Edition du jeudi 29 août 2013

32
LES ANNONCES DE LA SEINE J OURNAL OFFICIEL D’ANNONCES LÉGALES - I NFORMATIONS GÉNÉRALES, J UDICIAIRES ET TECHNIQUES bi-hebdomadaire habilité pour les départements de Paris, Yvelines, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val de Marne 12, rue Notre-Dame des Victoires - 75002 PARIS - Téléphone : 01 42 60 36 35 - Télécopie : 01 47 03 92 15 Internet : www.annoncesdelaseine.fr - E-mail : [email protected] FONDATEUR EN 1919 : RENÉ TANCRÈDE - DIRECTEUR : JEAN-RENÉ TANCRÈDE Jeudi 29 août 2013 - Numéro 50 - 1,15 Euro - 94 e année L e calvaire de la petite Marina ou celui de la petite Tiphaine, battues jusqu'à la mort par leurs parents, le martyre du petit Lorenzo retrouvé mort de soif et de faim dans un appartement jonché d'excréments de chien où sa maman vivante était anéantie par la drogue, l'affaire des bébés congelés ou celle des nouveau-nés retrouvés dans des sacs- poubelles, la découverte de deux petits garçons battus et sous alimentés, vivant dans une cave sans eau ni lumière ni couverture, la tragédie des deux enfants noyés par leur mère dans une baignoire ou celle des deux enfants égorgés par leur père, autant d'histoires horribles rapportées depuis quelques années et ces derniers mois encore par les médias et qui relatent le sort effroyable d'enfants, victimes de la violence, généralement infligée par des adultes, souvent leurs propres parents. Il ne faut pas se tromper sur la nature et la fréquence de ces événements : en effet, les violences faites aux enfants ne sont pas une simple juxtaposition de faits divers, insoutenables et révoltants pour tous mais souvent bien vite oubliés. Ils constituent en réalité un véritable phénomène de société et un problème grave de santé publique. Aujourd'hui en France, selon des estimations sérieuses, près de deux enfants mouraient chaque jour de violences infligées par des adultes. Selon une acception large mais justitiée des violences faites aux enfants (qui doit englober toutes les situations qui ne permettent pas à un enfant de s'épanouir et de devenir un adulte responsable et bien inséré socialement parce qu'on n'a pas satisfait ses besoins élémentaires physiques, affectifs et éducatifs), il y a en France, comme dans d'autres pays comparables par leur niveau de développement socioéconomique, sans doute 10 % des enfants qui sont victimes de violences physiques, d'agressions sexuelles, de négligences graves, d'abandon affectif, d'humiliations, d'insultes... A long terme, ces enfants devenus adultes, seront atteints de problèmes de santé physique et mentale et seront inaptes à nouer des relations sociales et affectives normales, quand ils ne répèteront pas sur leurs propres enfants les comportements qu'ils ont subis dans leur enfance. Dans notre pays, d'autres problématiques de la santé de l'enfant ont été reconnues comme prioritaires et ont fait l'objet de politiques énergiques et évaluées qui se sont révélées efficaces. Celles qui ont permis par exemple la décroissance spectaculaire de la mortalité infantile, notamment du fait de la chute vertigineuse du nombre annuel de morts subites du nourrisson (1 400 cas en 1990 ; 250 en 2009) ou de la mortalité par Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35 VIE DU DROIT Violences faites aux enfants Protéger les enfants par Christiane Taubira ...................................................... 2 Enfance en danger, enfance maltraitée : mieux cerner le phénomène pour mieux agir par Gilles Séraphin ...................... 4 Dépistage de la maltraitance : l’expérience du service de pédiatrie de Nantes par Nathalie Vabres et Georges Picherot ............................................................. 6 Le repérage, dans le cadre scolaire, des violences faites aux enfants par Geneviève Gautron ............................................................................................ 6 Le repérage de la violence dans le cadre scolaire par Evelyne Cluzel ............ 7 Le repérage dans le cabinet du médecin généraliste par Claude Rougeron ...... 8 Comment identifier une situation de violence pouvant aboutir à la mort d’un enfant ? par Caroline Rey-Salmon ................................................................. 9 Quand et comment signaler les violences commises sur des enfants par Sylvain Barbier Sainte Marie ........................................................................ 10 Les prises en charge en période périnatale par Gisèle Apter ....................... 10 Le rôle de la brigade des mineurs après signalement par Frédéric Régnier .......11 Premiers résultats de l’enquête « Saint-Ex » par Daniel Rousseau .............. 12 Les troubles mentaux chez les adolescents placés en foyer par Guillaume Bronsard ....................................................................................... 12 Le suivi et la prise en charge des mineurs placés par Thierry Baranger ......... 13 Le rôle de l’avocat dans le suivi des enfants placés par Dominique Attias .... 13 Protéger les enfants en leur permettant de trouver d’autres liens par Nadège Séverac .............................................................................................. 14 La psychothérapie de l'enfant maltraité : pour la spécialisation du soin par Karen Sadlier .................................................................................................. 14 L’enfant au cœur de l’univers familial par Dominique Bertinotti ....................... 15 Le rôle de la brigade des mineurs après signalement par Frédéric Régnier ...... 15 Cercle des stratèges disparus .................................................................. 29 ANNONCES LÉGALES......................................................................... 17 CULTURE Château de Versailles........................................................... 30 ENTRETIEN avec Jean-Luc Forget ...................................................... 31 Violences faites aux enfants Colloque au Sénat le 14 juin 2013

description

 

Transcript of Edition du jeudi 29 août 2013

Page 1: Edition du jeudi 29 août 2013

LES ANNONCES DE LA SEINE

JOURNAL OFFICIEL D’ANNONCES LÉGALES - INFORMATIONS GÉNÉRALES, JUDICIAIRES ET TECHNIQUESbi-hebdomadaire habilité pour les départements de Paris, Yvelines, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val de Marne

12, rue Notre-Dame des Victoires - 75002 PARIS - Téléphone : 01 42 60 36 35 - Télécopie : 01 47 03 92 15Internet : www.annoncesdelaseine.fr - E-mail : [email protected]

FONDATEUR EN 1919 : RENÉ TANCRÈDE - DIRECTEUR : JEAN-RENÉ TANCRÈDE

Jeu di 29 août 2013 - Numéro 50 - 1,15 Euro - 94e année

Le calvaire de la petite Marina ou celui de lapetite Tiphaine, battues jusqu'à la mort par leursparents, le martyre du petit Lorenzo retrouvémort de soif et de faim dans un appartement

jonché d'excréments de chien où sa maman vivanteétait anéantie par la drogue, l'affaire des bébés congelésou celle des nouveau-nés retrouvés dans des sacs-poubelles, la découverte de deux petits garçons battuset sous alimentés, vivant dans une cave sans eau nilumière ni couverture, la tragédie des deux enfantsnoyés par leur mère dans une baignoire ou celle desdeux enfants égorgés par leur père, autant d'histoireshorribles rapportées depuis quelques années et cesderniers mois encore par les médias et qui relatent lesort effroyable d'enfants, victimes de la violence,généralement infligée par des adultes, souvent leurspropres parents. Il ne faut pas se tromper sur la natureet la fréquence de ces événements : en effet, lesviolences faites aux enfants ne sont pas une simplejuxtaposition de faits divers, insoutenables etrévoltants pour tous mais souvent bien vite oubliés.Ils constituent en réalité un véritable phénomène desociété et un problème grave de santé publique.Aujourd'hui en France, selon des estimationssérieuses, près de deux enfants mouraient chaque

jour de violences infligées par des adultes. Selon uneacception large mais justitiée des violences faites auxenfants (qui doit englober toutes les situations qui nepermettent pas à un enfant de s'épanouir et de devenirun adulte responsable et bien inséré socialement parcequ'on n'a pas satisfait ses besoins élémentairesphysiques, affectifs et éducatifs), il y a en France, commedans d'autres pays comparables par leur niveau dedéveloppement socioéconomique, sans doute 10 % desenfants qui sont victimes de violences physiques,d'agressions sexuelles, de négligences graves, d'abandonaffectif, d'humiliations, d'insultes... A long terme, cesenfants devenus adultes, seront atteints de problèmesde santé physique et mentale et seront inaptes à nouerdes relations sociales et affectives normales, quand ilsne répèteront pas sur leurs propres enfants lescomportements qu'ils ont subis dans leur enfance.Dans notre pays, d'autres problématiques de la santéde l'enfant ont été reconnues comme prioritaires etont fait l'objet de politiques énergiques et évaluées quise sont révélées efficaces. Celles qui ont permis parexemple la décroissance spectaculaire de la mortalitéinfantile, notamment du fait de la chute vertigineusedu nombre annuel de morts subites du nourrisson(1 400 cas en 1990 ; 250 en 2009) ou de la mortalité par

Phot

o ©

Jean

-Ren

é Tan

crèd

e - T

élép

hone

: 01

.42.

60.3

6.35

VIE DU DROITViolences faites aux enfants● Protéger les enfants par Christiane Taubira ...................................................... 2● Enfance en danger, enfance maltraitée : mieux cerner le phénomène pour mieux agir par Gilles Séraphin ...................... 4● Dépistage de la maltraitance : l’expérience du service de pédiatrie de Nantespar Nathalie Vabres et Georges Picherot ............................................................. 6● Le repérage, dans le cadre scolaire, des violences faites aux enfants par Geneviève Gautron ............................................................................................ 6● Le repérage de la violence dans le cadre scolaire par Evelyne Cluzel ............ 7● Le repérage dans le cabinet du médecin généraliste par Claude Rougeron ...... 8● Comment identifier une situation de violence pouvant aboutir à la mort d’un enfant ? par Caroline Rey-Salmon ................................................................. 9● Quand et comment signaler les violences commises sur des enfants par Sylvain Barbier Sainte Marie ........................................................................ 10● Les prises en charge en période périnatale par Gisèle Apter ....................... 10● Le rôle de la brigade des mineurs après signalement par Frédéric Régnier .......11● Premiers résultats de l’enquête « Saint-Ex » par Daniel Rousseau .............. 12● Les troubles mentaux chez les adolescents placés en foyerpar Guillaume Bronsard ....................................................................................... 12● Le suivi et la prise en charge des mineurs placés par Thierry Baranger ......... 13● Le rôle de l’avocat dans le suivi des enfants placés par Dominique Attias .... 13● Protéger les enfants en leur permettant de trouver d’autres liens par Nadège Séverac .............................................................................................. 14● La psychothérapie de l'enfant maltraité : pour la spécialisation du soin par Karen Sadlier .................................................................................................. 14● L’enfant au cœur de l’univers familial par Dominique Bertinotti ....................... 15● Le rôle de la brigade des mineurs après signalement par Frédéric Régnier ...... 15Cercle des stratèges disparus .................................................................. 29

ANNONCES LÉGALES ......................................................................... 17

CULTURE Château de Versailles........................................................... 30

ENTRETIEN avec Jean-Luc Forget ...................................................... 31

Violences faites aux enfantsColloque au Sénat le 14 juin 2013

Page 2: Edition du jeudi 29 août 2013

2 Les Annonces de la Seine - jeudi 29 août 2013 - numéro 50

Vie du droit

Protéger les enfantspar Christiane Taubira

En quelques jours, il m’aura été donnél’occasion en dehors du Ministère de laJustice d’exprimer toute la préoccupationque m’inspire l’enfance malheureuse dans

notre pays. En début de semaine, j’ai demandé àDominique Attias, Secrétaire générale del’Association Louis Chatain, de bien vouloir accepterde porter ma voix à la clôture du colloque qu’elle aorganisé sur le placement des enfants.Aujourd’hui, nous allons traiter ce sujet sous un

angle différent, plus large et plus sensible. Il s’agit detraiter des violences faites aux enfants. Il s’agit detraiter les violences, dont les enfants meurent parfoisou conservent des séquelles à vie. Nous avons toutesles raisons de craindre ces violences fréquentes et massives. Aujourd’hui, nous allons aborder la façon de traiter la maltraitance des enfants.En matière de droit, la loi du 5 mars 2007 a rappeléla place éminente de l’enfant et de la famille.Madame la Première Dame, vous l’avez dit. Desinterrogations nous travaillent. Des interrogationsnous traversent sur la bonne mesure, la bonnedécision qui protège vraiment. Depuis cesdernières années, nous savons combien la prioritéa été préconisée de maintenir l’enfant dans sa

accidents domestiques chez le jeune enfant et parsuicide chez les adolescents. Pourquoi ? Parce qu'il y a eu de nombreux plans périnatalitéet suicide, que la mort subite a fait l'objet d'uneinformation massive sur le couchage des bébéset que la sécurité domestique a été abordée dansde nombreuses campagnes très médiatisées et abénéficié d'une surveillance active par laCommission de la sécurité des consommateurs.Rien d'équivalent n'a été tenté contre les mauvaistraitements envers les enfants. Pourquoi ? Parce que les définitions ne sont pasconsensuelles? Parce que le phénomène dans saglobalité est difficile à appréhender et à mesurer ?Parce que la protection des enfants entraînenécessairement une intrusion dans la sphèreprivée et une remise en cause du dogme de lafamille naturellement bonne? Ou parce que laviolence envers des êtres faibles est unphénomène si dérangeant qu'il doit rester tabouet que l'atrocité des sévices infligés à des enfantsest si difficile même à concevoir qu'elle est chasséede l'imaginaire individuel et collectif pour aboutirfinalement à un déni de réalité. A fortiori quand les victimes sont sans voix, y compris au sens électoral du terme.Comment expliquer la sous-estimation desviolences faites aux enfants? Les causes en sontmultiples et notamment l'insuffisance desinvestigations médicales ou médico-légales et lescarences dans la prévention (dès la périodepérinatale), dans le repérage des enfants victimes(à l'école, dans les consultations d'urgence, dans

le cabinet du médecin libéral) et dans lesignalement, notamment par les médecins quine seraient à l'origine que de 5 % des signalementsalors même que tous les enfants maltraitéspassent un jour ou l'autre par le système de santé.Ces lacunes sont elles-mêmes liées à uneformation souvent insuffisante, ou inadaptée, desdivers professionnels qui œuvrent audéveloppement des enfants.Enfin, il existe aussi des dysfonctionnements dansla prise en charge et, malgré le cadre proposé parla loi de 2007 réformant la protection de l'enfance,d'importantes disparités géographiques et un vraimanque d'évaluation, relevés dans le rapport dela Cour des comptes d'octobre 2009, perdurent demême qu'un cloisonnement professionnel quientrave l'évaluation et le suivi des enfants en danger.Ce sont ces constats qui ont conduit le sénateurAndré Vallini, entouré d'un comité scientifiqueprésidé par Anne Tursz, pédiatre, épidémiologiste,directeur de recherche à l'Inserm, à organiser unemanifestation qui a pour but d'aboutir à une prisede conscience collective mais aussi à des mesuresconcrètes, de court comme de long terme, quiseront proposées aux pouvoirs publics.Ce fut l'objet du colloque national qui s’est tenule vendredi 14 juin 2013 au Sénat sous le hautpatronage de Monsieur Jean-Pierre Bel,Président du Sénat, sous la présidenced'honneur et en présence de Madame ValérieTrierweiler, et avec la participation de plusieursmembres du Gouvernement.

Le comité scientifique

LES ANNONCES DE LA SEINESiège social :

12, rue Notre-Dame des Victoires - 75002 PARISR.C.S. PARIS B 339 349 888

Téléphone : 01 42 60 36 35 - Télécopie : 01 47 03 92 15Internet : www.annoncesdelaseine.fr

e-mail : [email protected]

Etablissements secondaires :l 4, rue de la Masse, 78910 BEHOUST

Téléphone : 01 34 87 33 15l 1, place Paul-Verlaine, 92100 BOULOGNE

Téléphone : 01 42 60 84 40l 7, place du 11 Novembre 1918, 93000 BOBIGNY

Téléphone : 01 42 60 84 41l 1, place Charlemagne, 94290 VILLENEUVE-LE-ROI

Téléphone : 01 45 97 42 05

Directeur de la publication et de la rédaction :Jean-René Tancrède

Comité de rédaction :

Thierry Bernard, Avocat à la Cour, Cabinet BernardsFrançois-Henri Briard, Avocat au Conseil d’EtatAgnès Bricard, Présidente de la Fédération des Femmes AdministrateursAntoine Bullier, Professeur à l’Université Paris I Panthéon SorbonneMarie-Jeanne Campana, Professeur agrégé des Universités de droitAndré Damien, Membre de l’InstitutPhilippe Delebecque, Professeur de droit à l’Université Paris I Panthéon SorbonneBertrand Favreau, Président de l’Institut des Droits de l’Homme des Avocats Européens,ancien Bâtonnier de BordeauxDominique de La Garanderie, Avocate à la Cour, ancien Bâtonnier de ParisBrigitte Gizardin, Magistrat honoraireRégis de Gouttes, Premier avocat général honoraire à la Cour de cassationChloé Grenadou, Juriste d’entrepriseSerge Guinchard, Professeur de Droit à l’Université Paris II Panthéon-AssasFrançoise Kamara, Conseiller à la première chambre de la Cour de cassationMaurice-Antoine Lafortune, Avocat général honoraire à la Cour de cassation Bernard Lagarde, Avocat à la Cour, Maître de conférence à H.E.C. - EntrepreneursJean Lamarque, Professeur de droit à l’Université Paris II Panthéon-AssasChristian Lefebvre, Président Honoraire de la Chambre des Notaires de ParisDominique Lencou, Président d’Honneur du Conseil National des Compagniesd’Experts de JusticeNoëlle Lenoir, Avocate à la Cour, ancienne MinistrePhilippe Malaurie, Professeur émérite à l’Université Paris II Panthéon-AssasJean-François Pestureau, Expert-Comptable, Commissaire aux comptesGérard Pluyette, Conseiller doyen à la première chambre civile de la Cour de cassationJacqueline Socquet-Clerc Lafont, Avocate à la Cour, Présidente d’honneur de l’UNAPLYves Repiquet, Avocat à la Cour, ancien Bâtonnier de ParisRené Ricol, Ancien Président de l’IFACFrancis Teitgen, Avocat à la Cour, ancien Bâtonnier de ParisCarol Xueref, Directrice des affaires juridiques, Groupe Essilor International

Publicité :Légale et judiciaire : Didier ChotardCommerciale : Frédéric Bonaventura

Commission paritaire : n° 0713 I 83461I.S.S.N. : 0994-3587Tirage : 13 182 exemplairesPériodicité : bi-hebdomadaireImpression : M.I.P.3, rue de l’Atlas - 75019 PARIS

Copyright 2013Les manuscrits non insérés ne sont pas rendus. Sauf dans les cas où elle est autoriséeexpressément par la loi et les conventions internationales, toute reproduction, totale oupartielle du présent numéro est interdite et constituerait une contrefaçon sanctionnéepar les articles 425 et suivants du Code Pénal.

Le journal “Les Annonces de la Seine” a été désigné comme publicateur officiel pourla période du 1er janvier au 31 décembre 2013, par arrêtés de Messieurs les Préfets :de Paris, du 27 décembre 2012 ; des Yvelines, du 31 décembre 2012 ; des Hauts-de-Seine, du 31 décembre 2012 ; de la Seine-Saint-Denis, du 27 décembre 2012 ; duVal-de-Marne, du 27 décembre 2012 ; de toutes annonces judiciaires et légales prescritespar le Code Civil, les Codes de Procédure Civile et de Procédure Pénale et de Commerceet les Lois spéciales pour la publicité et la validité des actes de procédure ou des contratset des décisions de justice pour les départements de Paris, des Yvelines, de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne ; et des Hauts-de-Seine.N.B. : L’administration décline toute responsabilité quant à la teneur des annonces légales.

- Tarifs hors taxes des publicités à la ligneA) Légales :Paris : 5,48 € Seine-Saint-Denis : 5,48 €Yvelines : 5,23 € Hauts-de-Seine : 5,48 €Val-de-Marne : 5,48 €B) Avis divers : 9,75 €C) Avis financiers : 10,85 €D) Avis relatifs aux personnes : Paris : 3,82 € Hauts-de-Seine : 3,82 €Seine-Saint Denis : 3,82 € Yvelines : 5,23 €Val-de-Marne : 3,82 €- Vente au numéro : 1,15 €- Abonnement annuel : 15 € simple

35 € avec suppléments culturels95 € avec suppléments judiciaires et culturels

COMPOSITION DES ANNONCES LÉGALESNORMES TYPOGRAPHIQUES

Surfaces consacrées aux titres, sous-titres, filets, paragraphes, alinéasTitres : chacune des lignes constituant le titre principal de l’annonce sera composée en capitales (oumajuscules grasses) ; elle sera l’équivalent de deux lignes de corps 6 points Didot, soit arrondi à 4,5 mm.Les blancs d’interlignes séparant les lignes de titres n’excéderont pas l’équivalent d’une ligne de corps6 points Didot, soit 2,256 mm.Sous-titres : chacune des lignes constituant le sous-titre de l’annonce sera composée en bas-de-casse(minuscules grasses) ; elle sera l’équivalent d’une ligne de corps 9 points Didot soit arrondi à 3,40 mm. Lesblancs d’interlignes séparant les différentes lignes du sous-titre seront équivalents à 4 points soit 1,50 mm.Filets : chaque annonce est séparée de la précédente et de la suivante par un filet 1/4 gras. L’espace blanccompris entre le filet et le début de l’annonce sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot soit2,256 mm. Le même principe régira le blanc situé entre la dernière ligne de l’annonce et le filet séparatif.L’ensemble du sous-titre est séparé du titre et du corps de l’annonce par des filets maigres centrés. Leblanc placé avant et après le filet sera égal à une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm.Paragraphes et Alinéas : le blanc séparatif nécessaire afin de marquer le début d’un paragraphe où d’unalinéa sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Ces définitions typographiquesont été calculées pour une composition effectuée en corps 6 points Didot. Dans l’éventualité où l’éditeurretiendrait un corps supérieur, il conviendrait de respecter le rapport entre les blancs et le corps choisi.

