EN QUOI LE BIEN ETRE DES ENFANTS ALLOPHONES PEUT IL...
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Willemart A. Professeur : Madame E. Marichal 3 NPS B 2016 - 2017
EN QUOI LE BIEN-ETRE DES ENFANTS
ALLOPHONES PEUT-IL AVOIR UNE INFLUENCE SUR LEUR EXISTENCE ET SUR LA
COMMUNICATION EN CLASSE D’ACCUEIL ? P3070 : Se professionnaliser pour entrer dans le métier
www.bien-etre-enfants.be
Travail de Fin d’Études réalisé par : Audrey Willemart Dans le cadre de la spécialisation optionnelle « Français Langue
Étrangère (ou Langue d’Enseignement) & diversité culturelle » En vue de l’obtention du diplôme Bachelier Préscolaire
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Je tiens à remercier toutes les personnes qui m’ont soutenue et qui m’ont aidée, de près
ou de loin, à réaliser ce travail.
Mes remerciements
à Madame Marichal pour son soutien, sa compréhension, sa lecture et ses commentaires
constructifs si précieux ;
à Madame Croiselet pour sa lecture et ses commentaires en Maîtrise de la Langue
Écrite ;
à ma tante, Ariane Roland, pour ses relectures, corrections et conseils d’écriture ;
à Madame Sabrina, ma maître de stage, pour m’avoir permis de réaliser mes activités
dans sa classe et de mettre en place mes outils, ainsi que pour sa bonne humeur ;
à mon amie, Morgane Delmotte, pour sa présence et son aide si précieuse tout au long
de l’écriture de ce travail ;
à ma famille et mes proches, pour leur soutien dans les moments difficiles.
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TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION...............................................................................................................p.4
PARTIE 1 : INTROSPECTION.........................................................................................p.5
1. Avant mon entrée à l’ENCBW...............................................................................p.5
2. Première année : anxiété et consolidation............................................................p.5
3. Deuxième année : renouveau...............................................................................p.6
4. Troisième année : maturité....................................................................................p.7
5. Choix de la spécialisation optionnelle...................................................................p.8
6. Et maintenant ?.....................................................................................................p.9
PARTIE 2 : BIEN-ÊTRE ET RELAXATION AU PROFIT DE L’EXISTENCE ET DE LA
COMMUNICATION DES ENFANTS ALLOPHONES....................................................p.10
1. Contexte de stage : de multiples nationalités......................................................p.10
2. Les enfants allophones en classe maternelle.....................................................p.10
2.1. Comportements observés : enfants en retrait ?...........................................p.10
2.2. Concepts pouvant expliquer ces comportements........................................p.12
2.2.1. L’entrée à la maternelle : une angoisse pour l’enfant....................p.12
2.2.2. Le conflit de loyauté.......................................................................p.13
2.2.3. La confiance en soi........................................................................p.14
2.2.4. La barrière de la langue.................................................................p.14
3. Un coin calme, synonyme de sécurité.................................................................p.14
3.1. Pourquoi ce choix ?......................................................................................p.14
3.2. Elaboration de l’outil.....................................................................................p.15
3.3. Réactions des enfants et évolution de l’outil................................................p.17
3.4. Avantages et inconvénients d’un coin calme en classe maternelle.............p.19
4. La relaxation, synonyme de bien-être.................................................................p.20
4.1. Qu’est-ce que la relaxation ?........................................................................p.20
4.2. Déroulement des séances............................................................................p.21
4.3. Observations des enfants face à la relaxation.............................................p.23
4.4. Avantages et inconvénients de cette pratique..............................................p.24
CONCLUSION................................................................................................................p.26
BIBLIOGRAPHIE............................................................................................................p.27
ANNEXES.......................................................................................................................p.29
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INTRODUCTION
Dans le cadre de la spécialisation optionnelle « Français Langue Étrangère (ou Langue
d’Enseignement) & diversité culturelle », j'ai effectué un stage de deux semaines, en
collaboration avec Morgane Delmotte, dans une école maternelle à Bruxelles.
Durant cette période, nous avons mis en place divers outils afin de permettre aux enfants
allophones d’exister et de s’intégrer dans la classe. Nous avons donc pensé que le bien-
être de ceux-ci amènerait à atteindre cet objectif.
À travers ce Travail de Fin d’Études, je tenterai de répondre à la problématique suivante :
« En quoi le bien-être des enfants allophones peut-il avoir une influence sur leur
sentiment d’existence et sur la communication en classe d’accueil ? ».
Ce dernier sera divisé en deux grandes parties :
Dans un premier temps, j’analyserai mon parcours professionnel et réaliserai une mise en
réflexion de ce qui m’a amené à m’engager dans ces études, ainsi que de mes trois
années passées à l’École Normale Catholique du Brabant Wallon.
Aussi, je tenterai de porter un regard critique sur mon profil d’enseignant et me
positionnerai en tant qu’enseignante dans la société.
En second lieu, j’analyserai mes expériences vécues en stage, ainsi que deux outils
didactiques que nous avons mis en place lors de ce dernier. Pour ce faire, je
commencerai par préciser le contexte de stage dans lequel nous étions, et les
comportements des enfants observés lors des premières journées dans la classe. Enfin,
je me focaliserai sur ce que nous avons décidé d’instaurer, pourquoi nous avons fait ce
choix et comment nous avons procédé, en m’appuyant sur des sources théoriques.
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PARTIE 1 : INTROSPECTION
1. Avant mon entrée à l’ENCBW
Si j’en suis ici aujourd’hui, en dernière année d’institutrice préscolaire, ce n’est pas sans
raison.
Tout a commencé lors de mon enfance, durant mes années primaires. J’aimais beaucoup
être à l’école et m’occuper des petits de maternelle.
Par la suite, au vu de mes difficultés à me mettre au travail, ma maman a engagé un
professeur particulier, qui donnait cours en 6ème primaire. Pendant que je travaillais à côté
de lui, celui-ci corrigeait les devoirs de ses élèves. Une fois ma tâchée achevée, j’aimais
particulièrement l’aider dans ses corrections.
Au fil des années, je me suis aperçue que j’avais envie d’exercer un métier dans le
domaine de l’enfance, mais sans plus de certitude. En effet, à la fin de ma rhétorique,
j’étais encore hésitante entre les études d’institutrice maternelle, primaire, ou même sage-
femme.
Bien que ces trois orientations m’intéressaient toutes autant, il a fallu que je fasse un
choix. Ce sont mes proches qui m’ont aidée à prendre une décision, et je me suis donc
engagée dans un bachelier préscolaire à l’Ecole Normale Catholique du Brabant Wallon.
C’est ainsi que j’ai fait le choix d’être enseignant, ce qui correspond à la première phase
de la carrière selon Paquay (2002).
2. Première année : anxiété et consolidation
En première année, je suis arrivée dans cette école sans connaissance particulière, j’étais
novice parmi les différents niveaux d’expertise selon Benner (1995) et Dreyfus & Dreyfus
(1989). Je n’en savais que très peu sur le métier et découvrais de toutes nouvelles
matières (notamment le cours de psychologie du développement).
