E n C o u v e r t u r e - s0f2681d7df0284dc.jimcontent.com · E n C o u v e r t u r e . . . 14 :...

4
En Couverture... 12 : Trad Mag N° 120 - Juillet / Août 2008 Vrod Jean-François Photo Nicolas Rouxel.

Transcript of E n C o u v e r t u r e - s0f2681d7df0284dc.jimcontent.com · E n C o u v e r t u r e . . . 14 :...

Page 1: E n C o u v e r t u r e - s0f2681d7df0284dc.jimcontent.com · E n C o u v e r t u r e . . . 14 : Trad Mag N° 120 - Juillet / Août 2008 pas tout garder. Autrefois, dans ma famille,

E n C o u v e r t u r e . . .

12 : Trad Mag N° 120 - Juillet / Août 2008

VrodJean-François

Pho

to N

icol

as R

ouxe

l.

Page 2: E n C o u v e r t u r e - s0f2681d7df0284dc.jimcontent.com · E n C o u v e r t u r e . . . 14 : Trad Mag N° 120 - Juillet / Août 2008 pas tout garder. Autrefois, dans ma famille,

« Si, en ces temps de tourmente culturelle, sociale, et politique, on me demandait de définir mon travail en choisissant entre :Créateur underground,Travailleur social,Alternactiviste culturel,Pédagogue actionniste,Ou résistant passeur de traditions clandestines,je ne le ferais pas, car mon travail aujourd’hui, c’est tout cela à la fois. »

C ’est cet “auto-C.V.” que propose Jean-François Vrod sur la page d’accueil de son site. Tout est

dit. Artiste issu du mouvement des musi-ques et danses traditionnelles, violoneux formé au répertoire auvergnat, “collec-teur” passionné entre Massif Central et Région Parisienne (sur les traces des “Auvergnats de Paris”)… Jean-Fran-çois est représentatif de cette génération qui a eu 20 ans à la fin des années 70. On a pu l’entendre au sein d’ensembles comme Café Charbons, La Compagnie Chez Bousca ou le Trio Violon. Depuis une dizaine d’années, sa carrière a pris des chemins de traverse. Ses spectacles en solo l’ont mené aux confins du théâ-tre, de l’art brut, du conte et de l’impro-visation libre. Il conserve toutefois, au centre de son travail, une réflexion sur l’actualité de la pratique du répertoire “traditionnel”… même si, parfois, il ne s’agit plus d’interpréter ce répertoire “au pied de la lettre”.Ecoutons Jean-François retracer son par-cours, en commençant par une rencontre importante (fondatrice ?), celle des vio-loneux du Massif Central et parmi eux, Joseph Perrier (1911-2003) (voir TM 106 pages 16-17, ndlr).

Joseph Perrier« J’ai rencontré Joseph Perrier en décem-bre 1979. J’avais 20 ans. Avec Patrick Mona, un copain de lycée qui s’intéres-sait également aux musiques tradition-nelles, nous avions décidé de collecter dans son coin. On nous avait dit que Joseph était le meilleur violoneux du pays ! Peu de temps auparavant, il avait d’ailleurs figuré sur un 33 tours réalisé par Alain Ribardière pour le label Chant du Monde. Nous avons donc débarqué chez Joseph à bord de la vieille voiture

de Patrick (une Ami 6 !). Nous arrivions de Paris et nous étions dans un drôle d’état, indisposés par les gaz d’échappe-ment de notre propre véhicule ! Ce jour-là, Joseph a joué brillamment pendant deux heures et demie et nous nous som-mes dit que ce serait bien de repasser lui rendre visite, un jour ou l’autre. En fait, nous sommes revenus régulièrement le voir pendant plus de 20 ans. »

