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    Master en administration publiqueLa lutte contre la corruption et la moralisation de la vie publique au Maroc

    2006Prsent par : Youness ELKHADI

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    A mes parents

    A ma grande famille

    Au rseau de Transparency International

    Et spcialement Toi !

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    Remerciements

    Au terme de cette recherche, je tiens exprimer mes vifsremerciements mon encadrant, Mme. Chantal CUTAJAR, davoiraccept dencadrer ce modeste travail.

    Je souhaite exprimer ma profonde reconnaissance pourM. AbdelaliBENBRIK, pour tous les conseils prcieux quil na cess de me prodiguer,et pour son engagement ferme dans la moralisation de la vie publique auMaroc.

    Je souhaite exprimer toute ma gratitude Mme Franoise CAMET,directrice de la formation permanente et de la recherche lENA, pour sa

    gnrosit et sa sympathie.

    Il mest impossible de ne pas citer Mme Kim GRIFFIN, pour sadisponibilit, ses conseils et enseignements qui mont t dune contributionconsidrable tout au long de cette recherche.

    Que tous les membres de Transparency Maroc soient assurs de ma

    profonde estime et mon dvouement pour la cause.

    Enfin, que toutes les personnes, qui ont enrichi cette recherche, soient

    assures de ma profonde gratitude.

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    Thme : La lutte contre la corruption et la moralisation de la viepublique au Maroc

    Rsum

    Aujourdhui, nul ne conteste le fait que la corruption affecte lesdiffrents rouages de lEtat, son ampleur et ses implications ngatives surle dveloppement de la socit. Pour bien saisir la problmatique de lacorruption au Maroc et les difficults dasseoir les jalons dune politiquede lutte contre ce flau, il importe de placer ce mal de socit dans lecontexte historique du systme politique et social marocain.

    Ainsi, ce phnomne ne peut se comprendre que par rapport unrfrentiel historique et culturel. Par quoi pourrait-on lexpliquer : Est celamour de lucre rapide? Est-ce la passion de luxe ? Ou encore le dsir

    dcraser son concurrent. L'imaginaire juridique et politique marocainpermet de donner une signification ce phnomne, non pas en termestechniques, mais plutt en termes de recentrage social.

    Linobservation des rgles commodes un Etat de droit, lelaxisme marquant la lgalit des poursuites et la primaut de la loi, sontautant de facteurs qui favorisent lexpansion de la corruption etdcrdibilisent toute tentative dradication de ce flau. Ainsi, dans uncontexte o limpunit srige presque en rgle de socit, le recul deltat est quasi patent, le fonctionnement de la socit est mis en pril, ildevient imprieux de chercher les remdes dordre global cephnomne. A cet gard, il sagit dimaginer des filets de scurit mettre

    en place pour ne pas rduire toute entreprise en la matire un simpleeffet de propagande politique, et la canaliser vers des actions clairementdclines et volontairement traduites au quotidien.

    Persuad que la panace la corruption se confine dans desconsidrations dordre culturel, institutionnel et politique, il importe dedfinir au mieux ltendue, les limites et les interfrences des actions delutte, et ce compte tenu des multiples interdpendances qui conditionnentleur mise en uvre.

    Lattachement ombilical lEtat de droit, la garantie despoursuites, et lexigence du respect strict de la loi : tel devrait tre le

    leitmotiv de la lutte contre la corruption au Maroc. En effet, il estactuellement admis que sans lobservation de ces critres de fonds,aucune politique dans ce domaine ne saurait emporter ladhsion de tousles acteurs, aucun discours moralisateur ne serait crdible, et que lacorruption et la dilapidation des biens publics ne pourraient quesaccentuer.

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    De ce fait, la lutte contre la corruption est une question quirequiert ladhsion collective de toutes les composantes de la socit.Laction de lEtat dans ce domaine est fondamentale au regard de soneffet dentranement sur les autres acteurs de la scne politique et sociale.

    La mise en place dun cadre effectif de concertation et de coordinationentre les diffrents acteurs (pouvoirs publics, socit civile, secteur priv),est plus que ncessaire. La mobilisation pour faire avancer latransparence, lthique et lintgrit ne doit pas flchir face la difficultde la tche et lhritage consquent de dcennies de gestion hasardeuse.Le combat contre ce flau passe par la mise en uvre dune lgislation juste, applique de manire galitaire par une justice effectivementindpendante lgard de lautorit politique et du pouvoir de largentdune part, et par une trs grande sensibilisation de lopinion publiquequant la difficult de lpreuve et de la mobilisation de tous les vecteursvivants de la socit, dautre part.

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    Topic: Struggle against corruption and public life moralisation inMorocco

    Abstract

    Nowadays, it is widely recognised that corruption affects the different wheelsof states, that it is widespread and has negative effects on society development. Inorder to well grasp the corruption problem in morocco and the difficultiesencountered in setting the basis of a policy aimed to fight this plague, it is importantto replace this evil afflicting our society in the historical context of the Moroccanpolitical and social system.

    Thus, this phenomenon could only be well understood if put in relation to ahistorical and cultural referential. How could we explain it? : Would it be driven bythe desire of rapid profits? Would it rather be the passion of luxury? Or the desire tocrush ones competitors?

    The Moroccan political and juridical imaginary allows to give to thisphenomenon a signification not in technical terms but rather in social reorientationterms.

    Not abiding by the rules of a State law, the laxness concerning legalproceedings and the primacy of law are all together elements encouraging corruptionexpansion and diminishing the credibility of any move made to eradicate this scourge.Therefore, in a context where impunity prevails, the state is standing back and thevery functioning of society is jeopardized, it becomes vital to look for global remediesto get rid of this danger. In this respect, what is needed is to imagine security nets tobe put in place and this not to dilute any policy taken to that effect to some political

    propaganda, and canalize on clearly defined actions and voluntarily applied ineveryday life.

    Since corruption obeys to cultural, institutional and political considerations,its important to define to its best the extent, limits and interferences of actions to betaken, and this taking into account the multiple interdependences which could affecttheir implementation.

    The attachment to a state of law, the guarantee of legal proceedings andstrictly abiding by the rules: those should represent the leitmotiv of the Moroccancorruption struggle. Indeed, it is widely admitted that without the observance of thesecriteria, no policy in this matter could achieve the adhesion of all the players

    involved, no speech aimed at raising moral standards would be credible andcorruption and wasting of public goods could only be on the increase.

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    As a consequence, the struggle against corruption is an issue which requiresthe adhesion of all society components. The state action looks fundamental in view ofits positive effect on the other players of the political and social scene. Putting inplace an effective dialogue and coordination framework amongst all these different

    players (authorities, civil society, private sector) is really necessary. Mobilization toput forward transparency, ethics, and integrity should not weaken in face of the taskdifficulty and the heritage subsequent to decades of mismanagement. The fightagainst this evil needs on one hand implementing a fair, equality based legislation, ajustice independent from political authorities and money power. On the other hand, itis needed a heightened public opinion awareness of the difficulty of the task and themobilisation of all of the society living vectors.

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    TABLE DES MATIERES

    Introduction 9

    Chapitre 1 : Constat du phnomne de la corruption au Maroc : Causes,manifestations et consquences.

    I. Rappel des concepts II. Constat du phnomne de la corruption dans le secteur public 13

    II.1 Les causes du phnomne dans le service public

    II.2 Les manifestations et consquences du phnomne

    14

    16

    Chapitre 2 : Analyse juridique et apprciation de la capacit de lacte rglementaire

    cerner le phnomne.

    I. Analyse de larsenal juridique de lutte contre la corruption 22II. Capacit de la rglementation cerner le phnomne de la corruption 28

    Chapitre 3 : Evaluation des actions menes pour lutter contre la corruption.

    I. La commission nationale pour la moralisation de la vie publique au Maroc 34II. Les initiatives des pouvoirs publics

    III. Les initiatives parlementaires 41IV. Le plan daction du gouvernement actuel 43

    Chapitre 4 : Axes de progrs et damlioration de la vie publique au Maroc.

    I. Les rformes institutionnelles II. Laccs linformation et la transparence dans la gestion publique 49

    III. Lducation et la sensibilisation Conclusion 55

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    Je ne pense pas que mes dclarations changeront les choses en

    une nuit... Je ne suis pas si stupide... Nous ne sommes pas en train dersoudre une fois pour toutes, le problme de la corruption, mais il est

    terriblement important de braquer dessus les projecteurs

    Le prsident de la Banque Mondiale James

    Wolfensohn Octobre 1996.

    Introduction

    Au Maroc, il est tacitement reconnu la difficult dasseoir les jalonsdune politique de lutte contre la corruption, qui saurait emporter ladhsionde tous. En effet, linobservation des rgles commodes un Etat de droit, lelaxisme marquant la lgalit des poursuites et le respect scrupuleux de la loi,sont autant de facteurs dcrdibilisant toute tentative dradication de ceflau, et partant russir lentreprise dune meilleure moralisation de la vie

    publique.

    Ainsi, dans un contexte o limpunit srige en rgle de socit, ilsemble judicieux de mettre en exergue la faiblesse de ltat, qui est du reste,responsable de la persistance de nombre de dysfonctionnements sociaux. Desurcrot, certaines tudes ont dmontr que plus lEtat est faible, et que lunede ses fonctions essentielles, la redistribution des richesses, nest pasconvenablement remplie, plus la corruption est endmique. Devant cettecarence, certaines sphres saccaparent lappareil de lEtat en dtournant desdeniers publics pour leur enrichissement personnel en premier lieu, et pourredistribuer une partie dautres sphres quils veulent garder en allgeance.

    Cette thse bien quelle puisse tre sductrice dans la mesure que le bnficedautres populations de largesses est un moindre mal, est tout faitdangereuse et inacceptable puisquelle entrane labandon des formescommunment admises de lEtat moderne.

