En Piste · 2018-06-04 · Le clown de Charly a fini par faire le malade sur le lit d'hôpital. Et...

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En Piste ! Douze clowns en Asie... Ça en crée des décalages et des incompréhensions ! Parfois accueillis comme des rois, parfois mis à la porte à grands coups de pied au derrière, étonnant accueil que nous offrent ces deux pays dans lesquels nous vivons depuis maintenant plus de quatre mois. On a eu la possibilité de jouer dans des cours d'écoles, des hôpitaux, des instuts, des cafés, un village ethnique, des terrains vagues, un orphelinat, une grande cérémonie à l'occasion des 45 ans de relaons diplomaques entre le Vietnam et la France... On a joué devant des publics vietnamiens, ruraux et citadins, des expatriés, des orphelins, des touristes... On a dormi dans des guesthouses un peu douteuses, sur des bords de route, dans le tuk tuk, à la belle étoile, dans des bus sauteurs, dans des grands hôtels offerts par ceux qui nous accueillaient... Moié pouilleux avec les policiers qui nous interdisent de vivre, moié Johnny Hallyday avec haies d'honneur, accueils en fanfare, acclamaons à la moindre roulade, signatures d'autographes... Sacrés décalages ! On ne se sent pas toujours à notre place ni toujours très à l'aise mais on en rit et on apprend à jongler entre toutes ces situaons pleines de diversité et de surprises.

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En Piste !

Douze clowns en Asie... Ça en crée des décalages et des incompréhensions ! Parfois accueilliscomme des rois, parfois mis à la porte à grands coups de pied au derrière, étonnant accueil quenous offrent ces deux pays dans lesquels nous vivons depuis maintenant plus de quatre mois.

On a eu la possibilité dejouer dans des coursd'écoles, des hôpitaux, desinstituts, des cafés, un villageethnique, des terrainsvagues, un orphelinat, unegrande cérémonie àl'occasion des 45 ans derelations diplomatiquesentre le Vietnam et laFrance... On a joué devantdes publics vietnamiens,ruraux et citadins, des

expatriés, des orphelins, des touristes... On a dormi dans des guesthouses un peu douteuses, surdes bords de route, dans le tuk tuk, à la belle étoile, dans des bus sauteurs, dans des grands hôtelsofferts par ceux qui nous accueillaient...

Moitié pouilleux avec les policiers qui nous interdisent de vivre, moitié Johnny Hallyday avec haiesd'honneur, accueils en fanfare, acclamations à la moindre roulade, signatures d'autographes...Sacrés décalages ! On ne se sent pas toujours à notre place ni toujours très à l'aise mais on en rit eton apprend à jongler entre toutes ces situations pleines de diversité et de surprises.

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Nous voici de retour à Hanoï pour la dernière ligne droite et une fin de tournée en beauté dans lesenvirons de la capitale. Plus que trois semaines pour rigoler comme des baleines avant de rentrer enFrance, alors on va en profiter !

L'hôpital de BouchonEn fait il y a surtout eu une chose forte. C'est ce matin là où j'ai pris la moto avec Charly pour allerjouer au département de cancérologie infantile à Da Nang. François, deux jours auparavant m'avaitfait la proposition : un duo de clowns à l’hôpital pour des enfants très malades avec Charly. J'aipaniqué. J'ai dit que j'avais peur de ma réaction, de mes larmes... que j'avais peur de ne pas savoirêtre en lien avec Charly dans un tel contexte etc. J'ai demandé à dormir dessus. Mais j'ai oublié d'ypenser et le lendemain soir, alors qu'on était en train de monter la structure du spectacle sur uneplage de sable fin, François me rappelle : "alors, ta décision". Prise au dépourvu, j'ai dit oui. Et puisquoi, ce serait trop bête de passer à côté de cette expérience. C'est l'occasion où jamais de voir simon clown Bouchon peut faire de belles rencontres dans un univers qui m'effraie tant.

