Edition du lundi 22 avril 2013

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LES ANNONCES DE LA SEINE VIE DU DROIT Médiation judiciaire et conventionnelle L’office du juge : conciliation et médiation par Fabrice Vert...............2 Le droit positif de la médiation par Natalie Fricéro.............................4 Fondation Prospective et Innovation Institutions et démocratie représentative par Jean-Marc Sauvé.........7 Conseil National des Barreaux Vers une réforme globale de l'accès au droit et à la Justice proposée aux pouvoirs publics par la profession d'Avocat.............10 Conférence des Bâtonniers Transparence de la vie publique : un projet inacceptable pour les avocats et préjudiciable pour la démocratie .....................13 RENTRÉE SOLENNELLE Tribunal de commerce de Bobigny La prévention judiciaire par Philibert Demory .................................11 L’humilité du juge consulaire par Gérard Vedrenne........................12 ANNONCES LEGALES ...................................................14 SOCIÉTÉ Mariage pour tous : plaidoyer pour une audience publique par François-Henri Briard.................................................................21 JURISPRUDENCE Cour de cassation - 1 ère chambre civile - 10 avril 2013 ...23 IN MEMORIAM Le Premier Président Pierre Drai nous a quittés.............23 J OURNAL OFFICIEL D’ANNONCES LÉGALES - I NFORMATIONS GÉNÉRALES, J UDICIAIRES ET TECHNIQUES bi-hebdomadaire habilité pour les départements de Paris, Yvelines, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val de Marne 12, rue Notre-Dame des Victoires - 75002 PARIS - Téléphone : 01 42 60 36 35 - Télécopie : 01 47 03 92 15 Internet : www.annoncesdelaseine.fr - E-mail : [email protected] FONDATEUR EN 1919 : RENÉ TANCRÈDE - DIRECTEUR : JEAN-RENÉ TANCRÈDE Lundi 22 avril 2013 - Numéro 27 - 1,15 Euro - 94 e année C ette journée organisée à la Chambre Nationale des Huissiers de Justice sous l’égide de l’Ecole Nationale de la Magistrature en partenariat avec les avocats et les notaires, est, par certains de ses aspects, sans doute une première. Pour les apprécier, il faut revenir aux raisons qui nous ont conduit à l’organiser. Vous savez que récemment, par un décret de 2011, la profession d’huissier de justice a été autorisée à exercer la médiation judiciaire et conventionnelle, comme d’autres professions du droit. Ce décret nous a incité, à la Chambre nationale, à nous pencher sur la nécessité de mettre en place une politique de formation et de soutien au développement de cette nouvelle activité. Nous sommes bien entendu conscients que cette question dépasse le simple cadre des huissiers de justice pour rejoindre, au plan général, celui de la place de ce mode alternatif de règlement des différends dans notre société et du rôle que les professions du droit peuvent y jouer. Il nous a semblés qu’il était important de sensibiliser nos professions à cette matière, avant d’aborder les aspects déontologiques et pratiques indispensables à la formation de tout professionnel du droit qui voudrait être médiateur. Il nous a également semblés intéressant que cette sensibilisation s’adresse en même temps à des avocats, des notaires, des huissiers de justice. Nous sommes en effet persuadés que le développement de la médiation dans notre pays, passe par une mobilisation collective de nous tous pour sa promotion et son organisation. Je suis intimement persuadé que des manifestations de ce type aideront au développement de la médiation conventionnelle et judiciaire, voulu tant au niveau interne qu’au niveau européen. L’action commune des professions du droit sera sans doute le moteur qui permettra l’essor de cette forme de Justice dont notre société a aujourd’hui besoin. En introduction à ce colloque et en hommage à Pierre Drai, je vous annonce avec une grande tristesse le décès, hier, du Premier Président honoraire de la Cour de cassation, qui a marqué de son empreinte par son humanisme et ses grandes qualités de juriste – au-delà de ses pairs – l’ensemble des professionnels du droit que nous sommes et plus simplement la Justice de notre pays. Je voudrais faire mienne la phrase qu’il a si souvent répétée : « La médiation est un moment d’humanité dans des procédures parfois kafkaïennes ». Jean-Daniel Lachkar Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35 Médiation judiciaire et conventionnelle Paris - 19 avril 2013 Jean-Daniel Lachkar, Natalie Fricéro et Fabrice Vert

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LES ANNONCES DE LA SEINE

VIE DU DROITMédiation judiciaire et conventionnelleL’office du juge : conciliation et médiation par Fabrice Vert...............2Le droit positif de la médiation par Natalie Fricéro.............................4Fondation Prospective et InnovationInstitutions et démocratie représentative par Jean-Marc Sauvé.........7Conseil National des BarreauxVers une réforme globale de l'accès au droit et à la Justiceproposée aux pouvoirs publics par la profession d'Avocat.............10Conférence des BâtonniersTransparence de la vie publique : un projet inacceptablepour les avocats et préjudiciable pour la démocratie .....................13RENTRÉE SOLENNELLETribunal de commerce de BobignyLa prévention judiciaire par Philibert Demory .................................11L’humilité du juge consulaire par Gérard Vedrenne........................12ANNONCES LEGALES ...................................................14SOCIÉTÉMariage pour tous : plaidoyer pour une audience publiquepar François-Henri Briard.................................................................21JURISPRUDENCECour de cassation - 1ère chambre civile - 10 avril 2013 ...23IN MEMORIAMLe Premier Président Pierre Drai nous a quittés.............23

JOURNAL OFFICIEL D’ANNONCES LÉGALES - INFORMATIONS GÉNÉRALES, JUDICIAIRES ET TECHNIQUESbi-hebdomadaire habilité pour les départements de Paris, Yvelines, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val de Marne

12, rue Notre-Dame des Victoires - 75002 PARIS - Téléphone : 01 42 60 36 35 - Télécopie : 01 47 03 92 15Internet : www.annoncesdelaseine.fr - E-mail : [email protected]

FONDATEUR EN 1919 : RENÉ TANCRÈDE - DIRECTEUR : JEAN-RENÉ TANCRÈDE

Lundi 22 avril 2013 - Numéro 27 - 1,15 Euro - 94e année

Cette journée organisée à la ChambreNationale des Huissiers de Justice sous l’égidede l’Ecole Nationale de la Magistrature enpartenariat avec les avocats et les notaires,

est, par certains de ses aspects, sans doute une première.Pour les apprécier, il faut revenir aux raisons qui nousont conduit à l’organiser. Vous savez que récemment, par un décret de 2011, laprofession d’huissier de justice a été autorisée à exercerla médiation judiciaire et conventionnelle, commed’autres professions du droit. Ce décret nous a incité,à la Chambre nationale, à nous pencher sur la nécessitéde mettre en place une politique de formation et desoutien au développement de cette nouvelle activité. Nous sommes bien entendu conscients que cettequestion dépasse le simple cadre des huissiers de justicepour rejoindre, au plan général, celui de la place de cemode alternatif de règlement des différends dans notresociété et du rôle que les professions du droit peuventy jouer.Il nous a semblés qu’il était important de sensibilisernos professions à cette matière, avant d’aborder lesaspects déontologiques et pratiques indispensables àla formation de tout professionnel du droit qui voudraitêtre médiateur.

Il nous a également semblés intéressant que cettesensibilisation s’adresse en même temps à des avocats,des notaires, des huissiers de justice. Nous sommes eneffet persuadés que le développement de la médiationdans notre pays, passe par une mobilisation collectivede nous tous pour sa promotion et son organisation. Je suis intimement persuadé que des manifestations dece type aideront au développement de la médiationconventionnelle et judiciaire, voulu tant au niveauinterne qu’au niveau européen. L’action commune desprofessions du droit sera sans doute le moteur quipermettra l’essor de cette forme de Justice dont notresociété a aujourd’hui besoin.En introduction à ce colloque et en hommage à PierreDrai, je vous annonce avec une grande tristesse le décès,hier, du Premier Président honoraire de la Cour decassation, qui a marqué de son empreinte par sonhumanisme et ses grandes qualités de juriste – au-delàde ses pairs – l’ensemble des professionnels du droitque nous sommes et plus simplement la Justice de notrepays.Je voudrais faire mienne la phrase qu’il a si souventrépétée : « La médiation est un moment d’humanitédans des procédures parfois kafkaïennes ».

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Médiation judiciaire et conventionnelleParis - 19 avril 2013

Jean-Daniel Lachkar, Natalie Fricéro et Fabrice Vert

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Vie du droit

L’office du juge :conciliation et médiationpar Fabrice Vert

2013 : décrétée année de la médiation parMadame le Bâtonnier du barreau de Paris ;création par la Chambre nationale des huissiersd’un centre de médiation ; création par lachambre des notaires de Paris d’un centre demédiation ; transposition de la directiveeuropéenne du 21 mai 2008 sur certains aspectsde la médiation en matière civile et commercialepar la création d’un livre V du Code deprocédure civile intitulée « La resolutionamiable des differends ».Deux directives européennes, l’une sur le« métier » de médiateur, l’autre sur la « on linedispute resolution » en voie d’être adoptées. Plus de 100 000 médiateurs, ou pour être exactplus de 100 000 particuliers et institutions seprévalant du titre de médiateur , répertoriés enFrance ; plus de 750 types de médiationsrecensés dans l’Union européenne ;

Le temps des médiateurs, en référence àl’ouvrage fondateur de Jean-François Six, serait-il enfin advenu ?La réponse à cette question demeure ouverteau regard notamment du bilan mitigé, et c’estun euphémisme, de la médiation judiciaire.Le paradoxe de la médiation judiciaire en Franceest que si notre pays a été l'un des premiers à sedoter, en février 1995, d'une loi l'organisant, sapratique, près de 20 ans après, reste très peudéveloppée.Malgré l’investissement de certains magistratset avocats , en collaboration avec les associationsde médiateurs et les instituts de formation à lamédiation convaincus de ce que les modesalternatifs de règlement des conflits sont un outilindispensable à la garantie de la paix sociale,mission essentielle de la Justice, nombreux sont

toutefois ceux qui considèrent que le rôle de laJustice doit se réduire à trancher, avec le glaivedu droit, les litiges soumis, parfois au détrimentmême des intérêts des parties et en dépit d’uncoût humain, économique et social élevé. Des expériences individuelles ont été menéesavec beaucoup d'énergie et d'abnégation dansles juridictions. Cependant elles n’ont pas portéleurs fruits, faute de capitalisation des acquis deces expériences dans le cadre d’une politiquedynamique nationale, puisque l’on constate parexemple qu’en matière de médiation familiale,domaine dans lequel la médiation s’est le plusdéveloppée, 1 % seulement des conflits soumisaux juridictions trouvent une solution par cemode de résolution.Que l’on ne s’y méprenne pas, notre propos nevise pas à l’éradication des conflits,consubstantiels à la démocratie, mais à uneréflexion pour réfléchir ensemble sur les modesles plus adaptés pour régler les litiges qui noussont soumis.

Un peuple de procéduriers

La confiance des acteurs judicaires et desjusticiables dans la médiation est la conditionpremière de son succès. L’intérêt pour lamédiation, même s’il se développe dans desunivers très divers, ne pourra conduire à sondéveloppement que dans la mesure où un certainnombre de questions seront traitéespréalablement. Ces questions recouvrent ladéfinition de la médiation, l'information, lesincitations financières, la qualité et la formationrequises, la déontologie des médiateurs ainsi quel’organisation de la médiation dans les juridictions. Mais l’un des obstacles majeurs audéveloppement de la médiation est la traditionde chicane d’un peuple de procéduriers ; laFrance, à l’inverse d’autres pays notammentanglo-saxons, connait une culture du conflit etnon du compromis.

LES ANNONCES DE LA SEINESiège social :

12, rue Notre-Dame des Victoires - 75002 PARISR.C.S. PARIS B 339 349 888

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Directeur de la publication et de la rédaction :Jean-René Tancrède

Comité de rédaction :

Thierry Bernard, Avocat à la Cour, Cabinet BernardsFrançois-Henri Briard, Avocat au Conseil d’EtatAgnès Bricard, Présidente de la Fédération des Femmes AdministrateursAntoine Bullier, Professeur à l’Université Paris I Panthéon SorbonneMarie-Jeanne Campana, Professeur agrégé des Universités de droitAndré Damien, Membre de l’InstitutPhilippe Delebecque, Professeur de droit à l’Université Paris I Panthéon SorbonneBertrand Favreau, Président de l’Institut des Droits de l’Homme des Avocats Européens,ancien Bâtonnier de BordeauxDominique de La Garanderie, Avocate à la Cour, ancien Bâtonnier de ParisBrigitte Gizardin, Magistrat honoraireRégis de Gouttes, Premier avocat général honoraire à la Cour de cassationChloé Grenadou, Juriste d’entrepriseSerge Guinchard, Professeur de Droit à l’Université Paris II Panthéon-AssasFrançoise Kamara, Conseiller à la première chambre de la Cour de cassationMaurice-Antoine Lafortune, Avocat général honoraire à la Cour de cassation Bernard Lagarde, Avocat à la Cour, Maître de conférence à H.E.C. - EntrepreneursJean Lamarque, Professeur de droit à l’Université Paris II Panthéon-AssasChristian Lefebvre, Président Honoraire de la Chambre des Notaires de ParisDominique Lencou, Président d’Honneur du Conseil National des Compagniesd’Experts de JusticeNoëlle Lenoir, Avocate à la Cour, ancienne MinistrePhilippe Malaurie, Professeur émérite à l’Université Paris II Panthéon-AssasJean-François Pestureau, Expert-Comptable, Commissaire aux comptesGérard Pluyette, Conseiller doyen à la première chambre civile de la Cour de cassationJacqueline Socquet-Clerc Lafont, Avocate à la Cour, Présidente d’honneur de l’UNAPLYves Repiquet, Avocat à la Cour, ancien Bâtonnier de ParisRené Ricol, Ancien Président de l’IFACFrancis Teitgen, Avocat à la Cour, ancien Bâtonnier de ParisCarol Xueref, Directrice des affaires juridiques, Groupe Essilor International

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Commission paritaire : n° 0713 I 83461I.S.S.N. : 0994-3587Tirage : 12 987 exemplairesPériodicité : bi-hebdomadaireImpression : M.I.P.3, rue de l’Atlas - 75019 PARIS

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Le journal “Les Annonces de la Seine” a été désigné comme publicateur officiel pourla période du 1er janvier au 31 décembre 2013, par arrêtés de Messieurs les Préfets :de Paris, du 27 décembre 2012 ; des Yvelines, du 31 décembre 2012 ; des Hauts-de-Seine, du 31 décembre 2012 ; de la Seine-Saint-Denis, du 27 décembre 2012 ; duVal-de-Marne, du 27 décembre 2012 ; de toutes annonces judiciaires et légales prescritespar le Code Civil, les Codes de Procédure Civile et de Procédure Pénale et de Commerceet les Lois spéciales pour la publicité et la validité des actes de procédure ou des contratset des décisions de justice pour les départements de Paris, des Yvelines, de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne ; et des Hauts-de-Seine.N.B. : L’administration décline toute responsabilité quant à la teneur des annonces légales.