D'après Paquay (1994), j’avais une conception du métier d’enseignant comme étant une
personne et un maître instruit. En effet, je ne prenais pas encore en compte les autres
« facettes » à ce moment-là, au début de mes études, je voyais l’enseignant comme un
être en relation avec les autres et transmettant des savoirs aux enfants.
J’ai pu découvrir de nouvelles composantes du métier lors de mon premier stage, effectué
dans une école Freinet en M3. Etant sans binôme, j’ai mis en place mes activités en
fonction des demandes de l’école normale, à la manière d’un technicien.
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Très vite, le manque de cohérence et de sens m’est apparu, ce qui me fit commencer à
chercher et à me remettre en question (praticien réflexif).
Au cours de celui-ci, j’étais dans une phase d’anxiété et de consolidation, d’après A.
Wheeler. En effet, je m’interrogeais principalement sur « comment survivre en classe ? ».
J’avais l’angoisse de ne pas être compétente et de mal faire les choses. Ce sentiment
d’inquiétude relative à moi-même était dû au manque d’expérience, ce stage étant une
nouveauté pour moi.
Durant ces deux semaines dans une classe maternelle, j’ai non seulement découvert le
métier d’enseignant, mais également une pédagogie dont je n’avais encore jamais
entendu parler : la pédagogie Freinet. Celle-ci m’a appris de nombreuses choses,
notamment l’étonnante capacité des enfants à être autonomes tant dans les tâches
quotidiennes que dans leurs apprentissages.
Lors de mon stage en psychomotricité, mon inquiétude a redoublé, en plus d’une
sensation de mal-être. En effet, ne m’étant pas orientée vers ces études dans l’optique de
devenir psychomotricienne, cela ne m’intéressait pas particulièrement car, à cette
époque, je n’identifiais pas tous les apports de l’apprentissage du développement
psychomoteur de l’enfant pour le métier d’institutrice maternelle.
3. Deuxième année : renouveau
Au cours de ma deuxième année en bachelier préscolaire, j’ai commencé à prendre
confiance en moi grâce aux cours enseignés, ceux-ci établissant les liens théorie/pratique
de manière explicite, et étant davantage en rapport avec notre futur métier.
Le stage en classe d’accueil m’a permis de prendre conscience que les apprentissages
se font dès le début des maternelles. De plus, j’ai découvert l’importance du sens que doit
porter chaque activité donnée. J’entrais alors dans un renouveau, d’après A. Wheeler, et
réfléchissais au « comment enseigner efficacement ».
En ce qui concerne le stage de psychomotricité, j’ai pu voir une évolution dans mon
niveau d’expertise, selon Benner (1995) et Dreyfus & Dreyfus (1989). De fait, je passais
de novice à débutante, voire compétente. Les encouragements de mon maître de stage
m’ont mise en confiance et m’ont permis d’oser, d’essayer, malgré ma réticence initiale.
À la fin de l’année, après les résultats des examens, j’ai vécu une grosse baisse de
motivation due à mon premier échec scolaire, dans le cadre de l’unité 2080. Ce dernier
m’a remise en question quant au choix de mes études.
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Mais en consultant mon carnet d’apprentissage, j’ai redécouvert un texte que j’avais écrit
en première année, adressé à mon « futur moi », dans lequel je me souhaitais de garder
ma motivation malgré les obstacles auxquels je pouvais être confrontée et d’accepter que
l’erreur est humaine. Je me suis alors accrochée à ces quelques lignes et ai pris
conscience qu’on apprend de ses erreurs et qu’on en ressort plus fort.
4. Troisième année : maturité
Je me retrouvais donc en troisième année, découvrant de nouvelles matières et surtout
une méthodologie dont je n’avais encore jamais entendu parler : la différenciation des
apprentissages. J’ai alors appris à prendre en compte chaque élève et à différencier les
activités selon les niveaux et besoins des enfants. J’entrais dans une inquiétude relative
aux problèmes d’apprentissages individuels, ce qui correspond à la troisième phase
d’après A. Wheeler, soit la maturité.
Lors de ce stage en troisième maternelle, mais également dans le cadre du module 5/8,
j’ai découvert un réel plaisir de pouvoir aller plus en profondeur dans l’apprentissage des
matières, ce qui m’a confirmé l’intérêt que je portais pour la passerelle primaire.
Lors de mon deuxième stage, réalisé en classe d’accueil, j’ai remarqué une divergence
des conceptions du métier entre ma maître de stage et moi-même. En effet, je la trouvais
très « militaire » avec les enfants et j’avais l’impression qu’elle avait comme objectif
premier la discipline. De ce fait, et grâce au cours de neutralité de Madame Labalue, j’ai
pu prendre conscience des valeurs que je souhaitais prôner dans mon engagement
professionnel, à savoir le plaisir, l’autonomie et la communauté.
Malgré une réticence initiale, mon stage de psychomotricité relationnelle m’a fait découvrir
les séances de type Aucouturier, qui m’ont particulièrement plu, et qui ont élargi mes
portes quant au choix de mon futur métier.
La gestion de deux stages simultanés ne fut pas évidente, mais j’ai su gérer tous les
aspects du métier et me responsabiliser davantage.
J’ai pris conscience, tout au long de mes années d’études, de toutes les conceptions du
métier d’enseignant d’après Paquay (1994).
Je me rends compte qu’en tant que stagiaire et future institutrice, je transmets des savoirs
aux enfants (maître instruit), j’applique des techniques (technicien), je me remets en
question (praticien réflexif), je collabore avec mes maîtres de stage (acteur social) et
j’entre en relation avec les autres (une personne). Mais aussi, avec le temps, j’ai du
savoir pratique (praticien artisan) et je consolide petit à petit un répertoire (deuxième
phase de la carrière selon Huberman, 1989).
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5. Choix de la spécialisation optionnelle
Arrivant au terme de mes trois années d’études à l’Ecole Normale Catholique du Brabant
Wallon, il me fallait choisir une option vers laquelle me diriger afin de réaliser un Travail
de Fin d’Études.
Mon premier choix s’est tourné vers le module « Outdoor » car, en plus d’apprécier
particulièrement la nature et tout ce qu’elle peut nous apprendre, je pense qu’elle stimule
l’enthousiasme des enfants et leur donne envie de découvrir de nouvelles choses. Aussi,
cela conduit, selon moi, à de meilleurs apprentissages car les enfants peuvent voir les
choses de la vie réelle, les apprentissages étant davantage ancrés grâce à l’infinité de
possibilités d’exploration que l’espace extérieur peut nous offrir, bien qu’il faille sortir de
notre zone de confort.
