Emile Flourens - La France Conquise

download Emile Flourens - La France Conquise

of 204

description

Emile Flourens - La France Conquise

Transcript of Emile Flourens - La France Conquise

  • La France conquise :douard VII et

    Clemenceau / mileFlourens,...

    Source gallica.bnf.fr / Bibliothque nationale de France

  • Flourens, mile (1841-1920). La France conquise : douard VII et Clemenceau / mile Flourens,.... 1906.

    1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numriques d'oeuvres tombes dans le domaine public provenant des collections de laBnF.Leur rutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n78-753 du 17 juillet 1978 : *La rutilisation non commerciale de ces contenus est libre et gratuite dans le respect de la lgislation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source. *La rutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par rutilisation commerciale la revente de contenus sous forme de produitslabors ou de fourniture de service.

    Cliquer ici pour accder aux tarifs et la licence

    2/ Les contenus de Gallica sont la proprit de la BnF au sens de l'article L.2112-1 du code gnral de la proprit des personnes publiques.

    3/ Quelques contenus sont soumis un rgime de rutilisation particulier. Il s'agit :

    *des reproductions de documents protgs par un droit d'auteur appartenant un tiers. Ces documents ne peuvent tre rutiliss, sauf dans le cadre de la copie prive, sansl'autorisation pralable du titulaire des droits. *des reproductions de documents conservs dans les bibliothques ou autres institutions partenaires. Ceux-ci sont signals par la mention Source gallica.BnF.fr / Bibliothquemunicipale de ... (ou autre partenaire). L'utilisateur est invit s'informer auprs de ces bibliothques de leurs conditions de rutilisation.

    4/ Gallica constitue une base de donnes, dont la BnF est le producteur, protge au sens des articles L341-1 et suivants du code de la proprit intellectuelle.

    5/ Les prsentes conditions d'utilisation des contenus de Gallica sont rgies par la loi franaise. En cas de rutilisation prvue dans un autre pays, il appartient chaque utilisateurde vrifier la conformit de son projet avec le droit de ce pays.

    6/ L'utilisateur s'engage respecter les prsentes conditions d'utilisation ainsi que la lgislation en vigueur, notamment en matire de proprit intellectuelle. En cas de nonrespect de ces dispositions, il est notamment passible d'une amende prvue par la loi du 17 juillet 1978.

    7/ Pour obtenir un document de Gallica en haute dfinition, contacter [email protected].

  • Emile FLOURENSANCIEN DPUT

    ANCIEN MINISTRE DES AFFAIRES TRANGRES

    La >'.;^

    France.,-:,vv ;i ;

    ConquiseEDOUARD Vil

    &

    CLEMENCEAU

    JAU PARIS~1ER FRRES, LIBRAIRES-DITEURS

    6, Rut des Saints - Pires, 6

    1906

  • L FRANCE CONQUISE

  • DU MME AUTEUR

    LIBRAIRIE PAUL DUPONT ET CHEZTOUSLES UBRIRKS

    Avant l'encyclique : LES ASSOCIATIONS CUL-TUELLES, brochure grand in-4, prix.. . 1 fr.

    Aprs l'encyclique : LA LIBERT DES CULTES,brochure grand in-4, prix 0.50

    LA RFORME DE LA LOI SUR LA SPARATIONDES GLISES ET DE L'TAT, brochure grandin-4, prix 0.50

    LIBRAIRIE GARNIER FRRES, G, RUE DESSAINTS-PRES

    LA GRVE GNRALE DES BUDGTIVORES,brochure in-16, prix 0.30

    Tous droits de traduction et de reproductionrseros pour tous pays.

  • Emile FLOUREIMSAncien Dput

    Ancien Ministre des Affaires trangres.

    (:.; i! ! :.:-) LA

    FRANGECONQUISEEDOUARD VII ET CLEMENCEAU

    PARIS

    GARNIER FRRES, LIBRAIRES-DITEURS6, RUE DES SAINTS-PRES, 6

  • TABLE DES MATIRES

    CHAPITRE I. L'avnement d'Edouard VII 1 II. Edouard VII et la Russie 17 III. Edouard VII et l'Allemagne 47 IV. Edouard VII et la France 92

    V. Edouard VII et le Catholicisme . 128

    VI. Conclusion : la dictature de Cle-

    menceau 159

  • LA

    FRANCE CONQUISE

    CHAPITKE PREMIER

    L'avnement d'Edouard VII

    Depuis que la France a t affaiblie par nos d-sastres de 1870, dont, quoi qu'en dise l'amour proprenational, nous no nous sommes pas encore relevs,l'tranger a pris une telle part dans la direction denos affaires intrieures et extrieures, que si nousvoulons nous rendre compte de notre situation etcomprendre notre politique, c'est l'tranger qu'ilfaut l'tudier.

    A la mort de la reine Victoria, personne ne sedoutait du rle prpondrant qu'allait assumer sonsuccesseur dans la direction des affaires du monde,ni surtout de la suprmatie qu'il exercerait sur legouvernement do la Rpublique franaise.

    Certes la grande personnalit qui disparaissait dola scne, reine de Grande-Riv.tagne et d'Irlande,

    1

  • 2 LA FRANCE CONQUISE

    impratrice des Indes, dont les domaines, tendussur l'un et l'autre hmisphre, ne voient jamaisse coucher le soleil, avait occup une place consi-drable dans l'histoire contemporaine, nul n'osaitle contester, mais ce que nul ne prvoyait c'est quelle apoge de domination sur les peuples,et sur les gouvernements, sur les hommes et surles choses son fils devait porter cette prpond-rance britannique.

    Le prince de Galles s'tait interdit scrupuleuse-ment d'intervenir dans la politique de son pays, ils'tait toujours tenu soigneusement l'cart, avecune fermet, une constance de caractre qui n'avaientpas t assez remarques, des luttes de partis, descomptitions des ministres et des hommes d'tat. Iln'avait assum la responsabilit d'aucun grand com-mandement dans les armes de terre ou de mer,d'aucune mission diplomatique. Il n'avait recherchaucune occasion de se signaler par une action d'-clat; bien plus, quand ces occasions s'taientoffertes lui, il les avait vites et dtournes deson chemin. En un mot, il n'avait donn l'en-thousiasme du peuple anglais, si prompt s'enflam-mer quand il s'agit d'un membre de la familleRoyale et surtout de l'hritier prsomptif du trne,aucun sujet de s'exalter. Ni les hasards de la guerrene l'avaient tent, ni le jeu des chancelleries, pourlequel, cependant, son esprit si fin, si dli, si fleg-matique et si pntrant semblait, ceux qui l'ap-prochaient de plus prs, merveilleusement dou.

    Si ce prince, qu'attendaient de si hautes des-

  • LA FRANCE CONQUISE 3

    tines, n'avait pas su ou pas voulu donner au mondela mesure de sa valeur politique s'il tait rest .cet gard un sphinx, un mystre ii aondable, mmepour ses amis, sa physionomie d'homme priv taitconnue de tous. A Paris, elle tait familire aumonde lgant qui frquente les clubs et les cercles,les sports et les coulisses, les restaurants et lescabinets particuliers ; elle tait populaire jusque dansles centres ouvriers.

    Pour obir aux exigences de son rle d'hri-tier du trne, il s'tait triomphalement promen partous les pays du globe ; il s'tait laiss exhiber, engrande pompe, tous ses sujets, depuis ces colonsbritanniques, dont la vie, dbordante d'activit, neconnat pas une minute d'oisivet, jusqu'aux noirsindolents de l'Afrique, jusqu'aux Boudhistes del'Inde, dont l'existence s'coule dans la contempla-tion de leur nombril, mais le coin du monde o ilrevenait le plus volontiers, celui qui tait l'objet deses prfrences secrtes et avoues, c'tait notrevieux Paris. Ce n'est qu' Paris qu'il tait sonaise et chez lui, qu'il tait lui-mme.

    Des anecdotes, parfois quelque peu scabreuses,,avaient mis en lumire tous les traits de ses moeurs,mme les plus intimes, avaient soulign tous sesgots, tous ses penchants, l 'tes ses habitudes. Detoutes les physionomies britanniques c'tait, certes,la plus sympathique au Parisien. C'tait un hte siassidu, si aimable, de si belle et galante humeurqu'il exerait un rel ascendant sur toutes les classesmme les plus rfractaires la gentilhommerie.

    L'opinion tait donc faite sur son compte, parmises amis comme parmi ses ennemis. On tait d'ac-

  • q LA FRANCE CONQUISE

    cord pour confesser que c'tait un voluptueux raffin,un jouisseur exquis, un mondain, cachant sousune apparente bonhomie, une morgue toute britan-nique. Les pius chauds partisans do son avnementtaient ses cranciers. Ce n'tait pas sans inquitude,en effet, qu'ils voyaient s'avancer son ge et dclinerses forces; soucieux, ils se demandaient si, alors quela vertu de la reine Victoria ne lui avait jamaispermis de connatre les carts de son fils, pendantsa vie, son conomie lui permettrait de reconnatreses dettes, aprs sa mort.

    Edouard VII montait sur le trne l'ge o, sil'on consulte les statistiques, 75 0/0 des rois sontdj descendus dans la tombe. Il sortait d'unelongue oisivet pour entrer dans la vie active l'poque o, dans toutes les carrires et fonctionspubliques, les hommes font valoir leurs droits laretraite.

    S'il y avait un conseil de revision pour les rois,comme il y en a un pour les conscrits, il et tdclar impropre au service.

    L'cJsit dformait son corps, alourdissait samarche, semblait, sous le dveloppement des tissusadipeux, paralyser toute activit physique, touteforce intellectuelle. Sa figure, contracte par ladouleur, trahissait, par moment, les souffrancesqu'une volont de fer s'efforait do matriser, pourdissimuler aux yeux de ses sujets, la maladie qui, cet instant mme, menaait sa vie.

    A voir sa corpulence maladive, on ne pouvaits'empcher de se rappeler le*?paroles que Shakes-

  • LA FRANCE CONQUISE 5/

    pcare met dans la bouche d'un de ses anctres l'adresse du fameux Falstaff, le compagnon dissoludes garements de sa jeunesse : Songe travail-c 1er, diminuer ton ventre et grossir ton mrite. Quitte ta vie dissolue ! Regarde la tombe,c elle ouvre, pour toi, une bouche trois fois plus large que pour les autres hommes I

    De tous cts, les lanceurs de prdictions, depuisle fameux archange Gabriel jusqu' la non moinsfameuse Mm de Thbes, s'accordaient pour en-tourer son avnement des plus sinistres prvisions,pour annoncer sa fin prochaine et l'imminenced'une nouvelle vacance du trne d'Angleterre.

    Symptme plus grave! Les oracles de la sciencen'taient pas moins menaants que les prophtiesdes devins. Deux fois, les pompes de son couron-nement durent tre dcommandes, deux fois lesftes ajournes et les lampions teints. Les htesprinciers, convoqus grands frais de tous lespoints du globe, pour participera ces rjouissances,attendirent, dans l'angoisse, l'annonce d'une cr-monie plus lugubre.

    Les mdecins, effrays par le souvenir des excsde la jeunesse du prince, par rchauffement dusang, par la corruption de la chair, d'une part, re-culaient devant la responsabilit de l'opration, del'autre, refusaient leur malade l'autorisation d'af-fronter la fatigue des crmonies publiques qu'ils nele croyaient, pas en tat de supporter impunment.

    La volont d'Edouard VII triompha de toutes cesrsistances. Il dclara avec une indomptable nergieque, cote que cote, il tait dcid ne pas des-cendre dans la tombe avant d'avoir pos sur sa tte

  • 6 LA FRANCE CONQUISE

    avec tout l'clat, avec toute la solennit tradition-nels, aux yeux des reprsentants merveills de toutson vaste empire, aux yeux de l'Univers jaloux, lacouronne de ses Pres, sa double couronne de Roi etd'Empereur, que les mains avides de la mort sem-blaient vouloir lui disputer.