- Tarifs hors taxes des publicités à la ligneA) Légales :Paris : 5,48 € Seine-Saint-Denis : 5,48 €Yvelines : 5,23 € Hauts-de-Seine : 5,48 €Val-de-Marne : 5,48 €B) Avis divers : 9,75 €C) Avis financiers : 10,85 €D) Avis relatifs aux personnes : Paris : 3,82 € Hauts-de-Seine : 3,82 €Seine-Saint Denis : 3,82 € Yvelines : 5,23 €Val-de-Marne : 3,82 €- Vente au numéro : 1,15 €- Abonnement annuel : 15 € simple

35 € avec suppléments culturels95 € avec suppléments judiciaires et culturels

COMPOSITION DES ANNONCES LÉGALESNORMES TYPOGRAPHIQUES

Surfaces consacrées aux titres, sous-titres, filets, paragraphes, alinéasTitres : chacune des lignes constituant le titre principal de l’annonce sera composée en capitales (oumajuscules grasses) ; elle sera l’équivalent de deux lignes de corps 6 points Didot, soit arrondi à 4,5 mm.Les blancs d’interlignes séparant les lignes de titres n’excéderont pas l’équivalent d’une ligne de corps6 points Didot, soit 2,256 mm.Sous-titres : chacune des lignes constituant le sous-titre de l’annonce sera composée en bas-de-casse(minuscules grasses) ; elle sera l’équivalent d’une ligne de corps 9 points Didot soit arrondi à 3,40 mm. Lesblancs d’interlignes séparant les différentes lignes du sous-titre seront équivalents à 4 points soit 1,50 mm.Filets : chaque annonce est séparée de la précédente et de la suivante par un filet 1/4 gras. L’espace blanccompris entre le filet et le début de l’annonce sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot soit2,256 mm. Le même principe régira le blanc situé entre la dernière ligne de l’annonce et le filet séparatif.L’ensemble du sous-titre est séparé du titre et du corps de l’annonce par des filets maigres centrés. Leblanc placé avant et après le filet sera égal à une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm.Paragraphes et Alinéas : le blanc séparatif nécessaire afin de marquer le début d’un paragraphe où d’unalinéa sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Ces définitions typographiquesont été calculées pour une composition effectuée en corps 6 points Didot. Dans l’éventualité où l’éditeurretiendrait un corps supérieur, il conviendrait de respecter le rapport entre les blancs et le corps choisi.

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Vie du droit

Citons à ce sujet un extrait révélateur del’éditorial de Christophe Barbier, rédacteur enchef de la revue l’Express paru dans l’édition du27 mars 2013 : « la justice... souffre de boulimie,gavée par une opinion qui veut que tout litigese tranche en robe noire. Que l’esprit deconciliation se réveille dans la société , que latolérance et l’indulgence reviennent enchacun… et l’on arrêtera de demander auxmagistrats de régler des différends sans intérêten mobilisant des forces qu’elle n’a pas » .Il nous revient, à nous , professionnels du droit,avocats, notaires, huissiers de justice,universitaires, enfin réunis aujourd’hui, departiciper à l’éducation de nos compatriotes,potentiels justiciables, afin de voir se propagercet esprit de médiation et de conciliation siéloigné de nos prétoires où les termes guerrierssont trop souvent répandus. Cela implique unbouleversement des comportements desacteurs judiciaires. La médiation repose sur desprincipes de liberté, d’égalité entre despartenaires , d’autonomie, de responsabilité,d’écoute, de compréhension mutuelle au traversd’un processus souple et confidentiel, quipeuvent se révéler difficilement conciliablesavec le rituel judicaire où l’on emploie souventdes mots guerriers (arène judicaire, dueljudicaire, vainqueur /vaincu, adversaires), avecune institution qui exerce une fonctionrégalienne, un pouvoir constitutionnel,organisée hiérarchiquement et qui est un lieud’autorité .Le doyen Cornu, lors de l’introduction en 1975dans le Code de procédure civile de laconciliation par le juge comme principedirecteur du procès, ne soulignait-il pas que laconciliation était « aux antipodes d’une justiceengoncée ou technocratique ».Il serait peut être intéressant de s’inspirer dusystème québécois qui organise des conférencesde règlement des procédures durant lesquellesle juge en chef reçoit sans formalité les partiesà un litige, s’entretient librement avec elles etleurs avocats pour évoquer ensemble lameilleure façon de résoudre leur conflit dansleur intérêt.

Une formation communesous l’égide de l’ENM

C’est en unissant nos expertises respectives quenous pourrons analyser au mieux les freins à lamédiation et les facteurs conditionnant sondéveloppement. Cette journée de formation,sous l’égide, de l’Ecole Nationale de laMagistrature a pour objet de susciter unenouvelle dynamique pour la médiation enrassemblant magistrats, avocats, notaires,huissiers de justice, universitaires. C’est unegrande première que cette formation de l’ENM,en partenariat avec le barreau de Paris, l’EFB etla Chambre nationale des huissiers. Merci àMonsieur Marco Scuccimarra, sous-directeurdes formations professionnelles spécialisées del’ENM, à Monsieur Gabriel Mecarelli, directeurjuridique de la CNHJ, à Maitre Michèle Jaudel,déléguée du Bâtonnier de Paris à la médiation,à Monsieur Jean-Daniel Lachkar, Président dela Chambre nationale des huissiers, à MonsieurChristian Lefebvre, Président honoraire de la

Chambre des notaires de Paris et à tous lesintervenants à ce colloque qui nous apporterontleurs précieuses expertises.C’ est l’occasion idéale d’appeler à la créationd’un observatoire national de la médiationcomposé de représentants de magistrats,auxiliaires de justice, professions réglementéesassociations de médiateurs, instituts deformation à la médiation, professeurs de droit,élus et représentants de la société civile, dontla mission serait d'observer les initiatives en lamatière, formuler des propositions aux pouvoirspublics en vue de labelliser les formations à lamédiation et les associations de médiateurs,dresser une liste de médiateurs et élaborer unCode national de déontologie de la médiation.Mais, nous les juristes n’oublions pas que lamédiation, avant d’être un mode amiable derésolution des différends, « constitue un conceptmajeur, qui figure dans tous les dictionnaires dephilosophie »(Michèle Guillaume –Hofnung lamédiation, collection Que sais-je). « Ledéferlement contemporain de programmes demédiation est, de mon point de vue l’indicateurd’une société qui cherche une nouvelle façon degouverner la cité et de fabriquer de la cohésion àtravers de nouveaux référentiels d’action »(jacques Faget, médiations, les ateliers silencieuxde la démocratie, éditions érès).

Un enrichissementde la réponse judiciaire

Nous, les juristes, veillons à respecter le conceptde médiation pour ne pas le dénaturer par uncarcan de procédures, au risque de la priver detout intérêt.Il faut préserver à la médiation sa souplesse, sonoriginalité, sa diversité.N’oublions pas que la médiation, sous sa formemoderne, est issue de la société civile et qu’elledoit être conçue comme un enrichissement dela réponse judicaire et non comme un moyende désengorger les juridictions. C’est pourquoila présence des universitaires, à qui peut revenirce rôle de vigie, est fondamental à l’occasionsde nos travaux.En préliminaire à l’ouverture de notre formation,j’essaierai de répondre à cette question :maispourquoi faut-il développer la médiation ?Parce que le rôle du juge dans une sociétédémocratique est d’être le garant de la paixsociale. Si la médiation et la conciliation ne sontpas la panacée, ce sont des outils indispensablespour que le juge mène à bien sa mission .Parce qu’il s’agit de répondre aux attentes de nosconcitoyens qui dans un récent sondage ontrépondu oui à 70 % à la question :Souhaitez vousun développement des modes alternatifs desrèglement des conflits ?En effet la médiation présente de nombreuxavantages pour nos concitoyens en situation deconflits.L'intérêt de la médiation, outre sa rapidité,évitant des procès lents et couteux, et saconfidentialité, est de permettre aux justiciablesde se réapproprier le procès en évitant l'aléajudiciaire, d'en devenir des acteurs responsables,de leur permettre de porter eux-mêmes leurparole et d'écouter celle de l'autre, de secomprendre mutuellement, d'aborder l'entièreté

du conflit aussi bien dans ses aspectséconomiques, relationnels, psychologiques,sociaux au-delà du litige strictement juridiquequi bien souvent ne traduit pas la véritableorigine du conflit, la réponse judicaire à ce litigene pouvant dès lors mettre fin à ce dernier.Mais l'intérêt essentiel de la médiation, au-delàde l'accord ponctuel qui mettra, le cas échéantfin au litige soumis au juge, est de permettre denouer ou de renouer un lien social entre desparties en conflit et de préserver l'avenir si ellessont amenées à continuer à entretenir desrelations , qu'elles soient de nature commerciale,familiale, de voisinage…Ce processus de communication éthique, axésur la responsabilité et l'autonomie de ses acteursne peut se faire qu'à l'aide d'un tiers compétent,indépendant, impartial, sans pouvoir dedécision au cours d'entretiens confidentiels etqui les aidera eux-mêmes à trouver un accord,au travers d’une solution souvent inventive etoriginale où l’équité aura toute sa place.Souvenons nous que Victor Hugo disait queseule l’équité était au dessus de la justice. Et noussavons bien que parfois justice et équité ne fontpas bon ménage.

Un univers à partager

Cette journée de formation sur la médiationjudicaire et conventionnelle commencera parune approche du droit positif de la médiation ;car comment promouvoir ce mode derésolution des différends si l’on en ignore lanature et le régime juridique. L'une des raisonsdu succès mitigé de la médiation est sonmanque de lisibilité résultant de la confusionentretenue entre les notions de conciliation,médiation, arbitrage, négociation, transactionet de l'utilisation anarchique du terme demédiateur par des personnes qui se prévalentde cette qualité sans en remplir les conditionsrequises, qui favorisent la défiance à l'égard deces pratiques. C’est à la professeure NatalieFricero qu’incombera cette tâche.Ensuite, une table ronde aura pour vocation àexpliquer et comprendre le rôle du médiateur,du magistrat prescripteur de médiation, del’avocat accompagnateur de son client enmédiation ;Le professeur Jean-François Roberge del’université de Sherbrooke au Canada aura pourmission cet après midi de nous initier auxtechniques de médiation ; car commentproposer la médiation si l’on ne connait pas saplus value par rapport aux autres modes derésolutions des différends ?Enfin une dernière table ronde aura pourobjectif de réfléchir sur la place que les notaires,huissiers et avocats peuvent occuper dans leprocessus de médiation tant judicaire queconventionnelle, la réponse à cette questionétant une des clefs de la réussite de la médiation. Pour conclure, je citerai cette phrase de lamédiateure canadienne Linda Bérubé, que j’aidécouverte dans l’excellente étude réalisée parMadame Béatrice Gorchs-Gelzer et MadameHélène Gebhardt sur la Médiation et les officierspublics ministériels, « La médiation n’est pas unterritoire à conquérir mais un univers àpartager ».

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Le droit positifde la médiationpar Natalie Fricéro

I. La place de la médiation dansnotre droit positif : le contexte,l’évolution, les enjeux pour les

professionnels de la justice

Le Dictionnaire Larousse nous apprendque le terme de médiation peut êtrerattaché au terme latin « mediatio », quisignifie entremise ou encore au terme

latin « mediare », qui signifie être au milieu.Philosophiquement, la médiation estl’articulation entre différents termes au sein d’unprocessus dialectique ou dans un raisonnement.La médiation est une activité d’entremise,d’articulation entre des êtres menée parquelqu’un qui se situe au milieu. Toutes lessciences sociales, les analyses historiques,démontrent que la médiation remonte àl’origine des temps et qu’elle a été appliquée auxrelations humaines, sociales et économiques,sous des formes variées(1) : selon GuillaumeHofnung, les objectifs de la médiation découlentde sa fonction ontologique de communicationéthique ; le médiateur, tiers impartial et neutre,sans pouvoir décisionnel ou consultatif, favorisele rétablissement du lien par des entretiensconfidentiels. Le droit a donc intégré lamédiation parmi les modes de résolutionamiable des différends.

