Éditorial

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E ´ ditorial Editorial La « Me ´ dico » a un nouveau pre ´ sident. Je succe `de a ` Evelyne Pewzner-Apeloig. J’en suis tre ` s honore ´ . Et j’ai plaisir a ` me faire le porte-parole de tous pour la remercier de tout ce travail accompli, notamment pour la coope ´ ration franco-italienne en psychiatrie. J’ai e ´te ´ e ´ lu membre correspondant national de la Socie ´ te ´ Me ´ dico-Psychologique il y a 37 ans et je remercie l’ensemble de l’assemble ´e ge ´ne ´ rale de la Socie ´te ´ de m’avoir e ´lu a ` la pre ´ sidence l’an passe ´ . Je dois dire que j’y ai vu ce jour-la ` une nouvelle preuve que la SMP e ´ tait bien ancre ´ e dans son temps puisque je n’ai pas e ´ te ´ oublie ´ lorsque je suis parti aux Antilles, comme le craignait Yves Pe ´ licier. Ne ´ anmoins, chaque fois que j’entre dans une se ´ance de la Me ´ dico, j’e ´ prouve le sentiment d’entrer dans un temple. Dans une liturgie intemporelle. Cette re ´ gularite ´ des offices depuis 162 ans me rassure et m’installe dans une atmosphe `re de « poe ´ tique du rituel » de la psychiatrie. Et si je pense ici a ` Jean-Franc ¸ois Allilaire, ce n’est pas au pre ˆtre du temple mais pluto ˆt a ` la poutre maı ˆtresse du temple, au poto mitan comme nous disons a ` la Martinique, que je le comparerais, et je veux le remercier pour sa solidite ´ . Merci aussi a ` Jacqueline Parant et a ` son expe ´ rience qui accompagne cette e ´ ternite ´ de la SMP. A ` Christine Mirabel-Sarron, secre ´ taire ge ´ ne ´ rale quand je suis entre ´ au Bureau, je voudrais dire mon admiration pour sa grande compe ´ tence et aussi pour son sens de l’organisation au sein de notre Socie ´te ´. Je voudrais e ´ galement remercier pour leur travail opinia ˆtre l’ensemble du Conseil d’Administration et notre secre ´ taire ge ´ne ´ ral, le tre ` s dynamique Marc Masson. A ` notre vice-pre ´ sident le Pr Jean-Marie Vanelle, je souhaite la bienvenue. Il apporte de ´ ja ` son savoir et son sens de la convivialite ´ pour conserver a ` notre socie ´te ´ ce qui lui a permis de se perpe ´ tuer depuis sa cre ´ ation. Et je remercie enfin tous ceux qui sont venus pre ´ senter leurs communications. Elles nous enrichissent. Nous sommes aujourd’hui le 24 fe ´ vrier 2014. Le 24 fe ´ vrier 1848, c’est une date que nous connaissons dans les outre-mer. Louis-Philippe ne parvient pas a ` reprendre en main la situation, le Palais-Bourbon est envahi par les re ´ volutionnaires qui font proclamer un gouvernement provisoire. La Deuxie `me Re ´ publique franc ¸aise est ne ´e ce 24 fe ´ vrier. Dans les colonies, l’espoir renaı ˆt chez les esclaves. La Convention avait aboli l’esclavage en 1794 pour calmer leurs re ´ voltes. Bonaparte avait annule ´ l’abolition en 1802. De cette date, plusieurs insurrections avaient secoue ´ les colonies. C’est pourquoi, de ` s le 27 avril 1848, Victor Schoelcher publie les de ´ crets d’abolition. Ainsi donc, pendant que les turbulences de la Re ´ volution acce ´ le ´ raient la proce ´ dure administrative d’abolition de l’esclavage, elles ralentissaient notablement la cre ´ ation de la Socie ´te ´ Me ´ dico- Psychologique. En effet, voici ce qu’e ´ crit Jean-Christophe Coffin dans La Revue d’Histoire du XIX e sie `cle : « La cre ´ ation, au milieu du XIX e sie ` cle, de la Socie ´te ´ Me ´ dico-Psychologique, socie ´te ´ savante de me ´ decins alie ´ nistes, met en exergue le jeu complexe des liens entre me ´decine et politique [...]. La mise en place de la Socie ´te ´, retarde ´e par les e ´ve ´nements de fe ´vrier, connaı ˆtra jusqu’en 1852 des errements lie ´s aux avatars politiques et a ` des clivages propres au milieu me ´ dical. » Ce jeu complexe des liens entre psychiatrie et politique a pris des formes diverses depuis la naissance de la psychiatrie mais il n’a jamais cesse ´. D’ailleurs, le nume ´ro 1 des Annales Me ´dico- Psychologiques, paru en fe ´ vrier 2014, lui est consacre ´ . La dimension politique est donc immanente a ` la psychiatrie et aujourd’hui, elle interroge de ´ja ` cette dernie `re a ` propos des conse ´ quences psychi- ques de la traite et de l’esclavage, car des voix se sont e ´ leve ´ es pour demander la mise en place d’un colle ` ge d’experts afin d’e ´ valuer les traumatismes subis. Les experts, justement, sur quels crite ` res sont-ils nomme ´s ? Quels enjeux politiques et ide ´ ologiques sous-tendent l’expertise ? Voila ` deux questions auxquelles re ´ pond l’un des deux me ´ moires (Palaric et Moulin) de ce nume ´ ro. Non loin, le deuxie ` me me ´ moire (Bouyer-Richard et al.) souligne la ne ´ cessite ´ de prendre en compte les psycho-traumatismes chez les victimes d’infractions pe ´ nales et de les e ´ valuer rigoureusement. De me ˆme, mais cette fois chez les sujets en grande pre ´ carite ´ (Schiltz et al.), le lien de celle-ci avec des e ´le ´ ments traumatiques de l’enfance fait l’objet d’une e ´ tude quantitative et qualitative inte ´ gre ´ e. Un autre article (Auxe ´ me ´ ry) porte sur la clinique – elle est singulie ` re – du psycho-traumatisme chez les personnes a ˆge ´ es. Ainsi la plupart des articles de ce nume ´ ro mettent en exergue l’inte ´re ˆt d’une pratique formalise ´e de l’e ´ valuation en psychiatrie le ´ gale et en psycho-traumatologie. On perc ¸oit bien l’importance d’une standardisation du bilan clinique face aux tribunaux et aussi pour une meilleure efficacite ´ de la the ´ rapeutique... Annales Me ´ dico-Psychologiques 172 (2014) 487–488 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2014.08.002 0003-4487/ß 2014 Publie ´ par Elsevier Masson SAS.