2012

Phot

o ©

Jean

-Ren

é Tan

crèd

e - T

élép

hone

: 01

.42.

60.3

6.35

Christiane Taubira

Page 3: Edition du jeudi 29 août 2013

Les Annonces de la Seine - jeudi 29 août 2013 - numéro 50 3

Vie du droit

famille. Comme vous l’avez dit, parfois, le foyer estun lieu d’hostilité et la famille représente un dangertrès élevé. La loi de 2007 rappelle également lescritères, qui fondent l’intervention de la puissancepublique, de même qu’elle établit la répartitionentre les Conseils généraux et l’État. Selon cetteloi, les Conseils généraux sont les chefs de file. En matière de protection de l’enfance, donc del’enfance en danger, il leur revient de prendre lespremières initiatives. Les principes de subsidiaritésont très clairement consacrés dans la loi.L’intervention judiciaire ne peut avoir lieu qu’àdéfaut d’une intervention administrative.Il demeure que la responsabilité de l’État est

grande. Cette responsabilité s’exprime d’abord dansl’élaboration du socle normatif, autrement dit dansl’élaboration du socle législatif et réglementaire,qui définit le cadre dans lequel peut s’effectuercette action sociale. La loi de 2007 a séparél’intervention auprès des enfants en consacrantaux Conseils généraux la protection de l’enfanceet en réservant à la responsabilité judiciaire la priseen charge de l’enfance délinquante. Les relationsse sont construites. Elles se sont affinées. D’unecertaine façon, elles se sont installées entre l’Étatet les services départementaux. Osons dire queces relations se grippent parfois ! Nous devonstravailler de façon à améliorer la coordination desinterventions des uns et des autres.Les schémas territoriaux, qui sont définis par lesConseils généraux, témoignent de la volontépolitique des Présidents des Conseils généraux.La mise en œuvre est assurée par les servicesdépartementaux, mais également par les servicesde l’État dans les départements. Nous devonssaluer le travail et l’effort que les Conseils générauxaccomplissent. Ils consacrent un budgetconséquent à la protection de l’enfance. En 2011,ils ont consacré près de 7 milliards d’euros. Surcette somme, près de 5,5 milliards d’euros sontconsacrés à l’hébergement, au placement desenfants. 298 000 enfants sont concernés. 73 %d’entre eux sont pris en charge à la suite d’unedécision judiciaire. Ces chiffres nous donnent lamesure des réponses, qui sont nécessaires auquotidien pour l’enfance en danger. Il faut apporterdes réponses aussitôt que l’enfant en danger a étérepéré et identifié.Sur notre territoire, nous avons un maillage socialet médical à peu près satisfaisant. Nous avons undispositif réglementaire et législatif. Notredispositif administratif et judiciaire peut êtreconsidéré comme étant correctement élaboré.Pourtant, comme le disait Monsieur le SénateurVallini, entre un et deux enfants meurent deviolence chaque jour.Que se passe t-il ? Que pouvons-nous faire ? Il nous faut un diagnostic. Il nous faut comprendreles mécanismes. Il nous faut comprendre lessituations qui conduisent à une telle violencecontre des enfants. Il nous faut aussi être enmesure d’y répondre. Nous devons savoircomment nous pourrions énoncer un certainnombre de mesures. Surtout, nous devons savoircomment nous pourrions les articuler entre elles.

Ce colloque affiche cette ambition. Nous éprouvons de l’indignation, de l’horreur, uneémotion profonde. Tous, lorsque nous entendonsces faits divers monstrueux, nous fondons sansdoute en larmes. Comme vous le disiez, cela nesuffit pas. Il faut mettre en place une politique deprotection de la jeunesse et de l’enfance maltraitéeplus efficace. Nous devons nous appuyer sur desprofessionnels formés, aguerris et sécurisés dansl’exercice de leur métier.Ainsi, nous devons nous interroger sur lesmécanismes. Nous ne sommes peut être pas siefficaces que cela. Nous devons améliorer lerepérage des enfants, qui subissent de lamaltraitance. Nous devons oser nous interrogersur les pratiques professionnelles de tous lesacteurs, qui interviennent autour de l’enfance.Nous devons nous interroger sur les instrumentset les outils, qui sont mis à la disposition de cesacteurs. Il faut leur permettre de repérer les enfantsqui subissent de la maltraitance. Évidemment, lesbesoins de coordination et d’articulation del’intervention des multiples acteurs sontimportants. Les acteurs sont les médecinstraitants, la protection maternelle et infantile, les centres médicaux psychologiques, les servicesde pédopsychiatrie, les services hospitaliers, les circonscriptions d’actions socialesdépartementales, le milieu scolaire, le milieujudiciaire, le milieu associatif. Nous devons réussirà percevoir et à concevoir l’action de chacun. Nous devons mieux articuler le travail que chacunfait au bénéfice des enfants exposés à lamaltraitance.Les Conseils généraux ont installé des cellulesd’informations préoccupantes. Elles concentrentles signalements. Nous devons regarder de près,ausculter les modalités de fonctionnement de cescellules d’informations préoccupantes.Concernant l’institution judiciaire, il est importantque nous mesurions mieux la façon dont lesparquets sont sensibilisés à ces questions. Nousdevons mieux mesurer la réactivité avec laquelleils y répondent. Telle est ma responsabilitépremière. Nous devons mesurer la diligence et lapertinence des réponses avec lesquelles ils peuventsanctionner de façon à ce que la conscience de lagravité de l’acte soit réelle. Nous devons aussi nousinterroger sur les modalités des réponses qui sontapportées. Nous devons surtout nous interrogerpour savoir si ces réponses sont lisibles etintelligibles pour les familles concernées et pourles services sociaux. Nous devons vérifier sil’institution judiciaire est bien armée. Je le répète,telle est ma responsabilité première. Les parquetset les juges des enfants doivent disposer d’outilsd’aide à la décision. Ils doivent pouvoir faire faceavec la plus grande efficacité et la plus grandeclairvoyance aux situations auxquelles ils sontconfrontés.Ensuite, nous devons étudier l’état de la questionau niveau de la médecine légale. Nous pourrionssûrement tirer de nombreux enseignements dela pratique de la médecine légale.La maltraitance des enfants nous taraudent. Elle nous poursuit. Elle est déjà prise en charge. Elle est prise en charge par les Conseils générauxet aussi par l’Observatoire national qui nous fournit quelques éléments, en plus des données scientifiques élaborées par l’INSERM.L’Observatoire national fait des préconisations. Jene doute pas qu’aujourd’hui nous enrichirons nosréflexions. Du fait de nos échanges, nous devronsrendre les propositions de l’Observatoire encore

plus fructueuses. L’Observatoire national estprésent dans certains départements. Seuls54 départements ont une antenne de cetObservatoire national. Il m’a été dit que 18 de cesantennes ne sont animées que par une personneà temps plein. C’est indiscutablement insuffisant.Il revient à l’État de s’assurer que son interventionen matière de mise à disposition de personnelssera plus conséquente, à l’avenir. Il faut effectuerun travail interministériel. Nous sommes troisministres. Vous accueillerez également le Ministrede l’Éducation nationale et la Ministre des Droitsdes femmes. Le travail interministériel s’accompliten interministériel. Avec la Ministre délégué à laFamille, nous tiendrons dans les prochains joursun Comité interministériel.Le Ministère de la Justice est chargé de l’évaluationde la gouvernance de la protection de la jeunesse.À ce titre, nous mobilisons tous les ministèresconcernés. Nous voulons mieux mesurer lescarences de notre gouvernance de la protectionde la jeunesse. D’ailleurs, j’ai demandé au Premierministre de missionner un parlementaire. Il s’agitdu sénateur Jean-Pierre Michel. Il devra nousremettre un rapport sur la protection de la jeunessedans notre pays.

Évidemment, nous avons l’obligation d’agir. Grâce aux antennes de l’Observatoire Nationalde l’Enfance en Danger (ONED), nousconsidérons qu’il existe une capacité d’interventionde proximité très forte. Les départements visentcet objectif. Il demeure que nous devons toujoursfaire attention à la proximité. Autant il estimportant de recenser les bonnes pratiques, autantil importe de les faire remonter et de lesdiagnostiquer. Il importe de veiller à ce qu’unemultitude de politiques départementales ne sedéclinent pas sur le territoire. Nous ne devons pasprendre prétexte d’éléments sociologiques ouculturels pour expliquer des particularismesterritoriaux. Le pacte républicain doit nous guider.Nos obligations et nos engagements sur les droitset les libertés, et en matière de protection des plusvulnérables, doivent nous guider. Tel est notre cap.La proximité ne peut nous servir qu’à mieuxappréhender l’horreur de ces phénomènes.Je vous soumets quelques pistes à partir desquellesle ministère de la Justice a déjà commencé àtravailler. Nous avons conscience que nous devonsprendre la mesure du phénomène. Des élémentssont fournis par l’INSERM. Le phénomène doitêtre appréhendé de façon quantitative, mais ausside façon analytique et de façon plus fine. Nousavons commencé à travailler pour collecter leséléments statistiques disponibles. Pour ma part,j’ai demandé aux parquets généraux de faireremonter le nombre et la nature des procédures.Nous rassemblerons l’ensemble des éléments, quiremonteront des différents parquets. Nouscroiserons les divers éléments statistiques pour

“Entre un et deux enfantsmeurent de violence chaque jour. Il nous faut comprendre les situationsqui conduisent à une telle violencecontre des enfants. ”Christiane Taubira

“Le pacte républicain doit nousguider. Nos obligations et nosengagements sur les droits et leslibertés, et en matière de protectiondes plus vulnérables, doivent nous guider. Tel est notre cap. La proximité ne peut nous servirqu’à mieux appréhender l’horreurde ces phénomènes. ”Christiane Taubira

Page 4: Edition du jeudi 29 août 2013

4 Les Annonces de la Seine - jeudi 29 août 2013 - numéro 50

Vie du droitVie du droit

tenter de cerner quantitativement le phénomène.Ensuite, je prépare les travaux de votre colloque.Nous aiderons à préciser les choses. Je prépareune circulaire. Elle sera adressée aux procureursgénéraux et aux procureurs. Je souhaite toutparticulièrement attirer l’attention sur lesprocédures pénales, qui arrivent entre leurs mainssuite à des signalements de faits douteux. Nousvoulons mettre en place une doctrined’intervention égale sur l’ensemble du territoiresur ce type de drame.Évidemment, il faut assurer une meilleureformation. Je parle de la formation des magistrats,des policiers et des gendarmes, qui sont enpremière ligne pour le recueil des plaintes. Ilsdoivent être formés à poser les bonnes questions.

Ils doivent enregistrer les bons éléments, quipermettront à la plainte de prospérer et à laprocédure d’être solide. L’École nationale de lamagistrature mettra en place des formationsinitiales à destination des futurs magistrats. Nousouvrirons aussi des modules à destination de ceuxd’autres filières professionnelles, qui viennent àl’École nationale de la magistrature pour se former.Nous mettrons en place une formation continueà destination de tous les corps professionnelssusceptibles d’intervenir. Je pense aux avocats etaux personnels des services sociaux. J’ai demandéà la direction de la Protection Judiciaire de laJeunesse (PJJ) de mettre en place un groupe detravail sur l’élaboration d’un code de l’enfance. Dansnotre pays, l’enfance doit être prise en charge danssa totalité, dans son intégralité et dans son intégrité.Enfin, nous allons poursuivre le travailinterministériel, que nous avons commencé. Sousl’impulsion de ce colloque, dont l’initiative estvraiment bienvenue, nous pourrons peut-êtremettre en place une campagne massive desensibilisation et d’information. Monsieur leSénateur, vous l’avez rappelé. Des tragédies ontfrappé notre pays. Des campagnes desensibilisation ont été menées sur la mort subitedu nourrisson, les suicides d’adolescents et lesdangers domestiques. Elles ont permis de fairereculer de façon très sensible, notamment la mortsubite du nourrisson. Par exemple, nous avonsinformé sur la façon de coucher un bébé. Nousallons travailler à l’élaboration de cette campagnede sensibilisation.En substance, nous avons un droit relativementsatisfaisant. Il répartit clairement les responsabilités.Notre droit établit la charge, qui revient à chacun,la charge de l’État en tant que puissance publique,la charge de ses services territorialisés, des servicesdéconcentrés et des services des Conseilsgénéraux. Nous avons des services médicaux etdes services sociaux de qualité. Ils sont informés.Ils sont formés. Ils interviennent sur la totalité duterritoire. Nous avons de nombreux acteurs, quipeuvent procéder aux signalements et à la priseen charge de ces enfants. En fait, nous avons un

dispositif juridique et administratif relativementsatisfaisant. Et pourtant !Nous devons nous interroger sur le degréd’acceptabilité de cette société. Monsieur leSénateur, vous le disiez. Nous préférons évacuer.Nous préférons chasser. Nous sommes tellementdémunis face à une tragédie pareille. Que dit-ellede nous cette tragédie ? Quelles sont nosreprésentations ? Quelles sont nos inhibitions danscette société ? La sympathie ne suffit pas,l’indignation et la souffrance non plus ! L’empathiene suffit pas. Quel est notre rapport à cettemorbidité si forte dans la société ? Quel est notrerapport à ces espèces de pulsions mortifères ?Maltraiter des enfants, tuer des enfants, c’est defaçon métaphorique tuer notre avenir ! Commentpouvonsnous demeurer, dans cette société, calmeset tranquilles alors que des enfants meurent debrutalité et de violence ? Nous devons nousinterroger. Nous devons nous interroger sur lafaçon dont nous passons notre chemin, sur la façondont nous passons à autre chose. Lorsque je dis que nous ne devons pas restercalmes et tranquilles, je pense à cette phrasepuissante d’Aimé Césaire. Il décrit l’organisationfroide de la traite négrière et de l’esclavage, puisconclut : « Et ce pays était calme et tranquille, disantque l’esprit de Dieu était dans ses actes. » Parfois,nous avons peut-être eu l’illusion que l’enfant étaitsacré. Il l’était dans les discours. L’enfant est de chair.L’enfant est tenu à un destin. L’enfant est unepromesse. Nous n’avons pas le droit de restercalmes et tranquilles. Au contraire, nous devonsêtre furieusement révoltés contre cette violence et contre cette brutalité. Nous devons êtrepositivement déterminés à ne pas laisser prospérercette violence. Nous devons réagir face à ladestruction de notre avenir. Nous devons êtrefougueusement résolus à protéger notre bien leplus précieux, nos enfants.

Enfance en danger, enfancemaltraitée : mieux cerner lephénomène pour mieux agirpar Gilles Séraphin Sociologue HDR, Directeur de l’Observatoire national de l’enfance en danger (ONED)

Quel est le rôle de l’ONED ?

L’ONED a été créé par la loi, en 2004. Sesmissions ont été renforcées en 2007 par laloi réformant la protection de l’enfance. Ilconstitue une entité du groupement

d’intérêt public Enfance en danger (GIPED). Sesmissions, légalement définies, sont multiples. Dansle cadre de ce colloque, je nommerai les principales :● Recueillir l’ensemble des données chiffréesconcernant l’enfance en danger et la protectionde l’enfance.A cette fin, l’ONED publie tous les ans, dans lecadre de son rapport annuel remis auGouvernement et au Parlement, l’ensemble deschiffres portant sur la protection de l’enfance etélabore des estimations. Depuis la loi du5 mars 2007, l’ONED met en place également undispositif exhaustif et longitudinal de remontéedes données portant sur cette population.● Animer la recherche scientifique.A cette fin, le Conseil scientifique de l’ONEDpropose chaque année au Conseil d’administrationun appel d’offre thématique (pour 2013, il porte

sur la maltraitance) et un appel d’offre ouvert, afinde soutenir des recherches scientifiques. Il proposeégalement un choix parmi les propositions etassure le soutien et l’évaluation de ces recherches.Ainsi, il est possible de noter que la plupart desrecherches menées ces dernières années enFrance, sur les sujets rentrant dans le champ del’enfance en danger et de la protection de l’enfance,ont été soutenues par l’ONED.● Étudier l’ensemble des pratiques professionnelleset institutionnelles et promouvoir celles quifonctionnent.A cette fin, l’ONED assure l’évaluation desdispositifs innovants et en permet une largeconnaissance, voire une promotion.

Aujourd’hui, dans la collecte de donnéeschiffrées concernant la maltraitance,quels sont les enseignements ?Rencontrez-vous des difficultés ?Aujourd’hui, au sujet de la maltraitance, nousn’avons aucun chiffre global, mais une liste dechiffres qui permettent d’avoir une idée globalede l’ampleur du phénomène. En croisant et enarticulant ces sources de données, on peut tenterde mieux cerner la situation. Je vais tout d’abordparler des difficultés générales avant d’exposer lesenseignements. Deux difficultés générales nousincitent à la prudence.● La dénominationQu’est-ce que la maltraitance ? Quel acte ouattitude peut être qualifié de maltraitant ? Plusieursdéfinitions sont utilisées, selon les lieux, lesinstitutions, les professions… et les enquêtes ! Parexemple, dans certaines recherches, la négligencen’est pas considérée comme une maltraitance ouune situation de danger. Dans d’autres, n’estconsidérée que la « négligence lourde », avecrégulièrement des seuils de « lourdeur » ou degravité différents. Parfois enfin, la négligence esttoujours comprise comme une maltraitance. Cettedénomination différente, ou plutôt ce périmètredifférent des situations considérées par letruchement d’un concept, conduit à deuxdifficultés majeures : l’extrapolation des chiffresobtenus sur un territoire délimité à un territoireplus vaste ; et la comparaison.● Le contexteUn phénomène prend du sens dans un contextegéographique, social, culturel et institutionnel : unphénomène observé dans un lieu n’est pasidentique dans un autre puisque le contexte estdifférent. Par exemple, les chiffres obtenus parl’observation de la situation psychique des mineurspeuvent fortement varier selon l’accessibilité pourchaque mineur aux soins.Le contexte est aussi temporel. Un phénomèneapparaît à un moment donné : toute observationqui remonte à des décennies peut difficilementfaire l’objet d’enseignement à l’heure actuelle. Lecontexte a évolué. Par exemple, il est difficile decomparer des offres d’accompagnement sur despopulations ayant vécu des situations avant laréforme de loi 2007 à celles qui les ont vécuesensuite.

