Économie contemporaine

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BC catégorie A Économie contemporaine Tome 2 Les politiques économiques et sociales de l’État Gilles Rasselet

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  • BCc a t g o r i eA

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    conomie contemporaineTome 2Les politiques conomiques et sociales de ltat

    Rgions, dpartements, collectivits locales autant de lieux o les agents publics au contact des citoyens et usagers du service public sont confronts aux contraintes conomiques et juridiques, le droit communautaire ou les alas conomiques constituent de plus en plus des constantes qui agissent sur lenvironnement territorial. Le mouvement de dcentralisation, du RSA la formation professionnelle en passant par le soutien laction conomique, ne fait quimbriquer un peu plus ces deux dimensions.

    Attach ou administrateur le futur cadre territorial se doit de connatre les lignes de force qui sous-tendent la vie conomique, et pour agir de comprendre lenvironnement dans lequel se meuvent toutes les collec-tivits.

    Lauteur Gilles Rasselet aprs avoir, dans un premier tome, prsent les grandes fonctions conomiques sattache dans le second tome de louvrage conomie contemporaine tudier les politiques conomiques et sociales de ltat, politiques qui impactent directement et indirectement celles des administrations dcentralises.

    De faon claire, prcise et illustre lauteur permet dapprhender le contexte actuel o se joue laction conomique et sociale de ltat sur fond de mondialisation et de dsquilibres conomiques, il vous invite le suivre dans sa description et son explication de la politique budgtaire, montaire et conomique de ltat.

    Il met aussi jour les enjeux des politiques sociales quil sagisse des retraites ou de la sant, de lemploi ou de la protection sociale.

    Au-del de la prparation aux concours dattach ou dadministrateur conomie contemporaine constitue un ouvrage de rfrence propre clairer durablement les dbats et les enjeux conomiques et sociaux de notre temps.

    Lauteur, Gilles Rasselet, est docteur dtat s sciences conomiques et licenci s lettres. Il est professeur de sciences conomiques lUniversit de Reims Champagne-Ardenne o il dirige le master administration conomique et sociale. Dans le cadre de sa collaboration au CNFPT, il avait dirig ldition de louvrage conomie gnrale, tome 1 et 2, publi antrieurement par les ditions du CNFPT.

    conomie contemporaineTome 2

    Les politiques conomiqueset sociales de ltat

    Gilles Rasselet

    CENTRE NATIONAL DE LA FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE80, RUE DE REUILLY - CS 41232 - 75578 PARIS CEDEX 12 - Tl. : 01 55 27 44 00 - Fax : 01 55 27 41 07 - WWW.CNFPT.FR

    ISBN : 978-2-84143-336-0 - Les ditions du CNFPT, dition 2010 - Prix 30

  • conomie contemporaine

    tome 2 Les politiques conomiques et sociales de ltat

    Gilles Rasselet

  • Le comit de lecture de cet ouvrage tait compos de

    - Philippe Defrance, service Ingnierie et dveloppement des formations, direction de la Formation, CNFPT

    - Pham van Dat, service Editions, direction de la Communication, CNFPT

    Les chapitres 8 et 9 de cet ouvrage sont le produit dune collaboration amicale avec Madame Michle Severs, matre de confrences en sciences conomiques luniversit de Reims Champagne-Ardenne.

    ditions du CNFPT, 2010Aucune partie de la prsente publication ne peut tre reproduite, mise en mmoire ou transmise sous aucune forme ni aucun moyen lectronique ou mcanique, par photocopie, enregistrement, ou toute autre faon sans autorisation expresse du centre national de la fonction publique territoriale.

  • 3Sommaire

    Sommaire

    IntroductIon gnrale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

    I - Les diverses fonctions de ltat et les politiques conomiques et sociales . . . . . . . . . . . . . . . 8

    II - Lvolution historique du rle de ltat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13

    parte 1 : le contexte contemporaIn de lactIon conomIque et socIale de ltat : dsquIlIbres conomIques et mondIalIsatIon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21

    chapItre 1 : les dsquilibres de lconomie : linflation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25

    Section 1 : Linflation : mesure et volution . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28

    Paragraphe 1 : La mesure de linflation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28

    Paragraphe 2 : Lvolution des prix au XXe sicle : inflation et dsinflation . . . . . . . . . . . . 35

    Section 2 : Les explications de linflation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45

    Paragraphe 1 : Linflation, phnomne dorigine montaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45

    Paragraphe 2 : Linflation, rsultat de dsquilibres de lconomie relle . . . . . . . . . . . . . 50

    Paragraphe 3 : Linflation, phnomne social et structurel. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58

    Section 3 : Les effets de linflation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62

    Paragraphe 1 : Une pluralit deffets . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62

    Paragraphe 2 : La politique franaise de dsinflation comptitive . . . . . . . . . . . . . . . . . 66

    chapItre 2 : les dsquilibres de lconomie : le chmage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73

    Section 1 : Le chmage : mesure et volution . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75

    Paragraphe 1 : Le chmage et lemploi : problmes de dfinition et de mesure . . . . . . . . 75

    Paragraphe 2 : Lingalit devant le chmage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88

    Section 2 : Les explications du chmage : noclassiques et keynsiens . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95

    Paragraphe 1 : Lanalyse noclassique du chmage : les atteintes la concurrence . . . . . . 95

    Paragraphe 2 : Lanalyse keynsienne du chmage : linsuffisance de la demande globale 108

    Section 3 : La relation inflation-chmage et le dbat de politique conomique . . . . . . . . . . 121

    Paragraphe 1 : La relation inflation-chmage et la courbe de Phillips. . . . . . . . . . . . . . . . 121

    Paragraphe 2 : La critique noclassique de la courbe de Phillips . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 124

    chapItre 3 : la mondialisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 129

    Section 1 : La mondialisation commerciale et productive . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 131

    Paragraphe 1 : Les firmes multinationales agents moteur de la mondialisation . . . . . . . . 135

    Paragraphe 2 : Les investissements directs ltranger vecteurs de la mondialisation . . . 148

  • 4 conomie contemporaine - Les politiques conomiques et sociales de ltat

    Section 2 : La mondialisation financire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 156

    Paragraphe 1 : La monte en puissance du capital financier et des marchs de capitaux 156

    Paragraphe 2 : Les investisseurs institutionnels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 159

    Paragraphe 3 : Porte et limites de la mondialisation financire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 170

    partIe 2 : les polItIques conomIques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 185

    chapItre 4 : le budget de ltat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 191

    Section 1 : Les recettes du budget de ltat : les impts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 195

    Paragraphe 1 : Les caractristiques du systme fiscal franais . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 195

    Paragraphe 2 : Le dbat propos de limpt sur le revenu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 203

    Paragraphe 3 : La question du niveau et de lvolution des prlvements obligatoires . . 215

    Section 2 : Les dpenses du budget de ltat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 222

    Paragraphe 1 : Les classifications des dpenses de ltat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 223

    Paragraphe 2 : Lvolution des dpenses publiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 227

    Section 3 : Le solde budgtaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 236

    Paragraphe 1 : Le dbat thorique propos du solde budgtaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 236

    Paragraphe 2 : Le dficit budgtaire contemporain et ses consquences . . . . . . . . . . . . . 240

    chapItre 5 : la politique budgtaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 253

    Section 1 : Les modalits daction de la politique budgtaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 257

    Paragraphe 1 : Le jeu des multiplicateurs budgtaires dans le cas de variations des achats publics, des impts ou des transferts publics . . . . . . . . . . . . . . . 258

    Paragraphe 2 : La valeur algbrique des multiplicateurs des achats publics, des impts et des transferts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 262

    Paragraphe 3 : Le multiplicateur du budget quilibr. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 265

    Section 2 : Porte et limites de la politique budgtaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 267

    Paragraphe 1 : Les conditions defficacit dune politique budgtaire expansive . . . . . . . 267

    Paragraphe 2 : Linternationalisation croissante des conomies dans un contexte de modialisation et les limites lefficacit de la politique budgtaire . . 271

    Paragraphe 3 : Les effets drivs dune politique budgtaire de relance : la hausse des taux dintrt et ses consquences . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 274

    Paragraphe 4 : Mobilit des capitaux, rgime de changes et efficacit dune politique budgtaire de relance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 281

    Section 3 : La construction europenne et la politique budgtaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 285

    Paragraphe 1 : Le Pacte de stabilit et de croissance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 284

    Paragraphe 2 : La contestation et la rforme du Pacte de stabilit et de croissance . . . . 291

    chapItre 6 : la politique montaire et la politique de change . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 303

    Section 1 : Les modalits daction de la politique montaire et de la politique de change . . 307

    Paragraphe 1 : Laction de la politique montaire sur la situation conomique interne du pays : les canaux de transmission de la politique montaire . . . . . . . . 307

  • 5Sommaire

    Paragraphe 2 : Laction de la politique montaire et de la politique de change sur lquilibre des changes extrieurs du pays . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 314

    Section 2 : Porte et limites de la politique montaire et de la politique de change . . . . . . . 318

    Paragraphe 1 : Labsence de matrise des taux dintrt et du taux de change pour certains pays . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 318

    Paragraphe 2 : Les effets drivs de la politique montaire et de la politique de change 323

    Paragraphe 3 : Les dlais de mise en uvre de la politique montaire . . . . . . . . . . . . . . . 327

    Section 3 : Leuro, la Banque centrale europenne et la politique montaire unique de la zone euro . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 329

    Paragraphe 1 : La Banque centrale europenne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 331

    Paragraphe 2 : Les objectifs et les instruments de la politique montaire de la Banque centrale europenne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 336

    Paragraphe 3 : Laction de la BCE depuis 1999 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 348

    chapItre 7 : la politique conomique structurelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 361

    Section 1 : Lorganisation directe par ltat de la production et des changes : ltat producteur de biens et services . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 365

    Paragraphe 1 : Les fondements et justifications de lorganisation directe par ltat de la production de biens et services . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 366

