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Chapitre 3 Les usages de l’eau 65 En France, 5 milliards de m 3 d’eau sont utilisés chaque année pour les besoins de l’agriculture qui nous nourrit. Plus de la moitié de cette eau est consacrée à l’irrigation des cultures : il faut par exemple 500 litres d’eau pour produire un kilo de maïs. 2. L’eau et l’agriculture 1. Les besoins en eau de l’agriculture • A l’échelle mondiale Avec 70 % de la consommation mondiale d’eau en moyenne, l’agriculture est sans conteste le secteur d’activité le plus consommateur d’eau. Depuis le début du XX e siècle, la superficie des terres cultivées en général et celle des terres irriguées en particulier, a beaucoup augmenté pour faire face à l’accroissement de la population et des besoins alimentaires. La consommation mondiale d’eau pour l’agriculture a ainsi été multipliée par six entre 1900 et 1975 par exemple. L ’irrigation, qui était déjà utilisée par les civilisations égyptienne et mésopotamienne, est encore de nos jours une technique en développement. Elle est souvent utilisée en complément de l’irrigation pluviale afin d’augmenter les rendements et d’accroître la durée de la saison agricole. Encore très souvent traditionnels (irrigation gravitaire ou par submersion dans les rizières asiatiques), les dispositifs d’irrigation ont un très faible rendement. On estime qu’avec les techniques standard, 30 à 60 % de l’eau d’arrosage s’évaporent et ne profitent pas aux cultures. • En France L’agriculture traditionnelle était basée sur la polyculture et l’élevage. Dans la première partie du XX e siècle, le passage à l’ agriculture intensive a permis d’augmenter très fortement les rendements grâce à la mécanisation des travaux agricoles, à l’introduction de la sélection végétale et animale, à l’utilisation croissante d’engrais minéraux et de produits phytosanitaires, mais aussi grâce aux progrès de l’irrigation. Cette intensification de l’agriculture répondait à un objectif alors d’actualité : nourrir la population française et développer l’activité économique agricole. Avec la nécessité croissante d’envisager un développement durable des activités humaines, cette évolution de l’agriculture est de plus en plus remise en cause : on cherche aujourd’hui à développer une agriculture peu consommatrice d’intrants chimiques et d’énergies non renouvelables. Actuellement, 5 milliards de m 3 d’eau sont prélevés chaque année en France pour les besoins de l’agriculture. La part la plus importante (60 %) de l’eau prélevée est consacrée à l’irrigation. Cette consommation varie d’une année sur l’autre, en fonction des conditions météorologiques et du type de cultures à irriguer. Arrosage d’un champ de betteraves

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En France, 5 milliards de m3 d’eau sont utilisés chaque année pour les besoins de l’agriculture qui nous nourrit.Plus de la moitié de cette eau est consacrée à l’irrigation des cultures : il faut par exemple 500 litres d’eau pour produire un kilo de maïs.

2. L’eau et l’agriculture

1. Les besoins en eau de l’agriculture

• A l’échelle mondiale

Avec 70 % de la consommation mondiale d’eau en moyenne, l’agriculture est sansconteste le secteur d’activité le plus consommateur d’eau. Depuis le début du XXe siècle, la superfi cie des terres cultivées en général et celle des terres irriguées en particulier, a beaucoup augmenté pour faire face à l’accroissementde la population et des besoins alimentaires. La consommation mondiale d’eau pour l’agriculture a ainsi été multipliée par six entre 1900 et 1975 par exemple.

L’irrigation, qui était déjà utilisée par les civilisationségyptienne et mésopotamienne, est encore de nos jours une technique en développement. Elle est souvent util isée en complément de l’irrigation pluviale afi n d’augmenter les rendements et d’accroître la durée de la saison agricole.

Encore très souvent traditionnels (irrigation gravitaire ou par submersion dans les rizières asiatiques), les dispositifs d’irrigation ont un très faible rendement. On estime qu’avec les techniques standard, 30 à 60 % de l’eau d’arrosage s’évaporent et ne profi tent pas aux cultures.

• En France

L’agriculture traditionnelle était basée sur la polyculture et l’élevage. Dans la première partie du XXe siècle, le passage à l’agriculture intensive a permis d’augmenter très fortement les rendements grâce à la mécanisation des travaux agricoles, à l’introduction de la sélection végétale et animale, à l’utilisation croissante d’engrais minéraux et de produits phytosanitaires, mais aussi grâce aux progrès de l’irrigation. Cette intensifi cation de l’agriculture répondait à un objectif alors d’actualité : nourrir la population française et développer l’activité économique agricole. Avec la nécessité croissante d’envisager un développement durable des activités humaines, cette évolution de l’agriculture est de plus en plus remise en cause : on cherche aujourd’hui à développer une agriculture peu consommatrice d’intrants chimiques et d’énergies non renouvelables.

Actuellement, 5 milliards de m3 d’eau sont prélevés chaque année en France pour les besoins de l’agriculture. La part la plus importante (60 %) de l’eau prélevée est consacrée à l’irrigation. Cette consommation varie d’une année sur l’autre, en fonction des conditions météorologiques et du type de cultures à irriguer.