La directive n° 2008/52/CE du 21 mai 2008 sur« certains aspects de la médiation en matièrecivile et commerciale » nous donne unenouvelle définition de la médiation, quiconstitue un compromis entre les différentssystèmes existants, ce qui n’est pas sans souleverd’extrêmes difficultés (le Conseil d’Etat, dansson rapport du 29 juillet 2010, « Développer lamédiation dans le cadre de l’Unioneuropéenne », avait dénombré en Europe plusde 750 types de résolutions amiables, englobésle plus souvent sous le terme de médiation !)

a) «médiation», un processus structuré, quelleque soit la manière dont il est nommé ou visé,dans lequel deux ou plusieurs parties à un litigetentent par elles-mêmes, volontairement, deparvenir à un accord sur la résolution de leurlitige avec l’aide d’un médiateur. Ce processuspeut être engagé par les parties, suggéré ouordonné par une juridiction ou prescrit par ledroit d’un État membre. Elle inclut la médiationmenée par un juge qui n’est chargé d’aucuneprocédure judiciaire ayant trait au litige enquestion. Elle exclut les tentatives faites par lajuridiction ou le juge saisi d’un litige pourrésoudre celui-ci au cours de la procédurejudiciaire relative audit litige.

b) «médiateur», tout tiers sollicité pour menerune médiation avec efficacité, impartialité etcompétence, quelle que soit l’appellation ou laprofession de ce tiers dans l’État membreconcerné et quelle que soit la façon dont il a éténommé pour mener ladite médiation ou dontil a été chargé de la mener.L’ordonnance du 16 novembre 2011 quitranspose cette directive reprend cettedéfinition que l’on retrouve dans l’article 21 dela loi du 8 février 1995. Art. 21.-La médiationrégie par le présent chapitre s'entend de tout

processus structuré, quelle qu'en soit ladénomination, par lequel deux ou plusieursparties tentent de parvenir à un accord en vuede la résolution amiable de leurs différends, avecl'aide d'un tiers, le médiateur, choisi par elles oudésigné, avec leur accord, par le juge saisi dulitige.

Le décret du 20 janvier 2012, qui met enapplication cette ordonnance et précise lesaspects procéduraux des modes amiables,reprend les mêmes termes, en assimilant lamédiation et la conciliation comme le fait laDirective : Art. 1530 CPC .-La médiation et laconciliation conventionnelles régies par leprésent titre s'entendent, en application desarticles 21 et 21-2 de la loi du 8 février 1995susmentionnée, de tout processus structuré, parlequel deux ou plusieurs parties tentent deparvenir à un accord, en dehors de touteprocédure judiciaire en vue de la résolutionamiable de leurs différends, avec l'aide d'un tierschoisi par elles qui accomplit sa mission avecimpartialité, compétence et diligence. Depuis le décret n° 2011-1173 du23 septembre 2011, modifiant le décret n° 56-222 du 29 février 1956, les huissiers de justicepeuvent exercer l’activité accessoire demédiation conventionnelle ou judiciaire. Deslimites spécifiques aux huissiers de justice, etaux notaires, sont prévues (voir le rapport del’Institut sur l’Evolution des ProfessionsJuridiques, IEPJ, EJT, années 2010-2012,particulièrement, La médiation pour les officierspublics et ministériels, utopie ou opportunité ?déc. 2012).

Mais il existe en réalité plusieurs catégories demédiations :

- les « médiations » dites internes, que lesprofessionnels ont mises en place pour satisfaireleurs clients, pour trouver une solution rapideet gratuite pour les consommateurs et mêmepour régler leurs différends inter-entreprises.Ces médiations ont une utilité économique etsociale certaine, mais ne sont pas règlementéespar le Code de procédure civile.- les médiations dites institutionnelles, que l’onretrouve dans les services publics et autresactivités publiques : Médiateur de l’Educationnationale (décret du 1er décembre 1998),Médiateur de l’économie, des finances et del’industrie (décret du 26 avril 2002). Cesmédiateurs, dont le rôle social et économiqueest incontestable, disposent d’attributionsvariables diversifiées, et ne relèvent pas desdispositions contenues dans le Code deprocédure civile.- la médiation judiciaire, c’est-à-dire une missionconfiée par le juge, avec l’accord des parties, àun tiers, indépendant, compétent et diligent,pour aider les parties à trouver un accord- enfin, la médiation conventionnelle, c’est-à-dire une mission confiée par les parties à untiers indépendant, compétent et diligent, pourles aider à trouver une solution amiable à leurdifférend.

Ces deux dernières médiations sont prévues parle CPC et intéressent les « médiateurs privés ».Qui peut être médiateur judiciaire ouconventionnel ? On trouve deux séries de règles : Pour le médiateur judiciaire, le juge doit vérifier,

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selon l’article 131-5 du code de procédure civile :la moralité ( « 1° Ne pas avoir fait l'objet d'unecondamnation, d'une incapacité ou d'unedéchéance mentionnées sur le bulletin n° 2 ducasier judiciaire ; 2° N'avoir pas été l'auteur defaits contraires à l'honneur, à la probité et auxbonnes moeurs ayant donné lieu à une sanctiondisciplinaire ou administrative de destitution,radiation, révocation, de retrait d'agrément oud'autorisation ), la compétence (3° Posséder,par l'exercice présent ou passé d'une activité, laqualification requise eu égard à la nature dulitige ; 4° Justifier, selon le cas, d'une formationou d'une expérience adaptée à la pratique de lamédiation ; l’indépendance (5° Présenter lesgaranties d'indépendance nécessaires à l'exercicede la médiation »).

Pour le médiateur conventionnel, l’article1533 du CPC prévoit aussi l’exigence demoralité (1° Ne pas avoir fait l'objet d'unecondamnation, d'une incapacité ou d'unedéchéance mentionnées sur le bulletin n° 3 ducasier judiciaire) et la compétence (2° Posséder,par l'exercice présent ou passé d'une activité, laqualification requise eu égard à la nature dudifférend ou justifier, selon le cas, d'uneformation ou d'une expérience adaptée à lapratique de la médiation.)Dans tous les cas, l’article 21-2 de la loi du8 février 1995 ajoute : Le médiateur accomplitsa mission avec impartialité, compétence etdiligence.

On le constate, les qualités attendues dumédiateur sont très rigoureuses. Laproblématique pour les juges prescripteurs demédiation résulte des difficultés pratiques decontrôle, faute de système global de certificationdes médiateurs. Le seul diplôme prévu est celuide médiateur familial (décret 2003-1166 du2 décembre 2003 portant création du diplômed’Etat de médiateur familial, arrêté du12 février 2004 modifié par arrêté du19 mars 2012). Néanmoins, il existe desformations assurées par des organismes privés,ou des diplômes d’université. Certainesassociations ont établi des chartes ou codes dedéontologie auxquels les adhérents-médiateursse soumettent. En outre, lorsqu’un avocat, unhuissier de justice, un notaire est médiateur, laconfiance qu’il génère provient certainementde celle qui est déjà donnée au professionnellui-même. Une Résolution du Parlementeuropéen du 13 septembre 2011 traduit biencette difficulté, et incite à l’instauration d’unedirective sur « les exigences d’accès à laprofession de médiateur » (consid. 18) et les« normes élevées en matière de formationprofessionnelle et d’accréditation dans l’Unioneuropéenne » (consid. 20). Sous ces conditions, la prestation de servicesde médiation peut donc être exercée par desprofessionnels, tels les avocats, les huissiers dejustice, les notaires, mais également desprofessionnels non juristes, dès lors que lesconditions de moralité et de formation à lamédiation sont remplies. Les professionnelspeuvent trouver plusieurs intérêts à se formeraux techniques de médiation : soit pourperformer leur activité professionnelle, soit pourrégler les conflits internes de natureprofessionnelle, soit pour pratiquer la médiationjudiciaire ou conventionnelle.

II. La particularité de lamédiation par rapport auxautres modes alternatifsamiables de résolution

des différends

a) La médiation et la conciliation

Conciliation par le juge : cela entre dans samission depuis toujours (art. 21, 127 à 129,130 et 131 CPC pour les règles générales)Conciliation déléguée par le juge à unconciliateur de justice (art. 129-1 s. CPC pourle conciliateur de justice, art. 831 etsuivants CPC devant le tribunal d’instance,art. 860-2 CPC pour le tribunal de commerceet art. 887 CPC pour le tribunal paritaire desbaux ruraux). L’article 128 CPC a été modifiépour préciser que « le juge qui doit procéder àune tentative préalable de conciliation peutenjoindre aux parties de rencontrer unconciliateur de justice qui les informera surl’objet et le déroulement de la conciliation, dansles conditions prévues par l’art. 22-1 de la loi du8 février 1995 ».Conciliation conventionnelle menée par leconciliateur de justice (art. 1528 et 1530 CPC).Le statut du conciliateur de justice a été prévupar le décret du 20 mars 1978, intégré dans saquasi-totalité au livre V du Code de procédurecivile par le décret du 20 janvier 2012(articles 1530 s.). Le conciliateur est un tiers quiagit avec impartialité, compétence et diligence(art. 1530 CPC) et est soumis à la confidentialité(art. 1531 CPC). Il a « pour mission derechercher le règlement amiable d’un différenddans les conditions et selon les modalitésprévues au code de procédure civile »(2). Le conciliateur de justice est toujours bénévole,ce qui est certainement la caractéristiqueessentielle de son statut : son intervention estdonc particulièrement adaptée aux litiges d’unfaible montant, ou lorsque les parties sontéconomiquement démunies. Il dispose d’unstatut de collaborateur occasionnel de la justiceuniforme, ce qui lui permet de bénéficier d’une« délégation » de la part du juge. Le conciliateurest formé par l’ENM, ses compétences sontplutôt juridiques, ce qui le conduit à trouverune solution au différend au lieu de seconcentrer sur le rétablissement du lien. Ladifférence entre médiation et conciliations’estompe parce que la définition de la directiveest englobante et que les conciliateurs sont eux-mêmes formés aux techniques de la médiation.

b) La médiation et la transaction

Dans la transaction, il n’y a aucun tiers. Il s’agitd’un contrat réglementé par le code civil(art. 2244 s. Code civil et art. 1568 CPC),mettant fin à un litige, avec des conditionsoriginales auxquelles la Cour de cassation ajoutel’existence « de concessions réciproques ». Latransaction est un contrat très réglementé parle code civil, qui a l’autorité de la chose jugéeentre les parties (est assimilée à un jugement sielle a été exécutée) et est difficilementattaquable. C’est un mode totalementvolontaire, qui repose sur le seul échange de

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ORDRE DES AVOCATS DE TLEMCENET UNION INTERNATIONALE DES AVOCATS

Les investissements étrangersen AlgérieSéminaire les 26 et 27 avril 2013 Hôtel Marriott Renaissance TlemcenPO Box 420/K ; Les CerisiersPlateau Lalla SettiTLEMCEN 13000 - ALGERIERenseignements : Sylva Bilez

Tél : +33 1 44 88 55 66

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INSTITUT PRESAJE - FRANCE - AMÉRIQUESLA LETTRE D’ILISSOS ET FIDES

Normes publiques et croissance :la France est-elle pénalisée dansla mondialisation ?Petit-déjeuner débat le 30 avril 2013 Salons du Cercle France-Amériques9/11, avenue Franklin Roosevelt 75008 PARISRenseignements : 01 43 59 51 00

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L’ASSOCIATION FRANÇAISEDES MAGISTRATS DE LA JEUNESSEET DE LA FAMILLE

La justice des mineurs danstous ses étatsAssemblée générale les 24 et 25 mai 2013Palais de justice de ParisSalle des Criées4, boulevard du Palais75001 PARISRenseignements : [email protected] 2013-324

SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE

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DÉLÉGATION DES BARREAUX DE FRANCE

La pratique du renvoi préjudicielEntretiens européens le 31 mai 2013Délégation des Barreaux de FranceAvenue de la Joyeuse Entrée, 1 B-1040 BRUXELLESRenseignements : +32 (0)2 230 83 [email protected] 2013-326

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consentement des parties, sans l’interventiond’un tiers. L’assistance d’un avocat n’est pasobligatoire, même si elle est possible etsouhaitable (à tel point que l’article 10 de la loidu 10 juillet 1991 accorde l’Aide Juridictionnelle« en vue de parvenir, avant l’introduction d’uneinstance, à une transaction »). L’accord detransaction peut recevoir la force exécutoire :l’article 1568 CPC issu du décret du20 janvier 2012 renvoie au processusd’homologation commun à tous les modesamiables (art. 1565 à 1567). Le juge compétent(et non plus le Président du TGI) peuthomologuer la transaction, sans pouvoir enmodifier les termes. Il est saisi sur requêtedispensée du timbre de 35 euros, et statue sansdébat, sauf s’il estime nécessaire d’entendre lesparties. La 2e chambre civile de la Cour decassation a jugé le 26 mai 2011 (n° 06-19527),à propos des pouvoirs du Président du TGI quidonne la force exécutoire aux transactions(art. 441-4 CPC abrogé) que « son contrôle nepeut porter que sur la nature de la conventionqui lui est soumise et sur sa conformité à l’ordrepublic et aux bonnes moeurs ». Ceci impliquetout de même un contrôle minimum qui peutnécessiter la présence des parties. Des recourssont prévus (art. 1566 : référé au juge qui a rendula requête faisant droit à l’homologation ; appel,en cas de refus d’homologation, selon laprocédure gracieuse). Des liens entre les deux processus peuventexister : la médiation peut s’achever par unaccord qui prend la forme d’une transaction !Mais il faut prendre garde que le régime de latransaction sera applicable à l’accord et,notamment, la nécessité de concessionsréciproques sous le contrôle éventuel du jugehomologateur !

c) La médiation et la procédureparticipative assistée par avocat

La procédure participative régie par lesarticles 2062 et s. du code civil et les articles 1542et s. du CPC (décr. 20 janv. 2012). Elle reposesur une convention signée par les parties assistéechacune obligatoirement pas leur avocat, quiorganise les échanges et permet mêmed’organiser une mise en état conventionnelle

(avec recours à une expertise).Ce MARD relèvedu monopole des avocats et peut intégrercertaines méthodes de la médiation si l’avocatest formé (par exemple reformulation desbesoins), mais elle ne fait pas intervenir de tiers.La procédure participative n’interdit pas auxavocats de poursuivre la représentation de leurclient en justice en cas d’échec; elle bénéficie del’aide juridictionnelle (art. 10 loi du9 juillet 1991); elle suspend la prescriptionextinctive (art. 2238 Code civil) ; elle offre, encas de désaccord total ou partiel, une passerellesimplifiée avec le tribunal compétent (l’expertiseéventuellement réalisée peut être produite enjustice (art. 1554 CPC), et, devant le tribunal degrande instance, il y a renvoi direct à l’audiencesans mise en état si les parties ne modifient pasleurs prétentions, art. 1559 CPC). L’accordparticipatif peut être homologué pour avoir laforce exécutoire. En cas d’accord total, ledemande d’homologation est établie parrequête de la partie la plus diligente oul’ensemble des parties, accompagnée de laconvention (art. 1557 CPC). Les articles 1565et s. CPC sont applicables : le juge compétentstatue sans débats, et ne peut pas modifier lateneur de l’accord. A priori, le lien avec la médiation resteexceptionnel : mais rien n’interdit, si ladiscussion est bloquée au cours du processusparticipatif, de recourir à un tiers médiateur,puis de recommencer le dialogue avec le conseildes avocats.