J’ai choisi la spécialisation optionnelle « Français Langue Etrangère (ou langue
d’enseignement) & diversité culturelle » en second, ayant eu un enfant allophone dans ma
classe de stage en troisième maternelle quelques mois auparavant. Cet enfant était isolé
du groupe car il ne parvenait pas à comprendre ce qui se disait ni à se faire comprendre
par les autres. Je trouvais cela intéressant de voir comment faire en sorte qu’il puisse
réaliser les tâches comme les autres et parvenir à atteindre un même objectif, malgré sa
difficulté à comprendre le français. Je pense qu’il est nécessaire de trouver les moyens
pour communiquer avec un enfant allophone, et qu’il puisse communiquer avec nous et
ses pairs, et ce dès le plus jeune âge. En effet, bien que la diversité culturelle puisse
parfois amener à des problèmes de communication, je pense que celle-ci peut être un
réel enrichissement pour la classe.
Le choix retenu par les professeurs a été celui du module « Français Langue Etrangère
(ou langue d’enseignement) & diversité culturelle ». Une part de moi était déçue de ne
pas en découvrir davantage sur l’apprentissage outdoor, mais j’étais tout de même
enthousiaste, la diversité culturelle étant un domaine que je souhaitais approfondir. C’est
une dimension à laquelle j’accorde une importance particulière, les cultures se faisant de
plus en plus diverses dans les classes. J’avais envie d’en savoir plus à ce sujet, et
d’apprendre à communiquer avec des enfants allophones. Je pense que la différence de
culture ne doit pas être une barrière ni empêcher une bonne communication entre les
différents partenaires de l’école (parents, enfants, institutrice, directrice, etc.). Au
contraire, cela doit, selon moi, être une force et une richesse pour tous.
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Comme énoncé précédemment, une des valeurs que je souhaite promouvoir dans ma
future classe maternelle est la communauté. Par là, j’entends une capacité à vivre en
communauté avec les autres, malgré les différences.
Durant le stage réalisé dans le cadre de cette orientation optionnelle, j’ai pu découvrir une
diversité culturelle impressionnante, avec sept nationalités différentes dans une seule et
même classe : belge, français, marocain, roumain, bulgare, espagnol et japonais.
Ce dernier a été réalisé en collaboration avec une autre étudiante, Morgane Delmotte.
Nous nous sommes penchées sur le bien-être de l’enfant et avons réfléchi à divers outils,
que nous avons mis en place durant ces deux semaines de stage.
Nous avons alors pu voir tous les bienfaits que cela apporte à l’enfant allophone pour qu’il
se sente bien dans la classe et puisse communiquer.
6. Et maintenant ?
Au fil de ces trois années d’études, j’ai appris et découvert un tas de choses qui m’ont
permis d’avancer et de prendre conscience de qui je suis aujourd’hui, mais également de
qui je souhaite devenir par la suite.
Bien entendu, j’ai dans mes projets de devenir institutrice maternelle. Cependant, arrivant
au terme de mes études, mais ne me sentant pas encore prête à entrer dans le monde du
travail, je souhaiterais poursuivre ma formation. En effet, réaliser la passerelle primaire
serait pour moi une chance d'élargir mes acquis et de pouvoir enseigner de la classe
d’accueil à la 6ème année primaire. De plus, les places étant restreintes pour enseigner en
tant qu’institutrice maternelle, ce serait également une opportunité supplémentaire pour
être active dans le monde du travail, une fois ce second diplôme en main.
Reprendre de toutes nouvelles études, à savoir celles de sage-femme, m’intéresse
également, cette spécialisation m’ayant toujours énormément attirée.
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PARTIE 2 : BIEN-ÊTRE ET RELAXATION AU
PROFIT DE L’EXISTENCE ET DE LA
COMMUNICATION DES ENFANTS ALLOPHONES
1. Contexte de stage : de multiples nationalités
Du 8 mai au 19 mai, Morgane Delmotte et moi-même avons réalisé un stage dans une
école à Bruxelles. Celui-ci faisait partie de l’unité 3070, dans le cadre de la spécialisation
optionnelle « Français Langue Etrangère (ou langue d’enseignement) & diversité
culturelle ».
Ces deux semaines en classe maternelle ont été réalisées dans une classe d’accueil,
composée de vingt-et-un enfants de sept nationalités différentes.
Parmi ceux-ci, huit enfants ne parlaient pas la langue française, dont quatre ne la
comprenaient pas.
Un des gros points forts de cette classe, et ce n’est pas à négliger, était le multilinguisme
de notre maître de stage, celle-ci sachant parler le français, l’anglais, l’espagnol, et même
quelques mots en roumain. Cela s’avérait très utile pour communiquer avec les parents
parlant une autre langue que celle utilisée dans le pays dans lequel ils résident. Aussi,
l’institutrice pouvait comprendre et se faire comprendre par les enfants ne parlant pas
encore le français.
Lorsque nous sommes arrivées dans cette classe et y avons passé notre première
journée d’observation, nous avons pu faire connaissance avec les enfants et constater
divers comportements.
2. Les enfants allophones en classe maternelle 2.1. Comportements observés : enfants en retrait ?
Durant les journées d’observation, nous avons pu remarquer divers comportements, dont
certains plus marquants que nous avons retenus. Dans ce travail, je m’intéresserai à trois
enfants en particulier : Mi, Ia et Pa.
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Présentation brève : Mi est une fille roumaine âgée de 2 ans et demi. Elle est à l’école
depuis la rentrée des vacances de Pâques.
Relation à autrui : Mi semble refuser le contact avec les autres enfants ainsi qu’avec
l’institutrice, de par ses gestes et ses paroles. En effet, lorsqu’on s’approche d’elle pour lui
proposer un jeu, un livre, ou simplement pour lui parler, Mi répète « non, non non » en
agitant ses mains devant sa poitrine et en remuant la tête de gauche à droite.
Comportement à l’intérieur de la classe : En arrivant dans la classe, Mi se met à pleurer.
Un jour, elle pleurait tellement qu’elle en a vomi son déjeuner. Comme tous les jours, une
fois sa grand-mère partie, Mi prend ses affaires (veste et cartable) qu’elle laisse à ses
pieds, et s’installe sur une chaise, devant la fenêtre donnant sur le jardin par lequel les
parents arrivent et repartent. Elle reste là toute la journée, sans même participer aux
activités ou aux moments quotidiens tels que le rassemblement du matin et la collation.
Comportement à l’extérieur de la classe : Lorsqu’on tente de l’amener avec nous pour
réaliser une activité en petit groupe, Mi refuse catégoriquement de venir, en répétant
« Non ».
A l’extérieur de la classe, Mi a un comportement totalement différent de celui de tous les
jours. En effet, durant la psychomotricité (réalisée dehors), ou dans le petit jardin, elle ne
reste plus assise à un endroit en particulier : elle bouge, joue, court, grimpe, glisse, etc.
On remarque également qu’elle sourit beaucoup.
Présentation brève : Ia est un garçon roumain, lui aussi âgé de 2 ans et demi, et présent à
l’école maternelle depuis le mois de janvier.
Relation à autrui : Ia semble également refuser le contact avec les autres. Lorsqu’on
l’approche, il s’éloigne et se met à pleurer davantage. Il évite le contact visuel (baisse les
yeux) et repousse notre main si on tente de la lui donner. Il ne communique pas par la
parole (ne dit aucun mot), mais uniquement par son corps.
