Ecologie et libéralisme - Corine Pelluchon

download Ecologie et libéralisme - Corine Pelluchon

of 40

Transcript of Ecologie et libéralisme - Corine Pelluchon

  • 8/4/2019 Ecologie et libralisme - Corine Pelluchon

    1/40

    CorinePelluChon

    coLoGiE ETLibraLiSmE

    At 2011

    www.fondapol.org

  • 8/4/2019 Ecologie et libralisme - Corine Pelluchon

    2/40

  • 8/4/2019 Ecologie et libralisme - Corine Pelluchon

    3/40

    www.dap.rg

  • 8/4/2019 Ecologie et libralisme - Corine Pelluchon

    4/40

  • 8/4/2019 Ecologie et libralisme - Corine Pelluchon

    5/40

    cologieet libralisme

    Cri PelluChon

  • 8/4/2019 Ecologie et libralisme - Corine Pelluchon

    6/40

    la Fdati pr ivati pitiq

    st tik tak ibra, prgrssist t rp.

    Prsidt : nicas Bazir

    Vic-prsidt : Cars Bigbdr

    Dirctr gra : Dmiiq Ryi

    la Fdap pbi a prst t das cadr d ss travax srles valeurs.

    Avrtissmt

    Cette note de Corine Pelluchon a suscit un dbat substantiel au sein de la Fondationet de son Conseil scientique. La question de la prise en charge des enjeuxenvironnementaux contemporains par les ormes et les procdures classiques dela dmocratie reprsentative a t particulirement discute. An de prolongercette rexion, la Fondation reviendra sur les liens que lcologie peut entreteniravec la tradition librale dans ses prochaines publications.

  • 8/4/2019 Ecologie et libralisme - Corine Pelluchon

    7/40

    cologieetlibralisme

    5

    Aucun changement thique important ne sest jamais produit sans un

    remaniement intime de nos loyauts, de nos affections, de nos centres

    dintrt et de nos convictions intellectuelles. [] Dans nos efforts pour

    rendre lcologie facile, nous lavons rendue drisoire.

    Aldo Leopold, Almanach pour un comt des sables (1949), tr. r. A. Gibson,

    Paris, Flammarion, 2000, p. 265.

    Lorsque Serge Moscovici disait que le XVIIIe sicle avait t marqu

    par la question politique , le XIXe par la question sociale et, qu

    notre poque, la question naturelle passait au premier plan 1, il ne

    pensait pas seulement ce quon appelle la crise environnementale. Le

    rchauement climatique, laugmentation de la rquence des cyclones,

    la onte des glaces de lHimalaya et des calottes polaires, lacidication

    des mers et les dgts causs la chane alimentaire, la dgradation des

    cosystmes, la disparition chaque jour de nombreuses espces et, de

    manire gnrale, lrosion des ressources peuvent dicilement tre

    nis 2. De mme, le caractre anthropognique de ces phnomnes est

    reconnu, ce qui ne veut pas dire que lhomme, devenu un agent golo-

    1. Srg Mscvici, Essai sur lhistoire humaine de la nature (1968), Paris, Fammari, 1977, p. 7 (cit parDmiiq Brg t Krry Witsid, Vers une dmocratie cologique. Le citoyen, le savant et le politique ,Paris, Si, 2010, p. 41).

    2. I xist ajrdi parmi s scitiqs csss sr a rait d cagmt cimatiq idit parmm. ls divrgcs ccrt rytm t s mdaits d c cagmt, cmm xpiq namiorsks das T scitic csss cimat cag. hw d w kw wr t wrg? , i JspF. DiMt t Pama Dgma (dir.), Climate Change. What it Means or Us, Our Children, Our Grandchildren,Cambridg, Cambridg uivrsity Prss, 2007, p. 73-74.

    cologie et libralisme

    c PelluchonPisp, matr d crcs ivrsit d Pitirs, spciaist d pispi pitiq

    t dtiq appiq (bitiq, tiq virmta t tiq aima)

  • 8/4/2019 Ecologie et libralisme - Corine Pelluchon

    8/40

    fondapol

    |

    linnovationp

    olitique

    6

    gique, capable de dterminer ltat de la plante et mme de troubler les

    conditions dont dpend son existence, ait voulu cette crise environne-

    mentale ni quelle soit cause par le seul capitalisme.

    Linquitude suscite par lempreinte cologique dune population

    qui pourrait atteindre neu milliards dhommes en 2050 est lgitime.

    Cependant, la spcicit de lre anthropocne 3 est prcisment de nous

    inviter penser notre responsabilit individuelle et collective en dpas-

    sant les schmas binaires auxquels se raccrochent la plupart du temps les

    partisans de laltermondialisme et ceux qui considrent la dcroissance

    comme la solution tous nos maux. Les cologistes nont pourtant pas

    tort dopposer la bonne conscience de leurs concitoyens la ncessit

    dune interrogation radicale sur les styles de vie qui montre, en outre,que lespace public est satur dinjonctions contradictoires, comme

    lorsquon encourage la consommation de produits polluants, et quau

    lieu dtre traite comme un sujet transversal li des enjeux universaux

    et visant le long terme, lcologie apparat comme une proccupation

    priphrique en rivalit avec les autres intrts du moment.

    Prendre au srieux la question naturelle , ce nest pas seulement se

    proccuper de lenvironnement en le pensant comme un simple rservoir

    de ressources. Une telle proccupation nest inspire que par la crainte

    de voir son mode de vie et ses habitudes de consommation menacs par

    la crise ptrolire et la pollution. Or, ce qui distingue lcologie proonde

    de lcologie supercielle 4 tient au ait que la premire implique une

    interrogation sur la manire dont lhomme habite la terre et partage ses

    ressources avec les autres terriens 5. Cette enqute, qui suppose la remise

    en question de limage dun homme spar des autres espces et seul

    capable de leur conrer une valeur, comporte un volet ontologique etun volet politique troitement lis. Au lieu de se borner un rglement

    strictement juridique et conomique de la crise environnementale, une

    telle approche, qui est conciliable avec les outils que le droit de lenviron-

    3. C gism, rg 2000 par prix nb d cimi Pa Crtz t rpris par Mic Srrs, dsig av r vrt par a rvti idstri, acti ggiq d mait impiq q cssd psr sparmt istir d mait t istir atr. Vir Pa Crtz, eg F. Strmr, T Atrpc , The Global Change Newsletter, 41, 2000, p. 17, t Pa Crtz, Ggy ma-kid , Nature, v. 415, 6867, 3 javir 2002, p. 23 (cits par Dips Cakrabarty, l cimat d istir :qatr tss , Revue internationale des ides et des livres, v. 15, javir-vrir 2010, p. 22-31).

    4. Ar nss, T Saw ad t Dp, lg-Rag ecgy Mvmt. A Smmary , Inquiry, 16, 1973,p. 95-100 (trad. r. i thique de lenvironnement. Nature, valeur, respect, txts tradits par hicam-Stpahaissa, Paris, Vri, 2007, p. 51-60).

    5. cgi driv d oikos, qi sigi mais, abitat. C trm a t cr 1866 par atraistamad est hack. lcgi dsig a scic qi sitrss ax rapprts ds trs vivats avc rmii virat.

  • 8/4/2019 Ecologie et libralisme - Corine Pelluchon

    9/40

    cologieetlibralisme

    7

    nement met notre disposition, passe par un examen des ondements et

    des prsupposs de notre thique et de notre politique.

    Quelles valeurs rendent possible la prise en compte de lcologie dans

    notre vie ? On peut se demander si la rgle dor, qui commande de aire

    pour les autres personnes ce que nous voudrions quils assent pour nous 6,

    sut, ou bien sil ne aut pas parler, comme Aldo Leopold, dune thique

    de la terre 7. Cette land ethic signie-t-elle que les entits non humaines

    ont la mme importance morale que nos rres humains, ou bien les cat-

    gories thiques indispensables une philosophie de lcologie exigent-elles

    des distinctions rigoureuses qui interdisent dtendre le vocabulaire des

    droits de lhomme aux autres vivants et aux vgtaux, et de conondre les

    critres permettant davoir un statut moral avec ceux qui ont que lonest titulaire de droits ? En outre, la ondation du droit sur lagent moral

    individuel qui peut user de tout ce qui est bon pour sa conservation 8

    est-elle compatible avec le respect de la biodiversit ou bien aut-il penser

    que les droits de lhomme reoivent une limite lorsque nous mettons en

    pril la survie des autres espces 9 ? On peut mme questionner le droit

    que lhomme soctroie dimposer aux animaux dlevage des conditions

    de vie non conormes aux normes thologiques de leur espce.

