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PÊCHE NOUVEAUX HORIZONS En Liens L’emploi, l’économie et le développement durable et solidaire en Finistère N° 8 - bimestriel - juin 2013 - www.en-liens.fr GRATUIT M is à d i s p o s it i o n de v o tre clie nt è l e Photo Romain Le Bleis EN SAVOIR + www.en-liens.fr Flashez ce code avec votre smartphone pour accéder au contenu audio, photo et vidéo de notre journal numérique interactif PDF interactif

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Dans ce numéro spécial, vous trouverez une vision complète et panoramique de la filière Pêche en Finistère : les principaux enjeux, les contraintes, les doutes…..mais surtout la formidable espérance, l’énergie vitale qui se dégage de tous ces acteurs qui croient en leur avenir, arc-boutés sur leur désir de vivre et travailler ici, au bout du monde, au bord de la mer, sauvage, maternelle et nourricière.

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PÊCHE

NOUVEAUX HORIZONS

EnLiensL’emploi, l’économie et le développement durable et solidaire en Finistère N° 8 - bimestriel - juin 2013 - www.en-liens.fr

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En Liens - L’emploi, l’économie et le développement durable et solidaire en Finistère. Société éditrice : SAS Ouest Reporters - BP 1 - 29370 Elliant. Président, directeur de lapublication, directeur de la rédaction : Régis Fort. Directrice générale : Chantal Guézénoc. Rédacteur en chef : Olivier Boyer. Rédaction : Olivier Boyer, Régis Fort, Marie Egreteau, ChantalGuézénoc. Photos : Ouest Reporters, sauf mention contraire. Direction artistique : Ouest Reporters. N° ISSN 2257-7130. Impression : Le Télégramme - 7 voie d’accès au port - BP 67243 - 29672 Morlaix Cedex. Périodicité : bimestriel. Dépôt légal : juin 2013, numéro 8. Site Internet : www.en-liens.fr. Contact rédaction : [email protected] - 02 98 59 75 39.Contact publicité commerciale : [email protected]. Journal gratuit.

Le numéro spécial Pêche est cofinancé par l’Union européenne. L’Europe s’engage en Bretagne avec l’axe 4 du FEP

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EnLiens numéro 8 - juin 20134

La pêche représente un secteur important del’économie départementale, tant sur les plans del’aménagement des territoires, de l’emploi, que del’identité des territoires maritimes comme leFinistère. La pêche contribue à la vie économiquedu littoral avec des emplois induits à terre etcontribue à son identité : difficile d’imaginer desports de pêche sans navires et des villagescôtiers sans pêcheurs.

Le Conseil général du Finistère, très attaché àcette filière, défend une vision responsable,durable et compétitive de la pêche qui prenne encompte les aspects économiques et sociaux, maisaussi les aspectsenvironnementaux.

Dans le cadre de sesdispositifs d’aide à la filière, leConseil général soutient lesinvestissements dans lesentreprises de pêche,aquacoles, de mareyage et detransformation des produits dela mer et favorise l’installationdes jeunes pêcheurs ensubventionnant lamodernisation et l’adaptationde leurs navires aux conditionsde pêche. Il accompagneégalement les actionscollectives menées par lesstructures professionnelles, notamment ensubventionnant des actions de communication etde promotion des produits et des métiers, et ensoutenant des projets innovants dans le cadre dupôle de compétitivité Mer Bretagne. Enfin, leConseil général assure l’entretien, la mise auxnormes et le développement des ports de pêcheet de commerce. Avec ses concessionnaires (leschambres de commerce et d’industrie), il renforcel’attractivité des ports et contribue au dynamismede l’ensemble de la filière pêche dans ledépartement.

En tant que membre du Comité des régions de

l’Union européenne àBruxelles, je participeactivement auxdiscussions et débats surla réforme de la politiquecommune de la pêchelancée en juillet 2011 parla Commissioneuropéenne. En 2012, j’aiprésenté l’avis du Comitédes régions sur le Fonds européen pour lesaffaires maritimes et la pêche (FEAMP), nouveloutil de la politique commune de la pêche qui

entrera en vigueur dès le 1er janvier 2014 pouraccompagner les évolutions de ce secteur. Jesoutiens un fonds pour une pêche durable etéconomiquement viable qui doit pouvoir investirdans le renouvellement d’une flotte vieillissante(80% des bateaux ont plus de 15 ans), aider lesjeunes à l’installation et participer à l’innovation,notamment dans la sélectivité des engins. Il fautque l’Europe soutienne également la constructionde nouveaux navires, plus économes en énergie,ce qui pour l’instant n’est pas gagné.

« Cornouaille Port de pêche » (Audierne,Concarneau, Douarnenez, Saint-Guénolé Penmarc’h, LeGuilvinec, Lesconil et Loctudy) représente 25% de lapêche fraîche française et 50% de la pêche fraîchebretonne. 8000 emplois sont concernés : dans la pêche,le mareyage (particulièrement dynamique sur nos ports),l’industrie, les services, la construction et la réparationnavale. Notre engagement est permanent envers cesprofessions que nous souhaitons préserver etdévelopper.

En 2012, nous avons investi 5 millions sur les ports.

En 2013, nous poursuivons l’effort avec plus de 7 millionsd’euros prévus. Parmi les nombreux projets engagésdepuis plusieurs années sur les ports, je citerai enpriorité : la construction d’une machine à glace et laréhabilitation des friches industrielles à Concarneau, leréaménagement des criées de Douarnenez et duGuilvinec, la construction d’une aire de carénage àAudierne et les services aux navires de pêche(équipements pour le débarquement, le tri…).

Nos efforts se portent également sur des actionscommunes, comme la mutualisation des moyens

La pêche essentielle à l’aménagementdu territoire et à l’emploi finistérienPierre Maille, président du Conseil général du Finistère

Investir dans « Cornouaille Port de pêche », c’est soutenir toute une filière : ses métiers, Jean-François Garrec, président de la CCI Quimper-Cornouaille

EN TANT QUE MEMBRE DU COMITÉ DES

RÉGIONS DE L’UNION EUROPÉENNE À

BRUXELLES, JE PARTICIPE ACTIVEMENT AUX

DISCUSSIONS SUR LA RÉFORME DE LA

POLITIQUE COMMUNE DE LA PÊCHE. JE

SOUTIENS UN FONDS POUR UNE PÊCHE

DURABLE ET ÉCONOMIQUEMENT VIABLE

EN SAVOIR +www.en-liens.frCULTURE D’IDÉES

Albert Billon, éditorialisteJe vous le dis comme je le pense. Ce numérod’EN LIENS que vous avez entre les mains, esttout simplement remarquable ! Vous y trou-verez une vision complète et panoramiquede la filière Pêche en Finistère : les princi-paux enjeux, les contraintes, les doutes…..mais surtout la formidableespérance, l’énergie vitale qui se dégage de tous ces acteurs qui croienten leur avenir, arc-boutés sur leur désir de vivre et travailler ici, au boutdu monde, au bord de la mer, sauvage, maternelle et nourricière. Liseztout, mangez tout, y’a pas d’arêtes !Parler de la Pêche, c’est parler d’histoire, de géographie, d’économie, deformation et d’emplois. Plus encore, d’Identité et de Culture. Avec desmajuscules. C’est cet enracinement identitaire qui en fait un pilier denotre économie et dessine nos territoires. Un homme en mer, c’est 4emplois à terre. Un homme qui pêche, c’est toute une économie en mou-vement : acheter, vendre,transformer, transporter,fabriquer ou construire….Tousces emplois, directs, indirectsou induits sont à la Cor-nouaille, ce que le secteurautomobile est à la France.Essentiel et vital.On dit que son avenir sedécide à Bruxelles parcequ’une sélectivité accrue desengins de pêche, doubléed’une diminution des rejets, dans une logique de « rendement maximaldurable » pourraient – avec des objectifs et des résultats immédiats –provoquer la mort instantanée de la pêche bretonne. Peut-être…Je crois surtout que c’est par l’union sacrée des acteurs de la filière –pêcheurs, organisations professionnelles, élus – que nous garderonsnotre fil d’Ariane. Il faut impérativement renouveler la flottille et recons-truire des bateaux neufs seuls capables de garantir la sécurité et l’at-tractivité du métier. Cela passe évidemment par un modèle économiqueviabilisé et lisible par tous. Amortir 2 ou 3 millions d’€ d’investissements–coût d’un chalutier neuf – sur 15 ou 20 ans nécessite sans doute deréduire encore les coûts de production notamment énergétiques et devaloriser un peu plus les produits débarqués. Avec le soutien d’investis-seurs publics et privés, par une mutualisation des approches entrescientifiques et pêcheurs, avec un peu de temps, nous pourrons tenir unmodèle à la fois rentable et respectueux du milieu.Il faut aussi poursuivre la formation des jeunes. Sans eux, pas d’avenir. Unbateau sans marin finit toujours sur un rond-point. Ces jeunes sont la cléde voûte du système. L’alpha et l’oméga. C’est par eux et pour eux quel’union est sacrée, que l’identité maritime a une âme porteuse de sens. Ilfaut absolument tout faire pour les attirer dans la nasse du filet, par unsalaire encore rémunérateur, par des conditions de travail sécurisés etpar des rythmes et des roulements adaptés. La formation en alternanceest tout à fait adaptée au métier et à la transmission des savoirs sécu-laires. Il faut que tous les armements s’en emparent. La mise en placed’un Groupement d’Employeurs est plus que jamais nécessaire….Le monde change et c’est très bien. Accompagnons le changement plu-tôt que de le combattre. Par la recherche, l’innovation technologique etsociale. Travaillons ensemble. A l’image de la vente à distance qui oblige àun rapport de confiance, qui oblige à optimiser la logistique. A l’image deLoctudy qui résiste, investit et innove. Des jeunes veulent devenirpatrons, les O.P. se regroupent et se musclent, les CCI investissent, lesarmements se mobilisent….Quand je vois des élus suédois s’intéresser au« modèle cornouaillais », pour le transposer chez eux, je me dis que ceque nous faisons va plutôt dans la bonne direction. Leurs regards nousincitent à aller encore plus loin dans l’exigence.Certes tout n’est pas rose. Le coût du gazole, la volatilité des prix ou laconcurrence des importations sont de véritables problèmes. Les crispa-tions liées au dossier « clapage » sont des choses que l’on aurait pu évi-ter avec un dialogue et des procédures mieux construits… Le messaged’espoir demeure. La nature coopérative et solidaire des gens de mer estune vertu régénératrice capable de surmonter tous ces obstacles.N’est-il pas ?

L’union sacrée

IL FAUT POURSUIVRE

LA FORMATION

DES JEUNES.

SANS EUX, PAS D’AVENIR.

UN BATEAU SANS MARIN

FINIT TOUJOURS

SUR UN ROND-POINT

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CULTURE D’IDÉES

5EnLiens numéro 8 - juin 2013

matériels et humains ou ledéveloppement de la vente à distancesur l’ensemble des sites. La venteinformatique représente aujourd’huiplus de 40% des achats criée etjusqu’à 80% pour le port d’Audierne.Ce système plus souple pour lesacheteurs apporte aussi aux pêcheursune garantie de concurrenceéquilibrée entre chaque criée. En 3ans, 900 000€ ont été investis dans le renforcement de

l’informatique de vente (achat par Internet, émetteurssous criée...). Le développement durable estégalement au cœur des enjeux de la filière. En lamatière, les investissements sont importants. Parmiles derniers réalisés : 2,4 millions € pour la mise enplace d’un équipement d’alimentation des criées en«eau de mer propre». Un projet retenu comme pilotepar l’Europe. La CCI développe également la mise auxnormes environnementales de l’ensemble de seséquipements portuaires.

ses hommes, son avenir

Forte du 2e domaine maritime du monde, laFrance est le 4e producteur européen de pêche avec460 000 tonnes de poissons et crustacés débarquésannuellement dans nos ports et plus d’un milliardd’euros de chiffres d’affaires annuel atteint grâceaux 7 300 navires, aux 22 000 marins et aux 70 000emplois induits. Malgré la diminution progressive desunités de pêche et la baisse corrélative du nombrede personnes qui font vivre toute une filière, c’estencore tout cela la pêche française : une activitééconomique et humaine qui perdure et qui a desatouts à faire valoir.

Ici en Finistère, territoire où la terre et leshommes sont empreints d’une forte identitémaritime, où la pêche fraîche représente 25% de laproduction nationale, les gens de mer savent pouvoircompter sur le soutien du Conseil général et de laRégion Bretagne pour soutenir la filière etaccompagner ses évolutions. De même, l’Etat produitl’effort budgétaire nécessaire en aidant la pêche etl’aquaculture à relever les défis environnementaux,sociaux et économiques et le gouvernement défendles intérêts français dans le cadre des négociations

en cours sur la réforme de lapolitique commune de lapêche (PCP).

C’est bien notremobilisation collective quidoit nous permettre demaintenir une pêche durable,responsable, diverse et dequalité. Dans cette optique,les députés français ont adopté récemment unerésolution européenne pour porter haut leurambition pour la filière pêche. En ma qualité de co-rapporteure pour la commission des affaireséconomiques, mais aussi de membre du ConseilSupérieur des Gens de Mer, j’attache du prix à ceque la préservation indispensable de la ressourcehalieutique, à laquelle tend la PCP, ne se fasse pas audétriment des emplois, des savoir-faire, desconditions de travail et des économies portuaires.

En Finistère, sûrement plus qu’ailleurs, on saitl’importance que cela revêt d’aboutir à un compromiseuropéen sur la PCP qui soit acceptable etapplicable sur nos côtes.