    Quelle tait, l'poque du couronnement d'E-douard VII, la situation de ce trne, dont le nou-veau monarque gravissait les marches d'un pas sichancelant? Il tait, peut-tre plus chancelant encore.

    L'Empire semblait presque aussi malade quel'Empereur.

    L'Angleterre sortait, ce moment, de la guerredu Transvaal. Elle en sortait victorieuse, sans doute,mais meurtrie. Elle en sortait amoindrie dans sonprestige moral, annule dans son prestige militaire.En dehors de l'Angleterre, tout le monde disait hau-tement, au sein mme de l'Angleterre, tout le mondes'avouait secrtement qu'elle n'avait chapp undsastre certain, dans une guerre injuste, que par lalche connivence de l'Europe qui, aprs avoir pro-digu aux Rpubliques Sud-Africaines de dcevantsencouragements, les avait abandonnes regorge-ment.

    Vous vous rappelez l'poque qui semble dj siloigne de nous et dont, pourtant, quelques annes peine nous spaj ont, o l'annonce des victoires desBoers provoquaient, dans nos cits et dans nos cam-pagnes, autant d'enthousiasme qu'en aurait provo-qu l'annonce de victoires franaises, o l'on sedisputait les journaux publiant les dfaites, les

  • LA FRANCE CONQUISE 7

    droutes, les fuites perdues des troupes britanni-ques, o les noms des Kruger, des Joubert, des De-larey, des Botha, des Viljoen, des Villebois-Mareuilet de tant d'autres hros, dont le souvenir s'effacedj des mmoires inconstantes et qui mriteraientde figurer dans l'histoire l'gal des gloires les pluspures de la Grce et de Rome, volaient de boucheen bouche, i.on seulement en France, mais hors deFrance, non-seulement dans l'ancien, mais dans lenouveau continent, mais dans le monde entier.

    A ce moment, les peuples, tonns de tant d'ex-ploits, avaient senti vaciller sur sa base le colossebritannique, ce colosse aux pieds d'argile, qui psesur les nations trop crdules par le bluff, par l'arro-gance, par la rapine, par l'insatiable rapacit, qui,dj, enserre le globe comme une pieuvre gigan-tesque et suce 3a moelle par les innombrables ten-tacules de son commerce jusqu'au jour o ill'asservira sa domination, moins qu'il ne ren-contre dans sa marche un microbe destructeur pluspuissant qui l'arrte et qui le tue.

    Ah I si l'Empereur Nicolas II fait un retour surlui-mme, dans sa retraite de Tzarsko-Slo, plussemblable aujourd'hui une prison qu' un palais,il doit pleurer des larmes de sang, sa funeste rso-lution de fermer l'oreille la voiy. prophtique duprsident Kruger, de lui refuser la parole libratrice.S'il avait envoy, sur les frontires de l'Inde, quel-ques-uns des rgiments qu'il a expdis une mortcertaine, sans profit et sans gloire, dans les plainesglaces de la Mandchourie, il n'aurait pas permis l'Angleterre d'touffer le Transvaal sous le poids deses armes du Bengale et du Npaul, il n'aurait

  • 8 LA FRANCE CONQUISE

    pas vu son empire, cras sous une srie inintcr- *

    rompue de dsastres sur terre et sur mer, agit parles convulsions d'une rvolution terrible dont on neprvoit ni le but. ni la fin, menac de dislocation.

    Les sympathies populaires pour les ennemis del'Angleterre, alors, en bullition chez toutes les na-tions civilises sont oublies aujourd'hui. Elles palpi-taient encore au moment o Edouard VII a pos sursa tte la couronne Impriale. Au del du pril passet de ses motions poignantes, le regard du nouveausouverain, avec une sret de coup d'oeil qu'aucunpige ne pouvait garer, percevait le pril venir,plus poignantencore. A l'Occident, le pril allemand, l'Orient, le pril japonais, deux nations jeunes etpleines de sve, prtes nouer contre l'Angleterre,avec les mcontentements qu'elle a sems partoutsur sa route, les plus formidables coalitions.

    Le plus proche pril de l'Angleterre, c'tait l'Alle-magne. Sur tous les points du globe, l'Allemagneengageait contre l'Angleterre une lutte commercialegigantesque.

    Sur tous les points du globe, par le bon marchde ses produits, par l'activit de son ngoce, par lasouplesse insinuante de ses courtiers, dans cettelutte commerciale, l'Allemagne tait victorieuse. Ausein des colonies mme de la Grande Bretagne etjusque dans l'empire des Indes, le produit Allemandsupplantait le produit Anglais.

    Aprs lui avoir disput le commerce du Monde,l'Allemagne s'apprtait lui disputer l'empire desmers.

  • LA FRANCE CONQUISE 9

    Appuye sur une arme victorieuse, la plus fortedu continent par le nombre comme par la discipline,entrane par un lan patriotique sans dfaillance,consciente de sa puissance et de la grandeur de sonbut, mthodique et raisonne non moins qu'enthou-siaste, l'Allemagne travaillait sans relche secrer une flotte de guerre, redoutable par ses per-fectionnements scientifiques, par son unit, par sacohsion, par l'entranement de ses quipages.

    Assure, dj, sur le continent, de l'alliance del'Autriche et de l'Italie dont les forces navales nesont pas ddaigner, elle faisait la France desavances non dissimules. Qu'elle fut assez habile,assez heureuse pour russir, mme au prix des plusgrands sacrifices, dans ses tentatives de rapproche-mentavec son ancien ennemi hrditaire, ellegagnaitfacilement du mme coup la Russie, enchane tou-jours la Prusse par la complicit du partage de laPologne. Elle ralisait alors, contre l'Angleterre,cette coalition continentale, dont le plan avaittoujours obsd le gnie de Napolon. Le rve qu'ilavait vainement poursuivi sur les champs de batailled'Ina, de Wagram et d'Austerlitz, dans les plainesbrlantes de l'Egypte comme dans les steppes glacesde la Moscovie, dans tant de lieux immortaliss parses prestigieuses victoires, tait accompli. La tyran-nie britannique succombait enfin sous l'effort com-bin de tant de nations jalouses de reconqurir lalibert des mers et la matrise de leurs destinescoloniales.

    Jamais un nuage plus gros de temptes ne s'taitlev l'horizon de l'Angleterre. Jamais elle n'avaitcouru un si pressant danger.

    1.

  • 10 LA FRANCE CONQUISE

    A l'autre extrmit de l'ancien monde surgissaitune nation, nouvelle venue la civilisation, dont lapuissance militaire clatait, tout coup, aux yeuxde l'univers tonn, avec la soudainet d'une explo-sion volcanique et lui rvlait une accumulationextraordinaire d'lectricit humaine, emmagasinedepuis des annes avec un soin jaloux dans le mys-trieux silence de l'Orient.

    Pour l'accomplissement de ses vastes desseins,pour la satisfaction ncessaire de la force d'expan-sion qui s'tait manifeste en lui, le Japon recherchaitun alli parmi les grandes puissances occidentales.Aprs avoir attentivement tudi la carte du Monde,il avait jet son dvolu sur la France.

    Plein de rancune contre la Russie et contre l'Al-lemagne qui, aprs l'avoir priv du fruit de ses vic-toires, par le trait de Simonosaki, s'taient cynique-ment appropri les dpouilles de la Chine; mfiantvis--vis de l'Angleterre dont la prpondrance dansles mers de l'Extrme-Orient lui semblait dj tropexclusive et trop despotique, il cherchait dans l'al-liance de la France un contrepoids ncessaire.

    Le Japon avait appris connatre la France parles exploits de la flotte de l'amiral Courbet. Il avaitadmir le talent minent du commandement, la su-priorit tactique des mouvements, la discipline,l'endurance, la hardiesse des quipages. Il avaitcontempl, avec surprise, d'abord, avec un enthou-siasme ml de crainte et do jalousie, ensuite, ce tourde force inou d'une faible escadre de quelques uni-ts navales, mal soutenue et mal entretenue par unepatrie indiffrente et sceptique, sinon hostile, tenant

  • LA FRANCE CONQUISE 11

    en chec ce vaste empire qui, par la masse innombrable de sa population, l'immensit de son terri-toire, inspirait le respect tous les peuples environ-nants, leur imposait la sujtion d'une suzerainet aumoins nominale et entravait leur essor. Il avait vucette poigne de braves mater cette force crasante,vaincre sa rsistance obstine et lui dicter sa loi.

    Il s'tait jur que la leon ne serait pas perduepour lui, qu'il saurait la mettre profit et montrerau monde ce que pouvaient le courage et la sciencemilitaire soutenus, cette fois, par le patriotismeardent d'un peuple tout entier.

    Il s'tait tenu parole. Dconcert lui-mme par larapidit et par la facilit de son triomphe, il avaitlaiss une coalition de convoitises lui ravir le fruitde ses victoires. Il fallait reconqurir ses conqutes,il saurait bien le faire, mais, pour assurer sa victoire,quel meilleur alli que la patrie de l'amiral Courbetet de ses hroques marins, cette France, matressede la presqu'le Indo-Chinoise, si riche en basesnavales d'une valeur incomparable pour l'Empire duSoleil Levant en cas de conflit maritime avec lesgrands empires de l'Occident?

    Que la France et le Japon s'unssent par les liensd'une solide alliance, et cette duplice nouvelle deve-nait matresse sans conteste des mers de Chine.L'Angleterre tait relgue au second plan. Lesdeux confdrs se partageaient le march chinois, leplus vaste et le plus peupl du monde, le seul quireste encore conqurir, l'objectif des ardentesconvoitises de toutes les nations commerantes. Lapuissance navale des flottes allies en tirait un in-comparable essor et une force irrsistible.

  • 12 LA FRANCE CONQUISB

    Observateur attentif et sagace, connaissant fondle fort et le faible de tous les hommes politiques del'un et de l'autre continent, ayant perc, de l'orient l'occident, le secret de toutes les cours, les mys-tres de toutes les chancelleries, Edouard Vil se-faisait, moins que personne, illusion sur les difficul-ts du prsent, sur les dangers de l'avenir.

    Il courut, aussitt, au plus press. Brouiller laFrance avec l'Allemagne, d'une part, avec le Japon,de l'autre; mettre aux prises l'empire du Mikado,dont il connaissait la force, avec la Russie dont ilconnaissait les causes secrtes, intimes et profondesde faiblesse et de dcomposition, complter, ensuite,par la rvolte intrieure do ce pays, ses dsastresextrieurs et le mettre, ainsi, pour longtemps horsde combat, telle devait tre son entre de jeu.

    Son plan fut conu avec une nettet de vue sanspareille, accompli avec une mthode, une simplicit,une sret d'excution qui, si elles ont t gales,-n'ont, certes, jamais t surpasses.

    Dans le but d'veiller, contre la France, lamfiance du Japon et, en mme temps, d'attiser sahaine contre la Russie, il fit accrditer, Tokio, lebruit que les gouvernements deStPtcrsbourg et deParis s'taient secrtement mis d'accord, au lende-main du trait de Simonosaki, alors que les escadresde ces deux puissances, appeles dans le golfe duPetchili afin de protger les intrts respectifs deleurs nationaux, se trouvaient encore runies dansles mers du Japon, pour expdier leurs amirauxl'ordre de tomber l'improviste sur la flotte nip-ponne, stationnant, ce moment, sans mfiance dansla baie de Yokohama, la torpiller et l'anantir. Ce

  • LA FRANCE CONQUISE 13>

    plan de destruction n'avait chou que par un retardou une erreur de transmission, due, peut-tre, unscrupule de l'amiral franais charg de l'excution.

