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www.lemonde.fr 57 e ANNÉE – Nº 17530 – 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE MÉTROPOLITAINE -- FONDATEUR : HUBERT BEUVE-MÉRY – DIRECTEUR : JEAN-MARIE COLOMBANI MARDI 5 JUIN 2001 Les Mongols reconquièrent la liberté de porter un nom de famille OULAN-BATOR de notre envoyé spécial C’était un pays où les habitants n’avaient plus de patronymes. Un pays purgé de ses noms de famille. Un pays où l’on ne se connais- sait que par son prénom, certes plus poétique qu’un simple numéro mais tout aussi négateur d’identité. Les individus partageaient en mas- se les mêmes prénoms : autant dire qu’ils n’existaient guère. Dans la capitale de cette utopie totalitaire, on comptait dix mille fem- mes Altantsetseg (Fleurs d’or) et autant de Narantsetseg (Fleurs de soleil). Cette capitale est Oulan-Bator et ce pays la Mongolie dite « extérieure », ancien berceau du communisme des steppes. Depuis l’effondre- ment du système de facture soviétique en 1990, les Mongols ont réhabilité la légende réprimée de Gengis Khan, renoué avec la foi persécutée du bouddhisme lamaïque, se sont frottés à la démocratie parlementaire et, conquête qui peut sembler incongrue partout ailleurs, se sont réapproprié la liberté de porter un nom. L’avènement de la démocratie en Mongolie a ainsi pris une forme inédite. Elle s’est conju- guée avec le grand retour des patronymes que le régime bolchevique avait supprimés en 1925 pour mieux éradiquer le « féodalisme ». « C’est la démocratie qui nous a permis de redécouvrir notre mémoire », dit Zhambaldorjiin Serjee, le directeur de la Bibliothèque centrale d’Etat. M. Serjee est la cheville ouvrière de ce colos- sal chantier de reconstruction. Colossal car il a fallu quasiment repartir de zéro. Forcés à l’am- nésie, environ 60 % des Mongols ignoraient tout des patronymes de leurs aïeux, une incultu- re généalogique qui a durement touché certai- nes régions en raison de la consanguinité qu’el- le a rendue possible. Mêlant enquêtes de ter- rain et décryptage d’archives, M. Serjee a fina- lement pu dresser un inventaire des noms de famille et de clan existant avant la révolution de 1921, les répartissant par préfecture. Cha- cun a ainsi pu être guidé dans sa recherche. Mais le travail de M. Serjee n’a pas suffi à res- taurer pleinement les états civils en lambeaux. Car de nombreux Mongols ont rechigné à adop- ter les patronymes dont ils sont les vraisembla- bles héritiers, mais qui sonnent fort mal aux oreilles. Inutile de préciser que Doloon Sogtuu- giinkhan (famille des sept ivrognes), Khaltar Guichyguinnkhen (famille de la chienne au visa- ge sale), Boosniikhon (famille des poux) ou Khulgaichiinkhan (famille des voleurs) n’ont guère trouvé preneurs. En revanche, tout le monde s’est affublé de Borjigon (le maître du loup bleu) qui n’est autre que le nom de Gengis Khan. Khereid (cor- beau) ou Merghid (bon viseur) ont aussi connu quelque faveur. La clarification des identités a donc peu progressé. « Si tout le monde adopte le même nom de clan, c’est comme s’il n’y avait plus de nom distinctif », se plaint M. Serjee. La solution pourrait peut-être venir de la réinvention pure et simple de patronymes ins- pirés des profils contemporains de chacun. Entré en 1981 dans l’histoire en devenant le pre- mier cosmonaute mongol, Guragchaa l’a fait. Refusant la facilité de Borjigon (Gengis Khan), il a tout simplement choisi Sansar (cosmos). Avec son patronyme étincelant, le général Cos- mos est entré une nouvelle fois dans la légende pionnière, celle de la conquête des noms. Frédéric Bobin International................ 2 France-Société ............. 6 Régions ........................... 9 Carnet............................ 10 Horizons ....................... 11 Abonnements .............. 13 Entreprises ................... 15 Aujourd’hui .................. 16 Météorologie-Jeux...... 19 Culture .......................... 20 Guide culturel .............. 22 Radio-Télévision ......... 23 ÉLECTIONS EN GRANDE-BRETAGNE Public-privé : le choix de Blair Les emplois-jeunes seront prolongés b Le gouvernement veut pérenniser ce dispositif né en 1997 qui emploie aujourd’hui 276 950 jeunes b Ces mesures iront jusqu’en 2008, principalement dans la fonction publique b L’éducation et la police auront la priorité b Les employeurs associatifs bénéficieront d’une « rallonge » financière plus limitée LA MORT D’ANTHONY QUINN Le sang-mêlé d’Hollywood La dure sélection des start-up a UN AN après la première dégringolade boursière des valeurs dites « de la nouvelle écono- mie », les financiers des start-up sont devenus très sélectifs. Certes, de janvier à avril 2001, 2,3 milliards de francs ont été investis dans des start- up françaises contre 2,8 milliards pour la même période en 2000. Mais les investisseurs privilégient les entre- prises dans lesquelles ils ont déjà des intérêts pour tenter de « sauver les meubles » ou favoriser les technolo- gies très « pointues ». Six start-up ont ainsi bénéficié de 40 % des fonds. Le rapport de force a changé et les négociations deviennent plus âpres pour les jeunes pousses. Lire page 15 A trois jours des législatives du 7 juin, le premier ministre britannique Tony Blair et le Parti travailliste semblent assurés de la victoire. M. Blair défend une plus grande participation du capital privé à la rénovation des services publics. Les syndicats et la gauche travailliste y sont radicalement opposés. p. 4 LA MINISTRE de l’emploi et de la solidarité, Elisabeth Guigou, pré- sentera, mercredi 6 juin, le plan de pérennisation des emplois-jeunes. Cette annonce pourrait être faite en présence des ministres de l’édu- cation nationale, de l’intérieur, de l’environnement, du sport ou du tourisme, dont les secteurs sont très concernés par l’avenir de ce programme, né en 1997. La plupart des 276 950 emplois-jeunes vont être prolongés. Soit parce que leurs employeurs vont bénéficier d’une « rallonge » financière, soit parce que les postes créés par la loi, notamment dans l’éducation et la police, seront maintenus. Mais le dispositif restera basé sur le princi- pe du turnover des occupants de ces emplois. Le gouvernement a privilégié un traitement au cas par cas. Dans chacune des quatre grandes « familles » – associations, collectivi- tés locales, police, éducation natio- nale – où sont regroupés les emplois- jeunes, le dispositif s’appliquera dif- féremment selon les difficultés de financement rencontrées et l’utilité de ces « nouveaux services ». Les mesures de « consolidation » des emplois-jeunes s’étendront jusqu’en 2008 dans la fonction publique prin- cipalement, où les contrats à durée déterminée de cinq ans, de droit pri- vé, subsisteront. Mais, pour une par- tie des associations, le coup de pou- ce supplémentaire ne s’étalera que sur trois ans – jusqu’en 2005 – et sera très sélectif. Les embauches res- teront donc ouvertes, notamment dans la police, où le volume des 25 000 emplois actuels ne devrait pas se tarir. Parce qu’ils ont inventé de nouveaux métiers, tels que l’aide à la lecture, les aides-éducateurs, sur- tout dans le primaire, bénéficieront également de prolongations. Enfin, le gouvernement souhaite favoriser le reclassement des jeunes occupant des emplois-jeunes en ren- forçant la formation et la profession- nalisation des métiers. Les concours de la fonction publique seront amé- nagés, comme c’est déjà le cas dans la police, pour leur permettre de fai- re valoir leur expérience. Lire nos informations page 6 Sida : un séisme pour les médecins Interprète de plus de cent films qui lui ont valu deux Oscars à Hollywood, l’ac- teur américain Anthony Quinn est mort, le dimanche 3 juin, à l’âge de 86 ans. Longtemps cantonné dans des seconds rôles, ce fils d’un Irlandais et d’une Mexicaine deviendra une star grâ- ce à Viva Zapata ! d’Elia Kazan et à La Strada de Federico Fellini. p. 20 TRANSPORTS TGV, plein sud 1. Marseille à grande vitesse C’était le plus grand chantier d’Europe après la reconstruction de Berlin. Le TGV Méditerranée, inauguré le 10 juin par Jacques Chirac, va mettre Marseille à 3 heures de Paris. Cinq ans de rude travail, 250 kilomètres de ligne nouvel- le, plus de 500 ouvrages d’art et 25 mil- liards de francs. Toute cette semaine, Le Monde raconte ce défi qui rappro- che le nord et le sud. p. 9 La course américaine à la technologie militaire DEVANT l’Académie navale d’An- napolis, dans le Maryland, George W. Bush a récemment dressé le por- trait de la future marine de guerre des Etats-Unis, dans une quinzaine d’années. Le président américain a tressé des couronnes à ses marins, persuadé qu’ils symbolisent l’essen- ce même de la nouvelle architecture de la défense des Etats-Unis, fondée, selon lui, sur la mobilité et sur la capacité à projeter rapidement des forces sur des théâtres extérieurs d’opérations. Les propos de M. Bush sont passés quasiment inaperçus. A tort. Sauf de spécialistes, en Occi- dent, qui y ont vu quelques prémices de la réflexion en cours, outre-Atlan- tique, sur la rénovation de l’arsenal militaire après la présidence de Bill Clinton. Tout donne à croire, en effet, que les Etats-Unis, indépendamment des conclusions qu’ils seront amenés à tirer de leurs consultations avec leurs alliés, ont abouti à une série de pre- miers constats. George W. Bush y a fait allusion à Annapolis. D’abord, les destroyers actuels Aegis (bouclier, en grec) sont en mesure de protéger des continents entiers de la menace de missiles balistiques adverses. Ensuite, les sous-marins lance-missiles nucléaires de la classe Trident devraient emporter des centaines de missiles de croisière équipés de char- ges classiques. Enfin, les bateaux de la marine américaine, dès lors qu’ils croisent sur tous les océans, sont les mieux à même de fournir les moyens susceptibles de participer, au travers de leurs commandements embar- qués et mobiles, à la gestion des cri- ses, à la maîtrise, voire à la domina- tion de l’espace. Ces trois orientations-là viennent renforcer la nouvelle stratégie des Etats-Unis, celle dont M. Bush s’est fait l’inspirateur en préconisant une défense adaptée à une planète qui a bougé, depuis la fin de la guerre froi- de Est-Ouest, et qui oblige les armées à innover de fond en comble. A des députés français de la commission de la défense, qui l’ont auditionné après le discours d’Anna- polis, Jean-Claude Mallet, secrétai- re général de la défense nationale, a confié que, dans l’immédiat, il était évident que les premières capacités antimissiles efficaces, à la portée des Etats-Unis, font appel à des technologies mises au point pour la défense contre les missiles de théâ- tre, notamment à proximité des côtes de zones sensibles. Jacques Isnard Lire la suite page14 Offre spéciale jusqu’au 30 juin 2001 REPRISE 35.000 F * (5336 e*) pour l’achat d’une Citroën récente XM CITROËN FÉLIX FAURE, moi j’aime Fournisseur officiel en bonnes affaires Paris 15 e 10, Place Etienne Pernet 01 53 68 15 15 ....................................................................................................... Paris 14 e 50, boulevard Jourdan 01 45 89 47 47 ....................................................................................................... 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Joseph Cugnot - Zac des Cadesteaux 04 42 78 77 37 FAIBLE KILOMÉTRAGE GARANTIE 1 AN PIÈCES ET MAIN- D’ŒUVRE FINANCEMENT À LA CARTE PRIX ATTRACTIF 15.000 F* (2287 e*) pour l’achat d’une Citroën récente Evasion, Xantia ou Xsara** 10.000 F* (1524 e*) pour l’achat d’une Citroën récente Saxo Reprise minimum de votre véhicule, quels que soient l’état, la marque et beaucoup plus si son état le justifie. *Offre non cumulable avec d’autres promotions, réservée aux particuliers, dans la limite des stocks disponibles. **Sauf Xsara immatriculée après le 01/09/00 et Xsara Picasso. En éc hang e de ce tt e publicit é. IAN WALDIE/AP BERNARD KOUCHNER YasserArafat isoléet affaibli Allemagne, 3 DM ; Antilles-Guyane, 10 F ; Autriche, 25 ATS ; Belgique, 48 FB ; Canada, 2,50 $ CAN ; Côte d'Ivoire, 900 F CFA ; Danemark, 15 KRD ; Espagne, 225 PTA ; Gabon, 900 F CFA ; Grande-Breta- gne, 1 £ ; Grèce, 500 DR ; Irlande, 1,40 £ ; Italie, 3000 L ; Luxembourg, 46 FL ; Maroc, 10 DH ; Norvège, 14 KRN ; Pays-Bas, 3 FL ; Portugal CON., 270 PTE ; Réunion, 10 F ; Sénégal, 900 F CFA ; Suède, 16 KRS ; Suisse, 2,20 FS ; Tunisie, 1,4 Din ; USA (NY), 2 $ ; USA (others), 2,50 $. SYGMA CLAUDE PARIS/AP f www.lemonde.fr/israel-palestiniens f www.lemonde.fr/sida f www.lemonde.fr/cinema f www.lemonde.fr/gb2001 3:HJKLOH=UU\ZUV:?a@g@k@f@k ; M 0147 - 605 - 7,50 F f www.lemonde.fr/nouvelle-eco ANALYSANT dans un entretien au Monde les bouleversements pro- voqués par la pandemie de sida, le ministre de la santé évoque « la fin d’une certaine arrogance médicale » et « une remise en question totale». Lire l’entretien page 13 a Le président de l’Autorité palestinienne est sommé de mettre un terme à l’Intifada a Critiqué dans son camp, il est sous la pression d’Israël, des Etats-Unis et de l’Europe a Après l’attentat de Tel-Aviv, le deuil et la colère des Israéliens Lire nos informations page 2, le point de vue d’Arno J. Mayer page 12 et notre éditorial page 14

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www.lemonde.fr57e ANNÉE – Nº 17530 – 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE MÉTROPOLITAINE -- FONDATEUR : HUBERT BEUVE-MÉRY – DIRECTEUR : JEAN-MARIE COLOMBANIMARDI 5 JUIN 2001

Les Mongols

Les emplois-jeunes seront prolongésb Le gouvernement veut pérenniser ce dispositif né en 1997 qui emploie aujourd’hui 276 950 jeunes

b Ces mesures iront jusqu’en 2008, principalement dans la fonction publique b L’éducation et la policeauront la priorité b Les employeurs associatifs bénéficieront d’une « rallonge » financière plus limitée

La dure sélectiondes start-up

Sida : un séismepour les médecins

TRANSPORTS

TGV,plein sud1. Marseilleà grande vitesse

Offre spéciale jusq

REPR35.00pour l’achat d’une Cit

CITROËN FÉLIX FFournisseur officiel en

Paris 15e 10, Place Etienne P....................................................Paris 14e 50, boulevard Jourd....................................................Coignières (78) 74, RN 10....................................................Bezons (95) 30, rue E. Zola....................................................Thiais (94) 273, av. de Fontain....................................................Limay (78) 266, rte de la Noué-....................................................Nantes (44) 7, bd des Martyrs Na....................................................Corbas (69) ZI Corbas Mont-Mar....................................................Vitrolles (13) Av. Joseph Cugnot - Z

l FAIBLE KILOMÉTRAGE l GARD’ŒUVRE l FINANCEMENT À L

15.000 F*(2287 €*)

pour l’achat d’une Citroën récenteEvasion, Xantia ou Xsara**

Reprise minimum de votre l’état, la marque et beaucoup

*Offre non cumulable avec d’autres promotions, réservée**Sauf Xsara immatriculée après le 01/09/00 et Xsara P

Yasser Arafatisolé et affaibli

Allemagne, 3 DM ; Antilles-Guyane, 10 F ; Autriche,25 ATS ; Belgique, 48 FB ; Canada, 2,50 $ CAN ;Côte d'Ivoire, 900 F CFA ; Danemark, 15 KRD ;Espagne, 225 PTA ; Gabon, 900 F CFA ; Grande-Breta-gne, 1 £ ; Grèce, 500 DR ; Irlande, 1,40 £ ; Italie, 3000 L ;Luxembourg, 46 FL ; Maroc, 10 DH ; Norvège, 14 KRN ;Pays-Bas, 3 FL ; Portugal CON., 270 PTE ; Réunion, 10 F ;Sénégal, 900 F CFA ; Suède, 16 KRS ; Suisse, 2,20 FS ;Tunisie, 1,4 Din ; USA (NY), 2 $ ; USA (others), 2,50 $.

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LA MINISTRE de l’emploi et dela solidarité, Elisabeth Guigou, pré-sentera, mercredi 6 juin, le plan depérennisation des emplois-jeunes.Cette annonce pourrait être faiteen présence des ministres de l’édu-cation nationale, de l’intérieur, del’environnement, du sport ou dutourisme, dont les secteurs sonttrès concernés par l’avenir de ceprogramme, né en 1997. La plupartdes 276 950 emplois-jeunes vontêtre prolongés. Soit parce que leursemployeurs vont bénéficier d’une« rallonge » financière, soit parceque les postes créés par la loi,notamment dans l’éducation et lapolice, seront maintenus. Mais ledispositif restera basé sur le princi-pe du turnover des occupants deces emplois.

Le gouvernement a privilégié untraitement au cas par cas. Danschacune des quatre grandes« familles » – associations, collectivi-tés locales, police, éducation natio-nale – où sont regroupés les emplois-jeunes, le dispositif s’appliquera dif-féremment selon les difficultés definancement rencontrées et l’utilité

reconquièrent la liberté de porter un nom

La course aà la technolog

u’au 30 juin 2001

ISE0 F*

(5336 €*)

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AURE, moi j’aime bonnes affairesernet 01 53 68 15 15...................................................an 01 45 89 47 47...................................................

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ebleau - RN7 01 46 86 41 23...................................................Port Autonome 01 34 78 73 48...................................................ntais - Ile Beaulieu 02 40 89 21 21...................................................tin, rue M. Mérieux 04 78 20 67 77...................................................ac des Cadesteaux 04 42 78 77 37

ANTIE 1 AN PIÈCES ET MAIN-A CARTE l PRIX ATTRACTIF

10.000 F*(1524 €*)

pour l’achat d’une Citroën récenteSaxo

véhicule, quels que soient plus si son état le justifie.

aux particuliers, dans la limite des stocks disponibles.icasso. En échange de cette publicité.

de ces « nouveaux services ». Lesmesures de « consolidation » desemplois-jeunes s’étendront jusqu’en2008 dans la fonction publique prin-cipalement, où les contrats à duréedéterminée de cinq ans, de droit pri-vé, subsisteront. Mais, pour une par-tie des associations, le coup de pou-ce supplémentaire ne s’étalera quesur trois ans – jusqu’en 2005 – etsera très sélectif. Les embauches res-teront donc ouvertes, notammentdans la police, où le volume des25 000 emplois actuels ne devraitpas se tarir. Parce qu’ils ont inventéde nouveaux métiers, tels que l’aideà la lecture, les aides-éducateurs, sur-tout dans le primaire, bénéficierontégalement de prolongations.