III. L’encadrementde la médiation judiciaire et dela médiation conventionnelle

a) La médiation judiciaire(hors médiation familiale)

Art. 131-1 s CPC et art. 22 s. loi8 février 1995 modifiés par ordonnance du16 novembre 2011: Tout juge peut désigner unmédiateur (même en référé), avec l’accord desparties.La médiation porte sur tout ou partie du litige(Article 132 CPC)La médiation ne doit pas ralentir la procédureet sa durée est de 3 mois renouvelable une foispour une même durée, à la demande dumédiateur Le juge fixe le montant de la provision à valoirsur la rémunération du médiateur et désigne laou les parties qui consigneront la provision dansle délai qu'il détermine. La désignation dumédiateur est caduque à défaut de consignationdans le délai et selon les modalités impartis.L'instance est alors poursuivie. Lorsque les fraisde la médiation sont à la charge des parties,celles-ci déterminent librement entre elles leurrépartition. A défaut d'accord, ces frais sontrépartis à parts égales, à moins que le jugen'estime qu'une telle répartition est inéquitableau regard de la situation économique des partiesA l'expiration de sa mission, le médiateurinforme par écrit le juge de ce que les partiessont ou non parvenues à trouver une solutionau conflit qui les oppose. Le jour fixé, l'affairerevient devant le juge qui peut juger (à défautd’accord) ou homologuer l’accord éventuel.

b) La médiation conventionnelle

Les parties à un différend peuvent, à leurinitiative tenter de le résoudre de façon amiableavec l'assistance d'un médiateur, d'un conciliateurde justice ou, dans le cadre d'une procédureparticipative, de leurs avocats, en toutes matières,civile, commerciale, sociale ou rurale, sousréserve des règles spéciales à chaque matière etdes dispositions particulières à chaquejuridiction (notamment, sont exclues lesmatières d’ordre public et le droit du travail)La prescription est suspendue à compter du jouroù, après la survenance d'un litige, les partiesconviennent de recourir à la médiation ou à laconciliation ou, à défaut d'accord écrit, à compterdu jour de la première réunion de médiation oude conciliation. La prescription est égalementsuspendue à compter de la conclusion d'uneconvention de procédure participative. Le délaide prescription recommence à courir, pour unedurée qui ne peut être inférieure à six mois, àcompter de la date à laquelle soit l'une des partiesou les deux, soit le médiateur ou le conciliateurdéclarent que la médiation ou la conciliation estterminée. En cas de convention de procédureparticipative, le délai de prescriptionrecommence à courir à compter du terme de laconvention, pour une durée qui ne peut êtreinférieure à six mois.

c) L’accord de médiation(judiciaire ou conventionnelle)

1) Le contenu général : L'accord auquelparviennent les parties ne peut porter atteinteà des droits dont elles n'ont pas la libredisposition. A défaut, cet accord ne sera pashomologable, et pourrait faire l’objet d’uneaction en nullité. 2) La portée juridique : Tout accord passé parl’intermédiaire d’un médiateur, judiciaire ouconventionnel, reste un contrat. En tant que tel,l’article 1134 du code civil prévoit qu’il a forceobligatoire.3) La force exécutoire, qui permet le recours àdes procédures civiles d’exécution forcée,dépend de l’imperium du juge par le biais del’homologation (article 131-12 CPC etart. 1534 CPC). Un accord homologué devientun titre exécutoire au sens de l’article L. 111-3du code des procédures civiles d’exécution. Sil’accord a été rédigé par un notaire, il peut êtrerevêtu de la force exécutoire sans homologationpar le juge. Le juge ne peut pas modifier lestermes de l’accord. Il peut seulement refuserl’homologation s’il estime que l’accordméconnaît l’ordre public. L’article 1566 du CPCa prévu au titre de la médiation conventionnelledes voies de recours : le référé rétractation parun tiers en cas d’octroi de la force exécutoire, etl’appel en cas de refus.En conclusion, on observera que le droit vise àun encadrement très souple de la médiation, pouren assurer la sécurité juridique sans priver ceprocessus de ses avantages de souplesse,d’inventivité et de confidentialité. Le droit autorisedonc tous les professionnels à recourir à cestechniques, qui traduisent à n’en pas douter unerévolution en marche de la pratique judiciaire.

Notes :(1) et (2) Que Sais-je, La médiation de Michèle Guillaume Hofnung

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Institutionset démocratiereprésentativepar Jean-Marc Sauvé(1)

(...)

Permettez-moi tout d’abord de vousremercier, Monsieur le PremierMinistre, de m’avoir convié à participerà ce débat passionnant sur la démocratie

représentative.Si la première table ronde a traité du sujet –« Quels défis ? » –, qui est déjà complexe, l’intituléde la seconde – « Quels futurs ? » – estsusceptible de donner à l’interlocuteur un certainvertige compte tenu des enjeux et des difficultésqu’il soulève. Car, de fait, poser la question nonpas du, mais des futurs de la démocratiereprésentative, suppose rien de moins que deréinventer une forme éminente de démocratie,que de renouveler un concept si profondémentinscrit dans nos gènes démocratiques que l’onpeut se demander si une telle réinvention estsimplement possible. De plus, c’est du rapportentre les institutions et la démocratiereprésentative qu’il m’a été demandé de vousentretenir, tout en sachant que ces institutions,dans notre Etat, sont multiples et multiformeset, par conséquent, nécessairement complexesà appréhender. Toutefois, et dans la mesure oùDominique Bussereau a traité de la démocratielocale, c’est principalement sur la fonctionreprésentative du Parlement que je meconcentrerai.Je ne peux aborder un tel sujet, au surplus devantle vice-Président de l’une des chambres duParlement, qu’avec humilité et une claireconscience d’un déficit de légitimité.

Parmi ces futurs possibles, je souhaiterais insistersur trois points. Les futurs de la démocratiereprésentative passent, je le crois, par uneclarification du sens de la représentation (1),par une revalorisation de la fonction dereprésentation (2) et par une juste articulationavec des mécanismes de démocratie directe (3).

I. Clarifier ce quereprésenter veut dire.

La démocratie représentative suppose, en premierlieu, des représentants. Ceux-ci siègent dansdifférentes institutions et, d’abord, au Parlement.Intellectuellement et schématiquement, deuxconceptions s’opposent : celle de la souverainetépopulaire, incarnée par Rousseau et le Contratsocial, selon laquelle la souveraineté appartient àchacun des citoyens formant le peuple et àl’ensemble d’entre eux ; et celle de la souveraineténationale, décrite par Sieyès dans Qu’est-ce que leTiers-Etat ?, selon laquelle la souveraineté est duressort de la Nation, cette entité recouvrant unêtre collectif qui englobe les générations présentes,passées et futures.Cette seconde conception est à l’origine de lathéorie du mandat représentatif : le représentantne peut être lié dans ses choix, car il représentela Nation, non ses électeurs. L’analyse de nosConstitutions successives révèle, en France,« une préférence assez continue pour la doctrinede Sieyès(2) ». Le Conseil constitutionnel a aussisouligné, dans plusieurs de ses décisions, quechaque membre du Sénat et de l’Assembléenationale « représente au Parlement la Nationtoute entière et non pas la population de sacirconscription d’élection(3) ».

Les institutions de la représentation, ce sontdonc d’abord, et surtout, les assembléesparlementaires. Cette conception est toutefoisinsuffisante à rendre compte de l’idée dereprésentation, surtout au regard de la crise dela représentation, idée devenue banale, et auxnouveaux sens, voire à la polysémie, quis’attachent au mot « représenter ». Le professeurDenquin souligne ainsi qu’en matière politique,« représenter peut signifier trois choses(4)» . Enpremier lieu, « tenir lieu de » : en matière dethéorie du mandat politique, le titulaire d’unmandat représentatif « se substitue à celui qu’ilreprésente », puisqu’il n’existe pas de mandatimpératif. En second lieu, représenter peutsignifier « ressembler » : c’est à ce sens que serattache, par exemple, l’idée, non dereprésentation, mais de représentativité d’uneinstitution. La question est alors, par exemple,

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Les défis de la démocratie représentativeColloque organisé par la Fondation Prospective et InnovationHôtel de Talleyrand-Périgord, Paris - 21 mars 2013

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Jean-MarcSauvé

La démocratie représentative est née en Europe à l’époque moderne contre la souveraineté de droit divin. Elle a érigé le peuple en nationet fait de lui le souverain, quitte parfois à lui maintenir une incarnation en une personne royale. Chaque nation a mis au point ses propresmanières d’exercer cette démocratie, mais « l’idéal démocratique de dignité, d’égalité et de respect de la personne humaine » qui sous-tend la démocratie représentative s’est imposé au monde entier comme une référence incontournable, quitte à n’y pas toujours déférerpleinement.En dépit des rétentions d’anciens régimes qui cherchaient à entraver son essor, la démocratie représentative a su traverser victorieusementles épreuves de deux siècles et accompagner tant bien que mal les immenses changements qui s’y sont produits. Elle s’est remarquablementadaptée à des contextes culturels, historiques, sociaux très divers à mesure qu’elle se diversifiait en devenant le régime d’un nombrecroissant de pays.Toutefois les transformations contemporaines l’exposent à une nouvelle épreuve d’un autre genre. Comme le souligne en effet PhilippeRatte: "Adoptée à partir du XVIIIème siècle comme la manière la plus efficace de conduire une nation, la forme représentative sembleaujourd’hui à la peine : d’une part d’autres manières de conduire les nations paraissent tirer meilleur parti des dynamiques contemporaines,d’autre part la représentation souffre, en tant que telle, d’une crise de confiance sans précédent. Menacée de passer à la fois pour inefficace et illégitime, la représentation aurait-elle cessé d’être l’optimum qu’elle fut durant toute l’époquede la révolution industrielle et jusqu’à la fin du XXème siècle ?L’examen minutieux de quelques aspects de ce problème invite à tirer une sonnette d’alarme, car il en va de l’avenir d’un modèle qui afait la grandeur de l’Occident et qui demeure son honneur*.L’objet du colloque du 21 mars 2013 a donc été d’explorer comment cette armature morale, politique et fonctionnelle des sociétéscontemporaines, qu’est la démocratie représentative réagit à l’essor de mutations ambiantes qu’elle a rendues possibles.

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de savoir si le Parlement est représentatif, entermes notamment de genre et d’origines, de lapopulation française. Enfin, en un troisièmesens, représenter peut signifier « être le porte-parole de », ce dernier sens étant sans doute deplus en plus prégnant.Ces différentes significations de lareprésentation ont tendance à se confondre denos jours et participent de la crise de ladémocratie représentative. En particulier, unreprésentant du peuple dans les institutionspolitiques que sont l’Assemblée nationale et leSénat ne saurait être le porte-parole d’intérêtsparticuliers. Mais ces effets de miroir hantentla représentation, car « le discours politique veutséduire et personnaliser [chaque citoyen] danssa précieuse différence(5)» . D’autres institutionspeuvent pourvoir à cette fonction, qu’elles soientdes institutions de la République, comme leConseil économique, social et environnemental,

ou des institutions reconnues par elle, telles queles associations ou les syndicats. La question dela représentativité est également délicate. Certes,on ne peut que se réjouir de voir émerger desassemblées plus illustratives de la diversité dela société française et il faut promouvoir cettehétérogénéité, mais il faut aussi éviter, dans notremodèle représentatif, que cet élément despécification ne devienne le point nodal dansla prise de décision publique.Pour finir sur ce premier point, je voudraissouligner que la crise de nos institutionsreprésentatives, sur laquelle il est devenucommun d’insister, est peut-être d’abord unecrise de l’idée même de représentation.Apporter des réponses à cette crise suppose derevaloriser la fonction de représentation au seinde nos institutions (II) et de donner une justepart à des instruments de démocratiedirecte (III).

