Ebook PTGPTB(vf) n°6 : Une brève histoire du JdR

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Transcript of Ebook PTGPTB(vf) n°6 : Une brève histoire du JdR

  • S o m m a i r e

    Ebook PTGPTB(vf) n6 Une brve histoire du jeu de rlea commence icidito

    Une brve histoire du jeu de simulation papier 1re partie Les jeux de plateau, les jeuxde figurines et les wargames

    Introduction : La grande famille des jeuxLes jeux de plateau (JdP)Les jeux de figurinesLes wargames

    Braunstein : les racines des jeux de rlesMajor Wesely : Le Premier MJEssayer, encore et encoreDave Arneson : Rliste Ex NihiloLes rlistes modernes : Apprenez un singe faire des grimacesChanon manquant, perte de sens vous de jouer

    Une histoire du jeu de rle

    Premire partie : un petit pas pour un wargamerNos AnctresDe ltincelle la flammeUne association lgendaireUn hommage final Dave Arneson

    Deuxime partie : rouverture de la bote de PandoreLes PrtendantsTunnels et Trolls (St Andre, 1975)Chivalry and Sorcery (Fantasy Games Unlimited, 1977)LEmpire contre-attaque

    Troisime partie : Survenance de lge dorLa rue vers lorTraveller dcolleLunion fait la forceLe bijou de la couronneLapoge dAthnes

    Quatrime partie : Enfer et paradis de la financeDes dbuts tragiques

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  • Lge des tnbresLge dor continueLirrsistible TSR

    Cinquime partie : le pouvoir et la gloireRegardez, l-haut dans le ciel !Les studios UniversalLe chaos des produits drivsLa bande des quatre

    Sixime partie : rvolution !

    Septime partie : de nouvelles manires de jouer

    Huitime partie : lge des tnbres

    Neuvime partie : la fin et le commencement

    Postface

    ANNEXES

    Greg CostikyanPrsentationArticles traduits sur PTGPTB(vf)

    Ben RobbinsPrsentationArticles traduits sur PTGPTB(vf)

    Places to go, people to be (VO)Dans le numro 1Dans le numro 2Dans le numro 3Dans le numro 4Dans le numro 5Dans le numro 6Dans le numro 7Dans le numro 8Dans le numro 9Dans les autres numros

    Steve DarlingtonPrsentationArticles traduits sur PTGPTB(vf)Ailleurs

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  • Se tenir au courantLes ebooks Places to go, People to be (VF)Crdits

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  • a c o m m e n c e i c i

    Mention lgale importante :Si vous souhaitez partager cet ebook, nous vous encourageons mettre un lien vers la

    page de notre site (ptgptb.free.fr) plutt que de le pomper honteusement.En effet, tous les textes contenus dans cet ebook demeurent la proprit de leur(s)auteur(s) et de PTGPTB (version franaise). Toute reproduction de texte en dehors de cetebook et qui dpasse la longueur raisonnable dune citation (cest--dire, en rgle gnrale,un ou deux paragraphes) est donc strictement interdite.Si vous reproduisez une grande partie ou la totalit du texte de cet ebook sanslautorisation crite de PTGPTB (version franaise), et que vous diffusez ladite copiepubliquement (sites Web, blogs, forums, imprims, etc.), vous reconnaissez que vouscommettez dlibrment une violation des lois sur le droit dauteur, cest--dire un acteillgal passible de poursuites judiciaires.

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  • d i to

    Bonjour tous,LHistoire et moi, a a toujours fait 2. La preuve, jai eu 6 au bac ! Et je ne vous parle

    mme pas du magnifique 1,2 (si, si) que jai obtenu lpreuve dHistoire du concoursdentre Normale Sup. Remarquez, quand on rvise la Chine populaire et que a tombesur la dcolonisation, il ne faut pas stonner de ne pas atteindre les sommets

    Bref, tout a pour vous dire que, quand le rdacchef de Places to go, people to be (vf) mapropos de faire un ebook spcial Histoire du JdR, je lai senti moyen. Mais on ne fait pastoujours ce quon veut dans la vie et, dans le mme temps, je sentais bien que ctait unsujet quil faudrait traiter sous peu. Vu que dautres blogs se sont rcemment fait lcho denos articles historiques, nous avons juste saisi la balle au bond pour proposer un dossierarcho-rliste. Mais dans le mme temps, comme il sagit de JdR, la pilule passe touteseule.

    Cet ebook (le sixime, dj) abordera donc dans un premier temps un historique rapidedes jeux de simulation. Les JdR tant une branche de ces jeux-l, il nous semblait judicieuxde remettre notre loisir en perspective. Et pour cela, nous laisserons la plume de GregCostikyan sexprimer.

    Puis, avant que le JdR proprement parler ne fasse son apparition, Ben Robbinsabordera Braunstein, une sorte danctre mconnu du jeu de rle.

    Enfin, nous laisserons la parole Steve Darlington, dont la monstrueuse histoire duJdR a le mrite de traverser 25 annes de notre loisir.

    Gardez lesprit que cette histoire du JdR concerne principalement le marchanglophone, mme si de nombreux titres prsents ont t traduits chez nous. De la mmemanire, en couvrant un spectre aussi large que celui allant des annes 1970 2000, on nepeut prtendre lexhaustivit. Certains lments pourraient donc manquer. Enfin chaqueHistoire a ses jalons et cette dernire sarrte laube des annes 2000. La suite resteencore crire

    Bonne lecture tous,Benoit Huot,

    rdacteur en chef de la division ebook

    P.S. : Si vous avez des remarques ou suggestions concernant cet ebook et les autres (leprcdent, les suivants), une seule adresse : [email protected].

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    mailto:[email protected]

  • U n e b r v e h i s to i r e d u j e u d es i m u l a t i o n p a p i e r

    1 r e p a r t i e L e s j e u x d e p l a te a u ,l e s j e u x d e f i gu r i n e s e t l e s

    w a rga m e s 1994 Greg Costikyan

    Un article de Greg Costikyan, tir de Costik, et traduit par Rappar

    Remarque : Cet article est normalement compos de deux parties, la seconde se concentrant davantage sur les jeux de rles et de cartes.Afin d'viter toute redite avec les articles, plus dtaills, de Steve Darlington, nous ne mettons pas cette deuxime partie dans cet ebook.

    Vous pouvez nanmoins, la lire ici si vous le dsirez.

    Note du Traducteur : le traducteur a fusionn deux articles qui se recoupent :A Short Histor y of Paper Games (1994) et Dont Be a Vidiot What Computer GameDesigners Can Learn From Non-Electronic Games discours tenu en 1999 lors duneconfrence de dveloppeurs de jeux vido. Ceci pour une information plusexhaustive, jour, et qui ne tourne pas autour de la cration de jeux vido. Celadonne par endroits des rptitions et une impression de dcousu, imputables donc autraducteur, dont nos lecteurs voudront bien nous excuser.

    Lauteur dnomme parfois des types de jeux ci-dessous Hobby games, quipourrait se traduire par : les jeux que lon trouve dans les boutiques spcialises ; ilutilise le terme adult games comme dans adult boardgames, par opposition auxjouets pour enfants. On trouve aussi paper games, par opposition aux jeux surordinateur. Nous avons choisi de tous les regrouper sous le terme de jeux desimulation papier, excluant les jeux vido, mme si videmment ces derniers sontbien entendu des jeux de simulation.

    Introduction : La grande famille des jeux()Tom Disch, un brillant auteur de science-fiction qui est depuis pass une brillante

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    http://www.costik.com/http://www.costik.com/http://ptgptb.free.fr/index.php/une-breve-histoire-du-jeu-de-simulation-papier-2http://www.costik.com/paphist.htmlhttp://www.costik.com/vidiot.htmlhttp://en.wikipedia.org/wiki/Tom_Disch

  • carrire dcrivain classique, a une expression pour les crivains de SF qui ont peu decomprhension de toute autre littrature que la SF ; il les appelle les sciences-fictionodes et explique que leur manque de connaissances les limite une poigne detechniques littraires, les empche de voir limportance du personnage, et limite leurimagination. Il soutient quun crivain qui souhaite matriser son art doit lire beaucoup,des uvres de tous les domaines, de son genre littraire et dautres.

    Je crois quune situation analogue existe chez les dveloppeurs de jeu vido [et lescrateurs de JdR, NdT]. Si votre seule exprience des jeux vient des jeux darcade, desconsoles et des PC [ou des JdR seulement, NdT] surtout si votre exprience est issue dejeux publis ces cinq dernires annes votre imagination sera restreinte. Vous ne verrezque ce qui existe ici et maintenant, et vous serez naturellement enclins modeler leschangements autour de ce qui est apparemment possible, plutt que dexplorer desalternatives intressantes. Votre palette de techniques, votre prhension des potentiels,sera limite. Vous serez, si vous voulez excuser le terme, un vidiot, une personne dont laseule connaissance des jeux vient des jeux vido.

    Si, dun autre ct, vous explorez cette trange chose variable que nous appelons lejeu dans toutes ses manifestations, vous verrez que lunivers est vaste, que ltendue destechniques est norme, que cest vraiment un mdia de grande lasticit. Vous aurez unesource laquelle puiser des ides plus puissantes, un champ plus tendu dides que vouspouvez voler, des paules plus larges sur lesquelles vous tenir.

    Daprs mon exprience, les crateurs de jeux vido mconnaissent beaucoup les jeux desimulation papier ; ils sont plus ignorants que les crateurs de jeux de simulation papier lesont des jeux vido. Je pense que les deux peuvent fructueusement apprendre les uns desautres. En fait, jirai mme jusqu dire que, bien que les diffrences entre les mdias nedoivent jamais tre minimises, et quil est important de reconnatre les limitations, lesavantages, et lesthtique de leurs diffrentes formes, tous les jeux partagent certainsfondamentaux. Une comprhension plus large de toutes les formes ne peut qutrebnfique pour le crateur qui souhaite avoir un contrle conscient de son art.

    Je propose donc dexposer brivement lvolution des jeux de simulation papier, unevolution qui continue encore maintenant, et par la suite, de rflchir plusieurs principeset concepts fondamentaux qui sous-tendent les jeux de toutes sortes.

    () Les jeux non-vido ont exist depuis bien plus longtemps que les jeux vido. On aexplor bien plus de styles de jeu dans des mdias non-lectroniques, ne serait-ce que parceque vous pouvez dvelopper un jeu non-vido pour un budget de quelques sous ; pour lepapier, le carton et lencre. Le risque occasionn par le dveloppement de jeux non-vidoest bien plus limit, et ceci a entran une crativit bien plus grande.

    Les enfants apprennent en jouant, donc nous pouvons supposer que les jeux, qui sontsimplement la formalisation de parties, ont exist depuis que lvolution du langage apermis aux hommes de ngocier et de se mettre daccord sur des rgles. Les jeux de ballonsemblent universels ; et des ds de formes varies remontent quatre mille ans en arrire. vrai dire, les ds 20 faces que les jeux de rles ont rcemment rendus populaires sont trsanciens ; il y en a un trs bel ensemble, de lantiquit romaine, au British Museum.

    Les toutes premires histoires, de Gilgamesh Beowulf, taient de tradition orale ; ce ne

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    http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%A9pop%C3%A9e_de_Gilgameshhttp://fr.wikipedia.org/wiki/Beowulf

  • fut pas avant les Grecs quapparurent des uvres soigneusement labores, attribuables des auteurs identifis. Ce nest qualors que les pices de thtre et les rcits furentconsidrs comme un art, et leurs crateurs comme des artistes.