    Vrai ou faux, il n'entre pas dans mon plan do lerechercher en ce moment, ce qu'il y a de certainc'est, que le bruit fut rpandu profusion, c'est qu'ilfut habilement exploit par l'Angleterre qui s'en fitun instrument pour aliner les sympathies du Japonen notre faveur et porter son paroxysme son ani-mosit contre la Russie. La surprise de l'escadrerusse, torpille par l'amiral Togo, en rade de Port-Arthur, avant toute dclaration de guerre, n'a t,dans la pense du gouvernement nippon, que lajuste repi saille du projet de destruction de la flottejaponaise.

    11 faut reconnatre que, sur ce point, l'habilet-d'Edouard Vil a t grandement seconde par l'igno-rance de notre chancellerie. Notre foreign-offices'obstinait considrer le Japon comme une quan-tit ngligeable et, jusqu'au dsastre de Moukden,.il a persist prdire l'crasement final de ce pyg-me par le colosse moscovite.

    Telle n'tait pas l'opinion d'Edouard Vil. Cemonarque hardi se permettait, sur ce point, de nepas partager l'avis de son ami Delcass. Aussi, dsqu'il eut russi creuser entre la France et le Japonun foss et qu'il put se flatter do l'avoir renduinfranchissable, il s'empressa de mettre la main surce mme Japon, isol, dsormais, en face des enva-hissements incessants de la Russie, do l'hostilit

  • 14 LA FRANCE CONQUISE

    sourde do l'Allomagne, do la jalousio des tats-Unis,et do s'en faire un alli.

    Le Japon tait, dans sa pense, la torpille dont ilallait so servir contre ce gant du Nord, dont le pro-digieux dveloppement continental, les aspirationshardies un partago do l'empire des mers, la marcheincessante vers les frontires des Indes avaient,tant do fois, hant l'imagination inquite et troublle sommeil de ses prdcesseurs, pour le faire sau-ter, le jeter la cto comme une pave, pave en-core utilisable pour les secrets desseins de l'Angle-terre en Occident, mais qui serait dsormais inter-dit l'accs des mers, la marche vers les Indes, lesvastes horizons en Orient.

    Pour dsemparer compltement la puissance mos-covite, pour raliser ce rve, depuis si longtempscaress par l'Angleterre, il fallait assurer au Japonnon une demi-victoire mais une victoire complte.Une dfaite do la Russie ne suffisait pas, il fallait undsastre de la Russie. En face du patriotisme sau-vage des soldats du Mikado, il ne fallait laisser op-poser qu'uno nation mine secrtement par lessourds accs de la fivre rvolutionnaire.

    Contre une Russie, pleine de cohsion et d'unit,enflamme d'un fanatisme ardent, depuis l'autocrate:suprme jusqu'au plus humble des moujicks, depuisle gnral en chef jusqu'au dernier des soldats, telleque nous l'avons connue dans toutes les guerresmodernes, l'effort du Japon aurait-il t victorieux,nul ne le sait. En admettant mme le triomphe finaldu Japon, ce succs n'aurait pu amener que des r-sultats partiels et restreints, suffisants, peut-tre,pour dgager l'empire du Soleil Levant do l'treinte

  • LA FRANCE CONQUISE 15

    de son ennemi, pour dtourner, momentanment,vers un autre but le grand courant du flot slave,mais sans utilit pratique pour l'Angleterro.

    Ce qu'il fallait l'Angleterre, c'est quo les flottesde la Russie, ananties, fussent condamnes pourdes sicles rester enfermes dans la Baltique etdans la mer Noire, quo le prestige incomparable deses armes s'vanout, que son expansion en Orientft brise, que le courant magntique qui attiraitle conqurant des steppes arides vers les richesplaines de l'Inde ft coup.

    La guerre trangre, quelque dsastreuse qu'on lasuppost, ne pouvait suffire atteindre des rsultatsaussi gigantesques. Pour les obtenir : la guerretrangre il fallait savoir ajouter, propos, laguerre civile ; A la dfaite des armes et des flottes,la rvolte des soldats et des marins ; la dsorgani-sation militaire, la dsorganisation administrativeet politique par l'insurrection des paysans et desouvriers, et des accs d'aberration mentale danstoutes les classes de la socit.

    Edouard VII a compris toute l'importance, pourson pays, de ne pas laisser s'chapper cette occasionprovidentielle d'atteindre, d'un seul coup, un rsul-tat capital pour l'accomplissement des destins quilui promettent l'empire du monde. Il a rsolu de nengliger aucun lment de succs dans cette entre-prise, qui ncessitait autant de discrte et prudenterserve que d'habilet consomme. Il connaissait fond toutes les difficults du mcanisme compliqu faire mouvoir; aucune des faces du problme,aucune des exigences de la situation no lui chap-paient. Guid par la claire vision de ce que com-

  • 16 LA FRANCE CONQUISE

    mandait la grandeur nationale, inspir par le gniemme do l'Angleterre qui s'incarnait en lui, sansfaiblesse, sans hsitation, sans couter aucune con-sidration trangre l'exclusif intrt britannique,il a march son but et il a russi. Il a assur letriomphe complet de son alli, l'crasement completde son rival, sans risquer la vie d'un soldat de sesarmes, la perte d'une obole do son trsor.

  • CHAPITRE

    Edouard VII et la Russie

    A Londres, sigent les rois d'Isral. Les richesbanquiers juifs de la Cit, anims d'un patriotismede race que lien ne rebute,dirigent les destines dupeuple hbreux, surveillent et protgent ses int-rts sur tous les points du globe.

    Les perscutions barbares dont les juifs de Russieont t, diverses reprises, les victimes, sous lergne d'Alexandre III, ont laiss dans leurs coeursune irritation profonde et un dsir de vengeanceen

  • 18 LA FRANCE CONQUISE

    Sans les bons offices du juif, le moujiok ne sau-rait vendre son bl ou acheter son btail, le mar-chand approvisionner sa boutique ou faire face ses chances, l'officier payer ses dettes de jeu etces festins somptueux o les tats-majors ruinentleur bourso et leur sant, le noble entretenir savaletaille et le fastueux dsordre de son train demaison. Le juif pntre dans toutes les adminis-trations prives et publiques, il a accs dans lesbureaux des ministres, dans les secrtariats desGrands Ducs et jusque dans le cabinet priv de SaMajest Impriale. Il est l'organisateur des entre-prises industrielles et commerciales, l'entremetteurdiscret des affaires de coeur et d'argent. Il a le pieddans les intrigues, dans les coteries qui s'agitent, sedpensent en activit impuissante au sein d'unesocit inquite, trouble, dmoralise par le dsoeu-vrement et l'ennui. Il est le pourvoyeur des d-bauches, le promoteur des orgies. Il connat lesmystres des alcves comme les secrets des chan-celleries, les tares des hommes d'tat ' commeles vices des hommes de Cour. Au milieu de l'inertie,du lymphatisme, de l'engourdissement gnral, ilest le ressort agissant, en dfinitive, il est le matreocculte et dtest.

    Grands et petits, tous l'excrent, mais le redou-tent. On le sent altr du sang de sa victime nonmoins que de son or. Aprs l'avoir dpouill de sesbiens, il lui prendra sa chair, dernier gage de l'in-solvable. Par l'accumulation impitoyable de ses exi-gences, il pousse le mlancolique la folie, le joueurau suicide, l'ivrogne au crime. Partout le dbiteurle sent ses cts, il l'pie, il le guette. Il l'attend

  • LA FRANCE CONQUISE 19

    chaque tournant fatal de son existence comme lebrigand au coin d'un bois. On le hat et on le m-prise, et cette haine et ce mpris on est incapablede les dissimuler, on les lui crache la face toutpropos et hors de propos. Au premier grondementde l'meute, le peuple se rue sur lui et le massacre.

    chapp au massacre, il reprend, le lendemain,son exploitation du chrtien. Aucun outrage, aucuneviolence ne le rebutent. Expuls par la fentre dumatre, il rentre par la porte de service des domes-tiques, il courbe d'autant plus bas l'chin que, plushaut, on lve la canne pour le frapper. Il redoubled'obsquiosit pour servir son bourreau, et le bour-reau cde aux imprieuses exigences de la vic-time, car il ne peut se passer de ses services.En ralit, le Russe est l'esclave du juif, niais unesclave en perptuelle rvolte et contre le joug quil'opprime et contre la faiblesse qui le lui fait sup-porter ; un esclave qui a assez de force pour battreson matre, pas assez pour rompre sa chane.

    Le juif moscovite qui voit le juif d'Occident, dontles moyens d'existence, les sources de profit, lesprocds d'exploitation des misres humaines sont,sensiblement, ceux qu'il employ lui-mme, jouir,dans les pays o il habite, non seulement de tousles bnfices du droit commun, non seulement detous les privilges des classes les plus favorises,mais encore d'une considration particulire auprsdes pouvoirs publics, d'honneurs et de distinctionsexceptionnelles, est anim d'une animadversion pro-

  • 20 LA FRANCE CONQUISE

    fonde contre cette socit russe qui, seule aujour-d'hui en Europe, le conspue, le traite en paria, leperscute et l'exile. De toute la forco de son me, ilconspire son anantissement.

    Trop peu nombreux pour esprer se venger ja-mais de la force qui l'opprimo, par le fer, c'est aupoison qu'il confie le souci d'assurer la satisfactionde ses rancunes. Jusque dans les milieux occiden-taux les plus profondment contamins par lesdoctrines anarchistes, il va chercher le virus leplus contagieux et il l'inocule, lentement maissrement, un peuple dont la conscience est encoreaussi peu veille que l'intelligence, prdispos,par un fanatisme sculairo, tout croire sans discer-nement.

    Ces masses ouvrires, rassembles la hte etsans slection, autour d'usines dmesures, olosescomme des champignons sur toute l'tendue del'Empire, lorsque, dans la premire ferveur de l'Al-liance, les capitaux franais afflurent vers les entre-prises russes, vers les valeurs industrielles .commevers les fonds d'tat, ces essaims humains di-rigs par des ingnieurs moscovites, souvent aussiautoritaires qu'incomptents, o le moujick, peinearrach la terre et au foyer rural, ignorant et cr-dule, ctoyait l'ouvrier allemand, exil de son pays raison de ses opinions socialistes, recueilli parl'industriel russe cause de sa connaissance dumtier et de la supriorit de son instruction techni-que, constituaient, pour le microbe collectiviste, unbouillon de culture d'une remarquable fcondit,d'o devaient s'chapper, au moment donn, despousses .'une virulence foudroyante. Les juifs le

  • LA FRANCE CONQUISE 21

    comprirent aveo cette acuit d'instinct que donnela haine aux peuples perscuts. Us s'atta-chrent y semer, y entretenir, y dvelopper levenin collectiviste cet effet, ils y rpandirent lesbrochures et les tracts profusion, y appelrent despropagandistes, y ouvrirent des confrences publi-ques ou secrtes suivant la vigilance ou l'apathie desautorits qui, volontiers passent d'un extrme l'au-tre, puis ils s'occuprent de rattacher ensemble cesdivers foyers rvolutionnaires et de les relier auxgrands centres trangers par la tlgraphie sansfil de leurs coreligionnaires parcourant, sans cesse,le pays comme courtiers de toutes les ventes.

