Economie Reelle & Crise Extraits 22 06 Raoul Chabot 2010

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1 RAOUL CHABOT juin 2009 36 Rue des fontaines 92310 Sèvres. 01 4626 4295 [email protected] L’ECONOMIE REELLE FACE A LA CRISE (I) La mutation de l’industrie automobile : Adieu GM, bonjour la Chine (II) L’industrie aéronautique sur les traces de l’automobile : Les sites industriels Européens sont-ils condamnés ? (III) Les dysfonctionnements de la Sphère Financière : La spéculation va-t-elle repartir « comme avant » ? Conclusion : L’Euroland au pied du mur (EXTRAITS de la VERSION PROVISOIRE de juin 2009) La présente contribution aux réflexions de X-SURSAUT , groupe de travail « mondialisation », met à jour et approfondit les analyses présentées par « LE CHOC DES ECONOMIES », publié par les éditions ELLIPSES en mai 2007.

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Extraits du projet de tome 2 du Choc des Economies paru en 2007 (Editions Ellipses). Analyses d\’un praticien de la mondialisation sur les mutations des industries "championnes d\’Europe" et réflexions sur l\’Euroland avant les "syndrôme grec"

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RAOUL CHABOT juin 2009 36 Rue des fontaines 92310 Sèvres. 01 4626 4295 [email protected]

L’ECONOMIE REELLE

FACE A LA CRISE

(I) La mutation de l’industrie automobile : Adieu GM, bonjour la Chine

(II) L’industrie aéronautique sur les traces de l’automobile : Les sites industriels Européens sont-ils condamnés ?

(III) Les dysfonctionnements de la Sphère Financière :

La spéculation va-t-elle repartir « comme avant » ?

Conclusion : L’Euroland au pied du mur

(EXTRAITS de la VERSION PROVISOIRE de juin 2009)

La présente contribution aux réflexions de X-SURSAUT, groupe de travail « mondialisation », met à jour et approfondit les analyses présentées par « LE CHOC DES ECONOMIES », publié par les éditions ELLIPSES en mai 2007.

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INTRODUCTION :

ECONOMIE REELLE ET SPHERE FINANCIERE

Depuis l’automne 2008, les dysfonctionnements de la « Sphère Financière »

impactent douloureusement «l’Economie Réelle » des pays développés. D’indiscutables signes de ralentissement apparaissent dans les pays émergents les plus dynamiques. Il s’agit donc bien d’une crise globale, qui a démarré aussi brutalement que celle de 1929. Première question largement traitée, mais à laquelle chaque semaine apporte des éléments de réponse nouveaux : La crise actuelle sera-t-elle aussi profonde et durable ?

Au printemps 2009 l’embellie est indiscutable pour la plupart des banques mondiales,

et les gouvernements concernés sont prêts à injecter le nombre de trillions de dollars nécessaires pour que le système bancaire soit en état d’accompagner la reprise espérée de l’économie réelle. La plupart des Banques Centrales pratiquent des politiques monétaires puissamment incitatives. Et des plans de relance substantiels sont mis en œuvre dans la plupart des pays. On peut donc raisonnablement espérer que le risque de plonger dans une dépression analogue à celle connue dans les années 30 est écarté. En revanche le recul de l’activité a dépassé les prévisions les plus pessimistes dans nombre de pays développés au premier trimestre 2009 et le point bas sera atteint au mieux à l’automne 2009. La détérioration à venir de la situation financière des entreprises et des ménages aura de douloureuses conséquences sociales, mais risque également d’aggraver les difficultés de nombreuses banques. La reprise risque donc d’être lente et chaotique.

A posteriori, on constate que la plupart des crises financières puis économiques qui ont

émaillées le dernier quart de siècle ont eu comme origine… les mesures - notamment les politiques monétaires - mises en œuvre pour sortir le plus vite possible de la crise précédente. Devant l’urgence, il fallait certes agir sur tous les leviers susceptibles d’enrayer le risque de dépression profonde et durable. Mais certains des remèdes employés, plus ou moins efficaces à court terme, risquent de se révéler nuisibles à moyen terme, c’est-à-dire préparer l’éclatement d’une nouvelle crise. Seconde question, pour l’instant moins posée : saurons nous éviter la prochaine crise, ou tout au moins en minimiser les conséquences ?

Pour tenter de répondre à ces deux questions nous proposons une double approche : - Un diagnostic des évolutions passées permettant de déceler les « tendances

lourdes » des principales économies mondiales, et notamment approfondir les relations entre Economie Réelle et Sphère Financière. Nous retenons la période 1997 2008, qui démarre à la date de fixation des parités d’entrée dans l’euro pour les premiers membres de l’Euroland.

- Un horizon d’exploration portant sur au moins 5 ans, pour faire apparaître les

conséquences structurelles des tendances lourdes décelées et des mesures correctrices décidées ou envisagées, et les déséquilibres pouvant entraîner de nouvelles péripéties. Cela suppose évidemment de ne pas focaliser tous les efforts sur un scénario moyen détaillé mais limité à deux ans. Nous tenterons donc d’encadrer les évolutions possibles par deux scénarios optimiste et pessimiste couvrant le quinquennat 2009 2013.

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Les relations tumultueuses d’un couple infernal Depuis que les hommes ont compris les limites du troc et inventé des instruments

monétaires pour faciliter leurs échanges, puis découvert les avantages et dangers du crédit, les économistes s’interrogent sur les rapports entre “ l’économie réelle ” et la “ sphère financière ”. La mondialisation croissante des économies a exacerbé les affrontements de ces deux mondes si différents :

- Dix pour cent de rentabilité annuelle des capitaux sont une performance très satisfaisante dans l’Economie Réelle, un spéculateur hésite à se contenter de dix pour cent par mois. - Les délais se chiffrent en années dans l’économie réelle, en jours, quand ce n’est pas en minutes, pour la sphère financière. Quand on parle « d’Economie Réelle », le grand public comprend sans trop de

difficultés les différentes composantes que cela recouvre : Ce sont toutes les activités de production et utilisation de biens et services autres que financiers. Elles concourent dans les pays développés pour 92% à 96% à la création de la richesse mesurée par le PIB et fournissent 95% à 97% des emplois. C’est donc de sa bonne santé et de son dynamisme que dépendent les revenus et l’emploi de l’écrasante majorité des citoyens.

Les revenus et emplois fournis par les services financiers n’ont donc qu’un poids

relativement marginal. Ce qui fait l’importance de la Sphère Financière, c’est la nature des services qu’elle devrait rendre à l’Economie Réelle et à l’ensemble des citoyens…et sa capacité de nuisance quand elle se consacre à d’autres priorités.

Une approche concrète de l’Economie Réelle Ce sont les activités faisant l’objet d’échanges internationaux intenses qui ont été les

premières touchées par la crise et en assurent la transmission de pays en pays. Pour comprendre leurs comportements et leur sensibilité à l’environnement financier, nous allons retracer les évolutions récentes de deux composantes de l’Economie Réelle qui conservent une importance économique et stratégique majeure pour la plupart des pays : les industries automobile et aéronautique. Et nous tenterons de trouver les facteurs clés qui peuvent favoriser ou contrarier leur rétablissement.

Quatre raisons guident ce choix : - Par l’importance de leurs échanges internationaux, et leur influence sur un large

réseau de sous traitants, elles conservent un rôle d’entraînement majeur dans de nombreuses économies, et tout particulièrement en Allemagne et en France : la résorption de surstocks massifs et l’effondrement des exportations automobiles ont largement contribué aux impressionnants reculs du PIB observés au premier trimestre 2009 dans des pays comme le Japon et l’Allemagne. Et l’industrie aéronautique est une composante majeure de l’industrie d’armement, aux Etats-Unis notamment.

- Cette importance se traduit par l’existence d’une documentation importante. Les

centres de décision mondiaux sont limités dans l’automobile à moins de trois dizaines de grands groupes. Pour l’aéronautique, une quinzaine suffisent pour cerner correctement cette

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compétition. Tous publient des rapports annuels et trimestriels étoffés. Ce sont donc deux industries pour lesquelles l’analyse financière classique, à base de comparaisons des comportements et performances des grands groupes mondiaux, peut être poussée très loin. La plupart des comptabilités nationales fournissent les comptes détaillés de leurs « branches automobiles », et les principaux chiffres caractéristiques de leurs « branches aéronautiques », permettant à l’OCDE de mettre à la disposition des chercheurs une très riche banque de données industrielles harmonisées – STAN- qui constitue la base statistique permettant l’analyse du comportement des Sites Industriels. Le croisement de ces deux approches, par centres de décision mondiaux et entités géographiques nationales, se révèle très riche : les industries automobile et aéronautique constituent un champ d’observation idéal pour comprendre les choix de localisation des ventes productions et investissements des groupes transnationaux, et mesurer leur impact sur les « sites industriels » nationaux.

- Compte tenu de l’importance des échanges internationaux pour ces deux industries,

elles permettent d’illustrer le rôle décisif joué par l’évolution des parités dans ces choix stratégiques. La demande de mobilité a beau être une composante majeure des besoins fondamentaux dans tous les pays, elle n’est pas insensible au coût du pétrole. Enfin la quasi-totalité des achats de voitures et d’avions se font par recours au crédit. Ce sont donc deux industries qui sont déjà touchées –pour l’automobile- ou le seront inéluctablement – pour l’aéronautique- par le renchérissement plus ou moins durable du pétrole, la chute plus ou moins accusée du dollar –entraînant la plupart des monnaies qui lui restent liées - et le durcissement plus ou moins marqué des conditions de crédit. Excellent champ d’observation donc pour explorer les répercussions de ces trois variables sur la relance espérée et l’impact désastreux de la spéculation financière en ce domaine.

Le plan proposé L’industrie automobile mondiale a été, après la construction, la branche de l’économie

réelle la plus gravement frappée par la crise. La première partie lui est donc consacrée. La seconde partie examine les risques à moyen terme qui menacent les sites

aéronautiques de l’Euroland, très liés à l’évolution de la parité euro-dollar. Ces deux diagnostics soulignent la forte responsabilité de la spéculation financière

dans le déclenchement et l’amplification de la crise qui frappe l’Economie Réelle. La troisième partie approfondit les relations entre Sphère Financière et Economie Réelle. Elle fournit des pistes pour mesurer les risques et hiérarchiser les contraintes que doivent respecter les Modèles Nationaux pour rester sur une trajectoire de croissance durable.

La troisième phase de la crise, les drames sociaux, sera la plus douloureuse et la plus

dangereuse. Tous les Modèles Nationaux sont donc remis en cause par la crise. Mais elle interpelle avec une urgence particulière l’Euroland, menacé d’éclatement par les dérives de plusieurs de ses membres. Au-delà du traitement social de l’envolée du chômage, la solution à moyen terme repose sur la restauration de sa compétitivité.

La conclusion rappelle le « Triangle Magique » sur lequel repose cette dernière, et

situe les responsabilités des décideurs, entreprises et autorités politiques et monétaires.

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PREMIERE PARTIE :

LA MUTATION DE L’INDUSTRIE AUTOMOBILE :

ADIEU GM, BONJOUR LA CHINE

CHAPITRE I : 1998 à 2007

L’ADAPTATION A LA MONDIALISATION TRIOMPHANTE Les 10 années couvertes par ce premier chapitre n’ont pas été, pour l’économie

mondiale, un long fleuve tranquille. Mais, malgré deux crises financières qui ont douloureusement frappé nombre de pays en développement, la croissance moyenne a été soutenue. Dans les pays développés, elle a entraîné une progression du niveau de vie qui a bénéficié à la majorité des citoyens et rendu tolérable l’envolée des inégalités. Mais elle a surtout permis à plusieurs centaines de millions d’habitants des pays en développement de sortir de la pauvreté. Bref un bilan imparfait, mais globalement positif pour la mondialisation économique et financière.

A coup de délocalisations, l’industrie automobile a été à l’avant-garde de l’adaptation

à cette nouvelle règle du jeu. Et elle a joué, dans cette évolution globalement positive, un rôle important : elle a par exemple été un des vecteurs du bond en avant de la Chine, et du début de rattrapage des PECO.

Les sections A et B commenceront par développer l’approche géographique en

décrivant l’évolution des ventes et des productions des grandes zones mondiales, puis en proposant une segmentation des données globales par grandes classes de produits, indispensable pour comprendre la dispersion des croissances et des rentabilités.

La section C présente ensuite les centres de décision qui expliquent les évolutions

constatées, la vingtaine de grands constructeurs qui mènent une politique mondiale, en ciblant leurs ventes vers les marchés les plus dynamiques et en localisant leurs productions dans les sites industriels les plus compétitifs.

Ces descriptions de l’évolution du monde automobile soulignent le rôle clé joué par

les parités dans les décisions stratégiques et les performances des groupes transnationaux. La section D approfondit cet impact des parités.

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A. LES VENTES ET LES PRODUCTIONS

1. Malgré l’envolée du prix du pétrole, la demande et la production automobile mondiales ont encore connu en 2007 une fort belle croissance. Avec plus de 72 millions d’immatriculations, 2007 a été pour l’industrie automobile mondiale l’une des meilleures des dernières années : croissance de 5,4% contre 3,1% pour la moyenne 1997 à 2007.

Mais l’essentiel de cette croissance est du aux pays en voie de développement :

respectivement 18,6% et 8,4%, contre -0,1% et 1,2% pour les pays développés, avec des performances particulièrement impressionnantes pour la Chine et l’Inde. En nombre de véhicules, près du tiers de la demande se trouve en 2007 dans les pays accédant à l’ère de l’automobile. Et ils ont surtout assuré la totalité de la croissance de la demande automobile en 2007, dont 39% pour la seule Chine.

2. Le tableau Ib présente le même panorama mondial en termes de production.

Mais il corrige l’hétérogénéité des produits en ajoutant une estimation de la richesse produite. Le critère retenu est la valeur ajoutée exprimée en « Parités Structurelles ». Cet instrument qu’expliquera la troisième partie, permet d’éliminer les amples fluctuations conjoncturelles des monnaies, pour mesurer les tendances lourdes de leurs évolutions. Pour les principaux pays en développement, dont Chine Inde et Brésil, les extrapolations effectuées à partir des données fournies par leurs comptes nationaux et des informations publiées par leurs principaux constructeurs sont fragiles, et certainement perfectibles. Les valeurs absolues sont donc de simples ordres de grandeur, plutôt sous-estimés. Les évolutions dans le temps sont en revanche beaucoup trop marquées pour ne pas être très significatives.

Les sites automobile des pays développés ont réussi, grâce à leurs balances

commerciales excédentaires, à maintenir une croissance de leur production un peu supérieure à celles de leurs marchés nationaux : pour l’ensemble de la période 1998 2007, +0,6% contre -0,1% en nombre de véhicules. Compte tenu de la montée en gamme et de l’enrichissement des véhicules, leur valeur ajoutée a même cru en moyenne de 2,8% par an.

Mais l’essentiel de la croissance mondiale – 3% par an en nombre de véhicules, 3,8%

pour la richesse produite- a été assuré par les pays en voie de développement et en transition : Les pays développés ont encore produit en 1997 prés des 2/3 des véhicules, et des véhicules beaucoup plus « haut de gamme », ce qui explique qu’ils assuraient encore, en valeur, plus de 85% de la production mondiale. Avec une croissance qui a tourné autour de 20% à 25% par an, la Chine était devenue dés 2007 la troisième puissance automobile en nombre de véhicules–devant l’Allemagne- et la quatrième en richesse produite (valeur ajoutée).A la cinquième place, la Corée avait largement dépassé la France. En Europe, seuls les PECO (Républiques Tchèque et Slovaque, Pologne Hongrie Slovénie et Roumanie) connaissaient des croissances à deux chiffres de leurs industries automobiles, qui contribuaient efficacement à leur rattrapage en cours.

3. Au-delà de cette bonne performance globale, la demande automobile mondiale a

connu d’amples fluctuations épousant, en les amplifiant fortement, les à-coups connus par la croissance mondiale. De 1997 à 2003, le monde a en effet connu deux crises financières puis économiques brutales, effondrement des monnaies de plusieurs pays en développement ou en transition puis éclatement de la bulle boursière des titres de la « nouvelle économie ». Elles ont beaucoup impacté l’économie réelle des pays en développement dont la demande interne globale n’a cru en moyenne que de 3,3% par an, guère mieux que les 2,5% par an des pays

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développés. En revanche l’écart s’est creusé de 2003 à 2007, avec des croissances annuelles de la demande interne globale respectivement de 9% pour les pays en développement et 3,1% pour les pays développés.

4. Pendant ces 10 années, il a fallu aller chercher la demande où elle était, c’est-à-dire

exporter si l’on était suffisamment compétitif ou produire sur place. Ce bouleversement de la demande mondiale n’a pas échappé aux constructeurs français. En 2008 leur production en France a baissé de plus de 17%, leur production à l’étranger a encore augmenté de près de 2% ; Sur 10 ans, les taux de variation sont respectivement de 0% et 9%, et dés 2008 la production hors de France représente plus de 63% du total. De 1997 à 2003, l’envolée des productions à l’étranger n’avait pas empêché la croissance des exportations, donc de la production du site français : sa part dans la production mondiale avait progressé de 4,6% à 5,5%. Elle est retombée à 3,7% en 2008. La forte croissance des productions à l’étranger n’a pu compenser, à partir de 2003 ce déclin national : Après avoir représenté un maximum de 9,6% de la production mondiale en 2003, la part des constructeurs français est retombée à 8,5% en 2008.

En utilisant l’indicateur de position conjoncturelle de l’euro qui sera présenté dans la

troisième partie on constate une forte corrélation entre les productions des constructeurs français, leur localisation, et l’évolution du niveau de l’euro.

(2) PRODUCTION AUTOMOBILE FRANCAISE

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1997 1999 2001 2003 2005 2007

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5,0

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Sous

(+) o

u su

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n

Production à l'étranger Constructeurs françaisSite Français Niveau de l'euro

Si le dollar est la monnaie de l’industrie aéronautique, le yen le won – et bientôt le

yuan- sont les monnaies de l’industrie automobile. La corrélation entre les évolutions des parts de marché française et japonaise d’une part, et notre indicateur de sur ou sous-évaluation de l’euro d’autre part, montre la forte sensibilité de ces deux industries à la parité euro - yen. La surévaluation du won jusqu’à mi-2007 a en revanche retardé l’offensive commerciale coréenne en Europe. La suite de notre analyse expliquera pourquoi la surévaluation de l’euro n’a pas empêché une légère croissance des parts de marché des industries automobiles allemande et italienne.

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(3) PERFORMANCES COMMERCIALES (VL)

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1997 1999 2001 2003 2005 2007

Part

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Sous

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l'eu

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FRANCAIS ALLEMANDS ITALIENSJAPONAIS Niveau de l'euro

5. Une seconde indication sur la compétitivité des sites industriels automobile est

fournie par l’évolution de leurs balances commerciales. De 1997 à 2008, les excédents des pays développés sont passés de 6% de la production à 7,1%. Mais avec une structure qui a été totalement bouleversée. Trois pays, Japon, Allemagne et Corée, ont massivement accru leurs excédents. Trois pays, Etats-Unis, Royaume Uni et Italie ont massivement accru leurs déficits. Les 5 principaux PECO sont devenus fortement bénéficiaires. En sens inverse l’Espagne a basculé dans le rouge dés 2006, et la balance commerciale française, jadis largement bénéficiaire, est devenue structurellement déficitaire en 2008.

(4) COMMERCE EXTERIEUR AUTOMOBILE FRANCAIS

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1998 2000 2002 2004 2005T2

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2007T4

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-6-4-202468101214

Sous

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n

Croissance ExportsCroissance ImportsNiveau de l'euro

De 2002 à 2007, les deux composantes des échanges ont contribué à cette chute, qui

n’est donc nullement un phénomène conjoncturel : quasi stagnation des exportations depuis fin 2004, envolée des importations depuis fin 2005. Les importations de voitures allemandes et japonaises en expliquent une bonne partie. Mais le recours croissant aux productions à l’étranger de véhicules de marques françaises y contribue significativement. La vitesse de la détérioration est impressionnante, et fort préoccupante : une fois confiée à une usine étrangère

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la production de tel ou tel modèle de grande diffusion, l’organisation de la production d’un constructeur est figée pour plusieurs années. A partir de la mi 2008, l’effondrement des échanges internationaux, qui touche particulièrement l’industrie automobile, transforme la chute en effondrement.

L’évolution des monnaies contribue efficacement à l’envolée des excédents

commerciaux automobile allemands avec la France depuis 2003. A l’intérieur d’une zone monétaire dont les membres connaissent des dérives de prix différentes les parités réelles –parités nominales déflatées du différentiel d’inflation- fluctuent entre les membres. Et ce sont ces parités réelles qui comptent pour la compétitivité de l’économie réelle. De 2000 à 2008 « l’euro-mark » -monnaie de l’économe réelle allemande- est passé, face à « l’euro-franc » - monnaie de l’économe réelle française- d’une surévaluation de 3,5% à une légère sous-évaluation. La désinflation compétitive allemande a donc apporté un supplément de compétitivité de 4% à l’industrie allemande face à l’industrie française, qui a efficacement contribué à la croissance des exportations automobiles allemandes vers la France, et au plafonnement des importations automobiles en provenance de France.

(5) ECHANGES AUTOMOBILES ALLEMANDS AVEC LA FRANCE

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2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007

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Croissance Exports

Croissance Imports

Euro-Mark / Euro-Franc

Pour comprendre les différences de sensibilités des constructeurs et des sites

industriels, il faut procéder à une segmentation des marchés et des productions, et constater que les situations concurrentielles y vont de la concurrence frontale sur des marchés en faible croissance à l’existence de quasi monopoles mondiaux sur des niches en forte croissance.

B. LA SEGMENTATION DES PRODUITS ET DES MARGES Les statistiques automobiles regroupent des produits très différents, de la mini voiture

indienne ou japonaise, aux monstres qui assurent les Transports Internationaux Routiers, en passant par les voitures très haut de gamme destinées aux traders gavés de bonus ou émirs croulant sous leurs profits pétroliers. Ces divers produits connaissent des croissances et des situations concurrentielles – donc des marges- fort différentes. Pour identifier les marchés porteurs, et évaluer les forces et faiblesses des concurrents, il faut donc décomposer les activités. Nous utilisons pour cela les rapports des constructeurs européens pour les années 1998 à 2008. Au-delà des seules productions en nombre de véhicules, ils permettent de

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mesurer leur taille économique, le chiffre d’affaires de leurs activités automobiles, et surtout d’approcher la profitabilité de leurs divers segments d’activité en reconstituant la marge avant impôts et frais financiers, et avant pertes et profits vraiment exceptionnels et non récurrents quand ils veulent bien les mentionner. Cette approche permet de redresser deux erreurs d’optique que commettent ceux qui se bornent à examiner les productions globales exprimées en nombre de véhicules.

Le tableau Ie reprend les catégories généralement retenues dans la profession. Il faut

d’abord distinguer les « Véhicules Légers », additionnant Voitures Particulières et Véhicules Utilitaires Légers, des « Véhicules Industriels », additionnant les Camions Lourds, et les Cars et Bus. Les VI apportent aux constructeurs européens 17% de leur chiffre d’affaires, et surtout 37% de leurs profits. Dans le segment des véhicules vraiment lourds –plus de 16 tonnes- l’Europe détient en effet, grâce à Mercédes, Man, Volvo-Renault Trucks et Scania un de ses derniers leadership mondiaux, que ni les derniers constructeurs américains ni les groupes japonais ne lui contestent pour l’instant.

Dans les Véhicules Légers, il faut distinguer 3 segments : Le plus dynamique est évidemment celui des voitures simples robustes et peu

coûteuses, de production essentiellement locale, destinées pour l’essentiel à la part minoritaire mais croissante des populations des pays en voie de développement accédant à l’age de l’automobile. Les plus simplistes ne sont guère plus que des 2 ou 3 roues améliorées. « Un parapluie motorisé » a-t-on surnommé la nouvelle Nano de TATA.

Dans tous les pays, la mondialisation se traduit par une envolée des inégalités, qui a de

fortes conséquences sur la croissance, et la profitabilité, des autres segments : depuis le printemps 2007, il y a plus de millionnaires (en dollars) en Chine qu’en France. Or que fait un nouveau riche qui n’a pas peur de le montrer : il achète une voiture prestigieuse (et très coûteuse pour éviter que son voisin ne tente de l’imiter). Le segment des voitures haut de gamme a donc connu jusqu’en mi 2008, dans tous les pays, une croissance beaucoup plus rapide que celui des voitures moyennes (5,3% par an contre 2,2%, pour les constructeurs européens), et permet de réaliser des marges beaucoup plus substantielles : En 2007, pour les constructeurs européens, 8,5% du chiffre d’affaires, contre 2,2% seulement, pour les constructeurs généralistes.

La pression de la concurrence des pays en voie de développement se traduit par une

faible croissance des revenus moyens, et une quasi stagnation des plus faibles. Ce sont malheureusement les acquéreurs potentiels des voitures bas et milieu de gamme qui sont la spécialité de la plupart des constructeurs des pays développés, et notamment des français japonais et coréens. Pour les constructeurs européens, ces ventes représentent encore en 2007, en nombre 85% du total, en chiffre d’affaires 61%, mais en marges 34% seulement. La faible croissance du segment –à peine 2,2% annuels de 1998 à 2007- se traduit en effet par des surcapacités croissantes, et une intense pression sur les prix et les marges. Elle est avivée, en Europe, par la sous-évaluation du yen, qui s’y traduit par une envolée des parts de marché des constructeurs japonais.

En nombre, et malgré une croissance moyenne 1998 à 2007 de 5,3%, les voitures haut

de gamme ne constituent que 16% de la production en nombre des constructeurs européens. Mais elles leur apportent 29% de leur chiffre d’affaires, et 62% de leurs profits.

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(6) MARGES DES CONSTRUCTEURS EUROPEENS

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2003 2004 2005 2006 2007 2008 2003 à 2008

pour

cent

s du

chi

ffre

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faire

s

Généralistes VL Spécialistes VL VI>6T TOTALES

Cette segmentation permet de comprendre la bonne résistance des groupes

automobiles sous contrôle allemand à la force de l’euro. En voitures, le très haut de gamme reste encore indiscutablement une spécialité

allemande et leur apporte 62% de leur chiffre d’affaires et 65% de leurs marges. Et les Véhicules Industriels lourds contribuent pour 16% à leur chiffre d’affaires et 16% à leurs marges. En revanche la profitabilité des constructeurs généralistes allemands (3,5% en 2007) n’est pas significativement meilleure que celle des constructeurs français. Si on leur rajoute les très médiocres résultats des filiales américaines installées en Allemagne, limitées aux seuls échanges intra européens mais subissant de plein fouet la concurrence japonaise, on constate que les performances des généralistes installés en Allemagne sont aussi médiocres que celles des autres constructeurs européens.

(7) MARGES DES CONSTRUCTEURS ALLEMANDS

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2003 2004 2005 2006 2007 2008 2003 à 2008

pour

cent

s du

chi

ffre

d'af

faire

s

Généralistes VL Spécialistes VL VI>6T TOTALES

Pour clore cette revue des marges, on constate que 2007 a été, pour la rentabilité comme pour la croissance, l’une des meilleures des dernières années connues par l’industrie

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automobile mondiale. Le suivi trimestriel des marges présenté par le second chapitre montrera une détérioration de la profitabilité avant même le déclenchement de la crise financière, suivie au dernier trimestre 2008 par un véritable effondrement de la rentabilité des constructeurs, particulièrement marqué pour les groupes américains, japonais et français.

C. LES ACTEURS DE L’INDUSTRIE AUTOMOBILE 1. Le recensement des constructeurs. Les médias et le grand public se passionnaient périodiquement pour ce qu’ils croyaient

être le combat de Général Motors pour conserver la première place mondiale que lui disputerait Toyota. Les informations publiées et les commentaires qui les accompagnent étaient, jusqu’à ces dernières semaines, en dehors de la plaque. En termes de taille, le véritable critère est le chiffre d’affaires. Mais, à moyen terme le critère majeur est la puissance financière, qui dépend de la capacité à réaliser des marges suffisantes pour soutenir une croissance durable. Le tableau If rappelle le résultat d’exploitation 2008, déjà perturbé pour certains des concurrents par le début de la crise, mais classe les groupes en fonction du total des marges 2003 à 2008.

Toyota était en 2008, et de très loin, le numéro un mondial pour la taille et surtout

pour la puissance financière : malgré le début de contre performance 2008, le groupe japonais a réalisé tout simplement près de 40% de la marge totale 2003 2008 de l’ensemble des constructeurs automobile mondiaux. Et Général Motors ne détenait plus qu’un seul record, celui des pertes les plus gigantesques.

La prise de contrôle de Man et Scania par Volkswagen, et l’affrontement en cours

entre Volkswagen et Porsche pour savoir qui avalera l’autre, pourrait créer un numéro deux mondial potentiel pour la polyvalence, la taille et la puissance financière. Il y a un an, le même classement aurait, pour les mêmes raisons, placé en numéro deux Daimler Chrysler. Mais ce dernier est redevenu, après l’échec de son rachat de Chrysler et Mitsubishi, un simple spécialiste. Il faut donc être fort prudent face aux tentatives de regroupement.

Sur la base des réalisations 1998 2008 l’indiscutable numéro deux mondial est

l’alliance Renault Nissan. Et les redressements successifs de Nissan, Dacia et Samsung prouvent que des rapprochements bien menés peuvent réussir.

Revenu à une position de simple spécialiste, mais dans deux activités très rentables,

Daimler reste tout de même, en taille mais surtout en puissance financière, au contact des 3 grands, suivi par Honda, BMW et Hyundai. La surévaluation du won a lourdement fait chuter les marges de ce dernier de 2003 à 2007. Malgré ce handicap, le groupe coréen n’a pas sacrifié sa croissance, et se hisse à la septième place mondiale, devant PSA, aux dépends d’une certaine fragilité financière.

Au-delà, on trouve les groupes à problèmes. Malgré son redressement en 2007 2008,

FIAT est simplement en convalescence. La reprise des activités viables de Chrysler, même passées à la paille de fer après mise en faillite, sera un challenge colossal. La rechute du marché américain en 2008 fait replonger les trois groupes américains, plombés par des lignes de produits obsolètes et les surcoûts de leurs charges sociales. GM ne gagnait d’argent qu’en Chine – beaucoup, mais pour combien de temps ?- en Amérique du Sud et en Russie. Nous reviendrons dans les second et troisième chapitres, sur les derniers développements de la

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tentative de sauvetage d’une industrie automobile américaine par le gouvernement, et les enseignements que peuvent en tirer dirigeants et autorités politiques européennes.

En matière de performances, la taille et la puissance financière absolue sont loin d’être

la clé unique. En termes de rentabilité, ce sont deux spécialistes dominant leurs niches, Porsche et Scania, qui occupent les deux premières marches du podium. En combinant les critères de croissance à long terme et rentabilité, ce sont deux groupes émergents, SAIC chinois et TATA indien qui se détachent. Si Toyota n’était pas déjà classé comme numéro un absolu, il mériterait tout à fait de figurer en tète de ce classement des champions : Arriver à la première place mondiale par pure croissance interne nécessite au moins deux décennies de performances exceptionnelles. Il est vrai que le survol de la dernière décennie n’encourage guère à rechercher la croissance externe. A part le véritable jack pot qu’a été –pour les deux partenaires - le rapprochement entre Renault et Nissan, qui n’est d’ailleurs pas une fusion au sens classique, les échecs –sanglants - abondent. Coûteux fiascos des prises de contrôle de Chrysler et Mitsubishi par Daimler, et du rachat de Rover par BMW, échec de la tentative de rapprochement entre GM et Fiat, coûteuses désillusions de Ford dans ses reprises de Jaguar et Land Rover, revendus à TATA à moins de la moitié du prix d’achat, malgré les milliards d’investissements et de pertes accumulés après la reprise.

Si l’on intègre la « capacité à prendre les bonnes décisions stratégiques » parmi les

critères de choix, Renault est un sérieux candidat au titre de champion de l’adaptation à la mondialisation, devant Toyota et Honda. Certes la mobilisation de ses forces vives dans la réussite de ses opérations de développement à l’étranger explique peut-être une part des contre-performances de Renault sur son site national. Mais pour ce qui est du seul point vraiment préoccupant, l’évolution de la profitabilité (pour l’ensemble de la période 2003 2008, Nissan a dégagé plus de 80% des marges hors activités financières de l’alliance) et les conséquences qu’elle pourrait avoir sur les rapports de force entre les deux alliés, la responsabilité principale est celle des autorités politiques et monétaires de l’Euroland, pour leur absence de gestion de l’euro, et ses calamiteuses conséquences sur la compétitivité des sites industriels de l’Euroland.

2. Les quatre pôles Au-delà de l’analyse des trajectoires individuelles, les présentations classiques

regroupent la vingtaine des principaux groupes automobiles des pays développés en trois pôles : Américains, Européens et Japonais. Pour mieux prendre en compte la mondialisation de l’industrie automobile, le tableau Ig adopte une présentation exhaustive.

- En ajoutant les Coréens, les 22 principaux groupes des pays développés sont

regroupés en trois pôles, Américains, Européens et Asie développée. - Parmi la multitude de constructeurs dans les pays en développement seuls deux

groupes semblent émerger : Tata en Inde, doublement sous les feux de l’actualité pour son rachat de Jaguar et Land Rover et le lancement d’une « nano » voiture à 2000 dollars, SAIC en Chine, le principal associé de GM et Volkswagen, propriétaire de la marque Rover et en train de lancer sa propre gamme de voitures. A partir des informations relativement détaillées publiées par ces deux groupes, et des estimations plus sommaires trouvées sur trois autres « grands » chinois –Dongfeng, FAW et Changan - il est possible d’esquisser les contours des industries automobiles Chinoise et Indienne. Elles comprennent encore une multitude de petits constructeurs locaux, mais quelques grands groupes, autour desquels se fera

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probablement une consolidation de ces industries, commencent à émerger. En dehors de TATA et Suzuki, qui est maintenant le second constructeur indien, ce sont essentiellement les groupes chinois qui, à travers les joint ventures conclues avec les grands constructeurs mondiaux, brûlent les étapes pour rejoindre les standards internationaux de qualité et productivité. Ces groupes évolués forment le quatrième pole, « Asie Emergente », qui inclue approximativement la moitié des industries automobiles chinoise et indienne.