    De mme, nos jeux les plus anciens sont les produits dune tradition populaire : leschecs, le go et lawl. Ce nest pas avant le dbut du XXe sicle que les genscommencrent fabriquer exprs des jeux, les attribuant des crateurs individuels. Cenest que depuis quelques dcennies que les jeux sont considrs comme un art, et leurscrateurs comme des artistes.

    Le premier jeu de simulation conu comme tel que je connaisse, fut le Jeu du Roi,cr en 1780 pour le Duc de Brunswick par Helwig, Matre des Pages. Le Jeu du Roi tait,dans un sens, une variante des checs ; mais son plateau tait fait de 1666 carrs, composde diffrents types de terrains, et les units reprsentaient linfanterie, la cavalerie etlartillerie. Ctait une tape du jeu vers la simulation ; mais il resta avant tout undivertissement.

    En 1824, le lieutenant von Reisswitz de larme prussienne imagina un jeu qui utilisaitdes cartes militaires ralistes lchelle de 1:8000e. Il en fit une dmonstration au chefdtat-Major de larme prussienne, qui sexclama : Ce nest pas un jeu du tout ; cest uneformation la guerre ! et il commanda une copie pour chaque rgiment de larme. Ce jeuet ses variantes continurent tre jous dans les forces armes prussiennes et allemandespendant des dcennies.

    En 1876, le colonel von Verdy du Vernois de larme allemande imagina une nouvellesorte de Kriegspiel (jeu de guerre) : il se dbarrassa des rgles complexes de von Reisswitz,et la place, il introduisit un officier expriment comme matre de jeu. Les joueurstaient autoriss faire tout ce quils voulaient, aussi longtemps que le matre de jeu ledclarait ralisable. En un sens, ces Kriegspieler moins rigides taient des prcurseurs du jeude rle moderne.

    Les jeux de guerre taient communment utiliss pour linstruction travers lEurope la fin du XIXe sicle, et leurs drivs les complexes simulations de combat, tantmanuelles que simules informatiquement sont couramment utilises de nos jours dansles forces armes de toutes les nations dveloppes.

    Les jeux de plateau (JdP)La fin du XIXe sicle vit aussi les premiers jeux de plateau et jeux de cartes

    commerciaux. Ils taient pour la plupart soit une version commerciale de jeux populairescomme les checs, les dames, le jeu de loie et le whist, soit des variantes mineures. Maisles fabricants de jeux commencrent galement promouvoir des titres populaires moinsconnus comme Pacheesi [ou Parcheesi, ou Pachisi : jeu de poursuite d'origine indienne, NdT], etproduisirent les premires crations originales dposes. George Parker fonda ParkerBrothers en 1883, et publia sa premire cration la mme anne, Banking. Milton Bradleyfonda sa socit ponyme en 1860 comme imprimeur de lithographies, et commena diter des puzzles et des jeux de plateaux en 1860.

    Au dbut du XXe sicle, les jeux commerciaux se rpandirent. Les premiers succs de

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    http://fr.wikipedia.org/wiki/Aw%C3%A9l%C3%A9http://fr.wikipedia.org/wiki/Pachisi

  • Parker Brothers furent Rook et Pit (1), publis en 1903. Le Monopoly de Charles Darrow unjeu essentiellement plagi sur Le jeu du propritaire de Lizzie Magie devint un normesuccs aprs sa publication en 1936, faisant de Darrow le premier crateur de jeuindpendant devenir millionnaire, et incidemment sauvant Parker dune probablebanqueroute.

    Il est utile de se rappeler que les JdP sont un loisir bon march ; vous pouvez y jouerencore et encore une fois que vous avez achet la bote. Et pendant la Dpression, largenttait rare pour la plupart des gens.

    Aprs la Seconde Guerre mondiale, le jeu de plateau crt avec lconomie amricaine, laplupart des JdP classiques tant publis dans les annes 50 et 60 Candyland en 1949, Lejeu de la vie en 1960 (bien que des jeux antrieurs du mme nom aient t publis aussi loinque le XIXe sicle). Nombre de ces titres taient des importations Risk appartenait Miro en France [sous le nom de La Conqute du monde, NdT], Cluedo Waddingtons enGrande-Bretagne. Nombre de crateurs indpendants, y compris le rvr Sid Sackson,eurent la possibilit de gagner leur vie comme crateurs, bien quils auraient t fous dequitter leur travail habituel.

    Bien que Parker et Milton Bradley dominassent le secteur, il y avait un certain nombredditeurs plus petits, et le march tait relativement ouvert des nouvelles entreprises les canaux de distribution taient bien moins consolids, et on ne voyait pas la pub tlcomme tant indispensable un lancement crdible de produit.

    () Sid Sackson [fut] le crateur de Bazaar et de Acquire et de bien dautres jeux pourParker Brothers, Milton Bradley, et la trs regrette socit 3M. Le groupe BritishHartland Trefoil est aussi noter, comme crateurs de la srie des jeux ferroviaires 1829 etdu jeu de plateau Civilization (qui inspira le jeu vido homonyme de Sid Meier)

    Lesthtique de ces crateurs est assez intressante, parce quelle est si contraire lantre ; Sackson ma dit un jour que il ny avait plus besoin de jeux nouveaux. Jtaisstupfi ; pour moi, chaque jeu est une uvre originale, et la phrase revient dire il ny aplus besoin de livres. Mais du point de vue de Sackson, presque tout ce quil voit est unevariante sur un thme : un Monopoly, un jeu de loie, un Rummy, un jeu dchecs. Et peut-tre quil est dans la nature du jeu de plateau de masse quil en soit ainsi : le march exigedes rgles qui peuvent tre apprises en une minute ou deux, et il ny a quun nombre limitde permutations possibles avec un plateau, un pion en plastique et un d. Il est en fait porter au crdit de luvre de Sackson, quelle soit si originale compte tenu de seslimitations.

    De 1962 1976, 3M publia quelques-uns des meilleurs JdP jamais publis en anglais, ycompris Acquire, Bazaar, et Twixt de Alex Randolph. Cependant, la fin, 3M se demandace quil foutait dans le secteur des jeux, et vendit sa gamme Avalon Hill, qui bien sr futrepris par Hasbro [en 1998].

    Hasbro acquit Milton Bradley en 1984, puis Tonka qui possdait alors Parker Brothers en 1991. Il possde aussi Selchow & Richter, les diteurs aux tats-Unis du Scrabble etdu Trivial Pursuit. En gros, Hasbro contrle maintenant entirement le march du JdP demasse. Il y a encore quelques plus petits joueurs, mais un seul, Winning Moves, qui publieencore quelque chose dintressant.

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    http://en.wikipedia.org/wiki/The_Landlord's_Gamehttp://fr.wikipedia.org/wiki/Cluedohttp://www.trictrac.net/index.php3?id=jeux&rub=detail&inf=detail&jeu=1238http://fr.wikipedia.org/wiki/Acquirehttp://www.boardgamegeek.com/boardgame/1823/1829http://fr.wikipedia.org/wiki/Civilization_(jeu_de_soci%C3%A9t%C3%A9)http://fr.wikipedia.org/wiki/Twixthttp://fr.wikipedia.org/wiki/Alex_Randolph

  • Le secteur des JdP de masse, tel quil est, est constitu majoritairement de : vieillesmarques qui se vendent parce que tout le monde connat les titres ; de camelote souslicence de films et de sries TV ; et de jeux pour enfants en tat de mort crbrale.Dans ce contexte, il est utile de mentionner limportance du Trivial Pursuit. Ce fut lepremier jeu de plateau grand succs qui ne visait pas toute la famille, mais prcismentles adultes. Il engendra de trs nombreux successeurs, et rien que pour cette raison doittre considr comme une cration fconde. Et il est intressant de voir que les diteurs deJdP indpendants qui survivent vendent principalement dans ce march.

    Les titres les plus intressants tendent tre ceux destins aux adultes. Mme pour detels jeux, cest une ncessit virtuelle davoir des rgles simplissimes qui peuvent treexpliques en 5 minutes ou moins. Vous nintressez rien dautre lacheteur de Toys Rus.Mais cela a ses vertus : lorsque le livret de rgles doit tre si mince, la tendance estdobtenir des petits jeux raffins, compacts, et classes. Et cest, dailleurs, tout fait ce quevous voulez pour un jeu vido en ligne pay par la pub ; vous voulez quelque chose que lesgens peuvent piger en quelques phrases dexplications et plonger droit dedans. Les gens quiveulent dvelopper ce type de jeux doivent sapercevoir que La Dame de Pique ne vousmne pas plus loin. Tout le monde offre cela, cest une matire premire.

    Pour attirer les consommateurs, vous allez avoir besoin de possder des jeuxpropritaires que les autres nont pas. Si je faisais a, je m intresserais srement lalicence de 25 Words or less, ou Chronology.Il y a toujours beaucoup de crativit dans le JdP moderne, mais elle ne vient pas destats-Unis. Hasbro est gras et satisfait et na fondamentalement rien foutre delinnovation. Les produits rcents les plus excitants sont conus et dits en Allemagne,qui a un march bien plus concurrentiel et un march bien plus grand par habitant savoir, les Allemands achtent chacun plus de JdP, bien quils soient moins nombreux queles Amricains. Lesthtique est bien plus dveloppe l-bas : aux USA, il ny que GamesMagazine, mais en Allemagne il y a de trs nombreuses publications qui couvrent les jeuxde plateau ; et les journaux et magazines font souvent des critiques de JdP. De trsnombreux diteurs, et des crateurs dont le nom impose le respect et gnre des ventes des crateurs comme Klaus Teuber (Les Colons de Katane), Reiner Knizia (Modern Art,LEuphrate et le Tigre) et Alan Moon (Elfenland [et Les Aventuriers du rail !, NdT]. Moon estun exemple intressant en fait, car il est amricain, mais doit aller en Allemagne pour trepubli.

    Une autre indication de lesthtique suprieure du march allemand est que les jeux deSid Sackson sont globalement puiss aux USA sauf Acquire chez Avalon Hill tandisque plusieurs de ses uvres sont disponibles in Deutschland.

    Lesthtique du JdP allemand est particulirement intressante :

    Ces jeux tendent tre quelque peu plus complexes que la moyenne du march demasse amricain, mais pas tant que a. Je nai aucun problme pour y jouer avecmon enfant de neuf ans, par exemple.La plupart sont multijoueurs.La dure de ces jeux tend tre troitement limite ; ils ne prennent pas plus dedeux heures jouer.Ils sont bass sur le tour par tour, mais votre tour ne prend que quelques minutes,

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    http://fr.wikipedia.org/wiki/Trivial_Pursuithttp://en.wikipedia.org/wiki/25_Words_or_Lesshttp://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Colons_de_Catanehttp://www.trictrac.net/index.php3?id=jeux&rub=detail&inf=detail&jeu=514http://www.trictrac.net/index.php3?id=jeux&rub=detail&inf=detail&jeu=148http://fr.wikipedia.org/wiki/Elfenlandhttp://www.trictrac.net/index.php3?id=jeux&rub=detail&inf=detail&jeu=2454http://

  • donc il passe trs vite. Souvent les autres joueurs peuvent agir pendant votre tourpour vous impacter, donc ils ne restent pas l assis attendre.Vous pouvez typiquement manipuler une grande varit de ressources : des cartesen main, ou des jetons, ou quelque chose du genre ; et il nest pas toujours videntde savoir exactement ce que vous devriez faire avec dans nimporte quellecirconstance donne.Vous faites face un petit nombre de dcisions dans un tour, mais ces dcisionssont difficiles prendre. Contrairement disons, Candyland, o on na pas dedcisions prendre. Ou la plupart des autres JdP amricains, o les dcisionssont vides de sens ou ngligeables. ()

    Dire que le jeu de plateau est mort aux USA est, heureusement, faux. Au niveau dumarch de masse, il est mort, ou au moins en tat de mort crbrale ; mais le JdP a trouvun refuge modeste dans les boutiques spcialises. Le nombre de botes vendues est assezmorne, surtout avec le dclin des canaux de distribution [en 1998], mais cela narrte pasforcment les gens qui aiment ce quils font, de publier ainsi.

