Échange France-Brésil: L'éclat de l'Art Nouveau Brésilien

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École Nationale Supérieure d’Architecture de Paris-Belleville Séminaire - L'art du projet : l'architecture et l'imprimé THIBAULT Estelle, LAMBERT Guy, CHEBAHI Malik Linda Tchinyere DE MENEZES DE CARVALHO ÉCHANGE FRANCE-BRÉSIL L’éclat de l’Art Nouveau brésilien PARIS 2015

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L’objectif de cet article est de discuter et de montrer comment l’Art Nouveau a participé et s'est intégré dans la culture brésilienne avec de nouvelles méthodes, normes et de nouveaux principes. Nous analyserons donc comment l’échange avec la France dans la période de l’Art Nouveau français (1890-1910) a influencé l’architecture et l’enseignement des arts décoratifs au Brésil. Nous tenterons de comprendre comment ces nouvelles formes ont pénétré et crée une tradition, tout comme sur le Vieux Continent, en analysant le parcours de Eliseu Visconti et Lucílio de Albuquerque, les deux principaux artistes brésiliens qui ont étudié en France avec le maître de l’Art Nouveau : Eugène Grasset. Mots-Clés : Art Nouveau ; décoration ; échange ; enseignement ; Auteur: Linda Tchinyere de Menezes de Carvalho

Transcript of Échange France-Brésil: L'éclat de l'Art Nouveau Brésilien

École Nationale Supérieure d’Architecture de Paris-Belleville Séminaire - L'art du projet : l'architecture et l'imprimé

THIBAULT Estelle, LAMBERT Guy, CHEBAHI Malik

Linda Tchinyere DE MENEZES DE CARVALHO

ÉCHANGE FRANCE-BRÉSIL

L’éclat de l’Art Nouveau brésilien

PARIS 2015

ÉCHANGE FRANCE-BRESIL

L’éclat de l’Art Nouveau brésilien

Linda Tchinyere DE MENEZES DE CARVALHO*

Resume:

L’objectif de cet article est de discuter et de montrer comment l’Art Nouveau a

participé et s'est intégré dans la culture brésilienne avec de nouvelles méthodes,

normes et de nouveaux principes. Nous analyserons donc comment l’échange avec la

France dans la période de l’Art Nouveau français (1890-1910) a influencé l’architecture

et l’enseignement des arts décoratifs au Brésil. Nous tenterons de comprendre

comment ces nouvelles formes ont pénétré et crée une tradition, tout comme sur le

Vieux Continent, en analysant le parcours de Eliseu Visconti et Lucílio de Albuquerque,

les deux principaux artistes brésiliens qui ont étudié en France avec le maître de l’Art

Nouveau : Eugène Grasset.

Mots-Clés : Art Nouveau ; décoration ; échange ; enseignement ;

* Étudiante en Architecture et Urbanisme à l’Universidade de Brasília - Brésil en

échange pendant l’année 2014-2015 à l’ENSA Paris-Belleville par le Programme

‘Sciences Sans Frontières’ (CsF).

RELAÇÃO FRANÇA-BRASIL

O brilho do Art Nouveau brasileiro

Linda Tchinyere DE MENEZES DE CARVALHO*

Resumo:

O objetivo deste artigo é discutir e mostrar como o Art Nouveau participou e se

integrou na cultura brasileira por meio de novos métodos, normas e princípios.

Analisaremos então como a troca com a França no período do Art Nouveau francês

(1890 – 1910) influenciou a arquitetura e o ensino das artes decorativas no Brasil.

Tentaremos compreender como estas novas formas se inseriram no contexto

brasileiro e criaram uma tradição, da mesma formas que no Velho Continente,

analisando o percurso de Eliseu Visconti e Lucílio de Albuquerque, os dois principais

artistas brasileiros que estudaram na França com o mestre do Art Nouveau: Eugène

Grasset.

Palavras-chave : Art Nouveau ; décoration ; échange ; enseignement ;

* Estudante do curso de Arquitetura e Urbanismo da Universidade de Brasília, em

intercâmbio durante o ano universitário 2014-2015 na ‘École Nationale Supérieure

d’Architecture de Paris – Belleville’ pelo Programa Ciências sem Fronteiras (CsF).

Introduction

L’influence et la culture française au Brésil est une constante depuis le début de la

colonie portugaise en Amérique. Après presque 300 ans de conflits sporadiques pour

l’occupation du territoire et aussi après une tentative insolite d’implantation d’une colonie

française à Rio de Janeiro, au cœur du XVIe siècle, le Brésil encore jeune est devenu un

territoire portugais à part entière, dans lequel la culture naissante fut cependant fortement

teintée par l'empreinte française.

À la suite du déménagement de la famille royale portugaise à Rio de Janeiro fuyant les

troupes napoléoniennes en 1808, la culture française inspire fortement par sa richesse, les

domaines des arts et des costumes1 et donne encore l'inspiration intellectuelle et artistique

notamment dans les milieux nobles et bourgeois de la colonie.

L’objectif du roi D. João VI était toujours de promouvoir les arts et la culture et

d'essayer d’insuffler un certain niveau de raffinement et de bon goût au sein de la colonie. La

plus grande de ces initiatives a été l'ébauche à Paris, de la célèbre Mission Artistique française.

Dirigée par Joachim Lebreton (1760-1819), secrétaire permanent de la section des Beaux-Arts

de l'Institut de France, la mission est arrivée au Brésil en 1816 et était composée de certains

des artistes les plus renommés de l'époque, y compris le peintre Jean-Baptiste Debret (1768-

1848), Auguste Taunay, sculpteur (1791-1687), et Grandjean de Montigny (1776-1850),

architecte2.

Le début de l’Art Nouveau au Brésil correspond à ses premières années de vie

républicaine et l’influence européenne enrichit alors la physionomie de la belle époque

brésilienne. Cette connexion et cette introduction d’un ‘‘nouveau style’’ furent permises par

les Expositions Universelles, la presse, les relations commerciales et les allers-retours de

brésiliens et étrangers de l’Europe3. On peut vérifier d’abord que l’échange social, politique,

philosophique et artistique avec la France fut clair et intense.