Cette présentation fera peut être hurler les puristes. Seul Tata paraît à la fois

indépendant, grand –environ un tiers de l’industrie automobile indienne et déjà 0,5% des 4 pôles- et surtout très rentable jusqu’en 2007 et doté de bureaux d’études performants. Mais, sans même aller jusqu’à imaginer des évolutions extrêmes transposant les nationalisations du pétrole iranien par Mossadegh ou du canal de Suez par Nasser, on peut faire confiance aux capacités d’imitation et d’innovation et au nationalisme chinois pour créer, dans les 5 ans à venir, un ou plusieurs grands centres de décision mondiaux chinois dans l’automobile, beaucoup moins dociles aux impulsions étrangères, dont SAIC sera très probablement une des bases. Au-delà des contraintes juridiques, le tableau Ig dresse donc un état des lieux réalistes des actuels et futurs centres de décision mondiaux.

Cette présentation permet de constater : - La montée en puissance des deux pôles asiatiques, qui réalisent en 2008 près de 50% de la production et 45% du chiffre d’affaires total. Malgré les premiers impacts de la crise, leurs marges restaient en 2008 largement positives. - Le déclin du pole européen qui ne réalise plus en 2008 que 30% de la production mondiale - contre 34% en 1998 - et 36% du chiffre d’affaires. Ses marges restaient en 2008 nettement supérieures à celles de ses concurrents asiatiques, grâce à ses spécialistes haut de gamme voitures et VI. - La descente aux enfers du pole américain dont les pertes d’exploitation 2008 sont équivalentes aux profits des trois autres pôles : pour la première fois dans l’histoire la marge d’exploitation globale des constructeurs des quatre pôles est nulle.

(8) MARGES DES CONSTRUCTEURS EUROPEENS

-6

-4

-2

0

2

4

6

8

10

2003 2004 2005 2006 2007 2008 2003 à 2008

pour

cent

s du

chi

ffre

d'af

faire

s

SUEDOIS (VI) ALLEMANDS ITALIENS FRANCAIS

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15

Les groupes Français ne font, comme les autres généralistes européens, que des marges très faibles (moins de 2% du chiffre d’affaires, pour le résultat d’exploitation hors activités financières, hors quote-part des résultats de Nissan pour Renault). Les marges européennes sont réalisées par les spécialistes allemands et suédois du très haut de gamme, voitures et camions. La convalescence du groupe Fiat mérite d’être soulignée, car elle intervient malgré un marché national atone, et une surévaluation particulièrement marquée de la monnaie nationale, en raison de la forte inflation italienne. Nous nous interrogerons plus loin sur les raisons de ces mutations.

3. Il ne faut pas oublier les fournisseurs Globalement, les chambres syndicales estiment que 75% du prix de revient des

véhicules est réalisé par l’ensemble des fournisseurs, dont 30% par les fournisseurs d’équipement. En comparant les chiffres d’affaires, valeurs ajoutées et marges réalisés par les constructeurs sur leur marchés nationaux et ce que les comptables nationaux appellent les « branches automobiles », on constate un écart variable suivant les postes et les pays.

Cet écart n’est déjà pas négligeable pour le chiffre d’affaires, car une partie de la

production des fournisseurs d’équipement n’est pas destinée à leurs constructeurs nationaux, mais directement aux clients finaux –marché de la rechange- ou à l’exportation. Mais pour la valeur ajoutée et les effectifs, un quart à un tiers des chiffres des branches automobiles sont fournis par les fournisseurs d’équipement. Ces écarts sont particulièrement importants pour l’Allemagne qui dispose d’équipementiers très puissants capables de rivaliser avec leurs concurrents japonais et américains. L’industrie française des équipementiers est la seconde d’Europe, mais loin derrière l’allemande.

Rares sont les fournisseurs dont la taille, la diversification des clients et la puissance

financière sont suffisantes pour maintenir des relations commerciales et financières équilibrées avec les grands constructeurs. Quand ces derniers s’enrhument, beaucoup de fournisseurs sont atteints de congestion pulmonaire, quand ce n’est pas d’infarctus mortels.

D. L’IMPACT DES PARITES SUR L’ECONOMIE REELLE 1. PARITES ET POLITIQUE SOCIALE : LE « COIN MONETAIRE » Dans l’industrie automobile, les carnets de commande et les couvertures de change

dépassent rarement quelques mois. Les fluctuations de parité peuvent donc entraîner, en quelques mois, des variations des politiques de prix, des performances commerciales et des résultats financiers. Elle repose d’autre part sur des productions de grande série, très automatisées, pour lesquelles la main d’œuvre peut être formée assez vite. Et le rythme de renouvellement des modèles est relativement rapide, et crée des occasions de délocalisation. Toutes ces caractéristiques ont poussé les grands constructeurs à créer des unités de production proches de leurs clients, ce qui, à long terme, constitue la meilleure des protections contre le risque de change. Et l’étape suivante, délocaliser les bureaux d’étude, a commencé.

En économie mondialisée, le juge de paix de la compétitivité est l’évolution des coûts

exprimée en monnaie internationale. Pour le facteur travail, c’est le « coût unitaire » (contenu en travail d’une unité produite). Pour toutes ces comparaisons internationales ce sont des « années –hommes », et en « équivalent temps plein » qu’il faut mettre au dénominateur. Ainsi évaluées, et exprimées dans un premier temps en monnaies nationales, les évolutions

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16

1997 à 2009 du site allemand, catastrophiquement mal placé jusqu’en 2006 ont fini par rejoindre puis dépasser le site français. Il est vrai que le premier a additionné restructurations et austérité salariale, alors que le second, bien placé jusqu’en 2005, a ensuite connu une dérive impressionnante. De toute manière la concurrence intra européenne n’est qu’un épiphénomène régional. Le vrai problème est le gouffre vertigineux qui s’est creusé depuis 2005 face aux sites japonais et chinois.

(9a) COUT UNITAIRE NATIONAL DU TRAVAIL

40

50

60

70

80

90

100

110

120

130

1997 1999 2001,00 2003 2005 2007 2009 2011

Bas

e 19

97 =

100

FRANCE JAPON

Allemagne CHINE

Si les parités étaient au service de l’économie réelle, leur évolution devrait contribuer

à réduire ce gap. Ce n’est pas le cas pour l’Euroland. Exprimées en « Parités de Marché », le gap s’accroît au contraire du montant de l’appréciation de l’euro.

L’évolution du coût unitaire national du travail résulte de la hausse du coût du travail

déflatée par la hausse de la productivité. Première et principale raison de la perte de compétitivité du site automobile français, il est depuis 2005 lanterne rouge en matière de productivité face à ses grands concurrents et le site allemand fait à peine moins mal.

La productivité apparente du travail n’est qu’une approche très imparfaite, dans une industrie où le coût du travail ne représente qu’une part très minoritaire de prix de revient, moins de 10% pour le site automobile français. En dehors du coût et de la productivité apparente du seul travail les constructeurs peuvent améliorer leurs prix de revient en concevant et utilisant plus intelligemment leurs moyens de production et surtout en « optimisant » leur consommation intermédiaire, souvent au détriment de leurs fournisseurs nationaux. Il faut donc calculer la productivité globale de ces trois facteurs de production. Hélas, même dans cette approche plus exhaustive, la productivité du site automobile français s’effondre à partir de 2006. Et le site allemand rejoint simplement le site japonais. Malgré le plongeon essuyé en 1998 à la suite de la crise financière qui a très durement affecté l’économie réelle coréenne, son site automobile a fait infiniment mieux que ses concurrents des pays automobiles plus matures. Pour la Chine, une estimation portant sur l’ensemble de l’industrie manufacturière suggère que, malgré une intensité capitalistique très rapidement croissante et un probable surinvestissement dans les années récentes, la productivité globale a connu sur l’ensemble de la période des progressions annuelles tournant autour des 10%. Cet indicateur est très sensible au rythme de croissance, ce qui participe aux remarquables

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17

performances coréenne et chinoise et explique largement la contre-performance du site français, en sous activité croissante en raison de la délocalisation intensive précédemment soulignée.

(10b) PRODUCTIVITE GLOBALE DES FACTEURS

70

90

110

130

150

170

1997 1999 2001 2003 2005 2007 2009 2011 2013

Bas

e 19

97 =

100

FRANCE JAPON

Allemagne COREE

Les évolutions divergentes de la croissance et de la productivité ont une première

conséquence sur la croissance des effectifs des différents sites. Les effectifs japonais croissent régulièrement depuis 2001. Les effectifs allemands ont commencé à décroître depuis 2003, mais restent en 2007 à 10% au dessus de 1997. Sur le site français la chute a atteint 15% de 2003 à 2007, les ramenant 10% au dessous du niveau 1997. Et cela est loin d’avoir suffi à rétablir la productivité.

(11) EVOLUTION DES EFFECTIFS

60

70

80

90

100

110

120

130

140

1997 1999 2001 2003 2005 2007 2009 2011 2013

Bas

e 19

97 =

100

FRANCE JAPONAllemagne CHINE

Pour SAIC, la très forte croissance suffit à peine à stabiliser le niveau des effectifs. Il

en va de même pour l’ensemble de l’industrie manufacturière chinoise : les gains de la

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productivité apparente du travail sont du même ordre de grandeur que la très forte croissance. Nous avons donc extrapolé cette constatation pour l’ensemble du site automobile chinois.

Deux phénomènes conduisent à tempérer le jugement porté sur l’effondrement de la

productivité en 2008 2009, en France notamment. - L’industrie automobile en général, et les constructeurs en particulier, recouraient intensivement à des intérimaires pour faire tourner leurs chaînes de montage. En six mois ils en ont réduit le nombre de 30 000. Or ces personnels ne sont pas recensés dans les effectifs et frais de personnel des constructeurs, mais dans la consommation intermédiaire de services. La productivité de l’ensemble de la main d'œuvre employée a donc chuté moins spectaculairement. - Le solde des effectifs de production subit, depuis l’automne 2008, de longues semaines de chômage technique. La productivité horaire de l’ensemble du personnel de production n’a donc pas chuté dans les mêmes proportions. A défaut de productivité il faut limiter la hausse des coûts salariaux. Sur ce plan, le site

français fait nettement « mieux » que les sites allemand et japonais. Au grand dam de ses personnels puisque ce ratio mesure l’évolution du pouvoir d’achat de l’ensemble des rémunérations versées : il avait cru –très modérément- de 2001 à 2004, pendant les bonnes années vécues par le site automobile français. Il a chuté de 10% pendant les trois années suivantes, pour revenir au dessous du niveau 1997.

(12) POUVOIR D'ACHAT NATIONAL

90

100

110

120

130

140

1997 1999 2001 2003 2005 2007 2009 2011

Bas

e 19

97 =

100

FRANCE JAPON Allemagne CHINE

Les marges sur les ventes à l’étranger sont égales à la différence entre la valeur ajoutée

et le coût international du travail, mesurés en parités structurelles pour ne retenir que les tendances lourdes. En exprimant ces deux grandeurs par personne et en les comparant à celles de l’ensemble des sites automobiles des pays développés, on mesure l’efficacité dont font preuve les sites dans leur utilisation du personnel. On constate

-Le décrochage du site français pour les deux critères, qui explique la plongée de sa profitabilité.

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19

-La montée en puissance de la création de richesse du site chinois, qui n’est que très partiellement répercutée au personnel, mais est consacrée prioritairement à l’amélioration des marges, indispensable pour financer un colossal effort d’investissement.

(13) VALEUR AJOUTEE INTERNATIONALE / EMPLOI

10

30

50

70

90

110

130

150

170

1997 1999 2001 2003 2005 2007 2009 2011

Bas

e PA

YS D

EVEL

OPP

ES =

10

FRANCE JAPON

Allemagne CHINE

(14) COUT INTERNATIONAL DU TRAVAIL / EMPLOI

0

20

40

60

80

100

120

140

160

1997 1999 2001 2003 2005 2007 2009 2011

Bas

e PA

YS

DEV

ELO

PPE

S =

100

FRANCE JAPON Allemagne CHINE

2. LES PARITES, LES PRIX ET LES MARGES Comment expliquer le redressement indiscutable des marges des constructeurs

européens observé en 2007, alors que l’amélioration semble beaucoup plus limitée pour les sites automobiles nationaux ?

Il faut d’abord rappeler que les fabricants d’équipement sont inclus dans le périmètre

des sites au sens « comptabilité nationale. Or ces derniers ont été particulièrement pressurés

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20

par leurs clients constructeurs. Il faut ensuite souligner la part rapidement croissante des profits des constructeurs réalisés par leurs filiales étrangères, en Chine, Europe Centrale et Amérique du Sud. Mais surtout, dans le cas des constructeurs allemands, il a été possible ces dernières années, de beaucoup mieux répercuter la hausse de leurs coûts nationaux dans le prix auquel ils parviennent à vendre leur valeur ajoutée. La valeur ajoutée est la différence entre le chiffre d’affaires et la consommation intermédiaire. L’évolution de son prix combine donc les variations des prix de ces deux agrégats :

- La première raison est le résultat de l’organisation industrielle. En se spécialisant

dans l’assemblage final, les usines allemandes ont pu baisser le coût de leurs achats par un recours accru aux importations, notamment en provenance de leurs filiales étrangères : le « contenu en importations » des exportations automobiles allemandes est de l’ordre de 40%, et ces importations à bas coût font baisser les prix des achats. Il sera de plus en plus difficile de pousser plus loin ce processus : l’étape suivante sera de confier la totalité de la production d’un modèle à une filiale étrangère, comme le font déjà Renault Peugeot et d’ailleurs Volkswagen.

- Ensuite les constructeurs allemands ont réussi à répercuter en partie la hausse

de l’euro dans leurs prix de vente à l’étranger. Cette agressivité sur les prix est essentiellement le fait des constructeurs haut de gamme. La troisième partie s’interrogera sur la pérennité de ce comportement.

-

(15) PRIX DE LA VALEUR AJOUTEE DES SITES

60

70

80

90

100

110

120

130

1997 1999 2001 2003 2005 2007 2009 2011

Bas

e 19

97 =

100

FRANCE JAPON

Allemagne COREE

CHINE

La troisième partie explicitera les hypothèses volontaristes qui sous tendent le

redressement espéré, mais en définitive bien modeste, des marges du site automobile français. 3. RENTABILITE ET LOCALISATION DES INVESTISSEMENTS Périodiquement, les thuriféraires de l’euro fort se désolent du manque

d’investissement qui serait à leurs yeux la cause principale du manque de compétitivité du site français. La comparaison des comportements des sites et des constructeurs apporte en ce domaine une fort intéressante information. Depuis 1998, les investissements du site automobile français décrochent par rapport à ceux de leurs concurrents allemands et japonais.

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(16) INVESTISSEMENTS CORPORELS DES SITES

3

4

5

6

7

8

9

10

1991 1993 1995 1997 1999 2001 2003 2005 2007 2009

Pou

rcen

ts d

u Ch

iffre

d'a

ffair

es

Allemagne JAPON

FRANCE COREE

Mais, pour les groupes constructeurs, la constatation est fort différente : les français

sont largement en tète pour l’intensité de leurs investissements corporels mondiaux. Il suffit de parcourir la presse pour comprendre cette divergence : les investissements de capacité étaient jusqu’en 2007en totalité consacrés au développement des implantations à l’étranger, Europe centrale, Chine, Amérique du Sud, Turquie, et bientôt Maroc Russie et Inde. Sur le site Français, les investissements étaient limités à l’adaptation au lancement de quelques nouveaux modèles.

(17) INVESTISSEMENTS CORPORELS DES GROUPES

4,0

4,5

5,0

5,5

6,0

6,5

2004 2005 2006 2007 2008 2003 à 2008

pour

cent

s du

chi

ffre

d'af

faire

s

AMERICAINS EUROPEENS JAPONAIS 4 POLES

On ne peut donc accuser les constructeurs français de manque de dynamisme, ils sont

tout simplement à l’avant-garde de la double adaptation qui s’impose aux groupes industriels de l’Euroland : Aller chercher la demande mondiale où elle se trouve et, ayant constaté que la compétitivité de l’économie est – dans les faits- le cadet des soucis des autorités

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monétaires et politiques de l’Euroland, le faire par implantations locales chaque fois que le site national n’est pas compétitif face à ses concurrents.

On constate de même qu’au niveau des groupes l’effort mondial en recherche et

développement des européens se situe nettement au dessus des 3 autres pôles.

(18) INVESTISSEMENTS R&D DES GROUPES

3,2

3,6

4,0

4,4

4,8

5,2

2004 2005 2006 2007 2008 2003 à 2008

pour

cent

s du

chi

ffre

d'af

faire

s

AMERICAINSEUROPEENSJAPONAIS4 POLES

Dans les choix rationnels de localisation des investissements, c’est « l’espérance de

gain », écart entre le taux de rentabilité interne et le coût de l’argent qui est le critère de choix ; On peut estimer que cet écart doit être d’au moins 2 à 3% pour justifier les risques pris. Pour un grand groupe transnational maîtrisant l’accès aux instruments offerts par les marchés financiers le coût de l’argent est du même ordre dans tous les pays. C’est donc le taux de rentabilité interne qui fait la différence. Et il suffit d’admirer la belle rentabilité passée du site industriel et des groupes japonais pour vérifier que la parité de combat du yen face au dollar et à l’euro avait été un atout majeur jusqu’en fin d’année 2007.

Au vu du graphique suivant on comprend que Toyota et Honda envisageaient –en

2007 – de construire de nouvelles usines d’assemblage au japon, mais que les constructeurs européens, notamment les français, ne faisaient plus que de simples investissements de renouvellement et productivité sur leurs sites nationaux, implantant toutes leurs créations de capacités à l’étranger. Et que beaucoup de fournisseurs d’équipement disparaissaient, ou « votaient avec leurs pieds » en abandonnant également leur site national.

Malgré des hypothèses volontaristes, pour ne pas dire, optimistes, la rentabilité de

l’ensemble du site automobile français reviendrait, compte tenu du chemin à parcourir, à peine à l’équilibre, et pas avant 2011. En revanche les deux constructeurs pourraient, avec ces hypothèses retrouver l’équilibre dès 2010, grâce à l’apport de leurs filiales étrangères.

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(19) TAUX DE RENTABILITE INTERNE DES SITES DES SITES

-5

-3

-1

1

3

5

7

9

11

1991 1993 1995 1997 1999 2001 2003 2005 2007 2009 2011

Rés

ulta

t d'e

xplo

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n / C

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uvre

(%)

Allemagne JAPON FRANCE

4. PRODUCTIVITE et RENTABILITE dans les PAYS EMERGENTS Il est beaucoup plus difficile d’estimer productivité et rentabilité des capitaux dans des

pays émergents comme la Chine et l’Inde. Dans le cas de TATA et SAIC toutefois les informations publiées permettent de cerner correctement les ordres de grandeurs pour les six derniers exercices.

Pour TATA, croissance annuelle du chiffre d’affaires de 24%, des effectifs de 2,3%.

Les prix de vente semble avoir légèrement baissé, la productivité apparente du travail est certainement supérieure à 20% par an, dont la moitié seulement rétrocédée aux employés (croissance annuelle des frais de personnel par personne de 11%). Avec un résultat d’exploitation proche de 10% du chiffre d’affaires, le Taux de Rentabilité Interne est compris entre 15 et 20%.

Pour SAIC, le nombre de véhicules a cru de 28% par an, le chiffre d’affaires de 22%

seulement, les effectifs de 2,8%. Belle illustration du cercle vertueux d’une industrie en cours de décollage : très forte productivité apparente du travail – proche de 25%- permettant à la fois des hausses non négligeables des rémunérations (18% par an), des baisses substantielles des prix de vente ( de l’ordre de 5% par an) contribuant efficacement à l’envolée de la demande, et une rentabilité plantureuse : le Taux de Rentabilité Interne doit être proche de 20%. « Le choc des économies » a consacré quelques paragraphes aux méthodes utilisées par les groupes transnationaux pour prélever une partie des marges réelles, au-delà de dividendes souvent fort limités, sous des formes diverses. Il est donc probable que les marges officielles de SAIC ne sont pas surestimées, et que les joint ventures de Volkswagen et GM en Chine contribuent très significativement aux résultats consolidés de ces deux groupes.

Il est peu probable que ces deux cas particuliers soient représentatifs de l’ensemble des

industries automobiles de la Chine et de l’Inde, et a fortiori des autres pays en voie de développement. Nous avons donc procédé à de forts abattements pour estimer l’ensemble des industries automobiles chinoise et indienne, et a fortiori de la masse des autres pays en voie de développement. Les évaluations présentées sont donc des ordres de grandeur plausibles, et largement perfectibles.

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CHAPITRE II : 2008 2009

LA PLONGEE AUX ENFERS

Pour mieux comprendre le déroulement de la crise qui a frappé l’industrie automobile

dans les pays développés, et l’enchaînement de ses conséquences sur la profitabilité et les structures financières des constructeurs, il faut pratiquer un suivi trimestriel des années charnières 2008 et 2009. C’est l’objet de la section A.

Pour au moins deux des constructeurs suivis, Chrysler et GM, la détérioration des

comptes a franchi début 2009 le seuil de l’irréparable. Après quelques mois de bouche à bouche financier le gouvernement américain s’est résolu à prendre la situation en mains pour imposer aux entreprises et à leurs bailleurs de fonds une restructuration industrielle et financière drastique. La section B décrit les derniers développements financiers connus de cette prise en mains. Les leçons à en tirer sur le plan industriel, pour les dirigeants et autorités politiques de l’Euroland, seront traitées dans le chapitre suivant.

A. LE SUIVI TRIMESTRIEL DE LA CRISE

Tous les grands groupes automobiles cotés en bourse publient et commentent des comptes trimestriels qui permettent de mesurer la brutalité et l’ampleur du retournement de marchés automobiles, de leurs performances et de leurs situations financières. Pour cette analyse, nous nous appuyons sur les informations fournies par 14 groupes, 2 français, 3 allemands, 2 suédois, 1 italien, 2 américains –Chrysler n’était plus coté depuis sa prise de contrôle par le fonds Cerbérus- et 4 japonais. Ils constituent l’essentiel de l’industrie automobile des pays développés qui, en ce début de crise, subissent l’essentiel des dommages. Sur tous les graphiques qui vont suivre sont repris, à partir du second trimestre 2009, les projections découlant du scénario macroéconomique dit « optimiste » que présentera la troisième partie.

1. L’évolution des ventes, des stocks et de la production Les ventes publiées par les constructeurs récapitulent en général les véhicules placés

dans leurs réseaux de vente et peuvent différer plus ou moins sensiblement des immatriculations finales. Les reculs des ventes annoncés par les constructeurs, compris entre 15 et 25% au quatrième trimestre 2008 et premier trimestre 2009, ne surestiment certainement pas l’effondrement des ventes finales réelles. A partir des premiers mois 2009, ces ventes sont gonflées, dans un nombre croissant de pays, par des « primes à la casse » plus ou moins généreuses. L’alibi écologique de ces primes les réserve à l’acquisition de voitures peu gourmandes en pétrole donc accroît la distorsion en défaveur des voitures haut de gamme. Même la Chine a recours depuis février 2009 à des incitations fiscales également ciblées sur le bas de gamme pour enrayer un recul du marché qui prenait des allures de catastrophe dans un pays qui a besoin d’une croissance soutenue pour éviter une crise sociale. Nous expliciterons, dans le chapitre suivant les hypothèses retenues pour les effets immédiats et différés, de ces incitations.

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25

(25) VENTES MONDIALES DES CONSTRUCTEURS

-30

-25

-20

-15

-10

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0

5

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Q1 2008 Q3 2008 Q1 2009 Q3 2009 Q1 2010 Q3 2010

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ann

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2 Groupes Français3 Groupes Allemands4 Groupes Japonais2 Groupes Américains

Les stocks restant au bilan des constructeurs ont atteint fin 2008 un point haut. Ces stocks trop abondants sont doublement dangereux :

- Pour les écouler, il faut consentir des « sacrifices commerciaux » d’autant plus importants que certains sont des véhicules dont la crise a fortement réduit la demande ou qui sont déclassés par les performances de nouveaux concurrents apparus sur le marché, sacrifices qui achèvent d’amputer les marges. - Leur gonflement contribue largement à l’envolée de l’endettement financier que nous constaterons plus loin.

(26) LES STOCKS DES CONSTRUCTEURS

6

8

10

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14

16

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Q1 2007 Q3 2007 Q1 2008 Q3 2008 Q1 2009 Q3 2009 Q1 2010 Q3 2010

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26

Résorber ces surstocks est donc la priorité absolue de tous les constructeurs en 2009, ce qui nécessite malheureusement des réductions de productions encore plus importantes que celles précédemment constatées pour les ventes. Nous expliciterons, dans le chapitre suivant les hypothèses retenues pour la mesure et la résorption de ces surstocks.

2. L’évolution des marges

Le résultat net final est un très mauvais indicateur pour comparer des constructeurs dont la structure financière, les politiques de provisionnement des risques et fiscale sont fort différentes. De plus certains ont des filiales financières dont les profits peuvent rester non négligeables, alors que d’autres ont été contraints de les céder pour boucher les trous. Nous utilisons donc le résultat du seul groupe industriel, en excluant chiffre d’affaires et marges des filiales financières. Et nous reconstituons le résultat courant avant frais financiers, impôts et produits et charges exceptionnels, du moins quand ces derniers sont mentionnés.

- Au quatrième trimestre 2008, seuls les trois constructeurs allemands restent

légèrement bénéficiaires – 2% de marge sur chiffre d’affaires – mais venant de +7% jusqu’au second trimestre 2008.

- Les deux constructeurs français passent d’un maigre +2% à une perte supérieure à

8% du chiffre d’affaires. - Au niveau du résultat courant, les japonais passent de +8% à -4%. - Toujours au niveau du résultat courant les deux constructeurs américains passent du

simple équilibre à une perte supérieure à 12% du chiffre d’affaires Tous les groupes observés sont au premier trimestre 2009 en perte d’exploitation,

Toyota et Volkswagen compris. Les seuls constructeurs du monde développé restant bénéficiaire seraient Scania et Hyundai, malgré un marché national en grave crise, grâce à la forte dépréciation du won.

(27) LA PROFITABILITE DES CONSTRUCTEURS (hors activités financières)

-16

-12

-8

-4

0

4

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Q1 2007 Q3 2007 Q1 2008 Q3 2008 Q1 2009 Q3 2009 Q1 2010 Q3 2010

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2 GroupesFrançais3 GroupesAllemands4 GroupesJaponais2 GroupesAméricains

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27

3. La détérioration des structures financières Pour juger l’évolution des difficultés des constructeurs et comprendre la réticence

croissante des banques à accroître ou même simplement maintenir leur soutien, il faut examiner l’évolution de l’endettement financier des seuls groupes industriels, excluant les filiales financières. On comprend la réticence des banques en observant l’envolée de l’endettement financier de la totalité des groupes aux troisième et quatrième trimestres 2008.

(28) L'ENDETTEMENT FINANCIER DES CONSTRUCTEURS(groupe industriel, hors filiales de financement des ventes)

-10

-5

0

5

10

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Q1 2007 Q3 2007 Q1 2008 Q3 2008 Q1 2009 Q3 2009 Q1 2010 Q3 2010

Pou

rcen

tsdu

chi

ffre

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faire

s

2 Groupes Français3 Groupes Allemands4 Groupes Japonais2 Groupes Américains

Cette dérive est très largement du au gonflement des besoins en fonds de roulement

c’est-à-dire au dérèglement transitoire du cycle « achat production vente » : - Gonflement des stocks constructeurs déjà souligné, - Mais également effondrement du crédit fournisseur du, à délais de règlement inchangés, à la forte réduction des approvisionnements entraînée par la révision des programmes de production. A laquelle se rajoute, dans certains cas, l’obligation de soutenir la trésorerie de fournisseurs exsangues en réduisant les délais de règlement. Heureusement cette hémorragie du bas de bilan est en voie de tarissement chez la

plupart des constructeurs : une fois les surstocks résorbés, les rythmes de la production et des ventes redeviendront identiques et le crédit des fournisseurs retrouvera son rôle de financement structurel des constructeurs.

Tous les constructeurs réduisant drastiquement leurs investissements, les

amortissements suffiront à les financer. Dans quelques mois il ne restera donc plus que les pertes ou profits pour faire varier l’endettement financier, et les banquiers et préteurs à long terme pourront revenir à leur métier traditionnel : apprécier les chances et les délais d’un retour à une situation bénéficiaire, et juger si la situation financière est assez solide pour tenir jusque là.

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28

Quel que soit l’imperfection de ce critère, un des éléments d’appréciation pour ce faire est l’examen du niveau des fonds propres comptables. Il fait apparaître :

- Une situation relativement confortable pour les 4 constructeurs japonais et les 3

allemands pris dans leur ensemble : ratio d’endettement financier net de l’ordre de 45% du chiffre d’affaires fin 2009 et 40% fin 2010.

- Une situation deux fois plus tendue pour les deux constructeurs français – ratio

d’endettement financier net de l’ordre de 20% du chiffre d’affaires fin 2009. Ils auront ainsi perdu en deux ans un tiers de leur matelas de sécurité.

Pour GM la disparition –et bien au delà - des fonds propres décrit une situation qui

allait, dès les derniers mois 2008, bien au-delà de la « commandite bancaire » classique où une entreprise ne survit plus que par le soutien de ses bailleurs de fonds, pour passer en régime de « commandite publique ». Ses auditeurs ont donc prudemment refusé de fournir l’attestation de viabilité, le fameux « going concern » aux comptes 2008, qui n’ont donc pu être arrêtés, même à l’issue des délais de grâce accordés par la Sécurity and Exchange Commission Le Trésor Américain a donc du se résoudre à monter en première ligne pour piloter les opérations.

(29) LES FONDS PROPRES DES CONSTRUCTEURS

-60-50-40-30-20-10

0102030405060

Q1 2007 Q3 2007 Q1 2008 Q3 2008 Q1 2009 Q3 2009 Q1 2010 Q3 2010

Pour

cent

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chiff

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2 Groupes Français3 Groupes Allemands4 Groupes Japonais2 Groupes Américains

CHAPITRE III : 2010 à 2013

L’ADAPTATION A LA MONDIALISATION EN CRISE

Comme toujours en période de crise, le plus dur est de prévoir la date et l’ampleur du creux. C’est particulièrement redoutable dans le cas des marchés automobiles, car les évolutions chaotiques de la production sont perturbées par la nécessaire résorption des surstocks existant fin 2008, et le coup de fouet transitoire qu’apportent les « primes à la casse » qui se généralisent. La section A est consacrée à ce périlleux exercice.

Page 29: Economie Reelle & Crise Extraits 22 06 Raoul Chabot 2010

29

Mais l’incertitude est également grande sur les évolutions à 3 et 5 ans, car elles

dépendront beaucoup de l’environnement économique et financier. La section B, qui s’appuie sur les prévisions les plus récentes du FMI de l’OCDE et les comptes du premier trimestre 2009 des principaux pays mondiaux que ne connaissaient pas encore ces deux organismes, tente d’encadrer les évolutions possibles de l’environnement macro économique entre deux scénarios optimiste et pessimiste.

Même si on exclut que la récession actuelle se transforme progressivement en

dépression, la section C montre que la fourchette des scénarios automobiles correspondant aux scénarios macroéconomique et financier est encore plus ouverte. Le seul point commun de ces variantes est que le niveau 2007 des marchés mondiaux ne sera pas retrouvé avant 2013 au plus tôt. Et avec une accentuation de la distorsion géographique : même dans le scénario optimiste les marchés des pays développés seraient encore en 2013 à -10% de leur niveau 2007, contre +25% pour ceux des. Pays en développement

Les surcapacités de production en place dans les pays développés resteront donc

massives au minimum jusqu’en 2013 à 2015. La section D en déduit qu’au-delà des mesures conjoncturelles de chômage technique il faudra se résoudre à de douloureuses restructurations dont les plans américains en cours de lancement situent l’échelle. Les pays qui chercheront à les freiner compromettront définitivement la compétitivité de leurs sites industriels.

A. HORIZON AUTOMOBILE 2009 2010 : FORTS COUPS D’ACCORDEON EN VUE

1. La résorption des surstocks En plus des stocks dits « constructeurs », il existe également des stocks importants

dans les réseaux commerciaux qui n’apparaissent pas au bilan des constructeurs, bien qu’ils soient souvent largement financés par leurs filiales financières. A ma connaissance PSA et Renault sont les seuls à fournir les évolutions en nombre de voitures de ces deux types de stocks. Opération de communication positive d’ailleurs, car elle permet aux analystes de vérifier la crédibilité de leurs efforts actuels d’assainissement des stocks globaux, alors que nombre de leurs concurrents se sont bornés, dans un premier temps, à déverser leurs excédents de voitures dans leurs réseaux.

Les données détaillées publiées par le Bureau of Economic Analysis américain

permettent d’illustrer les variations des flux de voitures dont résulte l’évolution des stocks globaux, constructeurs + réseau, pour les seules activités aux Etats Unis.

Les immatriculations ont commencé à ralentir dès le début de l’année 2008, pour

s’effondrer à partir du troisième trimestre 2008. La production n’a commencé à baisser qu’au quatrième trimestre 2008, et les importations des filiales étrangères mexicaines et canadiennes qu’au premier trimestre 2009. Les stocks globaux de voitures ont donc augmenté, en valeur absolue au second semestre 2008.

Pour vérifier que le système ne déraille pas, en accumulant des voitures dont la

demande s’effondre, il faut mesurer le volume des stocks en nombre de mois de ventes futures. Du début 2007 au printemps 2008 les stocks réels américains ne se sont guère éloignés de 2,45 mois de ventes futures. On peut donc considérer que ces 2,45 mois définissent aux Etats Unis, dans la structure du réseau commercial surdimensionné antérieur,

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30

l’optimum à respecter. Et tout ce qui est au-delà est donc un surstock. Ainsi calculés, ces derniers ont grimpé à un maximum de 600 000 voitures fin 2008, et se montent encore à 400 000 fin mars 2009. On comprend pourquoi les constructeurs américains annoncent la poursuite de très fortes réductions de production au moins au deuxième trimestre 2009. Et peut-être au-delà si la demande ne repart pas à l’automne.

