvelables, et département de l’énergie atomique (Cf. organigramme en Annexe 2).

En quête d’une gouvernance énergétique : les grands acteurs du secteur de l’énergie en IndeJanvier 2013

Note d’actualité dans le cadre du projet SECI (Sécurité Energétique de la Chine et de l’Inde) en partenariat avec le CSFRS (Conseil Supérieur de la Formation et de la Recherche Stratégiques)Jean-Luc Racine, vice-président, Asia CentreIsabelle Saint-Mézard, chercheure associée, Asia Centre

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Depuis la fin des années 1990, une nouvelle forme d’acteur institutionnel est apparue avec la mise en place d’autorités de régulation indépendantes, d’abord dans le secteur de l’électricité en 1998 (Commission centrale de régulation de l’électricité au niveau fédéral et Commissions de régulations de l’électricité des Etats), puis dans ceux du pétrole et du gaz (Conseil de régulation du gaz naturel et du pétrole en 2006). Des discussions sont en cours pour instaurer une autorité comparable dans le domaine du charbon, mais les perspectives demeurent incertaines en la matière.

L’absence de véritable coordination entre ces divers ministères et autorités constitue l’un des principaux défis à la mise en œuvre d’une politique énergétique cohérente en Inde. La division en charge de l’énergie au sein de la Commission au plan a tenté de militer en faveur d’une plus grande cohérence, notamment en produisant le rapport intitulé Integrated Energy Policy en 20061. Cet effort de coordination est néanmoins resté d’ordre conceptuel, plus qu’organisationnel ; en pratique la Commission peine à faire se coordonner entre eux de puissants ministères et son influence dépend bien souvent des réseaux interpersonnels, plutôt qu’elle n’est strictement assurée au plan institutionnel.

La division ministérielle par grande ressource incite à la compartimentation des dossiers énergétiques, bien plus qu’elle ne favorise la conception d’une politique globale et intégrée, chaque ministère protégeant son portefeuille comme un pré-carré. Il est néanmoins peu probable que le gouvernement indien procède à des regroupements ministériels à l’avenir, pour le seul bénéfice de sa politique énergétique. La raison en est avant tout politique : aucun grand parti ne peut aujourd’hui gagner le pouvoir à New Delhi sans entrer en coalition  avec d’autres formations politiques ; or pour consolider son gouvernement de coalition une fois au pouvoir, il convient de distribuer des portefeuilles ministériels à ses alliés les plus importants. Dans ce cadre, les portefeuilles liés à l’énergie peuvent être assez prisés.

Les relations difficiles entre le ministère du Charbon et celui de l’Electricité sont emblématiques du manque de coordination dont souffre la politique énergétique indienne. Les deux institutions sont pourtant censées collaborer étroitement, le secteur de l’électricité représentant à lui seul 75% de la consommation indienne de charbon. Les deux ministères n’en sont pas moins à couteaux tirés, chacun renvoyant à l’autre la faute sur le dossier critique des pénuries de charbon affectant les centrales thermiques indiennes.

A cela s’ajoute l’action de deux autres ministères, celui de l’Environnement et des Forêts et celui des Affaires Tribales, qui peuvent chacun retarder ou même annuler de grands projets énergétiques, au nom de la préservation des écosystèmes ou de la protection des terres tribales. Jusqu’en 2011, le ministère de l’Environnement et des Forêts détenait un pouvoir important pour qualifier d’« accessibles » ou d’« inaccessibles » (soit “go” and “no-go” areas) les sites susceptibles d’accueillir des projets industriels, dont l’exploitation des mines de charbon 1 Planning Commission, Integrated Energy Policy: Report of the Expert Committee, New Delhi, août 2006.

en zones forestières. Au terme de luttes d’influence sans concession, le ministère du Charbon et les milieux industriels afférents ont eu raison de ce quasi-droit de véto. En 2011, le groupe des ministres présidé par Pranab Mukherjee, alors ministre des Finances et aujourd’hui président de la République, a annulé la classification de « go » / « no-go » pour les projets de mines de charbon en zones forestières. Une nouvelle forme de catégorisation est désormais à l’étude pour les zones censées être soustraites aux activités industrielles d’exploration.

Le ministère des Finances exerce un rôle déterminant en matière de politique énergétique. Il décide notamment des droits de douane sur les importations et procède aux transferts de fonds alimentant le régime de subventions des carburants ; il administre aussi les incitations fiscales en faveur des nouvelles énergies.

Pour dépasser des situations récurrentes de blocages institutionnels, le gouvernement a recours à la formation de mécanismes spécifiques de décisions collectives. Il existe en l’espèce trois sortes de mécanismes  : les Comités interministériels (cabinet committees), les groupes interministériels (Groups of ministers - GOM) et les Groupes interministériels habilités (Empowered group of ministers - EGOM).