    Cheapass Games est particulirement intressant, qui publie des jeux comme Kill Dr.Lucky en gros une inversion de Cluedo et Before I kill you Mr. Bond, (Avant que je voustue Monsieur Bond), o vous capturez des espions puis les ralliez, en doublant la valeurdes points de lespion chaque fois que vous le ralliez. Le truc est que si quelquun a lamme carte de ralliement dans sa main, il peut la jouer pour faire chapper lespion et faireexploser votre base.

    Cheapass nest pas le seul diteur avec des jeux de ce genre ; voyez Credo de Chaosium,o vous jouez diverses factions religieuses et essayez de les faire adopter comme doctrineofficielle de lglise, ce qui peut finir avec une glise catholique o lhrsie albigeoise estla Vrit rvle. Ou bien Black Death de Greg Porter, o en tant qupidmie, vousconcourez pour aligner le plus de morts chez les autres joueurs. Ou Guillotine, de Wizardsof the Coast, o les joueurs sont des bourreaux rivaux en concurrence pour excuter lesclients les plus prestigieux. Comme les JdP allemands, ils ont des rgles simples, bien queplus complexes que celles des JdP de masse. Ils tendent ne pas tre aussi sophistiqus ouraffins, mais ont un ct humoristique qui rend les parties amusantes.

    En plus de ce genre de JdP, il y a ce que lon pourrait appeler le jeu diplomatique. Legrand-pre des jeux diplomatiques est bien sr Diplomatie dAllan Calhammer, publi pourla premire fois en 1958. Dans Diplomatie, vous jouez lune des sept puissanceseuropennes. Les ordres sont crits, puis rvls et rsolus simultanment ; ainsi vous nesavez jamais ce que les autres joueurs font tandis que vous crivez vos ordres. La cl du jeuest lordre de soutien, qui permet vos units de soutenir les mouvements des autresjoueurs.

    Cest un jeu assez lgant stratgiquement, mais la vraie innovation est quil dpendcompltement de la ngociation et de la diplomatie. Les puissances sont en gros de forcegale ; le seul moyen de vaincre un adversaire est de trouver des allis. Mais comme vousne pouvez tre sr de ce que font les autres joueurs, vous ne pouvez jamais faireentirement confiance vos allis. Les trahisons sont monnaie courante. Les parties seterminent souvent en larmes. Cest un jeu vicieux, formidable, prenant.

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    http://www.trictrac.net/index.php3?id=jeux&rub=detail&inf=detail&jeu=917http://en.wikipedia.org/wiki/Before_I_Kill_You,_Mr._Bondhttp://www.trictrac.net/index.php3?id=jeux&rub=ludotheque&inf=cat&image2.x=22&image2.y=4&choix=Credohttp://www.boardgamegeek.com/boardgame/166/black-deathhttp://fr.wikipedia.org/wiki/Guillotine_(jeu)http://fr.wikipedia.org/wiki/Diplomatie_(jeu)

  • Comme genre de jeu, les jeux de diplomatie requirent que les joueurs ngocient entreeux. Ceci par contraste avec la plupart des jeux soi-disant multijoueurs. Au Monopoly parexemple, il y a trs peu de choses que vous puissiez faire pour aider ou gner vosadversaires, ainsi la diplomatie nest pas un facteur. Avalon Hill fut le plus grand diteurde jeux diplomatiques, y compris mon propre Pax Britannica et ldition amricaine deKingmaker ; mais dautres diteurs en crent quelques-uns aussi.

    () Le march des jeux de simulation est bien plus rceptif aux nouveaux produits, etaux productions amateurs, que tout autre secteur du jeu. Donc vous y voyez publis toutessortes de trucs bizarres, certains dentre eux tant trs intressants.

    Mais assez du jeu de plateau ; rendons-nous la prochaine grande catgorie.

    Les jeux de figurinesLes jeux de guerres avec figurines (JGF) descendent de la tradition des jeux de guerre ;

    aucun doute que les enfants ont jou des jeux avec des petits soldats depuis que le premierartisan en sculpta un, mais le premier ensemble de rgles dit professionnellement futconu par H.G. Wells, le grand romancier et humaniste.

    HG Wells jouant au premier wargame avec figurines et les dplaant autour du dcor ; une image familire aux figurinistes

    Publi en 1913, Little Wars/Floor Games (petites guerres/jeux sur le sol) taient desrgles trs simples, minimalistes mme, avec des facteurs de mouvement diffrents pourlinfanterie, la cavalerie, lartillerie ; un algorithme trs simple pour la rsolution de lamle, et le tir dartillerie par lusage dun canon ressort. En gros, vous visiez avec voscanons ressort, tiriez des allumettes, et [les petits soldats] quelles touchaient taientmorts.

    Depuis, les rgles pour JGF sont devenues bien plus complexes et ralistes, culminantpeut-tre avec celles du Wargames Research Group. Le jeu de guerre avec figurines reste

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    http://www.costik.com/pb.htmlhttp://en.wikipedia.org/wiki/Kingmaker_(board_game)http://en.wikipedia.org/wiki/Little_Warshttp://en.wikipedia.org/wiki/Little_Wars

  • un loisir populaire, peut-tre davantage en Grande-Bretagne quaux tats-Unis.Le JGF est toujours un loisir florissant mais petit. Il y a deux groupes trs distincts de

    figurinistes. Les joueurs militaires, pour la plupart des hommes dans leur quarantaine etplus, amens avoir des groupes de joueurs rguliers, des campagnes suivies, et un mta-jeu stratgique o les batailles quils mnent affectent le cours de la guerre. Les rgles quilsutilisent sont dites en un petit nombre dexemplaires par des passionns, et leursfigurines sont faonnes par un petit groupe de fabricants spcialiss.

    Les figurinistes de fantasy et de science-fiction sont plus jeunes, pour la plupartadolescents. Les jeux les plus populaires dans cette catgorie Warhammer Battle etWarhammer 40.000 sont dits par Games Workshop, le plus grand diteur de jeux desimulation en Grande-Bretagne, et le deuxime (plus grand) au monde, aprs Wizards ofthe Coast/TSR. Cest un march troit mais juteux ; si vous tes un figuriniste srieux,vous voulez quelques centaines de figurines, qui vous coteront plusieurs centainesdeuros, plus le cot de la peinture et des rgles elles-mmes. Le temps consacr est aussinorme ; en plus du temps pass jouer, vous devez peindre vos figurines. Mme si vousdevenez trs bon, nous parlons dun minimum de 15 minutes par figurine ; et lorsque vousdbutez, vous feriez mieux de prvoir 45 minutes. Cest un loisir de fanatiques.

    Lattrait des figurines est vident, si vous avez vu un jour une table bien dploye. Desfigurines peintes de couleurs gaies marchent en rang serrs travers le champ de bataille.Visuellement, cest saisissant ; et les figurinistes adorent exhiber le rsultat de leur durtravail. Lattrait du jeu est semblable celui du wargame papier : planification tactique,plein de temps pour rflchir vos mouvements. Il y a un peu dattrait pour lecollectionneur aussi : vous ne pouvez pas utiliser le chariot dassaut nain si vous navez pasla figurine correspondante, par exemple. La figurine que vous possdez dicte la nature devotre arme.

    Il y a deux choses importantes noter pour nous, au sujet des jeux de guerre avecfigurines. La premire est le modle conomique : ce nest pas de la vente de jeux, cest dela vente de figurines. Rsultat : les fabricants peuvent retirer bien plus de bl de votreporte-monnaie quils ne le pourraient avec un jeu unique. Rentrez l-dedans et vousvoudrez toujours une nouvelle figurine cool.

    La seconde est lactivit extrieure au jeu. Les figurinistes enthousiastes passenthabituellement plus de temps peindre leurs figurines pour des parties qu les jouervraiment. Ils sont obsds par les dtails de leurs armes, parfois un degr risible. Ilstrouvent cette tche agrable et intressante, de la mme manire que les modlistes. Cestune forme de modlisme, dune certaine faon, particulirement pour ceux qui se lancentdans la personnalisation de figurines.

    On continue publier des rgles pour jeu de figurines, et on continue fabriquer desfigurines darmes. Toutefois le prix des figurines a considrablement augment cesdernires annes, du fait que des inquitudes au sujet de lempoisonnement au plomb ontforc les fabricants produire des figurines avec des alliages plus chers. Le jeu de figurinesreste sans pareil pour le bonheur des yeux et le pur plaisir tactile, et il est difficile delimaginer disparaissant entirement, quel que soit le degr dinformatisation de notresocit.

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    http://fr.wikipedia.org/wiki/Warhammer_Fantasy_Battlehttp://fr.wikipedia.org/wiki/Warhammer_40,000

  • Les wargamesLe secteur des wargames fut cr en 1953, lorsque Charles S. Roberts publia pour la

    premire fois Tactics compte dauteur. Tactics nest pas totalement diffrent du Jeu du Roide Helwig. Cest un jeu de guerre quelque peu abstrait entre deux pays imaginaires avecdes armes de la Seconde Guerre mondiale. Il eut assez de succs pour encourager Roberts fonder The Avalon Hill Game Company en 1958.

    Les deux premiers jeux dAvalon Hill furent Gettysburg et Tactics II, une amlioration dela premire version de Roberts, puis ils commencrent publier la fois des wargames etdes jeux de masse pour adultes. Avalon Hill publiait peine un ou deux jeux par an, maisleurs jeux attirrent bientt un important public dadeptes. Ils lancrent un magazine TheGeneral.

    Des annonces de recherche dadversaires dans les dernires pages aidrent crer unecommunaut de wargamers, tout comme lavait fait le courrier des lecteurs dans lesmagazines pulps de lge dor de la science-fiction. Des jeux comme Stalingrad et Panzerblitztablirent une rputation assez solide pour tre encore disponibles 35 ans aprs ou peut-tre pas, vu le rachat de Avalon Hill par Hasbro.

    Aprs une rapide banqueroute et une rorganisation de la socit sous le contrle deMonarch Printing limprimeur et le principal crancier dAvalon Hill , la socit crtrapidement, et au milieu des annes 60, il existait un important milieu du wargame,principalement constitu dadolescents et dtudiants, fanatiques des jeux dAvalon Hill.

    Cependant, un diteur ne constitue pas une industrie. En 1968, James Dunnigan etRedmond Simonsen prirent le contrle dun fanzine de wargame nomm Strategy &Tactics, amliorrent son graphisme, et commencrent ajouter un wargame dans chaquenumro ; une formidable affaire pour les wargamers, qui eurent 6 jeux par an, plus lemagazine, pour le prix de quelques jeux en bote dAvalon Hill.

    Dunnigan et Simonsen dcouvrirent rapidement quil y avait une norme demanderefoule pour plus de jeux chez les wargamers, qui ntaient pas satisfaits par les un oudeux quAvalon Hill publiait chaque anne. Avec Strategy & Tactics pour base, ilsfondrent Simulations Publications, Inc. ou SPI, qui commena publier des jeux aussi ct du magazine, en lutilisant comme support de promotion. la fin des annes 1970,SPI publiait des douzaines de jeux par an ; il y avait des conventions de wargamesnationales et des clubs dans tout le pays ; des boutiques spcialises ouvraient poursatisfaire la demande et pour vendre des jeux de rles, qui commenaient trepopulaires. En dautres mots, ctait un secteur petit il est vrai, sans doute pas plus de 10millions de dollars lpoque.