(31) STOCKS DE VOITURES AUX ETATS UNISDonnées désaisonnalisées, source BEA

-200

0

200

400

600

800

1000

1200

1400

Q1 2007 Q3 2007 Q1 2008 Q3 2008 Q1 2009

mill

iers

de

voitu

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)

Stock réel

Stock optimum

Surstock

On retrouve un ratio légèrement inférieur -2,35 mois de ventes- pour la moyenne des

deux constructeurs français, pour l’ensemble de leurs stocks mondiaux et pas seulement nationaux. Au passage saluons la rigueur de la gestion des constructeurs français : dès fin mars 2009 ils étaient parvenus à ramener globalement leurs stocks à l’optimum, avec l’aide il est vrai des primes à la casse qui ont dopé les ventes dans nombre de pays européens. Une façon indirecte de juger la situation des autres concurrents est d’examiner les évolutions divergentes de la production et des immatriculations. Il semble que les constructeurs japonais et allemands ont commencé l’ajustement de leurs productions aux véritables ventes finales plus tardivement, et qu’il leur reste encore, à la fin du premier trimestre, pas mal de chemin à faire pour revenir à l’optimum. Interprétation suggérée : quand on est profondément persuadés de faire les voitures les plus attrayantes du monde, en qualité ou en prix, on commence par bourrer les stocks des concessionnaires –les ventes au réseau – avant de se résigner à réduire la production ? A en juger par le brutal freinage de la production automobile chinoise depuis la fin 2008, les surstocks n’auraient pas épargnés des constructeurs obnubilés par la conquête de parts d’un marché dont ils ne voulaient pas voir le ralentissement ?

Un ajustement économétrique de la production et des immatriculations mondiales

suggère que : - Les stocks mondiaux réels auraient fluctués autour de 20% de la production annuelle,

avec une tendance plutôt ascendante peut-être due à la croissance des exportations qui rendent la gestion des stocks et l’ajustement production ventes plus délicats ?

- Ils auraient continué à croître très rapidement en 2007 et 2008, alors que le tassement

puis l’effondrement des ventes réduisaient brutalement le niveau des stocks optimum. Cette

Page 31: Economie Reelle & Crise Extraits 22 06 Raoul Chabot 2010

31

analyse suggère que fin 2008 les surstocks mondiaux étaient plus proches de 4 que de 3 millions de véhicules.

- En valeur absolue la production mondiale serait donc pénalisée par la résorption des

surstocks au moins jusqu’à ès l’automne 2009. Les variations par rapport aux mois correspondants de 2008 redeviendront alors positives pour la plupart des constructeurs, ce qui redressera le moral des troupes et des actionnaires. Mais avec tout de même une réalité : s’il ne tient qu’aux stocks, la production pourra reprendre une certaine croissance, réduisant les tensions sur l’appareil industriel, surtout chez les constructeurs qui auront bien entamé son redimensionnement.

(32) STOCKS MONDIAUX DE VEHICULES

-2000

0

2000

4000

6000

8000

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16000

1997 1999 2001 2003 2005 2007 2009 2011

mill

iers

de

voitu

res

)

Stock réel

Stock optimum

Surstock

2. Les deux effets des « primes à la casse » a. La plupart des pays ayant des industries automobiles importantes – et des lobbies

puissants – ont adopté des incitations à l’achat de nouveaux véhicules, primes pour retirer du parc des véhicules âgés, dangereux et polluants, et avantages fiscaux pour les véhicules économes en énergie et peu polluants. Les effets à court terme sont immédiats et largement positifs, pour l’industrie automobile et l’ensemble de l’économie réelle. Dans les pays développés, les plus spectaculaires ont été constatés en Allemagne, où les 2300 euros de prime, calibrés pour essayer de relancer les ventes de grosses voitures produites en Allemagne, se traduisent surtout par une envolée des modèles de bas de gamme fabriqués en Italie, France et surtout Europe Centrale. Bel exemple d’un plan de relance profitant à l’ensemble de l’Europe, même si ce n’était pas exactement le but initialement poursuivi ! Mais le retournement le plus remarquable est celui du marché chinois, où les mesures fiscales poussant à acheter des petits véhicules se révèlent particulièrement incitatives : sur la lancée de progressions annuelles de plus de 50% depuis avril 2009, le marché chinois est sur une trajectoire menant vers des totaux 2009 compris entre 10 et 11 millions de véhicules. Et les immatriculations chinoises dépassent depuis 5 mois les immatriculations américaines.

Acheter une Logan avec une prime représentant un tiers à un quart de sa valeur est une

affaire. En quelques semaines il a fallu que les usines roumaines de RENAULT DACIA

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reviennent aux heures supplémentaires pour faire face à la demande. Les 3 à 5 millions de voitures qui pourraient être ainsi aidées en 2009 en Europe se traduiront probablement pour la première fois par une diminution du parc de voitures européen. Les immatriculations immédiates sont indiscutablement dopées, aidant à la réduction des surstocks de véhicules des gammes basses et moyennes, et redonnant du travail aux usines spécialisées dans leur production.

(33) FLUX AUTOMOBILES DES 19 PAYS DEVELOPPES

-1

0

1

2

3

4

5

6

7

8

9

1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012

Pou

rcen

ts

Immatriculations/parc

Retraits/parcCroissance du parc

b. Mais au moins les ¾ des ventes aidées seront un « effet d’aubaine », les achats qui

auraient été décidés en 2009 même en l’absence d’incitations. Par ailleurs ces primes sont ruineuses pour les finances publiques et peuvent difficilement être prolongées plus d’un an. Elles devraient normalement être relayées à partir du début de l’année 2010 par la relance des investissements publics. Les expériences antérieures, essentiellement françaises, montrent que le contrecoup ultérieur, lorsque les primes cessent, est douloureux pour l’industrie automobile : l’effet d’aubaine constaté n’est qu’un emprunt sur ce qu’auraient été les ventes normales des années ultérieures, et les immatriculations en souffriront durement en 2010 et peut-être même 2011, annulant, et probablement au-delà, l’effet positif de la fin de la résorption des surstocks.

3. Une reprise probable en W On s’interroge beaucoup pour savoir si la sortie de la récession sera pour l’ensemble

de l’économie réelle en V, en U en L ou en W. Voilà au moins un secteur où nous avons la très probable réponse : dans l’industrie automobile, par les seuls effets mécaniques de la résorption des surstocks puis des primes à la casse, la sortie risque fort d’être en W, c’est-à-dire embellie à l’automne 2009 suivie d’un trou d’air au premier ou second semestre 2010.

B. LES INCERTITUDES DE L’ENVIRONNEMENT MACRO ECONOMIQUE Au-delà de ces deux années dominées par des facteurs techniques propres à l’industrie

automobile, l’ampleur de la reprise ou du marasme ultérieur dépendra beaucoup de l’évolution de l’économie réelle et des trois sous-produits de la Sphère Financière auxquels

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33

l’industrie automobile est très sensible, qui sont la disponibilité et le coût du crédit à la consommation, l’évolution des prix du pétrole et de l’ensemble des matières premières, et surtout le niveau des parités, qui distribueront l’éventuelle reprise de la production entre les sites appartenant aux diverses zones monétaires.

L’importance de l’environnement financier mérite des développements étoffés, que le

lecteur trouvera dans la section C de la troisième partie. La présente section se limitera à constater que les incertitudes sur l’ampleur de la reprise de l’économie réelle sont grandes et d’ailleurs elles mêmes dépendantes des mêmes paramètres financiers.

1. UN DEBUT D’ANNEE 2009 DESASTREUX Dans les prochains mois les estimations fournies tous les trimestres par les

comptables nationaux vont être examinées avec une particulière attention pour déceler les tendances lourdes en action, et les possibilités de retournement. Un sondage parmi mes premiers lecteurs m’a montré qu’ils étaient nombreux à souhaiter une « piqûre de rappel méthodologique » pour leur permettre de décrypter ce flot d’informations. Nous allons utiliser pour ce faire les estimations publiées par les comptables nationaux des principaux pays développés pour le premier trimestre 2009. Et reprendre la distinction entre « Pays Cigales » et « Pays Fourmis » proposée dans « Le choc des économies », en opposant les performances des Etats-Unis et de la France d’une part, du Japon et de l’Allemagne d’autre part.

a. L’évolution du PIB Les taux de recul du PIB annoncés ont été de 5,9% pour les Etats-Unis, 4% pour le

Japon, 3,8% pour l’Allemagne, 1,9% pour le Royaume Uni et 1,2% pour la France. Cela signifie-t-il que la récession est beaucoup plus grave outre atlantique ? Mais non : les Etats-Unis font partie des pays annonçant des taux « annualisés », en multipliant par quatre le taux de variation trimestriel que publient la majorité des autres pays. A -1,5% en taux trimestriel le PIB américain résiste presque aussi bien à la crise que le PIB français.

Ces deux taux sont très utiles pour mesurer la tendance instantanée de la croissance.

Mais ils supposent de raisonner sur des chiffres trimestriels « désaisonnalisés et corrigés du nombre de jours ouvrables », calcul qui pose des problèmes redoutables. Ce biais est éliminé par un troisième taux, dit annuel, qui consiste à comparer le dernier trimestre à son homologue de l’année précédente (taux Tn / Tn-4) C’est le seul taux que publient beaucoup de pays, dont notamment la Chine. Pour les Etats-Unis, il fait apparaître des reculs de -2,5% pour le PIB, à comparer aux -9,1% du Japon, -6,9% pour l’Allemagne, -4,1 pour le Royaume Uni et -3,2% pour la France. Le jour où ce taux redeviendra positif on pourra dire que la reprise est confirmée. Mais la crise ne sera vraiment effacée que le jour où le niveau d’avant crise – fin 2007 – sera retrouvé. Cela risque de ne pas arriver avant fin 2011 pour les cigales, 2013 ou 2014 pour les fourmis.

Diviser le PIB par la population pour obtenir un indicateur de richesse est très critiqué,

et avec de très bonne raisons : plusieurs de ses composantes ne contribuent nullement, nous allons le vérifier, à la richesse des ménages. En revanche, en le divisant par le nombre d’emplois ou, mieux, par la Population en Age de Travailler, on obtient un indicateur de productivité permettant des comparaisons internationales pertinentes, et plein d’enseignements sur la situation nationale. C’est en effet l’évolution du PIB qui commande celle de l’emploi. Pas besoin de calculs sophistiqués pour comprendre que, si la reprise est

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aussi lente qu’on peut le craindre, l’envolée du chômage dans les pays développés va se poursuivre pendant plusieurs trimestres.

(34) EVOLUTION DES PIB

95

105

115

125

135

2005 2006- I

2006- III

2007- I

2007- III

2008- I

2008- III

2009- I

2009- III

2010- I

2010- III

2011- I

2011- III

Bas

e 19

97 =

100

Etats UnisJaponAllemagne France

b. L’effet « variation de stocks » Les variations de stocks sont un premier paramètre expliquant la volatilité du PIB

trimestriel. Complication supplémentaire, c’est la différence des variations de stocks entre deux périodes successives qui impacte le PIB.

- Aux Etats-Unis, le volume des stocks a baissé de 26 milliards $ au quatrième

trimestre 2008 et 91 milliards $ au premier trimestre 2009. Impact négatif sur le PIB de ce dernier trimestre : -91 – (-26) = -66 milliards $. Ce que les comptables nationaux appellent la contribution à la croissance du PIB a donc été de -0,6%.

- Au Japon, le volume des stocks a augmenté de 4,3 milliards de yens au quatrième trimestre 2008 et de nouveau de 3 milliards de yens au premier trimestre 2009. Impact négatif sur le PIB de ce dernier trimestre : 3 – (4,3) = -1,3 milliards de yens. Le ralentissement de la croissance des stocks a entraîné une contribution à la croissance du PIB de -0,2%.

Malheureusement la comptabilité nationale reste essentiellement une comptabilité de

flux. Les informations sur le niveau des stocks sont donc limitées dans la plupart des pays. Même si les estimations ci-dessus sont des ordres de grandeur, elles suggèrent que les stocks sont beaucoup plus bas aux Etats-Unis et en France qu’en Allemagne et au Japon, où l’industrie manufacturière tient une place plus importante. On constate surtout que dans ces deux pays ils ont considérablement augmenté au second semestre 2008, et encore au premier trimestre 2009. En Allemagne et au Japon la résorption des surstocks est loin d’être achevée et impactera encore négativement les comptes des prochains trimestres.

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35

(35) NIVEAU DES STOCKS

17

18

19

20

21

22

23

2007 - I 2007 - III 2008 - I 2008 - III 2009 - I 2009 - III

Pour

cent

s du

PIB

Etats UnisJaponAllemagne France

c. L’impact des échanges extérieurs Après celui de la sphère financière, le second retournement spectaculaire à l’automne

2008 a été l’effondrement du commerce international, à la fois en volume et en valeur. La gravité de cette plongée des échanges pour les pays développés a surpris les prévisionnistes, comme le montre le rappel des prévisions que le FMI faisait encore en mars 2009.

(36) EXPORTATIONS DES PAYS DEVELOPPES

130

140

150

160

170

2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013

Bas

e 19

97 =

100

RC OptimisteRC PessimisteFMI OptimisteFMI Pessimiste

Comme pour les stocks, c’est la variation de la balance commerciale en volume, et

non son niveau, qui impacte le PIB. Face à ce retournement, les « fourmis », pays qui comptent essentiellement sur leurs excédents commerciaux pour doper leurs croissances, sont particulièrement touchés. Le Japon est le seul pays fourmi dont la balance commerciale passe fin 2008 dans le rouge. Pour la Chine et l’Allemagne, les excédents restent conséquents, mais

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le simple ralentissement de leur croissance suffit à amputer significativement la croissance globale. Pour prendre l’exemple de l’Allemagne, la balance commerciale était de +11,7 milliards d’euros au quatrième trimestre 2008. Au premier trimestre 2009 ses exportations ont reculé de 9,7% et ses importations de 5,4%. Sa balance commerciale est tombée à +5,3 milliards d’euros. L’impact sur le PIB a donc été de 5,3-11,7 = -6,3 milliards d’euros, soit une contribution de -2,3% à la variation du PIB. Ceci explique l’ampleur des reculs de la croissance globale d’ores et déjà annoncés par la Chine l’Allemagne et le Japon. Le seul pays développé grand exportateur ayant échappé à la débâcle au premier trimestre 2009 a été la Corée, grâce à la dépréciation massive du won.

En sens inverse, le ralentissement des échanges mondiaux –et la récession -aident les

« cigales », pays qui vivent au dessus de leurs moyens au prix d’un gonflement de leurs déficits commerciaux, à tempérer le recul de leur demande interne. Ceci explique le début de redressement de la balance commerciale des Etats-Unis. Elle était de -91 milliards $ au quatrième trimestre 2008. Au premier trimestre 2009 ses exportations ont reculé de 8,1% et ses importations de 9,9%. Sa balance commerciale est tombée à -76 milliards $. L’impact sur le PIB a donc été de -76- (-91) = +15 milliards $, soit une contribution de +0,5% à la variation du PIB. Et ce n’est pas un épiphénomène transitoire : De fin 2006 à fin 2008 le déficit de la balance commerciale américaine était déjà revenu de -616 milliards $ à -390 milliards $, apportant une contribution positive de 2% à la croissance américaine.

Ce retournement des échanges mondiaux a contribué à réduire l’impact du déficit

structurel et à limiter à 1,2% le recul du PIB de la France au premier trimestre 2009. Mais cet effet conjoncturellement positif se paiera ensuite par un freinage de la croissance quand les échanges internationaux repartiront, sauf amélioration de la compétitivité.

(37) CONTRIBUTION DES ECHANGES EXTERIEURS

-10

-8

-6

-4

-2

0

2

4

2006- I

2006- III

2007- I

2007- III

2008- I

2008- III

2009- I

2009- III

2010- I

2010- III

2011- I

2011- III

Taux

trim

estr

iels

ann

ualis

és

Etats UnisJaponAllemagne France

d. L’évolution de la demande interne finale Après avoir isolé les effets perturbateurs, à court terme, des variations de stocks et de

la balance commerciale, on constate que le début de rééquilibrage des comptes extérieurs des Etats-Unis a été essentiellement permis par un recul massif de sa demande interne, et la chute

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des importations qui en est résulté : les Etats-Unis ont cessé, au moins provisoirement, de vivre au dessus de leur moyens. Il est probable que le niveau 2007 de leur demande interne ne sera pas récupéré avant fin 2011 au plus tôt. Et c’est même souhaitable, si l’on ne veut pas que les déséquilibres externes recommencent à croître.

En revanche l’autre pays cigale, la France, a continué à profiter du bouclier protecteur

que constitue l’euro pour à peine réduire son train de vie. Le recul japonais est impressionnant ; sa demande interne revient au niveau de 1997 ! L’Allemagne fait à peine mieux, et a pris 25 points de retard de croissance sur la France en guère plus de 10 ans.

(38) DEMANDE INTERNE FINALE

95

100

105

110

115

120

125

130

135

140

2005 2006- I

2006- III

2007- I

2007- III

2008- I

2008- III

2009- I

2009- III

2010- I

2010- III

2011- I

2011- III

Bas

e 19

97 =

100 Etats Unis

JaponAllemagne France

e. L’évolution des investissements productifs En isolant investissements en logement et investissements publics, plutôt consacrés

aux infrastructures qui n’ont qu’un effet productif indirect et différé dans le temps, on peut approcher ce paramètre capital. Et constater un effondrement impressionnant.

Pour l’ensemble des pays développés, les investissements corporels productifs avaient

déjà été pratiquement étales en 2008, aux environs de 13% du PIB global. Au premier trimestre 2009 ils auraient reculé de 10,9% aux Etats-Unis, 10,4% au Japon, 11,3% en Allemagne et 3% en France. Même si l’intensité du recul s’atténuait ensuite, on se dirigerait vers un taux 2009 de l’ordre de 11% pour l’ensemble des pays développés. Pour situer la gravité d’un tel sous investissement, il suffit d’observer qu’en 2008 on peut estimer entre 25 et 28% l’ordre de grandeur des seuls investissements productifs en Chine. Et malgré le ralentissement marqué de la croissance de l’industrie manufacturière chinoise au premier trimestre 2009, le BNS annonce que la croissance des investissements n’a pas ralenti. Gare aux surcapacités et aux guerres des prix qui pourraient s’ensuivre, notamment dans l’industrie automobile ! Et, même si l’effort d’investissements productif chinois revenait vers les 20% du PIB cela suffirait pour poursuivre le rattrapage accéléré en cours dans l’industrie manufacturière.

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38

(39) EVOLUTION DES INVESTISSEMENTS PRODUCTIFS

8

10

12

14

16

2006- I

2006- III

2007- I

2007- III

2008- I

2008- III

2009- I

2009- III

2010- I

2010- III

2011- I

2011- III

Pour

cent

s du

PIB

Etats UnisJaponAllemagne France

f. L’évolution de la part des ménages dans la richesse créée Pour achever de replacer cette analyse conjoncturelle dans un cadre structurel, il est

intéressant d’examiner l’évolution de l’indicateur que propose « Le choc des économies » pour suivre l’évolution de la répartition des richesses créées, et l’évolution du véritable niveau de vie matériel des ménages qui en découle.

La « Part des Ménages » dans la richesse créée regroupe consommation privée,

consommation publique individualisable et investissements en logement. Elle n’a reculé au premier trimestre 2009 que de 1,1% au Japon, et 0,1% aux Etats-Unis. Elle a même légèrement augmenté en France et en Allemagne, grâce aux stabilisateurs sociaux – et aux primes à la casse.

Pour mesurer les « tendances lourdes » des divers Modèles Nationaux, il faut prendre

un peu de recul, en partant de 1997, et risquer une projection quinquennale ; les estimations retenues sont tirées d’un scénario « optimiste » qui sera précisé plus loin.

- Malgré un certain recul depuis son apogée atteinte en 2005, en espérant la poursuite

du rééquilibrage des comptes extérieurs, la part des ménages américains resterait largement supérieure à la moyenne des pays développés. On comprend que les ménages américains restent optimistes et persuadés de s’en sortir mieux que les autres.

- A force de vivre au dessus de leurs moyens la moyenne des ménages français a

dépassé la moyenne des pays développés en 2008 et pourrait poursuivre sur sa lancée, merci le bouclier protecteur de l’euro et les fourmis allemandes.

- En sens inverse la dégringolade japonaise est impressionnante. - L’Allemagne avait accompagné la chute japonaise pendant les années d’austérité

destinées à rétablir la compétitivité de son économie. Le sursaut 2008 avait laissé espérer que les fruits de la croissance pourraient être mieux répartis une fois cet objectif atteint.

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39

L’effondrement de la croissance a douché cet espoir et laisse craindre remontée du chômage et retour à l’austérité salariale, permettant au mieux une simple stabilisation du niveau de vie des ménages..

(40) PART DES MENAGES / PERSONNE

86

90

94

98

102

106

110

114

118

122

126

1997 1999 2001 2003 2005 2007 2009 2011 2013

PAYS

DEV

ELO

PPES

= 1

00

Etats UnisJaponAllemagne France

Cet indicateur ne mesure que le seul niveau de vie instantané de la moyenne des

ménages. Pour comprendre l’évolution de leur moral et de leur propension à consommer, il faut rajouter trois indicateurs :

- La mondialisation économique et financière a favorisé une envolée des inégalités

dans la distribution des revenus, et plus encore des patrimoines, qui a développé une clientèle de riches – les 10 millions de millionnaires en dollars recensés dans le monde- et des VVR - Very Very Rich, 30 millions de dollars de patrimoine-, prêts à rémunérer largement ceux qui leur rapporteraient des rentabilités à deux chiffres. Le phénomène est illustré par le cas d’école des Etats-Unis qui, jusqu’à la veille de la crise financière, apparaissait le modèle idéal faisant rêver tous ceux qui profitent de la mondialisation, et beaucoup d’hommes politiques.

= Au début des années 80, les revenus des ménages les plus riches représentaient 15 fois ceux des ménages pauvres. Les premiers croissant, suivant les années, 3 à 5 fois plus vite que les seconds, qui ont quasiment stagné pendant vingt cinq ans, ce ratio est passé à 20 au début des années 90 et 25 à la veille du déclenchement de la crise. A l’issue de cette évolution, 5% des ménages percevaient 21% du revenu disponible total, 20% des ménages ne s’en partageaient que 3,4%. Même les classes moyennes – 75% des ménages- ont vu leur part du gâteau revenir en 25 ans de 80% à 75%. Et le Census Bureau évalue à 38 millions -13% du total- le nombre de ménages américains au dessous du seuil de pauvreté américain en 2007. = D’après le rapport « Croissance et Inégalités » publié en octobre 2007 par l’OCDE le coefficient de GINI, qui mesure l’inégalité de la distribution des revenus, est passé aux Etats-Unis de 37 à 44, niveau que ne connaissent que des pays en voie de développement champions des inégalités : Brésil, Russie et bientôt Chine. Pour l’ensemble des pays développés, ce coefficient n’est passé dans le même temps que de

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29,3 à 31,3. Ce rapport constate que ¾ des pays développés ont connu une croissance des inégalités de revenu. Et pour la première fois, pour un organisme jusque là largement en faveur du modèle ultra libéral anglo-saxon, ce rapport ose écrire que cette envolée des inégalités est plutôt défavorable à la croissance globale, et est surtout lourde de menaces pour la cohésion sociale des pays qui l’encouragent. - A cette croissance des inégalités de revenus s’est ajouté une course à la réduction des

impôts sur le revenu et des droits de succession pour les riches, avec l’aide efficace des paradis fiscaux. Comme l’a souligné Piquetty, cette double évolution conduit à une reconstitution à toute vitesse de classes de rentiers que deux conflits mondiaux avaient efficacement laminées. Les informations en ce domaine sont partielles et ne sont disponibles qu’avec beaucoup de retard. Les estimations des patrimoines à fin 2008 commencent à peine à sortir, et surtout il faudra attendre encore de longs mois pour disposer d’indications sur les inégalités en ce domaine qui sont, on le sait, considérablement plus élevées que celles concernant les revenus. On ne peut que se borner à une « impression » qualitative. La baisse des prix de l’immobilier et surtout celle des patrimoines financiers aurait sérieusement écorné les patrimoines importants, donc un peu réduit les inégalités ?

- Enfin, en période de crise, le moral des ménages redevient très sensible à l’évolution

du marché de l’emploi. Ce point ayant été longuement développé dans « Le choc des économies » nous nous bornerons à observer que l’ampleur des destructions d’emploi et l’envolée du chômage depuis l’automne 2008 ont remis ce facteur au premier plan des préoccupations des citoyens et des autorités politiques. Et le phénomène ne concerne pas les seuls pays développés : en Chine les licenciements des « ouvriers migrants » approchent les 30 millions, accroissant une « armée de réserve » qui dépasse la centaines de millions de travailleurs qui ne demandent qu’à aller travailler dans « l’atelier manufacturier du monde".

g. Les années 2008 et 2009 pour les autres pays La principale surprise est le très fort ralentissement de la croissance chinoise. Au-

delà des 9% moyens pour l’année 2008, le profil trimestriel est éloquent : la croissance est passée – en taux annuel qui sont les seuls publiés - de 10,6% au premier trimestre à seulement 6,8% au quatrième. Le BNS chinois, qui détient le record du monde de la célérité a déjà annoncé une croissance d’encore 6% pour le premier trimestre 2009. Il faut comparer ces taux au taux réévalué de la croissance 2007, revu de 11,9% à 13% quelques jours avant. C’est donc une baisse de moitié en un an, et à un niveau inférieur aux 8% jugés indispensables pour éviter des troubles sociaux. Au premier trimestre 2009 les exportations ont chuté de 19,7% et les importations de 30,9%. Pour la première fois depuis de nombreuses années, les réserves de change n’ont pratiquement pas augmenté durant le premier trimestre.

Cette simple stabilisation de la balance commerciale semble pour l’instant la seule

cause du fort ralentissement de la croissance globale : malgré le coup de froid des activités industrielles, la croissance des investissements globaux s’est encore accéléré : 28,7% de croissance annuelle au premier trimestre 2009, accroissant encore le très probable surinvestissement massif dans de nombreux secteurs de l’industrie manufacturière, dont l’automobile. La très probable réduction du taux d’investissement constituera un second coup de frein à la croissance de l’économie en 2009 2010. Mais le principal risque qui menace la Chine est financier : pour relancer la croissance, les autorités chinoises centrales ont lâché les vannes du crédit. Les barons régionaux en profitent pour ressortir tous les projets plus ou moins utiles et rentables bloqués depuis deux ans. Sur le plan économique il n’est pas plus

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stupide de construire des palais et des golfs pour les potentats locaux que de creuser des trous pour en boucher d’autres, ou payer les gens à ne rien faire. Mais on risque de constater dans quelques mois une montée en flèche des créances bancaires douteuses. Même en Chine, qui dispose de réserves financières considérables pour éponger de telles pertes, ce pourrait finir par peser sur la croissance de l’Economie Réelle.

La crise frappe durement les pays producteurs de matières premières : la chute des

volumes et des prix réduit massivement les excédents commerciaux ce qui, dans un second temps, pèse sur la croissance en volume de l’économie. De forts ralentissements des activités industrielles sont également perceptibles chez les autres membres du BRIC, le Brésil, l’Inde et la Russie. Il n’y a donc aucun « découplage » entre pays émergents et pays développés, mais au contraire une contamination des premiers par la récession des seconds, par le biais du commerce extérieur, et à une vitesse que personne n’imaginait. En revanche la rapide remontée du prix du pétrole aura un effet positif pour les producteurs, sous réserve que les spéculateurs financiers n’en confisquent pas l’essentiel des profits !

2. PREMIER DECHIFFRAGE DES ANNEES 2010 à 2013 A la fin de l’année 2009 il faut espérer que les surstocks seront résorbés et que les

échanges commerciaux pourront reprendre progressivement. Dans l’industrie automobile, nous avons vu qu’il restera à subir le contrecoup de l’arrêt des primes à la casse et autres stimulations fiscales. Mais il existe bien d’autres facteurs qui vont concourir à une reprise lente et peut-être même assez irrégulière à la fois dans le temps et dans l’espace.

a. La purge des excès antérieurs de l’Economie Réelle demandera du temps Les marchés financiers n’ont pas été les seuls à se livrer à une spéculation débridée :

dans les pays anglo-saxons, mais également chez au moins deux des membres de l’Euroland, l’Espagne et l’Irlande, l’euphorie des marchés immobiliers s’était traduite par une hypertrophie croissante de la construction de logements, et une envolée totalement déraisonnable des prix de transaction. La Sphère Financière a bien aidé cette fuite en avant en proposant aux ménages des astuces pour que les achats à crédit semblent rester possibles, du moins tant que les prix continuaient à monter. La chute de l’activité de production de logements avait commencé avant le déclenchement de la crise financière. Mais cette dernière a ensuite plongé à des niveaux inconnus depuis des décennies dans les pays anglo-saxons, l’Irlande et l’Espagne. Pour prendre l’exemple de ce dernier pays, la production de logement représentait en 2007 13,3% du PIB, contre une moyenne de 5,4% dans l’ensemble des pays développés. Et la croissance de la construction de logement y avait contribué pour 0,6% à la croissance moyenne du PIB pendant la décennie 1998 2007, contre moins de 0,1% pour l’ensemble des pays développés. Dans les pays susnommés les stocks de logement neufs restent très élevés. S’y ajoutent, dans les pays qui avaient dopés la demande à coup de subprimes ou turpitudes du même ordre un stocks de logement d’occasion du aux expropriations qui se multiplient. Dans l’automobile la digestion des surstocks se chiffrait en mois. Dans l’immobilier elle risque de se chiffrer au minimum en trimestre. Et il existe dans l’immobilier un phénomène aggravant : le marché ne peut repartir sainement avant que la bulle qui s’était formée sur les prix se résorbe.

Au moins dans les pays anglo-saxons les services financiers étaient, fin 2008,

largement surdimensionnés. La « restructuration » a démarré énergiquement à Wall Street et à la City. Mais elle pèsera encore pendant plusieurs trimestres sur la croissance globale.

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Si l’on additionne les trois secteurs particulièrement touchés par la crise que sont la construction de logements, l’automobile et les services financiers le tableau Ii constate que :

- Ils ont contribué à la croissance globale du PIB, pendant la période 1997 2007, pour des montants annuels de 1% aux Etats-Unis, contre 0,8% pour les pays développée hors pays anglo-saxons. - Ils contribuaient en 2007, en incluant leurs fournisseurs nationaux directs, à 23% de la création de richesse globale aux Etats-Unis et 21% hors pays anglo-saxons. - Mais leur sensibilité à l’impact de la crise soustraira 4,6 points de croissance cumulée 2009 2011 aux Etats-Unis et 3,2 points hors pays anglo-saxons. A partir de 2011 cet impact négatif sur la croissance s’atténuera progressivement.

Mais on comprend pourquoi les seules forces internes de l’économie réelle ne permettront guère d’espérer qu’une reprise très progressive.

b. Les turpitudes passées – et futures ? - de la Sphère financière continueront à peser

Ce point sera développé dans la troisième partie. Mentionnons seulement trois

conclusions de ce diagnostic : - C’est l’excès de recours au crédit pour compenser la stagnation du pouvoir d’achat

des ménages, et surtout faire bénéficier les montages financiers d’un effet de levier maximum, qui est à l’origine de la crise actuelle. Au moins dans les pays anglo-saxons, on ne peut plus compter sur une forte reprise du recours au crédit pour doper consommation et achats de logement. Il faut au contraire que la reconstitution en cours de l’épargne des ménages se poursuive. C’est la condition du nécessaire redressement des déséquilibres externes. Cerise sur le gâteau la remontée des taux longs, en raison de l’envolée des déficits publics et des inquiétudes des banques centrales sur la solidité du dollar, contribuera efficacement à cette évolution vertueuse à moyen terme, mais freinera les efforts de relance.

- La reprise massive de la spéculation sur le pétrole est déjà en passe de priver le

monde de ce qui aurait pu être le facteur de relance le plus efficace. Si elle n’est pas endiguée elle se transformerait, avant la fin de l’année 2009, en nouveau coup de frein à la croissance qui ne pourrait pas être compensé, cette fois, par une nouvelle envolée de l’endettement.

- En Euroland enfin poursuite de la spéculation à la hausse de l’euro perceptible depuis

quelques semaines limiterait efficacement les possibilités de reprise. c. scénarios à moyen terme Le graphique 41 reproduit les deux scénarios optimiste et pessimiste entre lesquels le

FMI estimait en avril 2009 que le futur a 50% de chances de se situer. Il arrivera certes un jour où le pessimisme des prévisionnistes sera pris en défaut. Ce n’est à peu près certainement pas le cas pour 2009 compte tenu de « l’effet d’acquit » après le désastreux premier trimestre. Courant 2010 ? C’est ce qu’espèrent les deux scénarios à moyen terme présentés, au moins pour ce qui concerne le PIB mondial.

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43

(41) EVOLUTION DU PIB MONDIAL

125

130

135

140

145

150

155

2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013

Base

199

7 =

100

RC OptimisteRC PessimisteFMI OptimisteFMI Pessimiste

Si on se limite aux seuls pays développés, le constat est beaucoup préoccupant : Dans

le scénario optimiste, le niveau d’activité 2007 2008 ne serait pas retrouvé avant fin 2011. Dans le scénario raisonnablement pessimiste, il faudrait même attendre 2013.

(42) EVOLUTION DU PIB DES PAYS DEVELOPPES

120

122

124

126

128

130

132

134

2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013

Bas

e 19

97 =

100

RC OptimisteRC PessimisteFMI 04 09OCDE 04 09

Pour l’Euroland, les prévisions à court terme des organismes internationaux se sont

assombries au fur et à mesure de la tombée des informations concernant l’effondrement des échanges internationaux et son impact sur les économies des états membres au premier trimestre 2009. Leurs scénarios moyens retiennent des croissances annuelles de :

-4,1% en 2009 et -0,3% en 2010 pour l’OCDE (31 mars 2009) -4,2% en 2009 et -0,4% en 2010 pour le FMI (16 avril 2009) -4,6% en 2009 et -0,7% en 2010 pour la BCE (4 juin 2009)

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Le nouveau scénario moyen de la BCE suppose : - Un prix du baril de pétrole de 54,5$ en 2009 et 65,5$ en 2010 - Un euro à 1,33$ en 2009 et 1,34$ en 2010 Ces hypothèses sur l’environnement financier ressemblent fort à ce que nous avons

appelé des scénarios optimistes, que la reprise de la spéculation financière est en train de périmer à toute vitesse. Face à ces deux risques fortement négatifs on ne voit guère qu’une heureuse surprise sur l’accélération de la croissance des pays du BRIC pour éviter de se retrouver dans quelques mois au bas de la fourchette de la BCE.

C. ESQUISSE D’UN SCENARIO AUTOMOBILE (OPTIMISTE ?) 1. L’évolution de la demande Sur la lancée de la plongée généralisée des marchés automobiles constatée depuis les

derniers mois 2008 et des sombres pronostics sur la décroissance des PIB présentés par l’ensemble des prévisionnistes pour le premier semestre 2009, l’année automobile 2009 ne peut globalement qu’être affreuse, malgré les incitations fiscales que pratiquent la plupart des pays constructeurs. Et l’arrêt inévitable de ces mesures fort coûteuses créera un trou d’air en 2010 et peut-être encore 2011.