Comportement à l’intérieur de la classe : Cet enfant reste isolé du groupe, il est debout
près de la grande fenêtre vitrée et ne se déplace pas beaucoup. Il ne court pas lorsqu’il se
déplace, il marche lentement.
Comportement à l’extérieur de la classe : Lorsqu’on le prend à part, avec sept autres
enfants, afin de réaliser une activité en dehors de la classe, celui-ci se met à pleurer.
Cependant, que ce soit durant la récréation, le cours de psychomotricité ou dehors dans
le jardin, il suit le groupe sans problème, joue un court instant non loin de ses camarades,
puis s’isole à nouveau en s’asseyant pendant de longues minutes.
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Présentation brève : Pa est un garçon bulgare, âgé de 2 ans et demi. Il est à l’école
depuis le mois d’octobre.
Relation à autrui : Pa joue avec les autres enfants, communique avec eux par la parole et
par le corps (regarde les autres enfants dans les yeux, rigole avec eux, etc.).
Comportement à l’intérieur de la classe : Pa est relativement calme (marche, sait rester
assis). Il se déplace entre les tables et joue à divers jeux, seul ou avec d’autres enfants.
Comportement à l’extérieur de la classe : Lorsqu’on quitte la classe, Pa suit le
mouvement, se décharge et court partout (même s’il est dans un local fermé). Il semble
déborder d’énergie.
2.2. Concepts pouvant expliquer ces comportements
Comme vous pouvez le constater, tandis que certains enfants n’avaient pas de difficulté à
communiquer avec leurs pairs malgré la différence de langues, d’autres s’isolaient,
comme s’ils cherchaient à se « retirer » du groupe.
Mi semble ne pas vouloir participer à la vie de la classe, et se retire complètement du
groupe en s’isolant sur une chaise.
Ia s’intègre légèrement, joue avec les jeux proposés, mais reste très isolé des autres
enfants.
Pa, lui, n’a pas de problème d’intégration. Cependant, son tonus semble très élevé et
difficile à contrôler.
Je me suis alors posé des questions quant aux explications de ces comportements, et ai
tenté d’y répondre sur base de mes connaissances apprises dans les divers cours donnés
lors des trois années de notre formation, tout en m’appuyant sur des sources théoriques.
2.2.1. L’entrée à la maternelle : une angoisse pour l’enfant
Comme énoncé dans les observations ci-dessus, Mi et Ia sont deux enfants qui restent
souvent seuls, et qui pleurent en entrant dans la classe ou même au cours de la journée,
sans raison apparente particulière.
Une hypothèse qui pourrait être la cause de cet isolement de la part de l’enfant est
l’angoisse qu’il ressent lorsqu’il entre en classe d’accueil.
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En effet, ceci étant nouveau pour lui, il n’a pas encore tous les repères dont il a besoin
pour se sentir sécurisé ; les règles, l’espace et les repères temporels étant différents de
ceux rencontrés à la maison.
Cela pourrait être étroitement lié à l’angoisse de la séparation, ce qui correspond, comme
son nom l’indique, à l’anxiété que l’enfant va ressentir lorsqu’il sera séparé de ses
parents. Durant cette période, en plus des peurs des nouveaux visages inconnus, l’enfant
craint également d’être abandonné. Selon Caroline Bouchard (2008) 1 , cette étape
normale du développement de l’enfant se manifeste vers l’âge de 8 mois et peut se
prolonger jusqu’à 18 mois.
D’après moi, cette inquiétude pourrait, d’une certaine manière, refaire surface lors de
l’entrée en maternelle, voire durant encore plusieurs mois après celle-ci. De fait, il arrive
très régulièrement que les enfants arrivent dans la classe en pleurant, refusant de quitter
leurs parents, ou qu’ils se mettent à y penser dans la journée et à les réclamer.
2.2.2. Le conflit de loyauté
Dans une situation d’entrée en classe maternelle, l’enfant peut être confronté au conflit de
loyauté, soit un conflit intérieur qu’il peut ressentir face à l’impossibilité de choisir entre
l’école et la famille. La culpabilité sera le premier sentiment ressenti, suivi d’un repli de
l’enfant sur lui-même. Il va dès lors s’empêcher de vivre pleinement les expériences de la
classe maternelle de peur de trahir ses parents.
Dans le contexte de notre école de stage, ce conflit de loyauté peut également être dû à
la différence des cultures. En effet, selon Cécile Goï (2015)2, il peut arriver que l’enfant
soit tiraillé entre l’envie de nouer des relations et d’apprendre en classe, et la crainte de
ses parents qui redoutent un éloignement d’eux et de leur culture, les parents d’origine
étrangère ne se sentant pas en sécurité culturelle.
Ce concept pourrait donc expliquer le comportement de Mi, qui restait assise sur sa
chaise tout au long de la journée et refusait de jouer, de s’intégrer dans le groupe-classe
en mangeant avec les autres, etc. De fait, il se peut qu’elle s’interdise tout cela, par
crainte d’être déloyale face à ses parents et à sa culture d’origine.
1 Bouchard, C. (2008). Le développement global de l’enfant de 0 à 5 ans en contextes éducatifs. Québec : Presses de l’université du Québec. 2 Goï, C. (2015). Élèves nouvellement arrivés en france et parents allophones : construire le lien entre l’école et la famille. En ligne : http://www.cahiers-pedagogiques.com/Eleves-nouvellement-arrives-en-france-et-parents-allophones-construire-le-lien-entre-l-ecole-et-la-famille, consulté le 25 mai 2017.
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2.2.3. La confiance en soi
Dans le livre « Apprendre à apprendre », André Giordan et Jérôme Saltet (2011) 3 écrivent
que la confiance en soi est en lien avec les capacités, soit ce que nous sommes capables
de faire. Elle résulte d’une évaluation que nous faisons de nos capacités et de nos
ressources personnelles. Une mauvaise confiance en soi entraînera donc du stress et
une peur de l’échec.
Cela aussi pourrait expliquer que Mi ne quitte pas sa chaise et n’aille pas réaliser les
activités, de crainte de faire des erreurs.
Ia, quant à lui, baissait les yeux au sol et se déplaçait lentement, signes qui pourraient
provenir d’un manque de confiance en lui. Pa, au contraire, semblait très sûr de lui et
confiant dans sa démarche, ses gestes, etc.
2.2.4. La barrière de la langue
Bien entendu, le simple fait que les langues soient divergentes peut être une barrière à la
communication et à l’intégration des enfants dans le groupe-classe. Ne pas entendre sa
langue d’origine, ne pas comprendre ce qui se dit autour de nous, ou ne pas parvenir à se
faire comprendre peut être une source de blocage.
Pa n’avait visiblement pas ce problème, vu son comportement avec les autres. Il se faisait
comprendre de par sa facilité à s’exprimer avec le corps (mimiques, grands gestes, etc.).
Ceci pourrait cependant être une explication pour Ia, qui semblait inquiet et peureux
lorsqu’on sortait de la classe ou pour Mi qui, elle, refusait catégoriquement de nous
suivre. En effet, ces craintes et refus pourraient être dû à une incompréhension de leur
part.
