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1 ECPAD/PA/DTCF Lemans Constance Juillet 2014 L’opération Limousin (1969-1971) : première intervention française au Tchad depuis son indépendance Description. Légionnaire observant le désert tchadien. Date : septembre 1969. Lieu : Tchad. Photographe : Lucien Bacheley. Origine : ECPA – collection TAM. Référence : TAM-DIA 779 RC49.

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ECPAD/PA/DTCF Lemans Constance

Juillet 2014

L’opération Limousin (1969-1971) :

première intervention française au Tchad depuis son indépendance

Description. Légionnaire observant le désert tchadien. Date : septembre 1969.

Lieu : Tchad. Photographe : Lucien Bacheley.

Origine : ECPA – collection TAM. Référence : TAM-DIA 779 RC49.

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Sommaire

I. LA SITUATION AU TCHAD AVANT LE DEBUT DE L’OPERATION LIMOUSIN ................................................ 4

II. LES TROIS GRANDES PHASES DE L’OPERATION LIMOUSIN ....................................................................... 8

III. CONCLUSION ......................................................................................................................................... 16

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Protectorat français à partir de l’année 1900 et colonie française en 1920, le Tchad parvient à l’indépendance en 1960, à l’instar de la majorité des territoires coloniaux français en Afrique noire. Pays d’Afrique centrale frontalier de six pays, dont le Soudan et la Libye, le Tchad s’étend du désert saharien aux limites de la forêt équatoriale. Vaste comme deux fois et demi la France et peuplé alors de trois millions et demi d’habitants, le Tchad connaît une grande disparité ethnique et religieuse qui s’avère difficile à fédérer par l’État dirigé alors par François Tombalbaye, premier président du pays. Durant les années 1960, le gouvernement tchadien doit faire face à divers mouvements de rébellion qui déstabilisent le pays, notamment au Nord dans la région saharienne du Borkou-Ennedi-Tibesti, communément appelée le BET, où vit une population majoritairement musulmane et nomade, en particulier l’ethnie toubou, ainsi que dans l’Est du pays, autour de la ville de Mangalmé où des rebelles révolutionnaires se soulèvent contre l’autorité en place.

Les crises successives et le mécontentement de la population rurale se transforment en véritables rébellions et actes de banditisme, fortement réprimés par le gouvernement tchadien, ce qui exacerbe l’opposition des tribus du BET face au gouvernement composé principalement par des ethnies du Sud du pays qui vivent de manière sédentaire et sont de confession chrétienne ou animiste.

En 1966, en réponse à ces répressions, les révoltés du Nord créent le Front de libération nationale (FROLINAT) dont le bras armé compte mille cinq cents hommes. Face à cette organisation déterminée, les forces armées du Tchad, constituées de mille huit cent cinquante soldats, de mille deux cents gendarmes et de deux mille cinq cents gardes nomades, manquent d’entraînement opérationnel et sont par conséquent incapables de maîtriser les nombreuses révoltes, notamment celles de 1968.

Le gouvernement tchadien fait alors appel à la France dans le cadre des accords de défense, signés entre les deux pays dès 1960 et qui prévoient une assistance militaire technique (AMT). Le général de Gaulle décide d’envoyer le 18 mars 1969 des troupes françaises au Tchad, à condition que des réformes administratives, économiques et sociales soient entreprises par le gouvernement de Tombalbaye.

Ainsi, pour permettre la réorganisation de l’administration et l’action de l’AMT, des unités opérationnelles sont déployées sur le terrain afin de rétablir la sécurité dans les régions troublées du Nord. Appelée « opération Limousin », cette intervention française au Tchad est la première opération militaire après le conflit algérien dont elle hérite de nombreux aspects notamment opérationnels.

Dans ses fonds d’archives, l’ECPAD compte une collection photographique sur les opérations militaires au Tchad de 1969 à nos jours. Au nombre de 647, les photographies portant sur la première intervention française de 1969 à 1971 sont réalisées par René-Paul Bonnet, photographe de l’établissement, et par Lucien Bacheley pour le magazine TAM (Terre Air Mer) dont la publication est dirigée par le ministère de la défense nationale. Les archives photographiques de TAM ont été reversées à l’ECPAD et sont consultables à la médiathèque du fort d’Ivry-sur-Seine, à l’instar des fonds organiques.