    Avalon Hill et SPI ne furent pas longtemps seuls ; Origins, la convention annuelle deswargamers, se remplit vite de douzaines dexposants.

    SPI et Avalon Hill furent toujours les plus grands diteurs de wargames, mais il y avaitaussi de nombreux autres petits diteurs, y compris des diteurs relativementprofessionnels comme GDW. lapoge du wargame, en gros de 1972 1980, il y eut descentaines de jeux publis. Le wargame typique tait bien plus complexe, en termes dergles que le joueur devait matriser, que toute autre catgorie de jeu avant ou aprs. Un

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    http://www.boardgamegeek.com/boardgame/31766/tacticshttp://en.wikipedia.org/wiki/Avalon_Hillhttp://www.boardgamegeek.com/boardgame/3099/gettysburghttp://www.boardgamegeek.com/boardgame/1574/tactics-iihttp://en.wikipedia.org/wiki/The_General_Magazinehttp://en.wikipedia.org/wiki/Stalingrad_(wargame)http://en.wikipedia.org/wiki/Panzerblitzhttp://www.happypuppy.com/features/editorials/arequiemfo-ed-1.htmlhttp://en.wikipedia.org/wiki/Strategy_%26_Tacticshttp://en.wikipedia.org/wiki/Origins_Game_Fair

  • livre de rgles moyen tait constitu de 16 pages uniformes en police 9, et certains jeux enavaient jusqu 96.

    Le public des wargames grandit avec ses produits, et demanda des simulations de plus enplus complexes et ralistes, culminant dans des jeux comme War in Europe et War betweenthe States, qui comprennent des milliers de pices et des surfaces de jeu qui couvraientjusqu 2,8m.

    Lapoge du wargame fut notable pour deux raisons : ce fut la premire fois que descrateurs de jeux devinrent des stars, et la premire fois que les crateurs commencrent penser leur uvre comme un art ces phnomnes taient lis, pour sr.

    Dabord, Avalon Hill imprima le nom des gens qui craient leurs jeux dans les livres dergles. SPI fit mieux, en imprimant le nom des crateurs sur la couverture de leurs jeux.En consquence, les joueurs en vinrent connatre le nom de Jim Dunnigan, Richard Berget John Hill [auteur de Squad Leader, NdT]. Il devint habituel de parler de ltat de lartet de lvolution de la technique du wargame travers le temps.

    Malheureusement, SPI passa en 1982 sous le contrle de TSR, lditeur de Dungeons &Dragons. TSR prit une tonnante dcision irrflchie, dcida de ne pas honorer lasouscription des 60 000 abonns au magazine-amiral de SPI, Strategy & Tactics. Ctait lesmeilleurs clients du wargame : selon les enqutes de SPI, labonn moyen de S&T achetaitune douzaine de jeux ou plus par an. TSR leur dit, de fait, Nous ne voulons pas de vouset il nest pas surprenant que le hobby du wargame dbutt un dclin immdiat et abrupt.Bien que le milieu des annes 1980 vt la publication de quelques jeux de premirecatgorie par Victory Games et GDW, la fin de la dcennie il tait clair que lapoge taitpasse.

    Bien que des douzaines de wargames continuent tre publis chaque anne, le hobbyest une triste coquille de ce quil fut jadis, et le wargame moyen est de qualit bieninfrieure aux jeux des annes 70 et 80.

    La complexit des rgles ntait pas ncessairement gale par la complexit stratgique :le seul vrai choix pour le joueur allemand dans un wargame stratgique sur la SecondeGuerre mondiale est, aprs tout, attaquer lAngleterre dabord ou attaquer la Russiedabord. Lattrait du wargame rside dans la matrise dun systme complexe ; et dans leschoix tactiques difficiles et compliqus comment positionner exactement vos pions afinde mener une attaque defficacit maximale.

    Le wargame est une mine dor de conception de systmes. Les wargamers privilgiaientlinnovation et la nouveaut, la recherche dune simulation militaire nette. Les variantesde lignes de ravitaillement, initiative, et rsolution de combat sont nombreuses. Preneztrois wargames au hasard, vous trouverez plus de diffrences fondamentales danslapproche et la conception mme si tous sont des simulations de conflits sur des cartesdhexagones que vous nen trouverez parmi trois jeux vido de stratgie en temps rel.Bien sr, ctaient des diteurs convaincus que le public voulait de linnovation dans laconception plutt que dans la technologie.

    Il est vrai toutefois que ces systmes sont tous une aide la simulation de conflitmilitaire, avec une gamme assez limite de composantes physiques. Cependant, lescrateurs de jeu de stratgie en temps rel en particulier doivent tudier les wargames

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    http://www.boardgamegeek.com/boardgame/2802/war-in-europehttp://www.boardgamegeek.com/boardgame/4222/war-between-the-stateshttp://www.boardgamegeek.com/boardgamedesigner/135/richard-h-berghttp://en.wikipedia.org/wiki/Squad_Leader

  • sur table pour apprendre que vous pouvez mettre laccent sur bien, bien des aspects desconflits dans diffrents jeux. Tout na pas besoin dtre sur la construction de conneriespour aller flinguer dautres conneries. Vous pouvez insister sur les lignes de ravitaillement,le brouillard de la guerre, la combinaison darmes, la manuvre, la formation, la qualitdes gnraux, limportance de lartillerie et de la force arienne, le moral, la production surle front intrieur, mme la volont de la population civile dendurer une guerre. Vous avezsimplement besoin de diffrents systmes pour mettre en avant diffrents aspects.

    Pour balancer un exemple, le World War I de Jim Dunnigan est sous bien des aspects unjeu trs ennuyeux : les pions bougent rarement, et une avance dun hexagone est unevictoire majeure. Comme la Premire Guerre mondiale. Mais la tension vient des pertes :vous avez un petit marqueur qui reprsente le nombre de jeunes hommes que vous enrlezcette anne, et vous ntes pas oblig de faire retraite tant que vous avez davantagedhommes lancer dans les gueules des mitrailleuses ennemies. Ces marqueurs descendentet descendent et descendent tandis que des millions dhommes sortent des tranches pourtre dcoups sur les barbels. Le simple mouvement dun carr de papier bristolcommunique labsolue absurdit et la barbarie de la guerre.()

    Le wargame en tant que march survit, une sorte dombre de ce quil a t, soutenu parquelques diteurs passionns et, jusquici, Avalon Hill. Cest un de ces loisirs qui a cessdattirer les adolescents, cependant, et est constitu principalement dhommes dans leurquarantaine ou leur cinquantaine, encore en train de compter les kilomtres tandis que lesnazis avancent sur Stalingrad, comme ils le faisaient quand ils taient jeunes. Mais vouspouvez trouver de bons jeux l, dans le catalogue dAvalon Hill, parmi les produits deDecision Games, et en parcourant les changes de rec.games.board.marketplace

    Le jeu de plateau de science-fiction et de fantasy tait un rejeton du wargame, et sevendit dabord travers les mmes canaux de distribution queux. Le premier projet russidu genre fut Stellar Conquest de Howard Thompson, toujours dit par Avalon Hill.Thompson poursuivit avec une srie de petits jeux pas chers avec une quantit limite decomposants, dont nombre taient crs par Steve Jackson. Ils eurent galement du succs.SPI, alors un important diteur de wargames, publia aussi quelques jeux de plateaux deSF, et lana un magazine Ares qui contenait un jeu de SF dans chaque numro.Comme le wargame, le JdP de SF attira un public solide.

    Toutefois, lheure de gloire du jeu de plateau de science-fiction fut trs brve : commele wargame, sa popularit plongea quand SPI fut rachet par TSR, et TSR refusa dhonorerles abonnements au magazine de SPI, un vnement qui dcouragea compltement desmilliers de joueurs fervents.

    La plupart des premiers wargames de SF et de fantasy sont maintenant puiss, bien queSteve Jackson continue les gammes Ogre et Car Wars . Cependant, des jeux commeBattletech de [feu] FASA et RoboRally de Wizards attirent encore des joueurs. ce jour, lejeu de SF nest quune branche mineure des jeux de simulation, mais voit encore denouvelles sorties occasionnelles.

    Les JdP de SF ont des rgles assez complexes, bien que gnralement plus simples quecelles des wargames historiques. Elles tendent aussi tre moins troitement strotypes :la nature de la SF et de la fantasy permet de justifier presque tout ce que vous voulez dans

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    http://www.boardgamegeek.com/boardgame/5297/world-war-ihttp://decisiongames.com/http:/news:rec.games.board.marketplacehttp://en.wikipedia.org/wiki/Stellar_Conquesthttp://en.wikipedia.org/wiki/Ogre_(game)http://en.wikipedia.org/wiki/Car_Warshttp://en.wikipedia.org/wiki/Battletechhttp://en.wikipedia.org/wiki/RoboRally

  • un jeu, en inventant une thorie quelconque pour expliquer pourquoi les choses marchentainsi. En consquence, les grilles dhexagones sont plus rares, il y a plus de jeuxmultijoueurs et de jeux conomiques, et ainsi de suite.

    Articles originaux : A Short Histor y of Paper Games (1994) et Dont Be a Vidiot WhatComputer Game Designers Can Learn From Non-Electronic Games

    (1) NdT : Rook et Pit sont deux jeux de cartes que lon change dans le but de former des groupes. Un mlange entreles 7 Familles et la Bourse. [Retour]

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    http://www.costik.com/paphist.htmlhttp://www.costik.com/vidiot.html

  • Suivez le guideGreg Costikyan vient donc de brosser grands

    traits lhistoire des jeux de simulation, dont driventles jeux de rles. Comme souvent, cependant,larrive dun nouveau type de loisir ne se fait pas exnihilo, mais aprs plusieurs exprimentationssuccessives.

    Le jeu de rle nchappe pas cette rgle. Et, entreles jeux de simulation proprement dits et le JdR telque cr par Donjons et Dragons, il existe une tapeintermdiaire : Braunstein. Laissons Ben Robbins nousrvler de quoi il sagit.

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  • B ra u n s te i n :l e s ra c i n e s d e s j e u x d e r l e s

    2008 Ben Robbins

    Un article de Ben Robbins, tir de Ars Ludi, et traduit par Esthane

    En 2005 je me trouvais la GenCon tout prs des stands dinscription, feuilletant leprogramme de la manifestation pendant que la bande dbattait pour savoir o aller enpremier. Javais dj regard la liste en ligne, mais alors que je parcourais les pages, jairepr un mot que javais je ne sais pourquoi manqu auparavant : Braunstein.

    Je savais ( peu prs) ce qutait Braunstein, alors jai tran toute mon quipe tout aubout de la convention, un sminaire dans une salle trs calme, avec trs peu departicipants. Et nous nous sommes assis et nous avons cout.

    Quest-ce que je savais qui ma fait les traner jusqu l-bas ?Je savais que Braunstein tait le premier jeu de rle au monde. Le tout premier.La plupart des rlistes nont jamais entendu parler de Braunstein. Triste mais vrai. Dans

    la hirarchie de la connaissance, vous trouverez le cercle des rlistes qui connaissent D&D(un trs, trs grand cercle), puis lintrieur de celui-ci le cercle des rlistes qui connaissentGreyhawk [Tout premier univers de JdR, NdT] (grand, mais plus restreint), et lintrieurde celui-ci le cercle de ceux qui connaissent Blackmoor [tout premier dcor de JdR, NdT](encore plus restreint). Et puis, en plein centre, dans linfiniment petit, se trouvent lespersonnes qui ont entendu parler de Braunstein. Ce qui est dommage, car Braunstein est leurgrand-pre tous.