Le Jour de l’air de Jo« J’ai vu Joseph pour la dernière fois en août 2002. Ce jour-là, André Ricros avec lequel je me trouvais avait eu la bonne idée d’apporter une caméra. Joseph est mort quelques mois plus tard. J’ai alors décidé que pendant un an, chaque jour, je jouerais une mélodie recueillie auprès de lui. Je m’y suis tenu du 7 janvier 2004 au 7 janvier 2005 (journée que j’ai passé en compagnie de Germaine Perrier, la femme de Joseph). Tout au long de cette année bien particulière, j’ai tenu un car-net de bord, dans lequel j’ai consigné ce que je jouais ainsi que mes impressions.Cela a donné naissance à la veillée-spec-tacle, “Le Jour de l’air de Jo”, créée en avril 2006. J’y mêle des images vidéo de Joseph et l’interprétation en direct de sa musique. 16 mélodies ont été sélec-tionnées dans mon carnet de bord et je lis les commentaires correspondant aux jours choisis. C’est pour moi une façon de présenter ce répertoire en public. Je

ne joue que les thèmes, sans arrange-ments. Est-ce que je le fais pour autant “à la manière de Joseph” ? Je ne sais pas. J’essaie en tout cas de jouer de la manière la plus sincère possible. »

La Soustraction des Fleurs« L’un des groupes avec lesquels je tourne actuellement, “La Soustraction des Fleurs”, présente une autre façon d’aborder l’interprétation du répertoire traditionnel. Cette expérience est née d’un spectacle créé en novembre 2003 à la Maison pour Tous de Chatou (78). Ma collaboration avec ce lieu, dirigé à l’époque par Françoise Morvan, avait débuté en 1996 pour mon premier spec-tacle solo, “De Mémoire de violon” joué une centaine de fois depuis. J’y avais ensuite créé “L’Idiome du village”. “La Soustraction des Fleurs” est un trio, dans lequel je joue aux côtés de Fré-déric Aurier (violon) et Sylvain Lemê-tre (zarb). Sans oublier Sam Mary aux lumières et Laurence Garcia qui nous a apporté son regard extérieur. En sep-tembre 2006, nous avons sorti un disque dans la collection “Signature” de Radio France (voir TM 112 page 89, ndlr). Dans quelques mois, nous allons mon-ter un nouveau spectacle, dans le cadre d’une résidence en collaboration avec plusieurs lieux. Il s’agira de réfléchir à la notion “d’archive” au sens large. Ainsi, que faut-il faire de l’héritage ? Oublier, transformer, conserver ? Ces questions prennent aujourd’hui un caractère très politique… »

Le répertoire populaire ou traditionnel« Il me semble que ce répertoire ne vaut la peine d’être joué que s’il fait encore sens aujourd’hui. Du passé, on ne peut

Jean-François est l’artiste associé des Rencontres de Saint Chartier 2008. Un bon prétexte pour faire le point. On parlera de violon, bien sûr, et de bien d’autres choses. Portrait d’un musicien trad d’aujourd’hui.

E n C o u v e r t u r e . . .

Trad Mag N° 120 - Juillet / Août 2008 9 13

Il me semble que le répertoire

traditionnel ne vaut la peine d’être joué que s’il fait encore sens aujourd’hui.

Du passé, on ne peut pas tout garder.

En compagnie de Joseph Perrier à Salers en 1980.

Pho

to N

icol

as R

ouxe

l.

Pho

to J

ean-

Luc

Mat

te.

Page 3: E n C o u v e r t u r e - s0f2681d7df0284dc.jimcontent.com · E n C o u v e r t u r e . . . 14 : Trad Mag N° 120 - Juillet / Août 2008 pas tout garder. Autrefois, dans ma famille,

E n C o u v e r t u r e . . .