Préserver les emplois et les savoir-faireAnnick Le Loc’h, députée du Finistère

Jean-Luc Videlaine, préfet du Finistère

Jean-Jacques Tanguy, président du Comité des pêches

Une réforme équilibrée de la politique commune de lapêche (PCP), le renouvellement de l’outil de production et lemaintien d’une main d’oeuvre qualifiée sont les défisauxquels doit faire face la pêche finistérienne.

L'accord politique trouvé le 3 juin dernier entre leParlement européen, la Commission européenne et leConseil des ministres européens en charge de la pêchemarque une étape clé dans la défense des intérêts françaisdans la négociation en cours sur la réforme de la politiquecommune de la pêche.

Cet accord est intervenu au moment où les dernierschiffres sur l'état des stocks montrent que les efforts

importants déjà réalisés par les pêcheurs pour gérerdurablement la ressource halieutique portent leurs fruits.L'accord trouvé après un an de discussions entre les troisinstitutions est ambitieux car il vise une pleine restaurationdes stocks. La mise en place progressive de l'éliminationdes rejets en fait un accord réaliste qui permettra auxprofessionnels de s'adapter.

En outre, les dispositions relatives à la régionalisation,le respect des prérogatives des institutions du Traité deLisbonne, la part prépondérante des pêcheurs dans lesConseils consultatifs régionaux (CCR) placent en situationfavorable la Bretagne et le Finistère, qui ont su fédérer

leurs forces vives à travers l’uniond’organisations de producteurs(OP) « Pêcheurs de Bretagne »,constituant la première OPeuropéenne.

L’Etat veillera, cet accordconfirmé, à sa mise en œuvre et à accompagner lespêcheurs pour s'adapter à cette nouvelle politique. A cetitre, le Gouvernement se mobilise pour l’adoption la plusrapide possible de l'instrument financier de la PCP, le fondseuropéen des affaires maritimes et de la pêche (FEAMP).

En volume, le Finistère représente plus de la moitiéde la pêche bretonne. Issu de la réforme de 2012, lecomité départemental des pêches maritimes et desélevages marins du Finistère défend le maintien d’unepêche responsable. Il couvre la gestion durable desactivités, les nombreuses évolutions réglementaires, lesquestions environnementales, le social, la sécurité, lesaménagements portuaires, le suivi sanitaire, la gestiondes licences régionales, l’emploi, la formation et lapromotion des métiers.

La pêche est liée à l’identité finistérienne.Maintenir ce lien très fort au territoire est essentiel.Membre du Parc Naturel Marind’Iroise, le comité des pêches estimpliqué dans les neuf sitesNatura 2000 littoraux, les septSAGE, et les quatre démarches deGIZC.

A l’heure de la croissancebleue et de la réforme de lapolitique européenne des pêches,le secteur fera face à l’une de sesplus importantes mutations. Le « zéro rejet »,totalement déconnecté des réalités de nos navires, vapeser sur l’avenir de nos flottilles. La gestion del’espace maritime fait aussi parti des enjeux actuels.Chaque métier joue avec la météo, les saisons, ledéplacement du poisson, les nombreuses contraintestechniques et réglementaires. La mobilité estessentielle. Une flottille interagit avec les autresflottilles et désormais avec de nouvelles activités(Energies marines renouvelables, granulats,aquaculture…).

Des chalutiers du large aux goémoniers de la côte,des crabiers de la Manche aux langoustiniers du Golfede Gascogne, des ligneurs aux pêcheurs à pied, enpassant par les dragueurs, les fileyeurs, les senneurset les goémoniers, la pêche finistérienne est unemosaïque de métiers et de pratiques qui en font sarichesse, sa fragilité et représente un défi permanentpour les structures professionnelles.

L’État mobilisé pour maintenir la place de la France à l’avant garded’une gestion durable des ressources halieutiques en Europe

Défendre unepêche responsable

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Dossier réalisé par

Olivier Boyer

Marie Egreteau

Chantal Guezenoc

Régis Fort

EnLiens numéro 8 - juin 20136

GARDER LA PÊCHE !Déjà soumise à denombreusescontraintes(vieillissement de laflottille, difficultés derecrutement, coûtsénergétiques…), lapêche finistérienne vitde plus dansl’incertitude du faitdes tractations encours sur la réformede la politiquecommune de lapêche (PCP). Pourtant,loin de baisser lesbras, la filière serassemble, s’adapte,innove, invente denouveaux horizons.Parce que cetteactivité, partieintégrante de l’âmedu Finistère, conserveun véritable aveniréconomique… souscertaines conditions.

Bonne lecture…

ENQUÊTE

Après une année 2011 plutôt favorable, lebilan 2012 des criées finistériennes pré-sente des indicateurs en repli (-5,4% pourla production globale, -4% pour le chiffred’affaires, prix moyen stagnant à 3€/kilo)*.

Le marché a été impacté par l’environnement de crisefrappant les débouchés vers l’Espagne et l’Italie. Lesegment de la bolinche a connu en revanche une com-mercialisation valorisée sur la sardine, alors que la sai-son d’anchois était sur des cours modérés. A la pêchehauturière, à l’exception du resserrement des cap-tures de langoustine du nord, les apports de pois-son blanc (cabillaud, églefin, merlan, merlu…) ont étéde bonne tenue. L’exercice s’est révélé moins favo-rable au plan du marché, en particulier pour la bau-droie (lotte), pour des flottilles chalu-tières toujours exposées au surcoût éner-gétique. A noter : un net recul des inven-dus (1,6% contre 3% en 2011).

47 000 tonnes ont été proposées auxenchères sous les criées de Cornouaille(pour un chiffre d’affaires de 1 36,4 M€),le périmètre de flottille ayant été relati-vement préservé en 2012. L’activité s’estcontractée de 7% en volume et de 4,5%en valeur. Ce contexte n’a pas entravé l’en-gagement de la CCI de Quimper-Cornouailledans la modernisation des infrastructureset l’amélioration des services (5,4M€ inves-tis sur les ports l’an dernier, soit 35M€engagés entre 2005 et 2012). Sur le PaysBigouden, Le Guilvinec conforte son rang de locomo-tive. Concarneau a accusé l’an dernier une nouvelleperte d’apports locaux causée par le recul de la saisonde la bolinche et un moindre débarquement de lan-goustine vivante. Dans le Nord-Finistère, la criée deRoscoff s’affiche toujours en progression (+9 5% envolume) tandis que la criée de Brest a souffert desconditions météorologiques sur l’Iroise et d’une cam-pagne coquillière en rade décevante.

Quid de l’avenir ? « Dans les cinq ans, une quaran-taine de patrons du quartier du Guilvinec partiront enretraite. Au moins 70% des bateaux seront rachetés pardes franco-espagnols ou des irlandais », prédit sombre-ment Julien Le Brun, jeune et tenace armateur loctu-diste. « La flottille est vieillissante, l’âge moyen des marinsélevé et le marché en perpétuel bouleversement »,constate son voisin mareyeur, Gwendall Olivier. Malgrécela, comme d’autres, ils se battent parce qu’ils croienten l’avenir d’une activité qui peut encore être renta-ble sous certaines conditions (optimisation des marées,efforts de sélectivité, qualité du recrutement, nou-veaux montages financiers pour l’achat de bateauxneufs et d’occasion…). Julien et Gwendall représen-tent un bel exemple de foi en l’avenir. Ils sont d’autant

plus déterminés que dans un récent rapport, la cham-bre régionale des comptes a pratiquement rayé leurport de la carte d’un trait de plume… Comment aurait-on pu les motiver davantage ? Sans oublier, comme lereconnaît dans un sourire un très bon connaisseur dumilieu, que la mer « paye encore très bien son homme » !

*Source : Direction Départementale des Territoires et de la Mer.

MALGRÉ LA CRISE ET LE MANQUE

DE VISIBILITÉ LIÉ AUX

NÉGOCIATIONS EUROPÉENNES EN

COURS, LA PÊCHE FINISTÉRIENNE

RESTE UN ACTEUR ÉCONOMIQUE

ET SOCIAL MAJEUR

Quel est le rôle principal du Conseil général en matière de pêche ?Les ports de Cornouaille à dominante pêche et de Roscoff relèventde la compétence du Conseil général*. Dans ce cadre, nousaccompagnons les travaux de modernisation, d’optimisation et derationalisation réalisés par les concessionnaires. Ces investissementsont pour objectif d’améliorer les performances environnementales,économiques et sociales. En 2012, le Département a investi 1,6 millionsd’euros dans les ports de pêche finistériens, auxquels s’ajoutent 2,2M€ en autorisations de programme pour la période 2013-2015.

Quels sont vos autres modes d’intervention ?Le Conseil général soutient l’installation des jeunes marins-pêcheurs.Il subventionne des actions de modernisation et d’adaptation desnavires de pêche (économies d’énergie, réduction des pollutions,sécurité, conditions de travail, aménagement des cales…). Il contribue

à la promotion des métiers et s’attache à promouvoir une pêchedurable et responsable en appuyant des projets innovants.Concernant les résultats, un indicateur se révèle particulièrementencourageant. Il s’agit du développement rapide et très significatif dela vente à distance dans les criées finistériennes. Ce système reposesur la confiance puisqu’il s’agit d’un achat « à l’aveugle ». Son succèstémoigne de l’existence d’une véritable chaîne de qualité et detraçabilité dans les différents ports de pêche du département.

En quoi la pêche reste-t-elle un enjeu majeur pour le Finistère ?Malgré les plans de sortie de flotte successifs et les mutations encours, la pêche fraîche représente une filière d’avenir et un atout fortface à la concurrence internationale. Afin de l’exploiter pleinement, il est souhaitable que les ports travaillent ensemble. C’est dans cet espritque nous venons d’engager, dans un large esprit de concertation, une

MICHAËL QUERNEZ, VICE-PRÉSIDENT DU CONSEIL GÉNÉRAL DU FINISTÈRE CHARGÉ DE L’INSERTION ET DE L’ÉCONOMIE

« UN BATEAU NEUF INCARNE LES ENJEUX EUROPÉENS ! »

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7EnLiens numéro 8 - juin 2013

Chiffres clés

• 6 473 t d’apports à Roscoff pour une valeur de 22,5 M€.

• 1 735 t d’apports à Brest pour une valeur de 8,2 M€.

Sources : CCI de Quimper-Cornouaille, Comité départemental des pêches maritimeset des élevages marins, DDTM, criées de Brest et Roscoff.

• 6 ports équipés d’une halle à

marée (Audierne, Concarneau,

Douarnenez, Le Guilvinec, Loctudy,

Saint-Guénolé – Penmarc’h)

gérés par la CCI Quimper-Cor-

nouaille pour le compte du Conseil

général.

• 25% de la pêche fraîche fran-

çaise.

• 475 navires de pêche.

• 2 000 marins.

• 47 000 tonnes vendues sous

criée pour une valeur de près de

136 millions d’euros.

• 14 600 tonnes vendues hors

criée pour 18,3 M€.

• 5,4 millions d’euros investis par

la CCI Quimper-Cornouaille dans

les ports de pêche cornouaillais

en 2012 (près de 35 M€ au total

sur la période 2005-2012).

• 6,8 M€ d’investissements nou-

veaux sont prévus cette année.

• 200 acheteurs agréés.

• 8 000 emplois en Cornouaille

pour l’ensemble de la filière (pêche,

mareyage, industrie, service,

construction/réparation navale).

• 500 entreprises.

• 58,6% de la valeur et 56,6% (+5%)

du tonnage sont apportées par

la flotte hauturière.

• Avec 10 147 t (-35%), la sardine

marée constitue la première

espèce débarquée en volume

devant la baudroie (6 569 t, +7%)

et l’églefin blanc (5 137 t, +38%)…

• Avec 33,4 M€, la baudroie (lotte)

représente la première espèce

débarquée en valeur, devant la

langoustine sud (13,1M€), le cabil-

laud (8,5 M€) et la sardine marée

(7,7 M€).

• Le Guivinec, avec 18 558 t

(65,1M€), est la première criée cor-

nouaillaise, devant :

St-Guénolé-Penmarc’h : 11 622 t

(25,1 M€),

Concarneau : 7 042 t (24,6 M€),

Douarnenez : 5 742 t (5,2 M€),

Loctudy : 3 165 t (10,3 M€)

et Audierne : 931 t (5,9 M€).

ENQUÊTE

étude stratégique de développementdes ports départementaux dont la restitution est prévue fin 2015.

Que regrettez-vous dans le positionnement actuel de l’Union Européenne ?Elle semble considérer que l’unique façon d’appréhender la gestion dela ressource passe par la réduction de la flotte. Nous pensons aucontraire qu’il vaut mieux donner à la filière, qui a besoin deconfiance et de visibilité, les moyens de la renouveler. Un bateau neufincarne tous les enjeux européens : sécurité, qualité, sélectivité,moindre consommation énergétique, attractivité des métiers…

*Sur les 14 ports bretons équipés d’une criée, seuls ceux de Brest, Saint-Maloet Lorient sont de la compétence de la Région.

Les autres relèvent des Conseils généraux

MÉTIERS D’AVENIR EN PAYS DE BRESTDans le cadre d’un programme européen (Interreg), la Maison de l’emploi

du Pays de Brest réalise – en partenariat avec ses homologues des Cor-nouailles anglaise et du Devon – une étude sur les métiers des territoires lit-toraux. Objectif : déceler les métiers en tension dans les secteurs d’activitéde la pêche, de la marine marchande, de la construction et de la réparationnavale. Une fois cet état des lieux réalisé, formations et outils de promotiondes métiers seront mis en place. La mission locale du Pays de Brest et Nau-tisme en Finistère sont associés à la Maison de l’emploi du Pays de Brest dansla réalisation de ce projet.