    Paragraphe 2 : Laffirmation puis le dclin du rle de ltat producteur . . . . . . . . . . . . . . 377

    Paragraphe 3 : Le dclin de ltat producteur et la question des services publics . . . . . . . 385

    Section 2 : La rglementation de lactivit conomique par ltat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 389

    Paragraphe 1 : Lexercice par ltat de sa fonction de rglementation de lactivit conomique : le cas de la rglementation de la concurrence . . . . . . . . . . 390

    Paragraphe 2 : La politique contemporaine de drglementation et de libralisation des marchs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 398

    Section 3 : Lorientation par ltat de lactivit et du dveloppement conomiques . . . . . . . 406

    Paragraphe 1 : La matrise et lorientation du dveloppement : la planification

    et la politique damnagement du territoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 406

    Paragraphe 2 : La politique industrielle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 413

    partIe 3 : les polItIques socIales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 421

    chapItre 8 : les diffrentes politiques sociales de ltat : retraites et sant . . . . . . . . . 427

    Section 1 : Les politiques concernant les retraites et la protection sociale de la vieillesse . . 430

    Paragraphe 1 : Le systme franais de protection sociale de la vieillesse . . . . . . . . . . . . . . 430

    Paragraphe 2 : Les dbats sur la rforme des retraites : rpartition versus capitalisation 435

    Paragraphe 3 : Lambigut des rformes des rgimes de retraite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 444

    Section 2 : Les politiques de sant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 452

    Paragraphe 1 : Lvolution de longue priode des dpenses de sant. . . . . . . . . . . . . . . . 453

    Paragraphe 2 : Les actions sur la demande de soins . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 464

    Paragraphe 3 : Les actions sur loffre de soins . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 467

    Paragraphe 4 : Vers une refonte du rgime de lassurance-maladie ? . . . . . . . . . . . . . . . 474

  • 6 conomie contemporaine - Les politiques conomiques et sociales de ltat

    chapItre 9 : les diffrentes politiques sociales de ltat : emploi, famille, pauvret . . 479

    Section 1 : Les politiques de lemploi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 481

    Paragraphe 1 : La rglementation du march du travail . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 485

    Paragraphe 2 : Les politiques passives de lutte contre le chmage . . . . . . . . . . . . . . . . . . 490

    Paragraphe 3 : Les politiques actives de lutte contre le chmage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 498

    Section 2 : Les politiques familiales et les politiques de lutte contre la pauvret et lexclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 510

    Paragraphe 1 : Les politiques familiales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 510

    Paragraphe 2 : Les politiques de lutte contre la pauvret et lexclusion . . . . . . . . . . . . . . 518

    chapItre 10 : la protection sociale sous tension . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 529

    Section 1 : Les comptes de la protection sociale : tat des lieux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 531

    Paragraphe 1 : Les dpenses de la protection sociale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 531

    Paragraphe 2 : Les ressources de la protection sociale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 541

    Paragraphe 3 : Comparaisons europennes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 544

    Section 2 : La crise de financement du systme de protection sociale . . . . . . . . . . . . . . . . . . 548

    Paragraphe 1 : Les causes de la crise de financement du systme de protection sociale . 548

    Paragraphe 2 : Les rponses des pouvoirs publics la crise de financement . . . . . . . . . . . 555

    Paragraphe 3 : Diverses propositions pour le financement de la protection sociale . . . . . 558

    Section 3 : La protection sociale : un sujet de controverses . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 562

    Paragraphe 1 : La contestation librale du systme public de protection sociale existant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 563

    Paragraphe 2 : Les rponses la contestation librale du systme public de protection sociale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 566

    Paragraphe 3 : La dmographie et la question du financement de la protection sociale . 571

    bIblIographIe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 577

  • Introduction gnrale

    Sappuyant sur la prsentation et lanalyse des fonctions conomiques auxquelles tait d-di le tome 1, ce second tome de louvrage conomie contemporaine est consacr ltude des politiques conomiques et sociales de ltat.Dans une premire acception, ltat correspond formellement ce que la comptabilit na-tionale dnomme les administrations publiques centrales (APUC), elles-mmes constitues de deux sous-ensembles :

    1) ltat central, au sens restreint du terme, dfini par lensemble des ministres et des services administratifs qui en dpendent, dont les recettes et les dpenses sont retra-ces dans les lois de finances (budget) ;

    2) les organismes divers dadministration centrale (ODAC), soit environ six cents orga-nismes, de statuts juridiques varis, disposant de lautonomie financire mais dont les ressources proviennent pour lessentiel des subventions dtat et qui interviennent dans des domaines aussi varis que lenseignement et la formation (universits, ins-tituts universitaires), la culture (bibliothques et muses nationaux, Comdie fran-aise), la recherche (CNRS, CNES), la sant et lintervention sociale, le logement et lorganisation du territoire, les transports.

    Il existe des liens troits entre ltat ainsi dfini et lensemble des organismes et institutions chargs dadministrer les diffrents dispositifs de protection sociale des individus contre divers risques, ce que la comptabilit nationale dnomme les administrations de scurit sociale (ASS). Ces dernires se dcomposent galement en deux sous-ensembles :

    1) les rgimes dassurances sociales constitus dune mosaque dorganismes autonomes qui grent une prise en charge collective et obligatoire des diffrents risques sociaux que lindividu peut rencontrer tout au long de sa vie (la maladie, linfirmit, la perte demploi, la vieillesse, les accidents du travail, la charge de lentretien dune famille, la maternit, lindigence) ;

  • 8 conomie contemporaine - Les politiques conomiques et sociales de ltat

    2) les organismes dpendant des assurances sociales, cest--dire essentiellement les h-pitaux publics et privs qui participent au service public hospitalier, dont la majorit des ressources provient des rgimes dassurances sociales et qui offrent des services de soins tout citoyen frapp par la maladie ou un accident.

    Dans une seconde acception, plus large, ltat peut par consquent tre dfini comme lensemble constitu des administrations publiques centrales et des diffrentes adminis-trations de scurit sociale.Dans une troisime acception, plus large encore, on peut galement inclure dans ltat les diverses administrations publiques locales (APUL) qui regroupent les organismes com-ptence et financement locaux. Celles-ci se divisent galement en deux sous-ensembles :

    1) les collectivits locales (rgions, dpartements et communes), auxquelles les lois de dcentralisation du 2 mars 1982, des 7 janvier et 22 juillet 1983 et du 13 aot 2004 ont confi des responsabilits particulires en matire denseignement, de formation, damnagement du territoire et daide sociale ;

    2) les organismes divers dadministration locale (ODAL) qui rassemblent une multitude de structures (chambres des mtiers, chambres de commerce et dindustrie, centres com-munaux daction sociale, maisons des jeunes et de la culture, piscines, bibliothques et muses municipaux) jouant un rle de premier plan dans lanimation de la vie co-nomique, sociale, culturelle et sportive locale et dont les budgets sont aliments pour lessentiel par des subventions des collectivits locales et/ou des taxes et impts locaux.

    Ltat, ainsi dfini dans cette acception large, exerce en premier lieu les fonctions rga-liennes qui sont spcifiquement dvolues ltat central : justice, police, dfense, diplo-matie... Il dicte les lois, veille leur respect par les citoyens et sanctionne les ventuels manquements, assure lordre public ainsi que la dfense et lintgrit du territoire natio-nal, etc. Mais son action ne se limite pas lexercice de ces fonctions rgaliennes qui sont lapanage de la puissance publique. Cest galement lacteur le plus important de la vie conomique et sociale du pays et il exerce ce titre diverses autres fonctions (I). Cest le rsultat dune longue volution historique marque par lextension et la diversification progressive de ses foncions (II).

    I - Les diverses fonctions de ltat et les politiques conomiques et sociales

    Selon la prsentation canonique quen a faite R. A. Musgrave dans sa Thorie des finances publiques (1959), les interventions de ltat dans la vie conomique et sociale du pays r-pondent lexercice de trois grandes fonctions :

    1) une fonction dallocation des ressources. Elle consiste pour ltat assurer une affecta-tion satisfaisante de lensemble des ressources productives (des facteurs de production) dont dispose le pays entre leurs diffrents emplois possibles. ce titre, ltat intervient pour rglementer les conditions selon lesquelles les marchs, sur lesquels se dtermi-nent les prix des biens et services produits, ralisent lallocation des ressources par le biais des variations de prix, qui indiquent aux agents conomiques privs vers quelles branches dactivit il est souhaitable dorienter les ressources productives dont ils dispo-sent (force de travail, capital technique, ressources naturelles). Il intervient galement

  • 9Introduction gnrale

    pour modifier lallocation rsultant ainsi du jeu des mcanismes de march si cette al-location nest pas juge satisfaisante. Dans le cadre de cette premire fonction, ltat doit veiller en particulier favoriser une allocation suffisante de ressources aux secteurs dactivit appels se dvelopper dans un futur plus ou moins proche et affecter les ressources ncessaires pour la ralisation dinfrastructures et la production de biens col-lectifs contribuant stimuler la croissance ;

    2) une fonction de rpartition ou de redistribution. Lobjectif est ici pour ltat dinfluer sur la rpartition des revenus et de la richesse entre les individus (les mnages) qui forment la collectivit nationale, telle quelle rsulte spontanment du jeu des mcanismes de march1 afin de garantir aux uns et aux autres des conditions de vie dcentes ou juges telles. la rpartition primaire des revenus rsultant du jeu des mcanismes de mar-ch se superpose ainsi une redistribution (ou rpartition secondaire) des revenus dont ltat est le matre duvre et qui vise attnuer, dfaut de les faire disparatre, les ingalits de revenus et de richesses rsultant du fonctionnement normal de lconomie capitaliste ;

    3) une fonction de stabilisation ou de rgulation. Elle consiste contrler et contenir les fluctuations conjoncturelles de lactivit conomique de manire rgulariser, dans la mesure du possible, le cours de lactivit conomique qui, dans les pays capitalistes, prsente spontanment un caractre cyclique accus. Pour des raisons qui renvoient ses caractristiques-mmes, lconomie capitaliste volue dans le temps selon un mode cyclique, avec en particulier un cycle conomique conjoncturel faisant alterner, sur une moyenne de 6-8 ans, une phase dexpansion, caractrise par lacclration du rythme de la croissance conomique (assortie ventuellement dune pousse plus ou moins mar-que dinflation), et une phase de ralentissement marqu de la croissance conomique, voire de rcession ou de crise, accompagne dune pousse du chmage. Il sagit pour ltat, travers lexercice de cette fonction de stabilisation ou de rgulation, de limiter lampleur tant des phases dexpansion que des phases de ralentissement/rcession/crise, afin de favoriser une croissance rgulire de lconomie nationale en prservant autant que faire se peut les grands quilibres conomiques et financiers.

