Eine Welt Un solo mondo - Federal Council › dam › deza › fr › documents › ... · Notre...

36
Eine Welt Un solo mondo Un seul monde Mékong – les oubliés de la croissance Kirghizistan : un petit entrepreneur face aux fonctionnaires Qu’apportent exactement les partenariats entre institutions publiques et économie privée ? N o 3 / SEPTEMBRE 2008 LE MAGAZINE DE LA DDC SUR LE DÉVELOPPEMENT ET LA COOPÉRATION www.ddc.admin.ch

Transcript of Eine Welt Un solo mondo - Federal Council › dam › deza › fr › documents › ... · Notre...

Page 1: Eine Welt Un solo mondo - Federal Council › dam › deza › fr › documents › ... · Notre dossier sur la région du Mékong (à partir de la page 6) analyse les énormes défis

Eine WeltUn solo mondoUn seul monde

Mékong – les oubliés de la croissance

Kirghizistan : un petit entrepreneurface aux fonctionnaires

Qu’apportent exactement lespartenariats entre institutions

publiques et économie privée ?

No3 / SEPTEMBRE 2008LE MAGAZINE DE LA DDCSUR LE DÉVELOPPEMENTET LA COOPÉRATIONwww.ddc.admin.ch

Page 2: Eine Welt Un solo mondo - Federal Council › dam › deza › fr › documents › ... · Notre dossier sur la région du Mékong (à partir de la page 6) analyse les énormes défis

Sommaire

DOSSIER

DDC

FORUM

Un seul monde No 3 / Septembre 20082

MÉKONGLes aléas de la modernisation au Laos Un reportage montre que la croissance fulgurante de l’Asie du Sud-Est ne profite pas de la même manière à tous leshabitants de la région

6Combat quotidien contre la traite des êtres humains Entretien avec Siriporn Skrobanek, présidente de laFoundation for Women, à Bangkok

12La révolution de bambou Le bambou recèle un immense potentiel pour les petitspaysans et l’industrie dans le bassin du Mékong. Un vasteprojet soutient sa production et sa transformation.

14

Un entrepreneur au milieu du chaosLe Kirghizistan, pays pluriethnique d’Asie centrale, se débat pour venir à bout de son héritage soviétique, qui pèse notamment sur l’initiative privée

16Ce qui compte, c’est la reconnaissanceShaarbek Amankul évoque les changements intervenus dans son pays sur le plan culturel

20

Des résultats concrets au profit des pauvres Martin Dahinden, directeur de la DDC, évoque des rencontrespassionnantes, les priorités stratégiques et les mesures deréorganisation

21Du bois à l’électricité en passant par le gaz La Suisse redéfinit son engagement en Inde, ce qui a un impact direct sur les projets qu’elle soutient

22

Reconstruit plus grand et plus beau qu’avant L’Aide humanitaire suisse a financé la reconstruction d’un hôpital dans le nord du Liberia. Elle en assurera le fonctionnement pendant cinq ans.

24

Qui profite vraiment des partenariats public-privé ? La collaboration entre institutions publiques et économieprivée est-elle réellement en mesure de donner uneimpulsion décisive à la lutte contre la pauvreté ?

26Le père de famille L’écrivaine haïtienne Évelyne Trouillot raconte le désespoird’un chômeur qui ne peut plus nourrir les siens

29

« L’éducation, une question de vie ou de mort » Un entretien avec Angélique Kidjo, star mondiale de laworld music, au sujet de son engagement notammenten faveur de l’éducation en Afrique

30

Éditorial 3Périscope 4DDC interne 25Au fait, qu’est-ce que le suivi de projet ? 25Service 33Impressum 35

Un seul monde est édité par la Direction du développement et de lacoopération (DDC), agence de coopération internationale intégrée auDépartement fédéral des affaires étrangères (DFAE). Cette revue n’estcependant pas une publication officielle au sens strict. D’autres opinionsy sont également exprimées. C’est pourquoi les articles ne reflètent pasobligatoirement le point de vue de la DDC et des autorités fédérales.

HORIZONS CULTURE

Page 3: Eine Welt Un solo mondo - Federal Council › dam › deza › fr › documents › ... · Notre dossier sur la région du Mékong (à partir de la page 6) analyse les énormes défis

Avec ses taux de croissance supérieurs à 10 pour cent

et son boom industriel, l’Asie du Sud-Est est l’une des

régions du monde qui progressent le plus rapidement.

Elle est traversée par le Mékong, qui s’étire sur près de

5000 kilomètres. Artère vitale, le fleuve arrose la Chine,

le Myanmar, le Laos, la Thaïlande, le Cambodge et le

Viêt-nam. Il fertilise leurs terres, avant de se jeter dans

la mer de Chine méridionale.

Au cours des dernières années, ce sont surtout la Chi-

ne, le Viêt-nam et la Thaïlande qui ont connu un formi-

dable essor économique. Leurs deux voisins que sont

le Laos et le Cambodge, plus petits, profitent aussi

de cet envol. Dans le sillage du Viêt-nam, ils sont en

train de s’intégrer complètement au marché mondial –

sur le plan économique. On produit, on cultive et on

construit de plus en plus. Un nombre croissant de tou-

ristes viennent dépenser leur argent et, ainsi, garnir le

porte-monnaie des habitants.

Mais la médaille a aussi son revers : dans bien des cas,

le progrès remet fondamentalement en question les

modes de vie traditionnels. Attirés par l’essor des villes

ou les promesses d’un pays voisin, des petits paysans

quittent les campagnes avec toute leur famille. Ceux qui

restent deviennent des ouvriers journaliers et se voient

subitement contraints de cultiver du caoutchouc ou des

bananes, au lieu du riz. D’autres encore – souvent des

minorités ethniques – sont chassés de chez eux par la

construction d’un barrage. Ce déplacement ébranle

leurs assises non seulement culturelles, mais aussi lin-

guistiques. Les nouvelles voies de communication, plus

directes et plus rapides, facilitent certes le commerce,

mais elles privent aussi les groupes locaux de leur

contrôle sur les ressources. Presque tous les pays de

la région sont en outre confrontés à l’immigration illé-

gale, à la traite des êtres humains et à la corruption.

Notre dossier sur la région du Mékong (à partir de la

page 6) analyse les énormes défis posés par le déve-

loppement de l’Asie du Sud-Est et montre comment les

populations y font face. Le reportage au Laos illustre

bien les tiraillements entre la tentation de s’accrocher

au passé et le besoin d’aller de l’avant. L’entretien avec

Siriporn Skrobanek met en lumière les divers aspects

de l’immigration illégale et de la traite des êtres hu-

mains. Enfin, l’article consacré au potentiel du bambou

présente les priorités des activités suisses dans la ré-

gion : bonne gouvernance, développement écono-

mique, amélioration des conditions de vie à la cam-

pagne et gestion durable des ressources naturelles.

Harry Sivec

Chef médias et communication DDC

(De l’allemand)

Le revers de la croissance sur les bords du Mékong

Un seul monde No 3 / Septembre 2008 3

Éditorial

Page 4: Eine Welt Un solo mondo - Federal Council › dam › deza › fr › documents › ... · Notre dossier sur la région du Mékong (à partir de la page 6) analyse les énormes défis

Red

ux/la

if

Pie

tro

Cen

ini/

Pan

os/S

trat

es

Du soleil et du vent(bf ) Presque un tiers de la popu-lation mondiale vit sans électri-cité, une proportion qui ne faitque croître, étant donné l’explo-sion démographique dans lespays en développement. Ceux-cisont donc très intéressés par lestechnologies bon marché, fiableset écologiques, qui leur permet-traient de fournir aux régionsrurales et reculées l’énergie élec-trique dont elles ont un cruelbesoin. Cet intérêt pour des sys-tèmes durables de production decourant a fait grimper en flèchela demande de centrales élec-triques hybrides, qui associenten général l’énergie éolienne etsolaire. Selon une étude, la va-leur des centrales hybrides quel’on va construire chaque annéed’ici 2010 dans le monde équi-vaudra à environ 900 millions dedollars. Génératrices de courant,petites éoliennes et centrales so-laires sont les trois principalestechnologies intervenant dansces systèmes. Elles peuvent êtrecombinées l’une avec l’autre ouutilisées simultanément. Nou-velle réjouissante pour les paysen développement : la forte pro-gression de la demande n’a passeulement stimulé la rechercheet amélioré les technologies ; ellea aussi fait baisser le prix de cescentrales.

De la muscade pour piégerles mouches( jls) Depuis quatre ans, les man-

guiers d’Afrique occidentalesont attaqués par des mouchesd’origine asiatique qui piquentles fruits pour y pondre desœufs. Au Sénégal, les produc-teurs perdent jusqu’à 60% deleurs récoltes. Les exportationsont chuté de moitié. Des cher-cheurs africains, français et amé-ricains se mobilisent, mais ils n’ont pas encore trouvé deparade à ce fléau. Dans un vil-lage situé à 90 kilomètres deDakar, un paysan est persuadéque ses vergers seront épargnéscette année. Samba Faye a en effet mis au point une arme « secrète », après avoir observéque les mouches étaient attiréespar la muscade : il verse dans unebouteille en plastique un mé-lange de poudre de muscade,d’eau et d’insecticide ; puis il dé-coupe l’extrémité du récipientet la retourne vers l’intérieur,pour former un entonnoir danslequel s’engouffrent les insectes.

Le piège est accroché sur lemanguier. Pape Diédhiou, prési-dent du Comité national de luttecontre les mouches de fruits, re-connaît les atouts de ce système,« d’autant que les pièges indus-triels coûtent cher et ne sont pasdisponibles sur le marché local ».

Boom touristique dans le Sud(bf ) Le tourisme mondial a atteint un nouveau record en2007, avec 898 millions de dé-placements, toutes destinationsconfondues. Selon les dernièresdonnées de l’Organisation mon-diale du tourisme (OMT), celareprésente une augmentation de 6,2% par rapport à l’annéeprécédente. Le tourisme est unsecteur économique qui gagneen importance dans les pays àfaible revenu. Un nombre crois-sant de voyageurs choisissentcomme destination des payspauvres, qui ont tout spéciale-ment besoin des recettes du tourisme. En 2007, ils ont été 44 millions à se rendre dans un pays d’Afrique (+8%). LeMoyen-Orient, région nette-ment plus riche, a accueilli poursa part 46 millions de touristes.C’est toutefois en Asie que l’ona enregistré les plus fortes haussesd’arrivées internationales : 20%en Malaisie, 19% au Cambodge,16% au Viêt-nam, 15% en Indo-nésie, 13% en Inde et 10% enChine.

Un seul monde No 3 / Septembre 20084

Pér

isco

pe

Page 5: Eine Welt Un solo mondo - Federal Council › dam › deza › fr › documents › ... · Notre dossier sur la région du Mékong (à partir de la page 6) analyse les énormes défis

Rep

orte

rs/l

aif

Les guérisseurs réhabilités( jls) La médecine traditionnelleest désormais reconnue officiel-lement au Rwanda. Les guéris-seurs sortent de la clandestinité,ils s’organisent en associations etpartagent leur savoir avec lesétudiants en pharmacie del’Université nationale ou avecl’Institut rwandais de recherchescientifique et technologique(IRST). Cet organisme étatiquedélivre des agréments qui auto-risent les tradipraticiens à exer-cer et à ouvrir des pharmaciesou des cliniques. Partant duconstat que la médecine mo-derne est toujours plus coû-teuse, les scientifiques exami-nent les possibilités de lapharmacopée traditionnelle, la-quelle jouit d’une grandeconfiance dans la population.Certaines préparations, commeles sirops antitussifs à base d’es-sence d’eucalyptus, sont cou-

ramment utilisées dans les zonesrurales. L’IRST étudie en labo-ratoire des remèdes locaux. Sises examens démontrent l’effica-cité d’une substance, celle-cipeut être fabriquée et commer-cialisée légalement. Le guéris-seur qui l’a présentée touche10% du prix des ventes.

Revenus garantis grâce aux lamas(bf ) L’élevage de lamas, d’alpagaset de vigognes recèle un poten-tiel économique non négligeablepour beaucoup de communau-tés rurales boliviennes. C’est entout cas la conviction du Fondsinternational de développementagricole. Cette organisationonusienne finance un projet quivise à valoriser l’économie agri-cole des camélidés dans les zonesandines. Son objectif est d’aug-menter les revenus des éleveurs,en particulier des femmes et des

jeunes, et de leur assurer demeilleures conditions de vie. Autotal, quelque 14 000 famillesdevraient bénéficier des diffé-rentes facettes du projet. Enmettant des fonds à disposition,celui-ci favorise notamment lacréation de micro-entreprises. Il soutient la production deviande, de cuir et de laine, latransformation des produits (entextiles de qualité, par exemple),

Un seul monde No 3 / Septembre 2008 5

Le cortège

de même que l’écotourisme. La viande séchée de lama, oucharque, est très appréciée enBolivie. Aujourd’hui déjà,quelque 6000 femmes en pro-duisent, surtout dans les mon-tagnes. Grâce à une aide tech-nique qui permettra d’améliorerle traitement, l’emballage et l’ac-cès au marché, cette productionpourrait doubler dans les annéesà venir.

Des

sin

de M

artia

l Lei

ter

Page 6: Eine Welt Un solo mondo - Federal Council › dam › deza › fr › documents › ... · Notre dossier sur la région du Mékong (à partir de la page 6) analyse les énormes défis

Un seul monde No 3 / Septembre 20086

DO

SS

IE

R

Page 7: Eine Welt Un solo mondo - Federal Council › dam › deza › fr › documents › ... · Notre dossier sur la région du Mékong (à partir de la page 6) analyse les énormes défis

Sam

uel Z

uder

/lai

fN

afta

li H

ilger

/lai

f

Un seul monde No 3 / Septembre 2008 7

Mékong

Les aléas de la modernisation au Laos Au cours des dernières années, les pays du Sud-Est asiatique sesont distingués par le rythme impressionnant de leur croissan-ce économique. Les locomotives de cette évolution sont le Viêt-nam et surtout la Chine, son puissant voisin. Un reportage auLaos montre que l’essor ne profite pas de la même manière àtous les habitants de la région. De Daniel Kestenholz*.

La province de Luang Namtha, au nord-ouest duLaos, jouxte la frontière chinoise. En 2002, ce coinde pays n’avait pas encore d’électricité, donc pasde réfrigérateurs ni de téléviseurs. Les routesn’étaient pas asphaltées et pour venir de loin, il fal-lait prendre l’un des trois vols hebdomadaires as-surés par un vieux coucou chinois transportantquinze passagers. En 2003, les Chinois sont arri-vés, et avec eux l’argent et l’électricité. Les habi-tants ont alors acheté des téléviseurs et des antennesparaboliques. Ils ont été subitement submergés pardes chaînes laotiennes, thaïlandaises, chinoises ouanglo-saxonnes, comme CNN et la BBC, et parleurs interminables feuilletons.En 2005 a débuté la construction de la route quirelie la Chine à la Thaïlande à travers le Laos. Inau-gurée en mars dernier, la R3a passe par la ville deLuang Namtha, chef-lieu de la province du mêmenom. Ce tracé a décloisonné la région, ramenantde dix à trois heures la durée du voyage jusqu’à la frontière thaïlandaise. Des territoires entiers,jusque-là quasi inaccessibles, espèrent voir leur ni-veau de vie s’améliorer grâce au commerce et auxinvestissements. À elle seule, la province thaïlandaisefrontalière de Chiang Rai escompte décupler d’ici2018 le volume de ses échanges commerciaux avecle Laos et la Chine.

Chinois, routards blonds et enfants laotiensIl a suffi de quelques mois, depuis l’ouverture decette route, pour que le transit des poids lourds àtravers Luang Namtha augmente de manière spec-taculaire, comme d’ailleurs le nombre de touristeset d’autres voyageurs. Du nord affluent les Chinoiset du sud les touristes occidentaux. Cela a stimulél’esprit d’initiative des autochtones, qui ouvrent dessnack-bars, des auberges, des magasins. À LuangNamtha, les touristes chinois photographient les

blonds Occidentaux porteurs de sacs à dos, lesquelsimmortalisent des enfants laotiens dans leurs vête-ments multicolores. Ces derniers, de leur côté, s’envont quémander des friandises auprès des Chinois.Un véritable chassé-croisé d’exotismes. Bienvenue dans le nouveau Laos qui se transformeen profondeur après un isolement de plusieurs dé-cennies. Si les Chinois investissent massivementdans la province de Luang Namtha, les Vietnamiensconcentrent leurs apports financiers sur l’est dupays, tandis que les Thaïlandais privilégient le sud-ouest. Par contre, le Cambodge et le Laos s’igno-rent comme s’ils se trouvaient sur des continentsdifférents, malgré une frontière commune dequelque 200 km. Le Laos, qui reste provisoirementun paradis de l’écotourisme, est aussi un trésord’exotisme. On recense 25 minorités ethniquesrien qu’autour de Luang Namtha. Mais c’est unexotisme asymétrique qui voit s’affronter passé etprésent, traditions et progrès. Les régions de montagne sont peuplées d’ethniesdont la plupart ne parlent pas la langue officielle et ne savent ni lire ni écrire ni calculer. Presque in-accessibles il y a quelques années encore, certainesde ces zones ont été mises en contact avec la civi-lisation moderne par des programmes de déplace-ments de population, la construction d’infrastruc-tures et l’installation de plantations.