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Annales Medico-Psychologiques 172 (2014) 487–488

Disponible en ligne sur

ScienceDirectwww.sciencedirect.com

Editorial

Editorial

La « Medico » a un nouveau president. Je succede a EvelynePewzner-Apeloig. J’en suis tres honore. Et j’ai plaisir a me faire leporte-parole de tous pour la remercier de tout ce travail accompli,notamment pour la cooperation franco-italienne en psychiatrie.

J’ai ete elu membre correspondant national de la SocieteMedico-Psychologique il y a 37 ans et je remercie l’ensemble del’assemblee generale de la Societe de m’avoir elu a la presidencel’an passe. Je dois dire que j’y ai vu ce jour-la une nouvelle preuveque la SMP etait bien ancree dans son temps puisque je n’ai pas eteoublie lorsque je suis parti aux Antilles, comme le craignait YvesPelicier.

Neanmoins, chaque fois que j’entre dans une seance de laMedico, j’eprouve le sentiment d’entrer dans un temple. Dans uneliturgie intemporelle. Cette regularite des offices depuis 162 ansme rassure et m’installe dans une atmosphere de « poetique durituel » de la psychiatrie. Et si je pense ici a Jean-Francois Allilaire,ce n’est pas au pretre du temple mais plutot a la poutre maıtressedu temple, au poto mitan comme nous disons a la Martinique, queje le comparerais, et je veux le remercier pour sa solidite. Merciaussi a Jacqueline Parant et a son experience qui accompagne cetteeternite de la SMP.

A Christine Mirabel-Sarron, secretaire generale quand je suisentre au Bureau, je voudrais dire mon admiration pour sa grandecompetence et aussi pour son sens de l’organisation au sein denotre Societe.

Je voudrais egalement remercier pour leur travail opiniatrel’ensemble du Conseil d’Administration et notre secretaire general,le tres dynamique Marc Masson.

A notre vice-president le Pr Jean-Marie Vanelle, je souhaite labienvenue. Il apporte deja son savoir et son sens de la convivialitepour conserver a notre societe ce qui lui a permis de se perpetuerdepuis sa creation. Et je remercie enfin tous ceux qui sont venuspresenter leurs communications. Elles nous enrichissent.