La projection qui suit correspond à ce que je croyais, il y a quelques semaines, être un

scénario macroéconomique « moyen ». Hélas ce dernier est devenu, à la lumière des résultats du premier trimestre, fort proche d’un scénario « optimiste ». En revanche la généralisation des primes à la casse et l’ampleur de leurs succès dopent significativement mais transitoirement les marchés automobiles. L’objectif essentiel de cet exercice est d’évaluer la nécessité de mesures de restructuration industrielle. Restons en provisoirement à cet ex scénario moyen. Les conséquences de la présente projection sont suffisamment préoccupantes pour ne pas nécessiter une immédiate révision à la baisse.

Même si quelques marchés retrouvaient, grâce aux primes à la casse une certaine

croissance à l’automne 2009, le marché mondial reculerait encore de 8 à 10% en 2009 et ne progresserait que de 0 à 2% en 2010- mais -13 à -15% et 0 à -2% pour les pays développés et faible progression pour les pays en développement. Si l’ensemble des acteurs parviennent à résorber la totalité des surstocks subsistant fin 2008, le nouveau recul de la production mondiale serait mécaniquement de l’ordre de 14 à 16% en 2009 pour rebondir de 4 à 6% en 2010.Mais, pour les pays développés, le recul serait de 20 à 22% en 2009.

Au-delà de 2010 on peut simplement essayer d’imaginer quand la demande automobile mondiale récupèrerait son niveau global 2007. Toujours dans un scénario macroéconomique plutôt optimiste, ce pourrait être vers 2013. Mais avec une structure à nouveau totalement bouleversée :

- Les immatriculations des pays développés ne représenteraient plus que 63% de la demande mondiale, contre 72% en 2007. Elles seraient encore 10% au dessous de leur niveau 2007. - Les immatriculations des pays en développement représenteraient 37% de la demande mondiale, contre 28% en 2007. Elles seraient supérieures de 25% à leur niveau 2007.

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45

Le seul secteur européen qui a tous les atouts en main pour maintenir son duopole suédo -allemand est, nous l’avons déjà souligné, celui des Véhicules Industriels haut de gamme. A l’opposé le secteur très menacé, en Allemagne comme ailleurs, est celui des véhicules de gamme basse et moyenne, qui souffre durement du ralentissement du pouvoir d’achat de ses clients, et de la sous évaluation du yen. Enfin même la situation confortable –pour la création de richesse, l’emploi, les exportations et les marges- du secteur des véhicules haut de gamme allemand risque de ne pas durer éternellement, pour au moins deux raisons :

- Les facteurs spécifiques déjà mentionnés– nouvelle envolée du prix du pétrole et

fiscalité antiCO2- ont un effet sur la structure de la demande automobile. Pour les VVR –Very Very Rich – l’effet peut même être positif, en leur permettant de mieux se démarquer des SR – Simple Rich – obligés de descendre en gamme : comme l’avouait récemment un trader de la City, dont les bonus commencent à être rabotés « Cette année je vais devoir remplacer ma Porsche par une simple Audi ». La part des SR dans la clientèle du segment des voitures haut de gamme étant tout de même largement majoritaire, la croissance de ce segment est, au moins à court terme, très affectée.

- Il suffit par ailleurs de se promener quelques jours en Californie pour constater que

les Américains ont bien compris que les hauts de gamme japonais sont maintenant tout à fait compétitifs. Et ils sont pour l’instant les seuls à commercialiser des véhicules hybrides. Partis il y a 7 ans avec le handicap d’un marché local quasiment inexistant, ils occupent déjà un bon quart d’un marché « luxury » américain de deux millions de véhicules. L’offensive est menée, méthodiquement, par le nouveau numéro un mondial, Toyota. Pour l’instant, les Japonais évitent l’affrontement en Europe occidentale avec les allemands sur ce segment très rémunérateur : il y a de la place pour deux aux Etats-Unis et dans le reste du monde. Mais l’offensive en Europe de l’Infiniti de Nissan a débuté en 2008, et Honda devrait suivre. Et les japonais bénéficient d’une avance technologique considérable dans les véhicules hybrides qui constituent une part rapidement croissante de la demande haut de gamme : la production cumulée de la gamme Prius de Toyota a largement dépassé le million de véhicules, avec pour seul concurrent l’Insight de Honda. Si l’euro revient, comme on peut le craindre, vers les 150 à 160 yens, la bataille serait sanglante.

2. L’évolution des parcs automobiles Pour juger le réalisme des scénarios à moyen terme il est utile de projeter les

évolutions des parcs automobiles qui en découleraient. Jusqu’en 2008 la densité de ces parcs croissait assez régulièrement dans les pays développés, même aux Etats-Unis et au Japon. En mettant au dénominateur le nombre de personne en age de travailler, bonne approximation du nombre de personnes susceptibles d’utiliser une voiture, on vérifie que les Etats Unis sont de très loin le pays automobile le plus mature : le ménage moyen de deux adultes y possédait déjà en 2008 2,5 voitures, sans compter celles des jeunes ado. Les ménages japonais et européens moyens n’en étaient encore qu’à 1,8 voitures. Mais les contraintes d’espace, au moins au Japon, ne permettent pas d’imaginer des densités automobiles rejoignant le niveau américain. Les extrapolations 2009 2013 conduiraient, dans le scénario moyen à des reculs des densités automobiles, marqué aux Etats-Unis mais déjà significatif au Japon, qui paraissent raisonnablement pessimistes mais plausibles. D’autant qu’il suffirait d’une poursuite de l’allongement des durées de vie des véhicules pour que les parcs continuent de progresser dans ce scénario moyen.

Page 46: Economie Reelle & Crise Extraits 22 06 Raoul Chabot 2010

46

(43) DENSITES DES PARCS AUTOMOBILES

750

800

850

900

950

1000

1050

1100

1150

1200

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Union EuropéenneEtats UnisJapon19 Pays Développés

D. LES CONSEQUENCES INDUSTRIELLES Nous avons souligné dans le premier chapitre que les constructeurs avaient, dans un

premier temps, fait porter sur les intérimaires constituant une part importante des effectifs de production l’essentiel des réductions d’effectifs, détériorant ainsi le ratio fétiche qu’est le rapport main d’œuvre directe / main d’œuvre indirecte. Pour rétablir une productivité correcte, faute d’avoir les volumes de production nécessaires pour reconstituer la main d’œuvre directe, il leur faudra dans un second temps se résoudre à réduire la main d’œuvre indirectement productive.

Il est difficile de passer d’une projection « groupes constructeurs » à une projection

« sites industriels » : aux incertitudes sur les marchés et la compétitivité concernant la première, la seconde rajoute celles concernant l’impact des choix de localisation des productions et des investissements, sur les constructeurs et surtout les équipementiers.

Les résultats de la projection « sites automobiles » correspondant au scénario moyen

précédemment présenté doivent être examinés avec beaucoup de prudence. Les effectifs des sites automobiles de l’Euroland avaient connu une croissance non

négligeable, près de 2% par an, de 1997 à 2001, période marquée à la fois par une bonne santé moyenne des marchés automobiles et une sous-évaluation importante de l’euro.

De 2001 à 2007, période marquée à la fois par une bonne santé moyenne des marchés

automobiles mais une surévaluation croissante de l’euro, les effectifs ont connu une décroissance modérée, -1,2% par an, rythme gérable par l’évolution naturelle et des mesures limitées d’incitation au départs volontaires.

De 2007 à 2011, la forte et durable baisse de la production et le maintien probable de

la surévaluation de l’euro vont poser un problème beaucoup plus grave : pour retrouver une productivité acceptable, les effectifs officiels devront baisser en quatre ans, en équivalents

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temps plein, de 20 à 25%. Au-delà des mesures conjoncturelles de chômage technique, un tel bouleversement nécessite des mesures structurelles.

Avec deux conséquences : - Les services de Recherche et Développement et de conception et mise en place des

moyens de production représentent une proportion importante de la main d’œuvre indirectement productive, et encore plus de leurs coûts, car ils utilisent des personnels très qualifiés. La masse des constructeurs moyens s’épuise en tentant de développer et produire des gammes les plus complètes possibles. A partir du moment où l’automobile devient un bien courant perdant son statut de …témoin du statut de ses possesseurs, une réduction de l’offre actuellement largement redondante est inévitable, nécessitant au minimum des accords de coopération et partage des coûts de développement. Sauf dans les éventuelles niches qui parviendraient à subsister, un constructeur généraliste pourra difficilement survivre sans la possibilité d’amortir ses coûts de développement sur moins de 5 millions de véhicules. Dans les pays développés, dont la production stagne autour de 50 millions de véhicules, l’indépendance d’une bonne dizaine de constructeurs moyens est loin d’être assurée, en Europe et au Japon. Et, en Chine, une consolidation de la profession autour des 4 à 6 grands sera également nécessaire, car la demande n’y reviendra pas durablement à des taux de croissance à deux chiffres.

- Dans l’appareil de production, il existe une taille optimale des unités qui ne peuvent

maximiser leurs performances sans un taux d’utilisation élevé et un fonctionnement sans a coups, ce qui rend les usines mono produits très fragiles. En contractant la taille des usines et réduisant leurs cadences de production, par exemple en supprimant une équipe et multipliant les semaines de chômage technique, elles deviennent structurellement non compétitives. L’Europe ne pourra indéfiniment différer la fermeture d’une bonne dizaine des usines excédentaires, comme vont le faire les grands constructeurs américains.

Il reste encore aux constructeurs généralistes concernés quelques usines à fermer en

Grande Bretagne, Belgique et Espagne pour alimenter leurs usines nationales… à condition qu’elles continuent à accepter le rabotage de leurs avantages sociaux. Les premiers craquements touchent, compte tenu de la situation préoccupante des groupes américains, leurs filiales européennes, officiellement mises en vente. Il serait fort étonnant que des repreneurs sérieux se confirment sans avoir préalablement obtenu des assurances, officielles ou secrètes, sur la possibilité de restructurations industrielles et commerciales massives. A défaut des reprises par des chasseurs de prime trop optimistes risqueraient fort de rapidement mal tourner. Quant aux usines françaises, leur sort dépendra de la réussite des modèles qui leur sont confiés.

Même chez les spécialistes, il faut s’attendre à des péripéties. Pour se préparer au

combat, les constructeurs allemands sous traitent déjà une part croissante de leurs composants dans les PECO, se contentant de la conception et du montage final qui assurent le label « made in Germany ». BMW et DAIMLER durcissent les « plan de restructuration » qui vont amputer les effectifs des usines allemandes de plusieurs milliers de travailleurs.

Les conséquences pour les sous traitants et réseaux commerciaux seront moins

voyantes, mais globalement encore plus graves. Il suffit, pour s’en convaincre de décrire la situation aux Etats-Unis.

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1. Les plans de restructuration américains Pour assurer la viabilité de la nouvelle société remettant Chrysler entre les mains de

FIAT, le plan soumis au gouvernement américain prévoyait, outre les apports de technologie de FIAT, la fermeture avant fin 2010 de 8 usines, donc 5 d’assemblage, en Amérique du nord, et une réduction massive du réseau de concessionnaires. Même si le syndicat UAW, outre sa position d’actionnaire majoritaire, ne manquera pas de relais de représentants et sénateurs locaux quand il faudra passer à la mise en application pratique de cette restructuration industrielle, il paraît inévitable qu’une bonne partie soit mise en oeuvre.

En février 2009 le Trésor Américain avait refusé le énième plan de restructuration de

la direction de GM et imposé un nouveau président chargé de bâtir un plan viable avant fin juin 2009. Sur le plan industriel, au lendemain du dépôt de bilan, semblent toujours prévus une réduction de 42% du nombre de concessionnaires, la concentration de l’offre sur quatre marques clés au lieu de 8, et surtout la réduction du nombre d’usines en Amérique du Nord de 47 à 34 d’ici fin 2010 – un quart !- et 31 d’ici à 2012. Le nombre de cols bleus serait ainsi ramené de 61 000 à 40 000 – un tiers ! Ce plan est énergiquement contesté par l’UAW, avec un argument qui, même aux Etats-Unis, risque de peser dans une conjoncture d’envolée de chômage : ce plan suppose une croissance des importations en provenance des filiales étrangères qui, en 2014, représenterait la production de 4 des usines d’assemblage que le plan propose de fermer.

2. Deux leçons à méditer pour ceux qui se préoccupent de l’avenir de l’industrie automobile européenne : - Même si les plans industriels de Chrysler et surtout GM risquent d’être adoucis par

l’opposition de l’actionnaire principal des nouvelles sociétés, soutenue par les autorités politiques locales concernées par l’hémorragie des emplois, il est probable que le sauvetage d’un reste d’industrie automobile aux Etats-Unis passera par une réduction drastique de l’appareil industriel et des effectifs. Les grands perdants seront les personnels et les retraités dont les avantages acquis seront progressivement laminés.

- Ce sont les Pouvoirs Publics qui ont du fouetter des états majors trop timorés pour

faire cesser leur aveuglement et obtenir une appréciation réaliste de la situation, ce qui paraît impensable en Europe où, pour le moment, les Autorités Publiques se joignent plutôt au rassemblement de toutes les forces qui s’opposent au changement.

A l’horizon 2013 les conséquences sur les sites industriels des décisions stratégiques

que prendront en 2009 et 2010 les constructeurs transnationaux commenceront à apparaître pleinement. Les deux premiers chapitres ont souligné le rôle clé que les anticipations sur les parités futures jouent dans de tels choix de localisation des investissements futurs. Si l’Euroland ne veut pas que le mouvement de désindustrialisation s’accélère encore à l’occasion de la crise, il serait plus que temps que ses autorités politiques et monétaires se préoccupent du niveau de l’euro. Tous ses concurrents espèrent que l’Euroland se cramponnera à ses vieilles lunes en matière de véritables priorités et restera ainsi le « ventre mou » industriel du monde.

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II. L’INDUSTRIE AERONAUTIQUE :

SUR LES TRACES DE L’AUTOMOBILE ?

CHAPITRE I : LES ACTEURS : GROUPES ET SITES

L’information disponible ne permet pas d’effectuer, pour l’industrie aéronautique

mondiale, une analyse aussi poussée que pour l’industrie automobile. Pour l’industrie aéronautique, la banque de données STAN de l’OCDE présente de nombreux trous et discontinuités difficilement explicables, et ne va souvent pas au-delà de 2005. Nous commencerons donc par une analyse des principaux groupes des pays développés.

A. COMPORTEMENT ET PERFORMANCES DES GROUPES CONCURRENTS

Le tableau IIa montre que le nombre de « pure players » consacrant au binôme avions

espace – aérospace en jargon du métier- l’essentiel de leurs activités, est très limité : Il ne comprend guère que EADS SAFRAN et Dassault aviation en Europe, Boeing aux Etats-Unis, EMBRAER au Brésil. Pour l’ensemble des 17 groupes recensés, le chiffre d’affaires aérospace 2007, 240 milliards en Parités Structurelles, représente 2/3 des 351 milliards de leur activité totale aérospace + défense. A l’exception d’EADS les marges de ces deux activités sont du même ordre de grandeur : 9 % du chiffre d’affaires pour le résultat d’exploitation aérospace, 9,4% pour le total aérospace + défense.

Pour les groupes américains, les « autres activités de défense » représentent 32% de

leur chiffre d’affaires 2007 et 35% de leurs marges 2005 2007. Grâce au pentagone il semble tout de même plus rentable de vendre aux armées qu’aux compagnies aéronautiques ? Pour les groupes de l’Euroland, les « autres activités de défense » représentent 24% du chiffre d’affaires seulement, mais 84% des marges, ce dernier ratio s’expliquant non par des marges « défense » exceptionnelles, mais par la faiblesse des marges dégagées par les activités de EADS, très majoritairement civiles. Nous décortiquerons plus loin le problème EADS.

Seuls Boeing EADS et Dassault Aviation fournissent la décomposition de leur chiffre

d’affaires entre commandes civiles et militaires. Ces dernières représentent la moitié du chiffre d’affaires et des marges pour Boeing, la quasi-totalité pour des groupes comme Lockheed Martin, Northrop Grumman et Général Dynamics. Et ce sont des activités pour lesquelles la part de la R & D financée par le pentagone est largement majoritaire. En revanche les commandes militaires représentent seulement 40% pour Dassault et moins du quart pour EADS. Si l’on prend en compte l’importance du budget des armées aux Etats-Unis, environ la moitié des dépenses militaires mondiales totales et au moins autant des achats de matériels, on constate qu’aux Etats-Unis, l’activité « aéronautique civile » de la branche est en pratique un sous produit de l’activité « défense ». Et on comprend mieux l’acharnement du complexe militaro industriel américain pour éviter qu’EADS ne vienne prendre sa part d’un tel fromage. Rappelons qu’avant les récentes péripéties du contrat « avions ravitailleurs » Boeing avait déjà du payer en 2006 la bagatelle de 571 millions de dollars de pénalités au pentagone pour avoir arraché une première fois cette commande par des moyens que la morale des affaires réprouve, et pourtant elle est loin d’être rigoriste !

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Pour les 17 groupes recensés, l’Euroland représente en 2007 29% du chiffre d’affaires aérospace, mais seulement 15% des marges 2005 2007, et les Etats-Unis respectivement 57% et 72%. Il faut descendre au bas du classement pour trouver un groupe japonais, au nom jadis illustre en aéronautique militaire, mais aujourd’hui réduit à un simple rôle de sous traitant. Plus significatives sont les présences en milieu de classement de Bombardier, qui vient d’annoncer qu’il allait tenter d’attaquer Boeing et Airbus dans les avions civils de plus de 100 places, mais est handicapé par une médiocre rentabilité, et EMBRAER qui, en taille et rentabilité, est équivalent à Aviation Dassault. En dehors des pays recensés, il existe quelques groupes ayant des activités aérospace :

- Soukhoi en Russie pour les avions militaires, mais qui affiche de grandes ambitions dans l’aviation civile, dans une industrie russe en pleine restructuration. - AVIC1 et AVIC2 en Chine, tous deux membres du Consortium Industriel Chinois qui s’est associé avec EADS pour créer la joint venture qui a débuté, en août 2008, l’assemblage de la gamme A 320 et s’apprête à livrer son premier appareil Ce peuvent être dans cinq à dix ans de redoutables compétiteurs. Mais ce sont – pour

l’instant- des concurrents relativement marginaux par rapport aux 17 groupes recensés. Contrairement à l’industrie automobile où nous avons constaté quatre pôles dominés par le Japon, et bientôt la Chine, la compétition dans l’aérospace se résume encore à un duopole Amérique Europe occidentale, largement dominé, en taille et en marges, par les Etats-Unis.

B. L’EVOLUTION DES SITES AERONAUTIQUES De 1991 à 2007 le chiffre d’affaires de l’industrie « aérospace » des pays développés

n’aurait connu qu’une croissance en volume moyenne de 1% par an (mais 2,6% par an pour la sous période 1998 2007). Il se monterait à 315 milliards d’EMC en 2007, 1/6 de l’industrie automobile précédemment étudiée. Le site américain en assure en 2007 47%, et le site Euroland 32%, ce qui confirme bien l’existence d’un duopole de fait. En 2003, ces parts de marché étaient respectivement de 55% et 31%. Ce ne sont certes pas les commandes militaires qui expliquent ce bond en avant relatif de l’Euroland, mais le dynamisme de ses activités civiles, Airbus et avions d’affaires Dassault.

Le tissu industriel des coopérants est beaucoup plus dense aux Etats-Unis : pour la

valeur ajoutée, le site américain représente encore 61% de l’industrie mondiale contre 69% en 1991, et le site Euroland 21% seulement. Mais en 1991 ce ratio n’était que de 16% : jusqu’en 2007 le dynamisme des constructeurs aéronautiques a bien contribué à la croissance de la richesse créée en Euroland par les sites nationaux de EADS et Dassault.

La balance commerciale de la profession est passée de 11 à 22% de son chiffre

d’affaires, ce qui représente en 2007 69 milliards d’EMC. Rappelons qu’en 2007 la balance commerciale des sites automobiles représente certes 149 milliards d’EMC, plus du double, mais seulement 7,3% de sa production. L’aérospace apporte aux Etats-Unis l’un de leurs derniers excédents industriels massifs : 59 milliards, soit 40% de sa production, sont destinés aux flottes civiles -et militaires- du reste du monde. C’est également le cas en France, où la branche apporte un solde commercial substantiel, 14 milliards d’euros en 2007. En revanche le solde commercial allemand de la branche fluctue autour du simple équilibre. L’industrie aéronautique reste vitale pour la France, nullement pour l’Allemagne.

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L’aérospace a investi en 2007 31 milliards en R &D, près du double de ce qu’elle consacre à ses investissements corporels – 17 milliards- et près de la moitié de ce que leur consacre l’industrie automobile. Si l’on y rajoute l’effort qu’elle exige de ses sous-traitants, l’aérospace reste l’un des moteurs de la recherche américaine et européenne. Cet effort représente en moyenne 27% de la valeur ajoutée, mais 24% aux Etats-Unis (largement financés par le pentagone), et encore 40% pour le site Euroland, avec une proportion importante autofinancée. On comprend mieux le bond en avant de l’aéronautique civile européenne, mais aussi l’importance des risques industriels pris par EADS et la fragilité de ses résultats.

On en arrive en effet au « talon d’Achille » de l’industrie aéronautique européenne :

pour l’ensemble des 3 années 2005 à 2007, elle n’a dégagé qu’un résultat d’exploitation symbolique, 0,5 milliards soit 2,4% de sa valeur ajoutée, contre 10,6 milliards, 16,1% de la valeur ajoutée pour le site américain. Un retour au tableau IIa permet de circonscrire le problème : Tous les groupes américains dégagent des résultats d’exploitation compris entre 9 et 15% du chiffre d’affaires, pour une moyenne de 11,6%. Et Boeing réalise des marges à peu près équivalentes (un peu plus de 10%) pour ses activités civiles et militaires. En Euroland, le seul groupe soutenant la comparaison est Aviation Dassault (11,9%, malgré le poids de sa R&D civile autofinancée). Les groupes européens autres qu’EADS et Dassault dégagent des marges comprises entre 6,7 et 9,9%. C’est EADS qui plombe la moyenne avec 2% du chiffre d’affaires seulement.

CHAPITRE II : L’IMPACT DES PARITES Dans l’industrie aéronautique, les carnets de commande représentent couramment

plusieurs années de production, et se prêtent donc à des couvertures de change beaucoup plus longues, différant et lissant l’impact des fluctuations des parités sur les résultats. Il s’agit d’autre part de productions en petites séries nécessitant une main d’œuvre essentiellement professionnelle longue à former. La durée de vie des modèles est beaucoup plus longue, limitant les occasions de déplacer la production une fois choisi le schéma industriel. Et, dernière considération qui garde une importance non négligeable, une part plus ou moins importante des ventes sont destinées aux armées nationales, et des considérations stratégiques limitent les possibilités de délocalisation. Conception, développement et assemblage final restent, à ce jour, des activités nationales.

Mais les autorités politiques de l’Euroland seraient bien imprudentes de croire que

toutes ces considérations assurent le maintien d’une industrie aéronautique en Europe. Même dans une industrie aussi sophistiquée que l’aéronautique on ne peut ignorer les préoccupations de compétitivité, et le niveau des parités y joue, comme dans toutes les activités exposées à la concurrence internationale, un rôle incontournable. Nous allons illustrer les risques et les enjeux sur l’exemple de EADS. Les informations publiées par le groupe permettent en effet de bien analyser la politique de change menée, ses résultats passés, l’impact futur des couvertures de change existant fin 2008 et des risques dollar non couverts à cette date.

1. Les Résultats 2002 2008 de EADS et Boeing Le chiffre d’affaires officiel de EADS, exprimé en euros, a connu une croissance non

négligeable : 7,7% par an. Si EADS délocalisait son siège aux Etats-Unis, et arrêtait ses comptes en dollars, elle aurait affiché une croissance de 17,6% par an, qui la ferait classer

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parmi les entreprises en forte croissance. Pendant la même période, le chiffre d’affaires de Boeing n’a cru que de 2,4% par an. Pour la seule activité « aviation civile », les croissances annuelles moyennes des chiffres d’affaires, exprimés en dollar, ont été respectivement de 14% et 0,8%. Remarquable exemple, mais unique malheureusement en Europe, d’une saga qui a transformé en moins d’une décennie un groupe lointain numéro deux en co-leader mondial d’une industrie d’avenir.

Pour l’ensemble des sept années 2002 à 2008, EADS a publié un Résultat

d’Exploitation, EBIT en jargon international, de 8,8 milliards d’euros, représentant 3,6% du chiffre d’affaires. Et a consacré 16,2 milliards d’euros, 6,6% de son chiffre d’affaires et largement autofinancés, à ses investissements en Recherche et Développement. Pour la même période Boeing a affiché un EBIT de 8,1% du CA, dont 6,8% pour sa branche « aviation commerciale » et 9,3% pour sa branche « défense ». Et a limité ses dépenses en R et D à 4,1% du CA, largement financées par le pentagone. Les finalités des deux concurrents ont donc été caricaturalement différentes : la satisfaction à court terme des actionnaires pour l’un, la croissance, et ses retombées positives pour l’ensemble de la collectivité, pour l’autre.

Pour achever de se hisser au niveau de Boeing, il fallait qu’EADS mette en production

dans les meilleurs délais les trois programmes majeurs développés, le gros porteur A 380, la nouvelle génération de gamme moyenne A350, et le programme militaire A400. Au niveau de la R et D, ces programmes ambitieux expliquent les sommes colossales engagées. L’industrialisation de modèles aussi nouveaux aurait nécessité une focalisation de toutes les énergies de l’entreprise et une discipline de fer. Les ennuis ont commencé avec la mise en production de l’A380. L’usine de Hambourg s’est révélée incapable de câbler correctement les réseaux assurant la transmission des informations et des ordres. On raconte que cela serait du au refus des industriels locaux d’implanter les logiciels français – rappelons que Boeing, lui, n’hésite pas à utiliser les logiciels de Dassault Systèmes – Les mauvaises langues murmurent même que cette acte flagrant d’indiscipline, aux conséquences catastrophiques, aurait échappé ( ?) au Directeur Industriel – allemand- d’EADS. Pour relativiser le problème industriel, il faut tout de même rappeler que Boeing connaît des problèmes d’industrialisation et des décalages de livraisons aussi graves avec son programme Dreamliner, le concurrent direct du futur A350. Retenons que la recherche de la croissance par des programmes novateurs n’est pas simplement coûteuse en R et D, la mise en production est également pleine d’aléas. Pour EADS, l’addition des surcoûts et indemnités de retard a représenté 6,4 milliards d’euros. Pour redresser sa rentabilité, et surtout se rendre capable de supporter un euro à 1,35 dollar, EADS a lancé le Plan « POWER 8 », qui a nécessité 1 milliard de provisions. En définitive les comptes de la période ont du supporter 7,4 milliards d’euros de charges exceptionnelles.

Les résultats des deux exercices 2006 et 2007 ont tourné au cauchemar: EADS a du

présenter un résultat d’exploitation de -2,1 milliards d’euros, soit -4,2% du chiffre d’affaires. Hors charges exceptionnelles, le résultat courant serait ressorti à 2,5 milliards, ce qui reste médiocre.

Le résultat récemment publié pour l’exercice 2008, 1790 millions d’euros, soit 6,5%

du chiffre d’affaires, marque un redressement à première vue d’autant plus encourageant que Boeing connaissait au contraire une grave contre-performance : en « aéronautique civile » de longues grèves ont fait chuter son chiffre d’affaires de plus de 15%, l’impact des grèves et le provisionnement des pertes entraînées par ses ennuis d’industrialisation ont ramené sa marge 2008 de 10,7% à 4,2% du chiffre d’affaires.

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2. Le passé : Résultats de change, seuil de parité de rentabilité et parité optimale. 2a. Le rôle capital de la politique de couverture dans les résultats passés Dans une industrie à long cycle où plusieurs années s’écoulent entre prises de

commandes –en dollars- et production –largement en euros- .le risque de change est colossal, et doit être, et a été, couvert. Jusqu’en 2008, EADS facturait en dollars environ 2/3 de son chiffre d’affaires et à des prix internationaux fixés par Boeing. Mais ses achats d’équipements en zone dollar représentaient environ la moitié de ces montants. En déduisant les achats en dollars des ventes en dollars, « l’exposition nette » au risque dollar d’EADS était jusqu’en 2008 de l’ordre du tiers de son chiffre d’affaires, soit 15 milliards de dollars par an. La politique, classique et prudente, d’EADS est, dès les prises de commandes, de couvrir progressivement une partie des risques futurs, de telle manière qu’en chaque début d’exercice les couvertures disponibles venant à l’échéance pendant l’année couvrent à peu près intégralement le risque annuel. A l’échéance des couvertures, elles sont exercées, et l’entreprise encaisse ou décaisse la différence entre le cours de la couverture et la parité de marché.

- Avant résultats de change et charges exceptionnelles le résultat courant de la période 2002 2008 a été de 7,4 milliards d’euros, 3 % du chiffre d’affaires. - Mais les 7,4 milliards d’euros de charges exceptionnelles ont consommé la totalité de ce résultat courant. - Heureusement la politique de couverture des risques parité d’EADS a rapporté 8,8 milliards de profits financiers, représentant 3,6% du chiffre d’affaires. Et qui ont en définitive représenté la totalité du résultat affiché. Les profits de change records – 1,9 milliards d’euros -ont été enregistrés en 2008,

année ou le dollar a valu en moyenne 1,47 dollar, alors que le cours moyen des 16,4 milliards de couvertures utilisées était de 1,18, grâce aux 5,4 milliards de couverture accumulées avant 2004 à un cours moyen de 1,03. Mais le résultat courant avant profits de change de l’exercice 2008 est également une agréable surprise : à 1,5 milliards d’euros, il représente 3,4 % du chiffre d’affaires, alors que la parité euro dollar a atteint 1,47 en moyenne annuelle.

2b. Seuil de rentabilité et parité optimale Cette ventilation des résultats permet l’estimation de deux paramètres fondamentaux

résumant la compétitivité relative de EADS face à Boeing : La parité de simple équilibre et la parité optimale. Tant que les parités fluctuent dans la zone définie par ces deux niveaux, le futur de ses sites industriels est arbitré par leurs performances en matière d’innovation et de capacité d’adaptation. Si la Sphère Financière était au service de l’Economie Réelle et si les autorités politiques et monétaires plaçaient la compétitivité de leurs sites industriels dans leurs priorités fondamentales, ce serait le cas.

La bonne approche de ces paramètres fondamentaux n’est possible qu’en interne, à

partir d’une connaissance des marges par programmes, donnée stratégique que les constructeurs se gardent bien de publier. Nous avons pu les approcher de l’extérieur dans l’industrie automobile, c’est impossible dans l’aéronautique. A défaut, les informations publiées permettent, en se concentrant sur Airbus, de les estimer.

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Pour l’ensemble de la période 2002 2008, Airbus représente 85% du carnet de commandes, qui sert de base à la politique de couverture de change. En attribuant à Airbus 85% de la politique de change et de ses résultats, il est possible de ventiler son résultat entre résultat courant, pertes exceptionnelles et profits de change. On constate que le trend moyen de la parité de simple équilibre pendant la période 2002 2008 est nettement croissant, ce qui est rassurant : le différentiel d’effort en R et D en faveur d’EADS n’a pas été dépensé en pure perte. On peut estimer prudemment la situation en fin de période en faisant la moyenne des trois années 2006 à 2008 :

Le seuil de simple équilibre d’EADS était, au moment d’entrer en 2009,

de l’ordre de 1 euro = 1,37$. Pour déterminer la « parité optimale » pour EADS, il faut s’interroger sur son

« modèle d’entreprise ». C’est celle qui lui permettrait de réaliser ses objectifs de croissance, tout en dégageant une rentabilité assurant à la fois le maintien de structure financières saines et la satisfaction de ses actionnaires. Les résultats d’exploitation de ses concurrents américains, près de 12% du chiffre d’affaires, sont cohérents avec des modèles d’entreprise donnant la priorité à la rentabilité financière à court terme. Le minimum minimorum à viser, pour EADS, serait une marge de 8% du chiffre d’affaires. Sur cette base, on peut estimer la situation en fin de période en faisant la moyenne des trois années 2006 à 2008 :

La parité optimale d’EADS était, au moment d’entrer en 2009,

de l’ordre de 1 euro = 1,27$. On constate, sur le graphique résumant ces évolutions 2002 2008, que la Parité

Structurelle euro / dollar est passée de 1,2 à 1,3, soit une appréciation de 1,4% par an en monnaie courante. EADS aurait donc fait un peu mieux que le minimum nécessaire pour s’adapter à l’appréciation structurelle de l’euro. La percée de Aviation Dassault dans l’aviation d’affaires montre que ce fut également le cas, à nouveau grâce à sa capacité d’innovation.

(45) AIRBUS ET LE DOLLAR

0,9

1,0

1,1

1,2

1,3

1,4

1,5

1,6

2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008

MarchéSeuil de rentabilitéTrend 02 08Parité OptimaleTrend 02 08Parité Structurelle

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3. Le risque de change futur : Le plus dangereux est à venir A première vue l’activité des deux prochains exercices d’EADS et d’ailleurs celle de

Boeing également, semblent garanties par l’importance des carnet de commandes existant : 400 milliards d’euros pour EADS, soit dix années de livraison au rythme 2008, et presque autant pour Boeing. Mais les deux concurrents ont connu, au premier trimestre 2009 autant d’annulations que de commandes nouvelles. Et les demandes de report de livraisons se multiplient, de la part des compagnies aériennes. Le prix du pétrole constitue une part importante des coûts d’exploitation. Son envolée a rendu très coûteuse l’utilisation de vieux appareils gourmands en kérosène. Toutes les compagnies se sont donc précipitées, quelles que soient leurs situations financières, pour accumuler les commandes d’avions plus performants. Mais la chute du prix de pétrole et le ralentissement du trafic passager et surtout fret, ont, au moins momentanément, réduit cette exigence de renouvellement. Et les banques sont devenues beaucoup plus réticentes à financer des achats d’avions par des compagnies aériennes financièrement fragiles, pour ne pas dire exsangues. EADS et Boeing ont donc différé les augmentations de cadence de production précédemment programmées. Mais il n’est pas question d’un effondrement de la production comme dans l’automobile. Et l’accélération des délocalisations ne peut avoir d’effet significatif avant quelques années.

