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Elise GENDRE BIA ENSAPLV / ESTP Encadrants : JM. Chanteux / P.Hannequin Créer et innover Rapport de licence Septembre 2010 – juin 2013

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Elise GENDRE BIA ENSAPLV / ESTP

Encadrants : JM. Chanteux / P.Hannequin

Créer et innover Rapport de licence

Septembre 2010 – juin 2013

Introduction Avant de faire une rétrospective sur mon parcours en école d’architecture, je souhaite revenir sur ce qui m’a donné l’envie d’entrer en architecture. Faire de l’architecture, c’était pour moi une envie qui m’est venue bien avant d’intégrer une prépa scientifique et l’ESTP. Au collège déjà, j’avais intégré un groupe d’infographie dans lequel j’ai découvert les outils informatiques 2D et 3D. Nous produisions de petites animations. C’est à ce moment là que j’ai découvert l’appareil photo et la caméra numérique. Nous avons participé a des concours de production artistique inter collèges. « Ajustage et débordement » était le thème de l’un d’eux. Ensuite au lycée, j’ai découvert l’art vivant : le théâtre. J’ai expérimenté le corps dans l’espace. Cet apprentissage, je l’ai suivi en m’imprégnant du travail de nombreuses troupes de théâtre que nous allions voir jouer. Nous avons dans ce cadre là aussi performé pour un concours organisé par le Théâtre National de Toulouse, et j’ai eu à cette occasion le plaisir de jouer sur une scène reconnue à l’échelle de la ville. Cette expérimentation du corps dans l’espace et de la mise en scène ainsi que les productions infographiques que j’ai faites auparavant ont éveillé en moi l’envie de créer des espaces, de façonner mon environnement. C’est de là qu’est née l’idée de l’architecture. Je vais désormais pouvoir présenter la manière dont j’ai conduit la rétrospective sur mes trois années en école d’architecture. C’est un regard en

deux temps. Dans une première partie, j’ai regroupé mes projets et les enseignements qui m’ont été dispensés selon ce qu’ils m’ont appris : concevoir la forme en fonction des usages, embellir la scénographie du parcours, occuper une parcelle, travailler la matière, concilier architecture et ingénierie, expérimenter la ville. Je raconte dans ces thèmes l’importance qu’ont revêtu pour moi ces enseignements, ce qu’ils m’ont appris et ce qui leur a manqué. A partir de cette rétrospective, une réflexion apparaît, petit à petit, qui pose la question de la création en architecture et en ingénierie. J’ai été effectivement dans mon parcours confrontée à ces deux domaines. Ayant expérimenté des enseignements très ouverts comme l’infographie ou le théâtre, j’imaginais qu’en arrivant en architecture, j’allais pouvoir laisser libre cours à mon imagination pour créer. L’espace de création que j’ai découvert était bien différent de celui que j’imaginais. On nous a abreuvé de références qu’il fallait étudier, reproduire. Je ne m’attendais pas du tout à la phrase suivante : « en architecture on ne réinvente pas ce qui a déjà été fait » En sciences pourtant, j’ai participé de temps à autres à des exercices pour lesquels il fallait redoubler d’imagination. Ce type d’exercices me stimulent et j’imaginais que l’architecture n’était constituée que de ça. Après trois ans d’enseignement architectural, je me rends compte de la naïveté de cette assertion. En science comme en architecture, on a besoin de

s’appuyer sur ce qui existe déjà avant de pouvoir penser apporter sa pierre à l’édifice. Je me pose encore malgré tout beaucoup de questions sur les processus de création en science, en art et en architecture car je m’aperçois tout de même qu’il existe bel et bien une différence entre eux. C’est pourquoi dans une seconde partie, je vais essayer d’éclaircir ces questionnements en me basant partiellement sur les travaux que j’ai pu faire en science, en architecture et en art.

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Mes lectures

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Les livres Les témoignages et biographies : « Mémoires d’un ingénieur », Peter Rice, édition Le Moniteur, Paris 1998 « Oscar Niemeyer : permanence et invention » Entretiens réalisés et présentés par Nicoletta Trasi, éditions du Moniteur, 2007 « Marc Mimram : architecte-ingénieur Hybride », Antoine Picon, éditions ante prima, 2010 Les traités d’architecture : « l’architecture de la ville », Aldo Rossi, première édition en 1966 « Apprendre à voir l’architecture », Bruno Zevi, les éditions de minuit, paris 1959 Les sources de la fabrique du projet : « l’apprentissage du regard », Brigitte Donnadieu, Editions de la Villette, Paris 2002 « Concevoir l’habitat », jan Krebs, Birkhäuser, 2007 « logement, matière de nos villes », Nasrine Seraji, éditions du pavillon de l’arsenal, Paris 2007 « portrait de ville / Chandigarh », Rémi Papillault, Cité de l’architecture et du patrimoine, 2007 La culture technique et architecturale : « la conception bioclimatique », Jean Pierre Oliva et Samuel Courgey, édition Terre vivante, France 2006-2007 « l’aventure des bastides du sud-ouest », Gilles Bernard, édition Privat, 1993

Les revues D’A The Plan Archistorm A vivre Ecologik AMC

Sommaire

Partie I : Prospectives USAGE ET FORMES

QUALITE D’UN PARCOURS : LES SEQUENCES

PLASTIQUE

TRAVAILLER LA MATIERE

PARCELLAIRE ET TYPOLOGIE

MELER INGENIERIE ET ARCHITECTURE

Partie II : La création en ingénierie et en architecture

p11

p19

p24

p26

p28

p30

INTRODUCTION

EN QUOI LES DEUX DIFFERENT

EN QUOI LES DEUX SONT SEMBLABLES

SYNTHESE

CONCLUSION

BIBLIOGRAPHIE

p33

p34

p35

p38

p39

p40

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Partie I

Prospectives

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Touristes au pied de la fontaine Saint Michel

SDF et marginaux (ici, un caddie rempli de cartons et de vêtements usés)

Groupes musicaux

Commerces

Manifestations

USAGE ET FORMES L1 – S4 – Etude sociologique de la fontaine St Michel – groupe de 2 Professeur : Mme ZETLAOUI-LEGER

Etude sociologique de la fontaine St Michel

Introduction au thème

J’ai appris durant mon parcours en architecture que le travail de l’architecte est de mettre en relation Formes et Usages. Son premier travail est donc de capturer et de comprendre « l’usage » avant de concevoir la « forme » qui lui sera la plus appropriée. Ce thème apparaît alors comme une introduction des autres car c’est la base qui sous-tend tout projet d’architecture. Je vais donc faire un retour prospectif sur cet apprentissage de l’usage et de la forme en présentant les projets jalons de cet apprentissage. Je reprendrai ensuite dans les autres thèmes certains des projets présentés ici.

Je commence donc ma description par la sociologie puisque l’étude sociologique m’a appris les méthodes pour appréhender les usages.