    Nanmoins, le consensus autour de limportance des institutions et dela bonne gouvernance, travers notamment des actions visant ldificationde lEtat de droit, passe sous silence de nombreuses insuffisances lies auxmodalits pratiques de mise en uvre. A ce propos, et comme le souligne juste titre Francis Fukuyama1, si les rformes de premire gnration(matrise des fondamentaux macroconomiques, drgulation,

    dsengagement de lEtat, etc.) taient relativement simples, il nen demeurepas moins que celles, dites de seconde gnration, consacres crdibiliserles institutions, sont plus difficiles russir. A cet gard, on peutsapercevoir que quand bien mme un groupe de technocrates pourraitlaborer une politique montaire efficace ou redresser un systme bancairedfaillant, il chouerait rformer un systme juridique ou encore assainirdes forces de police corrompues.

    1F. FUKUYAMA, Prface du rapport mondial sur la corruption 2005

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    Partant de cette difficult et la lumire des actions menes dans cedomaine au Maroc, le sujet quon se propose de traiter puise toute salgitimit dans le contexte actuel. Cependant, lide den faire un objetdtude est de nature soulever un scepticisme pour des raisons curieuses :Un comportement schizophrnique marque les personnes interroges sur le

    phnomne, puisque si on admet que le phnomne existe bel et bien au seinde la socit marocaine, on prouve des rticences dclarer quon a djt victime et encore moins coupable de lacte de corrompre (Cela narrivequaux autres). Ce panachage de la reconnaissance dans labsolu et dureniement dans le relatif contribue faire clore des alibis de ddouanementindividuel par rapport un phnomne social. La corruption est en mmetemps, reconnue et nie, largement rpandue et occulte : La corruptionapparat comme un de cas faits sociaux sensibles sur lesquels lombre et lalumire, le plein et le vide, sont harmonieusement distribus, de manire ne montrer quune partie du systme contamin et maintenir le reste dansune obscurit profonde.2

    Ainsi, notre proccupation essentielle se focalisera examiner dansquelle mesure la volont des pouvoirs publics rpond proportionnellement lampleur du phnomne. On sintressera galement apprcier les filetsde scurit mettre en place pour ne pas diluer toute entreprise en la matire un effet de propagande politique, et plutt la canaliser vers des actionsclairement dclines et volontairement traduites au quotidien.

    Persuad que la panace ce flau se confine dans des considrationsdordre culturel, institutionnel et politique, il appert imprieux de dfinir aumieux ltendue, les limites et les interfrences de telles actions, et cecompte tenu des multiples interdpendances qui conditionnent leur mise en

    uvre.

    Eclair par cette dialectique, on essayera tout au long de la prsenterecherche de faire clore des pistes de rflexion tendant intgrer laprimaut de la loi en tant que ralit et non pas comme une simple fiction.Dans une optique dapporter des lments de rponse cette problmatique,il nous semble judicieux de la subdiviser autour de deux parties savoir :

    I. Le constat du phnomne de la corruption au Maroc traverslexamen de ses faits gnrateurs, ses manifestations et sesconsquences sur le dveloppement du pays, ainsi que lanalyse

    juridique et lapprciation de la capacit de lacterglementaire cerner le phnomne ;

    II. Lvaluation des actions menes et la proposition daxes deprogrs et damlioration de la vie publique au Maroc, auregard de limpratif defficacit.

    2 PNUD-OCDE, Rapport sur la lutte contre la corruption : la cas du Maroc, janvier 1999

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    La lutte contre la corruption et la moralisation de la vie publique au Maroc

    1re Partie : Constat du phnomne de la corruption au Maroc etapprciation de la capacit rglementaire le cerner.

    Chapitre 1 : Constat du phnomne de la corruption au Maroc :

    Causes, manifestations et consquences.

    I. Rappel des concepts

    De plus en plus, on assiste un regain dintrt pour les concepts lis la bonne gouvernance, aussi bien dans les pays dvelopps que dans lesconomies mergentes. Un consensus est tabli autour de la bonnegouvernance en tant que point nvralgique de tout processus dedveloppement et de modernisation de lart de gouverner. En effet, enlabsence de progrs dans les domaines de la capacit, la responsabilit et lalutte contre la corruption, les autres rformes, dites de premire gnration,nauront quun impact limit. Cependant, en vue dune meilleure approche

    de la problmatique, certains de ces concepts mritent dtre claircis :3

    a. La gouvernanceest lensemble des pratiques et des institutionspar lesquelles le pouvoir sexerce, notamment (1) les procduresde dsignation, de contrle et de remplacement des dirigeants,(2) la capacit grer efficacement les ressources au moyen depolitiques appropries, et (3) le respect des citoyens et de ltatenvers les institutions nationales.

    b. La corruption se dfinit, de manire plus troite, et sans vouloirchercher une exhaustivit inaccessible de la dfinition, comme un

    abus de pouvoir dans le cadre dun mandat public pour satisfairedes intrts personnels. En effet, toute dfinition rductrice duphnomne risque de freiner sa comprhension et produire uneintelligibilit de ce fait social.

    En labsence dune dfinition formalise de la corruption, on se limitera voquer sa dclinaison en fonction de son ampleur et son champ daction.Dans ce cadre restreint, et en cartant les cas de corruption dans la sphreprive ou ceux o les bnficiaires peuvent tre des personnes tierces (partispolitiques, associations, etc.), trs nombreux et significatifs dailleurs, il enexiste trois principales formes4:

    a. La petite corruption administrative ou bureaucratique : Ilsagit de transactions isoles de la part de fonctionnaires abusantde leur pouvoir, en demandant des pots-de-vin , en dtournantdes fonds publics ou en accordant une faveur en change degratifications.

    3 D. KAUFMANN, 10 ides reues sur la gouvernance et la corruption, in F&D, septembre 20054 A. SHAH & M. SCHACTER, Lutte contre la corruption : il faut rectifier le tir, in F&D, dcembre 2004

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    b. La grande corruption : Il sagit de vols ou usages abusifs deressources publiques de la part dagents de ltat souventmembres de llite politique ou administrative.

    c. La capture de ltat : La collusion entre des entits du secteurpriv et des fonctionnaires ou politiciens pour leur bnficepersonnel et mutuel. Autrement dit, le secteur priv capturelappareil lgislatif, excutif et judiciaire dun tat des finspersonnelles.

    A ce stade de la recherche, il nous parat intressant, mmeprmaturment, daffirmer que combattre la corruption au moyen dactionsde lutte contre la corruption est une dmarche compltement fragmentaire.En effet, les campagnes anticorruption, la cration de commissions etorganismes dthique, la production lgislative inflationniste, sont autant demesures qui ne produiront que des effets limits. Souvent, il sagitdexpdients politiques adopts en guise de rponse aux pressions exerces

    sur le gouvernement pour quil agisse contre la corruption, au lieu desrformes plus fondamentales et systmiques de la gouvernance. Aussi, lefait de culpabiliser uniquement le secteur public, et driger ses dficiencescomme la cause principale des maux en question, est un pur amalgame. Eneffet, le lobbying priv exerce souvent une influence inopportune surlaction publique, les institutions et les lois de ltat. Plus est, certainsoligarques semparent mme des institutions publiques, en fragilisant ainsila gouvernance publique.

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    Il y a des choses qui ne dpendent pas de nous

    Epictte, 1ersicle aprs J-C

    II. Constat du phnomne de la corruption dans le secteurpublic

    Nous avons le souci de voir prserver la culture de lthique du

    service public, par une lite qui soit labri de toute sorte de pressions, et

    des rseaux de favoritisme, de npotisme, de corruption et dabus de

    pouvoir. ...Nous attendons des pouvoirs publics quils fassent preuve defermet cet gard, en adoptant, outre les moyens de contrle administratif

    et judiciaire dont ils disposent, de nouveaux instruments et organes

    Extraits du discours du Trne de SM le Roi Mohammed VI

    Cette dclaration de la plus haute autorit du pays, met en exergue

    limportance de la propagation du phnomne dans le pays, et comment auplus haut sommet de lEtat, on manifeste la volont de lradiquer, traversdes mesures consacrant, tout simplement, la primaut de la Loi.

    Ainsi, lapprciation de la corruption dans le secteur public ne sauraitse faire sans un diagnostic mettant en exergue les diffrentes anomaliesidentifies et astreignant, en consquence, les citoyens condamnerladministration dans toutes ses formes. Il est en effet utile, pour les besoinsde la recherche et de lexploration dventuels remdes, dassimiler lesraisons dancrage et de la propagation de cette forme de dviation socitaledune part, et danalyser lincapacit de la lgislation cerner tous ces

    drapages au regard de lvolution des fonctions administratives.

    De prime abord, il convient de revenir sur les manifestations de lacorruption dans la relation du fonctionnaire avec les composantes ayant trait la pratique professionnelle :

    a. Les prrogativesqui lui sont dvolues, en adoptant une gestionde service public marque par le laxisme, lirresponsabilit etlusage abusif du pouvoir discrtionnaire.

    b. Ladministrationqui lui assure la logistique ncessaire pour laralisation des missions de service public, travers la cooptationde pratiques malsaines : dtournement de fonds, utilisationillgale des biens publics, etc.

    c. Lusager en tant que client de ladministration en lui soutirantdes libralits pour garantir un service lgal ou non : lacorruption, le npotisme, le favoritisme, la dfaillance de laqualit.

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    Ces trois axes nous paraissent dune extrme importance, puisquilsserviront de support et lment danalyse pour toute forme dvie decomportement dun fonctionnaire. A ce titre, est il utile dessayer de listerles origines ayant prsid au dveloppement du phnomne de la corruptiondans ladministration, et plus gnralement dans la socit marocaine.