3. Un coin calme, synonyme de sécurité
3.1. Pourquoi ce choix ?
Suite aux observations et hypothèses que j’ai pu retenir, j’ai décidé, avec l’aide de
Morgane Delmotte, de mettre en place un outil qui leur permettrait de se détendre, un
endroit calme dans lequel les enfants se sentiraient bien, un coin où un enfant pourrait
3 Giordan, A. & Saltet, J. (2011). Apprendre à apprendre. Paris : Editions Librio.
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être seul, éloigné des distractions et du bruit ambiant. En effet, d’après Christine Brunet4,
« l’enfant qui rentre en maternelle se plaint souvent du bruit, et c’est souvent cet
environnement bruyant qui le fatigue le plus. ». Je pense donc que si l’enfant avait un
endroit où il pourrait se sentir bien, il aurait plus de facilités à communiquer et à s’intégrer
dans la classe.
Nous devions alors réfléchir à un moyen permettant aux enfants de s’isoler, tout en
permettant une communication, et leur offrant un sentiment de bien-être.
Là nous est venue l’idée d’un petit coin paisible, presque nécessaire pour beaucoup
d’enfants... comme pour beaucoup d’adultes.
Un espace loin de la réalité, loin des problèmes, des angoisses, des tensions de la vie
quotidienne ; un endroit relaxant, paisible, dans lequel on se sent bien... voilà ce que nous
souhaitions mettre en place !
3.2. Elaboration de l’outil
Afin de garantir de l’intimité à l’enfant qui souhaite y passer du temps, nous avons pensé
qu’il serait intéressant de « fermer » ce petit coin. L’idée qui nous est venue à l’esprit a
alors été de construire une sorte de « cabane », sous forme de tente. De fait, il est bien
connu que les enfants aiment tout particulièrement construire des cabanes. Comme le dit
Emmanuelle Rigon (2010)5, c’est parce que « sa dimension est en effet une raison
essentielle de son succès : elle est à la taille de l'enfant. Quand il est à l'intérieur, les
murs, le toit – même sommaire – sont tout contre lui. Il se sent ainsi comme dans un
cocon. On peut faire l'hypothèse que cette sensation très rassurante lui rappelle des
souvenirs de la période où il était nourrisson, très souvent tenu dans les bras, entouré. ».
Le fait de « cloisonner » l’espace permettait ainsi de contenir l’enfant.
Aussi, d’après le cours de psychomotricité relationnelle donné par Mesdames G.
Decuyper et P. Pauwels, un contenant est particulièrement indiqué aux enfants
hypertoniques, dans une menace d’omnipotence ou dans une angoisse d’éclatement,
ceux-ci ayant des difficultés à connaître les limites et à se recentrer. Cela nous semblait
donc intéressant pour les enfants souhaitant s’isoler, et pour ceux ayant besoin de se
calmer. 4 Brunet, C. (s.d). A la maternelle : la découverte de la collectivité. En ligne : http://www.psychologies.com/Famille/Education/Scolarite/Articles-et-Dossiers/La-rentree-un-rite-de-passage/A-la-maternelle-la-decouverte-de-la-collectivite, consulté le 26 mai 2017. 5 Rigon, E. (2010). Pourquoi les enfants aiment-ils autant construire des cabanes ?. En ligne : http://www.vosquestionsdeparents.fr/dossier/706/pourquoi-les-enfants-aiment-ils-construire-des-cabanes, consulté le 26 mai 2017.
16
Nous avons souhaité réaliser les « murs » de la tente avec des draps, ceux-ci étant moins
agressifs que des parois dures. De plus, ceux-ci laissent entrer une lumière naturelle et
agréable, contrairement à des plaques en bois par exemple. Cela a également permis aux
enfants de soulever les draps pour se rassurer de notre présence ou encore pour jouer à
un jeu de cache-cache.
Aussi, pour permettre un certain isolement tout en gardant un aspect relationnel à cet
outil, nous avons pensé mettre en place un système de t-shirt, sans lequel l’accès à la
tente n’était pas autorisé. Nous avons alors prévu deux t-shirts, pour permettre un
échange et une communication entre les enfants s’y rendant, tout en laissant une certaine
intimité à ces derniers. Limiter l’accès à deux nous semblait essentiel pour éviter un
débordement. Bien entendu, un enfant qui souhaitait s’y trouver seul pouvait nous faire
part de sa demande et, ainsi, ne pas être dérangé.
La structure de la tente, réalisée à partir de bâtons de bois, a été montée par Morgane et
moi-même, cette étape étant trop compliquée pour les enfants. Cependant, nous
souhaitions que ceux-ci aient également un rôle
à jouer dans l’élaboration de l’outil. En effet,
leur implication et leur investissement nous
tenaient particulièrement à cœur, cela pouvant
amener à leur fierté personnelle et, ainsi, à la
construction d’une meilleure confiance en eux.
Nous avons alors invité les enfants à participer,
en leur proposant de décorer le drap recouvrant
la tente, ainsi que les deux t-shirts permettant
l’entrée dans celle-ci. Nous nous sommes dès
lors rendus dans un local afin de peindre ces
tissus et les décorer avec des marqueurs spéciaux.
Une fois la tente construite, nous devions réfléchir à l’emplacement de celle-ci dans la
classe. Nous avons alors opté pour un endroit plutôt en retrait, toujours pour permettre
cette intimité et ce calme que nous recherchions.
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Nous avons également fait le choix de ne pas laisser cette cabane vide, et d’y installer
quelques objets afin de garantir un confort pour l’enfant, et pour intriguer les plus
curieux...
- Des peluches pour permettre à l’enfant de
câliner, raconter, imaginer ;
- Des couvertures pour se recouvrir, se reposer,
ou même se déguiser ;
- Des coussins pour y poser sa tête ou une autre
partie de son corps et être installé
confortablement ;
- Des petits sacs à manipuler pour éveiller
l’enfant aux sensations ;
- Un tapis d’éveil pour plus de confort et un éveil
au toucher et à la vue.
Le libre accès à la tente nous semblait important pour que chacun puisse s’y rendre
quand il le souhaitait.
3.3. Réactions des enfants et évolution de l’outil
Réactions des enfants face au nouvel espace
Lorsque les enfants ont remarqué l’installation de la tente, ils ont tout de suite été surpris,
étonnés, intrigués ; mais il a fallu un certain temps avant qu’un premier enfant y mette les
pieds et ose s’y installer. Ils tournaient autour et l’observaient.
Au départ, nous avons volontairement omis d’expliciter les « consignes », afin de voir les
réactions spontanées des enfants face à ce nouveau coin de la classe. Durant l’accueil
des enfants, avant le rassemblement, ceux-ci s’y rendaient à plusieurs, se cachaient
derrière les draps, sautaient sur place dans la cabane, tournaient autour,...
Lors des préambules, j’ai pris quelques minutes pour expliquer aux enfants l’objectif de la
cabane et les « règles » à respecter, soit les t-shirts à porter pour y entrer et le calme
demandé à l’intérieur de celle-ci.