Enfin, le gouvernement souhaitefavoriser le reclassement des jeunesoccupant des emplois-jeunes en ren-forçant la formation et la profession-nalisation des métiers. Les concoursde la fonction publique seront amé-nagés, comme c’est déjà le cas dansla police, pour leur permettre de fai-re valoir leur expérience.

Lire nos informations page 6

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a Le présidentde l’Autoritépalestinienneest sommé de mettreun terme à l’Intifada

a Critiqué dansson camp, il est sousla pression d’Israël,des Etats-Uniset de l’Europe

a Après l’attentat deTel-Aviv, le deuil et lacolère des Israéliens Lire nos informations page 2,

le point de vue d’Arno J. Mayerpage 12 et notre éditorial page 14

de famille

ÉLECTIONS EN GRANDE-BRETAGNE

Public-privé :le choix de Blair

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a UN AN après la premièredégringolade boursière des

valeurs dites « de la nouvelle écono-mie », les financiers des start-upsont devenus très sélectifs. Certes, dejanvier à avril 2001, 2,3 milliards defrancs ont été investis dans des start-up françaises contre 2,8 milliardspour la même période en 2000. Maisles investisseurs privilégient les entre-prises dans lesquelles ils ont déjà desintérêts pour tenter de « sauver lesmeubles » ou favoriser les technolo-gies très « pointues ». Six start-upont ainsi bénéficié de 40 % des fonds.Le rapport de force a changé et lesnégociations deviennent plus âprespour les jeunes pousses.

Lire page 15

f www.lemonde.fr/nouvelle-eco

OULAN-BATORde notre envoyé spécial

C’était un pays où les habitants n’avaientplus de patronymes. Un pays purgé de sesnoms de famille. Un pays où l’on ne se connais-sait que par son prénom, certes plus poétiquequ’un simple numéro mais tout aussi négateurd’identité. Les individus partageaient en mas-se les mêmes prénoms : autant dire qu’ilsn’existaient guère. Dans la capitale de cetteutopie totalitaire, on comptait dix mille fem-mes Altantsetseg (Fleurs d’or) et autant deNarantsetseg (Fleurs de soleil).

Cette capitale est Oulan-Bator et ce pays laMongolie dite « extérieure », ancien berceaudu communisme des steppes. Depuis l’effondre-ment du système de facture soviétique en 1990,les Mongols ont réhabilité la légende répriméede Gengis Khan, renoué avec la foi persécutéedu bouddhisme lamaïque, se sont frottés à ladémocratie parlementaire et, conquête quipeut sembler incongrue partout ailleurs, sesont réapproprié la liberté de porter un nom.

L’avènement de la démocratie en Mongoliea ainsi pris une forme inédite. Elle s’est conju-

guée avec le grand retour des patronymes quele régime bolchevique avait supprimés en 1925pour mieux éradiquer le « féodalisme ». « C’estla démocratie qui nous a permis de redécouvrirnotre mémoire », dit Zhambaldorjiin Serjee, ledirecteur de la Bibliothèque centrale d’Etat.

M. Serjee est la cheville ouvrière de ce colos-sal chantier de reconstruction. Colossal car il afallu quasiment repartir de zéro. Forcés à l’am-nésie, environ 60 % des Mongols ignoraienttout des patronymes de leurs aïeux, une incultu-re généalogique qui a durement touché certai-nes régions en raison de la consanguinité qu’el-le a rendue possible. Mêlant enquêtes de ter-rain et décryptage d’archives, M. Serjee a fina-lement pu dresser un inventaire des noms defamille et de clan existant avant la révolutionde 1921, les répartissant par préfecture. Cha-cun a ainsi pu être guidé dans sa recherche.

Mais le travail de M. Serjee n’a pas suffi à res-taurer pleinement les états civils en lambeaux.Car de nombreux Mongols ont rechigné à adop-ter les patronymes dont ils sont les vraisembla-bles héritiers, mais qui sonnent fort mal auxoreilles. Inutile de préciser que Doloon Sogtuu-

giinkhan (famille des sept ivrognes), KhaltarGuichyguinnkhen (famille de la chienne au visa-ge sale), Boosniikhon (famille des poux) ouKhulgaichiinkhan (famille des voleurs) n’ontguère trouvé preneurs.

En revanche, tout le monde s’est affublé deBorjigon (le maître du loup bleu) qui n’estautre que le nom de Gengis Khan. Khereid (cor-beau) ou Merghid (bon viseur) ont aussi connuquelque faveur. La clarification des identités adonc peu progressé. « Si tout le monde adoptele même nom de clan, c’est comme s’il n’y avaitplus de nom distinctif », se plaint M. Serjee.

La solution pourrait peut-être venir de laréinvention pure et simple de patronymes ins-pirés des profils contemporains de chacun.Entré en 1981 dans l’histoire en devenant le pre-mier cosmonaute mongol, Guragchaa l’a fait.Refusant la facilité de Borjigon (Gengis Khan),il a tout simplement choisi Sansar (cosmos).Avec son patronyme étincelant, le général Cos-mos est entré une nouvelle fois dans la légendepionnière, celle de la conquête des noms.

Frédéric Bobin

LA MORT D’ANTHONY QUINN

Le sang-mêléd’Hollywood

méricaineie militaire

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BERNARD KOUCHNER

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ANALYSANT dans un entretienau Monde les bouleversements pro-voqués par la pandemie de sida, leministre de la santé évoque « la find’une certaine arrogance médicale »et « une remise en question totale».

Lire l’entretien page 13

International................ 2France-Société ............. 6Régions ........................... 9Carnet............................ 10Horizons ....................... 11Abonnements .............. 13

Entreprises ................... 15Aujourd’hui .................. 16Météorologie-Jeux...... 19Culture .......................... 20Guide culturel .............. 22Radio-Télévision ......... 23

DEVANT l’Académie navale d’An-napolis, dans le Maryland, GeorgeW. Bush a récemment dressé le por-trait de la future marine de guerredes Etats-Unis, dans une quinzained’années. Le président américain atressé des couronnes à ses marins,persuadé qu’ils symbolisent l’essen-ce même de la nouvelle architecturede la défense des Etats-Unis, fondée,selon lui, sur la mobilité et sur lacapacité à projeter rapidement desforces sur des théâtres extérieursd’opérations. Les propos de M. Bushsont passés quasiment inaperçus. Atort. Sauf de spécialistes, en Occi-dent, qui y ont vu quelques prémicesde la réflexion en cours, outre-Atlan-tique, sur la rénovation de l’arsenalmilitaire après la présidence de BillClinton.

Tout donne à croire, en effet, queles Etats-Unis, indépendamment desconclusions qu’ils seront amenés àtirer de leurs consultations avec leursalliés, ont abouti à une série de pre-miers constats. George W. Bush y afait allusion à Annapolis. D’abord, lesdestroyers actuels Aegis (bouclier, engrec) sont en mesure de protéger descontinents entiers de la menace demissiles balistiques adverses. Ensuite,les sous-marins lance-missilesnucléaires de la classe Tridentdevraient emporter des centaines de

missiles de croisière équipés de char-ges classiques. Enfin, les bateaux dela marine américaine, dès lors qu’ilscroisent sur tous les océans, sont lesmieux à même de fournir les moyenssusceptibles de participer, au traversde leurs commandements embar-qués et mobiles, à la gestion des cri-ses, à la maîtrise, voire à la domina-tion de l’espace.

Ces trois orientations-là viennentrenforcer la nouvelle stratégie desEtats-Unis, celle dont M. Bush s’estfait l’inspirateur en préconisant unedéfense adaptée à une planète qui abougé, depuis la fin de la guerre froi-de Est-Ouest, et qui oblige les arméesà innover de fond en comble.

A des députés français de lacommission de la défense, qui l’ontauditionné après le discours d’Anna-polis, Jean-Claude Mallet, secrétai-re général de la défense nationale, aconfié que, dans l’immédiat, il étaitévident que les premières capacitésantimissiles efficaces, à la portéedes Etats-Unis, font appel à destechnologies mises au point pour ladéfense contre les missiles de théâ-tre, notamment à proximité descôtes de zones sensibles.

Jacques Isnard

Lire la suite page14

C’était le plus grand chantier d’Europeaprès la reconstruction de Berlin. LeTGV Méditerranée, inauguré le 10 juinpar Jacques Chirac, va mettre Marseilleà 3 heures de Paris. Cinq ans de rudetravail, 250 kilomètres de ligne nouvel-le, plus de 500 ouvrages d’art et 25 mil-liards de francs. Toute cette semaine,Le Monde raconte ce défi qui rappro-che le nord et le sud. p. 9

A trois jours des législatives du 7 juin, lepremier ministre britannique Tony Blairet le Parti travailliste semblent assurésde la victoire. M. Blair défend une plusgrande participation du capital privé àla rénovation des services publics. Lessyndicats et la gauche travailliste y sontradicalement opposés. p. 4

f www.lemonde.fr/gb2001

Interprète de plus de cent films qui luiont valu deux Oscars à Hollywood, l’ac-teur américain Anthony Quinn estmort, le dimanche 3 juin, à l’âge de86 ans. Longtemps cantonné dans desseconds rôles, ce fils d’un Irlandais etd’une Mexicaine deviendra une star grâ-ce à Viva Zapata ! d’Elia Kazan et à LaStrada de Federico Fellini. p. 20

f www.lemonde.fr/cinema

Page 2: e 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE … 57e ANNÉE – Nº 17530 – 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE MÉTROPOLITAINE -- MARDI 5 JUIN 2001 FONDATEUR : HUBERT BEUVE-MÉRY – DIRECTEUR : JEAN-MARIE

JÉRUSALEMcorrespondance

Marina Zirkovskaya, Helena et Julia Neli-mov, Mariana Madbaneko, Irina Ousdachi,Alexei Loupalou, Raisa Nomrovsky, MariaTaguilchev, Anya Kachkova… Tous étaientallés danser au Dolphin Disco et au Pacha,deux boîtes de nuit installées sur le front demer de Tel-Aviv et fréquentées surtout parla communauté « russe ». Les filles étaientarrivées de bonne heure pour profiter del’entrée gratuite offerte jusqu’à minuit, uneaubaine pour ces jeunes peu fortunés. A23 h 40, l’attentat suicide commis par lekamikaze a littéralement décimé la commu-nauté « russe ».

Dix-huit des vingt victimes sont de nou-veaux immigrants originaires non pas seule-ment de Russie, mais des anciennes républi-ques de l’URSS, de la Géorgie à l’Ukraine enpassant par l’Ouzbékistan et le Kazakhstan.

Dimanche matin, le quotidien Maarivtitrait en première page en hébreu et en rus-se « Nous pleurons nos enfants ». La plupartont été enterrés dimanche 3 juin, deux per-sonnes doivent être portées en terre ce lun-di et enfin aucune date n’a encore été fixéepour les funérailles de Diez Normanov,vingt et un ans, qui avait immigré seul en

Israël. Dimanche, dans les cortèges funè-bres, des familles éplorées et une foule consi-dérable d’adolescents sont venus dire aurevoir à leurs camarades.

Seize des victimes avaient moins de vingtans. La plus jeune, Maria Taguilchev n’étaitâgée que de quatorze ans. Quelques joursplus tôt, une bombe avait explosé en face deson école, à Netanya. Par miracle, il n’yavait pas eu de victimes, pas même de bles-

sés légers, mais Maria n’en avait pas moinssubi un choc psychologique. Vendredi soir,lorsque sa mère, Olga, a tenté de s’opposerà ce qu’elle sorte, Maria lui aurait réponduqu’après cet événement elle avait « besoind’aller danser pour apaiser le stress ».

Maria était fille unique, elle était arrivéeavec sa mère en Israël il y a un an et demi, lepère étant resté en Russie : une situationfamiliale assez courante parmi les nou-

veaux immigrants divorcés et qui a rendu lesoutien psychologique d’autant plus impor-tant après l’attentat, surtout pour desfamilles souvent isolées dans la sociétéisraélienne. Quelques heures après le dra-me, un centre d’informations téléphoni-ques en russe avait été mis en place pourvenir en aide à ceux dont l’hébreu est par-fois hésitant.

Au lycée Shevah Mofet de Tel-Aviv, essen-tiellement fréquenté par de nouveaux immi-grants et tragiquement éprouvé par le dra-me – sept de ses élèves sont morts, et sixsont blessés –, une cellule de crise avait étémise en place dès samedi matin afin d’aiderparents et étudiants à surmonter cetteépreuve. La ministre de l’éducation, LimorLivnat, a aussitôt annoncé le report des exa-mens de fin d’année.

Celle-ci est également intervenue auprèsdu grand rabbin Israël Meir Lau pour s’assu-rer que les victimes seraient toutes enter-rées dans un cimetière juif si elles le souhai-taient. Ce dernier a donné des instructionsen ce sens, mettant ainsi fin à la polémiquelancée par certains politiques qui accusaientdéjà les rabbins de refuser une tombe juiveà trois des victimes dont la mère n’est pasjuive. En fait, il semble qu’il s’agissait plutôt

d’un procès d’intention fait aux rabbins dela Hevra Hakadisha, société chargée desfunérailles.

Dimanche, certains s’interrogeaient déjàsur les conséquences que ce drame auraitpour la poursuite de l’immigration russopho-ne en Israël. Le président de l’Agence juive,chargée de l’immigration, Sallai Meridor,précisait que 150 nouveaux immigrants sontarrivés dimanche comme prévu et que, surles 820 arrivées programmées cette semai-ne, 620 sont originaires des républiques del’ancienne URSS.

Il reste que l’aliya – l’immigration – s’estdéjà considérablement ralentie ces derniè-res années et que le conflit actuel risqued’aggraver les choses. Dimanche soir, lorsd’une conférence de presse donnée par lepremier ministre, Ariel Sharon, à l’hôpitalIhilov de Tel-Aviv, un journaliste s’interro-geait sur les intentions du terroriste. « N’est-ce pas délibérément qu’il s’est fait exploser aumilieu d’une foule d’immigrants ? N’est-cepas pour stopper l’immigration russe ? » siardemment souhaitée par Ariel Sharon, sou-cieux de renforcer le poids de la populationjuive en Israël.

Catherine Dupeyron

Le carnage de Tel-Aviv isole Yasser Arafat sur le plan diplomatiqueEuropéens et Américains pressent le président de l’Autorité palestinienne de faire appliquer le cessez-le-feu annoncé le 2 juin, au lendemain de l’attentat.

Ils saluent en même temps la « retenue » du premier ministre israélien, Ariel Sharon, qui n’écarte pas toutefois des représaillesJÉRUSALEM

de notre correspondantDe quel côté penchera Yasser Ara-

fat, pressé de toutes parts de mettreun terme à l’Intifada en s’engageantdans la négociation, mais qui ressentaussi la pression des partisans de l’af-frontement total ? Quel côté choisi-ra Ariel Sharon, internationalementsalué pour la retenue avec laquelle ila jusqu’ici géré les suites de l’attentatde Tel-Aviv, mais qui ne peut ignorerceux qui, sceptiques sur Yasser Ara-fat et sur ses engagements à conclu-re par la négociation, estiment quec’est l’occasion d’en finir ? Près detrois jours après le sanglant attentatde Tel-Aviv, ni l’un ni l’autre neparaissent avoir arrêté leur choixdéfinitif. Mais, comme le laissaitentendre le ministre allemand desaffaires étrangères, Joschka Fisher, àl’issue d’une deuxième entrevueavec Yasser Arafat, dimanche soir3 juin, à Ramallah, les « deux jours derépit » sans représailles israéliennesmassives, ni embrasement de toutela région, sont déjà une petite victoi-re dans une situation « où la margede manœuvre n’existe presque plus ».

Les hasards du calendrier ont faitque Joschka Fischer se trouve en visi-te officielle dans la région aumoment de l’attentat. Lui, dont lepays, quelques jours plus tôt, étaitencore désigné par ses collègueseuropéens comme le plus rétif à criti-

quer Israël, s’est retrouvé leur porte-parole obligé dans une négociationimprovisée avec Yasser Arafat. Lesdeux hommes se sont rencontrésune première fois, dès samedimatin, à Ramallah. Au Palestinienqui expliquait qu’il avait déjà faitune déclaration pour condamnerl’attentat de la veille – en fait, uneprudente annonce par un porte-parole dénonçant les attaques con-tre les « civils » des deux bords –,l’Allemand a rétorqué que, comptetenu de la situation, il était temps defaire beaucoup plus. « Il s’agissait deramener Arafat vers la réalité », expli-quait un collaborateur du ministre.

UNE PHRASE DÉCISIVEDurant près de deux heures,

après des coups de téléphone répé-tés avec toutes les capitales impli-quées dans le conflit, les deux hom-mes, assistés du président du Parle-ment palestinien, Abou Alaa, et dunuméro deux de l’Organisation delibération de la Palestine, AbouMazen, ont concocté un texte que leprésident de l’Autorité palestinien-ne a personnellement lu, samedi,lors d’une conférence de presseexceptionnelle. « Nous déployons etallons continuer à déployer nos effortsles plus soutenus pour faire cesser lebain de sang de notre peuple et dupeuple israélien, et pour parvenirimmédiatement à un cessez-le-feu

inconditionnel, réel et efficace », aannoncé Yasser Arafat. Selon un col-laborateur du ministre allemand,cet appel à un cessez-le-feu « incon-ditionnel » et « immédiat » a été par-ticulièrement difficile à faire accep-ter par le président Arafat. Diman-che soir, un très haut responsabledu ministère israélien de la défensereconnaissait que la phrase avait été

décisive pour retenir la riposte envi-sagée par Israël. Mais, cependantsceptique quant à la réelle mise enœuvre du cessez-le-feu, l’hommeajoutait : « Ne vous faites pas d’illu-sion, cette riposte est inévitable. »

La phrase, inquiétante, fait impli-citement référence au débat qui,depuis des mois, agite l’establish-ment sécuritaire israélien quant à lavolonté, ou à la possibilité, de Yas-

ser Arafat d’abandonner la confron-tation armée et de ramener les siensvers la négociation. Dès dimanche,conformément aux exigences israé-liennes soutenues tant par les Amé-ricains que par la Communautéeuropéenne, Yasser Arafat a donnél’ordre à tous ses responsables de lasécurité de suspendre les opéra-tions militaires, d’empêcher les

attentats et de s’éloigner des pointsde friction potentiels avec les forcesisraéliennes. Des instructions simi-laires ont été données aux militantsdu Hamas et du Djihad islamiquedont les responsables participaientjusqu’ici aux réunions de la direc-tion nationale de l’Intifada.