    II.1 Les causes du phnomne dans le service public

    La responsabilit de ce flau incombe, en fait, aux diffrentescomposantes de la socit, o se mlent les causes dordre administratif,politique, social et culturel pour donner naissance ce phnomne dans leservice public.

    A. Les causes dordre administratif et rglementaire

    a. Lexagration du pouvoir discrtionnaire de ladministrationqui engendre des ractions illgales. A ce niveau, il importe de rappeler

    que malgr ladoption de la loi sur la motivation des dcisionsadministratives, cette dernire nest pas totalement active, et quellegagnerait en efficacit par lintgration des filets de scurit pourladministr (par exemple : accord tacite en cas de non rponse deladministration sur une requte dans un dlai donn, intrts moratoiresen cas de prjudice port un usager, etc.). Dautre part, le dficitdthique et labsence dun code de dontologie professionnelle dansladministration est un phnomne ayant des consquences nfastes sur lamarche des services publics et traduit la mfiance que le citoyen nourrit lencontre de ladministration.

    b. Linsuffisance de clart et la complication des procdures etdispositions rgissant les relations des citoyens avec ladministration.Force est de constater la faible diffusion de manire claire des droits etobligations des citoyens auprs des administrations. A ce niveau, si lonpeut se fliciter des quelques actions de progrs ralises dans le cadre dela stratgie e-administration, il nen demeure pas moins que la majoritdes procdures sont encore non couvertes et que loutil Internet est loin dedevenir linterface approprie des usagers de ladministration. Enlabsence dune vision globale et oprationnelle, il est difficile de mettreen place une stratgie visant simplifier les formalits et limiter lenombre souvent excessif de documents requis des citoyens dans leurs

    dmarches administratives.c. Le non respect du principe du mrite, en raison de labsence

    dun systme transparent pour lattribution des fonctions de responsabilitaux fonctionnaires et agents de lEtat et leur promotion. La pratique admontr que les critres se rapportant aux clans (partis politiques, colessuprieures, tribus, copinage, etc.) continuent de prsider dans une grandemesure la nomination aux postes de responsabilits. De surcrot, mme

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    dans les administrations o lon a adopt lappel la concurrence, ceprincipe a t bafou travers des manipulations savantes rendant ainsi laconcurrence factice, et la procdure un simple ddouanement deladministration.

    d. La faiblesse et l'ingalit des salaires, linefficacit du rgimedisciplinaire affectant la situation matrielle du fonctionnaire, la fragilitdu systme de mobilit dans ladministration, le caractre fortementcentralis de la prise de dcision aggrav dun niveau trs faible dedlgation des prrogatives aux services locaux, sont autant dautresfacteurs dterminants de ce flau. A notre avis, labsence dquit dans lesystme de rmunration matrialise par une disparit flagrante entre lessalaires des fonctionnaires occupant les mmes missions, occupe une placeprpondrante dans la cartographie des causes du flau dansladministration.

    B. Les causes dordre social, culturel et conomique :

    a. Le caractre embryonnaire des concepts de civisme,dappartenance et de citoyennet chez la majorit des citoyens en gnralet des fonctionnaires en particulier. De par les multiples facteurs lis lhistoire contemporaine du Maroc, on peut conjecturer sur cette situationde prise en otage des richesses nationales par une certaine mafia, qui pareffet de ricochet a fait propager, malencontreusement, les dogmesdenrichissement rapide et du gain illicite en toute impunit ;

    b. La socit marocaine est marque par un taux danalphabtismefrappant et par une absence dappropriation des droits et obligations. A

    cela sajoute, linexistence de dmarche pdagogique garantissantlducation des nouvelles gnrations sur les principes de lthique et de ladontologie, et particulirement dans le service public. Aussi, on dplorela quasi dmission des moyens de communication dans la sensibilisation etlinformation des diffrentes couches sociales au sujet de la corruption etde la moralisation du service public ;

    c. La lourde pression fiscale et liniquit fiscale ayant commecorollaire la transgression de la rglementation sur la dclaration. Dans lapratique, il est tacitement entendu que ce sont les plus riches, et parconsquent les plus influents, qui ont les possibilits dobtenir les

    abattements, voire des propositions en non valeur.d. Labsence dun cadre juridique mme dhabiliter les banques

    agir efficacement contre la dtention douteuse dargent et davoirs. Sibien que le lgislateur ait mis en place un cadre juridique visant ladclaration du patrimoine de tout agent dtenteur dun mandat public, sesdispositions sont restes lettres mortes et le champ de son applicabilit necouvre pas les conjoints et les descendants. Plus est, aucune autorit

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    indpendante na t dsigne pour assurer le suivi et le contrle de tellesdclarations.

    A un niveau plus macro, daucuns saccordent rsumer les principauxfacteurs de la corruption en les points suivants :

    LEtat de droit nest pas un principe profondment ancr, et se rsumeen des simples dclarations de bonnes intentions : La corruptionprospre dans les pays o la loi ne sapplique pas et/ou lest demanire ingalitaire.

    Les institutions de responsabilisation charges de faire respecter la loisont inefficaces : les organes daudit, lappareil judiciaire ou lgislatif,les mdias, la socit civile, etc.

    La faible volont et le laxisme marquant laction des pouvoirs publics lutter contre la corruption. Il y a persistance dune corruption

    gnralise dans le secteur public lorsque les autorits ne sont pasfermement rsolues sy attaquer de faon nergique.

    En dfinitive, si les standards internationaux saccordent tablir unebatterie de normes et de rgles observer pour une meilleure moralisationde la vie publique, il est du reste inquitant de remarquer que certainsdiscours moralisateurs sont lapanage de personnalits publiques dontlhonntet et lintgrit sont loin dtre avres, ce qui risque decompromettre la lgitimit de toute entreprise de moralisation. En effet,leffort anticorruption ne saurait tre fructueux et durable sans une attitudersolue des dirigeants et une relle internalisation et trs pousse de laction

    mene.

    II.2 Les manifestations et consquences du phnomne

    La rcente perception de la nocivit de la corruption est une nouveautau Maroc qui prend sa source dans la progression rcente de ladmocratisation et de la libralisation conomique. Notre pays, comme cestle cas des jeunes dmocraties, a beaucoup du mal se librer duclientlisme, du patrimonialisme ou du corporatisme qui laffligeait, quatredcennies durant. De surcrot, la faiblesse de l'administration publique, lesdroits rgulirement bafous, les droits de proprit sont au mieux en cours

    d'institutionnalisation, et de faon gnrale les actions de rattrapageconomique, sont autant de facteurs qui favorisent la persistance des abus.Cependant, laffirmation dune volont gnrale de lutter contre lephnomne, en intgrant les prt--penser universalistes, naide pas mettreen uvre des stratgies crdibles et efficaces face un phnomne dont lesorigines et les consquences sont diverses. En effet, elle peut se produire lo convergent les intrts politiques, bureaucratiques et conomiques. Onconstate une sorte de corruption lgislative puisque les lus trahissent leur

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    2006Prsent par : Youness ELKHADI

    lectorat en vendant leurs votes des groupes de pression, ou encore unecorruption administrative lorsque des fonctionnaires acceptent des pots-de-vin pour permettre quelqu'un de sadjuger une commande publique, voiremme de s'assurer une immunit aprs une fraude fiscale.

    La corruption a sans nul doute, des consquences nfastes aussi biensur la marche du dveloppement que sur le tissu social du pays. Sesretombes sur lconomie nationale sont trop fcheuses, et son cotfinancier est plus quahurissant, alors quau niveau de la rpression, et cestl tout le paradoxe, les condamnations sont drisoires, (estimes moins de1% par rapport la criminalit de droit commun) se limitant parfois desimples amendes de minime importance compares aux montants des fondsdtourns ou perus sous formes de pots-de-vin.

    Nous sommes donc en prsence dune criminalit part gnratrice detoutes les malversations sociales et dbouchant sur des consquencescatastrophiques commencer par une redistribution ingale des richesses.Ainsi, corruption, abus dans toutes ses formes, de confiance comme de bienssociaux, de position dominante ou de faiblesse, escroquerie, banqueroute,sont autant de maux conomiques et sociaux que de phnomnes criminelscourants.

    A cet gard, nest il pas vain de rappeler le discrdit port lEtat et lappareil gouvernemental en raison du dtournement de la politique dedveloppement des objectifs arrts et des populations cibles initialement.La corruption a aussi pour effet de faire basculer les dpenses publiques versles projets qui permettent plus facilement d'encaisser des pots-de-vin, auxdpens de programmes prioritaires, d'o la prolifration de projets non

    aboutis dits lphants blancs . Aussi, le surenchrissement des activits etdes prestations administratives et latteinte la capacit concurrentielle desentreprises, sont autant de consquences immdiates de la corruption sur ledveloppement du pays.

    Si ses cots conomiques sont difficiles quantifier, en partie causedu secret qui entoure ces oprations et aussi parce que les distorsionsinduites ne sont gure mesurables, certaines consquences sont toutefoishors de doute. A cet effet, est il utile de rappeler les conclusions dune tuderalise en 1997 auprs de 67 pays et couvrant la priode 1960 1985, qui amontr que si un pays amliorait son efficacit administrative et rduisait

    son niveau de corruption de deux points, son taux d'investissementaugmenterait de 3 % et son taux de croissance de 0.5%. Une autre tuderalise la mme anne, prtend qu'une dgradation de l'excellent score deSingapour (10/10) ramen au niveau de celui du Mexique (3.25/10)quivaudrait augmenter la pression fiscale de 21 points.