Le soir même j'ai du mal à dormir et je me réveille à 6h, sans raison. J'ai peur. J'avais préparé monsac la veille. J'ai peur d'oublier mon nez. Les copains me parlent mais je sens que je suis déjà là-bas,concentrée. Sur la moto de Charly, le vent nous bouscule, il conduit trop vite pour mamie Germaine.Je me tends mais je sens que je suis à l'intérieur déjà, dans cet espace calme où Bouchon pourras'étirer.

9h30, on retrouve François, deux vietnamiens qui travaillent à l’hôpital et quatre expatriés quiveulent développer le clown à l’hôpital dans ce coin du Vietnam et qui voudraient nous suivre dansce qu'ils appellent notre "spectacle".

Entre la caméra de François et six adultes européens... on commence à se dire que la rencontredans l'intimité d'une chambre va être compliquée. Alors Charly prend la parole face à cette bellebrochette souriante qui s'impatiente un peu du temps qu'on met à se maquiller, à se costumer, à seconnecter l'un l'autre. "Dans le clown à l’hôpital, on ne parle pas de spectacle mais de rencontre.Tout ce qui va se produire viendra de l'enfant, de son univers, de ses réactions. Pour ça, on a besoinde préserver un cadre d'intimité."

Pas de problème. De toute façon, la section cancérologie "lourde" est interdite aux autresadultes. La seule mesure d'hygiène qui différencie la section lourde de la section "moins lourde",c'est le retrait de nos chaussures pour enfiler des crocks jaunes usées et en libre-service. Lyat nousavait offert une petite mallette de docteur en plastique. J'avais rangé dedans un tube de gel

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désinfectant. On s'en est servi une fois, sur notre propre initiative, dans la chambre d'une petite fillequi avait l'air particulièrement cassée par la chimio.

Bon. Et sinon, dans moi. C'était incroyable. On s'est maquillé dans le reflet d'une étagère enaluminium. Ensuite, Charly et moi, on s'est retiré dans un bout de couloir désert, on a fait un jeudébile avec les mains pour être ensemble un peu, on a respiré et on a mis les nez. J'ai tout de suitesenti mon clown Bouchon prendre sa vie en main. Je n'avais plus rien à décider. Elle m'a guidée dechambre en chambre. En clown à l'hôpital, ça marche en duo et là, on avait décidé que, commec'était ma première fois, ce serait Charly qui donnerait les impulsions, que ce serait lui le leader. Etqu'il suffirait à Bouchon de suivre.

Dès la première chambre, où j'ai vu Charly se glisser sous un lit, Bouchon s'est saisie de laproposition et a pu la vivre à fond. Elle s'est mise à ramper comme si elle était poursuivie par ungrand danger. Et puis on a rencontré les deux p'tits bouts malades qui étaient fans de Spider Man etalors moi j'étais Cat Woman et c'était super. Le clown de Charly a fini par faire le malade sur le litd'hôpital. Et Bouchon, je dois dire, a été un médecin de choc.

Ce qui m'embête un peu c'est qu'on a passé beaucoup de temps dans cette chambre qui était ensection "moins lourde" alors qu'on était attendus en section "lourde" et que je ne savais pas que letemps était compté, et que c'était du temps en moins pour les enfants les plus malades. Bref. On afini par intégrer la section "serious" (c'est comme ça que disaient les deux vietnamiens qui nousaccompagnaient). Ça a commencé fort avec un p'tit gnome chauve au bidou tout gonflé qui adécidé de faire un cache-cache avec nous dans sa chambre d'abord, et puis dans les couloirs et puisdans tout l'étage. Ça aurait pu durer longtemps, surtout qu'il était vraiment agile pour disparaître etnous surprendre. Mais il fallait qu'on aille rencontrer les autres. Tous les enfants de la "serioussection" étaient chauves mais chacun était plus ou moins fatigué. Entre notre gnome qui courtpartout pour se cacher et la petit fille toute maigre et recroquevillée dans son lit qui a du mal àsoutenir un regard...c'est pas la même histoire qui s'est écrite.