D’autres assurent que, soumis àun retournement brutal de crédibili-té et à une pression internationale

qu’il n’avait jusqu’ici jamais subie,Yasser Arafat tente de « sauver lesmeubles » en ordonnant quelques« mesures cosmétiques » qui ne tien-dront guère. Dimanche, un Ariel Sha-ron sans illusion a brutalement asse-né à Joschka Fischer qu’il tenait Yas-ser Arafat pour un « menteur patho-logique ». Le premier ministre israé-lien a cependant décidé de surseoirencore à toute opération, assurant,après une visite aux blessés de l’at-tentat, que « la retenue est une com-posante de la force d’Israël ».

« C’EST SÉRIEUX »Ariel Sharon a tout lieu de se félici-

ter. L’indignation suscitée par unmassacre qui a coûté la vie à unemajorité d’adolescents de quatorze àdix-sept ans, alors qu’Israël avaitdécrété un cessez-le-feu unilatéral, acomplètement retourné les sensibili-tés. Depuis samedi, l’ambassadeurde l’Union européenne, MiguelMoratinos, a rencontré Yasser Ara-fat à deux reprises pour lui soulignerles changements intervenus. « Il fautqu’Arafat comprenne que c’estsérieux, explique-t-on dans les cer-cles européens. Nous sommes là poursoutenir le processus de paix, pas poursoutenir son pouvoir et ses manœuvrespolitiques. Cette fois, il doit choisir. »

Cela fait en réalité plusieurs semai-nes que le discours évolue entre lesresponsables européens et Yasser

Arafat. Lors de la visite du présidentde l’Autorité palestinienne à Paris, le23 mai, le président de la Républi-que, Jacques Chirac, et le premierministre, Lionel Jospin, l’avaient fer-mement invité à faire cesser toutesviolences s’il voulait que les négocia-tions reprennent. L’attentat de ven-dredi a remis la question en haut desexigences européennes, Israël en pro-fitant pour augmenter le prix de lafacture et demander, dans la foulée,l’arrestation de tous les activistes isla-miques libérés des prisons palesti-niennes aux premiers jours de l’Intifa-da ainsi que l’arrêt de toutes les atta-ques et menaces anti-israéliennesque colporte la presse palestinienne.« Cette dernière exigence est la plusfacile à réaliser, expliquait un officielisraélien. Arafat contrôle fermementtoute la presse palestinienne. »

Il ne contrôle en revanche pasentièrement les activistes islami-ques. Alors que les diplomates sedépêchent de profiter des résultatsde l’électrochoc suscité par l’atten-tat – certains font état d’une arri-vée prochaine et conjointe deColin Powell, Kofi Annan et JavierSolana –, les milieux sécuritairesisraéliens n’excluent pas, dans lesjours prochains, un nouvel atten-tat. Avec toutes les conséquencesqu’il pourrait entraîner.

Georges Marion

Le chef palestinien vu par Shlomo Ben Ami

Cinq incidents ont été constatés, dimanche 3 juin, mais, selon lesautorités militaires israéliennes, ils marquent un net déclin par rap-port aux jours précédents. Alors que la population palestinienne,dont les territoires sont hermétiquement bouclés depuis samedimatin, demeure calfeutrée chez elle dans la crainte de représailles,les responsables israéliens attendent encore avant de décider de lamarche à suivre. S’ils se félicitent de l’appel du président palestinien,Yasser Arafat, à un « cessez-le-feu total et immédiat », ils notent aussique quatorze organisations, y compris le Fatah du chef de l’OLP, ontaffirmé qu’elles ne cesseraient pas le combat.

Le deuil immense des « Russes » d’Israël après l’attentat-suicide

Colin Powell invite M. Arafat à userde son « autorité morale »DANS UN ENTRETIEN accordé

à la revue Passages (n0 109-110,mai-juin 2001), le travaillisteShlomo Ben Ami, qui fut le dernierdes ministres des affaires étrangè-res d’Ehoud Barak, impute l’échecde Camp David de l’été 2000 –selon lui, une occasion historiquede faire la paix – à Yasser Arafat.

« Le blocage ne vient pas des pro-positions israéliennes, mais de l’atti-tude (…) d’Arafat », affirme-t-il.Dans ce qui constitue le premierrécit par un Israélien de ce quis’est passé à Camp David, M. BenAmi déclare son « respect pourl’homme [Yasser Arafat] qui a crééun mouvement national partant derien et l’a fait figurer comme un élé-ment central de l’agenda internatio-nal » ; il est devenu « la personna-lité la plus importante du mondepalestinien, peut-être l’un des res-ponsables les plus importants dumonde arabe », poursuit-il.

Seulement l’historien Ben Amijuge aussi qu’« Arafat n’est pas unhomme d’Etat », « c’est un politi-cien ». Il donne son explication deCamp David : « Au cours de négo-ciations avec un leader politique, ilarrive un moment où sera choisieune option, où une décision sera pri-se, et cette décision provoquera une“coupure” avec le peuple et va créer

une crise interne inévitable. »D’après M. Ben Ami – dont les pro-pos ont été recueillis avant l’atten-tat du vendredi soir 1er juin à Tel-Aviv –, on était à Camp David aumoment de ce choix-là, quand figu-ra sur la table le projet d’un Etatpalestinien sur plus de 90 % des ter-ritoires occupés en 1967, avec unarrangement sur Jérusalem et laperspective du démantèlement decertaines colonies.

AFFRONTER SON « PROPRE MYTHE »Cette « coupure avec le peuple »,

la « crise interne », assure-t-il,« c’est le prix à payer si on veut vrai-ment la paix ». « Nous, Israéliens,nous avons créé une crise interneparce que nous souhaitions la paix.Avec Arafat, le problème est qu’ilveut la paix avec le consensus totalde son peuple. (…) Nous savons trèsbien que c’est impossible. (...) C’estun leader mythologique de la“volonté générale”, pour utiliserune expression rousseauiste, du peu-ple palestinien. »

Shlomo Ben Ami affirme :« Pour arriver à la paix, ce que nousavons fait avec le gouvernementBarak, nous devons nous confronterà notre propre mythe : le mythe desimplantations, le mythe de Jéru-salem. Or Arafat veut la paix sans

sacrifier aucun de ses mythes,notamment le droit au retour… Çane peut pas fonctionner. » Conclu-sion : « On nous demande à nousIsraéliens de faire un accord aujour-d’hui avec un mythe, vous compre-nez que c’est impossible. »

Il est presque aussi sévère pourAriel Sharon, nouveau premierministre israélien et chef du Likoud.En dehors d’une baisse de la violen-ce, ce gouvernement d’union natio-nale Likoud-travaillistes « n’a pasde projet politique » : « L’idée deSharon d’obtenir un accord définitifavec les Palestiniens qui leur donne-ra un Etat palestinien sur 42 % desterritoires sans évacuer aucune desimplantations est de la science-fic-tion (…), hors de question. »

Les implantations sont un dra-me pour la paix, selon M. BenAmi : « Je n’accepte pas du toutl’idée que les implantations consti-tuent un patrimoine stratégique.C’est à mon avis tout à fait le contrai-re. (…) Les implantations ont crééune situation bosniaque (…), unesituation de guerre ethnique, natio-nale, religieuse. En quoi ces implan-tations constituent-elles une ligne dedéfense d’Israël ? En quoi contri-buent-elles à la sécurité d’Israël ? »

Al. Fr.

Un calme précaire dans les territoires

L’auteur présumé de l’attentat-suicide de Tel-Aviv « n’avait aucu-ne appartenance politique » et per-sonne parmi ses proches ne s’at-tendait à ce qu’il se livre à unetelle opération, a déclaré, diman-che à l’Agence France-Presse,l’un de ses amis en Jordanie.« Saïd Houtari avait environ vingt-deux ans. Il ne participait mêmepas aux manifestations anti-israé-liennes en Cisjordanie », a expli-qué cette personne souhaitantconserver l’anonymat, au domici-le de la famille Houtari, à Zar-qaa, dans la banlieue nord-estd’Amman.

« Né en Jordanie, Saïd Houtariavait cinq frères et trois sœurs. Denationalité jordanienne, il s’étaitrendu il y a deux ans chez certainsde ses proches à Kalkilya (en Cisjor-danie), où il travaillait comme élec-tricien. » L’identité exacte dukamikaze restait cependant, lun-di matin 4 juin, sujette à interro-gation, l’hypothèse d’une femmeétant également avancée. – (AFP.)

PROCHE-ORIENT L’incertitu-de prévalait, lundi matin 4 juin, enIsraël à propos de la capacité et dela volonté du président de l’Autori-té palestinienne à faire appliquer

sur le terrain le cessez-le-feu annon-cé samedi 2 juin, au lendemain del’attentat meurtrier de Tel-Aviv.b LA PRESSION INTERNATIONALEn’a jamais été aussi forte sur Yasser

Arafat depuis le début de l’Intifada.Les diplomaties américaine et euro-péenne saluent la « retenue » israé-lienne et demandent au chef del’OLP de ramener le calme. b LE CRÉ-

DIT DU CHEF DE L’AUTORITÉ PALES-TINIENNE est en jeu alors que treizeorganisations palestiniennes ontassuré, dimanche, qu’elles restaientdéterminées à poursuivre l’Intifada.

b LES OBSÈQUES DES VICTIMES del’attentat-suicide ont soulevé uneimmense émotion, dimanche, enIsraël. (Lire aussi notre éditorialpage 14.)

Maria avait « besoind'aller danserpour apaiser le stress »

Le kamikaze seraitun Jordanien

LE SECRÉTAIRE D’ETAT améri-cain Colin Powell a estimé, diman-che 3 juin, que le premier ministreisraélien, Ariel Sharon, « est sousune pression énorme pour réagir etje suis heureux qu’il mesure saréponse et qu’il donne à l’autre par-tie, les Palestiniens, le temps de fairece qu’ils ont dit qu’ils allaient faire.Je l’encourage à continuer pour quenous n’entrions pas dans un nou-veau cycle de terreur ».

M. Powell, qui s’exprimait sur lachaîne de télévision NBC, s’estdéclaré satisfait de la décision duprésident palestinien, Yasser Ara-fat, d’ordonner, samedi, à ses for-ces de sécurité de faire appliquerun cessez-le-feu total et immédiat.« Arafat exerce un grand contrôle. Ilne peut pas contrôler chaque indivi-du et chaque organisation, mais jepense qu’il exerce un grand contrô-le. Au-delà de cela, il a une autoritémorale comme leader des Palesti-niens, qui se tournent vers lui », aestimé le secrétaire américain, quia multiplié les contacts avec lesdeux parties au cours des derniè-res heures. « S’il utilise cette autori-té pour dire aux gens que ce n’estpas ce qu’il faut faire pour trouver

une solution politique, cela aurabeaucoup de poids et je sais quec’est aussi ce que la partie israélien-ne attend », a poursuivi ColinPowell, qui a réaffirmé que touterecherche d’une solution devait sefaire sur la base du rapport de lacommission Mitchell, qui « appor-te quelque chose de nouveau pourtravailler ». Ce rapport « est recon-nu internationalement, soutenu parla communauté internationale, etl’administration Bush est totalementderrière lui », a ajouté le secrétaired’Etat.

« SIGNES TÉNUS D’ESPOIR »La Russie, co-parrain du proces-

sus de paix, et l’Union européen-ne, qui est l’un de ses principauxbailleurs de fonds, ont égalementdemandé aux Palestiniens de pas-ser de la parole aux actes. Le minis-tre russe des affaires étrangères,Igor Ivanov, a ainsi espéré qu’Is-raël « continuerait de chercher unesolution politique » avant d’appelerM. Arafat à prendre « toutes lesmesures nécessaires pour freiner lesterroristes, les extrémistes, dont lesactions vont à l’encontre des intérêtslégitimes du peuple palestinien ».

En visite en Israël et dans les ter-ritoires palestiniens, le ministreallemand des affaires étrangères,Joschka Fischer, a exhorté à sontour M. Arafat à mettre en œuvretrès rapidement un cessez-le-feugénéral. « Soit [les Palestiniens]commencent à appliquer un pland’action pour la sécurité d’ici quel-ques heures, et ceci de manière cré-dible, et la même chose est valablepour l’application du cessez-le-feu ;soit nous allons assister à une gran-de tragédie », a averti M. Fischer.

A Paris, son homologue français,Hubert Védrine, a également appe-lé les responsables palestiniens etisraéliens à ramener le calme et àengager un vrai dialogue. « Je relè-ve, dans ces heures tragiques, deuxsignes ténus d’espoir : la retenuedont fait preuve le gouvernementisraélien après l’horrible attentat deTel-Aviv, la déclaration claire et net-te faite hier par Yasser Arafat »,a-t-il déclaré. « Je souhaite ardem-ment que les responsables palesti-niens et israéliens obtiennent et met-tent en œuvre un cessez-le-feu effec-tif et engagent enfin un vrai dialo-gue », a ajouté M. Védrine dans uncommuniqué. – (AFP, Reuters.)

I N T E R N A T I O N A L2

LE MONDE / MARDI 5 JUIN 2001

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LE MONDE / MARDI 5 JUIN 2001 / 3

LIMAde notre envoyé spécial

Dimanche 3 juin, à 16 heures,dans un quartier résidentiel deLima : le déjeuner s’interrompt. Leflash d’information, diffusé sur tou-tes les chaînes de télévision à la clô-ture du scrutin, annonce qu’Ale-jandro Toledo « est le président vir-tuel de la République ». La grand-mère, qui a réuni autour d’elle troisgénérations d’enfants, baisse latête. Ses belles rides se fanent, sesyeux tombent. « Comment est-cepossible ? », murmure-t-elle. Songendre, un militaire de haut ranglimogé en 1990 par Alberto Fujimo-ri, président de 1990 à 2000 et exiléau Japon depuis sept mois, la con-sole du mieux qu’il peut. Il lui expli-que, lui qui a également voté pourAlan Garcia, que ce n’est que de lapolitique et que c’est très bien ain-si. « C’est la démocratie », avan-ce-t-il avec gentillesse.

Elle ne veut rien savoir et demeu-re prostrée. « Tu te souviens, lui lan-ce-t-il, nous étions autrement plus tris-tes hier soir », une allusion dérisoireau match perdu (1-2) contre l’Equa-teur, une défaite qui prive les Péru-viens de toute chance de participerau prochain Mondial de football.

Rien n’y fait, la paella péruvien-

ne, une version locale de l’Espa-gnole, devient immangeable. L’undes fils, émigré en Floride auxEtats-Unis, un démocrate convain-cu qui a voté Al Gore contre Geor-ge W. Bush, n’a plus faim ; sonautre frère non plus. La maîtressede maison est allée vider les assiet-tes et le chagrin dans la cuisine.Elle abuse de sa retraite « pour, dit-elle sans convaincre ses proches,préparer la suite. »

LE DISCOURS DE LA VICTOIREQuelle suite ? Le dessert ? L’élec-

tion de 2006 ? Il est encore un peutrop tôt pour en parler, même si,majoritairement, alors que lesesprits se ressaisissent, l’assem-blée reprend espoir en analysantqu’en recueillant quelque 48 % dessuffrages des quinze millionsd’électeurs, le candidat de l’Asso-ciation pour la révolution en Amé-rique latine (APRA), Alan Garcia,a réalisé une performance inespé-rée et représente un recours pourle futur.

Ce qui désole la grand-mère, lesfrères, les sœurs et le gendre cesont, en fait, les 52 % du candidatde « Pérou possible ». Le malheurde la famille n’a aucune prise surla joie des partisans d’Alejandro

Toledo, réunis au QG de leur can-didat devant un hôtel du centre dela capitale. Ceux-ci connaissent ladéception, pour ne citer que l’élec-tion de l’an dernier organisée à lasuite de l’effondrement de l’an-cien régime en novembre.

Alors ils attendent, gavés deleur seule joie tranquille, que leurhéros, le Cholo (l’Indien exilé à laville), vienne prononcer le dis-cours de la victoire, celui dont ilavait entamé les premières phra-ses en mai 2000 en appelant à « larésistance démocratique contre ladictature », après la réélectiond’Alberto Fujimori dans des condi-tions jugées frauduleuses par lesPéruviens et par la communautéinternationale qui avait refusé decautionner par sa présence le pro-cessus électoral. C’est ce « rôle his-torique » qui vaut aujourd’hui àAlejandro Toledo d’être élu, au ter-me d’une campagne marquée parles basses attaques, l’incertitudeet dans laquelle l’ancien présidentAlan Garcia (1985-1990) a incon-testablement pris date pour lefutur.

A 21 h 30 : Alejandro Toledo –qui entrera en fonctions le28 juillet – apparaît sur un balconceinturé d’une gigantesque bande-

role qui proclame : « Aujourd’huicommence le changement. » La fou-le interrompt les orateurs, elleveut le Cholo. Il prend son temps,laisse ses proches collaborateurss’exprimer. Il savoure ce moment,il s’avance, pose ses notes sur lepupitre et commence à s’adresserà la multitude réunie. La foulerebelle entame l’hymne national ;il ne peut plus parler, il pose samain droite sur son cœur etrejoint la clameur. Il reprend sontexte. « Cette nuit est le début dufutur. Nous célébrons le triomphede la démocratie », lance-t-il.

Il énumère les points forts de sacampagne : le chômage, la pauvre-té, la décentralisation et en appel-le à une « concertation nationale »,une expression avancée par sonrival pour donner « une stabilitépolitique, économique, juridique aupays ». Une heure auparavantAlan Garcia, comme il s’y étaitengagé, a reconnu la victoire duleader de Pérou possible, auquel ila rendu hommage, et annoncéqu’il ne sera pas un opposant,mais « un collaborateur pour parti-ciper à la reconstruction dupays »…

Alain Abellard

LIMAde notre envoyé spécial

Dans sa version idyllique, l’histoire d’Ale-jandro Toledo semble tombée directement descartons d’un scénariste d’Hollywood et refuséepour son invraisemblance. Indien quechua, né

en 1946 à Cabana, un village rural égaré dans ledépartement nord-andin d’Ancash, le Choloconnaît une enfance pauvre, au sein d’unefamille de quatorze enfants. Dès l’âge de huitans, il travaille pour aider son père, maçon, et samère, vendeuse de poissons sur les marchés deChimbote, la ville portuaire au nord de la capi-tale, Lima, où la famille a émigré pour survivre.

Cireur de chaussures, vendeur de journaux, iltravaille dans l’économie informelle, comme lefont aujourd’hui 60 % des Péruviens, tout en pour-suivant sa scolarité. Repéré pour ses qualités, il

obtient une bourse et quitte le Pérou à l’âge de sei-ze ans pour les Etats-Unis, où il séjournera quinzeans. A l’université Stanford, où il rencontre safemme, Eliane Karp, d’origine belge, il obtient undoctorat en économie des ressources humaines.