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    Pour apprcier lampleur de ces causes sur lconomie, il suffitdindiquer que les tudes ralises5 sur la perception de la corruption par lesmarocains, ont conclu que plus de 2/3 ne notent aucune volution, envoquant limpunit, la faiblesse des rmunrations et lavidit pourlenrichissement comme un terreau favorable pour faire germer des

    pratiques dlictueuses. Nos concitoyens considrent galement que lacorruption gangrne lensemble de lappareil administratif : de la justice lasant publique en passant par la police. Concernant le secteur de la sant, lamajorit des interviews ont affirm la prsence de paiements pour lepersonnel mdical, pour tre admis, obtenir un traitement ou desmdicaments, ou encore juste par ce que cest la coutume. A ce titre, loccasion du 10me anniversaire de TM (sminaire organis le 12 et 13 mai2006, en prsence de Mme Huguette Labelle prsidente de TI), il a timplicitement entendu et dfendu que la corruption dans ce secteur,surtout pour sauver la vie dun proche parent, peut tre considre commelgitime, ce qui en dit long sur le degr de propagation de ce flau, et sacapacit saper les fondements dune socit.

    Plus est, et malgr la gravit de la situation, les victimes nont pastendance porter plainte en raison de la trs forte impression dimpunit, etmme, que ceci peut se retourner contre le plaignant. Pis, dans certains cas,le corrupteur prouve une compassion pour le corrompu en admettant que les salaires sont trs bas, et que cest normal de donner du bakchich, ense substituant ainsi lEtat dans la revalorisation de la rmunration desfonctionnaires !!!

    Aussi, la mme tude a abouti des conclusions embarrassantes pourlenvironnement conomique:

    1. la corruption vient juste aprs la pression fiscale comme frein audveloppement conomique

    2. 60% considrent que la passation des marchs publics donne lieusystmatiquement aux versements illicites pouvant aller jusqu 10%du montant global du contrat,

    3. 16% des entreprises renoncent la participation aux appels laconcurrence pour manque de transparence,

    4. 86% des chefs dentreprise ont intgr les dotations alloues lacorruption comme des charges fixes,

    Dautres enqutes ont montr que les entreprises marocainesconsacrent, prs de 4 % de leur chiffre daffaires la corruption, et que 15%des entreprises ont eu recours la corruption pour activer les procduresdouanires.

    5 TRANSPARENCY MAROC, Rapport sur la corruption au Maroc : synthse des rsultats des enqutes dintgrit, 2002

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    2006Prsent par : Youness ELKHADI

    Aprs des signes encourageants enregistrs au titre de lIndice deperception de la corruption (IPC) tabli par TI en 1999 (45 me rang), leclassement du Maroc na pas cess de saggraver pour se retrouveraujourdhui la 78me position parmi les 158 pays nots avec une notemoyenne de 3,2 points sur 10 dans lchelle de la transparence. Les tudes

    ralises par 8 organismes indpendants auprs des milieux daffaires, desanalystes de risques pays, des diplomates et duniversitaires, ont montr quele phnomne de la corruption est encore plus ancr dans les murs quonne le pense.

    Si lestimation du cot conomique de la corruption est difficile, ilnen demeure pas moins quil peut tre apprci travers le volume de ladpense publique, les montants associs aux scandales financiers, les gchisaffectant le patrimoine public (carrires, richesses naturelles de la mer),les opportunits dinvestissement rates. Certaines spcialistes estiment quelon peut gagner 1 2 points de PIB par une meilleure gouvernance et uneamlioration de la notation dans lchelle de la transparence internationale,bien que les modlisations mathmatiques de ces affirmations demeurenttrs sommaires. En effet, elles se basent essentiellement sur des ratiosempiriques consistant en des manques gagner dans la commande publiqueou encore des recettes fiscales non recouvres et des dtournements de fondspublics considrables.

    La Banque mondiale estime quun pays qui porte sa gouvernance dunniveau relativement bas un niveau moyen pourrait quasiment tripler sonrevenu par habitant dans le long terme, et rduire dautant la mortalitinfantile et lanalphabtisme. Elle affirme galement dans ses valuations dela gouvernance dans la rgion Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA),

    que le Maroc est trs modestement class, pour la corruption, lefficacit dela dpense publique et la qualit de la rgulation. Ses analystes notent que sile Maroc est pass dun systme trs tatis vers un systme nettement pluslibral, cette volution ne sest pas accompagne dune amlioration de latransparence. En effet, autant les progrs dmocratiques sont vidents,autant il y a un affaissement au niveau dexigences de la gestion publique.

    Pour la Banque, le Maroc dispose dune administration publique dunequalit infrieure ce quelle devrait tre pour son revenu, en termedefficacit, de respect des rgles de droit, de la qualit des rglementations,et des mcanismes de responsabilisation interne. Concernant ce dernier

    point, cest l o lcart est trs profond, cest--dire du degr douverturedes institutions publiques, de la participation, du respect des liberts civileset de la transparence du gouvernement.

    Dautres tudes ont dmontr que si le revenu par habitant saccrotraitde 4.400 dollars, le classement d'un pays samliorerait de deux points par

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    rapport un indice de corruption6 (0 pour un pays totalement corrompu, 10pour un pays parfaitement intgre). Une plus forte exposition laconcurrence entranerait aussi une amlioration de ce classement. Cesconclusions montrent non seulement les liens entre le sous-dveloppementet la corruption, mais elles mettent en vidence la dimension conomique de

    la corruption.Dautre part, il importe de faire la distinction entre les effets politiques

    et conomiques de la corruption, car ils ne sont nullement identiques. Ainsi,la corruption qui a accompagn la rforme agraire au Maroc et lesoprations de marocanisation au dbut des annes 70 a peut-trecontribu une certaine stabilit politique du pays, mais non pas sacroissance conomique.

    Quant laspect social, les principales consquences peuvent sedcliner autour du sentiment dingalit des chances, de la dprciation des

    valeurs du travail et du mrite et partant lappropriation de la logique dengligence des devoirs professionnels. Aussi, elle est responsable de biaiserle rle redistributif de l'Etat, alimente le secteur informel et incite la fraudefiscale. Elle dnature galement les programmes de lutte contre la pauvretet mine les programmes internationaux d'aide au dveloppement.

    6A. ADES, et R. DI TELLA, Rent, Competition and Corruption, Oxford University, ronot, 1995

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    La lutte contre la corruption et la moralisation de la vie publique au Maroc

    Dieu maudit le corrupteur, le corrompu et celui qui leur sert

    dintermdiaire.Le Prophte Mohammed PSSL

    Chapitre 2 : Analyse juridique et apprciation de la capacit de

    lacte rglementaire cerner le phnomne.

    Le phnomne de la corruption ou celui de la lutte contre la corruptionne peut se comprendre que par rapport un rfrentiel historique et cultureldonn, dans un pays donn. Lexemple de la campagne dassainissement desannes 1995 est loquent quant la manire dont le pouvoir politique traitela question de la corruption, et ce en faisant un dtour historique etanthropologique.

    Mais, par quoi pourrait-on expliquer ces agissements: est ce lamourde lucre rapide? Est-ce la passion de luxe ?7, ou encore le dsir dcraser sonconcurrent. Nous ne saurons rpondre par quoique ce soit toutes cesquestions qui demeurent dactualit, la criminologie na que peu investi ladlinquance des affaires et demeure par consquent un domaine derecherche qui ne nous a pas encore rvl tous ses secrets.

    L'imaginaire juridique et politique marocain qui permet de donner unesignification cet pisode est influenc par le droit communautaire dessocits segmentaires, le droit musulman et le droit positif d'un rgimeautoritaire. A partir de l, on doit interprter les diffrentes campagnes etleurs suites non pas en termes techniques ou de moralisation de la viepublique, mais en termes de recentrage politique.8

    Ainsi, l'tude des institutions impliques et des rformes engagescontre la corruption dans le pays et l'analyse du contexte dans lequel s'yinscrit l'action gouvernementale et non gouvernementale nous renseignentsur les outils qui paraissent les mieux adapts au problme tel qu'il se posedans les pays en dveloppement. Lefficacit des rformes globales apparatlimite. En revanche les rformes sectorielles, ds lors quelles obissent certaines rgles, permettent d'avoir prise sur les problmes de corruption etpeuvent donc contribuer leur rduction de manire durable9.

    7 A. IBN KHALDOUN,Muqaddima(Discours sur l'histoire universelle, Tunis, 13758 B. HIBOU et M. TOZY, Une lecture danthropologie politique de la corruption au Maroc : fondement historique dune prise delibert avec le droit.9 I. HORS, Les difficults de la lutte contre la corruption : lexprience de quatre pays en dveloppement (Bnin, Maroc, Philippineset Pakistan)

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Muqaddimahttp://fr.wikipedia.org/wiki/Muqaddima
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    I. Analyse de larsenal juridique de lutte contre la corruption

    Les premires annes de lindpendance ont t marques parladoption de plusieurs textes fondateurs qui ont engag le Maroc sur la voiedu pluralisme politique et syndical et ldification de jalons dun Etat

    dmocratique et libral, soucieux des droits et liberts de ses citoyens. Ences temps bnis de libert et dindpendance retrouves, tous les espoirstaient permis et le nouvel ordre institutionnel se ressourait largement decet tat de grce. Cest ainsi que le code de procdure pnale du 10 fvrier1959 et le code pnal unifi de 1962 navaient rien envier, quant leuresprit et leur substance aux lgislations de mme nature en vigueur dans lespays dmocratiques les plus avancs.