Consigne : choisir un équipement public et tenter de l’analyser par l’observation passive et répétée.

Étude des accès

Usages rencontrés Limitation de l’espace d’étude

Les séquences d’observation nous ont permis de confirmer la diversité des individus qui fréquentent la place et la diversité des activités. On retiendra la fréquentation plutôt jeune de la place, un stationnement plus important en fin de journée qui est dû à une forte concentration de groupes d’amis. Nous avons constaté deux types de groupes d’amis : de petits groupes de 2 ou 3 qui se sont donnés rendez-vous et repartent mais également des groupes beaucoup plus nombreux de 10 à 15 qui arrivent déjà formés et stationnent sur la place. Toutefois, la diversité des groupes n’a pas pu être observée, seuls des groupes de touristes et groupes d’amis ont été identifiés. Ce constat aurait sans doute été différent si l’observation avait été faite un samedi.

Ayant observé à d’autres occasions le pouvoir de rassemblement de la place St Michel, Nous avons décidé avec ma collègue d’étudier la fontaine St Michel. Nous avons procédé en trois étapes : • Observation qualitative des différents usages • Observation quantitative avec grille d’observation • Administration d’un questionnaire Cet exercice a été très enrichissant car il m’a appris les méthodes. Mais nos conclusions étaient très approximatives. Si je devais le refaire, je passerai beaucoup plus de temps sur une observation rigoureuse.

Conclusion de l’observation :

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USAGE ET FORMES L1 – S1 – Un abri de montagne dans les Pyrénées Professeur : Mr BROSSY, Mr VEITH, Mme FOREST, Mr VAIEDELICH

Un abri de montagne

Consigne : concevoir un abri de la façon suivante : • D’abord choisir un site que l’on

connaît particulièrement bien puis restituer ses caractéristiques : sol, limites, topographie, ensoleillement, le lointain et le proche.

• Puis implanter un abri de 25 m² dont la destination est de s’y retrouver seul ou en groupe : deux usages qui devront être traités de manière différente.

Durée : 6 semaines

Une fois les usages connus, le travail de l’architecte consiste donc à proposer des formes en adéquation avec les usages. C’est le projet de l’abri de montagne qui m’a pour la première fois appris à différencier les formes en fonction des usages On avait deux usages imposés : s’isoler et se retrouver en groupe, pour lesquels il fallait concevoir deux espaces différenciés.

Espace collectif

Abri au sommet du rocher de Batail

Espace individuel Niches creusées dans la roche

Plan IGN du site montagneux Photo de la maquette

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USAGE ET FORMES

J’ai choisi d’implanter mon abri sur la crête du rocher de Batail dans les Pyrénées, qui se situe à 1700m d’altitude. La pente étant très forte, j’ai pensé réaliser un abri à deux niveaux dont le niveau supérieur constitue l’espace collectif et le niveau inférieur l’espace individuel. Afin de différencier l’espace individuel de l’espace collectif, j’ai créé au niveau inférieur des « niches », creusées dans la roche, qui créent des alcôves pour que chacun puisse s’isoler. Concernant la « peau » de l’abri, j’ai imaginé une toile protectrice qui ferme et ouvre l’abri en coulissant sur des rails courbes, ce qui minimise l’impact visuel de celui-ci dans la perfection du paysage qui l’entoure. Et de ce fait, l’espace collectif peut se retrouver à l’air libre alors que l’espace individuel sera toujours couvert du balcon de l’espace collectif ce qui renforce l’idée qu’on y vient se cacher pour s’isoler.

L1 – S1 – Un abri de montagne dans les Pyrénées Professeur : Mr BROSSY, Mr VEITH, Mme FOREST, Mr VAIEDELICH

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1 Vue de l’entrée de l’abri 2 espace individuel 3 maquette vue de profil 4 photomontage

1

2

3 4

J’ai mis, sur cet exercice, énormément de temps à comprendre qu’est ce que voulait dire « différencier les deux usages ». C’est d’ailleurs grâce à Mme Forest, à la dernière correction que j’ai compris comment il fallait traiter cette différence. Elle m’avais dit « L’espace pour s’isoler n’est pas forcément plus petit que le premier. Il faut le traiter de manière différente. Si j’avais entendu cela plus tôt, j’aurais eu beaucoup plus de temps pour développer cette solution.

USAGE ET FORMES L1 – S1 – Le Container Professeurs : Mr BROSSY, Mr VEITH, Mme FOREST, Mr VAIEDELICH

Le container

Concevoir la forme en fonction de l’usage veut aussi dire concevoir en fonction des mesures de l’homme. Ceci a fait l’objet du premier exercice de projet à savoir le Container. Quelles sont les mesures de l’homme ? Quelles doivent être de ce fait les mesures de son environnement ?

Consigne : concevoir une base de vie dans un container pour 4 personnes. Volume : L = 12m ; l = 2,40m h = 3,20m Durée : 5 semaines

Nous nous sommes basés sur le modulor de Le Corbusier. Nous avons à cette occasion engrangé toutes les mesures usuelles : celles d’une table, d’un escalier, … Le volume du container était fait de sorte que nous étions obligés d’utiliser ces mesures minimales. Pour répondre à cette problématique, j’ai choisi une entrée centrale avec distribution d’un côté des espaces collectifs et de l’autre des espaces individuels. La hauteur du container ne permettait pas deux niveaux entiers où l’on se tient debout mais il était possible de composer des usages différents dans une même hauteur. J’ai ainsi combiné les espaces de couchette, installé des espaces de repos au dessus de la cuisine. J’ai vraiment beaucoup apprécié cet exercice comme premier exercice de projet d’architecture. Combiner en plan et en hauteur les fonctions a été un vrai plaisir. Par contre, les dimensions que j’ai apprises pour ce projet ont été vraiment toutes à revoir car elles étaient trop petites. Par exemple, on prenait 80 cm de circulation alors que la taille standard utilisée par la suite était de 90cm.

Vue vers les espaces collectifs Vue vers les couchettes

Le Modulor Le Modulor

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Combinaison horizontale et verticale des fonctions

L2 – S3 – Centre culturel à Cité U Professeurs : Mme PORTNOI, Mr SALAZAR

Centre culturel à Cité U

Consigne : imaginer un bâtiment culturel ouvert aux résidents de la cité et pour certains espaces (lecture, expositions, boutique, café) aux promeneurs et utilisateurs de la cité. Site : le projet est situé dans l’enceinte de la Cité Universitaire de Paris, Boulevard Jourdan, 75014 Paris Le programme : il comprend 4 espaces majeurs : • Espace de distribution : espace à part entière,

promenade qui donne à voir l’architecture. • Espace de consultation : salle des

périodiques et salle multimédia • Espace d’exposition : un travail sur la lumière

y est attendu • Espaces extérieurs, contenus à l’intérieur de

l’édifice Durée : 13 semaines

Lier forme et usage signifie également se préoccuper de la lumière. Cette problématique a été développée en particulier sur des projets de salles d’expositions et de bibliothèques pour lesquelles la question de la lumière est centrale : éclairer sans abîmer et sans éblouir.