    Major Wesely : Le Premier MJ

    Le Colonel franais des Lanciers. Son unit se cache hors du plateau en (B). Il a infiltr laville en civil pour vrifier ses dfenses, et a t arrt au cours de lmeute des tudiants hiersoir. Commence en prison.

    Braunstein-1

    Il tait une fois, jouer sur table signifiait faire un wargame. Les jeux de rles nexistaientpas encore. Les joueurs de wargame se rencontraient et rejouaient des batailles clbres, enrecrant les derniers moments de Saint-Jean dAcre ou la Bataille de Crcy et en voyant si

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    http://www.arsludi.lamemage.com/http://www.arsludi.lamemage.com/

  • peut-tre, avec habilet et ingniosit tactique, ils pouvaient modifier le cours de lhistoire.Le major David Wesely prit son groupe habituel de wargame et essaya quelque chose

    dun peu diffrent. Au lieu de leur faire commander des armes, il plaa les deux chefsadverses dans une ville de Prusse avant la bataille, leurs troupes proximit mais pas surscne. Pour donner aux autres joueurs quelque chose dautre faire, il leur laissa contrlerdautres personnes de la ville : le maire, un prsident duniversit, quelques tudiantsrvolutionnaires, etc Braunstein fut cette modeste ville ponyme..

    Avec ce petit changement, jouer son personnage au lieu de dplacer ses armes , leMajor Wesely et ses joueurs ont fait un pas dans le jeu de rle. Non, le Major Weselyntait pas encore un major lpoque. Et non, il ntait pas appel MJ ou MD, parceque Matre de jeu ou Matre de Donjon nexistaient pas encore.

    Mais un MJ cest exactement ce quil tait le tout premier MJ.

    Essayer, encore et encoreSi vous sautiez dans une machine temporelle et demandiez au Major Wesely comment

    stait passe la premire partie de Braunstein, il vous dirait que ce fut un fiasco. Unbordel complet.

    Dans ce qui allait devenir un exprience familire pour tous les MJ venus aprs lui, ilavait prpar cette partie avec un certain droulement en tte, mais une fois que lesjoueurs prirent la main, lenfer se dchana. Les joueurs couraient dans tous les sens, tenantdes conciliabules dans les coins, planifiant des choses dont larbitre ne savait rien unchaos total. Le cauchemar dun arbitre.

    sa grande surprise les joueurs en voulurent plus. Ainsi soit-il, pensa le pas-encoreMajor Wesely, mais cette fois il y aura de lordre !. Crant nouveau un prcdent queles MJ suivront pour les gnrations venir, il svit dune main de fer pour empcher lechaos imprvisible qui avait (pensait-il) ruin sa partie. Un contrle attentif desinteractions des joueurs ! Des communications limites ! Au fond liminant tout ce que lesjoueurs avaient aim.

    Les livres dhistoire nous enseignent que les deux parties de Braunstein suivantes furentaccueillies avec des pleurs et des grincements de dents. Les joueurs ntaient pas satisfaits.Il leur manquait la libert du premier Braunstein.

    Et ainsi le toujours-pas Major Wesely prpara Braunstein 4. Il dplaa le terrain de jeuvers une dictature tropicale, dote dune police secrte, dtudiants rvolutionnaires, deministres des finances corrompus, et du grand leader El Jefe lui-mme une rpubliquebananire panouie.

    Sur le papier, Braunstein 4 ressemblait un wargame ou un jeu de plateau. La plupartdes joueurs contrlaient des units (larme, la marine fluviale ou la police secrte) etremplissaient des feuilles dordres pour les dplacer chaque tour. Vous voulez vousemparer de la station de radio ? Envoyez des soldats ! (1)

    Et il aurait pu en rester ainsi, exception faite des ruses infmes dun joueur : DaveArneson (2).

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  • Dave Arneson : Rliste Ex Nihilo

    Rvolutionnaire pacifique. Gagne des points pour limpression et la livraison de tracts chacun de ses rvolutionnaires, et plus pour la distribution aux autres civils (qui peuvent tredes agents ou des gurilleros, bien sr) Commence domicile. (B-4)

    Braunstein-4, Rpublique Bananire

    Quand vous avez commenc faire du jeu de rle vous avez lu tous ces bouquins, et ilsvous disaient que vous pouviez tre un prtre ou un voleur ou un Elfe (ou un vampire ouun Prince dAmbre) et ils vous disaient que vous devriez srement choisir un claireur ettablir un ordre de marche et couter aux portes et tous ces autres trucs. Vous baladiezvotre personnage et parliez avec de drles de voix. Tt ou tard, vous vous tes peut-trerendu compte que les rgles ne faisaient pas fonctionner le jeu, mais que votre imaginationle faisait.

    Mais et si vous naviez eu aucun de ces livres ? Et si personne ne vous avait jamaisexpliqu ce qutait le jeu de rle ? Auriez-vous t un assez bon joueur pour devenir unrliste sans mme savoir ce qutait un rliste ? Pourriez-vous seulement commencer treun rliste sorti de nulle part, sans que personne ne vous ait jamais dit comment faire ?

    Dave Arneson la fait.Il a menti, escroqu, improvis, et a jou son personnage fond. Il est arriv la partie

    avec de fausses cartes de la CIA quil avait trafiques, donc quand un autre joueurlarrtait ou le fouillait, il pouvait les dgainer. Les autres joueurs dplaaient toujoursles pices sur le plateau et mettaient des ordres comme dans un wargame, pendant queDave Arneson tournait autour deux et changeait tout le scnario. Il remportait la partieen jouant compltement son rle.

    Vous pouvez voir Dave Arneson comme lun des parrains de la matrise de JdR, maisencore avant a il tait le parrain des rlistes. Il tait, littralement, le proto-rliste.

    Les rlistes modernes : Apprenez un singe faire desgrimaces

    Tu es le chef des tudiants rvolutionnaires, dit Wesely. Tu gagnes des points de victoire endistribuant des tracts rvolutionnaires. Tu en as une mallette pleine.Bien plus tard, aprs avoir convaincu ses partenaires quil est vraiment, peut-tre, un agentsecret de la CIA infiltr, et que la trsorerie du pays tout entier est beaucoup plus en scuritentre ses mains, le personnage de Dave Arneson est poliment emmen bord dun hlicoptrepour disparatre rapidement labri.Tout en bas, les rues bouillonnent encore de combats, des figurines de soldats de plastique seheurtant contre celles des citoyens innocents et des meutiers en colre. Sur ses genoux repose la

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  • mallette oublie des tracts rvolutionnaires. Je gagne des points en les distribuant, exact ? Etdun geste ample, il remue le couteau dans la plaie, jetant des rouleaux de pages dans le ventde lhlicoptre, o ils se dispersent et descendent lentement avec paresse sur la ville entireScore final : Dave Arneson, + plusieurs milliers de points

    Beaucoup de bruit pour rien, diriez-vous, tout a cest des trucs de vieux de la vieille.Nous les rlistes modernes sommes bien au-dessus du crapahutage de donjons et lcouteaux portes et toutes ces choses primitives. Nous avons des jeux de rles indie, des jeux histoires (3) et le contrle narratif et blah blah blah.

    Pour sr. Mais mme en vitant les arguments se hisser sur les paules de gants ouconnais tes origines, regardez bien ce quil sest pass dans cette partie : Dave Arneson agagn uniquement par le roleplay. Il ne fait pas de combat tactique ou ne joue de qutelinaire dbile, il se cre ses propres rgles et est, faute de meilleurs mots, un excellentrliste, toutes dfinitions modernes du terme comprises. Il cre la partie.

    Vous ne pensez pas que Dave Arneson vous aurait bott le cul Sorcerer et Dogs In TheVineyards (4) ? Dans ce cas, vous navez pas bien fait attention. Il vous laurait, commedisent les jeunes, mis profond.

    Les rlistes modernes explorent de nouveaux territoires, mais ils se rapproprientgalement les anciens mme sils ne les connaissent pas les terres de leurs anctres. Sivous tes un rliste indie ou un rliste rvolutionnaire avant-gardiste, les titans de la vieillecole comme Dave Arneson et Major Wesely sont des vtres. Ils essayaient galement leur poque des choses qui navaient jamais t faites auparavant. Ce sont vos condisciples.

    Chanon manquant, perte de sensQuest-il arriv aprs Braunstein 4 ? Le Major Wesely partit pour larme et Dave

    Arneson commena mener ses propres Braunsteins dans un petit coin de mondeimaginaire appel Blackmoor. Il envoya ses joueurs explorer des donjons. Pour rsoudre lescombats, il utilisa un systme de rgles pour figurines appel Chainmail (5).

    Le reste, comme on dit, appartient lhistoire (Gardons le dbat qui a inventD&D pour une autre fois). Je nen suis pas sr, mais je devine que Braunstein a fix latendance des noms couleurs (braun-stein pierre brune en allemand , black-moor(lande noire), grey-hawk (faucon gris)) avant que narrive D&D.

    Alors pourquoi le Major Wesely nest-il pas rest impliqu dans le JdR alors que ce loisirtait en train de spanouir ? Pourquoi ne savez-vous pas qui il est ?

    Quand il revint de larme, les braunsteins avaient quitt les situations du monde relpour des batailles imaginaires contre des orcs et des gants de glace. Il y perdit intrt car,tandis que les wargames sont une exploration de lHistoire, le fantastique parat beaucoupplus vide de sens. Que pouvez-vous apprendre sur le monde rel en jouant un jeu avecdes lzards cracheurs de feu ?

    Le Major Wesely, le premier MJ, aurait peut-tre t en fait la premire personne dnoncer les jeux de rles fantastiques comme dabsurdes moyens dvasion [de la ralit].

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  • Il ntait certainement pas le dernier. Dune certaine manire il avait entirement raison,mais ce quil ne put prvoir, cest que mme le jeu le plus ouvertement onirique ou le jeutactique le plus ordinaire peuvent rester instructifs (et pas simplement divertissants), parceque nous y jouons avec dautres humains. Le contenu du jeu peut bien ne rien nousapprendre sur la vie, mais la manire dy jouer, assis autour dune table en interagissantavec dautres personnes, le peut. Bien sr, je peux dire merci trente ans de recul de jeuquil navait pas, alors cest facile pour moi.

    Ramenez a aujourdhui et regardez les jeux de rles indie rcents, des jeux quiabordent des sujets comme lesclavage, lamour destructeur ou le doute moral. La questionest la mme que celle que posait le Major Wesely lpoque : le dsir davoir du sens, oude discuter de rels problmes dans le contenu du jeu.

    vous de jouerCe fut un article trs difficile poser sur le papier, car quels que soient les efforts que

    jentreprends, cela reste un compte rendu fictionnel. Ce sont mes souvenirs dhistoires quelon mavait racontes propos dun jeu jou par quelquun il y a 40 ans. Cest sans doutebien loin de la vrit absolue, mais jespre que cest trs proche de lesprit de la vrit.Toutes les erreurs ou les dformations sont entirement les miennes, et non celles du MajorWesely, qui est clair, plein de conseils et sacrment drle. Jai galement donnlimpression que Dave Arneson avait t le seul joueur de la partie, ou le seul bon joueur,mais bien sr, cest une absurdit. Comme dans nimporte quelle partie il y a plus defacettes quon ne peut en rsumer simplement.

    Alors maintenant me demandez-vous, quest ce que je fais avec cette tranche dhistoiredu JdR ?