    Ainsi la justice ne concerne pas exclusivement nos rapports lautre

    homme et aux autres cultures. Nos usages des vivants et de la terre rel-

    vent galement de la justice, non seulement parce que ce sont dautres

    hommes, prsents et venir, qui subissent les consquences irrversibles

    de notre mode de vie et de nos dcisions, mais aussi parce que notre

    manire dhabiter la terre, de lexploiter et de consommer rvle, par-

    del nos dclarations dintentions et nos contradictions, les idaux ou

    principes auxquels nous accordons la priorit.Cet examen dborde donc le cadre de lthique environnementale

    et de lthique animale qui tudient le statut des direntes entits et

    en dduisent des normes pouvant guider nos usages de la terre et des

    vivants. En eet, nous ne pensons pas quil aille dduire une politique

    de normes cologiques comme le respect de la biodiversit. Lcologie

    ne onde pas une politique, mais, par les nouveaux ds quelle soulve,

    elle conduit sinterroger sur le type de sujet et dorganisation sociale et

    6. Mt, VII, 12, t lc, VI, 31.

    7. Ad lpd,Almanach pour un comt des sables (1949), tr. r. A. Gibs, Paris, Fammari, 2000, p. 255-284.

    8. Tmas hbbs, Lviathan (1651), trad. r. G.Mairt, Paris, Fi, 2000.

    9. Cad lvi-Strass, Rxis sr a ibrt , i Le Regard loign, Paris, P, 1983, p. 376-377.

  • 8/4/2019 Ecologie et libralisme - Corine Pelluchon

    10/40

    fondapol

    |

    linnovationp

    olitique

    8

    politique qui rend possible la prise en compte de la question naturelle

    ou, au contraire, qui la rend drisoire et la condamne ntre quun

    vu pieu. Parce que lcologie nest pas un domaine spar des autres

    et quelle requiert une rfexion la ois ontologique et politique, elle

    suppose un certain tat de lorganisation sociale. Cette remarque donne

    raison Flix Guattari qui soulignait le lien entre les trois cologies ou

    cosophies, entre ltat de la plante, lcosophie sociale ou les moda-

    lits de ltre en groupe, et lcosophie mentale qui concerne lessence

    de la subjectivit 10. Ce lien, rarement apprhend par les ormations

    et le pouvoir politiques, doit tre pens par la philosophie. Il est le l

    directeur de notre approche de lcologie. Cependant, un pan important

    de la rfexion concerne plus particulirement les modications que la question naturelle impose au politique et aux instances dlibratives.

    Il ne sagit pas seulement de dire quelles conditions lcologie, loin

    dtre un coascisme 11, est compatible avec la dmocratie. Tout en ren-

    dant compte des tensions existant entre les droits subjectis et les normes

    cologiques, entre la libert de choisir son mode de vie et le respect de

    lenvironnement, entre les traditions culturelles et la prservation de cer-

    taines espces menaces, il importe dtre attenti au ait que lcologie,comme la biothique, suppose un changement de culture politique qui

    passe par plus de dmocratie.

    Lcologie est une science dicile, qui se trouve au carreour de plu-

    sieurs disciplines lconomie, la biologie, la gographie, les mathma-

    tiques. Elle est concerne par des phnomnes invisibles qui ont une porte

    globale et stendent sur plusieurs sicles. Cela ne signie pas que la dmo-

    cratie dexperts soit la panace. Que les dcisions politiques ne puissent

    peut-tre plus tre prises sans que lon mesure leur compatibilit ou leur

    incompatibilit avec la protection de la biosphre et sans que lon tienne

    10. Fix Gattari, Les Trois cologies, Paris, Gai, 1989.

    11. lc Frry, Le Nouvel Ordre cologique. Larbre, lanimal et lhomme , Paris, Grasst, 1992. la mtivati datr st i a atis q s rms cgiqs abtisst va dgmatism mttat pri s dmts d ibraism pitiq. C dagr xist rsq ds idivids ds grps crct sbstitr ax visis mtapysiqs d md, qi st vaabs sr pa prs, ivrsaismpitiq qi sappart ax mirags d a grad pitiq q lc Frry dc jst titr das svrag. Cpdat, i st pas sr q s atrs cits das ct vrag tmbt das ct ci, srtt si

    ait rrc Ar nss qi isist, das s cspi, sr s pricips ivitat cac sitrrgrsr s sty d vi t rvar s rapprt i-mm t a atr sas tmbr das patraismpitiq, i mm das srt d prctiism mra (A. nss, cologie, communaut et style de vie,tr. r. C. R, Paris, ditis MF, c. Drs , 2008). D mm, s it pits d a pat-rm c-giq st ds rms cgiqs qi sppst a pris csidrati ds impratis cgiqs. nsssggr q cs rms divt tr discts. ltiq d a discssi d habrmas, a tri ds par tisprats cr pragmatism pvt srvir cmptr apprc d nss qi, d pit d v d apispi pitiq, st mis dagrs qimprcis.

  • 8/4/2019 Ecologie et libralisme - Corine Pelluchon

    11/40

    cologieetlibralisme

    9

    compte des donnes internationales relatives au rchauement clima-

    tique ne signie pas que la science onde la politique ni que cette dernire

    dcoule des recommandations des experts. Une telle interprtation serait

    un contresens sur le rapport entre sciences, socit et pouvoir que cette

    note a pour objecti de mettre au jour. En eet, les ds que soulve laprise en compte de lcologie dans la politique obligent recongurer le

    rapport entre sciences et socit, et rednir le rle des reprsentants.

    Quelles instances peuvent introduire le principe du respect de lenviron-

    nement au cur du politique et temprer les eets dun systme lectoral

    uniquement ddi aux intrts prsents et au court terme ? La dmocratie

    reprsentative est ne dans un contexte social, politique et conomique o

    les reprsentants servaient dendre les intrts des individus, encourags senrichir, produire et consommer, et o le risque majeur demeurait

    celui de la tyrannie dun homme ou dun groupe. Il ne sagit pas de remettre

    en question la lgitimit du systme reprsentati, mais de se demander sil

    est adapt une gestion approprie de la question naturelle 12. Lide

    selon laquelle la prise au srieux de lcologie, loin daboutir au rejet du

    libralisme et de lhumanisme, implique de complter les instances repr-

    sentatives et denrichir la philosophie du sujet est lhorizon des proposi-

    tions et pistes de rfexion prsentes dans cette note.

    cologie et PhilosoPhie

    Quelle thique pour lcologie ?

    Lthique environnementale sest constitue comme une branche de

    lthique applique dans les annes 1970, aux tats-Unis. Elle est ne

    dune rupture, orchestre de manire souvent polmique, avec lanthro-

    pocentrisme, voire avec le chauvinisme de lthique traditionnelle 13.

    Celle-ci regroupe sous une mme tiquette des thories direntes qui

    ont cependant en commun de borner la morale aux rapports entre les

    hommes et de aire du sujet humain un empire dans un empire, un tre

    spar des autres espces et seul mme de conrer de la valeur la cra-tion. La notion cardinale de cette thique environnementale, qui pourra,

    12. Dmiiq Brg t Krry Witsid, op. cit., p. 43-55.

    13. Ricard Syva Rty, A-t- bsi d v tiq ? (1973), i thique de lenvironne-ment, op. cit., p. 39.

  • 8/4/2019 Ecologie et libralisme - Corine Pelluchon

    12/40

    fondapol

    |

    linnovationp

    olitique

    10

    en outre, relever de lcocentrisme ou du biocentrisme 14, est la notion de

    valeur intrinsque. Elle signie que les vivants et les cosystmes nont

    pas seulement une valeur instrumentale dcoulant des usages quen ait

    lhomme, mais quils reprsentent des ormes de vie ayant leurs normes

    spciques et une valeur propre qui nest pas relative au point de vue

    conomique ou au prot que nous retirons de leur exploitation.

    Quoi que lon puisse dire de lancrage de cette thique de la terre

    dans une tradition clbrant, la suite de Thoreau, la vie sauvage ou

    wilderness et trahissant une manire culturellement dtermine de se

    reprsenter la nature 15, il convient de souligner lapport de ce qui allait

    devenir lcologie proonde. On peut critiquer les raccourcis qui ont

    remonter la Gense lorigine de la crise environnementale. Quand onrelit les deux rcits de la Cration, on constate, en eet, lcart existant

    entre la position dun homme jardinier et intendant de Dieu, cultivant

    la terre dont il na que lusuruit sous le regard du Crateur auquel il

    rend des comptes, et lexploitation dmesure des ressources caractris-

    tique de notre poque. Le second rcit de la Cration, o Dieu insufe

    la vie lhomme, orm de la boue de la terre 16, peut mme tre consi-

    dr comme allant plus loin et comme anticipant sur le modle dune

    citoyennet cologique 17, lhomme tant partie prenante, avec les autres

    espces, de la Cration et membre de la communaut biotique 18.

    De mme, le gaspillage de la nourriture et la dorestation seraient

    incompatibles avec le libralisme de John Locke qui ondait la proprit

    sur le travail, mais limitait ce droit par une loi naturelle enjoignant de

    ne pas menacer lespce humaine et de ne pas sapproprier les ressources

    au point daamer les autres hommes 19. Pourtant, les consquences en

    chane de lexploitation des ressources naturelles depuis la rvolutionindustrielle et les volutions de lagriculture et de llevage intensis,

    qui ont nourri toujours plus dtres humains mais dont nous savons

    aujourdhui quils conduisent lempoisonnement des sols et imposent

    14. l bictrism accrd ga var tt vivat. I s distig d cctrism, qi st tiq d rspct d a atr ps pasib c q privigi spc ps q idivid t rapprtds idivids r mii t a cmmat bitiq .

    15. Piipp Dsca, Par-del nature et culture, Paris, Gaimard, 2005.

    16. J Baird Caictt, Gense. La Bible et lcologie (1991), trad. r. D. Bc, Paris, Widprjct, 2009, p.48-49.

    17. Ibid., p. 26-29, 61-62 t 76-86.

    18. Ctt xprssi st d lpd qi, prtat, dc atrpctrism d a traditi jd-cr-ti, c qi st xcssi si s rprt a ctr atttiv d a Gs.

    19 . J lck, Second trait du gouvernement civil (1690), trad. r. J.-F. Spitz, Paris, PuF, 1994 (vir tam-mt V, 31, 36 t 46).

  • 8/4/2019 Ecologie et libralisme - Corine Pelluchon

    13/40

    cologieetlibralisme

    11

    des sourances intolrables aux animaux, prouvent que notre modle de

    dveloppement est problmatique. Ce modle est essouf et repose sur

    une conception du rapport de lhomme lautre que lui qui est errone.