Éclairage par colonnades Éclairage zénithal Éclairage par patios

Patio central

Patio bas

Patio haut

Patio

J’ai choisi de réaliser le bâtiment de plein pied. Pour satisfaire le besoin en lumière de tout l’espace, j’ai utilisé trois types d’éclairage : • L’éclairage par patios pour aérer le bâtiment et

éclairer tous les espaces • L’éclairage zénithal pour les espaces d’exposition • L’éclairage par colonnades pour les espaces de

consultation.

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USAGE ET FORMES

Plan

Vue de l’ensemble

USAGE ET FORMES

Bureau privé

L2 – S3 – Bureau privé Professeurs : Mme PORTNOI, Mr SALAZAR

Objectifs : imaginer une petite construction abritant les espaces d’un lieu de travail privé Site : parcelle imaginaire imposée divisée en trois sous-parcelles Contraintes : • construction d’une surface utile de 60

m² maximum • L’édifice accueille trois espaces

correspondant chacun à des modes de travail ou de lecture.

• Sur le plan constructif, le projet aura obligatoirement recours à une structure en charpente bois

Durée : 6 semaines

Comment on entre

Cohabitation des deux activités

2ème sol : sol terrasse

carreaux larges

3ème sol : sol patio

petits carreaux

4ème sol : sol intérieur

parquet

1er sol : béton

Comment on travaille

Les projets que je vais présenter maintenant sont des projets pour lesquels j’ai combiné tous ces apprentissages : l’usage, les dimensions, la lumière

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Coupes sur les espaces de travail

Plan de calepinage des sols d’entrée

Plan RDC

Plan étage

Coupe BB

Comment on se repose

L2 – S3 – Bureau privé Professeurs : Mme PORTNOI, Mr SALAZAR

J’ai imaginé pour cela un bâtiment en U. On entre par le centre et cela dessert un espace de travail individuel à gauche et une salle de réunion à droite. La première pièce est plus basse car concerne le travail individuel et la deuxième plus haute pour les réunions. Ces deux espaces sont éclairés de lumière indirecte par le patio de l’entrée et de lumière directe par des ouvertures latérales opposées. Un espace de repos se trouve à l’étage, séparé des espaces de travail

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USAGE ET FORMES

USAGE ET FORMES L2 – S4 – 14 Logements à La Villette Professeurs : Mme PORTNOI, Mr SALAZAR

14 Logements à La Villette

R+2

R+3

La consigne étant de partir de l’espace du logement et donc de son usage, j’ai réfléchi à une cellule idéale qui serait sur deux niveaux et dans laquelle les espaces privés apparaîtraient comme des volumes opaques à l’intérieur de l’espace collectif qui les engloberait. En coupe, on voit apparaître ces volumes fermés, perchés en haut du volume qui les contient. Je les ai placés non pas sur toute la largeur de l’appartement mais dans un des angles . Ainsi, les diagonales du volume sont conservées et dilatent l’espace.

Consigne : construire un petit immeuble de 14 logements dans une parcelle parisienne en partant de l’espace du logement pour parvenir à celui de l’immeuble. Définir des articulations particulières entre les espaces du logement. Durée : 9 semaines

Espaces privés dans les espaces collectifs

Coupe

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J’ai avancé ce projet de manière fulgurante sur les 2 dernières séances alors que je revenais toutes les semaines avec des solutions différentes. Il s’est en fait déroulé dans un climat général détestable. Mme Portnoï a usé de pressions psychologiques et a joué sur l’affect pour nous faire avancer. Elle a félicité mon projet final, et je dois dire que, bien que perfectibles, les solutions que j’ai développées m’ont finalement satisfaites mais cela s’est payé par un malaise que je ne souhaite pas revivre. Avec le recul, je peux dire que même s’il m’a poussée à trouver de bonnes solutions, je ne cautionne pas du tout ce genre de comportement et de méthode d’apprentissage.

QUALITE D’UN PARCOURS : LES SEQUENCES

Introduction

Comme il est dit dans le livre « L’apprentissage du regard » de Brigitte Donnadieu, et d’après le cours de Spinetta, la séquence décrit en architecture un ensemble d’espaces reliés par la scénographie d’un parcours. Et le but de tous les projets a été d’embellir ce parcours. La séquence pour moi, c’est aussi la quatrième dimension de l’architecture décrite par Bruno Zévi dans « Apprendre à voir l’architecture », celle qui nous fait nous déplacer autour de l’objet architectural. J’ai été particulièrement sensible à cette vision là de l’architecture puisque c’est tout d’abord, une des choses que même les personnes non initiées à l’architecture ressentent et expérimentent. Et comme je l’ai évoqué en introduction, j’ai expérimenté la scénographie au théâtre. Le travail d’un metteur en scène m’a particulièrement marqué et se rapproche de très près de la notion de séquence en architecture. C’était un théâtre visuel où un acteur jouant un monologue apparaissait et disparaissait successivement derrière des panneaux de murs qu’il faisait coulisser de sorte que nous avions la troublante impression de parcourir la scène sans jamais en voir le fond. Je revisite dans ce thème certains de mes projets en les analysant au regard de leurs séquences. A chaque plan de séquence est donc lié une perspective qui résume en volume la séquence.

Scénographie de la pièce de théâtre

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QUALITE D’UN PARCOURS : LES SEQUENCES

Esquisse d’étude Vue 1

Esquisse d’étude Vue 2

Centre culturel à Cité U

Ayant choisi de réaliser le bâtiment de plein pied, les circulations horizontales ont été multipliées. J’en ai fait de larges promenades habitées qui distribuent tous les espaces. J’ai utilisé le patio qui joue des transparences entre les espaces d’exposition et la circulation. Il donne des vues sur l’extérieur ou en donne de l’extérieur, ce qui complexifie la séquence. Ci-contre, j’ai reproduit, à partir de croquis d’étude, les séquences correspondantes de deux axes majeurs de distribution.

Séquence 1

Séquence 2

L2 – S3 – Centre culturel à Cité U Professeurs : Mme PORTNOI, Mr SALAZAR

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Après avoir vu le rendu de fin d’année du groupe de Mr Quintart, Je retravaillerais vraiment le projet en utilisant comme seuls outils la perspective et la maquette. Je me suis aperçue effectivement que c’était un peu le type de résultats qu’ils ont produits que je cherchais, non pas par le fait qu’ils travaillaient le « point / ligne / plan », mais parce qu’ils construisaient leur projet en fonction des vues intérieures de l’édifice. Ils les complexifiaient au fur et à mesure de l’avancement. Si je devais recommencer avec les mêmes idées de base (plein pied, patio), j’utiliserais cette méthode là.