    Lexercice par ltat de ces diffrentes fonctions se traduit par la mise en uvre de poli-tiques conomiques et de politiques sociales.

    Les politiques conomiques correspondent des interventions varies de ltat dans la vie conomique du pays, destines influer sur lvolution dans le temps de lconomie nationale ainsi que sur ses structures, son organisation et son mode de fonctionnement. On distingue la politique conjoncturelle et la politique structurelle.

    La politique conomique conjoncturelle peut tre dfinie comme la mise en uvre par les pouvoirs publics de mesures destines influer court terme (de quelques mois 1 ou 2 ans) sur le niveau de lactivit et les grands quilibres conomiques et financiers du pays (quilibre entre loffre et la demande globales sur les marchs des biens et services, sur les marchs de capitaux ou le march du travail, quilibre des changes extrieurs) dans le sens jug souhaitable, compte tenu de la conjoncture conomique du moment et de son volution prvisible. Elle vise pour lessentiel limiter lampleur des fluctua-

    1 Sachant que les prix qui stablissent sur les marchs dterminent en mme temps les revenus que les agents conomiques privs tirent de leur participation lactivit conomique du pays.

  • 10 conomie contemporaine - Les politiques conomiques et sociales de ltat

    tions conjoncturelles de lconomie et en rgulariser le cours par une action de nature contracyclique, agissant contre-courant de la conjoncture conomique. cet effet, la politique conjoncturelle cherche freiner la croissance conomique lorsque celle-ci tend spontanment sacclrer au-del de ce qui parat souhaitable (phase dexpansion du cycle conjoncturel), et en particulier si cette acclration saccompagne dune pousse dinflation. loppos, elle cherche stimuler cette mme croissance lorsque celle-ci flchit trop fortement (phase de rcession ou de crise du cycle conjoncturel) et que le chmage progresse. Ses deux principales composantes sont la politique montaire et la politique budgtaire qui consistent respectivement agir sur les variables montaires (quantit de monnaie en circulation, taux dintrt) et sur les variables budgtaires (im-pts, dpenses publiques et solde budgtaire) pour influer sur lvolution de lactivit conomique nationale.

    Elle doit originellement beaucoup aux analyses de Keynes qui a soulign la tendance au dsquilibre de lconomie capitaliste et les consquences conomiquement et sociale-ment dommageables qui en rsultent, ce qui justifie ses yeux une intervention rgula-trice et stabilisatrice de ltat. Les auteurs du courant noclassique, le courant aujourdhui prdominant au sein de la thorie conomique contemporaine (on dit le main stream), rcusent cependant, avec des arguments variant dune cole lautre au sein de ce cou-rant thorique, lintrt de telles politiques. Ils considrent que lconomie de march capitaliste atteint spontanment delle-mme la meilleure situation possible ds lors que certaines conditions structurelles sont respectes et quen particulier rien ne fait obstacle au libre jeu des mcanismes de march.

    La politique conomique structurelle consiste, quant elle, en une action long terme (10 ans, 15 ans, voire plus) sur les structures de lconomie nationale. Elle vise a priori faire voluer ces structures dans le sens de ce qui peut tre considr comme une ef-ficience accrue du systme productif, permettant de crer plus de richesses en utilisant mieux les ressources productives dont dispose le pays et, ainsi, de pouvoir mieux satis-faire les besoins de la population2. Ainsi dfinie, elle recouvre un ensemble diversifi dinterventions de ltat, comme, par exemple :

    lexercice par ltat de sa fonction de rglementation, qui aboutit dfinir et faire voluer le contexte institutionnel dans lequel sinscrit lactivit conomique, cest--dire les institutions proprement dites, mais galement lensemble des lois et rglements qui encadrent lactivit des agents conomiques ;

    la prise en charge directe par ltat lui-mme de la production et de lchange de biens et services, marchands ou non marchands (nationalisation dentreprises prives du sec-teur concurrentiel, cration de grands services publics) ou le renoncement cette prise en charge (privatisations), ce qui, dans lun et lautre cas, a un impact direct plus ou moins considrable sur la structure du systme productif du pays ;

    les politiques industrielle, agricole, des transports, nergtique par lesquelles ltat cherche influer de manire spcifique sur lvolution de certains secteurs dactivit et sur la place quils occupent et le rle quils jouent dans la vie conomique du pays ;

    les politiques scientifique et de formation visant accrotre le potentiel scientifique et

    2 En gardant cependant lesprit quil peut y avoir de srieuses divergences dapprciation concernant ce que recouvre exactement la rfrence une meilleure satisfaction des besoins de la population, dune part, et la manire dont il faut faire voluer les structures de lconomie nationale pour accrotre lefficience du systme productif, dautre part.

  • 11Introduction gnrale

    la capacit innovatrice du pays et lever le niveau moyen de qualification de sa force de travail ;

    la politique damnagement du territoire par laquelle ltat cherche influer durable-ment sur la structuration conomique et loccupation humaine du territoire.

    Les politiques sociales correspondent diverses interventions complmentaires de ltat et, au premier chef, celles par lesquelles celui-ci organise la protection des individus contre divers risques sociaux (maladie, accidents du travail et maladies professionnelles, chmage, vieillesse, maternit et charge de famille conscutives) en mutualisant les d-penses et pertes ventuelles de revenus auxquelles doivent faire face les individus lorsque ces risques se matrialisent. Sy ajoutent la redistribution de revenus certains membres de la collectivit nationale en fonction de divers critres et la mise en uvre de mesures favorisant laccs de certaines populations diffrents biens et services jugs indispen-sables aux individus. Ces politiques sociales se sont imposes historiquement, parfois au terme de conflits sociaux et/ou politiques aigus, en rponse aux dsquilibres et aux in-galits sociales que suscite spontanment (ou auxquels est incapable de rpondre correc-tement) le fonctionnement de lconomie de march capitaliste. Elles nont rellement commenc saffirmer qu partir des dernires dcennies du XIXe sicle (trs timidement encore cette poque) puis pendant lentre-deux-guerres. Mais elles sont devenues une composante essentielle de laction de ltat aprs la Second Guerre mondiale.

    Les diffrentes politiques que ltat est ainsi susceptible de mettre en uvre se distinguent les unes des autres par leurs objectifs et leurs instruments respectifs.

    Les objectifs assigns la politique conomique et la politique sociale sont varis et peuvent diffrer dun pays lautre une mme poque, en fonction de leur situation res-pective : puissance conomique, niveau de dveloppement, poids dans lconomie mon-diale, degr douverture de lconomie nationale, spcialisations du systme productif, choix de socit en matire dorganisation de la vie conomique et sociale nationale, tra-ditions historiques, tat de la conjoncture, etc.La dfinition des objectifs assigns la politique conomique et la politique sociale de ltat est toujours le rsultat de choix qui impliquent un arbitrage entre les intrts de diverses catgories dagents conomiques et de diffrents groupes sociaux. Ces objectifs ne peuvent en effet tre conus comme la traduction de la seule recherche par une entit neutre et bienveillante (ltat lui-mme) de ce qui serait la meilleure adquation possible entre laspiration au bien-tre de la communaut nationale et les contraintes dune situa-tion conomique volutive. Dans une socit o coexistent des classes et groupes sociaux ainsi que des catgories socioprofessionnelles divers, dont les intrts peuvent tre et sont effectivement contradictoires, voire antagoniques, la dfinition des objectifs assigns la politique conomique et la politique sociale de ltat est ncessairement affecte par ces contradictions dintrts. Les principaux bnficiaires de la politique conomique et de la politique sociale de ltat varient en effet avec les objectifs poursuivis par cette politique. Ainsi, par exemple, en schmatisant, une politique conomique dont lobjectif prioritaire est la ralisation du plein-emploi profite incontestablement aux salaris qui voient, en cas de succs de cette politique, sloigner la menace du chmage. Une telle politique peut en outre renforcer leur pouvoir de ngociation vis--vis de leurs employeurs, avec comme consquence possible une volution du partage de la valeur ajoute en faveur des

  • 12 conomie contemporaine - Les politiques conomiques et sociales de ltat

    salaires et au dtriment des profits des entreprises et des revenus du capital. loppos, la priorit donne la lutte contre linflation est frquemment invoque pour justifier la mise en uvre dune politique de rigueur ou daustrit visant limiter la hausse des cots salariaux et faire pression sur la demande, ce qui dtriore la situation de lemploi et affaiblit le pouvoir de ngociation des salaris lavantage des entreprises. Une tude comparative des politiques conomiques effectivement mises en uvre dans les pays capitalistes industrialiss depuis la Seconde Guerre mondiale montre, par ailleurs, que les objectifs assigns ces politiques ont sensiblement volu depuis la Seconde Guerre mondiale, avec le tournant libral qui a t pris dans la plupart de ces pays partir de la fin des annes 1970 et du dbut des annes 1980.