Toutefois, les témoignages visuels de l’opération Limousin sont très lacunaires car ils ne couvrent pas la durée totale de celle-ci. En effet, les images prises par les deux reporters cités plus haut ont été réalisées entre avril 1969 et la fin du mois de février 1970. Les images concernant les périodes antérieures à l’opération comme l’année 1968 ou la présence de l’AMT dans les années 1960 et surtout la suite de l’intervention française qui voit arriver les marsouins du 3e régiment d’infanterie de marine (RIMa) et le désengagement des troupes en 1972 n’existent pas dans le fonds d’archives de l’ECPAD.

Il est cependant nécessaire de présenter l’entier déroulement de l’opération Limousin dans ce dossier pour rappeler l’investissement en hommes et en matériels qu’a demandé cette opération française bien souvent oubliée, précédant les futures opérations françaises au Tchad, à savoir Tacaud (1978), Manta (1983-1984) et Épervier (1986 à nos jours).

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I. La situation au Tchad avant le début de l’opération Limousin

A. La présence française au Tchad après l’indépendance du pays

Au moment de la déclaration d’indépendance de la majorité des pays d’Afrique occidentale française (AOF) et d’Afrique équatoriale française (AEF) en 1960, la France signe avec eux des accords de défense. Ces derniers offrent la possibilité aux pays qui le souhaitent de demander une aide à la France afin d’acquérir les moyens nécessaires à leur défense intérieure et extérieure. C’est à cette époque que le commandement supérieur des forces françaises de l’escale d’Afrique centrale est créé à Fort-Lamy, aujourd’hui N’Djamena. Les aviateurs français y apportent leur expérience pour créer une armée de l’air nationale tchadienne qui opère à partir des bases de Fort-Lamy, Mongo et Abéché. Cette escale paraît également indispensable à la France non seulement pour faciliter les actions éventuelles de la 11e DP (division parachutiste), spécialisée dans les interventions aéroportées, dans les pays d’Afrique centrale liés à la France par les accords de défense mais aussi pour fournir un soutien technique géographiquement stratégique entre la France et ses bases lointaines comme à Madagascar ou dans le Pacifique.

Description. La BA 172. Poste de commandement de l’escale française d’Afrique centrale.

Date : avril 1969. Lieu : Fort-Lamy, Tchad.

Photographe : Lucien Bacheley. Origine : ECPA – collection TAM.

Référence : TAM 69-177 R131 (recadrée).

En outre, en mars 1965, des éléments établis sur le continent africain, notamment le 6e régiment interarmes d’outre-mer (RIAOM), composé de la 6e compagnie parachutiste d’infanterie de marine (CPIMa) et d’un escadron blindé, sont transférés du camp Leclerc de Bouar en Centrafrique au camp Dubut de Fort-Lamy pour assister l’armée nationale tchadienne.

Enfin, en août 1968, le président Tombalbaye demande à la France un soutien armé : dès la fin du mois, une compagnie du 3e régiment parachutiste d’infanterie de marine (RPIMa) quitte Carcassonne et rejoint le 6e RIAOM à Faya-Largeau dans la région du BET. Les éléments français se tiennent prêts à intervenir et parviennent à dégager la ville de Bardaï au Nord.

Toutefois, ces premières interventions demeurent insuffisantes car les hommes et les matériels ont souffert des pénibles conditions d’engagement.

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Description. Terrain d’aviation français. Date : printemps-été 1969.

Lieu : Tchad. Photographe : Lucien Bacheley.

Origine : ECPA – collection TAM. Référence : TAM 69-177 R72.

B. Le soutien aérien Dès l’automne 1968, neuf appareils AD-4 Skyraider en provenance de Djibouti et de

Châteaudun atterrissent à Fort-Lamy et interviennent rapidement dans le BET auprès des parachutistes français. L’année 1969 marquant l’accentuation des révoltes, les bases aériennes subissent d’importants changements en matière d’effectifs, qui passent de cent soixante à sept cents hommes, et d’avions, dont le nombre passe à trente-quatre parmi lesquels des Nord-Atlas, des AD-4 Skyraider, des Transall C-160 et des avions d’observation Piper Pa-22 Tripacer. Leur principal emploi est le transport d’hommes et de matériels, notamment pour relier la capitale aux villes du BET, nécessitant de nombreuses rotations des appareils et des pilotes en raison des difficiles conditions climatiques liées à la chaleur.