Avec elle, son doudou a reçu les soins de nos deux clowns docteurs. Pour d'autres, on a fait untournoi de foot. Quand Bouchon a marqué son premier but, elle fut prise d'une telle extase qu'elles'est étendue au sol, aux pieds de deux enfants. Leurs petits orteils étaient fascinants et sontdevenus les touches d'un piano de chair d'un formidable concert qui a duré plusieurs minutes.

Dans le couloir, on retrouve notre gnome qui continue ses espiègleries. Une maman vient voirBouchon pour demander à ce qu'on visite sa fille malade. Je la rassure. A ce moment-là je penseque nous avons le temps que nous souhaitons pour profiter de chaque mouflet. Trois minutes plustard, on apprend qu'on doit partir et ne plus revenir : c'est l'heure du déjeuner et ensuite repos. Jesuis déçue, triste, frustrée et tellement désolée pour la maman qui nous a vu nous égosiller dans lecouloir avec le p'tit gnome et qui ne pourra pas offrir ce sourire à sa fille. Nos deux guidesvietnamiens nous emmènent alors à l'étage supérieur. Bouchon essaie de faire la révolution, desupplier d'y retourner, mais ils sont inflexibles et on se retrouve à un étage d'infections mineures oùles parents nous mettent leurs enfants dans les bras pour prendre des photos. Changementd'univers.

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Charly me glisse "Viens, on s'enfuit, on va trouver des coins plus tranquilles." Mais nos deux guidesnous retiennent et nous confirment qu'on devra finir notre intervention à cet étage et dans cetespace précisément où un trentaine de parents et presque autant d'enfants nous épient comme desbêtes de foire et attendent qu'on fasse quelque chose d'incroyable. Bouchon flambe. Bien sûrqu'elle va faire quelque chose d'incroyable. Elle souffle, rugit, remonte des manches invisibles, faitdes vocalises.... Quand je lance un concert, Charly me suit en faisant la boîte à rythme. QuandCharly fait une séance photo, Bouchon s'élance au sol et fait la baleine à leurs pieds. Quand unenfant avait peur, Bouchon avait peur aussi et cachait sa tête derrière sa mallette de docteurmaboul. Qu'est-ce que c'était bon !

Quand on est revenus à nous, quand Bouchon et Philibert sont partis dormir, j'ai retrouvé unFrançois tout ému. Moi j'étais euphorique. Parce qu'en étant dans les yeux des gamins, parce qu'enm'amusant avec tout sincèrement, Bouchon n'a vraiment pas eu le temps de s'attarder sur ce quiétait triste. Y'avait pas le temps pour ça et c'était même pas à décider. C'est qu'en vrai, en entrantdans les chambres, on avait trop envie de se faire du bien, tous.

Alors c'est vrai que dans l'après-midi, quand j'ai rejoint les copines, je me suis rendue compte d'unepetite boule dans mon ventre. J'aurais peut-être eu besoin de vider un petit sac de larmes. Maisquelle surprise pour moi d'avoir vécu l’hôpital de cette manière. Je croise les doigts pour que çanous ouvre les portes des prochains hôpitaux qu'on croisera. J'ai gardé la mallette de docteur dansmes bagages parce que je trouvais que, vraiment, je n'étais pas assez chargée comme ça.

Pétole, les pieds dans l'eauAprès avoir été chassés du Vagabond par les policiers, la date de vendredi au Soul Beach est monoasis. Avec, je ne le cache pas, une crainte qu’un imprévu ne jaillisse sans crier gare ! En parlantd’imprévus, jeudi, le patron du bar nous informe que le lendemain vers 18 heures, il allait pleuvoir !Oui, quand ce ne sont pas les autorités, c’est le temps qui s’y met !