1 marin = 4,3 emplois à terre

3 000 marins et 700 bateaux en Finistère

Cornouaille Port de Pêche

Nord-Finistère

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Patrick Dufour, directeurgénéral du Crédit MaritimeBretagne-Normandie

« Le Crédit Maritime Bretagne Normandie (200salariés et 30 agences dans le Finistère) est unacteur largement majoritaire dans le financementde l’activité (80% des encours) même si celle-ciest moins prégnante puisque qu’elle ne constituedésormais que 15% du total de nos encours. Noussommes proches de la pêche artisanale du fait denos relations historiques avec le milieu coopéra-tif maritime. Dans la construction de son avenir,cette filière doit mieux se structurer et intégrerdavantage la valorisation du poisson (produit frais,noble, de qualité, non pollué…).

Si la partie production de la filière parvenaità valoriser en moyenne 10% de plus, la probléma-tique du renouvellement de la flottille n’existeraitplus. Il faut commencer par faire en sorte que lemodèle économique de l’investissement dans unbateau soit viable. L’idée est de trouver, dans unelogique de rentabilité, une solution permettantde compenser le manque d’autofinancement. Noustravaillons à la création d’un fonds d’investisse-ment, essentiellement à destination des chalu-tiers hauturiers (20% de la flotte, 80% de la pêche)

en lien avec les chantiers navals et les industrielsde la transformation. Le fonds serait piloté par leCrédit Maritime et le Crédit Mutuel en associationavec la filière maritime. Le montant envisagé estde 5 à 10 millions d’euros, sachant qu’un chalutierhauturier neuf coûte entre 2,5 et 3 M€. Notre ambi-tion est d’amorcer le modèle et de l’accompa-gner ».

Soazig Le Gall-Palmer,dirigeante de l’Armement Bigouden

« La consommation d’énergie représente envi-ron un tiers de nos coûts de production au lieu de10% quand j’ai débuté. Le prix moyen du poissonbaisse régulièrement depuis quelques années. Ilest de plus très volatil, notamment à cause desimportations qui constituent 80% du poissonconsommé en France. Résultat : notre chiffre d’af-faires reste stable alors que notre production aug-mente. Il nous manque 50 centimes du kilo. Sinon,je ne vous parlerais même pas de tout cela ! Entermes de gestions des ressources humaines,nous faisons le maximum. Le carburant n’est pastotalement mis sur le fonds commun. Nous pre-nons en compte la moitié des charges salariales,

ce qui représente pour les marins l’équivalent d’un13e mois. Nous avons créé un dispositif de pré-voyance obligatoire ».

Yves Glehen, patron du chantier naval Pierre Glehen et fils

« La mondialisation du marché des produitsde la mer tire vers le bas les prix du poisson. Noussommes sur la corde raide. Depuis que l’entrepriseexiste, nous avons construit près de 500 bateauxde pêche. Les bonnes années, le rythme était de4 à 5 par an. Avant le Bara ar vicher (février 2012)livré à l’Armement Bigouden, nous étions restéssix ans sans la moindre commande de bateau depêche. Et aujourd’hui, il n’y a rien à l’horizon. Lamoyenne d’âge des navires est de 25 ans, celledes patrons de 48 ans. Un jeune qui achète unbateau de 20 à 30 ans à bout de souffle travaillepour payer l’entretien de son navire. Le bateaud’occasion ne permet pas de mettre de l’argentde côté. Malheureusement, le Bara ar vicher consti-tue plutôt une exception dans le paysage ».

*Pour ce qui concerne la Politique Commune dela Pêche, lire en pages 22 et 23

ENQUÊTE

EnLiens numéro 8 - juin 20138

80% DE VENTE À DISTANCE DANS LE NORD-FINISTÈRE

Quels sont les principaux enjeux* qui conditionnent l’avenir de la pêche finistérienne ? Trois acteurs historiques de la filière s’expriment. Propos choisis.

Roscoff et Brest mettenten œuvre des modesd’organisation et dedéveloppement quioptimisent leurpositionnementgéographique.

La criée de Roscoff, gérée par la CCI de Morlaix,connaît une progression constante : 6 473 tonnes(22,5 M€) l’an dernier au lieu de 4 483 t (16,7 M€) en2008. L’églefin (1 337 t), la lotte (1 115 t), le cabillaud(510 t) constituent les principales espèces com-mercialisées auprès de 74 acheteurs. La flottillecomporte 110 bateaux : 8 chalutiers hauturiers, 6chalutiers pélagiques, environ 95 fileyeurs et côtiers.La vente à distance, organisée à 6h, représente82% du total et affiche un taux de réclamationproche de zéro. « Plusieurs projets d’un cout globalde 3,6 M€ sont programmés cette année : halle à viviersde 140 unités sur 700 m², restructuration des espacessociaux pour 45 personnes à terme, réduction de lasalle de vente à 15 postes d’achats… », explique ledirecteur, Guirec André. L’essor de la criée reposecertes sur sa position stratégique en milieu deManche, mais aussi sur la pratique de marées courtes(une semaine maximum) et sur une gestion fine del’humain. « La moyenne d’âge des 33 salariés de lacriée est de 26 ans. Je suis fier de pouvoir recruter enCDI à 19/20 ans ! », souligne Guirec André.

Pour sa part, la criée de Brest* (11 salariés à l’an-née) a commercialisé l’an dernier 1 735 t de pro-duits de la mer pour une valeur de 8,2 M€. La lotteconstitue la principale espèce vendue (512 t) devant

la coquille Saint-Jacques (180 t), le tourteau (150 t)et la praire (110 t). La vente par internet représente80% du total. « Nous comptons une cinquantained’acheteurs (Bretagne, Loire-Atlantique, Vendée, Cha-rente-Maritime…) », explique Ronan Floch, direc-teur d’exploitation. La flottille comporte une cen-taine de bateaux, parmi lesquels 45 fileyeurs côtierset 35 coquilliers. « La totalité de la pêche s’effectueà la journée. La vente se déroule à 14h30. Le départs’opère entre 15h et 16h et les clients sont livrés lelendemain », précise-t-il. La criée est appelée à sedévelopper. Une décision sera prise d’ici à la fin del’année. Deux hypothèses sont envisagées : soit lemaintien dans les lieux devenus étroits (1 000 m²)avec extension de la surface de travail ; soit undéménagement, souhaitable, au bassin n°3 afin dedisposer d’un espace nettement plus vaste(3 000 m²). Les bateaux du quartier sont de plus enplus nombreux à vendre sous criée où se réalisedésormais la moitié des transactions.

*La Région Bretagne en a concédé la gestion à laCCI de Brest qui l’exerce via « Brest Océan Pêche »

détenue à 45% par la CCI, 45% par l’Association desAcheteurs des Produits de la Pêche de Brest et 10%

par le Comité départemental des pêches maritimes etdes élevages marins du Finistère.

NAVIGUER PAR GROS TEMPS

Photo Romain Le Bleis

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L’ALGUE, UNE FILIÈRE D’AVENIR

Avec 90% de la production nationale issue de ses champs d’algues, la Bre-tagne confirme sa position dominante dans cette filière qui regroupe un nom-bre croissant d’entreprises, de la récolte à la valorisation.

150 emplois sont générés par la transformation de cette matière premièrerécoltée à pied par 20 goémoniers professionnels et près de 300 ramasseursoccasionnels et pêchée par une quarantaine de licenciés à l’aide de « scoubi-dous ». Et les prévisions de développement sont prometteuses avec l’extractionde l’hyperboréa, une algue brune entrant principalement dans la compositionde produits pharmaceutiques, alimentaires et textiles... Sa récolte, actuellementde 15 000 tonnes devrait doubler dans les prochains mois. Son mode de ramas-sage selon le procédé norvégien du peigne tracté est pourtant décrié par uncollectif d’élus, pêcheurs, plaisanciers. Une étude scientifique menée par le ParcMarin d’Iroise, Ifremer, la station biologique de Roscoff qui vient tout juste d’êtrepubliée, se veut toutefois rassurante. Elle minimise l’impact du peigne sur la faune,la flore et la biodiversité des champs de laminaire si des précautions quant audéplacement et au retournement des blocs sont prises par les récoltants.

« Nous avons besoin de maintenir des champs d’algues de qualité en Bretagne,souligne Christine Bodeau, présidente de la Chambre syndicale des algues etvégétaux marins. Nous restons vigilants afin d’éviter que les besoins des entre-prises de valorisation et de transformation n’incitent les récoltants à ne plus sui-vre les règles de bonnes pratiques. » Un guide de la récolte des algues de rive aainsi été réalisé afin que tout usager de l’estran respecte les gestes et la régle-mentation pour une gestion durable des champs d’algues. Un préalable au main-tien de la certification d’algues en « agriculture biologique ». « Ce label bio nouspermet d’être présents sur le marché international aux côtés de l’Argentine ou duChili. Mais la concurrence est rude. Les techniques de production ne sont pas homo-généisées au niveau mondial. Nous sommes soumis à des règles beaucoup pluscontraignantes et à des analyses coûteuses qui nous pénalisent », conclut-elle.

LA CONCHYLICULTURE SORTLA TÊTE DE L’EAU

La filière conchylicole se relève tout juste de la crise de 2008 qui a entraînéla fermeture d’environ 30% des entreprises du secteur. « Ce pourcentage élevés’explique surtout par le fait que des professionnels partant à la retraite ne trou-vaient pas de repreneurs », pondère Hervé Jenot, président du Comité régionalde conchyliculture Bretagne sud qui s’étend de Camaret au Croisic. La filièreemploie sur toute la zone près de 2 000 salariés équivalents temps plein. Avecsa production de 90 000 tonnes en 2012, elle génère 40% de la production natio-nale grâce aux concessions situées en baie de Quiberon, sachant que « la pro-duction nationale a été divisée par deux depuis 2008 ». Les conchyliculteurs doi-vent faire face à des problèmes de taille : « La qualité de l’eau qui dans certainssecteurs se dégrade, la surmortalité des juvéniles due essentiellement au réchauf-fement de la mer et la pression immobilière sur le littoral qui ne favorise pas le main-tien des chantiers ostréicoles », énumère Hervé Jenot.

9EnLiens numéro 8 - juin 2013

ENQUÊTE

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EnLiens numéro 8 - juin 201310

ENQUÊTE

« TOUT EST CONDITIONNÉ PAR LE NOMBRE DE BATEAUX »

Même si l’époque est rude et incertaine, la Cornouaille demeure une place forte de lapêche fraîche. 47 000 tonnes de poissons ont été vendues l’an dernier dans les six criéescornouaillaises gérées par la CCI de Quimper-Cornouaille* (-7% par rapport à 2011) pour unevaleur de 136 millions d’euros (-4,4%). A cela s’ajoutent 14 600 tonnes débarquées hors criée(vente directe). Cette année, la CCI va accroître ses investissements dans les ports de pêcheauxquels elle consacrera 6,8 M€. Au profit de l’ensemble des ports sont programmés la miseen place de systèmes d’alimentation en eau de mer propre des criées (2,2 M€) et le rempla-cement du système informatique de gestion des ventes (190 000€). A Concarneau, 1,4 M€seront alloués à la poursuite de la modernisation du port (avec notamment la démolition dela friche industrielle quai est) sans oublier l’avancement du dossier crucial de l’aire de répa-ration navale. Autre projet majeur : la modernisation de la criée de Douarnenez à laquelleseront affectés 2,1 M€.

La CCI intervient dans deux domaines principaux : l’exploitation des ports (gestion, vente

en criées) et les services portuaires** (grues, engins de carénage…). Cette activité mobiliseau total 150 salariés pour un chiffre d’affaires annuel de 15 M€. La baisse des apports consé-cutive aux plans de sortie de flotte a nécessité des ajustements rapides. « La première réponsea été la mutualisation. La dimension transversale s’est accélérée », explique Philippe Le Carre,directeur des concessions et du développement maritime à la chambre consulaire. « Laseconde adaptation a résidé dans le développement de l’achat à distance, dans une logiqued’équité et de gain de temps, grâce à la mise en place d’une plateforme performante et sécuri-sée. L’outil informatique est devenu stratégique ».

Plus d’infos : www.quimper.cci.fr*La CCI intervient en qualité de concessionnaire. Les ports de pêche de Cornouaille sont de la

compétence du Conseil général du Finistère. **A l’exception de Concarneau, de par l’existence de la SEMCAR (Société d’Exploitation de

Moyens de CARénage).

CONTRE VENTS ET MARÉES

La criée de Saint-Guénolé – Penmarc’h emploie 21 permanents.Elle compte 70 acheteurs agréés, parmi lesquels 58 mareyeurs, dont9 locaux. En 2012, 13 500 tonnes ont été débarquées (ventes horscriée comprises) pour une valeur de 26,5 millions d'euros. Les prin-cipales espèces débarquées en 2012 ont été la sardine (6 060 tonnes),la baudroie (975 t) et l’églefin (875 t). En valeur, le palmarès est modi-fié puisque la baudroie (lotte) devance la sardine (4,8 M€ contre 4,2M€ l’an dernier) tandis qu’en termes de prix moyens, la langoustinesud (10,83€) et nord (8,07€) pêchées en bien plus faibles quantités(moins de 100 tonnes annuelles pour la langoustine sud) surfent surdes cours nettement plus élevés que ceux de la baudroie (4,94€) oude la sardine (0,69€). On l’aura compris, la pêche brille à Saint-Gué-nolé-Penmarc’h par l’extrême variété de ses apports. Il suffit pours’en convaincre d’observer la composition de la flottille : 14 chalu-tiers hauturiers de 20 à 23 m, 14 chalutiers côtiers de 10 à 17m, 2 grosfileyeurs de 16 à 22 m, 12 bolincheurs de 14 à 16 m ainsi que 20 ligneurs,fileyeurs, palangriers et caseyeurs de 6 à 13 m. Le matin, les apportsde la pêche hauturière (à 6h) et de la bolinche (7h) sont vendus surcatalogue en salle informatisée (60 postes d’achat). Dans l’après-midi, à des horaires plus variables (entre 15h30 et 16h45) vient le tourde la pêche côtière.