Mais… vous parliez quand mêmed’enseignements ! Quels sont-ils ?Les enseignements sont nombreux. Je vais citerquelques enquêtes et donner des chiffres à titred’exemple.● Un dispositif importantNotons tout d’abord que le dispositif de protectiondes mineurs est important. Rappelons les chiffres

“Nous devons être positivementdéterminés à ne pas laisserprospérer cette violence. Nousdevons réagir face à la destructionde notre avenir. Nous devons être fougueusement résolus à protéger notre bien le plus précieux, nos enfants. ”Christiane Taubira

Page 5: Edition du jeudi 29 août 2013

contenus dans le dernier rapport de l’ONED remisau mois de mai au Gouvernement et au Parlement(8ème rapport). Après avoir croisé des donnéesd’activité issues de la Drees (direction de larecherche, des études, de l'évaluation et desstatistiques), de la direction de la Protectionjudiciaire de la Jeunesse (DPJJ) et des tableaux debord des tribunaux pour enfants, nous estimonsqu’à la fin de l’année 2010, en France,273 000 mineurs sont suivis dans le cadre de laprotection de l’enfance. Près de la moitié desmesures (47 % exactement) sont des mesures deplacement. Ce chiffre est très stable depuis le débutdes années 2000. En 2003, cela représentait8,7 enfants pour 1000. En 2010, cela représente9,3 enfants pour 1000. Il est donc faux de dire,comme on l’entend parfois, que le nombre deplacement baisse.● Un dispositif insuffisant mais qui sembles’améliorer.Ce dispositif semble insuffisant certes, puisqueparfois des drames ne sont pas évités. Mais ilsemble fortement s’améliorer. Par exemple, selonl’enquête Drees « Evénements de vie et santé »menée en 2005-2006 auprès de 10 000 personnes,âgées de 18 à 75 ans :❍ 0,2 % des hommes et 2,5 % des femmes âgés de20 à 75 ans en 2005-2006 auraient vécu desviolences sexuelles de manière répétée durantl’enfance et l’adolescence ;❍ Mais, parmi eux, seulement 8 % de ces hommeset 20 % de ces femmes auraient été pris en chargepar des services de protection de l’enfance (soit19 % des victimes) ;Notons quand même que l’enquête établit desanalyses par classe d’âge. Il semblerait alors que laprise en charge ait été un peu plus fréquente pourles classes les plus jeunes, démontrant ainsi uneamélioration générale du dispositif de repérage etd’accompagnement.● Un dispositif dont on peut tracer les pistesd’améliorationEn outre, différentes enquêtes nous montrent lespistes d’amélioration.Exemple 1 : Enquête ELAP (Etude surl’Autonomisation des jeunes Après le Placement),soutenue par l’Institut national d'étudesdémographiques (INED), qui porte sur latrajectoire de 809 enfants placés et sortis aprèsl’âge de 10 ans, et « étudiés » à l’âge de 21 ans. Selon

cette enquête, 45 % des personnes enquêtéesauraient connu des problèmes de maltraitance.Pour un quart d’entre eux, ces problèmes n’étaientpas connus au moment de la prononciation de la mesure (36 % indiqués comme motif deplacement). Au-delà de ces chiffres, lesenseignements, en termes d’analyse desphénomènes et surtout en matière de pistesd’amélioration, sont nombreux :❍ le repérage doit être actif tout au long du suiviet de la prise en charge. En effet, régulièrement,c’est la prise en charge qui permet le repérage ;❍ le repérage en cours de mesure permet unemeilleure attention pour les autres membres de la fratrie ;❍ les dispositifs de repérage doivent prendre encompte le sexe. Les garçons semblent déclarer plusfacilement des faits de maltraitance quand ils sontjeunes. Ensuite, ils semblent s’exprimer par descomportements, et c’est d’ailleurs cescomportements qui conduiront à un placement.Exemple 2 : Les enseignements des enquêtesportant sur les violences conjugales. Lesenseignements tirés de ces enquêtes sontnombreux :❍ Il existe une forte corrélation entre violencesconjugales et mise en danger de l’enfant(cf. Rapport ONED « Les enfants exposés auxviolences conjugales », novembre 2012). Dans lecadre des dispositifs de protection de l’enfance,notamment en ce qui concerne les risques dedanger et le repérage, il est donc nécessaire deconsidérer ces contextes de violences conjugales.❍ Il existe des temporalités de la violence : 10 %des situations du 3919, numéro d’urgence, sontdes femmes enceintes. Il est ainsi possibled’accentuer les dispositifs de repérage sur cesmoments clés, par exemple par un meilleuraccompagnement des PMI.

On comprend bien les difficultésauxquelles vous êtes confrontés mais, au-delà des enseignements dont vous nousparlez, comment apporter une réponseadaptée si on ne connaît pas précisémentl’ampleur du phénomène ? Quanddisposerons-nous de chiffres plus précis ?Au niveau des données chiffrées, une partie deces difficultés sera bientôt résolue par la mise enplace du dispositif unique de remontée des

données, issu de la loi du 5 mars 2007. Ce dispositifa connu des difficultés techniques de mise enœuvre qui devraient s’estomper puisque noussommes actuellement en aboutissement d’unedémarche de consensus. Les préconisations ducomité d’experts ont été rendues publiques le 2 juillet dernier. Les apports de ce dispositif sontnombreux :❍ Ce dispositif est exhaustif (tous les mineurs sont concernés), ce qui permet des comparaisonset des estimations sur des bases solides et non pas sur des échantillons.❍ Ce dispositif est longitudinal ; le suivi desparcours permet de contextualiser lesphénomènes et d’établir, au-delà de simplescorrélations, des liens de causalité.❍ Enfin, ce dispositif est unique et commun, ce quipermet d’utiliser les mêmes règles, notammenten ce qui concerne les dénominations ; il sera doncpossible d’extrapoler et de comparer.Nous nous apprêtons donc à passer de donnéesde gestion à des données populationnelleslongitudinales, permettant d’accéder à l’entrée maissurtout au parcours, et à la sortie, pourappréhender l’impact de la politique publique dela protection de l’enfance sur la population priseen charge, et surtout pour mieux repérer lessituations de danger, puisque c’est là que se situefinalement le véritable sujet, le véritable objectif.

Que voulez-vous dire ? Selon vous la question du repérage n’est passuffisamment abordée ?Le chiffre est important en soi puisqu’il est unindicateur d’un phénomène. Derrière les chiffres,ce que nous tous essayons de mettre en exergue,c’est le repérage. Or, à l’ONED, nous travaillonstrès fortement sur les pratiques qui permettentd’améliorer ce repérage. Là est la clé, croyons-nous,d’une meilleure prise en compte des situations demaltraitance.A cette fin, quelques instruments peuvent être cités :● Le Service National d'Accueil Téléphoniquepour l'Enfance en Danger (Snated - numéronational d'urgence 119).Rappelons quelques chiffres pour illustrer l’utilitéde cette ligne téléphonique d’urgence,confidentielle, gratuite et ouverte 24h/24 :❍ 10 % des informations préoccupantes (IP) auniveau national proviennent du Snated ;❍ pour 70 % des appels pour lesquels on disposed’une information en retour, sur la situation, la famille n’était pas connue des services dudépartement pour des situations de danger.● Les protocolesLes protocoles élaborés entre les services des Conseils généraux (CG) et d’autresadministrations permettent un échanged’information et aussi et surtout le repérage, pourtous les professionnels, des circuits à utiliser pourfaire remonter leurs inquiétudes. Prenonsl’exemple de l’Éducation nationale, première« pourvoyeuse » d’IP (cf. Enquête ONED 2011portant sur l’IP). Il y a encore quelques années, unprofesseur ayant quelques inquiétudes quant à lasituation d’un enfant ne savait pas avec qui lespartager, et se trouvait confronté à un dilemme :soit il faisait part de ses inquiétudes en les signalant,au risque de déclencher une procédure qui auraitpu s’avérer infondée et ainsi perturber une famille ;soit il ne disait rien, au risque de ne pas considérerun (risque de) danger. Aujourd’hui, avec cesprotocoles, même s’ils sont différemment connus

Les Annonces de la Seine - jeudi 29 août 2013 - numéro 50 5

Vie du droit

Valérie Trierweiler, André Vallini et Thomas Clay

Phot

o ©

Jean

-Ren

é Tan

crèd

e - T

élép

hone

: 01

.42.

60.3

6.35

Page 6: Edition du jeudi 29 août 2013

et partagés selon les départements, ce professeursait avec quels collègues partager cette inquiétudeet c’est l’institution qui collectivement, après unepremière évaluation en interne, effectuera une IP,ou un signalement si nécessaire. En revanche, dansd’autres secteurs, les marges de progrès sontindéniables. Rappelons que, malgré l’élaborationde protocoles avec les établissements hospitaliers,peu d’IP proviennent du secteur de la santé. Lesmédecins libéraux par exemple sont à l’origined’un petit nombre de signalements et encoremoins d’IP. Des actions spécifiques à leur égardsemblent nécessaires et urgentes. Notons d’ailleurssur ce point que les CRIP qui ont demandé à unmédecin de rejoindre leur équipe semblent mieuxnouer des liens avec ce corps professionnel.● Les référentiels pour évaluer les situations« prémesure » ou durant la mesure.Plusieurs référentiels d’évaluation prémesure sontactuellement disponibles. Citons les deuxprincipaux : le référentiel Alfoldi et le référentielCREAI Rhône-Alpes. Ils ont été présentés lorsd’une journée ONED à Lyon le 15 mai 2012.L’ONED a également soutenu le second dans lecadre d’une démarche d’évaluation scientifique.Ces référentiels permettent, non pas d’adopter unegrille de lecture commune qui imposerait declassifier et de normer les situations, mais d’adopterune culture commune -notamment quant à ladéfinition de certains termes -et surtout unquestionnement commun. Par exemple, lessituations de violences conjugales, puisqu’ellespermettent de repérer les situations de (risque de)danger pour l’enfant sont systématiquementabordées. De même, les aspects sanitaires fontl’objet d’une attention particulière car la situationde santé est un indicateur qui permet de repérerles situations de (risque de) danger et surtoutd’engager le dialogue avec l’enfant et la famille.Ainsi, à l’ONED, nous récoltons toutes sortes dedonnées chiffrées et nous élaborons un dispositifde remontée des données exhaustif et longitudinal.Pour nous, le chiffre est essentiel puisqu’il est unindicateur. Avec ces indicateurs, nous pouvonsalors mieux évaluer les dispositifs qui permettentde protéger l’ensemble des mineurs, en danger ouen risque de danger. Parmi nos missions, nousanalysons ces dispositifs et en assurons la diffusionsur l’ensemble du territoire.

Dépistage de la maltraitance :l’expérience du service depédiatrie de Nantespar Nathalie Vabres et Georges PicherotPédiatres, CHU de Nantes

Quel est le rôle de l’ONED ?

Le dépistage des mauvais traitementsimplique de penser la maltraitancecomme un diagnostic médical. On nepeut voir et entendre, que si l’on a dans la

tête la maltraitance comme possibilité, comme« tiroir » diagnostic, avec la gravité de sesconséquences sur le développement de l’enfant.L’unité d’accueil des enfants en danger du CHUde Nantes est une unité fonctionnelle rattachéeau service de pédiatrie.C’est une équipe pluridisciplinaire qui intervienten cas de suspicion de maltraitance dans les

différents services de l’hôpital mère-enfant :urgences, pédiatrie, chirurgie, réanimation. En tantque professionnels ressources, nous sommesrégulièrement appelés à l’aide par nos collèguesmédecins et soignants lorsqu’ils repèrent dessignes, des paroles, des attitudes qui les inquiètent.

Cela permet de ne pas rester seul, deréfléchir à plusieurs et de définirensemble une conduite à tenir.L’objectif est d’aider au diagnostic, d’accueillir lesenfants et les parents dans les situations demaltraitance, d’assurer les soins nécessaires, departiciper à un projet de soins avec les institutionspartenaires impliquées dans la protection del’enfance.En 2012 nous avons été sollicités pour 368 enfantsdont 124 étaient hospitalisés. Nous avons fait77signalements et 93 informations préoccupantes.Des protocoles spécifiques sont disponibles pourles pédiatres de garde aux urgences avec des « feuxrouges » imposant l’hospitalisation :● fracture ou ecchymose chez un nourrisson quine se déplace pas, lésion traumatique grave sansexplication ou avec explications non plausibles,absence de manifestations douloureuses chez unenfant présentant une lésion traumatique grave,● enfant ou adolescent vu plusieurs fois auxurgences de façon rapprochée pour des« symptômes flous », des pathologies accidentellesou des accidents domestiques répétés,● découverte d’une grossesse chez une adolescentede moins de 15 ans.En effet parmi les nombreux enfants et adolescentsqui consultent aux urgences, certains sont victimesde mauvais traitements physiques, sexuels,psychologiques ou de négligence grave.Chez les enfants, outre les traumatismes infligés,la maltraitance peut se révéler par des troubles dudéveloppement et de la croissance, ou des troublesdu comportement.Chez les adolescents, les tentatives de suicide, lestroubles des conduites alimentaires, les troublessomatomorphes, les alcoolisations aigues et misesen danger répétées, doivent faire évoquer cediagnostic.L’hospitalisation permet la mise à l’abri,l’observation de l’enfant ou de l’adolescent, et deses interactions avec sa famille. Cela implique deséquipes soignantes averties, vigilantes etbienveillantes, qui savent écouter, mais aussi poserdes questions ouvertes en faisant part de leursinquiétudes devant telle lésion, devant la tristessede l’enfant ou de l’adolescent, devant ses troublesdu comportement.Les entretiens et consultations sont toujoursréalisés de manière conjointe, associant enbinôme : pédiatre, psychologue, pédopsychiatre,puéricultrice, assistante sociale.En effet, il nous paraît important d’éviter la relationduelle qui peut être pesante pour un enfant victimede violence, d’éviter à l’enfant de répéter etrépondre plusieurs fois aux mêmes questions avecchaque professionnel, de permettre les regardscroisés des professionnels durant les entretiens etles examens, et de limiter leur sidération devantla violence des situations.Ce cadre est maintenu lors des consultations surréquisition, et également lors des demandes d’avisdans les services d’hospitalisation.Cependant faire le diagnostic ne suffit pas.Construire un projet de soin nécessite deconstruire un réseau, d’être en lien avec lesinstitutions impliquées dans la protection de

l’enfance : parquet, juges des enfants, services depolice et de gendarmerie, Aide Sociale à l’Enfanceet PMI, associations exerçant les mesuresd’investigation et de protection…Les fractures, les traces de coups, les violencessexuelles, les humiliations, même après lesignalement, même au cours d’une mesure deprotection, peuvent rapidement paraître moinsgraves. L’impossibilité pour des professionnelsmême avertis de se représenter et d'imaginer laréalité des mauvais traitements, peut conduire àla minimisation voire au déni. Le doute profite àla famille tant il est plus facile de penser punitionsexcessives, accidents, enfant ou adolescent difficile.Il faut décrire, dire la gravité de ce qui a été constaté,écrire les paroles des enfants et des adolescents,montrer les photos des lésions, mais aussi lister les faits, les actes posés par les familles,particulièrement dans les maltraitancespsychologiques si difficiles à démontrer.

Il faut rester en lien avec lesprofessionnels qui vont accompagnerl’enfant par la suite.L’ouverture du lieu d’Accueil Audition filméeau CHU de Nantes en janvier 2010, nous apermis d’obtenir des moyens, de renforcer nosliens avec les institutions partenaires etd’améliorer nos pratiques dans l’intérêt desenfants et des adolescents : 341 auditions ontété réalisées en 2012.La démarche judiciaire doit pouvoir se déroulerde manière rigoureuse, tout en évitant untraumatisme supplémentaire à l’enfant.Ce dispositif permet l’accueil des mineursvictimes de violences dans un lieu adapté à leurdéveloppement, à leur particulière vulnérabilité,et au type de violences subies, le plus souventintra familiales.Il permet également un dépistage précoce dessignes de souffrance et un accès rapide aux soins.

Le repérage, dans le cadrescolaire, des violences faites aux enfantspar Geneviève Gautron Chef d’établissement

Ce n’est qu’assez tardivement que l’écolea pris en compte cette problématiquedes violences faites aux enfants. Depuiselle y a mis tout son coeur, mais hélas

sans formation ni priorité.Actuellement, des structures de type « équipe-relais » fonctionnent, mais elles sont dépassées parle nombre et la diversité des situations (pourrappel, une équipe-relais réunit, par exemple, laDirection, le CPE, un ou deux professeurs etl’équipe médico-sociale du collège pour travaillerensemble sur des cas d’élèves en difficulté).Il faut aussi ajouter que la loi de 2005 sur lehandicap a amené à l’école des élèves quijusqu’alors n’étaient pas dans le système « banal »et multiplié les reconnaissances MDPH1(1) quiconduisent à des PPS (projet personnalisé descolarisation). Cette donne, pour souhaitablequ’elle soit, n’a pas été accompagnée de moyenshumains supplémentaires.Pour moi donc, l’action de repérage est à la foisgénéreuse et très empirique. C’est dans ce cadre

6 Les Annonces de la Seine - jeudi 29 août 2013 - numéro 50

Vie du droit

Page 7: Edition du jeudi 29 août 2013

que je vais évoquer 3 situations actuelles du collège.Cet élève est arrivé en classe d’unités localiséespour l'inclusion scolaire (ULIS) « Troubles desfonctions cognitives » et adopte un comportementtotalement inapproprié, même dans ce cadre (crisstridents, fuite dans les couloirs). Il faut du tempsà l’équipe, par ailleurs pour une bonne part nonformée, pour découvrir que cet enfant n’a aucunsuivi, la famille étant dans le refus d’aide, et cemalgré une reconnaissance MDPH en écolematernelle. L’enfant apparaît victime d’un regardfamilial rigide, voire clairement raciste, mais devientun problème pour les autres élèves : il se heurtealors à la règle scolaire. Les difficultés s’aggravent.Et notre regard sur cet enfant est brouillé : troublesdes fonctions cognitives, cela veut dire beaucoupde choses, mais bien incertaines pour nous. Qu’est-ce qu’il est possible d’exiger face à ses manquementsà la règle scolaire ? Dans ce contexte précis, nousimaginions à tort qu’une reconnaissance MDPHgarantissait des soins, même a-minima. J’ai choisicet exemple pour montrer qu’il est difficile pourdes professionnels de l’éducation de se faireconfiance face à des situations de cet ordre : lerepérage est aléatoire. Si cet enfant avait été « sage», nous ne l’aurions pas repéré. Et d’ailleurs que noussoyons actuellement à la recherche de solutionsn’a amené qu’un seul résultat : une demande dechangement de collège par la famille.Dans le même ordre d’idée (refus d’aide de lafamille), je voudrais parler de cet enfant de 6ème quidemande que son téléphone portable soit rechargéau collège. On apprend alors que l’électricité a étécoupée chez lui. L’assistante sociale découvre unesituation qui a été prise antérieurement en charge,puis abandonnée. D’autres inquiétudes (d’ordresexuel) se font jour. Cet enfant se positionnecomme « homosexuel », le dit, ce qui entraîne desapostrophes variées, et nous amène à intervenirauprès de ses camarades et de lui. Manifestement,il cherche l’appui des adultes, auprès de qui il livredes bribes de confidence confuses. Mais la mère,contactée après de longs efforts de l’assistantesociale, ne « voit » pas : aucun besoin clair nes’exprime. Elle accepte un dossier d’aide financière,mais refuse d’échanger sur tout autre sujet. Cegarçon, nous semble-t-il, protège sa mère : sesdifficultés à lui, pour anciennes qu’elles soient(comme en témoigne l’école élémentaire), lelaissent cependant dans la capacité de suivre unescolarité, un peu bancale certes, mais il y en abeaucoup d’autres. Et nous n’arrivons pas à allerplus loin.Je terminerai par le cas d’une élève grande, forte etau caractère affirmé. Un beau matin, des coupssont constatés par l’infirmière que l’élève est venuevoir. Nous faisons intervenir les services adéquats.Le fait est que la mère, que nous connaissons biencomme présente et attentive, a découvert que safille a détourné son portable et la facture detéléphone atteint 600 euros, ce qui est à peu dechoses près son salaire. Elle reconnaît avoir voulucorriger sa fille. Finalement des conseils lui sontdonnés par la Brigade des mineurs. A la fille aussi,il est expliqué le mal fondé de son attitude. Maisfaute de pouvoir aider une mère qui se bat seule,sans soutien, cet accès de violence peutéventuellement recommencer. De plus nousestimons que cette fille aura du mal à nous faire denouveau confiance.Il existe une violence physique irrégulière danscertaines familles dont les enfants ne disent rien,en particulier lorsque, adolescents, ils souhaitentconserver leur image auprès des camarades.

Là la barrière est très haute à franchir pour nous.Je conclurai en disant que je souhaiterais qu’uneffort soit fait pour diminuer l’impact des carenceséducatives de la part de familles qui remplissentune partie de leurs missions mais sont elles-mêmesdans une telle fragilité qu’elles ne sont plus à mêmed’entrer en contact avec qui propose une aide. Etparfois sans doute l’intérêt de l’enfant pourrait-ill’emporter sur la liberté des parents lorsqu’unemise en danger est avérée.Il me semble donc que si l’accord des familles estessentiel pour que toute mesure éducative soitpossible, il ne peut être obtenu que par une priseen charge première et forte de celles-ci dans lecadre d’un soutien à la parentalité.(1) MDPH : Maison départementale des personnes handicapées.

Le repérage de la violencedans le cadre scolairepar Evelyne Cluzel Infirmière scolaire

Maltraiter n'est pas simplement laviolence physique. Elle part souventde la famille, mais peut être le faitde n'importe quel adulte ou jeune

en contact avec l'adolescent.

A travers les différentes sortes demaltraitance, comment s'effectue lerepérage au niveau scolaire?Les différentes sortes de mailtraitance :● violences physiques: fractures, coups, brûlures, etc;● atteintes sexuelles : viols, attouchements,pédophilie, etc ;● violences psychologiques : cruautés mentales,humiliations, brimades, dévalorisation, punitions,rejet affectif, etc ;● négligences lourdes au sein de la famille : enfantnon soigné, pas d'entretien, carences alimentaires,rythme de vie non adapté, etc.