2

1

Vue 2 depuis le patio bas

Vue 1 depuis l’entrée

Centre culturel à Cité U

Ici, j’ai reproduit le plan du centre culturel en considérant le parcours des trois circulations intérieures présentes en pointillés telles qu’elles étaient lors de la version finale du projet.

L2 – S3 – Centre culturel à Cité U Professeurs : Mme PORTNOI, Mr SALAZAR

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QUALITE D’UN PARCOURS : LES SEQUENCES

Vue de l’ensemble

Réécriture du plan en fonction des séquences intérieures

QUALITE D’UN PARCOURS : LES SEQUENCES L2 – S4 – Immeuble de 14 logements à La Villette Professeurs : Mme PORTNOI, Mr SALAZAR

14 Logements à La Villette

Les volumes contenant les espaces privés que j’ai déjà évoqués, peuvent être également étudiés du point de vue de leurs séquences. Cette étude met à jour d’une autre manière les retraits et avancées qui occultent ou laissent à voir.

22 Séquence 1 Séquence 2 Séquence 3

L2 – S3 – Bureau privé Professeurs : Mme PORTNOI, Mr SALAZAR

Bureau privé

Bureau privé

Revisiter le projet du bureau privé selon l’idée de la séquence met à jour la scénographie où j’ai voulu superposer différents plans : • Celui de la première limite du patio • Celui de la deuxième limite du patio • Et celui de la limite du bâtiment qui donne

enfin à voir l’horizon. J’avais, pour concevoir cela, pensé à cette pièce de théâtre. Si l’on retire le premier plan, puis le second,… on finit par trouver l’horizon.

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QUALITE D’UN PARCOURS : LES SEQUENCES

Séquence du bureau privé Perspective sur les deux espaces de travail

au travers le patio d’entrée

Maquette démontable

PLASTIQUE L1 – S1 – Mr SEGERS

Que ce soit lors de mon premier ou lors de mon deuxième semestre de plastique, la démarche était liée à la ville. Mais alors qu’au S1 nous retranscrivions ce que nous voyions dans la ville par la production de dessins en quantité, nous devions au S6 « investir la ville » c'est-à-dire y marquer notre passage. Ces deux enseignements ont donc été complémentaires.

Objectifs : produire en quantité des dessins à partir de scènes réelles afin de découvrir de nouveaux modes de représentation. Pour cela, il fallait produire un dessin par jour. Durée : 4h hebdomadaires pendant 1 semestre + travail personnel

S1

Introduction au thème

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PLASTIQUE L3 – S6 – Mme DENNEULIN

Le premier enseignement m’a appris à observer et à développer des méthodes de dessin qui traduisent ma vision des choses. Cependant, un enseignement des techniques de dessin m’aurait sans doute permis de plus progresser dans cette démarche qui s’est un peu épuisée à partir d’un certain nombre de dessins. Le second enseignement m’a appris un autre rapport à la ville, celui où on se l’approprie par l’art. Ceci a été pour moi très stimulant et très intéressant bien que parfois à la limite du raisonnable. J’ai refusé certaines propositions d’élèves comme celles de chorégraphier sur un échafaudage ou de traverser un passage piéton en se roulant par terre, propositions dont je pense qu’elles mettent le groupe en danger.

S6

Objectifs : « investir la ville » par différents exercices dans le semestre : • Implanter un objet « étrange » et

« colonisateur » à La Défense (dessin)

• Ré enchanter la vie quotidienne de la ville avec de la craie

• Pratiquer la « dérive urbaine » • Produire une performance urbaine

à la façon de la compagnie de danse contemporaine Ex Nihilo

Durée : 1 journée / semain

Conclusion

Propositions à la craie sur une piste cyclable et au bord du canal de l’Ourcq

Implantation d’une forme « colonisatrice » à La Défense

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TRAVAILLER LA MATIERE

J’ai pour ce projet travaillé le bois. J’ai appris à reproduire à petite échelle une poutre en lamellé-collé en encollant successivement les lamelles de bois les unes aux autres et en les maintenant courbes le temps de séchage de la colle grâce à des serre-joints. La différence de résistance du bois avant et après était saisissante. A côté de cela, j’ai réalisé le tablier, non pas grâce à des poutres en lamellé-collé, mais grâce à des poutres que j’ai infléchies en les mouillant. Le tablier qui en a résulté était très souple contrairement aux poutres en lamellé-collé. La maquette a démontré le principe du transfert de charges puisqu’une fois assemblé, le tablier a pu reprendre de très fortes charges alors que sans, il aurait certainement cassé.

Travailler la matière nous apprend à concevoir en fonction d’elle. Manipuler le bois ou le métal, même à petite échelle m’a appris de manière pratique les possibilités du matériau, sa capacité de résistance lorsqu’il s’agit de le courber, de le couper, dans un sens ou dans un autre, de le torsader. Cet axe pratique, je l’ai travaillé dans plusieurs projets.

L1 – S1 – Passerelle piétonne Professeur : Mr BROSSY, Mr VEITH, Mme FOREST, Mr VAIEDELICH

Passerelle piétonne

Objectifs : concevoir, tester et représenter un dispositif de franchissement d’un canal de 18m Problème posé : exprimer la conception de cet ouvrage par un dessin approprié, une maquette technique au 1/50 et vérifier les solutions constructives projetées par un test de résistance sur maquette. Durée : 6 semaines. Coupe transversale

Fabricatio

n d

u lam

ellé collé

Fabricatio

n d

u tab

lier

Tablier vu du dessous

Introduction

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Allure générale

Transfert des charges

TRAVAILLER LA MATIERE L2 – TD structure centre Pompidou Metz – Travail en groupe Mr PHILIPPE

J’ai ici repris le même genre d’exercice que la passerelle piétonne mais à une échelle beaucoup plus grande. En groupe de TD structure, nous avons réalisé à l’échelle 1/5 une poutre à double courbure du centre Pompidou de Metz. Pour cela, nous avons procédé en 5 étapes : Étape 1 : nous avons taillé dans une solive le moule qui allait nous servir ensuite pour réaliser l’encollage de la première courbure. Étape 2 : nous avons encollé les lamelles une à une pour les superposer. Nous avons serré avec des serre-joints le temps du séchage. Étape 3 : une fois la poutre à simple courbure sèche, nous y avons scié des lamelles orthogonales aux précédentes. Étape 4 : pour le moule de la deuxième courbure, nous avons utilisé le garde corps d’un escalier en colimaçon. Nous avons répété le même processus qu’au premier encollage Étape 5 : une fois la poutre à double courbure sèche, nous avons assemblé les deux poutres réalisées.