C’est donc sur les incertitudes concernant la profitabilité qu’il faut se concentrer. Nous

ne cherchons pas à évaluer les résultats futurs d’EADS, mais simplement à estimer l’impact du risque de change futur dans des entreprises gérant de gros carnets de commandes dont les prix sont fixés en dollars mais dont la production est réalisée en euros, dont EADS est un parfait exemple. Nous faisons donc l’impasse sur le risque de nouvelles charges exceptionnelles, bien qu’elles ne soient pas improbables, notamment pour le programme militaire A400, qui subit des retards de mise en production considérables. Et nous limitons l’analyse sur le seul chiffre d’affaires exposé au risque dollar.

Le paragraphe qui suit a un objectif essentiellement méthodologique : montrer

que l’impact futur des parités est colossal dans des activités présentant les caractéristiques de l’aéronautique. Le cas pratique étudié est EADS, mais cet exercice n’est pas une prévision des résultats de cette entreprise.

Les couvertures de change existant fin 2008 s’étalent jusqu’en 2015. C’est donc

l’ensemble de la période 2009 2015 que couvre la simulation proposée. Le plus difficile, pour projeter le résultat courant avant couverture de ce chiffre

d’affaires exposé au risque de change, est d’évaluer l’évolution future de la parité de simple équilibre. La compétitivité n’est pas une notion absolue mais relative : il ne faut pas oublier que les concurrents ne restent pas immobiles, il faut donc progresser plus vite qu’eux.

3a. L’évolution des effectifs et de la productivité La première voie, qui est celle sur laquelle insistent toutes les entreprises cotées, est la

réduction des coûts. C’est le triple objectif des plans successifs POWER 8 et POWER 8+. Premier objectif : accroître massivement les coûts de production en dollar pour

réduire l’exposition au risque de change. Cela est possible de deux manières :

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- Accroître les achats en zone dollar en conservant le montage final en Euroland. Très bon pour EADS tant que l’euro restera surévalué. Mais gros problème pour le tissu des sous-traitants européens qui ne pourront rester dans le coup qu’en délocalisant leurs contributions aux nouveaux programmes. Et quid si l’euro finit par retrouver un cours plus raisonnable ? Les délocalisations seront, comme dans l’industrie automobile, irréversibles.

- Délocaliser le montage même de programmes futurs –les avions ravitailleurs- ou

existants – le montage en Chine de la gamme basse d’Airbus. Si Boeing parvient à éjecter EADS des Etats-Unis, il lui rendra peut-être paradoxalement un service à terme : prendre un temps d’avance en préparant la contre-attaque à partir de la Chine, de l’Inde et, pourquoi pas, du Brésil qui a déjà une industrie aéronautique non négligeable.

Second objectif : Se rapprocher des modèles Dassault et Boeing en se concentrant sur

les deux bouts de la chaîne, conception développement et montage final, et externaliser un maximum des productions de composants, sur des fournisseurs suffisamment solides pour assumer les coûts de restructurations et le risque parité. Donc céder un certain nombre d’activités, et les usines qui y sont affectées, au risque de pousser les repreneurs à délocaliser.

Troisième objectif : Réduire les coûts de structure, très largement constitués de frais

de personnel, dans les activités conservées, tout en continuant à accroître, si nécessaire, les effectifs directs de production.

De 2003 à 2008, les effectifs d’EADS n’ont augmenté que de 1,6% par an, et les

rémunérations par personne de 2,7% par an en euros courants, une très faible progression du pouvoir d’achat national. En 2008, l’employé moyen d’EADS a créé 35 450 EMC de valeur ajoutée, et coûté 27 240 EMC.

De 2003 à 2008, les effectifs de Boeing ont augmenté presque aussi vite - 0,7% par an-

malgré une croissance beaucoup plus lente et les rémunérations par personne de 5,3% par an en dollars courants, une progression significative du pouvoir d’achat national. En 2008, l’employé moyen de Boeing a créé 32 720 EMC de valeur ajoutée, et coûté 25 480 EMC.

EADS n’a donc pas à rougir face à BOEING en productivité apparente du travail. Et

une certaine austérité salariale a efficacement contribué à l’amélioration de la compétitivité. Elle a donc partiellement compensé, comme dans les sites automobiles, l’appréciation structurelle de l’euro.

De toute manière, à moyen et long terme, le problème est moins de couper X tètes et

délocaliser un maximum de coûts, que de sortir des modèles dont les performances réalisent un bond en avant que les clients soient prêts à payer. En attaquant le juteux monopole de Boeing dans les très gros porteurs, l’A 380 répond bien à cette préoccupation, ce qui rend encore plus navrantes les misérables querelles d’ego qui ont retardé sa production. Dans le même temps Boeing s’apprête à lancer son Dreamliner qui, à peine annoncé, a déclassé la première version du A 350 qu’étudiait EADS. Avec un euro à 1 dollar, cette version aurait peut-être suffi à ouvrir une seconde brèche dans les positions de Boeing. Avec un euro qui risque de franchir durablement les 1,40 il faut faire beaucoup mieux. Et Boeing a beau rencontrer lui aussi de grosses difficultés de mise en production de ce nouveau modèle, par excès de recours à la sous-traitance semble-t-il, il conserve une solide longueur d’avance dans ce segment lui aussi stratégique.

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Pour le futur proche, où les gammes de produits commercialisées par les deux rivaux ne changeront que très progressivement, les variations de la compétitivité relative d’EADS et Boeing seront essentiellement fonction du degré d’avancement de leurs plans de restructuration respectifs. Nous ferons l’hypothèse prudente que les parités de compétitivité relative sont en 2009 voisines du niveau visé par le plan POWER 8 : parité de simple équilibre à 1 euro = 1,35$, et parité optimale à 8% de moins, soit 1,24$. En revanche il paraît réaliste d’anticiper une poursuite de l’appréciation relative de l’euro. Au taux de 1,4% par an observé sur la période 2002 2008, il faudrait que la parité de simple équilibre d’EADS passe de 1,35 en 2009 à 1,47 en 2015 pour simplement maintenir le niveau de compétitivité 2008. Il ne reste plus qu’à espérer que les plans POWER 8 et POWER 8+ et surtout le succès commercial des nouveaux modèles le permettront.

3b. L’évolution des résultats de changes Pour illustrer l’impact de la politique monétaire, le tableau IIb encadre la simulation

par deux scénarios monétaires qui seront explicités dans la troisième partie : Les couvertures de change existant fin 2008 se montent à 60 milliards d’euros. Le taux

moyen garanti par ces couvertures est de 1 euro = 1,26$ pour 2009, qui bénéficie des derniers montants significatifs de couvertures antérieures à 2004, mais 1,39$ seulement pour la moyenne des années 2010 à 2015.

- Dans le scénario optimiste le résultat de ces couvertures serait alors de 0,16 milliard d’euros en 2009 et -4,2 milliard d’euros pour la période 2010 2015. - Dans le scénario pessimiste le résultat de ces couvertures serait alors de 1 milliard d’euros en 2009 et +2,5 milliard d’euros pour la période 2010 2015. Pour l’année 2009, le risque dollar était couvert à 100% dès fin 2008. Le résultat

courant après utilisation des couvertures existantes est donc pratiquement indépendant du scénario monétaire : +0,9 milliard d’euros si l’estimation retenue pour la parité de simple équilibre est exacte.

Pour la moyenne des 6 années suivantes le risque dollar n’était en revanche couvert

qu’à 40% par les couvertures existant fin 2008. Que se passera-t-il si EADS poursuit la même politique de couverture de change ?

- Dans le scénario optimiste le résultat de ces nouvelles couvertures serait alors de 2,3 milliard d’euros pour la période 2010 2015. Le résultat total des opérations de change resterait malgré tout négatif, -1,9 milliard d’euros, pour la période 2010 2015. - Dans le scénario pessimiste le résultat de ces nouvelles couvertures serait alors de 0,95 milliard d’euros pour la période 2010 2015. Le résultat total des opérations de change grossirait à +3,4 milliard d’euros, pour la période 2010 2015. Pour l’ego de la direction financière d’EADS il n’est donc pas douteux que le scénario

monétaire pessimiste serait plus confortable ! Ce n’est évidemment pas le cas pour l’entreprise : en additionnant résultat courant + résultats de change on constate que le résultat d’exploitation sur la partie du chiffre d’affaires exposée au risque dollar serait, pour les années 2010 à 2015 de :

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+7,8 milliards d’euros dans le scénario monétaire optimiste, +0,4 milliards d’euros seulement dans le scénario monétaire pessimiste. On entend trop souvent les thuriféraires de l’euro fort affirmer que les entreprises

n’ont qu’à se couvrir pour survivre à une politique monétaire hostile. Cette simulation montre les limites d’une politique de couverture « orthodoxe ».

Tant que le dollar montait, vendre à l’avance les recettes futures était effectivement la

certitude d’afficher des résultats de change substantiels, compensant au moins en partie la perte de compétitivité croissante de l’exploitation courante.

A partir du moment où le cours des couvertures à terme devient inférieur au seuil

d’équilibre de l’entreprise, et surtout au cours de marché possible dans deux ou trois ans, la tache d’un directeur financier devient fort délicate. S’en tenir à une politique de couverture « orthodoxe » et immuable, c’est se condamner à un simple lissage pluriannuel des résultats, et à la quasi certitude d’années de pertes de change retardant le redressement de son entreprise quand l’euro rebaissera. Il faut vendre le dollar quand il est surévalué, l’acheter au contraire quand il est sous-évalué, ce que font les Hedge Funds qui, lorsqu’une entreprise de l’économie réelle vend à terme ses recettes futures en dollars, se portent contreparties en faisant le pari que le vendeur exagère le risque de baisse du dollar. Ou, au minimum moduler le montant et la durée des couvertures nouvelles en fonction du jugement sur l’évolution future des monnaies, et du positionnement de la parité à terme par rapport à la parité optimale de l’entreprise. Et ne pas hésiter à bloquer ses profits latents en liquidant ses couvertures gagnantes quand le dollar risque de se retourner. Bref mener la politique de « couverture à géométrie variable » que j’ai pratiquée pendant ma vie professionnelle et qui m’a permis d’accumuler des profits pendant 10 ans, sans une seule année de perte.

Pour en revenir à EADS on peut rêver, après coup, au « pied de nez » à Boeing

qu’auraient été des couvertures plus massives et plus longues effectuées à partir des cours d’entrée des années 2000 à 2003. Mais une politique orthodoxe conduit à proportionner les couvertures nouvelles aux prises de commandes. Une analyse « longitudinale » des générations successives de nouvelles couvertures en montre les conséquences négatives.

La dernière année où la parité euro - dollar a été voisine de sa parité structurelle est

2006 (respectivement 1, 25 et 1, 26). L’objectif du plan POWER 8 est de rendre supportable une parité de 1,35. Ces deux références auraient conduit une politique de couverture à géométrie variable à forcer le montant et l’horizon – au moins 7 ou 8 ans- des couvertures 2006. La relative faiblesse des prises de commandes en 2006 – 69 milliards de dollars - a conduit au contraire à limiter les couvertures nouvelles à 11,3 milliards de dollars, étalés sur 4 années, à un cours moyen de 1,256. Résultats : les profits 2007 2011 réalisés ou possibles sur cette génération de couvertures seront limités à :

- 760 millions de dollars dans le scénario pessimiste. - 260 millions de dollars dans le scénario optimiste, les années 2010 et 2011 étant même légèrement perdantes. Les commandes des années 2007 et 2008 ont été au contraire pléthoriques – 325

milliards de dollars. Cela a mécaniquement conduit EADS à gonfler ses couvertures, en montant et en durée. En 2008, elles ont été, pour les seules couvertures à terme, de 24,4

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milliards de dollars, étalés sur 7 années, à un cours moyen de 1,42. Bloquer un cours de 1,42 alors que l’on espère immuniser EADS contre un euro à 1,35 c’est une garantie de pertes globales certaines. Une politique de couverture à géométrie variable aurait conduit à minimiser et raccourcir ces couvertures. Les résultats 2009 2015 des couvertures à terme effectivement pratiquées en 2007 et 2008 seront:

- Un profit de 575 millions de dollars dans le scénario pessimiste, largement insuffisant pour compenser le résultat courant largement négatif dans ce scénario. - Mais une perte de 2040 millions de dollars dans le scénario optimiste, amputant d’autant le résultat courant positif permis par les efforts accomplis par l’entreprise. J’ai pu observer dans ma carrière les contorsions auxquelles étaient acculés des

collègues directeurs financiers obligés d’avouer qu’ils s’étaient trompés dans leurs anticipations ! On comprend que la plupart des entreprises de l’économie réelle préfèrent se limiter à une politique de couverture orthodoxe. Les financiers peuvent alors arguer qu’ils n’ont fait que suivre les procédures fixées par la direction générale. Et le lissage des résultats en période de hausse du dollar donne à cette dernière… les délais nécessaires pour mettre en place la seule couverture de change imparable : aller produire dans le pays ou la zone monétaire où l’on vend. C’est ce qu’a compris depuis des années l’industrie automobile française et c’est ce qu’entreprend, avec retard mais à marches forcées, l’industrie aéronautique européenne. L’exemple de la première montre quelles en seront dans quelques années les conséquences négatives pour la collectivité :

- Disparition progressive des excédents commerciaux. Dès le mois de mars 2009 le commerce extérieur français a connu un scoop fâcheux : pour la première fois dans l’histoire les excédents de l’industrie aéronautique ont à peine suffi à compenser le déficit de l’industrie automobile, et l’excédent commercial traditionnel de l’ensemble des matériels de transport a disparu. - Problèmes sociaux posés par la « restructuration » du potentiel industriel national, constructeurs et surtout tissu des équipementiers et sous-traitants.

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III. LES DYSFONCTIONNEMENTS DE LA

SPHERE FINANCIERE :

La spéculation va-t-elle repartir « comme avant » ?

Le premier dysfonctionnement de la Sphère Financière est évidemment constitué par

les pertes colossales déjà enregistrées et surtout à venir. Pour justifier, face au courroux des contribuables, et des centaines de milliers de

travailleurs licenciés, les centaines de milliards de dollars et d’euros injectés dans le sauvetage de la Sphère Financière, les gouvernements expliquent que, sans redémarrage du crédit dispensé par les banques, la sévère récession en cours se transformerait inéluctablement en dépression type 1929. Ce n’est pas faux, sauf que c’est la croissance débridée et incontrôlée antérieure du crédit qui est à l’origine de la crise, et qu’il est hors de question de recommencer comme avant, même si c’est le vœu fervent et l’espoir croissant des marchés financiers. Le second dysfonctionnement majeur, passé et actuel, de la Sphère Financière, est sa mauvaise distribution de crédit à l’économie réelle.

Mais nous avons constaté, dans la première partie, que les marchés financiers sont

également lourdement impliqués dans la genèse de la crise par les spéculations échevelées qui ont conduit à des évolutions des parités et des prix des matières premières incohérentes avec les performances de l’économie réelle, et exigeant de cette dernière des sacrifices douloureux avant même le déclenchement de la crise.

Une analyse rigoureuse de la responsabilité de la Sphère Financière dans le

déclenchement de la crise, et des risques qu’elle continue de faire peser sur les tentatives de relance, doit donc couvrir ces trois dysfonctionnements.

Nous débuterons par une description de la Sphère financière et de ses rapports de plus

en plus distants avec l’Economie Réelle, puis ferons le point sur les dernières estimations du coût de la crise financière. (Extraits résumés)

Nous confirmerons ensuite la responsabilité de la spéculation dans le déclenchement

de la crise, et montrerons que, pour l’économie réelle, l’ampleur et la soutenabilité de la reprise dépendront au moins autant d’un encadrement efficace de cette spéculation que du redémarrage de crédit.

L’indicateur de risques de crise financière proposé par « Le choc des économies »

donnait comme tiercé des pays les plus menacés le Royaume Uni, les Etats-Unis et l’Espagne. Nous terminerons enfin par quelques pistes d’amélioration de cette approche.

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A. DES FINALITES DEVOYEES Pour décrire la Sphère Financière et en comprendre les dérives, il faut appliquer le

grand principe de la qualité totale, partir des besoins de ses clients. Commençons par rappeler ce que pourrait être une Sphère Financière au service de l’Economie Réelle, puis nous décrirons ce qu’étaient devenues ses véritables priorités.

1. Les besoins de l’Economie Réelle

Les diagnostics présentés dans les deux premières parties ont permis de préciser ce

que devrait être une Sphère Financière assurant aux acteurs de l’Economie Réelle, entreprises et ménages :

-Un développement raisonnable de l’accès au crédit - Un environnement financier, évolution des prix, du coût de l’argent et surtout des parités, permettant de maintenir une compétitivité correcte des sites industriels. Le pilotage de la Sphère Financière implique au jour le jour trois acteurs

fondamentaux, les marchés financiers, les autorités de contrôle et les banques centrales. Mais ce sont les Pouvoirs Publics qui ont la responsabilité suprême de fixer les règles du jeu.

2. Les nouvelles priorités de la Sphère Financière a. Une clientèle plus intéressante La double envolée des revenus et des patrimoines a entraîné la prolifération de

« hedge funds » et fonds privés de capital investissement exclusivement dédiés à cette clientèle haut de gamme, et ouvertement consacrés à la recherche de la rentabilité financière immédiate maximale. Les risques pris pour y parvenir ont bien entraîné de temps en temps quelques faillites spectaculaires mais, jusqu’au début de l’année 2008, leur rentabilité moyenne a effectivement été très satisfaisante. La plupart des banques traditionnelles n’ont pas résisté à la tentation de prendre leur part de ce gâteau en développant leurs services à leur clientèle haut de gamme d’une part, leurs activités de trading pour compte propre d’autre part.

b. Charité bien ordonnée…commence par soi-même La publication périodique du classement des traders mondiaux illustre de manière

saisissante la domination du modèle anglo-saxon par la recherche du profit maximum à court terme que seule la Sphère Financière paraissait à même d’apporter – avant la crise- à ses riches opérateurs et clients. Les 100 meilleurs traders ont perçu en 2007 30,4 milliards de dollars, soit 300 millions de dollars par personne, un montant en progrès de 25% par rapport à 2006. Les premiers chiffres connus pour l’exercice 2008 montre une baisse de moitié pour les revenus moyens des meilleurs, ce qui reste fort confortable et encore plus indécent, compte tenu de la crise subie par l’économie réelle.

Ces revenus colossaux des traders ont joué un rôle décisif dans « l’échelle de

perroquet » qui a fortement amplifiée l’envolée de inégalités de revenus : il était tout de même « anormal » que le président d’une grande banque ne soit que la trentième rémunération de son groupe. Une fois que de substantiels bonus et distribution de stocks options lui avaient permis d’un peu réduire cette « injustice », c’est la rémunération des cadres dirigeants des

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grands groupes de l’économie réelle qui devenait « anormale » et qu’il fallait donc doper par des bonus et stocks options assis sur l’évolution de cours de bourse, qui devenaient ainsi l’objectif numéro un des équipes dirigeantes de ces groupes. Saisissante illustration d’une Sphère Financière au service de l’accroissement des inégalités, et à l’origine de la financiarisation de l’économie réelle.

Même ainsi boostés, le revenu 2007 moyen des 50 patrons les mieux payés de France,

contre lesquels se déchaînent médias et hommes politiques, n’a toutefois atteint que 4,6 millions d’euros, soit 6 millions de dollars.

1 trader moyen du top cent = 50 fois le patron moyen du top 50 français. Décidément grand public journalistes et hommes politiques ont des difficultés à

appréhender les chiffres concernant la sphère financière. Petit cours de linguistique : - Pour évaluer les revenus des traders, il faut utiliser le DOL (1 dol = 1 million de dollar). Dans ce milieu, le SMIC est 1 dol. C’était d’ailleurs le rêve, somme toute modeste, qui a fait dérailler Gérôme Kerviel. - Pour évaluer le coût de la crise financière pour les contribuables, Jacques Attali propose d’utiliser le T (1 T = 1 trillion de dollars). Rappelons simplement que le PIB mondial est de l’ordre de 50 T. 3. Enrichissez vous…par le malheur des autres Dans la course au profit il fallait exploiter toutes les opportunités. D’où trois

filons largement développés : a. Il ne faut pas négliger la clientèle des pauvres Quand une substantielle part de la création de richesse va dans la poche du premier

décile de la population, le dernier quartile se paupérise, et les classes moyennes ne perçoivent que des miettes. Pour éviter une révolte pouvant aller jusqu’au vote pour un parti moins favorable à l’économie casino, il fallait permettre à ces classes moyennes de participer à l’euphorie générale en consommant et achetant leurs logements, donc en les abreuvant de crédit à défaut d’accroissement des revenus. L’ensemble du système bancaire et des professions qui gravitent autour se sont mobilisés avec enthousiasme, aux Etats-Unis, pour répondre à cette demande politique en développant les prêts subprimes accordés à des « NINJA » (No Income, No Jobs, No Assets). La fuite en avant reposait sur la hausse des prix immobiliers permettant de réemprunter sur les biens réévalués. Ce qui permettait non seulement de faire face aux emprunts initiaux mais de consommer allégrement à crédit.

Tant que le système a pu fonctionner, tous les intermédiaires, courtiers plaçant les

prêts, banque les consentant, agences de rating et rehausseurs de crédit permettant leur transformation en produits financiers titrisés attractifs et investisseurs finaux percevant des intérêts substantiels sur des produits apparemment sans risques en ont largement profité.

Quand la bulle immobilière a commencé à crever, la fuite en avant s’est enrayée. Les

principales victimes sont apparues : ce sont les souscripteurs de prêts supprime ou d’un recours excessif aux crédits à la consommation qui ont perdu maisons et voitures avant même

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d’être licenciés pour cause de crise. Quid des prêts et crédits qu’ils ne pouvaient honorer ? Nous reviendrons plus loin sur la partie de mistigri qui se joue pour répartir la perte finale.

Il n’est pas étonnant que la crise financière ait démarré dans les pays anglo-saxons et à

partir du financement des ménages : la croissance exponentielle de leur niveau d’endettement avait enfoncé le record antérieur détenu par les ménages japonais, qui n’était pas sans rapport avec la longue stagnation connue par ce pays. Et c’est très largement l’envolée des prêts immobiliers qui en était la cause.

On ne peut donc à la fois demander aux banques de revenir à une politique de prêt

raisonnable, et de relâcher le robinet du crédit. Conclusion : Au royaume Uni et aux Etats-Unis, le niveau d’endettement des ménages va refluer, et il faudra trouver un autre moyen de soutenir leur consommation, c’est-à-dire répartir plus équitablement les fruits de la croissance. Conséquence favorable à moyen terme, mais fâcheuse à court terme, leur taux d’épargne, tombé quasiment à zéro, commence à remonter, malgré l’effondrement des revenus. Au Japon, la baisse du dénominateur –le revenu- va entraîner en 2009 2010 une certaine reprise du niveau d’endettement qu’il faudra ensuite résorber. En revanche il existe une certaine marge d’accroissement de l’endettement des ménages, donc de relance de la demande interne, en Allemagne et en France.

b. On peut faire de gros profits avec des entreprises Avec les entreprises matures de l’économie Réelle, dont la rentabilité réelle dépasse

rarement 5 à 10% par an, il est difficile à la Sphère Financière de réaliser des profits satisfaisant sa norme de 15% minimum. Il faut trouver des niches, ou des techniques financières permettant de fabriquer du 15% à partir de 5 ou 10%. La technique c’est le recours massif à l’endettement financier.

La plus belle niche pour les fonds privés à la recherche d’une activité non régulée mais

très juteuse ce sont les entreprises qui ont besoin de fonds propres pour se développer. A leurs débuts les fonds privés de « private équity » ou « Capital Risque » ou

« Business Angels » ont joué, tout particulièrement aux Etats-Unis, un rôle éminemment positif pour l’économie réelle. Mais, à partir du moment où certaines banques centrales distribuaient de l’argent gratuit que les banques ne demandaient qu’à prêter sans trop se poser de questions, s’est développée la technique des LBO, où l’endettement massif qui sert à racheter une belle endormie, une entreprise mal gérée, ou une PME que les propriétaires veulent céder, sera remboursé par les profits tirés de l’entreprise elle-même, si nécessaire passée à la paille de fer pour en améliorer la rentabilité. Si l’opération est un succès, et quelques miettes accordées aux nouveaux dirigeants y contribuent efficacement, la sortie est également une introduction en bourse ou le rachat par une entreprise en mal de croissance externe.

Le personnel de l’entreprise ainsi prise en mains est certes souvent pressuré mais

beaucoup de ces opérations sont globalement positives pour l’efficacité de l’Economie Réelle. Avec toutefois deux bémols :

- Les ressources collectées par ces fonds étaient, jusqu’à la veille de la crise, si

abondantes que le prix de ces transactions avait tendance à s’envoler, la sortie de l’opération

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initiale se faisant de plus en plus souvent par un rachat par un second fonds. On connaît des entreprises qui en sont à leur quatrième LBO, rarement au bénéfice de leurs personnels.

- Mais surtout la bonne fin de l’opération repose sur la capacité de l’entreprise reprise

à dégager les profits nécessaires pour faire face aux emprunts, puis à trouver un acquéreur final. Deux conditions qui nécessitent que l’économie reste en bonne santé. A défaut on en arrive à la situation préoccupante qui commence à sortir sur la place publique: en France par exemple l’encours de prêts à des opérations de LBO des quatre principales banques serait de 28 milliards d’euros. Et certains experts pensent qu’au minimum un tiers des opérations ne pourront aller à terme, l’hypothèse la moins défavorable étant la transformation des prêts en actions au devenir incertain, un « collage » aléatoire que les banques ont en horreur.

c. Il faut savoir exploiter les « vide greniers » L’envolée de la demande de crédit se heurtait dans les banques traditionnelles à une

contrainte de structure financière : les précédentes crises avaient conduit au renforcement de la réglementation leur imposant de ne pas dépasser un plafond d’interventions proportionné à leurs fonds propres, les fameux ratios Cook et Bale II. Pour les respecter il fallait céder sans recours une partie de ces prêts et crédits. D’où le développement exponentiel de la titrisation, qui a permis aux banques de se délester de la majorité de leurs prêts aux particuliers et aux entreprises, en les revendant à des investisseurs cupides et crédules sous forme de produits financiers opaques cachant les subprimes derrière des prêts alors jugés sans risques, rapportant beaucoup plus que des obligations d’état, mais assorties de la même note « triple A » garantissant l’absence de risque.

L’étape intermédiaire consistait en général à céder ces prêts à des SIV -« Structured

Investments Vehicles »- chargés de concocter les paquets cadeaux, en utilisant la technique de la subordination, en fonction de la cupidité et du sens du risque des investisseurs: les plus prudents prenaient la tranche « senior » dont la rémunération était garantie par les premiers intérêts versés par les clients initiaux ; les plus cupides prenaient la tranche « junior » rémunérée par le solde des intérêts reçus, s’il en restait. Le résidu, pompeusement baptisé « tranche équity » avait si peu de chances de trouver preneur qu’il restait parqué dans les SIV.

Mais les statistiques de risque de défaut utilisées par les financiers créatifs pour

concocter ces paquets cadeaux étaient tirées des bonnes années récentes, sans que les agences de notation – ou les directions générales- n’y trouvent rien à redire. Elles se sont donc révélées beaucoup trop optimistes dès que la crise du marché immobilier a démarré. Certaines tranches junior, puis senior se sont rapidement révélées incapables de servir les intérêts promis. Personne n’étant capable de reconstituer les contenus savamment mélangés des paquets cadeaux, les doutes se sont propagés à l’ensemble du portefeuille de produits titrisés existants, stoppant toutes les transactions et entraînant l’effondrement du marché de l’occasion qui servait à les valoriser.

La titrisation n’était en effet que l’aboutissement ultime du développement d’un

gigantesque « marché de l’occasion » dans la Sphère Financière : tous les prêts, aux entreprises, aux fonds de capital risque pratiquant des LBO, aux pays en difficultés, s’y négocient de gré à gré, parfois au dixième ou au vingtième de leur valeur faciale, comme ce fut le cas des emprunts de GM dans les jours précédant le dépôt de bilan. Nous avons déjà vu ces fonds à l’œuvre dans la restructuration financière de Chrysler et GM, où il a fallu passer par une mise en faillite pour se débarrasser de leurs exigences. Pour les produits dérivés, dont

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font partie les produits titrisés, la situation était encore pire : en l’absence de chambres de compensation toutes les transactions s’y effectuaient – et c’est toujours le cas- de gré à gré sans le moindre contrôle.

Les normes comptables en vigueur avant la crise imposaient l’évaluation de tous les

actifs, réels ou financiers, à leur « fair value », ce qui suppose l’existence d’un marché. Louable souci de réalisme…du moins tant que l’économie et la finance tournent rond. A partir de l’éclatement de la crise des subprimes les transactions sur produits financiers susceptibles d’en contenir ont cessé, obligeant les banques les possédant à les déprécier massivement ou à les céder à des fonds vautours. L’adoucissement des normes comptables, effectif aux Etats-Unis et en cours en Europe, a réduit la nécessité de nouvelles dépréciations, ce qui a d’ailleurs bien contribué aux agréables surprises qu’ont été les redressements des comptes du premier trimestre 2009 de nombre de banques. Mais les soupçons sur la véritable valeur finale des produits qui restent à leurs bilans subsistent.

Aux dernières nouvelles, les principales banques américaines jugent que, si on les

laissent encore quelques trimestres pour tondre leurs clients de l’économie réelle, il n’y a aucune urgence à brader des actifs toxiques qu’elles ne sont même plus obligées de déprécier, merci le relâchement des normes comptables. En revanche les autorités publiques allemandes semblent persister dans leur intention de créer une « bad bank ». Ce qui apporte un indice supplémentaire à ceux qui pensent que le système bancaire allemand reste un des plus fragiles en Europe.

4. Les deux Sphères Financières Le scandale Madof a cruellement souligné la cupidité et l’incompétence de la clientèle

des nouveaux riches, l’absence de contrôles sérieux et les collusions entraînées par l’idéologie de dérégulation qui était la bible des modèles anglo-saxons, les facilités offertes par des paradis fiscaux dont l’existence arrangeait tout le monde. Ces trois facteurs ont généré une croissance exponentielle de la « Shadow Finance », constituée par l’ensemble des organisations peu ou pas contrôlées et grandes utilisatrices des paradis fiscaux, Hedge Funds et Fonds privés de Capital Risque notamment. A la veille de la crise, elle brassait un volume d’affaires du même ordre de grandeur que celui de la Finance Officielle théoriquement régulée et contrôlée. Certes les faillites périodiques de Hedge Funds pris à contre-pied par les évolutions des marchés, et les récents effondrements de « pyramides de Sponzi » dont Madof a été le premier exemple, ont creusé des pertes non négligeables pour leurs clients trop cupides. Mais, à l’exception de quelques fonds caritatifs trop naïfs, la survie des clients lésés n’était pas menacée. En moins d’un an le volume d’affaires et le nombre des hedge funds a pu se contracter de 30 à 50% sans entraîner de conséquences systémiques majeures.

Mais les péripéties des derniers trimestres ont montré qu’appâtées par la possibilité de

tels gains nombre d’entreprises de la « Finance Officielle » avaient développé leurs opérations d’arbitrages financiers pour compte propre plus ou moins bien contrôlées, se transformant progressivement en gigantesques hedge funds. Tant que la Sphère Financière est restée euphorique, les profits tirés de ces activités spéculatives ont surclassé ceux tirés des activités financières traditionnelles. A la mi 2008, la Sphère Financière mondiale était devenue un gigantesque casino au service de ses cadres dirigeants et traders, et accessoirement de sa clientèle haut de gamme, pour lequel l’économie réelle n’avait plus guère d’importance que par ses dépôts. Et c’est dans ce casino officiel que la véritable catastrophe financière s’est produite. Elle a frappé les derniers convertis cherchant à brûler les

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étapes pour rattraper les meilleurs : c’est en cherchant à égaler la rentabilité de Goldman Sachs que les grandes banques américaines ont accumulé les mauvais risques qui les ont fait capoter et ont conduit à la faillite de Lehman Brothers.

Les derniers partisans de la dérégulation ultralibérale arguent que c’est précisément la

régulation, obligatoirement imparfaite et en retard sur l’imagination créatrice des petits génies de la finance, qui est la cause du désastre. Effectivement c’est largement pour échapper aux contraintes des ratios Cook et Bale II que la titrisation et la revente des prêts sur le marché de l’occasion ont été développés. Mais c’est oublier un peu vite que l’idéologie du laisser faire et la croyance à l’efficacité de l’autocontrôle avait conduit le précédent gouvernement à émietter le contrôle entre de multiples autorités trop jalouses de leurs prérogatives pour collaborer et, par souci supplémentaire de non efficacité, à nommer à la tète de certaines d’entre elles des copains convaincus de la beauté du système et chargés de ne pas faire preuve d’excès de zèle.

B. UN COUT DE LA CRISE COLOSSAL 1. Recensement des cadavres connus, et potentiels a. Le volume la localisation et le coût final des produits financiers titrisés, auxquels il

faudrait réserver l’appellation de « produits toxiques », est déjà difficile à estimer. En dehors des anciens produits titrisés et des LBO déjà mentionnés, au moins une turpitude passée pourrait entraîner des pertes encore mal cernées. Les montants colossaux de prêts et crédits proposés aux investisseurs risquaient d’inquiéter les plus méfiants. Un fonds de commerce juteux existait donc. Pour l’exploiter ont été créés les « CDS » - Crédit Défault Swaps - produits financiers garantissant les prêts consentis aux banques, entreprises et même pays. Et le risque latent représenté par la soixantaine de trillions de dollars de CDS est colossal. Au moins un assureur n’avait pas résisté à la tentation de développer ce fonds de commerce juteux : c’était AIG, le numéro un mondial, et il a fallu le nationaliser en un week end pour éviter le risque systémique d’un effondrement du château de cartes de l’endettement bancaire. La première centaine de milliards de dollars versés, aux frais des contribuables américains, aux emprunteurs que AIG avait garantis a fait tousser. Mais après le désastre causé par la mise en faillite de Lehman Brothers un refus d’honorer les contrats signés aurait causé un « risque systémique » majeur qu’il valait mieux éviter. Ce n’est probablement qu’un début. Le coût final sera supporté, dans un premier temps, par la puissance publique. La seule incertitude est le nombre de tours qu’effectuera le mistigri avant d’échouer dans ses mains !

b. Le fort ralentissement de l’économie mondiale est, en matière de risques, lourd de

menaces « d’effets de second tour » dans l’économie réelle. Les situations critiques de nombre de promoteurs immobiliers européens et des trois grands constructeurs automobiles américains en sont les premières manifestations. Enfin, malgré la grande prudence dont font preuve les banques depuis l’arrêt de la titrisation qui les force à conserver les encours et les risques de leurs nouveaux prêts, l’envolée du chômage et la détérioration de la situation des entreprises multiplient les défaillances des ménages et entreprises petites moyennes et même géantes, comme l’a montré le coup de tonnerre qu’a été le dépôt de bilan de GM.

c. En sens inverse, il faut tout de même signaler un mécanisme qui contribue à limiter

les répercussions du sinistre financier sur les finances publiques. Les précédentes crises financières ont souligné que la conjonction de taux directeurs proches de zéro et de forts déficits budgétaires ont un effet immédiat et spectaculaire sur les résultats des banques : en empruntant des dollars à coût nul pour souscrire aux emprunts émis par le trésor américain à

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des taux proches de 3% et prêter aux entreprises qui restent solvables avec des spreads – prime par rapport aux emprunts publics - qui se chiffrent en centaines de points de base, elles réalisent des profits considérables. C’est la première raison du spectaculaire redressement des comptes des banques américaines au premier trimestre 2009. Et du handicap relatif des banques de l’Euroland dont les ressources restent plus coûteuses.