FAVORABLE AU MODÈLE NÉOLIBÉRALSes activités professionnelles, comme consul-

tant à la Banque mondiale ou comme ensei-gnant associé dans diverses universités américai-nes, constitueront autant de raisons qui le main-tiendront éloigné de son pays, au point de laisserdire à ses détracteurs que s’il « parle aussi mall’Espagnol, c’est parce que son univers conceptuels’est construit et développé aux Etats-Unis ». Cen’est qu’au début des années 1980 qu’il rentreeffectivement au Pérou, occupant des fonctionsde conseiller auprès du président de la Banquecentrale et du ministre du travail, sous le gouver-nement du président Fernando Belaunde(1980-1985). Face aux cauchemars alimentés cesdernières semaines dans les milieux financiers,en raison de l’éventualité d’une élection de l’an-cien président Alan Garcia (1985-1990), Ale-jandro Toledo présente toutes les garanties d’unmaintien de l’orthodoxie économique. Durantsa campagne, il n’a en rien dénoncé le modèle

néolibéral appliqué sans ménagement dès 1992par Alberto Fujimori. Dans un entretien au Mon-de, en novembre 2000, il rendait même hom-mage à l’ancien président pour ses succès macro-économiques, obtenus entre 1990 et 1995.

S’il a passé les deux dernières années de sa vieen campagne électorale, au point d’apparaîtreusé, Alejandro Toledo est pourtant un nouveauvenu en politique face au vétéran Alan Garcia.Candidat à l’élection présidentielle de 1995, ilobtint 3,5 % des suffrages avant de retourner àl’anonymat politique. Pour resurgir l’année der-nière, où il incarna ce que les Péruviens appellentla « résistance démocratique ». C’est ce qui luivaut sans aucun doute son élection aujourd’hui.

Au-delà de ce conte de fées, la vie d’AlejandroToledo comporte des zones d’ombre touchant àsa vie privée et à la gestion des fonds de sa cam-pagne qui risquent de le rattraper rapidement.Les nombreux Péruviens qui l’ont élu « commeun moindre mal » espèrent que la fonction prési-dentielle aura sur lui une influence positive et luipermettra de rompre avec ses méthodes peutransparentes, son goût de l’intrigue et son incli-nation populiste.

A. A.

N’DJAMENAde notre envoyé spécial

« Votre réélection le 20 mai –avec 67,35 % des voix face à sixcandidats de l’opposition – a sus-cité un concert de protestationscontre des « irrégularités ». Nevous sentez-vous pas en mal delégitimité ?

– Je ne suis aucunement gêné.Depuis la démocratisation del’Afrique, à partir de 1990, il n’y apas eu d’élection – nullepart ! – dont la régularité n’ait pasété contestée. L’appétit des oppo-sants pour arriver au pouvoir estgrand, et ils sont impatients. Endésespoir de cause, ils mettent enquestion la validité du scrutinqu’ils ont perdu. Or, au Tchad, ilsont bel et bien perdu, et pour desraisons que l’on peut aisémentexpliquer : j’ai noué autour de moiune alliance de vingt-huit partis,dont chacun dans son fief a faitcampagne pour moi. Cette straté-gie a réussi. J’ai fait le plein desvoix dans le Nord, mais j’ai aussiété présent, partout, dans le Sud.Donc, pour le dire très clairement :je n’ai aucun problème deconscience avec ma réélection aupremier tour.

– Mais le « désespoir » de l’op-position ne va-t-il pas gonfler lesrangs de la rébellion armée dansle Tibesti, qui vous combatdepuis deux ans et demi ?

– Depuis ses débuts, qu’a obte-nu la rébellion comme renfortvenu de l’intérieur ? Rien. Et pourcause : au Tchad, nous avons con-nu des affrontements armés de1963 à 1990. Nous en avons assez.On en a tiré la leçon. Tous ceux quiprennent les armes me trouveronten face d’eux, et le peuple tcha-dien à mes côtés. A maintes repri-ses, je leur ai tendu la main de laréconciliation. Ils ont refusé, ils enassument l’entière responsabilité.

– Les Zaghawas – votre eth-nie – sont les seuls à se battre.Serez-vous capable de faire ceque vous n’avez pas réussi à faireen onze ans au pouvoir, à savoirformer une armée nationale ?

– D’abord, tous les fils du Tchadse battent dans le Tibesti. Prétendrele contraire, c’est leur faire offense.Sur le front, il n’y a pas tel ou telgroupe, il y a des Tchadiens quidéfendent les institutions de laRépublique, au prix de leur sang.Ensuite, il y a bien eu une « non-armée nationale », de l’indépendan-ce jusqu’en 1990. Mais, aujourd’hui,je peux parler d’une armée nationa-le au sein de laquelle toutes les com-posantes du pays sont représentées.

– Sauf qu’on gagne dix foisplus dans la garde présidentiel-le, qu’on a dix fois plus de chan-ces de devenir colonel, sinongénéral, en étant zaghawa…

– C’est faux et c’est dangereuxce que vous dites ! Ma sécurité rap-prochée – 1 200 hommes – nedépend en rien de moi. Je ne peuxpas leur offrir une arme, un véhicu-le, pas même un grain de plusqu’aux autres. Ils sont rattachés auministère de la défense, comme lesautres soldats. Tout le monde estlogé à la même enseigne. Allezdemander à la Banque mondiale etau Fonds monétaire internatio-nal ! Cela étant, j’ai une tâche àaccomplir : au terme de mon der-nier mandat, je dois laisser à monsuccesseur, qui sera élu en 2006,une armée en bon ordre, loyale.

– Allez-vous quitter le pouvoiren 2006, même si vous disposezde la majorité des deux tiers auParlement pour réécrire la Cons-

titution qui limite à deux le nom-bre des mandats ?

– Je prends cet engagement,publiquement : je ne serai pas can-didat à l’élection présidentielle en2006. Je ne modifierai pas la Consti-tution quand bien même j’auraisune majorité de 100 % ! Je le dishaut et fort : ce qui me reste à faireau cours de mon dernier mandat,c’est de préparer le Tchad à l’alter-nance au pouvoir, une alternancedémocratique, pacifique, sans rup-ture. Je veux que ce pays passed’une étape à une autre, en dou-ceur, sans déchirure. Voilà la res-ponsabilité qui sera la mienne. Jel’assumerai quoi qu’il arrive.

– En février, lors du procès àParis autour du livre Noir silencede François-Xavier Verschave(éd. des Arènes, 2001), vous avezété qualifié d’« assassin invétéré ».

– Je ne le cache pas : la lecture dece livre – dont l’auteur n’est jamaisvenu au Tchad et n’a jamais pris lapeine de me contacter – a été pourmoi une offense personnelle. On yaffirme, par exemple, que j’ai assas-siné quelqu’un dès l’âge de seizeans. A l’époque, j’étais à l’école à

Faya-Largeau. Comment s’appellema victime ? Où est sa familleendeuillée, qui devrait m’accuser ?L’auteur se contente de colporterles racontars de l’un de mes oppo-sants, Ngarlejy Yorongar. La jus-tice française a tranché en premiè-re instance d’une façon qui ne m’apas permis de réparer l’injure. J’aidonc fait appel. J’attends que jus-tice me soit faite.

– Vous êtes également mis encause, par un homme qui a étévotre conseiller, Hassan Fadoul,dans une affaire de fausse mon-naie, des dinars du Bahreïn d’unevaleur de 2 milliards de francs.

– Dans cette affaire, je n’ai rien àme reprocher. C’est vrai que j’aigardé auprès de moi HassanFadoul. J’ai longtemps hésité mais,aujourd’hui, je vais révéler pour-quoi : douze fils de la grandefamille Fadoul ont été éliminés parHissène Habré [l’ex-président ren-versé en décembre 1990 par IdrissDéby, NDLR] à la fin de son règne,quand j’étais entré en rébellion.Des femmes et des enfants, unecinquantaine de personnes autotal, sont restés sans mari oupère. Hassan Fadoul était l’aînédes survivants. Je l’ai donc nomméministre, directeur de mon cabinetcivil, PDG d’Air Tchad, conseiller àla présidence et, enfin, préfet duOuaddaï. Mais ce monsieur n’ajamais pensé qu’à la meilleuremanière de gagner de l’argent defaçon malhonnête. Quand je l’aidécouvert, j’ai fait venir une délé-gation officielle du Bahreïn, qui aentendu Fadoul, d’ailleurs en pré-sence d’un magistrat français. Decette confession, il existe un enre-gistrement que nous avons gardé.J’ai décidé de le rendre public,pour me laver du soupçon.

Propos recueillis parStephen Smith

Le gouvernement et la guérillaéchangent des prisonniers en Colombie

L’ascension sociale d’un petit cireur de chaussures

La Conférence de Durbansur le racisme toujours dans l’impasse

BOGOTAcorrespondance

Le gouvernement colombien n’apas caché sa satisfaction après lasignature samedi 2 juin d’unaccord humanitaire avec la guérillades Forces armées révolutionnai-res de Colombie (FARC) prévoyantla libération simultanée, et pourraison de santé, de 42 soldats etpoliciers prisonniers des FARC enéchange de 15 guérilleros actuelle-ment sous les verrous.

Preuve est faite que « les partiessont capables de s’entendre et des’engager », s’est félicité CamiloGomez, le haut-commissaire pourla paix, qui a paraphé l’accord encompagnie de deux commandantsguérilleros.

Après les malades, l’accord pré-voit la libération d’une centaine deprisonniers supplémentaires, surles 500 policiers et militaires déte-nus par la guérilla, certains depuisplus de trois ans. Il constitue le pre-mier résultat concret des négocia-tions de paix engagées, sans cessez-le-feu préalable, entre Bogota et laguérilla depuis janvier 1999. Les res-ponsables militaires, en revanche,n’ont jamais caché leur réticence àun échange de prisonniers, mêmequalifié d’humanitaire. Pour eux,l’Etat colombien ne peut accepterde « troquer » des éléments subver-sifs – légalement emprison-nés – contre des héros de la patrie.L’affaire n’est donc pas faite pourréconcilier les généraux avec unepolitique de paix qu’ils jugent beau-coup trop favorable aux intérêts de

la guérilla, à l’instar de bon nombrede leurs compatriotes.

L’échange de prisonniers est aussitrès mal vu par les paramilitaires,ces milices d’extrême droite prêtesà soupçonner une alliance de faitentre le gouvernement et leur enne-mi juré, la guérilla. Un rapport d’Am-nesty International vient encore dedénoncer les liens entre certains sec-teurs de l’armée et les Autodéfensesunies de Colombie (AUC), tenuespour responsables de la majoritédes crimes et massacres commisaujourd’hui en Colombie. Les récen-tes perquisitions menées chez lesbailleurs de fonds supposés desAUC (propriétaires terriens et orga-nisations d’éleveurs) semblent avoirsuscité une profonde division desresponsables paramilitaires. Mercre-di dernier, par un laconique commu-niqué publié sur le site Internet desAUC, Carlos Castaño a annoncé sadémission de l’organisation, endemandant à ses compagnons delutte de « respecter l’Etat ».

Au départ, tout indiquait un casde piraterie informatique, mais l’in-habituel silence de Castaño a con-duit les médias à faire état de ladivision qui régnerait chez les para-militaires. Carlos Castaño, qui atoujours publiquement refusél’idée d’entrer en confrontationavec l’Etat, étant obligé de compo-ser avec les éléments radicaux quijugent que l’heure est venue derépondre aux attaques de l’arméeet de la justice.

Marie-Eve Deteuf

Principal artisan de la chute d’Alberto Fujimoril’an dernier, l’économiste Alejandro Toledo aremporté le deuxième tour de l’élection prési-

dentielle au Pérou, dimanche 3 juin. Il a battupar près de 52 % des voix contre 48 % l’ancienprésident social-démocrate Alan Garcia

(1985-1990). Annoncé comme un vote protesta-taire contre les scandales, le vote blanc ou nuln’a finalement réalisé qu’un score de 12 %.

PORTRAITNouveau venu en politique,Alejandro Toledo incarne,aux yeux des Péruviens,la « résistance démocratique »

GENÈVEde notre correspondant

Deux semaines d’âpres tracta-tions n’auront pas suffi à surmon-ter les sérieuses divergences quisubsistent dans le cadre de la prépa-ration de la Conférence mondialedes Nations unies contre le racis-me, prévue du 31 août au 7 septem-bre à Durban, en Afrique du Sud.Faute d’accord sur des questionsaussi épineuses que le Proche-Orient ou d’éventuels dédommage-ments pour l’époque de l’esclavageet de la colonisation, les représen-tants des 125 Etats participant à cequi devait être la dernière réunionpréparatoire à Genève se sont sépa-rés, vendredi 1er juin, sans parvenirà un consensus sur le projet dedéclaration et le programme d’ac-tion devant être adopté par la con-férence.

Pour tenter de sortir de l’impas-se, ils ont chargé un groupe devingt et un Etats, composé de qua-tre représentants par région et pré-sidé par l’Afrique du Sud, de se réu-nir à huis clos du 5 au 15 juin, afinde poursuivre l’examen du texte liti-gieux pour rapprocher les points devue et de soumettre ses proposi-tions à une nouvelle et peut-êtreultime séance préparatoire prévuedu 30 juillet au 10 août au Palaisdes nations à Genève.

Exprimant le sentiment de frus-tration ressenti par plusieurs délé-gations, la haut-commissaire desNations unies aux droits de l’hom-me, Mary Robinson, s’est inquiétéede « la lenteur des progrès enregis-

trés ». Ainsi, même les paragraphesdéjà adoptés donnent lieu à desinterprétations contradictoires.Alors que la Grande-Bretagne etses partenaires de l’Union euro-péenne ont fait valoir que « rien nesaurait être accepté tant que toutn’est pas accepté », l’Algérie etd’autres pays ont vivement contes-té toute remise en cause lors de laconférence des paragraphes agréésen réunion préparatoire.

DEMANDE DE RÉPARATIONSLa principale pierre d’achoppe-

ment demeure la demande de répa-rations avancée par les pays afri-cains pour l’esclavage et le colonia-lisme. Ils souhaitent que la traitesoit reconnue comme un « crimecontre l’humanité », que les Etatsimpliqués présentent officiellementdes excuses et assument « leurs res-ponsabilités morale, économique,politique et juridique » en leur accor-dant des compensations. « Pour pré-parer l’avenir, nous devons oseraffronter le passé, même si c’est dou-loureux et désagréable », a déclaré àGenève la ministre sud-africainedes affaires étrangères, NkosazanaDlamini-Zuma. Les anciennes puis-sances coloniales rejettent cetteinterprétation et ne veulent pasentendre parler d’indemnisations.Quant aux Etats-Unis, ils font valoirqu’il conviendrait alors de poserégalement la question du traficd’êtres humains pratiqué en Afri-que lors des razzias arabes.

Jean-Claude Buhrer

IDRISS DÉBY

Un centriste d’origine indienne devient présidentdu Pérou et promet stabilité et démocratie

L’économiste Alejandro Toledo a battu le social-démocrate Alan Garcia

Idriss Déby, président de la République du Tchad

« Il me resteà préparer le Tchad

à l’alternance »

I N T E R N A T I O N A L

Page 4: e 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE … 57e ANNÉE – Nº 17530 – 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE MÉTROPOLITAINE -- MARDI 5 JUIN 2001 FONDATEUR : HUBERT BEUVE-MÉRY – DIRECTEUR : JEAN-MARIE

4 / LE MONDE / MARDI 5 JUIN 2001

LONDRESde notre correspondant

Notting Hill Gate, l’une des stations les plus fréquen-tées du London Underground. L’escalier mécaniqueétant en panne depuis deux ans, c’est donc à pied quela marée descendante s’engouffre dans les boyauxétroits qui semblent toujours attendre un dernier coupde peinture. Monter dans l’imprévisible train bondéprovoque, au choix, chez le voyageur, crise de nerfs ourires nerveux. Sur la ligne « central », qui joint lesbeaux quartiers de l’ouest à la City, plane en permanen-ce la menace de pannes, de retards, de black-out. ABond Street Station, la correspondance pour la JubileeLine est fermée « en raison de problèmes techniques ».

A Holborn, le tube-labyrinthe est proche de l’as-phyxie, conséquence de travaux dans l’escalier ; l’atten-te est de vingt minutes au moins avant de pouvoirgagner la sortie ouvrant sur le West End. Waterloo, lecentre névralgique des commuters (banlieusards), estchaotique en raison d’arrêts à répétition sur la Metro-politan and City Line, provoqués par un signal défec-tueux. Une matinée ordinaire pour l’usager stressé etépuisé du métro londonien, qui paie très cher ce cau-chemar quotidien : la carte orange mensuelle en zonecentrale revient en effet à 72 livres (120 euros).

« SOUS-INVESTISSEMENT CHRONIQUE »Comment le plus ancien métropolitain au mon-

de – il date de 1863 – peut-il se retrouver ainsi à la traî-ne ? « Le métro londonien souffre d’années de sous-inves-tissement chronique, d’erreurs de gestion et du désintérêtpour la capitale de ministres conservateurs, élus de pro-vince, qui ont toujours privilégié l’automobile sur lestransports en commun », explique Tony Travers, écono-miste à la London School of Economics.

Reste que le métro de Londres symbolisait égale-ment tout ce que Tony Blair déteste : des syndicatsdurs qui imposent un personnel en surnombre, desmanagers peu compétents chichement rétribués, uneobligation très théorique d’équilibrer les comptes, desobjectifs financiers vagues, un conseil d’administra-tion contrôlé par des « amateurs », etc.

Dès lors, l’« antidépresseur » prescrit par le premierministre s’inspirait, paradoxalement, de la privatisa-tion du train par l’équipe tory, cuisant ratage que lesusagers gardent encore en travers de la gorge. Le pro-jet gouvernemental prévoyait la cession partielle ausecteur privé d’une franchise de trente ans pour gérertunnels, rails, stations et signaux, l’entreprise publiqueconservant la gestion des rames et la responsabilité dela sécurité. Mais ce projet de partenariat public-privé,complexe sur le plan juridique, a été enterré aprèsl’élection, en mai 2000, de Ken Livingstone au poste demaire de Londres contre le candidat officiel duLabour. Opposant de longue date à la dénationalisa-tion du métro, le nouveau maire a engagé Bob Kiley,sauveur du métro de New York, qui entend dynamiserle réseau défaillant via l’émission d’obligations.