    Les instruments auxquels ltat peut recourir pour atteindre les objectifs assigns aux politiques mises en uvre sont galement trs varis. Cela va du contrle de lmission montaire au budget de ltat, en passant par la rglementation, les nationalisations ou privatisations des entreprises, la prospective et la planification, ladoption dune lgisla-tion sociale et ladaptation de celle-ci des conditions nouvelles, la mise en place dun systme de protection sociale et son adaptation lvolution des besoins de la socit et lapparition de problmes nouveaux, etc. Le tournant libral voqu ci-dessus propos des objectifs des politiques conomiques sest galement traduit dans lvolution de la gamme des instruments de politique conomique mobiliss par les tats, avec la mise en dsutude de certains instruments (abandon, par exemple, de lencadrement du crdit) et, a contrario, le recours accru dautres (par exemple, renforcement de la rgulation desti-ne prserver le caractre concurrentiel des marchs).

    Si la dfinition et la mise en uvre des politiques conomiques et sociales telles quon les a dfinies sont avant tout laffaire de ltat central, celui-ci nen est cependant pas le seul acteur. On a ainsi pu dire propos de la politique conomique quelle est le rsultat d un compromis (Thomas, 1990, p. 7) ralis entre diffrentes parties prenantes.

    Parmi les agents qui concourent, avec ltat central proprement dit, la dfinition et la mise en uvre des politiques conomiques et sociales, ou qui sont du moins capables din-fluer sur ces politiques, il faut voquer plus spcifiquement :

    1) les banques centrales, auxquelles est confie la conduite de la politique montaire et qui, dans nombre de pays, sont devenues indpendantes de ltat proprement dit, la cration de la Banque centrale europenne (BCE) tant lillustration la plus rcente et la plus nette de cette volution ;

    2) les diverses collectivits locales (communes, agglomrations, dpartements, rgions) dont le rle en matire daction conomique et daction sociale sest accru en France avec les lois de dcentralisation de 1982-1983 puis de 2004 ;

    3) les groupements professionnels (confdrations patronales, organisations agricoles) qui animent souvent des structures et institutions aux prrogatives conomiques non ngligeables, comme cest le cas en France pour les chambres de commerce et dindus-trie et les chambres dagriculture, et qui disposent de moyens humains et financiers et de rseaux dinfluence susceptibles dtre mobiliss pour obtenir du gouvernement quil adopte (ou renonce ) certaines mesures ;

    4) les syndicats patronaux et de salaris qui jouent souvent un rle essentiel en ce qui concerne ladaptation des dispositifs de protection sociale existants, la mise en place de nouveaux dispositifs, llaboration dune nouvelle lgislation sociale, ou qui, loppos, sont susceptibles dans certains cas de faire obstacle la mise en uvre de

  • 13Introduction gnrale

    mesures dcides par ltat ; 5) les associations de consommateurs ou dusagers, susceptibles dexercer dans certains

    cas un vritable contre-pouvoir et dinfluer ainsi sur certaines dimensions de la po-litique conomique et sociale de ltat3 ;

    6) les groupes de pression agissant auprs des pouvoirs publics pour la dfense des int-rts spcifiques de certaines catgories dagents conomiques.

    Mme sil doit pour cela composer parfois avec dautres agents, la capacit conduire des politiques conomiques et sociales constitue de nos jours un attribut essentiel de ltat. Il nen a cependant pas toujours t ainsi. Cest le rsultat dune lente volution histo-rique du rle de ltat, par laquelle celui-ci sest progressivement transform dtat gen-darme ou circonscrit en tat providence ou social .

    II - Lvolution historique du rle de ltat

    Lintervention active de ltat dans la vie conomique et sociale du pays fait dbat. Depuis Adam Smith et sa parabole de la main invisible 4, les conomistes libraux soutiennent en effet que ltat doit sen tenir essentiellement, voire exclusivement, lexercice de ses fonctions rgaliennes, alors que, depuis lentre-deux-guerres, les thoriciens htrodoxes, et plus particulirement ceux du courant keynsien, se sont au contraire attachs lgi-timer une intervention plus ou moins tendue de ltat dans la vie conomique et sociale des nations.

    Quoi quil en soit de ce dbat, cette intervention de ltat dans la vie conomique et so-ciale du pays nen est pas moins en France une tradition ancienne remontant, pour certains aspects, lAncien Rgime. Elle sest affirme comme un phnomne majeur partir de lentre-deux-guerres et plus encore aprs la Seconde Guerre mondiale. Ltat sest ainsi transform dtat gendarme en tat providence , cette transformation traduisant le passage du capitalisme une nouvelle tape de son processus historique de dveloppe-ment. Ce mouvement a pu paratre un temps irrversible. Tel nest cependant pas le cas. Dans le contexte de la crise conomique et sociale durable qui a dbut alors, les annes 1970 ont en effet marqu lamorce dun tournant fondamental qui sest confirm depuis avec laffirmation dun puissant mouvement de libralisation contestant et limitant de manire multiforme le rle que ltat jouait jusque-l dans la vie conomique et sociale du pays.

    En France, les premires manifestations de lintervention de ltat dans la vie conomique remontent lAncien Rgime. Le pouvoir royal sest arrog trs tt le monopole de lmis-sion de la monnaie (le pouvoir de battre monnaie ). Ltat prend en charge la construc-tion dinfrastructures (routes, ponts et canaux, etc.) et organise le service des postes. Cest 3 Par exemple : rle des associations de consommateurs en matire de rglementation des pratiques commerciales, de la

    concurrence ; rle des associations de malades en matire de prise en charge de certaines affections par le systme de sant ; rle des associations humanitaires et caritatives en matire daction sociale.

    4 Selon cette parabole, cest en agissant conformment ce que lui dicte son intrt personnel que chaque individu contribue en fait la ralisation du bien-tre gnral. Tout se passe comme si une main invisible orientait, leur insu, les actions des agents conomiques privs de sorte que, sous leffet de la concurrence quils se font les uns les autres, les individus, guids dans leurs actions par la seule considration de leur intrt personnel, concourent la ralisation du bien-tre gnral, lexpression des gosmes individuels se rsolvant dans une harmonie universelle.

  • 14 conomie contemporaine - Les politiques conomiques et sociales de ltat

    galement lui qui, sous limpulsion de Colbert, est lorigine de la cration des manu-factures royales (manufactures de draps fins Abbeville, manufactures de tapisseries aux Gobelins, manufactures de Svres). Il intervient aussi en faveur du dveloppement du commerce (cration de la Compagnie des Indes, mise en place dassurances pour les ngo-ciants...). Il sarroge galement le monopole de la production du tabac, des allumettes et des poudres et cre lImprimerie nationale. Son intervention dans le domaine social est par contre plus restreinte. Les formes socialises dorganisation des soins, les hpitaux ou h-tels-Dieu, laide aux vieillards et aux indigents sont le quasi-monopole de lglise, laquelle est galement en charge de ltat civil. Le pouvoir royal se proccupe cependant trs tt dorganiser et rglementer ce que lon dsigne aujourdhui comme le march du travail. Cest par ailleurs Colbert que lon doit la mise en place du premier systme de retraite (au bnfice des marins).La Rvolution, puis lEmpire, sinscrivent de ce point de vue plus en continuit de lAncien Rgime quen rupture. La Rvolution fait sauter le carcan juridique des rglementations et privilges issus de lAncien Rgime et met en place un nouveau cadre juridique libral qui sera perfectionn par lEmpire. Mais les formes anciennes de lintervention de ltat dans lactivit conomique du pays voques ci-dessus ne sont pas remises en cause. Bien plus, dans le contexte particulier des guerres de la Rvolution puis de lEmpire, ltat initie des pratiques dirigistes (contrle des approvisionnements, contrle du commerce extrieur, organisation de lindustrie de larmement, etc.) qui seront ensuite abandonnes mais qui anticipent sur les pratiques auxquelles il recourra plus dun sicle plus tard loccasion de la Premire Guerre mondiale.Tout au long du XIXe sicle, laction de ltat est cependant globalement plutt conforme aux prceptes libraux noncs ds le XVIIIe sicle par les grands thoriciens qui ont jet les bases de la pense conomique librale, et en particulier les classiques anglais (A. Smith, D. Ricardo, J. S. Mill) et franais (J.-B. Say). Ltat se consacre principalement lexercice de ses fonctions rgaliennes. Cest bien alors un tat gendarme ou circonscrit (De-lorme, 2002).Il joue nanmoins dj un rle relativement important en matire conomique avec : le contrle de la monnaie par lintermdiaire de la Banque de France, cre linitiative de Napolon ; la protection des marchs nationaux par ltablissement de droits de douane ; la ralisation dinfrastructures (routes, canaux, chemins de fer : cration en 1831 dun mi-nistre des Travaux publics, rle moteur dans la construction du rseau national de voies ferres, plan Freycinet de 1879) ; la rglementation du travail (fixation de la dure lgale du travail, lgislation concernant le travail des femmes et des enfants, etc.). Paralllement, il tend progressivement son intervention en matire dducation, avec ladoption de la loi du 28 juin 1833 sur lenseignement primaire, imposant aux communes de rmunrer un instituteur et de scolariser gratuitement les enfants pauvres, puis des lois Ferry sur lcole sous la IIIe Rpublique. Il intervient galement en matire sociale avec les dbuts dune lgislation sur la protection sociale et la sant publique : loi de 1849 sur linstitution des socits de secours mutuel, loi de 1850 sur les logements insalubres, loi de 1851 modifiant le fonctionnement des hpitaux et hospices, loi du 15 juillet 1893 sur lassistance mdicale gratuite, loi du 1er avril 1898 sur la mutualit, loi du 9 avril 1898 sur les accidents du travail, loi du 14 juillet 1905 relative aux vieillards, infirmes et incurables Il faut souligner que, sous la IIIe Rpublique, lintervention conomique de ltat est pour partie dicte par le souci de prserver certains quilibres sociaux au sein de la nation fran-

  • 15Introduction gnrale

    aise (dfense de la paysannerie, de lartisanat et de la petite entreprise), avec en particu-lier ladoption des tarifs douaniers protecteurs, dits tarifs Mline, de 1892.