Selon Giedion4, les historiens sont tant préoccupés par les styles qu'ils en ont

rencontré un énième avec l'Art Nouveau, le considérant comme « le vrai style du siècle ». A

travers ses écrits et expérimentations, cet historien de l'architecture considère ce mouvement

1 GOMES, Laurentino. “Como a França moldou o Brasil”. Artigo. http://guiadoestudante.abril.com.br/aventuras-

historia/como-franca-moldou-brasil-480705.shtml . Visualisé à 05/01/2015 2 Idem.

3 MOTTA, Flavio L. Contribuição ao Estudo do Art Nouveau no Brasil. São Paulo 1957.

4 Sigfried Giedion (14 avril 1888 à Prague — 10 avril 1968 à Zurich) est un historien et critique de

l'architecture. Il était très marqué par le formalisme hégélien. Dans ses ouvrages, il ne sépare pas l'histoire de l'architecture d'une société de son développement scientifique et technique, toute société humaine étant considérée comme un système avec sa logique propre.

comme une manifestation du pouvoir créateur et non pas une copie importée d'un style

ancien.5

Entre les deux écoles françaises, l’École de Nancy et l’École Guérin à Paris, le

mouvement parisien a plus influencé les artistes et architectes brésiliens, principalement

quand on parle de l’art décoratif. Eliseu Visconti et Lucílio de Albuquerque furent les artistes

les plus proches de l’art nouveau européen. Après gagner le Prix de Voyage en Europe, les

deux ont étudié avec Eugène Grasset, à Paris.

Visconti, appelé le père du Design brésilien, suivit des cours à Paris entre 1895 et 1898

et il a beaucoup tenté enrichir l’art décoratif dans l’industrie brésilienne après son retour de

l’Europe mais son effort n’a pas eu de résultats significatifs dès le début6. Une analyse

profonde de ce moment a été faite par Araújo Viana dans un article publié dans le journal ‘‘A

Notícia’’ (‘‘La Nouvelle’’) en 24 mai de 1901 à Rio de Janeiro. Mais ses études et son travail

comme professeur à l’École National de Beaux-Arts et dans la décoration du Théâtre Municipal

sont vraiment importants aujourd'hui.

Cependant, Albuquerque nous a laissé ses cahiers de croquis et notes qu’il a écrit

pendant ces cours. Grace à ces archives nous pouvons faire une analyse de comment

l’enseignement se passait et comment les brésiliens ont appris la méthode de Grasset.

Malheureusement, la plus grande partie des notes de Visconti ont été perdues.

Dans le contexte architectural, le style abordé est trouvé dans toutes les régions

brésiliennes, sauf au centre du pays qui n’était pas encore suffisamment développé à cette

période. Le type d’architecture qu’on cherche est trouvé dans les bâtiments administratifs,

ponts et maisons (Villas). Dans le contexte d’habitation seulement les familles bourgeoises ont

pu payer un architecte pour mettre en valeur leurs maisons avec le style de la Belle Époque.

5 GIEDION, Sigfried. Space, Temps, Architecture. Paris, Denöel, 2004.

6 COSTA, João Angyone. A Inquietação das Abelhas, Rio de Janeiro, Pimenta de Mello & Cia, p. 82.

Eliseu d’Angelo Visconti

(1866 Giffoni Valle e Piana/Italie – 1944 Rio de Janeiro/Brésil)

Selon Tavares Cavalcanti, Eliseu d’Angelo Visconti fut un des peintres les plus

significatifs de la période de transition du XIXe au XXe siècle au Brésil. Après avoir fait ses

études à l’École Nationale de Beaux-Arts de Rio de Janeiro le jeune peintre obtint le Prix de

Voyage en Europe lors du concours de 1892.

Il était le premier artiste de la période républicaine à bénéficier d’une bourse d’études

en Europe. Avec ses collègues des Beaux-Arts, il avait lutté pour le rétablissement du Prix de

Voyage et avait souhaité la réforme de l’Académie qui fut mise en place en 1890.7

Au mois de mars 1893, il quitte le Brésil pour aller continuer ses études à Paris où,

selon l’habitude des anciens lauréats du Prix de Voyage, Visconti se présente aux examens

d’admission de l’Ecole des Beaux-Arts, et obtient un résultat excellent. Il fut reçu septième sur

quatre-vingt-quatre élèves admis dans la section de Peinture, en juin 1893.8

7TAVARES CAVALCANTI , Ana Maria. Les artistes brésiliens et “ Les prix de voyage en Europe ” à la fin du XIXe siècle

: vision d’ensemble et étude approfondie sur le peintre Eliseu d’Angelo Visconti (1866 - 1944). Thèse de Doctorat. Université Paris 1 - Panthéon Sorbonne. U.F.R. D’histoire De L’art Et Archéologie. 1999. Page 146. 8 Idem.

Figure 1: Autoportrait. Huile sur toile. 64x48cm. 1902. Collection privée. Source : http://www.eliseuvisconti.com.br/apres_sobre.htm

Figure 2: Autoportrait. Huile sur toile. 81x59,5cm. 1943. Collection du Musée National de Beaux-Arts de Rio. (Idem)

En examinant les documents de l’Ecole des Beaux-Arts de Paris, on découvre que le

nom de Visconti apparaît parmi les élèves du Cours du Soir, et non pas parmi les élèves des

ateliers de peinture. 9

Après avoir quitté l’École des Beaux-Arts au mois de Février 1894, il s’oriente vers le

cours d’Eugène Grasset qui enseignait le dessin d’art industriel et la composition décorative à

l’École Guérin, appelée parfois École Normale d’Enseignement du Dessin. Pendant quatre

années, de 1894 à 1898, il prenait des notes dans ses cahiers de croquis et relatait avec

précision son quotidien: ‘‘ J’ai fini mon cours le 12 juillet (première année) de 1895, un

mercredi et j’ai payé 120 francs’’.10 Visconti fréquenta le cours de composition décorative

dispensé par Eugène Grasset chaque mercredi de 14 à 16 heures.