    La population rurale est habitue la propritindivise, l'allotissement annuel, par voie de tira-ges au sort, du champ cultiver ; ds lors, elleest incapable de ressentir pour le patrimoine pater-nel, fcond par le labeur des anctres, cet attache-ment profond qui forme la caractristique du paysanfranais et lui a fait jusqu'ici, respecter la propritd'autrui, pour obtenir le respect do la sienne. Lepaysan n'a rien en propre lui, suivant un vieuxdicton moscovite, que la cuillre en bois aveolaquelle il mange sa soupe, il ignore donc cecharme si puissant de la terre fconde par lelabeur incessant de son propritaire et lui payant,par l'accroissement de sa fcondit, le prix deses sueurs. Il ne conna' la proprit priveque comme l'apanage de classes plus heureusesqu'il envie. Il est dono dispos la considrercomme un privilge, qui doit disparatre par

  • 22 LA FRANCE CONQUISE

    une plus quUable application de la justice sociale.Le paysan, accroupi dans son isba solitaire,

    crve la misre ; * f ' de ses rcoltes, dont il ne \sait tirer parti. Il rO.nd la visite du courtier juif. Seul, le juif dispce de l'argent ncessaire pouracheter le btail et le grain. Seul, il possde les ?charrois et les attelages indispensables pour trans- \porter ce grain la ville voisine, travers une r-gion dpourvue de vicinalit o, ds la fonte desneiges, les ohemins sont remplacs par des ornires.Le march conclu, l'aoheteur dit au moujick : Tues bien pauvre, frre, et le prix de tes rcoltes ne tepermet pas de payer tes dettes et de nourrir ta famille qui s'est accrue... Hlas, rpond le vendeurqu'y faire? Ce sont les terres qui manquent dans lacommune ; mme des familles plus nombreuses quela mienne, n'ont pas de meilleur lot. Les terresne manquent pas en Russie, rplique le tentateur. Ily a les terres de la Couronne, de l'glise, des Congr-gations, de la noblesse, que ne les partage-t-on en-tre les paysans? L'Empereur qui est ton pre, levoudrait bien, mais c'est la noblesse qui l'empche. Qu'y puis-je soupire le malheureux envot ? Rvolte-toi et prends ce que l'on te refuse.

    Le juif qui tient ce langage ne parle pas lalgre. Il sait o il veut en venir. L'opration estpour lui rapporter un bon courtage.

    En achetant les denres du cultivateur, en bro-cantant ses marchandises, en maquignonnant le b-tail, en dtaillant la wodka de contrebande et lekwas de pacotille, il prconise un nouveau partagedes terres qui fixe la proprit individuelle sur latte du paysan : Vois, frre, dit-il, la terre du

  • LA FRANCE CONQUISE 23

    seigneur est de meilleure qualit que celle qui t'a tattribue. Chaque anne elle s'amliore, tandis quela tienne, en passant de mains en mains, se ruine etdprit. Le partage fait lors de l'affranchissementdes serfs a t lonin. Vous n'avez eu que le rebut. Ce qui tait d'un beau rendement est rest auseigneur Cependant, tandis que les oharges duseigneur n'ont pas augment, la population du vil-lage s'est accrue. Les familles, plus nombreuses,ne peuvent plus vivre aveo le maigre produit du lotqui leur choit au tirage au sort. Les fils sontobligs de s'expatrier pour aller gagner ailleurs unevie errante et prcaire. Ces paroles insidieuses,redites sans cesse sous mille formes insinuantes, jet-tent dans l'esprit des populations paysannes un fer-ment d'excitation, de convoitise et de rvolte quin'attend plus que l'occasion pour clater en sditionssanguinaires.

    La banque hypothcaire, la banque foncire, ditepar drision sans doute, la banque des paysans, sonttombes entre les mains d'Isral. Le juif sait quela terre qui passera des mains du Seigneur dans lesmains du paysan, passera rapidement des mains dupaysan dans les mains du banquier isralite. C'estune vaste liquidation foncire qu'il prpare o il yaura, pour les intermdiaires, de gros bnfices raliser, et ces bnfices tentent sa convoitise. Dsque la proprit individuelle sera constitue auprofit du Moujick, ds qu'il pourra disposer de sondomaine, il s'empressera de l'hypothquer et de levendre pour faire face ses dettes et satisfaire sapassion pour l'alcool. Le Juif pousse la propritindividuelle en Russie o existe la proprit colle-

  • 24 LA FRANCE CONQUISE

    tive, comme il pousse la proprit collective enFrance, o existe la proprit individuelle, pour lemme motif, parce que, dans un cas comme dansl'autre, une immense liqvidation immobilire, mettrasur le march tous les biens fonciers, qu'il ne pos-sde pas, la discrtion de la richesse mobiliredont il est le matre. En vue de cette opration, il ajet sur toute l'tendue de la Russie, les maillesd'une spculation gigantesque, et la dfunte Douman'a t que son docile instrument.

    La jeunesse des universits, le monde scolairetout entier, professeurs comme lves, taient, de-puis la fin du dernier rgne, travaills par de sourdsferments d'indiscipline et d'insubordination, secouspar des accs intermittents de fivre insurrection-nelle.

    Les gymnases, les Facults dgorgent, chaqueanne, sur le pav des villes, des milliers de gradsuniversitaires, mdecins, avocats, ohimistes, artistes,ingnieurs, que sais-je? De quoi voulez-vous ques'alimentent toutes ces intelligences, de quoi voulez-vous que se nourrissent toutes ces bouches inutiles,dans un pays o, sur cent trente millions d'habi-tants, il y en a plus de cent vingt-cinq qui, jamaisde leur vie, n'auront mme la pense de faire appelau secours d'un mdecin, aux lumires d'un avocatpas plus qu'ils n'auront l'argent ncessaire pourrmunrer leurs services.

    Toute cette jeunei.se, aux ardentes passions, auxambitions sans limites, d'autant plus dispose se

  • LA FRANCE CONQUISE 25

    croiro capable de tout que, rduite l'inaotion, ellene reoit pas les leons moralisatrices du travail pratique, de la difficult vaincue, de l'effort ducateurdo l'me, s'tiole dans la misre la plus noire, dansl'oisivet la plus dgradante. Aigrie par ses souf-frances, l'estomac vide d'aliments et le cerveau pleindes hallucinations de l'alcool et de l'opium, brlede dsirs inassouvis, elle constitue un foyer rvolu-tionnaire perptuellement inoandescent,

    Le juif, yce quelques prts, quelques sub-sides venus de l'tranger et chrement vendus, attisece foyer en y jetant profusion les libelles desaptres de l'assassinat politique, de la bombe lib-ratrice, de la propagande par le fait. Il y recrute,prt obir l'impulsion de sa haine et aux ordresde sa secte, l'excuteur de ses hautes oeuvres, l'ins-trument inconscient de ses vengeances, le fanatiqueprt commettre les pires forfaits sans crainte dessupplices et de la mort.

    Eloigne d'une Cour triste et sombre comme unmonastre, ferme et garde comme un harem turc,sevre des faveurs impriales, carte des hautesdignits civiles et militaires que se rserve la famillede l'Empereur, repousse des emplois publics dontla classe envahissante des tchinnownicks ferme tousles accs, la vieille noblesse moscovite boude dansses chteaux solitaires, perdus au milieu des fortset des steppes. Contre l'ennui qui la ronge, elle vachercher le remde dans les casinos et les kursaals,les maisons dejeu et les maisons de plaisir de l'tran-ger. Quand elle rentre au pays natal, la bourse vide

  • 26 LA FRANCE CONQUISE

    et le cerveau plus vide encore, dans le vague espoirde refaire sa fortune brche, elle s'acoquine aveoles gens d'affaires.

    C'est alors qu'elle devient la proio du juif. Ellehypothque ses domaines, engage ses mtairies,prte son nom et son influence terrienne des en-treprises industrielles o le juif s'enrichit et le nobles'appauvrit encore. Sous le coup de ces dsastresfinanciers, le loyalisme hrditaire, le tsarismefervent se transforment peu peu en un mconten-tement sourd et rageur, en une irrsistible aspira-tion vers un bouleversement gnral qui liquide tousles passifs, abolisse les dettes prives comme ladette publique.

    De l'ancien pilier du trne, le juif a fait l'agentaveugle de la rvolution.

    Le marchand est vex dans son amour-propre etle lgitime sentiment de sa dignit, gn dans sesoprations commerciales, ranonn dans sa fortunepar une administration hautaine et tracassire,besogneuse et insatiable. Le tchinnownick pour luio'est l'ennemi.

    Autrefois, il mettait son orgueil et sa joie clip-ser la noblesse, l'humilier par l'ostentation d'unluxe qu'elle ne pouvait galer. Aujourd'hui le fastede l'ancienne aristocratie terrienne s'est clips. Lemarchand n'assigne plus qu'un but ses efforts,abattre le despotisme administratif, couper court auxvexations, aux vols et aux dilapidations dont il estsans cesse victime, ne plus tre pressur par leschancelleries des Grands Ducs, les cabinets desgouverneurs, les bureaux des ministres.

    Pour cette oeuvre de destruction, le juif se fait

  • LA FRANGE CONQUISE 27

    son auxiliaire insinuant et suggestif. Lorsque,lass d'interminables stations dans les antiohambresdes fonctionnaires, la bourse vide par les innom-brables bachichs qu'il lui a fallu distribuer, le cer-veau fatigu par les luttes soutenues pour dfendresa fortune et sa libert, le marchand rentre le soir,il trouve le juif qui l'attend son comptoir pour,par de perfides consolations, attiser ses rancunes etsouffler son coeur la haine et l'espoir de la ven-geance.

    Le clerg et l'arme, jadis, les boulevards de l'au-tocratie ne sont plus aptes jouer ce rle. Le hautclerg comme le haut commandement militaire ontperdu l'influence directrice sur leurs subordonns.Ils devraient les tenir en main, intellectuellementcomme moralement, et il? les laissent aller ladrive, jouets des agents occultes de la rvolution.

    Les voques vivent, enferms dans des monas-tres, au sein d'une existence semi-oloitre, semi-mondaine, dans la pnombre d'un mysticismemoyengeux, entours d'un faste oriental, acces-sibles de rares privilgis.

    Ils ont perdu tout contact aveo le clerg infrieurdesvilles et des campagnes.

    Les gnraux et officiers suprieurs, tourmentspar leurs dettes de jeu, alourdis par l'ge et l'oisi-vet des garnisons, par les festins pantagruliqueso ils noient leur raison dans la folle multiplicitdes toasts, ne connaissent plus le soldat et ne sontplus connus d'eux.

    Popes et soldats ont perdu tout fanal pour les

  • 28 LA FRANCE CONQUISE

    guider dans la voie de leurs devoirs, envers leurDieu, leur Empereur et leur Patrie. Ils flottent auhasard, dsempars, emports, souvent malgr eux,par le mouvement insurrectionnel de la populationcivile qui les entoure.

    Us commettent les pires attentats contre la disci-pline, ils rentrent ensuite docilement dans lo devoirsans savoir pourquoi, au gr du hasard. Aujour-d'hui victimes des agitateurs les plus dangereux, ilstonnent par l'audace sauvage de leurs forfaits;qu'ils sentent, demain, un coeur compatissant s'at-tendrir leurs souffrances, un esprit attentif leursbesoins, un bras ferme pour les diriger et il rede-viendront les hroques guerriers qui ont fait l'admi-ration de l'Europe.

    Edouard VII qui, comme prince de Galles, a sou-vent utilis les bons offices des banquiers de la Cit,bons offices dont il leur a toujours scrupuleusementpay les intrts, en espces ou en considration,monnaie dont le juif n'est pas moins avide, sur-tout quand elle tombo de si haut et qu'il peut entirer d'aussi gros profits, tient dans sa main, nerveuse autant qu'habile, tous ces rois de la financecosmopolite.

    Les banquiers isralites de Saint-Ptersbourg etde Moscou prennent Londres le mot d'ordre qu'ilstransmettent aux juifs do l'Empire. Ceux-ci obis-sent d'autant plus facilement ectto directionqu'elle rpond plus exactement leurs passions.Ils deviennent ainsi des agents secrets et dvouset assurent, chacun dans la mesure de ses forces,

  • LA FRANCE CONQUISE 29

    sur tous les points du territoire, l'excution du plangnral.