Description. Avion Tripacer de retour de mission. Date : printemps-été 1969. Lieu : Fort-Lamy, Tchad. Photographe : Lucien Bacheley. Origine : ECPA – collection TAM. Référence : TAM 69-77 R222.

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Description. Transall C-160 sur la piste de Mongo. Date : Février 1970. Lieu : Mongo, Tchad. Photographe : René-Paul Bonnet. Origine : ECPA. Référence : F 70-69 R75.

En outre, l’intervention des hélicoptères Sikorsky H-34 de l’aviation légère de l’armée de terre (ALAT) assure un soutien sans faille aux soldats sur le terrain, notamment lors des opérations des légionnaires et des marsouins dans le BET. Véritable héritage tactique de la guerre d’Algérie, l’utilisation des hélicoptères permet aussi bien le transport des hommes en zone de combat que le ravitaillement en matériels, en munitions ou en vivres.

Description. Hélicoptère Sikorsky en vol au-dessus du désert tchadien. Date : printemps-été 1969. Lieu : Tchad. Photographe : Lucien Bacheley. Origine : ECPA – collection TAM. Référence : TAM-DIA 779 RC11.

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Description. Embarquement de légionnaires armés à bord d’un hélicoptère Sikorsky.

Date : 4-18 février 1970. Lieu : Mongo, Tchad.

Photographe : René-Paul Bonnet. Origine : ECPA.

Référence : F 70-69 R73.

Description. Patrouille motorisée suivie par hélicoptère. Date : printemps-été 1969.

Lieu : Tchad. Photographe : Lucien Bacheley.

Origine : ECPA – collection TAM. Référence : TAM 69-177 R139.

C. L’assistance militaire technique Un autre aspect des accords de défense signés entre la France et le Tchad prévoit la présence

d’officiers et de sous-officiers français au sein de l’armée tchadienne dans le cadre de l’AMT. Celle-ci consiste en un soutien en personnels qui assurent la formation de stagiaires étrangers ainsi qu’une aide logistique. Ces cadres français, qui portent parfois l’uniforme tchadien, assurent la transmission d’un savoir technique et d’une maîtrise des matériels à une armée tchadienne en pleine évolution et modernisation.

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Cependant, à la fin de l’année 1968, les personnels français de l’AMT affirment ne pas avoir les moyens requis pour redresser les situations administrative et technique qui se dégradent de plus en plus. La France n’a pas le temps de régler le problème que son intervention est demandée par le président tchadien à la suite de nouveaux troubles dans le centre du pays. L’opération Limousin commence alors.

II. Les trois grandes phases de l’opération Limousin

A. L’intervention d’urgence entre avril et septembre 1969 : stabilisation à l’Est et au Nord du pays

Au début du mois d’avril 1969, le gouverneur Pierre Lami, nommé chef de la mission administrative, arrive à Fort-Lamy accompagné du général Michel Arnaud, désigné comme délégué militaire au Tchad (DMT). Placé sous l’autorité de l’ambassadeur de France dans le pays, le DMT reçoit les ordres directement du ministre de la défense nationale pour les questions de l’emploi des forces et des opérations mais il dépend également du secrétaire d’État aux affaires étrangères pour tout ce qui concerne l’AMT. Par ailleurs, le DMT siège au comité de défense tchadien dont il reçoit aussi des directives. Cette organisation se révèle rapidement inadaptée pour coordonner les actions entre l’état-major tchadien et le commandement français. À cela s’ajoute une embuscade dans le centre du pays contre les légionnaires du 2e régiment étranger de parachutistes (REP). Le général Arnaud, en désaccord avec sa hiérarchie et avec le président Tombalbaye, est rappelé à Paris pour être remplacé par le général Cortadellas.

Dès son arrivée en août, ce dernier crée un état-major franco-tchadien installé sur la base aérienne de Fort-Lamy. La situation s’améliore. Sur le terrain, plusieurs objectifs sont fixés : la poursuite des combats au Nord du pays, la relève des personnels appelés par des engagés, la réorganisation de l’armée tchadienne et la remise en état des matériels.

Description. Portrait du général Cortadellas, délégué militaire du Tchad.

Date : février 1970. Lieu : Fort-Lamy, Tchad.

Photographe : René-Paul Bonnet. Origine : ECPA.

Référence : F 70-69 R142.