    Gary Gygax nest plus des ntres. Ne souhaitez-vous pas lui avoir parl ? Nauriez-vouspas voulu lui avoir pos quelques questions ? Alors voila ce quil faut faire. Trouvez lesgars qui sont encore l et allez leur parler. Quand vous serez la GenCon cette anne,traquez le Major Wesely, ou Dave Arneson, enfermez-les et faites-leur vous raconter ceshistoires. Faites ce que nous avons fait et coincez le Major Wesely dans le hall et ne luidonnez pas manger ou boire tant quil ne vous aura pas vendu la mche propos dusombre pass de TSR. Passez par le stand de Lou Zocchi (6) et faites-vous raconter leslimites des solides de Platon [polydres, NdT]. Mettez votre chapeau dhistorien, non paspour vnrer le pass, mais pour en tirer des leons.

    Ce sont des rlistes comme vous. Payez-leur une bire, emmenez-les dner ou coincez-les simplement dans le couloir ne les laissez pas schapper ! Ce sera une exprience quevous noublierez jamais.

    Article original : Braunstein: the Roots of Roleplaying Games

    Mise jour : rsultats de la GenCon 2008 Braunstein, documents de jeux, et imagesdans les Braunstein Memories 2008 Ben Robbins

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    http://fr.wikipedia.org/wiki/Solide_de_Platonhttp://arsludi.lamemage.com/index.php/104/braunstein-the-roots-of-roleplaying-gameshttp://arsludi.lamemage.com/index.php/106/braunstein-memories

  • Pour aller plus loin avec PTGPTB : une srie darticles sur lhistoire du wargame, enfranais, publie sur slate.fr(1) NdT : Pour avoir une ide de Braunstein 4, cherchez du ct du jeu de plateau Junta [Retour](2) NdT : David (Dave) Arneson (1947-2009) fut un crateur de jeu amricain. Il est surtout connu pour avoir co-critla premire dition de Donjons et Dragons avec Gary Gygax [Retour](3) NdT : mettant laccent sur la cration de vritables mlodrames ; lire la Trousse outils interactive (ptgptb) [Retour](4) NdT : Sorcerer et Dogs In the Vineyard sont des JdR emblmatiques des courants indie et narratifs [Retour](5) NdT : Chainmail a t le premier jeu publi par Gary Gygax ; un wargame fantastique avec figurines ; lire le chapitre 1de lhistoire du JdR (ptgptb) [Retour](6) NdT : Lou Zocchi, crateur de jeux, est plus clbre comme fabricant de ds aux rsultats parfaitementquiprobables, et inventeur des ds 3, 5, 7 et 100 faces. [Retour]

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    http://www.slate.fr/story/47759/wargame-kriegspiel-histoirehttp://trictrac.net/index.php3?id=jeux&rub=detail&inf=detail&jeu=366http://ptgptb.free.fr/index.php/la-trousse-a-outils-interactive-1-simulation-ou-histoire/http://www.legrog.org/jeu.jsp?id=2260http://www.legrog.org/jeu.jsp?id=2557http://ptgptb.free.fr/0001/history1.htmhttp://en.wikipedia.org/wiki/Lou_Zocchi

  • Suivez le guideVoil, les premires graines pour larrive et lessor

    du jeu de rle sont plantes, il ne reste plus qusuivre le cours de lHistoire. Pour cela, nous allonsentrer de plain-pied dans le gigantesque dossier deSteve Darlington. Vous aurez ainsi un vaste aperude lvolution du jeu de rle, depuis sa crationjusqu laube des annes 2000.

    La premire partie vous paratra sans douteredondante avec ce que vous avez dj lu.Nanmoins, nous ne pouvions la supprimer dans lamesure o elle traite tout de mme de larrive deDonjons et Dragons. Saisissez donc cette occasion derviser vos classiques, avant de vous plonger avecdlices dans 25 ans dvolution rliste !

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  • U n e h i s to i r e d u j e u d e r l ePar Steve Darlington

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    http://ptgptb.org/

  • P re m i re p a r t i e :U n p e t i t p a s p o u r u n w a rga m e r

    1998 Steve Darlington

    Un article de Steve Darlington, tir de PTGPTB n1 (fvrier 1998), et traduit par Rappar

    Un expos assez complet, globalement prcis et peine biais de lexistence turbulente de notre hobby, de ses origines nosjours. Tous les articles de la srie de Lhistoire du JdR ont t mis jour lors de la traduction. Les VF et VO sont donc

    diffrentes.Une grande part des informations de cet article est tire de la superbe tude sociologique des JdR par Gary Fine, intitule

    Shared Fantasy.

    Nos AnctresComme toutes les bonnes histoires, elle commence par un gnie clbre qui lance le

    mouvement. Dans ce cas, cest ce visionnaire incroyable, H. G. Wells. Car Wells est nonseulement le grand-pre de la science-fiction, mais il est aussi le grand-pre des wargames.Ce qui fait de lui, si vous voulez, larrire-grand-pre des jeux de rles.

    Les wargames existent depuis aussi longtemps que les guerres. On peut faire remonterlide de simuler des batailles sans les risques personnels la Sumer antique, il y a plus dequatre mille ans. Les checs et le go, deux des plus vieux jeux du monde, sont issus desjeux de guerre.

    Les wargames contemporains sont originaires de Prusse, au tournant du XIXe sicle. LeKriegspiel, jeu de guerre introduisit les ides de marqueurs disposs sur une table desable et de lutilisation dun d pour dcider des lments alatoires de la bataille. Aprs laguerre franco-prussienne, les Anglais inventrent leur propre version et les wargamescommencrent tre prudemment employs par les forces armes pour former latactique et prvoir les rsultats militaires.

    Ce fut Wells, cependant, qui ouvrit le premier ces jeux aux amateurs. En 1913, il publiaun ensemble de rgles de wargames pour amateurs dans un livre intitul Little Wars(petites guerres), maintenant considr comme la Bible des wargamers (1). Wells fut aussile premier suggrer dutiliser des figurines miniatures pour reprsenter les forcesrespectives, ajouter de la saveur et une sensation dimplication aux parties.

    Bien que louvrage ft populaire, les wargames ne dcollrent pas vraiment jusqu cequen 1953, Charles Roberts commercialise Tactics, le premier wargame sur plateau.

    Quoique le dmarrage ft lent, Roberts persvra en crant The Avalon Hill GameCompany en 1958, maintenant une des plus grandes socits de jeu du monde (2).

    De ltincelle la flamme

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    http://ptgptb.orghttp://ptgptb.free.fr/index.php/une-histoire-du-jdr-1-un-petit-pas-pour-un-wargamer/en.wikipedia.org/wiki/Gary_Alan_Finehttp://en.wikipedia.org/wiki/Little_Wars

  • En fait, dans les annes 60 et les annes 70, la pratique du wargame atteignit un sommetde popularit quil lui reste retrouver. Il semble que tous ces jeunes qui ne prenaient pasde LSD et ncoutaient pas Bob Dylan jouaient un sacr nombre de wargames. Bientt,ce ne fut plus un jeu, ce fut un secteur. Un norme fan-club, bien tabli et bien dfini, avecses propres congrgations, publications et jargon se dveloppait, tout comme il en taitpour les passionns de science-fiction peu prs la mme poque. la fin des annessoixante, il y avait une sous-culture du wargame forte et stable, un environnementfavorable qui commenait faire natre beaucoup de crativit et dexprimentation parmises participants. Ce fut simplement cette sorte dexploration qui devait tre le combustibledu feu du jeu de rle. Mais il fallait toujours une tincelle. Et quelle tincelle ce fut : LeSeigneur des anneaux !

    Sorti travers tous les tats-Unis en 1967, il devait changer le monde de la littraturepour toujours, tout comme la vie de millions dadolescents amricains des classesmoyennes. Et puisque quatre-vingt-dix pour cent des wargamers taient des adolescents desclasses moyennes, il ne faut que peu dimagination pour deviner ce qui allait arriverensuite. Les joueurs ne voulurent plus recrer la bataille de Gettysburg, mais la bataille duGouffre de Helm.

    Les guerres napoloniennes furent rejetes en faveur de la Guerre de lAnneau, lesgobelins et les orques remplacrent les fantassins et la cavalerie. Les gens voulaientconnatre exactement les dgts quun Balrog pourrait faire et quelle tait la porte dunsort dclair.

    Cela ne semblait quune question de temps pour que le premier jeu situ spcifiquementdans le monde de Tolkien soit publi. Il y avait, cependant, un lger obstacle cela, quitait le fait quil y avait trs peu de bons wargames qui traitaient suffisamment bien delre mdivale pour permettre lintroduction dlments comme la magie et les dragons.Dans les voies du destin, deux hommes sengagrent : Ernest (Gary) Gygax et DavidArneson.

    Pour la petite histoire

    La premire dition de D&D, comme tant de JdR qui suivirent, met en scne des Hobbits.Cependant, les avocats de Tolkien ont vite menac de porter plainte pour violation de copyright,menant la naissance du halfling (petites-gens).

    Une association lgendaireDans une petite ville du Wisconsin appele Lake Geneva, Gygax, Jeff Perren et des amis

    avaient cr un wargame qui donnait une simulation prcise de la plupart des aspects de laguerre mdivale. Il fut nomm Chainmail et fut publi par la toute jeune socit deGygax, Tactical Studies Rules (Rgles dtudes Tactiques). Ce fut une version plus

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    http://en.wikipedia.org/wiki/Chainmail_(game)

  • tardive (3), distribue plus largement, qui devint le premier wargame inclure des rglespour les gants, les trolls, les dragons et la magie.

    Ce jeu est considr comme le prdcesseur immdiat de Donjons et Dragons, et il y a, eneffet, beaucoup de ressemblances dans les rgles et le style.

    Les graines du jeu de rle avaient cependant t plantes beaucoup plus tt. lpoquede la rdaction de Chainmail, Gygax tait membre dune association denthousiastes de laguerre mdivale, The Castle and Crusade Society (la socit des chteaux et descroisades). Un autre membre, Arneson, avait dj commenc exprimenter quelquesides de jeu de rle. Comme il le raconte lui-mme :

    Je devrais rendre un grand hommage [pour son ide] un autre joueur local, DaveWesely. Il fut le premier introduire du roleplay Le premier jeu qui se dtache dans mammoire est un jeu de figurines mdivales, une trs morne priode de wargames. Il utilisait unensemble de rgles monotones et, aprs notre deuxime partie, nous nous ennuyions. Pourlpicer un peu, Dave, qui avait plant le cadre et arbitrait [les parties], donna chacundentre nous un petit but personnel dans la bataille.

    Ctait en 1968. Bien que rudimentaire, ce fut LE premier pas vers le jeu de rle (4).Arneson continue :

    Eh bien, ce truc nous a fait rflchir : Ntait-ce pas une bonne ide ? et nous avons faitdeux autres parties avec diverses personnes. Faisons une grande campagne mdivale avecune demi-douzaine de gens diffrents jouant avec de petits pouvoirs et cinquante ou soixantehommes et alors toi, tu es le roi ou le chevalier, ou peu importe. Et cela sest dvelopp partir de l. Cela nous fit entrer dans le roleplay.

    Au dbut des annes soixante-dix, la crativit dArneson rencontra limagination deGygax les deux hommes se connaissaient, correspondaient, et commencrent combinerleurs ides. En 1970 ou 1971 (Arneson nest pas certain de la date), Arneson prit lesystme Chainmail et joua ce qui fut la toute premire vraie partie de jeu de rle.

    Tous les copains taient venus pour une nuit traditionnelle de bataille napolonienne et ilsont vu la table couverte de cet norme fort ou chteau. [Ils] se demandrent comment il taitarriv dans les plaines de Pologne (ou un des autres endroits o nous jouions [les bataillesnapoloniennes] lpoque), et ils dcouvrirent vite quils allaient descendre dans dessouterrains profonds, humides et sombres.