    Edouard VII n'a pas moins d'influence sur lescomits rvolutionnaires armniens rfugis Lon-dres. Lors des massacres qui ensanglantrent cer-taines provinces de l'Empire Ottoman, quand surun ordre d'Abdul Hamid, chang en fou furieuxpar la peur, sans distinction d'ge ou de sexe,avec des raffinements de cruaut qui pouvantentl'imagination, les victimes humaines tombrent parcentaines de mille sous les coups d'une soldatesquefanatise, l'Angleterre seule se souvint des tradi-tions les plus glorieuses et les plus pures do la civi-lisation occidentale.

    Elle proposa une intervention qui aurait mis finaux hcatombes. La France d'alors, oublieuse deson pass, hypnotise par un ftichisme inintelligentde l'alliance russe, la Russie, aveugle par sa hainehrditaire contre le peuple armnien, obstacle l'expansion orthodoxe dans les territoires de laTurquie d'Asie, dsertrent leur poste d'honneur,firent chouer l'initiative do l'Angleterre et assu-rrent, ainsi, aux bourreaux, avec l'impunit, letranquille achvement de leurs forfaits.

    Do cette crise sanglante les Armniens ont con-serv une animosit ardente contre la Russie enmme temps qu'une vive reconnaissance pourl'Angleterre, en qui ils ont plac, dsormais,leurs esprances. Le roi d'Angleterre a, danstout jeune Armnien, en cas de comptitionouverte ou secrte entre la Grande Bretagne et

    2.

  • 30 LA FRANCE CONQUISE

    l'Empire moscovite, un agent zl, discret, et sr.Les Armniens, population envahissante et proli-

    fique, sont rpandus dans les provinces de la Russiemridionale qui confinent l'Empire Ottoman. Danscertains districts, ils sont en majorit, cians d'autres,ils s'quilibrent aveo les tribus musulmanes, contrelesquelles ils entretiennent des haines de raco et deconfession religieuse que le gouvernement mosco-vite devrait apaiser, qu'il s'efforce, au contraire,d'entretenir et, au besoin, de rchauffer comme uninstrument de rgne.

    Remuants, audacieux, actifs, heureusement douspour comprendre, parler et traduire tous les idiomes,ici, pasteurs et nomades, ailleurs, agriculteurs labo-rieux, commerants industrieux, experts dans legrand comme dans le petit ngoce, ils s'adonnentvolontiers au trafic de l'argent et, partout o ilss'implantent, ils vincent le juif; aussi sont-ils, l'gal du Juif, honnis, redouts, perscuts parleurs voisins qu'ils exploitent. Comme les peu-plades en but l'hostilit ambiante, ils ont constituentre eux une sorte de franc-monnerie pours'avertir et se liguer en vue du danger commun. Ilsconstituent, pour qui sait les utiliser, un corps d'in-formateurs toujours en veil.

    Les frontires occidentales de la Russie d'Europedepuis, l'ouest,

    '-\ ligne artificielle qui la spare

    de l'Empire allema. ! jusque, au sud, les confins dela Pologne catholique, et, au nord, la ville deSaintPtersbourg sont occups par des popula-

  • LA FRANCE CONQUISE 31

    tions ou exclusivement ou au moins, en pres-que totalit, luthriennes. Vestiges de la domi-nation de l'Ordre Teutonique ou de la dominationScandinave, ces races, autrefois conqurantes, fontencore peser un joug des plus oppressifs sur lespeuplades d'origine finnoise qu'elles ont subjugues.Pour maintenir, d'une part, leur suprmatie sur lesautochtones, d'autre part garantir leur autonomieet vincer d'un mouvement lent et continu l'ortho-doxie moscovite, elles requirent, d'instinct, unsoutien au dehors. Elles taient habitues tournerleur espoir vers Stockholm d'abord, puis versBerlin.

    En prsence de l'effacement de la Sude, del'entente constante entre l'Allemagne et la Russie,dont Bismarck a fait, une des bases fondamentalesde la politique germanique en Occident, ces po-pulations protestantes ont cherch, ailleurs, unpoint d'appui confessionnel et politique. Elles l'onttrouv dans les socits bibliques de Londres. Contreles mesures tracassires dont elles taient pour-suivies par l'orthodoxie perscutrice du procu-reur gnral du Saint-Synode Pobedonotzeff, ellesont fait appel leurs coreligionnaires anglais. Ceux-ci ont prt aveo empressement l'oreille leursdolances, pris fait et cause pour elles et hautementsoutenu leurs revendications. Or ces socits bi-bliques, dont l'influence politico-religieuse s'tendcomme un vasto rseau sur le monde entier, sont lesplus fidles, les plus actifs soldats du roi d'Angle-terre; ce sont elles qui, pied pied, lui conquirentle globe.

    Les populations des provinces baltiques, plus

  • 32 LA FRANCE CONQUISE

    polices, plus duques, plus faonnes l'euro-penne, sont plus aptes que celles du centre del'Empire au travail des bureaux ; aussi encombrent-elles les administrations provinciales et les minis-tres, les chancelleries princires et les intendancesmilitaires. Elles sont, ainsi, au courant de tout cequi se prpare, s'labore ou se chuchote dans lemonde innombrable des tchinnownicks, du haut enbas de l'chelle hirarchique, depuis le ministre luimme jusqu'au dernier des copistes qu'il emploie.Rien ne se dcide sans qu'elles le sachent, sansqu'elles en parlent au pasteur protestant, sans que lepasteur n'en avise la socit biblique de Londres.

    Edouard VII est donc mieux inform que per-sonne, mieux surtout quo le malheureux Nicolas II,de tout ce qui se passe et tout ce qui se trane dansl'Empire des tzars.

    L'empire moscovite est de formation rcente. Ala suit? tio yi.erres heureuses, de conqutes rapides,il s'est !?.::>nTK-le tous cts, en Europe et en Asie,des peup.*:.'.odd'origines les plus diverses, qui neparlent pas la mme langue, qui n'ont pas les mmesmoeurs, le mme degr de civilisation, qui profes-sent les cultes les plus hostiles, qui jusqu'l'annexion scelle dans leur sang par l'pe duvainqueur, ne s'taient connues quo pour se com-battre et s'exterminer mutuellement, qui n'ont delien en un mot, que la communaut de la dfaiteet la communaut du joug.

    Quand ce joug est dirig par un esprit conscientde sa force et constant dans ses desseins, quand ilse cache sous les lauriers de la victoire et r,'ennoblit

  • LA FRANCE CONQUISE 33

    du prestige de la gloire militaire, il peut s'imposer des imaginations ardentes, enclines au fanatismeet l'extase, se faire obir par des peuples dontbeaucoup n'ont jamais connu la libert, n'en ontmme pas l'instinct et n'ont fait, par la conqute,que troquer l'anarchie contre le despotisme. Mais,quand l'autocrate manque de volont et de suitedans les ides ; quand il est faible, indcis, irrsolu ;quand il se laisse subjuguer par les passions de sesparents et de leurs favoris, quand ses agents letrompent et le tournent au gr de leurs convoitiseset de leur vnalit, alors tous ces peuples diverssentent qu'ils ne sont plus en main ; semblables aucoursier ombrageux, ils se cabrent et sont prts dsaronner le cavalier.

    Alors, la Finlande se rappelle que 1PConstitu-tion, jure par les tsars leur avnement, commecondition do son annexion la Russie, comme ga-rantie sacre de son autonomie, a t viole ; lesprovinces baltiques, qu'aucun de leurs conqurantssuccessifs n'a eu la sagesse de dlivrer du servage,vestige excr, do la domination de l'Ordre tcu-tonique, s'agitent pour raliser le rve, couv de-puis des sicles, de l'abolition du rgime fodal ;la Pologne sent retentir, dans son coeur, le clai-ron de son indpendance et les armes, tant defois saisies, de l'insurrection s'agitent convulsi-vement dans ses mains ; les Tatars, les Armniensse ruent les uns sur les autres, pour assouvir leurshaines sculaires de race et de religion dans lesplaines sans fin, dans les forts profondes de la

  • 34 LA FRANCE CONQUISE

    Sibrie, les condamns politiques, chapps auxbagnes des colonies pnitentiaires et aux mines,complotent un soulvement qui affranchirait cesrgions encore mal assimiles et fonderait les tatsUnis de l'Asio septentrionale; au sein mme de lavieille Russie, de la sainte Russie, la populace, enproie au dlire convulsif des pires passions rvolu-tionnaires, sait que dans tous ses excs elle serasoutenue, sinon encourage, par la connivenco cri-minelle, par la complicit inconsciente de classessuprieures, dvoyes, dmoralises, livres auxhallucinations des ambitions les plus coupables, desutopies les plus funestes.

    Aucun de ces dtails n'chappe au cerveau puis-sant sur lequel repose la couronne de Grande-Bretagne et d'Irlande.

    Edouard VII connat les sources et les originesde toutes ces agitations, leur force d'expansion etleurs limites, comment elles clatent en insurrec-tions formidables, en incendies.menaant de dvo-ror tout l'empire, et comment on les amne secontrecarrer, s'annihiler rciproquement; com-ment on teint l'incendie en tournant les flammescontre elles-mmes. Prt donner le signal quiprovoquera l'explosion des matires de longue dateaccumules, il reste matre do faire avorter la mineet d'touffer le feu s'il nuit ses desseins.

    Il sait jusqu' quel degr de dsordre et do con-fusion, la vnalit et la corruption ont jet l'inten-dance de l'arme russe, quo l'exemple, venu de haut,a gangren le corps tout entier ; que les coupables

  • LA FRANCE CONQUISE 35

    se tiennent assurs de l'impunit par la crainte descandales qui rejailliraient jusque sur les marchesdu trne, et que la guerre n'est plus considre,mme dans les sphres les plus leves, responsa-bles de l'entretien et du ravitaillement d6 l'arme,comme une occasion de se couvrir de gloire, enprouvant sa capacit et son dvouement au pays,mais comme une occasion de se procurer de grosprofits, des gains illicites par des spculations mal-honntes, de s'enrichir par des gaspillages coupa-bles et des tripotages criminels.

    11sait que, pour une guerre rendue invitablepar les fautes accumules d'une diplomatie impr-voyante, cachant mal sa faiblesse sous son astuce,pour v

  • 36 LA FRANCE CONQUISEdans le monde politique, la situation respective desdeux armes en prsence n'est un mystre pourpersonne. Nul n'ignore que le Japon s'est mthodi-quement prpar cette guerre depuis des annes.Toutes les ressources de l'industrie moderne la plusperfectionne, toutes les dcouvertes de la scienceont t mises rquisition pour donner aux troupes,dont le patriotisme a t surexcit jusqu' l'extase,le maximum de force de rsistance et d'lan irrsis-tible, pour leur assurer tous les lments do la vic-toire. On n'ignore pas davantage que, du ct russe,tout manque et que les efforts tardifs, tents pourremdier cette pnurie, sont paralyss par le d-sordre, l'incurie et l'improbit.

    Par les informations sres et prcises de leurscorrespondants Saint-Ptorsbourg, Moscou, danstous les grands centres commerciaux de l'Empire, lesmarchands de la Cit, les industriels, les expditeursont appris que les conserves destines l'alimen-tation du soldat moscovite sont do qualit infrieureet avaries; les cuirasses des vaisseaux, dpourvuesdo l'paisseur ncessaire, no constituent qu'une pro-tection illusoire ; les couvertures, pendant les nuitsglaces do la Mandchourie, font dfaut, cellesqu'une souscription patriotique do la Guild dos Marchands avaient permis de recueillir, ont t rete-nues Moscou et vendues vil prix au profit deriohes et puissants concussionnaires.