• Concernant le premier format, le Comité des Affaires Economiques peut exercer un rôle important sur certains dossiers énergétiques. Typiquement, c’est lui qui a approuvé à l’automne 2012 le programme de restructuration financière des compagnies de distribution électrique en faillite de divers Etats indiens. A noter également, le Premier ministre Singh a annoncé en décembre 2012 la formation d’un Comité interministériel pour les Investissements, destiné à faciliter et à accélérer la mise en œuvre de grands projets d’infrastructures, notamment dans les secteurs de l’électricité et du charbon.

Les groupes interministériels (habilités ou pas) sont établis avec l’aval du Premier ministre pour gérer un dossier politique particulier. Constitués de membres permanents, leur objectif est d’engager des négociations, puis une coordination, entre différents ministères et d’accélérer ainsi la prise de décision sur un dossier épineux.

• En matière énergétique, il existe deux Groupes des ministres (GoMs), l’un sur les questions du secteur de l’électricité, l’autre sur les implications des projets de mines de charbon en matière d’environnement et de développement2. Le

2 Le groupe interministériel sur l’électricité comprends les ministres des Finances, du Pétrole et du gaz naturel, des Energies renouvelables, du Charbon, le vice-président de la Commission au plan, et le Secrétaire d’Etat au sein du ministère de l’électricité, ainsi que les ministres de l’Electricité de tous les gouvernements d’Etats et des Territoires de l’Union (outre les 28 Etats de l’Union, l’Inde compte aussi sept « Territoires de l’Union » dont Delhi, Chandigarh, l’ancien territoire français de Pondichéry, deux anciennes enclaves portugaises et trois archipels. Le second groupe interministériel, sur les mines de charbon, rassemble les ministres de l’Agriculture des Finances, du Commerce et de l’Industrie, du Textile, des Transport et réseaux routiers, des Chemins de fer, du Charbon, de l’Acier, des Mines, de la Justice, le Vice-président de la Commission au Plan et les ministres d’Etat à l’Environnement et à l’Electricité.

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premier a pour mandat de « préparer une feuille de route de long terme pour le développement durable de l’électricité  »  ; le second doit faire des recommandations concernant l’efficacité et la légalité des normes d’autorisations en zones forestières.

• Les groupes interministériels habilités (EGoMs) sont formés sur des dossiers encore plus précis : l’un a été créé pour expédier les «  Ultra Mega Power Projects » (voir ci-dessous), l’autre sur les prix du gaz et l’utilisation commerciale du gaz.

Dans les cas les plus inextricables ou les plus polémiques, la Cour Suprême peut être appelée à intervenir. Fin 2012, l’instance s’est ainsi prononcée sur l’affaire des attributions sans appels d’offres des gisements de charbon (le «  coalgate  »), en clarifiant les modalités d’aliénation des ressources naturelles. Les attributions de gisements de charbon avaient été l’objet d’un rapport au vitriol de la Cour des comptes indiennes, (Comptroller and Auditor General of India) qui a publié également des audits sur d’autres sources d’énergie. La polémique entre le Gouvernement et le CAG a été relayée par l’opposition, qui a bloqué plusieurs jours les séances au Parlement en demandant un examen du dossier. La Cour suprême s’est aussi penchée sur la polémique liée à la centrale nucléaire de Kudankulam, au Tamil Nadu, objet de vives protestations.

B. De très puissantes entreprises publiques

Chaque ministère en charge d’une ressource énergétique (charbon, électricité, pétrole et gaz naturel, énergies renouvelables, et département de l’énergie atomique), chapeaute de grandes entreprises publiques spécialisées dans divers segments d’activités, allant de la production, au financement et à la vente de l’énergie (Cf. organigramme en Annexe 2).

Le ministère du Charbon contrôle trois entreprises publiques :

• Coal India Limited (CIL), établie en 1975, est en charge de l’exploration et du développement des gisements de charbon du pays. C’est la plus grande compagnie de charbon au monde par le personnel employé (370 000 personnes) comme par la production (80% de la production indienne de charbon). CIL est aujourd’hui régulièrement mis sur la sellette pour son incapacité à augmenter sa production de charbon. Dans le même temps, c’est l’une des entreprises les plus riches du pays : un dixième de son capital a été privatisé en 2010 et elle pèse aujourd’hui 44 milliards de dollars, ce qui en fait la troisième entreprise la plus valorisée du pays. Elle détient par ailleurs un hedge fund, TCI, basé à Londres.

• Autre acteur du secteur, Singareni Collieries Company Limited (SCCL), qui associe à part égale (51-49) le gouvernement de l’Andhra Pradesh au gouvernement indien, assure 8% de la production nationale et approvisionne essentiellement les centrales à charbon du Maharashtra, de l’Andhra Pradesh et du Karnataka.