Figure 2: Études réalisés par Visconti pendant les cours de Grasset entre 1895 et 1898. 1 et 2: Souce : MOTTA, Flavio L. Contribuição ao Estudo do Art Nouveau no Brasil. São Paulo, 1957. Page 63. 3 : Source : http://www.eliseuvisconti.com.br/designer_arte_aplicada.htm

Le maître dirigeait l’enseignement vers des résultats pratiques, en laissant beaucoup

d’autonomie aux élèves. Son souci était celui de permettre à chacun de s’épanouir aussi

librement que possible selon ses dons spécifiques. Cette attitude, qui s’opposait radicalement à

l’orientation de l’Ecole des Beaux-Arts, Grasset l’exprima très bien dans le texte qui suit 11 :

‘‘ Ne vous opposez jamais en rien aux efforts des novateurs, voire même à

leurs succès; car, alors même que leurs œuvres ne vous satisferaient pas

9Idem. Pages 162 et 163.

10 MOTTA, Flavio L. Contribuição ao Estudo do Art Nouveau no Brasil. São Paulo, 1957. Page 36.

11 TAVARES CAVALCANTI , Ana Maria. Les artistes brésiliens et “ Les prix de voyage en Europe ” à la fin du XIXe

siècle : vision d’ensemble et étude approfondie sur le peintre Eliseu d’Angelo Visconti (1866 - 1944). Thèse de Doctorat. Université Paris 1 - Panthéon Sorbonne. U.F.R. D’histoire De L’art Et Archéologie. 1999. Pages 164 et 165.

1 2 3

complètement, vous savez qu’elles n’ont qu’un temps et seront bientôt

remplacées par d’autres qui vaudront peut-être mieux! - Souvenez-vous que

toute tentative fixe les idées flottantes et, permettant au sens critique de

s’exercer, indique la voie à suivre en montrant les défauts à éviter. Mais,

encore une fois, mieux vaut n’importe quoi plutôt que l’immobilité du

progrès artistique, mieux vaut disparaître plutôt que ne pas inventer!’’ 12

A son retour au Brésil, Visconti a fait une des premières expositions de l’Art Nouveau

dans le pays en montrant les idées apprises en Europe. L’artiste a réalisé en 1901 une

exposition où il a montré ses travaux à l'huile, au pastel, au fusain et 28 objets ‘’d’art décoratif

appliqué aux industries artistiques’’, ces derniers étant le résultat de ses études à l’École

Guérin : céramiques, papier peint, illustrations, etc.13

Figure 3 : Première Page du Catalogue de l’Exposition de 1901. Source : http://www.eliseuvisconti.com.br/designer_nouveau.htm

Quand il a exposé ses travaux, peu de gens ont reconnu le sens de cette exposition,

sauf Araujo Viana et Gonzaga Duque qui déplorèrent le peu d'intérêt porté à cette exposition.

En 1926, Visconti a déclaré dans un série d’interviews compilées dans le livre ‘‘Inquietação das

12

GRASSET, Eugène. Extraits de la conférence sur l’Art Nouveau faite à l’Union Centrale en 1897. In : PLANTIN,

Yves & BLONDEL, Françoise. Eugène Grasset, Lausanne 1841 Sceaux 1917. Yves Plantin & Françoise Blondel. Paris, 1980. Page 124. 13

Idem.

Abelhas’’ : ‘‘ quand je suis revenu de l’Europe, comme boursier du Trésor Public, j’ai fait une

exposition d’arts appliqués, celle de 1901, avec l’intention de que l’art décoratif fut élément

majeur pour caractériser l’industrie artistique du pays. Ils l’ont regardé comme nouveauté et

rien de plus. J'en suis même arrivé à faire de la céramique à main pour essayer d'attirer

l’attention des écoles, officines, du gouvernement. Tout perdu. Personne n'a noté l’effort’’. 14

Mais ce n’est pas vrai. En 24 mai de 1901, Araujo Viana a publié un article sur ‘‘La peinture

décorative’’ sur le Journal ‘‘A Notícia’’. Il a dit que Visconti était un idéaliste et que l’idéaliste a

comme objectif d'harmoniser la Nature, l’Humain et le Divin. 15

Figure 4 : Céramiques. 1 : Collection privée ; 2 et 3 : Collection Musée National de Beaux-Arts de Rio. Source :

http://www.eliseuvisconti.com.br/designer_arte_aplicada.htm

Barata s’est plaint que Visconti n’ait pas choisit les éléments de la nature brésilienne

pour s’inspirer. Barata a cherché en Visconti l’inspiration d’ornements nationaux comme

Grasset l'a fait avec l’ornement celtique. Cependant, la flore brésilienne fut objet de sa

curiosité comme nous pouvons le noter dans l’article déjà cité de Araújo Viana: ‘‘ Il y a des

formes artistiques dans la céramique de Visconti, et des éléments nouveaux dans

l’ornementation picturale, tirées de la flore de nos bois et jardins’’.

A la suite de cela, l'entrepreneur des manufactures Ludolff & Ludolff demanda à

Visconti l’exécution de nombreux dessins pour des pièces en céramique. Mais l’artiste n’a pas

voulu un compromis contractuel parce que ça pouvait déranger sa liberté en tant que peintre.16

Un aspect curieux aussi, par exemple, c’est que Visconti, en suivant les leçons de

Grasset, a projeté une série de nouveaux timbres thématiques. Dans une lettre de 23 mars de

1901, le Président Campos Salles17 présentait Visconti au M. A. Maia pour traiter de timbres

14

COSTA, João Angyone. A Inquietação das Abelhas, Rio de Janeiro, Pimenta de Mello & Cia. 1927. Page 82. 15

MOTTA, Flavio L. Contribuição ao Estudo do Art Nouveau no Brasil. São Paulo, 1957. Page 36. 16

Idem Note 15. Page 37. 17

Manuel Ferraz de Campos Sales (Campinas, 15 février 1841 — Santos, 28 juin 1913) est un homme politique brésilien, 4ème président de la République des États-Unis du Brésil du 15 novembre 1898 au 15 novembre 1902.