On se donne rendez-vous à 14 heures pour installer la scéno, le son et l’éclairage, faire un filage etune prière pour qu’il ne pleuve pas. Soul Beach, un café face à la mer. La structure passe in extremissur la terrasse et Jules et Tom redoublent d’ingéniosité pour planter les pinces qui ne cessent deremonter dans le sable. Tout est parfait. La mer en fond de scène. Manon est aux anges. Le sol,c’est de l’herbe et il y a même des parties de briques plates et dures, l’idéal pour ses équilibres.

Bref, des conditions superbes ! Le seul hic : le vent se lève. Pour jouer Pétole ! en bord de mer c’estcompliqué. La voile s’envole à 7 mètres, on se regarde. Vite ! Il nous reste très peu de temps avantde jouer. Le contexte ravive nos esprits créatifs. On décide de jouer de la situation : on se donnesimplement la technique pour descendre la voile et la transition des scènes. Ce soir, l’impro sera la

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bienvenue. Le filage se termine. J’ai dix minutes pour donner des retours à l’équipe, ce qui est déjàtrop. Le compte à rebours est lancé, il ne reste plus qu’une heure. Ils sont physiquement avec moimais leurs esprits sont déjà loin. Tant pis, les retours seront pour une prochaine fois !

Ils entrent dans un mutisme. Ils sont beaux : des respirations profondes, des étirements, des regardsau loin, les instruments qui s’accordent… Je crois que c’est l’un de mes moments préférés : les voir siconcentrés avant de monter sur scène. Plus que dix minutes. On se réunit en cercle en se tenant lesmains, un dernier petit mot de Charly, on crie « Pétole ! », une petite claque sur les fesses… on yest ! François présente en quelques phrases notre parcours et le spectacle. La mer descend. C’est

parti pour une heure intense où l’énergie est au rendez-vous ! Juliette

Dans le train pour le sudDimanche 8 avril. Deux heures avant le départ, on arrive à la gare avec la structure, la scéno et unepartie des motos, direction Saigon. Les billets sont réservés, le chargement est programmé, on estconfiants. Mais la responsable du trajet nous rappelle rapidement qu'on est au Vietnam, et qu'icirien ne se passe comme prévu ! Elle refuse de charger notre matériel dans le train. S'entame alorsune longue négociation avec elle. On pèse le tout (420 kilos !), on compacte au maximum, on évitede justesse l'option bus pour finalement réussir à la convaincre : notre chargement partira lelendemain pour arriver à Ho Chi Minh City le sur-lendemain. Les motos arriveront quant à elles 48heures après nous.

On monte dans le train et c'est parti pour seize heures de route ! On trouve nos couchettesrespectives éparpillées dans plusieurs compartiments, s'installe et se demande ce qu'on va bienpouvoir faire de tout ce temps. On se rejoint dans un couloir, trouve des petites chaises et s'assoitpour discuter tranquillement... jusqu'à ce qu'un contrôleur passe et récupère nos chaises sansexplication. Un peu étonnés, on cherche d'autres endroits pour se poser. Certains tentent lacafétéria où ils se font renvoyer plusieurs fois de suite pendant que d'autres observent le paysagepar la fenêtre ouverte... jusqu'à ce qu'un contrôleur passe et la referme froidement. Un peudémunis, on erre dans le train, s'accoude à une chambre froide qui traîne, regarde les rizièresdéfiler...

Tous les vietnamiens sont sagement installés dans leurs couchettes à attendre que ça passe. Il est 17heures, on n'est absolument pas fatigués. On réussit finalement à pénétrer dans le restaurant etcommande des cafés. Nous voilà enfin assis tranquillement sans personne pour nous déloger. Onsort un jeu de cartes, commence une partie... jusqu'à ce que le serveur arrive et nous interdise dejouer. On essaye de négocier mais il s'agace, alors on range nos cartes sans trop comprendre, etquelques minutes après... il revient pour nous demander de partir : il a besoin de la place pourpréparer les repas.