« La vente à distance s’est considérablement développée depuis2009. Elle représente aujourd’hui 40 à 50% des ventes », précise Fran-çoise Peigné, responsable de la criée, qui travaille ici depuis 1976.« L’activité du port est si diverse qu’il faut être polyvalent, », explique-t-elle. Les satisfactions ne manquent pas. « Les tonnages sont toutà fait corrects en ce début d’année, avec notamment de belles pêcheshauturières », constate la responsable. Quid de l’avenir de ce portemblématique ? « Tout est conditionné par le nombre de bateaux. Ilfaut que la flottille demeure à son niveau actuel ». Un challenge pro-

bablement difficile à relever alors que le quartier maritime du Guil-vinec s’apprête à voir une quarantaine de patrons-pêcheurs mettresac à terre dans les prochaines années. Quoiqu’il advienne, il faudrabien trouver des solutions pérennes afin de maintenir les apportssous criée. « Mon métier consiste à s’impliquer et toujours se remet-tre en question », conclut Françoise Peigné. « C’est un défi ! Il faut leprendre comme ça ! ».

Seules 4 des 37 criées françaises sontdirigées par une femme. Rencontreavec Françoise Peigné, responsable dusite de Saint-Guénolé - Penmarc’h.

5,4 millions d’euros d’investissements en 2012, 6,8 M€ cette année… l’engagement de la CCI de Quimper-Cornouaille s’intensifie malgré la crise.

HALIOTIKA :PASSIONPOISSON

26 500 visiteurs en 2006,46 500 en 2012 (dont 10 000enfants)... la Cité de la Pêche duGuilvinec – centre de découvertemoderne, ludique et interactif –occupe une place grandissante àla croisée de la pêche et du tou-risme finistériens. Le package visiteguidée+criée constitue l’un desatouts maîtres de l’équipement,particulièrement en été avec desdéparts groupés toutes les cinqminutes entre 16h20 et 17h30. Plu-sieurs nouveautés ont vu le jourrécemment : « Fête ton anniver-saire à Haliotika ! », Journée immer-sion, Relève des Casiers… « La pro-chaine scénographie sera axée surla passion du poisson. L’objectif estde valoriser les produits, expliquerles coûts, retracer les étapes de lamer à l’assiette », précise la direc-trice, Anna Latimier. « Les travauxsont prévus cet automne pour uneouverture en février 2014 ». Desembarquements à la journée* (4h-17h) sont proposés par ailleurs àbord de chalutiers côtiers. « Suiteà ces sorties, nous recevons régu-lièrement des colis ou mots deremerciements destinés auxpêcheurs », sourit Anna Latimier.Une belle façon d’entretenir le lien,à distance...

*Deux personnes au maximum.46€ par visiteur.

Plus d’infos : www.haliotika.com

Photo Romain Le Bleis

EN SAVOIR +www.en-liens.fr @

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ENQUÊTE

11EnLiens numéro 8 - juin 2013

Quel est votre regard sur l’avenir de la filière enCornouaille ?

La pêche constitue l’un des piliers del’économie de la Cornouaille. Elle fait partie denotre âme, de notre identité. Sa pérennitéreprésente un enjeu majeur d’aménagement duterritoire. Il est impossible de concevoir l’avenir denos communes sans elle, tant les acteurs de cettefilière sont intégrés dans la vie locale et le tissuéconomique. Nous demeurons un territoire deréférence au niveau européen.

Comment soutenir l’activité ?Les pêcheurs ne savent jamais ce qui va leurtomber dessus : interdictions, quotas, zéro rejet enmer… Politiquement, il serait souhaitable de rendreles décisions européennes plus visibles et pluslisibles. Pour ce qui concerne le renouvellement dela flottille, les subventions ayant disparu, le soutienà la construction de bateaux neufs s’envisageessentiellement sous les angles de la sécurité, del’amélioration des conditions de travail et deséconomies d’énergie. En matière d’équipementsportuaires, l’effort est continu et collectif. Lacommunauté de communes du Pays Bigouden Suda ainsi contribué à hauteur de 170 000€ aufinancement de l’élévateur à bateaux du Guilvinec.

Pour avancer, il nous faut créer une unité sacrée !

Comme au sein de « Mer de Cornouaille » dont vousprésidez le comité de pilotage* ?La première réunion a eu lieu le 19 mars dernier.Les objectifs sont d’inscrire l’espace marin dansles stratégies d’aménagement et dedéveloppement à l’échelle de la Cornouaille, faireémerger des projets durables et réduire lesconflits d’usage. Cette démarche, pilotée parQuimper Cornouaille Développement, est soutenue(à hauteur de 200 000€) par la Région suite àl’appel à projets « Gestion Intégrée de la ZoneCôtière » (GIZC). Le périmètre retenu estpertinent : de Crozon à la Laïta et jusqu’à 50milles au large. « Mer de Cornouaille » a vocationà être un lieu d’échanges et de concertationentre les acteurs qui se partagent le milieu. Lediagnostic sera présenté cet automne. Suivra laréalisation d’un plan pour le développementdurable des activités maritimes qui doit êtreproposé au printemps 2014.

*La GIZC Ouest-Cornouaille y est pleinement associéeafin de prévenir d’éventuels « doublons ».

Plus d’infos : www.sioca.fr ; www.ouest-cornouaille.com ;www.quimper-cornouaille-developpement.fr

JEAN-PAUL STANZEL, PRÉSIDENT DE LA COMMUNAUTÉ DE COMMUNES DU PAYS BIGOUDEN SUD

« CRÉER UNE UNION SACRÉE »

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Le rapport publié en février dernier par la cham-bre régionale des comptes sur la gestion des portsde pêche bretons n’est sans doute pas le livre de che-vet préféré des Loctudistes. « La réorganisation descriées a débuté en 2003 par la fermeture de Camaret,puis de Lesconil en 2008. Elle est cependant inache-vée, notamment en Cornouaille », écrivent ses auteurs,citant l’exemple de… la halle à marée de Loctudy« aujourd’hui surdimensionnée » à leurs yeux.

Même si les chiffres ont la vie dure – Loctudy aperdu environ trois quarts de sa flottille hauturièredurant les plans de sortie de flotte et, pour ce qui estdes apports, les tendances (volume, valeur, prix moyen)étaient toutes à la baisse en 2012–, ces propos fontabstraction du fait que la communauté portuaire s’estmobilisée pour inventer un modèle économique inno-vant.

L’armement Hent Ar Bugale, créé en 2010 par desmareyeurs locaux, a pour actionnaire majoritaire l’as-sociation « Loctudy pôle pêche*» présidée par SergeGuyot, directeur des Viviers de Loctudy. « Nous tra-vaillons dans un port censé devoir fermer, sur des métiersprésentés comme dépourvus d’avenir », constate avecune pointe d’ironie Guy Le Berre, capitaine d’arme-ment de la SAS Hent Ar Bugale. « Malgré cela, nousavons la volonté de continuer ». Et comment !

Hent Ar Bugale possède quatre bateaux : Hent ArMor, Connemara, Laura, Saint-Alour. « En comptant50 000 € par marée de quinze jours, 17 ou 18 fois par an,

on parvient à environ 900 000 € de chiffre d’affairespour 5 marins. Quelle entreprise fait ça ? », affirme lecapitaine . « Même si 25 à 30% du total sont consom-més par le gazole, cela reste économiquement intéres-sant et fait vivre du monde. Un marin, c’est entre 4 et 5emplois à terre ! Loctudy reste viable ! ».

L’armement emploie 24 salariés et affiche plusde 3 millions d’euros de chiffre d’affaires. Pour l’en-semble du port de Loctudy, si l‘on additionne les11 hauturiers (6 membres d’équipage en moyenne) etla trentaine de côtiers, ce sont plus d’une centainede marins qui contribuent à la vitalité de leur terri-toire. « De nombreuses idées fausses circulent concer-nant la pêche. La première d’entre elles consiste à fairecroire que cette activité est vouée à disparaître. Il esttotalement inutile de se plaindre et d’alimenter ainsicette vision erronée », conclut Guy Le Berre. « Notrepriorité est au contraire de démontrer jour après jourque nous sommes capables de donner du travail à beau-coup de familles ». Et cela dans une logique de cir-cuits courts et de relations de confiance. N’en déplaiseà la chambre régionale des comptes…

* « Loctudy pôle pêche » regroupe 55 acheteurs quise fournissent à la criée du port. Arkea (Crédit Mutuel)

est aussi actionnaire de Hent Ar Bugale. Plus d’infos : www.hentarbugale.fr

HENT AR BUGALE

ÊTRE ET DURERLes mareyeurs loctudistes se sont rassemblés pour créer unarmement, Hent Ar Bugale, désormais fort de quatre chalutiershauturiers.

ENQUÊTE

EnLiens numéro 8 - juin 201312

Loctudy, mercredi 1er mai, 18h40. Rémi Boennec, le patron du Laura , l’un des 4 hauturiers de l’armement Hent ar Bugale, rentre d’une marée de quinze jours avec ses 4 hommes d’équipage. Le temminuit. Tout l’équipage est à la tâche. Il est aidé par des dockers. Le poisson (lotte, merlu, lieu...) et les langoustines sont dans la foulée triés et mis en caisse en préparation de la vente sous criée du

Page 13: En liens pêche

Gwendall et Tual Olivier ont repris en 2012 l’entreprise fon-dée en 1985 par leur père, Paul, ancien marin-pêcheur. En 2005,le rachat d’Arvoriz Mareyage a permis d’élargir la clientèle etd’accroître la production. « Les Brisants, c’est aujourd’hui 1 500tonnes de produits bruts transformés et 1 000 tonnes de mar-chandises livrées chaque année à une centaine de clients régu-liers en France comme à l’étranger (Allemagne, Suisse, Bel-gique…) », explique Gwendall Oli-vier. Côté production, l’éventailest large mais l’accent est missur les poissons nobles (bar, sole,lotte, saint-pierre…). La créationen 2011 de la marque « BrisantsSélection » témoigne de cettevolonté de proposer aux clients« le meilleur de la pêche artisa-nale bretonne » dans le cadred’une démarche qualité engagéedepuis 2002. « Nous ne noussommes pas positionnés sur lemarché des GMS (grandes etmoyennes surfaces) », poursuit-il. « Nous entretenons de préfé-rence des relations directes avecles grossistes –qui représentent50% de notre chiffre d’affaires –,les restaurateurs et les poisson-niers. Et nous entendons bien nous en tenir à cette philosophie ».Ce d’autant plus que les résultats la valident. Les « PêcheriesLes Brisants » emploient en moyenne 26 salariés à l’année pourun chiffre d’affaires de 8,2 millions d’euros, en hausse de 15%sur les deux derniers exercices. L’entreprise recourt très lar-gement et avec succès à la vente à distance, système qui repose

sur la confiance totale de l’acheteur, tout en s’efforçant demutualiser sa logistique de transport. « Depuis mon bureau, j’ar-rive à acheter dans quatre à cinq ports en même temps », affirmeGwendall Olivier. Il fait son marché à Saint-Guénolé - Penmarc’h,au Guilvinec, à Loctudy bien sûr, à Concarneau, mais aussi àAudierne, Brest et Roscoff. « Autrefois, nous étions à 60% d’achatssur Loctudy. Maintenant, c’est 30%. Notre port a perdu de très

nombreux bateauxdepuis 2008. Comptetenu des incertitudes surle volume et la nature desapports (réglementa-tions européennes,conditions climatiques,prix du gazole…), noussommes contraints à desajustements perma-nents, d’où l’importancede développer unelogique multi-produits(crustacés, poissonsnobles, blancs, bleus, degrand fond…) », indiqueGwendall Olivier.

« Nous avons aussidû évoluer afin de répon-dre aux demandes de

plus en plus spécifiques de nos clients ». Tout cela dans un espritcollectif et déterminé : « Loctudy compte une dizaine demareyeurs. Ils sont plutôt jeunes et indépendants ! ».

Plus d’infos : www.les-brisants.com

L’entreprise familiale de mareyage de Loctudy s’est positionnée sur unmarché de niche où le poisson noble tient le haut du panier.

LES « BRISANTS » CULTIVENT LA QUALITÉ

ENQUÊTE

13EnLiens numéro 8 - juin 2013

mps d’avaler une part de pizza à bord du bateau — apportée par Guy Le Berre le capitaine d’armement — et les 16 tonnes de poissons sont déchargées des cales. L’opération va durer jusqu’àlendemain matin. La vente rapportera 46 500 euros, dont 11 917 euros serviront à payer la facture de carburant (17 655 litres de gazole).

NOTRE PRIORITÉ EST DE

DÉMONTRER JOUR APRÈS JOUR

QUE NOUS SOMMES CAPABLES DE

DONNER DU TRAVAIL À BEAUCOUP

DE FAMILLES

EN SAVOIR +www.en-liens.fr

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EnLiens numéro 8 - juin 201314

ENQUÊTE

LECLERC DE PONT L’ABBÉ

DE LA CRIÉE À L’ÉTALLeclerc Pont-l’Abbé achète en moyenne 150 tonnes souscriées par an, de préférence dans les ports bigoudens.