Nous sommes aujourd’hui le 24 fevrier 2014.Le 24 fevrier 1848, c’est une date que nous connaissons dans les

outre-mer. Louis-Philippe ne parvient pas a reprendre en main lasituation, le Palais-Bourbon est envahi par les revolutionnaires quifont proclamer un gouvernement provisoire. La DeuxiemeRepublique francaise est nee ce 24 fevrier. Dans les colonies,l’espoir renaıt chez les esclaves. La Convention avait abolil’esclavage en 1794 pour calmer leurs revoltes. Bonaparte avait

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0003-4487/� 2014 Publie par Elsevier Masson SAS.

annule l’abolition en 1802. De cette date, plusieurs insurrectionsavaient secoue les colonies. C’est pourquoi, des le 27 avril 1848,Victor Schoelcher publie les decrets d’abolition.

Ainsi donc, pendant que les turbulences de la Revolutionacceleraient la procedure administrative d’abolition de l’esclavage,elles ralentissaient notablement la creation de la Societe Medico-Psychologique.

En effet, voici ce qu’ecrit Jean-Christophe Coffin dans La Revue

d’Histoire du XIXe siecle : « La creation, au milieu du XIX

e siecle, de laSociete Medico-Psychologique, societe savante de medecinsalienistes, met en exergue le jeu complexe des liens entre medecine

et politique [. . .]. La mise en place de la Societe, retardee par les

evenements de fevrier, connaıtra jusqu’en 1852 des errements liesaux avatars politiques et a des clivages propres au milieumedical. »

Ce jeu complexe des liens entre psychiatrie et politique a prisdes formes diverses depuis la naissance de la psychiatrie mais il n’ajamais cesse. D’ailleurs, le numero 1 des Annales Medico-

Psychologiques, paru en fevrier 2014, lui est consacre. La dimensionpolitique est donc immanente a la psychiatrie et aujourd’hui, elleinterroge deja cette derniere a propos des consequences psychi-ques de la traite et de l’esclavage, car des voix se sont elevees pourdemander la mise en place d’un college d’experts afin d’evaluer lestraumatismes subis.

Les experts, justement, sur quels criteres sont-ils nommes ?Quels enjeux politiques et ideologiques sous-tendent l’expertise ?Voila deux questions auxquelles repond l’un des deux memoires(Palaric et Moulin) de ce numero. Non loin, le deuxieme memoire(Bouyer-Richard et al.) souligne la necessite de prendre en compteles psycho-traumatismes chez les victimes d’infractions penales etde les evaluer rigoureusement. De meme, mais cette fois chez lessujets en grande precarite (Schiltz et al.), le lien de celle-ci avec deselements traumatiques de l’enfance fait l’objet d’une etudequantitative et qualitative integree. Un autre article (Auxemery)porte sur la clinique – elle est singuliere – du psycho-traumatismechez les personnes agees. Ainsi la plupart des articles de ce numeromettent en exergue l’interet d’une pratique formalisee del’evaluation en psychiatrie legale et en psycho-traumatologie.On percoit bien l’importance d’une standardisation du bilanclinique face aux tribunaux et aussi pour une meilleure efficacitede la therapeutique. . .

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Les autres articles dans ce champ se revelent, eux aussi,particulierement interessants : le brillant expose de notre presidentesortante sur la psychiatrie en France sous l’occupation (E. Pewzner-Apeloig), la question de la liberte du malade au regard des recenteslois (Hazif-Thomas et al.) et l’article de M. Schweitzer et N. Puig-Verges, « Soins obliges, injonction de soins et expertises judiciaires.Enjeux ideologiques ou enjeux politiques pour la psychiatrie ».Ailleurs, deux textes (Balzani, Grenouilloux) montrent, s’il en etaitbesoin, l’imperieuse necessite de l’approche phenomenologique,tandis que l’addiction aux combats de coqs (Malpica) merite ledetour. Enfin nous ne savons que trop combien « le vecu des effets

indesirables d’un traitement antipsychotique » (Vaxelaire et al.)limite l’observance du patient, a moins qu’il ne s’agisse d’uneinefficacite medicamenteuse liee au profil de son cytochrome P450 (Estingoy et al.). Pour finir, le DPC sur l’autisme (Murad et al.)rafraıchit avec bonheur notre memoire declarative.

Pr Aime Charles-NicolasCHU de Fort-de-France, BP 632, 97261 Fort-de-France,

Martinique

Adresse e-mail : [email protected] (A. Charles-Nicolas)