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Dès le 15 avril 1969, les premiers renforts composés de trois cent quatre-vingt-dix hommes du 2e REP arrivent au Tchad par voie aérienne. Les véhicules militaires, notamment les automitrailleuses Ferret, sont acheminées par voie maritime jusqu’au Cameroun grâce à l’engagement de cent cinquante marins de la flottille 35F ; un pont aérien est établi entre Douala et N’Djamena pour assurer les flux logistiques. L’état-major tactique 1 (EMT 1) du 2e REP dirigé par le commandant de Chastenet s’installe dès la fin du mois d’avril 1969 entre les villes de Mongo et de Mangalmé dans la région de la Guéra, récupérée par les légionnaires malgré de nombreuses embuscades ennemies. Entre mai et septembre, les régions du Guéra et du BET sont pacifiées par l’armée française mais des groupuscules armés demeurent.

Description. Arrivée de légionnaires par avion de transport Nord-Atlas. Date : printemps-été 1969. Lieu : Tchad. Photographe : Lucien Bacheley. Origine : ECPA – collection TAM. Référence : TAM 69-177 R156.

Description. Installation d’un camp de légionnaires, dans la région du Guéra.

Date : avril 1969. Lieu : région du Guéra (centre du Tchad).

Photographe : Lucien Bacheley. Origine : ECPA – collection TAM.

Référence : TAM 69-177 R115. .

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Les conditions opérationnelles sont difficiles. La chaleur est accablante et les missions se font à pied ou à bord de véhicules vieux et malmenés, remis en état in extremis par les légionnaires.

Description. Remise en marche d’un camion Ford Canada CMP 12 par l’atelier de réparation du 6e RIAOM. Date : printemps-été 1969. Lieu : Tchad. Photographe : Lucien Bacheley. Origine : ECPA – collection TAM. Référence : TAM 69-177 R167.

À partir du mois de mai, qui marque le début de la saison des pluies, le commandant de Chastenet propose au lieutenant Petri de constituer une unité montée composée d’une quarantaine de cavaliers. Le cheval s’avère en effet un moyen de déplacement mieux adapté aux conditions climatiques.

Description. Compagnie montée de légionnaires en patrouille. Date : printemps-été 1969.

Lieu : Tchad. Photographe : Lucien Bacheley.

Origine : ECPA – collection TAM. Référence : TAM 69-177 R195.

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Carte du dispositif de l’opération « Limousin » entre avril 1969 et avril 19701.

Dispositif français : EMT1 à Mongo EMT2 à Am Timan EMT3 à Largeau EMT4 à Abéché EMT5 à N’Djamena

1. Division « Recherche et retour d’expérience » du centre de doctrine d’emploi des forces du ministère

de la défense, Répertoire typologique des opérations, tome 2 : Afrique, Paris, 2003, p. 16. Consulté le 25 avril 2014 : http://www.defense.gouv.fr/portail-defense/mediatheque/publications.

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B. Entre octobre 1969 et juin 1971, une phase de réorganisation

La période d’octobre 1969 à juin 1971 permet à l’armée nationale tchadienne (ANT) de doubler ses effectifs. De son côté, la France compte au 1er octobre 1969 deux mille cinq cents hommes répartis sur le territoire tchadien, notamment avec la formation d’un deuxième EMT en octobre 1969 rassemblant au Tchad la totalité des légionnaires du 2e REP du colonel Lacaze, futur chef d’état-major des armées. Les légionnaires sont par ailleurs soutenus par une compagnie motorisée de la Légion étrangère (CMLE) du 1er régiment étranger (RE), en particulier dans le BET où plusieurs postes sont récupérés par l’alliance franco-tchadienne. De juin à septembre 1970, l’accalmie gagne les régions du centre et de l’Est mais, dans le BET, la rébellion se renforce en raison de l’aide en matériels et en personnels qu’elle obtient de la Libye dont le colonel Kadhafi prend le pouvoir en 1969.

Description. Rebelle fait prisonnier par les légionnaires. Date : avril-septembre 1969.

Lieu : Tchad. Photographe : Lucien Bacheley.

Origine : ECPA – collection TAM. Référence : TAM 69-177 R165.

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Description. Arc et flèches pris à l’ennemi. Date : avril-septembre 1969. Lieu : Tchad. Photographe : Lucien Bacheley. Origine : ECPA – collection TAM. Référence : TAM 69-177 R214.