    Une telle assertion ne donne pas orcment raison aux cologistes

    proonds ni ceux qui cherchent dans lhistoire de la philosophie les

    origines de nos problmes, comme si la civilisation occidentale tait

    par nature vicie et que Descartes et les Lumires taient responsables

    de la crise environnementale. Touteois, si les philosophies ne sont pas

    relatives leur poque, il est vrai que les thories morales et politiques

    du pass ne permettent pas de rsoudre les problmes cologiques aux-

    quels notre modle de dveloppement nous conronte et qui menacent

    dune certaine aon les valeurs de libert, de paix et de dmocratie queles hommes des Lumires nous ont lgues. Bien plus, il se pourrait

    que, pour honorer cet hritage lre anthropocne, il aille la ois

    tenir compte de la manire dont les cologistes proonds renouvellent

    lthique et contester leurs prmisses, notamment lide selon laquelle

    cest en partant de la nature que lon peut procurer lcologie la philo-

    sophie dont elle a besoin. Cest en partant de lhomme et en proposant

    une philosophie rnove du sujet quil est possible de tenir la promesse

    dun rglement dmocratique de la question naturelle .

    Statut moral, thorie de la valeur et

    Lapport majeur des hritiers dAldo Leopold rside dans un petit nombre

    de catgories qui constituent la mta-thique indispensable lcologie.

    ct de la notion de valeur intrinsque, on trouve une dnition de

    la considrabilit morale qui nest subordonne ni la possession de la

    raison ni identie la sensibilit 20. Celle-ci, entendue comme la sus-

    ceptibilit la douleur et au plaisir, sut conrer un statut moral aux

    btes, mais elle nest pas la condition sine qua non de la considrabilit

    morale. Tous les tres et les entits qui ont un intrt prserver et peu-

    vent subir un dommage la suite dun traitement ont un statut moral. Il

    sagit des animaux qui ressentent de la douleur et du plaisir, et prouvent

    du stress, mais aussi des plantes qui peuvent aner et des cosystmes

    qui ne sont pas irritables, mais dont lquilibre subtil dpend de linte-raction entre plusieurs organismes. Ainsi, nous ne pouvons pas interagir

    nimporte comment avec eux, ce qui ne veut pas dire pour autant quils

    20. Kt e. Gdpastr, D a csidrabiit mra (1978), i thique de lenvironnement, p. cit.,p. 76.

  • 8/4/2019 Ecologie et libralisme - Corine Pelluchon

    14/40

    fondapol

    |

    linnovationp

    olitique

    12

    aient des droits 21. Lintrt de cette notion de considrabilit morale, qui

    nexclut pas que nous tablissions une hirarchie entre les tres qui nont

    pas nos yeux la mme importance morale, est quelle suggre quil y a

    des limites laction de lhomme imposes par les entits non humaines.

    Dans lthique et la politique classiques, la seule limite mon actionqui rend lgitime lintervention de ltat 22 est lautre homme, dont je

    dois prserver la vie et dont la libert doit tre compatible avec la mienne.

    Avec les notions de valeur intrinsque et de considrabilit morale, on ne

    sort pas orcment de lhumanisme, puisque cest lhomme qui reconnat

    ou non la valeur des tres, mme si cette valeur nest pas orcment

    relative son utilit. Comme lcrit Rolston, lhomme nest pas toujours

    la source de la valeur, mais elle a besoin de lui pour coaguler dans lemonde 23. Aussi, lintrt des concepts mis en place par les thoriciens

    de lthique environnementale est quils conduisent penser autrement

    le sujet. Cet aspect na pas t peru par les partisans de lcologie pro-

    onde qui se sont ocaliss sur lopposition entre lanthropocentrisme et

    lcocentrisme ou le biocentrisme 24. Pourtant, les limites quimposent

    notre action les normes propres des animaux qui ne sont pas des per-

    sonnes parce quils ne sont pas imputables 25, mais qui sourent quand

    nous les contraignons vivre dans des conditions contraires leursbesoins thologiques, posent un problme qui ne relve pas seulement

    de la morale ou de la compassion, mais de la justice.

    21. Ctt qsti ds drits difrcis qi prrait tr accrds crtais vivats, tammt ax ai-max, qi pvt tr ds sjts sas tr ds prss, mritrait xam part. lssti ici stsimpmt d distigr statt mra t statt jridiq t didiqr q, si s aimax dvait avir dsdrits, cs drits srait ac cas psr sr md ds drits d mm. e ft, a ibrtd ct a pas d ss pr s bts. l vcabair ds drits sbjctis st iapprpri pr x, cmm tmig a Dcarati ivrs ds drits d aima, prcam 15 ctbr 1978 usc, qi

    cmprt ds ctradictis. D ps, t srtt, s drits ds aimax divt tr dis partir d rsrms prprs.

    22. J Start Mi, De la libert (1859), trad. l. lgt t D. Wit, Paris, Gaimard, c. Fi essais ,1990, p. 74.

    23. hms Rst III, la var das a atr t a atr d a var (1994), i thique de lenvironne-ment, p. cit., p. 156.

    24. Cst--dir tr tiq rcaissat d digit q mm t dtrmiat a var dsatrs trs t ds css q cti d s sag t tiq d rspct d a atr qi st dsr a rcaissac d a var itrisq ds csystms t ds atrs spcs, t qi privigi idi-vid (bictrism) s itracti avc s mii (cctrism).

    25. emma Kat, Mtaphysique des murs, AK, IV, 223, uvres philosophiques, t. III, Paris, Gaimard,

    Bibitq d a Piad , 1986, p. 470. Ctt rmarq d rais lc Frry qi sigait iaitds prcs daimax itts a My g (vir Le Nouvel Ordre cologique, op. cit., p. 18). Ca sigipas q s ays vrs s bts q ds dvirs idircts, cmm pst Kat t lc Frry, tcmm vit avc a i Grammt d 1860 qi rprimait s mavais traitmts ctr s aimaxdmstiqs rsqis tait prptrs pbic, rprat argmt s q a vic vrs sbts cmprt s xtsi mm. I st, ft, pas iss d csidrr s aimax cmm dssjts qi t pas smt drit tr prtgs ctr s mavais traitmts, mais qi imitt assisag q s aiss dx t t drit c q rs bsis tgiqs sit rspcts.

  • 8/4/2019 Ecologie et libralisme - Corine Pelluchon

    15/40

    cologieetlibralisme

    13

    Llevage en batterie des poules qui ne peuvent tendre leurs ailes et

    gratter le sol, le connement des truies gestantes dans des stalles o il

    leur est impossible de se mouvoir et o leur dtresse est telle quelles

    dveloppent des strotypies, ne sont pas seulement cruels, mais ils sont

    illgitimes. Le ait de orcer les btes sadapter aux conditions de lle-vage industriel an de produire une quantit maximale dus, de lait,

    de viande, en un minimum de temps et pour un cot rduit, est injuste.

    Lhomme nie les normes thologiques des btes et les orce sadapter

    des conditions de vie contraires leurs besoins an datteindre un

    objecti de rentabilit qui, en outre, nest pas dni en onction de la

    ralit du travail et qui est dtermin davance. Le travail est ond sur le

    dni du rel et il ait aussi sourir les hommes26

    . Llevage est assimil la production en srie dobjets manuacturs et les conditions de dten-

    tion et dexploitation des btes sont dnies partir du bnce que

    lon peut retirer dune production massive. On en arrive mme piger

    le droit, comme on le voit avec la directive CE 1999/74 27 qui prvoit

    lagrandissement des cages des poules qui passeront, partir de 2012, de

    550 950 centimtres carrs, ce qui quivaut une augmentation de la

    surace dune carte postale ! Or ce dni du rel, cette manire de penser

    le rendement sans sappuyer sur le sens dune activit se retrouvent aussidans lorganisation du travail des hommes 28.

    Sagissant de la terre et des cosystmes, il est possible de tracer une

    rontire entre une intervention humaine, qui maintient leur quilibre,

    et une exploitation, qui conduit lrosion des sols et ne respecte pas la

    capacit dune ort se restaurer. Lhomme doit connatre les cosys-

    tmes pour les respecter. Nombreux sont les dgts causs par lhomme

    qui rsultent de son ignorance. Lintroduction dans le marais poitevindu ragondin venu dAmrique du Sud, o sa population reste stable en

    raison de la prsence des alligators, en est un exemple : les terriers de

    cet animal que lon destinait au commerce de la ourrure ragilisent les

    berges et les digues, tandis que la terre, vacue des galeries et repousse,

    gne le onctionnement hydraulique du marais. Cette mprise est lie

    au ait que lintervention de lhomme a t dicte uniquement par la

    recherche du prot immdiat et quil ne sest pas demand si lintroduc-

    26. Cristp Djrs, Lvaluation du travail lpreuve du rel. Critique des ondements de lvaluation ,Paris, Ira ditis, 2003.

    27. Dirctiv 1999/74/Ce d Csi, d 19 jit 1999, tabissat s rms miimas rativs a pr-tcti ds ps pdss .

    28. Cristp Djrs, Soufrance en France. La banalisation de linjustice sociale (1998), Paris, Si, c. Pit essais , 2009.

  • 8/4/2019 Ecologie et libralisme - Corine Pelluchon

    16/40

  • 8/4/2019 Ecologie et libralisme - Corine Pelluchon

    17/40

    cologieetlibralisme

    15

    aux autres hommes, aux autres cultures, aux autres ormes de vie, le

    pouvoir que nous nous octroyons sur ces dernires et les raisons pour

    lesquelles nous les exploitons ainsi.

    Nous continuons dhonorer les valeurs dgalit et de justice sociale,

    nous parlons de dveloppement durable, nous reconnaissons que

    lanimal est un tre sensible 32, mais, dans nos pratiques, dans llevage

    industriel, dans la manire dont nous exploitons la terre et dont le travail

    des hommes tend aujourdhui tre organis, nous ne reconnaissons pas

    de valeur suprieure la rentabilit. Mme la scurit sanitaire des pro-

    duits et lide dun juste prix que les agriculteurs recevraient en change

    de leur production ne sont rien ct du diktat de la rentabilit. Celle-ci,

    comme on la suggr plus haut, nest mme pas value partir du sensdune activit. Elle ne sidentie pas lecacit, mais elle est calcule

    de manire abstraite et homogne, partir des chires dune production

    optimale qui nest pas adapte la ralit du travail.