    Ainsi, si le Maroc peut se targuer de disposer dun arsenal pnallargement inspir de la majorit des codes modernes, son utilisationnotamment dans la lutte contre la corruption demeure trs limite :

    Le rle du parquet dans le dclenchement des poursuitesAu Maroc, la poursuite nest pas obligatoire mme quand une

    infraction est constate. Le parquet est seul juge de lopportunit dengagerdes poursuites (art. 49) et il est tenu de prendre des rquisitionsconformment aux instructions qui lui sont donnes par le ministre de lajustice, vritable suprieur hirarchique (art. 36). Aussi, la dsignation desmagistrats de sige comme de parquet par ce dernier rend lhgmoniepolitique encore plus parlante, ce qui a donn lieu des attitudes trs timidesde la justice au regard daffaires impliquant les intouchables du rgime,et elle sest trouve souvent prise entre lenclume de sacquitter

    convenablement de sa mission et le marteau des tractations politiques.Grosso modo, si lexcutif estime quil nest pas ncessaire dentamer despoursuites pour corruption, il ne sera pas possible au judiciaire de le fairedans la lgalit.

    Il existe, nanmoins, une possibilit de dtourner cet handicap, puisquela victime dun acte de corruption peut se constituer en partie civile, etinitier un procs pnal. Toutefois, cette alternative demeure quasi thorique,ds lors que le code pnal considre comme galement condamnable lacorruption passive et active. En effet, la victime de corruption qui payepour obtenir un droit est souvent oblig de le faire et donc non responsable

    moralement, lest selon le code pnal. Il sen suit une impossibilit pour la victime de sriger en partie civile du moment que la loi la dsignecomme corrompu actif.

    Le caractre limit du rle prventif de la loiIl est entendu quun bon systme pnal est celui dans lequel leffet

    dissuasif est plus fort que leffet rpressif. La bonne administration de la loi

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    cest celle qui dcourage les actes criminels plus quelle ne les rprime.Malheureusement, dans une socit marque par lineffectivit de la loi, nonpas seulement en raison des imperfections de la lgislation, mais surtout despratiques de ladministration et de la justice, son effet dissuasif est toujourslimit, voire plus faible. Si on y ajoute le caractre tatillon de la justice, la

    non-application des jugements, les amnisties et les grces, on runit toutesles conditions dune culture de limpunit au sein de laquelle dtourner lesressources de ltat devient banal et sans risque.

    Dun autre ct, le droit marocain souffre du peu dintrt accord lasociologie juridique et toutes les approches destines suivre lapplicationet leffectivit des textes, la mesure de leur adaptation aux milieux sociauxet conomiques et les phnomnes de rsistance. Il nous semble impratifque des structures de veille juridique soient mis en place en partenariat entreles pouvoirs excutif, lgislatif, judiciaire et les partenaires concerns et ceafin de dceler les moyens appropris de prvention et de dtecter les causesde rsistance, dineffectivit et de non rception des mesures lgislatives.

    La Cour spciale de justice : une juridiction politiseEn 1964-65, dans un contexte marqu par une crise politique profonde,

    sont annoncs la cration de commissions denqutes parlementaires et desprojets de loi sur la lutte contre la corruption et le trafic dinfluence. La Courspciale de justice (loi n 4-64) charge de la rpression des crimes deconcussion, corruption, trafic dinfluence, commis par des fonctionnaires,est installe en juillet 1965. Cette Cour a t spcialement cre pourrpondre lindignation de lopinion publique et montrer que ltat savaitfaire preuve dune svrit exemplaire lgard des fonctionnaires

    corrompus. Les peines y sont beaucoup plus svres que dans une juridiction de droit commun. Si linfraction commise par un fonctionnaire(dtournement, concussion, prise dintrt, corruption active et passive,trafic dinfluence) porte sur plus de 25 000 dirhams (environ 2300 ), il estdfr devant cette Cour o ses dlits se transforment en crimes. Cettesvrit extrme des sanctions a des consquences perverses : en dehors despriodes de crises aigus o la justice fonctionne sous la pression delopinion publique, on hsite dfrer devant la CSJ les cas de corruption.Finalement il ny a plus que des lampistes qui passent devant la CSJ quiconnat peu daffaires et pas des plus importantes. En effet, bien que tout aulong de son existence (prs de quatre dcennies), des affaires scandaleuses

    de corruption ou de dtournement de fonds publics ont bel et bien clat surla scne publique, elle a connu plus de jours fris que daudiences (105dossiers traits de 1987 1997 contre 211 entre 1998 et 2001).

    Cette juridiction dexception par excellence ( ct du TribunalPermanent des Forces Armes Royales, comptent pour les infractions aucode de justice militaire), a longuement constitu une curiosit dans lesystme judiciaire marocain, puisquelle tait soumise lautorit du

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    2006Prsent par : Youness ELKHADI

    ministre de la justice, dtenteur de larges prrogatives quant lactivation delaction publique. A cet gard, il est vain de souligner, encore une fois,lempitement flagrant de lexcutif sur le pouvoir judiciaire, et partant lamainmise totale du pouvoir politique sur la Cour.

    De surcrot, la dcision de poursuites judiciaires, quand elle nest pastenue en chec par les facticits de limmunit parlementaire, doit fairelobjet dune apprciation pralable de la part du ministre de la justice. Or,ce dernier est avant tout une personnalit politique (bien que pendantlongtemps, le ministre de la justice tait considr comme un dpartementde souverainet et donc pourvu dune personnalit, non affilie un partipolitiqu, choisie exclusivement par le Roi), pouvant pour desconsidrations politiciennes troites, freiner la procdure, classer une affaire,voire acculer un juge garder le silence.

    Cette situation a srieusement entrav le bon fonctionnement de cetteCour et laboutissement de la procdure, quand elle tait enclenche,

    puisque les organisations internationales refusaient de collaborer avec une juridiction dexception. A titre dillustration, on peut citer que lInterpolavait rejet la demande de gouvernement marocain qui avait requis sacollaboration pour lancer un mandat darrt international contre le prsidentde lAssociation Professionnelle des Minotiers, en fuite ltranger etcondamn par contumace 15 ans de prison ferme par la CSJ.

    Face aux pressions externes et aux revendications internes, legouvernement marocain a procd la suppression de la CSJ en Janvier2004, et ses attributions ont t transfres vers les cinq Cours dappelprincipales du pays.

    La justice des affaires : une justice slectiveIl est communment admis que quand la justice ne va pas bien, tout

    tarde venir 10 : le progrs, la dmocratie, les liberts, la croissanceconomique, les droits de lhomme, etc. Au Maroc, elle ne sappliquegnralement qu ceux incapables de lacheter, et ce tout en faisant penchersa balance du ct des tnors de la finance et/ou de la politique.Lenvironnement juridique malsain quelle a procr en son sein pendanttant dannes de drives et dinjustices risque de faire perdurer les grandesfailles dont elle souffre et de bloquer les rformes annonces.

    La tendance lineffectivit du droit des affaires persistera tant que la justice demeurera incapable dappliquer les rformes de faon efficace,rapide et conforme au droit. Seule une justice accessible, rapide,

    10 L. ADDAOU, Pour une nouvelle politique de lutte contre la criminalit des affaires, (Congrs international de Criminologie, Riode Janeiro

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    2006Prsent par : Youness ELKHADI

    indpendante et impartiale, peut en effet constituer un facteur concurrentieldans la perspective de dynamisation du tissu productif et de promotion delEtat de droit. Il ny a point de justice indpendante tant que subsistent lesinterventions dans les affaires qui lui sont soumises et que lautorit du jugeest anantie tant que les dcisions rendues demeureront inexcutes. Toutes

    les variables devront ainsi tre concernes par la rforme : indpendance dela justice, rationalisation du travail judiciaire, renforcement de lthique judiciaire, amlioration du niveau de formation, modernisation,consolidation de ltat de droit en matire conomique. Le processus derforme est engag mais les rsultats restent encore en de des attentes dela socit et des acteurs conomiques et sociaux.

    Dautant plus que les oprations dites dassainissement semblent allerpniblement, et que certains revendiquent dy renoncer sous prtexte quecela provoquerait le dpart massif des investisseurs trangers. On a mmeprconis une autre alternative consistant en une sorte de transaction quiconsiste proposer aux dlinquants mis en cause la restitution des fondsdtourns en change de relaxe. Autrement dit, le butin contrelimpunit..

    A titre de rappel, la campagne dite dassainissement de 1996, acommenc par la lutte contre la contrebande et la corruption des services dela douane et sest ensuite tendue la fraude fiscale, aux dtournements desressources communales, au trafic de drogue, etc. Les oprations menes parla commission nationale de lutte contre la contrebande, rattache auministre de lintrieur, ont provoqu rapidement des indignations de lasocit en dnonant le caractre expditif des contrles et la brutalit desarrestations.

    Le ministre de la justice, plus que nimporte quel dpartement, doitexiger de son personnel et des magistrats un comportement irrprochable,pour faire fonctionner correctement la machine judiciaire, et faire dissuaderles sphres les plus influentes contre la dynamique rformatrice. A cetgard, M. Berrada, avocat au barreau de Casablanca, dans un recueil sur lacorruption au quotidien, trace un portrait svre des maux de la justice. Ildtaille les occasions innombrables de corruption, dans le pnal et dans lecivil, chez les juges dinstruction, du sige ou du parquet et toutes lestapes de la procdure. Il reconnat, toutefois, quil y a beaucoup de jugesintgres et quils ont bien du mrite. Mais une institution, ne peut se

    permettre dtre la hauteur de ses devoirs par la grce de quelques unsseulement de ceux qui en ont la charge.

    Ainsi, dimportants hauts fonctionnaires qui avaient conduits leursservices en dconfiture, ont t contraints de quitter leurs postes, sans treouvertement sanctionns, ni traduits devant la justice. Aussi, le conseilsuprieur de la magistrature, avait pris un certain nombre de sanctions lencontre de magistrats impliqus dans des affaires de corruption : en 1998,

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    13 exclus temporairement et 9 rvoqus et devant tre dfrs devant lajustice. Aujourdhui, on constate avec regret quils y avaient chapp.