Autre revers de Blair, la priorité donnée à l’achève-ment de la ligne la plus récente, la Jubilee Line. Rienn’était trop cher, ni trop beau pour desservir son « jou-jou », le Dôme du Millénaire, ce complexe culturel etgouffre financier contraint de fermer ses portes fin2000. Résultat de cette folie des grandeurs, la JubileeLine a coûté au contribuable 4 milliards de livres, soitle double du devis initial. Pour une fois, « Ken le Rou-ge » n’a rien trouvé à redire, lui qui emprunte tous lesjours cette ligne pour se rendre à son bureau…

M. R.

LONDRESde notre correspondant

« Bienvenue. L’attente est d’aumoins deux heures, en raison du man-que de personnel » : on se frotte les

yeux en contemplant l’affichette,écrite à la main, à l’entrée du dépar-tement de cancérologie de StMary’s Trust Hospital. Une poignéed’infirmières débordées ont du malà se frayer un passage dans la foulecompacte des patients se disputantles rares sièges de l’étroite salle d’at-tente. Menée au pas de charge parun spécialiste surmené, la consulta-tion dure dix minutes. « On m’aannoncé mon cancer du sein sansprendre de gants, de manière froide,désintéressée. Or, j’avais besoin deréconfort », confie Polly, designerde profession.

Au service orthopédique,Andrew, employé de PME, attenddepuis plusieurs heures qu’on luienlève l’équerre posée sur sa clavi-cule, cassée à la suite d’un accident

d’auto. L’infirmière ne parvientpas à trouver un tournevis. « Lessoins post-opératoires ont été lamen-tables. J’ai dû me laver seul dansune salle de bains crasseuse. Je n’aijamais revu mon chirurgien. Lesmédecins de garde ignoraient toutde mon état. La kiné était nulle. »

Premier centre hospitalier del’ouest londonien, phare de larecherche médicale britanniquedepuis que Sir Ian Fleming y décou-vrit la pénicilline, en 1928,St Mary’s illustre les gravesdysfonctionnements du systèmede santé public britannique. Censéoffrir à tous une médecine gra-tuite, deuxième employeur aumonde après l’armée chinoise, leNational Health Service (NHS) cra-que par toutes ses coutures.

La multiplication des décès parnégligence ou par pénurie de litsdans les services de soins intensifsne surprend guère ce spécialistedes voies respiratoires : « Le moralest au plus bas. Je soigne deux foisplus de patients qu’il y a dix ans ;vingt le matin, vingt le soir. Cet hôpi-tal manque de bras et de moyens. Lematériel est souvent obsolète et pastrès bien entretenu. » Mary, infir-mière, vingt-deux ans d’ancienne-té, envisage de rendre son unifor-me bleu : « Pour étoffer nos rangs

clairsemés, on recrute à tour de brasà l’étranger au lieu d’augmenter lesplaces dans les écoles d’infirmières.Mais la plupart des collègues venusd’ailleurs craquent avant six moisou passent au privé. Les médica-ments sont rationnés. Le stress estpermanent. »

Le Labour a paré au plus pressépour réduire les listes d’attente,qui frôlent toujours le million : pro-gramme de rénovation des hôpi-taux, augmentation des salaires,création d’un Institut nationald’excellence clinique pour amélio-rer le rapport qualité-prix, campa-gne d’information pour conseillerles patients, éviter qu’ils ne surchar-gent les urgences. Mais ces mesu-res budgétaires sont loin de suf-fire : la Grande-Bretagne reste à latraîne des grands pays occidentauxen matière de dépenses de santé.Et le fossé s’accroît entre ceux quipeuvent payer et les autres.

Face à l’entrée de St Mary’s Hos-pital, un pavillon chic à l’at-mosphère douillette est réservé auxdétenteurs chouchoutés de plansd’assurances privés. Pour arrondirleurs fins de mois, nombre de méde-cins salariés du NHS consultent ici,parallèlement, en libéral.

M. R.

Pannes, retards et black-out dans le métro de Londres…

LONDRESde notre correspondant

Fiévreusement engagés – ou plu-tôt réengagés, puisque le mot d’or-dre était exactement le même en1997 – dans « une grande croisadepour sauver les services publics »,Tony Blair et ses chevau-légers dusocial-libéralisme, qui ont moinsdépensé en quatre ans dans ce sec-teur que Margaret Thatcher elle-même, ont résolu la quadrature ducercle. Pour répondre à la préoccu-pation numéro un des électeurs bri-tanniques d’être mieux soignés,éduqués, transportés et protégéspar l’Etat, sans augmenter lesimpôts sur le revenu, ni surtout« faire payer les riches », comme leréclament encore les derniersarchaïques du « vieux travaillis-me », il suffit – c’est simple, mais ilfallait y penser – d’en appeler aucapital privé.

« Initiative de financement pri-vé » (PFI) à la mode du Parti tory(conservateur) ou « partenariatpublic-privé » (PPP) à la néo-tra-vailliste, « le résultat est le même »,ronchonnent les syndicats, quidénoncent déjà « une privatisationrampante » et préparent desgrèves contre les projets du gouver-nement.

Prisons, écoles, universités, che-mins de fer, métro londonien,contrôle aérien, hôpitaux, services

de santé public, services postaux,crèches, asiles de retraités, distribu-tion de l’eau, du gaz, certainestâches de police : tout est à prendrepourvu que les investisseurs accep-tent les cahiers des charges rédigéspar les autorités. Car, comme l’arépété à l’infini le premier ministrede la « troisième voie » durant sacampagne, « l’essentiel est que le ser-vice public britannique soit un vraiservice et que ce service demeure gra-tuit [dans la santé et l’ordre publictout au moins] pour ses clients » ;réputés dépassés, les concepts d’usa-gers, de patients ont pratiquementdisparu de la rhétorique officielle.

« DIGNE DU TIERS-MONDE »Se pourrait-il que le nouveau tra-

vaillisme privatise le NationalHealth Service (NHS), le sacro-saint service de santé public créé ily a cinquante-trois ans par l’ancientravaillisme ? La main sur le cœur,le premier ministre jure que non.« Nous allons au contraire y consa-crer les plus gros investissementspublics depuis la guerre », assu-re-t-il. A partir de l’an prochain, legouvernement promet d’amener« progressivement » le NHS « auniveau de ce qui se pratique sur lecontinent européen ». Aujourd’hui,avec 5,6 % seulement des dépensesbudgétaires allouées à la santé, leRoyaume-Uni fait évidemment net-

tement moins bien que la Franceou l’Allemagne (7,3 % et 7,9 % res-pectivement), mais moins mêmequ’aux Etats-Unis (6,1 %).

Tout ce que M. Blair demande,en échange d’une remise à niveauqui prendra bien dix ans d’un sec-teur hospitalier qu’un dirigeant dela toute-puissante British MedicalAssociation décrivait jeudi comme« digne du tiers-monde », ce sont

« des réformes radicales ». A com-mencer par un recours plus systé-matique au secteur et aux capitauxprivés. Grâce au « partenariat »,martèle le premier ministre, « unesoixantaine d’hôpitaux, c’est-à-direle plus gros programme de dévelop-pement depuis la guerre, sont déjàen construction à travers le pays ».Entièrement dédiés à quatre oucinq types d’interventions fréquen-

tes, genre remplacement de han-ches pour le troisième âge, unevingtaine d’entre eux, déjà qualifiésd’« usines à opérer » par de nom-breux médecins, seront complète-ment gérés par le privé.

La méthode est loin de convain-cre tous les experts. Beaucoup enestiment les coûts prohibitifs pourles finances publiques. Chacun lesait, le capital privé ne s’investit pasbon marché : un, il emprunte prèsde deux fois plus cher que l’Etat surle marché international des capi-taux. Deux, comme la société Rail-track, qui a racheté, avec d’énor-mes subventions publiques, les che-mins de fer de l’Etat en 1996, il luifaut rémunérer ses actionnaires.Railtrack a même battu, la semainedernière, tous les records de décen-ce en annonçant, simultanément,une perte de près de 700 millionsd’euros, un dividende de plus de200 millions pour ses actionnaireset une demande de rallonge budgé-taire « d’au moins 2 milliards delivres » (3 milliards d’euros) ; fautede quoi le groupe se verraitcontraint de réduire les investisse-ments ô combien nécessaires pourla modernisation du réseau.

De fait, les transportspublics – dont il a très peu été ques-tion pendant la campagne, aucundes deux grands partis de gouverne-ment n’ayant intérêt à braquer le

projecteur sur un secteur prochede l’asphyxie et dont l’état lamenta-ble coûte quelque 5 milliards delivres par an en retards et absentéis-me à l’économie – devraient égale-ment bénéficier de quelque 180 mil-liards de livres de nouveaux inves-tissements dans les dix ans. A condi-tion que le capital privé, sur lequelcompte le gouvernement pour40 % de cette somme, veuille bienmettre la main à la poche, ce qu’ilrechigne à faire. « J’aimerais bienun peu plus de soutien de la commu-nauté du business pour des partena-riats PPP dans ce secteur », se plai-gnait, le 30 mai, John Prescott,ministre en charge…

Reste l’éducation, « priorité despriorités » lors du premier mandatde Tony Blair. Des efforts ont étéfaits pour le primaire, mais, dansle secondaire, « on est tout près dela catastrophe », s’alarme DavidHart, secrétaire général du Syndi-cat national des directeurs d’éco-les. Tony Blair promet d’embau-cher dix mille instituteurs de plusdans les trois ans. Mais, aspiréspar le secteur privé, ils sont diffici-les à trouver. « Rien que pour com-bler les manques et tenir compte detous les départs prévus, il nous fau-drait en embaucher quarantemille de plus », affirme M. Hart.

Patrice Claude

La Cour des miracles de St Mary’s Hospital

A trois jours des législatives du jeudi 7 juin,le premier ministre britannique Tony Blairet le Parti travailliste sont assurés d’une lar-ge victoire. Un sondage publié le 3 juin parle Sunday Times leur donnait une avance

de 17 points sur les conservateurs deWilliam Hague, menacés dans de nombreu-ses circonscriptions par les libéraux démo-crates. La campagne antieuropéenne destories est loin d’avoir été porteuse, puisque

43 % des électeurs, selon ce sondage, préfé-reraient un gouvernement travailliste quiaccepte que la Grande-Bretagne entre dansla zone euro, contre 38 % souhaitant ungouvernement conservateur qui laisse le

pays à l’extérieur. Les travaillistes ont toutfait pour couper l’herbe sous les pieds de ladroite, prenant le risque de faire monter lesabstentions à gauche. Tony Blair a défendu,au grand dam des syndicats, une plus gran-

de participation du capital privé à la rénova-tion des services publics, dont la constantedégradation, notamment en matière de san-té et de transports, est l’une des principalespréoccupations du Royaume.

REPORTAGEManque de personnel,matériel obsolète,médicaments rationnés :le moral est au plus bas

1Chercheur à l’Institute of PublicPolicy Research, un centre de

recherche proche du Parti travaillis-te, vous prônez le développementdu partenariat public-privé, cher àTony Blair. Comment expliquez-vous la déliquescence des servicespublics britanniques ?

La santé, l’éducation et les trans-ports publics ont souffert de sous-investissement chronique pendantdes décennies, de la part de gouver-nements de gauche comme dedroite. C’est le cas particulièrementdes dépenses d’infrastructures, trèsfaibles, comparées à celles desautres grands pays européens. La cri-se a été accentuée par la décision deBlair de s’en tenir aux plans budgé-taires conservateurs lors de ses deuxpremières années de pouvoir. Il fau-dra du temps avant de mesurer l’ef-fet de l’augmentation drastique desdépenses publiques qui a suivi.

2Existe-t-il un modèle Blair enmatière de services publics ?

Tony Blair estime que, dans cer-tains domaines, le secteur privé peutaméliorer l’efficacité du secteurpublic. Le traumatisme de l’échec dela privatisation du rail par les toriesexplique la déroute des quelques

projets travaillistes de dénationali-sation partielle, comme le contrôleaérien ou le métro de Londres. Enassociant étroitement le privé à laconception, au financement et à lagestion des infrastructures, Blairespère, au passage, affaiblir les syndi-cats corporatistes les plus militants,comme les gardiens de prison ou lesconducteurs du métro.

3La fonction publique britanniqueest-elle à la hauteur ?

C’est un grave problème. La hautefonction publique est composéed’administrateurs compétents, intel-ligents, souvent formés à Oxford etCambridge. Ce sont d’excellents stra-tèges, mais de pauvres tacticiens,peu intéressés par l’application desdécisions sur le terrain et par la livrai-son des services aux clients-usagers.L’absence de tradition planificatriceen Grande-Bretagne n’arrange pasles choses. Cassées par les conserva-teurs, les autorités locales n’ont pasles moyens, humains comme maté-riels, nécessaires à l’exécution deleur mission. Or, dans le système bri-tannique, ce sont les comtés et lesmunicipalités qui sont chargés de lasanté comme de l’éducation. L’orga-nisation des transports est égale-ment fortement régionalisée.

Propos recueillis parMarc Roche

La dégradation des services publics au cœur des élections britanniquesLe premier ministre, Tony Blair, qui paraît certain de remporter le scrutin parlementaire du 7 juin, veut « sauver » des secteurs comme la santé

et les transports en les ouvrant au capital privé. Les syndicats et la gauche du Parti travailliste y sont radicalement opposés

TROIS QUESTIONS À...

GAVIN KELLY

I N T E R N A T I O N A L

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LE MONDE / MARDI 5 JUIN 2001 / 5

KATMANDOUde notre envoyée spéciale

En trois jours de tragédie, lesNépalais ont changé trois fois desouverain. Le prince Gyanendra a

finalement été couronné treizièmeroi de la dynastie des Shah, quirègne sur le Népal depuis 1768, celundi 4 juin à Katmandou. LeConseil d’Etat en charge des affai-res royales a proclamé le nouveauroi juste après l’annonce de la mortdu roi Dipendra, qui aura régné,officiellement, moins de quarante-huit heures.

Dans cette rapide successiond’événements, le prince héritierDipendra avait d’abord été procla-mé roi après la fusillade qui avaitdécimé la famille royale, vendredisoir 1er juin, et alors qu’il était tom-bé dans le coma. Selon certainessources, sa mort serait intervenueen fait dès samedi, mais l’annonceaurait été retardée pour permettreau frère du roi assassiné, le princeGyanendra, qui assurait depuissamedi les fonctions de régent, depréparer les esprits.

A Katmandou, le nouveau roi nesemble pas très populaire. Il estsoupçonné d’être un partisan duretour à la monarchie absolue, qu’ilavait accusé son frère Birendrad’avoir abandonnée trop vite en1990 sous la pression populaire.Agé de cinquante-quatre ans, lemonarque a aussi un formidablehandicap : son fils, Paras, est honni

de la population pour sa conduite.Dans une pétition au roi défuntBirendra, plus de 500 000 Népalaisavaient réclamé dernièrement queson titre d’altesse royale soit retiréà Paras et qu’il soit sévèrementpuni pour la mort d’un chanteurqu’il avait tué au volant de sa voitu-re. « Son fils est un fou. Qu’est-ce quiva nous arriver ? », s’interrogeait unjeune Népalais, peu après l’annon-ce de l’accession de Gyanendra autrône. Pour beaucoup, c’est aujour-d’hui la perpétuation du régimemonarchique qui se trouve en ques-tion. Les incohérences ayant entou-ré les circonstances du drame ali-mentent la colère, qui se mêle à lapeine et à la douleur.

Bien que le premier ministre, Giri-ja Prasad Koirala, ait assuré que« la vérité sera rendue publique », leParti communiste népalais (marxis-te-léniniste) a demandé l’instaura-tion d’une « commission d’enquêteimpartiale ». Les maoïstes mènentdepuis 1996 une guérilla arméepour le renversement de la mo-narchie et l’instauration d’uneRépublique. A leurs yeux, le massa-cre serait « le résultat d’un complotourdi par des réactionnaires natio-

naux et internationaux. Koirala et lescapitalistes indiens (…) ne toléraientpas le libéralisme du roi Birendra »,affirme un communiqué signé parleur chef Prachanda. En 1990, c’estun soulèvement populaire qui avaitamené le roi Birendra à céder unepartie de ses pouvoirs en faveurd’un régime démocratique multi-partisan.

SENTIMENT ANTI-INDIENDimanche, des centaines de

Népalais au crâne rasé (expressiondu deuil pour les hindous) ont tour-né dans les rues de Katmandou enscandant des slogans hostiles à ungouvernement accusé de faiblesse.Ils ont dénoncé « les pressions étran-gères », c’est-à-dire indiennes. AuNépal, le sentiment anti-indienn’est pas nouveau, mais certainscraignent le renouvellement desémeutes de décembre qui, provo-quées par une déclaration prêtée àun acteur de cinéma indien, avaientfait plusieurs morts et paralysé Kat-mandou pendant près d’une se-maine. Des jeunes en colère s’enétaient aussi pris aux biens deshommes d’affaires, d’origine indien-ne, qui tiennent l’essentiel du com-

merce. Des journaux indiens ontdéjà été brûlés, ce lundi à Katman-dou, et les touristes indiens com-mencent à quitter la ville.

« Nous aimons notre roi et notrenation plus que notre vie. Pendez lecoupable », chantaient, dimanchedans la capitale, des dizaines de jeu-nes à moto portant des grands por-traits du roi assassiné. Le long desgrilles du palais, dans des files sépa-rées, hommes et femmes, glaïeulsou roses à la main, attendaientpatiemment sous une fine pluie designer le livre de condoléances.« Nous ne pouvons pas dire ce quiest arrivé. Nous ne savons rien sinonque c’est une grande tragédie. Le roiétait notre père », affirme les larmesdans la voix Shanti, 23 ans,employée de banque. L’ampleur dudrame est difficile à accepter etbeaucoup ont du mal à croire queDipendra, qui était très populaire,en soit responsable.

Les Népalais s’interrogent aussisur la rapidité avec laquelle ont étéincinérés le roi, la reine et leursdeux enfants, apparemment sansautopsie, et sans laisser le tempsaux dignitaires étrangers de rendreun dernier hommage au souverain.Retransmise en direct à la télévi-sion nationale, la cérémonie a eulieu, samedi, en présence des seulespersonnalités du régime. Conduitepar le régent, la procession a par-couru environ treize kilomètresdans les rues de Katmandou oùs’étaient massés des milliers degens, jusqu’au temple de Pashupati-nah sur les rives de la rivière Bag-mati, où avaient été installés lesbûchers. Les cendres du roi devai-ent être répandues le long de cetterivière sacrée.

Françoise Chipaux

ALGER. Des milliers de personnes ont manifesté dans le calme,dimanche à Souk El-Thenine, dans la région de Béjaïa (250 kilomètresà l’est d’Alger). Parallèlement, dans un geste de conciliation, la gendar-merie a arrêté et présenté à la justice 12 gendarmes « pour usage abu-sif de leurs armes » et présenté ses excuses et ses condoléances pourles victimes des émeutes.Par ailleurs, cinq villageois ont été égorgés dans la nuit de dimanchedans le hameau de Bokaat, dans la province de Chlef, à 170 kilomètresà l’ouest d’Alger, ont annoncé les autorités. La veille et l’avant-veille,quatre membres des forces de sécurité avaient été tués dans des atten-tats imputés à des groupes islamistes armés. Depuis le début de l’an-née, ces violences ont fait près de 1 100 victimes, selon la presse algé-rienne. – (AFP.)