Arrosage d’un champ de betteraves

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• Dans le bassin Seine-Normandie

Les terres agricoles représentent 60 % de la superfi cie du bassin Seine-Normandie (60 000 km2). L’agriculture y est très dynamique et intensive. La majeure partie des terres exploitées par les agriculteurs, pour la plupart situées dans les plaines du bas-sin parisien, est occupée par les grandes cultures, c’est-à-dire principalement des céréales, des oléagineux, des betteraves et des pommes de terre. 80 % du sucre français, 75 % des oléagineux, 49 % des protéagineux et 27 % des céréales panifi ables sont produits sur le territoire du bassin. Les cultures industrielles se retrouvent au nord du bassin, la faible surface en vigne à l’est. Enfi n, la polyculture élevage se réduit progressivement aux zones du Morvan et de la Normandie.

Dans le bassin Seine-Normandie, comme partout en France, les volumes d’eau prélevés varient en fonction de la météo. En 1997, ils étaient de 102 millions de m3 ; en 2003 - année de la canicule - ils ont atteint 206 millions de m3. Toutefois, l’irrigation n’est pas un enjeu majeur dans le bassin car elle ne représente que 3 % des prélèvements totaux.

2. Les pollutions agricoles

En 1960, un agriculteur nourrissait 7 personnes. Il en nourrit aujourd’hui 90. Mais cette agriculture intensive n’est pas sans conséquences pour l’environnement.

• L’élevage intensif

La concentration des élevages entraîne un excédent de déjections animales par rapport à la capacité d’absorption des terres agricoles. Ces déjections, sous l’effet du ruissellement de l’eau et de l’infi ltration dans le sous-sol, enrichissent les cours d’eau et les nappes souterraines en dérivés azotés et constituent une source de pollution bactériologique.

Champs cultivés dans le bassin Seine-Normandie

L’élévage intensif est une source importante de pollution

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u Les cultures sont en effet plus ou moins consommatrices d’eau. Il faut par exemple :- 25 litres d’eau pour produire 1 kg de salade,- 100 litres d’eau pour produire 1 kg de tomates,- 500 litres d’eau pour produire 1 kg de maïs,- 600 litres d’eau pour produire 1 kg de pommes de terre. La sélection variétale peut permettreune évolution vers des variétés moinsconsommatrices d’eau et de produitschimiques.

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pommes

de terre :

600

litres

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500

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tomates :

100

litres

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salades :

25

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- l’amélioration du rendement des cultures nécessite

l’utilisation croissante des produits phytosanitaires : herbicides, fongicides, insecticides… La disparition des haies, en plus, ne permet pas aux insectes auxiliaires de s’installer durablement autour des parcelles et donc de protéger les plantes contre les ravageurs.

Le rejet des résidus de produits phytosanitaires peut se faire directement dans le milieu (pendant le traitement avec la dérive de pulvérisation), avant et après le traite-ment (pollution accidentelle ou ponctuelle, remplissage et fond des cuves). De plus, les produits appliqués ne se dégradent pas instantanément dans le milieu et peuvent gagner les nappes ou les eaux superfi cielles.

Ces produits ont un impact sur les milieux (perturbateurs endocriniens des poissons ou batraciens) et des effets toxiques sur l’homme. De plus, la potabilisation de l’eau contaminée par ces produits nécessite la mise en place de traitements spécifi ques coûteux. Enfi n, il y a aussi un enjeu stratégique vis-à-vis des ressources en eau non contaminées qui se font toujours plus rares pour desservir les populations.

Au-delà des ressources en eau, il faut signaler que cette agriculture intensive a des effets en matière de changement climatique : c’est la principale source de protoxyde d’azote (du fait des engrais azotés notamment), gaz à effet de serre très puissant, dont la participation à l’ensemble des gaz à effet de serre est aujourd’hui estimée à 15 %.

Epandage de pesticides sur un champ

de colza

• Les grandes cultures

Les cultures industrielles impliquent un usage massif d’engrais chimiques (nitrates et phosphates), de produits phytosanitaires, mais aussi un recours accru à l’irrigation. Le problème est multiple :- la spécialisation des filières, et donc la monoculture intensive, a des effets négatifs : - variétés sensibles aux ravageurs (parasites, insectes, champignons, mauvaises herbes...), - ruissellement accru, érosion des sols, perte de la biodiversité...

Les fertilisants utilisés en agriculture sont pour partie à l’origine des phénomènes d’eutrophisation. Celle-ci se caractérise par une asphyxie des milieux aquatiques suite à un développement trop im-portant de certaines algues. En laissant les sols nus durant

l’hiver et du fait de l’absence d’éléments structurants du paysage, des phénomènes d’érosion peuvent faire leur apparition. Outre l’appauvrissement du patrimoine sol, l’érosion des sols est à l’origine de phénomènes de turbidité et de pollutions bactériologiques.