    Ainsi, la crise environnementale nest que lexpression dune crise plus

    gnrale, ou plutt dune organisation sociale et politique elle-mme

    onde sur le dni du rel et sur une inversion des valeurs que sert une

    stratgie de distorsion communicationnelle 33 o largument cono-

    miste permet de justier des dcisions brutales et injustes. Les violences

    aites aux btes, la dvastation des paysages, les crises sanitaires sont un

    appel lanc au quis du qui suis-je ? . Qui sommes-nous pour aire ce

    que nous aisons et accepter de contester dans nos pratiques ce que nous

    pensons encore chrir sur le plan des ides et dans la sphre de la vie

    prive que la plupart des hommes, nayant plus le sentiment dappartenir

    un monde commun 34, investissent comme une valeur reuge, comme

    le seul espace o ils pensent exprimer leur subjectivit et o la solidaritsemble possible ?

    Ces remarques ne servent pas dresser un tableau pessimiste de notre

    poque, mais signier que cette organisation sociale nest pas une ata-

    lit. Bien plus, elles invitent complter la philosophie du sujet. Celle-ci

    nest pas responsable de la crise actuelle, et nous ne dirons jamais assez

    tout ce que nous lui devons en termes de liberts. Sans elle, nous serions

    32. Vir a li 76-629 d 10 jit 1976 rativ a prtcti d a atr, tammt artic 9 : Ttaima tat tr ssib dit tr pac par s prpritair das ds cditis cmpatibs avc simpratis d s spc. . Vir Ja-Pirr Margad, laima das va Cd pa , RecueilDalloz, Siry, 1995, 25 cair, p. 187-191.

    33. Cristp Djrs, Soufrance en France, op. cit., p. 82.

    34. C q haa Ardt app a dsati (loneliness). Vir Les Origines du totalitarisme. Le systmetotalitaire (1951), trad. J.-l Brgt, R. Davr t P. lvy, Paris, Si, 2002, p. 305-306.

  • 8/4/2019 Ecologie et libralisme - Corine Pelluchon

    18/40

    fondapol

    |

    linnovationp

    olitique

    16

    encore sous le joug des tyrans. Cependant, la conception du sujet et le

    ondement du droit sur lesquels repose le libralisme politique ne su-

    sent pas nous aire concevoir nos devoirs envers les autres vivants et les

    entits non humaines. La construction dun concept de responsabilit qui

    nous prserve de nous transormer en innocents coupables 35 et dtre

    les complices dun modle de dveloppement qui menace aujourdhui les

    valeurs de libert et de justice que les philosophes des Lumires nous ont

    transmises est prcisment lambition de lthique de la vulnrabilit.

    Lthique de la vulnrabilit

    La responsabilit est la catgorie phare de lthique de la vulnrabilit qui

    est, sa manire, une philosophie du sujet et un humanisme. Lhomme,

    la dirence du pigeon, est capable de pleurer la disparition dune autre

    espce et de la protger. Plus encore que son pouvoir technique et que

    sa capacit dtruire la plante, sa responsabilit distingue lhomme des

    autres vivants. Elle est, en ce sens, un privilge. La spcicit de lthique

    de la vulnrabilit, qui ne se conond ni avec lthique du care ni avec

    les philosophies de la libert, quil sagisse des penses que lon regroupe

    dordinaire sous lhumanisme et qui vont du contractualisme Kant et Rawls ou que lon asse rrence lontologie du souci de Heidegger,

    est darticuler trois expriences de laltrit 36.

    La premire exprience de laltrit renvoie laltration du corps

    propre et la ragilit, cest--dire ce que lon appelle communment

    la vulnrabilit, qui est le ait dtre acilement bless physiquement, psy-

    chiquement, socialement ou culturellement. Cependant, cette ragilit du

    vivant susceptible la douleur, au plaisir, au vieillissement, donc des

    phnomnes qui soulignent sa passivit, ainsi que lincompltude du psy-

    chisme qui manieste notre besoin des autres et limportance de la recon-

    naissance dans le dveloppement de soi et lidentit, nest quun aspect

    de la vulnrabilit. Celle-ci dsigne aussi louverture lautre, le ait que

    je suis concerne par ce qui lui arrive et que ma responsabilit pour lui

    nest pas penser comme une obligation, conscutive un engagement.

    35. Gtr Adrs, hrs imit pr a cscic , i Hiroshima est partout (1995), Paris, Si, 2008,p. 312.

    36. Ctt tiq st dvpp das Cri Pc, LAutonomie brise. Biothique et philosophie, Paris,PuF, 2009. Das La Raison du sensible. Entretiens autour de la biothique , Prpiga, Artg, 2009, s rapps s pricipax caractrs t a gs, i a rxi sr s pratiqs mdicas t accmpa-gmt ds maads d vi t ds prss sfrat d adicaps svrs. Das lments pour unethique de la vulnrabilit. Les hommes, les animaux, la nature, Paris, Cr, 2011, s apprdisss ctttiq d a vrabiit t tirs s impicatis pitiqs t cgiqs.

  • 8/4/2019 Ecologie et libralisme - Corine Pelluchon

    19/40

    cologieetlibralisme

    17

    Ma responsabilit est lexprience dune altrit en moi au sens o je

    suis atteinte par lautre et ne reviens pas seulement moi-mme, ce que

    Levinas exprime dans Autrement qutre en parlant d une passivit

    plus passive que toute passivit 37. Je ne suis pas seulement proccupe

    par ma propre conservation, par ma mort ou par le besoin que jprouve

    de marmer, de conqurir mon authenticit 38. Cette responsabilit

    originaire dsigne une manire de nommer le sujet : Je signie me

    voici 39. Lipsit 40 nest pas dnie par la libert ngative ou lind-

    pendance, ni mme par la capacit aire des choix et en changer, mais

    je suis ce quoi je rponds et la manire dont je rponds.

    Bien plus, lauteur dAutrement qutre souligne la solidarit entre

    ces deux expriences de laltrit, la ragilit du vivant et la sensibilitlie au corps rendant possible ma responsabilit pour lautre 41. Seul un

    moi vulnrable peut tre responsable 42. Cet autrui, qui ne saurait tre

    enerm dans un concept ou un genre et qui de mon pouvoir de

    pouvoir , aisant du meurtre la ois une interdiction et une impossibi-

    lit 43, nest encore pour le philosophe que lautre homme, seul avoir un

    visage. Pourtant, la pense de Levinas contient la promesse dune consi-

    dration de lanimal et mme des direntes entits qui va bien au-del

    de ce qui existe dans lthique classique et dans les thories du contrat

    social. Il na pas tenu explicitement cette promesse, puisque les btes ne

    renvoient, pour lui, qu une dirence sans altrit et quil ne sest pas

    intress explicitement lcologie. Cependant, il ne serait pas possible

    de construire un concept de responsabilit procurant lcologie la phi-

    losophie dont elle pourrait avoir besoin si Levinas navait dj modi

    le climat de la philosophie.

    Le changement radical quil opre ne tient pas essentiellement larhabilitation de la sensibilit, que lon trouve galement chez Bentham,

    ni la place conre la compassion. Cette dernire ne doit dailleurs

    37. emma lvias, Autrement qutre ou au-del de lessence (1974), Paris, l livr d pc, c. Bibi-essais , 1996, p. 31.

    38. Marti hidggr, tre et Temps (1927), Tbig, Max nimyr Vrag, 1993, trad. e.Martia, Attica1985.

    39. emma lvias, op.cit., p. 180.

    40. lipsit, d ati ipse, si-mm, dsig idtit prs, c q j sis d mair sigir, mi,t mi. Ctt ti s distig d c d mmt, qi rvi a ati idem.

    41. emma lvias, op.cit., p. 86-87.

    42. S mi vrab pt aimr s prcai. . Vir emma lvias, De Dieu qui vient lide(1982), Paris, Vri, 2004, p. 14.

    43. emma lvias, Totalit et Inni. Essai sur lextriorit (1961), Paris, l livr d pc, 1994, p. 215-218.

  • 8/4/2019 Ecologie et libralisme - Corine Pelluchon

    20/40

    fondapol

    |

    linnovationp

    olitique

    18

    pas tre conondue avec la responsabilit, dont il aut armer la dme-

    sure essentielle et la rationalit, les transormations de notre agir dues

    la science et la technique ayant des consquences invisibles et irr-

    versibles sur des tres que nous ne connaissons pas et auxquels nous ne

    pouvons pas nous identier 44. La rvolution initie par Levinas rside

    dans larmation dun primat de la responsabilit sur la libert qui a des

    consquences sur lorganisation sociale et politique dont le philosophe

    na pas orcment pris toute la mesure.