Le centre Leclerc de Pont-l’Abbé (hyper-marché, jardinerie, parapharmacie) emploie225 salariés, 130 de plus qu’en 1995, l’année del’arrivée de Patrick Bellec, fils d’agriculteursnord-finistériens, en Pays Bigouden. « Notreobjectif était de créer un facteur de différen-ciation en développant un rayon poissonnerieconstituant un porte-drapeau et un fer de lancedes spécificités locales », explique l’adhérent-propriétaire.

La partition étant écrite, restait à désignerle chef d’orchestre. « J’ai compris que PatriceLe Calvez, le chef de rayon, serait l’homme de lasituation quand il m’a déclaré avec des étoilesdans les yeux : ‘’Je rêve d’aller acheter en criée’’.Nous avons été la première grande surface àdemander… et obtenir un tel agrément (au titredu Leclerc Pont-l’Abbé et non de la centraled’achat). Nous avons respecté les usages de lafilière et ses acteurs. Le milieu nous a acceptésparce que nous avons fait la démarche de nousy intégrer ». Avec humilité et humour, commeen témoigne cette anecdote: « Je suis arrivéune fois à Saint-Guénolé avec des bottes vertes

et non pas blanches comme il se doit. Cela nes’est plus jamais reproduit… ».

Le centre Leclerc de Pont-l’Abbé achèteenviron 150 tonnes sous criées chaque année,le plus possible au Guilvinec, à Saint-Guénolé/Penmarc’h et à Loctudy*. Le rayonconnaît un essor continu. « Nous recrutons enmoyenne une personne par an (10 actuellement)et venons d’acquérir un camion de 19 tonnes »,indique Patrick Bellec. « Il est hors de questiond’assister à l’enterrement d’une filière. Nous sou-haitons au contraire la dynamiser. Tout le mondese replie, nous on attaque parce que les châ-teaux-forts finissent toujours par tomber. L’ave-nir de la pêche ne se joue pas uniquement sur lesquais. La rationalisation de la logistique consti-tue aussi un facteur clé de réussite. Les tempsde transports sont toujours trop longs. Ce n’estpas le moment de perdre du temps au départ desports bigoudens ! »

* La règle est celle du « tout sauf… ». Crevettes, saumons et dos de cabillaud

sont importés.

ARMEMENT BIGOUDEN, CHANTIERS GLÉHEN

DESTINS CROISÉS

Le dernier né de l’Armement Bigou-den, le Bara ar vicher, chalutier de 24,90 mmis à flot en février 2012, a été construità Douarnenez par le chantier naval Gle-hen. Un exemple parmi tant d’autres dela volonté farouche de faire vivre la pêcheque partagent les deux entreprises. L’Ar-mement Bigouden est, avec La Houle àSaint-Guénolé-Penmarc’h, l’un desacteurs emblématiques de la filière enCornouaille : 11,5 millions d’euros de chif-fre d’affaires, 3 500 tonnes pêchées, unecentaine de salariés dont 80 marins, 11chalutiers hauturiers. « L’objectif initialétait de réguler les apports au Guilvinec »,rappelle la dirigeante, Soazig Le Gall-Pal-mer. Cette ambition collective se reflèteaujourd’hui encore dans la compositiondu capital. « Aux côtés de ma famille, quidétient une part majoritaire, sont présentsdes mareyeurs, des fournisseurs, des petits

actionnaires », souligne-t-elle. Tous sesont serrés les coudes dans les années70. « L’armement a construit sa soliditésur le renouvellement continu de sa flot-tille. Nous faisons en sorte de disposerd’outils performants. Notre principal souciest de maintenir l’activité économique etnon d’engranger des dividendes. Un hau-turier de 25m représente un investisse-ment d’environ 3 M€. Il se rentabilise grâceà l’humain. Les conditions d’exploitationétant ce qu’elles sont, on ne peut comp-ter que sur l’excellence pour s’en sortir ! ».

C’est aussi le cas d’Yves Glehen,patron du chantier Glehen Pierre et Filscréé en 1911, qui emploie une soixantainede salariés sur trois sites (Le Guilvinec,Douarnenez et Loctudy) et a dû se diver-sifier depuis quelques années dans lesbateaux à passagers et de servitude.« Nous avons construit la totalité des

bateaux neufs de l’Armement Bigouden ainsiqu’une grande partie de la flottille bigou-dène », affirme Yves Glehen. « Cette flot-tille que l’on a construite dans les années80/90 maintient les tonnages de poissonssous criée. Les bateaux d’occasion ne per-mettent plus aux jeunes de mettre de l’ar-gent de côté parce qu’ils s’exposent à tra-vailler pour payer leur entretien. Il y aurgence car la mondialisation des marchésdes produits de la mer tire vers le bas lesprix du poisson sous les criées françaises.Il manque 50 centimes d’euro pour équili-brer. C’est une montagne incontourna-ble ! ». Un petit coin de ciel bleu dans cesombre tableau ? Oui ! « Ce qu’accomplitHent Ar Bugale à Loctudy est louable et ver-tueux. Chapeau ! ».

Plus d’infos : www.chantier-glehen.com

Entreprises voisines et solidaires sur le terre-plein du port du Guilvinec,l’Armement Bigouden et le chantier Glehen se battent avec opiniâtreté pour lemaintien de l’activité pêche en Cornouaille.

PÊCHES DURABLESEN BRETAGNE

Cette grappe d’entreprises innovantespropose des projets pragmatiques visant àrésoudre certains problèmes structurels dela filière pêche. Toute innovation contribuantà redonner de la rentabilité aux navires depêche tout en respectant la ressource peutbénéficier de son soutien. L’efficacité de« Pêches durables de Bretagne » repose surson réseau d’entreprises pionnières*, le sou-tien financier du Conseil général du Finistèreet du Fonds national d’aménagement et dedéveloppement du territoire (FNADT), le sou-tien effectif de Bretagne Développement Inno-vation et du Pôle Mer Bretagne. Plusieurs pro-jets ont déjà été sélectionnés par l’associa-tion, tels que l’économètre analytique Eco-mer (logiciel destiné à économiser l’énergieà bord) porté par le chantier naval Glehen duGuilvinec ; la construction d’un atelier de sur-gélation mutualisé à Loctudy (Hent Ar Bugale) ;le Mégaptère, navire du futur (Chantiers Ber-nard à Lorient).

*Pour nous en tenir à celles qui figurentdans ce dossier : l’Armement Bigouden, les

chantiers Glehen, le Groupe Béganton, Pont-l’Abbé Distribution et, parmi les établissements

partenaires, le Crédit Maritime et le ComitéDépartemental des Pêches Maritimes et des

Elevages Marins du Finistère. Plus d’infos :

www.peches-durables-en-bretagne.fr

Page 15: En liens pêche

Mon père est patron pêcheur d'un caseyeur hautu-rier de 24 mètres qui cible la pêche aux crusta-cés (crabes, homards, araignées) avec des casiers.

J'ai effectué ma première marée de dix jours à l'âge de 12ans, sur le caseyeur de mon père le « Notre Dame de Keri-zinen ». Je regardais le déroulement du travail à bord.

A 15 ans, j'ai embarqué en tant que stagiaire à bord du« Neway » , pour 1 semaine. C'est un chalutier de 25 mètresqui pêche le poisson tel que la lotte, le cabillaud, le saintpierre, le lieu… Nous sommes partis de Roscoff et nous avonsfait route pendant douze heures pour rejoindre la pointeanglaise, notre lieu de pêche, situé à proximité des îles Scilly.Lors de cette marée, j'ai appris à éviscérer les poissons età les mettre en cale.

J'aimerais obtenir, après cette formation, le diplôme depatron de pêche pour ensuite embarquer sur un caseyeur.Et après quelques années d'expérience, devenir moi-mêmepatron d'un caseyeur hauturier pour pouvoir traquer lescrustacés.

Anthony Salaün, Saint-Pol-de Léon

LYCÉE MARITIME DU GUILVINEC

PAROLES DE JEUNES...

www.piriou.com

CONSTRUIRE POUR LA MER...

C O N S T R U C T I O N

RÉPARATION NAV

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VALE

Le lycée maritime du

Guilvinec (www.lycee-

maritime-guilvinec.com)

forme des élèves au

baccalauréat

professionnel « Conduite

et gestion des

entreprises maritimes,

option pêche ». Une fois

leur diplôme validé par

une expérience

professionnelle, ces

jeunes pourront devenir

patron de pêche.

Témoignages d’élèves de

première réalisés en

cours de français, avec

leur professeur,

Cédric Cariou...

J'aime vraiment la mer, je suis un passionné du métierde marin pêcheur. J’ai effectué ma première marée à l'âge de 11 ans sur

le « Bara Pemdez II », chalutier hauturier d'une longueurde 24 mètres. Les 3 premiers jours fûrent les plus longs...

Durant ma formation, j’ai tout d’abord réalisé un stagesur un chalutier hauturier le « Bara Heiz » de l'armementBigouden, pour connaître les activités de la pêche profes-sionnelle. Il a comme port d'attache Le Guilvinec. Ce bateaude 24 mètres navigue durant 14 jours et pêche le plus sou-

vent dans le Nord. Mon rôle à bord était de regarder et d'ana-lyser la façon de trier, d'éviscérer et de laver les poissons,mais aussi d'aider l’équipage à réaliser certaines tâches :faire à manger, laver le pont en fin de marée... J'ai ensuiteeffectué un stage dans la marine de commerce, sur un navirede la Brittany Ferries.

J'envisage de faire mes futurs stages dans le domainede la pêche, toujours sur des chalutiers, et de me lancerensuite dans une carrière de marin pêcheur.

Dylan Jadé, Douarnenez

Depuis tout petit, je désire exercer le métier de marin pêcheur. J'ai effectué mon stage sur un bateau del’Ile d'Yeu. C'est un fileyeur, le « Petit Gael II ». Je suis parti pêcher pendant 10 jours dans l’océan Atlan-tique plus précisément dans le golfe de Gascogne. A bord, j'ai principalement enlevé les poissons du

filet. J'ai effectué un autre stage sur un caseyeur le « Kreiz Ar Mor » basé à Brest. Ce bateau partait pour desmarées de 10 jours dans la mer d'Iroise. Pendant cette période, les matelots m'ont formé au métier de marinen me faisant essayer toutes les tâches à accomplir à bord. Ces stages m'ont permis de confirmer mon envied’être pêcheur, et de mettre en pratique ce que j’ai appris au lycée.

Loïc Calvez, Plouescat

Phot

o D

R

Page 16: En liens pêche

EnLiens numéro 8 - juin 201316

ENQUÊTE

PESCAAU SERVICE DES FILIÈRES PÊCHE ET CONCHYLICULTURE

« L’association PESCA est née de la volontédes représentants de la filière pêche de s’unirpour faire face aux difficultés rencontrées en1994 suite à la baisse des cours mondiaux dupoisson », explique Marion Le Renard, char-gée de mission. Limitée à ses débuts au terri-toire cornouaillais, l’association a étendu sescompétences à l’ensemble du départementen 2010. Elle rassemble aujourd’hui une tren-taine d’acteurs de la filière pêche finistérienne:le Comité départemental de pêches, des orga-nisations de producteurs, des mareyeurs, despatrons pêcheurs, des chantiers navals etéquipementiers et autres fournisseurs de lafilière, des banques, des collectivités…

« Études, veille informative, création debateaux génériques disposant d’équipementsstandards..., nos missions initiales se sont élar-gies depuis que PESCA est devenue en 2008 lastructure porteuse en Cornouaille de l’axe 4 duFonds Européens pour la pêche (FEP) », pour-suit la chargée de mission. Ce programmeeuropéen permet aux acteurs locaux d’ac-compagner et de financer des projets inno-vants qui cherchent à promouvoir la filièrepêche et les produits issus des ressourcesmaritimes locales. Le plan d’actions élaboréconjointement avec les adhérents de l’asso-ciation et les collectivités de la Cornouaille aété retenu par l’Europe. « Nous avons déve-loppé 5 axes d’intervention qui ont pour finalitéde préserver la qualité et la richesse de l’envi-ronnement marin, de promouvoir les produitsde la pêche et de la conchyliculture, de renfor-

cer le lien entre terre et mer, d’améliorer l’imagede la filière auprès du public et des décideursterritoriaux, de diversifier les sources de revenudes entreprises de la filière », énumère-t-elle.

Vingt-quatre projets ont ainsi été finan-cés depuis 2010 sur la trentaine de dossiersdéposés. Marion Le Renard est chargée d’ac-compagner les porteurs de projet dans le mon-tage du dossier et la recherche des co-finan-ceurs publics tels que l’État, le Conseil géné-ral, le Conseil régional, les Communautés decommunes… Une fois le dossier monté, uncomité de programmation composé de pro-fessionnels, d’élus locaux… examine les dos-siers déposés et les valide.