    Comment rendre crdible une rforme globale alors que le mnage napas t convenablement fait dans la maison et que sont maintenus dans leurspostes des fonctionnaires ouvertement opposs au changement? Quellecrdibilit peut conserver linstitution sur laquelle repose principalement lalutte contre la corruption sil apparat quelle tolre parmi ses membres despersonnes suspectes de malversations? Comment mobiliser le soutien delopinion pour la rforme si les mesures prises le sont dans une discrtionextrme? Cest dire que notre justice narrive point saffirmer en tant quepouvoir indpendant et crdible. Somme toute, lappareil judiciaire continuede subir les fouets invisibles de tout un climat politique tendu o se mlentaffairisme, opportunisme, favoritisme, et vit comme une sorte de crise de laquarantaine.

    Mode dadoption de la loi et effectivitEst-il utile davoir de bonnes lois si on ne les applique pas? Cest

    devenu un leitmotiv quand on voque les rformes entreprendre pour luttercontre la corruption. Cette interrogation sur leffectivit devrait conduire dplacer lintrt de tous ceux qui sont concerns par lassainissement etlexamen du contenu des lois celui de leur applicabilit.

    Plusieurs raisons sont lorigine de ce phnomne, la premire tant lepluralisme des sources. En effet, le droit appliqu aujourdhui provient detrois grandes sources socio-historiques : (1) la coutume applique surtoutdans le monde rural, (2) la charia (la loi musulmane) applique surtout dans

    le domaine du statut personnel (filiation, succession, mariage) et (3) la loi,stricto sensu, manant du lgislateur. Les limites entre ces trois sources nesont jamais ni trs nettes ni dfinitives. Au niveau du justiciable, Cettediversit produit des effets pervers puisque la mme personne, selon quellese prsentera comme pre, contribuable, propritaire foncier, lecteur,investisseur ou comme hritier se situera soit dans un ordre soit dans lautre,passera dans la mme journe de lun lautre et relvera soit du cadi soitdu tribunal moderne.11

    En principe, dans un tat de droit, le savant dosage entre le contenudune disposition lgale et les attentes de la reprsentation nationale, se

    produit lissue dun dbat dmocratique avant son adoption. Alors quedans une socit ayant un rgime de reprsentation biais et imparfait, enloccurrence le Maroc, la loi est le plus souvent au service de lobbys, etadopte en labsence dun dbat rel. Il sen suit que le dbat, expressiondintrts, intervient ex post, et ce en la dtournant ou en paralysant sonapplication. Lexemple de la loi sur la dclaration du patrimoine des

    11 N. BOUDERBALA, et P. PASCON, Le droit et le fait dans la socit composite. Essai dintroduction ausystme juridique marocain BESM, n 117, Rabat, 1970

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    dtenteurs dun mandat public administratif ou politique, est loquent cetgard, puisque le pouvoir politique la adopte sans difficult pour son effetpositif dannonce, mais reste inapplique sous linfluence des grands intrtsmenacs.

    Ainsi, la dbrouille et le npotisme deviennent des voies ordinaires parlesquelles les uns et les autres sactivent et sentremlent pour faire dire la justice ce quelle pense devoir tre lapplication des lois, insuffisammentbien comprises et interprtes dailleurs. Sous leffet de lencombrement, dumanque de conviction et de dontologie professionnelle, mais galement aurecours massif des procdures dilatoires, les dcisions judiciaires perdentleur substance et se cantonnent massivement dans le procdurier plus quedans linterprtation du fond des dispositions lgales. Les problmesinhrents lexcution des dcisions judiciaires deviennent alarmants etdcrdibilisent davantage la justice aux yeux des justiciables. Limagengative de la justice et son incapacit relever de faon dtermine etdterminante le dfi de la crdibilit au regard de ses usagers, sexpliquedans une large mesure par la reproduction en son sein de ces mmes valeursngatives diffuses dans le corps social.

    Lindpendance des jugesToute lutilit de la justice et des juges rside dans la confiance que

    peuvent leur faire les justiciables pour appliquer la loi en rsistant auxpressions du pouvoir et de largent. Sils ne ressentent pas totalement cetteconfiance, les plaignants prfreront faire avancer leur demande par dautresvoies (corruption et trafic dinfluence par exemple).

    Au Maroc, lindpendance de la justice est garantie par larticle 80 dela constitution : lautorit judiciaire est indpendante du pouvoir lgislatifet excutif . Cependant, linterprtation de cette disposition par la CourSuprme est toute autre.

    Feu Hassan II, na-t-il pas dclar en 1987 : Jai dit et Je rpte quepour Moi....il ny a pas vrai dire de sparation des pouvoirs. Je suis le prede tous. En consquence, le Roi, en tant que Commandeur des croyants, estau-dessus des trois pouvoirs universellement reconnus. Aussi, le fameuxarrt de la Cour suprme, dit Socit agricole Abdelaziz en 1970, estcatgorique : Attendu que le fonctionnement judiciaire fait partie de

    lensemble des attributions qui relvent en premier lieu du chef descroyants, que le juge exerce ladite fonction par simple dlgation .

    Sans doute pourrait-on estimer quil peut y avoir des modes possiblesde fonctionnement de la justice qui ne passent pas ncessairement par uneindpendance radicale, mais est il lgitime galement de se demander silindpendance des juges peut se partager et si pour rsister aux injonctionsexternes il ne leur est pas ncessaire de rsister toutes les injonctions.

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    II. Capacit de la rglementation cerner le phnomne de la

    corruption

    Dans quelles mesures, le lgislateur dispose t-il de marges demanuvres, quand les victimes de la corruption pensent quelle sera

    toujours l et quelle est un lment constitutif de lordre social ? Il estindispensable de donner un sens la lgislation anti-corruption, en partantdu fait que la socit quelle la engendre dans ses germes est capable de lafaire reculer, voire la draciner.

    Aussi, la propension des rformes ineffectives risque de prendre delampleur si le droit reste concurrenc par dautres modes de rgulationsociale, et quil ne retrouve pas toute sa lgitime primaut. Le respect deltat de droit ne se cantonne pas en une simple question de textes lgifrer et dinstitutions mettre en place, il procde galement duneadhsion gnrale, dune conviction partage, dun sens de responsabilit et

    de conscience.Le phnomne de la corruption, a gnr diverses formes de

    comportements dviants que le lgislateur a essay de cerner et decomprimer dan un arsenal rpressif appropri leurs degrs de gravit.Ainsi, la lgislation marocaine comporte des dispositions spcifiquementdestines rprimer les actes de corruption commis par les agents publics.Celles-ci, figurent dans les dispositions du Code pnal marocain, qui faitactuellement lobjet dune refonte en vue de rpondre aux attentes desacteurs conomiques et sociaux : la corruption (articles 248 256), ledtournement de fonds (articles 241 et 242), labus de pouvoir (article 250),lobtention illgale dintrts (articles 245 et 246), le favoritisme (article254) et la falsification (articles 334 et 367).

    La refonte de la lgislation devrait apprhender, entre autres, certainsnouveaux comportements qui demeurent non encore encadrs par la loi, auregard de lvolution des fonctions administratives : il sagit notamment delinstrumentalisation du pouvoir discrtionnaire, du blanchiment decapitaux, du laxisme, de lirresponsabilit, voire lexploitation illgale desbiens publics.

    La rforme des procdures de passation des marchs publicsLe dispositif rglementaire (dcret n 2-98-482) rgissant les

    conditions et les formes de passation des marchs publics de ltat, a tadopt en rponse aux diffrentes revendications des acteurs conomiques,pour asseoir les conditions dune gestion transparente de la commandepublique. En effet, il se fixe comme objectifs de garantir le libre jeu de laconcurrence, dinciter la performance dans la prparation et l'excution descommandes publiques, de garantir les droits des entreprisessoumissionnaires et de simplifier les procdures et les rgles rgissant la

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    gestion des marchs publics. Ce texte, en gnral bien reu, a t crdit desprincipaux avantages suivants :

    Une meilleure transparence travers la gnralisation delouverture publique des plis, la suppression de lentente directe laquelle on substitue la procdure la mieux encadre des

    marchs ngocis, lobligation pour lacheteur public de rendrepublics les critres de choix et de notifier la demande ducandidat non retenu, les raisons du rejet de son offre.

    Une meilleure information des entreprises, puisque lordonnateura lobligation de faire publier son programme prvisionneldachat, ce qui permet aux entreprises de mieux se prparer.

    Une clause de prfrence nationale : A galit doffrestechniques, les entreprises nationales seront favorises par unemajoration ne dpassant pas 15 % des offres trangres.

    Au moment de son adoption, certaines rserves ont t formulesayant tait au champ de couverture limit de ce texte puisque lestablissements publics sont exclus de son application, ou encore que laclause de prfrence nationale ne concernerait quun petit nombredentreprises marocaines, notamment celles qui ont une dimension leurpermettant daffronter la concurrence internationale.

    En fait la rserve la plus ressentie a trait lapplicabilit de sesdispositions. Les diffrentes missions daudit et de vrification, ontdmontr que les administrations ont trouv les moyens pour vider cedcret de sa substance, et ce tout en se conformant aux dispositions lgales.

    A titre dillustration, on peut voquer quun ordonnateur puisse bienmotiver lviction de tel ou tel fournisseur, sans que cette motivation soitconvaincante ou reposant sur des critres pralablement dfinis. Lacheteurpublic peut galement se conformer lobligation de publier son programmeprvisionnel dachat dans deux journaux dannonces lgales, faible tiragetoutefois. Il peut galement doper son cahier de charges pour rendre lappeldoffres infructueux et passer en toute lgalit la procdure ngocie avecun fournisseur de son choix.