Étape 1

Objectifs : suite à la visite du bâtiment du centre Pompidou de Metz, choisir un axe d’étude. Pour le découvrir, s ’appuyer sur des expérimentations réelles. Durée : 4 semaines

TD Structure

Je suis très contente d’avoir réalisé ce genre d’exercices qui sont pour moi primordiaux. J’ai appris bien plus en reproduisant une poutre en lamellé-collé qu’en prenant connaissance de manière théorique du processus de fabrication. Car en pratiquant, j’ai appris les difficultés qu’il y a à construire ce genre de pièces.

Conclusion

Étape 2

Étape 3

Étape 4 Étape 5

Poutre témoin

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Résultat

PARCELLAIRE ET TYPOLOGIE

14 Logements à La Villette

Introduction au thème

C’est lors du projet des 14 logements à La Villette que j’ai été confrontée pour la première fois à la problématique d’occupation de la parcelle. Je voudrais revenir ici sur deux cas d’occupation de parcelles.

L2 – S4 – Immeuble de 14 logements à La Villette Professeurs : Mme PORTNOI, Mr SALAZAR

Transition de l’allège au garde corps

Espaces extérieurs contenus à l’intérieur des allèges

inspirés de l’orphelinat de Van Eyck

Cette parcelle de 12m x 30m est une parcelle typique parisienne. Plusieurs contraintes s’imposent à l’occupation : • La parcelle étant orientée nord-est, il est

difficile d’éclairer correctement tous les appartements

• Le règlement urbain oblige à bâtir en front urbain c’est-à-dire sur toute la largeur de la rue.

A partir de ces quelques réflexions, plusieurs solutions apparaissent : • Le plot • La faille centrale • Un bâtiment haut en bord de rue et un plus bas

en fond de parcelle. J’ai opté pour la dernière solution qui permettait de faire des appartements traversants dans le bâtiment sur rue. A l’arrière, j’ai proposé un bâtiment de petite taille dédié à une activité associative ou culturelle.

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Plan cadastral

Bord de rue et fond de parcelle

Le plot La faille

PARCELLAIRE ET TYPOLOGIE L3 – S5 – 10 Logements à La Villette Mr HENRY – Mr HANNEQUIN

10 Logements à la villette

Objectifs : construire un petit immeuble de 10 logements dans une parcelle parisienne Contraintes : toute pièce doit être aérée. Les surfaces sont données. Durée : 6 semaines

Dans ce cas là, la parcelle a deux ouvertures : • Une sur la rue principale • Et l’autre sur le passage Desgrais Toujours dans l’idée d’avoir un front bâti sur rue, j’ai aligné la façade avec la rue. A l’arrière, l’orientation solaire étant défavorable, j’ai crénelé le bâtiment de sorte d’apporter aux pièces donnant de ce côté l’avantage d’une double orientation. Par ailleurs, j’ai choisi de positionner l’escalier de biais par rapport aux pignons. Cela m’a permis de réfléchir les espaces sur une dimension plus grande que celle permise par la parcelle : la diagonale.

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Plan cadastral Perspective depuis le passage Desgrais

Volumétrie générale

R+2 et R+3

MELER INGENIERIE ET ARCHITECTURE

Projet de construction

Introduction au thème

B2 – Concours Construire Acier – 2ème PRIX– Travail en groupe Mr QUENELLE

Pour ce projet de groupe, nous avions la volonté de réaliser une structure qui ait une valeur architecturale. Nous avions débuté nos recherches par des esquisses d’une structure à base carrée, qu’un noyau viendrait contreventer et formée de triangles de pentes différentes dont certains correspondraient à des ouvrants. Seulement une fois arrivée l’étape du calcul, nous avons été confrontés au fait que les efforts latéraux (vent) sont repris de manière très complexe par des plan non horizontaux puisque cela induit de la torsion dans nos poutres. N’ayant pas la capacité de gérer ces calculs, nous avons opté pour la solution de limiter les pentes à 10% qui est la valeur tolérable pour les calculs en plan horizontaux. Chaque pan de toiture travaille donc comme une poutre au vent qui redistribue les efforts des façades vers le noyau central.

Objectifs : concevoir et dimensionner une structure métallique pouvant accueillir un centre nautique.

Sur tout le cycle licence, aucun projet n’a été suivi parallèlement à l’ESTP et à l’ENSAPLV. Nous n’avons donc jamais pu réellement essayer de mettre en œuvre nos deux compétences à la fois. Cependant, Le projet réalisé à l’ESTP dans le cadre du concours « construire acier » serait le projet qui se rapprocherait le plus de ce double travail.

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Volumétrie générale

Perspectives intérieures

Partie II

La création en ingénierie et en architecture

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Créer, découvrir, inventer, innover, c’est le but de nombreuses professions. Et cela est vrai en particulier pour l’ingénierie et l’architecture. Mais ces processus de création sont-ils similaires d’une profession à l’autre ? Les méthodes paraissent différentes mais le sont-elles vraiment ? Effectivement, quand je suis rentrée en architecture, je pensais naïvement que c’était un domaine créatif sans frontières dans lequel j’allais pouvoir laisser libre cours à mon imagination. Mais alors que je découvrais qu’un projet d’architecture n’est pas qu’une démarche de création, je me suis investie dans le même temps dans un travail de création en ingénierie. Il s’agissait d’inventer des nouvelles applications pour des matériaux innovants, exercice faisant appel bien évidemment à cette capacité de création et d’imagination. Je me retrouvais alors dans cette posture particulière de contradiction : alors que je concevais jusqu’à présent l’ingénierie comme une activité non créative où l’on applique des règles de logiques, je devais créer et imaginer. Et inversement, alors que je pensais pouvoir créer et imaginer librement en architecture, je me retrouvais à observer et à reproduire de l’architecture existante. Avec le recul, j’ai compris que toute discipline possède des règles de base et des références, une culture qu’il faut comprendre et savoir appliquer. Ce n’est ensuite qu’au stade de la recherche que l’on peut prétendre essayer de créer, d’inventer, d’innover, parce qu’on a alors balisé tout ce qui avait pu être fait dans le domaine. Malgré tout, on conçoit tout de même qu’une

discipline artistique comme le sont l’architecture ou le théâtre, ne va pas fonctionner de la même manière qu’une discipline scientifique. Quelles différences existe-t-il alors ? Crée-t-on de la même manière en science et en art ? C’est la question à laquelle je vais tenter de répondre. Avant cela, revenons tout d’abord à la différence fondamentale qu’il existe entre « inventer » et « innover ». Elle réside dans le fait qu’on « invente » quelque chose qui n’existait pas auparavant tandis que lorsqu’on « innove », on fait évoluer ce qui existe déjà. On part d’une base puis on lui invente de nouvelles applications, on l’applique à un autre domaine, et cela donne de la valeur ajoutée à la chose. Par exemple, lorsque Peter Rice ingénieur pour Beaubourg utilise des gerberettes, il innove. Cette pièce en acier moulé a été inventée par Heinrich Gerber, un ingénieur du XIXème siècle pour la construction de ponts. Lorsque les membres de l’équipe de Peter Rice ont l’idée de l’utiliser pour pouvoir suspendre les grands plateaux libres de Beaubourg, ils innovent, car ils montrent que cela est possible dans le cas d’une autre utilisation. Par ailleurs, un autre terme est utilisé pour désigner des dates clés de l’évolution de l’homme : la « découverte », la découverte du Feu, la découverte des Amériques, la découverte du fait que la terre est ronde, la découverte de nouvelles planètes,… « Découvrir », c’est mettre à jour quelque chose qui préexistait mais dont nous ne soupçonnions auparavant pas l’existence.