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Deux enfants, Li et Va, étaient inséparables et se rendaient toujours à deux dans le coin
calme. Ils s’échangeaient des mots, des regards et s’inventaient des histoires. Ils aimaient
particulièrement s’y installer, se coucher, et bavarder. Lorsque je leur demandais d’en
sortir (pour manger la soupe par exemple), ils réclamaient encore une minute
supplémentaire dans la tente et ne souhaitaient pas la quitter.
Alors qu’au départ Pa n’était pas plus intéressé
que cela par la cabane, une fois qu’il s’y est
installé, il n’a plus voulu la quitter non plus. A
chaque fois que nous rentrions de la cour de
récréation, son premier réflexe était de mettre
un t-shirt afin de pouvoir se coucher un instant,
seul, loin de tout. Sa réaction m’a étonnée,
dans le bon sens du terme. Je pouvais voir que
cette tente était ce dont il avait besoin.
Mi, quant à elle, ne souhaitait pas y aller et refusait, comme à son habitude, de quitter sa
chaise.
Ia n’a pas souhaité s’y rendre non plus dans un premier temps.
Évolution de l’outil
Voyant la réticence de certains enfants face à ce nouveau coin mis en place dans la
classe, nous avons décidé d’installer un élément supplémentaire, plutôt particulier mais
relativement efficace... un baffle émettant de la musique.
Bien sûr, le choix des musiques ne s’est pas fait au hasard. D’abord, nous souhaitions
que les mélodies soient douces et relaxantes, pour inciter l’enfant à rester dans cet esprit
de sérénité et de calme.
Ensuite, pour permettre aux diverses cultures d’entrer dans la classe, et pour intriguer les
enfants allophones, nous avons décidé de faire tinter des chansons de langues
étrangères, à savoir le roumain, le bulgare, l’espagnol, etc.
Cet aménagement supplémentaire dans la tente a fait changer certains comportements, à
savoir ceux de Mi et de Ia.
En effet, à la suite de l’installation de ce baffle, Mi et Ia commençaient à s’intéresser
davantage à la tente, tout en gardant une distance, comme s’ils craignaient quelque
chose ou s’ils n’osaient tout simplement pas y entrer.
Ils venaient alors voir de temps à autre, regardaient par la petite porte, et retournaient
ensuite à leurs occupations.
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Un jour, alors que les animaux étaient installés à une
table, Morgane s’est mise à y jouer avec Ia, et à
déplacer un animal vers la cabane. Ia, intrigué, a
donc suivi le jouet, puis s’est arrêté devant l’ouverture
de cette dernière. Morgane est alors entrée pour s’y
installer, et il l’a naturellement suivie, tout en restant
« réservé ».
Il n’est pas resté très longtemps dans le coin calme, mais il avait l’air apaisé et j’avais le
ressenti que cet espace pouvait être d’une grande utilité pour lui.
Le lendemain, ce petit garçon n’a plus attendu Morgane pour aller s’installer
confortablement dans la tente. Je pense donc qu’une « aide » était nécessaire pour qu’il
ose s’y rendre la première fois.
3.4. Avantages et inconvénients d’un coin calme en classe
maternelle
Bien que cet outil nous semblait plein d’avantages, nous avons également pris
conscience qu’il pouvait comprendre quelques inconvénients.
Pour expliciter cela, le tableau ci-dessous reprend les gros points forts et points faibles
d’une tente comme coin calme dans une classe maternelle.
Avantages Inconvénients
! Garantit de l’intimité
! Rassure
! Détend, apaise
! Amène à une sensation de bien-être
! Développe l’imagination
! Éveille aux sens
! Permet la communication, l’échange
! Permet de gérer, contrôler ses
émotions
! Ouvre aux différentes cultures
! Nécessite une place suffisante dans
la classe
! Demande un climat de classe
relativement calme pour permettre la
sérénité
! Impose une gestion et donc une
attention régulière afin de s’assurer
qu’ils respectent bien les consignes
(dans un premier temps en tout cas)
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4. La relaxation, synonyme de bien-être
4.1. Qu’est-ce que la relaxation ?
D’après Le Petit Larousse illustré 6, la relaxation est un « phénomène spontané de
relâchement et de retour progressif à l’état d’équilibre d’un système dont l’équilibre a été
rompu – action psychothérapique utilisant le relâchement conscient et la maîtrise du tonus
musculaire. »
Le tonus, quant à lui, est la « contraction partielle et permanente de certains muscles, qui
règle les attitudes du corps dans différentes positions (debout, assis, couché, etc.). »
Il s’agit donc d’un apaisement des muscles, un relâchement permettant de libérer nos
tensions et de se détendre. La relaxation permet ainsi d’obtenir un bien-être tant corporel
que psychique.
Selon Solange LEGAT (2005)7, nous pouvons retrouver quatre grandes techniques de
relaxation :
" respiratoires
" de détente musculaire
" de concentration sur les perceptions sensorielles
" par la pensée et l’imagerie mentale
Les méthodes respiratoires
Comme vous devez sûrement le savoir, nous pouvons modifier le rythme de notre
respiration (rapidement ou lentement), les arrêts, et la profondeur (de grandes ou de
petites inspirations/expirations). La vie quotidienne peut avoir une influence sur notre
respiration. En effet, si nous pratiquons un exercice physique, ou simplement si nous
éprouvons du stress, notre respiration peut voir son rythme changer, voire se saccader.
Une respiration relaxante, à savoir une inspiration profonde de l’air dans ses poumons
suivie d’une expiration lente et progressive, va donc avoir cet effet inverse que peut
produire le stress. Cela va, dès lors, produire un effet d’apaisement, qui sera davantage
accentué en suspendant notre respiration quelques instants. 6 Dictionnaire Le Petit Larousse illustré (2016). Définitons : relaxation et tonus. Paris : Editions Larousse 7 Legat, S. (2005). La relaxation à l’école : Pourquoi, où, quand, comment ? (Mémoire). Institut Universitaire de Formation des Maîtres, Bourgogne. En ligne : https://www.psychaanalyse.com/pdf/RELAXATION%20A%20L%20ECOLE%20-%20MEMOIRE%20(45%20pages%20-%201,5%20Mo).pdf, consulté le 28 mai 2017.
21
Les méthodes de détente musculaire
Comme son nom l’indique, la détente musculaire consiste à relâcher ses muscles et à
mieux les contrôler. L’exemple le plus concret est la réalisation de massages, ce qui est
d’ailleurs souvent la première technique qui nous vient à l’esprit lorsqu’on évoque le terme
de « relaxation ».
Les méthodes de concentration sur les perceptions sensorielles
Ces méthodes consistent à se centrer sur les sens, à savoir l’ouïe, l’odorat, la vue, le
toucher et le goût. Afin de reposer notre corps et notre esprit, nous allons donc nous
concentrer sur une perception en particulier.
Par exemple, nous pouvons écouter une musique et nous concentrer sur les bruits
entendus, ou encore humer une odeur et nous focaliser sur les parfums que l’on
reconnaît.