    L'arme russe leur apparat dbilite, macio,puise par les fatigues, les souffrances, los priva-tions sans nombre, dmoralise par la dsobis-sance dont le haut commandement lui prodigue lecontagieux exemple. L'indiscipline y faitd'oflrayants

  • LA FRANCE CONQUISE 37

    progrs. L'adversaire n'a plus devant lui ces fameuxgrenadiers dont Napolon disait : Il ne suffit pasde les tuer, il faut encore les jeter par terre , maisdes troupes sans cohsion, sans confiance dans leurschefs et dans leur drapeau, accessibles la pani-que, prtes la dbandade.

    Cet Empire, dont les entreprises en Orient leur ins-piraient sans cesse une vague terreur, n'est plus leurs yeux qu'un corps dbile destin tomber sous lescoups d'un lutteur avis qui frappe d'une main sre.Aussi leur admiration redouble-t-elle pour le monar-que qui, en contractant en temps utile une allianceopportune avec le vainqueur de demain a su assurer son pays la meilleure part du fruit de la victoire.

    Edouard VII n'agissait donc pas la lgrequand il s'alliait au Japon et quand, aussitt l'al-liance conclue, il l'envoyait la guerre. Il savaitqu'il l'envoyait un triomphe assur. Mais, en sui-vant d'un oeil attentif la suite ininterrompue do sesvictoires, il savait aussi le point prcis o il arrte-rait le torrent envahisseur, o le flot conqurantserait oblig do mettre fin lui-mme ses conquteset de rentrer de.ns le lit qu'il s'tait c.eus.

    puis par ses propres victoires, vide d'hommeset vido d'argent, le Japon risr[liait de compromettres >succs en se lanant, travers des steppes sansfin, la poursuite d'un ennemi qui, en parpillantM' forces, en no lui offrant aucune ligne fixe de.'sistance, le privait de l'espoir de livrer un enga-gement dcisif, et capable de mettre fin la cam-pagne. Inquiet du nuage de jalousies qu'il sentait

    3

  • 38 LA FRANCE CONQUISE

    s'amonceler sur sa tte, instruit par l'exprience dutrait de Simonosaki o une coalition d'envieuxl'avait dpouill, sans coup frir, du fruit do sesvictoires, le gouvernement du Mikado tait tropen veil pour ne pas saisir la premire occasionfavorable de clore les hostilits et d'assurer la con-servation des rsultats obtenus.

    C'tait le moment psychologique qu'Edouard VIIavait habilement mnag pour l'entre en scne duPrsident Koosovelt. Sa qualit d'alli ne lui per-mettait pas de jouer le rle do mdiateur et d'ar-bitre, mais sa fine morgue; aristocratique lui avaitds longtemps rvl l'envie du frre Jonathan dese poser en arbitre de la politique mondiale. Il cruthabile de donner satisfaction a cette ambition et deconsolider ainsi le rapprochement qu'il avait oprentre les deux branches de la race anglo-saxonnecontre la race tudesque. Le Prsident Roosevcltaccepta avec empressement le rle reprsentatif quilui tait offert, mais le maximum des exigences duJapon avait t dj limit par des ngociationsentre lui et son alli.

    Le succs do la mission de M. Witte tait doncassur l'avance, et le financier diplomate, retour-nant le mot fameux do Franois Ier aprs la bataillede Pavie : Tout est perdu, fors l'honneur , a puclore les ngociations par ce cri do triomphe toutest perdu, fors les kopecks .

    Bel exemple do cette solidarit internationale sivante. Si elle ne rgne pas encore dans le domainehumanitaire, ello a triomph, au moins cette fois,dans le domaine financier. Mettre la charge dutrsor imprial russe, dj obr par la dfaite, tous

  • LA FRANCE CONQUISK 39

    les frais que le Japon avait d exposer pour soutenirvictorieusement cette guerre longue et dispendieuse,c'et t porter un coup fatal au crdit de la Russie,et non moins, peut-tre, la situation financire de laFrance, dont l'Angleterre espre, le cas chant, unconcours elfectif. Le march europen, tout entieren aurait reu un fcheux contre-coup, et par con-squent celui de la Cit aurait t atteint. Le coursdes rentes internationales doit tre mnag; quantaux vies de leurs soldats, les gouvernements peu-vent les sacrifier sans compter, ce sont valeurs quine sont pas cotes en Bourse ni inscrites aux car-nets des agents de change.

    Combien plus expdient d'ouvrir largement auJapon la voie des emprunts. Le gouvernement duMikado contracterait ainsi une obligation nouvellevis--vis de ses puissants allis. Les banquiers deLondres n'y perdraient rien et chanteraient de plusbelle l'loge de leur souverain. Le petit paysan japo-nais se serrerait le ventre pour payer les intrts etl'abdomen britannique s'engraisserait.

    Dsormais la carte du Japon tait joue et sonrle termin. Il pouvait dormir sur ses lauriers etpanser les nombreuses blessures d'o s'taientchapps le plus pur de son sang et le plus clair deson or, ou prparer, dans l'ombre, l'accomplisse-ment de ses destines guerrires.

    Edouard VII veillait. L'oeuvre commence, enRussie, par la guerre trangre, devait se continuerpar la guerre civile. Sur un signal parti de Londres,cet amas do matires explosibles, dont nous avons

  • 40 LA FRANOB CONQUI8B

    signal l'accumulation, allait s'enflammer. Il fallaitsuivre pas pas l'incendie prta clater pour ne paslui permettre l'tendre ses ravages au del des li-mites poses par l'intrt britannique. Car, si l'An-gleterre estime qu'il lui importe essentiellement quel'expansion moscovite, en Orient, prenne fin, enEurope, au contraire, elle ne veut pas quo la Russiecesse de figurer au nombre des grandes puissancesmilitaires. Ne peut-elle pas, en effet, servir, aubesoin, de contrepoids l'hgmonie allemande?C'tait une oeuvre dlicate et ardue entre toutes.

    Quelle nouvelle moisson de vies humaines ce si-nistre flau allait-t-il faucher? Quel nouveau torrentde calamits allait-il dverser sur ce malheureuxpeuple moscovite dj si prouv? Do telles con-sidrations ne pouvaient entrer dans l'esprit du roid'Angleterre. Non certes que le tout-puissant monar-que, qui tient sous son sceptre tant de peuples di-vers, soit barbare et cruel. Loin de l. C'est unprince ami de la paix universelle, des traits d'arbi-trage et de la confrence de la Haye. Autant qu'au-cun de nos politiciens modernes, il est imbu du grandprincipe de la solidarit humaine. Il est jaloux dubonheur et avare du sang des hommes, mais en tantseulement que l'expansion de toutes ces gnreusesvertus n'est pas incompatible avec les ncessits dudveloppement incessant de la politique imp-riale.

    Edouard Vil est un aristocrate jusqu'au bout desongles et un Anglais jusqu' la moelle des os. Je neconnais rien capable de l'arrter dans la poursuite

  • LA FRANCE CONQUISE 41

    de l'idal qu'il a assign ses efforts : assurer lasuprmatie de la Grande-Bretagne sur le mondeentier, affirmer la supriorit de la race anglaisesur toutes les autres races.

    Ouvrez les annales de la Grande-Bretagne, dites-moi quel moment,. dans quelle circonstance, unhomme d'tat anglais a hsit dchaner, sur lesnations rivales, les pires calamits ds que l'intrtdu peuple anglais lui a paru le commander? Or,quel but plus grandiose pouvait se proposer le gnied'un roi d'Angleterre que de dbarrasser l'horizonde son pays, du cauchemar qui angoissait, sans cesse,la quitude de ses triomphes, de ce colosse de glacequi, depuis Napolon, apparaissait seul, aux yeuxde l'Univers en suspens, comme capable de contre-balancer la fortune britannique et, peut-tre, unjour, dans les Indes, de l'abattre ?

    Les pillages, les incendies, les meurtres et lesmassacres, allez-vous croire que c'est lui qui les or-donne? Ce n'est pas lui qui pousse les mains crimi-nelles lancer les bombes incendiaires, ce sont lespassions invtres, les haines aveugles des hommeset des peuples, les rivalits sculaires des races etdes religions, dont il n'est pas l'auteur, dont per-sonne ne peut le rendre responsable. Lui, il n'estque le providentiel metteur en action du drame san-glant qui ouvre la voie au peuple prdestin versl'apothose de la domination universelle laquelleil est appel.

    il peut les contempler, aveo srnit, du haut deson trne imprial, comme du haut des cieux, leDieu des armes, dont il a appris rvrer les au-gustes dcrets dans sa Bible, contemplait l'extermi-

  • 42 LA FRANCE CONQUISE

    nation des Philistins, coupables d'arrter la marchede son peuple d'lection,

    Un esprit vindicatif et bas, voyant ses piedsl'ours moscovite grivement bless, aurait eu lapense de l'achover, de le dpecer, d'en jeter leslambeaux en pture aux apptits do ses voraces voi-sins. Edouard VII est exempt do ces petitesses. Ilveut du vaincu de la veille pouvoir, son gr, fairel'alli du lendemain. Il exige quo la vie du tsar soitrespecte, que son trne demeure debout, que sestats europens ne soient pas morcels. Il connatle coeur de Nicolas II, il sait que les services rendusne sont pas oublis par lui et qu'il ne sera jamaissourd la voix de la reconnaissance.

    En grand seigneur de race royale, il n'oublie pasqu'obliger un ami dans la dtresse, c'est l'obligerdeux fois. Il sait qu'aprs une guerre longue etmalheureuse les besoins d'argent sont pressants. 11facilite les combinaisons financires propres tirerd'embarras son jeune coj^sln^ il le fait d'autant plus

    h-gnreusement qu'il n'accorde, en dfinitive, l'op-ration que l'appui moral de l'Angleterre et ne pro-digue que l'or de ses faux allis et amis, les Franais.

    Il se montre d'autant plus empress offrir sesbons offices que, au plaisir de servir un ami, se jointle plaisir non moins sincre de desservir un rival.Bismarck a fait longtemps d'une troite entente avecla Russie la base et le pivot de la politique alle-mande. Guillaume II n'a rien nglig pour conqu-rir la confiance de la couronne et du peuple mosco-vite. Pour s'assurer ce point d'appui prcieux, il n'arien nglig: promesses d'appui, offres de concours,rien ne lui a cot.

  • LA FRANCE CONQUISE 43

    Sur ce terrain, Edouard VII aspire le supplan-ter. Il soignograndement sa popularit sur les bordsdo la Neva. Un courant s'y dessine en sa faveur, onachve d'y oublier le franais, la langue des salonsaristocratiques, dans ces sicles derniers. On y d-sapprend l'allemand qui tendait le supplanter,depuis nos dsastres do 1870. C'est l'anglais qui de-vient la mode. Dans le monde judaic-libratre,c'est aujourd'hui, de l'engouement pour l'ancienennemi hrditaire.

    Dans les milieux qui font volontiers des avancesaux partis rvolutionnaires, il n'est plus questionque d'une alliance anglo-franco-russe. On prco-nisait nagure, on prdisait, dj, la visite d'une es-cadre anglaise l'antique forteresse qui protgel'embouchure de la Neva, visite que les dbris de laflotte russe se seraient empresss d'aller rendre Portsmouth. On esprait parodier ainsi les inou-bliables ftes de Cronstadt et de Toulon. Nicolas IIa pens, sans doute, qu'il tait encore trop tt pourclbrer des rjouissances sur les bords de la Nevaet pour acclamer le fidle alli du Japon.

    Content d'avoir ferm la Russie l'accs desocans, de lui avoir interdit la route des Indes,d'avoir touff son essor en Extrme-Orient,Edouard VII la verrait avec plaisir se relever deses ruines et reconstituer son arme, pour cooprer,au besoin, avec la France, son allie.