Outre le soutien militaire, les légionnaires apportent une aide à la population locale : ils contribuent à l’édification de structures dans les villes et assurent des campagnes de vaccination des personnes et des animaux. Ils peuvent également participer à l’assainissement des puits d’eau potable, dont la faible quantité oblige cependant le 2e REP à réceptionner des parachutages d’eau par avion Nord-Atlas sur le terrain d’aviation du poste de commandement de Mongo.

Description. Ravitaillement en eau des légionnaires.

Date : avril-septembre 1969. Lieu : Tchad.

Photographe : Lucien Bacheley. Origine : ECPA – collection TAM.

Référence : TAM 69-177 R78

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Description. Le capitaine médecin Duvivier, accompagné d’un gendarme tchadien, ausculte un paysan malade de Gambir.

Date : 4-18 février 1970. Lieu : région de Batha, centre du Tchad.

Photographe : René-Paul Bonnet. Origine : ECPA.

Référence : F 70-70 RC17.

En avril 1970, l’EMT 1 du 3e RIMa vient remplacer l’EMT 1 du 2e REP. En décembre, les derniers légionnaires quittent le Tchad avec l’impression d’avoir réussi à refouler les rebelles davantage vers le Nord. La même année, un commando de trente hommes du 8e RPIMa vient renforcer la CPIMa. Cette dernière, prise dans une embuscade le 11 octobre, perd onze de ses soldats. Cette victoire des rebelles donne un nouvel élan à la révolte des ethnies du Nord.

Description. Patrouille de marsouins à bord d’automitrailleuses Ferret MK I. Date : 4-18 février 1970.

Lieu : région de Batha, centre du Tchad. Photographe : René-Paul Bonnet.

Origine : ECPA. Référence : F 70-70 RC34 et RC35.

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Il n’existe pas dans les collections de l’ECPAD de photographie du 3e RIMa au Tchad. Le photographe René-Paul Bonnet y est envoyé pour suivre le 2e REP uniquement pour trois semaines, en février 1970..

Néanmoins, une photographie de René-Paul Bonnet montre la présence d’un opérateur de prise de vues à ses côtés. Le nom de ce caméraman n’a pas été retrouvé dans les légendes, toutefois, d’après d’anciens opérateurs de l’ECPAD, il pourrait s’agir de Berry Sautel. Le film intitulé Tchad (référence FT 1074) qu’il a tourné est contemporain des reportages photographiques déjà cités tout en les complétant.

Description. Patrouille accompagnée du caméraman Berry Sautel et du photographe René-Paul Bonnet aux alentours du village de Sehabaya.

Date : 4-18 février 1970. Lieu : centre du Tchad.

Photographe : attribuée à René-Paul Bonnet. Origine : ECPA.

Référence : F 70-69 R62.

C. À partir du mois de juin 1971, le repli progressif de la France Au premier trimestre 1971, les forces franco-tchadiennes mènent des actions d’envergure

dans le BET pour détruire les bandes armées, leurs dépôts de munitions et leurs systèmes de communication. À la suite des divers succès de ces opérations, l’EMT du 3e RIMa regagne la France durant l’été. Avec des détachements de renfort temporaire de la 11e DP, le DMT poursuit l’interception de bandes venant du Soudan et de Libye. Les rebelles sont regroupés au-delà des frontières et l’action de l’armée tchadienne ainsi que celle des milices contre les rebelles contribuent au retour au calme à l’intérieur du pays. En conséquence, le gouvernement français rappelle le général Cortadellas et son quartier général à Paris. L’état-major franco-tchadien est dissous et le reste des troupes françaises se rassemble à Fort-Lamy pour constituer une réserve générale et assurer le transfert des responsabilités opérationnelles à l’armée tchadienne. Deux bases situées à Mongo et Largeau conservent des unités du 6e RIAOM. Le dispositif français de 1972 retrouve les

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bases de celui de l’année 1969, à savoir la CPIMa et une compagnie motorisée du 6e RIAOM. Les effectifs de l’assistance militaire technique sont également réduits.

Descruption. Patrouille de soldats tchadiens encadrée par un parachutiste français. Date : février 1970.

Lieu : région de Faya-Largeau, nord du Tchad. Cadreur : attribué à Berry Sautel.

Origine : ECPA. Référence : capture d’écran issue du film Tchad, référence FT 1074.