1 3 2

postaux. Les travaux ont été publiés dans la Revue ‘‘L’Illustration’’, de 12 novembre de 1904.

Cependant, le gouvernement ne les a pas fabriqués.

Figure 5: Timbre ‘’L’électricité’’. Figure 6: Timbre ‘‘Le commerce’’. Figure 7: Timbre ‘‘La Force Aérienne’’

Figure 8: Timbre ‘’Le courrier’’. Figure 9: Timbre ‘’L’Union’’. Figure 10: Timbre ‘’La République’’.

Source général: http://www.eliseuvisconti.com.br/designer_arte_aplicada.htm

Visconti a fait, néanmoins, le ‘‘ex-libris’’ de la Bibliothèque Nationale et les peintures

décoratives du Théâtre Municipal de Rio de Janeiro, pour ce dernier il fut appelé trois fois à les

réaliser. La première fois en 1905 (quand le Théâtre n’était qu’un projet, il a exécuté les

décorations de la salle de spectacles encore à Paris), la deuxième en 1913 (les peintures

décoratives destinées au foyer du théâtre composées de trois parties : un grand motif central

qui décore le plafond et deux autres plus petits qui décorent les murs latéraux du foyer. De

nouveau le peintre exécuta ces commandes à Paris et, en 1915, il revint au Brésil afin de les

installer18) et la troisième et dernière en 1934 (une nouvelle frise décorative sur le proscenium,

18

‘‘D’après une lettre du 13 Février 1913 (document n.), où le Directeur général du Théâtre Municipal de Rio de

Janeiro, Francisco de Oliveira Passos, informe Eliseu Visconti des conditions du contrat d’engagement du peintre pour réaliser les peintures décoratives du foyer du théâtre, on est renseigné des détails suivants : le 4 janvier 1913, le Préfet de Rio de Janeiro accepta la proposition du peintre pour exécuter la décoration du plafond, des tympans et de médaillons sur les portes du foyer ; le délai pour la conclusion de la commande était de 36 mois à compter du 13 Février 1913, c’est-à-dire que les peintures devraient être marouflées jusqu’au 13 Février 1916 sur les murs du théâtre. D’après les cahiers de notes de Visconti conservés par son fils Tobias Visconti, on sait que le 27 septembre 1915, le peintre partait de Paris pour venir installer les oeuvres à Rio. Le travail de marouflage a été définitivement accompli le 18 Mars 1916. Le 5 Avril de la même année Visconti retournait à Paris, où l’attendaient sa femme et ses enfants.’’ [TAVARES CAVALCANTI, 1999. Page 227.]

travail qu’il exécuta entièrement à Rio et fixa sur les murs du théâtre en 1936). Tavares

Cavalcanti nous raconte son histoire :

‘‘Il se trouvait en France lorsqu’en 1905 il fut appelé à réaliser des peintures

décoratives destinées au Théâtre Municipal. Les deux années suivantes,

1906 et 1907, il exécuta ses premières décorations du théâtre, dans son

atelier à Neuilly-sur-Seine19. Il était pris par ce travail quand il reçut, le 22

Juin 1906, la communication selon laquelle il avait été choisi par le Conseil

de l’Escola Nacional de Belas Artes pour occuper un poste de professeur de

peinture. Il accepta l’invitation, mais déclara qu’il lui était impossible de

retourner immédiatement au Brésil, avant de finir les commandes du

théâtre.

À la fin 1907 il revint à Rio amenant avec lui les peintures finies pour les

installer dans les lieux définitifs, travail qui fut entièrement achevé en 1908.

Cette fois-ci il s'est fait accompagner par son épouse française, Louise

Palombe, et par leur fille, et assuma ses fonctions de professeur de peinture

à l’Escola Nacional de Belas Artes. Entre 1908 et 1913, Visconti habita à Rio

de Janeiro avec sa famille. Mais en 1913, après avoir reçu de nouvelles

commandes pour la décoration du Théâtre municipal, il retourna encore une

fois à Paris, en amenant toute la famille, pour y réaliser les grands

panneaux décoratifs du foyer de ce théâtre. La Première Guerre est venue

les surprendre en Europe et interdit le déplacement de la famille lorsque

Visconti vint à Rio en 1915, pour installer ses nouvelles peintures dans le

théâtre. Il fit seul le voyage, très dangereux à ce moment-là, et il s’en

retourna dès que la mise en place des œuvres fut terminée. Visconti ne put

rentrer définitivement, en amenant toute sa famille au Brésil, qu’en 1920.

Après quoi le peintre s’installa à Rio, où il a vécu et travaillé en tant

qu’artiste reconnu et aimé, jusqu’à son décès, le 15 octobre 1944.’’ 20

19

Situé au numéro 38, Boulevard du Château, à Neuilly-sur-Seine, cet atelier aurait appartenu à Puvis de

Chavannes. 20

TAVARES CAVALCANTI , Ana Maria. Les artistes brésiliens et “ Les prix de voyage en Europe ” à la fin du XIXe

siècle : vision d’ensemble et étude approfondie sur le peintre Eliseu d’Angelo Visconti (1866 - 1944). Thèse de Doctorat. Université Paris 1 - Panthéon Sorbonne. U.F.R. D’histoire De L’art Et Archéologie. 1999. Pages 169 a 171.

En analysant ce texte de référence, nous vérifions que, avec beaucoup de retard,

Visconti a commencé à enseigner définitivement l’art décoratif autour de 1934. Le Cours

fonctionnait avec l’École Polytechnique. Toute orientation était basée sur les normes apprises

au Cours de L’École Guérin, dont il avait conservé les cahiers et notes. Ces manuscrits ont

malheureusement disparu mais il reste les notes de sa fille, la peintre Yvone Visconti Cavalleiro,

et un cahier du Cours de Grasset.

Figure 11: Études d’ornementations florales présentées par Visconti pendant le Cours d’Extension Universitaire. Source : MOTTA, Flavio L. Contribuição ao Estudo do Art Nouveau no Brasil. São Paulo, 1957. Page 62.