    La Premire Guerre mondiale se traduit par linstauration dune conomie de guerre carac-trise par un dveloppement considrable de lintervention de ltat : contrle du com-merce extrieur et des mouvements de capitaux, contrle des changes, rquisition dusines travaillant pour larmement, contrle de la qualit des productions dans les branches lies larmement et lquipement militaire Les dpenses publiques qui reprsentaient 12 % du PIB avant la guerre progressent fortement pour slever 27 % du PIB en 1920. Paralllement, ltat accrot ses moyens financiers en crant limpt sur le revenu. Cette conomie de guerre sera rapidement dmantele aprs la fin des hostilits, les dpenses publiques revenant, en 1930, en pourcentage du PIB, leur niveau de 1870, sous leffet de la politique dassainissement des finances publiques conduite par Raymond Poincar dans les annes 1920. Un premier seuil a nanmoins t franchi. Durant les annes 1920, ltat va ainsi accrotre son intervention en matire financire (cration de la Caisse nationale de Crdit agricole, charge daccorder des prts bonifis aux agriculteurs, et du Crdit national, destin financer la reconstruction) et dans lindustrie (cration en 1924 de la Compagnie du Rhne, socit dconomie mixte spcialise dans la production dlectri-cit dorigine hydraulique). Il prolonge paralllement son intervention en matire sociale avec ladoption de la journe de 8 heures, la cration du ministre de la Sant en 1920 Les dcrets Poincar de 1920, instituant les rgies administratives, les socits dconomie mixte et introduisant la notion dtablissement public industriel et commercial (EPIC), vont par ailleurs permettre aux communes ou aux syndicats de communes dexploiter certains services caractre industriel et commercial tels que, par exemple, la distribution publique de gaz et dlectricit et de jeter ainsi les bases des futurs services publics la Franaise .

    La grande crise des annes 1930 marque une nouvelle tape. Confront une crise co-nomique et sociale dune gravit exceptionnelle, ltat amplifie et diversifie son interven-tion : renflouement dentreprises en difficult (dont des banques) ; premires nationalisa-tions (Banque de France en 1936, Compagnie gnrale transatlantique, chemins de fer en 1937) et cration dAir France en 1933 ; mise en uvre de programmes de grands travaux destins lutter contre le chmage (plan Marquet de 1934) ; cration dinstruments de rgulation de certains marchs (cration de lOffice national interprofessionnel du Bl en 1936) ; renforcement de la lgislation du travail (loi sur les 40 heures, instauration des congs pays) ; lois du 5 avril 1928 et du 30 avril 1930 instaurant un dispositif dassurances sociales pour les salaris du commerce et de lindustrie, loi du 11 avril 1932 sur les alloca-tions familiales

    Avec les grandes rformes progressistes de la Libration et des annes de limmdiate aprs-guerre, une troisime tape, dcisive, est franchie. Le rle de ltat dans la vie co-nomique et sociale du pays est dsormais sans commune mesure avec ce quil avait t auparavant. Ltat gendarme sest transform en tat providence . Dans le contexte spcifique des Trente Glorieuses , un vritable consensus idologique et politique sest ralis au sein de la nation franaise sur la lgitimit et la ncessit dune intervention accrue de ltat dans la vie conomique et sociale du pays. Cette intervention, multiforme, est anime dune volont modernisatrice qui est alors celle dune large fraction de la haute fonction publique (les grands commis de ltat rpublicain). Ltat contrle dsormais

  • 16 conomie contemporaine - Les politiques conomiques et sociales de ltat

    directement une part significative de la production nationale de biens et services mar-chands, les nationalisations de 1945-1946 ayant fortement tendu son champ daction. Il se dote, avec la comptabilit nationale, le plan, le contrle de lessentiel du systme financier et les diffrentes composantes de sa politique structurelle, de moyens qui lui permettent dorienter le dveloppement conomique de la nation dans le sens souhait par les pou-voirs publics. Il organise et rglemente les marchs, et en particulier le march du travail avec ladoption des lois sur les conventions collectives en 1950 ainsi que linstitution, la mme anne, du salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG). Il organise la pro-tection sociale des individus et la redistribution dune part importante du revenu national avec la cration de la Scurit sociale. Il organise et dveloppe les grands services publics chargs de rpondre des besoins jugs fondamentaux par la socit : ducation, sant, culture, recherche scientifique, etc. laide de la politique conjoncturelle, il sefforce de raliser le rglage fin de la conjoncture conomique par une combinaison approprie de ses deux composantes majeures que sont la politique budgtaire et la politique mon-taire. Il met galement en uvre, de manire systmatique mais volutive dans le temps, des politiques diversifies de type structurel (politiques industrielle, agricole, nergtique, damnagement du territoire, etc.) par lesquelles il sefforce dorganiser lactivit cono-mique nationale, dimpulser et dorienter son dveloppement en faisant prvaloir une rgulation tatique supplant la rgulation par les marchs ou la compltant.

    Au cours des annes 1980 samorce un changement trs net dorientation. Ds les annes 1970, le dbat propos de ltat, de son organisation et de son fonctionnement, de sa place et de son rle dans la vie conomique et sociale de la nation, dbat qui navait en fait jamais cess depuis la Seconde Guerre mondiale mais stait droul jusque-l sur un mode relativement mineur, a pris une ampleur nouvelle. Dbat stimul par le processus de construction europenne impliquant par lui-mme un rexamen et pour partie une red-finition des missions de ltat national et de ses domaines dintervention. Ce dbat devint directement politique avec lopposition frontale entre un courant libral, runissant les diverses forces politiques regroupes dans la majorit appuyant le Prsident Valry Giscard dEstaing, lu en 1974, et les diverses composantes de la gauche, initialement signataires dun programme commun de gouvernement, lequel prvoyait au contraire une nouvelle et considrable extension du rle de ltat comme lment de rponse la crise cono-mique et sociale qui frappait le pays depuis les premires annes de la dcennie 1970. Il fut tranch, dans un premier temps, avec llection de Franois Mitterrand la Prsidence de la Rpublique en 1981, dans le sens souhait par les partisans du renforcement de laction de ltat.Mais il en est all tout autrement dans le monde anglo-saxon o les thses librales se sont au contraire clairement imposes avec laccession au pouvoir de Margaret Thatcher comme Premier ministre de Grande-Bretagne et llection de Ronald Reagan la Prsi-dence des tats-Unis. Cette vague librale, partie des pays anglo-saxons, a atteint la France avec le tournant symbolique de la rigueur pris en 1982-1983. Le consensus idologique et politique ralis au cours des Trente Glorieuses propos de ltat et de son rle moteur dans la vie conomique et sociale du pays a ainsi commenc se dfaire.

    Cette vague librale qui na cess ensuite de stendre sest traduite en France, comme dans la plupart des autres pays capitalistes dvelopps quelle a fini par submerger, par :

  • 17Introduction gnrale

    1) la privatisation de nombreuses entreprises publiques du secteur concurrentiel et mme de certains services publics ; 2) la drglementation des marchs (marchs des capitaux, des transports, des tlcommunications, de lnergie...) ; 3) la libralisation du march du travail associe la remise en cause de certains acquis des salaris (suppression de lau-torisation administrative de licenciement, rintroduction du travail de nuit des femmes, tentative (avorte) dinstituer un SMIC jeune, dveloppement du travail prcaire avec la lgalisation de lintrim, les contrats dure dtermine, le temps partiel impos et, plus rcemment, le contrat nouvelle embauche (CNE) ou la tentative de crer le contrat pre-mire embauche (CPE) ; 4) les rformes successives de certaines composantes du systme de protection sociale (allongement de la dure de cotisation pour louverture des droits la retraite, rformes de la Scurit sociale).

    On assiste paralllement, en France comme dans lensemble des autres pays capitalistes d-velopps, une rorientation en profondeur de la politique conomique. La lgitimit et lefficacit des politiques conjoncturelles discrtionnaires mises en uvre par ltat en fonc-tion de la conjoncture conomique et de ses choix politiques font lobjet de critiques de la part de nombreux thoriciens libraux : M. Friedman et le courant montariste, R. Lucas, R. Barro et les autres thoriciens de la Nouvelle conomie classique (NEC), A.Laffer et les autres thoriciens de lconomie de loffre. Critiques qui sont relayes et popularises par les mdias ainsi que par les reprsentants de forces conomiques organises ayant un intrt di-rect la redfinition du rle et des modalits dintervention de ltat dans la vie conomique nationale. Dans ce contexte thorique et idologique nouveau, la politique conomique conjoncturelle se transforme. Aprs la forte pousse de linflation, de la fin des annes 1960 au dbut des annes 1980, la politique conomique conjoncturelle est dsormais axe sur la matrise de linflation , au dtriment de la recherche du plein-emploi. Paralllement, la politique montaire, conue comme linstrument privilgi de la lutte contre linflation, et dont la conduite dans les pays formant la zone euro a t confie la Banque centrale europenne qui est statutairement indpendante des pouvoirs publics des tats-membres et des institutions politiques de lUnion europenne, prend nettement lascendant sur la politique budgtaire. Cette dernire voit au demeurant ses marges de manuvre sensible-ment rduites du fait, dune part, de lendettement croissant de ltat qui, en France comme dans nombre dautres pays dvelopps, augmente la charge du service de la dette auquel est consacre une fraction accrue des recettes du budget et, dautre part, de lobligation de respecter les rgles quimpose le Pacte de stabilit et de croissance en matire de gestion des finances publiques. La dlgitimation de lintervention de ltat et la contestation de son efficacit affectent galement la politique structurelle. Lintrt dune rgulation tatique de lactivit conomique, sarticulant la rgulation par les mcanismes de march, est ou-vertement contest par de nombreux thoriciens libraux et responsables politiques. Ceux-ci opposent cette rgulation tatique les vertus et lefficacit proclames de la rgulation par les marchs, et prnent en consquence le dsengagement de ltat ainsi quune lib-ralisation de lconomie . Il sagit de redonner aux marchs, supposs fondamentalement efficients, le rle moteur dans lallocation des ressources, la rpartition des revenus et des richesses et la rgulation de lactivit conomique densemble. En consquence, les seules politiques structurelles considres comme lgitimes sont celles qui consistent pour ltat libraliser lconomie et redonner aux marchs rendus leur fonctionnement concur-rentiel le rle central, voire pour certains exclusif, dans la rgulation de lactivit cono-

  • 18 conomie contemporaine - Les politiques conomiques et sociales de ltat

    mique. Il sagit de libraliser les conditions de loffre, de stimuler les initiatives individuelles, daccrotre la quantit de facteurs de production disponibles et den rationaliser lutilisation.