    Sans vouloir staler sur les pratiques douteuses de certainesadministrations quant la gestion de leurs commandes publiques, on selimitera de souligner un fait qui nous parat frappant dans ce texte. En effet,si le texte prvoit des sanctions dexclusion lgard des soumissionnairesdans le cas de manquement grave leurs obligations, rien nest prvu poursanctionner les fonctionnaires qui seraient coupables de fautes gravesmettant en cause les principes de transparence et la bonne application desrgles de concurrence (dlit de favoritisme).

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    La rforme administrativePar leurs positions dans ladministration, les fonctionnaires dtiennent

    le pouvoir daccepter ou de refuser daccorder des droits ou encore despasse-droits aux usagers. Ladministration occupe une place prpondrantedans la socit et dans lconomie, de par ses multiples statuts demployeur,dacteur conomique, social, etc. Du fait de la place qu'elle occupe au seinde l'appareil d'Etat, l'administration doit aujourd'hui faire face, en sus de sesmissions traditionnelles, des dfis nouveaux qu'impliquent lamondialisation des changes, la comptitivit effrne entre conomies, etpartant leur mise niveau technologique. Cest pourquoi la rforme deladministration publique a toujours t inscrite sur les programmesgouvernementaux successifs. Plus est, un dpartement ministriel charg dela rforme administrative, a toujours figur parmi la compositiongouvernementale, ces trente dernires annes. Nest il donc pas curieux deconstater avec regret que toute cette ambition de rompre ce cercle vicieux encrant les conditions dune moralisation des pratiques de gestion de la chosepublique, a t tenue en chec.

    Aussi, et dans le cadre dun vaste programme national demodernisation et damlioration des capacits de gestion de ladministration,le gouvernement dalternance a procd ladoption du Pacte de BonneGestion visant renforcer la bonne gouvernance, et reprsenter unrfrentiel ambitionnant la moralisation de ladministration, larationalisation de la gestion publique , le renforcement de la communication,et la diffusion dune nouvelle culture fonde sur les valeurs dthique et detransparence. Il y est prcis galement que l'accroissement des besoinsessentiels de la population et leur diversification exigent de l'administration

    qu'elle soit diligente et transparente, tout en respectant des rgles d'thiquequi doivent, en toutes circonstances, prsider ses relations avec sespartenaires.

    Or, en dpit de ces dclarations de bonnes intentions, l'administrationn'a pu empcher la cristallisation, diffrents niveaux de son organisation,de dysfonctionnements majeurs et des comportements rprhensibles, etaujourdhui, aucun fonctionnaire ne se souvient, dans ses pratiquesquotidiennes quun nouveau cadre de rfrence relatif aux valeurs etprincipes fondamentaux devant rgir l'action des services publics, ait vu lejour.

    Dautre part, il est quasiment enracin dans les esprits de la majoritdes marocains que laccs ladministration est dsormais un privilge pourlequel il faut parfois payer, et peut tre pour avoir son tour le droit de fairepayer les autres, et ce en rejetant toute ide rformatrice ou moralisatrice.

    Cependant, le discrdit gnral jet sur ladministration et ses modesde fonctionnement, ne doit pas taire la ncessit de sa rforme. Le Maroc est

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    en pleine priode ddification et de consolidation de ltat moderne et ceserait un contresens historique que de dencourager son dclin.

    Des actions conjoncturellesLexprience a nettement dmontr que les mesures contre la

    corruption nont pas t mises en uvre comme un programme continu delutte mais comme des rponses circonstancielles des scandales ayant clatdans les domaines sociaux et politiques. Les campagnes sont brves et sanslendemain, et leur objectif nest pas dradiquer les pratiques nuisibles nimme les faire reculer mais doffrir des victimes expiatoires lopinionpublique pour sortir dun mauvais pas politique. Elles peuvent aussipermettre dliminer des adversaires politiques ou des concurrentsconomiques.

    loccasion de chaque crise, de nouvelles lois sont adoptes, etdinnombrables commissions de contrle et de juridictions spciales voientle jour. On met en accusation le systme formel prcdent tout en mettant enexergue quil suffit de le changer pour engranger les fruits de la rforme. Acet gard, nest il pas intressant de se rappeler quen pleine crise detentative de coup dEtat de 1971, Feu Hassan II avait dnonc limplicationdes milieux du pouvoir et de ladministration en affirmant en substance: Ilest vrai, qu un moment donn, le dlit de corruption ou labus de pouvoirtait perptr sous lgide de personnes dtentrices dune parcelle dupouvoir. Avec le temps, Nous nous sommes aperus que ces personnes ontprofit de ce pouvoir pour voler, encourager la corruption et le marchandageau dtriment parfois de lhonneur et des biens des gens... En ce qui concerneladministration il est vident que Nous navons ni lambition ni les moyens

    de changer la nature humaine. Il est nanmoins de Notre devoir de veiller ce que le comportement des fonctionnaires soit meilleur. .

    Prs de quatre dcennies plus tard, le chef du gouvernement actuel,lors dune dclaration devant la Chambre des Conseillers sur la politiquesociale, en date du 12.07.2006, ritre que le gouvernement est conscient dela gravit du flau de la corruption et sefforce de rserver un traitementparticulier la lutte contre la corruption au regard de ses rpercussionsngatives sur les plans conomique et social.

    Le mal serait-il endmique et les remdes administrs sans effets ?

    En ralit, le problme ne vient pas du fait que les lois seraientmauvaises, les commissions inappropries et les tribunaux mal organiss.Cet arsenal aurait du produire des effets, si ltat respectait la loi et veillait la faire respecter, si les juges lappliquaient, respectaient la procdure etrsistaient aux pressions. Bref, une volont politique ferme et durable dallerjusquau bout de la rforme.

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    2006Prsent par : Youness ELKHADI

    En guise de conclure cette premire partie, on serait tent daffirmerque nul besoin de svertuer lgifrer pour contrecarrer la corruption, elleest lexpression ordinaire de la nature humaine. Cette affirmation trsfrquente parmi nos concitoyens, est non seulement errone, maisdangereuse. Lacte rglementaire est peru comme une utopie ou encore une

    diversion isole, quant son efficacit contourner le phnomne. Plus est,les formes de corruption se dveloppent paralllement la lgislation pourpouvoir dtourner des rgles juges inutilement contraignantes ouencore attnuer des dcisions politiques inadquates.

    Daucuns plus pessimistes sur la capacit de la justice contrecarrer ceflau, avancent que dans les pays industrialiss, on assiste sans cesse desspectacles de corruption, et que par consquent lexemple des dmocratiesreprsentatives, de lEtat de droit, de la justice indpendante, est si trompeurquil nest pas opportun de sinfliger ce parcours vers la dmocratie pourarriver de si pitres rsultats. Cette fausse allgation dissimule en elle uneralit dans le sens est absolument inverse : la diffrence entre les socitsne rside pas dans lexistence d affaires , mais plutt dans la prsencedinstruments de contrle et de sanction efficaces, ce qui constitue unlment de prvention sociale tant que la probabilit dtre inculp etdcoper dune lourde condamnation est proche de 1. La diffrence demeuregalement dans la capacit rvler ces affaires lopinion publique, par lebiais dune presse libre et responsable et une reprsentation nationale dignede ce nom. Ces ides trop flatteuses de lego national, sont tellementnuisibles quelles peuvent nous amener trop nier le retard, surtout quelimpact dune mme affaire de corruption est diffrenci selon le revenu dupays (la dgringolade du CIH au Maroc est fortement plus ressenti surlconomie nationale que le scandale financier du crdit lyonnais en France).

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    Le chemin le plus long est parfois le plus court

    2me Partie : Lvaluation des actions menes et la propositiondaxes de progrs et damlioration de la vie publique au Maroc

    Chapitre 3 : Evaluation des actions menes pour lutter contre la

    corruption.

    Si le dveloppement de la corruption au Maroc est trs ancien, lesactions de lutte sont trs rcentes lexception de certaines mesurescirconstancielles. En effet, lanne 1964-65 a connu la constitution decommissions denqute parlementaires pour demander des comptes tousles anciens ministres et la cration de la CSJ.

    En 1971-72, aprs les deux tentatives de coup dtat, le Roi annonceune lutte svre contre la corruption et la rforme de ladministration et de la justice, et de nombreuses personnalits (anciens ministres, hautsfonctionnaires, hommes daffaires) sont traduits devant la Cour spciale dejustice.

    La troisime action de circonstance tant la fameuse campagnedassainissement de 1995 qui avait pour objectif implicite la reconfigurationdes rapports de force conomique et politique. Il faut souligner quelle apermis de confirmer ce quil tait possible dimaginer au sujet de lacorruption comme facteur de facilitation des malversations fiscales etdouanires en particulier, ou lies au trafic des stupfiants. Sil est difficiledvaluer si cette campagne a eu effectivement un impact rel, aussi bien surle trafic de stupfiants, la contrebande, et la fraude douanire, il semble queson influence sur les pratiques de la corruption banale laquelle estconfront tout un chacun quotidiennement nest pas sensible.

    Ainsi, en 1964, 1971, 1996, la corruption, inchange, revient avec lamme intensit comme si les procs, les sanctions, lemprisonnement deministres et hauts fonctionnaires navaient eu aucun effet sur les pratiques etque la mthode tait inapproprie. Certes, les pralables dun systme quignre la corruption sont toujours prsents au cur de la socit, en puisantleur lgitimit dans les traditions historiques (clientlisme, Etatprdateur, ), et que le systme na pu tre gure branl par de telles

    campagnes dassainissement, et quil peut toujours compter sur unacquiescement de ses propres victimes. Pourtant, dores et dj, il nousparat erron daccrditer lide que ce centre corrupteur est irrsistible etque sa capacit rcuprer toutes les rformes pour les retourner contre sesadversaires est sans limite.