Selon Motta, le contenu de ces matériaux confirme l’engagement et dévouement de

l’artiste quand il a étudié la problématique. Il a même analysé sur le microscope la structure de

tissus végétaux. Il a écrit : ‘‘Créer un dessin sur une ligne sèche ou tiret (pareil), donne toujours

un aspect rigide, mince et sans solitude. Aussi bien que varier les tailles de lignes et surfaces

est encore un moyen d’enrichir le dessin’’21. Visconti ajoutait et écrivait dans ses cahiers :

1. ‘‘Il faut qu’il y ait de la volonté et de l'envie dans un dessin. Éviter le vague et

l'indécision.’’ (Conception ‘‘vitaliste’’ de l’époque).

2. Parfois il dessinait une branche avec sa continuation déconnectée et notait :

‘‘non admissible’’. Après, à côté, il dessinait la même branche connectée avec sa

continuation, comme si c’était une même poussée et ajoutait : ‘‘admissible parce qu’il

existe l'envie’’.

3. ‘‘Le fer fondu a toujours un amincissement de l’extrémité et, normalement

cette extrémité est aplatie en forme d'éventail, en prenant une forme décorative’’.

21

Presque toutes les citations de notes de cahiers sont originalement trouvées en langue portugaise dans ses respectives références. La traduction a été assurée par l’auteur cet article.

4. ‘‘Plisser la courbe pour l’enrichir’’. C’est un principe qui preuve le souhait de

faire d’une ligne courbe un objet qui donne plus de contenu à l’ornementation et,

donc, à l’architecture.22

Si nous remontons un peu dans le temps, nous remarquons que les peintres Georgina

de Albuquerque et Lucílio de Albuquerque ont rencontré Visconti à Paris, en 1906. Il a conseillé

à Lucílio de fréquenter les cours de Grasset et, en suivant ses orientations, Lucílio a étudié de

1907 à 1909 à l’École Guérin. Pendant les séances, Lucílio copiait les dessins de Grasset et à

côté de chacun, comme Visconti, il prenait des notes. Ce sont ses notes et cahiers qui nous

permettent de voir, plus profondément, le type d’enseignement que Visconti a reçu.

Malheureusement, Lucílio a peu fait d’Art Nouveau en revenant d’Europe.23

Visconti est considéré comme un artiste qui, situé à la charnière de deux siècles,

représente le passage de l’art académique à l’art moderne.24

22

MOTTA, Flavio L. Contribuição ao Estudo do Art Nouveau no Brasil. São Paulo, 1957. Page 38. Voir Note numéro

20. 23

MOTTA, Flavio L. Contribuição ao Estudo do Art Nouveau no Brasil. São Paulo, 1957. Page 39. 24

Voir Référence 18. Page 172.

Lucílio de Albuquerque (1877 Barras/Brésil – 1939 Rio de Janeiro/Brésil)

Les Cahiers et Leçons d’Art Nouveau25

Quand, en 1906, Lucílio de Albuquerque gagne le Prix de Voyage en Europe du Salon

National de Beaux-Arts, il s’installe à Paris avec sa femme, la peintre Georgina de Albuquerque

(1885-1962), pour cinq ans.

Pendant cette période à Paris, de 1906 à 1911, il étudie à l’École Nationale Supérieure des

Beaux-Arts et à l’Académie Julian, où il fréquente les cours de Jean Paul Laurens, Henry Royer,

Gervais et Marcel Baschet. En même temps, il suit les cours de l’École Guérin avec Eugène

Grasset. Nous trouvons conservés les cahiers que Lucílio avait fait à l’occasion de ces cours,

dans lesquels il y a les dessins, notes et analyses de plantes et décorations organisés par

tendances Art Nouveau, parmi lesquelles nous observons le symbolisme, les préraphaélistes et

le ‘arts and crafts’ anglais.

25

MOTTA, Flavio L. Contribuição ao Estudo do Art Nouveau no Brasil. São Paulo, 1957. Pages 41 à 45.

Figure 12: Autoportrait de Albuquerque. Huile sur toile. 55,2 × 46 cm. Sans date. Collection du Musée d’Histoire et Arts de l’État de Rio de Janeiro – Nitéroi. Source : Google.

Figure 13: Portrait de Georgina de Albuquerque. Huile sur toile. 1907. Collection de la Pinacothèque de São Paulo. Souce : http://www.museus.gov.br/tag/lucilio-albuquerque/

Nous allons analyser ses notes26 qui sont des exemples théoriques sur la représentation de

la nature et le dualisme entre forme et contenu:

1) ‘‘Quand nous étudions une plante il faut bien vérifier de quelle famille elle fait partie’’,

c’est-à-dire, quelle loi structure sa forme naturelle.

2) ‘‘Dans la nature, toutes les combinaisons sont trouvées’’. La nature comme un facteur

de continuité et de nouvelles suggestions.

3) ‘‘Il faut aussi dessiner la plante telle qu’on la voit’’.

4) ‘‘Il faut modéliser toujours dans le sens de la forme’’, c’est-à-dire, transformer le

modelé dans un élément rythmique, plus bidimensionnel.

5) ‘‘On doit conserver la clarté du dessin’’, en cherchant à définir le contraste et implanter

la ‘‘volonté de l’art’’.

6) ‘‘Éviter la confusion d’éléments en arrière-plan – simplification – clarté’’. ‘‘Chercher les

éléments parfaits ; éviter les défauts de la nature’’. (Figure 15)

7) ‘‘Dans les chrysanthèmes il y a peu de mouvement sur la surface de feuilles’’. Grasset

utilisait beaucoup les chrysanthèmes en décoration parce que c’est un élément floral

où les lignes et rythmes ne suggèrent pas l’ombre ni les tracées.

8) ‘‘Dessiner d’abord les formes’’ – ça veut dire, tracer en premier les lignes générales, la

loi fondamentale de la symétrie qu’on observe dans les plantes ; appliquer une

perception globale réduite à l’expression simplifiée, pour après l’enrichir, comme

‘‘volonté de la forme’’, avec les détails.

26

Voir Note numéro 20.