Plantations controversées de caoutchoucLe Laos vit actuellement une révolution silen-cieuse, provoquée surtout par les cultures souscontrat. Ce nouveau système est pratiqué à largeéchelle par de grands groupes, principalement chi-nois, qui vendent des semences puis achètent lesrécoltes. Il est depuis longtemps chose courante auViêt-nam pour les cultures industrielles et l’éleva-ge porcin. Au Laos, des contrées entières fondent

La sclérose politique du LaosLa mondialisation suit soncours. Le Cambodge pré-voit d’ouvrir une Bourse en2009 ; la croissance vietna-mienne continue sur salancée. Le Laos, lui, restefigé dans son isolement.Comme l’a confirmé le huitième congrès du particommuniste en 2006, ilfaut toujours posséder sacarte de membre pouravoir une chance de fairecarrière et d’acquérir unstatut social. La contre-bande de bois, d’autresmatières premières etd’animaux sauvages versle Viêt-nam, la Chine ou la Thaïlande continue deprospérer sans apporterde recettes fiscales auLaos. Le geste d’ouverturele plus courageux deVientiane demeure l’adop-tion dans les années 80 duNouveau mécanisme éco-nomique. Cette réforme aégalement permis l’arrivéede l’aide étrangère. Cen’est pas l’idéologie quiempêche les dirigeantslaotiens d’engager des réformes, mais la craintequ’une ouverture n’affai-blisse le parti. Celui-cireste entièrement orientésur ses voisins et alliéscommunistes. La Chine etle Viêt-nam sont les princi-paux – pratiquement lesseuls – investisseurs étran-gers au Laos.

Page 8: Eine Welt Un solo mondo - Federal Council › dam › deza › fr › documents › ... · Notre dossier sur la région du Mékong (à partir de la page 6) analyse les énormes défis

Fred

Grim

mS

tefa

n B

ones

s/P

anos

/Str

ates

The

Her

aldT

ribun

e/la

if

Un seul monde No 3 / Septembre 20088

leurs espoirs sur ce modèle. La denrée « magique »est le caoutchouc, dont les Chinois ont un appétitinsatiable. Une famille peut vivre décemment avectrente hévéas, affirme-t-on en Chine. Des Laotiensmisent tout sur cette source de revenus.Des contrats se concluent également pour la cul-ture du manioc destiné à être transformé en car-burant, ainsi que celle de la canne à sucre, de la pas-tèque, du soja, du maïs et de la banane. Mais c’estindiscutablement la production de latex qui a leplus d’impact sur la population et l’environnement.On s’inspire de l’exemple du Yunnan, de l’autrecôté de la frontière : cette province chinoise, autre-

fois pauvre, a fait son chemin grâce au caoutchouc,disent les Laotiens.Actuellement, des coentrepriseschinoises offrent même gratuitement les semenceset les engrais.C’est après huit ans que l’hévéa peut être incisépour la première fois. Habituellement, les paysanslaotiens touchent 70 pour cent de la recette et lasociété chinoise 30 pour cent. Les plantations peu-vent être exploitées soit sous contrat, soit en régiepropre, ou encore dans le cadre de concessions.Mais un moratoire bloque depuis plusieurs moisl’attribution de concessions. Le gouvernement serend bien compte que cette culture engendre

Page 9: Eine Welt Un solo mondo - Federal Council › dam › deza › fr › documents › ... · Notre dossier sur la région du Mékong (à partir de la page 6) analyse les énormes défis

Un seul monde No 3 / Septembre 2008 9

Mékong

Émigration vers la Terre promisePour les paysans et lesmontagnards pauvres du Laos, ce ne sont tou-jours pas la Chine ou leViêt-nam qui font figure de Terre promise, mais laThaïlande. Une fois la ré-colte engrangée, il n’y aplus rien à faire dans les villages. Ceux qui ont trouvé du travail enThaïlande – dans des plan-tations ou des fabriques –peuvent en général seconstruire une maison àleur retour, voire s’acheterune voiture. La migration,due à la pauvreté et à l’ab-sence de perspectives, ali-mente toute une industriede l’exploitation, basée surdes intermédiaires et destrafiquants d’êtres humains.Le Laos et la Thaïlande ontcommencé en février 2006à coopérer afin de surveil-ler leur frontière communeet de retrouver les victimesde ce trafic, en particulierles femmes et les enfants. À fin 2007, le Laos avaitreçu 168 avis de disparitionet 28 personnes étaient réapparues en Thaïlande.C’est par dizaines de mil-liers que des Laotiens ris-quent chaque année levoyage dans l’inconnu.Beaucoup disparaissent,d’autres ne veulent plusrentrer au pays.

toutes sortes de problèmes. Les contrats sont sou-vent flous. L’utilisation de la terre suscite des conflitsentre les producteurs ou entre les villages.Autres répercussions : on détruit des biotopes na-turels et des surfaces boisées ; l’afflux d’argent atti-se la corruption ; de plus, « l’immigration croissan-te de main-d’œuvre chinoise en relation avec lecaoutchouc constitue un problème à ne pas sous-estimer », observe Peter Reckhaus, de l’agence decoopération allemande GTZ. Les maigres salairesdes fonctionnaires sont en soi un facteur de cor-ruption, fléau qui continue de jouer un rôle im-portant au Laos.

Migration intérieure – calamité ou progrès ? Par ailleurs, les plantations d’hévéas doivent êtreimplantées sur des terrains équipés en infrastruc-tures et il n’est pas rare qu’elles provoquent des déplacements de population. Or, les programmesgouvernementaux de réinstallation, bien qu’ils pro-mettent un avenir meilleur aux populationsconcernées, entrent fréquemment en conflit avecles priorités des organisations d’aide internatio-nales. Les projets de développement réalisés par cesdernières ont généralement pour principe de main-

tenir les minorités ethniques dans leur milieu d’ori-gine, afin de sauvegarder leurs coutumes et leurstraditions.Les sociologues Ian Baird et Bruce Shoemaker ontétudié cette problématique. Selon leurs conclu-sions, la plupart des déplacements n’ont pas lieu surune base volontaire – étant donné la nature poli-tique du régime communiste au pouvoir – et ilsengendrent une homogénéisation culturelle qui nefait qu’aggraver la pauvreté. L’anthropologue Holly High, spécialiste de l’Asiedu Sud-Est, rejette cette thèse qui repose, à ses yeux,sur un « romantisme de la pauvreté ». Elle a inter-rogé des membres de l’ethnie hmong, déplacés àVieng Say et dans les environs. Certes, ces gens luiont confirmé qu’ils n’avaient pas eu le choix entrepartir et rester. « Cependant, ils repoussent vivementet unanimement l’idée de retourner dans leurs an-ciens villages », affirme Holly High. La réinstalla-tion présente certains attraits, en particulier la pré-sence de routes, d’écoles et d’hôpitaux. En raisonde leur pauvreté, les personnes déplacées se senti-ront encore longtemps exclues de ce nouvel envi-ronnement, mais la transplantation leur apporteaussi l’espoir d’échapper à la misère. Selon HollyHigh, la quasi-totalité d’entre elles considèrent leur

République démocratique populaire lao

Population 6,7 millions d’habitantsCapitale VientianeSuperficie 236 800 km2

Secteurs d’activité 80% de la population travaille dans l’agriculture, 20% dans l’industrie et les services

Espérance de vie hommes : 54 ansfemmes : 58 ans

Royaume du Cambodge

Population 14,2 millions d’habitantsCapitale Phnom PenhSuperficie 181 040 km2

Secteurs d’activité 75% de la population travaille dans l’agriculture, 25% dans l’industrie et les services

Espérance de vie hommes : 60 ans femmes : 64 ans

République socialiste du Viêt-nam

Population 86,1 millions d’habitants Capitale HanoiSuperficie 329 560 km2

Secteurs d’activité 55% de la population travaille dans l’agriculture, 26% dans lesservices et 19% dans l’industrie

Espérance de vie hommes : 69 ansfemmes : 74 ans

Mer de Chine

Phnom Penh

Vientiane

Thaïlande

Mékong

Hanoi

Chine

Cambodge

Laos

Viêt-nam

Page 10: Eine Welt Un solo mondo - Federal Council › dam › deza › fr › documents › ... · Notre dossier sur la région du Mékong (à partir de la page 6) analyse les énormes défis

The

New

Yor

k Ti

mes

/Red

ux/l

aif

Naf

tali

Hilg

er/la

if

Mar

cel &

Eva

Mal

herb

e/la

ifC

hris

Sto

wer

s/P

anos

/Str

ates

Un seul monde No 3 / Septembre 200810

d’habitants et détruirait un riche patrimoine cul-turel. Celui-ci comprend par exemple des templestricentenaires, pour lesquels on cherche maintenantà obtenir la protection de l’Unesco. La vallée doitêtre inondée sur 110 km. Aux habitants des 28 vil-lages destinés à être engloutis, les Chinois ont of-fert des indemnités qui correspondent à un pourcent de l’investissement global. Chacune des 260familles concernées recevra du riz durant une an-née, ainsi que 75 tôles ondulées, des matériaux deconstruction (bois et ciment), un buffle et l’équi-valent de 1500 dollars en espèces. Mais ce barrage ne ferait pas que détruire les villages reculés de quelques minorités. Il boule-verserait complètement les structures commer-ciales de villages lü et lao qui ont fondé leur pros-périté depuis deux siècles sur le trafic fluvial. Lesmarchandises devraient être transportées non pluspar bateau, mais par camion et les bateliers per-draient leur source de revenus. En outre, le lac deretenue engloutirait d’innombrables écoles, dis-pensaires et systèmes d’adduction d’eau dont laconstruction a été financée par des œuvres d’en-traide européennes et des bailleurs de fonds, com-me l’Union européenne, la Banque mondiale et laBanque asiatique de développement.Toutes ces infrastructures avaient été réalisées pouraméliorer les conditions sanitaires et l’éducation dela population locale, des montagnards qui avaientdû se réinstaller le long du fleuve. « On peut ima-

migration comme une étape vers la modernité, carelles ont ainsi de meilleures chances d’envoyerleurs enfants à l’école et de trouver un emploi endehors de l’agriculture. « Les programmes de réins-tallation offrent un vaste champ d’interprétation,qui va du consensus à la contrainte. Mais ces gensveulent du changement plutôt que de rester sur pla-ce, figés dans leurs anciennes coutumes. »Holly High conseille aux organisations d’aide dene pas remonter le temps, de ne pas combattre parprincipe les transferts de population. Elle les invi-te plutôt à s’attaquer aux causes de la pauvreté etde l’inégalité, responsables des taux dramatique-ment élevés de morbidité, de mortalité et de mar-ginalisation parmi les populations déplacées. Selonl’anthropologue, la politique du gouvernementlaotien, que les agences internationales appellent « latragédie des déplacements », n’est pas la cause maisle symptôme de la pauvreté.

Du riz gratuit pendant une annéeD’autres efforts de modernisation, entrepris par leLaos, sont également source de conflit. C’est le casdes nombreux projets de barrages destinés à l’élec-trification du pays et à l’exportation de courant –contre devises – vers les pays voisins comme la Chi-ne, la Thaïlande ou le Viêt-nam. On discute depuisdes années du projet hydroélectrique Nam Tha 1sous conduite chinoise : la construction du barra-ge entraînerait le déplacement de plusieurs milliers

Le Mékong, une artèrevitaleLe Mékong va mal. Cefleuve de 4500 km, quiprend sa source dans les montagnes tibétaines,nourrit directement ou indirectement 100 millionsd’êtres humains. Dans lesannées record, on y apêché 1,3 million de ton-nes de poisson, quatre foisplus qu’en mer du Nord.Le Mékong ne fait pasqu’irriguer les champs deriz vietnamiens, c’est aussiune source d’énergie ainsiqu’une voie de transport et de commerce. La Chinea construit de nombreuxbarrages sur son courssupérieur. Le Laos avaitdes projets analogues,mais la surexploitation du fleuve réduit son débit à zéro sur de longues distances durant la saisonsèche ; et on a vu l’eau demer remonter jusqu’à 50km à l’intérieur des terres,menaçant la riziculture viet-namienne. La Commissiondu Mékong a lancé un crid’alarme : « Si l’exploitationdu fleuve continue ainsi,elle risque de causer desdégâts irréversibles auxforêts, à la biodiversité, austock de poissons et à laqualité des sols. » Le Laosa suspendu ses projets deconstruire 23 barrages surle Mékong, qui devaientfaire de lui « la centraleélectrique de l’Asie duSud-Est ».

Page 11: Eine Welt Un solo mondo - Federal Council › dam › deza › fr › documents › ... · Notre dossier sur la région du Mékong (à partir de la page 6) analyse les énormes défis

Mar

kus

Kirc

hges

sner

/lai

f

Un seul monde No 3 / Septembre 2008 11

L’ancienne Indochineattire les touristesLes Français appelaientIndochine leur territoire co-lonial qui englobait le Laos,le Cambodge et le Viêt-nam. Après une périodede régression causée parson isolement et par desguerres, la région a com-mencé à s’ouvrir dans lesannées 90. Les touristesont suscité chez ces popu-lations coupées du mondeun désir de changement et de progrès. Au Laos, letourisme est devenu laprincipale source de devi-ses, rapportant environ150 millions de dollars parannée. Le pays, visité par14 400 touristes seulementen 1990, prévoit d’en ac-cueillir 1,6 million en 2020.Cette industrie est égale-ment le secteur économi-que le plus dynamique duCambodge, qui enregistrepratiquement 1,5 milliond’entrées annuelles aujour-d’hui, contre 219 000 en1997. Le Viêt-nam, an-cienne puissance domi-nante de l’Indochine, sedétache nettement de sesvoisins, avec presque 4,2millions d’entrées par an.Mais ce grand pays pros-père reste méfiant à l’égard des étrangers : mal-gré des signes d’ouverture,il continue de maintenirces derniers à distanceavec des dispositions res-trictives en matière deséjour, d’investissement ou de droits de propriété.

Mékong

giner à quel point il est difficile pour ces gens de‘s’installer’ vraiment quand les investissements desdix dernières années dans leurs nouveaux villagessont jetés à la poubelle », relève l’ethnologue fran-çais Olivier Évrard.

Regard ambivalent sur le tourisme Malgré les interrogations que suscitent les à-coupsdu développement, on a vraiment l’impression queles choses vont de mieux en mieux à Luang Nam-tha. Véhicules à moteur, vélos, paraboles, maisonsaux toits métalliques, petits tracteurs et vêtementsmodernes constituent autant d’indicateurs visiblesd’une prospérité croissante.La situation s’améliore aussi au Viêt-nam et auCambodge, en particulier sur le plan de la santé grâ-ce à l’augmentation du personnel soignant et desdispensaires, même dans les zones reculées. Le per-sonnel est mieux formé, l’approvisionnement eneau plus efficace et les villages enfin dotés d’instal-lations sanitaires.La rénovation actuelle de l’aéroport de LuangNamtha, avec des pistes adaptées à de plus grosavions, apportera un nouvel élan à la région. Elles’ajoute à l’axe de communication Nord-Sud, àl’extension du réseau électrique et au succès descultures sous contrat. Ces facteurs combinés an-noncent de profonds bouleversements sociaux dansla province, qui n’affecteront pas seulement les mi-norités. Récemment, le gérant d’un petit hôtel

pour écotouristes a disparu dans des circonstancesmystérieuses ; selon les villageois, il avait fait cam-pagne contre les Chinois investissant dans les plan-tations de caoutchouc. Pour certains, cette affaireest typique de la paranoïa du régime communistequi redoute l’influence occidentale, surtout dans lesrégions reculées. Le magazine réputé Irrawaddy l’acommentée ainsi : « D’un côté, le Laos accueille letourisme pourvoyeur de devises ; de l’autre, il craintpour sa sécurité quand des touristes veulent ex-plorer le pays à leur guise. »Au Viêt-nam, les communistes font preuve depuislongtemps d’un pragmatisme prudent et ne por-tent plus l’étoile rouge que vis-à-vis de l’extérieur.En revanche, le Parti révolutionnaire populaire laobloque des réformes essentielles – notamment surle contrôle social strict qui fige le pays depuis l’ar-rivée au pouvoir des communistes en 1975.La disparition de l’hôtelier de Luang Namtha témoigne précisément des contradictions dans lesquelles le Laos se trouve empêtré sous ses vieuxdirigeants : le pays s’est coupé du reste du monde,mais ne veut pas le rester. Un difficile exerciced’équilibre. ■

*Daniel Kestenholz est le correspondant en Asie de divers médias, dont le quotidien allemand « Die Welt ».Il vit et travaille à Bangkok depuis 1994.