Comment s'effectue le repérage ?Les violences physiques sont souvent les plusfaciles à repérer car les sévices corporelssont visibles. Le plus souvent dans le milieuscolaire, c'est soit l'enfant qui vient dénoncer, soitun adulte de l'établissement ou un ami.Les violences sexuelles sont plus difficiles àdétecter. La plupart du temps, le jeune a honte, sesent coupable ou a subi des menaces. Cela peutse traduire au sein de l'école par un isolement, dustress, de l'anxiété, des troubles psychosomatiquesdivers, des conduites auto agressives (tentativesde suicide, auto-mutilation, etc).Soit le jeune finitpar en parler à l'infirmière, à l'assistante sociale ouà d'autres adultes de l'établissement, soit lesprofesseurs s'inquiètent de son état et le signalentà l'équipe médico-sociale de l'établissement.Quant aux maltraitances psychologiques, lesélèves osent rarement se confier, et cela se traduitpar des maux divers: refus de venir à l'école, mauxde ventre, niveau scolaire en baisse, etc. Lepersonnel de l'établissement s'en inquiète et leproblème est signalé à l'équipe médico-sociale afinde repérer les causes de la souffrance.

Quelles actions pour la prise en charge ?En fonction des types de maltraitance et du niveaud'urgence, les élèves sont pris en charge et orientésvers les services adaptés.

Les Annonces de la Seine - jeudi 29 août 2013 - numéro 50 7

Vie du droit Agenda

UNION INTERNATIONALEDES AVOCATS5e forum des droits des affaires : Les défis mondiaux d'intégrité dans lagestion d’entreprises - Lutte contre lacorruption et le blanchiment d'argentLes 8 et 9 septembre 2013 Hogan Lovells US LLP875 Third AvenueNew York, NY 10022, ETATS-UNISRenseignements : 01 44 88 55 66

[email protected] 2013-612

BARREAU DE QUÉBEC

Rentrée Solennelle judiciaireLe 13 septembre 2013Palais de justice de Québec300, boulevard Jean-Lesage, bureau RC-21Québec (Québec) G1K 8K6 Renseignements : 418 529-0301www.barreaudequebec.ca 2013-613

ASSOCIATION INTERNATIONALE DES JEUNES AVOCATS - AIJA 51ème congrès Du 17 au 21 septembre 2013 Hôtel Hilton Avenue Macacha Guemes 351BUENOS AIRES - ARGENTINE Renseignements : 01 45 02 38 38

[email protected] 2013-614

ASSOCIATION DROIT ET COMMERCE L’action de groupeConférence le 23 septembre 2013 Tribunal de Commerce 1, quai de la Corse75004 PARIS Renseignements : 01 46 28 38 37

[email protected]

2013-615

ASSOCIATION DES JURISTESFRANCO-BRITANNIQUES

Dieu et mon DroitReligion, Société et Etat - Quelquesproblèmes d’aujourd’hui Colloque Annuel le 27 septembre 2013Salle Lamartine101, rue de l'Universite 75007 PARISRenseignements : 01 44 09 79 00 [email protected]

2013-616

Page 8: Edition du jeudi 29 août 2013

8 Les Annonces de la Seine - jeudi 29 août 2013 - numéro 50

Vie du droit

Pour les violences physiques ou sexuelles, il estimpératif de protéger l'enfant et de signalerimmédiatement le problème aux autoritéscompétentes. Concernant les maltraitancespsychologiques, il est plus difficile et délicatd'intervenir car elles sont plus complexes àdétecter et à évaluer. Toute suspicion demaltraitance sur un enfant doit amener à signaleraux autorités administratives et judiciaires.Par ailleurs, le niveau socio-culturel des famillespeut altérer le jugement du personnel alerté.Une bonne équipe bien informée et vigilenteau sein de l'établissement scolaire permet dedétecter plus facilement toute souffrance subiepar un élève et d'agir de manière efficace. Il estimportant également d'avoir des servicesextérieurs compétents capables d'apporter unesolution, d'évaluer et d'être à l'écoute de lasouffrance de ces jeunes.Dans les établissements secondaires parisiens,sont affectées des infirmières qui sont là pourécouter, repérer et répondre à l'urgenceimmédiate, le tout dans un climat d'équipe avecl'ensemble de la communauté scolaire.On peut ainsi noter une grande dispariténationale suivant les lieux où l'on se trouve.Cependant, en tant qu'infirmière, on remarqueque certains signalements faits ne donnent passuite à des effets ou restent sans réponse.

Le repérage dans le cabinetdu médecin généralistepar Claude Rougeron Médecin généraliste

Les enfants au coeur de notre sociétémoderne sont de plus en plus« objetisés » par les médiascommerciaux, les politiques, les parents

eux-mêmes. Il y aurait un importantdéveloppement à faire.Cette « objétisation » de l'enfant engendre uneambivalence du regard que le société porte surlui. Il est à la fois le roi qui a tous les droits et quipeut faire dériver les parents vers des dettes ou

des comportements de surprotection. Il est dansle même temps, et parfois au sein des mêmesfamilles, la victime de violences physiques,psychologiques, sociales ou spirituelles dont lagravité peut atteindre les extrêmes.Repérer, diagnostiquer, signaler, mettre en placedes mesures de sauvegarde, de traitement et desuivi constituent des objectifs de laresponsabilité de la société et sa Santé publique.Il n'existe pas de typologie de la personnemaltraitante, et toute personne constituantnotre société est concernée par le repérage deces enfants. Nul ne peut prétendre ne pas êtreconcerné. Nul ne peut prétendre ne pas savoirce qu'il a vu ou entendu ou compris. Et la loioblige chacun à signaler un tel constat,professionnel de l'enfance, du soin, du droit, del'enseignement ou autre.Cependant, ce repérage n'a rien de simple. Lepropos qui suit reste centré sur le repérage desenfants victimes de violences. Il existe denombreuses difficultés et entraves pour réaliserce repérage, mais il existe des mesures pourl'améliorer. Analysons les.

Les difficultés● L'accès aux soinsL'aggravation de la pénurie de médecinsgénéralistes en milieu ambulatoire engendredirectement une réelle difficulté d'accès aux soinsde premiers recours. La population en généralse déplace donc vers les services dits d'urgencesdes hôpitaux et cliniques où les temps d'attentesont à la mesure de la disponibilité desprofessionnels. Mais ces professionnels sontformés à prendre en charge des défaillancesphysiques. Par ailleurs, les médecins de cesservices sont volontiers en formation, interne demédecine générale pour la majorité. Ils font appelau médecin senior en cas de difficulté diagnosticou thérapeutique. Encore faut-il que le repéragesoit fait pour que le senior soit sollicité.La course contre la montre qui caractérise cesservices ne permet pas la disponibilité intellectuellepour réaliser le repérage d'un trouble très souventbien masqué par les auteurs, notamment s'ils sontles accompagnants de l'enfant dans le service. C'estpourtant dans les services des urgences que les

médecins généralistes adressent les enfantsdépistés ou repérés.En ville, les parents auteurs de sévices sur leursenfants évitent de fréquenter la consultation dumédecin de la famille. Un indice intéressant derepérage est le carnet de santé sur lequel apparaîtun suivi irrégulier, auprès de médecins différents,avec des consultations habituellementsystématiques non faites. Cela constitue un indice,pas une preuve, bien sûr. A l'inverse, il s'agit parfoisd'enfants qui nous sont fréquemment amenéspour des motifs variés, disparates voire futiles.

● Des freins liés au médecin Les médecins de premiers recours, c'est à dire lesgénéralistes et les pédiatres, connaissent plutôtmal les procédures de signalement et de contactde la CRIP : cellule de recueil et d'évaluation desinformations préoccupantes du Conseil général.Cette méconnaissance est liée à multiplesfacteurs. La formation initiale n'aborde pas cetteprocédure au cours du cursus des étudesmédicales. Les syndromes de Silverman et deMunchausen sont étudiés dans leur dimensionbio-médicale. La formation continue estextrêmement pauvre du fait de la définition desthèmes prioritaires par les institutions (assurancemaladie, ministères, syndicats). Ces thèmesprioritaires concernent préférentiellement lesproblèmes de santé organique pour lesquelsl'évaluation des pratiques est facile et la rentabilitééconomique directe.La communication sur ce problème de la partdes instances telles les conseils des Ordresprofessionnels, la Sécurité sociale, les ministères,la Haute autorité de santé, l'institut national deveille sanitaire etc. est inexistante. C'est donc unsilence assourdissant qui existe autour de laviolence faite aux enfants. Il en est d'ailleurs demême pour les personnes âgées qui constituentune égale part de mon activité que les enfants demoins de 16 ans.

La peur de signalerLes médecins ont vécu ou ont été témoins dessituations d'inculpation pour des signalementsqui auraient été considérés comme injustifiés. Ils gardent une peur intense du risque

Phot

o ©

Jean

-Ren

é Tan

crèd

e - T

élép

hone

: 01

.42.

60.3

6.35

Page 9: Edition du jeudi 29 août 2013

Les Annonces de la Seine - jeudi 29 août 2013 - numéro 50 9

Vie du droit

d'inculpation pour dénonciation calomnieuse etnon moins intense de perdre le contact avec unefamille qui reçoit des soins difficiles depuis plusou moins longtemps. Cela signifie qu'a côté del'enfant maltraité, il y a d'autres enfants et desparents, parfois ou souvent. Qu'une rupture deconfiance envers le médecin « dénonciateur »expose la famille au risque majeur de perte deconfiance envers la médecine dans son ensemble.La situation est suffisamment délicate et complexepour que d'aucun se permet de jeter l'opprobresur la médecine générale et les médecinsgénéralistes en particuliers. Il faut chercherensemble une démarche humaine. Et là se posele grave problème de l'absence totale de relationavec le monde judiciaire après un signalement ouune information préoccupante. Les servicessociaux ignorent également le médecingénéraliste, fut-il celui qui a rédigé le signalement,sauf lorsqu'il y a des documents médico-administratifs à renseigner ou des « bons pour... »à rédiger. Bon pour un transport par exemple.

L'absence d'information en retour du signalementQu'il s'agisse d'un contact téléphonique avec unepersonne de la cellule de recueil des informationspréoccupantes (CRIP) du Conseil général ou unsignalement direct auprès du Procureur de larépublique, il est demandé au médecin d'adresserun certificat de signalement par fax et par courrier,puis c'est l'épaisseur du silence judiciaire. La familledisparaît dans la rupture avec le médecin. Il n'estmalheureusement pas rare de voir réapparaîtrequelques années après l'enfant victime de nouvellessévices ou pour un certificat de décès. Il s'agit là devécus personnels. Comment imaginer que je soisle seul médecin généraliste français qui ait vécucela ? Non. Il réside là un problème majeur.Problème de communication professionnelle dansl'intérêt de l'enfant avec des personnes habilitées àen connaître. Et en quoi le médecin qui a pris laresponsabilité de faire un signalement ne serait-ilpas habilité à en connaître ? Parfois, c'est un confrèrequi, sous cape, nous informe des suites de l'histoire.J'ai vécu deux telles histoires dans les trois annéespassées. Une fillette de 11 ans est prise en chargeen pédopsychiatrie, le cousin coure toujours, lamère est seule et psychologiquement détruite etje suis terriblement inquiet pour la suite. Qu'ellesont été les conclusions des magistrats ? Quel suivia t-il été mis en place pour l'enfant et le maltraitant ?Quelle mobilisation de l'aide sociale à l'enfance ?Je ne sais rien, strictement rien et je suis très inquietpour cette pré-adolescente dont les risques derécidive par le même agresseur me semblentmajeurs. Donc, que puis-je faire ? De la passivitéà l'activisme ? Dois-je refaire une informationpréoccupante pour enfant en péril imminent ?Voilà certaines difficultés réelles.

Les mesures pour améliorer le repérage● Accès aux soinsLe maillage des médecins généralistes en milieuambulatoire justifie des prises de décisionspolitiques courageuses et efficaces. Despropositions existent imposant de sortir d'unconservatisme délétère. Il s'agit de sauver l'accèsaux soins de premiers recours dans notre pays detoute urgence afin d'éviter le recours aux urgencessystématique.

Inclure la séméiologie médico-psycho-sociale durepérage des violences faites aux enfants, aux

personnes âgées et aux femmes dans la formationinitiale et dans les thèmes prioritaires dudéveloppement professionnel continu (nouvelleterminologie pour décrire la formation médicalecontinue des médecins). Cette séméiologiecomporte des points communs. La réforme dusecond cycle des études médicales permet cettetransversalité depuis plusieurs années, mais lapratique facultaire n'y est pas. Il faut y remédier ;cela est urgent et facile. Aux conseillers ministérielset aux doyens de prendre leurs responsabilités.En effet, en qualité de médecin généraliste, je visles mêmes difficultés concernant les violencesfaites aux personnes âgées, aux personnesvulnérables, aux femmes, aux enfants. Les loi sesuccèdent. Les chiffres stagnent.

Mettre en place une campagne de communicationefficace de la part des ministères impliqués, desOrdres professionnels auprès des acteurs afin deles rassurer lorsqu'ils communiquent uneinformation préoccupante ou réalisent unsignalement.

Informer clairement sur le secret professionnel etses dérogations, sur la définition de ladénonciation calomnieuse, les compétences dechaque professionnel et ses limites.Réfléchir de façon pluri professionnelle à unedémarche de communication à double sens entretous ces professionnels qui migrent autour del'enfant sans exclure le Procureur et le Présidentdu Conseil général, ni les médecins et les patients.

Un réel partage des données concernant uneaffaire selon l'habilitation de chacun et dans l'intérêtde l'enfant reste à mettre en place afin de permettreun repérage des violences faites aux enfants selondes principes éthiques incontournables : seconnaître et se reconnaître, parler et laisser parler,ne pas mentir et ne pas entendre le mensonge, nepas manipuler et ne pas entendre la manipulation,respecter l'autre pour gagner son respect.

Comment identifier unesituation de violence pouvantaboutir à la mort d’un enfant ?par Caroline Rey-Salmon Pédiatre, médecin légiste

Grâce à leurs compétences, lesprofessionnels de santé sont souventles premiers intervenants capablesd’identifier une situation de violence

pour un enfant.

Faut-il signaler ?Le médecin est placé devant la double obligationdéontologique et légale de protéger l’enfant suspectde mauvais traitements, et notamment deviolences futures exercées à son encontre. Cetteprotection doit passer par l’information desautorités compétentes, soit par une informationpréoccupante (IP) adressée à la cellule de recueildes informations préoccupantes (CRIP), soit parun signalement adressé au procureur de laRépublique.En cas de danger imminent, avéré, et lorsque leprojet thérapeutique ne suffit pas à faire procéderaux aménagements nécessaires à la sécurité de

l’enfant, la rédaction d’un signalement nous paraitindispensable. Il n’est pas nécessaire d’avoir lacertitude de mauvais traitements pour effectuercette démarche. Un des avantages majeurs de cetteorientation est que le procureur de la Républiquepeut intervenir en urgence pour assurer la sécuritéimmédiate de l’enfant.

A qui signaler ?Le président du conseil général est chargé durecueil, du traitement et de l’évaluation des IPrelatives aux mineurs en danger ou qui risquentde l’être. Après évaluation, ces informationsindividuelles font l’objet, si nécessaire, soit d’uneprise en charge par les services du conseil généralvia une mesure de protection administrative, soitd’un signalement à l’autorité judiciaire. Lesinformations préoccupantes peuvent doncdevenir un signalement lorsqu’elles sont passéesau crible de la CRIP, qui a estimé que la préventionadministrative ne permettait pas de traiter lasituation, du fait de la complexité de cette dernièreou du refus de la famille de contractualiser unemesure de protection.Le procureur de la République peut êtredirectement avisé par toute personne travaillantau sein d’un service public, ou d’un établissementpublic ou privé, susceptibles de connaître dessituations de mineurs en danger ou risquant del’être, « du fait de la gravité de la situation ». Dansce cas, la loi fait simplement obligation d’adresserune copie de cette transmission au président duconseil général.

Quand signaler ?S’il faut, à notre avis, signaler le plus tôt possiblepour garantir la sécurité de l’enfant, le temps de laréflexion collégiale n’est jamais une perte de tempset il convient de ne pas confondre vitesse etprécipitation. En effet, l’analyse de la situationnécessite la mise en commun d’informationsvenant de champs de compétence différents, maisplus le signalement se situe près des faits, plusl’enquête pénale sera efficace.

Quelles spécificités du signalement par les médecins ?Le secret professionnel est le principal argumentd’opposition au signalement. Il s’articule avec la crainte de poursuites ordinales pourdénonciation calomnieuse.Du fait de sa formation et de sa place particulièreau sein du dispositif de protection des mineurs endanger, le professionnel de santé est réputé agiravec discernement dans l’intérêt du mineur. Lelégislateur a donc souhaité lui reconnaître unecompétence différente de celle du « simplecitoyen ». Entre une attitude visant à préserver àtout prix le secret professionnel, parfois au périlmême de la vie du mineur et une attitude visantà délier systématiquement le professionnel dusecret, l’assimilant alors à un non-professionnel,le législateur français a opté pour une positionintermédiaire.Le Code pénal sanctionne les atteintes portées àla vie privée dans le cadre d’une activitéprofessionnelle. A côté de dérogations légales où« la loi impose la révélation du secret », lelégislateur a prévu des dérogations facultativesoù « la loi autorise la révélation du secret ». Ainsi,en cas « de privations ou de sévices, y comprislorsqu’il s’agit d’atteintes ou de mutilations sexuellesdont il a eu connaissance et qui ont été infligés àun mineur ou à une personne qui n’est pas en

Page 10: Edition du jeudi 29 août 2013

10 Les Annonces de la Seine - jeudi 29 août 2013 - numéro 50

Vie du droit

mesure de se protéger en raison de son âge, de sonétat physique ou psychique », le médecin estautorisé à révéler la situation aux autoritésjudiciaires, médicales ou administratives. Ce même article stipule que l’accord du mineurn’est pas nécessaire et que « le signalement auxautorités compétentes effectué dans les conditionsprévues au présent article ne peut faire l’objetd’aucune sanction disciplinaire ».Le code de déontologie médicale (CDM) suit lesmêmes dispositions. La révélation des mauvaistraitements à enfant reste donc discrétionnairepour les professionnels à condition toutefois quedes mesures de protection efficaces soient misesen place autour de l’enfant pour éviter la répétitiondes violences et partant l’infraction de non-assistance à personne en danger. La non-assistancevise, non pas le fait de ne pas parler, mais le fait dene pas agir. Il n’y a donc ici aucune exception ;professionnel et non-professionnel y sont soumis.

Risque de l’absence de signalement pour le médecinLe défaut de signalement peut aboutir, en cas de violences répétées, à la mort de l’enfant ou àdes séquelles particulièrement lourdes,compromettant son développement physique,psychique et affectif. Dans le cas d’une suspicionde mauvais traitements non signalée et ayant eupour conséquence la commission de nouvellesviolences, il pourrait être reproché au médecinson inaction.Proposition de mettre en place au niveau de tousles Parquets une fiche navette permettantd’indiquer aux professionnels rédacteurs d’unsignalement quelles suites immédiates ont étéapportées. Cela leur permettra de vérifier que leursignalement a bien été reçu. Il pourrait être préciséau bas de cette fiche navette que les suites à moyenet long terme ne pourront pas être données parle Parquet.

Quand et comment signaler les violencescommises sur des enfants ?par Sylvain Barbier Sainte Marie Vice-Procureur, Chef de la section des mineurs du parquet de Paris

Le rôle du Procureur de la Républiquechargé des mineurs est polymorphe dansla mesure où ses attributions sont à la foisciviles et pénales. Dans le cadre des

violences faites aux enfants, elles s’articulentprécisément au carrefour de ces deux champs decompétence.

Quelle protection ?Un signalement concernant des faits de violencesà l'égard d'un mineur permettra au Procureur dela République d'intervenir d'abord dans le champcivil de la protection de l'enfance (article 375 etsuivants du Code civil) afin de se demander si unesaisine du juge des enfants est opportune, voire siune ordonnance de placement provisoire (OPP)est nécessaire. Dans un second temps, il ordonneraune enquête dans le champ pénal auprès desservices de la brigade de protection des mineurs(BPM) afin de déterminer les circonstances desviolences et l'identité de l'auteur.A partir de ces éléments, une protection optimaleet à double détente (civile et pénale) peut se mettreen place dans l'intérêt de l'enfant. Elle peut allerjusqu'à la prise d'une OPP et la condamnation del'auteur, fut-il un parent.

Quel doit être le contenu dessignalements ?Les signalements doivent répondre à un certainnombre de critères précis afin que les élémentsprincipaux y soient mentionnés.Il faut essentiellement motiver le danger et indiquerl'urgence, la réponse étant prise en fonction de cesdeux critères, outre la situation précise de la familleet sa composition.