• Neyveli Lignite Corporation Limited (NLC) est une entreprise publique basée au Tamil Nadu et

spécialisée dans l’extraction du lignite.

Le ministère de l’électricité chapeaute six entreprises publiques. Parmi celles-ci, on notera les trois acteurs ci-dessous :

• Créée en 1975, la National Thermal Power Corporation Limited (NTPC) est la plus grande entreprise de génération d’électricité d’origine thermique en Inde (avec 28 centrales thermiques et 36 GW de capacités installées).

• Le Rural Electrification Corporation (REC) a pour mission de soutenir financièrement les gouvernements des Etats pour conduire les projets d’électrification rurale. La REC a été dotée d’un budget de 5.5 milliards de dollars dans le cadre du 11ième plan (2007-2012).

• La Power Grid Corporation of India Ltd (PGCIL) est en charge du réseau national de transmission électrique, le “National Grid”, ainsi que des réseaux électriques régionaux. Elle pour mandat d’améliorer la fiabilité, la qualité, la stabilité et la sécurité du secteur de la transmission. PGCIL chapeaute plusieurs entreprises conjointes pour la transmission dans diverses régions.

Le ministère du Pétrole et du Gaz contrôle une petite quinzaine d’entreprises publiques. Dans le secteur upstream, les grands acteurs spécialisés dans l’exploration et la production sont Oil and Gaz Corporation (ONGC) et Oil India Ltd (OIL).

• Le géant ONGC est leader dans les activités d’exploration et de production. Créé en 1956, il a véritablement pris son essor dans les années 1970, à la faveur de la vague de nationalisations imposées par l’Etat indien sur le secteur pétrolier. ONGC détient deux filiales importantes  : ONGC Videsh Ltd (OVL), pour réaliser des investissements à l’étranger, et, Mangalore Refinery et Petrochemicals Corporation Limited (MRPL), un complexe industriel intégré comprenant une raffinerie et une usine pétrochimique à Mangalore, sur le littoral de l’Etat du Karnataka.

• Oil India Limited (OIL) a été créée en 1959 ; c’est l’une des plus anciennes compagnies indiennes du secteur upstream. Elle est active surtout dans les régions du Nord-est et au Rajasthan.

Dans le secteur downstream, coexistent trois grands acteurs publics  : Indian Oil Corporation Limited (IOCL), Bharat Petroleum Corporation Limited (BPCL) et Hindustan Petroleum Corporation Limited (HPCL). Ces trois entreprises exercent un quasi-monopole sur le commerce de détail des produits pétroliers. Elles sont également très présentes dans l’industrie du raffinage où elles détiennent la moitié des capacités indiennes en la matière.

• IOCL est la première entreprise indienne par le revenu. Elle détient 50% du marché de la vente des produits pétroliers  ; elle possède 32% des capacités de raffinage indiennes et gère 10 raffineries dans le pays, pour une capacité de production combinée de 1.2 million bbl/d (elle contrôle notamment Chennai Petroleum Corporation Limited (CPCL) qui gère deux petites

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raffineries au Tamil Nadu).

• Les deux autres acteurs du secteur, BPCL et HPCL, se classent au troisième et quatrième rang des entreprises indiennes au plus haut revenu en 2012 (voir annexe sur le classement des entreprises indiennes à plus haut revenu en 2012 par The Economic Times).

The Gas Authority of India Limited (GAIL) a été créée en 1984 pour construire et gérer la plus grand gazoduc trans-indien, entre Hazira, Vijaypur et Jagdishpur. Elle détient les trois quarts du marché du gaz naturel transmis par gazoduc. Elle a étendu ses activités à l’exploration, à la production de gaz de pétrole liquéfié (GPL) et à la distribution du gaz de ville.

Le Département de l’énergie atomique exerce un contrôle administratif sur la Nuclear Power Corporation of India Ltd (NPCIL), qui produit l’électricité d’origine nucléaire. Elle opère 20 réacteurs nucléaires, d’une capacité de 4780 MW. Sept autres réacteurs sont en construction, dont le controversé projet de Kudankulam, au Tamil Nadu.

On ne peut que souligner l’importance des entreprises de l’énergie pour le secteur public indien dans son ensemble. Sur les cinq entreprises publiques dotées du statut Maharatna, (« grand joyau » en sanskrit) c’est-à-dire capables d’effectuer des investissements jusqu’à 1 milliard de dollars sans solliciter l’autorisation du gouvernement, quatre appartiennent au secteur de l’énergie. Ces quatre entreprises sont Coal India Limited (CIL), Indian Oil Corporation Limited (IOCL), National Thermal Power Corporation Limited (NTPC) et Oil & Natural Gas Corporation Limited (ONGC).