On ne sait plus vraiment où se mettre dans ce train... Nos moindres faits et gestes sont réprimés,alors on se met à la mode vietnamienne et chacun rejoint sa couchette jusqu'à l'arrivée le

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lendemain matin à 5 heures 30. Une fois à Ho Chi Minh City, il ne nous reste plus qu'à attendre lebus quelques heures devant la gare qui nous emmènera à la Maison Chance.

Nos quelques heures d'attente devantla gare de Saigon. Il est 5h30 du matinet il fait déjà plus de 30°C...

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La maison chanceLe 9 avril nous arrivons à la gare d’Ho Chi Minh City après dix-sept heures dans un trainbrinquebalent. Une chaleur étouffante nous cueille à la sortie. Nous retrouvons Duy, un p’tit boutd’homme de 33 ans en fauteuil roulant, qui nous accueille avec un grand sourire pour nousemmener au Village Chance, notre maison pour les trois prochains jours.

Arrivés sur place, nous découvrons une vraie petite vie à l’intérieur de la grande en banlieue ouestde la monstrueuse ville d’Ho Chi Minh. Duy nous propose une visite du lieu, ainsi que du centreEnvol, à quelques centaines de mètres du Village Chance. Des enfants jouent au basket dans la cour,dans leur uniforme d’école bleu et blanc. Des adultes papotent ou cuisinent à l’ombre des arbres.On entend les cris et rires des plus petits restés au frais dans les locaux de la crèche. Les fourneauxde la boulangerie sont en route pour préparer les pains aux chocolats du lendemain matin.

Entre deux cours de mathématiques, nous sommes accueillis par les bonjours polis des enfants etados rieurs. A l’heure de la sieste, en passant devant les salles de classe, on peut observer lesenfants dormir sur leur table d’école. En circulant dans les couloirs, on aperçoit les appartementsmis à disposition par l’association.

Au centre Envol, on découvre l’atelier de couture, de peinture, ou encore celui de joaillerie.Chacun d'eux est adapté aux travailleurs en situation de handicap. Dans ce lieu, ils ont lapossibilité d'accéder à un emploi et donc à une autonomie financière. En bas, il y a même une sallede kinésithérapie, où les bénéficiaires se rendent chaque jour pour une heure de rééducation.Maison Chance fourmille, les générations se mélangent, les uns veillent sur les autres et il se dégageune ambiance familiale et bon enfant. A la fin de la visite, Duy nous ouvre les portes de lamagnifique piscine qui sert habituellement au travail de rééducation. Nous y plongeons avecbonheur !

Mercredi soir nous jouerons Pétole ! devant l’ensemble des personnes qui fréquentent les lieux.Nous attendons environ 200 personnes. Le soir du filage, certains d’entre eux sont déjà là et nousapplaudissent, enthousiastes. Le soir du spectacle, des dizaines d’enfants et d’adultes sont présents,impatients que l’on commence. La nuit est tombée, il fait toujours bien chaud. C’est parti ! On sedonne à fond, mais les problèmes techniques s’accumulent : les larsens jouent plus que lesmusiciens, la lampe des ombres chinoises nous quitte au moment de la scène. On essaye de ne pastrop s’y attarder et on continue malgré tout. Du fait d’avoir commencé tard, une partie du public sevide peu à peu. Les enfants doivent rentrer chez eux.

La conclusion est mitigée, pour certains d’entre nous c’était laborieux, d’autres semblent plusconvaincus. Quoi qu’il en soit, nous sommes largement applaudis et remerciés par tous. Puis Tim etDuy nous cueillent pour nous emmener dîner. Ils nous ont prévu un festin de rois, quelques enfantsde l’orphelinat viennent nous faire une démonstration d’acrobatie à faire pâlir nos acrobates et l’und’entre eux nous chante un rap qui décoiffe !