    Que l'Empire des tsars dveloppe les inpuisablesrichesses do son sol et de son sous-sol, le commercedu monde, dont l'Angleterre a bien sa part, en pro-

  • 44 LA FRANCE CONQUISE

    fitera, mais plus de vises trop ambitieuses. Pourcouper court au retour d'accs do mgalomanie, aupoison trop rapide de la rvolution, on substi-tuera l'action plus lente mais plus anmiante duparlementarisme. On inoculera la maladie du som-meil.

    Aux yeux d'un Anglais, observateur inform etsagace, c'est un spectacle amusant que toutes cesparodies du parlementarisme britannique qui sejouent sur notre continent. Arrive la derniresur la scne du monde, la Douma de Saint-Pters-bourg a, en quelques semaines, surpass toutes lesautres par le grotesque et l'odieux.

    Sans ide, sans prparation pralable, sans con-naissance pratique, sans aucun sentiment des de-voirs du lgislateur et des droits du gouvernement,la Douma a prtendu tout bouleverser et tout trans-former de fond en comble, elle n'a abouti qu' unelogomachie vide de sens et pleine d'incitations cri-minelles. Elle a rpudi toute coopration dans lebien qu'elle pouvait aider raliser, elle a acceptsa responsabilit dans tous les meurtres, les pillageset les incendies perptrs par la rvolution.

    On eut vite fait, Londres, de dvisager tous cesaboyeurs du palais de Tauride; sous le masque d'uncollectivisme chevel, d'un communisme sans li-mites, on a vite dcouvert une spculation financirehonte. Les prtendus partageurs n'taient que desmarchands de terrains, la fameuse bande noirejuive qui veut acheter la noblesse ses terres vilprix, pour les revendre trs cher aux paysans.

  • LA FRANCE CONQUISE 45

    Le bon sens public protesta contre les accs com-promettants de cette dmence impuissante. On au-rait voulu que le jeune Parlement s'amendt ouqu'il dispart. A Londres, on prtendait au con-traire, l'imposer au gouvernement imprial. On nereconnaissait pas au tsar le droit de s'en dbar-rasser.

    Quand, par un accs de vigueur inattendue, Nico-las II dispersa ces fantoches, l'tonnement d'abordfut extrme chez nos voisins, puis la grande sur-prise, succda la grande colre. Il fallait faire saisirau tsar qu'il n'tait plus le matre chez lui et qu'l'autocratie des Romanoff avait succd l'autocratieanglaise. On ptitionna fort et on rsolut d'aller por-ter en corps la ptition Ptersbourg et d"imposer l'Empereur une rtraction.

    La Russie fit comprendre qu'elle n'tait pas en-core une satrapie britannique et que Nicolas IIn'tait pas un maharajah de l'Inde.

    Edouard VII aime se servir de la Rvolution,partout son fidle auxiliaire, mais il n'aime pas quela Rvolution le compromette et le croie son esclave.Dsavous par leur matre, les charlatans de lib-ralisme se sont cachs dans l'ombre. La Russies'est ressaisie. Le monde a senti qu'elle a encore dusang dans les veines et que Stolypine n'est pas Cle-menceau.

    Cette maladresse des gaffeurs incorrigibles a faitperdre la politique d'Edouard VII une partie duterrain conquis, certes, il n'est pas le dernier s'enrendre compte. Il saura y remdier.

    Dsormais, appuy sur l'alliance du Japon dontles troupes, jusqu'ici invincibles, se constituent les

    3.

  • 46 LA FRANCE CONQUISE

    gardiennes de son Empire des Indes, sans rival enExtrme-Orient, matre du golfe Persiquo et de lamer Rouge, il n'a plus rien craindre ni en Asie,ni en Afrique, il peut tourner tout son effort contreson rival de l'Occident.

  • CHAPITRE III

    Edouard VII et l'Allemagne

    Ds avant l'avnement au trne d'Edouard VII,les liens d'troite amiti politique qui avaient uni,pendant de longues annes, l'Angleterre l'Alle-magne, s'taient relchs.

    Quelques esprits attards dans les troites ran-cunes du pass, dans les mesquines passions dupuritanisme contre la moderne Babylone ou du m-thodisme anglican contre le papisme, avaient essayde rchauffer les sympathies d'antan par la perspec-tive d'une action commune contre la France. Cham-berlain s'tait fait l'orateur et le protagoniste decette politique.

    Tous ses efforts n'avaient veill, chez ses compa-triotes, qu'un cho bien affaibli ; en Allemagne, ilsn'avaient soulev que mfiance et rpulsion nondissimules.

    Edouard VII, en montant sur le trne, appor-tait des ides plus hautes, des vues plus rflches

  • 48 LA FRANCE CONQUISE

    et plus larges, une comprhension plus saine dela situation contemporaine do l'Europe et do laposition respective des diverses puissances conti-nentales.

    Il voyait trs clairement que, dsormais, uneseule puissance, en Europe, tait capable do dispu-ter l'Angleterre le commerce du monde et, peut-tre mme un jour, le cas chant, l'empire desmers, c'tait l'Allemagne.

    Ds lors, l'Angleterre no devait plus connatre,sur lo continent, qu'un seul ennemi, l'Allemagne.

    Le roi d'Angleterre ne pouvait considrer lesautres Etats continentaux que comme des pions manoeuvrer sur son chiquier pour faire l'Empereurd'Allemagne chec et mat. Conqurir leur amiti,s'assurer leur alliance ou, tout au moins, leur con-cours ventuel en vue de certaines hypothses dter-mines, c'taient autant d'atouts mis dans son jeu.

    Au contraire, suivre le plan de Chamberlain,favoriser un nouveau conflit entre la France et l'Al-lemagne, assurer, dans ce conflit, un nouveautriomphe l'Allemagne, c'et t. t.ux yeux dusuccesseur de la reine Victoria, la plus noire desfolies. C'et t dcupler les forces de l'Allemagnedans sa lutte future et invitable contre l'Angle-terre, c'et t non pas loigner ou dtourner cetteredoutable ventualit, mais la rendre plus procheet plus dangereuse.

    Edouard VII ne se faisait aucune illusion sur lagravit des consquences de ce duel commercial etmaritime entre l'Angleterre et l'Allemagne qui, dsavant son avnement au trne, se dessinait trsnettement, proccupait les esprits et chauffait les

  • LA FRANCE CONQUISE 49

    imaginations de l'un comme de l'autre ct du d-troit.

    L'ide d'une guerre est gnralement impopulairesur le continent europen.

    L'Allemagne no craint pas la guerre, elle s'y croitprpare. La guerre lui a valu d'inoubliables avan-tages, des triomphes glorieux sur une arme, rpu-te jusqu'alors la premire du monde, des conqutesd'autant plus apprcies qu'elles no constituaientpas seulement un riche accroissement de territoire,mais encore, aux yeux d'un peuple rancunier partemprament et nourri, ds l'cofte, des souvenirshaineux du pass, la rparation ncessaire desinjures subies. A la guerre, enfin, elle est rede-vable de son unit, dont elle est grandement fire,dont elle tire de nombreux avantages moraux etmatriels.

    La nation cependant, prise en son er semble, neveut pas la guerre. Elle a la conviction qi. le tempset la paix travaillent pour elle. Si elle est Hj prtepour la victoire, en sachant attendro, elle ~?raplusprte encore. Si, ds aujourd'hui, elle poss< le, surle continent, une arme la plus forte par le i mibreet par la discipline, en continuant avec persv< *anceson effort, elle aura, avant peu, une flotte non *oinsredoutable. Elle voit son unit se consolider, sa rced'expansion se dvelopper avec un lan que l'enn'arrte. Il y a avantage laisser l'oeuvre d'insinii-tion, de pntration successive et mthodique, qu'eiV,a entreprise sur tous les points du globe, s'affermiavant de vouloir prmaturment en cueillir les fruits.

  • 50 LA FRANCE CONQUISE

    Absorbe dans l'oeuvre de l'accroissement de sesforces conomiques, industrielles et commerciales,avant tout ello no veut pas la compromettre. Ellela sent assez avance dj pour veiller les suscep-tibilits jalouses de ses rivaux, mais trop rcenteencore et trop fragile pour ne pas craindre unchoc aveo eux, elle souhaite no pas tre troubledans sa marche, ne pas tre distraite du but qu'eilos'est propos. Aussi, en dehors de cercles mili-taires, o des officiers, par hte d'avancement, parentranement professionnel, par dsoeuvrement,rvent do lauriers cueillir sur les champs debataille, l'Allemagne no hte pas de ses voeux fclo-sion d'une guerre nouvelle.

    La Franco, inquite de ses destines, effraye de ladsorganisation croissante de ces forces vives quiseules, rendent la rsistance possible contre unadversaire puissant, a, d'instinct, horreur de laguerre. Elle ne l'accepterait qu' la dernire extr-mit. Je ne parle pas de son allie, la Russie. Pourlongtemps, elle semble mise hors de combat. L'Autriche, dont les lments disparates se dsa-grgent chaque jour davantage et menacent, chaque instant, de rompre les faibles liens qui lesunissent, n'a gure moins besoin de la paix que laFrance elle-mme. Seule l'Italie peut paratre agitede vellits envahissantes et guerrires, plus super-ficielles que profondes Sous la direction du mga-lomane Crispi, elle poussait Bismarck nous d-clarer la guerre. Elle rvait un nouveau dmembre-ment de la France et prtendait s'enrichir d'une

  • LA FRANCE CONQUISE 51

    partie de nos dpouilles. Aveo Crispi, ses projetsfrancophobes se sont ensevelis dans la tombe.Les destines de notre soeur d'au del des montssont confies des mains plus sages et moinsagressives contre nous. Elie oscille, avec unedextrit d'quilibriste consomm entre l'allianceanglaise et l'alliance allemande. Entre ces deuxples galement attractifs et galement pril-leux, elle n'a encore russi se dcider et elleajourne la reconstitution, son profit, de l'Empireromain.

    Ainsi, sur tout le continent europen, les peuplesou redoutent la guerre ou, tout au moins, n'appel-lent pas de leurs voeux son explosion immdiate.Tout autre est l'tat d'me de l'Angleterre. Lesnations qui vivent et s'enrichissent par le commercemaritime sont essentiellement belliqueuses. Ellesne peuvent souffrir que la matrise des ocans leursoit conteste. Toute atteinte leur suprioritnavale est une menace directe leur commerce, leur prosprit, leur existence. Dans ce domainedu ngoce international, l'histoire nous l'enseigneil n'y a pas d'atermoiements, pas de concessionspossibles. Malheur qui s'est laiss enlever le pre-mier rang l II est, bref dlai, prcipit dans ladchance et dans la ruine.

    Une nation insulaire, matresse des mers, quivoit surgir ses cts une comptition, a toutintrt brusquer l'vnement. Il y aurait folie vi-dente, de sa part, attendre que la flotte rivale soitdevenue assez forte soit par elle-mme, soit par ses

  • 52 LA FRANCE CONQUISE

    alliances, pour venir l'assiger dans son le et l'touf-fer dans son nid.

    L'Angleterre est donc condamne, par la logiquemme de sa situation, surveiller d'un oeil jalouxles progrs maritimes de toutes les autres nations.Ds qu'apparat l'horizon une force capable d'en-trer un jour en lutte aveo elle, son bon sens gosteet pratique lui commande do fondre sur le reptile etde l'craser dans l'oeuf avant qu'il ait eu le temps dedrouler ses anneaux et de la broyer.

    Le dveloppement du commerce maritime alle-mand a veill l'attention du monde entier. Com-ment aurait-il chappa l'Angleterre, plus int-resse que tout autre en pier les phases succes-sives ? Comment n'aurait-il pas veill ses apprhen-sions ?