    Ce nest pas seulement au phantasme dun individu indpendant et

    servant de ondement au contrat social que cette philosophie met n. Plus

    radicalement que lthique de la sollicitude qui a point les insusances

    des thories de la justice et dnonc leurs prsupposs atomistes, voireleurs prjugs sexistes, la pense de Levinas interroge le droit de notre

    droit. La substitution la peur pour ma mort de la crainte pour autrui

    est une manire de poser la question du droit tre et de se demander

    si ma place au soleil nest pas usurpation de la place dautrui par moi

    opprim ou aam 45. Cette question, qui creuse la bonne conscience,

    nquivaut pas une pense de la culpabilit, ce qui serait une interpr-

    tation psychologique et moralisatrice de Levinas, mais il sagit de sin-quiter de ce que mon exister , cest--dire mon tre au monde et mon

    vouloir vivre, malgr son innocence intentionnelle et consciente, peut

    comporter de violence et de meurtre 46. Placer la question, sans rponse,

    du droit tre au cur de notre droit, cest modier radicalement la

    philosophie du sujet. Nous ne sommes pas obligs de cautionner lco-

    centrisme, mais en rnovant ainsi la philosophie du sujet, une entre est

    ouverte vers un usage moins goste de la terre et une exploitation moins

    violente des autres, y compris des animaux.Enn, la troisime exprience de laltrit qui constitue lthique de

    la vulnrabilit renvoie ma non-indirence pour les institutions de

    ma communaut politique dans laquelle je ne suis non pas un moi, mais

    moi. Cette notion de communaut politique est loigne de la manire

    dont Levinas pense le politique qui est, pour lui, suspect de ramener

    lAutre au Mme et de broyer lindividualit sous une totalit. Elle est

    galement distincte de ce quil appelle le tiers, qui dsigne les autres quime lancent un appel la justice. Le rapport de lindividu au politique

    44. Gtr Adrs, lmm sr pt , i Hiroshima est partout, op. cit., p. 81.

    45. emma lvias, De Dieu qui vient lide, op. cit., p. 262.

    46. Ibid.

  • 8/4/2019 Ecologie et libralisme - Corine Pelluchon

    21/40

    cologieetlibralisme

    19

    est un rapport dappartenance, mais il ne relve pas de la usion. Il sou-

    ligne le lien entre les valeurs qui sous-tendent les traditions et les insti-

    tutions dans lesquelles je suis duque et ce quoi je tiens. Ce lien, que

    lexpression didentit narrative chre Ricur exprime bien, nest pas

    exempt de tensions, les pratiques et les valeurs qui apparaissent comme

    prioritaires dans une socit pouvant heurter proondment mes valeurs

    et me renvoyer une image de lhumanit qui mest intolrable. La notion

    dattestation dveloppe par lauteur de Soi-mme comme un autre47

    traduit cette dimension politique de notre responsabilit qui empche de

    penser lespace public comme le simple lieu de la drliction.

    Ainsi, le sujet de lthique de la vulnrabilit ne se dnit pas seu-lement par la conservation et ldication de soi, mais il sinquite du

    devoir tre de son droit et intgre, dans son vouloir vivre, le souci de

    prserver la sant de la terre, de ne pas imposer aux autres espces une

    vie diminue et de ne pas usurper la place des autres hommes. Ces imp-

    ratis sont autant dappels lancs au quis du qui suis-je ? .

    Un tel ondement du droit implique une relecture des droits de

    lhomme et une modication de limage de lhomme et de la socialit

    qui est au cur du contractualisme sous sa orme actuelle. Ce travail

    en cours de ralisation est une partie du vaste chantier qui consiste se

    demander comment le libralisme peut rpondre aux ds poss par les

    nouvelles techniques mdicales et biomdicales et par lcologie. En aval,

    la rfexion consiste se demander quelles institutions peuvent com-

    plter la dmocratie reprsentative. Parce que lcologie est aussi une

    thique du quotidien et des petites choses, et quelle implique que nous

    consentions changer nos styles de vie, il est impossible de sparer levolet ontologique du volet politique de la rfexion. Cependant, compte

    tenu de la complexit des problmes environnementaux et des tensions

    existant entre des principes galement importants, comme le respect des

    liberts individuelles et la protection de la biodiversit, il importe de

    sparer ces questions et de se concentrer ici sur quelques propositions

    visant aire entrer lcologie dans la dmocratie 48 .

    47. Pa Ricr, Soi-mme comme un autre, Paris, Si, 1990, p. 335 t 406.

    48. Pr rprdr a rm d Br latr, Politiques de la nature, Paris, la Dcvrt, 1999. latr s-ait q td a dmcrati ax -mais (p. 294) t i prps Parmt ds css (p. 299) cmps d scitiqs aisat tdr a vix ds tits mais t prpsat r ca-didatr a dxim cambr qi a pvir drdacmt. Cs prpsitis sppst vditi d pitiq qi st a cmpsiti prgrssiv d md cmm . Vir assi p. 61-69 d svrag.

  • 8/4/2019 Ecologie et libralisme - Corine Pelluchon

    22/40

    fondapol

    |

    linnovationp

    olitique

    20

    cologie et dmocratie

    La dmocratie reprsentative en question

    Les problmes environnementaux heurtent les prmisses du gouverne-ment reprsentati49 . Ils impliquent que lon corrige un peu les onde-

    ments philosophiques sur lesquels la dmocratie reprsentative repose et

    que lon ajoute des instances dlibratives permettant de aire gurer la

    protection de la biosphre et le respect des autres espces parmi les obli-

    gations de ltat. Il sagit aussi de prendre en compte les inormations

    scientiques relatives ltat de la plante 50. Ce systme mta-repr-

    sentati, qui vise produire un autre rapport entre valeurs, consciences

    et institutions, est galement associ des procdures participativesgarantissant une valuation dmocratique des choix environnementaux

    et vitant quon en arrive un gouvernement dexperts.

    Ces deux solutions au problme de linadquation entre le systme

    politique actuel et lcologie supposent aussi un changement de culture

    politique, cest--dire une autre manire de concevoir le rle de ltat

    et de dnir la mission des hommes politiques. Un tel changement na-

    ecte pas seulement les passions politiques et le contenu des programmeslectoraux, mais il concerne aussi la manire dont les reprsentants, les

    intellectuels et les mdias sadressent aux citoyens. De mme, la question

    de savoir quel est le rle des scientiques, des philosophes et des organi-

    sations non gouvernementales dans la Cit et mme au sein des dbats

    lgislatis est dterminante. Avant de dvelopper ces points, qui sugg-

    rent que les dicults des gouvernements et des organisations interna-

    tionales rsoudre la crise environnementale sont dues des habitudes

    de pense et dagir qui trahissent un dcit dmocratique, il importe derevenir brivement sur les raisons qui expliquent les insusances du

    systme reprsentati actuel.

    Nous avons dj oppos le souci du long terme que requiert une

    gestion adapte des problmes environnementaux la myopie ou au

    court terme auquel conduit la course aux lections. Le contraste entre

    les raccourcis idologiques, encourags par les luttes partisanes et par

    la mdiatisation des situations individuelles, et la complexit des argu-ments scientiques et philosophiques servant penser lcologie sut

    galement comprendre pourquoi la question naturelle se rsume

    49. Dmiiq Brg t Krry Witsid, op. cit., p 24.

    50. Vir assi s prpsitis d Br latr, op. cit., p. 101-102 t 158-159.

  • 8/4/2019 Ecologie et libralisme - Corine Pelluchon

    23/40

    cologieetlibralisme

    21

    bien souvent des dclarations dintentions qui ne sont suivies daucun

    changement rel. Cela ne veut pas dire que les ministres de lEnviron-

    nement qui se sont succd naient rien ait ni que le Grenelle de lenvi-

    ronnement ait t vain. Cependant, si la biosphre est le lieu o sexerce

    notre libert et si la politique nest pas seulement un jeu deux, mais unjeu trois, alors labsence de reprsentation des entits non humaines

    est problmatique. De mme, le ait de coner lcologie un minis-

    tre 51, voire den aire un parti qui, en outre, doit se dclarer plus

    gauche ou plus droite, nous condamne des actions ponctuelles et

    des politiques atomistes qui vont lencontre du caractre transversal

    des questions environnementales et de leurs enjeux gnraux.

    Enn, la dmocratie reprsentative et le systme lectoral que nousconnaissons sont ns dans un monde o les hommes avaient le senti-

    ment que la terre tait une plante gante 52 quils pouvaient cultiver

    sans relche pour en tirer des ressources inpuisables. Cette ide dune

    nature innie et rebelle que lhomme doit soumettre grce la technique

    a install le schma dune dualit entre la libert et la nature qui na plus

    le mme sens aujourdhui. Non seulement la biosphre est nie et les

    rserves naturelles sont limites mais, de plus, notre pouvoir technolo-

    gique, notre dmographie et nos habitudes de consommation ont quenous imposons la terre des contraintes qui nont rien voir avec ce que

    aisaient les hommes des sicles prcdents.

    Nous continuons de raisonner comme si nous tions dans le monde

    de Hobbes, o lhomme est le proltaire de la Cration et o la guerre et

    la tyrannie de lglise sont les menaces contre lesquelles ltat doit nous

    prserver. Pour les contractualistes, qui sont lorigine de la dmocratie

    librale, le rle de ltat est, en eet, de maintenir lordre public, deprotger la nation, de rgler les confits sociaux et de concilier les intrts

    concurrents. Quand la menace de la guerre disparat et que les hommes

    coulent des jours tranquilles, savourant une libert dnie davantage

    par la satisaction de leurs intrts privs et la jouissance de leurs droits

    que par lidal antique de la citoyennet 53, alors ltat est pens comme

    ce qui doit maximiser le bonheur individuel. Cela ne signie pas que

    la rduction de notre empreinte cologique passe aujourdhui par une

    51. Dmiiq Brg t Krry Witsid, op. cit., p. 98. ls atrs sggrt q s srvics d tat carg ds qstis gvrmtas sit rattacs a Prmir miistr t ax ps ats istacsxctivs.

    52. Brtrad d Jv,Arcadie. Essais sur le mieux-vivre (1968), Gaimard, c. T , 2002, p. 76.

    53. Bjami Cstat, D a ibrt ds Acis cmpar c ds Mdrs (1819), i crits poli-tiques, Paris, Gaimard, c. Fi essais , 1997, p. 589-619.

  • 8/4/2019 Ecologie et libralisme - Corine Pelluchon

    24/40

    fondapol

    |

    linnovationp

    olitique

    22

    politique contraignant les citoyens consommer moins ou prnant le

    malthusianisme. Il importe cependant de reconnatre que le rle de ltat

    change ds lors que le bien commun ne peut tre driv des seuls int-

    rts des personnes actuelles et que la nature est reconnue comme tant

    vulnrable.