Figure 14: Pages d’um cahier de notes. 1906-1911. Source : Lucílio de Albuquerque 1877-1939 [Catalogue d’Exposition, organisation de P. E. Grinberg] Rio de Janeiro, Caixa Cultural, 27 Septembre à 5 Novembre 2005. Page 9.

9) ‘‘Pas d’ombres’’. Les ombres définissent le volume et conduisent à une troisième

dimension qui est opposée au sens décoratif bidimensionnel typique de l’Art Nouveau.

10) ‘‘Il faut que ce soit voulu.’’ 27 Recommandation que Visconti répétait à ses élèves et qui

correspondait aux idées de Riegl28 de ‘‘volonté de la forme’’.

11) ‘‘Ne pas être avare, pas de petits détails’’. C’est une leçon qui, pour un architecte de la

période, ne s’applique pas. Parce que la simplicité pour le décorateur c’était la

complexité pour l’architecte qui utilisait l’ornement.

12) ‘‘Il ne faut pas faire une application d’une étude d’après nature, il faut faire une

composition que ce soit voulu, créer, faire quelque chose de nous-mêmes’’. Envie

27

Phrase d’origine en langue française. Pas de traduction nécessaire. 28

Membre de la première école de Vienne, inspirateur de Walter Benjamin, Alois Riegl a été canonisé par l’histoire de l’art. Pourtant l’auteur de l’Industrie artistique à la fin de l’époque romaine et des Questions de style reste à certains égards très dépendant d’un hégélianisme épigonal. Son œuvre, dont on a trop tendance à reconstruire l’unité, exprime la tension entre les aperçus généraux et un formalisme qui s’attache aux détails de l’art utilitaire et de ses ornementations. Cet intérêt pour le détail est toutefois mis au service d’une étude des transformations de la volonté artistique qui quitte un mode de perception tactile au profit d’un mode visuel ou optique. Le concept de volonté artistique n’est pas dépourvu d’une dimension vitaliste, mais celle-ci est contenue par des structures de fonctionnement, de production qui la compensent. Dans sa dernière phase de création Riegl se tourne vers l’usage historiquement et socialement institutionnalisé que l’homme fait de l’art, vers le dialogue entre les figures et l’observateur et pose les jalons d’une esthétique de la réception. (Wolfgang Kemp, traduction d’Olivier Mannoni) Source : http://rgi.revues.org/457

Figure 16: Croquis d’Albuquerque réalisés pendant le Cours de Grasset de 1907-1909. Source: MOTTA, Flavio L. Contribuição ao Estudo do Art Nouveau no Brasil. São Paulo, 1957. Page 64.

Figure 15 : Croquis d’Albuquerque réalisés

pendant le Cours de Grasset de 1907-1909. Texte

Original ‘‘Evitar a confusão de motivos que ficam

atrás – simplificação – clareza. ’’ ‘‘Procurar sempre

motivos perfeitos; evitar os defeitos da natureza’’.

Source: Idem. Page 6

d’affirmation de valeur individuelle, de personnalité. Comment se disait à l’époque :

‘‘La personnalité, voilà ce qui nous sauvera!’’29

13) ‘‘Dans la nature les chrysanthèmes sont collés les uns aux autres. Naturellement ce

qu’on voit le plus c’est la masse de feuilles. Il faut faire opposition’’. C’est, enfin, mettre

en évidence les valeurs individuelles.

14) ‘‘La dissémination de motifs ramène la manque d’effet. Il faut se préoccuper du

mouvement général de courbes’’.

15) ‘‘Il faut tracer la forme géométrique, mais ne pas devenir son esclave. Une fois faite,

l’effacer’’. La forme géométrique était le brouillon, donnait les orientations premières

et ce n’est pas toujours qu’elle correspondait à une compréhension intégrale de la

forme. La production se divisait alors en deux étapes, où la deuxième pouvait nier la

première. Le procès analytique ne correspond pas toujours à un souhait de synthèse

qu’accompagne l’intuition première de la forme. Cézanne avait déjà éliminé cette

contradiction.

29

WILDE, Oscar. El Renacimiento del Arte Ingles, traduction de R. Bauzál. Editorial Littere. Buenos Aires, 1945. Page 14.

Figure 17: Croquis d’Albuquerque réalisés pendant le Cours de Grasset de 1907-1909. Texte original: ‘’Copie naturelle’’, ‘’Application‘’. Source: MOTTA, Flavio L. Contribuição ao Estudo do Art Nouveau no Brasil. São Paulo, 1957. Page 65.

Figure 18: Croquis d’Albuquerque réalisés

pendant le Cours de Grasset de 1907-1909.

Analyse du chrysanthème. Source: Idem. Page

65.

16) ‘‘Analyse géométrique du chrysanthème’’. Avec cette note sous un schéma

géométrique de la fleur, on observe que le critère analytique cherchait à choisir les

formes qui s’adaptaient le mieux à cette méthode (Figure 15). C’est la méthode qui

cherche l’objet convient pour ne pas se sentir, comme disait Grasset, ‘‘esclave’’.

17) ‘‘Dans l’étude du naturel on peut faire toutes les modifications qu’on veut, tant qu’on

respecte le caractère’’. Ils ont étudié les formes végétales comme si chacune avait son

‘‘style’’. Le caractère de l’objet était le résultat de la ‘‘projection sentimentale’’, du

souhait d’enrichir le schéma géométrique qui est né, d’abord, de la propre observation

de la nature.

18) ‘‘Teinture au pochoir’’. Cette technique fut beaucoup utilisée dans la période et

s’adapte parfaitement à la décoration bidimensionnelle.

19) ‘‘Jamais faire passer une feuille – dans le pochoir – sur une jonction’’. Ça veut dire,

éviter les superpositions de formes qui annulent la délicatesse, la continuité et

l’orientation de branches.

20) ‘‘On doit subordonner toutes les formes à notre volonté, pas au hasard’’. En fait, avec

les exemples de Grasset de réduction du chrysanthème à des formes triangulaires,

demi-cercles ou carrés, on vérifie qu’il existe une contradiction avec les principes

adoptés à la note précédente (numéro 20), parce que c’est une affirmation imaginaire

en termes de dualité, où le schéma géométrique subjugue le contenu d’inspiration

naturaliste.