III. Conclusion L’opération Limousin déploie sur le terrain légionnaires, parachutistes et marsouins, AMT et

armée de l’air, soit deux mille cinq cents hommes au plus fort du dispositif. Elle est l’héritière directe de la guerre d’Algérie par sa tactique opérationnelle et son iconographie.

Malgré trente-neuf soldats tués et cent deux personnels blessés, l’opération Limousin est considérée comme un succès militaire parce qu’elle a permis de stopper la rébellion et de redonner davantage de cohérence et d’efficacité aux forces tchadiennes.

La division « Recherche et retour d’expérience » du centre de doctrine d’emploi des forces du ministère de la défense propose plusieurs axes de réflexion du point de vue opérationnel2 : - la section doit être considérée pour ce genre d’opération comme le « pion tactique » ; - l’emploi des moyens aériens s’est révélé déterminant, l’adversaire ne possédant aucun moyen

antiaérien ; - l’emploi du détachement « d’infanterie héliportée » a permis une intervention rapide ; - une réflexion sur les problèmes de logistique doit être menée car les véhicules utilisés n’étaient

pas adaptés aux zones sahariennes ou tropicales ; - les flux logistiques ont nécessité la remise en état des routes et l’aménagement de vingt-et-un

terrains ou pistes d’atterrissage ; - l’absence de spécialiste du renseignement s’est fait ressentir, notamment dans la maîtrise des

langues locales ;

2. Ibid., p. 11.

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- l’armée de terre change de physionomie, seule la partie professionnalisée devant intervenir sur des théâtres d’opérations extérieures et les personnels du contingent ne devant plus participer aux actions menées par la France à l’étranger.

D’un point de vue diplomatique, l’opération Limousin ne parvient pas à atteindre ses objectifs. La formation des cadres de l’armée nationale tchadienne par l’AMT et l’organisation de l’administration de son gouvernement ont en effet échoué.

Première opération d’envergure menée par la France dans une de ses anciennes colonies depuis 1962, l’opération Limousin devait être de courte durée mais marque finalement le début d’une succession d’interventions françaises sur le continent africain. Elle a permis de tirer des enseignements techniques et stratégiques pour les futures interventions françaises en Afrique, et notamment sur le territoire tchadien sur lequel les troupes françaises seront déployées en 1978 (opération Tacaud), en 1983 (opération Manta) et de 1986 à nos jours (opération et force Épervier). Contrairement à l’opération Limousin, celles-ci comme celles qui se sont déroulées ailleurs ont été extrêmement suivies par les reporters militaires, preuve sans doute que l’opération Limousin a constitué une sorte de transition dans la communication de Défense, le temps pour le soldat français de quitter l’image trouble du soldat de la guerre d’Algérie pour revêtir celle du « soldat de la paix ».

Éléments de bibliographie Division « Recherche et retour d’expérience » du centre de doctrine d’emploi des forces du ministère

de la défense. Répertoire typologique des opérations, tome 2 : Afrique. Paris : centre de doctrine d’emploi des forces, 2003.

DUFOUR (Pierre). La France au Tchad depuis 1969. Boulogne-Billancourt : ETAI, 2009. 192 p. JAUBERT (Philippe). « Intervention française au Tchad », dans TAM, no 169, janvier 1970, p. 20-26.

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Table des matières

I. LA SITUATION AU TCHAD AVANT LE DEBUT DE L’OPERATION LIMOUSIN ................................................ 4

A. LA PRESENCE FRANÇAISE AU TCHAD APRES L’INDEPENDANCE DU PAYS ....................................................................... 4 B. LE SOUTIEN AERIEN .......................................................................................................................................... 5 C. L’ASSISTANCE MILITAIRE TECHNIQUE ................................................................................................................... 7

II. LES TROIS GRANDES PHASES DE L’OPERATION LIMOUSIN ....................................................................... 8

A. L’INTERVENTION D’URGENCE ENTRE AVRIL ET SEPTEMBRE 1969 : STABILISATION A L’EST ET AU NORD DU PAYS ................. 8 B. ENTRE OCTOBRE 1969 ET JUIN 1971, UNE PHASE DE REORGANISATION .................................................................. 12 C. À PARTIR DU MOIS DE JUIN 1971, LE REPLI PROGRESSIF DE LA FRANCE .................................................................... 15

III. CONCLUSION ......................................................................................................................................... 16