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Maison Chance, c’est une oasis au milieu du chaos d’Ho Chi Minh. Un lieu qui accueille les plusdéfavorisés et qui permet à chacun de vivre ensemble dans une autonomie qui semble respectée.Notre rencontre avec Duy me laissera de doux souvenirs. Avec son tempérament de feu, il vaut ledétour !

Pour en savoir un peu plus...

Maison Chance est créée en 1993 par la suisse Tim Aline Reabeaud. L’association est composée detrois lieux différents sur Ho Chi Minh :

- le Village Chance, dans lequel nous avons été accueillis durant les trois jours. Il comprend 34logements adaptés aux personnes en situation de handicap, une école pour 150 enfantsdéfavorisés, des équipements sportifs et de rééducation, un restaurant, une boulangerie, deschambres d’hôtes pour touristes handicapés.

- le centre Envol : c’est un centre de formation pluridisciplinaire pour un public en situation dehandicap. Il permet de leur offrir un accès à l’instruction et de les aider à prendre leur envol par lasuite.

- le foyer : il accueille une vingtaine d’enfants des rues et orphelins confiés par les services sociaux,ainsi que des personnes en situation de handicap lourd (paraplégie, tétraplégie). Les bénéficiairessont logés, nourris, et l’association prend en charge les soins liés au handicap et le matériel pour lesécoliers. Les enfants ont accès à une scolarité gratuite.

Ici on sent le « vivre ensemble ». Les générations se mélangent, les enfants valides soutiennent lesadultes handicapés dans leur tâches quotidiennes, et en retour, leurs aînés leur offrent unencadrement affectif et psychologique, ce qui contribue à la solidarité familiale entre les résidentset les personnes qui fréquentent les lieux au quotidien.

Pour en savoir un peu plus, Amélia a interviewé Duy, bénéficiaire de Maison Chance, qui nous achaleureusement accueilli le temps de notre séjour. On vous laisse avec lui…

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45ème anniversaire des relations diplomatiquesVietnam - France

Quelques jours à C n Thầ ơ

Un petit avant-goût de Pétole !12 avril 2018, 22h.

Sur la route en bus entre Ho Chi Minh et Can Tho, nous faisons la connaissance de Tuong AnhNguyen, chargé de mission culturelle de l'Institut Français, et Priscille Lasémillante, attachée decoopération pour le français. Ils nous expliquent que nous sommes attendus le lendemain matindans deux écoles de Can Tho pour présenter un extrait du spectacle. Juliette, notre regard extérieurqui a le sens de la réactivité, prend les choses en main et nous expose un scénario qu'elle aimaginé. Au son du moteur et entre deux secousses dues à la route, nous l'écoutons, imaginons,proposons et répétons pour la mémoire ce que l'on s'apprête à jouer le lendemain à 8 heuresdevant une école primaire et un collège.

Le lendemain matin, nous entrons dans la première école. Un cortège d'enfants habillés de blanc etde foulards rouges et parfaitement rangés en haie d'honneur nous accueille dès les premiers pasdans l'enceinte de cette immense école. Le cortège est interminable (nous apprendrons plus tardqu'ils étaient 800). Tout au bout, des tables décorées des mêmes couleurs sont dressées face à unegrande scène surélevée. On a foncé. Une petite improvisation de 10 minutes a suffi à rendre la foulede minots surexcitée.

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Le "teasing" terminé, nous sommes déjà en direction pour la seconde école. Même topo. Sauf qu'ilssont déjà assis et plus âgés. Impossible d'arriver sans se faire remarquer, alors nous chaussons nosnez avant même de franchir le seuil de la cour. Entre les deux écoles, on s'est dit qu'il fallait ralentir,prendre plus le temps sur scène, ce que l'on a fait. Nous avons pris beaucoup de plaisir à jouer uneseconde fois le scénario de Juliette. Les rires et les réactions de stupéfaction nous l'ont bien rendu. Ilsemblerait que la mission "donner envie de venir voir le spectacle" ait réussi...