(De l’allemand)

Page 12: Eine Welt Un solo mondo - Federal Council › dam › deza › fr › documents › ... · Notre dossier sur la région du Mékong (à partir de la page 6) analyse les énormes défis

Rep

orte

rs/l

aif

Un seul monde No 3 / Septembre 200812

Un seul monde : Quelle influence les accordsbilatéraux ont-ils sur la problématique de lamigration ?Siriporn Skrobanek : Ils peuvent contribuer à ré-guler les flux migratoires, à encourager les entréeslégales dans un pays et à fournir aux migrants unemeilleure protection juridique. C’est ainsi qu’en2006 la Thaïlande et le Laos ont passé un accorddestiné à aider les victimes des passeurs : une per-sonne reconnue comme telle n’est pas punie et ellea droit à une assistance sociale jusqu’à ce qu’elleretourne dans son pays. Des conventions analoguessont actuellement discutées avec le Viêt-nam et laMalaisie.

Comment a-t-on réalisé ces progrès ?En Thaïlande, ce sont les organisations non gou-vernementales (ONG), plus particulièrement laFoundation for Women (FFW), qui ont ouvert lavoie. Depuis de nombreuses années, elles font untravail de lobbying et défendent les victimes des tra-fiquants et de l’immigration illégale. Des ONGthaïlandaises ont aussi participé très activement etavec succès aux efforts entrepris à l’échelle inter-nationale pour juguler ce fléau.

La traite des êtres humains reste pourtant unproblème aigu. Des incidents tragiques sur-viennent régulièrement lors des transports declandestins vers la Thaïlande. Récemmentencore, 54 Birmans – dont 36 femmes et unenfant – sont morts asphyxiés dans un ca-mion frigorifique. Comment empêcher detels drames ?Ces événements tragiques continueront de se pro-duire aussi longtemps que les problèmes fonda-mentaux du pays d’origine ne seront pas résolus etque les conditions de vie resteront aussi misérables.Cependant, les obstacles à l’entrée légale attirent lestrafiquants. Ainsi, l’accord bilatéral sur le travail en-tre la Thaïlande et le Myanmar est assorti de condi-tions politiques. L’une d’elles, posée récemment par

le gouvernement birman, exige que le candidat àl’émigration s’annonce auprès des autorités et ap-prouve la nouvelle Constitution avant d’obtenirl’autorisation de partir. Les accords officiels ne suf-fisent pas à protéger les victimes de la traite. LesONG doivent travailler ensemble, par exemplepour retrouver les familles des victimes ou com-battre l’exploitation des migrants. Bien entendu, ilest aussi nécessaire de coopérer avec les autoritésafin de rechercher les criminels, surtout lorsqueceux-ci font l’objet de poursuites judiciaires. Lacollaboration mise en place récemment avec desONG suscite l’espoir que les victimes de la traiteseront mieux protégées et les trafiquants poursui-vis plus efficacement. Mais soyons réalistes, le prin-cipal problème reste le suivant : souvent, on attrape

Première puissance économique de la région du Mékong, laThaïlande est un pôle d’attraction pour les pauvres des pays voisins. Hélas, les candidats à l’émigration sont souvent victimesde trafiquants. En dépit des accords bilatéraux qui visent à canaliser les flux migratoires, la Thaïlande compte environ troismillions d’immigrants illégaux – en majorité des femmes et desenfants. Siriporn Skrobanek se bat depuis des années contre latraite d’êtres humains. Entretien avec Fred Grimm*.

Combat quotidien contre la traitedes êtres humains

Siriporn Skrobanek vienten aide depuis plus de 25ans aux femmes et aux en-fants en situation difficile.Spécialiste des questionsde migration, elle est au-jourd’hui présidente de laFoundation for Women(FFW), à Bangkok, aprèsen avoir été durant 17 ansla secrétaire générale. Très engagée dans la luttecontre la traite des êtreshumains, elle a contribué à mettre sur pied l’Allianceglobale contre le trafic desfemmes (GAATW), un ré-seau mondial dont elle aété la coordinatrice pen-dant six ans. La FFWexerce des activités delobbying et intervient au-près des autorités pourdéfendre les droits desfemmes et des enfantsdéfavorisés. Elle soutientles victimes des trafiquants.Ses membres font régu-lièrement des visites aucentre de l’immigration deBangkok, où de nombreuxétrangers entrés clandesti-nement en Thaïlande at-tendent d’être expulsés.

Page 13: Eine Welt Un solo mondo - Federal Council › dam › deza › fr › documents › ... · Notre dossier sur la région du Mékong (à partir de la page 6) analyse les énormes défis

Bet

tina

Flitn

er/l

aif

Un seul monde No 3 / Septembre 2008 13

seulement le menu fretin et non pas ceux qui ti-rent les ficelles.

Les victimes de la migration illégale et de la traite sont très souvent des femmes et desenfants. Beaucoup de femmes sont-ellescontraintes de se prostituer ?Au début, la prostitution est souvent pour elles leseul moyen de gagner un peu d’argent avant detrouver du travail en fabrique, comme employéede maison ou dans un restaurant. Autrefois, beau-coup de femmes originaires des régions pauvres dela Thaïlande tombaient dans les filets des trafi-

quants. La situation a changé depuis que la légis-lation thaïlandaise a été améliorée. Mais l’industriedu sexe a constamment besoin de nouvelles vic-times. Elle est actuellement alimentée par unnombre croissant de femmes et d’enfants en pro-venance du Myanmar, du Laos et de la provincechinoise du Yunnan.

L’industrie du sexe a pris une dimension ré-gionale. Quelles possibilités voyez-vous decombattre cette forme spécifique de traitedes êtres humains ? La société civile thaïlandaise – en particulier desONG comme la FFW – a attiré l’attention del’opinion publique sur ce grave problème il y a 20ans déjà. Elle a ainsi exercé une pression sur les au-torités, leur demandant de mieux protéger lesjeunes femmes et les enfants des régions pauvres

(le nord et le nord-est du pays), qui étaient alorsrecrutés par l’industrie du sexe à Bangkok. En1984, nous avons mené une campagne contre laprostitution enfantine. Les lois qui en sont résul-tées ont aidé à combattre ce problème. Il faudraitdonc que la société civile du Myanmar, du Laos oude la Chine s’attelle aussi à ce problème. Mais jeme rends bien compte que c’est très difficile dansdes pays où la société civile est quasiment inexis-tante et où la prostitution est souvent un sujet tabou.

Par quels moyens est-il possible de com-battre la migration illégale et la traite des

Mékong

êtres humains dans les pays d’origine ? Quelrôle peut jouer à cet égard la coopération audéveloppement ?J’ai rédigé pour la DDC un rapport (ndlr : voir texte en marge) dans lequel je propose d’identifierles groupes « marginalisés ». Ceux-ci appartiennentsouvent à des minorités ethniques – des popula-tions très pauvres, peu éduquées et qui n’ont guè-re accès aux soins de santé. Il serait bon de lancerun projet pilote qui aborderait les différents aspectsde cette problématique et créerait les moyens demener une vie décente sur place. ■

(De l’anglais)

*Fred Grimm, journaliste indépendant, est basé à Bangkok. Il travaille pour différents médias.

Étude sur la traite desêtres humains au LaosÀ la demande de la DDC,Siriporn Skrobanek a réa-lisé une étude sur la traitedes êtres humains, surtoutdes femmes et des en-fants, au Laos. Elle y pré-sente des propositionsquant à la manière dont la DDC pourrait soutenir – par de l’assistance tech-nique et des projets con-crets – la lutte des auto-rités laotiennes contre latraite des êtres humains. Il apparaît évident que laréglementation nationaledoit être améliorée, notam-ment le droit pénal ainsique la loi sur la protectionet l’émancipation des fem-mes. Mme Skrobanek pro-pose également d’identifierles régions dont les habi-tants sont particulièrementaffectés par le phénomènede la migration. Il s’agiranon seulement d’y faire untravail d’information, maisaussi de réaliser des pro-jets de développementdestinés à améliorer lesconditions de vie. Enfin, ilimporte de mieux protégeret soutenir les personnesqui rentrent au pays. Celapasse, par exemple, par l’organisation de cours d’initiation au travail social.La DDC prévoit de s’enga-ger dans ce domaine enAsie du Sud-Est.

Page 14: Eine Welt Un solo mondo - Federal Council › dam › deza › fr › documents › ... · Notre dossier sur la région du Mékong (à partir de la page 6) analyse les énormes défis

Naf

tali

Hilg

er/l

aif

Un seul monde No 3 / Septembre 200814

Le doux bruissement des bambous balancés par levent est porteur d’espoir pour des centaines de mil-liers de petits producteurs dans le bassin du Mé-kong. Quand des marchands viennent s’approvi-sionner dans les villages, les cultivateurs ont enfinla possibilité de regarnir leur bourse et, peut-être,d’entrer pour la première fois dans le circuit éco-nomique. Un projet de Prosperity Initiative – pro-gramme mis sur pied par l’œuvre d’entraide inter-nationale Oxfam – va contribuer à améliorer leurbien-être. « Dans les dix années à venir, entre 1 et1,5 million d’habitants de la région devraientéchapper à la pauvreté grâce à la promotion dubambou », affirme Barbara Jäggi Hasler, chargée deprogramme à la DDC.

Produits diversifiés pour le marché internationalJusqu’à présent, l’exploitation des forêts de bam-bous au Viêt-nam, au Cambodge et au Laos se li-mitait à un nombre restreint de produits, princi-palement des meubles, des corbeilles, des baguettesou des pousses destinées à l’alimentation. Il s’agitmaintenant de diversifier la production et de fa-

briquer des marchandises plus rentables pour lemarché international.Au cours de la phase pilote du projet, réalisée dès2004 dans la province vietnamienne de ThanhHoa, les experts ont constaté que le simple fait derenoncer aux produits de papeterie pour fabriquerdes revêtements de sol a considérablement accrules revenus : « Exprimée en chiffres, cette produc-tion s’est avéré cinq fois plus efficace que la pape-terie en termes de lutte contre la pauvreté », ex-plique Nigel Smith, responsable de Prosperity Ini-tiative (PI). La réduction de la pauvreté est bienl’objectif principal de ce projet cofinancé par laDDC.Il s’agit d’optimiser le secteur du bambou par desinterventions ciblées sur toute la chaîne de valeurajoutée et de contribuer à l’industrialisation deszones rurales. PI a effectué une analyse du marché,qui prend en compte les différentes étapes de lachaîne. Les résultats prédisent à cette filière un im-portant potentiel de croissance.

Le modèle chinois Afin d’analyser ce potentiel et de planifier judi-

La révolution de bambou

La Suisse et le bassindu MékongÉlaborée conjointementpar le SECO et la DDC, la stratégie suisse de co-opération 2007-2011 dansla région du Mékong en-globe quatre pays : Laos,Viêt-nam, Cambodge etMyanmar. Ses prioritéssont la bonne gouver-nance, le développementéconomique, l’améliorationdes conditions de vie dansles zones rurales et la ges-tion durable des res-sources naturelles. L’aidesuisse se chiffre à 38 mil-lions de francs par année,dont 30 millions viennentde la DDC et 8 millions duSECO. Les quatre États du bassin du Mékong fontpartie de l’Association desnations de l’Asie du Sud-Est. Ce sont les membresles plus pauvres de ce re-groupement économiquerégional. Leurs pointscommuns sont d’ailleursnombreux : ces pays secaractérisent par des ré-gimes socialistes fortementcentralisés qui gouvernentune société plutôt hétéro-gène, parsemée de minori-tés ethniques. De plus,une part considérable deleur population vit dansdes régions de montagnesouvent d’accès difficile.

Le bambou recèle un immense potentiel pour les petits paysanset l’industrie dans le bassin du Mékong. Cette tige à croissan-ce rapide est en effet un substitut idéal du bois. Utilisée judi-cieusement, elle peut contribuer de façon déterminante à la lut-te contre la pauvreté. Un vaste projet de promotion du bamboucommence à porter ses fruits. De Maria Roselli.

Page 15: Eine Welt Un solo mondo - Federal Council › dam › deza › fr › documents › ... · Notre dossier sur la région du Mékong (à partir de la page 6) analyse les énormes défis

Der

mot

Tat

low

/lai

f

Un seul monde No 3 / Septembre 2008 15

Mékong

cieusement les interventions, les experts ont faitune comparaison avec le même secteur en Chine.Dans le puissant pays voisin, l’industrie du bambouest en constante progression depuis le début des an-nées 90. Elle occupe aujourd’hui le premier rangà l’échelle mondiale. La modernisation de l’indus-trie chinoise et le boom de la construction lié à lahaute conjoncture ont eu pour effet de diversifieret d’accroître considérablement la production debambou : ce matériau sert à réaliser des échafau-dages, des revêtements de sol, des cloisons inté-rieures, parfois même des maisons entières.« De nouvelles méthodes de transformation font dubambou un substitut idéal du bois et nous en pro-fitons, car la demande de bois augmente sans cessealors que la production va en diminuant », relèveNigel Smith. Le bambou présente plusieurs avan-tages par rapport au bois. Par exemple, il pousse trèsvite et demande peu de soins. Comme la régiondu Mékong est riche en forêts de bambous, les pe-tits paysans ont toujours misé sur cette plante, maisjusqu’ici, ils l’exploitaient de manière peu profes-sionnelle. En outre, ils dépendaient des marchandsqui pouvaient faire pression sur les prix en raisonde la faible demande.

Moins de déchets, plus de profits« Nous avons remarqué que dans la filière de pro-duction chinoise, plus rentable, les paysans ne ven-dent pas leur récolte directement aux fabricants,mais à un centre de traitement », explique NigelSmith. Cette étape intermédiaire est déterminan-te pour l’optimisation du secteur, car elle permet

d’élever sensiblement le niveau de rendement. Celatient à la nature même du bambou, dont seules cer-taines parties conviennent pour un produit don-né.L’industrie – notamment celle du meuble – utiliseuniquement la partie résistante de la plante. Aupa-ravant, les paysans vietnamiens vendaient leur pro-duction directement aux industriels. Mais les fa-bricants de meubles, par exemple, ne peuvent rienfaire avec la pointe du bambou, qui n’est pas assezrobuste. Comme ils jetaient simplement les partiesinutilisées de la canne, des montagnes de déchetss’accumulaient.Oxfam estime qu’environ la moitié des bambousrécoltés par les petits paysans du Mékong finissaientjusqu’ici au rebut. En Chine, par contre, où l’onutilise la plante de manière plus efficace, cette pro-portion n’est que de cinq à dix pour cent. C’estpourquoi l’on a créé des centres de traitement dansla région du Mékong, qui coupent et trient lesbambous mécaniquement, selon les différents be-soins de l’industrie.Cette optimisation de la production n’est qu’unexemple de la manière dont le projet opère aux différents niveaux de la chaîne de valeur ajoutée.Nigel Smith porte déjà son regard au-delà des bam-bous : « Nous sommes en train d’examiner si unepromotion des secteurs du thé et du tourisme au-rait des vertus analogues en matière de lutte contrela pauvreté. » ■

(De l’allemand)

Page 16: Eine Welt Un solo mondo - Federal Council › dam › deza › fr › documents › ... · Notre dossier sur la région du Mékong (à partir de la page 6) analyse les énormes défis

Thom

as G

rabk

a/la

ifTh

omas

Gra

bka/

laif

Thom

as G

rabk

a/la

if

Le Kirghizistan traverse une période de turbulences, qui a dé-buté bien avant la Révolution des tulipes du printemps 2005.Ce pays pluriethnique d’Asie centrale se débat pour venir à boutde son héritage soviétique. Nombre d’habitants ne vivent quede petits boulots. D’autres émigrent. Pour ceux qui tentent deconstruire leur avenir sur place, le parcours est semé d’em-bûches. De Marcus Bensmann*.

Il y a quelques années, cette ancienne fabrique aucentre de Bichkek, la capitale kirghize, était jon-chée de débris et les courants d’air s’engouffraientpar les fenêtres brisées. De son côté, Ravil Bou-kharov, un Tatar de 38 ans, en avait assez de galérerd’un petit boulot à l’autre et rêvait d’exercer unvéritable métier. Comme on ne trouve pas d’em-ploi dans ce pays situé au pied du massif du TienShan, il a décidé de s’en créer un. Au printemps2005, il a empoigné un balai et s’est mis à nettoyerles halles de la fabrique désaffectée. Quelques se-maines plus tard, la Révolution des tulipes chassaitle régime du président Askar Akaïev pour le rem-placer par un autre.