INTRODUCTION

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Projet de construction métallique

Les gerberettes de Beaubourg

EN QUOI LES DEUX DIFFERENT

Avant de comparer les méthodes de création de chacun, il convient de replacer leur rôle respectif dans la construction. L’architecte crée des espaces et des volumes, il imagine la forme du projet. L’ingénieur quant à lui va proposer des principes constructifs qui vont pouvoir permettre de réaliser les espaces voulus par l’architecte et les dimensionner. On voit déjà à partir de la définition de leur rôle la première grande différence qui les sépare. L’architecte intervient en premier, il imagine, il crée une forme qui n’existait pas avant qu’il n’y travaille à partir des seuls éléments du site. L’ingénieur, lui, va prendre la forme que lui donne l’architecte et va faire en sorte qu’elle tienne debout. Il ne part donc pas de rien. Il part de cette forme qu’il va problématiser. C’est seulement à partir de cette problématique qu’il va imaginer des réponses. Ingénieurs et architectes ne réfléchissent donc pas sur le même exercice. A priori donc il y a de fortes chances de penser que les méthodes de l’un n’ont rien avoir avec celles de l’autre. Afin de nous éclairer sur le processus de création de l’architecte et de l’ingénieur, allons voir les témoignages de deux architectes ingénieurs de profession : Peter Rice et Marc Mimram. Tous deux s’accordent

à dire que l’architecture est subjective alors que l’ingénierie est objective. En effet, Peter Rice qui compare le travail de l’architecte à celui du designer dit que celui-ci donne « une réponse personnelle au contexte et aux données essentielles du problème »1 . Cela veut dire que face à un projet, chaque architecte, par un processus qui lui est personnel, va élaborer des propositions qui seront forcément différentes de celles de ses collègues. Des architectes différents donneront des réponses différentes parce qu’ils subjectivent la résolution du problème. Par ailleurs, Peter Rice dit que l’ingénieur, quel que soit le problème, va chercher à le ramener à un problème objectif et impersonnel car c’est le seul moyen qu’il a d’appliquer ensuite les règles universelles à l’ensemble de la profession afin d’apporter une réponse au problème de départ. On comprend donc que l’architecture est subjective alors que l’ingénierie est objective. Et cela revient à dire que l’architecture est créatrice alors que l’ingénierie est inventive. Pour comprendre cela, le livre de Michel Cornuéjols « Créativité et rationalisme en architecture » va nous aider. Il nous explique que le cerveau humain comprend trois parties. La première gère l’instinct, l’affect et l’intuition. C’est la partie

du cerveau qui était essentiellement utilisée par les hommes primitifs lorsqu’ils devaient fuir un danger ou se trouver à manger pour survivre. La deuxième partie gère la pensée et la logique. Enfin, la dernière partie a pour rôle de coordonner les deux premières. L’esprit créatif fait appel à l’affect, et à l’intuition. On comprend alors que cette démarche est subjective puisque l’activité de la première partie du cerveau dépend des individus. Chacun a une sensibilité particulière à telle ou telle émotion. L’esprit inventif, lui, fait appel à la logique et donc à la deuxième partie du cerveau. Cette démarche est donc objective car les lois de la logique sont des lois qui s’imposent à tout individu donc indépendamment de sa personnalité.

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1 « Mémoires d’un ingénieur », Peter Rice, édition Le Moniteur, Paris 1998

Nous venons de voir que la création en architecture fait appel à un processus différent de la création en ingénierie. Cependant, les deux sont parfois liés. Revenons par exemple sur l’évolution de l’architecture romane à l’architecture gothique. Le passage de l’une à l’autre ne se réduit pas au passage de l’arc en plein cintre à l’ogive mais cette évolution technique a influencé le passage de l’une à l’autre. Ici, la logique constructive a été de pair avec l’évolution architecturale. La matérialité Mais alors, où se rencontrent les pratiques scientifiques et architecturales ? Marc Mimram nous dit qu’elles se rencontrent avec la matérialité. Le livre « La recherche en art » 1 nous suggère la même idée. L’ingénieur voit le matériau comme un objet ayant une résistance physique, l’architecte le voit comme un objet ayant une valeur culturelle, esthétique et anthropologique. Mais tous deux vont avoir la même démarche d’innovation. Ils vont prendre le matériau de base et le transcender chacun à leur manière. L’ingénieur va tenter d’améliorer ses capacités de résistance, l’architecte va faire évoluer sa valeur esthétique. Pour comprendre cela prenons l’exemple du béton. Du point de vue de l’ingénieur, ce matériau a connu beaucoup d’innovations. On a d’abord pensé lui rajouter des aciers, ce qui fait qu’il a été beaucoup plus résistant et qu’on a pu

éviter les fissurations dues aux efforts tranchants notamment dans les fibres de béton tendues. C’était le béton armé. Ensuite, on a pensé tirer sur les aciers avant de couler le béton, ce qui a considérablement augmenté les portées. C’était le béton précontraint. Aujourd’hui, les recherches s’orientent vers des bétons translucides obtenus en incorporant au béton de la fibre optique. Pour avoir le point de vue de l’architecte sur le béton, parlons d’oscar Niemeyer, qui a beaucoup travaillé avec le béton. En en travaillant les formes, il a amené ce matériau à ses limites. Nous pouvons citer par exemple le volcan au Havre. Pour lui, la technologie sert de support aux inventions architecturales et l’invention architecturale est présente dès lors que l’objet architectural génère l’émotion qui elle-même va créer la surprise. « L’acte de création n’admet pas de règles, il est tout entier fait de surprise et d’imagination » 2. Et pour lui, cela passe par le matériau, par le fait de le pousser à ses limites.