Parmi les dossiers récents, « nous avonsainsi financé la mise en place d’un observatoirede l’eau par le Comité régional conchylicole Bre-

tagne sud » , précise l’animatrice. Pour pro-mouvoir la filière pêche, PESCA soutient desexpositions photographiques comme celle dufestival du Guilvinec qui se tient de mai à sep-tembre dans les rues de la ville portuaire oules actions de communication menées par lelycée maritime pour valoriser les métiers de lapêche. «Nous finançons également la réalisa-tion par le Comité départemental des pêches,de fiches pratiques détaillant les différentestechniques de pêche en Cornouaille (Lire ci-dessous)et une étude de faisabilité initiée parla Coopérative Ar Mor Glaz sur la constitutiond’un groupement d’employeurs destiné à mutua-liser les besoins des entreprises de pêche. »

www.telemer.fr

Le Comité départemental des pêches maritimes et desélevages marins du Finistère (CDPMEM) a sollicité le sou-tien financier de l’association PESCA pour la réalisation defiches pratiques sur les techniques de pêche des diffé-rents ports de Cornouaille. Ces fiches synthétiques détail-lant les métiers, les activités pêche de toutes les entitésportuaires de débarquement… sont destinées aux acteurspublics locaux. « Ce projet est né du constat que les élusmanquaient d’informations sur les activités de pêche de leurterritoire », explique Romain Le Bleis, chargé de mission ausein du CDPMEM. L’évolution rapide de la filière, l’éclate-ment des données chiffrées entre la CCI, les Affaires mari-times, la diversité des types de pêche en Cornouaille (bolin-cheur, thonier, chalutier de pêche au large…) ne facilitentpas la connaissance experte de la filière. « En créant cetoutil, poursuit-il, nous souhaitons apporter aux élus des infor-mations simples et illustrées sur les activités maritimes afinqu’ils les intègrent au mieux dans leur politique territoriale. »L’édition papier verra le jour en septembre 2013.

www.comitedespeches-finistere.fr

PROMOUVOIR LESTECHNIQUES DE PÊCHES

ENQUÊTE : LE SENTIMENTD’APPARTENANCE À UN LIEU DE PÊCHE Pour répondre à la demande des professionnels, le Comité

régional de conchyliculture Bretagne Sud a soumis un projetd’observatoire de l’eau à l’association PESCA. Il a pour objectif decartographier de manière simplifiée la qualité microbiologiquede l’eau et de visualiser les éléments bactériologiques contenusdans l’eau. « L’observatoire centralise les résultats des prélève-ments effectués par des réseaux existants (REMI d’Ifremer, Estuairesbretons de la DDTM, Agence régionale de Santé) et des acteurs surle terrain concernés par la gestion des bassins versants ou le SAGE*»,explique Élodie Etchegaray, chargée de mission au sein du CRCBretagne sud. Ces relevés évaluent la présence d’E.coli, germetémoin d’une contamination fécale d’origine humaine et/ou ani-male, dans les zones conchylicoles. Cet observatoire recenseégalement l’état d’avancement des démarches des collectivitésterritoriales sur la gestion de l’assainissement et des eaux plu-viales de leur territoire. Cet état des lieux, mis à jour régulière-ment, est accessible aux professionnels de la filière sur le siteinternet du CRC Bertagne Sud.

* Schéma d’aménagement et de Gestion des Eauxwww.huitres-de-bretagne.com

SUIVI DE LA QUALITÉ DE L’EAUPOUR LA FILIÈRE CONCHYLICOLE

PRÉSERVER LA

QUALITÉ ET LA

RICHESSE DE

L’ENVIRONNEMENT

MARIN, PROMOUVOIR

LES PRODUITS DE LA

PÊCHE ET DE LA

CONCHYLICULTURE,

RENFORCER LE LIEN

ENTRE TERRE ET MER,

AMÉLIORER L’IMAGE

DE LA FILIÈRE,

DIVERSIFIER LES

SOURCES DE REVENU

DES ENTREPRISES...

L’université de Greenwich conduit une enquêtele long du littoral de la Manche et de la Mer du Nordsur le Sentiment d'appartenance à un lieu de pêche.Le but est de comprendre comment la pêche pro-fessionnelle façonne le sentiment d'appartenancedes individus à leur communauté où l'activité depêche est toujours présente.

Cette enquête fait partie du projet GIFS (Geo-graphy of Inshore Fishing and Sustainability) - pro-gramme INTERREG IVa des 2 mers. Elle est menée parl'université de Greenwich en collaboration avec despartenaires anglais, français, belges et hollandais.

Vous pouvez répondre au questionnaire en ligneà l’adresse suivante : http://www.survey.bris.ac.uk/greenwich/sensdu-lieupeche.

Plus d’informations : www.gifsproject.eu/fr Tel: 02 23 48 55 30

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17EnLiens numéro 8 - juin 2013

ENQUÊTE

« TRIER SUR LE FOND PLUTÔTQUE SUR LE PONT »

Contrairement à leurs aînés, les jeunes merlus viventprès de la côte, dans les champs de vase où prospèrentles langoustines, dont ils forment une espèce associée,c'est-à-dire pêchée par les chaluts à langoustines sansen être la cible, puis souvent rejetée.

Aussi, lorsqu'au début des années 2000, la Commis-sion européenne prend des mesures pour protéger lemerlu dans le Golfe de Gascogne, les langoustiniers duPays Bigouden sont directement menacés. « On parlaitd'une augmentation de près de 50% de la taille des maillesdes chaluts, avec un risque énorme sur la rentabilité : unegrande partie de la flottille était menacée de disparition »,se souvient Thierry Guigue. C'est aujourd'hui au sein dePêcheurs de Bretagne qu'il poursuit le travail de mise aupoint par les artisans-pêcheurs de techniques plus sélec-tives. « La démarche collaborative sur les merlus et les lan-goustines fait référence par son ampleur (des dizaines debateaux impliqués dans les tests sur plusieurs années) etses résultats : des mesures acceptées par tous. La Commis-sion européenne nous a donné le temps, et cette confiancea payé. »

Ingénieur en technologie des pêches à l'Ifremer, Pas-cal Larnaud précise : « La collaboration entre pêcheurs etscientifiques est basée sur un respect mutuel des apportsde chacun. Les nouvelles techniques ont été mises au pointen les testant en conditions réelles. Elle doivent être effi-caces, donc sélectives, tout en assurant la rentabilité del'activité. » Ce travail de long terme a permis au passageque les gens s'approprient le sens des changements...et a aussi abouti à la formalisation du métier par la créa-tion d'une licence langoustine. Cette logique d'implica-tion des acteurs a fait des émules, et les essais sur lespêcheries hauturières d'églefin et de merlan semblent

prometteurs. « La contrainte d'une limitation forte desrejets accélère le développement des projets », observePascal Larnaud. « Il faut mettre au point ensemble les tech-niques qui, associées à des comportements de pêche adap-tés, permettront demain d'atteindre des rendements dura-bles pour chaque pêcherie. »

L'exemplarité de la démarche semblait acquise : fixerun objectif global aux professionnels en leur laissant letemps de mettre au point les techniques de sélectivitépertinentes pour l'atteindre. D'où une certaine incom-préhension face à la logique « couperet » des projets deréglementation pour limiter les rejets. « Le calendrier desobjectifs précis semble tellement aberrant qu'il risque deconduire de nombreux professionnels à s'arrêter, tout sim-plement », s'inquiète Thierry Guigue.

(Lire aussi page 22-23)

Depuis 2008, les contrats bleus rémunèrent lesaméliorations des pratiques des pêcheurs : le ramas-sage des déchets, bien sûr, mais aussi des mesuresmoins médiatiques comme l'usage du log-book, véri-table carnet de bord des déclarations de pêcheattestant des progrès réalisés. Portée en Finistèrepar la coopérative Ar Mor Glaz, la dynamique descontrats bleus incite à adopter progressivementdes pratiques plus responsables (investissementsen matériel). Pour consolider les démarches enga-gées, l'enjeu du moment porte sur la création d'ungroupement d'employeurs, qui permettrait par exem-ple à plusieurs armements de mutualiser les com-pétences spécifiques de marins responsables qua-lité, sécurité ou tri sélectif des déchets.

Passionné de mer, Pierre Mollo est tombé dans le plancton depuis long-temps ! Ces microalgues (phytoplancton) et microanimaux (zooplancton) n'enfinissent pas de l'émerveiller. « Ce sont les premiers maillons de la vie, leur bonétat garantit la bonne santé de tout l'océan ! », explique-t-il. « Chacun nourritl'autre, jusqu'à nous ! » Le phytoplancton nourrit le zooplancton, composé enpartie de larves de poissons et crustacés, mangés par des petits poissons, quieux-mêmes servent de nourriture aux plus grands, bars, daurades, turbots....Extrêmement sensible aux perturbations que provoquent tout excès de nitrates,phosphates ou pesticides, la plancton joue un rôle de sentinelle de la qualitéde l'eau. Peu profondes, enrichies en silice et nutriments via les apports d'eaudouce, les zones d'estuaires sont particulièrement propices au foisonnementd'une diversité d'espèces de planctons, et donc de poissons.

P. Mollo, A. Noury : « Le manuel du plancton », Ed. CL Meyer, 2013.P. Mollo, M. Thomas-Bourgneuf : « L'enjeu plancton », Ed. CL Meyer, 2009.

www.observatoire-du-plancton.fr, www.plancton-du-monde.org

Si la FAO estime que globalement les ressources marines mondialessont aux 3/4 exploitées à leur maximum ou déjà surexploitées,certaines pêcheries locales semblent se porter de mieux en mieux.Zoom sur la langoustine en Pays Bigouden.

CONTRATS BLEUS : UNEPÊCHE RESPONSABLE

PIERRE MOLLO AU CHEVET DU PLANCTON, SENTINELLE DE LA QUALITÉ DE L’EAU

LA DÉMARCHE COLLABORATIVE

SUR LES MERLUS

ET LES LANGOUSTINES

FAIT RÉFÉRENCE PAR SON

AMPLEUR ET SES RÉSULTATS

Page 18: En liens pêche

EnLiens numéro 8 - juin 201318

« EN TRAVAILLANT DIFFÉREMMENT, ON Y ARRIVE ! »

Quand André Le Gall s’est installé audébut des années 80, 28 bateaux s’amar-raient au port du Tinduff à Plougastel-Daoulas. Il n’y en a plus que troisaujourd’hui. Il était à l’époque le plus jeunedes patrons pêcheurs. Il l’est toujoursaujourd’hui. Mais est le seul à ne pas avoirl’âge de la retraite... « Les plans de cassesuccessifs ont fait disparaître tous lesbateaux anciens qui pouvaient permettreà des jeunes de démarrer une activité ».Son bateau de 10 mètres a 40 ans.

Ils sont soixante comme lui à pêcherla coquille en Rade de Brest. Ils ramènentchaque année 450 tonnes de Saint-Jacques, 200 tonnes de praires et 40tonnes de pétoncle. Cette activité n’estencore possible que grâce à la vigilancedes pêcheurs qui au début des années80 ont créé une écloserie afin de réen-

semencer la rade de Brest en naissainde coquilles Saint-Jacques. « La pêche-rie était tombée à moins de 50 tonnes paran. Les pêcheurs ont pris conscience qu’ilfallait faire quelque chose pour assurer lapréservation et le renouvellement de laressource », explique-t-il.

Chaque année, la coopérative qu’ilpréside produit 10 millions de naissains.3 millions sont achetés par les pêcheurs(chacun d’entre eux paie 3 000 euros decotisation) qui réensemencent la rade.« Les zones non ensemencées ne donnentpas de bons résultats. »

Les pêcheurs de Quiberon, LaRochelle, Saint Brieuc, Granville, se four-nissent également en naissain au Tin-duff.

André Le Gall pêche la coquille dans la rade de Brestet en mer d’Iroise depuis une trentaine d’années. Il préside l’écloserie du Tinduff.

« PRÉSERVER LA RESSOURCE »

Natif de Plobannalec-Lesconil, petit-fils, fils et frère de marin, Julien Le Brunne pouvait pas échapper à son destin.« J’ai débuté comme mousse à 14 ans surdes côtiers », se souvient-il. « J’ai eu lachance d’avoir des patrons attachés àtransmettre leur savoir. Après un BEP pêche,j’ai commencé dans la vie active à 17 ans etdemi ».

Là, tout s’accélère. Julien commandeson premier bateau l’année de ses 20 ans,puis, à l’âge de 22 ans, rachète « LesCaraïbes », un côtier-langoustinier duGuilvinec, avec 10% d’apport personnel.En 2010, il acquiert « Les Antilles ». Troi-sième étape de la montée en puissance :la commande d’un bateau neuf, « LeLagon » (900 000€ prêt à pêcher), cha-lutier côtier polyvalent (bois) construitpar le chantier Hénaff du Guilvinec, mis àflot le 31 janvier 2013, sister-ship du« Besame » appartenant à son associé,Pierrick Berrou, avec lequel il partage lesdroits du PME (permis de mise en exploi-tation).

« Cela fait quinze ans que je suis dans

le métier et j’entends dire constamment quel’année prochaine, ce sera fini ! Mais en tra-vaillant différemment, on y arrive ! », affirmeJulien Le Brun. « Un marin doit aussi biensavoir gérer sa boutique. On consommemoins de gazole. Avec l’expérience, onconnaît mieux les zones de pêches. Mieuxvaut pêcher moins et assurer la rentabilité.Chaque année en moyenne, nos bateauxsont en mer 250 jours et les marins 150 jours.Le gros problème, c’est le recrutement. C’estce qui risque à terme de tuer la pêche. Aulycée maritime du Guilvinec, seuls 10% desélèves choisissent notre activité. On a l’im-pression qu’une marée de 15 jours s’assimileà Alcatraz ! Alors qu’il y a quand même debons salaires : deux fois et demie le Smic enmoyenne. Nous recrutons par bouche-à-oreille. Je mets du temps à les trouver maisj’ai de bons gars âgés de 20 à 52 ans. Toutle monde voit bien que la pêche diminue etchacun veut sa part du gâteau. Il faut êtrecostaud pour investir. Acheter un bateau,c’est devenu le parcours du combattant ».Raison de plus pour faire preuve d’au-dace…

A 31 ans, Julien Le Brun a déjà acquis trois chalutierscôtiers de 15 mètres et emploie 12 marins-pêcheurs.Son discours est tonifiant.