Le second facteur déjà évoqué de ce redressement est l’abandon des règles comptables

de « valorisation au prix de marché » qui avaient joué un rôle pro cyclique pervers dans le déclenchement de la crise. En arrêtant la course à l’abîme qu’entraînait la dépréciation de produits financiers dont le marché n’existait plus, mais dont on peut espérer qu’ils retrouveront à terme une certaine valeur, les banques ont pu afficher des résultats proches de leurs résultats courants. Le matelas de provisions existant sera-t-il in fine suffisant ? On ne le saura qu’à l’issue du nettoyage des bilans bancaires mondiaux. Cela laisse le temps de s’offrir quelques mois d’optimisme pour les marchés financiers, ce qui peut contribuer à la relance, et permettre entre temps de faire participer les actionnaires existants et les fonds souverains à la reconstitution des fonds propres des entreprises en difficultés.

2. Les tentatives d’évaluation du coût de la crise financière a. La taille globale du sinistre, qui dépendra des délais qui seront nécessaires pour

remettre en état de marche le système financier mondial et de possibles « retours à bonne fortune » est donc impossible à estimer. Dans ses « Global Financial Stability Report » périodiques, le FMI l’évaluait en octobre 2008 à 1,4 T. En janvier 2009, la mise à jour est passée à 2,2 T. Dans le rapport du 22 avril un recensement plus exhaustif des risques passe à 4,05 T. Sur ce montant le FMI estime la part des banques à 2,8 T.

b. La double ventilation de ces 2,8 T, par origine géographique des pertes et

nationalité des groupes bancaires, est fort instructive : -1,35 T sont dus à des défaillances d’emprunteurs américains, soit un taux de

défaillance colossal de 8,9%, sur les actifs recensés. Les chiffres correspondants seraient 0,34 T et 4,6% pour les emprunteurs anglais, 0,7 T et 3,9% pour les emprunteurs du reste de l’Europe, 0,26 T et 8,2% pour les emprunteurs des pays émergents, 0,15 T et 1,9% pour les emprunteurs asiatiques. Ces chiffres confirment la responsabilité et l’effondrement des modèles anglo-saxons de fuite en avant dans l’endettement.

- La diversification géographique des banques européennes, directe par des filiales ou

indirecte par achat de produits toxiques, est lourdement sanctionnée : avec 1,1 T de pertes probables, soit 4,6% de leurs encours recensés, elles devancent les banques américaines – 1,05 T et 8,8% - anglaises – 0,32 T et 5% - et asiatiques – 0,34 T et 3,5%.

- On constate que, pour les banques européennes, les seules pertes probables sur pays

émergents représentent 0,17 T, largement en provenance des pays d’Europe centrale. Le FMI est, à juste titre fort préoccupé par les risques qui pèsent sur la croissance, la situation financière et les monnaies de nombre de ces pays, et a d’ailleurs commencé à participer à des plans de sauvetage, tout en s’interrogeant sur l’opportunité de tenter de soutenir des parités irréalistes. Le rapport confirme la très forte exposition à ce risque majeur des banques allemandes suédoises et autrichiennes.

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c. Le montant et la répartition des efforts indispensables pour restaurer durablement la capacité du système bancaire à répondre aux besoins de l’économie réelle sont encore plus difficiles à imaginer. Au-delà du montant des pertes finales, joueront en effet l’évolution de la rentabilité des opérations nouvelles, les modalités de traitement des produits toxiques et d’implication de la puissance publique, la contribution des actionnaires existants et des fonds souverains, qui dépendra beaucoup de l’humeur des marchés financiers.

Le dernier rapport du FMI tente d’encadrer le « combien » par deux scénarios. Pour

revenir, in fine, à la structure financière observée à la veille de la crise, les banques américaines auraient besoin de trouver 275 milliards de dollars de fonds propres supplémentaires, et les banques européennes 600 milliards. Pour revenir à la structure plus prudente du milieu des années 90, ces chiffres gonfleraient à 500 et 1200 milliards.

d. A un moment où il est politiquement correct de tenter par tous les moyens de doper

la confiance et encourager le rallye des marchés boursiers, la « sinistrose » du FMI a déclenché une véritable polémique.

Il faut bien distinguer, comme le fait le FMI deux étapes, l’estimation du coût brut des

défaillances possibles, indépendamment de la localisation finale des produits toxiques, la répartition finale des efforts à consentir pour remettre le système bancaire en état de marche :

L’estimation à 4T du coût brut de la crise financière ne paraît pas hors de la plaque.

C’est sur la ventilation finale des efforts de restauration des bilans des banques officielles que portent l’essentiel des critiques, des deux cotés de l’atlantique.

Aux Etats-Unis, où les résultats des « crash tests » destinés à mesurer la capacité des

banques à faire face à une aggravation de la crise, devaient être publiés, les banques se sont farouchement battues pour adoucir les résultats les concernant. Les besoins en fonds propres publiés aboutissent à un total largement inférieur à celui du FMI. Les banques ont en effet largement majoré, sur la lancée des résultats publiés pour le premier trimestre, les profits internes pouvant servir à couvrir le coût de la crise, et se sont d’ailleurs dépêché de mettre à profit l’embellie des marchés boursiers pour lancer des augmentations de capital en général bien accueillies, puis rembourser les aides consenties par le Trésor. Des fuites fort précises suggèrent que, pour la majorité des banques, les besoins en fonds propres résultant des crash tests étaient largement supérieurs à ceux qui ont été publiés, et conduisaient à un total pas trop éloigné du calcul global du FMI. Si l’évolution favorable de la crise se poursuit, cela réduira d’autant la facture. Du moins pour les contribuables, car les profits plantureux qu’espèrent réaliser les banques le seront grâce... aux agios prélevés sur leurs crédits : l’issue finale de la partie de mistigri pour se partager les pertes est peu douteuse : l’essentiel du coût du sinistre sera supporté par les acteurs de l’Economie Réelle, leurs enfants et petits enfants.

e. En Europe, avant d’avoir les résultats au moins globaux des crash tests, la BCE a

publié sa propre « Financial Stabilité Review » mi juin 2009. Elle évalue les dépréciations cumulées probables à fin 2010 à 218 milliards $ pour les actifs toxiques proprement dits et 431 milliards $ pour les créances douteuses résultant de la détérioration de la situation financière des emprunteurs. Ce total de 649 milliards $ est inférieur aux 904 milliards $ avancés en avril par le FMI. La BCE constate tout de même qu’il resterait encore près de 300 milliards $ de mauvaises surprises à venir dans le scénario macroéconomique moyen. Rappelons que ce dernier n’intègre pas encore les risques négatifs induits par la reprise de la spéculation financière sur le pétrole et l’euro.

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3. Les répercussions sur les finances publiques Les recettes fiscales, très dépendantes de la croissance, s’effondrent dans tous les pays

développés, au moment où les dépenses s’envolent. OCDE et FMI voient les déficits budgétaires plonger en direction des 10% du PIB dans la plupart des pays. A législation fiscale inchangée, il faudra attendre 2011 pour voir les recettes fiscales retrouver une croissance suffisant pour stabiliser les déficits.

(47) L'ENVOL DES DEFICITS BUDGETAIRES

-14

-12

-10

-8

-6

-4

-2

0

2

4

1991 1993 1995 1997 1999 2001 2003 2005 2007 2009 2011

Pour

cent

s du

PIB

Euroland Etats UnisRoyaume Uni JaponFrance

La conséquence en sera une envolée de l’endettement public. Même en retenant le

critère des dettes nettes, le Japon pourrait franchir dès 2010 la barre des 100% du PIB, les Etats-Unis et le Royaume Uni celle des 70%, l’Euroland celle des 60%.

(48) L'ENVOL DES DETES PUBLIQUES NETTES

10

30

50

70

90

110

130

1991 1993 1995 1997 1999 2001 2003 2005 2007 2009 2011

Pour

cent

s du

PIB

Euroland Etats Unis

Royaume Uni Japon

France

Si dans le même temps les excédents des épargnes et des balances courantes des pays

asiatiques se réduisent, le scénario le plus optimiste est une poursuite de la hausse des taux à long terme, qui contribuera à freiner la reprise, notamment dans l’immobilier. Le scénario pessimiste étant une montée de la défiance envers les monnaies des pays à jumbo déficits, Etats-Unis et Royaume Uni en tète, et le déclenchement de la prochaine crise financière.

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C. LES CONSEQUENCES DE LA SPECULATION FINANCIERE Pour être complet sur les exagérations et turpitudes de la Sphère Financière, il faut

souligner les conséquences sur l’économie réelle de la spéculation tolérée, sinon même encouragée, par le « modèle anglo saxon » qui régissait la mondialisation financière : pour maximiser leurs profits, les acteurs des marchés financiers ont besoin d’une forte volatilité, c'est-à-dire d’amples et permanentes fluctuations des cours, quel qu’en soit le sens.

Compte tenu de leur importance pour l’évolution passée et surtout future de

l’économie réelle, nous allons passer en revue deux marchés : celui du pétrole et autres matières premières, et celui des marchés devises responsables de l’évolution des parités. Et expliciter les deux scénarios optimiste et pessimiste – pour l’économie réelle – qui nous ont servi dans la première partie.

1. La spéculation sur le prix des matières premières

a. Scénarios pour le prix de pétrole A leurs débuts, les marchés à terme sur matières premières avaient été créés pour

répondre aux besoins de l’économie réelle : les producteurs pouvaient ainsi stabiliser leurs recettes futures en les vendant à terme, et les consommateurs stabiliser leurs prix de revient en achetant à terme les matières premières indispensables. Dans ce scénario idéal le prix fixé par le marché supposé parfait et omniscient permettait d’assurer le volume des investissements indispensables pour maintenir à terme une bonne adéquation entre l’offre et la demande.

Il suffit d’examiner le volume des contrats échangés un jour moyen pour constater que les

transactions entre producteurs et consommateurs n’en constituent plus qu’une infime partie : l’écrasante majorité est passée par des spéculateurs qui n’ont jamais vu un baril de pétrole ou un sac de riz, n’ont pas la moindre intention d’en livrer ou prendre livraison, et seront donc forcés de revendre ou racheter leurs contrats, en espérant tirer un profit de ces aller retours. Et un profit d’autant plus substantiel qu’ils recourent au maximum au crédit, ces marchés étant fort peu exigeants, au moins à la conclusion des contrats, sur la partie à verser comptant. Quitte à se réveiller en cours de route, et faire des appels de marge en cas de variation substantielle des cours.

Le baril de pétrole avait coûté 66 dollars en moyenne annuelle 2006. Jusqu’à l’été 2008 le

battage orchestré par le lobby pétrolier et les grands fonds spéculateurs autour de l’inéluctable épuisement des ressources en pétrole et la montée des consommations des pays émergents avaient persuadé des marchés qui ne demandaient qu’à se laisser convaincre, que le baril à 150 dollars était pour demain, et pourquoi pas 200 dollars après demain. Sa hausse s’est donc accélérée mois après mois pour atteindre le record historique de 147 dollars en juillet 2008. Cette envolée a entraîné des variations parallèles de l’ensemble des autres produits énergétiques et, par mimétisme des spéculateurs financiers, de l’ensemble des matières premières. Il a fallu attendre les émeutes de la faim déclenchées par la spéculation sur le « sac de riz – papier » pour que les autorités de contrôle ( ?) de ces marchés fassent semblant de s’interroger sur la responsabilité de la spéculation et les moyens de la calmer. En fait ce sont probablement les vrais spécialistes de ces marchés qui ont commencé à réaliser que les dégâts induits dans l’économie réelle par leurs excès allaient entraîner une récession, un recul de la demande et un assèchement du crédit qui nourrissait et bonifiait leurs spéculations. Ils ont donc jugé qu’ils avaient attiré suffisamment de gogos et qu’il était temps de retourner leurs

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positions pour tondre les imprudents : le reflux des prix de l’ensemble des matières premières a été encore plus brutal que son envolée précédente : le prix moyen du pétrole est revenu à 57 dollars au dernier trimestre 2008 et à 43 dollars pour le premier trimestre 2009. L’ampleur et la vitesse du reflux, malgré des bruits de botte qui quelques mois plus tôt auraient boosté les cours de plusieurs dizaines de dollars, suffisent à démontrer le rôle joué par la spéculation.

On ne peut évidemment pas exclure qu’un gros aléa géopolitique propulse en quelques

semaines le prix du pétrole à 150 dollars. Et il est non moins certain que dans 20 à 40 ans le plafonnement de la production pétrolière et la nécessité de le réserver pour les usages où il est difficilement remplaçable, conduiront effectivement à de fortes majorations de son prix. Les paramètres intervenant dans la simulation de la course poursuite entre pétrole et énergies concurrentes sont nombreux et incertains. Le prix de revient moyen du pétrole extrait en 2009 serait de l’ordre de 25 dollars. Mais le prix marginal du baril de pétrole tiré des schistes bitumineux, des huiles lourdes et des champs en eaux très profondes, qui finiront par relayer les champs en cours d’épuisement, est, suivant les sources, de l’ordre de 60 à 80 dollars, contre moins de 10 dollars dans la péninsule arabique. Le seuil de rentabilité de l’énergie nucléaire serait de 40 à 50 dollars, et on peut espérer que les progrès effectués dans la récupération et l’utilisation de l’énergie solaire la rapprochera du premier de ces seuils.

Les cours constatés au premier trimestre 2009, entre 35 et 55 dollars pour aboutir à

une moyenne de 43$, sont insuffisants pour convaincre les pays producteurs d’investir. Et cette zone de coût est également insuffisante pour rendre les énergies concurrentes compétitives et accélérer leur développement. Elle risque surtout d’être insuffisante pour persuader les utilisateurs, ménages et entreprises, qu’il faut poursuivre, et même accroître, des efforts pour améliorer l’efficacité énergétique qui sont très coûteux. Il était donc certain que le prix du baril de pétrole devait un jour reprendre sa marche en avant.

Mais, pendant les deux années d’ascension du prix du pétrole, pays producteurs

groupes pétroliers et spéculateurs se sont gavés sans pudeur au détriment de l’Economie Réelle. Lors de la précédente crise pétrolière le maintien pendant plusieurs années d’un prix du baril très bas avait efficacement contribué à la relance de l’économie mondiale. A l’époque, la spéculation n’avait pas encore découvert les marchés à terme de matières premières. Un maintien pendant au moins un ou deux ans du prix du baril dans la fourchette 30 à 50 dollars n’aurait été qu’un juste retour de balancier. Comment faire la balance entre ces arguments contraires ?

Si les marchés financiers ne sont pas totalement déconnectés des contraintes de

l’Economie Réelle, le trend observé pendant la période 2002 2008 représenterait une estimation de ce que devrait être une course poursuite rationnelle entre une offre et une demande de pétrole condamnée à plafonner quelque part entre 2020 et 2040. Cette approche économétrique apporte deux résultats :

- Dans les 150 dollars frôlés en 2008 cette approche rationnelle suggère que la spéculation pourrait tout simplement avoir été responsable d’un doublement du prix. On comprend que les vrais spécialistes aient jugé qu’il était temps de retourner leurs positions ! - Ce trend conduirait à un prix de l’ordre de 95 $ fin 2009 et 140 à 150 $ en 2014.

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Pour encadrer les évolutions possibles, on peut imaginer deux scénarios différant par la vitesse avec laquelle ils rejoindraient ou dépasseraient l’évolution extrapolant le trend 2002 2008.

- Le scénario pessimiste illustre ce qui pourrait se passer si les intentions vertueuses de

réglementation et moralisation des marchés financiers ne résistait pas à l’intense pression des lobbies désireux de poursuivre leurs fructueuses spéculations. On peut alors imaginer une nouvelle envolée franchissant vers 2012 la barre des 170 dollars…avant qu’une nouvelle crise économique fournisse aux marchés une nouvelle occasion de spéculer à la baisse.

- Le scénario optimiste supposerait en revanche que les autorités politiques et

monétaires mondiales fassent ce qu’il faut pour encadrer et moraliser ce marché capital pour le bon fonctionnement de l’économie réelle. Mais ce scénario nécessite également que les efforts pour développer des sources alternatives d’énergie et pousser énergiquement à l’amélioration de l’efficacité énergétique se poursuivent, malgré le reflux transitoire du prix du pétrole. Il y aurait pour cela une recette très simple, et qui permettrait aux états de financer une partie de leurs besoins : c’est d’accroître progressivement la taxation du pétrole, en s’engageant sur un calendrier pluriannuel.

Dès le mois de mai 2009 le renouveau d’optimisme des marchés financiers, reposant

sur l’espoir que le creux de la crise est atteint, mais surtout sur les masses d’argent gratuit distribuées par les banques centrales, a permis de propulser le cours du baril au delà des 70 dollars, dépassant ainsi le niveau moyen de l’année 2006. On se dirige à toute vitesse vers l’enfoncement du scénario pessimiste.

(50)PRIX DU BARIL DE PETROLE

0

20

40

60

80

100

120

140

160

180

2002 T1 2004 T1 2006 T1 2008 T1 2010 T1 2012 T1 2014 T1

DOLL

ARS

MarchéTrend 2002 2008Scénario moyenScénario pessimisteScénario optimiste

b. Les enjeux pour l’économie mondiale Le seul intérêt de la simulation présentée est de fournir un ordre de grandeur de

l’impact du prix du pétrole sur l’Economie Réelle. Le tableau IIIb montre que :

- Entre la moyenne 2001 2006 et l’année 2008, les importations nettes de produits énergétiques sont passées, pour les pays développés, de 1,3% du PIB à 2,9%. Le basculement

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73

est particulièrement accusé pour les Etats-Unis (de 1,2% à 2,8%) et le Japon (de 1,8% à 4,2%). L’Euroland est passé de 1,6% à 2,8%, le Royaume Uni de -0,2% (sa balance était excédentaire jusqu’en 2006) à 0,35% en 2008.

- Ce transfert massif de pouvoir d’achat des consommateurs aux producteurs a représenté

pour le cumul des années 2006 à 2008 en moyenne 1,5% du PIB, mais 1,8% pour le Japon, 1,4% pour les Etats-Unis, et 1,2% pour l’Euroland. La France a été, grâce au nucléaire, le pays développé non producteur de pétrole le moins touché. Dans une certaine mesure ce prélèvement sur l’économie réelle a été compensé par un redoublement du recours au crédit. Le freinage de la demande interne des pays consommateur en a donc été un peu atténué, mais l’effet dépressif a probablement retiré au moins un point à la croissance 2006 2008 du PIB, et au prix de la détérioration massive de l’endettement des ménages à l’origine de la crise.

- L’évolution du prix du pétrole à partir de 2009 aura un impact décisif sur l’ampleur

et le timing de la reprise espérée : pour le cumul des trois années 2009 et 2011, il représenterait, pour l’ensemble des pays développés, un supplément de pouvoir d’achat de 1,3% du PIB dans le scénario optimiste, mais un nouveau prélèvement de 1,2% du PIB dans le scénario pessimiste, et encore pire si le trend des dernières semaines se poursuit.

Les prix des autres matières premières, industrielles et dans une moindre mesure

alimentaires, connaissent des évolutions relativement parallèles à celles du pétrole. En incluant les bonus qu’apporteraient des évolutions des prix de l’ensemble des matières premières parallèle à celle du pétrole, le supplément de pouvoir d’achat dépasserait 2% du PIB dans le scénario optimiste- ce qui serait probablement au moins autant que la réalité des plans de relance compte tenu des contraintes budgétaires et des délais de réalisation de nouveaux investissements- mais le prélèvement atteindrait 1,5% dans le scénario pessimiste. Une bonne partie de ces baisses ou hausse de prix impacteraient directement le pouvoir d’achat des ménages. On ne peut guère compter sur un recours plus intensif à l’endettement pour en atténuer les effets négatifs éventuels.

L’écart entre les deux scénarios représente donc 3,5 points de croissance. On mesure

ainsi ce que pourrait coûter à l’économie réelle le retour à l’aveuglement complice face aux marchés financiers et au recul face aux lobbys pétroliers.

c. Les enjeux pour l’industrie automobile La santé de l’industrie automobile par exemple est doublement dépendante du prix des

matières premières : la hausse antérieure du prix du pétrole a impacté la demande, en amputant le pouvoir d’achat des acquéreurs potentiels et en renchérissant massivement son coût d’usage, particulièrement aux Etats-Unis où, le niveau des taxes étant très faible, les prix au détail répercutent presque intégralement l’évolution du prix du brut. Et la hausse des prix de tous les matériaux composant une voiture avait entraîné de 2006 à 2008 des hausses des prix de revient que les constructeurs n’avaient pu répercuter sur des acheteurs déjà sur le reculoir. Ceci explique que les marchés automobiles et les marges des constructeurs aient commencé à refluer avant le déclenchement de la crise financière.

Les Tableaux Entrée Sortie publiés par l’INSEE, permettent de fournir des ordres de

grandeur des effets en cause.

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- De 2006 à 2008, l’ensemble des biens intermédiaires entrant, directement ou indirectement dans le prix d’une voiture auraient augmenté de 11%, malgré les pressions exercées sur les fournisseurs, ce qui a fortement contribué à l’effondrement des marges du site automobile français : près de 5 points de baisse. Le suivi trimestriel des comptes des constructeurs confirme que l’effondrement de leurs marges a débuté bien avant le déclenchement de la crise financière.

- Le simple retour au niveau de prix 2006 des matières premières apporterait

mécaniquement une baisse de prix de revient de l’ordre de 5 points. Dans le scénario optimiste, la relative sagesse du scénario d’évolution des prix des matières premières participerait significativement au redressement des marges. Mais cet impact positif se retournerait à nouveau, dès le second semestre 2009, dans le scénario pessimiste, vers lequel on semble hélas se diriger à toute vitesse.

2. La spéculation sur les monnaies a. L’évolution des parités de 2003 à 2008 - Jusqu’à l’été 2008 également, la spéculation sur les marchés des changes à conduit à

des exagérations, forte surévaluation de l’euro et sous évaluation du yen. L’ampleur, et la violence du réajustement qui a suivi le déclenchement de la crise sont, comme dans le cas des marchés de matières premières, impressionnants.

= En deux ans l’euro avait réussi la performance de se surévaluer face à toutes les autres monnaies, yuan inclus, à l’exception des monnaies matières premières (dollars canadien et australien, couronne norvégienne). = Même aux parités retrouvées au printemps 2009, l’appréciation réelle de l’euro depuis la mi 2003 reste de 10% face au yen et au dollar, et sa baisse par rapport au yuan limitée à un peu plus de 10%.

(51) VARIATIONS REELLES DE L'EURO

-16

-8

0

8

16

24

32

40

2005 01 2005 07 2006 01 2006 07 2007 01 2007 07 2008 01 2008 07 2009-1

pour

cent

s

/ DOLLAR / YEN

/ YUAN / MONDE

-A l’exception de l’Euroland, tous les pays recourent à la vieille recette du dumping monétaire pour tenter de se relancer. Parmi les grands pays manufacturiers, la Chine a stoppé

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le processus d’appréciation régulière du yuan entamé mi 2005, les velléités de redressement du yen se sont évanouies début 2009 devant la gravité de la plongée de l’économie japonaise, les monnaies du Royaume Uni, de la Corée et de la Suède, qui s’étaient appréciées face au dollar jusqu’à l’été 2008, ont connu des dévaluations compétitives de 30 à 40% en 6 mois.

Ce mouvement a été imité par tous les pays producteurs de matières premières : les parités face au dollar des monnaies de la Norvège, du Canada, de l’Australie, du Mexique, de la Russie, du Brésil et de l’Afrique du Sud se retrouvent, en mai 2009, 20 à 30% au dessous des niveaux de décembre 2007, le plus gros du chemin ayant été effectué depuis l’automne 2008. A la fin du premier trimestre 2009, parmi les 30 principales monnaies mondiales, AUCUNE ne s’était appréciée en quinze mois face au dollar Même le franc suisse avait perdu 2%, et la monnaie de l’Inde, pays où les échanges extérieurs sont pourtant peu développés, avait glissé de 20% en quinze mois.

Ces ajustements avaient été favorisés par les marchés financiers, qui avaient

doublement voté pour le dollar depuis le déclenchement de la crise : ils estimaient que la puissance, et surtout le volontarisme et le pragmatisme des Etats-Unis leur permettront de se redresser plus vite que d’autres pays ou zones monétaires empêtrés dans leurs contradictions ou une mauvaise hiérarchie des priorités. Et surtout, en période de crise financière, le statut de « monnaie refuge » du dollar jouait pleinement.

- Depuis le mois de mai 2009, l’humeur des marchés financiers commence à changer :

le risque de grave dépression s’estompant, le dollar perd son statut de monnaie refuge et, les menaces chinoises aidant, on commence à s’inquiéter de l’envolée de l’endettement public dans les pays anglo-saxons et du risque que les Etats-Unis tolèrent un affaiblissement du dollar pour accélérer leur reprise. La seule monnaie dont les autorités politiques et monétaires ne se soucient pas est l’euro. Les spéculateurs sont certes conscients que l’économie de l’Euroland s’enfonce dans une récession carabinée qui finira par avoir des conséquences industrielles et sociales dramatiques. Mais ils pensent, hélas probablement avec raison, qu’il s’écoulera bien encore quelques trimestres avant que l’Euroland ne se résigne à revoir ses véritables priorités. Et quelques trimestres c’est l’éternité pour des spéculateurs qui recommencent donc à se livrer aux délices du carry trade, emprunter du dollar pour le placer en euro, encaisser chaque mois la différentielle d’intérêt, en espérant en plus un substantiel boni s’ils arrivent à pousser l’euro à 1,6 ou 1,8 dollar !

- Pour l’Union Européenne, il subsiste une zone de grand danger, c’est l’Europe Centrale. Les pays concernés ont suivi, à ce jour, deux politiques de change radicalement différentes.

= Ceux qui souhaitaient réellement entrer dans la zone euro, en raison des avantages à

court terme de baisse du coût de l’argent et protection contre les crises de change, tentent désespérément de maintenir une parité fixe par rapport à l’euro. Ils s’exposent ainsi, s’ils ne parviennent pas à maîtriser leurs coûts, à être dans quelques années asphyxiés par manque de compétitivité. C’est le risque qui pèse sur les derniers entrants, Slovénie, Croatie et surtout République Slovaque qui avait cru bon de réévaluer sa monnaie à la veille de l’adhésion. Mais pour eux ce n’est qu’un risque à moyen terme. En revanche, pour les pays qui espèrent encore être admis dans la zone euro, et maintiennent pour cela leurs parités, les risques de crise financière sont immédiats. Rappelons simplement que ceux qui affirmaient, à la veille de la crise argentine, que ses conséquences dramatiques rendaient inimaginable un décrochage du peso ont eu tort et que, plus récemment, l’Islande a purement et simplement fait faillite. Les

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répercussions immédiates ont été effectivement très douloureuses pour les Argentins et les Islandais, et fâcheuses pour les préteurs internationaux. Mais, redevenu compétitive, l’économie argentine s’est ensuite brillamment redressée. Il vaut mieux se couper un bras, plutôt que d’attendre que la gangrène gagne…. Pour les pays baltes qui paraissent les plus menacés, car ménages et entreprises avaient anticipé l’entrée dans l’euro et multiplié les emprunts en devises fortes, une dévaluation aurait certes des conséquences dramatiques. Le détonateur des dévaluations en chaîne pourrait être la Lettonie, qui n’est pas parvenue à placer ses dernières tentatives d’emprunts publics en monnaie nationale. Mais ce n’est pas le seul pays dont la probabilité de défaillance, mesurée par l’envol des CDS censés assurer contre ce risque, s’envole spectaculairement.

= D’autres membres ont choisi de laisser glisser leur monnaies, Pologne (-30%),

Hongrie (-25%) et Roumanie (-29%). C’est ce qu’a fait, un peu plus loin la Turquie (-31%) Pour une industrie où les prix de revient ont une grande importance, comme

l’automobile, les constructeurs qui ont délocalisé en République Slovaque, en Slovénie, ou même en République Tchèque, auront un challenge plus redoutable que ceux qui ont délocalisé en Roumanie, Hongrie et Pologne.

b. L’Etalon Monétaire Commun, première étape vers une monnaie mondiale Le rôle capital joué par les parités dans l’évolution de la compétitivité et la croissance

mérite un effort pour décrypter les « tendances lourdes » qui sous-tendent les cabrioles précédemment décrites, et mettre au point des outils directement utilisables pour analyser les interactions entre Economie Réelle et Sphère Financière. Mon approche ayant été développée dans « Le choc des économies », je me bornerai à une simple mise à jour.

La première étape est de faire descendre le dollar de son piédestal, en créant un

« Etalon Monétaire Commun », première étape en direction de la monnaie mondiale dont l’opportunité commence à être suggérée. Et quand l’un des proposant est la Chine, seconde puissance économique et financière mondiale, il vaut mieux cesser de s’esclaffer devant ce projet iconoclaste. Créer un Etalon Monétaire Commun représentatif des forces et faiblesses de l’ensemble de l’économie mondiale est très simple : il suffit d’utiliser la masse de travaux effectués par l’OCDE et le FMI pour fournir tous les ans les PPA, Parités de Pouvoir d’Achat.

Ces PPA sont parfaites pour... ce pour quoi elles sont conçues : comparer des pouvoirs

d’achat ou les agrégats des comptes nationaux liés, comme les consommations. En revanche, les utiliser pour comparer des échanges internationaux ou des tailles de groupes industriels peut conduire à de grossiers contre sens. Evaluées en monnaie internationale les exportations chinoises sont déjà les secondes, et bientôt les premières. Les évaluer en PPA les rendrait deux fois supérieures aux exportations allemandes !

Toutes les PPA sont calculées face au dollar, abusivement considéré comme le point

fixe dont la PPA est égale à la parité de marché, alors que c’est une des monnaies qui connaît la volatilité la plus élevée. Economistes et médias sont habitués au dollar PPA. Pour ne pas bouleverser les ordres de grandeur qui leur sont familiers, il faut donc prendre le dollar PPA comme Etalon Monétaire Commun, et positionner les cabrioles du dollar par rapport à la « monnaie mondiale » ainsi définie. Il suffit pour cela de poser que ce n’est qu’au niveau de l’ensemble de l’économie mondiale que PPA et parité de marché sont égales.

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Le graphique 33 confirme la très forte volatilité du dollar, qui valait 0,94 EMC en 1991, 1,04 EMC en 1997, année de fixation des parités d’entrée des monnaies fondatrices de l’euro, 1,18 EMC en 2001, pour revenir à 1,01EMC en 2008 et 1,07 en 2009.

(52) EVOLUTIONS DU DOLLAR

0,90

0,95

1,00

1,05

1,10

1,15

1,20

1991 1993 1995 1997 1999 2001 2003 2005 2007 2009 2011

Etal

on M

onét

aire

Com

mun

= do

llar P

PA

MARCHE

Parités Structurelles

Parités de Pouvoir d'Achat

c. L’impact des parités sur l’économie réelle La première partie a montré que les économistes ont besoin, pour comparer les

performances des groupes et sites industriels, et analyser l’impact des parités, de deux outils : - pour éliminer les distorsions induites par les cabrioles des monnaies, des « Parités

Structurelles » décrivant les tendances lourdes de leurs évolutions par rapport à l’ensemble des monnaies mondiales. La parité réelle de l’euro est sur un trend d’appréciation structurelle contre toutes monnaies, sauf le yuan.

(53) PARITES STRUCTURELLES DE L'EURO

98

100

102

104

106

108

110

1999 2001 2003 2005 2007 2009 2011 2013

PARITES REELLES CORRIGEES DES DIFFERENTIELLES D'INFLATION

Bas

e 19

99 =

100

/ DOLLAR / YEN

/ YUAN / MONDE

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78

Cette dérive financière résulte essentiellement du différentiel entre les politiques menées par les autorités politiques et monétaires. Elle ne traduit donc nullement un optimum économique. Mais elle constitue un « coin monétaire » dont nous avons souligné les dégâts sur l’économie réelle.

- Nous avons vu qu’au-delà des fluctuations immédiates c’est du niveau des parités

que dépend la compétitivité des activités exposées à la concurrence nationale. L’indicateur de « position conjoncturelle », qui a été utilisé dans la première partie, mesure l’écart existant, à un instant donné, entre la parité constatée sur les marchés et la parité structurelle.

On constate des écarts pouvant approcher plus ou moins 15 ou 20% pour chacune des

grandes monnaies et, même après sa dégringolade spectaculaire, l’euro est encore au printemps 2009, largement au dessus de sa parité structurelle, donc a fortiori surévalué sur le plan économique, compte tenu de la dérive de cette dernière.

Les cycles observés ont une durée considérable : Entre les passages de l’euro à son

niveau de parité raisonnable, 1997 puis 2003, 6 années se sont écoulées. Cette durée s’explique par la lenteur des processus industriels : nous avons vu, dans la première partie, que les groupes transnationaux réagissent aux évolutions de l’environnement financier par des décisions stratégiques sur le volume et la localisation de leurs investissements. Mais il faut plusieurs années avant que les conséquences pratiques sur la compétitivité et la croissance des sites industriels se matérialisent et persuadent autorités politiques et marchés financiers qu’il est temps de changer le sens de la spéculation.