    Comment aire pour que la dmocratie passe dun systme li au

    jeu des gosmes un gouvernement encourageant les responsabilits

    des individus envers une nature nie ? Quels contrepoids apporter la

    reprsentation des intrts immdiats et quelles conditions la recherche

    de rgles adaptes aux obligations nouvelles que nous avons vis--vis

    des gnrations utures et de la plante prserve-t-elle les valeurs du lib-

    ralisme politique, cest--dire la tolrance, lide dune galit moraledes individus, la libert de penser et dexpression, la paix ? Telles sont

    les questions auxquelles il convient de se conronter si lon veut que les

    changements que lcologie ait subir la politique signient plus, et non

    pas moins, de dmocratie. Car le spectre dun Lviathan imposant ses

    normes environnementales une partie du monde et la solution dune

    tyrannie bienveillante 54 ou mme dun gouvernement dexperts sont

    les risques auxquels peut conduire notre manque de crativit sur le plan

    de la thorie politique.

    Des contre-pouvoirs au sein du pouvoir

    Lintrt des propositions de Dominique Bourg et de Kerry Whiteside

    est de souligner la ncessit dintroduire les organisations non gouverne-

    mentales environnementales (ONGE) dans les institutions publiques ou

    gouvernementales 55. Il ne sagit pas seulement de aire en sorte que les

    politiques auditionnent des scientiques ou des membres dassociations

    ddies la dense de lenvironnement, comme cela est dj arriv avant

    la rvision de loi de biothique ou lorsquil a t question de lgirer

    propos des OGM. Lide est que des ONGE comme la World Fund for

    Nature, le World Ressource Institute ou la Fondation Nicolas Hulot

    sigent dans des instances dlibratives. Dans le systme reprsentati

    actuel, ces organisations ont un poids dans la mesure o elles ont une

    certaine autorit morale, mais leur infuence reste limite. Elles convain-quent les hommes et les partis politiques de tenir compte de certaines

    54. Ctt sti st ds cis d grad ivr d has Jas, Le Principe responsabilit (1979), trad. J.Grisc, Paris, Cr, 1990, p. 271-272 t 279-283 (tammt p. 280).

    55. Dmiiq Brg t Krry Witsid, op. cit., p. 76-80.

  • 8/4/2019 Ecologie et libralisme - Corine Pelluchon

    25/40

    cologieetlibralisme

    23

    questions environnementales, mais tant quelles ne prendront pas part

    aux processus dlaboration des politiques publiques, elles resteront des

    outsiders56.

    Certes, cette indpendance des ONGE, qui se sont dveloppes dans

    la socit civile, en dehors des partis politiques et des syndicats, est aussi

    leur orce. Elle leur permet de conserver le sens du long terme et de

    penser au bien commun. Leur dimension internationale les prserve ga-

    lement des contraintes territoriales et de la pression lectorale propres

    lorganisation politique actuelle. En outre, elles sont en contact avec les

    populations, ce qui veut dire quelles ont entendre la voix des citoyens.

    Cet aspect renorce lide selon laquelle leur prsence dans les organes

    dlibratis est un gain dmocratique. Cela ne signie pas que ces ONGEprennent la place des reprsentants et des lus, mais leur rle est de rap-

    peler limportance de la question naturelle alors que les politiques,

    naturellement, sont enclins reprsenter surtout les intrts des hommes

    actuels. De plus, il aut veiller ce que la participation des ONGE aux

    organes du pouvoir ne leur asse pas perdre les qualits qui ont delles

    des alternatives et des contrepoids au prsentisme. Pour ce aire, Bourg

    et Whiteside suggrent de slectionner les ONGE partir de critres

    disqualiant les associations cres ad hoc ou par simple opportunisme.

    Ils souhaitent aussi que des jurys populaires valuent la comptence des

    direntes ONGE et que celles qui sigent dans les instances dlibra-

    tives soient slectionnes de manire alatoire et tournante. De telles

    procdures permettraient de garantir plus de justice, de transparence

    et de publicit dans le choix des organisations, et elles serviraient

    lutter contre la corruption lie la pression des lobbies ou lusure

    du pouvoir. Ainsi, ces ONGE, loin de sriger en matres penser ouddicter des normes sur lesquelles onder la politique, seraient comme

    des contre-pouvoirs au sein du pouvoir, exerant une vigilance dans les

    commissions rgulant lnergie, lagriculture, le transport, le logement,

    la recherche et lducation. Leur rle serait de mettre en lumire, avec

    preuves et justications lappui, les composantes environnementales

    des politiques publiques dans tous les secteurs dactivit. Ces sous-

    systmes dmocratiques orms par des conseils et instances de veille etde rglementation nont de sens que si des considrations dordre co-

    logique acquirent une valeur constitutionnelle 57. Ce rle de gardien

    56. Ibid., p. 75.

    57. Ibid., p. 88.

  • 8/4/2019 Ecologie et libralisme - Corine Pelluchon

    26/40

    fondapol

    |

    linnovationp

    olitique

    24

    dune Constitution intgrant les nouvelles obligations de ltat incombe-

    rait lAcadmie du utur et au Nouveau Snat que Bourg et Whiteside

    appellent de leurs vux 58. Il ne sagit pas, encore une ois, dinstances

    dictant le beau, le bien, le vrai en politique. Lide est de se donner les

    moyens de prendre en compte les donnes de la science dont on ne peutpas aire lconomie quand on veut aire entrer lcologie dans la poli-

    tique et mme rpondre aux ds soulevs par les techniques actuelles.

    Les hommes politiques ne peuvent pas tout savoir et les scientiques ne

    sont pas des politiques. Comment, pour viter une crise de lgitimit,

    penser un nouveau rapport sciences/socit/pouvoir ? Cette question

    que la plupart des philosophes et politistes sintressant la biothique

    et lcologie se posent na rien voir avec la ondation de la politiquesur la science. Lexigence consistant concilier les anciennes onctions

    de ltat avec la prservation de biens environnementaux communs

    qui conditionnent lexistence de lhumanit conre une place nouvelle

    aux scientiques sans les conondre avec des politiques. Tandis quune

    Acadmie du utur, regroupant des scientiques et quelques philosophes,

    galement slectionns puis nomms par tirage au sort, inormerait les

    autorits publiques des connaissances relatives ltat de la plante et

    des ressources, un Nouveau Snat erait le lien entre la science clai-rante et les politiques. Il traduirait et interprterait les connaissances

    internationalement acquises 59, laborerait des grands projets de loi

    en pensant raliser les nouveaux objectis constitutionnels et pourrait

    mettre son veto tout projet contredisant les nouvelles obligations de

    ltat 60. Charg de veiller aux interactions entre la nation et la bios-

    phre, il constituerait ainsi une sorte de laboratoire lgislati en amont

    et en aval de lAssemble nationale .La manire dont nous traitons les btes tant lpreuve de notre jus-

    tice, ce Nouveau Snat pourrait aussi sopposer aux pratiques qui ne res-

    pectent pas les normes thologiques des animaux. De mme, lenviron-

    nement touche tous les secteurs dactivit, notamment lducation,

    qui avorise la prise de conscience par les individus de leur responsabilit

    dans la vie quotidienne comme dans la dimension politique de leur vie.

    Si les politiques denseignement et de recherche reftaient cette ide que

    mes habitudes de consommation et la manire dont je considre ce quiest dans mon assiette attestent de mes valeurs et rvlent mon identit,

    58. Ibid., p. 91-94.

    59. Ibid., p. 92.

    60. Ibid., p. 93.

  • 8/4/2019 Ecologie et libralisme - Corine Pelluchon

    27/40

    25

    cologieetlibralisme

    elles seraient plus dles lidal de civilit et mme de civilisation qui

    est lhritage des Lumires, un hritage dont les discours moralisateurs et

    autres cours de citoyennet ne sont que le ple refet, voire la caricature.

    Enn, loin dexclure les citoyens des dcisions politiques, ces propo-

    sitions qui visent changer la dmocratie vont de pair avec un renor-

    cement de la participation. Les conrences de citoyens 61, quand elles

    sont organises de manire rigoureuse et que les participants dsigns

    par hasard ne sont pas simplement invits pour recevoir la bonne parole

    de grands tmoins ou dexperts jouant le rle de gourous, permettent

    dvaluer les projets et de mieux connatre la pense et la volont des

    individus que des sondages qui ournissent des rponses sommaires

    des problmes complexes. Une inormation et une ormation de qualitsont non seulement ncessaires, mais, de plus, elles sont souhaites par

    les citoyens qui, au XXIe sicle, apprcient que lon sadresse leur intel-

    ligence, comme en tmoignent le succs que connaissent les conrences

    sur les sujets de biothique et dcologie et le discrdit accompagnant

    ceux qui utilisent des arguments ad hominem et croient encore qu lge

    des ds biotechnologiques et cologiques on peut aire lconomie de

    toute rfexion. Autrement dit, la culture politique, cest--dire les pas-

    sions politiques et la manire dont on sadresse aux citoyens, devrait elle

    aussi voluer.

    Une autre culture politique

    Des champs aussi complexes que la biothique et lcologie nous ensei-

    gnent que les anciens clivages, telle lopposition entre progressisme et

    conservatisme, ne permettent pas de mesurer les enjeux lis aux pro-

    blmes que nous rencontrons ni de comprendre les confits qui surgissent

    quand il sagit, par exemple, de lgirer sur la gestation pour autrui,

    leuthanasie ou les OGM. Des personnes que lon pensait de gauche se

    dclarent arouchement hostiles aux mres porteuses 62. Dautres pensent

    quon peut encadrer cette pratique, dans la mesure o elle nimplique

    pas une rmunration et quelle rpond des situations exceptionnelles,

    comme celles des emmes qui, nayant plus dutrus, peuvent concevoir

    mais non porter un enant 63. Une telle position nimplique pas que lon

    61. Mic Ca, Pirr lascms t Yaick Bart, Agir dans un monde incertain. Essai sur la dmocratietechnique, Paris, Si, 2001.

    62. Syvia Agaciski, Le Corps en miettes, Paris, Fammari, 2009.

    63. Cri Pc, La Raison du sensible, op. cit., p. 108-113. Vir assi la gstati pr atri : xcpti, pas a rg ! , Le Monde, 22 mai 2009.