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Les choses en grand...14 avril 2018

Chaleur. Ciel bleu azur. Lumière intense, éblouissante. Il est 11 heures du matin et la structure n'estpas encore debout. Pour la première fois, il faut monter la structure sur une scène surélevée d'unbon mètre de hauteur. Tom et Jules sont inquiets car la surface de la scène est fragile, parsemée deplanches à même de craquer et surtout, il n'y a aucun point d'accroche autour de la scène pourancrer les six sangles qui maintiennent la structure debout.

Heureusement, sur les deux côtés du fond de scène sont disposés deux pylônes de huit mètres dehauteur qui servent de fixations aux multiples projecteurs de dernière technologie. Ces pylônes sontégalement équipés de palans à chaînes dont nous nous servons pour élever au rythme d'unescargot la structure sur ses deux pieds. Puis finalement, les techniciens vietnamiens présents nousamènent de nombreux sacs de sable qui suffisent à maintenir les sangles tendues entre les pieds dela scène et les deux sommets de la structure. Adaptation, encore et toujours, aux nouvellescontraintes.

Nous nous donnons rendez vous à 18 heures le soir même pour faire un filage dans ce nouvelespace qui va devenir notre terrain de jeu pour Pétole !. Et ce n'est pas n'importe quel espace...L'événement est de taille. Nous sommes invités dans le cadre du 45ème anniversaire des relationsdiplomatiques Vietnam-France et le spectacle se déroulera au centre de l'immense place du centre-ville de Can Tho, avec pour fond de scène la photo de cinq d'entre nous agrandie en 12 mètres sur6. Nous attend pour ce filage un gros travail de son et de lumière afin que le spectacle soit audibleet visible pour un public de 1000 personnes attendues ! Le filage terminé, vers 21 heures, nousapprenons qu'il faudra en refaire un le lendemain car le matériel son ne sera pas le même pour lareprésentation.

Le lendemain, 15 avril.

Rebelote. Cette fois, le ciel est couvert de nuages, les conditions atmosphériques devenues moinsbrûlantes se sont transformées en lourde moiteur, électrique. En deux heures de temps, notrerégisseur son vietnamien et Juliette à son assistance font les balances des micros et des instrumentsselon les tableaux de l'histoire de Pétole !. Il ne reste plus que quatre heures avant la représentationofficielle.

A la nuit tombée, après une pause dans la piscine de l'hôtel et une sieste pour certains, nousrevenons sur les lieux, une heure et demi avant que le spectacle commence. Une foulevietnamienne est déjà installée. Dans le bruit et l'agitation, quelques curieux s'approchent pournous regarder nous préparer mais sont repoussés par les hommes en vert, les policiers, quientourent la scène et le public. Avant nous, une troupe vietnamienne de danseurs et chanteurscostumés de vives couleurs ouvrent le bal. Nous avons à peine le temps d'installer notrescénographie derrière la mer (située en avant scène) afin de dévoiler au dernier moment notreunivers. François, qui se charge de présenter le spectacle au micro, demande au public de se

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rapprocher. Les organisateurs avaient installé le public derrière de longues tables VIP qui étaientelles même à cinq mètres de distance de la scène. Alors enfants et adultes se déplacent timidementau pied de la scène.

Et à l'heure prévue, Pétole ! commence. Une heure de nous, de notre musique, de nos voix et denos corps, de notre énergie et de notre joie de jouer devant un public si impressionnant, si heureux,si réactif. Can Tho sera mémorable dans chacune de nos mémoires. Merci à Tuong Anh et Priscillepour leur travail d'organisation !!!

La fin de l'aventure approche... Notre dernière représentation se déroulera le 5 mai à l'InstitutFrançais de Hanoï. Pour finir en beauté, on se retrouve juste après pour notre prochain journal !

A bientôt...