    Cette partie devait plus tard devenir la campagne des souterrains de Blackmoor. Gygaxprit rapidement la relve avec une aventure qui devait devenir la campagne de Greyhawk.Pendant les quelques annes qui suivirent, les deux jourent et testrent les rgles de ce quideviendrait finalement le jeu Donjons & Dragons, le premier jeu de rle commercialis au

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    http://en.wikipedia.org/wiki/Castle_%26_Crusade_Societyhttp://en.wikipedia.org/wiki/David_Wesely

  • monde. Comme les wargames, le dmarrage devait se rvler lent, mais un loisirentirement nouveau tait n.

    Pour la petite histoire

    Bien sr, cela ne sappelait pas encore jeu de rle. La premire dition de D&D lappelaWargame mdival-fantastique, jouable avec du papier, des crayons et des figurines, rien demoins.

    Un hommage final Dave ArnesonComme toutes les grandes associations, celle de Gygax et Arneson nallait pas sans

    divergences cratives. Moins dun an aprs la sortie de D&D, ces divergences atteignirentun sommet et Arneson partit (5).TSR, dirig par Gygax, Don Kaye et son nouvel associ Brian Blume, continua tourner,mais sans payer Arneson les droits qui lui taient toujours lgalement dus comme associ.En 1979, Arneson porta cette affaire devant un tribunal et aprs une longue bataille, TSRracheta ses parts. La tragdie consiste en ce que, aujourdhui, Gygax est vant et lou enlong et en large comme le seul pre du jeu de rle, tandis quArneson a t compltementoubli par le milieu du JdR.Jespre que cet historique pourra aider un peu corriger cette injustice.

    Pour la petite histoire

    Arneson se crdite lui-mme pour lajout de la magie aux wargames apparemment aprsavoir vu un pisode de Star Trek , Dave donna un phaser son druide et renvoya les forcesadverses au nant ! Cela conduisit naturellement la cration du sort dclair.

    Article original : The History of Role-Playing, Part I: One Small Step For A Wargamer

    (1) NdT : Strategos: The American Game of War, de Charles Totten (dans les annes 1880) est peut-tre antrieur. [Retour](2) NdT : Disons que dans le petit monde des wargames, Avalon Hill fut une poque le plus gros diteur (puis se fitracheter par Hasbro en 1998). [Retour](3) NdT : Cette deuxime dition incluait le supplment fantastique, qui introduisait aussi les hros et mme les

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    http://ptgptb.org/0001/history1.html

  • alignements. [Retour](4) NdT : Il s'agissait de Braunstein. [Retour](5) NdT : Pour une autre histoire de TSR et D&D (en anglais), cliquez ici. [Retour]

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    http://web.archive.org/web/20030305194022/http://www.gamesdomain.co.uk/faqdir/rec.games.frp.dnd-3.txt

  • D e u x i m e p a r t i e :R o u v e r tu r e d e l a b o t e d e

    P a n d o re 1998 Steve Darlington

    Un article de Steve Darlington, tir de PTGPTB n2 (avril 1998), et traduit par Rappar

    Les presses tournentTandis que se rpandait la nouvelle du genre de jeux auxquels jouaientGygax et Arneson, ces derniers furent submergs de demandes de rglescompltes et dfinitives. Ils prsentrent timidement leur ide tous lesgrands diteurs de jeux, mais ce ne fut que pour essuyer refus aprs refus. la fin, en 1974 ils dcidrent de publier le jeu eux-mmes travers TSR, lasocit-mre de Gygax.

    Ce ne fut pas un accueil des plus chaleureux reconnut plus tard Gygax.Il fallut presque un an pour couler les 1000 premiers exemplaires. Les 1000 exemplairessuivants se vendirent en un peu moins de 6 mois, et partir de l les ventes saccrurentexponentiellement. En 1979, D&D se vendait 7000 exemplaires par mois et [en 1999]TSR est toujours la plus grande firme de JdR du monde (1). Mais nanticipons pas.

    Ldition originale empruntait la structure en trois livrets spars de Chainmail, et biendautres choses encore. Les rgles taient crites pour les cercles ludiques auxquelsappartenaient Gygax et Arneson, et supposaient une certaine familiarit avec leurs rgles etstyle habituels. Cependant, pour des dbutants complets, cela pouvait tre source deconfusion et de frustration. un endroit, il tait spcifi noir sur blanc dans les rgles :Le combat (ici) se gre comme dans Chainmail. Les rgles de sorts taient incroyablementvagues, et les tableaux de valeurs de combat taient quasiment incomprhensibles. Mais defaon surprenante, cela allait agir en faveur de ce loisir plutt qu son encontre. Ceci pourdeux raisons.

    Pour la petite histoire

    De fait, la structure des trois livrets fut tellement copie quelle devint la norme les cinqannes qui suivirent !

    Premirement, les rgles impntrables forcrent les joueurs inventer les leurs et

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    http://ptgptb.org

  • proposer leurs propres interprtations, et commencer rflchir aux systmes de jeu et leur cration. Cest l que naquirent les futurs crateurs de JdR. Deuximement, lesjoueurs ne se concentraient pas sur le jeu lui-mme, mais sur lide derrire le jeu. Bien queles rgles fussent loin dtre parfaites, le public reconnut le potentiel du concept nouveauet incroyable autour duquel tournait le jeu. D&D est peut-tre le premier jeu que lesjoueurs achetaient tout en sachant quau moins la moiti des rgles devraient treabandonnes ou largement modifies. (2).

    Les PrtendantsLattention porte sur lide plutt que sur le jeu, et la ncessit de rcrire les rgles,

    conduisirent ce que les groupes de joueurs dveloppent ce qui tait, en fin de compte,leurs propres versions du jeu. Bien videmment, tous voulurent partager leur bonneversion avec la communaut des joueurs. Il ne fallut pas longtemps avant que le monde nesoit submerg de bulletins, fanzines et gazettes consacrs aux dbats sur les meilleuresfaons de jouer.

    Gygax et Arneson dvelopprent leur propre magazine, intitul The Dragon, et puisjuste Dragon, tel quil est connu aujourdhui. Un autre gros tirage de lpoque tait Alarumsand Excursions. Bien que ce ne soit quun fanzine, il existait depuis plus longtemps [1975,NdT] que Dragon, et son lectorat tait presque aussi important. En quelques annes, D&Davait gnr plus de dbats, analyses, rvisions et reconstructions quaucun autre jeu danslhistoire. Ce ne fut quune question de temps avant que quelques-uns de ces groupes dejoueurs ne dcident que, plutt que denvoyer leur cration un magazine, ils devraient lapublier eux-mmes.

    D&D tait critiqu pour dinnombrables raisons, mais la plupart des griefs rentraientdans deux catgories. Le jeu tait soit trop compliqu, soit trop simple.

    Les reproches du ct trop compliqu se concentraient sur les livres de rgles. Desjoueurs plus jeunes, non-wargamers rclamaient grands cris quelque chose de simple apprendre, facile jouer et globalement plus AMUSANT. Ils eurent tout cela gogo avecTunnels & Trolls.

    Tunnels et Trolls (St-Andr, 1975)La lgende veut que Ken St-Andr, auteur de Tunnels et Trolls (T&T),arriva en fait son ide dun jeu de rle indpendamment de Gygax etArneson. Il aurait mme choisi un nom analogue celui de D&D etaurait dcouvert avec horreur, quand il essaya de lancer et de vendre sonjeu, quil avait t battu plate couture.

    La vracit de cette lgende est discutable : il est vident quil y asuffisamment de ressemblances entre les deux jeux pour supposer que

    T&T tait un jeu de la deuxime gnration. Les personnages ont 6 caractristiquessimilaires, plus un choix semblable de classes et les dcors, et les genres daventures sontpratiquement identiques. Quoi quil en soit, T&T est intressant non par sesressemblances, mais par ses diffrences.

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    http://www.conchord.org/xeno/aande.htmlhttp://en.wikipedia.org/wiki/Ken_St._Andrehttp://www.legrog.org/jeux/tunnels-trolls

  • Pour les dbutants, les rgles de Tunnels et Trolls utilisaient de simples ds 6 faces pourgrer peu prs tout. Bien que le combat et la magie utilisassent des tableaux, ils taientbien prsents et les explications taient claires (3). Indiscutablement, les critres de qualitde Tunnels et Trolls taient suprieurs en tous points ceux de D&D, ainsi que ltait laconception de ses rgles. Mais peut-tre la principale ligne de dmarcation entre les deuxtait-elle lapproche.

    Tunnels et Trolls tait AMUSANT. Ctait mignon, ctait bte, cela consistait courirpartout avec des pes et des sorts et bastonner. Le style tait nergique, les rgles taientamusantes, le dcor tait plein de petites blagues, chaque lment du jeu tait dtourn parle sens de lhumour plutt djant de St-Andr. Les sorts avaient des noms comme PetitsPieds et Cachette, et les cureuils gants taient vos ennemis (4).

    Pour la petite histoire

    Tunnels et Trolls fut aussi le prcurseur du systme de Points de Magie, opposer ausystme de batterie de sorts de D&D.

    D&D, bien sr, tait compltement loppos. la longue, lorsque le loisir et les joueursdevinrent plus mrs, les aspects amusants de T&T perdirent leur attrait, et il sombra dansloubli au dbut des annes 80. T&T fut nanmoins le premier concurrent majeur deD&D. Bien quil ait toujours t considr le numro 2 (mme par St-Andr !), il tinttte D&D pendant un temps. Ce qui est plus que ce que lon peut dire de tout autreJdR.

    Pendant ce temps, un autre jeu dbarquait sur les tagres. Les reproches du type tropsimple visaient le dcor, pas les rgles. Ils se plaignaient bon droit du principe pluttfaiblard de personnages dheroic-fantasy qui se baladent simplement dans des souterrainspour tuer des monstres et rcuprer des trsors. Ils demandaient aussi un univers plusraliste un monde mdival qui aurait vraiment la saveur du Moyen ge. Ils voulaient duralisme, du dtail et de la complexit. Ils leurent avec Chivalry and Sorcery.

    Chivalry and Sorcery (Fantasy Games Unlimited, 1977)Cr par Ed Simbalist et Wilf Backhaus en 1976, Chivalr y and Sorcer ydtient encore le titre du JdR le plus compliqu jamais cr. On ne peutnier son ralisme : les rgles et lapproche sont conues pour recrer laFrance de la fin du XIIe sicle, plutt que la faible imitation de luniverspseudo-mdival de Tolkien par D&D. En particulier, ils ne dcrivaientpas seulement un monde, mais une socit : les joueurs devaient insrerleurs personnages dans un systme fodal complet avec les nobles, lesserfs et la prsence imposante de lglise.

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    http://fr.wikipedia.org/wiki/Edward_Simbalisthttp://fr.wikipedia.org/wiki/Wilf_Backhaushttp://www.legrog.org/jeu.jsp?id=2148

  • Et mme si les aventures suivaient toujours un format comparable, Chivalr y and Sorcer yrejetait une grande partie des conventions tablies par D&D les bastons souterrainesfirent place aux qutes en extrieur, les ennemis taient des Vikings ou des Pictes pluttque des monstres mythiques et les pratiquants de magie devaient vraiment tudier pourdevenir plus forts.

    Le problme de Chivalr y and Sorcer y tait quil essayait den faire trop. En tentant desimuler tous les aspects que D&D avait mis de ct, il senferma lui-mme dans sespropres mcanismes sans fin.

    Par exemple, les joueurs ne devaient pas seulement tirer 8 attributs, mais aussi la race,lge, le sexe, la taille, la corpulence, lalignement, lhoroscope, la sant mentale, la classesociale, le rang de naissance, le statut de famille et la profession du pre. L-dessus segreffaient presque autant de donnes calculer, et un vague systme de comptence. Etceci, rien que pour la cration de personnage !