Le corps de Jean XXIIItransféré à la basilique Saint-PierreVATICAN. Le corps embaumé de Jean XXIII (1881-1963), béatifié parJean Paul II en septembre 2000, a été extrait de la crypte de la basili-que Saint-Pierre pour être transféré dimanche près d’un autel à l’inté-rieur de la basilique. Plus de 30 000 fidèles ont assisté à cette cérémo-nie, le 3 juin, jour de la Pentecôte et du trente-huitième anniversairede la mort de Jean XXIII, élu en 1958 et qui avait ouvert en 1962 le con-cile Vatican II. A cette occasion, Jean Paul II a évoqué « son admirationpour le bref, mais intense pontificat de son inoubliable prédécesseur ».Lors de son transfert, le corps de Jean XXIII était abrité derrière lesparois en cristal blindé d’un cercueil le laissant voir dans sa soutaneblanche, revêtu d’une pèlerine en velours rouge, le visage apparem-ment intact, comme endormi, protégé par un léger masque de cirereproduisant ses traits. L’état de conservation de la dépouille a sur-pris. Lors de la reconnaissance canonique du corps, le Vatican avaitdit qu’il ne s’agissait pas d’un miracle, mais expliqué ce phénomènepar la préparation du corps après la mort, puis sa conservation danstrois cercueils en sapin, en rouvre et en plomb. – (AFP.)

DÉPÊCHESa IRAK : Bagdad a cessé lundi 4 juin ses exportations de brut souscontrôle de l’ONU, a annoncé le ministère irakien du pétrole. L’Irak apris cette décision pour protester contre un projet américano-britanni-que de révision des sanctions qui le frappent depuis 1990. Ces exporta-tions sont menées dans le cadre du programme humanitaire « pétrolecontre nourriture ». – (AFP.)a CENTRAFRIQUE : l’armée centrafricaine a poursuivi dimanche3 juin ses opérations de « ratissage » dans plusieurs quartiers de lacapitale, à la recherche des mutins après la tentative de coup d’Etat du28 mai. Les autorités ont démenti l’arrestation du général AndréKolingba, instigateur de ce coup d’Etat, et affirmé qu’il s’était enfui.Elles ont en revanche reconnu que des troupes libyennes se trou-vaient sur le territoire centrafricain. – (AFP.)a PHILIPPINES : le chef du groupe armé musulman Abu Sayyaf,Khadaffy Janjalani, a été tué samedi 2 juin sur l’île de Basilan (sud)lors d’affrontements entre les rebelles et l’armée, a affirmé la présiden-te philippine, Gloria Arroyo. Les cadavres de deux des vingt touristesenlevés le 27 mai dans l’île de Palawan ont été retrouvés par les forcesde l’ordre sur le site des affrontements du 2 juin. – (AFP.)

Selon une première version officielle livrée par le ministre de l’inté-rieur, Ram Chandra Poudel, juste après le drame de vendredi, leprince Dipendra aurait massacré son père et sa mère, qui s’oppo-saient à son mariage, avant de se tirer une balle de revolver dans latête. Dimanche, dans son premier message aux Népalais, le régentGyanendra a affirmé que le drame serait la conséquence « du tir acci-dentel d’une arme automatique ». Devant ces versions successives, lesrumeurs se multiplient sur le déroulement des faits lors de ce tradi-tionnel dîner de famille au palais royal, sur le nombre exact de vic-times, sur le rôle réel de Dipendra, qui aurait reçu six balles dans ledos… En attendant une version définitive, la confusion est dénoncéede plus en plus violemment par la population. – (Corresp.)

Nommé monarque alors qu’il était tombé dans lecoma, samedi 2 juin, le roi Dipendra a succombéà ses blessures. Il aura régné moins de quarante-

huit heures. Une première version officiellel’avait désigné comme le responsable de la fusilla-de ayant décimé la famille royale, vendredi à Kat-

mandou. Mais le nouveau monarque, Gyanen-dra, a attribué le drame à un accident d’armeautomatique, sans convaincre la population.

REPORTAGELe nouveau souverainne semble paspopulaireet son fils est honni

Drame passionnel ou tir accidentel ?

Le régent Gyanendra est proclamé roi du Népal,après la mort tragique de ses deux prédécesseurs

La confusion entourant les circonstances du drame attise la colère à Katmandou

Kabylie : les gendarmes s’excusent,les manifestations se poursuivent

I N T E R N A T I O N A L

Page 6: e 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE … 57e ANNÉE – Nº 17530 – 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE MÉTROPOLITAINE -- MARDI 5 JUIN 2001 FONDATEUR : HUBERT BEUVE-MÉRY – DIRECTEUR : JEAN-MARIE

Ecoles, collèges et lycées vont garder leurs aides-éducateurs

Le gouvernement va reconduire de nombreux emplois-jeunesElisabeth Guigou doit présenter, mercredi 6 juin, un plan destiné à pérenniser ces emplois créés en 1997. Jack Lang a obtenu

le maintien des aides-éducateurs et la police continuera de recruter des adjoints de sécurité. Les aides aux associations seront réduitesL’IMPATIENCE grandissant, le

gouvernement a enfin fixé la date :mercredi 6 juin, la ministre de l’em-ploi et de la solidarité, Elisabeth Gui-gou, présentera le plan de pérenni-sation des emplois-jeunes. L’annon-ce pourrait être « plurielle » tant lesministres, qu’il s’agisse de l’éduca-tion nationale, de l’intérieur, de l’en-vironnement, du sport ou du touris-me, sont concernés par l’avenir dece programme, le premier né en1997 dans la liste des « grandes loissociales » de la gauche. Jack Lang,pour l’éducation nationale, le minis-tre de l’intérieur Daniel Vaillant,peut-être même Marie-GeorgesBuffet, la ministre communiste dela jeunesse et des sports et Domini-que Voynet, ministre de l’environne-ment devraient donc être présents.

Après de longues et laborieusesdiscussions interministérielles, laplupart des emplois-jeunes, aujour-d’hui au nombre de 276 950, vontêtre prolongés. Soit parce que leursemployeurs vont bénéficier d’une« rallonge » financière, soit, toutsimplement, parce que les postescréés par loi, notamment dans l’édu-cation nationale et la police, serontmaintenus. Conçus pour une pério-de de cinq ans, les premiers emplois-jeunes devaient arriver à échéanceen 2002. Le gouvernement a cepen-dant privilégié un traitement au caspar cas. Dans chacune des grandes« familles » d’emplois-jeunes, asso-ciations, collectivités locales, éduca-tion nationale, police, le dispositifs’appliquera différemment selon lesdifficultés rencontrées et l’utilitédes « nouveaux services » qui ontémergé (lire ci-dessous).

« Nous allons pérenniser le plusgrand nombre des emplois-jeunes(…). Naturellement, les modalités decette pérennisation et de l’accompa-gnement de l’Etat seront très différen-tes selon les domaines d’activité »,

avait prévenu Lionel Jospin, en sep-tembre 2000, lors des journées par-lementaires du groupe socialiste àLyon.

Première distinction : les mesuresde « consolidation » des emplois-jeunes s’étendront pour certains jus-qu’en 2005 et pour d’autres jus-qu’en 2008, principalement dans lafonction publique, où les contrats àdurée déterminée de cinq ans, dedroit privé, subsisteront. Quoiquerestreint, le robinet des embauchesreste donc ouvert. « Il faut conti-nuer à proposer un volant d’emplois-jeunes, certes pas dans la même pro-portion : ça permet aux jeunes demettre le pied à l’étrier », indiquaitrécemment Mme Guigou, qui devraitse rendre sur le terrain le 8 juin àLimoges, puis le 2 juillet à Rennes.Ce sera le cas, en particulier, dans lapolice, où le volume des25 000 emplois actuels ne devrait

pas beaucoup baisser. Parce que« plus personne n’imagine s’en pas-ser », les aides-éducateurs, surtoutdans le primaire, bénéficieront éga-lement de prolongations. Dans lesassociations, en revanche, le coupde pouce s’étalera, pour certaines

d’entre elles, sur trois ans, à raisonde 70 000 francs par an et paremploi, à charge, pour les préfets,de les sélectionner. Pour d’autres,dont les métiers sont désormais sol-vables, ou en passe de le devenir,l’aide financière de l’Etat, (près de

100 000 francs aujourd’hui par an etpar emploi pendant cinq ans)s’éteindra. Dans les collectivitéslocales les plus innovantes ou lesplus pauvres, elle sera reconduite àhauteur de 50 000 francs, en moyen-ne, par emploi.

RECLASSEMENTVoilà pour l’avenir des postes.

S’agissant des jeunes qui les occu-pent aujourd’hui, le gouvernementsouhaite mettre en place des pro-grammes d’accompagnement etfavoriser leur reclassement en ren-forçant la formation et la profes-sionnalisation des métiers. Les con-cours de la fonction publiqueseront aménagés, comme c’est déjàle cas dans la police, pour leur per-mettre de faire valoir leur expérien-ce. Dans son esprit du gouverne-ment, les titulaires des emplois-jeu-nes doivent en effet continuer de

« tourner ». Depuis 1997, 311 740jeunes ont occupé un de cesemplois et 25 % d’entre eux l’ontquitté, dont près de trois quarts descas, de leur propre chef. Tout le nou-veau dispositif sera précédé, en2001, d’une opération de « diagnos-tic » dans chaque domaine concer-né.

Le coût de l’allongement du pro-gramme, qui atteint près de 24 mil-liards de francs en 2001, sera quel-que peu alourdi en 2002, étantentendu qu’il devrait diminuer aus-sitôt passé ce cap. Plus sélectives etlimitées dans le temps, les aidesfinancières devraient en effetdécroître avec la sortie de certainsemplois-jeunes. Avant son départdu gouvernement, Martine Aubryavait estimé à « 55 % » la part desemplois-jeunes, dans le secteurassociatif, en passe de devenir auto-nomes financièrement. Un schémarepris, en deux étapes, par sa rem-plaçante, Mme Guigou. Plusieursdéputés, dont Eric Besson, secrétai-re national au PS pour l’emploi, con-testent pourtant ce chiffre.

Les discussions qui ont précédél’annonce de ce plan se sont avé-rées, il est vrai, des plus délicates.Pressés par les parlementaires d’en-voyer des signaux positifs, face àdes jeunes de plus en plus angoisséspar leur avenir – certains se sontd’ailleurs regroupés en collec-tifs – le gouvernement a longtempstergiversé sur les modalités commesur le calendrier. Jugeant les pre-miers plans de pérennisation ébau-chés trop modestes, plusieurs dépu-tés étaient montés au créneauarguant de l’effet désastreux qu’ilsproduiraient pour toute la gauche.Du coup, l’affaire a traîné et les dis-cussions ont repris de plus belleaprès les élections municipales.

Isabelle Mandraud

MÊME s’il gardait un silenceabsolu sur le dispositif de pérenni-sation de ses 70 000 postesd’aides-éducateurs, soit le plusgros bataillon des emplois-jeu-nes, le ministère de l’éducationnationale laissait filtrer ce week-end son sentiment de « satisfac-tion ». C’est sans doute le dossierqui aura suscité les arbitrages lesplus délicats – une réunion inter-ministérielle devrait encore setenir mardi 5 juin pour d’ultimesajustements.

Si la pérennisation de ces fonc-tions ne faisait plus de doute,Jack Lang, le ministre de l’éduca-tion nationale, estimait mi-maique leur nombre dépendait deslargesses de Bercy, s’attendantque « la moitié, peut-être les deuxtiers », des emplois seraient main-tenus. Pour l’heure, il semble queMatignon ait tranché en faveurd’un maintien massif du nombrede postes, proche des 70 000 bud-gétés actuellement. Le dispositifcontinuerait de coûter, pour laseule éducation nationale, entre 7et 8 milliards de francs par an.

Le recrutement s’effectueraitdans les mêmes conditions qu’auj-ourd’hui, c’est-à-dire sous la for-me d’un contrat de droit privéd’une durée de cinq ans, tantdans les écoles primaires, quiemploient aujourd’hui 58 % desaides-éducateurs, que dans lesétablissements du second degré.En optant à nouveau pour un sta-tut privé afin de ne pas grossir leseffectifs de la fonction publique,le gouvernement risque de déclen-cher la colère des syndicats, cellede la FSU notamment, principalefédération de l’éducation.

« C’est mauvais pour ces jeunesen termes de droits. C’est mauvaispour le service public parce quecela constitue une brèche que l’onne voudrait pas voir renouvelée.On avait prévu une grève des aides-éducateurs en septembre : plus quejamais, ils l’auront ! », commenteune secrétaire nationale du SNES-FSU (second degré). Le Syndicat

des enseignants (SE-UNSA), plusmesuré, demande que « les aides-éducateurs aient alors tous lesdroits des salariés du privé ».

Les aides-éducateurs déjà enposte, et notamment les premiersà avoir été recrutés fin 1997, nepourront pas bénéficier uneseconde fois de ce type de con-trat. En revanche, les jeunesembauchés sur les postes d’aides-éducateurs démissionnaires pour-ront occuper ces emplois pendantcinq ans, et non plus seulementpour le laps de temps qui restait àleur prédécesseur. Leur forma-tion – et donc leur sortie du dispo-sitif – en sera facilitée.

La formation des aides-éduca-teurs constitue, en effet, le pointnoir du système actuel. Mise enplace trop lente, difficulté à déga-ger des heures dans les emploisdu temps, toute-puissance desétablissements employeurs : lessyndicats ont multiplié les alertesà ce sujet. Le ministère reconnaîtlui-même que près de 20 000 desaides-éducateurs ne suivent aucu-ne formation. Et 12 000 d’entreeux sont inscrits au Centre natio-nal d’enseignement à distance(CNED), ce qui n’offre pas un réelencadrement pédagogique, sur-tout pour des jeunes qui ne sont

pas habitués aux études (60 %n’ont que le niveau baccalauréat).Les recteurs ont été rappelés àl’ordre en début d’année scolaire.On peut s’attendre que le nou-veau dispositif prévoira un efforttout particulier dans ce domaine.

Du côté des débouchés profes-sionnels, le gouvernementdevrait aménager les conditionsd’accès à certains concours, repo-sant notamment sur la valorisa-tion des expériences et non plusseulement sur la détention d’undiplôme, et organiser de nouvel-les « filières professionnelles »avec les collectivités locales. Unfort « accompagnement » sera enoutre réservé à ceux qui vont quit-ter le dispositif, comme l’aide à larédaction du curriculum vitae,l’accès aux offres d’emplois pro-posées par les entreprises parte-naires de l’éducation nationale…

Depuis près de deux ans, leministère se mobilise en effetpour faciliter l’embauche desaides-éducateurs par des sociétésprivées. Des accords nationauxont été signés en ce sens avec,entre autres, Air France, Accor,Avenance (restauration collecti-ve), Adia-Adecco, Euro Disney,Vivendi, la SNCF, European Link(tourisme), et « 23 accords locauxont été conclus l’an dernier par lesrecteurs d’académie avec des entre-prises locales », indique le rapportque le député Jacques Guyard(PS) avait rédigé pour le projet deloi de finances 2001. Une conven-tion a en outre été passée, le13 décembre 2000, avec l’Uniondes industries métallurgiques etminières (UIMM) afin de « prépa-rer annuellement 5 000 aides-édu-cateurs à une insertion profession-nelle dans l’industrie et les servicesqui s’y rattachent ». D’ores etdéjà, le ministère estime que 37 %des quelque 24 000 emplois-jeu-nes qui ont quitté l’éducationnationale depuis 1997 ont trouvéun emploi dans le secteur privé.

Marie-Laure Phélippeau

Les moins de 25 ans ayant bénéficié d'un emploi-jeune ont des profils variés : 60% ont au plus le niveau du Bac, 20% Bac +2 et 20% un niveau supérieur.Avant d'entrer dans ce programme, 75% étaient au chômage et 8% percevaient le RMI. Désormais, les femmes représentent une embauche sur deux.

Associations,

Educationnationale

SEM,entrepriseset établiss. publics

Policenationale

Agents de justice

Sport

Culture

Famille,santé,

solidaritéEducation

Environnement

Tourisme

Logement,vie de quartier

Sécurité

Transport

Justice

Autres

Source : Ministère de l'emploi

EMPLOIS CRÉÉS (au 30 avril 2001) LES CRÉDITS POUR LES EMPLOIS-JEUNES

en milliards de francs

LES EMPLOIS DANS LES ASSOCIATIONS

répartition par secteur

1998 1999 2000 2001

277 000 emplois-jeunes ont été créés depuis 1997 et 312 000 personnes en ont bénéficié

81 880

33 830

70 000

64 240

2 000

25 00020,8 %

16,3 %

14,6 %9,5

8,7

6,5

6,1

12,6 %

24 Mds22

14

8

0,9

2,3

1,6

Collectivitéslocales

Les aides de l’Etat seront plus limitées et plus sélectives

Agacés d’être sans nouvelle du sort réservé aux emplois-jeunes, lessyndicats ont pris les devants. Mi-mai, la CFDT a ainsi lancé une cam-pagne en faveur des emplois-jeunes. « Alors que les premiers contratsarrivent à leur terme fin 2002, 50 % des jeunes ignorent encore ce quedeviendra leur emploi à la fin de leur contrat », expliquait la centralede Nicole Notat, en s’appuyant sur sa propre étude. 50 000 guidesdevaient être édités, et une pétition distribuée auprès des jeunes etdes salariés. Pour la CFDT, « les emplois-jeunes doivent devenir devrais emplois », des « métiers reconnus dans les grilles de la Fonctionpublique ».

De son côté, la CGT avait projeté l’organisation d’une journée natio-nale d’action, mi-juin, pour les emplois-jeunes et plaidé pour qu’ilsobtiennent les mêmes droits que les autres salariés.

Les syndicats restent mobilisés

F R A N C E - S O C I É T É

SOCIAL Elisabeth Guigou présen-tera, mercredi 6 juin, en présenced’autres ministres, son plan de péren-nisation des emplois-jeunes, dont lespremiers contrats arriveront à terme

fin 2002. Après de laborieuses discus-sions interministérielles, une grandepartie des 276 950 emplois-jeunesactuellement existant devraient êtreprolongés. b DANS L’ÉDUCATION

NATIONALE, les 70 000 aides-éduca-teurs seraient en grande partie gar-dés. Leur formation reste le pointnoir du système actuel. Le ministère,qui reconnaît que 20 000 d’entre eux

n’en suivent aucune, va consentir uneffort particulier. b LES ADJOINTSDE SÉCURITÉ, dans la police, reste-ront une filière de recrutement pourles gardiens de la paix. b LES ASSO-

CIATIONS bénéficieront d’un traite-ment à part. Les subventions aux col-lectivités locales seront maintenuesen fonction de leur richesse et del’utilité des emplois-jeunes.