Cette rocade à la tête de l’État a déclenché une cri-se politique interminable : les gouvernements et lespremiers ministres se sont succédé, parfois àquelques semaines d’intervalle, tandis que les ma-nifestations et les émeutes maintenaient le pays enébullition. Ravil Boukharov s’est trouvé mêlé, bienmalgré lui, à ces remous politiques qui ne cessentde mettre à l’épreuve son esprit d’initiative. Pen-dant que son pays sombrait dans le chaos, il a ré-aménagé les ateliers vides. Il y a installé une petitefabrique, qui produit des bandes de gaze.

Des machines recyclées en Chine Autrefois, cette fabrique servait à l’assemblage de

Un entrepreneur au milieu du chaos

Un seul monde No 3 / Septembre 200816

HO

RI

ZO

NS

Page 17: Eine Welt Un solo mondo - Federal Council › dam › deza › fr › documents › ... · Notre dossier sur la région du Mékong (à partir de la page 6) analyse les énormes défis

Thom

as G

rabk

a/la

ifJe

had

Nga

/The

New

York

Tim

es/R

edux

/laif

Un seul monde No 3 / Septembre 2008 17

Il leur fallait un logis et de l’argent pour vivre. Tousles membres de la famille cherchaient donc déses-pérément du travail. Les femmes se sont engagéesdans des usines textiles, mais sans recevoir de salai-re. Pour être payées, elles devaient vendre dans larue les vêtements qu’elles fabriquaient.

Du taxi aux bandes de gazeDans les États d’Asie centrale, faire du commerceest devenu le seul moyen de gagner un peu d’ar-gent. Pendant quelque temps, Ravil a servi dechauffeur à un banquier russe, mais la banque a faitfaillite et le Russe a disparu sans lui verser les ar-riérés de salaire.Sur ce, Ravil a décidé d’aller acheter une voitureen Allemagne. Ayant rassemblé l’argent nécessaireavec quelques amis, il s’est rendu dans la Ruhr, unterritoire où d’imposantes usines sont désaffec-tées… tout comme dans son pays. Dans un mar-ché de voitures d’occasion, il a acheté une Volks-wagen. Puis il a parcouru les 6000 kilomètres duretour à travers la Russie et la steppe, versant aupassage des pots-de-vin à des fonctionnaires cor-rompus, pour finalement arriver à Bichkek au boutde huit jours. Ravil a revendu son véhicule en fai-sant un bénéfice d’à peine 400 dollars, après avoirtraversé presque la moitié de la planète.Cette fois, le Tatar en a eu assez de ces petits bou-lots qui fournissent de quoi subsister pendant unou deux jours, mais pas au-delà. « Il me faut quelquechose de plus fiable, un travail qui ait de l’avenir »,s’est-il dit.

machines. Après le démantèlement de l’Union so-viétique en 1991, les produits industriels du Kir-ghizistan n’ont plus trouvé preneur. Dans un pre-mier temps, la direction a suspendu le versementdes salaires, puis elle a licencié les ouvriers. Nombred’entre eux ont émigré en Russie ou en Allemagne.Ceux qui sont restés sur place ont fini par s’en sor-tir tant bien que mal avec des petits boulots occa-sionnels.Durant les premières années de l’indépendance,personne ne s’est préoccupé des machines et desoutils qui rouillaient dans les halles de la fabrique.Par la suite, des marchands ambulants ont chargécette ferraille sur des véhicules branlants qui ontpris la destination de la Chine, après avoir franchiles cols du Tien Shan. La désindustrialisation de cet-te petite république, l’une des plus pauvres d’Asiecentrale, a ainsi contribué à satisfaire l’énorme ap-pétit de son puissant voisin oriental pour les ma-tières premières. Lorsque l’Union soviétique s’est effondrée, Ravilvivait avec sa famille dans le sud du Kirghizistan,près du barrage de Toktogul. Le Tatar, dont lesgrands-parents ont été déportés en Asie centralesous Staline, a déménagé à Bichkek au début desannées 90.Son premier travail a consisté à conduire un taxiprivé : il sillonnait la ville en quête de clients, qu’ilemmenait à destination pour l’équivalent d’unfranc suisse. Cependant, l’argent ainsi gagné ne suf-fisait pas. Ravil Boukharov était venu dans la capi-tale avec sa mère, ses beaux-frères, ses cousins, etc.

Kirghizistan

Kirghizistan

Kazakhstan

Bichkek

Ouzbékistan

Tadjikistan

Afghanistan Pakistan

Chine

Page 18: Eine Welt Un solo mondo - Federal Council › dam › deza › fr › documents › ... · Notre dossier sur la région du Mékong (à partir de la page 6) analyse les énormes défis

Car

olyn

Dra

ke/P

anos

/Str

ates

Un seul monde No 3 / Septembre 200818

vous, Ravil Boukharov s’est rendu au palais du gou-vernement, mais beaucoup d’autres l’avaient pré-cédé : des manifestants réclamaient à tue-tête le dé-part du premier ministre ou du président. Après laRévolution des tulipes, au printemps 2005, le motketzen (va-t’en !) est devenu le plus usité au Kir-ghizistan. Un jour, on voyait les parlementaires des-cendre dans la rue, le lendemain, c’était au tour desmineurs, des bandits ou d’une nouvelle allianced’opposition. L’avenir politique du pays se faisait etse défaisait à la tribune des rassemblements.Ravil Boukharov et sa petite entreprise ne figu-raient pas sur la liste des priorités gouvernemen-tales. Mais le Tatar, animé d’une volonté de fer, aréussi en décembre 2006 à se frayer un chemin jus-qu’à l’antichambre de Félix Koulov. Dans unelettre, le premier ministre lui a assuré qu’il pour-rait garder les ateliers désaffectés. Hélas, ce succèsa été de courte durée : quelques semaines plus tard,Félix Koulov a été démis de ses fonctions et sa lettrea perdu toute valeur.Les dix ouvrières produisent aujourd’hui encoredes bandes de gaze, qui sont livrées aux hôpitauxet aux pharmacies. Las de tous ces tracas, RavilBoukharov ne sait toutefois pas s’il pourra sauverson entreprise. Le carnet de commandes est plein,mais la cupidité des fonctionnaires est sans bornes. ■

Marcus Bensmann, journaliste libre, travaille depuis1995 en Asie centrale, notamment pour la « Neue Zür-cher Zeitung » et des médias allemands. Il est basé à Almaty, capitale du Kazakhstan, et fait partie du réseauwww.weltreporter.net.

(De l’allemand)

Avec sa nouvelle épouse Gulbahor, il a arpenté lesrues et les bazars de la capitale kirghize, afin d’iden-tifier ce dont les gens avaient besoin et que tousdeux pourraient fabriquer. Le couple a fini parmettre le doigt sur le bon produit : quelle que soitla situation économique, on doit panser des plaies ;les hôpitaux et les pharmacies ont donc besoin debandes de gaze ; or, faute de production nationale,toutes celles qui se vendaient alors au Kirghizistanétaient importées.Après avoir acquis les connaissances nécessaires,Ravil Boukharov a bricolé des machines destinéesà découper, stériliser et conditionner le coton.Ayant obtenu l’autorisation d’occuper l’anciennefabrique, il a dressé des cloisons, installé des four-neaux et commencé à produire. Les hôpitaux et lespharmacies se sont rués sur ces bandes de gaze bonmarché, commandant sans cesse de nouveaux pro-duits. Le Tatar a engagé dix femmes qui emballent,jour après jour, la marchandise.

Des fonctionnaires flairent le filon En grandissant, l’entreprise a donné une nouvellevie aux ateliers, ce qui n’a pas manqué d’attirer lesserviteurs de l’État. Si quelqu’un se met à gagnerde l’argent au Kirghizistan, ceux-ci veulent aussien profiter. Les visites se sont succédé : les fonc-tionnaires ont remis en question le contrat de lo-cation, contrôlé l’assurance-incendie, etc. RavilBoukharov ne pouvait plus se contenter de gérerson entreprise, mais devait aussi la défendre.Le jeune entrepreneur a écrit des suppliques. Puisil a cherché à entrer en contact avec le premier mi-nistre Félix Koulov, pour lui parler de sa fabriqueet lui dire que l’État devrait soutenir son projet aulieu de l’anéantir. Souhaitant obtenir un rendez-

L’histoire récenteLes protestations susci-tées par les élections defévrier 2005 au Kirghizistanont d’abord paru anodines.En mars, les manifestantssont toutefois parvenus àprendre le contrôle deJalal-Abad et Och, villesdu sud du pays. Leur suc-cès a miné le régime duprésident Askar Akaïev, qui s’est enfui à Moscou.Kourmanbek Bakiev etFélix Koulov se sont alorspartagé le pouvoir. En été 2005, une élection aconfirmé Bakiev au postede président par 90% desvoix. L’opposition a réunises forces pour combattrele nouveau pouvoir. Desmeurtres ont secoué lepays. En novembre 2006,une marche de protestationa obligé le président à signer une nouvelle Consti-tution qui faisait du Kirghi-zistan une démocratie parlementaire. Un moisplus tard, Bakiev en a toutefois modifié le contenuet a limogé le premier ministre Félix Koulov. Cedernier a pris la tête del’opposition contre le prési-dent, mais ses efforts ontéchoué au printemps 2007.Les élections parlemen-taires de novembre 2007ont donné la victoire à l’AkSchol, le parti de Bakiev.

Page 19: Eine Welt Un solo mondo - Federal Council › dam › deza › fr › documents › ... · Notre dossier sur la région du Mékong (à partir de la page 6) analyse les énormes défis

Thom

as G

rabk

a/la

if

Un seul monde No 3 / Septembre 2008 19

(bf ) Les ex-républiques soviétiques d’Asie centra-le sont le Kirghizistan, l’Ouzbékistan, le Tadjikis-tan, le Turkménistan et le Kazakhstan. Active dansla région depuis le début des années 90, la Suissea notamment contribué à faire admettre ces pays(à l’exception du Kazakhstan) au sein des institu-tions financières internationales : Fonds monétai-re international, Banque mondiale et Banque eu-ropéenne pour la reconstruction et le développe-ment.Aujourd’hui, la Suisse coopère surtout avec le Kirghizistan et le Tadjikistan ainsi que, dans unemoindre mesure, avec l’Ouzbékistan. Si chaqueÉtat a suivi sa propre voie vers l’indépendanceaprès l’effondrement du régime soviétique, les spé-cificités géographiques influent sur le développe-ment de toute la région : en particulier, la gestionde l’eau et l’agriculture de ces pays sont fortementimbriquées, étant donné qu’ils partagent troisgrands fleuves. Voilà pourquoi la coopération de laDDC et du SECO s’inscrit dans un programmerégional, qui comprend aussi bien des projets bi-latéraux que communs aux trois pays. Le budget de ce programme se monte à 37 mil-lions de francs en 2008, dont 20,5 millions pro-viennent de la DDC et 16,5 millions du SECO.Sur le plan thématique, la stratégie de coopération,qui porte jusqu’en 2010, fixe cinq domaines prio-ritaires. Dans chacun d’eux, des projets sont encours.

Gestion de l’eau et réduction des risques decatastrophe – Divers projets (dont l’un porte surla gestion intégrée des ressources en eau) visent àassurer aux paysans un accès équitable à l’eau d’ir-rigation. Ils contribuent non seulement à amélio-rer la productivité agricole, mais aussi à prévenirles conflits. La région étant régulièrement frappéepar des catastrophes naturelles (tremblements deterre, avalanches et inondations), la préventionjoue un rôle essentiel. L’aide humanitaire de laDDC appuie des projets dans ce domaine ainsi quedes activités ayant pour but de préparer la popu-lation à des événements environnementaux in-évitables.

Santé – La coopération soutient les réformes dusystème de santé, pour que l’ensemble de la po-pulation puisse avoir accès à des prestations médi-cales de bonne qualité.

Institutions et services publics – Le program-me met l’accent sur la protection des droits civilset économiques (ainsi, un service de consultationjuridique garantit l’accès de la population rurale àla justice). Il appuie dans ce sens la société civile

et les autorités. Par la même occasion, cette aidevise à accroître la transparence et l’efficacité desprestations publiques destinées à la population.

Infrastructures de base – Dans ce domaine, onfavorise une gestion durable et économe de l’eaupotable (adduction d’eau dans les zones rurales eturbaines) et de l’énergie (centrales hydroélec-triques), ainsi que la remise en état d’infrastruc-tures endommagées.

Développement du secteur privé – Cet axed’activités, qui relève exclusivement du SECO,soutient le secteur privé, en particulier les petiteset moyennes entreprises. Le programme encoura-ge la production et la commercialisation de cotonbiologique. Parallèlement, il vise à promouvoir lecommerce et le secteur bancaire.

Par ailleurs, un projet se réalise depuis 1998 au Kir-ghizistan, au Tadjikistan et en Ouzbékistan dans ledomaine de l’art et de la culture. Soutenantla création artistique en Asie centrale – de la fa-brication d’instruments traditionnels à l’artisanaten passant par le théâtre –, il sert à promouvoir nonseulement la diversité culturelle, mais aussi la co-hésion de ces jeunes nations qui réunissent unemyriade de groupes ethniques. ■

Le Kirghizistan et la SuisseInterdépendances régionales et coopération

Kirghizistan

Un pays pluriethniqueLe territoire du Kirghizistan,pays d’Asie centrale voisinde la Chine, est dominépar le massif du Tien Shanet les contreforts du Pamir.Près de 5 millions d’habi-tants vivent sur ce territoirede 200 000 kilomètrescarrés. Mais les chiffres officiels sont à considéreravec prudence, car desmilliers de personnes par-tent s’engager sur leschantiers du Kazakhstanou de Russie. On estimeque plus d’un demi-millionde citoyens kirghizes viventà l’étranger. Le Kirghizistanregroupe de nombreusesethnies. Aux côtés desKirghizes, majoritaires, ontrouve des Ouzbeks, desRusses, des Allemands,des Tatars, des Ukrainiens,des Dounganes et biend’autres groupes. Plus de75% des habitants sont de confession musulmane.Quant au paysage poli-tique, il a de tout tempsété marqué par la rivalitéentre les clans kirghizes du nord et ceux du sud, unclivage qui détermine lesaffrontements politiquesdans le pays. Le produit in-térieur brut avoisine 1600francs par personne et paran. La dette nationaledépasse 2 milliards defrancs.

Page 20: Eine Welt Un solo mondo - Federal Council › dam › deza › fr › documents › ... · Notre dossier sur la région du Mékong (à partir de la page 6) analyse les énormes défis

Arif

Asc

i/TC

S/la

if

Un seul monde No 3 / Septembre 200820

Shaarbek Amankul dirigele Centre d’art de Bichkek,au Kirghizistan, tout enpoursuivant ses activitésd’artiste indépendant.Membre de l’Associationdes artistes kirghizes et del’Académie internationalede la céramique, basée àGenève, il a tissé un vasteréseau de contacts au niveau international.Shaarbek Amankul parti-cipe à divers séminaires etprogrammes de formationdans le monde entier. Ilprend part également à denombreux symposiums etexpositions, dont il assumeparfois la direction, en Asiecentrale, en Europe et auxÉtats-Unis.

Ce qui compte, c’est la reconnaissance

Kirghizistan

Les profonds bouleversements, économiques etautres, qui ont marqué l’histoire du Kirghizistan cesquinze dernières années ont des effets dramatiquessur tous les artistes. En un rien de temps, ils nousont privés de nos moyens d’existence. Soudain,notre avenir est devenu totalement incertain.Certes, nous avions gagné la liberté en contrepar-tie. C’était là un élément positif. Je l’ai moi aussiapprécié pendant quelque temps. Mais ma joie étaitconstamment ternie par la nécessité de gagnermon pain quotidien. Pour moi, la plus grande deslibertés a été l’ouverture des frontières. J’ai com-mencé à voyager et à créer, même en dehors del’ex-Union soviétique. L’accès à de nouvelles in-formations et l’intérêt pour d’autres pays m’ont ou-vert des possibilités jusqu’alors insoupçonnées :n’étant plus tenu à l’écart, je pouvais redécouvrirle monde par moi-même.

Avant l’avènement du socialisme, les Kirghizes for-maient un peuple nomade et libre d’Asie centra-le, qui possédait sa propre culture. J’ai repris des élé-ments de ce patrimoine d’abord dans mes sculp-tures et autres objets, puis, plus tard, dans mesinstallations, vidéos et performances. Il est essen-tiel pour moi d’essayer de relier l’héritage cultureldu passé aux événements actuels et à la vie que nousmenons aujourd’hui. Cette démarche est à la basede mes expériences. En même temps, l’ouvertureprogressive de l’art relègue la question des originesà l’arrière-plan. Car ce qui compte, pour l’artistemais aussi pour chaque être humain, c’est de savoiroù il trouve de la reconnaissance, où et comment

il peut réaliser quelque chose maintenant. Person-nellement, le lieu de travail m’importe peu. J’em-mène toujours mon monde intérieur avec moi, desorte que je me sens partout chez moi. Cette fa-culté me vient peut-être aussi de mes ancêtres no-mades.