  • 8/4/2019 Ecologie et libralisme - Corine Pelluchon

    28/40

    fondapol

    |

    linnovationp

    olitique

    26

    soit pour la dpnalisation de leuthanasie, comme si ladministration du

    don de la mort par ltat et linstitution mdicale quivalait promou-

    voir la justice sociale et lautonomie des personnes 64.

    Ainsi, il nexiste pas de manuel nonant les solutions progressistes

    aux questions dites de biothique. Sans doute y a-t-il des positionsconservatrices qui conduisent reuser presque tout, mlant avortement,

    contraception, procrations mdicales assistes, recherche sur les cellules

    souches embryonnaires. On peut galement rencontrer, lautre extrme,

    des hrauts du progrs qui conondent euthanasie et avortement, et ont

    de la satisaction des dsirs individuels la mesure des lois. Cependant,

    ces coupures idologiques rsistent mal lexamen des problmes spci-

    ques lis chaque question de biothique. De plus, les vritables argu-ments servant cautionner ou interdire une pratique ne sont pas ceux

    qui sont avancs lors des conrontations polmiques. Il sagit, en eet,

    de conceptions du monde et de la vie, et de positions ontologiques plus

    proondes qui expliquent quune personne est prte ou non intervenir

    sur le vivant de telle ou telle aon. Or, au lieu de ne voir que lcume des

    choses, de rechercher des solutions toutes prtes et de sen tenir aux rac-

    tions pidermiques, chacun est invit, par les problmes que soulvent

    les champs de lthique applique, prendre la mesure des conceptionssubstantielles du bien et des valeurs qui orientent ses dcisions.

    Ce travail dexplicitation des positions ontologiques qui sous-tendent,

    pour chacun, ses manires dtre et ses choix, et mme ses gots ou ses

    dgots, produit une connaissance de soi qui est en mme temps une mise

    distance de soi. Cet examen vite dhabiller du beau nom de dignit

    ses valeurs esthtiques, comme cest souvent le cas dans les discussions

    thiques et politiques, o lattitude consistant rationaliser ses impres-sions et prononcer des jugements moralisateurs et paternalistes cde

    rarement la place lvaluation de limpact moral et socital des tech-

    niques. De plus, cette analyse o les intrts, les visions du monde et les

    motions sont soumis la raison publique permet chacun dadopter un

    point de vue aillibiliste et critique 65. Tout individu peut ainsi aire le

    tri entre ses opinions et croyances, et comprendre mieux le point de vue

    des autres, en particulier des personnes ayant des positions ontologiques

    opposes aux siennes et adoptant un comportement quil rprouve.Cest par lmotion que nous savons que nous admirons ou rejetons

    64. Cri Pc, LAutonomie brise, op. cit., p. 53-82. Vir assi Tts s vis vat dtr vcs ,Le Monde, 29 javir 2011. Crtais prss dist vir mrir parc qatr ds, tt r sigiqs st d trp. lr atmi st aisi cmb d trmi.

    65. Jrg habrmas, Lthique de la discussion et la question de la vrit, trad. P. Savida, Paris, Grasst, 2003.

  • 8/4/2019 Ecologie et libralisme - Corine Pelluchon

    29/40

    27

    tel ou tel comportement. Elle est, dans les dbats politiques, sur des

    sujets sensibles comme ceux qui touchent la biothique et lcologie,

    ce que la douleur est au corps, savoir un signal dalarme qui invite

    aire attention lorgane douloureux et lui prodiguer des soins. Le

    ait de parler de ses motions et de voir ce dont elles sont lexpressionpermet aussi dexaminer ce qui peut entrer dans llaboration de normes

    universalisables et valables pour la communaut. Ces normes nexistent

    pas dans le ciel des ides, comme sil y avait une vrit absolue que

    nous naurions qu dcouvrir et appliquer. Elles mergent au cours

    de la discussion comme des normes qui peuvent tre reconnues comme

    valides par tous.

    Cette lucidation est particulirement importante en cologie, parceque les motions et les ractions esthtiques traduisent une manire de

    penser la nature et de se penser en elle. Encore une ois, cela ne signie

    pas que les motions aient valeur dargumentation, mais les ractions

    spontanes, quelles soient ngatives ou positives, ont plus quexprimer

    ce quune personne aime ou naime pas. Les prises de position thiques

    sont des rfexions par rapport de telles ractions : est-ce que jaime ce

    que jaime ? 66. Aussi la clarication des dirences ontologiques est-

    elle un pas vers la clarication des dirences politiques et de leurs basesthiques. Ces dirences politiques, qui ne sont plus orcment celles

    auxquelles les anciennes oppositions idologiques nous ont habitus,

    sont le systme de valeurs dune personne. Elles expliquent les confits

    environnementaux. Les motions, quand chacun des participants leur

    ait subir cet examen qui consiste les traduire an quelles rvlent la

    position ontologique qui leur est sous-jacente, peuvent donc servir de

    point de dpart la discussion.Ces remarques suggrent que les problmes environnementaux qui

    crent des situations de confits entre des individus ayant des intrts et

    des points de vue divergents ne peuvent pas tre rsolus de manire tech-

    nocratique par des mesures abstraites venues den haut, ni dbattues au

    sein de ormations politiques qui cherchent avant tout dnir une ligne

    de conduite par opposition celle du camp adverse et usent ou abusent

    de slogans prims. Il nous aut aussi nous appuyer sur lexprience qui

    dcoule, par exemple, de la gestion de leau 67, laquelle runit, en plus

    66. Ar nss, cologie, communaut et style de vie, op. cit. p. 108.

    67. Dpis a i sr a d 1992, s cmmissis cas d a (Cle) cmpss pr miti ds, pr qart d rprstats d tat t pr qart d tts s catgris dsagrs (agrictrs, ids-tris, csmmatrs, tc.) disst Frac scma drgaisati t d gsti d a. lrs prs-criptis simpst ax admiistratis t cctivits pbiqs.

    cologieetlibralisme

  • 8/4/2019 Ecologie et libralisme - Corine Pelluchon

    30/40

    fondapol

    |

    linnovationp

    olitique

    28

    des lus, les direntes parties prenantes, les usagers, les agriculteurs, les

    industriels, etc. Cela ne signie pas que la gouvernance requise par la

    gestion locale de biens communs suse lchelle nationale, mais lide

    est de rendre possible lautonomie politique.

    La capacit des direntes parties prenantes aire surgir des normesqui puissent tre acceptes par tous et ainsi dterminer le partage dun

    bien commun suppose une implication des individus qui va plus loin que

    lidal participati auquel on rduit parois les progrs dmocratiques.

    Au lieu de se borner des changes interactis entre les reprsentants

    et les lecteurs lors de spectacles ou dans les mdias, lautonomie poli-

    tique des citoyens suppose que ces derniers aient un vritable intrt

    pour la Cit et quils acquirent et dveloppent les vertus de tolranceet dcoute, et les qualits dialogiques indispensables lthique de la

    discussion. Elle implique aussi quils aient susamment conance en

    eux pour sorganiser an de aire remonter les rsultats auxquels les ont

    amens leur travail et leur rfexion. Enn, elle suppose que les gouver-

    nants ne considrent pas les citoyens comme des mineurs auxquels il

    sut de sadresser avec habilet et quils ne considrent pas la dcision

    politique comme si elle tait uniquement la marque de la volont dun

    homme mettant son empreinte sur le rel.Plus que les leons en communication auxquelles les politiques et les

    ches dentreprise consacrent de nos jours une part importante de leur

    budget, la connaissance du rel, comme la connaissance des traditions

    dun pays, de sa culture et des habitudes et dispositions qui soutien-

    nent ses institutions, est indispensable celles et ceux qui veulent aire

    quelque chose dutile et de juste pour la collectivit. Le blu, lauto-

    ritarisme, le paternalisme, lextrmisme, les simplications et mmelidologie sont des postures dpasses et compltement inadaptes aux

    enjeux dune civilisation technologique, o chaque jour qui passe nous

    conronte nos responsabilits, grandes et petites, envers les autres

    hommes, les autres cultures, les autres espces et la plante. Lcologie

    peut tre la chance dun autre gouvernement des hommes, o lEurope

    nest pas lennemie de la nation, o les cultures ne disparaissent pas dans

    la globalisation, o la France, pays du got et de la philosophie, clbre

    pour son amour de luniversel et aime pour sa singularit, a sa placedans le monde.

    Corine PELLUCHON,Philosophe

  • 8/4/2019 Ecologie et libralisme - Corine Pelluchon

    31/40

    29

  • 8/4/2019 Ecologie et libralisme - Corine Pelluchon

    32/40

    30

  • 8/4/2019 Ecologie et libralisme - Corine Pelluchon

    33/40

    31

    Valoriser les monuments historiques : de nouvelles stratgiesWladimir Mitroano et Christiane Schmuckle-Mollard, juillet 2011, 28 pages

    Contester les technosciences : leurs raisonsEddy Fougier, juillet 2011, 40 pages

    Contester les technosciences : leurs rseauxSylvain Boulouque, juillet 2011, 36 pages

    La raternitPaul Thibaud, juin 2011, 36 pages

    La transormation numrique au service de la croissanceJean-Pierre Corniou, juin 2011, 52 pages

    LengagementDominique Schnapper, juin 2011, 32 pages

    Libert, galit, FraternitAndr Glucksmann, mai 2011, 36 pages

    Quelle industrie pour la dense ranaise ?Guillaume Lagane, mai 2011, 26 pages

    La religion dans les aaires : la responsabilit sociale de l'entrepriseAurlien Acquier, Jean-Pascal Gond, Jacques Igalens, mai 2011, 44 pages

    La religion dans les aaires : la fnance islamiqueLila Guermas-Sayegh, mai 2011, 36 pages

    O en est la droite ? LAllemagnePatrick Moreau, avril 2011, 56 pages

    O en est la droite ? La Slovaquietienne Boisserie, avril 2011, 40 pages

    Qui dtient la dette publique ?