LE SPECTRE d’activité est à cepoint étendu que le gouvernementa imaginé un dispositif pour chacu-ne des grandes « familles » d’em-plois-jeunes. Ainsi, les aides seronten partie maintenues et versées aucas par cas selon l’utilité de l’emploiet les difficultés de financement aux-quelles sont confrontées lesemployeurs. Un important travailsur les conventions collectivesdevra être mené.

b Associations. Les 81 880 em-plois-jeunes recensés au 31 avril2001 dans les associations ne serontpas tous logés à la même enseigne.Dans ce secteur qui recrute le plusgrand nombre d’emplois-jeunes,20,8 % d’entre eux exercent leuractivité dans le domaine du sport,16,3 % dans celui de la culture,14,6 % dans celui de la famille, de lasanté et de la solidarité, le reste serépartissant entre l’environnement,le tourisme, le logement et la vie dequartier, les transports, la sécuritéou la justice.

Face à cette multitude d’em-ployeurs et de services, le gouverne-ment a décidé d’établir trois gran-des catégories. La première corres-pond à des emplois censés s’autofi-nancer au terme des cinq années desubventions. Quelque 25 % desemplois-jeunes associatifs entrentdans cette tranche. Pour eux, le sys-tème prendra donc fin en 2002. Augouvernement, on fait remarquer

que ce pari de la solvabilisationavait été intégré dès le départ dansle montage des projets puisqu’unebonne moitié des titulaires a étéembauchée en contrats à duréeindéterminée. Le tri sélectif desdéchets, qui devrait bientôt devenirune obligation légale, en fait partie.

La deuxième catégorie concerne30 % des emplois associatifs. Ceux-là ont encore besoin d’un peu detemps pour développer leurs activi-tés, comme l’ont demandé avecinsistance les associations. Dans cecas précis, le programme va doncêtre étendu à l’aide d’un systèmequelque peu complexe : pendanttrois années supplémentaires, l’Etatversera en effet aux associationsqui en auront fait la demandeune nouvelle aide globale de100 000 francs par emploi. Encontre-partie, l’aide prévue en2002, passerait de 100 000 francs à65 000 francs, les 35 000 francs res-tants étant reportés sur les annéessuivantes.

La troisième catégorie vise 40 % à45 % des emplois associatifs qui ontfait la preuve de leur utilité maisdemeurent insolvables, comme lesemplois-jeunes spécialisés dans l’in-sertion par le sport (le basket de ruepar exemple) ou les médiateurs dequartier. L’Etat continuera d’appor-ter son soutien financier, à hauteurde 70 000 francs en moyenne paremploi, via des conventions plurian-nuelles de trois ans renouvelableset modulables. Les préfets serontchargés de sélectionner les projetset de signer les conventions. Ce dis-positif, conçu pour être « souple »,pourra être révisé, au cas par cas,quasiment chaque année.

Le coût de ces mesures est estiméà environ 5 milliards de francs surtrois ans, dont 500 millions defrancs chaque année pour la deuxiè-me catégorie.

b Collectivités locales. Qu’ilssoient de droite ou de gauche, lesélus locaux ont très majoritaire-ment plaidé en faveur de l’intégra-tion des emplois-jeunes dans lafonction publique territoriale en

avançant l’argument des départs enretraite massifs attendus d’ici à2006. Un tiers de ces emplois-jeunes, dans les échelons les moinsqualifiés, devraient être recrutésdirectement ; l’accès aux concourssera aménagé pour tenir compte dela validation des acquis, donc del’expérience professionnelle et passeulement des diplômes.

Quelque 20 % des collectivitéslocales, les plus en difficulté, bénéfi-cieront d’une aide particulière de50 000 francs par an et par emploi.Deux critères ont été retenus etdevront être croisés : la faiblessedes recettes fiscales de ces collectivi-tés et l’utilité sociale de l’emploi.Les zones urbaines ne seront pasles seules bénéficiaires de ce disposi-tif (quartiers en difficulté…), maiségalement les zones rurales dites« sensibles » ou « dévitalisées »,estime-t-on au gouverne-ment. Pour l’ensemble des collecti-vités territoriales, les crédits avoisi-neraient 1,5 milliard de francs paran.

b Police et justice. la créationdes postes d’adjoints de sécurité(ADS), que les pouvoirs publicsqualifient de « vraie réussite », vaengendrer la poursuite du dispositifdans les mêmes proportionsqu’aujourd’hui. Le volume des25 000 emplois-jeunes recrutésdans ce secteur devrait donc, à l’ave-nir, être maintenu. Un emploi-jeunequi quitterait son poste au bout dequatre ans sera ainsi remplacé parun autre pour une nouvelle périodede cinq ans et non pour achever ladurée du poste de son prédéces-seur. Là aussi, les concours serontouverts aux ADS aujourd’hui encours de mission. En plein débat surla sécurité et pour des raisons démo-graphiques, leur intégration ne poseaucune difficulté particulière, préci-se-t-on au gouvernement, puisquede nombreux policiers partiront enretraite dans les prochai-nes années. Le scénario est identi-que pour les 2 000 agents de justice.

I. M.

En optant à nouveaupour un statut privéafin de ne pasgrossir les effectifsde la fonctionpublique,le gouvernementrisque de déclencherl’ire syndicale

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LE MONDE / MARDI 5 JUIN 2001

Page 7: e 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE … 57e ANNÉE – Nº 17530 – 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE MÉTROPOLITAINE -- MARDI 5 JUIN 2001 FONDATEUR : HUBERT BEUVE-MÉRY – DIRECTEUR : JEAN-MARIE

LE MONDE / MARDI 5 JUIN 2001 / 7

LA MANIFESTATION contre leslicenciements et suppressions d’em-plois, prévue le 9 juin à Paris, vientde recevoir le soutien de quelquedeux cents personnalités – universi-taires, syndicalistes, militants asso-ciatifs et responsables politiques –parmi lesquelles figurent, de maniè-re inattendue, l’ancienne tête de lis-te des Verts aux européennes,Daniel Cohn-Bendit. Dans leurappel qui invite « tous les citoyens àparticiper massivement à la manifes-tation », les signataires dénoncent« la nouvelle réalité du capitalismedans le contexte de la globalisationfinancière ». Mettant en causenotamment « la prépondérance dupouvoir des actionnaires », ils indi-quent que « les salariés, considéréscomme une simple variable d’ajuste-ment, subissent (…) intensification dutravail, précarité et flexibilité accrue,licenciements de convenance boursiè-re et suppressions d’emploi ». Cettesituation, expliquent-ils, « appelledes mobilisations d’envergure pourcombattre les licenciements et renfor-cer les droits et contre-pouvoirs dessalariés ».

Parmi les signataires de cet appel,

initié par Pierre Khalfa (au nomd’Attac) et Claude Debons (FGTE-CFDT), on recense, entre autres, lessociologues Luc Boltanski, LoïcWacquant, Robert Castel et PierreBourdieu ; les philosophes TonyAndréani, Miguel Benasayag, Geor-ges Labica, Daniel Bensaïd, les écri-vains Didier Daeninckx, Pierre Kal-fon et Annie Ernaux, François Gèze,patron des Editions La Découverte,des économistes critiques commePierre Concialdi, ChristopheRamaux, Henri Sterdyniak, Fran-çois Chesnais, les politologues Jac-ques Capdevielle, René Mouriaux,Sophie Béroud ou le haut-fonction-naire Yves Sallesse.

Côté syndical, on note la présen-ce des responsables de SUD, duGroupe des Dix, des structuresCFDT critiques, du SNESUP-FSU,mais aussi de la CGT Finances, alorsque cette confédération n’appellepas à manifester. José Bové et Fran-çois Dufour, de la Confédérationpaysanne, côtoient Bernard Cassen(Attac), Jean-Baptise Eyraud (Droitau logement), Annie Pourre (DroitsDevant), Patrice Spadoni (Marcheseuropéennes contre le chômage).

S’agissant des politiques, chez lesVerts, outre M. Cohn-Bendit, lesprincipaux animateurs de courantsont signé – Noël Mamère, AlainLipietz, Marie-Christine Blandin etMarie-Hélène Aubert, entre autres.Pour le PCF, Alain Bocquet, prési-dent du groupe à l’Assemblée est,comme M. Hue, sur la liste, maispas Maxime Gremetz. Au PS, alorsque le gouvernement s’efforce detrouver un compromis avec le PCFavant le vote sur le projet de loi demodernisation sociale, le 13 juin,seuls des animateurs de la Gauchesocialiste au PS, les députés YannGalut et Julien Dray, ainsi queGérard Filoche, ont signé. Les res-ponsables de la LCR et des Alterna-tifs sont représentés. Le panel designatures ne recoupe pas totale-ment la liste des formations syndica-les ou politiques qui ont appelépour le 9 juin. LO, la CNT ou Alter-native Libertaire sont absents, soitqu’ils ne prisent pas la forme de l’ap-pel de personnalités, soit qu’ilsn’aient pas encore fait connaître deréponse.

Caroline Monnot

Près de deux cents personnalités (universitaires, syndi-calistes, responsables associatifs et politiques) appel-lent à manifester à Paris, le 9 juin, pour protester

contre « la dictature des actionnaires » et « combattreles licenciements ». Le PCF, les Verts et la Gauche socia-liste du PS s’associent à l’appel et à la manifestation.

Mme Laguiller veut « imposer » à M. Jospind’autres mesures contre les licenciements

La porte-parole de Lutte ouvrière a confirmé sa candidatureà l’élection présidentielle lors de la fête annuelle de son parti.

Les discussions engagées avec la LCR se heurtent à la question des alliances

Martine Aubry propose au PSune « démocratie sociale rénovée »

LA FOULE est si dense pourécouter Arlette Laguiller, sur lapelouse du château de Presles lorsde la fête de LO, dimanche 3 juin,que l’on ne voit plus un brin d’her-be. La porte-parole de l’organisa-tion trotskiste, surplombée parune immense banderole assurantque « l’avenir est au communisme,pas à la mondialisation impérialis-te », confirme ce que tout le mon-de sait déjà : « Oui, je compte êtreprésente à la présidentielle de2002 ».

L’élection présidentielle, ce n’est« ni urgent ni important pour les tra-vailleurs menacés de licencie-ment », assure Mme Laguiller. Cequi l’est, « c’est que la manifesta-tion du 9 juin soit un succès ». Maisc’est bien, aussi, un discours decampagne que prononce la porte-parole de LO. S’attaquant d’abordau patronat, puis à Lionel Jospin,mis dans le même sac – « Seillièreet Jospin ne s’opposent pas, ils secomplètent » – la candidate exhor-te ses fidèles à se mobiliser pour« imposer au gouvernement de pren-dre d’autres mesures que le projetde loi Guigou [sur la modernisationsociale], cet emplâtre sur une jambede bois ». Interdire les licencie-ments, comme LO le réclamedepuis des années, « ce n’est pasimpossible, c’est une question de for-ce », assure-t-elle.

Parmi les autres mesures « queles luttes futures devront imposer »,Mme Laguiller cite la « suppressionimmédiate du secret industriel, com-mercial et bancaire ». Sa cible ?« L’argent de la corruption » etRoland Dumas, dont les « bottinesreprésentent deux mois de salairepour un travailleur payé au smic ».Elle attaque la société Elf qui, auSoudan, fait « déplacer des dizai-nes de milliers de personnes et mas-

sacrer les récalcitrants ». Une telleéconomie n’est « pas réformable »,lance-t-elle, ajoutant à l’adresse duPCF : « Le mal, c’est qu’il manqueun grand parti des travailleurs quisoit un véritable parti communis-te ». Elle n’oublie pas les tra-vailleurs immigrés, « en particulierceux qui, privés de papiers par leslois Debré-Pasqua-Chevènement,vivent sous la menace permanen-te », se taillant ainsi un vif succès.

POMME DE DISCORDEComme un leitmotiv,

Mme Laguiller revient sur la manifes-tation du 9 juin. « Le problèmen’est pas de savoir si l’extrême gau-che va empêcher ou pas l’élection deJospin. (…) C’est de faire en sorteque [cette manifestation] soit unpas vers l’interdiction des licencie-ments ». La veille, elle s’était félici-tée d’avoir obligé le PCF à bouger :« Poussé par l’extrême gauche, le PCa poussé Jospin à un recul symboli-que en repoussant la date du vote dela loi Guigou ». La porte-parole deLO a menacé : « Si le PC finit pars’aligner sur le gouvernement (…) nile PC, ni Jospin n’en auront fini avecl’abstention des classes populaires niavec l’extrême gauche ».

C’est aussi cette manifestationqui a servi de pomme de discordeavec la Ligue communiste révolu-tionnaire (LCR), au cours de deuxdébats. Mme Laguiller et ses lieute-nants, François Duburg, GeorgesKady et Roland Spirko, n’ont cesséde marteler que le 9 juin serait unsuccès si le PCF mobilisait – « sacapacité de mobilisation, moinsbrillante que par le passé, est biensupérieure à celle de la LCR », anotamment déclaré M. Duburg.Avec aigreur, les dirigeants de LOn’ont cessé de reprocher à la LCRd’être venue en petit nombre à la

manifestation des LU de Calais, le21 avril, sous prétexte que le PCFen était à l’origine.

François Ollivier, l’un des diri-geants de la LCR qui participait audébat de dimanche, a fini par cra-quer : « C’est bien cela le fond duproblème, c’est votre attitude avec lePC ! », s’est-il exclamé après deuxheures de discussions sur l’accordélectoral demandé par la LCR à LOpour 2002. Les deux organisationssont restées bloquées sur leurspositions. La LCR a fait valoir que« la responsabilité politique était des’unir », LO a rétorqué qu’unealliance ne saurait comprendre lespropres alliés de la LCR qui ne luiconvenaient pas. Mme Laguiller areproché à l’organisation d’AlainKrivine d’avoir, par le passé, soute-nu « Juquin, Hue et Voynet ».« Nous nous n’avons jamais cherchédes alliances pour faire des voix », alancé Mme Laguiller. « La LCR vou-drait que l’on fournisse la candidateet qu’ils fournissent la politique.Nous ne fournirons pas l’une sansl’autre », a-t-elle conclu.

Béatrice Gurrey

Deux cents personnalités soutiennentla manifestation du 9 juin

Daniel Cohn-Bendit signe l’appel à défiler contre les suppressions d’emplois

AVEC L’OBJECTIF affiché demettre le citoyen au centre de saréflexion, Martine Aubry présente-ra un texte sur « l’ambition démo-cratique », mardi 5 juin, au bureaunational du Parti socialiste. Pre-mier chapitre du « projet 2002 »du PS, ce document, amendé par lebureau national, puis discuté dansles fédérations avant d’être soumisà un conseil national, le 30 juin,porte sur la démocratie politique,sociale et civile. Le volet sur « unedémocratie sociale rénovée » partdu principe que le citoyen « nepeut devenir un simple sujet, un exé-cutant sans droit dans l’entreprise,sur son lieu de travail, dans la viesociale ». L’ancienne ministre del’emploi va confronter ses proposi-tions avec les dirigeants syndicaux.

Sous réserve d’ultimes ajuste-ments, quatre chantiers sont pro-posés au débat. Dès la début de lalégislature, le premier ministre con-voquerait une conférence salarialeet sociale, destinée à être annuelle,où l’Etat et les partenaires sociauxfixeraient les champs des négocia-tions, leurs rythmes et leurséchéances. « Il ne doit pas y avoirde concurrence, mais une vraie com-plémentarité entre l’action du légis-lateur et la négociation sociale »,affirme Mme Aubry dans le projetde texte. La rénovation de la négo-ciation ne peut « s’opérer contre laloi garante de l’ordre public socialdans une société où perdure la rela-tion de subordination entreemployeurs et employés ». Ainsi « lalogique de refondation sociale ini-tiée par le Medef a d’ores et déjàéchoué parce qu’elle ne répond pasaux critères de cette nécessaire com-plémentarité ».

L’Etat et les partenaires sociauxdevraient faire des propositionspour clarifier leurs compétencesentre les principes fondamentauxdu droit du travail et de la Sécuritésociale, sur lesquels le législateuraurait un monopole d’élaboration,et les thèmes ne relevant pas d’unprincipe fondamental, objets exclu-sifs de la négociation collective.Alain Vidalies, secrétaire nationalchargé des entreprises, souhaitaitqu’une grande loi sur la démocra-

tie sociale fixe les domaines respec-tifs du législatif et du contractuelmais Mme Aubry préfère uneréflexion commune préalable del’Etat et des partenaires sociaux.D’autres chantiers de la démocra-tie sociale pourraient figurer danscette loi. Il en est ainsi de « l’affir-mation du principe majoritaire »,déjà préconisé par le PS en 1998dans sa convention sur l’entrepri-se, selon lequel « un accord collec-tif ne peut être valablement concluque s’il a été signé par des organisa-tions syndicales ayant recueilli con-jointement la majorité des voix auxélections de représentativité. Toutaccord minoritaire serait non seule-ment inopposable, mais même répu-té non écrit ».

UN SCRUTIN DE REPRÉSENTATIVITÉLe « droit d’opposition », permet-

tant à des syndicats majoritairesde s’opposer à un accord minoritai-re, serait supprimé, les syndicatsayant 30 % des voix aux électionsprofessionnelles pouvant, de leurseule initiative, consulter les sala-riés sur des thèmes relevant de lanégociation annuelle obligatoire.Mme Aubry souhaite aussi fonder lareprésentativité syndicale sur levote des salariés. Un « grand scru-tin de représentativité », à unepériodicité à définir, serait ouvert,par branche professionnelle, à« tout syndicat légalement consti-tué » dès lors que son objet socialest « conforme à la loi ». Pour nepas paraître mettre en cause lesconfédérations représentativesaux termes d’un arrêté de 1966– CGT, CFDT, FO, CFTC, CFE-CGC –, une « protection particuliè-re » serait maintenue pour ellespendant cinq ans. La réflexion por-te aussi sur le financement des syn-dicats – Mme Aubry préfère le chè-que syndical versé par les salariésau financement public –, le renfor-cement des institutions représenta-tives et le paritarisme. Pour sapart, François Hollande est favora-ble à l’entrée de salariés dans lesconseils de surveillance et d’admi-nistration des entreprises.