Les méthodes de relaxation par la pensée et l’imagerie mentale
L’imagerie visuelle consiste à se faire une image mentale, à imaginer une action, un objet,
une scène. On peut dès lors fermer les yeux et se transporter sur une plage, sentant le
vent souffler dans nos cheveux et les grains de sable frotter notre peau. Le fait de
voyager dans notre imagination va relaxer nos muscles et notre respiration et, ainsi,
permettre une sensation de bien-être.
Je pense que la capacité de relaxation la plus abordable en classe maternelle est la
régulation de la respiration, ce phénomène étant concret et perceptible pour les enfants,
en mettant par exemple une main sur le ventre afin de le sentir bouger.
4.2. Déroulement des séances
Où ?
Pour réaliser ces séances, il me semblait important que les conditions de pratique soient
agréables et confortables.
Pour cela, nous allions dans un local calme et silencieux afin de permettre cette sérénité
que nous recherchions.
Il nous fallait aussi penser à la luminosité de la salle dans laquelle nous nous trouvions, à
savoir qu’on se relaxe mieux dans une semi-pénombre. Nous éteignions alors les
lumières, tout en gardant l’éclairage naturel de l’extérieur, les rayons du soleil pénétrant le
local par les fenêtres.
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Quand ?
Les séances de relaxation se faisaient presque quotidiennement, lors du temps des
activités, vers l’heure de 9h30.
En plus de cela, à chaque fois que nous en avions l’occasion, nous prenions quelques
minutes avec les enfants allophones pour réaliser des exercices relaxants.
De fait, je pense qu’une certaine régularité dans la pratique permet un meilleur
apprentissage, comme dans tous les domaines.
Les enfants étant encore jeunes, il nous semblait évident de ne pas faire durer une
séance trop longtemps et de se limiter ainsi à environ 5 minutes, pour éviter que la
relaxation ne se transforme en énervements.
Comment ?
Nous réalisions les séances de relaxation en petit groupe d’environ 5-8 enfants afin de
pouvoir garder un œil sur chacun, tout en pouvant pratiquer des activités qui nécessitent
une certaine coopération.
Les premiers jours, nous nous sommes plutôt dirigées vers des exercices de respiration,
où nous leur demandions simplement d’inspirer et d’expirer en posant leur main sur leur
ventre afin de sentir celui-ci se gonfler et se dégonfler. Aussi, nous proposions qu’ils
soufflent sur leur main pour sentir l’air chaud ou froid, selon l’ouverture de la bouche.
Ensuite, nous avons procédé à des massages
individuels (se caresser le visage, la main, les jambes,
etc.), puis en duo, pour finir en « chaîne de
massages ».
Nous guidions les enfants dans leurs gestes, en leur
demandant de tapoter le dos du voisin avec les doigts,
le caresser avec la paume, réaliser des roulades avec
le poing, etc. Pour qu’ils puissent comprendre ce qui
était demandé, étant donné la différence des langues,
nous montrions le geste à adopter devant eux. Ils nous
imitaient sans difficulté, et inventaient même d’autres
sortes de massages (frotter son genou contre le dos du copain, par exemple).
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Morgane et moi avons également proposé aux enfants un
moment de relaxation en écoutant le CD provenant du livre
« Comptines de relaxation »8, contenant des textes et des
musiques à l’unisson pour apprendre à se détendre. Les
paroles entendues explicitaient donc les gestes à suivre (par
exemple, « Je mets mes mains sur les hanches et je me
balance »).
4.3. Observations des enfants face à la relaxation
Les exercices de relaxation semblaient nouveaux pour eux. En effet, ils ne suivaient pas
de manière automatique le mouvement, il a fallu un certain temps avant qu’ils
comprennent que faire et comment faire.
Au début de cette séance, les enfants étaient assez dissipés, notamment Pa qui ne
cessait de courir dans la salle, et qui entraînait avec lui un autre garçon dont je n’ai pas
encore parlé, Lu. Tandis que nous demandions aux enfants de s’asseoir, tous deux
couraient dans le local. Les consignes en français n’étant pas compréhensibles pour eux,
il fut difficile, dans un premier temps, de les calmer.
De plus, à la vue de cette agitation, plusieurs autres enfants les suivaient et n’étaient donc
plus du tout attentifs à ce que nous essayions de leur faire comprendre.
Voyant qu’ils ressentaient le besoin de se défouler, nous leur avons donné quelques
minutes afin qu’ils puissent se décharger de toute cette énergie.
J’ai ensuite proposé à Pa de venir poser sa tête sur mes genoux, ce qu’il a fait sans
hésitation. Les autres l’ont suivi et sont revenus s’installer près de nous.
Pa a fermé les yeux pendant que je caressais son visage ; il semblait réellement apaisé.
Une fois les enfants calmés, il était beaucoup plus simple pour nous et pour eux d’arriver
à réaliser les exercices.
Au fur et à mesure des séances, nous pouvions voir une nette amélioration dans le
comportement des enfants, qui devenaient beaucoup plus « zen » et concentrés.
Ceux-ci réalisaient alors les exercices de relaxation avec beaucoup de plaisir.
8 Diederichs, G. & Choux, N. (2008). Comptines de relaxation. Paris : Editions Nathan
24
4.4. Avantages et inconvénients de cette pratique
Si nous avons décidé de réaliser des séances de relaxation en classe maternelle, ce n’est
pas sans raison.
En effet, les avantages de cette pratique sont nombreux et à ne pas négliger.
Premièrement, celle-ci permet une récupération à la fois physique et mentale. En effet, en
plus de détendre les tensions musculaires, la relaxation apporte un sentiment de bien-être
psychique. Dans notre monde actuel, les enfants sont pratiquement autant sollicités que
les adultes pour beaucoup d’actions de la vie quotidienne, tant au niveau intellectuel que
physique : rythme de vie fatiguant, temps compté en permanence, bruit, pollution... La
relaxation est donc une manière de faire une pause dans la journée.
Deuxièmement, elle travaille la concentration et l’attention de l’enfant. En effet, lorsque
l’enfant pratique la méthode de régulation de la respiration, une concentration sur celle-ci
est nécessaire. Cela est également le cas lorsqu’il réalise des gestes, danses, comptines
ou massages. De plus, au fur et à mesure des séances pratiquées, nous pouvons nous
permettre de les allonger ; ce qui amènera, bien entendu, à une amélioration de sa
capacité à se concentrer.
Ensuite, il me semble évident que, par les différentes méthodes et techniques de
relaxation, l’enfant va redécouvrir son corps et va avoir une meilleure perception de son
schéma corporel, celle-ci construisant l’acquisition de sa singularité et de son unicité. En
effet, comme énoncé sur le site de Grandir avec Nathan, « c’est une étape essentielle car
elle influence la motricité de l’enfant : son aisance, son équilibre, son habileté manuelle ou
encore sa capacité de se situer dans l’espace. »9
De plus, je pense que la relaxation permet à l’enfant une meilleure relation à soi. De fait,
un enfant détendu et relaxé sera davantage en paix avec lui-même et sera capable de
gérer son stress plus efficacement. Aussi, ces exercices vont l’aider à mieux se connaître
et à mieux se comprendre.