14 : Trad Mag N° 120 - Juillet / Août 2008

pas tout garder. Autrefois, dans ma famille, en Auvergne, les femmes ne mangeaient pas avec les hommes, elles le faisaient sur un coin de table dans la cuisine, une fois le repas des hommes terminé. Je ne veux pas de cette tradition là. Par contre, il me parait intéressant de conserver des éléments des cultures tra-ditionnelles, par exemple le répertoire ou la fantaisie des violoneux… ou en tout cas de s’en inspirer. Aujourd’hui, ces éléments constituent une alternative précieuse à ce qui se met en place autour de nous. J’ai eu différentes approches par rapport aux “sources”, elles m’apparais-sent aujourd’hui comme complémentai-res. Dans “De Mémoire de violon”, il s’agissait de faire découvrir l’imaginaire de la tradition des violoneux du Massif Central. “L’Idiome du village” cherchait à mettre en valeur les arts en marge dont une certaine culture populaire mécon-nue. “La Soustraction des Fleurs” est un travail d’écriture, d’arrangement et d’improvisation à partir d’éléments de la culture populaire. »

Le fond plus que la forme« Ainsi, dans ce projet, il nous a paru es-sentiel de nous interroger sur ce qu’il y a derrière la musique, en amont du geste mélodique. Partir en quête du fond plus que de la forme.Par exemple, est-il possible de jouer une “bourrée”, sans le discours mélodique habituel lié à cette danse ? Quels sont alors les éléments musicaux à l’œuvre à ce moment-là ?On peut se demander aussi ce qu’un chanteur traditionnel a dans la tête quand il chante. Dans notre spectacle, nous avons choisi la “Passion”, ce chant très répandu qui conte la fin du Christ. A y regarder de plus près, le chanteur de “Passion” est une sorte de pleureur. Nous avons suivi cette piste et elle a recoupé d’autres traditions, celles des pleureuses africaines ou de l’Europe de l’Est. Ainsi, sans chanter une seule pa-role, nous avons malgré tout l’impres-sion d’être au cœur de la chanson. Nous nous sommes intéressés également à la corporalité du musicien traditionnel, à cette façon si particulière de mettre son corps en action pour faire du son. Ces questions se retrouvent dans nos préoc-cupations d’artistes contemporains qui montent sur une scène. »

La création “Kitchen Solo”« Le spectacle “Kitchen Solo” a une double origine. D’une part, j’ai toujours aimé bidouiller avec de l’électronique simple et des micros. D’autre part, nous avons monté en 2003 un duo expérimen-

tal, Blockheads, avec le batteur rennais Régis Boulard. C’est lui qui m’a donné l’occasion de réfléchir à un set sur table “électro-cheap”, autour d’un violon- bidon, d’une table de mixage et de quel-ques capteurs. De tout cela est né un solo, “Kitchen Solo”, qui a donné lieu à une commande de l’INA-GRM l’année dernière à Radio France. Quant au duo Blockheads, il tourne toujours. »

Triporteur Sonata« Une autre rencontre importante pour moi est celle du GMEA (Centre natio-nal de création musicale d’Albi, dans le Tarn). Elle s’est faite en 2002, grâce au compositeur Alain Savouret et au pho-nographiste Jean Pallandre. Grâce à eux, j’ai joué à plusieurs occasions au regretté et passionnant festival “Musique et quo-tidien sonore” d’Albi, qui rassemblait des artistes de différentes esthétiques.Nous avons eu envie de poursuivre l’aventure avec le GMEA à travers une commande d’Etat intitulée : “Triporteur Sonata”. Il s’agit de composer une pièce en relation étroite avec des lieux choi-

sis. C’est, pour moi, un écho possible à la posture du musicien de tradition orale qui joue toujours en fonction d’un contexte spatio-temporel. Quatre lieux ont donc été sélectionnés, deux chais en Armagnac (grâce à Alain Laporte, di-recteur du festival de Pavie), un château dans le Tarn et la cathédrale de Saint Bertrand de Comminges.Dans chacun de ces espaces, nous avons pris le temps de chercher des processus de jeu et de composition correspondant à ce que l’on pourrait appeler l’essence du lieu. Pour cela, nous nous sommes ap-puyés sur des paramètres autant objec-tifs que subjectifs en rapport à l’acousti-que, l’histoire et la plastique des espaces de jeu. Nous avons également enregis-tré. Tout ce travail a été mené en étroite collaboration avec Laurent Sassi, ingé-nieur du son à très grandes oreilles ! Une première étape concertante a eu lieu au festival de Pavie début mai dernier. Sam Mary en a fait la lumière. La création aura lieu en mars 2009 à Albi. »