A qui signaler ?Les signalements, par principe, doivent êtreadressés à la CRIP. Par exception, lorsqu'il y aurgence, ces signalements doivent être adressés,par télécopie, au Procureur de la République, etdans les grands parquets à la permanence de lasection des mineurs du parquet. Ces envois sontadressés en double à la CRIP. Dans les cas les plusgraves, s'agissant des médecins de ville ou des hôpitaux (fractures inexpliquées, bébés secoués, violences), ces signalements doiventnécessairement être adressés au Procureur.Quel repérage ? L'exemple des hôpitaux parisiens.Il convient avant tout de faire connaître lesmaltraitances, y compris auprès des hôpitaux. A Paris, des cellules dites de « maltraitance » ontété créées dans les trois hôpitaux pédiatriques(Debré, Trousseau, Necker). Elles réunissent lesmédecins, les assistantes sociales, le chef de lasection des mineurs du parquet et un membre dela brigade de protection des mineurs (BPM). Lesréunions sont trimestrielles et permettent l'échanged'informations sur des cas pratiques, en amont dutraitement judiciaire (hôpital) et en aval (parquet).

Ce travail extrêmement important a permisd'augmenter le nombre de signalements auparquet, concernant des violences commises surdes enfants, voire sur des nourrissons.Ces cellules ont aussi permis à chaque partenairede mieux connaître les difficultés de l'autre. Laconfiance s'est instaurée et le partenariat fonctionned'autant mieux.

Les prises en charge en période périnatalepar Gisèle Apter Pédopsychiatre

Un bref rappel du processus dedéveloppement de la parentalité estnécessaire pour faciliter le recours à un repérage précoce et une

organisation d’interventions en réseau des famillesles plus vulnérables par les professionnels. Il est àsouligner que la parentalité comporte del’ambivalence naturelle à l’égard du bébé et que lesexigences nécessaires à ses soins peuvent êtreempêchées par de multiples facteurs. La psychopathologie et la répétitiontransgénérationnelle en font partie. Cependant, ilest nécessaire de ne pas effectuer de parallélismeentre pathologie et maltraitance, tout comme il estimpératif d’observer, de repérer et de proposer dessoins lorsque les risques sont avérés. Le déni esttoujours l’entrave la plus grande à des prises encharges précoces, dont l’efficacité clinique estaujourd’hui visible. Prendre en charge les troublesaussi rapidement que possible, en particulier dansles familles où se mêlent plusieurs facteurscumulatifs est essentiel. La précocité de la prise encharge améliore la qualité de vie des petits patients,quels que soient leur âge une fois que les troublessont perçus (Haddad et al., 2004(1)). La manièredont une prise en charge vient déjouer les« prédictions » liées au groupe à risque est lameilleure des préventions tout en étant du soin.De plus, les prises en charge impactent la totalitéde la famille, modifiant ainsi les parcours des autresenfants de la fratrie, dont les pronostics souventassez sombres peuvent être considérablementpositivement influencés.Une fois la famille entière engagée dans le soin, ilfaut déployer une prise en charge intégrativeimpliquant de ce fait de nombreux acteurs dusystème de santé et de la protection de l’enfance etceci pendant une durée longue, voire très longue.Comment alors imaginer l’évaluation de ces prisesen charge ? Quels en seront les « indicateurs » ?Quel coût mais aussi quel investissement pourparler selon les termes des économistes de la santé?A quelle étape considérer que la santé des enfantsest telle que l’on peut considérer que la prise encharge est fructueuse ? Quels symptômes et quelsmécanismes psychiques, quels processusrelationnels sont à évaluer pour cela ? Commentenvisager à partir de ce levier que représente lapériode périnatale, une réorganisation familiale quiimplique alors de faire face à toute une famillenotamment en ce qui concerne les rôles parentaux?Il nous semble qu’il faut alors supposer que lesdispositifs de soins se doivent impérativement des’articuler entre eux, les équipes de communiquer,alors même que chacune peut avoir à s’occuperspécifiquement d’un aspect de la famille (adolescence,tout petit, troubles des apprentissages etc).

Comité de pilotage scientifique autour du Sénateur André Vallinipour le colloque du 14 juin 2013 au Sénat● Diogo Alves de Oliveira, interne en pédopsychiatrie, Lille ● Sylvain Barbier Sainte Marie, Vice-Procureur, Responsable de lasection des mineurs, Parquet de Paris● Clara Brenot, collaboratriceparlementaire d’André Vallini,secrétaire du comité ● Guillaume Bronsard, pédopsychiatre,Marseille● Stéphane Césari, directeur général adjoint des services du Conseil Général de l'Isère● Jon Cook, anthropologue médical● Judith Dulioust, médecin de santépublique, responsable de la cellule

santé de l'ASE de Paris● Amélie Girerd, collaboratriceparlementaire d' André Valini, chargée des relations publiques pour le colloque● Monique Limon, directrice de l'insertion et de la famille, au Conseil Général de l'Isère● Jean-François Michard,médecin légiste● Fabienne Quiriau, directrice de la CNAPE● Céline Raphaël, interne de médecinegénérale, auteur de « La démesure »● Caroline Rey, pédiatre, médecinlégiste et victimologue, AP-HP

● Claude Rougeron, médecingénéraliste, professeur d'éthiquemédicale● Daniel Rousseau, pédopsychiatre en libéral et dans un foyer de l'Enfance, Angers● Nadège Séverac, sociologueconsultante spécialisée sur les violences intra-familiales● Anne Tursz, pédiatre, épidémiologiste, directeur de recherche émérite à l'Inserm,présidente du comité● Roselyne Venot, commandant depolice, conseillère sécurité auprès durecteur de l'Académie de Versailles.

Page 11: Edition du jeudi 29 août 2013

Les Annonces de la Seine - jeudi 29 août 2013 - numéro 50 11

Vie du droit

Quelle que soit la porte d’entrée au soin, l’équipequi sera bénéficiaire du premier pré-transfert auracomme tâche de se soucier, sans cesse, desdifférents protagonistes. Contrairement à ce quiavait jusqu’alors été envisagé dans le soin, c’estprécisément le fait de ne pas considéreruniquement un « seul » patient qui donne toute lalégitimité à ces prises en charge multifocales. Ladédifférenciation de chacun des membres de lafamille, assortie au traitement spécifique de chacunde ses membres et de leurs troubles ne pourra sefaire que dans un deuxième temps. Sans cela, il nepeut y avoir de soins pour ces troubles familiauxmultiples souvent transgénérationnels qui sontl’apanage de nombreuses familles reçues enconsultation de psychiatrie infanto-juvénileaujourd’hui.Nous décrirons un dispositif de soin ambulatoirequi démarre dès la période périnatale qui proposeune évaluation contenante conjointement à despropositions de soins qui assure la coordinationultérieure. Il s’agit de l’unité PPUMMA qui setrouve en région Parisienne (Psy Périnataled’Urgence Mobile en maternité, environ500 situations par an). La manière dont lesprofessionnels se saisissent de l’unité, la rencontreavec la femme, le couple et/ou la famille ; lacoordination avec les services de soins et lesservices sociaux seront décrits afin de mettre enévidence l’importance d’un dispositif intégratif quiarticule et coordonne les différents professionnelsentre eux autour de l’enfant et de sa famille.(1) Haddad A., Guédeney A. & Greacen T. (2004). Santé mentale du jeune enfant : prévenir et intervenir. Editions Erès.

Le rôle de la brigade desmineurs après signalementpar Frédéric Régnier Capitaine de police à la brigade de protection des mineurs de Paris

Comment procède la police judiciaire une fois que le Parquet l’a saisie ?

Dans un premier temps nous regardonssi des actes sont à effectuer en urgencesous entendant “est ce que le mineurest toujours en contact avec son

agresseur ?” Si c'est le cas il faudra le récupérer le

plus rapidement possible afin d'éviter que le ou lamineure soit de nouveau victime. Cela vaut pourles infractions à caractère sexuel mais égalementles violences.Ensuite nous procédons à l'audition de l'enfant etdu civilement responsable (dépôt de plainte). Le mineur est ensuite dirigé vers l'hôpital et plusexactement les UMJ.Nous nous assurons qu'il n'y a pas d'autres victimesdans l'environnement proche. Ensuite nousconvoquons le mis en cause. Si nous voyons qu'ilrisque de ne pas venir nous avisons le Parquet quinous délivre un 78 (un ordre de comparution avecutilisation de la force publique).● Garde à vue de l'individu ;● Expertise psychiatrique (systématique pour lesauteurs d'agressions sexuelles) ;● Perquisition ;● Confrontation ;● Avis à Parquet ;Généralement la garde à vue est le dernier acted'une procédure.

Comment pose-t-on des questions à unenfant? Comment recueille-t-on sa parole ?Il faut s'adapter en fonction de son âge en tenantcompte de son développement intellectuel et deson niveau de langage (repère dans le temps etdans l'espace). On peut commencer à obtenir unpremier témoignage dès l'âge de deux ans chezl'enfant (il comprend 300 mots). A 4 ans l'enfantne fait pas la différence entre le réel et l'imaginaire.L'enfant ne saura se situer correctement dansl'espace et le temps qu’à l'âge de 10/11 ans.L’audition se fait sans la présence des parents,généralement le matin où l’enfant est plus attentif.On le met en confiance en se présentant : quisommes nous, ce que nous faisons, notre rôle quiest de protéger les enfants.Les questions (ouvertes) doivent rester simples, il ne faut pas hésiter à reposer la question sousune autre forme, à la reformuler afin de s'assurerque l'enfant a bien compris.Le récit est libre !!!!!

Utilise-t-on un protocole d'entretienstandardisé pour recueillir la parole de l'enfant ?Non, nous nous adaptons à l'enfant, c'est nous quinous mettons à son niveau.

Comment se termine l'entretien avec l'enfant ?Nous expliquons à l'enfant ce qu'il va se passer,nous le rassurons en expliquons que nous allonsparler avec ses parents, le but étant de le soulagerd'un poids. Souvent l'enfant se sent responsablede ce qui arrive.Depuis peu a été mis en place un protocole dansle but d'instaurer une passerelle entre les UMJ etles services de police. A cette fin, un filmd'animation est à notre disposition. A l'issue del'audition nous montrons la vidéo explicative dansle but de rassurer le mineur sur l'examen médical.

Quand fait-on appel à un professionnel de la santé mentale pour examinerl'enfant puis l'auteur présumé des faits ?Pour l'enfant : aléatoire, en fonction du ressenti dufonctionnaire. S’il y a un doute, cela permet dedéterminer si l'enfant est crédible.Pour l'auteur présumé : si l’agression est sexuelle,cette procédure est systématique. Il fautdéterminer s’il existe un risque de réitération desfaits ainsi que l'accessibilité à une sanction pénale.

La présence d'un avocat pour assister le misen cause a-t-elle modifié les procédures ?Indiscutablement oui, mais avant de répondre il est important d'apporter une précisionimportante. Les victimes d'incestes, de violspeuvent se présenter plusieurs années après lesfaits et ce pour divers raisons, ce que je veux vousdire c'est que bien souvent nous avons à traiter desdossiers où il n'y a aucune preuve matérielle, aucuntémoin, nous avons donc la parole de l'un face àla parole de l'autre. Comment alors obtenir desaveux circonstanciés sans preuve... jeu de rôle,pièce de théâtre. La présence de l’avocat a pourconcéquence l’intervention intempestive de celui-ci même s’il sait qu'il n'a pas le droit parlerdurant l'audition. Perte de temps (temps d'attentede l'avocat) avec l’impossibilité de l'entendre avant.Prolongation presque systématique. Moinsd'auditions sur 48 heures.

Quand vous devez intervenir en urgence,comment faites-vous ?Souvent dans le cadre du flagrant délit, nousdevons extraire rapidement l'enfant de sonenvironnement familial, nous avisons le Parquet

Page 12: Edition du jeudi 29 août 2013

12 Les Annonces de la Seine - jeudi 29 août 2013 - numéro 50

Vie du droit

des Mineurs qui souvent procède au placementprovisoire de l'enfant après que le mineur ait étéexaminé aux UMJ (ITT). L'important est derecueillir rapidement le témoignage de l'enfantsans quoi et vous le comprendrez il nous estdifficile d'entendre le mis en cause.

Quel est l'impact du manque de moyenssur le travail de la police judiciaire ?En termes de moyens matériels nous sommesassez privilégiés. Je parlerais davantage du manqued'effectifs. Se pose en effet le problème du nonremplacement des fonctionnaires de police quisont mutés. Nous voyons les dossiers s'accumulersur les bureaux des fonctionnaires ce qui peut avoirune incidence sur la qualité du travail rendu maisaussi la motivation des policiers.

Comment améliorer les circuits, lessignalements ? Comment améliorer laformation ?Je ne reviendrai pas sur les circuits et les signalementsmais m'arrêterai davantage sur la formation de mescollègues. Il faut savoir que le « mineur » fait peur, iln'est pas rare que, lorsque nous sommes depermanence , des policiers de Commissariat nousappelle pour des renseignements ou par exemplepour nous aviser qu'un mineur a été pris sans titrede transport (mineur non en fugue) nous appelonscela « le parapluie ». L'intégration d'un module«mineurs » que ce soit à l'ENSOP ou dans les écolesde Gardiens de la Paix pourrait s'avérer bénéfiquede même que la multiplication des stages enimmersion au sein des Brigades des mineurs.

Premiers résultats de l’enquête « Saint-Ex » Etude longitudinale menée à lapouponnière Saint-Exupéry d’Angerspar Daniel Rousseau Pédopsychiatre

Après deux études transversales (2006,2009) décrivant l’état sanitaire des enfantsde l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) 49,notre équipe s’est attaqué à une étude

longitudinale, portant sur la reconstitution de labiographie sociale complète de 150 enfants admisen pouponnière avant l’âge de quatre ans entre 1994et 2000 (causes du placement, santé, parcours,scolarité, évolution) et l’analyse de leur devenir jusqu’àaujourd’hui. L’étude préalable de faisabilité -combien d’enfants de la cohorte seraient encoreplacés en fin d’adolescence ? - a permis parextrapolation de conclure qu’au plan national, dansla tranche des moins de 18 ans, plus d’un milliond’enfants de chaque génération auraient été suivispar l’ASE dont plus de 500 000 placés à un momentou l’autre de leur enfance. Environ 5 000 enfantsde moins de quatre ans sont ainsi placés chaqueannée. Fin avril 2013, il y avait 146 dossiers ouvertsdont 26 ont été exclus (adoptés, placements trèscourts), 120 ont été étudiés (dont 110 étaientcomplets). Sur l’ensemble des cas analysés70 enfants ont dépassé 17 ans.

A l’admissionL’âge moyen à l'admission était de 22 mois mais ils’était écoulé en moyenne un an entre la premièrealerte et le placement. Si 80 % d’entre eux avaientbénéficié d’un suivi à domicile par des intervenants

sociaux depuis leur naissance, leur état sanitaire àl’admission était pourtant très alarmant. Unemaltraitance était présente dans 2/3 des cas :violences psychologiques (62 cas de violencesconjugales graves), violences physiques enversl’enfant (31 cas) et des négligences lourdes (14 cas).Des fractures osseuses ou des lésions cérébrales ontété retrouvées chez 7 enfants (6,5 % des cas). Lamoitié des enfants témoins de violences conjugalesont aussi été eux-mêmes maltraités. La morbiditésomatique et psychique est impressionnante,grossesses pas ou peu suivies, prématurité, retardsstaturo-pondéraux (50 %), troubles psychiquesgraves (78 %) et de la structuration de la personnalitéchez ces jeunes enfants. Sur l’ensemble de la fratriede la cohorte, 230 enfants ont été placés sur 266,démontrant le caractère familial et non individueldes causes du placement.

EvolutionQuatre cinquièmes des jeunes âgés de plus de 17ans(56/70) sont encore pris en charge par l’ASE. Cettedurée longue des parcours met à mal l’objectif d’unretour en famille affiché par la loi. Et ceci est àrapprocher du fait que si la moitié d’entre eux ontbénéficié d’une mesure de restitution dans leurparcours, les deux tiers de ces enfants restitués ontété placés à nouveau. Si le placement a des effetspositifs sur l’évolution de l’enfant, la marge deprogression est limitée. On constate une reprisestaturo-pondérale, une amélioration de l’étatpsychique, mais sans parvenir à enrayer l’évolutionpéjorative des situations les plus graves à l’admission.

Devenir comparatif de trois groupesrépartis par tiers.Dans le premier tiers, les enfants ont été placés asseztôt, avec peu de troubles à l’admission.Ils ont eu peu de lieux de placements (2 à 3 maximum), avec une affiliation en majoritévers la famille d’accueil, accompagné d’une certaineefficience scolaire. Ils vont plutôt bien à la majorité,sans troubles psychiques et sont bien adaptéssocialement.Pour le deuxième tiers, les enfants qui présentaientquelques troubles à l’admission, ont eu un nombreplus conséquent de lieux de placement et certainssignes de mal-être persistent (peu d’amis, anxiété,peu de confiance en soi) à la majorité.Dans le troisième tiers, les enfants présentaient déjàdes troubles massifs à l’admission, plus tardive. Parla gravité de leur état ils ont mis à mal leursplacements, d’où leur nombre important(jusqu’à 19) et des montages de prise en chargecomplexes et partagés entre plusieurs structures.Leur scolarité relevait de l’éducation spécialisée. Ilssont devenus des adultes dépendants, présentantdes troubles mentaux et de la personnalité, assistéspour la plupart (AAH, tutelle, curatelle, et plusrarement, incarcération).Conclusion. Cette étude démontre l’évolutionextrêmement disparate des enfants placés jeunes,du meilleur au pire, et dont le déterminant essentielsemble être l’état sanitaire et psychique au momentdu placement, selon qu’il est encore un peu préservéou très détérioré. Cette conclusion est sans douteextensible aux enfants plus grands.La prévention précoce et la formation à la cliniquedu jeune âge s’avèrent donc primordiales pourespérer réduire les handicaps résiduels invalidantset les troubles psychiques graves à l’âge adulte (qui pourraient toucher un tiers d’entre eux) chez les 5 000 jeunes enfants placés chaque année enFrance au titre de la Protection de l’Enfance.

Les troubles mentaux chez lesadolescents placés en foyerpar Guillaume Bronsard Pédopsychiatre

Les enfants placés représentent unepopulation d’enfants repérables etvolumineuse que notre société s’est donnéla mission de protéger. Ils sont placés, en

dehors de chez eux, car leur environnementhabituel (leur famille en général) a été considérécomme représentant un danger significatif pourleur développement. Ce danger doit avoir étésuffisamment visible pour qu’il puisse être signalépuis établi. Les violences subies pendant l’enfancesont une caractéristique très fréquente de la viedes enfants placés.Certains pays ont voulu mesurer l’importance dudéveloppement de troubles mentaux survenantchez les enfants confiés à l’ASE, et notammentchez ceux placés. Les taux sont très élevés,puisqu’ils dépassent 50 %, soit près de 5 fois plusqu’en population générale au même âge.Nous avons réalisé une enquête de prévalence destroubles mentaux chez les adolescents placés enfoyers dans le département des Bouches-du-Rhône. Chez nous aussi le taux approche les 50 %.Une analyse plus détaillée montre que les troublesles plus fréquents sont des troubles « internalisés »,qui se voient peu, comme les troubles anxieux etla dépression majeure, mais aussi des symptômespsychotiques (20 %). Les tentatives de suicidesexistent chez 20 % de ces adolecents, soit 5 foisplus qu’en population générale au même âge. Ce sont les filles qui sont le plus touchées et quiont le plus de troubles associés ou mixtes. Nous avons pu établir aussi que ces adolescentsse plaignaient peu, et avait un recours faible auxmoyens de soins et de traitement psychologique.De tels résultats sont à la fois très préoccupants et attendus. En effet l’un des facteurs de risque du développement de troublespsychopathologiques chez l’enfant le plus connuet admis est le dysfonctionnement familial sévèreet durable, qui est aussi le facteur amenant les enfantsà être placés. Les troubles de l’attachement etnotamment l’attachement insécure sont ici aussilargement présents, de même que les grossesses malsuivies, plus fréquemment exposées à des toxiques.Les «enfants secoués », les enfants exposés au stresschronique (plus fréquent chez les enfants placés)montrent des lésions et des dysfonctions cérébrales(en particulier fronto-temporales) bien établies. Tousces éléments expliquent la prévalence très élevéedes troubles mentaux chez les enfants confiés à l’ASE.Les études sont rares et la recherche médicale trèspauvre sur cette population. Alors qu’il existaitjusque dans les années 60 une importanteproximité de la médecine avec ces enfants (enfantsde l’Assistance Publique) et en particulier lapédopsychiatrie qui a construit l’essentiel de sesmodèles théoriques à partir de la situation desenfants séparés, abandonnés ou maltraités, ce sujetintéresse actuellement peu la recherche et lapratique médicale.Pourtant les rares études à notre dispositionmontrent à la fois la très grande vulnérabilité deces enfants mais aussi la spécificité de leurstroubles et de l’expression de leur troubles. Cesétudes sont pourtant possibles malgré lesnombreux écueils pratiques et éthiques (enfantsbougeant souvent, dossiers peu appropriés, peu

Page 13: Edition du jeudi 29 août 2013

Les Annonces de la Seine - jeudi 29 août 2013 - numéro 50 13

Vie du droit

ou pas de référents connaissant précisémentl’histoire du développement et des évènementsde vie de l’enfant…).Il faut développer la recherche médicale à leursujet, pour améliorer la collaboration entre lesservices sociaux, judicaires et médicaux quiactuellement est médiocre, bien souventdemandée bruyamment au moment de la crised’agitation ou de violence des adolescents, au coursde laquelle chaque professionnel peut largementrenvoyer à l’autre ses attentes et responsabilités.Les données de la recherche médicale favoriserontla constitution d’un socle de connaissancescommun entre les différents professionnelsimpliqués, qui devront s’entendre ensuite dans uncadre de travail nécessairement multidisciplinaire,calme et spécialisé.