II. Revaloriser la fonctionde représentation du Parlement

au sein de nos institutions

La revalorisation de la fonction dereprésentation jouée par le Parlement au seinde nos institutions tient tant au plein exercicequ’au juste exercice de ses fonctions.Le plein exercice de ses fonctions, tout d’abord,n’est possible que si le Parlement, au sein de nosinstitutions, dispose des moyens d’accomplir lestâches qui lui sont confiées, principalementl’exercice du pouvoir législatif et la fonction decontrôle du Gouvernement. A cet égard, laVe République a constitué une rupture : lavolonté de lutter contre les excès de la

souveraineté parlementaire des IIIe et IVe

Républiques a en effet conduit à la mise en placede mécanismes draconiens de rationalisationdu parlementarisme. Ce « lacis de contraintes», pour reprendre une expression d’EdgarFaure(6) , a été renforcé en raison descirconstances politiques particulières ayantmarqué les premiers temps de la Ve République,mais aussi de la présidentialisation accrue issuede l’élection du Président de la République ausuffrage universel direct. La Constitution de1958 a eu un mérite, qui procède aussi de la loiélectorale, c'est-à-dire du scrutin majoritaire :l’instauration de la stabilité gouvernementaleet, par suite, la clarté des choix politiques lorsdes élections nationales et la possibilité d’uneaction publique efficace. Les citoyens identifientdésormais sans peine qui porte lesresponsabilités politiques. Mais notreorganisation politique est, depuis plusieursdécennies, en quête d’une meilleure balanceentre les pouvoirs. L’évolution des rapports entrele Gouvernement et sa majorité etl’émancipation progressive de celle-ci, lareconnaissance lente mais sûre de droits del’opposition, l’instauration de la session uniqueen 1995(7) , le contrôle des finances sociales avec,depuis 1996, les lois de financement de lasécurité sociale(8), le renforcement du rôlebudgétaire du Parlement avec les lois organiquessur les lois de finances de 2001 et 2005(9), tousces jalons ont constitué des étapes importantesde la recherche d’un meilleur équilibre.La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008(10)

a constitué à cet égard une avancée significativedans la pondération des prérogatives, au seinde la procédure législative notamment, dupouvoir exécutif et du pouvoir législatif. Elle aégalement permis, entre autres, d’accroître lespouvoirs de contrôle du Parlement et desubstantiellement renforcer les pouvoirs du jugeconstitutionnel. Ces mesures sont connues : iln’est pas nécessaire d’y revenir(11).Sans juger du caractère suffisant ou non de cerééquilibrage, force est de constater lemouvement de revalorisation de la fonctionreprésentative et ce, surtout depuis 2008.Mais le débat sur l’équilibre entre les institutionsn’est pas le seul qu’il faille mener. Il me sembleque la revalorisation de la fonction dereprésentation au sein de nos institutions tienneégalement, et pour beaucoup, à deux autresfacteurs : l’efficacité des politiques conduites enmoyenne et longue période et l’exemplarité ducomportement des représentants. Il faut doncveiller à passer du plein exercice au juste exercicede la représentation. Les institutions ne peuventen effet qu’être dévalorisées si l’action publiquen’est pas assumée par les dirigeants, comme c’estparfois le cas en matière européenne, si elle n’estpas comprise par les citoyens, si elle n’est pasefficace et ne donne pas les résultats escomptéset/ou si la conduite des dirigeants apparaîtcomme indigne ou simplement critiquable auxcitoyens. Pour que les institutionsreprésentatives soient respectées, il faut qu’ellessoient aptes à promouvoir effectivement le biencommun et qu’elles soient en outre respectables.Cela implique de la part de chaque représentantde faire preuve de lucidité dans le diagnostic etde courage dans la prise de décision publiqueet de prendre au sérieux les exigences,notamment de désintéressement, quis’attachent à son mandat. Cela implique

notamment de prévenir les conflits d’intérêtspotentiels et de porter les valeurs d’intégrité,d’impartialité et de probité au sommet desprincipes déontologiques. Le populisme, quel’on voit périodiquement ressurgir, chez nouscomme dans d’autres pays de l’UnionEuropéenne, se nourrit certes de la criseéconomique ; mais il prospère également surdes choix stratégiques erronés et des échecsdans la conduite des politiques publiques,comme sur certaines dérives de la démocratiereprésentative et les déceptions qu’elle engendre.Sans parler de comportements pénalementrépréhensibles, comme la corruption ou la priseillégale d’intérêts, une déontologie particulièredoit guider l’action des représentants du peuple.L’Assemblée nationale comme le Sénat y ontpourvu, sans que les procédures mises en placene soient toujours exemptes d’interrogations,voire de critiques. L’acuité des questionsdéontologiques a été renforcée par certainsdébats récents : comment encadrer efficacementla représentation d’intérêts (le lobbying) ? Sousquelles conditions un parlementaire peut-il êtreen même temps avocat ? Faut-il limiter le cumuldes mandats ? Il me semble toutefois que ce quiest en cause en matière de cumul de mandatssoit moins un potentiel conflit d’intérêts qu’unconflit d’agendas, un mandat parlementairenational, comme la plupart des mandatsexécutifs locaux, exigeant chacun une grandedisponibilité et apparaissant de plus en pluscomme exclusif l’un de l’autre. De surcroît, dansla pureté de la théorie française de lasouveraineté nationale, le parlementairereprésente la Nation en son ensemble, le Peupletout entier. Ce mandat s’accorde donc mal avecdes ancrages locaux trop marqués.Enfin, quels que soient les devenirs possibles dela démocratie représentative, ceux-ci feront trèscertainement place à une plus grandetransparence. Je mesure les contraintes que cetteexigence est susceptible de faire peser sur les élus.Mais je ne crois pas qu’il soit possible ousouhaitable de lutter – lorsque la vie privée n’estpas en jeu et qu’aucun intérêt public ne s’y oppose– contre des aspirations profondes qui traversentla société, comme celle de la transparence.La revalorisation de la fonction dereprésentation tient donc aux équilibres entreinstitutions, mais également à la capacité desreprésentants à faire face aux enjeux et défisd’une société et aux comportements, individuelset collectifs, des représentants.Beaucoup a été fait dans ce sens depuis plusieursannées, mais, indéniablement, des progrèsrestent encore à accomplir. La prochaine loi surla déontologie de la vie publique devraitpermettre de les consacrer au Parlement,comme au sein du pouvoir exécutif, de la justiceet de l’administration.

III. Articuler démocratiereprésentative et mécanismes

de démocratie directe.

Si l’idée de représentation elle-même est encrise, revaloriser la fonction de représentationn’apparaît pas comme le seul avenir possible.Car en un temps où, pour reprendre unedistinction conceptualisée par la professeure de

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philosophie politique Hannah Pitkin, lareprésentation comme acting for,représentation-incarnation de la Nation, cèdele pas à une représentation comme standing for,représentation-miroir de ce que pensent lesreprésentés(12), sans doute faut-il faire une plusgrande place, à côté de la démocratiereprésentative, aux mécanismes de démocratiedirecte. Le postulat sur lequel se fonde cette idéeest qu’en permettant une expression directe descitoyens s’estompera la tentation pour lesreprésentants de se faire « miroir desreprésentés » et, en outre, que s’atténueral’impression des représentés, de plus en pluscommunément exprimée, que leur voix ne seretrouve pas, ou pas suffisamment, dansl’expression de leurs représentants. En d’autrestermes, à côté des institutions de la démocratiereprésentative, il convient de développer desstructures et procédures permettantl’épanouissement de mécanismes de démocratiedirecte.Je ne souhaite pas aller très en avant sur ce pointparce que je prendrais le risque d’empiéter surl’exposé à venir du professeur Manent(13). Maisla question du lien entre la démocratiereprésentative et la démocratie directe doitévidemment être posée. Aucune réponsesimple ne peut y être apportée et ce choix estl’un des dilemmes les plus profonds auxquelsont été et restent confrontés les régimesdémocratiques. Ce qui frappe aujourd’hui, c’esttoutefois l’émergence d’un « impératifdélibératif »(14), d’un « devoir débattre »(15).Il y a dans cette idée un lien évident avec denombreux travaux, à commencer par ceux deJürgen Habermas et du professeur BernardManin(16). Selon ces auteurs, la « raisonprocédurale » doit être vue comme unecondition essentielle de la légitimité de ladécision publique, car le principe de la légitimitédémocratique lui-même « doit être recherché

dans le processus de formation de la décisioncollective »(17) .Une fois le principe d’une part de démocratiedirecte posé, doit être traitée la question de samise en œuvre. Le référendum est la forme quivient le plus naturellement à l’esprit(18). Mais lesformes de participation directe, de collaborationdes citoyens sont très variées et elles peuventvenir en appui des mécanismes de démocratiereprésentative. Les différents forums danslesquels les citoyens peuvent exposer leurspoints de vue avant qu’une la loi ou un décretne soit adopté paraissent ainsi particulièrementadaptés à une bonne articulation entredémocratie représentative et démocratie directepar exemple les débats publics qui sont menéssur des choix de société ou de grands projetsd’aménagement ou encore les consultations,notamment par Internet, qui peuvent êtremenées sur des projets de texte.Il faut notamment que les potentialités demobilisation d’Internet et des réseaux sociauxsoient exploitées mais il ne faut pas s’endissimuler les difficultés et les dangers, dont celuid’un traitement superficiel ou excessivementminoritaire des sujets, qu’il convient de prévenir.La démocratie directe ne doit ainsi venir qu’enappui, comme la « béquille » d’une démocratiereprésentative qui doit demeurer le pointd’équilibre de notre régime politique.La démocratie représentative doit aussi seconjuguer avec le dialogue social, pour éviterl’instabilité ou l’inacceptabilité de la norme enmatière sociale et pour favoriser sa pertinence.Il faut ainsi veiller à insérer dans la procédured’élaboration de la loi la concertation avec lespartenaires sociaux : la « loi Larcher » du31 janvier 2007(19), d’où est issu l’article L.1 duCode du travail, prévoit ainsi une procédured’information et, le cas échéant, de négociationentre partenaires sociaux avant le dépôt de toutprojet de loi portant sur les relations du travail.

Le Gouvernement actuel propose d’ériger auniveau constitutionnel cette règle législative, detelle sorte que l’obligation de dialogue socialpréalable s’impose juridiquement auGouvernement et au Parlement.

Les futurs de la démocratie représentative sontdonc multiples et les institutions qui l’incarnentseront, nécessairement, amenées à évoluer. Onn’imagine pas, au demeurant, qu’un modèledémocratique, quel qu’il soit, puisse demeurerimmobile, alors que la société, notamment del’information, évolue si rapidement et siprofondément autour de lui. Ces futurs sontincertains, mais ils passent au moins par uneclarification des sens de ce que l’on est en droitd’attendre de la démocratie représentative, parune revalorisation des institutions de cettedémocratie et par une juste articulation aveccertains instruments de démocratie directe.

* Extraits du compte-rendu analytique de ce colloque établi par laFondation Prospective et Innovation à partir des exposés liminaires etdu débat qui s’en est suivi, rédigé par Philippe Ratte et qui paraîtraprochainement.

Notes : (1) Texte écrit en collaboration avec Monsieur Olivier Fuchs, conseillerde Tribunal administratif et de Cour administrative d’appel, chargé demission auprès du vice-Président du Conseil d’Etat.(2)A.-M. Le Pourhiet, op. cit., p. 10. Ainsi que le souligne l’auteur, « sila terminologie employée par les constituants successifs est souventambigüe, le rejet du mandat impératif comme l’unité et l’indivisibilitédu corps représenté tendent cependant à révéler une préférence assezcontinue pour la doctrine de Sieyès, y compris dans les constitutionsretenant le suffrage universel et le référendum » (ibid.).(3) Voir CC, décision n° 99-410 DC du 15 mars 1999, csdt 9 ; CC, décisionn° 2004-490 DC du 12 février 2004, csdt 14 ; CC, n° 2007-457 DC du15 février 2007, csdt 10. Pour un point détaillé sur la jurisprudencerelative à ce sujet, voir A.-M. Le Pourhiet, op. cit., p. 10 et s.(4) J.-M. Denquin, « Démocratie participative et démocratie semi-directe », Cahiers du Conseil constitutionnel, 2008, n°23.(5) L. Jaume, « Représentation », in Dictionnaire de la culture juridique,PUF, 2003. Spéculaire : qui réfléchit comme un miroir (Petit Robert).(6) E. Faure, Allocution de fin de session, 2ème séance du 21 décembre1977, JOAN, p. 9139.(7) Loi constitutionnelle n° 95-880 du 4 août 1995 portant extensiondu champ d’application du référendum, instituant une sessionparlementaire ordinaire unique, modifiant le régime de l’inviolabilitéparlementaire et abrogeant les dispositions relatives à la Communautéet les dispositions transitoires.(8) Loi constitutionnelle n° 96-138 du 22 février 1996 instituant les loisde financement de la sécurité sociale.(9) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois definances et loi organique n° 2005-779 du 12 juillet 2005 modifiant laloi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.Voir R. Hertzog « La loi organique relative aux lois de finances (LOLF)dans l'histoire des grands textes budgétaires : continuité et innovation »,Revue française d'administration publique 1/2006 (no 117), p. 15-30.(10) Loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 demodernisation des institutions de la Ve République.(11)Pour une publication récente sur le sujet, voir J. Gicquel, A. Levade,B. Mathieu, D. Rousseau (dir.), Un Parlement renforcé ? Bilan etperspectives de la réforme de 2008, Paris, Dalloz, 2012.(12) H. Pitkin, The Concept of Representation, Berkeley, University ofCalifornia Press, 1967 ; voir aussi S. Pierré-Caps, « Représenter la sociétécivile ? », in Représentation et représentativité, op. cit., p. 30-32.(13) Intitulé « La démocratie représentative, seul modèle ? ».(14) L. Blondiaux, Y. Sintomer, « L’impératif délibératif », Politix, 2002,n° 57, p. 17-35.(15) C. Blatrix, « Devoir débattre. Les effets de l’institutionnalisation dela participation sur les formes de l’action collective », Politix, 2002, n° 57,p. 79-102.(16) Voir notamment J. Habermas, Droit et démocratie. Entre faits etnormes, Paris, Gallimard, 1997 ; B. Manin, « Volonté générale oudélibération ? Esquisse d’une théorie de la délibération politique », LeDébat, 1985, n° 1, p. 72-94.(17) B. Manin, « L’idée de démocratie délibérative dans la sciencepolitique contemporaine. Introduction, généalogie et élémentscritiques », Politix, 2002, n° 57, p. 38.(18) Sur ce point, J.-M. Sauvé, « Référendum et démocratie », colloqueThéorie et pratiques du référendum de la SLC du 4 novembre 2011,disponible sur le site du Conseil d’Etat.(19) Loi n° 2007-130 du 31 janvier 2007 de modernisation du dialoguesocial.