Julien Le Brun

André le Gall

ENQUÊTE

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19EnLiens numéro 8 - juin 2013

« TRANSMETTRE LE SAVOIR-FAIRE »

La pêche, « c’est un métier d’avenir, bien sûr ! On mangeratoujours du poisson frais, sauvage et de qualité ! » Bruno Claquinest marin-pêcheur depuis l’âge de 16 ans. Il en a aujourd’huiprès de 50. Il a embarqué à la pêche au large, durant vingt-qua-tre ans, comme mousse, matelot, bosco, lieutenant puis patron.Depuis une dizaine d’années, il pêche au filet dans la baie deDouarnenez. « Un jour, j’en ai eu ras le bol de partir 15 jours. J’avaisfait mon temps ». Il a tout de même transmis la passion du métierà son fils Mathieu qui prépare un bac pro au lycée maritime duGuilvinec. « En octobre dernier, il a fait une marée de 15 jours àbord d’un chalutier. L’expérience lui a plu ». La relève est assu-rée. « Il faut encourager les jeunes à venir à la pêche. C’est laliberté. On y travaille dur, mais comme beaucoup d’autres métiers.Les salaires sont intéressants », assure Bruno Claquin.

Sa journée à bord de son neuf mètres Saint-Anne II débutevers 3 heures du matin et se termine à 12 heures, parfois à 18heures. « Ça n’est pas plus reposant que la pêche au large, maisje suis à la maison tous les soirs. » Il ramène dans ses filets, lieus,lottes, soles, rougets… qu’il vend sous criée ainsi qu’aux Hallesde Douarnenez. Son épouse y tient un étal quatre matinéespar semaine. « Cela nous permet de mieux valoriser des espècesdont les cours sont très bas à la criée. Le tacaud y part à 1 eurole kilo quand nous le vendons 4 euros au marché. Si nous n’avionspas cette activité de vente directe, il faudrait que je pêche pluspour m’en sortir. »

Bruno Claquin espère transmette un jour le Saint-Anne II àson fils ou à un autre jeune. Il a acheté son premier fileyeurcôtier en 2005 à un ancien de Douarnenez. Bruno lui rend hom-mage : « Il m’a aussi transmis tout son savoir-faire. Je ne connais-sais pas la baie de Douarnenez. Je ne pêchais qu’en sud-Irlande.Il m’a donné tous ses cahiers de pêche, est venu avec moi les pre-miers mois pour me montrer ou mettre les filets à soles…. Ce qu’ila fait n’a pas de prix. Il y a malheureusement trop de pêcheurs quiont cessé leur activité sans transmettre. »

Bruno Claquin est très actif dans le milieu maritime. Il pré-side la SNSM de Douarnenez ainsi que la Fédération maritimede la baie de Douarnenez : www.baie-de-douarnenez.fr

LA PÊCHE COMME MOTEUR

Ni Bretons, ni issus du métier, Pere Manils, 28ans, et Reda Mohammadi, 26 ans, ont pourtantla pêche dans la tête depuis longtemps... « Prèsde Marseille où j'ai grandi, j'ai toujours pêché parplaisir », se souvient Reda. « J'ai fait une rencon-tre qui m'a amené à l'idée d'en faire un métier, dem'inscrire dans une école de pêche. » Il choisitalors l'excellence : la Bretagne ! « Je me rendscompte que ce que j'aime, c'est le milieu maritime,et la pêche est un moyen très formateur pourapprendre à le connaître et l'apprivoiser, surtouten Bretagne ! » Leur passion les ayant conduitsau Centre Européen de Formation Continue Mari-

time de Concarneau, ils y ont obtenu leur diplômede patron pêcheur il y a un an. Mais la montéeen compétences dans le métier se fait surtoutdepuis qu'ils embarquent comme marins dansdifférents types de bateaux, hauturiers, côtierset même caboteurs et océanographiques ! « Ilfaut 12 mois de navigation pour valider le diplômede patron », explique Pere avec sa pointe d'ac-cent espagnol. « J'ai vite réalisé que j'étais attirépar la pêche côtière, plus sélective. Quand onhabite ici à Concarneau, que peut-on rêver de mieuxque de pêcher aux Glenan ? »

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Nouvelles stars 2013 !Loutres et otariesToutes les informations sur

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Bruno Claquin pêche en baie deDouarnenez depuis une dizained’années, après vingt-quatre anspassés au large. Son fils est prêt àprendre la relève.

Reda Mohammadi, 26 ans et Pere Manils, 28 ans, ont étéformés au Centre Européen de Formation continue Maritimede Concarneau.

Bruno Claquin

ENQUÊTE

Page 20: En liens pêche

ENQUÊTE

EnLiens numéro 8 - juin 201320

LA VIVACITÉ DES VIVIERS BÉGANTON

L’ADN DE PIRIOU

La société Beganton, fondée à Moguériec en 1979, implan-tée à Roscoff depuis 1990 et cogérée par Jacques Person etHubert Le Bihan, constitue l’un des acteurs emblématiques dela filière pêche dans le Nord-Finistère. La « maison mère », lesViviers de Beganton dont le siège est situé au port de Bloscon,emploie 42 salariés pour un chiffre d’affaires de 22 millions d’eu-ros en 2012. Si l’on élargit le champ à l’ensemble du Groupe Began-ton en ajoutant les filiales*, le nombre d’emplois atteint la cen-taine (80 personnes basées à terre + 3 équipages de 7 marins)avec un chiffre d’affaires de 50 M€ l’an dernier.

Cette même année, la société Beganton a commercialisé2 500 tonnes de tourteau – l’activité phare de la pêcherie –de 300 à 500 tonnes d’araignée, 300 tonnes de homard et unevingtaine de tonnes de langouste, auxquelles s’ajoutent 1 500 à2 000 tonnes de poissons, pêchées pour l’essentiel « locale-ment » : lotte, barbue, turbot, lieu, raie, seiche… « Nous privilé-gions les bateaux français », souligne Hubert Le Bihan. La sociétéBeganton possède en propre trois caseyeurs. L’un d’entre eux,« L’Etoile du Berger », a été mis à flot voici une dizaine d’années.Les deux autres sont d’anciens chalutiers de 24 mètres trans-formés. « Nous travaillons régulièrement avec deux autres patronsfrançais », précise Hubert Le Bihan. « Les marées durent unedizaine de jours. Nos bateaux naviguent entre 150 et 180 jours paran ».

Côté export, qu’affiche le baromètre ? « Les difficultés ren-contrées sur les marchés espagnol et portugais nous ont fait mal »,reconnaît le dirigeant. Mais la société s’est rapidement adap-tée. « Nous commençons à travailler avec la Chine et nous nousdéveloppons sur l’Italie. Parallèlement, nous commercialisons d’au-tres produits à plus faible marge comme la seiche ». Globalement,la part à l’exportation a baissé depuis la crise de 40% à 33%,celle de la grande distribution a augmenté de 40% à 47% et lesventes au secteur traditionnel sont stables à 20%. « Il existe unavenir pour ceux qui veulent venir à la pêche ou y rester. Les bonscaseyeurs donnent des salaires plus que décents. Les crustacésne font pas partie des espaces menacées. Il manque, c’est vrai, unpetit plus au niveau du prix. Mais le problème majeur, c’est le renou-vellement de la flottille. Si l’on a la possibilité d’investir avec unjeune patron de pêche qui tient la route, on le fera volontiers »,affirme Hubert Le Bihan. Pour l’heure, Beganton a déjà lourde-ment investi à terre, notamment dans un équipement de cuis-son qui lui permet de réaliser 17% du total de ses ventes de crus-tacés. L’opportunité de lancer la barquettisation de certainsproduits est étudiée. Les Viviers ne se reposent jamais…

*Breiz Izel Marée (Le Conquet), Homard Atlantique (Rungis),Viviers de Loctudy, Viviers de Cancale.

Plus d’infos : www.viviers-beganton.com

PIRIOU a construit en moyenne 6 naviresde pêche par an durant les 40 dernièresannées, soit 236 unités de 14 à 90 m depuis1972 : 164 chalutiers de 16 à 46 m, 10 crevet-tiers, 29 palangriers et ligneurs, 7 fileyeurs,26 thoniers senneurs. « Notre avenir passeratoujours par la pêche en France comme àl’étranger, car nous voulons accompagner lemouvement de pérennisation des pêches fran-çaises », souligne Pascal Piriou. « Le navirede pêche est l’un des navires les plus complexesà concevoir, en particulier dans les tailles lesplus modestes, puisqu’il s’agit à la fois d’unnavire, avec toutes les contraintes que l’onconnaît, d’un outil de pêche sophistiqué, d’unecentrale de production d’énergie, d’une usineembarquée où le poisson est manutentionnévoire travaillé, et d’un lieu de vie où les mètrescarrés sont précieux. Tout cela dans un envi-ronnement naturel très agressif et un environ-nement économique stressant. C’est en pre-nant en compte l’ensemble de ces contrainteset en pensant aux hommes qui embarquent quel’on fait de bons bateaux ».

C’est naturellement le cas du « Cayola »,le premier navire conçu et construit en Francepour la pêche à la senne danoise. Ce chalu-tier de 22 mètres, livré fin mars, est le fruitd’une étroite collaboration entre l’ArmementCoopératif Artisanal Vendéen (ACAV), le cabi-net d’architecture Mauric, Piriou et MikaëlBaud qui en a pris le commandement et enest le co-armateur aux côtés de l’ACAV. Lenavire constitue une réponse techniqueappropriée aux enjeux d’une pêche à la foisresponsable et efficace, donc pérenne.

Sa consommation de carburant est infé-rieure de 30% à celle d’un chalutier classique.Il proposera du poisson d’une qualité supé-rieure grâce à la pratique de la senne danoisequi ne nécessite pas un tractage du filet etpermet, grâce à des opérations de pêche de30-40 mn à très faible vitesse (moins d’unnœud), de prélever les espèces de fonds defaçon plus douce qu’avec un chalut clas-sique.

Le « Cayola » offre également des condi-tions de travail et de vie à bord améliorées :réduction des bruits et vibrations, pêche pra-tiquée uniquement de jour…

Plus d’infos : www.piriou.com

Le groupe Beganton emploie une centaine de salariés, dont 42 à Roscoff et Moguériec. Il a commercialisé l’an dernier 2500 tonnes de tourteau, son produit phare.

Acteur majeur du mondemaritime, le groupeemploie 930 personnesdans le monde, dont 350en France. Il a livré en marsun chalutier de 22 mètresà un armement vendéen.

Page 21: En liens pêche

21EnLiens numéro 8 - juin 2013

THON TROPICAL : LE POIDS LOURD INVISIBLE

La flotte concarnoise de thoniers senneurscongélateurs tropicaux comprend 17 navires : 13appartiennent à l’armement CFTO* (Compagnie Fran-çaise du Thon Océanique), 4 à l’armement Saupiquet.Huit d’entre eux (tous de la CFTO) pêchent dans l’OcéanIndien. Les 9 autres (5 CFTO, 4 Saupiquet) opèrentdans l’Océan Atlantique.

L’an dernier, la production de la flotte thonièreconcarnoise s’est élevée à près de 80 000 tonnes(44 800 t dans l’Océan Indien, 35 000 t dans l’OcéanAtlantique), le chiffre d’affaires atteignant 154 mil-lions d’euros (85 M€ pour l’Indien, 69 M€ pour l’At-lantique), « davantage que celui de Cornouaille Portde Pêche »comme le souligne Jean-Yves Labbé, direc-teur général délégué de la CFTO. « Depuis quelquesannées, nous bénéficions d’une revalorisation sensi-ble (de moins d’1 € à environ 2 € le kilo) du prix moyendu thon destiné à la conserve », poursuit-il.

Cette conjoncture favorable s’explique par deuxfacteurs principaux : une production mondiale rela-tivement stable (autour de 4 millions de tonnes paran en pêches déclarées) ; le développement de nou-veaux marchés dans les pays émergents. « Il existeactuellement une surcapacité de transformation parrapport à l’offre de matière première», constate Jean-Yves Labbé. Tant mieux pour la flotte concarnoise,d’autant plus que celle-ci privilégie le thon de qua-lité supérieure. « L’albacore de plus de 10 kilos repré-sente 62% de notre production en Atlantique et 53%dans l’Océan Indien », précise le dirigeant concar-nois.

Dans ce contexte, on ne s’étonnera pas que les

retombées positives de l’activité thon tropical surl’économie finistérienne… et africaine se révèlenttrès importantes. La CFTO et Saupiquet emploient300 marins français, pour l’essentiel des officiers,et 400 marins africains (Ivoiriens, Sénégalais, Gha-néens…) recrutés pour la plupart à Abidjan. « En 2012,pour ce qui concerne les marins français, la masse sala-riale s’est élevée à 30 millions d’euros », indique Jean-Yves Labbé. Pour la seule CFTO, 83% de ces marinssont Finistériens ! Le montant annuel des achatseffectués auprès des fournisseurs finistériens estd’environ 15 millions d’euros.

On ne saurait oublier non plus que 10 thonierssenneurs congélateurs tropicaux ont été construitsà Concarneau depuis 1990. En collaboration avec uncabinet d’architecture naval, la CFTO a engagé mi-2012 la conception d’un nouveau type de thonierinnovant dont l’objectif est d’optimiser à la fois lecoût d’acquisition et le coût de possession sur aumoins vingt ans.

Une attention particulière a été portée à la maî-trise et au contrôle de l’énergie produite par la pro-pulsion, les apparaux de pêche et la congélation dupoisson. Au terme d’un appel d’offres internationallancé auprès de chantiers spécialisés, la commandedes deux premiers thoniers de cette nouvelle géné-ration devrait se concrétiser avant la fin du mois dejuin.

*Constituée dans le cadre de la fusion FranceThon-Cobrepêche début 2011.

Les thoniers senneurs congélateurs concarnois pêchenttellement loin de la Ville Bleue que l’on en oublierait presque àquel point ils comptent dans l’économie finistérienne. Etpourtant… Entretien avec Jean-Yves Labbé, directeur généraldélégué de la CFTO.