    Cette contestation de lintervention de ltat npargne pas les politiques sociales. Si la ncessit de prserver lexistence du systme de protection sociale mis en place pendant les Trente Glorieuses nest gnralement pas (ouvertement) conteste, lexigence de son adaptation au contexte contemporain est par contre affirme avec force. Le ralentisse-ment durable de la croissance conomique, limitant objectivement la possibilit daug-menter les dpenses de la protection sociale, la mondialisation, intensifiant la concurrence entre les territoires et faisant de la comptitivit des firmes le vecteur essentiel de la crois-sance conomique, et lvolution dmographique (et plus spcifiquement le vieillissement de la population) sont mis en avant par nombre de thoriciens, responsables politiques et reprsentants du monde des affaires pour justifier une restructuration de la protection sociale faisant une certaine place au jeu de la concurrence et aux mcanismes de march dans son organisation et sa rgulation. Paralllement, ont dj t entreprises diverses rformes qui visent essentiellement mieux contrler et en fait limiter la croissance des dpenses sociales du pays.

    Le discrdit qui frappe aujourdhui laction de ltat et la dlgitimation de son interven-tion dans la vie conomique et sociale du pays ne sont cependant peut-tre pas dfiniti-vement acquis. Pour certains auteurs, le balancier, aprs avoir t trs loin dans le sens de la contestation de ltat-providence, aurait commenc revenir en arrire. Dautant quaprs deux dcennies de libralisation de lconomie mondiale, les limites du processus et les risques quil fait courir apparaissent de plus en plus explicitement. Lclatement de la bulle spculative de la nouvelle conomie , puis la succession des affaires (Enron, Worldcom), qui a clairement fait apparatre que la logique du profit tout prix peut dboucher sur des pratiques frauduleuses de crativit comptable aboutissant la mise en faillite des entreprises, des licenciements massifs et la perte de leurs droits sociaux par les salaris, et, plus rcemment, encore lclatement de la crise des subprimes, ont mis jour les graves dysfonctionnements dune conomie libralise, livre ce que certains ont dnonc comme la dictature des marchs . Paralllement, et en contradiction avec la thse librale selon laquelle de moindres interventions de ltat favoriseraient toujours et partout lefficacit conomique (Fitoussi, 2004, p. 49), il apparat que les socits les plus solidaires ne sont pas, loin sen faut, les moins performantes (id. p. 50). Tout cela, selon certains auteurs, justifierait non seulement de prserver la capacit daction de ltat mais galement de chercher la renforcer et la rendre plus efficace5. La question du rle de ltat et des politiques quil est capable de mettre en uvre au plan conomique et so-cial demeure donc dune totale actualit et dune trs grande importance pour lensemble des individus qui composent la collectivit sociale.

    Ce sont donc ces politiques que lon va sattacher dcrire et expliciter dans cet ouvrage. Celui-ci est structur en trois parties.

    5 Cest ainsi que lidologie de ltat minimal fait aujourdhui place une rhabilitation du rle de ltat . On reconnat que celui-ci est capable non seulement de dfendre lordre public, la proprit prive et le respect des contrats mais aussi de crer un environnement favorable la croissance : dveloppement dun rseau de transports et de communications, formation dune main-duvre de qualit, etc. (Moatti, 2004, p. 43). Aprs avoir repris son compte les critiques libra-les les plus dures lencontre de ltat, la Banque mondiale en reconnat dsormais le rle central (...), non seulement pour encadrer lordre marchand mais aussi pour pallier les dfaillances du march et corriger ses effets redistributifs (id., p. 43).

  • 19Introduction gnrale

    La premire partie est consacre lexamen du contexte dans lequel sinscrit aujourdhui laction de ltat en matire conomique et sociale.Ce contexte reste pour nombre de pays, dont la France, celui de la crise conomique du-rable, qualifie par certains auteurs de structurelle ou mme de systmique , qui sest amorce au cours des annes 1970, voire pour certains analystes ds la fin des annes 1960, et dont la vive inflation qui a prvalu jusquau dbut des annes 1980 (chapitre I) et le chmage de masse qui persiste encore aujourdhui (chapitre II) sont deux mani-festations emblmatiques. Si linflation parat matrise, la crainte de sa rsurgence nen reste pas moins trs prsente dans les esprits des responsables de la politique montaire europenne qui continuent mettre cette dernire au service quasi exclusif de la matrise durable de lvolution des prix. Quant au chmage de masse, il demeure en France une ralit incontournable qui pse lourdement sur la vie conomique et sociale du pays et qui justifie une intervention diversifie de ltat, destine le rsorber. Ces deux dsquilibres majeurs de lconomie ont profondment conditionn la conduite de la politique cono-mique et en particulier de la politique conjoncturelle dans les pays capitalistes dvelopps au cours des trois dernires dcennies.Ce contexte, cest aussi celui de la mondialisation (chapitre III), quimpulsent les firmes mul-tinationales et les grandes organisations internationales comme le FMI, la Banque mon-diale ou lOMC, et de lensemble des processus qui laccompagnent : libralisation, finan-ciarisation des conomies des grands pays capitalistes dvelopps, mergence de nouvelles puissances conomiques Dans la diversit de ses formes, commerciales, productives et financires, la mondialisation bouleverse les quilibres goconomiques antrieurs. Elle conditionne fortement la capacit dintervention de ltat dans la vie conomique et so-ciale du pays et influe directement sur la dfinition des objectifs qui lui sont assigns et ses modalits. Depuis les annes 1980, et encore plus depuis les annes 1990, les politiques conomiques, conjoncturelle et structurelle, sont ainsi de plus en plus contraintes par laffir-mation de ce processus de mondialisation et des diffrentes volutions qui laccompagnent.

    La seconde partie est consacre ltude des diffrentes facettes de la politique cono-mique de ltat. On donnera dans le chapitre IV un aperu densemble du budget de ltat qui, dans la France contemporaine, alors que ltat a perdu totalement le contrle de la politique montaire, devenue pour lensemble de la zone euro la comptence exclusive de la BCE, reprsente le principal moyen daction conomique et sociale de ltat. On exami-nera ensuite successivement la politique budgtaire (chapitre V), la politique montaire (chapitre VI) et la politique conomique structurelle (chapitre VII). On explicitera les pro-cessus et modalits de chacune de ces politiques tout en sattachant mettre en vidence leurs porte et limites spcifiques dans le contexte, essentiel pour la politique mise en uvre par ltat franais, de la construction europenne, laquelle ajoute la mondiali-sation ses propres contraintes pour la dfinition et la conduite par ltat de sa politique conomique6.

    La troisime partie sera consacre ltude des politiques sociales. Au fur et mesure quil se dsengage volontairement de certaines formes dinterventions conomiques (privatisa-tion des entreprises nationales, dmantlement de certains services publics, abandon de la planification) et quil transfre certaines de ses prrogatives et comptences en matire

    6 Allant, comme on la dj voqu, jusqu le dessaisir purement et simplement de ses prrogatives anciennes dans le cas de la politique montaire.

  • 20 conomie contemporaine - Les politiques conomiques et sociales de ltat

    conomique lchelon europen, ces politiques sociales tendent devenir le principal point dapplication du pouvoir dintervention de ltat dans la vie conomique et sociale du pays. Les chapitres VIII et IX passeront en revue ces diffrentes politiques (politique des retraites et de la protection contre le risque vieillesse-survie, politique de la sant, poli-tiques familiales, de lutte contre la pauvret et lexclusion, politique de lemploi), ce qui permettra davoir un aperu densemble des problmes auxquels est confront aujourdhui le systme de protection sociale dun pays dvelopp comme la France, des tensions quil subit, des volutions quil connat dj et est appel connatre dans lavenir (chapitre X).

  • le contexte contemporain de laction conomique et sociale

    de ltat : dsquilibres conomiques et mondialisation

    Premire partie

    Au cours des trois dcennies qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, les pays occiden-taux dvelopps, et en particulier lEurope et le Japon, ont bnfici dune croissance conomique particulirement soutenue1. Dans des conomies nationales qui demeuraient alors encore relativement peu ouvertes aux changes internationaux, laccroissement de la productivit du travail, li un rythme dinvestissement soutenu permettant la moder-nisation de lappareil productif et lextension des mthodes dorganisation taylorienne et fordienne du travail, a atteint un rythme annuel moyen qui navait jamais t observ par le pass sur une priode aussi longue. Ces gains de productivit ont permis une pro-gression simultane des salaires rels et des profits, ce qui a soutenu laugmentation de la consommation des mnages et de linvestissement productif des entreprises, largissant ainsi les dbouchs ouverts une production elle-mme croissante. Ce cercle vertueux, qui fut la base de la srie des miracles conomiques allemand, franais, italien et japonais des Trente Glorieuses, a permis ces pays datteindre lobjectif de plein-emploi ou de quasi plein-emploi cher aux keynsiens, avec cependant le plus souvent pour contrepartie une certaine inflation.