21) ‘‘Ce n’est pas nécessaire de rester limité à l’espace géométrique et il convient encore

d’en sortir un peu, et que l’air pénètre ; pas de contours rigides’’. Ici on voit un concept

qui s’oppose à l’affirmation initial de ‘‘clarté du dessin’’ – ‘‘simplification’’. C’est

encore un dualisme de forme et contenu.

22) ‘‘L’idéal dans la nature est sortir’’. Albuquerque illustre avec un schéma de plante

vivante et de la plante desséchée : la première, pleine d’une impulsion vitale, part des

racines et cherche la lumière ; la deuxième, qui a les lignes descendantes, comme

ramenées par le propre poids de la main, inertes.

23) ‘‘Pour avoir un style il faut transformer la nature’’.

24) ‘‘La sculpture est une chose matérielle, parce que c’est avec les doigts qu’on la modèle

et pas avec les yeux’’. On voit dans cette phrase la préoccupation de caractériser le

type de langage spécifique de chacun des arts.

25) ‘‘La modélisation dans les fleurs n’existe presque pas dans la nature’’. Encore une

inquiétude d’enlever la volumétrie.

Figure 19: Croquis d’Albuquerque réalisés pendant le Cours de Grasset de 1907-1909. Texte original: ‘‘Devemos subordinar todas as formas à nossa vontade, não ao acaso‘’. Source: MOTTA, Flavio L. Contribuição ao Estudo do Art Nouveau no Brasil. São Paulo, 1957. Page 65.

Figure 20: Croquis d’Albuquerque réalisés pendant le Cours de Grasset de 1907-1909. Texte original: ‘‘É preciso preocupar-se com o aspecto do conjunto. O aspecto das folhas, das flores, etc‘’. Source: Idem. Page 64.

26) ‘‘La feuille n’est jamais plate – elle se plisse toujours en deux.’’ Le plan existe

indépendant de l’idée de volume, de contraste, de l’expression du modelé, continuité

en profondeur.

27) ‘‘Plus le motif est isolé (dessin), plus il deviendra riche’’. Le motif est conjoint de

l’ornementation.

28) ‘‘Cacher l’arrière-plan le plus possible’’. Ce type de phrase contredit, sans doute, la

pensée sociale de l’époque et l’idée qu’en architecture il faut faire apparaitre la

structure.

29) ‘‘Il ne faut pas se soumettre au goût du public, qui est sans goût et n’a aucune valeur –

c’est comme un enfant naïf’’. Les relations entre l’artiste et le peuple qui s’intéresse à

l’art décoratif, ont ramené Jean Lahor à apprécier le problème en termes d’une fatalité

historique : la Révolution Française, qu’il ‘‘ne condamnait pas, mais constatait’’ :

‘‘Tout cela n'est plus; le peuple entré dans l'âge adulte a perdu, avec

son inconscience et son ignorance primitives, quelques-unes de ses

hautes qualités, et d'abord ses facultés créatrices. Il y a là un fait

historique il date de 89 il y a là une fatalité que je constate je ne

blâme, je ne condamne rien. Mais le peuple ainsi n'ayant plus d'art à

notre époque, et ne pouvant, il me semble, se le recréer par lui-même,

c'est à nous de le lui redonner et cette tâche est noble, digne

d'intéresser de nobles esprits. L'âge d'innocence n'est plus; un autre

âge est venu pour les foules populaires elles rêvaient jadis, comme

l'enfant rêve, plus qu'il ne pense; elles ne rêvent plus, elles ne pensent

pas encore ou pensent confusément. Aidons-les à penser, à marcher

dans leur vie nouvelle ; aidons-les et guidons-les; cherchons à leur

rendre le sens de l'art et du goût qu'elles ont perdu. L'indifférence du

siècle pour tout ce qui ne fut pas l'utile, l'utile sans rien de plus, le peu

de besoin qu'il eut de la décoration, ce goût abominable dont il fit

preuve en celle qu'il accepta, tout cela est bien singulier, et se

comprend à peine après des époques, où l'on parait, ornait,

embellissait toute chose, où de toute chose, sans recherche, sans

effort, l'on faisait une œuvre artistique.’’ 30

C’est sûr que l'acquisition de ces connaissances ont été mises en pratique par l’artiste

dans les travaux de vitraux pour le Pavillon Brésilien de l’Exposition Universelle de Turin (1911)

et dans ses fresques pour l’ancien Conseil Municipal de Rio de Janeiro, qui est devenu en 1921

l’Assemblée Législative31.

Juste après son retour de Paris, Albuquerque réalise une exposition à l’École Nationale

de Beaux-Arts, sa première exposition à Rio de Janeiro (avec la peintre Georgina de

Albuquerque) avec 107 peintures, dessins divers, dessins de l’académie, croquis de nus, cartes

pour les vitraux du Pavillon Brésilien à Turin et aussi études pour ces cartes. Toutes les œuvres

ont été produites en Europe.32

Il devient professeur de Dessin Figuré en 1916 à ENBA et le restera jusqu’à la fin de sa

vie. De 1937 à 1938 il est directeur de l’École, et il meurt en avril 1939. L’artiste a eu une vie

très active dans le monde de la peinture. Pendant sa vie, il a exposé ses travaux dans plusieurs

villes au Brésil et à l’extérieur (France, Argentine et États-Unis). Après sa mort, sa femme a

déclaré : ‘‘Lucílio a vécu exclusivement pour l’art qu’il a aimé et respecté, il ne la jamais

mercantilisé. Laborieux, réservé, toutes ses pensées et tous ses sentiments, il les fuit à travers

de son art.’’

30 LAHOR, Jean. L'Art Nouveau : son Histoire, L'Art Nouveau Étranger a L'Exposition, L'Art au Point de Vue Social.

Paris, Lemerre, 1901. Page 91. 31

Informations sur le Palais: https://frags.wiki/images/b/b0/Was_palacio_camara_municipal.pdf 32

GRINBERG, Piedade Epstein. Lucílio de Albuquerque na arte brasileira. 19&20, Rio de Janeiro, v. III, n. 3, jul. 2008. Disponible sur: <http://www.dezenovevinte.net/artistas/la_peg.htm>.