À l’instar de toute la culture postsoviétique, les artsvisuels du Kirghizistan sont aujourd’hui en quêtede leur identité nationale et culturelle. Ils suiventles divers courants de la « nouvelle société » – tra-ditionnel, novateur, nostalgique de l’ère soviétique,etc. – qui mêlent les traditions nationales aux va-leurs occidentales, en y ajoutant une pointe d’es-prit révolutionnaire. C’est là un processus long etcomplexe qui cherche à accomplir plusieurs tâchesà la fois : on estime en effet qu’il est nécessaire d’unepart de préserver les traditions culturelles et d’autrepart de s’ouvrir au reste du monde. D’un côté, il ya l’art mondial avec toute sa diversité, de l’autre, lebesoin de créer son propre univers, de trouver unmodèle créatif qui lui correspond, de rechercherune forme d’expression assez précise pour saisir uneproblématique encore naissante. Les tâches impo-sées par l’actualité exigent un changement profondet radical des mentalités. Une foule de raisons nousy invitent : la perte de repères sociaux et spirituels,l’effritement des valeurs humaines, le manque desuccès, etc. Au lieu d’entreprendre cette mutation,la société reste cependant dominée par l’insécurité,la peur, l’absence de perspectives, la dérive sociale,la colère, l’agressivité et le mal-être spirituel.

Depuis quelque temps, j’ai souvent l’occasion deme rendre en Europe ou aux États-Unis et de tra-vailler avec des artistes de différents pays, qui s’in-téressent à notre culture. Cette confrontation depoints de vue et de bagages culturels variés amé-liore la compréhension mutuelle, même si chacunreste différent de l’autre, pense et vit à sa manière,et poursuit la route qu’il s’est choisie. Rencontrerd’autres artistes m’aide souvent à clarifier mes idéeset à les mettre à l’épreuve. Après avoir entendu di-vers avis, notamment ceux de personnes apparte-nant à d’autres cultures, je parviens plus rapidementà cerner ce qui est essentiel, fondamental, ce quiconcerne toute l’humanité. ■

(Traduit du russe)

Page 21: Eine Welt Un solo mondo - Federal Council › dam › deza › fr › documents › ... · Notre dossier sur la région du Mékong (à partir de la page 6) analyse les énormes défis

Un seul monde No 3 / Septembre 2008 21

Je suis arrivé début mai à la tête de la DDC. De-puis lors, il ne s’est pratiquement pas passé un seuljour sans que je fasse des rencontres et des décou-vertes passionnantes, ou que je participe à deséchanges captivants. La tâche de directeur est aussifascinante que je l’imaginais.

Presque au moment même où j’entrais en fonc-tion, le Parlement entamait son débat sur la nou-velle stratégie unique en matière de coopérationau développement et sur le nouveau crédit-cadre.Pour la première fois, la DDC et le SECO vontappliquer les mêmes lignes directrices.

Les priorités stratégiques de la coopération sontsimples à résumer : réduction de la pauvreté, pro-motion de la sécurité humaine, diminution desrisques sécuritaires et instauration d’une mondia-lisation propice au développement.

Élaborer et présenter une stratégie n’est pas ce qu’ily a de plus difficile. Le véritable défi consiste à lamettre en œuvre et à obtenir des résultats concretsau profit des pays partenaires et, surtout, de chacunde leurs habitants. C’est dans ce but qu’une réor-ganisation en profondeur de la DDC a été entre-prise.

Réuni avant la pause estivale, le Conseil nationalnous a adressé un signe positif en adoptant sans op-position les objets qui lui étaient soumis. Son ap-probation est une incitation à être encore meilleurslà où nous faisions déjà du bon travail. Je me ré-jouis de relever ce défi.

Le thème de ce numéro d’Un seul monde me rap-pelle l’époque où je me rendais souvent dans la ré-gion du Mékong en tant que directeur du Centre

international de déminage humanitaire, à Genève.Mon titre d’ambassadeur ne m’empêchait pas devoyager sac au dos et muni d’une bouteille d’eau,ni d’arpenter un champ de mines sous une chaleurtorride, harnaché de l’équipement du démineur.

Plus que tout autre pays du monde, le Laos, le Cambodge et le Viêt-nam restent marqués par lesguerres qu’ils ont traversées. Les mines et les mu-nitions non explosées parsèment le paysage com-me des cicatrices. Mais ces conflits ont aussi laissédes traces dans les esprits et dans les mémoires. Ilscontinuent d’entraver le développement écono-mique et social dans les zones rurales.

Heureusement, les choses commencent à changer.Les premiers succès de la lutte contre la pauvretéet des réformes économiques ont amorcé la trans-formation de la région. De nouvelles formes decollaboration sont en train d’apparaître. Et la coopération suisse au développement contribue àcette évolution. ■

Martin Dahinden Directeur de la DDC

(De l’allemand)

Des résultats concrets au profit des pauvres

Opinion DDC

DD

C

Page 22: Eine Welt Un solo mondo - Federal Council › dam › deza › fr › documents › ... · Notre dossier sur la région du Mékong (à partir de la page 6) analyse les énormes défis

Miry

am G

raf (

3)

Un seul monde No 3 / Septembre 200822

Jemara se niche à 25 kilomètres de Pali, dans unerégion vallonnée et boisée du nord de l’État in-dien du Chhattisgarh. Bien que le village ne soitpas raccordé au réseau public, ses 617 habitants ontl’électricité. La production locale suffit pour ali-menter nonante ménages, l’éclairage public etl’école. Le courant est produit à l’aide d’un gazo-gène : dans cette installation, du bois brûle si len-tement qu’il produit un gaz ; une fois nettoyé, ce-lui-ci est injecté dans un moteur qui actionne la génératrice. « Ce système recèle un immense po-tentiel. À Jemara, il fonctionne depuis trois ans.Mais on peut encore l’améliorer. Nous poursuivonsdonc nos recherches », indique Jean-Bernard Du-bois, responsable du Programme environnementalglobal à la DDC.

Des énergies propres et bon marchéOutre le gazogène, la DDC teste avec ses parte-naires indiens plusieurs autres technologies baséessur des énergies renouvelables. L’objectif consisteà fournir à la population rurale une énergie dontle coût soit abordable et qui respecte l’environne-ment. « Le changement climatique et l’énergie sontétroitement liés à la pauvreté. Dans ces domaines,

les populations défavorisées ont plus que jamais be-soin de notre appui. Il n’y a pas de développementsans accès à l’énergie. Cependant, celle-ci ne doitpas polluer davantage l’environnement, alors quele climat est déjà perturbé », explique ChristophGraf, chef de la section Asie du Sud à la DDC. Depuis les années 90, la Suisse aide donc l’Inde àdévelopper des technologies respectueuses de l’en-vironnement. Elle collabore par exemple avec TheEnergy and Resources Institute (Teri), dont le di-recteur Rajendra K. Pachauri a reçu le prix Nobelde la paix en 2007 en tant que président du Grou-pe international d’experts sur l’évolution du cli-mat. Avec l’appui de la Suisse, le Teri et l’organisa-tion non gouvernementale Development Alter-native ont conçu divers programmes ayant trait àl’énergie. Plus de cent PME (fonderies, briquete-ries, verreries) ont adopté des technologies effi-cientes sur le plan énergétique. Dans les années 90déjà, la Suisse et l’entreprise indienne Godrej ontcommercialisé des réfrigérateurs fonctionnant sanschlorofluorocarbones (CFC), ces gaz destructeursde la couche d’ozone dont le trou mobilisait alorsl’attention du monde entier. De tels projets ont en-richi l’expérience de la DDC en matière d’envi-

Du bois à l’électricité en passant par le gaz

L’Inde est en plein essor. Ce pays naguère miséreux se mue enune véritable puissance économique. Cependant, 400 millionsd’habitants vivent encore dans la pauvreté. De telles contra-dictions placent les acteurs du développement face à des défis de taille. La Suisse redéfinit son aide à l’Inde, en mettantl’accent sur l’énergie et le climat. De Marie-Thérèse Karlen*.

Une collaboration prometteuseLa coopération de la Suisseavec l’Inde remonte à 1958.Depuis 1963, la DDC réa-lise des programmes quiont pour priorité d’améliorerles conditions de vie et lesdroits des populations lesplus démunies. En collabo-ration avec des partenairesindiens, elle a surtout en-grangé d’importants suc-cès dans l’agriculture et lamise au point de nouvellestechnologies environne-mentales. Aujourd’hui,l’Inde est devenue unepuissance aussi bien poli-tique qu’économique. LaSuisse a dès lors décidé de réduire son engagementfinancier et de réorienterses priorités thématiques.Outre l’énergie et le climat,la DDC se concentrera surla gestion du savoir, la co-opération Sud-Sud et lagouvernance. Le volume de son aide sera ramené de quelque 16 millions defrancs en 2007 à 8 millionspar an d’ici 2010.

Page 23: Eine Welt Un solo mondo - Federal Council › dam › deza › fr › documents › ... · Notre dossier sur la région du Mékong (à partir de la page 6) analyse les énormes défis

Un seul monde No 3 / Septembre 2008 23

Un quart de la popula-tion profite du boomAvec 1,1 milliard d’habi-tants, l’Inde est la plusgrande démocratie dumonde. Elle est aussi l’undes principaux acteurs po-litiques de l’Asie du Sud et accroît son influence auniveau international en s’alliant avec d’autres paysémergents. Entamé dansles années 90, l’essor éco-nomique se poursuit sansinterruption, la croissanceatteignant des taux de 7 à9% par an. Le revers de lamédaille, c’est que seulsquelque 260 millions d’ha-bitants, soit un quart de lapopulation, bénéficient duboom. Environ 60% de lapopulation vit toujours del’agriculture, secteur qui acontribué en 2007 pour en-viron 17,5% au produit na-tional brut. En outre, l’Indereste le pays qui compte leplus grand nombre de pau-vres : 385 millions de per-sonnes vivent avec moinsd’un dollar par jour et laproportion d’enfants demoins de cinq ans souf-frant de malnutrition estpassée de 45 à 47% ces dernières années (elles’élève à 8% en Chine et à 13% au Zimbabwe).

Au-delà des clichés Dans un ouvrage récem-ment paru, Richard Gersterdonne un vaste aperçu dela coopération entre laSuisse et l’Inde. L’anciendirecteur d’Alliance Sud,auteur de nombreuses études sur le développe-ment, analyse l’expérienceacquise, passe en revueles succès et les échecsdes activités menées jus-qu’ici, et présente les pers-pectives d’avenir.Richard Gerster : « Lacoopération entre la Suisseet l’Inde – Au-delà desclichés de la pauvreté et du miracle économique »,Éditions Favre, Lausanne

nancière. En revanche, nous pouvons apporter àl’Inde des connaissances dans les domaines où ellene possède pas ou peu de savoir-faire. »

Un partenariat équitableLa relation d’égal à égal entre la Suisse et l’Inde(voir texte en marge) recèle des chances pour lesdeux partenaires. Christoph Graf espère beaucoupde la réorientation de la coopération : « La DDCapplique en Inde une nouvelle approche, un pro-gramme thématique qu’elle pourrait transposer àd’autres pays en développement avancés. L’idéal se-rait bien sûr que cela passe par une collaborationSud-Sud. » Cependant, il ne faut pas oublier lecontexte politique. « L’Inde peut parfaitementtransférer du savoir-faire vers le Bangladesh. En re-vanche, il serait plus difficile d’établir une telle col-laboration entre elle et le Pakistan. »En concentrant ses activités sur le climat et l’éner-gie, la DDC soutient le géant indien dans ses ef-forts pour exploiter des énergies renouvelables.Cette coopération bénéficie en premier lieu auxpopulations rurales démunies. Mais elle profiteégalement à la DDC, qui en tire de précieux en-seignements et établit de nouveaux contacts. LaSuisse contribue ainsi à résoudre un problèmemondial, car il est bien connu que les effets duchangement climatique ne s’arrêtent pas aux fron-tières nationales. ■

*Marie-Thérèse Karlen est chargée de programme à lasection Politique de développement de la DDC. Elle s’estrendue en Inde dans le cadre d’une mission.

(De l’allemand)

ronnement et élargi son réseau de partenaires dansles milieux scientifiques, industriels et gouverne-mentaux, de même que parmi les ONG.

Électrifier 125 000 villages« Au fil des décennies, la Suisse a établi en Inde desolides relations de confiance avec ses partenaireset elle jouit aujourd’hui d’une grande crédibilité »,relève François Binder, chef du bureau de coopé-ration de la DDC à Delhi. Récemment, il a reçula visite de représentants de la société publique Na-tional Thermal Power Corporation (NTPC), laplus grande productrice d’énergie en Inde. Approvisionner en énergie un milliard d’habitantsn’est pas une mince affaire. L’Inde couvre aujour-d’hui 70 pour cent de ses besoins par des impor-tations. Elle occupe le troisième rang au classementmondial des pays qui émettent le plus de gaz à ef-fet de serre. Pourtant, 125 000 villages n’ont tou-jours pas d’électricité. Et leur situation n’est pas prèsde changer, car ils se situent dans des contrées re-culées. La NTPC cherche donc des solutions pourdoter les villages les plus pauvres de systèmes dé-centralisés fonctionnant avec des énergies renou-velables. La DDC l’aidera à produire de l’électri-cité à partir de la biomasse (gazogène à bois, p. ex.),mais aussi de la force hydraulique.« Cette collaboration offre à la Suisse des possibili-tés intéressantes et lui ouvre d’autres portes. L’In-de a surtout besoin aujourd’hui de nouvelles tech-nologies écologiquement et socialement suppor-tables », explique Christoph Graf. À Delhi, FrançoisBinder partage son avis : « Le gouvernement indiena suffisamment de ressources pour s’attaquer lui-même à la pauvreté. Il n’a pas besoin d’une aide fi-

Page 24: Eine Welt Un solo mondo - Federal Council › dam › deza › fr › documents › ... · Notre dossier sur la région du Mékong (à partir de la page 6) analyse les énormes défis

Un seul monde No 3 / Septembre 200824

( jls) Comme bien d’autres bâtiments de Voinjama,chef-lieu du comté du Lofa, l’hôpital Tellewoyan aété complètement détruit pendant la guerre. Or,c’est le seul établissement de référence pour une ré-gion d’environ 440 000 habitants. Début 2006, laDDC a entrepris de le réhabiliter, de l’agrandir etde le remettre en service. Les travaux ont été réali-sés par des entreprises locales sous la supervisiond’un architecte suisse. Ils ont été compliqués par lesdifficultés d’accès à Voinjama, une ville qui est pra-tiquement coupée du reste du pays durant la saisondes pluies. Le nouvel hôpital a ouvert ses portes le 1er mai der-nier. Ce jour-là, il a accueilli neuf patients et un pre-mier bébé est né à la maternité, il a été baptisé…Tellewoyan. La DDC s’est engagée à financer lefonctionnement de l’établissement pendant les cinqprochaines années. « Le gouvernement libérien n’ena pas les moyens. Il n’a pas non plus le personnelnécessaire, vu que le pays compte seulement tren-te médecins. Nous nous substituons donc tempo-rairement à lui, mais il reprendra peu à peu le flam-beau ces prochaines années », explique Thomas Frey,chargé de programme pour le Liberia à la DDC.

L’organisation International Medical Corps a reçule mandat de gérer l’hôpital. Elle emploie des mé-decins kenyans et éthiopiens.

Relier les dispensaires à l’hôpital Parallèlement, la Suisse aide le comté du Lofa à ren-forcer son réseau de soins de santé primaires, quicompte quarante postes de santé très isolés. Un sys-tème de communication a été établi entre ces dis-pensaires de brousse et l’hôpital. Informé par radio,le Tellewoyan pourra ainsi envoyer son ambulanceprendre en charge certains patients. Un autre voletdu programme suisse porte d’ailleurs sur la réfec-tion de petites routes de desserte envahies par la vé-gétation. C’est toutefois à pied que la plupart desmalades continueront d’être évacués versVoinjama.Ceux qui ne peuvent pas marcher sont transportéspar leurs proches à travers la forêt sur des brancardsde fortune. Le voyage jusqu’au chef-lieu peut du-rer plusieurs jours. ■

Retour des réfugiésLe Lofa, à l’extrême norddu Liberia, a été l’un descomtés les plus durementtouchés par la guerre.Pratiquement tous ses ha-bitants ont fui vers les paysvoisins ou vers d’autres régions du Liberia. La paixrevenue, ils ont regagnéleurs villages à bord de camions affrétés par lesNations Unies. La DDC ad’emblée soutenu l’actiondes organisations humani-taires internationales quiont assuré le rapatriementet la réintégration des réfu-giés et des personnes dé-placées. À partir de 2006,elle s’est aussi engagée de manière directe dans la reconstruction du Liberia,en se concentrant sur lecomté du Lofa. Outre laréhabilitation de l’hôpitalTellewoyan, l’appui au sys-tème de santé et la réfec-tion de routes, son pro-gramme bilatéral apporteégalement une contribu-tion à la réhabilitation desécoles, tout en fournissantdu travail à des artisans lo-caux : des menuisiers ontété chargés de fabriquerdes bancs de bois, tandisque des couturières con-fectionnent des uniformespour les élèves.