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REPÈRES

Fon da tion Pros pec tive et Inno va tion

Actuellement présidée parJean-Pierre Raffarin, la Fondation

Prospective et Innovation se donnepour objectif d’initier des échangesfructueux entre le monde deschercheurs et des universitaires, le

monde des entrepreneurs et desgestionnaires d’entreprises et, enfin,le monde des responsablespolitiques et des décideurs publics.Selon ses fondateurs ; la France amis du temps à réaliser que ledynamisme de son économiecomme la vigueur de sa société civiledépendait aussi, pour partie, de lacapacité de ses forces vives àdéterminer une vision commune desgrands enjeux du débat politique,économique et social. Depuislongtemps, les Etats-Unis et lesautres Etats européens ontdéveloppé des Think Tanks ou desfondations qui au moyen decolloques, de publications etd’échanges internationaux ont puanticiper les mutations de notremonde moderne et les influencer àleur avantage. Il est plus que tempsque des initiatives soient prises pourcombler ce retard de notre pays.Face aux grands bouleversements du

monde d’aujourd’hui, la FondationProspective et Innovation souhaiteapporter un regard neuf, riche de ladiversité des expériences des expertsqui participent régulièrement à sesactivités, sur les quatre chantiersprioritaires qu’elle a engagés :1) l’émergence de l’Asie et plusparticulièrement de la Chine et sesconséquences sur l’équilibre dumonde ;2) le renforcement des liens decoopération avec l’Afrique, continentà la richesse culturelle exceptionnelleet terre promise à un brillant aveniréconomique ;3) l’amélioration de notrecompétitivité à travers la promotionde l’innovation, des nouvellestechnologies et de la sécuritéjuridique ;4) la définition d’une nouvellegouvernance plus participative et lerenforcement de la légitimité desélus et des corps intermédiaires.

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La réflexion s'est inscrite dans lacontinuité des travaux adoptés parl’Assemblée générale de juillet 2012 surla recherche de financements

complémentaires de l’aide juridictionnelle. Elledéfinit plus précisément les options à envisagersur les deux thèmes majeurs de réforme del'accès au droit : une réforme des structuresactuelles (1) et des solutions au financement dubudget de l’aide juridictionnelle (2).

1 - La réforme des structures actuelles avecprincipalement deux réformes envisagées :

La création d’un fonds dédié de gestion de l’aidejuridique.Il s’agit notamment de mettre fin auxdysfonctionnements régulièrement constatésdans le circuit de versement des dotations auxbarreaux par l’État.La profession pourrait reprendre en charge lagestion de ces fonds au même titre que lacontribution pour l’aide juridique dont elleassure déjà la répartition.

La mise en place de groupes de défenseconventionnés dans le cadre d’une démarchevolontaire des barreaux.Il s’agit d’étendre à d'autres champs d'activité lapratique des protocoles article 91 dans ledomaine de la défense pénale (43 conventionsont été signées par les Barreaux en 2012) sansaucunement remettre en cause la liberté dechoix de l’Avocat, le client pouvant toujoursfaire choix d’un Avocat hors structure qui serarétribué à l’acte au titre de l’aide juridictionnelle.Ces structures conventionnées permettraientaux Barreaux d’intervenir au soutien despopulations les plus fragiles, là où les Avocatsne sont actuellement pas ou très peu présents,

dans des lieux au plus près d'eux et sur desproblématiques qui leur sont spécifiques.Il est cependant indispensable de mettre unterme au système actuel des UV fixés parmatière pour un calcul de la rémunération del’Avocat à l’acte accompli.Le système reposerait sur des exigences dequalité et de formation des Avocats appartenantà ces groupes de défense.

2 - Des solutions au financement du budget del’aide juridictionnelle avec trois optionsretenues :

Le développement de l’assurance de protectionjuridique dont le caractère subsidiaire est affirmépar les textes.La proposition a été faite d’étendre la protectionjuridique aux contrats de multirisqueshabitation.A défaut d’études d’actuaires, la profession nedispose pas de données crédibles en ce domainepour calculer le surcoût d’une éventuelleassurance obligatoire. Il s'agira d'en étudierprécisément les impacts.

La réforme de la loi de matière de répétibilité deshonoraires.Il est proposé d’harmoniser les textes del’article 700 CPC et de l’article 37 de la loi du10 juillet 1991 dont les règles sont inversées,Et de créer un article 700-1 nouveau du CPCen matière d’aide juridictionnelle.

Un travail sur la rémunération des actes enmatière de modes alternatifs de règlement deslitiges et d’acte d’Avocat.

Vers une réforme globale proposée par laprofession d'Avocat aux Pouvoirs publics

Le travail et la réflexion de la commission seracomplété et affiné notamment grâce auxpropositions que pourront faire les Barreaux etles organisations professionnelles dans le cadrede la concertation. Il s’agit à ce stade d'adopter àcourt terme les lignes directrices de la professionqui permettront à la Commission accès au droitet au Conseil national des Barreaux de mener lesdiscussions à venir avec les pouvoirs publics surcette réforme de l’accès au droit.

Le Conseil National des Barreaux, réuni enAssemblée générale les 22 et 23 mars 2013,connaissance prise du rapport de la commissionAccès au droit sur la réforme de l’accès au droitet à la Justice, et à l’issue des États généraux del’accès au droit du 14 décembre 2012 :

Rappelle et maintient sa résolution du6 juillet 2012 sur la taxation des mutations etactes juridiques comme source de financementcomplémentaire de l’aide juridique et la créationd’un fonds d’aide juridique.Rappelle que ces nouveaux modes definancement de l’accès au droit ne sauraient sesubstituer au financement étatique.Et poursuivant sa réflexion afin d’assurer unerefonte globale de l’accès au droit,Se déclare favorable à une généralisation de lagarantie protection juridique en la rendantobligatoire dans tous les contrats d’assurancemultirisque habitation, et à une extension deson objet aux principaux contentieux.Demande aux pouvoirs publics :- de prendre en charge l’accès au droit demanière équivalente, que le litige soit traité parun mode alternatif de règlement des litiges(MARL) ou qu’il soit réglé en juridiction.- et d’ouvrir l'acte d'Avocat aux bénéficiaires del'aide juridique.Souligne que le regroupement des moyens estune évolution à envisager et propose la mise enplace d'expériences pilote de structuresconventionnées par des barreaux volontaires.Demande aux pouvoirs publics une réformelégislative tendant à modifier l’article 37 de laloi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et à créer unarticle 700-1 du Code de procédure civile, en yintégrant les dispositions suivantes :« Dans toutes les instances, le Juge condamne lapartie tenue aux dépens ou qui perd son procès,et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, àpayer à l'Avocat du bénéficiaire de l'aidejuridictionnelle partielle ou totale une somme autitre des honoraires et frais, non compris dans lesdépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposéss'il n'avait pas eu cette aide. Le Juge tient comptede l'équité ou de la situation économique de lapartie condamnée. Il peut, même d'office, pourdes raisons tirées des mêmes considérations, direqu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. »Et invite les Barreaux et les organisationsprofessionnelles à transmettre à la Commissionaccès au droit du Conseil National des Barreauxleurs propositions pour mettre en œuvre unetelle réforme de l’accès au droit et à la Justice.Source : communiqué du 23 mars 2013

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Conseil National des BarreauxVers une réforme globale de l'accès au droit et à la Justiceproposée aux pouvoirs publics par la profession d'avocatParis - 23 mars 2013

Le Conseil National des Barreaux, réuni en Assemblée générale les 22 et 23 mars 2013, a adopté, suite au rapport présentépar Madame le Bâtonnier Myriam Picot (Barreau de Lyon), Présidente de la Commission accès au droit, les lignes directricesd'une réforme globale de l’accès au droit et à la Justice.

Christian Charrière-Bournazel

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Rentrée solennelle

L’audience solennelle d’ouverture de l’année judiciaire du Tribunal de Commerce de Bobigny s’est tenue le 17 janvier 2013, laprévention des difficultés des entreprises étaient au cœur des discours prononcés tant par le Président de la juridictionconsulaire Gérard Védrenne que par le Procureur de la République adjoint Philibert Demory.Abordant le thème de la réforme de la justice commerciale, le Président Védrenne s’est déclaré particulièrement inquiet devoir « les apports de l’institution consulaire au droit et à l’économie mis à mal au nom de l’idéologie imperméable aux faitset à la raison ». Pour lui l’échevinage aurait pour conséquence « immédiate ou à terme de déresponsabiliser le juge, de ledémotiver et de nuire par là même à la qualité de ses décisions ».Il a conclu ses propos en exhortant ses collègues à renoncer si « l’expérience et la connaissance de l’entreprise ne devaient plusêtre considérées comme les qualités du juge du commerce ».Quant au représentant du Parquet, Philibert Demory, citant la note du 21 juin 2012 de Christiane Taubira relative au rôledu Ministère Public dans le traitement des difficultés des entreprises, il s’est déclaré satisfait que le Parquet de Bobigny soitun des seuls Parquets à avoir installé une commission d’action publique en matière économique et financière car elle permettra,sous l’autorité conjointe du Ministre du Redressement productif, de conduire une « véritable prévention judiciaire ».

Jean-René Tancrède

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.

La prévention judiciairepar Philibert Demory

(...)

u’il me soit permis avant d’aborderl’activité de votre juridiction,Monsieur le Président, de rendreun hommage particulier au Greffede votre juridiction.

Madame et Messieurs les Greffiers Associés,l’année 2012 nous a encore offert l’occasion deconstater l’efficacité de votre action caractériséepar sa modernité, sa célérité, sa réactivité.

Modernité par la place faite à la numérisationdes procédures et son corollaire, l’accès facilitéà l’ensemble des pièces qui la composent.Plus de lourds et volumineux dossiers àtransporter, la mise à disposition des membresdu Tribunal et du Ministère public de tablettesoffrant à l’audience un accès exhaustif à chacundes dossiers appelé, illustre au mieux les progrèsdont vous nous faites bénéficier. La présentation de ce dispositif que nous avonsfaites ensemble, Monsieur le greffier associé,cet automne au Congrés National des greffiersdes Tribunaux de commerce a suscité un vifintérêt et beaucoup d'envie. Monsieurl'Inspecteur Général des Services judiciairestémoin de cette présentation me disait il y a peuson admiration.La signature éléctronique que nousexpérimentons depuis trois années et qui mepermet d'accuser réception de façonauthentique de l'ensemble des jugements etordonnances que me notifiez, est un autreexemple de modernité. Nos travaux ont suscitél'intérêt des services de la Chancellerie qui aprèsexpertise, je me crois autorisé à vous leconfirmer, ont décidé d'étendre cetteexpérimentation à trois autres Tribunaux decommerce et parquets, avant sa généralisation.Célérité, dans la prise en charge et l’enrôlementdes affaires, dans la production des jugements.Réactivité, je ne veux que pour exemple la priseen compte des saisies pénales de fonds decommerce, que vous êtes parmi les premiers,voire les premiers en France à avoir su traiter. Soyez aussi remerciés pour votre disponibilité.(...)L’année 2012 est marquée par une netteévolution du nombre d’enrôlements aux finsd’ouverture de procédures collectives : 2004,soit un niveau équivalent à celui atteint pourl'année 2008.De même le nombre de procédures collectivesouvertes est quasi équivalent à celui atteinten 2008 et 2010.

Seuls 12 % des jugements d’ouverture ont portéespoir de suivie des entreprises concernées :soit 12 ouvertures de sauvegarde et 186 deredressements judiciaires. La mise en perspective du nombre dejugements rendus en 2012 arrêtant un plan desauvegarde ou de redressement, respectivement13 et 43 renforce encore cette appréciation,surtout lorsque dans le même temps le Tribunalprononçait la résolution de 4 plans desauvegarde et de 30 plans de redressement.Ces données illustrent une fois encore lecaractère beaucoup trop tardif du recours àvotre Tribunal, Monsieur Le Président.Les situations dont vous avez à connaître sontdans neuf cas sur dix sans issue.Ce constat, déjà fait, renvoie de façon récurenteà la question de l’information utile dispenséeaux chefs d’entreprise. Par la loi de sauvegarde, le législateur a offertaux entreprises un cadre rénové, organiséautour d’un objectif majeur : permettre lapoursuite de l’activité et préserver l’emploi. Dans le contexte économique actuel, il nousfaut faire, Monsieur Le Président, œuvre depersuasion auprès des organes consulaires :Chambres de Commerce et Chambre desMétiers, des ordres et organisationsprofessionnelles pour qu’ils soient un relais utileauprès des dirigeants d’entreprise.La loi offre, via le mandat ad hoc et laconciliation, des cadres juridiques efficaces.L’année 2012 en est l’illustration : 18 mandatsad hoc et 17 conciliations ont permis lasauvegarde de 30 065 emplois et concerné desentreprises dont le chiffre d’affaires cumulés’établit à près de 1,3 milliards d’euros.Sous vote égide, Monsieur le Président, c’est ladémonstration de ce que ce dispositiffonctionne.Il n’est pas réservé aux grandes entreprises. Il en est de même de la procédure desauvegarde, mais 12 ouvertures en 2012, celareste peu.

Tribunal de commerce de Bobigny17 janvier 2013

Philibert Demory

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Rentrée solennelle

L’humilité du jugeconsulairepar Gérard Vedrenne

(...)

La justice consulaire est une œuvrecommune. Les acteurs de la justiceconsulaire accomplissent ensemble, parl’action du juge et dans le respect des

principes et valeurs qu’ils partagent, une œuvrecommune qui s’intègre dans le service publicde la justice. Bien que le justiciable soit au centredu service public de la justice, la justice n’est pasau service du justiciable mais au service de lasociété dont elle garantit le fonctionnementconformément à la Loi.Le juge doit être indépendant et impartial :indépendant par rapport au tissu social etprofessionnel, indépendance par rapport auxparties. L’impartialité, c'est-à-dire absence departi pris.La justice consulaire est fondée sur des valeursd’humanisme, de compétenceindissociablement liée à l’amélioration de laqualité, de confidentialité et de loyauté, enl’absence desquelles la justice ne trouverait passa place.