    L'Angleterre et l'Allemagne, il est vrai, ont tlongtemps amies. Mais quel lien les unissait? Unseul : la haine commune contre la France. La Franceportait ombrage la suprmatie navale de l'Angle-terre, la suprmatie continentale de l'Allemagne.La Franco tait l'ennemi commun. Il fallait l'abattre.Aujourd'hui, la France est abattue, les tentativesqu'elle avait faites pour se relever sont paralysespar les vises mesquines du parti qui triomphe et ledsordre do ses finances. Elle ne porte dono plusombrage personne. Mais la flotte grandissante del'Allemagne est une menace pour l'Angleterre, lecommerce allemand supplante le commerce anglais.L'Allemand c'est l'ennemi; contre l'Allemand se re-portent les animosits britanniques qui nous ontpoursuivis pendant des sicles.

    Certains publicistes mfiants prdisent que, si,

  • LA FRANCE CONQUISE 53

    dans une guerre nouvelle, les Allemands devaientnous infliger de nouvelles dfaites, en dpit de l'en-tente cordiale, on verrait encore, comme en 1870,Londres clbrer, par des Te Deum d'actions degrces, les victoires germaniques. Je crois qu'ils sontdans une complte erreur. Tant que l'Allemagnen'aura pas combl ses ports et brl ses vaisseaux et elle ne me parat pas dispose le faire, mmepour reconqurir les prcieuses sympathies de sesamis d'antan, il n'y a pas de danger que les triom-phes germaniques soient clbrs par nos voisinsd'Outre-Manche. J'estime, au contraire que, si lavictoire, un moment infidle, devait revenir sous nosdrapeaux, nulle part nos succs ne seraient accueil-lis avec un aussi sincre enthousiasme qu'en Angle-terre. S'il n'y a pas d'autre obstacle pour nous arr-ter que la crainte de mcontenter nos nouveaux amis,nous pouvons, sans retard, reconqurir l'Alsace-Lor-raine et marcher sur Berlin. De ce ct, nous nerecevrons que des encouragements.

    Sous le rgne de la reine Victoria, on disait com-munment que les sentiments d'estime et d'affectionrciproques que se prodiguaient les deux monarquesveillaient un cho sympathique dans le coeur deleurs sujets et contribuaient puissamment resserrerles liens entre les deux peuples. Faut-il dire, aujour-d'hui que les sentiments de moindre sympathie quese tmoignent les deux nations sont galementl'image des sentiments que leurs souverains prou-vent rciproquement l'un pour l'autre ? Je l'ignore.Il ne m'appartient pas de sonder le coeur des rois et

  • 54 LA FRANCE CONQUISE

    de dmler, au fond de leurs mes, leurs secrtes im-prs sions. Edouard VII est le coeur le plus anglais quiexiste en Angleterre. Si l'on en croit la commune re-nomme, Edouard VII n'oublie pas facilement les in-jures faites la personne du roi d'Angleterre, ni mmeau prince de Galles ; ce qu'il y a de certain c'est qu'ilne pardonne jamais une offense au peuple anglais.

    Edouard VII a considr comme une offense lanation britannique la lettre de flicitation, adressepar Guillaume II au prsident Kruger, aprs l'checde l'attentat perptr par le Dr Jameson contre l'ind.pendanccduTranswaal. Plus l'acte tait injustifiable,plus il tait fltri par l'opinion du monde entier, plusil tait cruel pour l'orgueil britannique de le voirdnoncer et clouer au pilori par un jeune souverainque l'Angleterre avait jusqu'alors trait en enfantde prdilection et qui devait, pour une grande part, la connivence de cette mme Angleterre, sacomplicit indniable, cette couronne impriale dontil ceignait si orgueilleusement son front.

    L'injure fut d'autant plus vivement ressentie quela lettre impriale fut suivie d'invites, discrtes maisnon secrtes, aux grandes puissances continentalesde confirmer, d'aggraver le sens comminatoire de cemessage insolite au chef d'un tat que la Grande-Bretagne considrait comme plac sous sa suzerai-net. Ds lors, l'Angleterre y vit une exhortationadresse aux rpubliques Sud-Africaines par le Kai-ser pour les pousser secouer le joug du protectoratbritannique et lever l'tendard de la rvolte pourles encourager enfin faire appel l'aide et Tintervention de l'Europe et placer leur indpendancesous sa sauvegarde.

  • LA FRANCE CONQUISE 55

    Si les autres grandes puissances, qui n'avaient au-cune raison de vouer l'Angleterre les sentimentsde reconnaissance quo lui devait l'empire germanique,avaient suivi ces conseils si favorables leurs int-rts, si elles avaient cout la voix prophtique de *"

    Guillaume II et taient entres dans la voie quo leurouvrait son gnie, la paix du monde et t, pourlongtemps, sauvegarde et la libert des mers n'etplus t un vain mot.

    C'tait le renversement des rves de dominationexclusive, d'Alexandrie au Cap, caress si amoureu-sement par l'Angleterre. Du coup, Guillaume IIarrachait au front d'Edouard VII la couronne d'Em-pereur d'Afrique Occidentale qui ira bientt s'yaccoler la couronne d'Empereur des Indes.

    Edouard VII n'est pas de ces souverains grandi-loquents qui talent dans des discours retentissantsle ressentiment des injures faites leur personne ou leur pays. Il sait dissimuler. Il s'est content debattre froid son impriaj_Cousin et de ne rpondre aucune de ses avances. lP"Fir, ostensiblement,chouer toute tentative de rapprochement. Il s'estdrob toute effusion.

    '

    Par cette attitude, visiblement calcule, il a sou- vlign les attaques rciproques changes entre les presses des deux pays; il les a, pour ainsi dire, au-thentiques. Ce ne sont plus seulement les lucubra-tions de personnalits sans mandat; ce sont leschos, exagrs, peut-tre, et vous, en cas de besoin,au dmenti, mais, au fond, fidles, des sentimentsdes deux peuples et de leurs gouvernements. Il a,

  • 56 LA FRANCE CONQUISE

    ainsi, donn l'Europe et au monde entier la per-ception trs nette qu'ils se trouvaient en prsence dedeux champions, dcids jouer, l'un contre l'autre,la partie suprme dont l'enjeu est la domination desmers et la prpondrance sur les continents.

    Si Edouard VII partage les sentiments de sonpeuple, il ne partage pas ses emballements. Il saitcontenir, autour de lui, les ardeurs belliqueuses pr-matures. 11 les laisse couler en flots d'encre inof-fensifs dans les colonnes des journaux. Au milieudes bullitions populaires, il conserve son sang-froid,connat fond son mtier de roi, dont il a su fairesur les marches mmes du trne une tude mtho-dique et n'encourt aucune responsabilit qu' bonescient.

    Sa marche est calcule sur une connaissanceexacte du terrain parcourir, son pas est mesurautant que ses coups sont srs. Il dirige et prtendn'tre dirig par personne; dans son peuple lui-mme comme dans ses ministres, il no veut voir queles instruments dociles do ses volonts. Son peuplele sait, il a confiance dans son toile, il fait foi l'o-rientation qu'il imprime ses destines, heureux etfier de cooprer dans la mesuto de ses forces l'ex-cution des dcisions do son matre. Ses impulsionssont suivies par tous ses sujets, sans distinction declasse ni de rang, aveo zle, avec loyalisme, aveo en-thousiasme. Aucune note discordante, aucun mouve-ment dsordonn ne trouble l'unit de la politiquenationale.

  • LA FRANCE CONQUISE 57

    Edouard VII n'ignore pas la difficult de la lutteque les circonstances lui ont impose et la grandeurdes efforts que cotera la victoire. Il sait qu'il n'a

    pas seulement devant lui un Empire redoutable entretous par la puissance des armes et le patriotisme dela population, mais encore un Empereur qui, luiseul, vaut un Empire..

    Il souligne, peut-tre, d'un sourire malicieux, lesprtentions de Guillaume II quand il se pose enhros moyengeux, en petit-neveu de Charlemagneet en chevalier do la Table ronde. Il n'admet passon affectation de jouer le rle d'Empereur mondial,de revendiquer les droits de l'Allemagne, sur despoints du globe o l'Allemagne n'a aucun droit etde la prtendre lse, l o elle n'a pu tre lseparce qu'elle n'existe pas.

    La claire perception de ces travers no l'empchepas de rendre justico aux rares qualits d'un rivalmerveilleusement dou pour fanatiser un peuple etune arme, la pntration extraordinaire do sonesprit, son activit infatigable, son initiativehardie et jamais en dfaut, son admirablo compr-hension de tous les intrts de ses sujets, son ar-deur les servir, son habilet parler aux imagi-nations et les tenir en haleine, se faire aimer,estimer et, au besoin, redouter de tous.

    Ces dons de la nature, suffisants pour faire ungrand monarque, il les lui concde, il reconnat rueleur puissance est accrue chez lui par une volont

  • 58 LA FRANCE CONQUISE

    de fer applique sans cesse en dcupler l'effet.Mais no sont-ils pas compenss par des dfautsminemment dangereux chez un souverain quasiabsolu : un caractre trop impulsif, une pose tropthtrale, uno exubrance do langage parfois com-promettante, un geste toujours beau mais, dans cer-tains cas, prilleux, car, pour un Empereur, ladifficult n'est pas do raliser la beaut du geste,mais de rpondre aux esprances qu'il engendre oud'excuter les menaces qu'il comporto? Observateurflegmatique et sagaee, Edourd pie toutes ces fautes,dcid les exploiter sans merci.

    Guillaume II a, derrire lui, le prestige du gniede Bismarck qui, de ses mains puissantes, avaitsaisi tous les fils do la politique europenne et lesavait monopoliss au service do l'Allemagne, si bienqu'il no se dplaait pas un secrtaire dans uneChancellerie, sans qu'il en ft avis, qu'il ne s'exp-diait pas uno dpche, sans que le contenu de cettedpche no lui et t soumis et n'ot reu son appro-bation. La poigne du chancelier do fer a laiss destraces profondes que lo temps n'a pas effaces etqui inclinent les puissances continentales marcherdans l'orbite de l'Allemagne.

    Guillaume II a, ses cts, la triple alliance,cette oeuvre la plus extraordinaire du gnie de Bis-marck; cette alliance cimente non par les sympa-thies rciproques des peuples qui la forment, maispar la haine mutuelle que deux d'entre eux s'inspi-rent rciproquement et par la crainto communequ'ils prouvent simultanment du troisimo; pacte

  • LA FRANCE CONQUISE 59

    rendu indissoluble parce que deux des puissancesqui l'ont sign, l'Autricho et l'Italie n'ignorent pasque la rupturo du lien qui les unit serait le signald'une guerre invitable entre elles, o elles s'pui-seraient toutes les deux pour tomber victimes dol'Allemagne qui convoite leurs ports dans l'Adria-tique et leur commerce dans la Mditerrane.

    Rompre ce faisceau, si diaboliquement nou parBismarck et que la crainte resserre des que la hainele relche, est une ceuvro ardue, le laisser intactprsente de graves prils pour l'Angleterre.

    La prtention do Guillaume II d'tendre la sphredo cette alliance des puissances do l'Europe cen-trale, d'y faire entrer, avec l'Autricho et l'Italie, laFrance et la Russie, de fondre la duplice dans latriplice, de constituer du tout une grande coalitioncontinentale permanente, dont il serait lo chef co-nomique et politique et dont la pointe serait, plus oumoins ouvertement, tourne vers l'Angleterre, n'taitun secret pour personne en Europe. Elle taitfort commente de tous cts et, il faut le reconnatre,gnralement accueillie avec faveur.

    L'Angleterre a sem, do par le monde, tant domcontentements, bless tant do susceptibilitsnationales par son arrogance, ls tant d'intrtspar son gosmo que l ide faisait rapidement sonchemin. Ello rencontrait des adhsions spontanes,des aptres ardents et convaincus dans tous lespays, non seulement chez les grandes puissances,mais aussi, ot surtout peut-tre, dans les tatssecondaires dont l'appoint n'est pa