    Ce nest qu partir de 1999, et particulirement depuis lavnementdu gouvernement dalternance et lintronisation du nouveau monarque en

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    Juillet 1999, quun dbat acharn sur le phnomne de la corruption a tiniti, et plutt forc par la prcipitation des vnements politiques ayantmarqu le parcours de pays. Une relle volont de combattre le flaucommence se dessiner, grce galement lmergence dune socitcivile, notamment la cration de Transparency Maroc en 1996. A cet effet, il

    est utile de rappeler le refus des pouvoirs publics dautoriser initialement lacration de cette association, et partant mettre en exergue lhostilit dupouvoir politique et sa rticence reconnatre le mal de la corruption

    Pour tenter dradiquer le phnomne ou du moins en limiter les effetssur lconomie, une campagne dite dassainissement et de moralisation dela vie publique a t lanc par le gouvernement marocain, et ce pour venir terme de lenvironnement juridique et socioculturel qui le favorise.

    I. La commission nationale pour la moralisation de la viepublique au Maroc

    En septembre 1999, au terme dun sminaire organis par legouvernement marocain en partenariat avec la Banque Mondiale, sous lethme de la lutte contre la corruption: pour une approche moderne,expriences internationales et enjeux pour le Maroc, une commissionnationale de moralisation de la vie publique a t cre regroupant lesreprsentants des entreprises, de la socit civile et de diversesadministrations. Cette commission sest donne pour mission de promouvoiret de faire connatre toute action de lEtat en faveur de la moralisation de lavie publique et de la lutte contre la corruption.

    Officiellement, les pouvoirs publics affirment que depuis la cration de

    ladite commission, plusieurs manifestations ont t organises et visant lasensibilisation sur les mfaits de la corruption et la mobilisation pour la lutteen faveur de la moralisation de la vie publique dune part, et la diffusion desdispositions lgislatives en vigueur sur lesquelles les citoyens et lesentreprises peuvent sappuyer pour mieux se protger contre tout abusdautre part. Ainsi, les actions entreprises, ou plutt recenses par cettecommission peuvent se dcliner comme suit :

    1. Lamlioration de lenvironnement de lentreprise par desrformes du cadre institutionnel et juridique consacrant lEtatde droit dans le monde des affaires :

    La mise en place dun nouveau code de recouvrement des crancespubliques et la rforme du code des douanes ;

    Le renforcement du processus de dmonopolisation de secteurs publicscls, accompagn de la mise en place de structures charges de largulation du march;

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    Ladoption de la loi sur la proprit industrielle et la cration dunorganisme unique de registre de commerce et de proprit industrielledans le but de protger les industries de la fraude et de la contrefaon ;

    La transformation des principaux tablissements publics caractreindustriel et commercial en socits anonymes dans le but dintroduire

    la concurrence et doprer les sparations ncessaires entre lesactivits commerciales et rgaliennes;

    2. La simplification des procdures administratives pour consacrerla transparence et la clrit dans les rapports entreladministration, lentreprise et les citoyens :

    La cration de la commission des investissements, rattache laprimature, charge dtudier les recours des investisseurs contre lesdcisions administratives dfavorables et dagrer les contratsdinvestissement;

    La ralisation dune tude sur le parcours de linvestisseur en vue delallgement des procdures dinvestissement et la cration des centresrgionaux dinvestissement consacrant une rgionalisation et une fortesimplification des procdures dacquisition des terrains et dedlivrance des autorisations requises par les investisseurs.

    3. La mise en uvre de mesures caractre judiciaire pourrenforcer la suprmatie du droit et lobligation de reddition descomptes, travers linstitution de tribunaux de commerce et descours rgionales des comptes;

    Force est de sapercevoir quil sagit dune srie dactions rellement

    entreprises, mais dans dautres contextes, et ne rentrant nullement dans lecadre du programme de mesures initialement arrtes. Il sagit en fait dunramassis dactions dcoulant soit des engagements du pays vis--vis desbailleurs de fonds, soit de mesures inhrentes la voie de libralisation delconomie choisie par le pays. A cet gard, il est utile de rappeler unemultitude de mesures qui nont pas vu le jour, ou au plus entamestimidement :

    Lapplication dune dcision du premier ministre faisant obligation tous les services publics de mettre en place des services d'accueil etd'information permettant aux usagers de connatre leurs droits,

    La mise en uvre de pactes d'intgrit chez les grands donneursd'ordre publics

    La revalorisation du rle des Inspections Gnrales des Ministres enles dynamisant et en largissant leurs attributions laudit et lvaluation.

    Lattnuation du pouvoir discrtionnaire de l'administration danscertaines procdures (autorisations, agrments)

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    Ladoption de mesures d'accompagnement de l'application effective dela nouvelle rglementation des marchs publics.

    Aprs avoir t baptise la commission nationale de lutte contre lacorruption et de moralisation de la vie publique , il a t abandonn touterfrence la lutte contre la corruption pour devenir, par dcision dugouvernement, simplement la commission nationale de moralisation de lavie publique . Progressivement, cette instance qui ne sest jamaisstructure, est devenue une simple assemble qui se runit pisodiquement,sur convocation du ministre charg des affaires gnrales du gouvernement(MAGG, vritable n 2 du 1er gouvernement dalternance) pour couter desexposs de reprsentants de ministres sur les activits de leursdpartements dans lesquels ils pensent dceler un rapport avec la lutte contrela corruption : rorganisation, projets de textes, exercice de la policeadministrative, communication. Des plans daction court terme et longterme, il nen tait plus question a fortiori de la construction dun SystmeNational dIntgrit pour lequel le MAGG dclare quil nen a jamais tquestion. Dans ce contexte, Transparency Maroc a dcid de se retirer deladite commission, qui s'est manifeste exclusivement par une campagnemdiatique qui ramne le problme la dimension de la morale individuelleen occultant l'abus dans l'exercice du pouvoir. Cette campagne a approfondila dception et le scepticisme de lopinion publique quant la capacit denos gouvernants mettre en place une vraie politique qui barre la route audveloppement de la corruption.

    En dfinitive, les leons de quelques annes d'activit de lacommission nationale, peuvent se rsumer en labandon de l'ambition dedpart et en rester une conception minimaliste qui fait de cette instance un

    simple cadre d'change d'informations. Un cadre dnu de moyens d'actionet priv de toute initiative, et qui laisse la discrtion de chaque Ministrelaptitude de dcider de son propre programme de lutte contre la corruption.Ainsi, l'instance qui aurait pu voir germer une stratgie nationale cohrentese trouve vide de sa dynamique.

    Aussi, quand bien mme ces actions aient t engages, la situation necesse de se dgrader et le Maroc est de plus en plus mal plac dans leclassement annuel selon lIPC de Transparency International.Paradoxalement, au moment de linstitution dune telle commission, le paystait class au 45me rang de lIPC, alors quil dgringole aujourdhui au

    78me rang avec une note de 3,2/10. Cette curiosit purement marocaine nadexplication que dans labsence dune volont relle et affirme pourcombattre la corruption, puisque la plupart des rformes et des actionsdestines la contrecarrer arrivent difficilement se concrtiser et leurseffets demeurent ngligeables, voire nuls.

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    II. Les initiatives des pouvoirs publics

    Dans une lettre adresse au participants au Colloque National relatif lthique dans le service public, le Roi a insist sur la ncessit de mobiliserles dispositifs juridique, ducationnel et de communication existants pour

    mettre un terme la bureaucratie et la prminence du pouvoirdiscrtionnaire de ladministration.

    Cette sollicitude royale a t traduite par la mise en place delinstitution mdiatrice de Diwan Al Madhalim , charge dinstruire lesplaintes des citoyens exprimes lencontre des dcisions deladministration et juges contraires la lgalit ou aux principes de lquitet ne relevant pas des comptences dautres instances. Il convient derappeler que le ministre des affaires gnrales avait annonc au sein de lacommission prcite que le gouvernement prparait un projet de loi sur leMdiateur linstar du Mdiateur de la Rpublique en France. Ladsignation du Wali Al Madhalim, ses attributions et ses rapports avec lesdiffrents pouvoirs et les citoyens ne permettent pas de le considrer commeun mdiateur au sens que prend linstitution en droit contemporain et tellequelle tait rclame par la socit civile. Aujourdhui, on peut sapercevoirdu rle trs limit que joue cette institution, au point de se confondre avecune simple agence dintermdiation entre les citoyens et les administrations.

    De son ct, le gouvernement dalternance, lors de la prsentation deson programme devant le parlement, avait annonc lengagement dunemultitude de chantiers (moralisation, rationalisation, communication) dansle cadre du pacte de bonne gestion pour traduire la volont de changement etde rupture avec les pratiques du pass, travers des initiatives sectorielles

    concrtes et permanentes. Aussi, le gouvernement sest-il attel adopter lesrgles dun comportement nouveau dans la gestion de la chose publique, ense dessinant lobjectif dasseoir les bases dune administration moderne,efficiente, rationnelle quant lutilisation de ses ressources et constamment lcoute de son environnement. Ainsi, plusieurs initiatives, de natureprventive, pour mauvais comportements dans les diffrentes sphres delEtat, ont t adoptes:

    1. La promulgation dune loi interdisant le cumul entre le salaire et lapension de la retraite ou de tout autre revenu de cette nature. Eneffet, il nest plus permis dassocier entre la rmunration dun

    travail prleve sur les budgets de lEtat, des collectivits locales,des tablissements publics et les entreprises soumises au contrlefinancier de lEtat dune part et la retraite dautre part.

    2. Lobligation de motiver les dcisions des administrations publiquesdune part, et dexcuter les dcisions de justice prononces leurencontre, afin daplanir les difficults qu