4 Discographie sélectiveCD :- La Soustraction des fleurs, Signature Radio-France, Dist. Harmonia Mundi, 2006.- Duo Blockheads (Jean-François Vrod et Régis Boulard -batterie-), Chez Françoise, Box-pock, 2003.- Jean-François Vrod, Faire l’idiome pour avoir du son, Boxpock, 2000 (Recommandé par TRAD Mag).- Chris Wood - Jean-François Vrod, Crossing, RUF Records, 1999.- Jean-François Vrod, CD Cinq Planètes, Dist. L’Autre distribution, 1998 (Choc Le Monde de la musique).- Jean-François Vrod, Voyage, Silex Auvidis, 1996 (Prix Académie Charles Cros).

DVD :- Le Jardin en marche (2006) de Benoit Sicat produit par Candéla production et TV Rennes, musique de JF Vrod.- De Bouche à Oreilles (2004), réalisé par le CNDP avec Marc Perrone, Arthur H., Philippe Hersant, Pierre Boulez, etc.

Il m’importait que l’on puisse écouter

lors de Saint Chartier 2008 un échantillon

représentatif des différentes formes d’expressions, de la musique acoustique jusqu’au folk-rock le

plus débridé.

La Soustraction des Fleurs.

Page 4: E n C o u v e r t u r e - s0f2681d7df0284dc.jimcontent.com · E n C o u v e r t u r e . . . 14 : Trad Mag N° 120 - Juillet / Août 2008 pas tout garder. Autrefois, dans ma famille,

E n C o u v e r t u r e . . .

Trad Mag N° 120 - Juillet / Août 2008 9 15

Saint Chartier 2008« J’ai eu la chance et l’honneur d’être choisi comme artiste asso-cié des Rencontres de Luthiers et Maîtres-Sonneurs de Saint Chartier 2008. A cet effet, voilà plus d’un an que je travaille avec les organisa-teurs du festival, le Comité George Sand. J’ai assisté à l’édition 2007, pris beaucoup de notes, observant tout ce qui s’y passait avec atten-tion. Cela n’a fait que conforter une impression que j’avais déjà depuis longtemps : Saint Chartier est l’un des principaux lieux de représen-tation nationale du mouvement des musiques et danses traditionnelles. Tous les passionnés s’y retrouvent, même s’ils sont parfois critiques à l’égard du festival. J’ai participé à la programmation, et j’ai tenu à ce que notre milieu soit montré dans toute sa diversité. Il m’importait que l’on puisse écouter lors de Saint Chartier 2008 un échantillon représentatif des différentes formes d’expression, de la musique acoustique jusqu’au folk-rock le plus débridé, sans qu’un format prenne l’avantage sur un autre. Saint Chartier doit permettre de rendre notre mouvement musical visible dans toutes ses différences. »

Le CPMDT« Quand on est un artiste professionnel de ce mouvement, on se sent parfois, pour diverses raisons, un peu seul ! Le Col-lectif des Professionnels des Musiques et Danses Traditionnelles (CPMDT),

monté en 2004, a permis d’atté-nuer cette sensation d’isolement et a inauguré une représentation insti-tutionnelle des artistes profession-nels de ce milieu. J’ai la chance de présider le CPMDT et ce projet me tient très à cœur. Parmi toutes les questions qui nous préoccupent, il en est une que nous estimons fon-damentale : l’accompagnement des jeunes musiciens qui souhaitent se professionnaliser. Nous venons de mettre en place, avec l’ADAMI, des bourses de compagnonnage. Avec ce dispositif complémentaire à la for-mation initiale, il s’agit de permettre aux titulaires de ces bourses de pas-ser plusieurs jours, sur une période de six mois, auprès d’un musicien professionnel expérimenté. On re-vient ainsi à un thème central dans nos musiques : la transmission. Pour les musiciens de ma génération, le moment est venu de partager une expérience. »

n Propos recueillis par Guillaume Veillet P

hoto

s C

hris

tian

Leb

on.