Le Volcan – Oscar Niemeyer

Béton armé

Béton précontraint

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EN QUOI LES DEUX SONT SEMBLABLES

1 « La recherche en art(s) » Sous la direction de Jehanne Dautrey, éditions mf, 2010 2 « Oscar Niemeyer : permanence et invention » Entretiens réalisés et présentés par Nicoletta Trasi, éditions du Moniteur, 2007

Généralisation : processus de la référence On a vu précédemment que l’architecte comme l’ingénieur partent d’un matériau (un matériau performant pour l’un et esthétique pour l’autre) et vont transcender ce matériau en innovant sur sa performance ou sur son esthétique. Cette démarche d’innovation, on peut la généraliser en parlant de référence. En effet, l’architecte comme l’ingénieur, que ça soit de façon objective ou subjective part de connaissances qu’il a engrangé. L’innovation va se situer au moment où il va s’en détacher. Lorsque l’ingénieur est confronté à un problème constructif, il va chercher les solutions à moindre risque. Pour cela, il va aller chercher ce qui existe ailleurs, ce que d’autres ingénieurs ont déjà inventé et testé, des principes constructifs qui ont déjà faits leur preuve. Leur travail va alors consister à appliquer les règles de calcul universelles qui vont permettre de dimensionner cette construction. L’ingénieur va innover lorsqu’il va prendre un risque, c'est-à-dire lorsqu’il va tenter un principe constructif qui n’a pas encore été utilisé. C’est un risque car la première fois, on n’est jamais sûr d’avoir pensé à tout. C’est la réussite réelle de la méthode constructive qui va dire si oui ou non ce principe fonctionne. Par exemple, la structure utilisée pour la passerelle de l’aéroport Charles de Gaulle était une structure isostatique. Cela veut dire que si l’on retire une des liaisons

de la structure c'est-à-dire l’une de ses barres, elle n’en a plus assez, devient instable et s’effondre. Ce qui s’est produit, c’est qu’une des barres a mal vieillie et est devenue déficiente. La structure s’est effondrée. On comprend après sinistre la dangerosité de ces types de structures. Tous les sinistres apparaissent alors comme des balises qui nous disent attention, ceci ne marche pas. Et cela s’ajoute à l’acquis de la culture de l’ingénieur qui sait qu’il ne faut pas la reproduire. L’architecte quant à lui a exactement la même démarche. Il s’appuie sur les projets de ses prédécesseurs, évalue ce qui selon lui fonctionne ou ne fonctionne pas car l’évaluation de la réussite est comme on l’a vu subjective. Puis il va s’en détacher. Mais ce détachement implique un risque qui n’a pas du tout la même valeur que le risque que cours l’ingénieur puisque justement l’évaluation de la réussite est subjective. Cette démarche d’innovation, je la pratique tous les jours en projet d’architecture. En effet, la démarche évolue selon les projets mais la recherche de références en est toujours une constante. Une fois cette référence choisie, nous en retirons le substrat que l’on va utiliser dans notre projet, puis on essaie de s’en détacher, en lui trouvant une autre interprétation, ou tout simplement parce que l’intégrer dans notre site est déjà une forme d’innovation de la forme. Je me rappelle par

exemple être partie de la référence de « la maison double » de MVRDV à Utrecht. La caractéristique principale de cette maison est d’imbriquer deux appartements, l’un étant à gauche et l’autre à droite en donnant, selon les niveaux de l’espace horizontal plus à l’un ou plus à l’autre. Je ne pouvais pas utiliser ce principe pour répondre au programme des 14 logements qui m’étaient demandé mais je suis partie d’une des conséquences de ce principe : la présence de volumes compactes renfermant les espaces privés dans des volumes plus grands. J’ai réinterprété ceci en l’appliquant à des doubles hauteurs. Et j’ai également utilisé l’idée de la diagonale qui m’a amenée à cantonner ces volumes dans les angles du volume principal. J’ai également expérimenté cette démarche d’innovation à l’ESTP. Par exemple, en physique en première année, nous avions à « imaginer un nouveau matériau ». En fait, nous devions partir de recherches récentes et imaginer à partir de cela des applications ou des innovations possibles de ces nouvelles découvertes. Nous avons décidé de réfléchir sur les alliages à mémoire de forme (AMF) qui sont des alliages qui changent de forme en fonction de leur température. Nous trouvions cette propriété très intéressante. Les AMF sont utilisés à l’heure d’aujourd’hui essentiellement en médecine où ils servent de stents ou dans l’aviation où ils ont servi pour le raccord étanche de deux canalisations.

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EN QUOI LES DEUX SONT SEMBLABLES

Dans le cas des stents, les AMF, une fois à la température du corps, viennent écarter les artères bouchées. Concernant les canalisations, le raccord en AMF est placé à basse température où il est replié. On l’insert alors dans les deux parties de canalisation. A température ambiante, il reprend sa forme et vient pousser sur les parois ce qui crée l’étanchéité. Cependant, les AMF n’ont trouvé pour l’instant aucune application dans le bâtiment. C’est ce que nous nous sommes efforcés de rechercher. Nous avons donc imaginé des volets en AMF qui se déploient lorsqu’il fait trop chaud et se replient pour laisser entrer le soleil lorsqu’il fait froid. Nous avons également imaginé un sol antidérapant d’apparence lisse, formé d’AMF qui se replient sous l’effet de la variation de chaleur produite par le frottement du pied sur le sol, rendant ainsi le sol rugueux sous le pied. Nous avons pensé à des attaches en AMF sur lesquelles on viendrait fixer des plaques d’aluminium irisant. Placés sur un mur, cela permettrait, selon la température d’une pièce, de modifier l’orientation des disques qui lui donneront alors un aspect et une couleur différente. C’est le mur caméléon. En dehors du domaine du bâtiment, nous avions également pensé à un réservoir à fumier qui sécuriserait les fermes du risque de combustion de celui-ci. S’il y a départ de feu et donc augmentation de température, un ressort en AMF gérant la

fermeture de ce réservoir fait abaisser hermétiquement le couvercle. L’oxygène ne circulant plus, le feu s’éteint. Ce processus d’innovation, s’il est très facile à discerner en ingénierie, est très difficile à décrypter en architecture, effectivement, nous ne sommes pas toujours conscients de la part de notre projet venant de références et de la part personnelle. Tous deux se mélangent dans des formes qui sont de toute façon toujours différentes.

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EN QUOI LES DEUX SONT SEMBLABLES

Structure de la passerelle à Roissy

Maison double - MVRDV

Projet AMF

On a vu tout d’abord que le processus de création de l’architecte et de l’ingénieur fait appel à deux démarches différentes mais que parfois l’une et l’autre se confondent et se mélangent. A l’époque de léonard de Vinci, l’architecte était aussi ingénieur, les philosophes étaient aussi sociologues et mathématiciens. Ils étaient pluridisciplinaires. Avec la complexification et l’extension des connaissances, les hommes se sont spécialisés. Mais les hommes aujourd’hui sont le résultat de cette spécialisation. Tous les exemples donnés précédemment sont donc contestables dans la mesure où personne n’est entièrement architecte ou entièrement ingénieur. L’ingénieur est parfois subjectif de même que l’architecte fait preuve de temps en temps d’objectivité. La démarche de chacun viendrait donc d’une question de proportion entre cette partie objective et cette partie subjective. En effet, on a vu que l’ingénieur innovait quand il prenait un risque. Mais selon les individus, la prise de risque n’est pas la même. En théorie de la décision, matière qui nous a été enseignée à l’ESTP, on met en place des outils objectifs qui permettent d’évaluer les risques et de prendre la meilleure décision en fonction de ces risques. Mais la seule chose qui reste subjective dans cette méthode, c’est le comportement de l’individu.