Le suivi et la prise en chargedes mineurs placéspar Thierry Baranger Président du Tribunal pour enfants de Paris

Ni médecin, ni spécialiste des scienceshumaines, le juge des enfants est toutà la fois un magistrat spécialisé et unprofessionnel de l’enfance amené à

prendre des décisions judiciaires pour protégerdes enfants en danger dans leurs familles ou dansleur contexte d'existence. Il intervient tant à l’égarddu mineur en danger que de celui confronté à lajustice après avoir commis un délit et ceci, que laviolence soit subie ou commise. De par sa fonction,le juge des enfants se trouve à une place privilégiéepour observer l’état d’une société, sesdysfonctionnements tant collectifs que familiauxou individuels.Le placement de l’enfant reste l’ultime décision deprotection que peut être amené à prendre un jugedes enfants dans un contexte où il lui est demandéde faire cesser un danger et de travailler dans lamesure du possible le maintien de l’enfant dansson milieu familial.En matière de protection de l’enfance, le juge desenfants intervient dans le cadre de l’autoritéparentale et de ses défaillances observées. C'est lanotion de danger qui justifie sa mise en œuvre etnon la notion de faute des parents. Une fois ledanger physique ou psychologique établi, lemagistrat aura à prendre une décision adaptée àl'intérêt de l'enfant en s'efforçant de recueillirl'adhésion de la famille. Son travail s'inscrit dansla continuité, la durée et dans l'articulation avecles services éducatifs.Outre le respect des grands principes du droit(débat contradictoire, accès des parents et del'enfant au dossier, droit de faire appel desdécisions...), le juge des enfants doit en effet« chercher l’adhésion de la famille » aux mesuresqu’il prendra, ce qui sera très souvent la conditionde l’efficacité de son intervention. Il pourra êtreamené à prendre des décisions autoritaires maisdevra faire œuvre de pédagogie vis-à-vis de lafamille quant à sa décision qu’il aura à réévaluerultérieurement. Il lui est demandé par la loi detravailler sur les liens familiaux, de respecter lesvaleurs religieuses et philosophiques des familleset, dans la mesure du possible, de maintenir l’enfantdans son milieu actuel par la mise en œuvre demesures d'investigation puis de mesures éducatives

de milieu ouvert adaptées avant d'envisager leplacement.Le placement n’est pas une fin en soi, ni unesolution magique dans des situations de gravesdysfonctionnements familiaux. Si le placementpeut être nécessaire pour mettre à l’abri un enfanten cas de situation de maltraitance grave, le travailsur la séparation est bien autre chose et nécessitetout à la fois, pour être efficient, la mise en placed’un travail sur les liens parent-enfant et d'un travailsur les troubles de l’enfant dès l’indication de lanécessité du placement et de ses prémices. Parailleurs, l'expérience montre que l’enfant a toujoursbesoin de sentir que l’on se préoccupe du sort deses parents.Une fois la décision prise, le juge des enfants doiten suivre sa mise en œuvre et se prononcer surles grandes orientations pouvant intervenir encours de placement. Le magistrat doit fixer lesdroits de visite et d'hébergement en fonction dela situation familiale, des facteurs endogènes(chômage, maladie...) et de la fragilité du mineurou des parents. Il doit aussi se positionner surles perspectives à moyen et long terme duplacement avec la question cruciale de la fin duplacement et du retour de l'enfant, si possible,dans son milieu familial.Il reste au vu des situations suivies qu’il est trèscertainement possible d’améliorer les dispositifsde prise en charge des enfants placés. Aupréalable, le repérage précoce et la saisine rapidedu judiciaire pour les cas les plus graves semblentessentiels. Il faut favoriser le respect de plusieursprincipes de nature à stabiliser la situation del’enfant, donc à le sécuriser ce qui apparaîtessentiel pour son développement (tels uneévaluation fine et évolutive des liens familiaux,la stabilité du lieu d'accueil, la prise en comptedes liens établis avec le milieu nourricier, lerespect des fratries...). Il est également importantde mettre l'accent sur la nécessité d'uneévaluation pluri-disciplinaire tant en amont quependant le placement et de mener un travail surl'accompagnement et les écrits desprofessionnels qui suivent l'évolution du mineuret de sa famille. Les professionnels de l'enfance,juges des enfants y compris, doivent êtresensibilisés à une approche pluridisciplinaire -et pas seulement interdisciplinaire- ce qui rendsouhaitable la mise en place de formationscommunes. Il y a lieu également de favoriser

des interventions souples entre la préventionet le judiciaire ce qui suppose non pas unepriorité temporelle mais une meilleureidentification des particularités de chaqueintervention. C’est le prix d’une cohérence dansle travail à mener pour répondre aux besoinsde l’enfant et à sa protection.

Le rôle de l’avocat dans le suivi des enfants placéspar Dominique Attias Avocate d’enfants

La Convention internationale des Droitsde l’enfant du 20 novembre 1989, entréeen vigueur en France le 2 septembre1990, a favorisé l’émergence d’avocats qui

se dédient à l’assistance des enfants. L’avocatd’enfants suit une formation initiale et continuedans tous les domaines qui concernent l’enfantet notamment l’enfant en danger, pour pouvoirintégrer un groupement d’avocats d’enfants. Cesgroupements d’avocats d’enfants dépendent pourla plupart des barreaux et donc des Bâtonniersqui les dirigent.Des chartes de bonnes pratiques s’imposent à cesavocats qui s’engagent à les respecter. Au niveaunational, les Barreaux réunis au sein de la Conférence des Bâtonniers de France etd’Outre-mer ont arrêté une charte nationale de la défense des mineurs, le 25 avril 2008.La présence d’un avocat aux côté de l’enfant estindispensable lorsque celui-ci est en danger etconfronté à des risques de placement.Si l’avocat est obligatoire aux côtés de l’enfant en matière pénale lorsque l’enfant a commis undélit, tel n’est pas el cas en assistance éducative.L’avocat d’enfants est le grand oublié dans la loi du 5 mars 2007 sur la protection de l’enfance.En phase administrative, aucune obligation n’estfaite aux travailleurs sociaux, d’indiquer àl’enfant qu’il peut se faire assister et conseillerpar un avocat. Les travailleurs sociaux sont-ilsmême informés de cette possibilité ? Laquestion se pose.Pourtant, on demandera au jeune d’adhérer à unemesure, on lui fera signer un projet, sans qu’il soit en mesure peut-être d’en comprendre le senset la portée.

Dominique Attias

Phot

o ©

Jean

-Ren

é Tan

crèd

e - T

élép

hone

: 01

.42.

60.3

6.35

Page 14: Edition du jeudi 29 août 2013

14 Les Annonces de la Seine - jeudi 29 août 2013 - numéro 50

Vie du droit

En phase judiciaire, le Juge des enfants a l’obligationd’indiquer à l’enfant qu’il a droit à la présence d’unavocat à ses côtés, avocat qu’il n’a pas à rétribuerpuisque celui-ci sera réglé par l’Etat au titre de l’aidejuridictionnelle.Pourtant, l’avocat d’enfants est peu présent auxcôtés du jeune dès le début de la procédure.Le magistrat qui prendra des décisions leconcernant, le service éducatif désigné par le magistrat, ne peuvent et ne doivent pas être à une place qui n’est pas la leur. Il est désormais, enpermanence, évoqué « l’intérêt supérieur del’enfant ». Son intérêt supérieur n’est-il pas d’avoirà ses côtés, un avocat d’enfants qui lui explicite sesdroits, porte sa parole, surtout lorsqu’il est placéloin de sa famille. Rendre la présence d’un avocatd’enfants obligatoire auprès de ce dernier lorsqu’unplacement est envisagé, serait à tout le moins cequi devrait être garanti à l’enfant, cet être en devenir.

Protéger les enfants en leur permettant de trouver d’autres lienspar Nadège Séverac Sociologue

Savoir que des enfants grandissent dans uncontexte familial qui porte atteinte à leurspossibilités de se développer amène à seconcentrer dans un premier temps sur leur

mise à l’abri. Mais l’on sait aussi que, pour que l’enfantreprenne son développement, il faut qu’il puissetisser des liens forts avec les personnes chargées del’élever au quotidien dans le cadre de son placement.L’enjeu pour lui est de recréer un nouveau mondeoù il puisse donner du sens à son existence sans safamille. Pour cela, des relations de proximité, dedisponibilité et de confiance sont nécessaires :l’enfant doit pouvoir se sentir reconnu en tant quepersonne, singulière et unique (attente qui vautpour chacun de nous, qui n’avons pas été aussiéprouvés), ce qui demande un engagementprofessionnel très soutenu.La recherche menée par Daniel Rousseau donneun exemple tout à fait éloquent de cette importancedes liens que l’enfant doit pouvoir retisser enplacement : il nous a dit que le tiers des enfants quise porte le mieux est celui des enfants qui ont pu« s’affilier à leur famille d’accueil » ; ce sont aussi lesenfants qui sont arrivés le plus tôt, qui ont donc étéle moins durablement exposés aux difficultés dansleur famille et qui souffraient aussi le moins detroubles. Ce qui se passe au cours du placement estce qui va permettre de donner une véritableseconde chance aux enfants qui ont été gravementexposés dans leur famille. Si ces enfants ou cesjeunes ne parviennent pas à se sécuriser avec lespersonnes qui prennent soin d’eux, alors ils serontà risque d’entrer dans des « carrières dedéplacements multiples », réduisant au fil du tempsleurs possibilités de consacrer leur énergie à autrechose qu’à leur survie psychique.Ces constats rejoignent ceux des rares recherchesfrançaises et des recherches internationales plusnombreuses, qui font ressortir que parmi lesfacteurs les plus décisifs permettant unereconstruction et une insertion sociale des jeunespris en charge, figure la stabilité du placement etla continuité des liens tissés. Cette sécurisationdans le lieu de placement conditionne aussi pour

l’enfant ou le jeune la possibilité de travailler surleur histoire avec leur famille d’origine, de mêmeque sur leur position compliquée à la croiséed’attachements multiples.Dans notre pays, le caractère crucial des liens qu’unenfant peut recréer dans le cadre de son placementest connu depuis les travaux de Myriam David,mais cela reste une question difficilement pensable,pour plusieurs raisons. La première tientcertainement à l’orientation du dispositif deprotection de l’enfance, massivement dirigé dansle sens d’un retour des enfants au domicile, qui doitêtre rendu possible par un travail avec les parents.Le placement est donc pensé comme temporaire,et la référence pour penser les liens de l’enfantenvisagée exclusivement du côté des parents. L’idéeselon laquelle un enfant placé ne devrait pass’attacher aux personnes qui l’accueillent, parcrainte que ces personnes ne se substituent à safamille biologique, entraînant le déplacement desenfants « trop maternés », est toujours d’actualité.Tout se passe comme si le monde reconstruit parl’enfant pendant une durée comprise entrequelques mois et plusieurs années pouvait oudevait ne laisser aucune trace, et être considérécomme une parenthèse à refermer. S’ajoutent à celales contraintes financières et organisationnelles quipèsent sur les intervenants, qui expriment parfoisqu’ils sont davantage dans une logique de recherchede place pour les enfants, plutôt que de penser leursliens avec eux et avec les professionnels.

Comment mieux penser les attaches des enfants et des jeunes placés ?On peut commencer à penser cette questiondes liens à travers le problème du changementde placement, puisque c’est quelque chose quise produit quasiment inévitablement au moinsune fois au cours d’un parcours d’enfant placé.Prévenir ces déplacements supposerait deremettre en place ce qui a tendance à êtresupprimé un peu partout, à savoir les lieux où lesprofessionnels peuvent élaborer leurs liens avecles enfants : analyse de pratiques, supervision, etc.Cela supposerait également que les assistantsfamiliaux soient effectivement accompagnés etintégrés aux instances de réflexion et de discussioncollectives. Du côté des jeunes, des outils concretsleur permettant de questionner leur familled’origine et de s’y donner une place, comme legénogramme, semblent très intéressants. « L’albumde vie » qui retrace les lieux, les personnes quel’enfant ou le jeune a rencontrées et qui ont comptéau cours de son parcours à l’ASE permet d’enmatérialiser la trace.Pour que les déplacements ne fassent pas rupture,il serait nécessaire qu’ils soient préparés, les enfantsou les jeunes et les professionnels prévenus,accompagnés et que l’enfant ou le jeune n’en soitpas rendu responsable en raison de soncomportement, ce qui est très fréquemment le cas.Plus globalement, il conviendrait de prendre enconsidération le fait que la reconstruction d’unmonde viable par l’enfant nécessite uninvestissement qui ne peut pas être renouveléplusieurs fois, et qu’une fois engagée, cetteconstruction contribuera à le définir. Si ces lienset cette tranche de vie construisent son identité,alors leur préservation fait aussi partie de laprotection à lui apporter. Conserver cette plus-value implique d’organiser concrètement desmodalités de maintien de ces liens, comme leprévoit d’ailleurs l’article 3 de la loi : cela supposede proposer à l’enfant de pouvoir donner et

prendre des nouvelles et de pouvoir se revoir.Reconnaître les liens tissés lors du placementreviendrait finalement à cesser de vouloir en faireune parenthèse, pour croire qu’il s’agit d’une plusvalue : il s’agirait d’admettre que l’enfant doitpouvoir multiplier ses ressources en matière delien, et ce d’autant plus que ses liens à sa familled’origine ont été ou sont toujours souffrants.

La psychothérapie de l'enfant maltraité : pour la spécialisation du soinpar Karen Sadlier Docteur en psychologie clinique

Ses enfants victimes de maltraitanceprésentent une souffrance psychologiquespécifique : troubles traumatiques qui sedéclinent en pathologies de l'attachement,

de difficultés anxiodépressives et d’états post-traumatiques.Ces formes de souffrance psychologiquenécessitent des soins spécialisés effectués par des professionnels formés dans la clinique dutrauma. Une masse de recherches internationales existe indiquant que les accompagnementsthérapeutiques les plus adaptés pour ces enfantsse fondent sur la reconnaissance explicite demaltraitances vécues, un travail pragmatique surla régulation des émotions, ainsi que l'identificationet l'amplification actives de relations avec despersonnes sécurisantes. Pourtant, en France, l’enfantmaltraité est souvent pris en charge par desprofessionnels ayant une optique théorique qui lesfreine à aborder la violence de façon explicite et àconstruire avec l'enfant des moyens pragmatiquespar lesquels il peut gérer ses émotions et chercherdes contextes relationnels sécurisants.Pour ce faire le clinicien peut s'appuyer surplusieurs outils dans le cadre d’une thérapieludique. Par exemple, l'intervenant peut aiderl'enfant à identifier ses émotions grâce à desémoticônes, de situer les émotions dans son corpset les représenter grâce à la pâte à modeler touten constatant les éléments qui amplifient ousoulagent la tension émotionnelle. Régulerl'anxiété par des moyens ludiques de respiration,aborder l'expression agressive de la colère par desexpériences chimiques, créer des sensations debonheur avec la musique : il y a plusieurs façonsd'aborder les émotions liées au trauma.En amplifiant la capacité a identifier ses émotions,à les verbaliser et à les réguler, l'évitement anxieuxdu vécu traumatique est assoupli et l'enfant peutplus facilement aborder son histoire marquée parla maltraitance.La question de faire confiance à autrui etd'identifier des sources de soutien externes ainsique des ressources d'élaboration de déplacementadaptées devient de plus en plus importante pourpouvoir construire des relations sécurisantes etstabilisantes, relations qui permettront l'expériencede la bien-traitance. Des outils visuels tels que descartes de soutien permettent à l'enfant d'identifierces ressources de façon simple et ludique. De tels outils d'intervention permettent auxprofessionnels qui le souhaitent, d'accompagner,de façon ludique et pragmatique, les enfantsvictimes de maltraitance vers l'apaisementpsychologique.

Page 15: Edition du jeudi 29 août 2013

Les Annonces de la Seine - jeudi 29 août 2013 - numéro 50 15

Vie du droit

L’enfant au cœur de l’univers familial par Dominique Bertinotti Ministre délégué à la famille

La place de l’enfant et le rapport entre enfantet adulte ont toujours été complexes dansnos sociétés. Comme l’a fort bien expriméPhilippe Ariès, « Une longue évolution a

été nécessaire pour que s’ancre réellement lesentiment de l’enfance dans les mentalités ».N’oublions pas que Saint-Augustin en son tempsa pu écrire « Non Seigneur, il n’y a pas d’innocenceenfantine », que Montaigne a pu expliquer qu’il a« perdu deux ou trois enfants en nourrice, non sansregret mais sans fâcherie ». Et ce n’est que très récemment que le 20ème sièclea mis l’enfant au cœur de l’univers familial. On peutalors parler de nos jours d’une longue révolutionsilencieuse où, avec la maîtrise de la contraception,le choix de la maternité ou non, les devoirs ont étéaccrus envers l’enfant que l’on choisit de faire naître.Les événements tragiques qui conduisent à la mortd’enfants nous sont insupportables parce qu’ilsnous renvoient à la réalité que tout parent n’estpas toujours en capacité de donner le meilleur àson enfant, qu’il lui inflige parfois des violencespsychologiques et physiques telles qu’elles peuventle conduire à la mort.Vous l’avez dit Madame Trierweiler, les famillesne sont pas toujours toutes bienveillantes à l’égardde leurs enfants. Et effectivement, pourquoi tant de silence,pourquoi tant de discrétion voire de déni sur cetteréalité de la maltraitance ? N’est-ce pas, parce quecela nous renvoie à cette idée fort dérangeanteque l’homme peut être le plus grand destructeurpour l’homme, et ceci est d’autant plusinsupportable lorsqu’il s’attaque aux plus jeunes ?C’est pourquoi je vous remercie, vous, organisateurset organisatrices, les participants, de mettre sous les feux des projecteurs, avec autant dedétermination, la nécessité impérieuse d’apporterdes réponses concrètes et efficaces à cette questiondes violences faites aux enfants. Avant même d’aborder les pistes sur lesquelles monministère et moi-même entendons travailler, jesouhaiterais rappeler l’état d’esprit dans lequel nousabordons cette question et rappeler quelqueséléments de constat de la protection de l’enfanceaujourd’hui.

Etat d’esprit et constat● Quelques remarques sur la protection de l’enfance aujourd’hui.Première remarque : la protection de l’enfance,c’est faire face à la diversité des situations.300 000 mineurs sont concernés par une mesured’aide sociale à l’enfance (ASE). Ces mineurs seventilent en deux groupes distincts : 50 % d’entreeux bénéficient d’une aide éducative en milieuouvert, 50 % sont pris en charge physiquementau titre de l’ASE et font l’objet de placement soità court terme soit à long terme. Sur les enfantsplacés, 20 % le sont pour de la maltraitancephysique, 20 % pour de la maltraitancepsychologique, les autres pour un déficitd’éducation, d’entretien ou de moralité. A ladiversité des situations, il faut apporter unediversité de réponses. Et je pose la question : lesréponses aujourd’hui existantes sont-ellessuffisantes et adéquates ?

Deuxième remarque : 3/4 des enfants confiés àl’ASE le sont par mesure judiciaire et 1/4 parmesure administrative. On sait combien d’autrespays ont un rapport totalement inverse entre cesdeux types de mesure. Je pose la question : lemaintien de cette forte judiciarisation est-ellesouhaitable et nécessaire ?Troisième remarque : les enfants placés connaissentpour un grand nombre d’entre eux au minimumdeux placements et pour certains plus de quatreplacements. Je pose la question : Est-ce que cettesuccession de ruptures est le meilleur gage dereconstruction de ces enfants ?Mais la protection de l’enfance, ce n’est passimplement une vision défensive, même si elle estindispensable : on protègerait l’enfant « contre ». Il faut aussi avoir une vision active, positive de laprotection pour permettre aux enfants deconstruire leur histoire. Car il ne s’agit pas seulementde parer à un danger immédiat. Il s’agit de préparerl’avenir et de rechercher avec et pour les enfants lesconditions de leur bon développement.Il faut s’attacher à la réalité de ce que vivent lesenfants et se garder, vous l’avez dit André Vallini,se garder des tentations simplificatrices et desdogmes rigides : le tout administratif ou le toutjustice, le tout famille ou le tout enfant. Mais ilfaut aussi savoir lever des tabous.