    Au cours de cette priode, la conviction sest progressivement impose que ltat disposait doutils daction conomique suffisamment performants et fiables pour tre en mesure dassurer la prennit de la croissance et de garantir ainsi le plein-emploi, tout en mainte-nant linflation dans des limites globalement acceptables. Quitte ce que se succdent des phases dacclration de la croissance pendant lesquelles le plein-emploi saccompagnait dune pousse dinflation et des phases de ralentissement du rythme de lactivit au cours desquelles le retour une inflation plus modre saccompagnait dune certaine hausse conjoncturelle du chmage. Selon les thoriciens du courant keynsien de la synthse et, avec eux, nombre de responsables politiques quils influenaient, les deux dsquilibres conomiques que sont linflation et le chmage reprsentaient en fait les termes dune

    1 Tandis que les pays du Sud demeuraient la trane et que les carts se creusaient entre les pays les plus riches et les plus pauvres et qumergeaient successivement dans la littrature conomique diverses appellations pour dsigner ces derniers : tiers-monde, pays sous dvelopps, pays en voie de dveloppement (PVD), pays en dveloppement (PED).

  • 22 conomie contemporaine - Les politiques conomiques et sociales de ltat

    alternative, comme le suggre la courbe de Phillips2, selon laquelle le taux de chmage et le taux dinflation voluent en relation inverse lun de lautre. Dans ces conditions, une politique active de soutien de lactivit et lamlioration conscutive de la situation de lemploi devraient saccompagner, en contrepartie, dune certaine pousse de linflation. Inversement, une politique destine ralentir le rythme de lexpansion afin de peser sur linflation devrait se traduire par une certaine monte du chmage.

    Cependant, ds la seconde moiti des annes 1960, la belle mcanique dune croissance conomique durablement soutenue, assurant sur moyenne et longue priodes un niveau demploi satisfaisant, a commenc se gripper. Des signes de dsquilibre sont apparus : linflation sest acclre tandis que le chmage commenait augmenter. Ctaient l des signes annonciateurs de la crise durable qui allait faire entrer les grands pays indus-trialiss dans une longue priode de difficults dont ils sont encore loin dtre tous sor-tis, comme en attestaient, avant mme lclatement de la crise des subprimes, les pitres performances des plus grandes conomies de lEurope continentale (Allemagne, France, Italie) et du Japon.

    Cest au cours de la dcennie 1970 que seffectue le basculement, ponctu par les deux chocs ptroliers de 1973 et de 1979 et les crises conomiques conjoncturelles particulire-ment svres qui les ont accompagns. Lors de la crise conomique de 1974-1975, nombre de spcialistes et de responsables politiques ont estim que les difficults que traversaient alors les pays occidentaux dvelopps, largement imputes au choc ptrolier suscit par le quadruplement du prix du ptrole brut, seraient passagres et quil fallait y voir en quelque sorte les turbulences dune conomie prospre , pour reprendre le titre dun ouvrage publi alors (Friedman, Classen et Salin, 1978). Les annes passant et les diffi-cults persistant et saccumulant, lvidence sest cependant progressivement impose : lconomie des pays capitalistes dvelopps tait entre dans une phase de crise cono-mique durable, structurelle , ou mme pour certains systmique , ponctue de crises conjoncturelles, telles que celles de 19741975 et de 19811982, particulirement fortes, se dmarquant par leur intensit des simples rcessions conomiques quavaient connues ces pays aux cours des dcennies 1950 et 1960.

    De la fin des annes 1960 au tout dbut de la dcennie 1980, cette crise durable sest traduite dans les pays occidentaux industrialiss par une trs nette acclration de lin-flation paralllement une forte monte du chmage, en contradiction donc avec les enseignements de la courbe de Phillips. Alors quen 1965, le taux dinflation des pays de lOCDE tait de 4 % et le taux de chmage de 2,8 %, en 1975, le premier passait 11 % et le second 5 %. Selon le terme qui fut alors forg par les conomistes pour caractriser cette configuration indite, lconomie des pays occidentaux dvelopps devait dsormais faire face la stagflation, combinant chmage et inflation. Dans un premier temps, dans la plupart de ces pays, les pouvoirs publics ont privilgi laction contre le chmage par le dveloppement de politiques de soutien de lactivit, inspires des prceptes keynsiens qui avaient fait leurs preuves par le pass. Cela na cependant pas permis denrayer lirr-sistible monte du chmage, tandis que linflation semballait pour atteindre des niveaux record la fin des annes 1970 et au tout dbut des annes 1980.2 Du nom de lconomiste no-zlandais qui la prsente dans son tude de 1958 : A. W. PHILLIPS [1958], The Relation

    Between Unemployment and the Rate of Change of Money Wages Rates in the UK, 1861-1957 , Economica, novembre.

  • 23Partie 1 Le contexte contemporain de laction conomique et sociale de ltat

    Mais, face ce qui a pu tre considr comme un chec des politiques de rgulation conjoncturelle dinspiration keynsienne, et alors que les thses noclassiques et librales amoraient un retour en force qui na cess depuis de se confirmer, ds la fin des annes 1970 aux tats-Unis et en Grande-Bretagne, puis ensuite dans tous les grands pays ca-pitalistes industrialiss, les pouvoirs publics responsables de la conduite de la politique conomique ont opr un trs net changement de cap. La lutte contre linflation est de-venue lobjectif prioritaire des politiques conomiques conjoncturelles. Le mouvement de dsinflation qui sensuivit, favoris galement par le contre-choc ptrolier de 1986, a t spectaculaire. Par contre, le chmage a continu de progresser dans pratiquement len-semble des pays de lOCDE jusqu la fin des annes 1980 puis, au-del, dans certains pays encore, comme la France ou lAllemagne, o la matrise de linflation sest accompagne de la persistance dun chmage de masse qui mine la socit en profondeur.

    Aujourdhui, si le chmage est incontestablement le principal problme conomique et social auquel sont confronts nombre de pays membres de lUnion europenne, la ma-trise durable de linflation demeure nanmoins une proccupation trs forte des pouvoirs publics et des autorits montaires. Cest au demeurant lobjectif central, pour ne pas dire exclusif, assign la Banque centrale europenne (BCE) qui a la charge de la gestion de la monnaie et de la conduite de la politique montaire au sein de la zone euro. Sa rsur-gence, toujours possible3, est apprhende comme une menace majeure pour la stabilit de ces conomies et leur capacit de croissance : menace quil importe donc absolument de prvenir. Menace dautant plus srieuse pour nombre danalystes et de responsables de la conduite de la politique montaire au sein de la zone euro que le rythme de linflation conditionne directement la comptitivit de chaque conomie nationale dans un contexte caractris par laffirmation, depuis les annes 1980, du processus de mondialisation.

    Cette mondialisation, la fois commerciale, productive et financire, modifie en profon-deur les conditions dans lesquelles ltat peut intervenir dans la vie conomique de la nation. Pour un pays comme la France, elle aboutit objectivement limiter la matrise de ltat sur lvolution de lconomie nationale et sa capacit dintervention en matire conomique et financire, comme lactualit en apporte rgulirement la preuve. Les nou-velles orientations qui prvalent dans lensemble de la zone euro et en France en matire de politique conomique conjoncturelle (recherche de lquilibre budgtaire, stratgie de dsendettement, matrise de linflation), comme en matire de politique conomique structurelle (drglementation, libralisation, privatisations, renoncement la politique industrielle..), ont assurment directement partie lie avec elle, mme si elle ne suffit pas, bien entendu, tout expliquer. Mais cest encore cette mondialisation que thoriciens ou responsables politiques se rfrent pour tablir la ncessit de rformer le systme de protection sociale et dinflchir les politiques sociales dans un sens globalement plus restrictif. Ce sont donc au total les diverses composantes de la politique conomique et so-ciale de ltat qui se trouvent fortement affectes par laffirmation, semble-t-il irrversible, de cette mondialisation.

    3 Comme en a attest la nette acclration de la hausse des prix au sein de la zone euro du milieu de lanne 2007 au milieu de lanne 2008.

  • les dsquilibres de lconomie : linflation

    CHAPITRE 1

    La manire dont le prix dun bien stablit sur le march diffre selon la configuration de ce dernier (concurrence pure et parfaite, sous rserve de lexistence effective dun tel march, monopole, oligopole, etc. : cf. tome 1, chapitre VII). Cependant, quel que soit le type de mar-ch considr, une modification des conditions de production et de loffre du bien corres-pondant ou des conditions qui rgissent la demande de ce bien doit finalement se traduire par une variation du prix destine traduire le nouvel tat du march1. Dans des conomies soumises des changements continus, tant du ct de la production des biens, avec en parti-culier le rle majeur du progrs technique, que du ct de la demande (changement dans les modes de vie, apparition de nouveaux besoins, etc.), comme le sont les conomies des pays dvelopps contemporains, il est donc inluctable que les prix qui stablissent sur les diff-rents marchs varient dans le temps. Selon les circonstances, ces variations de prix devraient pouvoir correspondre des hausses ou des baisses de prix et diffrer dun march lautre, dans la mesure o les changements dans les conditions de production et/ou de demande peuvent tre eux-mmes trs diffrents selon les biens et services considrs.

    De telles variations des prix sont la traduction dun fonctionnement normal des mar-chs et font partie intgrante du processus de rgulation dune conomie de mar-ch. Elles fournissent aux agents conomiques privs des indications concernant la situation des diffrents marchs et le sens dans lequel ils doivent ventuellement sadapter aux volutions qui sy manifestent. La hausse du prix dun bien peut tre, par exemple, lindice de ce que le rapport entre loffre et la demande qui sexpri-ment sur le march a volu dans le sens dune augmentation de la seconde par rap-port la premire, signalant ainsi aux producteurs quil est souhaitable daccrotre leur production et donc leur offre du bien ; et inversement pour une baisse de prix. De ces variations des prix qui se produisent de manire spcifique et diffrencie sur les marchs des divers biens et services, il faut distinguer les mouvements qui affectent 1 Cela ne signifie pas que la dtermination des prix rsulte en quelque sorte mcaniquement du jeu de la loi de loffre et

    de la demande . Pour une rflexion critique stimulante propos de cette loi, on pourra se reporter : COMBENMALE P. [2003], La loi de loffre et de la demande explique-t-elle la formation des prix ? , Les Cahiers franais, n 315, juillet-aot, p. 13-17.