C. Des Etats fédérés influents

L’Union indienne ayant une structure fédérale, les Etats détiennent d’importantes responsabilités en matière d’énergie. C’est le cas en particulier dans le secteur de l’électricité où, en vertu de la Constitution, les responsabilités sont partagées entre le Centre et les Etats. Les secteurs du pétrole et du gaz, ainsi que du charbon sont, d’après la Constitution, du seul ressort de l’Etat fédéral. Ceci n’empêche pas les gouvernements d’Etats de pouvoir intervenir sur les dossiers de l’extraction du charbon, car ils ont le droit d’émettre des autorisations et des licences d’exploitation des mines dans leur zone de juridiction, lesquelles s’avèrent indispensables à l’obtention de l’approbation finale auprès du ministère du Charbon.

De même, dans le secteur du pétrole et du gaz, les Etats prélèvent des taxes sur les produits pétroliers et gagnent des dividendes sur les opérations d’exploitation de gisements sur leur territoire. De ce fait, le Gujarat a pu s’imposer comme un acteur important du secteur, grâce à la Gujarat State Petroleum Corporation (GSPC), qui est présente dans le secteur upstream ainsi que dans le domaine de la transmission gazière.

En pratique, les grandes politiques lancées au niveau central sont mises en œuvre avec plus ou moins de bonne volonté et d’efficacité au niveau de chaque gouvernement d’Etat. Ceci explique par exemple que la mise en œuvre des réformes du secteur de l’électricité varie considérablement

d’un Etat à l’autre ou que l’évolution de la part des renouvelables présente des situations très hétéroclites.

Chaque Etat a, en fait, un mix énergétique spécifique, qui est souvent le produit des ressources disponibles localement, du type d’infrastructures présentes sur place et des politiques gouvernementales privilégiées. Le Gujarat par exemple est bien doté en équipements gaziers, de sorte qu’il représente presque un quart de la capacité gazière de l’Inde en raison de la proximité des champs de gaz et de terminaux maritimes de gaz naturel liquéfié (GNL= LNG en anglais) à Hazira et Dahej. Autres exemples, 84% des capacités du Bengale occidental et 74% de celles de l’Uttar Pradesh sont basées sur le charbon, car ils disposent d’importantes réserves, tandis que 42% des capacités du Pendjab sont basées sur l’hydraulique. Le Tamil Nadu a, lui, la plus grande proportion de capacités dédiées aux renouvelables (42%) grâce à la politique volontariste du gouvernement de l’Etat en ce domaine.

Surtout, chaque Etat est plus ou moins bien doté en capacités de production. A ce titre, la concentration des capacités de génération dans quelques Etats, généralement les plus prospères et dynamiques (Maharashtra, Gujarat, Tamil Nadu) risque d’aggraver les disparités de développement économiques internes à l’Union. Le graphique ci-dessous l’illustre à sa manière  : en terme de population, le deuxième Etat indien (Maharashtra, 112 millions hbts) dispose de la meilleure capacité installée, alors que le premier par sa population (Uttar Pradesh, 200 millions hbts) n’arrive que sixième en capacité installée. Le Bihar, deuxième par sa population (103 millions hbts) n’apparaît pas dans les dix premiers par sa capacité installée.

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D. Les grandes municipalités

Pour mémoire, l’Inde comptait au recensement de 2011 46 municipalités de plus de un million d’habitants. Ces municipalités se heurtent, à leur échelle, aux mêmes problèmes d’approvisionnement énergétique, de distribution, et de coût de l’énergie. Face à ces défis, certaines grandes villes développent des politiques spécifiques. Par exemple, Pune, au Maharashtra (plus de trois millions d’habitants) joue la carte de la transformation des déchets en énergie avec un certain succès. Surat, au Gujarat (4,4 millions d’habitants) fait de même, mais investit aussi dans l’énergie solaire. Toutes ces villes sont sommées également de mettre en œuvre des politiques d’efficacité énergétique. Au total, ces grands centres urbains doivent être perçus comme des acteurs considérables. Leur gouvernance énergétique peut faire appel à des entreprises étrangères, en particulier en terme d’équipement, voire de modes de gestion.

II. Acteurs publics et privés dans un secteur encore réglementé

A. Un secteur pris en charge par l’Etat jusqu’à la libéralisation des années 1990

L’Inde a hérité au moment de l’Indépendance d’un secteur de l’énergie largement organisé autour d’entreprises privées. Puis, durant les décennies qui ont suivi, c’est l’Etat indien qui a pris en charge le développement du secteur. Dans l’ensemble, les entreprises publiques dans le secteur de l’énergie fonctionnaient de façon plutôt satisfaisante. Pendant quatre décennies, des années 1950 aux années 1980, les State Electricity Boards (SEB) géraient tout à la fois les activités de génération, de transmission et de distribution dans les divers Etats de l’Union, alors que les capacités de production d’électricité enregistraient une augmentation annuelle de 9% par an.