Le non-respect par l’un des acteurs des valeurscommunes rejaillit sur l’ensemble de la justiceconsulaire.N’oubliez jamais dans l’exercice de vos fonctionsconsulaires que vous rendez la justice au nomdu peuple français.Vous devrez faire preuve de qualités d'écouteet d'humilité ; ayez toujours à l’esprit la violettesymbole de l’humilité , pour vous inscrire dansla continuité de la volonté de Michel del'Hospital, apôtre de la tolérance.

(...)

A ce moment et reprenant les propos de Jean-Bertrand Drummen, Président de la conférencegénérale des tribunaux de commerce, lors ducongrès national des juges consulaires, jevoudrais vous faire part de notre inquiétude, denotre incompréhension, voire de notre colèredevant les propos de nos détracteurs repris parla presse. Inquiétude de voir les apports del’institution consulaire au droit et à l’économiemis à mal au nom de l’idéologie imperméableaux faits et à la raison.Le juge du commerce est légitime dans safonction.Il dispense une Justice de qualité. L’encadrement légal de sa mission et la présencedu Ministère public à ses côtés garantit sonindépendance et son impartialité. Le Ministèrepublic est le gardien de la loi. La présence d’un magistrat professionnel dansla composition de jugement n’est pas nécessairedès lors que le Procureur exerce sa mission.Cette présence aurait nécessairement commeconséquence immédiate ou à terme dedéresponsabiliser le juge, de le démotiver et denuire par là même à la qualité de ses décisions.Le juge apporte, bénévolement et au prix deréels sacrifices touchant sa vie personnelle, sesformations et ses expériences professionnellesmultiples acquises dans l’entreprise La légitimité du juge consulaire vient de laprestation de serment identique à celle dumagistrat professionnel. Cette légitimité est consacrée par une décisiond’importance celle du Conseil constitutionneldu 4 mai 2012 qui a rejeté la question mettanten cause l’indépendance l’impartialité et lacompétence des juges consulaires, confortéepar son origine économique et son élection parles représentants du monde économique duressort.

Les qualités de la justice commerciale

La célérité de la Justice commerciale estreconnue : dans le délai de traitement desaffaires et dans la capacité à absorber uneaugmentation importante du nombre dedossiers sans ralentir leur délai de traitement,ce qui est le cas depuis 2008 en matière deprocédures collectives. La justice commerciale exerce une activitéunique en matière de prévention des difficultésdes entreprises : la détection des entreprises endifficulté et les dizaines de milliers d’entretiensmenés par les 135 Tribunaux de France, la miseen œuvre des mesures conventionnelles légales,mandats ad hoc et conciliations, témoignent del’efficacité de nos Tribunaux dans la préventiondes difficultés des entreprises. Sur un seuléchantillon de 22 Tribunaux, nous avonsdénombré 88 731 salariés employés en 2011dans des entreprises sous mandat ad hoc, enconciliation ou en sauvegarde. Et l’on sait quele taux de succès de ces mesures est de l’ordrede 70 %. Entre 2006 et 2011 le nombre de mandats adhoc est resté stable, entre 1 100 et 1 200, le nombrede conciliations est passé de 686 à 854 et lenombre de sauvegardes de 15 à 523. La Justice commerciale innove. Elle a été àl'origine de l'évolution de la jurisprudencecommerciale ou législative en contentieux, parexemple la révision de la clause pénale,l’évolution du droit des sociétés, ou encore lareconnaissance du pouvoir autonome duMinistre de l’Economie à poursuivre l’auteur depratiques restrictives de concurrence ; de mêmedans les procédures collectives avec lasauvegarde financière accélérée et le mandat adhoc initié par une création prétorienne. LaJustice commerciale est une Justice de qualité. Elle le doit à la formation conçue et dispenséepar l’Ecole Nationale de la Magistrature (ENM)que reçoit le juge, et qui a considérablementprogressé en 10 ans. L'ouverture et la sensibilité du juge consulaireaux problèmes de l’entreprise, à une solutionrapide des conflits et à la préservation desrelations économiques à long terme au-delà duconflit. Le juge du commerce, hommed’entreprise, est par essence négociateur. LesTribunaux de commerce sont doncparticulièrement bien placés pour développerles modes de résolution amiable des différends,ainsi que le souhaitent aujourd’hui les autorités

Le contexte économique actuel nouscommande d’accroître nos efforts. Tel est le sens de la Note du 21 juin 2012 deMadame de la Garde des Sceaux relative au rôledu Ministère Public dans le traitement desdifficultés des entreprises.

Parmi les trois points mis en évidence :

- la prévention des difficultés des entreprises, - l’information,- le bon fonctionnement du Service Public dela Justice,je m’attacherai Monsieur le Président toutd’abord à la prévention des difficultés desentreprises et à l'information du MinistèrePublic.

Le Parquet de Bobigny est un des seuls parquetsà avoir installé une commission d’actionpublique en matière économique et financière.C’était le 19 décembre 2008.Sous l’autorité du Procureur de la République,cette commission n’a d’autre but que d'organiserun échange d'informations avec les acteursinstitutionnels et les organismes sociaux, dedétecter plus en amont les difficultéséconmiques des entreprises.Ce dispositif va être réactivé pour nous donner,Monsieur le Président, en complément de celuimis en place au niveau régional etdépartemental par le Ministre du RedressementProductif, les moyens de conduire une véritableprévention « judiciaire », si vous me permettezcette expression.

S’agissant du bon fonctionnement du ServicePublic de la Justice, l’investissement du parquetauprès de la juridiction commercialebalbinienne est total, vous le savez Monsieur LePrésident, souvent au prix de difficultés liées àl’insuffisance de l’effectif de magistrats, auxvacances de poste. Mais quelles que soient ces difficultés,l’engagement du Ministère Public demeureraplein et entier.(...)Je forme le vœu, Monsieur le Président,Mesdames et Messieurs les Vice-Président etJuges, que l’année 2013 soit une nouvelle foisplacée sous le signe d’une confiance partagéedans le respect du rôle de chacun. Merci.

D.R

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GérardVedrenne

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Rentrée solennelle

Vie du droit

politiques judiciaires et économiques. La prise de décision des juges consulaires dansun cadre collégial qui assure l'impartialité de cesdécisions et permet d’éviter des erreurs quiseraient coûteuses pour l’économie et l’emploi,particulièrement dans le domaine desprocédures collectives où le taux d’infirmationen appel est très bas. Les juges consulaires exercent leur mission dansle cadre plus large d'un corps de juges, doté d'unegrande cohésion qui assure l’homogénéité desdécisions. La Conférence Générale, à la base de

cette cohésion, apporte aux juges un supportnotable en matière de formation, dedocumentation, d’échange d’expériences et deméthodologie. Les juges consulaires, à travers la ConférenceGénérale, collaborent à l’évolution de la Justicecommerciale par leur présence au sein duConseil national des Tribunaux de commerce,organisme consultatif auprès de la Chancellerie,et leurs contacts permanents avec leur ministrede tutelle. Ils sont présents dans les binômes deformation continue de l’ENM, formation à

laquelle assistent les magistrats professionnels.Ils sont force de proposition, par exemple surle sujet de la convalescence des entreprises.Un encadrement légal garantit indépendanceet impartialitéLe Ministère public, gardien de la loi, est pourles Tribunaux de commerce un gage de sécurité.Il a autorité sur les administrateurs etmandataires judiciaires. Il dispose des voies derecours. Le Procureur est le magistratprofessionnel dont la présence doit être exigéeauprès du Tribunal, particulièrement dans ledomaine des procédures collectives. Le code de commerce prévoit le renvoi del’affaire lorsque les « intérêts en présence lejustifient ». Ces dispositions doivent trouver uneapplication rigoureuse chaque fois qu’il estnécessaire et conformément à la jurisprudence.Une affaire peut ainsi être dépaysée à lademande du Président du Pribunal ou duMinistère public. En cas de conflit d’intérêt, lerenvoi de l’affaire à une autre formation dejugement du Tribunal ou à un autre Tribunals’impose. Il est de pratique courante. Si l’expérience et la connaissance de l’entreprisene devaient plus être considérées comme lesqualités premières du juge du commerce alorsils renonceraient. Cela signifie la suspension desaudiences, des démissions nombreuses. Lefonctionnement de la Justice commerciale seraitruiné. Ce serait déplorable pour tous. Les jugesdu commerce espèrent ardemment ne pas enarriver à pareille extrémité. (...) 2013-316

Hier un fait divers, aujourd’hui unscandale d’Etat, mais trop souventune réaction gouvernementaleprécipitée et ici parfaitement

insupportable… comme si les lois devaient subirles faits divers ou les scandales au lieu de tenterde les prévenir.La nécessité de moraliser la vie politique devraitsusciter concertation, réflexion et dispositionsprécises permettant d’accompagner ceux quise dévouent à la « chose publique » en évitantl’insupportable dévoiement mis en œuvre parquelques uns qui utilisent l’action publique àdes fins personnelles.Mais voici que le Gouvernement pense possibled’interdire à certains professionnels d’exercerdes fonctions d’élus du peuple. Plus encore, sonimagination se concentrerait sur des professionsqui contribuent à l’exercice démocratique :

journalistes et avocats seraient donc placés surce que certains n’hésitent pas à appeler une« liste noire ».

Ce n’est pas d’avocats, de journalistes, ou mêmede chirurgiens dont il s’agit : ce sont d’élus dontil convient de se soucier.Les perspectives et projets du Gouvernementsont absolument intolérables.Les avocats, professionnels libérauxindépendants, exercent leurs activitésconformément à leur serment fondé sur des

valeurs éthiques encadrées par une déontologiestricte. Les Bâtonniers et le Parquet assurentl’action disciplinaire de cette professionrèglementée. La profession d’avocat interdit les conflitsd’intérêts. Dans le respect des lois de laRépublique qui limitent déjà son exerciceprofessionnel, un avocat doit pouvoir êtreparlementaire. La République ne peut choisir ses élus. Ce sontles citoyens qui choisissent les élus de laRépublique. Ainsi, et seulement ainsi, leParlement est l’expression de la démocratie. Les avocats ne se défendent pas. Encore unefois, les avocats défendent les citoyens et laRépublique à laquelle leur profession a tantdonné.Source : communiqué du 19 avril 2013

2013-317

Conférence des BâtonniersTransparence de la vie publique :un projet inacceptable pour les avocats et préjudiciable pour la démocratieParis - 19 avril 2013

D.R

. Jean-François et Vincent Doucède

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Annonces légales Société

Dans quelques semaines, àl’instar d’autres Coursuprêmes du monde, lajuridiction constitutionnelle

de la France statuera sur la conformitéà la Constitution d’une loi ouvrant lemariage aux couples de personnes dumême sexe. Saisi par des parlementairesdans les conditions prévues par l’article61 de la Constitution, le Conseilconstitutionnel examinera ce texte dansle cadre d’une procédure non publique;sa décision ne sera connue qu’à l’issuede l’instruction écrite et aucuneaudience ne sera en principe organisée ;les mémoires échangés devant les Sagesne seront publiés au Journal Officielqu’après que la décision aura été rendue.Les Français seront ainsi privés de lavisibilité pourtant indispensable à undébat aussi essentiel. Le Conseilconstitutionnel peut remédier à cettesituation : il doit organiser une audience,au cours de laquelle les différents pointsde vue pourront être publiquementexposés et par suite connus du Peuplefrançais, au nom duquel sont renduestoutes les décisions de justice.

Trois séries de motifs militent en faveurd’une telle initiative : - Tout d’abord, le droit applicablepermet la mise en place d’une telleaudience : aucune disposition de laConstitution, de la loi organique du7 novembre 1958 ou des dispositionsrèglementaires en vigueur ne s’y oppose. - Ensuite et surtout, la question prioritairede constitutionnalité introduite par larévision constitutionnelle de 2008 aprofondément modifié lefonctionnement du Conseilconstitutionnel, qui a tenu à ce jour plusde 200 audiences ouvertes au public,enregistrées et retransmises sur Internet.Au cours de chacune de ces audiences,les avocats des parties et leGouvernement ont pu s’exprimerlibrement, dans des conditions detransparence et de contradiction qui ont

sensiblement renforcé l’autorité de lajuridiction constitutionnelle et contribuéà l’information des Français. Pour quelleraison cette procédure indispensable àla qualité d’une bonne justice serait-elleréservée au contrôle a posteriori (QPC)et exclue pour le contrôle a priori (DC) ?Voici quelques semaines, la Coursuprême des Etats-Unis, pionnièredepuis 1803 du contrôle deconstitutionnalité, a tenu deux grandesaudiences sur le thème du mariage entrepersonnes du même sexe ; le débat a étériche, animé, plaidé par de brillantsavocats, et suivi par plusieurs dizaines demillions d’Américains. Pourquoi devrait-il en aller différemment en France ? - Enfin, le dossier du « mariage pourtous », qui suscite dans notre pays undébat politique, juridique etanthropologique particulièrement vif,constitue l’affaire idéale pour que leConseil constitutionnel organise uneaudience : le moment sera venu derompre avec une habitude de secrethéritée de temps révolus, et de porterà la connaissance du public, lorsquel’importance de l’affaire le justifie,

le débat essentiel qui se déroule devantlui.La qualité de la Justice constitutionnelle,sa sérénité et son autorité en sortirontgrandies ; et le peuple français saurapourquoi cette loi est, selon certainsconforme à la Constitution, selond’autres inconstitutionnelle…Lorsque la décision aura été rendue,celle-ci s’imposera, non seulement auxpouvoirs publics et à toutes les autoritésadministratives et juridictionnelles ainsique le prévoit la Constitution, maisaussi à chacune et chacun d’entre nous.