Reconstruit plus grand et plus beauqu’avantAprès quatorze années de guerre civile qui l’ont laissé sans in-frastructures, le Liberia reconstruit son système de santé avecl’appui de la communauté internationale. L’Aide humanitairesuisse participe à cet effort. Elle a financé la construction d’unhôpital à Voinjama, dans le nord du pays, et va en assurer lefonctionnement pendant cinq ans.

Thom

as A

ndre

s/D

DC

Page 25: Eine Welt Un solo mondo - Federal Council › dam › deza › fr › documents › ... · Notre dossier sur la région du Mékong (à partir de la page 6) analyse les énormes défis

Jörg

en S

chyt

te/S

till P

ictu

res

La DDC en chantier( jtm) La DDC va être réorga-nisée en profondeur. La nouvellea été annoncée début juin par le nouveau directeur, MartinDahinden, un mois environaprès son entrée en fonction.L’office sera ainsi mieux préparépour mettre en œuvre la nou-velle stratégie du Conseil fédéralen matière de politique de déve-loppement, qui est fondée surune approche unifiée. La re-structuration a pour objectif derendre la DDC plus efficace etplus opérationnelle. Celle-ci devra renforcer sa présence surle terrain et déléguer davantagede responsabilités aux bureauxde coopération.Dans un souci de cohérence, lesservices par pays, le domainethématique et la coopérationmultilatérale seront regroupés ausein d’une seule structure, dotéed’un encadrement moins étoffé.Il s’agira également d’optimiserla collaboration avec d’autres

services du DFAE et de l’admi-nistration fédérale, afin de mieuxvaloriser le capital de connais-sances et d’expertise disponible.Cette réorganisation tientcompte des exigences formuléespar la Commission de gestion et par le Parlement. Elle n’estpas synonyme de réduction du personnel. Les projets de ré-forme ont été bien accueillis parles collaboratrices et les collabo-rateurs, même si de nombreuxpoints demandent encore à êtreprécisés dans le détail.La réforme engendre aussi uneconcentration thématique. Auniveau de la coopération bi-latérale, la DDC entend mettredavantage l’accent sur les domai-nes dans lesquels la Suisse pos-sède des compétences affirmées,par exemple la gouvernance, l’éducation et la gestion des res-sources naturelles. Plusieurs défismondiaux, comme les change-ments climatiques, la migrationet la sécurité alimentaire, occu-

pent en outre une place crois-sante dans le travail de l’institu-tion.

Le programme de relèvesous la loupe(vuc) La DDC va évaluer sonprogramme de relève qui, depuisplusieurs années, offre à de jeu-nes gens la possibilité d’acquérirune expérience professionnelledans la coopération internatio-nale. Âgés d’environ 30 ans, les JPO (Junior ProfessionalOfficers) doivent être au béné-fice d’un titre universitaire ouéquivalent et disposer d’une ex-périence professionnelle post-licence d’un an au minimum.L’objectif est de préparer despersonnes compétentes à entrerà la DDC et dans ses organisa-tions partenaires et de leur donner une expérience opéra-tionnelle au siège et dans lespays d’affectation. La formationdes JPO consiste en une annéepassée en Suisse – au siège de la

DDC ou d’une organisationnon gouvernementale – puis endeux à trois années à l’étrangerdans un projet ou un bureau decoopération de la DDC, dansune ONG ou une organisationinternationale. Chaque année, ils sont environ une quarantaineà se trouver à un stade ou à unautre de leur affectation.Plusieurs JPO ont été engagéspar la DDC au terme de leurformation : ces neuf dernièresannées, ils étaient 44, dont 31femmes, les autres se répartissantdans des organisations interna-tionales et des ONG. La DDCva bientôt procéder à une éva-luation de son programme derelève. C’est la raison pour la-quelle il n’y aura pas de recrute-ment jusqu’à ce que les résultatsde cet examen soient connus. La dernière volée comprend 11 femmes et 4 hommes.

DDC interne

(bf ) Quel que soit le domaine concerné, le déroulement d’unprojet comprend en principe quatre phases : la planification, lamise en œuvre, le suivi et, pour terminer, l’évaluation. Au départ,il y a une idée. Ensuite, on la concrétise en s’assurant constam-ment que le projet reste sur la bonne voie. Pour terminer, onvérifie si l’objectif initial a bien été atteint. Le suivi (monitoringen anglais) consiste donc à observer l’évolution d’un projet surla base d’indicateurs préalablement établis et à fournir, le caséchéant, des moyens de pilotage si sa réalisation ne se déroulepas comme prévu. Pour que cette tâche puisse être effectuée demanière efficace, on définit, lors de la planification déjà, des in-dicateurs mesurables, par exemple en matière de finances, de per-sonnel, de compétences, de fournitures, etc. Il ne peut donc pasy avoir de suivi sans planification et sans indicateurs. Selon leprogramme ou le projet considérés, la DDC met sur pied, dèsla phase de planification, un système de monitoring plus oumoins strict. Dans le domaine financier, elle porte par exempleune attention particulière aux paiements, qui sont vérifiés cha-que mois ; en revanche, il ne servirait à rien de procéder à unexamen mensuel des résultats, car ceux-ci n’apparaissent quebien plus tard, notamment dans les domaines de la santé ou de

Au fait, qu’est-ce que le suivi de projet ?

la formation. En fixant un système de suivi, il importe engénéral aussi de s’interroger sur son rapport coût/utilité, car lapratique montre que des procédures trop complexes ne sontguère rentables à long terme.

25Un seul monde No 3 / Septembre 2008

Page 26: Eine Welt Un solo mondo - Federal Council › dam › deza › fr › documents › ... · Notre dossier sur la région du Mékong (à partir de la page 6) analyse les énormes défis

SS

AC

I

Un seul monde No 3 / Septembre 200826

Une lettre qui fait la différence« Il est aujourd’hui certain que le secteur public neparviendra pas, à lui seul, à atteindre les Objectifsdu millénaire pour le développement », estime poursa part David Keller, de la section Emploi et reve-nus de la DDC. « L’implication du secteur privé re-vêt donc une importance cruciale. » Cependant, onsait aussi à la DDC que l’équité de ce type de par-tenariat n’est pas toujours garantie. C’est pourquoion a ajouté au sigle initial un « D » pour dévelop-pement. Ce qui donne l’appellation suivante : par-tenariats public-privé pour le développement(PPPD). « De notre point de vue, ces partenariats doiventviser avant tout à atténuer la pauvreté, ce qui est l’objectif premier du développement », déclare Simon Junker, un collègue de David Keller. « Le ‘D’occupe dès lors une place centrale dans notreconcept. Il détermine notre évaluation des parte-nariats envisageables. » Quant au chef de la sectionPeter Tschumi, il ajoute : « Les partenariats public-privé doivent apporter une plus-value en termesde développement. C’est là notre exigence mini-male. »

Les partenariats entre l’État et le secteur privé dansla coopération au développement s’appuient surdes arguments qui coulent de source. En effet, sil’on parvient à convaincre des donateurs privés desoutenir la lutte contre la pauvreté, cela se traduitpar un apport supplémentaire de ressources finan-cières. En outre, les PPP permettent d’exploiter dessynergies et de mieux relier les projets de déve-loppement à « l’économie réelle ».Ainsi, les chancesaugmentent de voir de tels projets s’autofinancer àmoyen terme et ne plus avoir besoin de subven-tions.Ceux qui critiquent les PPP craignent une instru-mentalisation de la coopération au développe-ment, laquelle finirait par profiter davantage àl’économie privée du Nord qu’aux populations dé-munies du Sud. « La politique d’intégration de laBan- que mondiale et du FMI ayant échoué dansles pays en développement, on tente à présentd’exporter le modèle économique occidental versle Sud par le biais des partenariats public-privé »,affirme l’économiste et journaliste alémaniqueGian Trepp au sujet de la promotion dont les PPPfont l’objet partout dans le monde.

Qui profite vraiment des partenariats public-privé ?

La mode est aux initiatives frappées du logo magique PPP, pour« partenariat public-privé ». Reste à savoir si ces collaborationsentre institutions publiques et économie privée sont réellementen mesure de donner une impulsion décisive à la lutte contrela pauvreté. De Gabriela Neuhaus.

Partenariat public-privéL’organisme allemand dedéveloppement GTZ définitles partenariats public-privé comme des « projetsqui combinent les intérêtséconomiques de l’entre-prise et les objectifs dedéveloppement ». En d’autres termes, il s’agit de partenariats entre desinstitutions étatiques et l’économie privée dans lecadre de la coopération au développement.

La DDC et les PPPD Dans ses pays partenaires,la DDC travaille depuis desannées avec le secteurprivé local afin de promou-voir les entreprises. Ce quia changé depuis peu, c’estqu’elle recherche aussi activement des collabora-tions avec de grandes en-treprises et multinationalessuisses. Ce faisant, ellesuit le mouvement lancépar l’ONU et le Pacte mon-dial, qui vise à multiplier lescollaborations entre orga-nismes publics de déve-loppement et économieprivée dans le but de vain-cre la pauvreté. La DDCs’est dotée en 2008 d’unenouvelle stratégie concer-nant les partenariats pu-blic-privé pour le dévelop-pement (PPPD). Elle en adéfini les objectifs et le ca-dre, afin que ces nouveauxinstruments puissent êtreexploités à l’avenir de ma-nière ciblée au profit dudéveloppement. Elle inter-vient ainsi non seulementcomme un partenaire, maiségalement en tant qu’inter-médiaire qui encourage la création de partenariatset de réseaux dans lacoopération au développe-ment.www.sdc.admin.ch/fr/Home/Themen/Wirtschaft_und_Beschaeftigung/Privatsektorbeteiligung

FO

RU

M

Page 27: Eine Welt Un solo mondo - Federal Council › dam › deza › fr › documents › ... · Notre dossier sur la région du Mékong (à partir de la page 6) analyse les énormes défis

Chr

istia

n H

eeb

/laif

Des assurances pour les pauvresPour illustrer ce type de partenariat, les représen-tants de la DDC citent un projet qui leur a été sou-mis par Zurich Financial Services. Ce groupe in-ternational souhaite promouvoir la micro-assuran-ce dans les pays émergents et en développement.Sur la base d’expériences faites par ses filiales enBolivie, au Venezuela et au Mexique dans la créa-tion d’assurances pour les pauvres, la Zurich vou-lait introduire dans son offre globale des produitsdestinés aux populations défavorisées. « Toutefois,nous avons très vite compris que cela exige un savoir-faire solide en matière de micro-assurance.De plus, nous n’avions pas accès à ce segment declientèle. C’est pourquoi nous nous sommes adres-sés à la DDC », raconte Urs Schwartz, initiateur duprojet.Au début, le dialogue a été ardu, car les intérêts desfuturs partenaires ne se recoupaient pas d’emblée :« Nous devons gagner de l’argent. Notre premièreintention n’a jamais été de lancer des micro-assu-rances pour faire de l’aide au développement », ex-plique Urs Schwartz. Pour la DDC, au contraire,les micro-assurances sont un instrument qui peutcontribuer à limiter les risques courus par lespauvres. C’est pourquoi elle a accepté la proposi-tion de la Zurich, en posant toutefois une condi-tion : les expériences acquises grâce aux fonds pu-blics pendant la durée de la collaboration devrontêtre publiées au terme du projet, prévu pour du-rer trois ans.Telle était aussi l’exigence de l’Organisation inter-

Un seul monde No 3 / Septembre 2008 27

nationale du travail (OIT), devenue le troisièmepartenaire du projet. « La collaboration avec unemultinationale, comme Zurich Financial Services,nous permet de mener des études de cas qui dé-passent le cadre d’un pays ou d’une action isolée.Elle peut s’avérer très efficace, car de telles entre-prises sont prêtes à assumer des risques financiersconsidérables et à investir des ressources. » C’est ences termes que Craig Churchill, spécialiste à l’OIT,explique son enthousiasme à l’égard de ce parte-nariat.

La DDC, une carte de visiteChez Zurich aussi, on parle d’une situation danslaquelle chacun est gagnant, même si l’entreprisedevra rendre publiques les compétences acquises enmatière de microfinance pendant sa collaborationavec la DDC et l’OIT. « Ce partenariat nous ouvrebeaucoup de portes et nous confère une grandecrédibilité auprès des ONG, des gouvernements etdes autorités de surveillance dans le domaine desassurances », relève Urs Schwartz.« Cet accord n’aurait jamais dû être conclu », sou-tient au contraire Gian Trepp. À son avis, les exi-gences d’un développement durable ne peuvent pasêtre respectées si le système de micro-assurance estmis en place par une multinationale selon des sché-mas occidentaux et dans le cadre de son modèlecommercial. « Lorsque l’État conclut un partena-riat avec l’économie privée, il faut se demander quien profite le plus. Dans ce cas, c’est la Zurich. End’autres termes, la DDC offre à cette compagnie

La DDC et douze grandesentreprises alimentent le budget de l’Initiative de coopération Suisse-Afrique du Sud (SSACI).Ce partenariat public-privé permet à des jeunesde suivre une formationprofessionnelle dans lamécanique (page degauche), l’hôtellerie (ci-contre), l’informatique oula santé (page suivante).

La philanthropie et lesaffaires La participation du secteurprivé à la lutte contre lapauvreté s’inscrit dans unetendance mondiale. Lesentreprises n’interviennentpas seulement en partena-riat avec des organismespublics. De grands indus-triels, comme Bill Gates ou Stephan Schmidheiny,disposent de ressources financières considérables.Leurs fondations philan-thropiques participent ac-tivement à la coopérationau développement. Desmultinationales activesdans les pays du Sud assument souvent un rôledans le développement del’économie et des structu-res locales, en particulierparce que ces améliora-tions se répercutent positi-vement sur leur propre activité commerciale. Voilàpourquoi le Conseil mon-dial des affaires pour ledéveloppement durable(WBCSD) a lancé le slogan« Faire des affaires avec lespauvres ». Il encourage lesmultinationales à investirdans les pays en dévelop-pement, où les possibilitésde placement et de com-merce sont prometteuses. www.wbcsd.org

Page 28: Eine Welt Un solo mondo - Federal Council › dam › deza › fr › documents › ... · Notre dossier sur la région du Mékong (à partir de la page 6) analyse les énormes défis

Jörg

en S

chyt

te/S

till P

ictu

res

The

Bos

tonG

lobe

/Red

ux/la

if

Un seul monde No 3 / Septembre 200828

d’assurances, qui est en réalité américaine, tout legain de respectabilité que représente une collabo-ration avec l’État suisse. »

La responsabilité sociale des entreprisesLa bonne réputation et le savoir-faire de la DDCrevêtent également une importance primordialedans l’Initiative de coopération Suisse-Afrique duSud (SSACI), lancée en 2001. Ce PPPD sert de baseà des projets de développement dans les domainesde la formation professionnelle et de la promotionde micro-entreprises en Afrique du Sud. Le pro-gramme, qui porte la griffe de la DDC, a reçu en2007 le prix du « meilleur partenariat en faveur dudéveloppement d’entreprises », décerné par le jour-nal économique sud-africain Big News.« La DDC a servi de moteur pour faire reconnaîtrela SSACI et reste sa principale donatrice, puisqu’ellefournit la moitié du budget », relève Ken Duncan,directeur de l’initiative. La deuxième moitié des

ressources provient de douze grandes entreprisessuisses qui possèdent toutes des filiales en Afriquedu Sud. « La SSACI ne compte pas nécessairementparmi leurs activités principales », relève SimonJunker pour expliquer ce qui distingue la SSACIdu projet lancé dans le domaine de la micro-assu-rance. « En contribuant au développement, nospartenaires souhaitent assumer leur part de res-ponsabilité sociale. »Cependant, l’engagement de ces douze firmes n’estpas non plus totalement altruiste : une partie d’entreelles ont collaboré avec le régime d’apartheid et onteu, par la suite, de la peine à retrouver une certai-ne légitimité. « La participation à la SSACI leur per-met non seulement d’améliorer leur image demarque, mais également d’agrandir le réservoir decollaborateurs bien formés en Afrique du Sud, cequi ne peut que leur profiter à long terme. Dansce sens, les intérêts des entreprises privées coïnci-dent pour ainsi dire avec l’objectif de la DDC, qui consiste à réduire la pauvreté », estime DavidKeller. Pour Ken Duncan, ce partenariat crée aussi de nou-velles possibilités au niveau du contenu : « L’un deses principaux atouts est de conjuguer les philoso-phies des secteurs public et privé. Ainsi, la SSACIa donné naissance à un forum de discussion auquelprennent part des représentants de ces deux sec-teurs, qui s’engagent en faveur du développementéconomique et social de l’Afrique du Sud. » ■

(De l’allemand)

Page 29: Eine Welt Un solo mondo - Federal Council › dam › deza › fr › documents › ... · Notre dossier sur la région du Mékong (à partir de la page 6) analyse les énormes défis

Gui

ziou

Fra

nck/

Hem

isph

eres

Imag

es/la

if

Il traverse les rues sans rien voirautour de lui. La fatigue duchômage est si lourde à porter !Qu’on lui donne des champs àlabourer, des ignames et des pa-tates couvertes de terre à arra-cher au sol et il se sentira revi-goré. Plein d’une bonnefatigue, celle qui amène la faimet ensuite le sommeil. Non pascelle qui le fait tourner en ronddans cette capitale de malheuroù il vivote depuis sept ans.Depuis que la terre dévastée nepeut plus les nourrir.