Selon Navroz Dubash, un expert formé dans les meilleures universités américaines et très écouté en Inde sur ces questions, la plupart des entreprises publiques du secteur ont fonctionné correctement tant qu’elles bénéficiaient d’une certaine autonomie. Les premières distorsions sont apparues dans les années 1970, lorsque le système de tarification a commencé à devenir l’enjeu de pratiques clientélistes et d’une gestion réglementée. Les tarifs du charbon sont par exemple devenus dépendants de la gestion des chemins de fer. Le réseau des chemins de fer indien surévaluant le transport de fret pour subventionner le transport des passagers, le prix du charbon a été poussé à la hausse. Les tarifs de quatre grands carburants - le kérosène, le propane ou butane, l’essence et le diesel - ont été fixés par un mécanisme consistant à protéger les consommateurs de la volatilité des prix du pétrole. Cette approche a créé de puissants groupes d’intérêts militant pour la continuation des subventions et a altéré les mécanismes de prises de décisions.

Le secteur de l’électricité a été le plus instrumentalisé à des fins populistes. A partir de la moitié des années

Les dix premiers Etats fédérés indiens en termes de capacités installées, 2012 (GW)

Source  : Sun-Joo Ahn and Dagmar Graczyk, Understanding Energy Challenges in India: Policies, Players and Issues, Agence Internationale à l’Energie et Organisation de la Coopération et

du Développement Economique, Paris, 2012.

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1970, les responsables politiques ont arbitrairement fixé des tarifs très bas, allant jusqu’à la gratuité pour les agriculteurs. Ils ont aussi encouragé une politique de tolérance passive à l’égard des pratiques massives de vols d’électricité auxquelles s’adonnaient de nombreux foyers indiens. Pour compenser les pertes enregistrées dans la distribution auprès des agriculteurs et des ménages, les tarifs de l’électricité réservés aux industries n’ont cessé d’augmenter. A ce jour encore, les tarifs industriels sont très élevés en comparaison de la moyenne internationale. Cette accumulation de dysfonctionnements fait qu’aujourd’hui le secteur indien de l’électricité demeure prisonnier de mécanismes de subventions opaques et non viables, et qu’il se heurte à un problème général de comptabilisation de la consommation, de distorsion de la structure des tarifs et de gaspillages dans la transmission. Les State Electricity Boards sont tous plus ou moins en faillite et ne parviennent pas à fournir de l’électricité de façon suffisante et fiable.

Au début des années 1990, le secteur de l’énergie était en bout de course d’un point de vue financier et technique. Plutôt que d’engager des réformes de fond dans la gouvernance du secteur de l’énergie, le choix a été fait de l’ouvrir aux acteurs privés. L’espoir étant que le marché corrigerait de lui-même les nombreux dysfonctionnements du secteur de l’énergie, dont le vol massif d’électricité et le maintien démagogique des prix du pétrole et du gaz à un niveau très bas (mais parfois considérable pour le pouvoir d’achat d’une grande part de la population). Cette ouverture aux acteurs privés a eu en pratique des résultats mitigés, avec des situations spécifiques dans chaque grand secteur.

Dans le secteur du charbon, les réformes ont été très limitées et le mastodonte Coal India Ltd a continué d’exercer un quasi-monopole sur l’exploitation des gisements de charbon dans le pays. Seule ouverture  : des industries non spécialisées dans la production de charbon, mais nécessitant ce type de combustible pour leur fonctionnement, ont été autorisées à exploiter des mines pour leurs besoins propres (système qualifié de « captive mining » en Inde).

B. La libéralisation du secteur du pétrole et du gaz : l’entrée de grands conglomérats indiens

Comparés aux autres énergies, les secteurs du gaz et du pétrole ont connu une véritable ouverture  avec l’adoption en 1999 d’une politique de licence pour de nouvelles explorations («  New Explorations Licencing Policy ») permettant aux entreprises publiques et privées de faire des offres sur les termes d’accès aux gisements. Cette réforme a permis l’entrée des acteurs privés et une augmentation de 50% des réserves connues. Mais, le manque de transparence dans l’évaluation des offres a débouché sur l’émergence d’une situation d’oligopole où les deux tiers des nouvelles superficies ont été gagnés par deux acteurs dominants, ONGC pour le public, Reliance pour le privé. Reliance Industries Limited (RIL) s’est imposé comme un acteur prédominant dans le secteur upstream grâce à la découverte d’importantes réserves de gaz en Andhra Pradesh, dans le bassin de la Krishna-Godavari (KG) en 20023. C’est en tout état de cause le plus puissant 3 RIL détient également Reliance Gas Transportation Infrastructure (RGTIL), qui gère le gazoduc long de 1 396 km, le East-West Gas

conglomérat indien de ces dernières années, dont le champ d’activité dépasse le seul secteur énergétique.