(54) POSITIONS CONJONCTURELLES DE L'EURO

-30

-20

-10

0

10

20

30

1997 1999 2001 2003 2005 2007 2009 2011

Sur (

+) o

u so

us(-

)éva

luat

ion

(%)

/ DOLLAR

/ YEN

/ YUAN

d. Le succès de la « désinflation compétitive » allemande En économie mondialisée, où les autorités politiques et monétaires de la plupart des

zones monétaires gèrent leurs parités, compter sur la seule « désinflation compétitive », qui reste le bréviaire de la BCE, c’est reconstruire la ligne Maginot pour endiguer des divisions aéroportées. En revanche elle conserve toute son efficacité à l’intérieur d’une zone monétaire. Tant que les politiques économiques des membres de l’Euroland, et notamment la déformation de leurs systèmes de prix, restent différentes, il subsiste en effet des « monnaies

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nationales »- euro-mark, euro-franc…- certes virtuelles, mais aux effets bien réels sur les économies. Cette « originalité » se manifeste de deux manières :

- Nous avons précédemment constaté que l’euro s’appréciait structurellement de 0,8%

par an face aux monnaies de ses concurrents mondiaux. Mais les parités structurelles, tendances lourdes des parités réelles – inflations nationales déduites – s’apprécient plus rapidement, dans les pays à forte inflation. A l’intérieur de la zone euro, cette dispersion représente un avantage relatif pour l’Allemagne : la parité structurelle de « l’euro-mark- ne s’apprécie « que » de 0,25% par an face à l’ensemble de ses concurrents. La parité structurelle de l’euro-franc s’apprécie de 0,5% par an, un peu moins que la moyenne de l’Euroland. Italie -+1,3% par an - et surtout l’Espagne-+1,4% par an - sont en revanche lourdement pénalisées. On comprend mieux les évolutions différentes des compétitivités externes de ces pays.

- Le mark était rentré dans l’euro nettement surévalué (au moins 4%). En combinant

austérité salariale et restructuration de ses industries exposées à la concurrence internationale, l’Allemagne est parvenu, en 6 années, à déprécier la valeur réelle de « l’euro mark » de 6 points face à la moyenne des autres membres, allant bien au-delà de l’effacement de la surévaluation initiale.

(55) SOUS (-) ou SUR (+) EVALUATION / EUROLAND

-9

-7

-5

-3

-1

1

3

5

1997 1999 2001 2003 2005 2007 2009 2011

POUR

CENT

S

Allemagne France Italie Espagne

Ce bouleversement s’est fait essentiellement au détriment de la compétitivité des

économies italienne et espagnole. Remarquons qu’en 2007 la réforme fiscale allemande, en haussant les taux de TVA de 3%, a procédé à une dévaluation déguisée de 3% compensant, pour l’économie allemande, quelques mois de surévaluation de l’euro. L’objectif premier était certes de rééquilibrer les finances publiques. Mais au moins la compétitivité externe n’a pas été oubliée.

e. Deux scénarios monétaires La précédente période de surévaluation des monnaies qui ont constitué l’euro a duré

de 1987 à 1996, soit 10 ans. Elle a été encadrée par deux périodes de surévaluation intense, mais plus courte du dollar, de 1982 à 1987 (5 ans) et 1999 à 2003 (5 ans). Cette dissymétrie des délais de réaction confirme que les autorités politiques et monétaires américaines, pour

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80

lesquelles croissance et plein emploi sont les objectifs fondamentaux, sont beaucoup plus réactives que celles de l’Euroland, pour lesquelles les véritables objectifs sont lutte contre l’inflation et respect des contraintes de Maëstricht, croissance emploi et a fortiori compétitivité étant de simples variables d’ajustement.

Dans l’abusive surévaluation de l’euro, les politiques et commentaires des autorités

politiques et monétaires jouent un rôle majeur. Un rôle « mécanique » tout d’abord, en encourageant le « carry trade ». En empruntant

des yens à coût quasi nul pour les investir en euros, les spéculateurs ont encaissé depuis 2003 un différentiel de rémunération de 3% par an, et poussé mécaniquement l’euro à la hausse, ce qui améliore encore leurs profits. Ils étaient évidemment exposés à un retournement de la parité euro / yen. Depuis l’automne 2007 le yen a cessé d’être un véhicule de tout repos pour pratiquer le carry trade, ce qui a d’ailleurs efficacement contribue à sa réappréciation. Mais, en baissant agressivement les taux directeurs américains, la FED leur fournit obligeamment un véhicule de remplacement, qui accentue cette fois la baisse du dollar.

Certes le différentiel de taux entre dollar et euro est nettement plus faible. En revanche

le pronostic sur les rapports entre euro et dollar paraît beaucoup moins risqué : les marchés financiers « espèrent » que la crise sera suffisamment profonde pour convaincre la FED de maintenir une politique monétaire laxiste, au besoin après une nouvelle panique financière et boursière dont les plus futés sauront profiter, au besoin en aidant à l’amplifier. Les acteurs des marchés devises sont persuadés que la politique monétaire de la BCE restera restrictive – en comparaison du laxisme des Banques Centrales américaine japonaise et anglaise - et que la parité euro dollar ne baissera que lorsque la récession et l’envolée du chômage préoccuperont réellement l’Allemagne. Et rien n’est fait, bien au contraire, pour les dissuader ! Cette absence de gestion de l’euro leur offre donc encore au moins six mois à un an – le très long terme pour un trader capable de retourner ses positions en quelques heures tant qu’il est le seul à le faire – pour poursuivre leur spéculation contre l’euro et le pousser à la hausse.

Pour faire apparaître les répercussions sur l’économie réelle de l’évolution future des

parités nous avons utilisé, dans la première partie, deux scénarios monétaires optimiste – pour l’économie réelle de l’Euroland – et pessimiste.

Le scénario monétaire « optimiste » est basé sur l’espoir que les énergiques mesures

prises par les Etats-Unis et la Chine permettent à leurs économies réelles de retrouver une croissance positive pour les premiers, supérieure à 8% par an pour la seconde, à partir de l’automne 2009 et ne connaissent pas de nouveaux avatars majeurs. Et que, constatant que les économies de l’Euroland s’enfoncent au contraire dans la récession, les autorités politiques et monétaires de l’Euroland se décident à gérer l’euro.

- Un yuan reprenant une appréciation régulière face au dollar à partir de l’automne 2010, l’euro- yuan retombant vers 8,10 en 2011. - Un yen ne cherchant pas à se déprécier face au dollar, permettant à l’euro -yen de revenir vers 120 en 2011. - Un euro -dollar poursuivant sa décrue pour revenir aux environs de sa Parité de Pouvoir d’Achat à partir de 2012. Le scénario monétaire pessimiste est basé sur la crainte que la crise économique et

financière actuelle soit sensiblement plus douloureuse aux Etats-Unis que ce qu’espèrent les

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marchés financiers, et que rien de concret ne soit fait par les autorités politiques et monétaires de l’Euroland pour éviter que l’essentiel de la dépréciation du dollar se fasse au détriment de l’euro et de l’économie de l’ Euroland. Il conduirait à :

- Un yuan maintenant sa parité actuelle envers le dollar jusqu en 2013, ce qui regonflerait la parité euro -yuan à 10,5 en 2011. - Un euro -dollar plafonnant à 1,60 en mi 2011, pour revenir vers 1,45 en 2014. - Un yen se dépréciant légèrement face au dollar jusqu’en 2011, ce qui suffirait à ramener la parité euro – yen à 160 en 2011. Hélas, sauf révolution des esprits pas encore évidente en Euroland, le scénario

pessimiste paraît nettement plus probable que l’optimiste…

(56) DEUX SCENARIOS MONETAIRES

0,85

0,95

1,05

1,15

1,25

1,35

1,45

1,55

1997 1999 2001 2003 2005 2007 2009 2011 2013

Pari

té e

uro

/ dol

lar

Parités de Marché

Parités Pouvoir d'Achat

Scénario PES

Scénario OPT

E. LA REEVALUATION DES RISQUES ET DES CONTRAINTES La crise doit conduire les divers Modèles Nationaux à réévaluer les risques qui

pourraient faire avorter la reprise espérée ou entraîner la crise financière suivante. Et à hiérarchiser correctement les contraintes à respecter pour rester sur une trajectoire de croissance durable répondant aux objectifs fondamentaux de leurs citoyens électeurs.

1. LES VRAIS RISQUES INFLATIONNISTES

La grande peur des banquiers centraux lorsque l’inflation importée s’envole, en cas de

hausse de prix des matières premières ou de dépréciation de la monnaie, est que les travailleurs obtiennent des hausses de salaires pour compenser la hausse des prix de la consommation, puis que les entreprises parviennent à répercuter l’augmentation de leurs coûts de production sur leurs clients, enclenchant ainsi une spirale prix - salaires. Les deux années écoulées permettent de relativiser ce risque.

a. Les amples fluctuations des prix du pétrole et des matières premières ont entraîné

dans l’ensemble des pays développés une envolée de l’inflation importée à partir du second semestre 2007, suivie d’un spectaculaire reflux à partir de l’automne 2008.

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(57) INFLATION IMPORTEE

-20,0

-15,0

-10,0

-5,0

0,0

5,0

10,0

15,0

20,0

2006 -I

2006 -III

2007 -I

2007 -III

2008 -I

2008 -III

2009 -I

2009 -III

2010 -I

2010 -III

Taux

ann

ualis

és li

ssés

EUROLANDHors EurolandPays Développés

Dans un scénario simplement moyen, l’inflation importée reviendrait aux environs du

niveau des années 2006 2007, soit 5pour_cent par an. Et rapidement le double – 10% par an- dans un scénario de reprise d’une spéculation financière effrénée.

b. L’indicateur d’inflation interne que représente l’indice de prix du PIB, calculé tous

les trimestres par les comptables nationaux, montre que les économies des pays développés ont fait preuve pendant l’envolée de l’inflation importée d’une désindexation qui a surpris les banquiers centraux, et la majorité des économistes.

(58) INFLATION INTERNE (PRIX du PIB)

1,1

1,3

1,5

1,7

1,9

2,1

2,3

2,5

2006 -I

2006 -III

2007 -I

2007 -III

2008 -I

2008 -III

2009 -I

2009 -III

2010 -I

2010 -III

Taux

ann

ualis

és li

ssés

EurolandHors EurolandPays Développés

Ces évolutions ouvrent une sérieuse brèche dans la théorie monétariste, qui voudrait

que le laxisme monétaire entraîne mécaniquement la hausse des prix à la consommation. Pour comprendre le phénomène, il suffit de s’interroger sur la destination des tombereaux d’argent gratuit que déversent les banques centrales. Très peu tombe dans les poches des classes pauvres et moyennes qui génèrent la majorité de la consommation. Une part plus importante parvient aux hauts revenus dont la principale préoccupation est de trouver les Hedge Funds

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83

qui sauront faire fructifier leurs épargnes, et les paradis fiscaux qui les mettront à l’abri des fiscs nationaux. Et l’essentiel permet à la spéculation financière de démultiplier, grâce au recours massif au crédit, le volume de ses opérations et les profits qu’elle en tire.

c. Pour mesurer correctement une tendance moyenne de prix aux fluctuations aussi

diverses il suffit d’utiliser l’Indice de Prix des Emplois et Ressources, IPRE, que les comptables nationaux calculent également tous les trimestres. C’est un Indice de Prix des Ressources, car il est la moyenne pondérée de l’inflation interne et de l’inflation importée.

Cet indicateur confirme qu’après un pic à 5% au plus fort de la flambée spéculative

des matières premières, l’inflation a fortement chuté dès la fin de cette dernière. Mais elle se rapprochera très probablement de son trend de long terme, autour de 2,5% par an, dès la fin de l’année 2009 ou le début de l’année 2010, en fonction de l’intensité que l’on laissera prendre à la spéculation financière.

(59) PRIX DES EMPLOIS ET RESSOURCES

-2,0

0,0

2,0

4,0

6,0

2006 -I

2006 -III

2007 -I

2007 -III

2008 -I

2008 -III

2009 -I

2009 -III

2010 -I

2010 -III

Taux

ann

ualis

és li

ssés

EUROLANDHors EurolandPays Développés

d. L’IPRE est également un Indice de Prix des Emplois, car il représente la moyenne

autour de laquelle évoluent les prix des différentes utilisations de la richesse créée ou importée, que sont les consommations privées et publiques, les divers investissements - en logement, publics et productifs- et les exportations. Dans l’ensemble des pays développés, les prix de la consommation privée sont ceux qui augmentent le plus vite. En revanche les prix relatifs des exportations et des investissements productifs chutent plus ou moins dans tous les pays. Ces déformations des systèmes de prix, mécanisme fondamental d’adaptation des économies, font de l’indice des prix de la consommation le plus mauvais instrument de mesure pour analyser les évolutions de la compétitivité et celle des échanges internationaux qui en découle. C’est donc l’IPRE qui est utilisé dans tous mes travaux pour bâtir un référentiel mondial cohérent mesurant à la fois les évolutions relatives des flux, des patrimoines et de l’environnement financier.

d. Face à la reprise effrénée de la spéculation financière sur les matières premières il

ne sera cette fois plus possible de compter sur le recours au crédit pour en retarder les effets. Dans le scénario pessimiste esquissé, c’est dès 2011 2012 que la relance s’enrayerait et mettrait l’économie mondiale à la merci d’un nouveau « battement d’aile de papillon »

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débouchant sur la crise suivante. Le véritable risque inflationniste ne porte donc pas sur les prix à la consommation, mais sur les prix des actifs.

En ce domaine il n’existe dans la plupart des pays que des indicateurs parcellaires plus

ou moins hétérogènes, portant sur les marchés boursiers, immobiliers et matières premières. Et aucun effort n’est fait pour aboutir à la mise au point d’un indicateur global permettant une surveillance mondiale.

Ces informations imparfaites permettent tout de même à la Relance, de la salle de

soins intensifs où elle repose, de lancer un cri d’alarme : « LA REPRISE DE LA SPECULATION FINANCIERE VA ME TUER » 2. PEUT-ON PREVOIR LA PROCHAINE CRISE ? La crise oblige plus globalement à réviser la hiérarchie des contraintes à respecter pour

rester sur une trajectoire de croissance équilibrée et durable. Avant même la crise actuelle, « Le choc des économies » avait proposé un indicateur hiérarchisant et synthétisant les risques financiers. Le tiercé des pays les plus menacés par une crise financière était constitué, avec cet indicateur imparfait, par le Royaume Uni, les Etats-Unis et l’Espagne. Le pronostic n’était pas trop ridicule.

Pour prévoir les aléas pouvant compromettre la relance et surtout tenter d’éviter la

crise suivante, je teste quelques aménagements à cet indicateur : - Il est relativement rare que le battement d’aile de papillon déclenchant une crise se produise dans le même secteur. Les entreprises et les ménages ayant lourdement payé leurs excès d’endettement lors des crises antérieures, on peut ramener à un quart la pondération des risques engendrés par le secteur privé. - Il semble en revanche prudent de remonter à un quart la pondération du risque généré par la détérioration des finances publiques, mesurée par l’envolée des endettements publics plutôt que par le niveau des déficits. - Je remplace purement et simplement le risque inflationniste par les flux de consommation par un indice des risques inflationnistes portant sur les actifs, immobiliers, matières premières et bourses de valeur. Et je redonne une pondération d’un quart à cette mesure de la véritable inflation. - Il reste une pondération d’un quart à la contrainte externe : le risque majeur de « l’après crise » est que la « seconde bataille du pacifique », l’affrontement entre les empires américain et chinois, dégénère en un effondrement du dollar. C’est la seule contrainte qu’ignore superbement le traité de Maastricht. Malgré ce trou fâcheux un certain nombre des états membres dont les balances commerciales plongent dans le rouge feraient bien de s’en préoccuper. Ces déficits amputent déjà une croissance interne qui risque de rester fort médiocre et la protection qu’assurent les excédents commerciaux allemands ne durera pas éternellement. Si la guerre monétaire s’intensifie, l’Euroland ne survivra pas sans une remise en cause de l’absence actuelle de gestion de l’euro.

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CONCLUSION :

L’EUROLAND AU PIED DU MUR - Existe-t-il en Euroland d’autres industries ou activités de services d’avenir prêtes à tirer en avant l’économie réelle ? - La France n’est-elle pas plombée par des problèmes spécifiques sur lesquels il faut se concentrer avant d’élargir le champ de vision ? La première section apporte des éléments de réponse à ces deux importantes

questions : tous les états membres voient leur compétitivité internationale s’éroder au fur et à mesure que la surévaluation de l’euro se prolonge. Et les excédents commerciaux allemands sont assurés, de manière croissante, par ses échanges avec les autres membres.

La seconde présente, à l’attention de ceux qui veulent redresser la situation avant qu’il

ne soit trop tard, le triangle magique qui doit guider leurs efforts. Pour les Groupes transnationaux, Innovation et Capacité d’adaptation peuvent suffire, à condition de limiter les risques de change en produisant dans la zone monétaire où ils sont commercialement présents. Les Sites Industriels ne peuvent en revanche survivre sans une politique monétaire mettant au premier rang de leurs priorités le maintien de leur compétitivité.

La troisième souligne que c’est l’ensemble des Modèles Nationaux que la crise remet

en question, avec une urgence particulière pour l’Euroland s’il veut éviter l’éclatement. A. LA COMPETITIVITE DE L’ECONOMIE REELLE DE L’EUROLAND Le juge de paix, en ce domaine, est l’évolution du commerce extérieur. Deux coups de

projecteurs apportent des éléments de réponse : 1. En fouillant les statistiques douanières françaises on constate que ce sont les

balances commerciales de l’automobile et des produits énergétiques qui expliquent la détérioration de la balance commerciale globale française. La contribution de l’ensemble des autres biens est restée légèrement positive.

Mais, en plongeant dans le détail des échanges hors énergie et automobile, services

inclus, on ne décèle hélas aucun signe de percée d’une activité susceptible de remplacer avant 3 à 5 ans l’automobile pour ramener la balance commerciale française à l’équilibre. On constate même, pour la période 1991 à 2008, un véritable naufrage de l’ensemble des sites Euroland dans les Industries Electriques et Electroniques. Pour elles les parité de marché de l’euro face au dollar au yen et au yuan sont encore plus éloignées de ce que serait leur « parité de simple équilibre ». Pour beaucoup le stade de non retour est dépassé, il ne reste plus qu’à fermer et tenter de minimiser les drames sociaux.

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(61) BALANCES COMMERCIALES FRANCE

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ServicesProduits EnergétiquesAéronautiqueAutomobileAutres BiensEURO

2. Pour l’Euroland c’est le commerce avec le reste du monde qui permet de juger

de l’évolution de la compétitivité face à l’envolée de l’euro. L’évolution des échanges extra Euroland confirme la grande sensibilité de tous les membres au niveau de sous ou surévaluation des parités : après un redressement de 2000 à 2002, permis par la faiblesse de l’euro, les balances commerciales extra -Euroland de la plupart des membres ont chuté.

(62) BALANCES COMMERCIALES EXTRA EUROLAND

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1998 2000 2002 2004 2005T2

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ALLEMAGNE FRANCE11 AUTRES Indicateur Monétaire

Jusqu’à mi 2008, l’Allemagne était parvenue à la stabiliser au niveau retrouvé en

2002, l’ensemble de ses exportations de biens d’équipement parvenant, comme l’automobile et pour les mêmes raisons de positionnement produit – marché et de politique industrielle, à maintenir l’essentiel de ses positions mondiales. Mais son reflux lors des trois trimestres suivants est impressionnant. La plongée de la balance commerciale française se poursuit au

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premier trimestre 2009. La balance commerciale des 11 autres membres reste nettement négative : ils souffrent eux aussi de la surévaluation de l’euro.

Il faut distinguer ce qui est du aux différentiels de croissance avec les partenaires commerciaux, et à la véritable compétitivité, mesurée par la part des exportations mondiales. Croissante pour tous les membres de 1999 à 2002, elles ont ensuite chuté, de 3 points pour l’ensemble de l’Euroland. Le recul dépasse 1 point pour l’Allemagne et la France, mais cela représente une baisse de part de marché de 20% pour l’Allemagne et 40% pour la France, qui est vraiment le «membre faible » de l’Euroland en matière de compétitivité internationale.

Est-il nécessaire de souligner que cette contre-performance doit beaucoup à l’industrie

automobile ?

(63) EXPORTS EXTRA EUROLAND

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ALLEMAGNE FRANCE 11 AUTRES

C’est donc un accroissement massif des excédents commerciaux de l’Allemagne

face aux autres membres qui explique sa performance globale.

(64) BALANCES COMMERCIALES INTRA EUROLAND

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1998 2000 2002 2004 2005T2

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2008T4

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cent

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PIB

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ALLEMAGNE FRANCE 11 AUTRES

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De nouveau, et pour les mêmes raisons, c’est la France qui fait le plus mal. La dérive était particulièrement préoccupante pour l’Espagne. La forte récession connue par l’économie espagnole, en inversant le différentiel de croissance avec ses partenaires, réduit tout de même un peu cette détérioration des échanges extérieurs.

B. LES RAISONS DE LA PERTE DE COMPETITIVITE DES SITES EUROPEENS La compétitivité des entreprises repose sur un « Triangle Magique », capacité

d’innovation, capacité d’adaptation, et environnement financier. L’évolution des industries automobile et aéronautique mondiales apporte un éclairage intéressant sur les rapports complexes entre ces composantes. Elle permet de mesurer l’impact d’un autre facteur majeur, qui est le temps. Et elle souligne la différence de sensibilité entre les groupes transnationaux et les sites industriels.

1. A long terme, la capacité d’innovation est le seul garant de la compétitivité, et la

seule protection face à une appréciation de la monnaie. Mais, en ce domaine, l’unité de temps est l’année : pour développer un nouveau produit réellement innovant, et lancer en production une nouvelle usine, il faut couramment 3 à 5 ans, parfois 10. Dans la mesure où le manque d’innovation expliquerait une partie des évolutions récentes des sites industriels de l’Euroland, ce sont des décisions remontant à 3 à 5 ans qui seraient en cause. Et si les efforts actuels pour doper la capacité d’innovation de la France et de l’Europe savent cibler les futurs produits à succès, ils ne porteront tout de même pas d’effets notables avant 3 à 5 ans.

Il faut ensuite souligner que la recherche ne peut déboucher qu’à travers le lancement

effectif rapide de nouveaux produits, qui suppose notamment une symbiose entre organisme de recherche et entreprises. C’est parfaitement le cas aux Etats-Unis, mais ça ne semble pas être exactement perçu par les étudiants qui bloquent périodiquement les universités françaises. Et pourtant la revue des modèles nationaux montre qu’un système éducatif efficace est une des clés de la réussite. Malheureusement, en ce domaine, l’unité de temps est carrément la décennie, ce qui ne fait d’ailleurs que renforcer l’urgence des réformes indispensables en France. Heureusement beaucoup repose sur la formation continue tout au long de la vie professionnelle. Et là, les entreprises sont en première ligne.

Les efforts de l’industrie automobile française pour monter vers le haut de gamme ont

été soutenus ces dernières années, mais n’ont guère connu, à ce jour, que des succès d’estime, confirmant la difficulté de sortir du domaine d’activité où l’on est le plus compétent, et le mieux reconnu. Les échecs répétés des constructeurs allemands spécialistes du haut de gamme pour trouver du volume en développant leur gamme moyenne en sont des illustrations spectaculaires. On remarque que, dans le même temps, Renault a lancé la Logan, spectaculaire et rare exemple de descente en gamme réussie ciblant les nouveaux marchés, et dopé son développement international en réussissant la prise de contrôle et le redressement de Nissan, Dacia, et Samsung. De 1997 à 2004, PSA avait joué, et avec grand succès, le jeu du site national, faisant tourner ses usines français à 100% de leur capacités. Constatant que les autorités politiques et monétaires de l’Euroland ne mettaient pas au premier plan de leurs préoccupations la compétitivité de ce dernier, PSA met les bouchées doubles pour accélérer son développement international, en Europe centrale et en Chine notamment. Au sens large, ce sont des innovations majeures prouvant le dynamisme et la capacité d’innovation des constructeurs français. Le seul ennui, pour le site français, est que la Logan est fabriquée partout, sauf en France, et que ses futurs développements seront progressivement conçus par

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les bureaux d’études roumain et brésilien. Pour un site industriel, la capacité d’innovation ne suffit pas si elle ne s’appuie pas sur une productivité correcte.

La percée d’EADS dans ce qui reste une industrie de pointe stratégique montre que la

France et l’Euroland ne sont pas a priori incapables de briller en dehors des industries agroalimentaires et du tourisme. Mais son observation souligne les risques considérables que doit prendre une entreprise aux ambitions mondiales. Et met en évidence le soutien, moral et financier que devrait lui apporter une collectivité reconnaissante…

2. Beaucoup d’observateurs qui se contentent d’observer les entreprises de l’extérieur

pensent que la productivité n’est qu’un problème de « coupeur de tètes ». La réalité est autrement complexe : au sens noble, la productivité est l’art de combiner efficacement des ressources rares pour satisfaire les besoins changeants des clients potentiels. Or la demande finale est sujette à de fortes fluctuations, à chaque percée de l’innovation dans n’importe lequel des pays mondiaux. Et l’actualité montre que l’échelle des coûts des divers facteurs de production peut être bouleversée en quelques mois par les fluctuations de l’offre et de la demande. Le progrès exige donc le processus de « destruction créatrice » popularisé par Schumpeter. Remarquons simplement que, pour qu’il y ait progression globale, il faut que la création de nouvelles activités porteuses accompagne la destruction des activités condamnées par l’évolution de la demande et de la concurrence. Vaste programme dans un pays qui a longtemps préféré consacrer ses ressources au sauvetage des canards boiteux et des rentes de situation plus ou moins justifiées, plutôt qu’au soutien des « gazelles ».

Bref le second sommet du triangle magique est la capacité d’adaptation. Or dans ce

domaine les contraintes industrielles et les « pesanteurs socio-économiques » font que l’unité de temps se chiffre en mois pour les entreprises, parfois en années dans certains pays cramponnés au statu quo. La radiographie des modèles nationaux en matière de distribution de richesse et d’emploi présentée par « Le choc des économies » montre que, pour l’ensemble de la période 1991 à 2007 les principaux pays de l’Euroland jouent, en ce domaine, en seconde division. La France a certes un urgent besoin de réformes structurelles. Mais la performance calamiteuse de la France sur le front de l’emploi n’est pas due, pour l’essentiel, au manque de capacité d’adaptation des entreprises du secteur marchand.

3. Le troisième sommet du triangle magique est l’environnement financier. Les

mécanismes d’élaboration des prix de revient, et de fixation des prix de vente, font que, pour des entreprises exposées à la concurrence internationale, les parités jouent un rôle 3 à 4 fois plus important que les taux d’intérêt

Beaucoup d’observateurs pensent que, sur un sujet aussi complexe, seuls les marchés

financiers sont à même de fixer, à chaque instant, la vraie valeur d’une monnaie, et qu’il importe simplement d’éviter des fluctuations trop rapides. Le moins que l’on puisse dire est que ni la compétitivité externe des activités exposées à la concurrence internationale, ni d’ailleurs les objectifs fondamentaux des citoyens électeurs, ne font partie de leurs critères. En matière de parités, comme pour toutes les spéculations financières, la règle du jeu est de chercher à amplifier les mouvements de hausse ou de baisse en attirant des gogos que l’appât du gain fait saliver, et en espérant retourner ses propres positions à temps pour prendre un maximum de profit. D’où une alternance de période d’euphorie où aucune limite à la hausse ne semble plus exister, puis de crises financières qui remettent les compteurs à zéro.

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Tous ceux qui ont vécu dans une entreprise exposée à la concurrence internationale savent que, si elle ne dispose pas d’un produit lui procurant un quasi monopole, au moins à court terme, lui permettant de hausser ses prix de vente pour maintenir ses marges quelle que soit la parité, il existe une zone de parité optimale fonction de sa compétitivité du moment. Et qu’il faut des années d’effort, en matière d’innovation, de productivité et d’austérité salariale, pour s’adapter à une parité s’éloignant de cet optimum. Remarquons qu’en ce domaine on oublie souvent que ce n’est pas la valeur absolue des efforts de l’entreprise qui compte mais le différentiel d’innovation de productivité et de coûts des facteurs par rapport à des concurrents qui progressent eux aussi. Ceci explique les délais inévitables constatés dans le redressement d’une entreprise ou d’un pays. Il a fallu à l’Allemagne 5 ans de restructurations massives et d’austérité salariale avant de parvenir à effacer la surévaluation initiale du mark lors de son entrée dans l’euro

Contrairement aux déclarations des autorités monétaires et politiques qui ne mettent en

cause que l’amplitude et la vitesse des fluctuations des parités, c’est le niveau de ces dernières qui compte pour la compétitivité. La notion de « zone de parité acceptable compte tenu de sa compétitivité relative » est généralisable à l’ensemble d’une économie. Et notre diagnostic montre que l’euro ne connaît pas qu’un accident ponctuel, mais est une monnaie structurellement surévaluée.

La résistance des constructeurs allemands, et l’improbable début de redressement du

groupe FIAT, confirment que les parités ne sont évidemment pas la « clé unique » expliquant les performances des entreprises. Mais l’exemple d’EADS montre qu’une politique de couverture de change ne peut que retarder les effets négatifs d’une monnaie surévaluée. Pour les groupes transnationaux, capacités d’innovation et d’adaptation sont donc les deux facteurs majeurs de la compétitivité, et la meilleure et la seule protection durable contre les fluctuations des monnaies.

Mais la protection contre les fluctuations des monnaies dont peuvent bénéficier les

groupes transnationaux ne joue que dans la mesure où leur adaptation les amène à cibler leurs ventes vers des marchés en forte croissance, et surtout implanter leurs productions sur des sites industriels dont l’environnement économique et monétaire est favorable à la compétitivité. Ce sont les sites industriels qui répercutent ces choix de délocalisation de productions existantes, et surtout de non localisation des productions futures ; ils peuvent donc ne pas bénéficier d’innovations pourtant développées sur leur sol, mais sont en revanche très sensibles aux évolutions des monnaies.

C. AUCUN MODELE NATIONAL N’EST EPARGNE

Aucun Modèle National n’est épargné par la crise. Pour prospérer ou simplement

survivre, les modèles nationaux doivent obtenir des performances convenables dans leurs quatre composantes : modèle économique de production de richesse, modèle social de répartition, modèle financier de pilotage de la croissance, modèle monétaire enfin. En sacrifier une pour donner la priorité aux autres conduit tôt ou tard à des difficultés:

- En continuant à sacrifier la robustesse financière, le modèle américain finirait par se heurter à un mur dressé par des marchés financiers et des nations refusant de poursuivre leur perfusion financière ;

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- En continuant de sacrifier les générations actuelles à sa recherche de la croissance et de la puissance, l’empire chinois risque des troubles internes mettant en péril l’attractivité de ses sites industriels ; - En croyant privilégier son modèle social, et maintenant une politique monétaire inadaptée, l’Euroland met dès aujourd’hui en péril son modèle économique et demain son simple équilibre financier et sa cohésion. A court terme, la priorité est de finir d’éliminer le risque de plonger dans une récession

mondiale et durable, donc de conforter les premiers signes de sortie de crise. Mais, pour que la relance soit robuste et débouche sur une croissance enfin équilibrée et durable, des remises en cause plus ou moins profondes seront nécessaires. Elles seront toutes difficiles, et dans tous les pays, car elles se heurteront à des combats acharnés pour sauvegarder rentes de situation et « avantages acquis »

1. La remise en cause des Modèles Sociaux a. Des finalités opposées, une synthèse difficile Les modèles Anglo-saxons s’appuient sur l’approche dite « du ruissellement ». Il faut

rechercher le taux de croissance maximum, qui assure un emploi et des revenus à tous ceux qui acceptent de travailler. Ils recevront ainsi quelques miettes du gâteau. « Quand la mer monte, tous les bateaux flottent » disait Clinton. Il faut faire confiance à l’esprit d’initiative des individus, et réduire toutes les barrières pouvant les freiner, et notamment l’interventionnisme et le poids des états. Et pour forcer les paresseux à travailler, il faut limiter au plus juste les indemnités de licenciement et les aides sociales. Derrière cette approche largement idéologique s’engouffraient tous ceux que ce modèle ultra libéral favorise, et voilà comment les Etats Unis se transformaient à toute vitesse en une moderne ploutocratie. La réalité s’y écarte d’ailleurs souvent de la théorie : les 25 000 lobbyistes qui prospèrent à Washington savent fort bien obtenir aux intérêts particuliers et groupes de pression qu’ils représentent amendements législatifs favorables, subventions et investissements à l’efficacité plus ou moins douteuse !

Pour les défenseurs de bonne foi du « modèle social français » il faut limiter le libre

jeu des lois du marché et de la mondialisation pour en réduire les effets négatifs, et multiplier les mesures d’assistance aux exclus et victimes de la mondialisation, sans trop se préoccuper des conséquences négatives sur l’efficacité économique. Ce sont souvent les mêmes que des préoccupations légitimes de développement durable - éviter l’épuisement de ressources naturelles rares et la détérioration de l’environnement que nous lèguerons à nos enfants- poussent à prôner une limitation de la croissance. S’engouffrent derrière cette approche « humaniste » tous les partisans du statu quo protégeant leurs avantages acquis et notamment les syndicats dont les dernières troupes sont en majorité dans les secteurs public et parapublic.

Surpayer les personnels d’une catégorie sociale, d’un secteur abrité ou du secteur

public protégé, par rapport à ce que leur productivité justifierait, correspond à un arbitrage en matière de solidarité sociale : c’est leur attribuer une part du surplus de richesse créé et des gains permis par les échanges internationaux supérieure à ce qui découlerait d’un strict calcul économique. Les prix de revient du secteur exposé à la concurrence internationale supportent les surcoûts des biens et services que leur fournissent les secteurs abrités et protégés. Pour

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limiter les dégâts, ils accroissent la pression sur leurs propres personnels, qui subissent en définitive accroissement de la précarité du travail, et baisse de leur pouvoir d’achat.