    Le jeu ntait pas aid par le fait que les rgles et les jets de ds taient aussi bien pluscomplexes que D&D. Le combat et la magie utilisaient tous deux des tableaux derfrences croises ridiculement complexes, et le systme de comptences ncessitait plusde jets de ds quun jeu de craps (5).

    Un autre problme majeur de Chivalr y and Sorcer y tait quil essayait dtre trop raliste.Les clercs devaient faire des sermons, les chevaliers devaient passer des heures de jeu rassembler assez dargent rien que pour acheter leurs pes, et jouer un magicien ncessitaittant de temps et defforts pour chercher les ingrdients, tudier les sorts et pratiquer lesrituels, quil ne restait plus de temps pour partir laventure.

    Chivalry and Sorcery est un exemple des problmes qui surgissent de labus de simulation.Il tait trop long, trop dtaill, et laissa souvent ses joueurs touffs dans les mandres deses enchevtrements et leur ampleur. Mais lide de proposer un monde raliste et dtaillcomme univers de jeu tait bonne, comme ltait leur ide de jouer des gens ordinaires quisintgraient dans le cadre de la socit de ce monde plutt que des mauvais strotypes desuper-hros de contes de fes.

    Pour la petite histoire

    Lhistoire retiendra aussi que Chivalry and Sorcery fut le premier utiliser le termeMatre de Jeu.

    Bien que ce jeu dispart galement au dbut des annes 80, ces ides continurent avoir de linfluence tout au long de lhistoire des JdR (6).

    LEmpire contre-attaque

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  • Pendant ce temps, il y avait encore un autre jeu jou dans lombre, etbien quil natteignt jamais le succs financier des deux jeux ci-dessus, ileut lui aussi des effets long terme sur lindustrie du JdR. Le jeusappelait Empire of the Petal Throne (LEmpire du Trne de Ptales,Barker, 1975) et tait conu par M.A.R Barker.

    Ds son plus jeune ge, Barker tait obsd par deux choses : lalinguistique et un monde fantastique de sa cration nomm Tkumel, et

    ces deux passions grandirent en complexit avec lui. Barker alla tudier la linguistique lUniversit, o il mit galement les touches finales son monde, y compris une languecomplte pour le pays principal, Tsolynu. En fait, dans lart de crer des langagesimaginaires, Barker surpasse mme le matre, Tolkien.

    Pour la petite histoire

    Barker et Tolkien ont de nombreuses ressemblances, la fois dans leurs travaux et leurs vies.Au point que lon a parfois fait rfrence Barker comme le Tolkien du jeu de rle.

    Ainsi, il y avait Barker, avec son incroyable monde dans la tte, et ne pouvant rien enfaire, car il ntait pas crivain. 20 aprs avoir dlaiss Tkumel pour se concentrer sur sestudes, il dcouvrit D&D. Il commena immdiatement travailler sur son jeu, qui fut lesecond JdR sur le march [amricain]. En terme dunivers, Petal Throne tait tout ce queD&D ntait pas. Il ny avait pas de vague description ou dvocation mdivale : Barkersavait prcisment comment tait son monde, jusquau dtail le plus subtil, et tout a taitdans le livre de rgles. Les dieux, les religions, les rituels, les gouvernements, les modes, lesus et coutumes, et, encore plus important, les langues, taient dcrits pour chaque nationde la plante. Et ce ntaient pas les dieux, religions, etc. dun monde mdivaloccidentalis. Barker se servit de ses expriences en Inde et en Asie pour crer des culturesincroyablement sauvages et totalement trangres au rliste moyen amricain.

    Cette combinaison de tant de dtails sur un monde si trange aura donn un des mondesde campagne les plus prenants jamais conus. Chivaly and Sorcer y tait juste D&D avec undcor finement dtaill. Petal Throne tait un jeu o le systme et le dcor travaillaient deconcert pour donner un monde qui non seulement semblait vivant, mais qui vous donnaitlimpression dy vivre. Les personnages taient imbriqus dans la structure du pouvoir religieusement et politiquement et les vicissitudes de ces pouvoirs fournissaient les tramesdes aventures. Soudain les joueurs ntaient plus des chevaliers pourfendeurs de dragons ils taient des Tsemels (guerriers-cardinaux) menant une guerre sainte contre leurs voisinshrtiques.Avec le talent linguistique de Barker permettant aux joueurs de parler une toute nouvellelangue, jouer ce jeu donnait vraiment limpression dtre l-bas.

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    http://www.legrog.org/detail.jsp?id=6557http://en.wikipedia.org/wiki/M._A._R._Barker

  • Pour la petite histoire

    Grce la connaissance intime de son monde, et au petit nombre de groupes jouant son JdR,Barker tait capable dajuster et de faire voluer son monde en fonction des actions des joueursdans tous les tats-Unis !

    Si Petal Throne tait rest populaire, nous naurions pas eu attendre 15 autres annespour voir les mondes admirablement profonds que nous voyons dits de nos jours,comme le Monde des Tnbres. Quoi quil en soit, il ne resta pas populaire car sa grandeforce sa prsence causa aussi sa perte. Le monde de Barker tait tout bonnementbeaucoup trop complexe et puissant pour tre mani par la plupart des joueurs. Les MJ nepouvaient pas vraiment adapter le monde pour correspondre leur style de jeu sansdpouiller Tkumel de sa saveur unique. En vrit, il tait dit que la seule personne quipouvait matriser Tkumel correctement tait Barker lui-mme.

    De mme, les joueurs devaient tre trs familiers avec Tkumel avant de pouvoir jouerun rle dcemment dans cet autre monde trange. Trop souvent, cela passa au-dessus de latte de tout le monde, et ainsi Empire of the Petal Throne disparut son tour pluttrapidement.

    Ainsi donc aucun des trois grands prtendants narriva survivre , ou mme surpasser, le jeu originel : Donjons & Dragons. Mais ils sont tous intressants, parce que travers eux, ils illustrrent le futur de notre loisir. En comparant Tunnels et Trolls etChivalr y and Sorcer y, nous voyons les dbuts dune des querelles ternelles des systmes dergles : complexit contre accessibilit, souci du dtail contre jouabilit, et simulation de laralit contre franc amusement. Et en examinant Petal Throne nous pouvons aussi voir leproblme intrinsque des univers de jeu : crer un monde solide et dtaill qui permetteune immersion suffisante, mais qui soit pourtant suffisamment accessible et mallable pourque tout le monde samuse.

    Chaque jeu tait aussi rvolutionnaire sa manire, amenant de sensationnellesnouvelles ides au JdR en un laps de temps extrmement court, ides qui formeraient plustard la colonne vertbrale du secteur. Bien quils aient disparu, les avances quils firent enpeu dannes aideront faire passer les JdR de ltat de rejeton vacillant du wargame, quelque chose approchant une forme dart. Mais nous anticipons encore. Runequest, quivint plus tard, fut ddi Dave Arneson et Gar y Gygax, qui ouvrirent les premiers la bote dePandore, et Ken St-Andr, qui dcouvrit quelle pouvait tre rouverte. Cela rsume assez bien lacontribution que ces jeux allaient faire lhistoire du JdR. Simplement en existant, entant crs, achets et jous, ils prouvaient que le jeu de rle tait quelque chose de plusque D&D, et que ce nouveau concept tait quelque chose qui allait au-del des marques,quelque chose qui durerait, quelque chose de rvolutionnaire, quelque chose de bien.

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  • Article original : The History of Role-Playing, Part II: Re-Opening Pandora's Box

    (1) NdT : TSR fut un gros poisson dans une petite mare de petits poissons, jusqu son rachat par Wizards Of TheCoast. [Retour](2) NdT : Un tmoignage frappant et analytique dans Un Examen sans complaisance de Donjons &Dragons (ptgptb) [Retour](3) NdT : Une volution semblable a pu tre observe en France, o le premier JdR de cration franaise, LUltimepreuve (1983), tait exemplaire du point de vue de linitiation. [Retour](4) NdT : Autre exemple, la boule de feu T&T sappelle Tiens prends a ! [Retour](5) NdT : L aussi, des parallles peuvent tre faits avec le JdR Lgendes (1983), le plus complexe et le plussimulationniste de tous les JdR franais. [Retour](6) NdT : Chivalry & Sorcery ne finit pas de renatre ; version allge en 1999 ; 4e dition en 2000, C&S [Retour]

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    http://ptgptb.org/0002/history2.htmlhttp://ptgptb.free.fr/index.php/un-examen-sans-complaisance-de-dungeons-dragons/http://www.legrog.org/jeux/ultime-epreuvehttp://www.legrog.org/jeux/jeu.jsp?id=541

  • T ro i s i m e p a r t i e :S u r v e n a n c e d e l ge d o r

    1998 Steve Darlington

    Un article de Steve Darlington, tir de PTGPTB n3 (juin 1998), et traduit par Rappar

    Ctait la fin des annes 70. Le jeu de rle stait tabli comme une ideneuve, quelque chose de diffrent, dunique, quelque peurvolutionnaire. On pouvait btir autour de cette nouvelle sorte de jeu,ce concept spcifique, non seulement un jeu, mais des centaines ou desmilliers. On pouvait crer autour une littrature, des conventions,mme une sous-culture entire. Cela avait le potentiel de devenirnorme, mais lpoque, il avait encore du chemin faire avant dyarriver. Ctait le moment de commencer grandir. Bref, le JdR avait

    plant ses racines, et commenait maintenant fleurir.

    La rue vers lorDs que les gens virent la quantit dargent que ramenaient D&D, Tunnels & Trolls et

    Chivalry & Sorcery, ils voulurent entrer sur le march aussi vite que possible pendant quiltait encore neuf et relativement peu encombr par la concurrence. Il y eut alors un raz demare de publications de jeux de rles. Il serait quasiment impossible dessayer de tous lescataloguer ; je vais plutt tenter de prsenter une slection de produits, chacun dentre euxprsentant quelque chose de nouveau ou dintressant pour la profession.

    Le mdival-fantastique connut une priode faste, avec la sortie dune ribambelle decopies de D&D/T&T, dont aucune napporta vraiment quelque chose de nouveau. SteveJackson [l'Amricain] apparut sur la scne avec un jeu orient vers le combat nomm Melee(qui devint plus tard Into The Labyrinth). Gygax, Arneson et St-Andr sortirent chacunquelques JdR de plus. Mais bientt cela devint simplement trop, et commena stagner.Ce fut lheure dun changement de dcor, et vu la popularit croissante de la sous-culturede science-fiction qui gagnait lAmrique entire, nul ntait besoin dtre Spock pourdeviner la forme quallait prendre ce changement.

    Pour la petite histoire

    Aprs le succs de D&D, T&T et C&S, lesperluette (le &) fut considre comme un peuncessaire au nom dun JdR et fut utilise ad nauseam.

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    http://ptgptb.org

  • StarFaring (Flying Buffalo, 1976) fut probablement le premier JdR de SF, mais fut trspeu dit. Metamorphosis Alpha de TSR (1977) le suivit de prs, puis Starships & Spacemen(Fantasy Games Unlimited, 1978). Nanmoins, aucun deux ne put arriver la cheville delun des meilleurs jeux de SF de tous les temps : Traveller (Games Designers Workshop,1977).

    Traveller dcolleLe jeu de rle de Mark Miller tait historique pour deux raisons.Premirement, parce quil tait brillamment conu, et introduisaitquelques ides vraiment nouvelles. Les JdR de SF dpendent assurmentde leurs rgles de comptences, mais jusqualors, leur conception avaitt nglige. Le systme de comptences de Miller tait le meilleur que lemilieu ait produit jusqualors, et devint un modle pour de nombreusesannes.

    Miller rejeta aussi un systme de classes ou doccupations les personnagesdterminaient simplement a