  • 26 conomie contemporaine - Les politiques conomiques et sociales de ltat

    simultanment la totalit ou la plupart des prix qui se forment sur les diffrents marchs : linflation, la dsinflation et la dflation.

    Linflation correspond une hausse continue du niveau gnral des prix2, ce qui ne signifie cependant pas que tous les prix augmentent au mme rythme (cf. infra). Elle a en rgle g-nrale un caractre cumulatif et autoentretenu, en ce sens que la hausse des prix se diffuse dans lensemble de lconomie par le biais, en particulier, des relations interindustrielles et que la hausse des prix dune anne induit, du fait des comportements des agents co-nomiques qui y sont confronts, la poursuite, voire laccentuation, de cette hausse lanne suivante. Son rythme peut varier dans le temps, tout comme il peut diffrer selon les pays considrs au cours dune mme priode. Elle peut prendre la forme dune inflation ram-pante , la hausse annuelle du niveau gnral des prix nexcdant alors pas en moyenne 3 5 %, comme ce fut le cas en France pendant une bonne partie des annes 1950 et 1960. Mais elle est susceptible, dans certaines circonstances, de devenir incontrlable et de dg-nrer en hyperinflation, comme celle qua connue lAllemagne au lendemain de la Premire Guerre mondiale, ou celle quont connue dans les annes 1970, ou plus rcemment encore, certains pays en dveloppement du Sud3.

    Elle nimplique cependant pas une hausse proportionnelle de tous les prix. Sur la longue priode, linflation correspond en fait des hausses trs variables des diffrents prix. Elle saccompagne donc le plus souvent dune variation des prix relatifs4. titre dillustration, de 1945 2000, en France, les prix des produits alimentaires ont t multiplis en moyenne par 10, ceux des produits industriels par 8, ceux des services par 23 et les loyers par 40. Comme la montr J. Fourasti, ces diffrences traduisent pour partie les carts dans les rythmes de croissance de la productivit en longue priode dans les secteurs dactivit concerns. En rgle gnrale, ce sont en effet les secteurs dactivit o les gains de pro-ductivit sont les plus importants qui connaissent la hausse des prix la plus faible. cela sajoute que les prix des services sont largement conditionns par lvolution des salaires (les cots de main-duvre constituant une part prpondrante des cots de production dans les services), alors que le salaire minimum a t multipli par 40 entre 1945 et 20005. Elle peut aller de pair avec une hausse plus ou moins rgulire et soutenue de la produc-tion, comme ce fut le cas dans les pays industrialiss de linflation rampante des dcennies 1950 et 1960, mais il nen est pas ncessairement toujours ainsi.

    La dflation est, loppos de linflation, un mouvement de baisse du niveau gnral des prix, qui saccompagne le plus souvent dune contraction de lactivit conomique. Ctait

    2 Inflation vient du latin inflatio qui signifie enflure. lorigine, le mot tait utilis pour dsigner une hausse abusive de la quantit de papier-monnaie (Goux, 1998, p. 7).

    3 Nombre dauteurs, la suite de Phillip Cagan (1956), saccordent reconnatre quil y a hyperinflation ds lors que le taux mensuel de hausse du niveau gnral des prix dpasse les 50 %. Les exemples historiques dhyperinflation sont nombreux et varis. Le plus souvent cit est celui de lAllemagne o les prix furent multiplis par 1 000 milliards de 1914 1923, la hausse la plus forte intervenant la dernire anne (Jacoud, 1997, p. 19) : un dollar qui schangeait contre 400 marks, en mars 1922, schangeait contre 7 260 marks en janvier 1923 et 4 200 milliards de marks fin novembre 1923. Mais, plus rcemment, certains pays ont connu des taux dinflation gigantesques avec, par exemple, un taux dinflation de 313 000 000 % en janvier 1994 pour lex-Yougoslavie (id., p. 45). Plus rcemment encore, au Zimbabwe, le taux dinflation annuel atteignait, en juillet 2007, 7 634,80 % (Le Monde, 28-08, 2007).

    4 Soient deux biens X et Y, le prix relatif du bien X est le rapport du prix de ce bien X sur le prix du bien Y.5 On a dj soulign (tome 1, chapitre III) que, sur la priode de laprs-Seconde Guerre mondiale, les rythmes de croissance

    respectifs de la productivit du travail dans lagriculture et lindustrie ont t sensiblement suprieurs ceux enregistrs dans les services, ce qui se reflte dans la moindre croissance des prix des produits alimentaires et industriels relativement celle des prix des services.

  • 27Les dsquilibres de lconomie : linflation

    lun des traits caractristiques des crises conomiques cycliques que subissait intervalle relativement rgulier lconomie des pays industrialiss jusque lentre-deux-guerres : titre dexemple, les prix en France baissrent de 12 % entre 1929 et 1932.

    Elle peut avoir, comme linflation, un caractre cumulatif et autoentretenu, enfermant alors lconomie dans un cercle vicieux aux consquences conomiques et sociales redoutables. Dune part, ds lors que les prix baissent, les mnages sont incits retarder, si cela est pos-sible, lacquisition de certains biens de consommation et/ou la ralisation de leurs investis-sements en logement, dans lattente de nouvelles baisses des prix qui augmenteraient leur pouvoir dachat, ce qui comprime les dbouchs des entreprises. Dautre part, la baisse des prix se traduit pour certaines entreprises par une contraction de leurs marges bnficiaires, rduisant ainsi leur capacit investir et leur incitation le faire. Cette pression sur linvestis-sement se conjugue avec celle qui sexerce sur la consommation pour comprimer la demande globale. Confrontes cette volution dfavorable de la demande globale, les entreprises sont contraintes de sadapter en rduisant ventuellement leur production, en licenciant du personnel et en distribuant donc moins de revenus, ce qui prennise dune autre manire la baisse de la consommation globale des mnages.

    Nombre dauteurs, comme Knut Wicksell (1851-1926) ou Irving Fisher (1867-1947), ont de-puis longtemps soulign les effets ngatifs de la dflation, diminution en valeur absolue des prix et des revenus, dont ils montrent quelle engendre la rcession et le chmage. Ces auteurs soulignent en particulier que la baisse des prix et des revenus nominaux accrot mcaniquement le poids rel des dettes, avec lalourdissement de la charge relle que repr-sentent pour le dbiteur le paiement des intrts et le remboursement des dettes6, ce qui peut se traduire par limpossibilit pour les dbiteurs den assumer la charge. Cela aboutit mettre en difficult les entreprises endettes les plus fragiles, dbouchant sur des faillites et cessations dactivits, avec les effets en chane qui en rsultent : licenciement des salaris et baisse de la masse salariale pesant ngativement sur la consommation globale des mnages. Cela conduit galement la contraction des nouveaux crdits qui influe ngativement sur la partie de la consommation et de linvestissement financs par le recours lendettement.

    La dsinflation correspond une rduction progressive, plus ou moins marque, du rythme de linflation, limage de ce qua connu la France partir de 1983. Survenant aprs un pisode inflationniste plus ou moins aigu, elle traduit en quelque sorte le retour progressif la normale. Elle peut tre spontane ou rsulter dune politique dlibre avec, dans les deux cas, le souci des pouvoirs publics dviter quelle ne se transforme en dflation, en raison des risques majeurs que cette dernire fait courir lconomie nationale.

    Dans ce chapitre, consacr plus spcifiquement linflation, on commencera par la carac-triser en prcisant, en particulier, comment elle se mesure par le biais des indices de prix et en donnant un aperu de ses manifestations au cours du sicle coul (Section 1). On cherchera ensuite en identifier les causes essentielles en prsentant les diverses explica-tions qui en sont proposes par la thorie conomique contemporaine (Section 2). Lexa-men de ses diverses consquences permettra de mieux comprendre pourquoi les pouvoirs publics, en Europe, ont fait de son contrle et de sa limitation un objectif prioritaire de la politique conomique conjoncturelle, ce qui a contribu laffirmation, partir du dbut des annes 1980, dun mouvement trs marqu de dsinflation (Section 3).

    6 Comme lexplique Irving Fisher (1933, p. 172), chaque dollar de dette encore impay devient un dollar plus lourd .

  • 28 conomie contemporaine - Les politiques conomiques et sociales de ltat

    Section 1 : Linflation : mesure et volution

    Linflation, telle quelle a t dfinie, se mesure laide dindices de prix dont on suit lvo-lution dans le temps. En France, parmi lensemble des divers indices de prix que calculent les services statistiques du pays, cest lindice des prix la consommation qui joue le rle central dans la mesure de linflation ( 1).Alors que les prix avaient volu en longue priode au cours des sicles passs en faisant alterner de longues phases de hausse et de longues phases de baisse du niveau gnral de prix, linflation sest impose de manire quasiment ininterrompue tout au long du XXe sicle au travers de frquentes variations de rythme. Les deux dernires dcennies du sicle ont cependant marqu une volution trs nette, avec laffirmation dun mouvement de dsinflation qui sest amorc ds 1982 et a inaugur une priode de relative matrise de linflation. Celle-ci sest prolonge jusquen 2007, mais sa prennit fait lobjet dinterroga-tions alors que se sont manifestes de nouvelles tensions inflationnistes ( 2).

    paragraphe 1 : la mesure de linflation

    Linflation est mesure statistiquement partir dindices de prix permettant de retracer de manire synthtique lvolution des prix dun nombre plus ou moins grand de biens e