    Guillaume Leroy, avril 2011, 36 pages

    Le principe de prcaution dans le mondeNicolas de Sadeleer, mars 2011, 36 pages

    Comprendre le Tea PartyHenri Hude, mars 2011, 40 pages

    nos dernires Publications

  • 8/4/2019 Ecologie et libralisme - Corine Pelluchon

    34/40

    32

    O en est la droite ? Les Pays-BasNiek Pas, mars 2011, 36 pages

    Productivit agricole et qualit des eauxGrard Morice, mars 2011, 44 pages

    LEau : du volume la valeurJean-Louis Chaussade, mars 2011, 32 pages

    Eau : comment traiter les micropolluants ?Philippe Hartemann, mars 2011, 38 pages

    Eau : dfs mondiaux, perspectives ranaisesGrard Payen, mars 2011, 62 pages

    Lirrigation pour une agriculture durable

    Jean-Paul Renoux, mars 2011, 42 pagesGestion de leau : vers de nouveaux modlesAntoine Frrot, mars 2011, 32 pages

    O en est la droite ? LAutrichePatrick Moreau, vrier 2011, 42 pages

    Le participation au service de lemploi et du pouvoir dachatJacques Perche et Antoine Pertinax, vrier 2011, 32 pages

    Le tandem ranco-allemand ace la crise de leuroWolgang Glomb, vrier 2011, 38 pages

    2011, la jeunesse du mondeDominique Reyni (dir.), janvier 2011, 88 pages

    Administration 2.0Thierry Weibel, janvier 2011, 48 pages

    O en est la droite ? La BulgarieAntony Todorov, dcembre 2010, 32 pages

    Le retour du tirage au sort en politiqueGil Delannoi, dcembre 2010, 38 pages

    La comptence morale du peupleRaymond Boudon, novembre 2010, 30 pages

    L'Acadmie au pays du capitalBernard Belloc et Pierre-Franois Mourier, novembre 2010, 222 pages

    Pour une nouvelle politique agricole commune

    Bernard Bachelier, novembre 2010, 30 pages

    Scurit alimentaire : un enjeu globalBernard Bachelier, novembre 2010, 30 pages

    Les vertus caches du low cost arienEmmanuel Combe, novembre 2010, 40 pages

  • 8/4/2019 Ecologie et libralisme - Corine Pelluchon

    35/40

    33

    Innovation politique 2011Dominique Reyni (dir.), novembre 2010, 676 pages

    Dense : surmonter limpasse budgtaireGuillaume Lagane, octobre 2010, 34 pages

    O en est la droite ? LEspagneJoan Marcet, octobre 2010, 34 pages

    Les vertus de la concurrenceDavid Sraer, septembre 2010, 44 pages

    Internet, politique et coproduction citoyenneRobin Berjon, septembre 2010, 32 pages

    O en est la droite ? La Pologne

    Dominika Tomaszewska-Mortimer, aot 2010, 42 pagesO en est la droite ? La Sude et le Danemark

    Jacob Christensen, juillet 2010, 44 pages

    Quel policier dans notre socit ?Mathieu Zagrodzki, juillet 2010, 28 pages

    O en est la droite ? LItalieSoa Ventura, juillet 2010, 36 pages

    Crise bancaire, dette publique : une vue allemandeWolgang Glomb, juillet 2010, 28 pages

    Dette publique, inquitude publiqueJrme Fourquet, juin 2010, 32 pages

    Une rgulation bancaire pour une croissance durableNathalie Janson, juin 2010, 36 pages

    Quatre propositions pour rnover notre modle agricolePascal Perri, mai 2010, 32 pages

    Rgionales 2010 : que sont les lecteurs devenus ?Pascal Perrineau, mai 2010, 56 pages

    LOpinion europenne en 2010Dominique Reyni (dir.), ditions Lignes de repres, mai 2010, 245 pages

    Pays-Bas : la tentation populisteChristophe de Voogd, mai 2010, 43 pages

    Quatre ides pour renorcer le pouvoir dachat

    Pascal Perri, avril 2010, 30 pages

    O en est la droite ? La Grande-BretagneDavid Hanley, avril 2010, 34 pages

    Renorcer le rle conomique des rgionsNicolas Bouzou, mars 2010, 30 pages

  • 8/4/2019 Ecologie et libralisme - Corine Pelluchon

    36/40

    34

    Rduire la dette grce la ConstitutionJacques Delpla, vrier 2010, 54 pages

    Stratgie pour une rduction de la dette publique ranaiseNicolas Bouzou, vrier 2010, 30 pages

    O va lglise catholique ? Dune querelle du libralisme lautremile Perreau-Saussine, octobre 2009, 26 pages

    lections europennes 2009 : analyse des rsultats en Europe et en FranceCorinne Deloy, Dominique Reyni et Pascal Perrineau, septembre 2009,32 pages

    Retour sur lalliance sovito-nazie, 70 ans aprsStphane Courtois, juillet 2009, 16 pages

    Ltat administrati et le libralisme. Une histoire ranaiseLucien Jaume, juin 2009, 12 pages

    La politique europenne de dveloppement :une rponse la crise de la mondialisation ?

    Jean-Michel Debrat, juin 2009, 12 pages

    La protestation contre la rorme du statut des enseignants-chercheurs :dense du statut, illustration du statu quo.

    Suivi dune discussion entre lauteur et Bruno Bensasson

    David Bonneau, mai 2009, 20 pagesLa Lutte contre les discriminations lies lge en matire demploilise Muir (dir.), mai 2009, 64 pages

    Quatre propositions pour que lEurope ne tombe pas dans le protectionnismeNicolas Bouzou, mars 2009, 12 pages

    Aprs le 29 janvier : la onction publique contre la socit civile ?Une question de justice sociale et un problme dmocratiqueDominique Reyni, mars 2009, 22 pages

    LOpinion europenne en 2009Dominique Reyni (dir.), ditions Lignes de repres, mars 2009, 237 pages

    Travailler le dimanche : quen pensent ceux qui travaillent le dimanche ?Sondage, analyse, lments pour le dbat

    (coll.), janvier 2009, 18 pages

    rvz p www.p.

  • 8/4/2019 Ecologie et libralisme - Corine Pelluchon

    37/40

    35

    Pour renorcer son indpendance et conduire sa mission dutilitpublique, la Fondation pour linnovation politique, institution de la

    socit civile, a besoin du soutien des entreprises et des particuliers. Ilssont invits participer chaque anne la convention gnrale qui dnitses orientations. La Fondapol les convie rgulirement rencontrer sesquipes et ses conseillers, discuter en avant premire de ses travaux, participer ses maniestations.

    Reconnue dutilit publique par dcret en date du 14 avril 2004, la Fondapol

    peut recevoir des dons et des legs des particuliers et des entreprises.

    V p, ,

    Avantage scal : votre entreprise bncie dune rduction dimpt de60 % imputer directement sur lIS (ou le cas chant sur lIR), dansla limite de 5 du chire daaires HT (report possible durant 5 ans).

    Dans le cas dun don de 20 000 , vous pourrez dduire 12 000 dimpt,votre contribution aura rellement cot 8 000 votre entreprise.

    V p

    Avantages scaux : au titre de lIR, vous bnciez dune rductiondimpt de 66 % de vos versements, dans la limite de 20 % du revenuimposable (report possible durant 5 ans) ; au titre de lISF, vousbnciez dune rduction dimpt, dans la limite de 50 000 , de 75 %de vos dons verss.

    Dans le cas dun don de 1 000 , vous pourrez dduire 660 de votreIR ou 750 de votre ISF. Pour un don de 5 000 , vous pourrez dduire3 300 de votre IR ou 3 750 de votre ISF.

    c : a F +33 (0)1 47 53 67 09 .f@p.

    souteneZ l a FondaPol

  • 8/4/2019 Ecologie et libralisme - Corine Pelluchon

    38/40

  • 8/4/2019 Ecologie et libralisme - Corine Pelluchon

    39/40

  • 8/4/2019 Ecologie et libralisme - Corine Pelluchon

    40/40

    Un think tank libral, progressiste et europen

    L Fdat p vat ptq e un espe ndpendnt dexpetse, de

    fexn et dhnge tun ves l pdutn et l dusn ddes et de ppstns.

    Elle ntue u plulse de l pense et u enuvelleent du dt pul dns une

    pespetve lle, pgessste et eupenne. Dns ses tvux, l Fndpl pvlge

    qute enjeux : a cssac cmq, cg, s vas t mq.

    Le ste www.fdap.g et l dspstn du pul l ttlt de ses tvux ns

    quune ptnte velle dde ux eets de l vlutn nuque su les ptques

    pltques (Pltque 2.0).

    L Fdap est ennue dutlt pulque. Elle est ndpendnte et nest suventnne

    p uun pt pltque. Ses essues snt pulques et pves. Le suten des

    entepses et des ptules est essentel u dvelppeent de ses tvts.

    fdap

    11, ue de Genelle75007 Ps FneTl. : 33 (0)1 47 53 67 [email protected]

    fdap |www.ndpl.g

    Les lgs de l Fndtn :

    Ptq 2 0