● Lever le tabou des violences faites aux enfantsTabou : Quand pour 80 % de nos concitoyens, lafamille est le premier lieu de confiance, il estdifficile d’admettre que des drames se produisentdans les familles.Tabou que traduit bien l’absence de véritablesstatistiques non seulement quantitatives mais

aussi qualitatives. Il faut rompre avec la difficultéque nous avons à suivre d’une part les cohortesd’enfants qui font l’objet d’une mesure ASE, etla difficulté que nous avons à intégrer que lesviolences faites aux enfants ne sont pas l’apanaged’un milieu social. Plus le milieu social est élevé,plus il crée des astuces pour échapper aucontrôle de la société.Tabou parce qu’il faut reconnaître le travail difficiledes professionnels et qu’il que nous faut leurreconnaître que du contact avec les enfantsmaltraités nul ne sort indemne : nos certitudesen sont parfois bouleversées, notre confiance enl’efficacité de notre action parfois ébranlée, nospropres souffrances personnelles parfois ravivées.

● Lever le tabou des dommages que cause la maltraitance :Tabou à lever sur la répétition générationnelle dela maltraitance. Les enfants maltraités nedeviendront pas fatalement des parentsmaltraitants mais il est de fait que nombre deparents maltraitants ont été des enfants maltraités.Tabou de ces chiffres terribles : le nombre dejeunes destinataires du RSA ou le nombre dejeunes à la rue issus de parcours ASE estsupérieur à la moyenne nationale des jeunes auRSA ou SDF.

● Lever le tabou de la maltraitance sociale :Mesdames et messieurs vous avez parlé de laviolence physique, vous avez parlé de la violencepsychologique, il y a aussi la violence sociale. Etje ne peux oublier que la pauvreté, la précarité,le surendettement, les vies assaillies de toutesparts par la difficulté sont, pour les enfants quiles vivent et leurs parents une maltraitancesociale. Et je pose la question : tous lesplacements sont-ils tous justifiés ? Sont-ils tousla meilleure des solutions ? Il faudra bienrépondre aux interrogations des associations quitravaillent sur la grande pauvreté et quidénoncent des placements parfois tropfréquents. Alors, face à ce constat, que je pensenous pouvons partager : quelles pistes deréflexion et quelles réponses ?

Quelques pistes● Replacer l’enfant au coeur de la protectionJe le dis très clairement, c’est un changement dementalité. L’enfant n’est pas suffisammententendu. L’enfant n’est pas suffisamment considéré

Dominique Bertinotti

D.R

.

“Entre l’adoption que les adultes de l’administration comme de la justice ont du mal à prononcer,et les situations de placement, n’y a-t-il pas à inventer et à créer un nouveau statut ? Ce statutpermettrait aux nombreuses famillesprêtes à accueillir définitivement un enfant de donner une véritable seconde chance familiale à ces enfants. ”Dominique Bertinotti

Page 16: Edition du jeudi 29 août 2013

16 Les Annonces de la Seine - jeudi 29 août 2013 - numéro 50

Vie du droit

comme une personne à part entière. Placerl’enfant au coeur de la protection, c’est affirmerque les enfants ne sont pas des objets passifs deprotection mais qu’ils sont des sujets deprotection. Ils ont leur mot à dire.Nous devons réfléchir : comment imposer quedans les procédures de placement la parole del’enfant soit véritablement entendue et soit priseen compte, ce qu’elle n’est pas suffisammentaujourd’hui.Si une mission sénatoriale se met en place, jesouhaite qu’elle puisse auditionner les enfantsplacés et les adultes sortis de l’ASE car la parolede ces enfants ou de ces adultes est aussi uneparole d’expert.Oui, comme Philippe Bas, je pense que l’Etat estet doit rester garant de la protection de l’enfance,ne serait ce que pour s’assurer de sa mise en œuvreéquitable géographiquement. Car une politiqueefficace de protection de l’enfance ne peut pas serésumer à des outils. C’est aussi interroger la partde la filiation, la part de l’éducation, c’est oser direque dans des circonstances bien précises, desfamilles, des parents, ne sont pas toujours desparents bons pour leurs enfants, ou si vouspréférez, bientraitants pour leurs enfants.La reconnaissance de l’enfant à part entière est ungage d’avenir car il apparaît que le mode d’entréedans le dispositif de protection de l’enfance influefortement sur la perception par les enfants de leurspossibilités ultérieures de développement. On saittrès bien que les enfants qui disent avoir prisd’eux-mêmes l’initiative de recourir aux servicessociaux ont l’impression de garder par la suite lamaîtrise de leur parcours tout au long de la priseen charge. Ils se perçoivent comme acteurs duprocessus d’évaluation, de leur propre situation etont pu s’approprier les aides ultérieures reçues.Vous me direz que tous ne sont pas en capacitéde solliciter les services sociaux. Alors oui, je suis,comme vous le suggérez, pour reconnaître laviolence faite aux enfants comme grande causenationale.

● Campagne d’informationEt cette grande cause nationale devracommencer par une véritable campagne

d’information. En Espagne, une campagned’information destinée aux enfants, assezefficace, a déjà eu lieu. Une campagne d’information destinée à luttercontre les violences faites aux enfants n’estjamais simple car elle doit être efficace et pourêtre efficace, elle doit s’adresser d’abord auxenfants et pointer la responsabilitécondamnable des parents maltraitants.Mais la campagne d’information est uninstrument de sensibilisation, il ne peut suffireau renforcement de l’efficacité de la protectionde l’enfance.

● Vers un nouveau statut de parent accueillantC’est pourquoi je souhaite qu’une réflexion avectous les professionnels soit menée sur une idéeneuve et qui comme toute idée neuve peut deprime abord surprendre : un enfant, dont onsait pertinemment que le retour dans sa familled’origine au quotidien sera impossible, doit-ilaller de famille d’accueil en famille d’accueil oude famille d’accueil en foyer ? C’est-à-dire lemaintenir dans la persistance d’une histoireforcément douloureuse et forcément tragique ?

Entre l’adoption que les adultes del’administration comme de la justice ont du malà prononcer, et les situations de placement, n’ya t-il pas à inventer et à créer un nouveau statut ?Ce statut permettrait aux nombreuses famillesprêtes à accueillir définitivement un enfant dedonner une véritable seconde chance familialeà ces enfants. Ne pensez-vous pas que laréflexion doit être menée à son terme, quelleque soit la réponse qui y sera apportée ?C’est tout simplement remettre de la stabilitédans une histoire instable. N’est-ce pas là le gaged’une transition vers l’avenir ?C’est John Dos Passos qui écrivait : « Le seulélément qui puisse remplacer la dépendance àl’égard du passé est la dépendance à l’égard del’avenir ». Car un des buts de la protection del’enfance, un des buts de la lutte contre laviolence faite aux enfants est notre capacité àcréer à ces enfants un avenir. Et pour cela c’estaider l’enfant à se comprendre pour accéder à

son passé, c’est aider l’enfant à s’ancrer en vivantdans le présent, c’est aider l’enfant à se construirepour qu’il puisse se projeter dans l’avenir.Se comprendre, s’ancrer, se construire, c’estredonner à ces enfants ce qui doit exister pourchaque enfant : la capacité à dessiner sa propretrajectoire biographique.Mon ministère, intitulé ministère de la famille,suppose, et tel est mon décret d’attribution, quel’enfance soit également une des priorités demon action. J’espère, au travers des propos queje viens de vous tenir, vous avoir convaincus demon total engagement, à développer l’efficacitéde la protection de l’enfance, à l’élaboration d’unregard neuf sur l’enfant qui plus que jamais doitêtre pris dans sa globalité, ce qu’une sociologueappelle « la quête de l’unicité du moi ».Nous avons déjà entamé des actions concrètes.Le système institué par la loi du 5 mars 2007 abesoin d’être évalué et, selon les résultats decette évaluation, perfectionné : ChristianeTaubira l’a indiqué tout à l’heure, ce sera l’objetd’une mission d’évaluation qui se metactuellement en place. Dans ce même espritd’évaluation, le Parlement pourra bientôt sesaisir du rapport sur la mise en œuvre de cellules de recueil des informationspréoccupantes (CRIP). Dans peu de temps,nous publierons le décret nécessaire à latransmission systématique des informationspréoccupantes entre départements en cas dedéménagement. Nous avons commencé àtravailler en recevant de nombreux partenaires,acteurs de la protection de l’enfance et experts.Nous allons continuer avec volontarisme etdétermination. Mesdames et Messieurs les organisateurs, votrecolloque constitue une étape importante pourmobiliser l’ensemble de nos concitoyens autourd’une lutte qui se doit d’être sans répit autourde la protection de l’enfant.C’est un gage d’avenir pour tous nos enfants etc’est la réaffirmation de la confiance que nousdevons mettre, à l’instar du Président de laRépublique, dans la jeunesse. Voilà autant deraisons d’agir plus juste, de façons de faire plusefficace, ensemble. 2013-611

10 propositions pour mieux lutter contre la maltraitance envers les enfants

1Affirmer l’intérêt supérieur de l'enfant etsa primauté sur la famille elle-même, avec

toutes les conséquences que cela comporteen termes d'arbitrages politiques etfinanciers (pour l'instant politique familialisteconsistant en versement de prestations aux familles). En France, le statut de l'enfant pose véritablement problème, d'oul'importance de faire des violences envers les enfants une « grande cause nationale ».

2Chiffrer réellement la maltraitancegrâce à un fonctionnement optimisé

de l'Observatoire national de l'enfance endanger (ONED). Il s'agit de compiler lesdonnées en provenance de toutes les sourcespertinentes: ASE et CRIP, justice, Educationnationale, système de santé, police etgendarmerie, certificats de décès. Il fautensuite agréger ces données en s'assurant del'exhaustivité et en éliminant les doublons.Seul un tel travail peut permettre de rendrecompte de l'ampleur du problème, d'assurerun suivi des chiffres et d'évaluer l'efficacitédes mesures prises. Un tel observatoire sedoit aussi de relever certaines informationspermettant d'identifier d'éventuels facteurs de risque (notamment quant aux caractéristiques des familles), ce qui a des implications en termes de choix des

compétences professionnelles nécessaires, et de repérer des disparités géographiques.

3Grâce à la sortie des décrets d'applicationde la loi de 2007, organiser le repérage

de la maltraitance lors des bilans obligatoiresde santé scolaire à 9, 12 et 15 ans (comme c'est prévu dans la loi).

4Rendre obligatoire l'entretiensystématique du 4ème mois de grossesse,

tel qu'il est prévu dans la loi de 2007, et cesser le l'appeler « psycho-social » ce qui est vécu comme classificateur par beaucoup de familles. Il permet dedétecter les familles fragiles qui existent dans tous les milieux sociaux.

5Rendre obligatoires le transport du corps en milieu pédiatrique

et la pratique d'investigations scientifiques en cas de mort inattendue du nourrisson et du jeune enfant. Pour les cas de maltraitance mortelle et plus globalement pour les cas les plusgraves, constituer une cellule d'analyse des procédures, des circuits et des erreurs,comme ce qui est développé en France pour les accidents de la circulation mortelsou dans certains pays (USA, Canada

notamment) dans le cadre des « Comité de revue des décès d'enfants ».

6Faire fonctionner les cellules de recueildes informations préoccupantes (Crip)

24 heures/24, comme les parquets et enrelation avec eux. Etablir un profil minimal de la CRIP et y inclure un médecin.

7Organiser des formations pluri-professionnelles sur la maltraitance,

impliquant dans un même lieu les diversprofessionnels concernés et utilisant destechniques pédagogiques modernes : études de cas, jeux de rôles ... De tellesformations pluridisciplinaires et pluri-professionnelles devraient être mises au point avant même la formationcontinue et il conviendrait de dispenser, lors de la formation initiale, des enseignements qui apprennent auxjeunes futurs professionnels de divers champs à se connaître et à travaillerensemble (le but étant de favoriser le décloisonnement et la rétro-information).

8Mettre au point une standardisation desprocédures de l'’Aide Sociale à l’Enfance

(ASE), compte tenu des disparitésconsidérables qui existent d'un département

à un autre (souvent «personne-dépendantes») et faire des évaluationscomparatives. Cette standardisationpermettrait aussi d'agir au mieux face aux mineurs placés (faute de place) dans un autre département que le leur (Rapport IGAS RM2012-005P :Evaluation de l'accueil de mineurs relevantde l'ASE hors de leur départementd'origine ; février 2012. « Ces améliorationspassent, en grande partie, par laconfrontation d'expériences et la diffusion de bonnes pratiques. Un tel échange ne peut pas reposer exclusivement surl'initiative et la bonne volonté des acteurs de terrain mais doit être impulsé etcoordonné au niveau national ».).

9De manière plus générale et dans l'optiqued'une décentralisation de tous les services

dédiés à l'enfance, et notamment de la santéscolaire vers les Départements, assurerl'existence de référentiels, d'une coordinationet d'une évaluation au niveau national.

10Développer la recherche et notamment investir dans les études

longitudinales sur les conséquences à long terme de la maltraitance.Communiqué du 14 juin 2013

Page 17: Edition du jeudi 29 août 2013

17

Annonces judiciaires et légales

Les Annonces de la Seine - jeudi 29 août 2013 - numéro 50

Au fil des pages

Aurélien, Chloé, Alisson et Grégory, envahispar la souffrance de leurs proches ne peuventse reconnaître le droit d'avoir des relationsheureuses avec l'ensemble de leur famille.

La guerre et la barbarie ont dépouillé Isabel et Samuelde leur enfance, menant ce dernier à devenir en Franceun « mineur isolé étranger » dormant dans la rue.Au moment où le discours social et médiatique sefocalise majoritairement sur la délinquance desmineurs, Odile Barral, juge des enfants pendant denombreuses années, a choisi de raconter six histoiresd'enfants-otages (enfants-miroirs, enfants-boucliers,enfants-trésors de guerre...) pris dans des conflits

d'adultes, en se plaçant “à hauteur d'enfant”. En adoptant le strict point de vue de l'enfantprisonnier dans les déchirures des adultes, elle veutdonner à penser la place de l'enfant dans notresociété et réaffirmer la spécificité des droits del'enfance: le premier d'entre eux étant de ne pasdécider comme un adulte en miniature et de ne pasdevoir assumer la culpabilité de choix douloureux.Odile Barral est magistrat. Elle a exercéessentiellement en tant que juge d'application despeines et juge des enfants à Lyon, Nantes, Albi,Toulouse. 2013-617

Editions Erès. 175 pages - 10 euros.

D.R

.

Des enfants-otages dans les conflits d’adultesPar Odile Barral

Page 18: Edition du jeudi 29 août 2013

18 Les Annonces de la Seine - jeudi 29 août 2013 - numéro 50

Annonces judiciaires et légales

Page 19: Edition du jeudi 29 août 2013

19

Annonces judiciaires et légales

Les Annonces de la Seine - jeudi 29 août 2013 - numéro 50

Page 20: Edition du jeudi 29 août 2013

20 Les Annonces de la Seine - jeudi 29 août 2013 - numéro 50

Annonces judiciaires et légales

Page 21: Edition du jeudi 29 août 2013

21

Annonces judiciaires et légales

Les Annonces de la Seine - jeudi 29 août 2013 - numéro 50

Page 22: Edition du jeudi 29 août 2013

22 Les Annonces de la Seine - jeudi 29 août 2013 - numéro 50

Annonces judiciaires et légales

Page 23: Edition du jeudi 29 août 2013

23

Annonces judiciaires et légales

Les Annonces de la Seine - jeudi 29 août 2013 - numéro 50

Page 24: Edition du jeudi 29 août 2013

24 Les Annonces de la Seine - jeudi 29 août 2013 - numéro 50

Annonces judiciaires et légales

Page 25: Edition du jeudi 29 août 2013

25

Annonces judiciaires et légales

Les Annonces de la Seine - jeudi 29 août 2013 - numéro 50

Page 26: Edition du jeudi 29 août 2013

26 Les Annonces de la Seine - jeudi 29 août 2013 - numéro 50

Annonces judiciaires et légales

Page 27: Edition du jeudi 29 août 2013

27

Annonces judiciaires et légales

Les Annonces de la Seine - jeudi 29 août 2013 - numéro 50

Page 28: Edition du jeudi 29 août 2013

28 Les Annonces de la Seine - jeudi 29 août 2013 - numéro 50

Annonces judiciaires et légales

J R T SER VIC ES

Domiciliationscommerciales01 42 60 36 35

[email protected], rue Notre-Dame des Victoires

75002 PARIS

Page 29: Edition du jeudi 29 août 2013

Les Annonces de la Seine - jeudi 29 août 2013 - numéro 50 29

Vie du droit

Le Conseil d’État a annulé les mesures prisespar la France dans un arrêté de mars 2012pour interdire la culture du maïstransgénique MON810 (Les Annonces

de la Seine du 8 août 2013 page 10). En effet, lesclauses de sauvegarde invoquées par le précédentgouvernement notamment en 2012 n’étaient passuffisamment étayées. Philippe Martin, ministrede l’Écologie, du Développement durable et del’Énergie et Stéphane Le Foll, ministre del’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt,prennent acte de ce jugement et rappellentl’engagement du gouvernement pris lors de la

Conférence Environnementale de septembre2012 : maintenir le moratoire sur la mise en culturede semences OGM, afin de prévenir les risquesenvironnementaux et économiques pour lesautres cultures et l’apiculture.Tirant les conséquences de cette décision, lesministres ont demandé à leurs services detravailler sur de nouvelles pistes pour créer uncadre réglementaire adapté durablement aurespect de ces objectifs. Une décision sera priseavant les prochains semis qui auront lieu entreavril et juin 2014.Pour mémoire : afin d’interdire la culture d’un

maïs transgénique sur son territoire, la Franceavait pris en mars 2012 une mesure d’urgence, laclause de sauvegarde, au titre du règlementcommunautaire relatif aux denrées alimentaireset aliments pour animaux génétiquementmodifiés. Par cette mesure, la France souhaitaitprévenir les risques que peut présenter la culturedu maïs MON810 pour l’environnement. Cettemesure a fait l’objet de recours devant le Conseild’État qui a conclu ce jour à l'annulation de l’arrêtédu 16 mars 2012 suspendant la mise en culturedes variétés de semences de maïs MON810 surle territoire français. 2013-618

Annulation de l’interdiction de cultiver en Francele maïs génétiquement modifié MON 810Communiqué du Ministère de l’Ecologie du jeudi 1er août 2013

Cercle des stratèges disparusDîner d’été du 17 juillet 2013

Le traditionnel dîner d’été du Cercle desstratèges disparus s’est tenu au Cercle del’Union Interalliée le 17 juillet dernier. Cemoment privilégié est l’occasion pour ses

membres (entrepreneurs, hauts fonctionnaires,représentants de la société civile…) de seretrouver, de faire plus ample connaissance avecles nouveaux et surtout d’échanger sur l’actualitéprofessionnelle et personnelle de chacun.Thierry Bernard, Président du Cercle, avocat auBarreau de Paris et fondateur du cabinet d’avocatsBernards, a profité de cette réunion estivale pourdresser un bilan de l’année écoulée et remercier lesmembres du Bureau présents : Catherine Maubert,

trésorière et Didier Gasse, secrétaire général.L’année écoulée a été riche, les thèmes desinterventions toujours diversifiés ont réunis autourde chaque intervenant de nombreux membres.Thierry Bernard a également évoqué leprogramme prévisionnel des petits déjeuners pourla fin de l’année 2013 et le début de l’année 2014.Le Cercle accueillera notamment François d'Aubertancien Ministre, sur le thème plus que jamaisd'actualité, des paradis fiscaux.La soirée amicale s’est prolongée dans le jardin dansune ambiance festive. Le Cercle des stratègesdisparus a invité pour son petit déjeuner derentrée, le vendredi 4 octobre, Jean-Patrice Poirier,

ancien directeur international d'une grandeentreprise française, il interviendra sur le thèmestratégique de son ouvrage « L’eau, objectif dumillénaire ». Le Cercle des Stratèges Disparusconstitué en décembre 1995, réunit des publicsd’origines variées pour réfléchir en touteindépendance d’esprit aux stratégies industriellesd’aujourd’hui et de demain, ainsi qu'à l’économiefrançaise dans toutes ses dimensions. Le Cerclecontribue, par la rencontre d’esprits critiques etde points de vue pluralistes, à l’expressiond’analyses et de propositions sur les enjeuxpolitiques et économiques auxquels est confrontéela société française. Jean-René Tancrède 2013-619