Conclusion

Nous pouvons comprendre à partir de cette analyse que ces artistes ont eu un rôle très

important dans le développement et l’enrichissement de l’art décoratif brésilien. Cette

tentative de création d’une identité artistique nationale est aussi la principale caractéristique

du Mouvement Moderne Brésilien dans les Manifestes de la période. Il faut aussi remarquer

que le Brésil a eu d’autres personnages importants pour ce sujet.

Le travail de Patrícia Bueno Godoy sur Theodoro Braga et Carlos Hadler33 est

remarquable. Une bibliographie assez distincte est disponible dans les références de cet article

pour comprendre le travail de ces professeurs. En synthèse, ces artistes et enseignants ne sont

pas partis en Europe mais, influencés par la méthode de Grasset, ils se sont inspirés sur la

faune, flore, mythologie et motifs ornementales indigènes brésiliens pour créer une œuvre

remplie de formes et couleurs nationales.

Pour Theodoro Braga, l’enseignement et l’art marchaient ensembles c’est seulement

avec cette union qu’il était possible de trouver un art légitiment brésilien et distingué des

copies étrangères, comme c’était la mauvaise habitude à l’époque. Il a produit des analyses

ornementales manuscrites34 sur l’enseignement décoratif au Brésil et, à la fin des années 20, il

a fondé l’École Brésilienne d’Art pour les enfants de 8 à 14 ans en inaugurant ‘‘le phénomène

de l’art comme activité extracurriculaire’’35. Pour lui, l’essentiel était l’inclusion de thématiques

nationales au sein scolaire pour l’enseignement du dessin.

Les spécialistes sur cette thématique ont appris les idéaux de Braga. Parmi eux, Carlos

Hadler fut un des plus importants. La création d’un travail, composé de 88 planches avec des

motifs décoratifs plutôt inspirés sur l’art indigène, fut très importante pour le Mouvement

Moderniste d’Art. Son travail et ses expositions comme enseignant de peinture à l’École

Professionnel de Rio Claro (Provence de São Paulo) ont suscité l’attention de Mário de

33 BUENO GODOY, Patrícia.

. O desenho brasileiro e a afirmação de uma iconografia nacionalista no século XX. (Brazilian drawing and the expression of a nationalist iconography in the 20th century). UFG.

. Theodoro Braga e a obra de Nacionalização da Arte Brasileira. UFG. 2012.

. O Nacionalismo Na Arte Decorativa Brasileira – De Eliseu Visconti a Theodoro Braga. Article UNICAMP.

. Carlos Hadler e o ensino do desenho: Arte Decorativa Brasileira na Década de 1930. Article FAV-UFG. 34

BUENO GODOY, Patrícia. Arte Decorativa Brasileira : A Planta Brazileira (Copiada do Natural) Applicada à

Ornamentação de Theodoro Braga. Article de Revue ‘‘Historia da Arte e Arqueologia’’. Numéro 5. Décembre 2005. UNICAMP. 35

BARBOSA, Ana Mae. “Entre memória e História”. In: Ensino da Arte: memória e história, 2008. p. 2.

Andrade : poète, romancier, musicologue, photographe et critique d'art qui fut l'un des

fondateurs du modernisme brésilien avec la publication de ‘‘Paulicéia Desvairada’’ en 1922.

Enfin, nous comprenons que le travail de ces artistes et enseignants a beaucoup aidé la

création et le développement d’un style décoratif brésilien. Les travaux artistiques et les

publications littéraires sont la preuve que cet effort a donné des résultats. Cependant, il

faudrait continuer des études approfondies sur ce sujet pour mieux comprendre et pour

cataloguer les œuvres de cette période. Le travail de Patrícia Bueno Godoy est un début

remarquable que nous pouvons trouver aujourd’hui dans de domaine de Recherche d’Histoire

de l’Art au Brésil.

Bibliographie

BARATA, Frederico. Eliseu Visconti e seu tempo. Rio de Janeiro, Pimenta de Mello & Cia.,1927.

BARBOSA, Ana Mae. “Entre memória e História”. In: Ensino da Arte: memória e história, 2008. Page 2.

BUENO GODOY, Patrícia. O desenho brasileiro e a afirmação de uma iconografia nacionalista no século XX. (Brazilian drawing and the expression of a nationalist iconography in the 20th century). UFG.

. Theodoro Braga e a obra de Nacionalização da Arte Brasileira. UFG. 2012. Disponible sur: http://www.anpap.org.br/anais/2012/pdf/simposio8/patricia_godoy.pdf

. O Nacionalismo Na Arte Decorativa Brasileira – De Eliseu Visconti a Theodoro Braga. Article UNICAMP. Disponible sur : http://www.unicamp.br/chaa/rhaa/atas/atas-IEHA-v3-078-086-patricia%20bueno%20godoy.pdf

. Carlos Hadler e o ensino do desenho: Arte Decorativa Brasileira na Década de 1930. Article FAV-UFG. Disponible sur: http://www.anpap.org.br/anais/2013/ANAIS/comites/htca/Patricia%20Bueno%20Godoy.pdf

. Arte Decorativa Brasileira : A Planta Brazileira (Copiada do Natural) Applicada à Ornamentação de Theodoro Braga. Article de Revue ‘‘Historia da Arte e Arqueologia’’. Numéro 5. Décembre 2005. UNICAMP. Disponible sur: http://www.unicamp.br/chaa/rhaa/english/revista05.htm

CAVALCANTI SIMIONI, Ana Paula . Le voyage à Paris : l’Académie Julian et la formation des artistes peintres brésiliennes vers 1900. Cahiers du Brésil contemporain, n° 57-58/59-60 (2004-2005), p. 261-281. [en ligne] Disponible sur : http://www.revues.mshparis.fr/vernumpub/D-5-Simioni.pdf

COSTA, João Angyone. A Inquietação das Abelhas, Rio de Janeiro, Pimenta de Mello & Cia. 1927. Page 82.

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