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EnLiens numéro 8 - juin 201322

EUROPE

LES ENJEUX DE LA RÉFORME Pour ce qui est de l’avenir de la Politique

Commune des Pêches, il serait sans douteprématuré de penser que la fin du match aété sifflée, fin mai, à l’issue d’un de ces mara-thons dont l’Union européenne a le secret.« La méthodologie étant fixée — il s’agit d’uneprocédure de codécision entre le Parlementeuropéen et le Conseil des Ministres de l’Unioneuropéenne —, les informations diffuséesrécemment dans les médias ne rendent pasvraiment compte de la complexité des enjeuxet des rapports de force et d’influence », sou-ligne un bon connaisseur finistérien du dos-sier. On a pu toutefois constater un rappro-chement entre les positions du Conseil (sché-matiquement plus favorable à la pêche) etcelle du Parlement (davantage sensible auxthèses environnementalistes*), mais cela nepréjuge en rien de l’évolution à long terme.La commissaire européenne Maria Damanakia eu beau se réjouir bruyamment (« Nousallons changer de manière radicale la façonde pêcher ! »), tous ses désirs ne sont pasdevenus pour autant réalités, notammentpour ce qui est des quotas transférables,cauchemar absolu pour la filière bretonne,heureusement passés par dessus bord....

L’enjeu de ces négociations qui, vu d’ici,peuvent paraître nébuleuses, est considé-rable pour l’avenir de la filière pêche finisté-rienne. « Travailler sur la sélectivité et la dimi-nution des rejets est incontournable. Mais lefaire à marche forcée et sans cibler les priori-tés au regard de la situation biologique desstocks est presque mortel pour notre activité»,affirme Thierry Guigue. « L’ambition est telle-ment démesurée et le délai si court que celapourrait engendrer une démotivation totale.Quand le cadre sera fixé, il restera à le mettre

en application. Ça va être un séisme dont onn’arrive pas à mesurer l’ampleur ! », prévient-il. A ses yeux, trois hypothèses sont envisa-geables. Primo, une « application stricte etaveugle qui provoquera la disparition, du jourau lendemain, de pans entiers de la pêche fran-çaise ». Secundo,« une réglementation inap-plicable qui restera lettre morte, comme dansle cas des répulsifs à cétacés ». Tertio, « cellequi mériterait d’être retenue, c’est-à-dire undispositif ciblant les problématiques les plusaigües et fixant des ambitions plus mesurées

sur la base d’améliorations progressives à por-tée des technologies actuelles ».

« Le second enjeu crucial est l’objectif durendement maximal durable », poursuit ThierryGuigue. « Là encore, nous sommes d’accordsur le principe mais le calendrier de mise enœuvre nous paraît précipité. Il y aurait un hia-tus complexe à résoudre entre le timing actuel-lement évoqué (2015) et la nécessité de conso-lider les connaissances scientifiques sur lesstocks. Il est quand même plus difficile d’ana-lyser des écosystèmes marins aux interactionsmultiples que de compter des chevreuils ! ».

* Pour ce qui concerne l’interdiction desrejets en mer, le Conseil des ministres a

accepté mi-mai de revoir à la baisse la quantitéde poissons pêchés pouvant être rejetés (7%

en 2014 puis 5% en 2019, au lieu de, respecti-vement, 9% et 7%). Au sujet du RMD, il ne

s’était pas départi en revanche de sa volontéde voir cet objectif tenu « là où c’est possi-

ble ». Résultat : il sera introduit progressive-ment entre 2015 et 2020.

Plus d’infos : www.pecheursdebretagne.eu;http://ec.europa.eu/index_fr.htm

L’interdiction des rejets et le rendement maximaldurable (RMD) figurent au cœur des négociations

entre instances européennes (Commission,Parlement, Conseil des Ministres) concernant lafuture Politique Commune de la Pêche. ThierryGuigue, de « Pêcheurs de Bretagne », premièreorganisation professionnelle (OP) européenne

avec 800 navires, éclaire les débats.

FINANCEMENTS EUROPÉENS :

L’INFLUENCE POSITIVE DU FINISTÈRE

Le Fonds Européen pour les Affaires Maritimes et la Pêche (FEAMP) est unnouvel instrument financier qui permettra d’atteindre les objectifs de la PCPréformée en matière de croissance, d’emploi et de développement durable.Le FEAMP s’inscrit dans le cadre financier pluriannuel de l’Union européennepour la période 2014-2020. Il dispose d’un budget de 6,5 milliards d’euros. Cefonds soutiendra la transition vers le rendement maximal durable et facili-tera l’introduction progressive d’une interdiction des rejets. Par rapport ausystème actuel de financement dans le cadre du Fonds européen pour lapêche (FEP), les principaux changements sont la suppression des aides à ladémolition des navires et la simplification/réduction des formalités adminis-tratives. De nouvelles mesures mettront l’accent sur l’innovation et encou-rageront la coopération entre scientifiques et pêcheurs. Dans le projet d’avisdu Comité des Régions présenté en octobre 2012, dont le rapporteur n’étaitautre que Pierre Maille, président du Conseil général du Finistère, figuraient,notamment, ces deux « recommandations politiques » (n° 24 et 25) :

• « Si dans certains cas, les captures indésirées doivent être conservées àbord et ramenées au port, il est nécessaire d’adapter, de moderniser les bateauxet de réaliser les investissements portuaires indispensables » ;

• « Le Comité des Régions s’oppose au développement d’une filière de pro-duction de farine de poisson à partir des rejets, mais demande que l’effort portesur une bonne identification des divers types de rejets afin d’agir pour les réduire,dans une approche pêcherie par pêcherie, espèce par espèce ».

3 000 « PÊCHEURS DE BRETAGNE »

L’association d’organisations de produc-teurs « Pêcheurs de Bretagne », basée à Quim-per, résulte de plusieurs fusions successivesdont la dernière en date est celle de l’OPOB(Organisation des Pêcheries de l’Ouest Bre-tagne) avec PMA (Pêcheurs de Manche et d’At-lantique). Cette union devra être officialiséepar un vote l’an prochain, à l’issue d’unepériode de transition de trois ans. Ces consi-dérations statutaires mises à part, Pêcheursde Bretagne constitue d’ores et déjà un acteurparticulièrement influent dans le paysagemaritime puisqu’elle figure au premier rangeuropéen des organisations de producteursen nombre de navires.

Elle rassemble 800 bateaux sur la Bre-tagne historique (3 000 marins de Saint-Maloau Croisic) et représente un tiers de la pêchefraîche française (100 000 tonnes débar-quées) pour 280 millions d’euros de chiffred’affaires. Ses zones de pêche s’étendent dunord-Ecosse jusqu’aux confins du golfe deGascogne.

« L’adhésion n’est pas obligatoire mais lenombre de professionnels hors OP est de plusen plus faible en Bretagne », indique ThierryGuigue. « Les OP ont été créées à l’origine pour

traiter les problématiques de marché et risquesd’invendus. Leur rôle était de payer des prixminimum (de retrait). Les premiers adhérentsont été des navires hauturiers davantage expo-sés à ce risque ». Un changement profonds’est produit lorsque les OP se sont vuesconfier la gestion des quotas. « Cette missionconstitue aujourd’hui notre cœur de métier etelle concerne tout le monde. Notre travailconsiste à établir des plans de productions pourtenir toute l’année ». La boîte à outils est com-plète et à la discrétion des adhérents : limi-tations par flottilles, saisonnières… Des com-missions s’efforcent de trouver pour chaquepêcherie le meilleur moyen de limiter les picsde production. L’articulation de leurs travauxavec ceux du futur conseil d’administrationresserré constitue l’un des chantiers priori-taires cette année.

Chaque adhérent finance l’OP à hauteurde 1% de son chiffre d’affaires. Mais la porten’est pas grande ouverte. « Chaque quota estun gâteau à se partager. Nous étudions trèsfinement les nouvelles demandes ». Parmi lescandidats figurent quelques pêcheurs côtiersqui se sentaient jusqu’à présent peu concer-nés par la problématique des quotas…

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HISTOIRE SCANDINAVEIl y a un peu plus de 2 ans, un élu sué-

dois par le truchement de Patrick Bolzerdu GRETA de Quimper, s’est intéressé à lamanière dont la Cornouaille traitait safilière Pêche. Avec 2 points d’entrée : laformation et la place des femmes !

En recevant une délégation d’élus etde techniciens du port de Simrishamn, le22 juin 2011, nous ne savions pas encoreque nous entamions alors de fructueuxéchanges entre la Bretagne et la Scaniesuédoise, dont je ne connaissais qu’Ys-tad et le Commissaire Kurt Walander, hérosde polars, inspiré par le brillantissime Hen-nig Mankell. Ce jour là, pour cette 1ère visitesous la criée du Guilvinec, nous avons étéaccueilli par Hélène Tanguy, encore Mairede la commune et Jean-Louis Debré, Pré-sident du Conseil Constitutionnel. Lesaugures étaient avec nous…

Situé sur la côte sud-est de la Suède,tourné vers la Baltique, Simrishamn estun port de débarquement essentielle-ment tourné vers le cabillaud et le harengqu’ils pêchent au chalut, au filet ou à lacage, pour un prix moyen inférieur à 1 € !Avec environ 12 000 tonnespêchées, ils réalisent unchiffre d’affaires inférieurà 10 M€ ! Avec un seul ache-teur et une criée basée àGöteborg située à 400 kmde là, sans aucune transfor-mation sur place, la manièredont nous fonctionnons, nepouvait que les intéresser….

En quelques heures,après le lycée maritime,l’OPOB et la criée, ils sontrepartis convaincus quenous détenions une partiedes réponses à toutes les questions qu’ilsse posaient : la vente à distance – latransformation – la formation des jeunesou encore, les labels, le tourisme, la com-mercialisation, ou la fabrication de glaceetc…En face de « Cornouaille, Port dePêche », ils s’imaginaient « Scanie, Portde Pêche» regroupant les 44 structuresportuaires de la Région.

Ils m’ont invité fin juillet 2012 à venirprésenter notre « modèle » économiqueet les organisations qui le sous-tendent.A partir des données produites par la CCIde Quimper-Cornouaille, j’ai pu leur pré-senter l’essentiel du secteur, tant du pointde vue des emplois que de l’impact et desenjeux financiers. Impressionnés, notam-ment par le poids économique de la pêchesur notre territoire, ils ont retenu l’idéed’approfondir 2 ou 3 pistes jugées trans-férables à la Suède : le renforcement durôle des acheteurs, pour offrir et mainte-nir un prix correct aux marins – recher-cher les conditions d’une possible trans-formation sur place des produits débar-qués – valoriser le poisson débarquéauprès des restaurateurs et des consom-mateurs locaux (vente sur place, exposi-tions photos, démonstration d’engins depêche de type casiers…) – attirer lesjeunes…

Il est à noter que les Communes en

Suède ont des pouvoirs renforcés pourtout ce qui touche au développement ter-ritorial, qu’il soit économique, éducatif ouculturel. Elles ont des capacités d’initia-tives et de gestion dont elles peuvent sesaisir pour ce qui est du développementportuaire par exemple.

Nous avons ainsi reçu une nouvelledélégation d’élus locaux en octobre 2012.Un armateur local et un représentant duministère de l’Agriculture suédois lesaccompagnaient. Je dois dire qu’ils ontété très impressionnés par le simulateurde navigation vu au Lycée et l’énergiedéployée par les professionnels de Loc-tudy, armateur ou mareyeurs, pour fairevivre leur port. Comme un symbole de leurpropre ambition. Devant les apprentis«Patrons » et comme pour nous dire qu’ilsavaient foi en l’avenir, ils leurs ont pro-posé de venir en stage en Suède. A chargepour les jeunes d’organiser leur venue.

Concrètement les choses avancentbien. Un 2ème mareyeur va s’installer en juinsur le port de Simrishamn. Une station debio-gaz est en cours d’installation sur les

quais, ainsi qu’une unité de fabrication deglace. Une convention vient d’être signéeavec le port de Smögen (côte ouest de laSuède, au nord de Göteborg), plus vieillecriée du Pays, pour une mise en réseaude la vente à distance. Un centre de for-mation pour adultes de l’archipel de Stock-holm – Vaddo Folkhögskola– va instal-ler sur place, une unité de formation dejeunes et d’adultes, aux métiers de laPêche. Une 1ère cession va s’ouvrir en sep-tembre 2013. Ils seront à pied d’œuvre pouraccueillir les 13 apprentis du Guilvinec quidu 5 au 11 octobre viendront y effectuerun stage embarqué.

La morale de cette histoire est tou-jours la même. Quand les communautéshumaines se rencontrent et partagentleur culture, leurs questionnements, leurssolutions, sans pour autant se dissoudreet se copier bêtement, alors l’Humanitéavance et progresse.

Par la rencontre et l’analyse de nosdifférences, nous sommes collectivementcapables de résoudre bon nombre de pro-blèmes. Beaucoup de choses sont trans-férables. Si la Cornouaille par ce qu’elleest, peut simplement inspirer d’autres ter-ritoires, nous serons fiers d’en être et d’yvivre, d’appartenir à cette communautémaritime ouverte sur le monde.

SI LA CORNOUAILLE PEUT

INSPIRER D’AUTRES TERRITOIRES,

NOUS SERONS FIERS D’EN ÊTRE ET

D’Y VIVRE, D’APPARTENIR À CETTE

COMMUNAUTÉ MARITIME

OUVERTE SUR LE MONDE

PAR ALBERT BILLON

A l’automne 2012, une délégation suédoise, pilotée par Albert Billon, venait étudier la misesous criée du poisson en Cornouaille.

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