Il y a des individus risquophiles et des individus risquophobes. Cela se traduit par une courbe propre à chaque individu, qui est prise en postulat du raisonnement, et qui donne le pourcentage de chance qu’il y a que l’individu se lance en fonction du risque encouru. Selon la courbe de l’individu que l’on prend en hypothèse du raisonnement, on ne trouvera donc pas la même prise de décision. Par ailleurs, certains architectes tentent d’objectiver leurs méthodes de création. Reprenons par exemple Oscar Niemeyer. Il dit que lorsqu’il crée, il fait un croquis et qu’au moment où il fait le croquis, l’idée est déjà là. Dans un second temps, il écrit un texte explicatif qui va chercher à justifier que le croquis est bien une innovation architecturale. Or, comme pour Niemeyer l’innovation architecturale est synonyme de surprise et d’émotion et qu’elle s’oppose à la répétition, il va chercher par ce texte à justifier que son croquis ne ressemble à rien de connu. Il dit lui-même que son texte fonctionne comme une « preuve par 9 » 1, terme emprunté au langage de la logique. On voit donc qu’il est impossible de qualifier l’architecte de totalement subjectif et l’ingénieur de totalement objectif. L’architecte va être mu par une majorité de valeurs subjectives et quelques peu de valeurs

logiques. De même, l’ingénieur sera mu par une forte proportion de rationnel et un faible pourcentage d’irrationnel. On a vu dans la deuxième partie que la démarche d’innovation de l’architecte et de l’ingénieur sont semblables. Pourtant, ici aussi, cela est critiquable. En effet, les innovations de l’architecte sont presque systématiques mais difficilement analysables alors que les innovations de l’ingénieur sont beaucoup moins fréquentes mais beaucoup plus visibles. En effet, chaque fois qu’il y a un nouveau site et un nouveau projet, tous les architectes produisent en se détachant d’une manière ou d’une autre des références qu’ils connaissent. Alors que l’ingénieur ne va innover que sur de rares projets. Sur la majorité des projets de construction courante, il va se contenter d’appliquer les règles et les méthodes qu’il connait et qui s’appliquent très bien.

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SYNTHESE

1 « Oscar Niemeyer : permanence et invention » Entretiens réalisés et présentés par Nicoletta Trasi, éditions du Moniteur, 2007

On voit donc que la démarche de l’architecte et de l’ingénieur sont semblables par le fait qu’elles font appel à des références connues de la profession. Une fois ces références repérées, chacun d’aux, selon les besoins du projet, va innover en transcendant ces références. Cependant, du fait que l’architecte et l’ingénieur n’interviennent pas au même moment et qu’ils n’ont pas les mêmes objectifs, ils ont chacun une façon différente de dépasser ces références. L’architecte va créer et l’ingénieur va inventer. Dans le cas de Beaubourg, l’innovation de l’architecte a été de mettre à l’extérieur du bâtiment tous les lots techniques. Ces éléments étant habituellement des points de partition et de descente de charge, cela a laissé à l’intérieur du bâtiment des plateaux immenses qu’il a fallu faire tenir. L’innovation de l’ingénieur a été de d’utiliser des gerberettes pour faire tenir ces plateaux. Nous voyons avec l’exemple de Beaubourg, que les innovations de l’ingénieur et de l’architecte sont complémentaires et qu’il faut l’une et l’autre pour produire une architecture innovante.

Beaubourg – structure porteuse

Beaubourg – principe constructif

Beaubourg – les plateaux

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CONCLUSION

BIBLIOGRAPHIE : « Mémoires d’un ingénieur », Peter Rice, édition Le Moniteur, Paris 1998 « Créativité et rationalisme en architecture », Michel Cornuéjols, édition L’harmattan, Paris 2005 « Oscar Niemeyer : permanence et invention » Entretiens réalisés et présentés par Nicoletta Trasi, éditions du Moniteur, 2007 « Marc Mimram : architecte-ingénieur Hybride », Antoine Picon, éditions ante prima, 2010 « La recherche en art(s) » Sous la direction de Jehanne Dautrey, éditions mf, 2010

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BIBLIOGRAPHIE

Conclusion Quand j’étais au lycée, j’étais intéressée de manière égale par presque toutes les matières. J’ai choisi la filière scientifique mais je n’ai pas pour autant voulu délaisser les matières plus artistiques et littéraires qui étaient comme les contrepoids des matières scientifiques. Conserver les deux a été pour moi une question d’équilibre. Mon projet professionnel à la sortie du lycée était de faire de l’architecture. Je suis d’ailleurs entrée en classe préparatoire scientifique avec l’idée de déboucher sur un double cursus avec une école d’architecture. J’ai choisi cette filière et je m’aperçois que j’ai réussi à conserver beaucoup des matières enseignées au lycée : les mathématiques, la physique, l’histoire, la géologie, l’art plastique, les langues étrangères, la philosophie. J’ai réussi à les investir dans un domaine particulier qui m’intéresse : le bâtiment. Aujourd’hui, je souhaite toujours devenir architecte. J’aime l’espace de créativité dans lequel il baigne. J’y retrouve la liberté que j’avais expérimentée au lycée dans des pratiques comme le théâtre ou le français, bien que cette liberté-là soit un peu plus rigoureuse et concentrée. J’apprécie le rapport aux sens qu’entretient perpétuellement l’architecte. Même quand il est dans l’abstraction, l’architecte est intimement lié aux sens et à l’affect. C’est ce qui le guide, et ce qui guide chacun d’entre nous qui expérimentons le travail de l’architecte. Il entretient donc une communication permanente avec l’homme. Je souhaite continuer d’user de cette sensibilité.

Pour moi, l’ingénierie est un outil que je vais mettre au service de l’architecture. J’apprécie d’avoir appris l’abstraction des mathématiques, car elle me sert à comprendre beaucoup de choses qui m’entourent. Elle m’a permis de maîtriser les facteurs qui interviennent sur le bâtiment. Bien que cela puisse paraître paradoxal, j’ai aussi fait cette formation d’ingénieur pour ne pas être bridée dans ma créativité d’architecte. En effet, un architecte créatif face à un ingénieur non inventif va s’entendre dire que son projet est impossible à réaliser. Si je parviens à acquérir les compétences d’un ingénieur innovant, alors je pourrai surement proposer des projets plus audacieux. Pour parvenir à cela, je pense donc entrer dans un bureau d’étude innovant à la sotie de ma formation afin d’appliquer mon diplôme d’ingénieur et d’acquérir les ordres de grandeur et les méthodes d’innovation. Je pense ensuite retourner du côté de l’architecte pour pouvoir mettre en pratique ces compétences au service de la création architecturale.

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