Page 30: Edition du jeudi 29 août 2013

30 Les Annonces de la Seine - jeudi 29 août 2013 - numéro 50

Culture

30

Le Château de Versailles accueille AHAEpour une incroyable exposition gratuite :l'artiste, déjà présent l'été dernier au Jardindes Tuileries avec l'exposition “De ma

fenêtre” revient au Château de Versailles avec uneexposition photographique intitulée “Fenêtre sur l'extraordinaire”, composée de plus de220 photographies moyen et grand format.Riche homme d'affaire et fervent défenseur del'environnement, AHAE est un photographe,poète et naturaliste d’origine sud-coréenne, né àKyoto en 1941. Il est spécialisé dans laphotographie de paysage et d’animaux sauvages.AHAE est un artiste et inventeur prolifique, aucours de sa carrière, il dépose et détient plus demille brevets et marques. Il recherche depuis desannées des sites sur lesquels il puisse mettre enpratique ses "concepts de style de vie organique"et acquiert en 2012 un hameau françaisabandonné du Limousin celui de Courbefy enHaute Vienne.Pendant quatre ans, AHAE prend plus de2,6 millions de photos (entre 2000 et 4000 parjour) depuis un unique point de vu, la fenêtre deson studio isolé, où il vit et travaille, à la campagne,au sud de Séoul, en Corée du sud. Il y a fait creuser2 étangs, afin de faire venir une faune et une flore diversifiées et de pouvoir étudier lecomportement animal. L'artiste guète avec unepatience inouie les instants magiques etextraordinaires que la nature lui offre. De cettesérie photographique, l’artiste réalise une première

exposition appelée Through My Window (Dema fenêtre) et présente aujourd'hui, à l'occasionde l'année LeNôtre, une nouvelle série de clichésdans le cadre majestueux de l'Orangerie, ce vastebâtiment du royaume de Louis XIV luipermettant de mettre en relief des œuvres allantjusqu'au format de douze mètres sur cinq.AHAE, d'une seule fenêtre, tente de dépeindre lerythme des journées, de la lumière de l’aubejusqu’au soir, de la nuit au matin. AHAEphotographie le cycle de la vie de l’aube au

couchant, jour après jour. L’exposition se déploiesur plusieurs galeries, dont chacune représente unthème au cœur du projet “De ma fenêtre”, imaginépar AHAE : les oiseaux, la terre et le ciel, lescouchers de soleil, les nuages, les paysagesnocturnes, les chevreuils des marais, les quatresaisons, les reflets d’eau. C’est l’infiniment petit quifait la démesure du paysage qu’il nous révèle(insectes, oiseaux et autres animaux, arbres etétangs, variations de lumière....).Il prend ses photographies à l'aide d'unequarantaine d'appareils et d'objectifs différents,dont un objectif de 1200 millimètres (ils ne sontque 20 dans le monde à en posséder un pareil).Elles sont tirées sur papiers aquarelles pour laplupart (ce qui leur confère un aspect de peinturedigne des plus grands impressionnistes). Une vitre,parfois directement posée sur la photographie, enfait ressortir la couleur. Aucune retouche n'estréalisée et aucune lumière artificielle n'est utilisée.Il prend des photographies en toute simplicité etrespect de la nature. C'est une belle leçon de vie et de nature que nousoffre AHAE. Il nous invite dans son quotidien,celui qu'il observe chaque jour depuis sa fenêtre.C'est une magnifique exposition à ne pas rater,d'autant plus qu'elle est gratuite et de nombreuxhôtes et hôtesses fort aimables et disponiblesrépondent à toutes les questions. Dans l'orangerie,l'odeur des orangers rend la visite magique et il estconseillé de finir la journée par une merveilleuseballade dans les jardins du château. 2013-620

Château de VersaillesExposition AHAE jusqu’au 9 septembre 2013

Al’occasion du 400ème anniversaire de lanaissance d’André Le Nôtre, la ville deVersailles rend hommage, tout au longde l’année 2013, au célèbre paysagiste du

roi Louis XIV au travers de nombreux projetsurbains, de créations de jardins, d’expositions, deconférences et d’animations événementielles (Les Annonces de la Seine du 18 mars 2013 page 15).Depuis quatre ans, la nouvelle équipe municipaledirigée par François de Mazières, ancien Présidentde la Cité de l’architecture et du patrimoine, a misen effet au coeur de son projet de ville, un vasteprogramme fondé sur la valorisation des jardins etune nouvelle approche de l’urbanisme qualifiéed’urbanisme environnemental.Forte d’un patrimoine végétal et urbaind’exception, de la présence de l’école nationalesupérieure du paysage, d’une école nationalesupérieure d'architecture, d’un pôle de recherchevégétal, la ville de Versailles entend être ladémonstration internationale du parfait mariageville-nature.Celui-ci se conjugue à travers de nombreuxexemples, parmi lesquels l’expérience originalede création de couloirs urbains paysagers, lelancement sur la communauté d’agglomérationde Versailles Grand Parc d’un pôle de PMEautour du vivant dans la ville, la création dejardins par des paysagistes renommés, l’abandon

de l’usage de tout pesticide, l’ouverture de jardinspotagers dans les écoles ou bien encore lacréation de jardins d’insertion.Plusieurs événements majeurs ont rythmé plusparticulièrement l’année Le Nôtre :- fin avril, l’inauguration du Jardin des Senteurs,agrémenté de fleurs de parfum et d’essences rares,réalisé par l’architecte paysagiste Nicolas Gilsoul, àproximité de la place d’Armes,-  en juin, l’ouverture des nouveaux jardinsaménagés par le paysagiste Michel Desvigne, dansle cadre exceptionnel des réservoirs royaux desétangs Gobert,- fin juin, l’inauguration d’une allée dessinée par LeNôtre, reconstituée sur plus de 3,2 kilomètres, sousles directives de Pierre-André Lablaude, architecteen chef des monuments historiques,- les 1er, 2 et 3 juillet, la tenue des Rencontres AndréLe Nôtre, sous la présidence scientifique et culturelled’Erik Orsenna, membre de l’Académie Française,auteur du livre « Portrait d’un homme heureux,André Le Nôtre (1613-1700) ».

Le 14 novembre, se tiendra le colloque “Solutionsalternatives pour une vie durable”, organisé par lagrappe d’entreprises autour du vivant dans la ville.Ainsi, en complément des événements organiséspar l’établissement du Château de Versailles, mettanten valeur l’apport historique de Le Nôtre, la ville deVersailles témoignera de la vitalité de son héritagedans l’urbanisme contemporain. 2013-621

2013 : année Le Nôtre

André Le Nôtre (1613-1700)

MV

3545 ©

EP

V /

J.-

M.

Manaï

D.R

.

Page 31: Edition du jeudi 29 août 2013

Les Annonces de la Seine - jeudi 29 août 2013 - numéro 50 31

Entretien

Le Conseil National des Barreaux est en crise depuis la démission du Président Christian Charrière-Bournazel le 12 juillet 2013,

comment l’expliquez-vous ?Jean-Luc Forget. Je ne sais pas si le Conseilnational des barreaux est en crise. Je sais enrevanche que l'institution nationale représentantla profession d'avocat doit surmonter l'épisodedifficile provoqué par la démission du PrésidentCharrière-Bournazel. Pour l'heure, l'institutionreprésentative des avocats est dirigée. Je tiens àremercier la Vice-présidente Pascale Modelskide son investissement avec l'ensemble du Bureaupour assurer le fonctionnement du ConseilNational des Barreaux en cette période estivaletrès délicate.Je veux également dire ici combien le PrésidentChristian Charrière-Bournazel s'est investi avecpassion, autorité et désintéressement dans sonmandat. Cette passion, cette autorité, cedésintéressement n'ont d'égal que les convictionsfortes et le courage que nous lui connaissons.Mais je regrette aussi que le Président Charrière-Bournazel n'ait pas voulu, su ou pu appliquer ànotre institution représentative un certainnombre de méthodes et d'exigences d'un travailcollectif qui seules peuvent permettre auparlement de la profession de fixer des priorités,de débattre sereinement, de proposer et enfin dedécider au nom de la profession.La suspension de la participation du Barreau deParis aux travaux de l'institution représentativeet les conditions dans lesquelles cette crise - caril y a alors eu crise - a été gérée, ont fait le reste.Pour être très clair, je considère que c'est au seinde l'exécutif du Conseil National des Barreauxqu'il y a eu une crise, ce qui ne veut pas dire quele Conseil National des Barreaux soit en crise.

Les élections du 6 septembre 2013approchent, la campagne électorale fait-elle l’objet de nombreuses convoitises ?J-L. F. Le 6 septembre prochain, les membres duConseil National des Barreaux éliront uneprésidente ou un président qui aura pour chargeet responsabilité de conduire l'institution jusqu'à la fin de sa mandature c'est-à-dire jusqu'au31 décembre 2014 puisque le mandat des élus del'institution court jusqu'à cette date. Je n'aime pas le mot "convoitise". Il y a des candidatsqui se proposent pour assumer une lourderesponsabilité dont les uns et les autres doiventmesurer les exigences.

Y-a-t-il une rivalité entre les avocatsprovinciaux et parisiens ?J-L. F. Je ne supporte pas que l'on puisse imaginerune "rivalité" entre les avocats provinciaux etparisiens. Il y a des avocats. Mais il est vrai qu'il estdes élus au Conseil National des Barreaux dansdes collèges ou circonscriptions distinctes auxtermes de scrutins différents au point d'en êtreopaques voire non démocratiques et que cesystème, en lui-même, peut renvoyer l'image dedivisions.

Mais dans la réalité, je veux vous dire quel'Assemblée Générale du Conseil National desBarreaux est composée de 80 élus qui nes'inscrivent pas dans les rivalités mais dans lavolonté d'exprimer des convictions, d'être auservice de leurs confrères et de proposer lesévolutions nécessaires à leur profession.

A l’évidence, depuis le début de votremandat en janvier 2012, les liens avec le Barreau de Paris se sont resserrés.Pourriez-vous citer quelques exemples de “travaux” ou “chantiers” menés de “concert” par la Conférence desBâtonniers et le Barreau de Paris ?J-L. F. La relation entre la Conférence desBâtonniers et le Barreau de Paris doit être unerelation naturelle. Quelle que soit la disparitéconstituée par le nombre d'avocats regroupés danschaque Barreau, disparité qui constitue unespécificité du Barreau français et qui peut être unedifficulté en même temps qu'une authentiquerichesse, il n'en demeure pas moins que les ordres,quel que soit le nombre d'avocats qu'ils rassemblent,doivent répondre aux mêmes fonctions.A ces relations naturelles entre les institutions,s'ajoutent, je le crois, des relations de réelleconfiance avec le Bâtonnier Christiane Féral-Schuhl. J'ai en effet plaisir à travailler avec unepersonnalité qui cherche toujours à proposer, àconstruire, pour offrir à ses confrères des servicestoujours plus performants, et qui y met unevolonté parfois impatiente qui seule permetd'avancer.Les exemples de collaborations sont multiples.Pour citer quelques dossiers concrétisés durantnos mandats : tous les avocats de France peuventbénéficier d'une garantie "perte de collaboration",peuvent être adhérents d'une centrale deréférencement, ou pourront, à compter du1er octobre, assurer la conservation des actesd'avocat qu'ils rédigent avec leurs clients.Vos questions, me permettent d'exprimerl'indispensable complémentarité et doncconsidération que les institutions professionnellesdes avocats doivent avoir pour travaillerefficacement car unies.Les ordres, les 161 ordres de France, constituent161 exécutifs. Ce sont eux qui assurent auquotidien, en tous lieux et donc également par laproximité, la défense des confrères, le respectexigeant et donc le contrôle déontologique desvaleurs qui identifient l'avocat dans tous les métiersqui caractérisent notre profession. Ce sont encoreeux qui doivent offrir aux avocats les services quifacilitent leur exercice professionnel. Mais les ordres, quelle que soit leur taille, s'ilsconstituent les exécutifs de la profession, nepeuvent pas en être l'institution représentative.C'est une situation certes originale mais qui répondà l'histoire, à la culture, et aux fonctions ou missionsdes avocats. L'institution représentative est constituée par ceparlement qu'est le CNB. C'est en son sein que lesordres, mais aussi les associations professionnellesou syndicales portent les indispensables débats

qui accompagnent nos évolutions. C'est cetteinstitution qui détermine les orientations de notreprofession et qui défend les avocats auprès despouvoirs publics. C'est cette institution qui a pourcharge de former nos confrères. C'est l'institutionreprésentative qui a pour mission d'assurer lacommunication de la profession. Elle peut le faireet doit avoir toute autorité pour le faire parce qu'elleest représentative des différents exercicesprofessionnels de tous mes confrères sur l'ensembledu territoire. Si nous n'admettons pas cette organisation qui, mesemble-t-il, est non seulement nécessaire mais, enréalité, indispensable à notre profession, nosinstitutions seront toujours discutées par desavocats qui aiment à discuter des institutions maisqui ne savent pas toujours les faire fonctionner.Si, au contraire, notre profession s'organise dans ces authentiques complémentarités etconsidérations respectives, je suis très optimisteet des professions auxquelles nous ne ressemblonspas et qui pourtant semblent parfois fascinercertains d'entre nous lorsqu'ils parlent degouvernance ou d'organisation professionnelle,viendront à nous envier.

Je suppose que certains “dossiers” d’actualitéintéressent plus particulièrement lesavocats français tels que l’accès au droit et à la profession, les actions de groupe ou la gouvernance… A propos de l’organisationprofessionnelle, quels sont les services que rendent les avocats ? Voyez-vous desmarchés émergents se dessiner demain ?J-L. F. Votre question vient naturellement dans leprolongement de ce que je viens d'indiquer. C'estau sein de l'institution représentative que ces débatsdoivent être instruits et organisés pour conduireà des résolutions qui soient autant de propositionsque l'ensemble de la profession doit apprendre àdéfendre. Depuis 18 mois, sous la présidence du BâtonnierCharrière-Bournazel, un certain nombre dedossiers ont ainsi été instruits jusqu'à assurer lespropositions de la profession : je peux citer notreexigence d'une modification des textes relatifs ausecret professionnel, nos propositions relatives auxactions de groupe, les résolutions prises pour nousopposer au développement des ABS, lespropositions relatives à la publicité et audémarchage, les propositions énoncées pourassurer les financements complémentaires del'accès au droit, la mise en œuvre d'une réforme denotre formation professionnelle etc… L'assemblée,malgré ses difficultés, a travaillé. Je ne vous parle pas de "la gouvernance" car, sur cesujet, je considère que nous n'avons pas travailléconvenablement et je le regrette amèrement. C'estdonc un dossier qu'il nous faut clore dans lesprochains mois car ce débat permanent sur notreorganisation, c'est-à-dire sur nous-mêmes, nousaffaiblit auprès de nos interlocuteurs institutionnelsmais aussi auprès de nos confrères. Mais il me semble que deux dossiers méritent d'êtretraités par priorité, voire en urgence, en nous invitantà faire évoluer nos logiques : il s'agit déjà de l'accès

Jean-Luc ForgetPrésident de la Conférence des Bâtonniers, Paris - 13 août 2013

Page 32: Edition du jeudi 29 août 2013

32 Les Annonces de la Seine - jeudi 29 août 2013 - numéro 50

Entretien

Phot

o ©

Jean

-Ren

é Tan

crèd

e - T

élép

hone

: 01

.42.

60.3

6.35

Jean-Luc Forget

au droit. La profession ne doit pas et ne peut pascontinuer à assumer des responsabilités qui ne sontpas les siennes lorsque l'Etat, concrètement, s'endésengage. Nous ne sacrifierons pas à la défense desgens et des plus démunis. L'Etat doit faire deschoix; il ne peut pas être imaginé que ces choixse fassent directement ou indirectement, sur ledos des avocats qui donnent quotidiennement,en tous lieux, en tous moments, au nom de leursfonctions et des valeurs qu'ils défendent et quisont en droit d'être considérés commed'authentiques partenaires. Il n'incombe pas à uneseule profession, quelle qu'elle soit, d'assurer laréalité de la solidarité nationale.Et puis, il y a le dossier de l'accès à la professionet de la formation qui nous invite aussi à réfléchirà ce que nous sommes et à ne pas vouloir être enpermanence à la quête de "niches" qui fragilisentnotre socle identitaire, c'est-à-dire ce qui fondenotre activité au regard de nos fonctions etmissions et qui constitue notre véritable "plus-value" dans la vie sociétale, sociale et économique.

Votre mandat s’achèvera en décembreprochain, il vous tient certainement à cœur de laisser la Conférence desBâtonniers en parfait “état de marche” à votre successeur, quels sont les objectifsque vous souhaitez atteindre dans lesquatre mois à venir ?J-L. F. La Conférence des Bâtonniers avance. Je crois que les bâtonniers mesurent l'utilité, la nécessité, l'exigence de ce lieu précieux de solidarité et de convivialité qui les rassemble. Je peux vous confier le plaisir - le mot est faible- certes accompagné de quelques soucis, que j'aià diriger cette institution de notre profession. Jevoudrais que chacun mesure à leur juste valeurles investissements, les efforts, les imaginations,l'abnégation, qui caractérisent les bâtonniers maisaussi les membres des conseils de l'ordre. Lorsque

l'on évoque notre organisation professionnelle, ilarrive trop souvent que certains en parlent aveccondescendance. Notre organisation ordinale estune richesse considérable et fondatrice pournotre profession. Nos confrères ne s'y trompentpas qui s'y reconnaissent. Le prochain rendez-vous de la Conférence, ce sontles Etats Généraux des ordres qui auront lieu à Paris,à la Maison de la Chimie le 3 octobre prochain.Nous rassemblerons les bâtonniers mais égalementles membres des Conseils de l'Ordre des Barreauxde France pour, ici encore, débattre et proposer surquatre thèmes qui, parmi tant d'autres, nous sontapparus comme des réflexions indispensables auservice de notre profession : les rapports de l'avocatavec l'économie, les conséquences de ladématérialisation sur nos activités d'avocat, lavalorisation de notre prestation, et la relation desordres avec les exigences européennes.Nous présenterons les contributions rédigées pardes groupes de travail qui ont travaillé depuisplusieurs mois et qui sont aujourd'hui aidés parMadame le Professeur Marie-Anne Frison-Roche, et nous les confronterons à quatre grands témoins, responsables politiques ouéconomiques, qui viendront nous livrer le regardqu'ils portent sur nous.C'est le rendez-vous que je donne à mes confrèresà la veille de l'Assemblée générale extraordinairedu Conseil National des Barreaux qui aura lieule 4 octobre.Mais dans les quatre mois qui viennent, il est denombreux autres rendez-vous, des temps deformation au bénéfice des responsables ordinaux,la mise en place effective d'un site et d'unprocessus de conservation de l'acte d’avocat, notreimplication dans les débats nationaux jusqu'à ladernière assemblée générale de la Conférenceque je présiderai à Toulouse, dans ma ville, le22 novembre prochain.Et puis, rien ne s'arrêtera et tout continuera parce

que le Bâtonnier Marc Bollet assurera à compterdu 1er janvier 2014, avec ses exceptionnellesqualités et sa volonté de faire encore évoluer notreinstitution et notre profession, des responsabilitésque j'ai assumées avec tant de plaisir que je lesquitterai avec émotion. Il sait qu'il pourra comptersur moi pour l'aider comme je peux compter surles anciens présidents de la Conférence et sur lesmembres de notre Bureau, l'action collective étantla clé du fonctionnement de nos institutionsprofessionnelles.

Qu’est-ce qui vous est apparu commeprimordial au cours de votre mandat ?Que ferez-vous au plan syndical etordinal à compter de janvier 2014 ? Avez-vous un message particulier à laisser àvotre successeur ?J-L. F. J'ai déjà répondu à certaines de cesquestions. A titre personnel, le 1er janvier 2014,je n'aurai plus de responsabilités ordinales ousyndicales dans notre profession. Cela mepermettra de retrouver avec bonheur et plus derégularité mes activités professionnelles, monassocié et mes collaboratrices, auxquels je doisde pouvoir exercer ces moments intenses deresponsabilités. Je pourrai aussi être plus proche de macompagne et de mes enfants qui peuvent vivreavec difficulté les exigences des responsabilitésque j'assume. Ce ne sont pas de vains mots, cesont des réalités que nous devons préserverlorsqu'au fil de parenthèses de vie, nous nousinvestissons au service de l'intérêt collectif. Je n'ai pas de plan de carrière. Ceux qui pensentque les responsables en ont toujours se trompent.Je veux avoir envie de faire ce que je dois faire etc'est très exactement ce que je réalise enassumant la présidence de la Conférence desBâtonniers.2013-622 Propos recueillis par Jean-René Tancrède