9 Grandir avec Nathan. (s.d.). La mise en place de son schéma corporel, En ligne : http://www.grandiravecnathan.com/developpement/la-mise-en-place-de-son-schema-corporel.html, consulté le 28 mai 2017.
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Pour finir, les séances en petit groupe vont permettre un échange, une communication
entre les enfants. Ceux-ci vont alors s’ouvrir aux autres, notamment lors des massages
réalisés en duo, lorsque l’enfant masse et se fait masser. Ils peuvent communiquer et
s’exprimer sur leurs ressentis, en explicitant à l’autre qu’il nous fait mal, par exemple.
La relaxation est donc pleine de bénéfices pour l’enfant et son développement.
Cependant, il n’est pas toujours évident ni possible de pratiquer ces exercices en classe
maternelle.
Afin de clarifier mes propos, je propose ci-dessous un tableau qui reprend ses divers
avantages et inconvénients.
Avantages Inconvénients
! Détend les muscles et permet ainsi
un bien-être physique
! Apporte un sentiment de bien-être
mental
! Améliore la capacité de
concentration et d’attention
! Permet l’apprentissage du schéma
corporel
! Améliore la relation à soi et aux
autres
! Demande du temps, de
l’investissement et de la régularité
pour pouvoir en tirer tous les
bénéfices
! Nécessite un endroit calme
! Toutes les méthodes ne sont pas
adaptées à tous les âges, certaines
étant moins concrètes que d’autres
! Demande une adaptation selon le
comportement des enfants
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CONCLUSION
Tout au long de la réalisation de ce Travail de Fin d’Études, j’ai tenté de répondre à la
question suivante : « En quoi le bien-être des enfants allophones peut-il avoir une
influence sur leur sentiment d’existence et sur la communication en classe d’accueil ? ».
Suite au stage et à l’élaboration de ce travail, je perçois l’importance du bien-être des
enfants allophones pour leur intégration et leur sentiment d’existence dans la classe. En
effet, j’ai pu me rendre compte qu’un enfant bien dans sa tête et bien dans son corps, se
sentira également bien dans son environnement et avec les autres. De là, il pourra
s’intéresser à ce qui s’y fait, et exister dans la classe. De plus, il y a toute une notion
d’ouverture aux autres et, ainsi, à la communication, qui est à prendre en compte.
Je pense que les outils ayant été mis en place durant notre stage ont permis une nette
évolution de la part des enfants. Prenons comme exemple Mi et Ia, qui s’isolaient la
plupart du temps, qui ne s’investissaient pas et ne s’intégraient pas au groupe-classe.
À l’aide de nos interventions et de nos divers outils, dont la mise en place d’un coin calme
et l’instauration de séances de relaxation, ces derniers se sont intéressés aux autres, à
l’environnement de la classe, et se sont ouverts !
Pa, quant à lui, avait tendance à avoir un tonus trop élevé, difficile à contrôler. À l’aide de
ces deux outils, ce dernier a appris à se calmer, se relaxer, et à ajuster son tonus
volontairement. Ce sont ces évolutions qui me font réaliser toute l’importance du bien-être
de l’enfant en classe maternelle.
Cependant, je crois que nous aurions pu voir davantage d’améliorations si notre stage
avait duré plus longtemps. En effet, comme explicité dans la partie concernant la
relaxation, cette dernière est à pratiquer régulièrement, et sur la durée. Avec du temps
supplémentaire, nous aurions pu approfondir ces outils, en pratiquant davantage de
séances relaxantes, par exemple.
Pour conclure, ce stage m’aura fait réaliser que, malgré la barrière de la langue, l’enfant
peut trouver sa place dans la classe et apprendre à communiquer, par la parole ou avec
son corps. Je souhaiterais, lorsque j’aurai ma propre classe, installer un coin calme tel
que la tente, mais le laisser du début à la fin de l’année, tout en exerçant de la relaxation
en parallèle, vu tous les bénéfices que cela apporte aux enfants.
27
BIBLIOGRAPHIE
DOCUMENTS RECUS PAR L’ENCBW (Disponibles en annexes)
Benner, P., Dreyfus, H. & Dreyfus, S. (1995, 1989). Les niveaux d’expertise.
Huberman, M. (1989). Les phases de la carrière.
Paquay, L. (1994). Modèle de professionnalité.
Paquay, L. (2002). Les phases de la carrière.
Wheeler, A. (2003). Modèle de l’évolution professionnelle des enseignants.
SOURCES EDITEES
Monographie (livres)
Bouchard, C. (2008). Le développement global de l’enfant de 0 à 5 ans en
contextes éducatifs. Québec : Presses de l’université du Québec.
Diederichs, G. & Choux, N. (2008). Comptines de relaxation. Paris : Editions
Nathan.
Giordan, A. & Saltet, J. (2011). Apprendre à apprendre. Paris : Editions Librio.
Gobry, D. (1999). Éduquer à la confiance en soi, en l’autre, aux autres. Lyon :
Chronique Sociale.
Dictionnaire
Dictionnaire Le Petit Larousse illustré (2016). Définitons : relaxation et tonus.
Paris : Editions Larousse
28
Mémoire
Legat, S. (2005). La relaxation à l’école : Pourquoi, où, quand, comment ?
(Mémoire). Institut Universitaire de Formation des Maîtres, Bourgogne. En
ligne :
https://www.psychaanalyse.com/pdf/RELAXATION%20A%20L%20ECOLE%2
0-%20MEMOIRE%20(45%20pages%20-%201,5%20Mo).pdf, consulté le 28
mai 2017.
Notes personnelles
Decuyper, G. & Pauwels, P. (2016-2017). Pscyhomotricité, (P3060). Notes
personnelles, Ecole Normale Catholique du Brabant Wallon, Vinci.
SOURCES NUMERIQUES
Brunet, C. (s.d). A la maternelle : la découverte de la collectivité. En ligne :
http://www.psychologies.com/Famille/Education/Scolarite/Articles-et-
Dossiers/La-rentree-un-rite-de-passage/A-la-maternelle-la-decouverte-de-la-
collectivite, consulté le 26 mai 2017.
Goï, C. (2015). Élèves nouvellement arrivés en france et parents allophones :
construire le lien entre l’école et la famille. En ligne : http://www.cahiers-
pedagogiques.com/Eleves-nouvellement-arrives-en-france-et-parents-
allophones-construire-le-lien-entre-l-ecole-et-la-famille, consulté le 25 mai
2017.
Grandir avec Nathan. (s.d.). La mise en place de son schéma corporel, En
ligne : http://www.grandiravecnathan.com/developpement/la-mise-en-place-de-
son-schema-corporel.html, consulté le 28 mai 2017.
Rigon, E. (2010). Pourquoi les enfants aiment-ils autant construire des
cabanes ?. En ligne:
http://www.vosquestionsdeparents.fr/dossier/706/pourquoi-les-enfants-aiment-
ils-construire-des-cabanes, consulté le 26 mai 2017.
29
ANNEXES
Les documents suivants ont été donnés par les professeurs de l’Ecole Normale
Catholique du Brabant Wallon.
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31
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