Les quelques entreprises privées qui opèrent aujourd’hui dans le secteur upstream sont, comme RIL, de grands conglomérats indiens. Cairn India, filiale à 10% du groupe européen Cairn Energy PLC, côté à Londres, est l’une des premières à s’être positionnée dans le secteur dans les années 1990. Elle détient d’importantes réserves au Rajasthan, et produit 149 103 de barils par jour, soit 20% du brut intérieur indien.

Depuis les années 1990, les autorités indiennes ont mis l’accent sur le développement des capacités indiennes de raffinage, d’une part pour répondre à la demande intérieure croissante et, d’autre part, pour imposer le pays parmi les premiers exportateurs mondiaux de produits raffinés. Elles ont fortement encouragé les investisseurs privés à s’engager dans ce secteur. En l’espèce, elles ont été entendues : les grands acteurs privés du secteur, RIL et Essar, ont investi massivement, notamment au Gujarat, comme en témoigne la mise en route de la raffinerie de Jamnagar par RIL en 2008 (aujourd’hui qualifiée de la plus grande au monde avec une capacité de 1,24 millions de bbl par jour) et celle de Vidanar par Essar Oil en 2012. Une troisième conglomérat, Mittal Energy Limited, est entré dans le secteur du raffinage grâce à son entreprise conjointe avec l’acteur public Hindustan Petroleum Corp Ltd, et a commencé des opérations à Bathinda au Pendjab en 2012.

Les entreprises publiques n’ont pas été en reste dans cette course à l’investissement dans le secteur du raffinage. Au final, les investissements massifs des acteurs publics et privés font qu’en 2012, l’Inde s’est imposée comme l’un des premiers exportateurs de produits raffinés en Asie, aux côtés de Singapour. La part de l’industrie du raffinage dans les exportations indiennes est passée de 0,1% en 1999/2000 à 16% en 2010/11 (soit un montant de 40 milliards de dollars). Il est à noter néanmoins que ce sont plutôt les entreprises privées, RIL et Essar Oil, qui opèrent à l’exportation, les grands acteurs publics du secteur restant avant tout orientés vers le marché intérieur.

Les capacités indiennes de raffinage s’élevaient en janvier 2012 à 193.39 MMTPA, dont 116.89 MMT appartenant au secteur public, et 70.50 MMTPA au secteur privé. Sur les 21 raffineries opérant dans le pays, 17 sont dans le secteur public, trois dans le privé, et une est une joint venture de BPCL et Oman Oil Company.

La réforme du secteur du gaz et du pétrole a néanmoins connu un important revers  : la libéralisation des prix des produits pétroliers s’est, en effet, avérée être une tache irréalisable au plan politique. Depuis 1998, tous les gouvernements qui ont tenté de réduire les subventions sur le kérosène et le LPG ont fait marche arrière de peur de subir un revers politique majeur. Dans ce contexte, la montée des prix internationaux du brut à partir de 2004 s’est traduite par des pertes de plus en plus lourdes pour des entreprises publiques obligées de vendre leurs carburants à des tarifs inchangés. Le gouvernement a depuis 2005 dû renflouer régulièrement ces entreprises, pour maintenir leur solvabilité. Annoncés en septembre 2012, la hausse du prix du diesel et surtout l’amenuisement programmé des Pipeline, entre l’Andhra Pradesh et le Gujarat.

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subventions jusqu’à leur disparition devraient commencer en 2013. Leur mise en œuvre sera un test sur la volonté réformatrice du gouvernement de Manmohan Singh, avant les élections générales de 2014.

C. La libéralisation du secteur de l’électricité  : un immense chantier

Dans le secteur de l’électricité enfin, divers Etats indiens (Andhra Pradesh, Gujarat, Haryana, Madhya Pradesh, Maharashtra, and Bengale occidental) ont introduit des mesures partielles de dérégulation et d’ouverture aux capitaux privés dans les années 1990. Répondant à cette tendance, les autorités fédérales ont fait passer une nouvelle loi sur l’électricité en 2003, pour réformer le secteur et l’ouvrir aux forces du marché, en procédant notamment au dégroupage des activités de génération, de celles de la transmission et de la distribution au sein des SEB. L’espoir était que l’arrivée des acteurs privés et l’introduction d’un logique de profit purgeraient le secteur de ses nombreux dysfonctionnements, parmi lesquels le régime de subventions, les infrastructures obsolescentes, et l’opacité générale de son fonctionnement.