Selon une logique militante, il suffirait de rapprocher le secteur marchand du secteur

public, en interdisant les licenciements et les contrats précaires, et en augmentant fortement le salaire minimum. Hélas, les effets de telles mesures sur la compétitivité externe et sur la capacité d’adaptation, donc sur l’efficacité économique, seraient désastreux. En matière de compétitivité externe, ce sont les moyennes qui comptent. Chaque emploi protégé supplémentaire introduit une rigidité et un surcoût qui nécessitent des contreparties. Il se paie, à l’autre bout de l’échelle de l’emploi, par un ou plusieurs emplois précaires, et une ou plusieurs exclusions du monde du travail. Retarder l’échéance de l’adaptation inévitable en reconstruisant des barrières pour tenir la mondialisation à l’écart a été essayé dans les années trente, et a contribué à l’implosion catastrophique qui a suivi. Il ne faut certes pas laisser se creuser une fracture sociale trop grave entre secteurs protégés et exposés à la mondialisation, mais cela ne peut se faire qu’en obtenant du secteur protégé un effort d’adaptation permettant de maintenir ses coûts dans des limites raisonnables. Ceux qui plaident pour une réduction des rigidités du marché du travail, qui limitent l’efficacité des pays européens, ont certes raison. Mais ce ne sont pas les secteurs marchands qui sont le principal handicap de l’Euroland, tout particulièrement de la France, en ce domaine.

Il est de mise en France de prôner la défense d’un modèle social inspiré par la

solidarité sociale et de s’indigner de la dureté en ce domaine du modèle anglo-saxon. Au moins en termes d’emploi, la réalité est sensiblement différente. C’est le modèle américain, basé sur la priorité au plein emploi, qui est le plus égalitaire. Le modèle français, quant à lui, pêche par l’exclusion du marché du travail de larges pans de la population.

Satisfaire aux véritables préoccupations de solidarité sociale, comme d’ailleurs à la

protection de l’environnement que nous lèguerons à nos petits enfants, a un coût immédiat indiscutable et peut freiner les indispensables processus de « destruction créatrice ». Mais à moyen et long terme, l’exemple des Modèles Nordiques montre que les conséquences favorables, dynamisation de la demande et rétablissement d’un contrat social accepté par tous, peuvent largement compenser ces contraintes immédiates, et aboutir à un modèle de développement durable permettant de bénéficier des avantages de la mondialisation, tout en maîtrisant ses excès. En dehors des motivations éthiques, il existe donc des raisons de ne pas sous-estimer les préoccupations de solidarité sociale. C’est ce qui inspire les réformes du nouveau Président des Etats-Unis. En France, si l’on cherche à remonter aux racines nationales du mal, ce sont l’inefficacité de son système éducatif et de son secteur public et leurs conséquences sur la compétitivité des activités marchandes.

b. Ni cigales, ni fourmis La Fontaine a fort bien montré que les cigales doivent s’attendre à de sérieux ennuis

une fois que la bise commence à souffler. Les « pays cigales », Etats-Unis Espagne et France, ne peuvent échapper éternellement à la contrainte externe. Ce qui pose deux problèmes difficiles :

- Redresser la compétitivité de l’ensemble de leur économie, activités directement exposées à la concurrence internationale, mais également secteur marchand abrité et secteur public et parapublic protégé. Le paragraphe précédent en a suffisamment expliqué la nécessité et la difficulté.

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- Mais il faut également convaincre tous les acteurs que l’on ne peut éternellement vivre au dessus de ses moyens. C’est frustrant, électoralement dangereux, donc encore plus difficile. Il suffit de revenir au graphique 40 pour constater que les pays fourmis, Allemagne et

Japon, paient leur accumulation d’excédents commerciaux par un appauvrissement relatif de la grande masse de leurs citoyens. Pour peu que la politique d’austérité indispensable dans un tel modèle ne parvienne pas à assurer le plein emploi, le maintien du consensus social risque de devenir problématique. En Chine la recherche forcenée de la croissance et de la puissance financière sacrifie des pans entiers des générations actuelles.

c. La nécessaire réforme fiscale Plusieurs raisons la rendent souhaitable et très probablement inévitable. - La première découle de ce qui précède : pour assurer une croissance raisonnable des

dépenses pour le plus grand nombre on ne pourra plus compter sur une reprise de l’envolée de l’endettement des ménages. Et une distribution plus équitable des fruits de la croissance est difficile à obtenir sans un système fiscal soutenant les victimes de la mondialisation, taxant plus efficacement les hauts revenus et assurant une redistribution périodique des patrimoines.

- La seconde résulte de la nécessité de stopper l’envolée des endettements publics. On

peut certes dans tous les pays trouver des économies résultant d’une meilleure gestion des services publics. Mais au niveau des déséquilibres budgétaires et endettements publics créés par la crise, et à défaut d’un improbable retour aux taux de croissance antérieurs, la seule alternative serait un recours à l’hyper inflation pour gommer le poids des turpitudes passées ?

Cela ne veut pas dire qu’il faut en revenir à la taxation confiscatoire des hauts revenus

à laquelle tous les pays ont recours en cas de guerre. Dans la plupart des pays, si tous les revenus - et notamment ceux tirés de la spéculation financière- étaient taxés à 50%, cela résoudrait déjà une bonne partie du problème !

Deux arguments sont généralement employés pour réclamer une réduction de la

pression fiscale sur les revenus et les patrimoines : encourager la consommation et l’investissement, donc la croissance, et éviter la délocalisation des cerveaux et des patrimoines financiers. Souvent considérés comme des évidences indiscutables, ils méritent à tout le moins un examen critique. En rendant encore plus riches ceux qui profitent déjà largement de la mondialisation financière, et qui sont loin d’être tous des consommateurs frustrés ou des entrepreneurs méritant d’être encouragés, on a peu de chances de doper significativement la consommation de produits d’origine nationale. On accroît certes l’épargne, mais elle se traduit souvent par la spéculation financière et l’évasion vers des paradis fiscaux, au lieu d’encourager l’innovation, le financement de l’économie nationale et la croissance. Le vent tourne : même l’OCDE et le FMI, temples de l’idéologie ultralibérale jusqu’à une date fort récente, reconnaissent maintenant que la croissance des inégalités n’est pas un facteur de croissance durable, bien au contraire !

2. La remise en cause des Modèles Financiers - Les disfonctionnements de la Sphère Financière mettent en cause au moins deux

composantes du « modèle anglo-saxon » qui l’a régie jusqu’à l’été 2008.

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= La croyance plus ou moins sincère que « le marché a toujours raison » a conduit à

tolérer les exagérations caricaturales de la spéculation sur les marchés des matières premières et des changes, sans chercher à mieux les encadrer. Et à baser les règles comptables sur l’évaluation de tous les actifs au « prix de marché », ce qui s’est révélé catastrophiquement pro cyclique : Tant que ces derniers montaient, cela avantageait tout le monde, en prenant en compte des profits encore virtuels, mais on en mesure les effets pervers quand le marché cesse de coter des produits financiers dont plus personne n’est capable d’évaluer le contenu. Elle a enfin « justifié » l’échelle de perroquet de la recherche de la rentabilité maximale à court terme : A partir du moment où des spéculateurs astucieux réalisaient des rentabilités à deux chiffres, pourquoi ne pas imposer 15% de rentabilité minimale à tout le monde ? Et « convaincre » les grands patrons de jouer ce jeu dangereux en les gavant de stocks options et parachutes dorés ?

= La croyance à « l’autorégulation » vertueuse de la Sphère Financière a conduit à

l’absence de contrôle des intermédiaires qui ont distribué les subprimes, des banques qui se sont débarrassé de leurs risques en les titrisant, des agences de notation, rehausseurs de crédit et assureurs (feu AIG coulé par ses CDS) qui l’ont permis, en se livrant à cette forme moderne de simonie : vendre leur signature triple A sur des produits financiers dont ils étaient incapables d’évaluer les risques. La crise financière n’est pas la crise des subprimes, ni celle plus large de la titrisation, c’est la crise de l’alliance de la cupidité et de l’irresponsabilité.

- Mais le « modèle financier anglo-saxon » n’est pas le seul mis en cause par la crise.

Il existe un lien très étroit entre les politiques mises en œuvre par les banques centrales et l’envolée des inégalités :

- Ciblages des salaires et du plein emploi comme principales causes d’un risque inflationniste dont la crise montre pourtant que la principale cause est la spéculation financière. - Tolérance, pour ne pas dire aveuglement complice, devant les turpitudes de la « shadow finance » Au moins sur le premier point, la BCE pousse l’aveuglement dogmatique aux limites

de la caricature. On lui souhaite de ne pas se retrouver demain en position de première accusée de l’éclatement de l’Euroland. Il faudrait pour cela qu’elle se polarise un peu moins sur la menace inflationniste et qu’elle s’intéresse un peu plus à la compétitivité et à la nécessaire réforme du contrôle de la Sphère Financière.

- Cette dernire ne peut être efficace que si l’ensemble des pays développés s’accorde

pour mettre en place les mêmes mesures. Les Etats-Unis ont tiré les premiers en publiant le catalogue des mesures qu’ils prônent. Le récent conseil européen n’a pu aboutir qu’à un compromis bancal entre l’axe franco allemand, et une Grande Bretagne obnubilée par le désir de ne pas couper les ailes à la City. On reste sur sa faim pour ce qui concerne les trois priorités suggérées par le présent diagnostic :

= La première, la lutte contre la spéculation financière sur les matières premières pour mieux contrôler les marchés correspondants et les remettre au service prioritaire des professionnels concernés, producteurs et utilisateurs, semble à peine évoquée.

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= La seconde, rendre les paradis fiscaux…moins paradisiaques, notamment sur le plan fiscal, reste à concrétiser. = La troisième, une grille mondiale des parités prenant en compte la compétitivité des Economies Réelles, n’est même pas demandée par ceux qui souffrent le plus de la situation existante. Le diable est dans les détails. Même si les mesures effectivement mises en oeuvre

rendaient la « shadow finance » moins dangereuse, il sera probablement difficile de la contrôler efficacement. Peut-être faudra-t-il revenir à la vieille distinction entre banques de dépôt et distribution de crédits à l’économie réelle et … le reste ?

3. L’Euroland au pied du mur Il est difficile aux Européens convaincus de cacher l’inquiétude que suscite la

médiocrité des performances de l’Euroland et les risques d’éclatement qu’entraîne la dérive de certains membres. Dans « Stress Test for the Euro » le FMI en rappelle deux instruments de mesure impressionnants :

- Alors que la crise financière se calme, les taux à long terme des emprunts publics de

l’Irlande et de la Grèce restent supérieurs de plus de 200 points de base à ceux de l’Allemagne, et ceux de l’Italie et du Portugal de plus de 100 points. La Sphère Financière officielle commence à prendre au sérieux le risque que certains membres de l’Euroland soient conduits à sortir de l’euro, et le leur fait payer.

- L’envolée des CDS de certains pays européens, les produits dérivés qui mesurent le

degré de confiance que les marchés financiers accordent à leurs dettes souveraines, suggère que certains hedge funds commencent à spéculer sur la sortie d’au moins un membre de l’Euroland avant fin 2010. La probabilité d’un tel événement, que ces produits – négociés de gré à gré et non contrôlés rappelons-le – permettent d’estimer, est de l’ordre de 20%. C’est encore faible. Mais rappelons que les Hedge Funds qui ont su anticiper avec deux ans d’avance la crise des subprimes ont réalisé en 2007 et 2008 des profits pharamineux.

Notre diagnostic met en évidence l’inadaptation aux risques et opportunités résultant

de la mondialisation du modèle économique, financier et même social de l’Euroland. Tant que l’économie mondiale était euphorique, son effet d’entraînement était suffisant pour permettre une médiocre croissance européenne rendant le déclin tolérable. Et éviter ainsi la remise en cause des règles du jeu fixées par les textes fondateurs et notamment les objectifs et contraintes découlant du traité de Maastricht. Nous avons souligné leur caractère inadapté face au redoublement de la guerre commerciale et monétaire qu’entraîne la crise. Si les autorités nationales et européennes veulent véritablement faire de la croissance et du plein emploi leurs objectifs fondamentaux, elles ne pourront éviter très longtemps de mettre en place une gestion plus efficace des parités de l’euro. Mais cela suppose une sérieuse évolution des structures et des mentalités.

Aucune zone monétaire ne peut traverser une crise économique et financière majeure

si elle ne réunit qu’une mosaïque d’Etats plus jaloux de leur « indépendance » que de faire bloc pour se faire respecter par leurs concurrents. Les pères fondateurs de l’Europe pensaient que cette évidence s’imposerait d’elle même une fois créée la monnaie unique. Hélas ils sous-estimaient la pesanteur des réflexes souverainistes. Il est certainement trop tard pour faire

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d’une Union Européenne à 27 beaucoup plus qu’une zone de libre échange et de paix, ce qui est déjà un acquit énorme. La survie de l’Euroland nécessite en revanche d’aller plus loin et de le doter d’un véritable gouvernement économique, disposant d’une possibilité de recours direct à l’emprunt et d’un budget représentant plus de 1% de son PIB.

. Tant que l’Allemagne se refuse à une telle évolution, qui est pourtant dans le droit fil

des intentions des pères fondateurs, cette dernière semble un phantasme mort né. L’Allemagne est le seul membre de l’Euroland qui se soit réellement efforcé de

respecter l’esprit du traité de Maastricht. Ce qui n’est d’ailleurs pas étonnant puisque ce dernier a été dicté par elle, et notamment par la Bundesbank dont la BCE est devenue un clone. Un quart de siècle est suffisant pour que l’on puisse mesurer les conséquences structurelles d’un Modèle National. Le graphique 40 illustre ce que le respect de ces règles d’un autre age a coûté aux ménages allemands. Il ne faut donc pas désespérer d’une conversion tardive, quand le chômage commencera à remonter en flèche outre Rhin ?

A défaut on finira par écouter ceux qui soupçonnent que le but suprême des Allemands

reste celui qui habitait la Bundesbank à la veille de la création de la zone euro : en éliminer les Etats du « Club Méditerranée » pour revenir à un simple noyau dur aux ordres de l’Allemagne, ne regroupant plus que certains des six membres historiques initiaux.

Il ne resterait alors au mieux aux exclus qu’à se contenter d’un « SME ter » gravitant

autour de l’euro croupion, qui s’appellerait d’ailleurs probablement tout simplement le Mark. Cette solution de repli, suggérée par Christian Saint Etienne, permettrait de retrouver une certaine souplesse dans la gestion de leur monnaie, tout en maintenant une certaine protection de la part de leur grand frère ?

Page 97: Economie Reelle & Crise Extraits 22 06 Raoul Chabot 2010

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SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE

Banques de données et rapports : Sur l’environnement macroéconomique et financier : OCDE, FMI, EUROSTAT, BCE, Portail des statistiques du commerce extérieur, INSEE et ses homologues étrangers, notamment BEA, BNS, DESTATIS… Sur l’industrie automobile : CCFA, VDA, JAMA, BEA (suivi des stocks), ACEA, OICA, WARDS, GASGOO (Chine) Sites Internet des constructeurs. Sur l’industrie aéronautique: GIFAS, sites Internet des constructeurs. Sur la crise (depuis mi 2007) : Rapport sur la stabilité financière dans le monde FMI, avril 2009 Stress Test for the euro FMI, juin 2009 Financial Stability Review BCE, juin 2009 La crise des subprimes Conseil d’analyse économique, août 2008 La crise, et après ? Jacques Attali, décembre 2008 La crise de la finance globalisée Anton Brender et Florence Pisani, avril 2009 La fin de l’euro ? Christian Saint Etienne, juin 2009

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RAOUL CHABOT (Ib) LA PRODUCTION DES SITES AUTOMOBILES mars 2009

(tous types de véhicules, en millions)

PRODUCTION EN 2007 PRODUCTION EN 2009 TAUX DE CROISSANCE (%) MONTANTS (a) Parts du Monde (% MONTANTS (a) Parts du Monde (%moyenne2007/1997 2009/2007

EUROLANDnombre de véhicules 14586 20,0 10848 18,4 1,0 -25,6Valeur Ajoutée 151 28,0 116 29,5 2,9 -23,1JAPONnombre de véhicules 11596 15,9 9628 16,3 0,6 -17,0Valeur Ajoutée 142 26,2 114 28,9 5,5 -19,6ETATS UNISnombre de véhicules 10752 14,7 5399 9,2 -1,2 -49,8Valeur Ajoutée 103 19,0 47 11,9 4,0 -54,2ALLEMAGNEnombre de véhicules 6196 8,5 5088 8,6 2,1 -17,9Valeur Ajoutée 101 18,6 86 21,7 3,8 -15,2CHINEnombre de véhicules 8882 12,2 10138 17,2 18,6 14,1Valeur Ajoutée 31 5,7 36 9,1 17,5 17,8COREEnombre de véhicules 4086 5,6 3197 5,4 3,8 -21,8Valeur Ajoutée 20 3,6 16 4,0 6,9 -20,8FRANCEnombre de véhicules 3019 4,1 2615 4,4 1,6 -13,4Valeur Ajoutée 15 2,7 10 2,6 1,1 -30,2CINQ PECO (b)nombre de véhicules 2785 3,8 2718 4,6 6,0 -2,4Valeur Ajoutée 15 2,7 18 4,6 16,4 22,8PAYS DEVELOPPESnombre de véhicules 52763 72,2 37988 64,4 1,0 -28,0Valeur Ajoutée 473 87,3 317 80,4 3,9 -32,9PAYS EN DEVELOPPEMENTnombre de véhicules 25292 34,6 20998 35,6 14,0 -17,0Valeur Ajoutée 69 12,7 78 19,6 15,6 12,5MONDEnombre de véhicules 73102 100 58986 100 3,0 -19,3Valeur Ajoutée 542 100 395 100 4,8 -27,1

(a) :Valorisations utilisant les Parités Structurelles des monnaies exprimées en EMC, Etalon Monétaire Commun. En 2008, 1 EMC = 0,74 euro 0,95 dollar 89 yens 6,92 yuan. 1 EURO = 1,29 dollar 121 yens 9,41 yuan

(b) : Républiques Tchèque et Slovaque, Pologne, Hongrie et Slovénie.

SOURCES : Chambres syndicales et organismes professionnels (CCFA, VDA, ACEA,OICA, WARDS) Banques de données de l'OCDE, INSEE, BEA Américain, BNS Chinois. Et nombreuses estimations de l'auteur, qui n'engagent que sa seule responsabilité ! Scénario Optimiste pour 2009.

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RAOUL CHABOT (Ie) LES CONSTRUCTEURS EUROPEENS mars 2009

(I) =VEHICULES LEGERS (VP+VUL)

MILLIERS 2007/ 1998 Chiffre d'affaires 2007 Marges 20071998 2007 (moyenne) millions euros / véhicule millions euros / CA (%) / véhicule

GENERALISTES (a) 15098 18358 1,97% 287143 15641 6205 2,2 338 % TOTAL 84,1% 85,4% 60,3% 70,6% 32,5%

SPECIALISTES (b) 2221 3546 4,79% 138626 39099 11746 8,5 3313 % TOTAL 12,4% 16,5% 29,1% 176,5% 61,5%

b / a 14,7% 19,3% 48% 250% 189% 3,9 9,8

TOTAL VL 17319 21904 2,38% 425769 19438 17952 4,2 820 % TOTAL 96,4% 101,9% 89,5% 87,8% 93,9%

PRODUCTION MONDIALE 51 096 70 178 3,22%

EUROPEENS / MONDE 33,9% 31,2%

(II) =VEHICULES INDUSTRIELS LOURDS

MILLIERS 2007 / 1998 Chiffre d'affaires 2007 Marges 20071998 2007 (moyenne) millions euros / véhicule millions euros / CA (%) / véhicule

EUROPEENS (c) 641 859 2,98% 83624 97309 7171 8,6 8344 % TOTAL 3,6% 4,0% 17,6% 439,3% 37,5%

PRODUCTION MONDIALE 1 891 2 924 4,45%

EUROPEENS / MONDE 33,9% 29,4%

(III) =GROUPES EUROPEENS

MILLIERS 2007 / 1998 Chiffre d'affaires 2007 Marges 20071998 2007 (moyenne) millions euros / véhicule millions euros / CA (%) / véhicule

GROUPES EUROPEENS 17960 22763 2,40% 509393 22378 25122 4,9 1104 (yc GM et FORD Europe)PRODUCTION MONDIALE 52 987 73 102 3,27%

EUROPEENS / MONDE 33,9% 31,1%

a) = Peugeot, Renault, Fiat (hors Masérati Ferrari),Volkswagen (hors Audi) ,Daimler Benz (Smart,Vans et VUL), Mini + filiales européennes des groupes américains (GM, FORD, Chrysler) (b) = BMW, Mercédes, Audi, Porsche, Masérati et Ferrari (c) = Mercédes, MAN, Volvo + Renault Trucks,Scania, IVECO

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RAOUL CHABOT (If) LES PRINCIPAUX CONSTRUCTEURS mars 2009

LA TAILLE ET LA PUISSANCE FINANCIERE

MILLIERS (a) 2008 / 1998 Chiffre d'affaires 2008 (c) Opérating Profit (b et c)1998 2008 (moyenne en millions EMC / véhicule 2008 / CA (%) 2003 2008

TOYOTA 4634 8681 6,5 232413 26773 6949 3,0 97256 % des constructeurs 10,4% 13,6% 14,8% 1024,1% 38,4%

PVMS (pro forma) (a) 4929 6482 2,8 173257 26728 11303 6,5 46328 % des constructeurs 11,1% 10,1% 11,0% 1665,9% 18,3%

Alliance RENAULT NISSAN 4814 5773 1,8 147250 25507 2033 1,4 44168 % des constructeurs 10,9% 9,0% 9,4% 299,6% 17,4%

DAIMLER 1709 2064 1,9 123820 59979 8480 6,8 38138 % des constructeurs 3,9% 3,2% 7,9% 1249,9% 15,0%

HONDA 2329 3958 5,4 95523 24134 3592 3,8 31250 % des constructeurs 5,3% 6,2% 6,1% 529,4% 12,3%

BMW 1103 1368 2,2 68270 49900 1198 1,8 21813 % des constructeurs 2,5% 2,1% 4,3% 176,6% 8,6%

HYUNDAI (c) 986 3800 14,4 63500 16711 1500 2,4 12289 % des constructeurs 2,2% 5,9% 4,0% 221,1% 4,8%

PSA 2248 3018 3,0 59279 19639 -1559 -2,6 4824 % des constructeurs 5,1% 4,7% 3,8% -229,8% 1,9%FIAT (activités automobiles) 2614 2360 -1,0 55232 23404 2649 4,8 2892 % des constructeurs 5,9% 3,7% 3,5% 390,4% 1,1%

CHRYSLER 3033 2290 -2,8 56108 24505 -7878 -14,0 -7704 % des constructeurs 6,8% 3,6% 3,6% -1161,1% -3,0%

FORD 6556 5656 -1,5 143791 25423 -12429 -8,6 -26308 % des constructeurs 14,8% 8,9% 9,1% -1831,9% -10,4%

GENERAL MOTORS 5408 8282 4,4 155543 18781 -22451 -14,4 -50403 % des constructeurs 12,2% 13,0% 9,9% -3309,0% -19,9%

TOTAL CONSTRUCTEURS 44353 63879 3,7 1574418 24647 679 0,0 253465

LES CHAMPIONS

PORSCHE 37 71 6,9 8364 117017 1330 15,9 9955 % des constructeurs 0,1% 0,1% 0,5% 196,0% 3,9%

SCANIA 45 74 5,1 16623 225218 2260 13,6 8934 % des constructeurs 0,1% 0,1% 1,1% 333,1% 3,5%

TATA (c) 136 550 15,0 8500 15455 600 7,1 3723 % des constructeurs 0,3% 0,9% 0,5% 88,4% 1,5%

SAIC (b) (c) 351 2450 21,4 25500 10408 1809 7,1 9747 % des constructeurs 0,8% 3,8% 1,6% 266,6% 3,8%

(a) = Résultat de la prise de controle de Scania et Man par Volkswagen, et du rapprochement entre Volkswagen et Porsche. (b) = Production propre + joint ventures de Shangai Automotive Industry Corporation, et des groupes GM et Volkswagen. (c) = chiffres 2008 estimés.

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RAOUL CHABOT (Ig) LES QUATRE POLES mars 2009

MILLIERS (a) 2008 / 1998 Chiffre d'affaires 2008 (c) Marges 2008 (b et c)1998 2008 (moyenne %)millions EMC / véhicule millions EMC / CA (%) / véhicule

GROUPES ALLEMANDS(d) 7696 9841 2,5 329383 33471 17950 5,4 1824 % des QUATRE POLES 17,4% 15,4% 20,9% 2645,5%

GROUPES FRANCAIS (e) 4450 5399 2,0 108102 20021 -1719 -1,6 -318 % des QUATRE POLES 10,0% 8,5% 6,9% -253,4%

AUTRES EUROPEENS (f) 2822 2684 -0,5 132399 49323 7939 6,0 2958 % des QUATRE POLES 6,4% 4,2% 8,4% 1170,1%

GROUPES EUROPEENS 14968 17925 1,8 569884 31793 24170 4,2 1348 % des QUATRE POLES 33,7% 28,1% 36,2% 3562,3%

GROUPES JAPONAIS (g) 12582 21090 5,3 529093 25087 15167 2,9 719 % des QUATRE POLES 28,4% 33,0% 33,6% 2235,4%

GROUPES COREENS (h) 1713 4600 10,4 75000 16304 1200 1,6 261 % des QUATRE POLES 3,9% 7,2% 4,8% 176,9%

Pole Asie Développée 14295 25690 6,0 604093 23515 16367 2,7 637 % des QUATRE POLES 32,2% 40,2% 38,4% 2412,2%

CHINE + INDE (j) 1823 10974 19,7 90000 8201 5800 6,4 529 % des QUATRE POLES 4,1% 17,2% 5,7% 854,8%

GROUPES AMERICAINS (i) 14997 16227 0,8 355441 21904 -42759 -12,0 -2635 % des QUATRE POLES 33,8% 25,4% 22,6% -6302,0%

LES QUATRE POLES (k) 44353 63879 3,7 1574418 24647 679 0,0 11

(a) = Tous véhicules ( VP, VUL, VI, Cars et Bus) (b) = Opérating Income où Résultat d'Exploitation suivant les sources (c) = Parités Structurelles. En 2008, 1 EMC = 0,73 euro, 0,95 dollar,89 yens et 1010 wons (d) = Daimler, VAG, BMW, Porsche, Man. (e) = PSA et Renault. (f) = Fiat, Volvo+Renault Trucks, Scania (g) = Toyota, Nissan, Honda, Mitsubishi, Mazda, Suzuki et Isuzu. (h) = Hyundai+Kia, Daewoo (i) = GM, Ford et Chrysler. (j) = Constructeurs approchant le niveau international ( 3xSAIC + 1,5xTATA). (k) = déduction faite des doubles comptes (joint ventures incluses dans les chiffres des deux partenaires).

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RAOUL CHABOT (Ii) CONTRIBUTIONS DES DEMANDES à la CROISSANCE Mars 2009

ETATS UNISROYAUME JAPON FRANCE ALLEMAGNE EUROLAND MONDE hors UNI Anglo-saxons

SERVICES FINANCIERS

PRODUCTION / PIB 12,3% 11,7% 8,7% 8,4% 8,4% 7,9% 8,5% (niveau 2007 )CONTRIBUTIONS à la CROISSANCE

MOYENNE 1997 2007 0,8% 0,5% 0,1% 0,4% 0,3% 0,3% 0,5%

2009+2010+2011 -2,5% -2,2% 0,1% -0,5% -0,2% -0,3% -1,3%

LOGEMENT

PRODUCTION / PIB 4,6% 6,0% 3,2% 6,7% 6,0% 7,9% 5,4% (niveau 2007 )CONTRIBUTIONS à la CROISSANCE

MOYENNE 1997 2007 0,1% 0,2% -0,2% 0,2% -0,1% 0,1% 0,0%

2009+2010+2011 -0,5% -0,8% 0,4% -0,2% -0,2% -0,6% -0,4%

AUTOMOBILE

PRODUCTION / PIB 3,5% 3,2% 9,9% 5,3% 12,5% 8,0% 6,2% (niveau 2007 )CONTRIBUTIONS à la CROISSANCE

MOYENNE 1997 2007 0,1% 0,1% 0,3% 0,3% 0,5% 0,3% 0,2%

2009+2010+2011 -1,6% -0,9% -1,6% -1,0% -1,9% -1,3% -1,5%

LOGEMENT + AUTOMOBILE + SERVICES FINANCIERS

PRODUCTION / PIB 23,0% 24,2% 22,6% 21,4% 27,7% 24,7% 20,9% (niveau 2007 )CONTRIBUTIONS à la CROISSANCE

MOYENNE 1997 2007 1,0% 0,8% 0,3% 0,8% 0,7% 0,7% 0,8%

2009+2010+2011 -4,6% -3,9% -1,0% -1,7% -2,3% -2,2% -3,2%

(a) = Frais de personnel exprimés en EMC (Etalon Monétaire Commun)

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RAOUL CHABOT (IIa) INDUSTRIE AERONAUTIQUE ET DEFENSE juin 2008

LA COMPETITION USA EUROLAND

Montants en milliards d'EMC. En 2008, 1 EMC = 0,8 euro, 1,036 dollar, 103,4 yens

CHIFFRES D'AFFAIRES 2007 RESULTAT D'EXPLOITATION 2005 2007Aérospace Défense+ Aérospace Défense+

Aérospace % CA Aérospace % CA (1) (2) (1) / (2) (1) (2)

BOEING (a) 68,1 68,1 100,0 18,9 10,1 18,9 10,1

EADS (b) 44,4 51,6 86,0 1,8 1,4 2,9 2,0

LOCKHEED MARTIN 21,3 42,2 50,6 6,2 9,9 11,3 9,4

U T C (c) 17,6 17,6 100,0 6,3 14,0 6,3 14,0

GENERAL ELECTRIC 17,5 17,5 100,0 6,8 15,7 6,8 15,7

SAFRAN 11,4 13,4 84,8 2,9 9,4 2,9 8,0

ROLLS ROYCE 10,1 12,9 78,7 3,7 13,1 4,2 12,1

TEXTRON (d) 9,3 9,3 100,0 3,0 12,8 3,0 12,8

NORTHROP GRUMMAN 8,5 33,3 25,6 2,5 9,5 8,7 9,0

FINMECCANICA 8,1 14,6 55,3 2,2 10,1 4,0 9,9

BOMBARDIER 7,9 7,9 100,0 0,9 4,4 0,9 4,4

BAE SYSTEMS (e) 6,2 27,9 22,1 1,6 9,4 6,3 8,5

DASSAULT (f) 5,4 5,4 100,0 1,7 11,9 1,7 11,9

EMBRAER 5,5 5,5 100,0 1,5 11,3 1,5 11,3

GENERAL DYNAMICS 5,0 28,3 17,7 2,0 15,7 8,2 11,0

MITSUBISHI 5,3 5,3 100,0 0,5 3,2 0,5 3,2

THALES 4,7 11,6 40,8 0,7 6,3 2,1 6,7

TOTAL U S A 147,4 216,4 68,1 45,7 11,4 68,7 11,6 part du total (%) 57,5 57,7 72,3 71,5

TOTAL EUROLAND 74,0 96,7 76,5 9,2 4,6 13,6 5,1 part du total (%) 28,9 25,8 14,6 14,2

MONDE DEVELOPPE 256,4 374,7 68,4 63,2 9,0 96,1 9,4

(a) = dont 32,4 avions commerciaux et 31,1 aéronautique militaire (b) = dont 31,4 Airbus et environ 9 Défense. (c) = maison mère de Pratt et Whitney (moteurs) et Sikorsky (hélicoptères) (d) = maison mère de Pratt et Whitney (moteurs) et Sikorsky (hélicoptères) (e) = Chiffre d'affaires aéronautique estimé (f) = dont 2,9 avions d'affaires et 2,2 avions militaires.

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RAOUL CHABOT (IIb) L'IMPACT DES PARITES SUR EADS Avril 2009

CE TABLEAU N'EST PAS UNE PREVISION, MAIS UN SIMPLE EXERCICE METHODOLOGIQUE

Couvertures : milliards de dollars 2009 2010 2015SCENARIOS MONETAIRES SCENARIOS MONETAIRES

Résultats : millions d'euros Optimiste Pessimiste Optimiste Pessimiste

Euro / dollar (a) 1,276 1,370 1,254 1,484

Couvertures en fin 2008 ($) (b) 16 16 44 44taux moyen 1,26 1,26 1,39 1,39

chiffre d'affaires total en dollars

Exposition au risque de change (c) 16,1 16,1 106 106Chiffre d'affaires non couvert ($) 0,1 0,1 62 62

Parité euro/dollar d'équilibre (a) 1,38 1,38 1,36 1,36

Résultat courant sur CA exposé 951 82 6134 -6594 (hors résultats de change)Résultat des couvertures 2008 (euros) 159 1023 -4206 2482Résultat sur couvertures 2009 2014(d) 2305 948

Résultat de change global 159 1023 -1900 3430

Résultat d'exploitation courant (euros) 1110 1105 4234 -3165

(a) = Scénarios de printemps de l'auteur. (b) = source : rapports publiés par EADS (c) = Objectifs du plan POWER 8 supposés tenus à moyen terme (d) = Hypothèse de l'auteur : poursuite de la politique de couverture passée

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RAOUL CHABOT (IIIb) FEUE LA RELANCE PAR LE PETROLE ? mars 2009

FRANCE ALLEMAGNE EUROLAND ETATS UNIS Royaume Uni JAPON MONDE

IMPORTS NETTES DE PRODUITS ENERGETIQUES/ PIB (%)

2001 2006 1,65 1,56 1,58 1,23 -0,21 1,84 1,33

2008 2,88 2,88 2,83 2,79 0,35 4,22 2,87

2009 2,06 2,02 2,00 1,80 0,29 2,47 1,89

EFFET SUR LA CROISSANCE

cumul 2006 2008

montant (a) -20319 -30961 -98408 -180984 -5299 -9137 -501450% PIB -1,11 -1,33 -1,23 -1,35 -0,40 -1,80 -1,46

cumul 2009 2011

Optimiste (a) (b) 23692 32208 107378 182538 1566 11654 483355% PIB 1,22 1,28 1,24 1,28 0,11 2,26 1,30

Moyen (a) (c) -12934 -12289 -46612 -61941 -2429 594 -178788% PIB -0,68 -0,56 -0,59 -0,43 -0,17 -0,03 -0,49

pessimiste (a) (d) -27387 -29849 -107380 -158279 -4004 -3765 -439832% PIB -1,43 -1,30 -1,32 -1,09 -0,28 -0,96 -1,19

(a) milliards d'euros pour l'euroland, monnaies nationales pour les autres pays , EMC pour le Monde (b) = baril moyen : 2009 à 41,1 dollars, 2010 à 47 dollars et 2011 à 49,1 dollars. (c) = baril moyen : 2009 à 53,1 dollars, 2010 à 76 dollars et 100,6 dollars en 2011 . (d) = baril moyen : 2009 à 65 dollars ,2010 à 105 dollars, 2011 à 115 dollars .