François-Henri BriardAvocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation

Notes :1 - Loi constitutionnelle du 29 octobre 1974, adoptée à l’initiative duPrésident Valéry Giscard d’Estaing.2 - Cf. le règlement intérieur du Conseil constitutionnel.

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Mariage pour tous :plaidoyer pour une audience publique

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Jurisprudence

Au fil des pages

Conflit de lois et droits d’auteurLe titulaire initial des droits d'auteur sur une œuvre de l'espritest désigné par la loi du pays où la protection est demandée

Cour de cassation - 1ère Chambre civile - 10 avril 2013 - Pourvoi 11-12508

La Cour de cassation, première chambre civile, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., entré en 1978 en qualité dereporter-cameraman au service de la société américaine ABC NewsIntercontinental Inc, qui exploite une chaîne de télévision américaine,a été affecté au bureau de Paris à partir de 1993, puis licencié pourmotif économique le 8 octobre 2004 ; qu'il a saisi le conseil deprud'hommes d'une contestation de son licenciement, de diversesprétentions salariales et indemnitaires, ainsi que de demandes au titrede la violation de ses droits patrimoniaux et moraux d'auteur du faitde l'exploitation non autorisée des reportages et documentaires dontil indiquait être l'auteur ;

Sur le troisième moyen, pris en ses quatre branches, ci-après annexé,après avis de la chambre sociale :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen, dont aucun des griefsn'est de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais sur le premier moyen :

Vu l'article 5-2 de la Convention de Berne du 9 septembre 1886 pour laprotection des oeuvres littéraires et artistiques ;Attendu, selon ce texte, que la jouissance et l'exercice des droits d'auteur,qui ne sont subordonnés à aucune formalité, sont indépendants del'existence de la protection dans le pays d'origine de l'oeuvre ; que, parsuite, en dehors des stipulations de la Convention, l'étendue de laprotection ainsi que les moyens de recours garantis à l'auteur poursauvegarder ses droits se règlent exclusivement d'après la législation dupays où la protection est réclamée ;

Attendu que pour débouter M. X... de ses demandes au titre du droitd'auteur, l'arrêt retient que l'article 5-2 de la Convention de Berne régitle contenu de la protection de l'auteur et de l'oeuvre, mais qu'il ne fournitpas d'indication relative à la titularité des droits, à leur acquisition, nonplus qu'à leur cession, de sorte que, dans le silence de ce texte, il y a lieude faire application de la règle française de conflit de lois ;Qu'en statuant ainsi, alors que la détermination du titulaire initial desdroits d'auteur sur une oeuvre de l'esprit est soumise à la règle de conflitde lois édictée par l'article 5-2 de la Convention de Berne, qui désigne laloi du pays où la protection est réclamée, la cour d'appel a violé cettedisposition par fausse application ;

Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le deuxième moyen :

Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a débouté M. X... de sesdemandes au titre du droit d'auteur, l'arrêt rendu le 15 décembre 2010,entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, surce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant leditarrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris,autrement composée ;

Condamne la société ABC News Intercontinental Inc aux dépens ;Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société ABCNews Intercontinental Inc à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation,le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suitede l'arrêt partiellement cassé ;Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, etprononcé par le président en son audience publique du dix avril deuxmille treize. (…) 2013-319

L’application du droit national,international et européenApproche contextualisée des cas de pluralisme juridique mondialpar Jean-Sylvestre Bergé

Cet ouvrage propose d'expliciter, autourde nombreuses situations et par desexemples concrets l'analyse du juristechaque fois qu'il est confronté à un cas

de pluralisme juridique mondial où plusieursdroits, élaborés dans un contexte national,international ou européen ont vocation às'appliquer ensemble.L'application du droit développe, dans la variétédes situations juridiques mondiales, undynamisme qui lui est propre. Elle ne peutrésulter de la seule mise en oeuvre d'uneméthode ou d'une solution juridique à uninstant donné, dans un espace et à un niveau

prédéterminés, par un acteur dûment identifié.Il faut l'appréhender dans un mouvement.Pour une même situation, plusieurs droitsdoivent être parfois mobilisés, alternativement,cumulativement, dans un même temps ou à desmoments différents, dans un seul ou unepluralité d'espaces ou niveaux, par un acteurunique ou des acteurs multiples.Cette dynamique particulière, dont le juristedoit s'imprégner en passant d'un contextenational, international ou européen - à l'autre,exerce une influence sur le droit, ses utilisationset, parfois, son contenu.

Editions Dalloz366 pages - 42 euros

2013-320

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Acelui qui, tout au long de sonparcours, sut si bien protéger, de samain experte, la flamme vacillante dela Justice, qu'hommage soit rendu !

Les yeux de Pierre Drai s'étaient ouverts à lalumière du jour, en 1926, en un lieu où elle estsi belle, Constantine, la cité aérienne. Il aimaità rappeler que son père, greffier, lui avait donnélà le goût du droit.Il débuta sa carrière en qualité de juge suppléantà Tunis. De ses premières annéesméditerranéennes, il gardera toujours la chaleuret l'extrême convivialité des relations qu'ilentretenait avec tous. Il savait se montrer attentifaux autres, soucieux de les comprendre et deles aider. Tous ceux qui ont eu le privilègedel'approcher portent témoignage de sagénérosité et de son aménité. Par son accueilaffable et son humeur toujours égale, ils'employait à mettre ses interlocuteurs à l'aise,quelles que soient les circonstances.Mais, sa vie professionnelle sera surtoutmarquée par un long et impressionnantparcours parisien tracé sur les sommets.Au début des années 70, il participa activementà la réforme du code de procédure civile encours d'élaboration. Passionné par cette tâche,il n'aura de cesse d'accorder une attention touteparticulière à l'efficacité de la Justice et àl'effectivité des décisions rendues. Il fut l'un despères du référé-provision qui permet aux partiesd'obtenir sans tarder, par une décisionimmédiatement exécutoire, la réparationintégrale de leur préjudice, lorsque l'obligationn'est pas sérieusement contestable. Nommépremier Vice-Président au Tribunal de grandeinstance de Paris, en 1977, il appliquera cettemesure dans toute sa plénitude et donnera auservice des référés une ampleur jamais connueauparavant.Pierre Drai s'est ainsi forgé une solide réputationde juriste pragmatique, luttant inlassablementcontre tout ce qui est de nature à ralentir le coursde la Justice, et soucieux de répondre, par lacréativité du droit, aux questions de société. Ilest à l'origine de la reconnaissancejurisprudentielle de la liberté de conviction,proclamée à l'occasion d'une demanded'interdiction de l'affiche du film Ave Maria.Il a aussi défendu plus généralement les libertéspubliques, telle celle d'aller et venir, par unedéfinition plus précise de la notion de voie defait. On doit encore à sa force de persuasion la

compétence des juridictions judiciaires pourconnaître des affaires de droit de la concurrence.Dans les années 80, il a préconisé la médiationjudiciaire, montrant combien il avait la visiondes précurseurs. La liste des innovations qu'il aapportées dans différents domaines est trop

longue pour en donner ici plus que ce brefaperçu.Une chose est sûre : dans la riche histoire de laJustice, fort peu de magistrats auront autant quelui marqué le droit, les esprits et les pratiques.En 1981, il rejoignit la Cour de cassation où il

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In Memoriam

Le Premier Président Pierre Drai nous a quittés3 juillet 1926 - 18 avril 2013

D.R

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La famille judiciaire est en deuil, elle vient d’apprendre le décès de Pierre Drai, Haut Magistrat dont la droiture, le sens de l’humain, lacourtoisie et la haute conscience ont honoré la Justice française.Premier Président très écouté, il a notamment modernisé la haute Juridiction du Quai de l’Horloge de 1988 à 1996, date à laquelle il estparti à la retraite.Cet homme engagé dans les combats contre les injustices a tracé, au cours de sa vie accomplie, un chemin qu’il nous appartient de suivre ;il reflète le caractère exceptionnel de sa personnalité dévouée à l’œuvre de justice.Sa probité, sa rigueur et son autorité morale le placent au rang des meilleurs parmi les plus grands. Sans jamais chercher à s’imposer, avecdélicatesse et une grande humilité, il a incontestablement écrit une page de l’histoire judiciaire française.Nous exprimons à toute sa famille notre peine et lui adressons nos condoléances sincères et attristées. Jean-René Tancrède

Pierre Drai

Page 24: Edition du lundi 22 avril 2013

exercera en tout plus de neuf années. Il y futd'abord nommé conseiller et affecté à la2e Chambre civile en raison de sa réputation defin processualiste.Travailleur acharné, qui débutait sa journéeavant le levé du soleil, il avait le goût du belouvrage, le sens des traditions et du devoir.Juge complet et accompli, il fut aussi un grandadministrateur. Lui furent successivementconfiées la Présidence du Tribunal de grandeinstance de Paris, la Première présidence de laCour d'appel et celle de la Cour de cassation.29éme Premier Président de cette juridictionsuprême dont il s'attachera à célébrerbrillamment le bicentenaire, il y a laissé unsouvenir ineffaçable.Son extrême droiture le conduisait à défendreses points de vue avec une conviction quimontrait la voie et fédérait les opinions.Ses qualités d'écoute et sa profondeur d'âme luipermettaient de prendre les positions les plussages et les plus juste à la fois.Président de juridiction, qui le fut plus, qui lefut mieux que Pierre Drai ? Aimantpassionnément son métier, il le valorisait par saseule manière de servir, avec une élégantemodestie. La vraie grandeur est simple.

Il portait haut l'idée de ses fonctions. C'est ainsiqu'il s'est attaché à ce que symboliquement lacommission d'avancement de la magistraturene siège plus à la Chancellerie, mais à la Courde cassation. Il a su, en diverses occasions,montrer son indépendance dans la discrétioncomme publiquement. Il veillait avec un sointout particulier à l'image que donne, à l'extérieur,l'institution judiciaire aussi bien qu'à ladéontologie de ses membres.Nombreux sont ceux qui n'ont pas oubliél'émouvante lettre, pleine de dignité, de rectitudeet de confiant espoir, qu'il adressa, à l'heure desa retraite, à tous les magistrats en guise detestament professionnel.Combien de combats menés, de petites et degranges victoires, son parcours magnifique a-t-il recélés? Quelle extraordinaire vie de sacrificeset de labeur nous a-t-il donné en exemple ?Quelle flamme s'est-elle animée en lui pour leplus grand bien des justiciables ?Les réponses se trouvent sans doute dans sonsouci de comprendre et de concilier lesimpératifs contraires qui s'affrontent dans leprocès, pour parvenir à cet équilibreindispensable à la distribution d'une bonnejustice. La pondération de son caractère,

l'harmonie de ses éminents mérites y ontcontribué puissamment.Oui, Pierre Drai fut un grand juge, unresponsable très respecté, un chef déterminé etaimé. Ses immenses talents étaient d'ailleursreconnus au-delà de nos frontières. Il étaitdocteur honoris causa de l'Université de Kentau Royaume-Uni, de l'Université St John's auxEtats-Unis et membre de l'Académie desprivatisteseuropéens.De novembre 1999 à septembre 2005, il s'estemployé à mettre en place et présider, avec lascrupuleuse et impartiale rigueur de sa bellemaîtrise professionnelle, la Commission pourl'indemnisation des victimes de spoliationsintervenues du fait des législations antisémitesen vigueur pendant l'occupation.Aujourd'hui, la famille judiciaire tout entière esten deuil.La présence à cette cérémonie de tant depersonnalités du monde de la justice, au premierrang desquelles Madame la Garde des Sceaux,l'atteste éloquemment.Oserai-je ajouter un mot sur l'homme qued'autres ont connu mieux que moi ?Pierre Drai avait un sens aigu de la famille, unefamille soudée et accueillante, dans laquelle safemme a joué un rôle de tout premier plan, demême que ses enfants qu'il a su constammentsoutenir.Il était aussi profondément religieux. Il l'étaitavec discrétion mais ferveur. Certains ont mêmenoté, au fil des années, qu'il n'omettait jamais,dans ses discours, de citer un extrait de la Bible.Mais pour lui, le temps des épreuves avait sonné.La première s'est traduite par le décès de sonépouse qui l'a laissé totalement désemparé etdont la douleur ne le quitta jamais.Puis vint sa propre maladie qui l'éloigna dumonde judiciaire, en nous privant du plaisir dele retrouver à l'occasion des audiencessolennelles auxquelles il appréciait de participer.Ce fut, pour lui, le début d'une lente descentequ'il accomplit avec courage, entourés des siensdont chacun sait le dévouement. On sentait quela main du soir glissait de plus en plus près dela sienne sur la rampe.Au matin du 18 avril, ayant atteint la dernièremarche, Pierre Drai a déposé son fardeau.Pour les convictions qu'il a incarnées, pour lesmarques d'attachement à l'institution judiciaireet à notre Cour qu'il n'a cessé de donner, pourl'action considérable qu'il a déployée au servicede la Justice, pour le modèle lumineux qu'il aoffert à nos regards, nous lui devons uneprofonde et respectueuse gratitude.Que, dans ce moment de recueillement, soitméditées les valeurs d'effort, de droiture, detolérance et d'humanité, qu'a soulignées sonexceptionnelle personnalité.Nous adressons à ses enfants et petits-enfantsainsi qu'à l'ensemble de ses proches nos sincèrescondoléances, avec l'expression de notresympathie attristée. Nous sommes près d'euxdans l'épreuve et prenons part à leur immensepeine.Qu'à toutes les lampes que le Premier PrésidentDrai a allumées pour éclairer le long cheminvers une Justice toujours plus soucieuse desdroits humains, s'en ajoute une qui brûleradurablement à sa mémoire !

Vincent LamandaPremier Président de la Cour de cassation

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In Memoriam

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. Pierre Drai