Mais l’entrée des acteurs privés dans le secteur de l’électricité n’a guère été concluante. Les capacités de production n’ont pas augmenté autant qu’espéré. A titre d’exemple, le onzième plan quinquennal (2007-2012) prévoyait une augmentation des capacités de l’ordre de 78 700 MW. En pratique, celle-ci n’a pas dépassé les 55,000 MW4. Cette difficulté à atteindre les objectifs fixés est attribuée à divers problèmes qui, à dire vrai, affectent l’ensemble de la vie économique indienne (retards et désorganisation des fournitures de matériel, manque de personnels qualifiés pour la construction et la commande des projets, disputes contractuelles entre les autorités en charge du projet, les entrepreneurs et les sous-traitants, problèmes de conception, et manque de carburants).

Le secteur de la distribution reste lui-aussi dans une situation trop précaire pour que les acteurs privés s’y aventurent. Des Etats ou de grandes municipalités se sont dotés d’entreprises de distribution privées (Delhi avec Tata Power Delhi Distribution Ltd, Kolkata avec la Calcutta Electric Supply Corporation, l’Orissa…), avec des résultats mitigés. Partout ailleurs, les compagnies publiques de distribution restent empêtrées dans leurs problèmes structurels : rigidité du système de tarification, incapacité à mesurer et/ou facturer la consommation (35% de la consommation ne serait pas comptabilisée), fuites dans la transmission, pannes récurrentes, manques de transparence des comptes publics et de la gestion managériale, le tout engendrant des pertes financières croissantes que seuls le gouvernement central et les gouvernements des Etats parviennent à éponger. Au final, les gouvernements d’Etats détenaient encore 43% des capacités de génération (CEA, 2012a) en 2012, tandis que les entreprises publiques continuaient de dominer les secteurs de la transmission et de la distribution.

Le gouvernement fédéral a renfloué plusieurs State Electricity Boards qui étaient en défaut de paiement auprès de NTPC et NHPC en 2001-02. En 2011 les compagnies 4 Ministry of Power, Year End Review of Power Ministry, 28 décembre 2012 ; Ministry of Finances (GoI), Economic Survey 2011-2012, New Delhi, 2012.

de distributions ont de nouveau cherché un renflouement auprès du gouvernement fédéral, renflouement dont les termes ont été âprement négociés par toutes les parties prenantes et qui n’a été approuvé au niveau fédéral qu’en septembre 2012. En l’espèce, il convient de noter que les companies de distribution (Discom) du Tamil Nadu, de l’Uttar Pradesh, du Rajasthan, du Madhya Pradesh, de l’Andhra Pradesh, de l’Haryana et du Punjab, comptent à elles seules pour 75% de l’ensemble des pertes dans le secteur de la distribution.

D. Le retour de l’Etat et les partenariats public-privé (PPP)

En réaction à ces résultats en demi-teinte, l’Etat est revenu en force à la fin de la première décennie des années 2000, en mettant en avant le concept des Partenariats public-privé (PPP). Dans cette recherche de partenariat avec le secteur privé, l’Etat a réendossé le rôle de pilote dans la conception et la préparation des grandes orientations du secteur. Le ministère de l’Electricité a ainsi lancé en 2006 l’ambitieux programme des « Ultra Mega Power Projects » (UMPP), destiné à construire de grandes centrales thermiques fonctionnant au charbon et dotées d’une capacité (théorique) de 4000 MW.

Entre 2006 et 2009, quatre appels d’offre ont été conduits, qui ont abouti à attribuer trois UMPP à Reliance Power, du groupe RIL, (au Madhya Pradesh, en Andhra Pradesh, et au Jharkhand) et le quatrième à Tata Power au Gujarat. Tata Power a mis en route deux unités de 800 MW chacune à Mundra au Gujarat, avant de rencontrer des difficultés liées à l’augmentation des prix du charbon importés d’Indonésie. Les projets de Reliance ont connu de nombreux retards dus à des problèmes d’acquisitions foncières et d’exploitation minière.

En pariant sur le charbon, c’est-à-dire sur une filière désormais très fragilisée, l’ambitieux programme des UMPP a pris de graves risques, que l’on songe à la stagnation de la production locale ou aux incertitudes qui caractérisent les importations depuis l’Indonésie et l’Australie. Selon le journaliste Shankkar Aiyar, il y aurait déjà plus de 10 000 MW de capacités de génération inutilisées en Inde, faute de combustible. Plus largement les carences du système de génération et de distribution d’électricité ont été illustrées de façon spectaculaire par la panne géante qui a affecté des centaines de millions de personnes dans le nord de l’Inde en août 2012 pendant quarante-huit heures, un évènement très commenté dans le pays et à l’étranger.

Au total, même si le secteur de l’énergie en général a fait l’objet d’une politique de libéralisation dans les années 1990, l’empreinte du secteur public y reste forte. Les gouvernements d’Etats assurent 51.5% de la capacité totale de génération, le gouvernement central et le secteur privé, 33.1% et 15.4% respectivement. Il est néanmoins important de souligner que la part du secteur privé est en nette progression  : sa contribution dans l’augmentation de capacités, qui était de 10% durant le 10ième plan quinquennal, est passée à 42% durant le 11ième plan.