Chez lui, dans l’unique piècequi abrite sa femme et ses troisenfants, il laisse chaque jour lafaim et l’espoir. L’espoir qu’ilreviendra ce soir avec quelquessous, avec un paquet de petitspains, ceux que sa fille Katiaadore, ou tout simplement avecun sachet de biscuits ronds à lamie épaisse, capable de remplirrapidement les ventres.

Cet espoir rend chaque jour sespas plus lourds, car il sait qu’ilva une fois de plus le détruire. Il sent déjà leurs regards se rem-plir de déception et de rancœurquand il franchira le portail de la vieille cour où d’autres laissés-pour-compte ont, comme

lui, construit vaille que vailledes bicoques à l’air aussi mal-heureux qu’eux. Il voit la déso-lation envahir leurs yeux et àchaque fois, il en ressent uncoup au cœur.

Sa femme ne se tourne plus lanuit vers lui. Son ventre rond la gêne et le cœur n’y est plus.Depuis qu’il a été renvoyé del’usine où il empaquetait desmaillots d’uniformes, depuisqu’il sort chaque jour à la re-cherche d’un emploi, sa femmese tourne rarement vers lui.

Il est prêt à faire n’importequoi. Pour ne plus se sentir aussiinutile et impotent. Lui qui, àquinze ans, commençait sa jour-née dans les champs avec lebonjour des premiers rayons du soleil pour terminer avec lacaresse du vent sur sa chemisetrempée et séchée au rythme de sa serpette bien huilée. Ilavait connu la faim, certes, maisjamais cet état de désespoir secet brut qui vous laisse déso-rienté, rageur et méchant.

Oui, il se sent prêt à faire n’im-porte quoi. Il veut retrouver laconfiance de ses enfants, voir levisage de Katia s’émerveiller en

le regardant. Il veut sentircontre lui la rondeur du ventrede sa femme, sentir bouger cetenfant qu’ils ont fait. Le dernier,ils l’ont juré comme ils l’avaientjuré avant la naissance de Katia.Mais comment dire non à lavie, à l’espérance que ce nouvelêtre fera la différence, porterachance et sortira vainqueur ducombat contre la misère ?

Moi l’écrivaine, je vois le pèrede famille vaciller devant uneboulangerie. Sa haute silhouettecassée s’appuie contre la vitre.L’odeur du pain lui fait monterdes larmes aux yeux. Ses poingsse serrent. Ses yeux farouchesfont peur à la bonne dame quisort du magasin avec ses sacs à lamain. Dans un mouvement ins-tinctif de protection, elle tire lebras de son petit-fils contre elle.Une seconde, le père de famillese regarde à travers les yeux dela femme. Il baisse la tête, puis se détourne de la boulangerie et de ses odeurs défendues.

L’horloge de la chapelle voisinesonne les douze coups de midi,sacralisant la faim du jour etl’échec de sa matinée. Aucunepossibilité d’emploi, aucuneéventualité de nourriture. Rienen perspective. Le père de fa-mille s’avance au milieu de larue. Hagard, la bouche sèche de tous les repas manqués, ilcontemple les véhicules quiroulent vers lui. Ce n’est pastant la mort qui le tente, maisl’oubli de la défaite, le repos. ■

Le père de famille

Carte blanche

Évelyne Trouillot, de natio-nalité haïtienne, est née en1954 à Port-au-Prince, où ellevit actuellement. Romancière,nouvelliste et poétesse, elleest également professeure defrançais à l’Université d’État et dans une université privée.Elle a publié des romans, desrecueils de nouvelles, des re-cueils de poésie en français eten créole, de même qu’un es-sai sur l’enfance et l’État dedroit en Haïti, intitulé Restituerl’enfance (Haïti SolidaritéInternationale, 2002). Son ro-man Rosalie l’infâme (Dapper,2003) a reçu le Prix de la ro-mancière francophone, àGrenoble en 2004, et son pre-mier texte théâtral Le Bleu del’île a reçu le premier prix exæquo du Prix Beaumarchaisdes Écritures théâtrales de laCaraïbe en 2005.

29Un seul monde No 3 / Septembre 2008

Page 30: Eine Welt Un solo mondo - Federal Council › dam › deza › fr › documents › ... · Notre dossier sur la région du Mékong (à partir de la page 6) analyse les énormes défis

Joer

g G

laes

cher

/laif

The

New

York

Tim

es/R

edux

/laif

Vu/la

if

et de l’éducation. À mon tour,j’ai voulu en convaincre d’autresparents. Beaucoup d’Africainsnourrissent encore des craintesinfondées à l’égard de la vacci-nation. Ils sont également nom-breux à croire que s’ils envoientleur fille à l’école, celle-ci ne semariera pas ou ne respectera passon mari. Pour vaincre leurs ré-

ticences, je leur donne monexemple : j’ai reçu une bonneéducation et pourtant je suismariée depuis vingt ans avec unhomme que je respecte.

Vous militez activementpour l’éducation des filles.Vous avez même créé unefondation qui octroie des

Un seul monde :Vous êtesambassadrice itinérante de l’Unicef depuis 2002.Pourquoi vous engagez-vous au sein de cette orga-nisation ?Angélique Kidjo : Durantmon enfance, ma mère me traî-nait vers les camions de l’Unicefpour me faire vacciner. Je détes-

tais cela, mais sans son insis-tance, j’aurais peut-être attrapéune maladie mortelle comme lapoliomyélite ou la diphtérie.Mon rôle d’ambassadrice mepermet de rendre à l’Afriqueune partie de ce que j’ai reçu,ayant été élevée dans une fa-mille qui connaissait l’impor-tance des vaccins, de l’hygiène

Un seul monde No 3 / Septembre 200830

CU

LT

UR

E

« L’éducation, une question de vie ou de mort »À travers sa musique et son engagement sur le terrain, la chanteuse béninoiseAngélique Kidjo se bat contre tous les maux qui accablent l’Afrique. Cette starmondiale de la world music dénonce le racisme, l’injustice ou l’émigration for-cée. Elle accorde une priorité absolue à l’éducation, principal levier du déve-loppement. Entretien avec Jane-Lise Schneeberger.

« Une femme qui a été à l’école connaît ses droits. »

« Ils me disent leur désarroiface à un avenir bouché. »

Page 31: Eine Welt Un solo mondo - Federal Council › dam › deza › fr › documents › ... · Notre dossier sur la région du Mékong (à partir de la page 6) analyse les énormes défis

The

New

York

Tim

es/R

edux

/laif

Un seul monde No 3 / Septembre 2008 311

bourses d’études à des adolescentes défavorisées.Comment est née cette idée ?Dans le cadre de la campagnede l’Unicef « Toutes les filles àl’école », j’avais parcouru plu-sieurs pays d’Afrique et parléavec de nombreux parents. Je les avais encouragés à scolariserleurs filles, ce qu’ils ont fait.Quelques années plus tard, j’airéalisé que nombre de ces éco-lières étaient contraintes d’arrê-ter leur formation après la cin-quième année primaire, parmanque d’argent ou parce quel’État ne fournissait pas lesstructures éducatives nécessaires.C’est ce qui m’a amenée à créer en mai 2007 la fondationBatonga. Celle-ci finance la for-mation secondaire et supérieured’adolescentes très pauvres, or-phelines du sida ou handica-

pées. L’an dernier, nous avonsaccordé des bourses à 430 fillesau Bénin, en Sierra Leone, auCameroun, en Éthiopie et auMali. Nous construisons égale-ment des écoles secondaires.Les États africains ne font pasleur devoir en matière d’ensei-gnement. Or, l’éducation estune question de vie ou de mort sur notre continent. Parexemple, des gens instruitsveillent à ne pas laisser de l’eaustagnante la nuit à proximité de leur maison, car cela attire lesanophèles, moustiques vecteursde la malaria. Une femme qui aété à l’école connaît ses droits.Elle ose refuser des rapportssexuels sans préservatifs. Elle saitaussi qu’il faut faire bouillirl’eau avant de la verser dans lebiberon d’un bébé. Peut-êtreaura-t-elle le courage de s’op-

poser au mariage précoce de safille. Dans certains pays, on ma-rie des enfants de huit ans à desquadragénaires. C’est de la pé-dophilie ! Cette tradition doitdisparaître.

L’excision est une autre tra-dition dont sont victimes lesfilles en Afrique. Commentfaire évoluer les mentalitésdans ce domaine ?L’excision fait, elle aussi, partiedes traditions néfastes qui em-pêchent l’Afrique d’évoluer.Elle doit être éradiquée.Contrairement à une idée large-ment répandue, ce ne sont passeulement les hommes qui laperpétuent, mais également lesexciseuses, à qui elle procure un revenu et un statut social. Il s’agit donc de sensibiliser cesfemmes et de les aider à se recy-

cler dans d’autres activités, enleur accordant des microcréditspar exemple. Si l’une aprèsl’autre, les exciseuses changentde métier, cette coutume va dis-paraître. Les parents réfractairesne trouveront plus personnepour mutiler leurs filles.

Votre popularité vous confèreune certaine influence surles jeunes en Afrique. Quelmessage leur adressez-vous ?Je parle souvent avec des jeunes.Ils me disent leur désarroi face àun avenir bouché. Ils ont enviede faire quelque chose de leurvie, mais se heurtent au manquede volonté politique de gouver-nements qui se moquent dubien-être de la population. Onne peut pas reprocher à cesjeunes de se décourager et devouloir émigrer, mais ils le font

« On ne peut pas reprocher àces jeunes de se décourager. »

« Ma crainte, c’est que leursfrustrations dégénèrent enviolences. »

Page 32: Eine Welt Un solo mondo - Federal Council › dam › deza › fr › documents › ... · Notre dossier sur la région du Mékong (à partir de la page 6) analyse les énormes défis

Gue

nay

Ulu

tunc

ok/la

if

32 Un seul monde No 3 / Septembre 2008

souvent au péril de leur vie. Jeles encourage à être actifs dansleur propre pays, à faire pressionsur les autorités pour obtenirdes changements structurels etlégislatifs. Ma crainte, c’est queleurs frustrations dégénèrent enviolences. Des jeunes désespéréssont des proies faciles pour lesintégristes musulmans qui veu-lent déstabiliser le monde.

Que faire pour prévenir unetelle évolution ?Il faudrait mettre les jeunes engarde contre le terrorisme, leurexpliquer qu’Oussama BenLaden ne se bat certainementpas pour leur assurer une viemeilleure. Hélas, ni les pays oc-cidentaux, ni les gouvernementslocaux ne font le moindre effortd’information sur ce thème. De manière générale, c’est là un problème crucial en Afrique :l’information ne circule pas. Lesrégimes en place savent qu’il estplus facile de manipuler desanalphabètes que des individuséduqués et informés. Nous neconnaissons même pas notrepropre histoire. J’ai grandi auBénin en ignorant presque toutde l’apartheid. Quant à l’escla-

vage, j’ai appris son existence àneuf ans en voyant une photode Jimi Hendrix. J’ai demandé àma grand-mère d’où venait ceNoir qui ne parlait pas commeles Africains. La génération ac-tuelle ne connaît rien de l’escla-vage.

Faut-il relancer le débat surce thème ? Êtes-vous favo-rable aux réparations ?Il n’y a jamais eu de débat surl’esclavage. Au contraire, un tra-vail d’amnésie a été fait sciem-ment. Nous n’avancerons pastant que nous n’aurons pas vraiment abordé la question. Quant à la logique des répara-tions, je n’y souscris pas.Aucune somme d’argent nepeut effacer une telle abomina-tion. En revanche, il importe delutter contre les séquelles de latraite négrière. Aujourd’hui en-core, des Noirs sont considéréscomme des citoyens de secondezone dans les pays où leurs an-cêtres ont été importés. Il fautégalement prévenir la résur-gence de pratiques esclavagistes.Tout pays qui serait tenté d’yrecourir – comme ce fut le casde la Mauritanie – doit savoir

qu’il sera mis au ban de la com-munauté internationale.

Pour terminer, que pensez-vous de l’aide à l’Afrique ?Certains y voient un gas-pillage, relevant que la pau-vreté ne recule pas. On est obligé de reconnaîtrequ’elle n’a pas donné beaucoupde résultats jusqu’ici. Unebonne partie des fonds ontabouti sur des comptes privés.En Afrique, la corruptionconstitue un frein au dévelop-pement. Comme il n’est paspossible de l’éradiquer, les donateurs devraient établir demeilleurs critères de transpa-rence et reconnaître égalementla part de responsabilité descompagnies occidentales quiparticipent à la corruption. Ilconvient de mieux encadrerl’aide internationale. Lessommes consacrées à des projetsde développement doivent êtresoumises à un contrôle trèsstrict. Et les gouvernements bénéficiaires doivent savoir ques’ils n’apportent pas la preuve deréalisations concrètes, les créditsne seront pas renouvelés. ■

Angélique Kidjo est née en1960 à Ouidah, au Bénin, dansune famille de neuf enfants. Dèsl’âge de six ans, elle fait partiede la troupe de théâtre dirigéepar sa mère. Adolescente, ellechante dans le groupe de mu-sique de ses frères, puis danscelui de son lycée. Son premierdisque, Pretty, la fait connaîtredans toute l’Afrique de l’Ouest.À 23 ans, Angélique Kidjo s’ins-talle à Paris. Elle devient lachanteuse du groupe allemandPili-Pili, avec lequel elle enre-gistre plusieurs albums. En1988, elle entame une carrièresolo. En collaboration avec sonmari, le bassiste et compositeurJean Hébrail, elle produit une di-zaine d’albums, dont une trilogiequi explore les racines africainesde la musique des États-Unis(Oremi), du Brésil (Black IvorySoul) et des Caraïbes (Oyaya !).Le dernier en date, Djin Djin, areçu en mars 2008 le Grammydu meilleur album de world music contemporaine. Établie à New York depuis 1998,Angélique Kidjo chante en français, en anglais et dans plusieurs langues africaines.

« En Afrique, la corruption constitue un frein au dévelop-pement. »

Page 33: Eine Welt Un solo mondo - Federal Council › dam › deza › fr › documents › ... · Notre dossier sur la région du Mékong (à partir de la page 6) analyse les énormes défis

33

Le Caucase du Sud retrouveson cinéma ( jtm) Le projet « Avanti » de laDDC a donné un nouveausouffle à la production de filmsdans le sud du Caucase. Il a permis de réaliser 47 fictions,documentaires ou courts mé-trages depuis 2003 en Géorgie,en Arménie et en Azerbaïdjan.La riche tradition cinématogra-phique de ces pays avait prati-quement disparu après l’effon-drement de l’Union soviétique.L’État avait cessé d’octroyer dessubventions et les capacités insti-tutionnelles s’étaient perdues,alors que les exigences tech-niques allaient en augmentant. Les films russes et américainsdominaient le marché, la pro-duction culturelle indigène vé-gétait. C’est alors que la DDC,en collaboration avec la fonda-tion lausannoise Focal, a lancé « Avanti », afin de renforcer l’identité multiculturelle de larégion et de redonner corps à la réalisation de films locaux. Un DVD, produit par le projet,contient cinq courts métrages de jeunes cinéastes qui décriventavec humour et passion les réali-tés de leur patrie.« Short films collection from SouthCaucasus » ; versions originales engéorgien, azéri et arménien, sous- titrage en anglais et en russe. LeDVD peut être commandé à laDDC : [email protected]. Les cinquante premiers exemplairessont gratuits.