L’eutrophisation est une forme de pollution de l’eau qui se caracté-rise par un enrichissement excessif en substances nutritives comme l’azote, le phosphore, les oligo-éléments.Ces éléments agissent comme un engrais pour les plantes et les algues, qui se développent alors de manière excessive.Leur prolifération provoque une chute de la quantité d’oxygène présente dans l’eau, qui entraîne la mort par asphyxie des autres espèces vivantes, poissons et insectes aquatiques notamment.

Une rivière eutrophisée

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• Etat des lieux dans le bassin Seine-Normandie

Le nombre des captages d’eau souterraine dépassant la norme de potabilité pour les teneurs en nitrates (50 mg/l) et en pesticides (0,5 μg/l pour la somme des subs-tances) a plus que triplé en dix ans : alors qu’en 1997, 6 % présentaient des valeurs dépassant la norme, ce chiffre est passé à 13,5 % en 2000 et à 22,5 % en 2006.

De plus en plus de captages sont abandonnés car ils dépassent les normes requises pour l’eau brute destinée à la potabilisation.

3. Comment limiter les impacts sur l’eau des activités agricoles ?

De nombreuses précautions peuvent être prises par les agriculteurs pour limiter les impacts sur l’eau de leurs activités. On peut distinguer, d’une part le fait de choisir globalement un mode de production alternatif à l’agriculture intensive (agriculture biologique, élevage extensif en prairie, agriculture durable), ce qui implique de penser différemment la structure et le fonctionnement de toute la ferme, d’autre part le fait d’accompagner les gestes quotidiens d’efforts compensateurs. Le premier choix est plus effi cace du point de vue de l’environnement, mais bien souvent le second est préféré car il permet une meilleure insertion dans l’économie.

• Pour limiter les pollutions :

- limiter le recours aux produits phytosanitaires et aux engrais de synthèse. Un retour à l’agronomie fondamentale s’impose : choix des variétés, date des semis, densité des semis, observation des parcelles, désherbage mécanique, «lutte biolo- gique» c’est-à-dire utilisation des prédateurs des insectes vivant notamment dans les haies ;- utiliser de manière raisonnée les engrais et les produits phytosanitaires lorsqu’ils doivent être utilisés, en prenant en compte toutes les données utiles : les besoins des cultures, la nature des sols, le climat, les infestations d’insectes nuisibles, la présence de mauvaises herbes... et surtout la vulnérabilité du milieu ;- limiter à zéro le risque de pollution accidentelle : bien régler les engins d’épandage, traiter les fonds de cuve, se doter d’une aire de remplissage fonctionnelle ;- réserver une bande enherbée au bord des rivières pour piéger les pollutions, - pour les installations d’élevage : construire des aires bétonnées pour éviter les écoulements des déjections animales dans les rivières et dans les nappes.

• Pour limiter les prélèvements d’eau :

- choisir des espèces végétales et des variétés adaptées aux conditions climatiques de nos régions,- calculer la quantité d’eau précise dont la plante a besoin, arroser au pied de la plante et n’apporter que la quantité d’eau nécessaire,- utiliser des systèmes économes en eau comme la micro-irrigation, - mesurer les quantités d’eau prélevées avec un compteur,- préserver l’humidité du sol en le couvrant avec de l’écorce ou des rameaux d’arbres broyés, etc.

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L’exemple du maïs

Le maïs est une des plantes les plus cultivées en France. C’est à l’origine une céréale exotique qui doit être arrosée pendant sa période de fl oraison, en plein été ! Près de la moitié de l’eau utilisée en France est utilisée pour l’irrigation du maïs. Et cette production ne cesse d’augmenter car le maïs ainsi produit est principalement utilisé pour nourrir le bétail. On estime ainsi que 13 000 litres d’eau sont nécessaires pour produire 1 kg de boeuf.

Le rôle de l’Agence de l’eau

L’ Agence de l’eau a pour mission de promouvoir les bonnes pratiques agricoles. Cette mission répond aux exigences de la directive cadre européenne sur l’eau de juin 2000 dont l’objectif est de retrouver d’ici à 2015 un bon état de la ressource en eau.

L’Agence de l’eau Seine-Normandie propose des aides aux agriculteurs pour réaliserdes projets contribuant à améliorer la qualité de la ressource en eau, par exemplepour mettre en oeuvre des mesures agro-environnementales ou se convertir àl’agriculture biologique au niveau des bassins d’alimentation de captage. Au mêmetitre que les autres consommateurs d’eau, les agriculteurs sont assujettis à desredevances. Ces redevances contribuent à fi nancer les opérations de protection dela ressource dans le bassin Seine-Normandie. Il existe trois types de redevances agricoles : la «redevance élevage», que paient les agriculteurs possédant un élevage, la «redevance irrigation» dont s’acquittent lesagriculteurs qui prélèvent de l’eau à des fi ns d’irrigation, la redevance «pollutionsdiffuses», qui s’applique aux produits phytosanitaires.

La culture du maïs nécessite une irrigation importante

en été

Voir la plaquette« L’agriculture entre grande culture et demande de qualité »

téléchargeable sur le site de l’Agence de l’eau Seine-Normandie :http://www.eau-seine-normandie.fr - rubrique Expert- Etudes et synthèses

Pour accéder aux études socio-économiques des usages de l’eau

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