Les acteurs privés expriment, pour leur part, beaucoup de frustrations concernant le cadre réglementaire dans lequel ils doivent évoluer. Ils continuent de se sentir lésés

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par la prédominance du secteur public et l’inertie d’un système de régulation qu’ils estiment encore largement hérité de l’esprit développementaliste des années 1970. Ils se plaignent notamment de procédures d’appel d’offre conçues pour marginaliser les entreprises récentes ou d’origine étrangère et ont le sentiment de ne pas concourir sur un pied d’égalité avec leurs homologues publics.

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ANNEXE 1 :Classement des entreprises indiennes au plus haut revenu en 2012

On compte cinq entreprises du secteur énergétiques dans les dix premières, le conglomérat Reliance Industries Ltd, n°2, étant aussi un acteur énergétiques de poids.

Source  : The Economic Times, disponible à  : economictimes.indiatimes.com/et500.cms

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ANNEXE 2 :Organigramme des acteurs du secteur énergétique

         

Prime  Minister’s  Office  

Entreprises  du  secteur  privé  indien  dont  :  -­‐Reliance  Industries  Ltd  (RIL-­‐  -­‐Tata  Power  Company  Ltd  -­‐Essar  Energy  -­‐Mittal  Energy  Ltd  

Planning  Commission  

Ministry  of  Coal   Ministry  of  Power   Ministry  of  Petroleum  &  Natural  Gas  

 

Department  of  Atomic  Energy  

 

¥  3  Entreprises  publiques  :  -­‐  Coal  India  Ltd  (CIL)  -­‐  Singareni  Collieries  Company  Ltd  (SCCL)  -­‐  Neyveli  Lignite  Corporation  Ltd  (NLC)  

¥  6  Entreprises  publiques  dont  :  -­‐  National  Power  Corporation  Ltd  (NTPC)  -­‐  National  Hydroelectric  Corp.  Ltd  (NHPC)  -­‐  Rural  Electrification  Corporation  Ltd  (REC)  -­‐  Power  Grid  Corp.  of  India  Ltd  (PGCIL)  ¥  Central  Electricity  Authority  ¥  Bureau  of  Energy  Efficiency  (BEE)    

Cabinet  Committees/Group  of  Ministers/Empowered  Group  of  Ministers  

¥  15  Entreprises  publiques  dont  :    -­‐  Oil  and  Natural  Gas  Corporation  Ltd  (ONGC)  -­‐  Oil  India  Ltd  (OIL)  -­‐  Indian  Oil  Corp.  Ltd  (IOCL)  -­‐  Bharat  Petroleum  Corp.  Ltd  (BPCL)  -­‐  Hindustan  Petroleum  Corp.  Ltd  (HPCL)  -­‐  Gas  Authority  of  India  Ltd  (GAIL)  ¥  Directorate  General  of  Hydrocarbon  ¥  Petroleum  Planning  and  Analysis  Cell  ¥  Petroleum  Conservation  Research  Association  

¥  5  Entreprises  publiques  dont  :  -­‐  Nuclear  Power  Corp.  of  India  Ltd  (NPCL)  ¥  Atomic  Energy  Commission  of  India  ¥  Plusieurs  centres  de  recherche  

Ministry  of  New  and  Renewable  

Energy    

¥  Indian  Renewable  Energy  Development  Agency  (IREDA)  ¥  Plusieurs  centres  de  recherche  ¥  Jawaharlal  Nehru  National  Solar  Mission  

Ministry  of  External  Affairs  

Ministry  of  Rural  Development  

Ministry  of  Environment  and  

Forests  

Ministry  of  Finance  

Ministry  of  Tribal  Affairs  

Etats  fédérés  :  ¥  Ministères  et  départements  en  charge  de  l’énergie  ¥ State  Electricity  Boards  ¥  Entreprises  publiques    des  Etats  fédérés.  Exemple  :  Gujarat  State  Petroleum    Corporation  (GSPC)  

Central  Electricity  Regulatory  Commission  

Supreme  Court  

State  Electricity  Regulatory  Commission  

Petroleum  &  Natural  Gas  Regulatory  Board  

Autorités  de  régulation  indépendantes  

Comptroller  &  Auditor  General  of  India  

Assemblées  élues  

Parlement  (niveau  national)  

Assemblées  législatives  des  

Etats  

Acteurs  publics  du  débat  énergétique  

Médias  Société  civile  Partis  politiques  

Grandes  agglomérations  

urbaines    

Entreprises  multinationales    de  l’énergie  dont  :  -­‐  British  Petroleum  (en  partenariat  avec  RIL)  -­‐  Cairn  India  (filiale  indienne  de  Cairn)    

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ANNEXE 3 :Carte des Etats et territoires de l’Union indienne