Films du monde à la montagne(hel) Les « Weltfilmtage » (jour-nées des films du monde), àThusis (GR), sont un événe-

ment cinématographique carac-térisé par sa taille modeste et sa grande qualité. On y voit desfictions et des documentaires latino-américains, africains, asia-tiques et suisses. Outre les dé-couvertes interculturelles àl’écran, les spectateurs ont l’oc-casion de rencontrer l’un oul’autre des nombreux réalisateursprésents à Thusis. La 18e éditiondes Weltfilmtage, en novembre prochain, recevra notamment l’Équatorienne Tania Hermida,une cinéaste politiquement en-gagée, qui présentera son pre-mier film de fiction, Si loin. Ceroad movie, plusieurs fois cou-ronné, raconte le périple d’unetouriste espagnole et d’une étu-diante équatorienne à la pour-suite de leurs rêves. Il a rem-porté un succès immense enÉquateur. Autre invitée : la jeuneréalisatrice Ishtar Yasin, avec son premier long métrage, ElCamino, deux fois primé auFestival international de films deFribourg. Ce film sur la migra-tion raconte le destin de deuxenfants nicaraguayens à la mercid’un monde qui les exploite. Le festival de Thusis accueilleraaussi l’Allemand Ulrich Tilgner,journaliste de télévision et réali-sateur de films documentaires,qui est aussi un fin connaisseurdu Proche-Orient et un cham-pion du dialogue entre les cul-tures. Weltfilmtage, Thusis, du 5 au 9 novembre ; renseignements et pro-gramme : www.kinothusis.ch

Mémoire visuelle duCambodgeAvant de devenir une destina-tion touristique très prisée, leCambodge a fait la une desjournaux : d’abord la guerre, puisles camps d’extermination et lerégime de terreur des Khmersrouges. Une démocratie hési-tante fait son chemin dans cepays depuis 1993 – tel est lecontexte du film Un soir après la

Ser

vice

Un seul monde No 3 / Septembre 2008

guerre, réalisé par Rithy Panh :le cinéaste cambodgien y décritdes situations d’après-guerre, decette période fragile où les gensréapprennent les gestes de la viequotidienne tout en s’efforçantde surmonter les traumatismesdu passé. L’histoire est racontéepar une jeune femme qui sesouvient aujourd’hui de 1992.Cette année-là, il lui a falluperdre son amour pour se trou-ver elle-même. Rithy Panhmontre à quel point il est diffi-cile de vivre la paix, après toutesces années de guerre et de ter-reur, dans un pays magnifiquedont les habitants se sont plushabitués à la mort qu’à la vie.Les films de Rithy Panh « Un soiraprès la guerre », « Les gens de la rizière » et « Les artistes du théâtrebrûlé » sont vendus en DVD, avecun sous-titrage français/allemand ;commandes et informations : 056 430 12 30 ou www.trigon-film.org

Le grand bazarPaito, un garçon de douze ans,vit dans la banlieue de Maputo,la capitale du Mozambique. Unjour, sa mère l’envoie acheter dela farine pour faire des beignets,mais il n’y en a plus au magasin.Alors qu’il essaie de faire un pe-tit bénéfice en vendant des ciga-rettes à la pièce, un voleur luidérobe tout le paquet. Paito décide de ne pas rentrer chez lui avant d’avoir récupéré sonargent. Il se rend au centre-ville,dans un grand marché qui setransforme la nuit en dortoirpour les vendeurs sans abri. Là, il se lie d’amitié avec Xano, ungarçon de son âge. Ensemble, ilsinventent mille astuces pourtenter de gagner quelques sous.

Film

s/D

VD

Page 34: Eine Welt Un solo mondo - Federal Council › dam › deza › fr › documents › ... · Notre dossier sur la région du Mékong (à partir de la page 6) analyse les énormes défis

son timbre clair pour tisser untapis sonore finement ouvragéaux accents parfois mélanco-liques ; elle est accompagnée detemps à autre par un chœur demoines aux voix basses. Néed’une mère mongole et d’unpère chinois, l’artiste s’amuse enplus à sauter par-dessus les bar-rières linguistiques : elle chanteles morceaux de son album Aliveen sanskrit, en mandarin, en ti-bétain et dans une langue de soninvention. Le prix World MusicAward de la BBC est venu ré-compenser en 2008 la passion etl’inventivité musicales de cettebouddhiste pratiquante, âgée de25 ans, qui ouvre en toute séré-nité l’accès à sa culture et à la « purification intérieure ». Sa Dingding : « Alive » (WrasseRecords/Musikvertrieb)

Le vrai scandale de l’aide (bf ) Des voix critiques remet-tent régulièrement en questionl’efficacité de la coopération audéveloppement. Aujourd’hui, laparole revient à quelqu’un quine se contente pas de commen-taires superficiels, mais qui s’occupe concrètement de cetteproblématique depuis delongues années. Peter Niggli estun connaisseur de l’Afrique et aproduit plusieurs études sur cecontinent. Il est également di-recteur d’Alliance Sud, la com-munauté de travail des sixgrandes œuvres d’entraidesuisses. Dans son ouvrage À quiprofite l’aide au développement ?Controverses et nouvelles pistes,Peter Niggli décrit ce que la co-opération est capable de réaliseret ce qui est hors de sa portée, etexplique pourquoi il convient d’en accroître les moyens. Ilmontre en quoi les Objectifs duMillénaire pour le développe-ment (OMD) de l’ONU sontutiles. Il dénonce également cequi constitue le vrai scandale àses yeux : une part importantedes fonds sont instrumentalisés

Un seul monde No 3 / Septembre 200834

Le semi-documentaire O grandebazar, réalisé par Licinio Azevedo,éclaire des aspects très divers dela vie quotidienne au Mozam-bique. Le spectateur est éblouipar la créativité et l’optimismedont font preuve les deux prota-gonistes. Ce film plein de finessea reçu plusieurs prix, dont celuidu meilleur court métrage auFestival international du film deDurban en 2006 et le prix dupublic au festival Cinémasd’Afrique à Angers en 2007.Licinio Azevedo : « Le grand bazar– O grande bazar », Mozambique2006, fiction documentaire, DVD,56 minutes, dès 10 ans ; langues :portugais/allemand ; sous-titres :français/allemand/anglais. Distri-bution/vente : Éducation et Déve-loppement, tél. 021 612 00 81, [email protected]. Informa-tions : Service « Films pour un seulmonde », tél. 031 398 20 88, www.filmeeinewelt.ch

Navajos, Iroquois etCherokees(er) La musique des Indiensd’Amérique est unique en songenre. Elle reflète sur le modemagique leur vie intérieure –sagesse, spiritualité, amour de lanature. Cette intensité se re-trouve dans les traits élégiaquesde la flûte de R. Carlos Nakai,

qui planent par-dessus le bruis-sement d’une pluie d’orage. Cemusicien navajo et d’autres ar-tistes amérindiens sont réunispour un tour d’horizon médita-tif et parfois rockeux. Des voixaux multiples facettes portentdes mélodies tantôt rêveuses ettranquilles, tantôt impression-nantes de puissance. On se laisseainsi séduire par la majesté vo-cale du trio Walela, formé defemmes cherokees d’une mêmefamille, par le clan familial desBlackfire qui a renoncé ici à son rock punk, par la légendaireBuffy Sainte-Marie, âgée aujour-d’hui de 67 ans, ou encore parl’Iroquoise Joanne Shenandoah.Lorsque celle-ci récite au sond’une berceuse le poème qu’ellea dédié à sa grand-mère, on at-teint des sommets de raffinementharmonique.Divers artistes : « Think Global :Native America » (World MusicNetwork/Musikvertrieb)

La transafricaine des cordes(er) L’abréviation 3MA se réfèred’abord à trois pays d’Afrique : le Maroc, Madagascar et le Mali.Le « 3 » indique aussi que ce pro-jet réunit trois musiciens de ré-putation internationale spéciali-sés dans des instruments à cordes :le Marocain Driss El Maloumiqui joue de l’oud (luth tradi-tionnel), le Malgache Rajeryavec sa valiha (cithare tubulaireen bambou) et le griot malienBallaké Sissoko, virtuose de lakora (harpe-luth mandingue).Cette rencontre musicale associeles climats respectifs des trois instruments pour brosser unsomptueux tableau sonore. Lesdoigts des artistes courent avecagilité sur les cordes, parfoisfrappent ou caressent en dou-ceur les corps de résonance : nosoreilles suivent ainsi avec bon-heur les délicates envolées desons perlés, les pulsations de ca-rillonnements limpides sur fondsombre et sourd, et – en prime –

des voix masculines aux in-flexions fascinantes. Cette flui-dité harmonieuse, chargée parmoments d’une émotion in-tense, est un condensé de tradi-tion africaine et de courantsuniversels fusionnés dans unprojet musical bien de notreépoque.Rajery, Ballaké Sissoko et Driss ElMaloumi : « Projet 3MA » (ContreJour – Harmonia Mundi/DisquesOffice)

Purification intérieure(er) La chanteuse et multi-instrumentiste Sa Dingding créedes sonorités fascinantes quisemblent n’appartenir qu’à elle.Elle puise dans la musique tradi-tionnelle chinoise, utilisant desinstruments comme le zheng(cithare à 25 cordes), le violon à cordes en crins de cheval, letambour ou le gong. Elle associeces sons aux rythmes de la mu-sique électronique occidentale,de type drum’n’bass, trip hop ouclub beats, pour former de ravis-sants motifs ethnopop d’une dé-licate complexité. Et voici cetteétonnante voix féminine envoû-tante par ses métamorphoses : Sa Dingding utilise l’ampleur de

Livr

es e

t b

roch

ures

Mus

ique

Page 35: Eine Welt Un solo mondo - Federal Council › dam › deza › fr › documents › ... · Notre dossier sur la région du Mékong (à partir de la page 6) analyse les énormes défis

par les pays donateurs pour ladéfense de leurs propres intérêtséconomiques ou de politiqueétrangère. Peter Niggli : « À qui profite l’aideau développement ? », Édition d’enbas, Lausanne, 2008. Commandes :[email protected]

Photos et BD pour raconterl’Afghanistan (bf ) Fin juillet 1986, le photo-graphe Didier Lefèvre quitteParis pour le Pakistan. Il y ren-contre une équipe de Médecinssans Frontières, qu’il accompa-gne en Afghanistan où la guerrefait rage entre les Soviétiques etles moudjahidine. Depuis lors,Didier Lefèvre est retourné septfois dans ce pays « pour retrouverles gens et observer les change-ments ». Ses photographies et sessouvenirs ont servi de base à unrécit autobiographique présentéde manière originale : dans LePhotographe, une BD en trois vo-lumes, ses clichés alternent avecles vignettes du dessinateurEmmanuel Guibert. Ce derniera comblé les vides entre les pho-

tos, racontant les épisodes queDidier Lefèvre n’avait pas puillustrer. Le tout a été mis encouleur par le graphiste FrédéricLemercier. Cette trilogie a rem-porté un succès inattendu.Traduite en huit langues, elles’est vendue à plus de 200 000exemplaires. Didier Lefèvre estmort d’une crise cardiaque en2007 à l’âge de 50 ans, quelquesjours après que Le Photographe aété primé par le Festival interna-tional de la BD d’Angoulême.Didier Lefèvre, Emmanuel Guibertet Frédéric Lemercier : « Le Photo-graphe », Éditions Dupuis, tome 1(2003), tome 2 (2004) et tome 3(2006)

Débats sur l’eau au bord de l’Aar ( jtm) La conférence annuelle de la coopération suisse avecl’Europe de l’Est aura lieu le 7 novembre au Landhaus deSoleure, sur les bords de l’Aar.Le thème de l’eau sera au centrede ce Focus 2008. Qu’elle soitdestinée à apaiser la soif, à irri-guer les cultures ou à produirede l’énergie, l’eau est indispen-sable à tout processus de déve-loppement. Source de vie, ellepeut aussi être une cause deconflits lorsque sa distribution sefait mal ou que son exploitationn’est pas organisée de manièreefficace et adaptée aux besoins.C’est particulièrement le caspour des pays comme leTadjikistan, le Kirghizistan etl’Ouzbékistan, condamnés à dia-loguer s’ils veulent assurer unbon usage de leurs ressources en

eau. Comment améliorer la ges-tion de l’eau dans le processusde développement de l’Asiecentrale ? Quel est l’apport duprogramme suisse en la matière– un élément central de l’actiondu SECO et de la DDC dans larégion ? Cette problématiquefera l’objet d’exposés, d’atelierset de documents filmés. Elle seradébattue par des experts d’Asiecentrale et suisses. La manifesta-tion est ouverte à toute personneintéressée et l’entrée est libre.Focus, conférence annuelle de la co-opération suisse avec l’Europe del’Est, le 7 novembre au Landhausde Soleure

Tout sur les emplois dans lacoopérationLa coopération internationales’est beaucoup transformée cesdernières années, ce qui a égale-ment modifié le travail du per-sonnel qu’elle emploie : qu’ilssoient actifs dans le développe-ment ou l’aide humanitaire, auservice d’une organisation onu-sienne ou d’une ONG, les pro-fessionnels de la coopérationdoivent répondre à des exigen-ces différentes et souvent pluscomplexes qu’auparavant.Simultanément, on voit s’inten-sifier la concurrence pour cesemplois convoités, sur un mar-ché du travail qui s’internationa-

lise de plus en plus. Mais com-ment ce marché va-t-il évoluer àl’avenir ? Quel sera le profil desprofessionnels ? Quelles qualifi-cations seront exigées d’eux ?Ces questions seront au centredu programme « Profils des pro-fessionnels de demain », lors duForum cinfo qui se déroulera en septembre à Bienne. Plus demille personnes – déjà engagéesou candidates – s’y retrouverontpour établir des contacts etéchanger des renseignements.Quelque 90 organisations suisses,étrangères ou internationales seront représentées par des standsd’information.Forum cinfo, le 6 septembre au Palaisdes Congrès de Bienne ; www.cinfo.ch

Des spécialistes du DFAEviennent à vousSouhaitez-vous obtenir des in-formations de première main surla politique étrangère ? Des spé-cialistes du Département fédéraldes affaires étrangères (DFAE)sont à disposition des écoles, desassociations et des institutionspour présenter des exposés etanimer des débats sur divers sujets touchant à la politiqueétrangère. Le service de confé-rences est gratuit. Toutefois, cetteprestation ne peut être offertequ’en Suisse et trente personnesau moins doivent participer à lamanifestation.Service de conférences du DFAE,Service d’information, Palais fédéralouest, 3003 Berne ;tél. 031 322 31 53/ 35 80 ; fax 031 324 90 47/48 ; [email protected]

Un seul monde No 3 / Septembre 2008 35

Service

Div

ers

ImpressumUn seul monde paraît quatre fois par année, en français, en allemand et en italien.

Éditeur :Direction du développement et de la coopération (DDC) du Département fédéraldes affaires étrangères (DFAE)

Comité de rédaction :Harry Sivec (responsable) Catherine Vuffray (coordination globale) (vuc) Joachim Ahrens (ahj) Barbara Fournier (for)Thomas Jenatsch (jtm)

Jean-Philippe Jutzi (juj)Gabriella Spirli (sgq)Andreas Stauffer (sfx)Beat Felber (bf)

Rédaction :Beat Felber (bf–production)Gabriela Neuhaus (gn) Maria Roselli (mr)Jane-Lise Schneeberger (jls) Ernst Rieben (er)

Graphisme : Laurent Cocchi, Lausanne

Photolitho : Mermod SA, Lausanne

Impression : Vogt-Schild Druck AG,Derendingen

Reproduction :Les articles peuvent être reproduits, avecmention de la source, à condition que la rédaction ait donné son accord. L’envoi d’unexemplaire à l’éditeur est souhaité.

Abonnements :Le magazine peut être obtenu gratuitement(en Suisse seulement) auprès de: DDC,Médias et communication, 3003 Berne,tél. 031322 44 12fax 031324 13 48courriel : [email protected]

860192226

Imprimé sur papier blanchi sans chlore pourprotéger l’environnement

Tirage total : 53 000

Couverture : delta du Mékong, Viêt-nam ; Hemispheres/laif

ISSN 1661-1675

Le F

igar

o M

agaz

ine

/laif

Man

ifest

atio

ns

Page 36: Eine Welt Un solo mondo - Federal Council › dam › deza › fr › documents › ... · Notre dossier sur la région du Mékong (à partir de la page 6) analyse les énormes défis

Dans le prochain numéro :

Depuis la conférence internationale de Monterrey, en 2002, le financement du développement fait l’objet d’un débat mondial. Il prend des formes toujours plus concrètes, qui vont de la mobilisation des ressources nationales dans les pays pauvres au rapatriement des avoirs des potentats, en passant par le commerce international. Notre dossier présente les résultats obtenus jusqu’ici, les nouvellestendances, les mécanismes innovants et les questions controversées en matière de financement du développement.

Gra

bka/

laif