Michel Noblecourt

F R A N C E - S O C I É T É

Page 8: e 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE … 57e ANNÉE – Nº 17530 – 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE MÉTROPOLITAINE -- MARDI 5 JUIN 2001 FONDATEUR : HUBERT BEUVE-MÉRY – DIRECTEUR : JEAN-MARIE

8 / LE MONDE / MARDI 5 JUIN 2001

DANS UN ENTRETIEN accordé au Journal du dimanche du 3 juin, leministre de l’intérieur, Daniel Vaillant, affirme que l’obligation dedéclaration des rave-parties ajoutée, lors des débats parlementaires,au projet de loi sur la sécurité permettra d’en finir avec les « zones denon-droit ». « Chaque semaine, des risques sont pris pour la vie des jeu-nes, et des populations subissent les nuisances de ces rassemblementsnon maîtrisés. (…) Prévenir les risques, ce n’est pas porter atteinte à laliberté de la jeunesse. (…) Il ne s’agit pas de réprimer mais de protéger »,a-t-il assuré. Le ministre annonce qu’il recevra les associations « dansles prochains jours ».M. Vaillant tente ainsi de répondre aux critiques émanant de JackLang, qui avait qualifié l’amendement gouvernemental de « démagogi-que et ultrasécuritaire », ainsi que Bernard Kouchner et Catherine Tas-ca. L’association Technopol appelle les « raveurs » à une manifesta-tion le 16 juin à Paris.

La FCPE appelle Jack Langà « ne pas céder à l’immobilisme »LA FÉDÉRATION des conseils de parents d’élèves (FCPE), réuniepour son 55e congrès du 2 au 4 juin à Aix-en-Provence, a appelé leministre de l’éducation nationale à « ne pas céder aux sirènes de l’im-mobilisme », notamment en ce qui concerne la réforme du lycée. PourGeorges Dupon-Lahitte, président de la FCPE, les réformes de JackLang ne sont que « paroles, paroles, paroles ». « Nous ne sommes pasde ceux qui se méprennent sur un prétendu discours consensuel sur l’éco-le », a-t-il souligné, faisant référence à l’intervention du président dela République devant l’autre fédération de parents, la PEEP, jeudi24 mai (Le Monde du 26 mai). La FCPE a demandé à Jean-Luc Mélen-chon, ministre délégué à l’enseignement professionnel, venu ouvrir lecongrès samedi 2 juin, d’améliorer les conditions de l’orientation enlycée professionnel. M. Mélenchon a rappelé qu’il comptait « aména-ger » des passerelles entre bac pro et BTS.

DÉPÊCHEa SÉCURITÉ : Claude Abrioux, maire RPR d’Aulnay-sous-Bois(Seine-Saint-Denis), a pris, mercredi 30 mai, un arrêté municipalinterdisant aux mineurs de moins de treize ans non accompagnésd’un adulte de circuler dans les rues de la ville après minuit. En cas denon-respect de ce couvre-feu, les jeunes seront conduits au commissa-riat de police. Le maire entend ainsi lutter contre la délinquance urbai-ne et les nuisances nocturnes.

LA PISTE d’un règlement decomptes politique local s’est révé-lée fructueuse dans l’enquête surun attentat au colis piégé, à La Bau-le (Loire-Atlantique), qui avait tuéun employé du syndicat intercom-munal de la ville en novembre2000. Deux hommes, interpellésjeudi 31 mai, ont été mis en exa-men samedi 2 juin et l’un d’eux aété écroué à Nantes. Le principalsuspect, Philippe Rivet, trente ans« est un homme politiquement enga-gé », a indiqué le parquet de Saint-Nazaire.

Proche de l’extrême droite, selonles enquêteurs, il aurait envisagé dese présenter aux élections cantona-les de mars contre ChristophePriou, conseiller général et maire(RPR) sortant du Croisic, avant d’yrenoncer. M. Rivet a été mis en exa-men pour « assassinat, tentatived’assassinat, destruction de biensayant entraîné la mort d’autrui ».Un de ses amis, Alexandre Caget,vingt-sept ans, a été mis en examenpour « non-dénonciation de crime »et placé sous contrôle judiciaire.

Le 24 novembre 2000, l’explosiond’un colis piégé portant une étiquet-te falsifiée avait tué Jacques Lepa-roux, trente-neuf ans, un employédu syndicat intercommunal de laCôte d’Amour et de la presqu’îleguérandaise (Sicapg). Le colis,adressé au maire du Croisic Christo-phe Priou, également président dusyndicat (Le Monde du 27 novem-bre 2000), avait été déposé débutaoût, et contenait une vieille chaînehi-fi. La piste des autonomistes bre-tons avait rapidement été écartée :l’Armée révolutionnaire bretonne(ARB) avait certes revendiqué l’at-tentat qui avait endommagé un

bâtiment de la mairie de La Bauleen janvier 2000, mais le mode opé-ratoire était différent.

Restaient deux pistes locales : leparquet, au lendemain de l’atten-tat, avait évoqué le « passé émailléd’incidents » du syndicat, autrefoisprésidé par l’ex-maire RPR deLa Baule, Olivier Guichard.M. Priou avait succédé à la tête dusyndicat au baron gaulliste aumoment où des poursuites étaientengagées contre Roger Potot, à cet-te époque directeur général de lacollectivité. Celui-ci a étécondamné en décembre 1995 à huitans de détention pour avoir puisédans les caisses près de 20 millionsde francs.

EXPLOSIF RUDIMENTAIRELa deuxième piste suivie par les

enquêteurs concernait un oppo-sant local de Christophe Priou,M. Rivet, qui avait distribué destracts hostiles au conseiller généralet au syndicat. Lors d’une perquisi-tion, le 16 mai, chez le militant, àL’Etang-la-Ville (Yvelines), les poli-ciers avaient découvert une vingtai-ne d’articles sur l’attentat et surChristophe Priou, ainsi qu’un potde 5 kilos de chlorate de soude etun mélange de 750 grammes de cedésherbant avec du sucre, mixturequi peut servir à fabriquer un explo-sif rudimentaire. Au Pouliguen,une commune voisine de La Baule,la police avait également saisi chezPhilippe Rivet un ordinateur, unscanner et une photocopieuse, quipourraient avoir servi à confection-ner la fausse étiquette du colispiégé.

F. J.

« FIDÉLITÉ et ouverture ». Oucomment se moderniser sansrenier ses valeurs. C’est le difficileexercice d’équilibre auquel sesont livrés les guides et scoutsd’Europe lors de leurs journéesnationales, pendant le week-endde la Pentecôte, du 2 au 4 juin, àChâteau-Landon (Seine-et-Mar-ne). A l’occasion de ce rendez-vous qui a lieu tous les trois ans,le plus conservateur des grandsmouvements scouts catholiqueset le deuxième en nombre d’adhé-rents (25 000 revendiqués) a tentéde mettre un terme à la longue cri-se d’identité qu’il traverse.

Ces trois dernières années, l’As-sociation des guides et scoutsd’Europe (AGSE) a été mise encause pour les accointances decertains de ses membres avec l’ex-trême droite, dans l’affaire d’unfichier local d’adhérents utilisépar des publications à caractèreraciste dans le sud de la France(Le Monde du 26 avril 1999). Mena-cée d’un retrait d’agrément minis-tériel, elle a également subi le con-trecoup des accidents et des scan-dales qui ont touché d’autres mou-vements scouts en enregistrantune perte d’environ 5 000 adhé-rents.

Pour redorer leur image, lesscouts d’Europe ont répondu auxexigences des pouvoirs publics etfait des efforts de transparence :modification des statuts, messagepédagogique rénové, publicationd’une lettre aux familles et d’unLivre blanc. Annoncée lors desjournées nationales, la reconnais-sance par l’Eglise de l’AGSE com-me « association d’éducation », aumême titre que les autres mouve-

ments scouts catholiques (lireci-dessous), constitue une formede récompense et de normalisa-tion. Dans le même esprit d’ouver-ture et de changement, le week-end de la Pentecôte a aussi étél’occasion de dévoiler les résultatsd’une grande consultation internemenée par les scouts d’Europeauprès de leurs cadres, chefsd’unité et de patrouille regroupésau sein des « conseils », les instan-ces de décision du mouvement.Réunis en petits groupes pour l’oc-casion, près de 5000 scouts ontainsi répondu à une batterie de150 questions sur l’identité, lefonctionnement et le devenir desscouts d’Europe.

Placé sous le contrôle de l’enca-drement et clairement orienté, ce« grand conseil » n’en demeurepas moins un exercice de démo-cratie interne inédit pour l’AGSE.Il a d’ailleurs provoqué la méfian-ce et l’hostilité de la frange la plusconservatrice du mouvement,comme l’a reconnu Pierre Lon-champt, l’un des commissairesgénéraux de l’Association des gui-des et scouts d’Europe. « Notredémarche, que nous pensions bieninnocente, a déclenché chez cer-tains des réactions d’inquiétude etchez quelques autres, des réactionsde défiance parfois violentes, expli-quait-il dans le numéro de marsde Scout d’Europe, la revue dumouvement. L’argument de basede ces très agressifs est que ce ques-tionnaire n’est qu’un moyen“démocratico-démagogique”pour faire entériner par les guideset scouts eux-mêmes des réformesfondamentales dont ils ne veulentpas. »

C’est sans doute pour apaiserles tensions dues à ces tiraille-ments internes que la direction del’AGSE a choisi de faire une lectu-re des résultats de la consultationallant vers une réaffirmation del’identité et des traditions du mou-vement. De fait, une très fortemajorité des scouts interrogés sesont exprimés dans ce sens. 93 %d’entre eux estiment « nécessai-re » la référence à Dieu dans la« promesse », le serment qui mar-que l’entrée dans le mouvement.94 % se déclarent opposés à unchangement de la loi et des princi-pes du mouvement, même si seu-lement une faible majorité (53 %)avoue s’en servir pour « baliser »leur vie quotidienne. « Nos jeunessont conscients de ne pas coller àl’idéal, mais ils en ont besoin parceque c’est un repère pour eux, analy-se M. Lonchampt. Il faut nous cen-trer sur notre rôle d’éducation enréhabilitant nos traditions, ce quine veut pas dire se déporter vers unextrême religieux ou politique. Cet-te connotation est derrière nous. »

« LA COUPE DE CHEVEUX »Les scouts d’Europe ont

conscience de souffrir d’une mau-vaise image et ils ont d’ailleurs dumal à assumer les signes exté-rieurs de leur appartenance aumouvement. 50 % d’entre eux neseraient pas opposés à un change-ment de l’uniforme et un bontiers ont peur d’être « agressés oumoqués ». 64 % estiment que l’ima-ge « facho » est mauvaise et qu’ilsfont l’objet d’attaques. Près de80 % reconnaissent que « certainsscouts justifient certaines atta-ques ». Les commentaires joints

au questionnaire sont encore plusexplicites et visent directementles dérives paramilitaires qui sem-blent subsister chez une fractiondes scouts d’Europe. « Attention :la coupe de cheveux ne fait pas par-tie de l’uniforme, le rasage n’estdonc pas obligatoire ! », peut-onlire parmi les réponses envoyées.« Les changements principauxdevraient concerner l’aspect patrio-tique voire nationaliste ou paramili-taire que le mouvement conservedans certaines unités et qui ressur-git parfois de manière ambiguëdans les chants ou le cérémonial(exemples : La France, terre sanspareille, Le Sol de notre race…) »,déplore un groupe de scoutsayant participé au questionnaire.

Elaboré en parallèle au « grandconseil », un rapport de l’équipenationale des éclaireurs, les gar-çons de douze à dix-sept ans, dres-se un constat encore plus sévère :« Le mot scout renvoie dans l’imagi-naire populaire soit au benêt, soitau fasciste dangereux. » Confiden-tiel, le document dresse un bilansans concession de la situation,en soulignant une perte desvaleurs et un manque d’attraitauprès des jeunes. Pêle-mêle, lerapport évoque une « chute deseffectifs », un uniforme « de plusen plus mal porté » et un mouve-ment « sclérosé ». Le tout assortid’un jugement peu amène sur lajeunesse que le mouvement estcensé éduquer : « Les jeunes sontextrêmement superficiels : “bof” ou“super “sont souvent les seulesappréciations qu’ils produisentnaturellement. »

Frédéric Chambon

Un mouvement reconnu comme une « association d’éducation » par l’Eglise

b Fédération. La Fédération duscoutisme français réunit sixmouvements : les Eclaireuses etéclaireurs de France (laïque), lesEclaireuses et éclaireursunionistes de France(protestant), les Eclaireuses etéclaireurs israélites de France, lesGuides de France (laïque, pourfilles uniquement), les Scoutsmusulmans de France et lesScouts de France (catholique).b Agrément. Outre ceux de lafédération, quatre mouvementsbénéficient de l’agrément duministère de la jeunesse et dessports : l’Association des guideset scouts d’Europe, les Scoutsunitaires de France, les Eclaireursneutres de France et laFédération française deséclaireurs et éclaireuses.Cet agrément permet de validerles formations dispensées et depratiquer des activités dans lanature, dispensant par exempleles camps de vacances dedouches ou de réfrigérateurs.

M. Vaillant justifie l’obligationde déclaration des « free parties »

Les guides et scouts d’Europe, réunis pour leurs jour-nées nationales pendant le week-end de la Pentecô-te à Château-Landon (Seine-et-Marne), tentent de

rompre avec leur image de mouvement conserva-teur, voire d’extrême droite. Ils ont dévoilé lors deces journées les résultats d’une consultation inter-

ne menée par le biais d’un questionnaire, qui révèlel’attachement des scouts aux valeurs traditionnel-les qui ont fait l’identité de leur mouvement.

L’ASSOCIATION des Guides et scouts d’Euro-pe vient de ratifier, avec Mgr Georges Soubrier,président du comité épiscopal enfance-jeu-nesse de la Conférence des évêques de France,un protocole d’accord aux termes duquel lemouvement est désormais reconnu comme« association d’éducation » par l’Eglise catholi-que de France. Jusqu’à présent, il était seule-ment répertorié dans la liste des mouvements« en lien permanent avec l’apostolat des laïcs ».Par cet accord, les Scouts d’Europe obtiennentde l’Eglise une reconnaissance équivalente à cel-le dont bénéficient les autres mouvements duscoutisme catholique : Scouts de France, Gui-des de France et Scouts unitaires de France(SUF).

Le chemin parcouru depuis la naissance desScouts d’Europe, en 1958, est considérable. Néede la fusion d’un mouvement nationaliste autri-chien et d’une association de scouts indépen-dantistes bretons – les Scouts Bleimor –, l’asso-ciation a d’abord été un groupuscule, qui sesituait nettement dans la mouvance anticlérica-le de l’extrême droite. A la suite d’une prise depouvoir de catholiques traditionalistes à la têtedu mouvement, les Scouts d’Europe ont rejointle camp du catholicisme conservateur.

A partir du début des années 1990, sous l’im-pulsion de son équipe nationale, le mouvementn’a eu de cesse de chercher à se démarquer de

son image « dure » et de se rapprocher de l’Egli-se catholique. En 1991, un pas décisif a été fran-chi quand les Guides et scouts d’Europe ont étéadmis dans la liste des mouvements en lien avecl’épiscopat. Symbole éclatant de ce rapproche-ment : les Scouts d’Europe ont très largementparticipé aux Journées mondiales de la jeunessede Paris, en 1997, aux côtés des autres scoutscatholiques. L’accord, qui devait être signé lun-di 4 juin, aura pour conséquence pratique quel’aumônier national – ou « conseiller reli-gieux » – du mouvement sera désormais nom-mé par la Conférence des évêques de France,sur proposition des Guides et scouts d’Europe.

« TOUT JEUNE NON ENCORE BAPTISÉ »Mais cette nouvelle étape marque aussi une

évolution décisive de l’association : le texte rati-fié par les deux parties stipule en effet que lesGuides et scouts d’Europe sont ouverts aux jeu-nes « baptisés » catholiques, protestants etorthodoxes, mais accueillent aussi « tout jeunenon encore baptisé en recherche ou en attente spi-rituelle ».

Jusque-là, les textes officiels du mouvementinsistaient sur le baptême et la profession de foicatholique qui étaient nécessaires pour faire par-tie des Guides et scouts d’Europe. Publié enavril 2000, le Livre blanc des Guides et scouts d’Eu-rope affirme encore dans ses principes : « Les

enfants que nous accueillons sont baptisés dans lareligion catholique, ou sont engagés ou prêts às’engager dans une démarche catéchuménale[préparation au baptême]. » Le Père Jean-PaulLarvol, secrétaire du comité épiscopal enfance-jeunesse, estime que l’association a accompli« une évolution importante ». Pour lui, la démar-che de reconnaissance par l’Eglise catholiques’inscrit « dans une perspective missionnaire ».

Les Guides et scouts d’Europe ne sont pasencore reconnus par les instances internationa-les du scoutisme. Mais l’accord signé lundi estun pas de plus dans cette direction. L’articlepremier de l’organisation mondiale du mouve-ment scout stipule en effet que « quiconque ale droit de devenir scout, sans distinction de race,de croyance, de religion ».

Jean-Marie Montel, porte-parole des Scoutsde France, estime que « les Scouts d’Europe ontentrepris une évolution importante depuis unedizaine d’années. Nous espérons qu’il ne s’agitpas seulement d’une évolution de façade, qui neconcernerait que l’équipe nationale et ne seraitpas suivie par certains groupes locaux. La diffé-rence qui demeure entre les Scouts d’Europe etnous, c’est que nous sommes d’abord un mouve-ment scout ; eux sont un mouvement catholique,qui utilise la pédagogie du scoutisme ».

Xavier Ternisien

Un militant d’extrême droitemis en examen dans l’affaire

de l’attentat de La BauleAdressé à un élu RPR, le colis piégé avait tué un employé

Les guides et scouts d’Europe tententde rompre avec leur image conservatriceIls étaient réunis pour leurs journées nationales pendant le week-end de la Pentecôte

Six mouvements distinctsréunis en une fédération

F R A N C E - S O C I É T É

Page 9: e 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE … 57e ANNÉE – Nº 17530 – 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE MÉTROPOLITAINE -- MARDI 5 JUIN 2001 FONDATEUR : HUBERT BEUVE-MÉRY – DIRECTEUR : JEAN-MARIE

LE TGV MÉDITERRANÉE ne faitpas seulement rêver les Parisiens avi-des de week-ends au soleil, avec sonParis-Marseille en 3 heures et Avi-gnon en 2 heures 40 : ce TGV, quidoit être inauguré jeudi 7 juin parJacques Chirac, puis mis en servicele dimanche suivant, ouvre sur plu-sieurs plans une nouvelle ère de l’his-toire des trains à grande vitesse enFrance : le TGV ne relie plus seule-ment la capitale à des villes deprovince, mais des métropoles régio-nales entre elles, et avec des capita-les européennes. Le TGV Méditerra-née est ainsi devenu l’expressiond’une volonté d’aménagement duterritoire.

C’ est aussi la dernière ligne de cet-te importance entièrement financéesur des fonds nationaux. En effet,pour le TGV Est, les régions Ile-de-France, Champagne-Ardenne, Lor-raine et Alsace et le Luxembourgapporteront leur contribution. LeTGV Est sera, lui-même, certaine-ment le dernier à assurer le seultransport des passagers : le Lyon-Turin (qui devrait suivre) a l’ambi-tion de concurrencer les camionspour le transport des marchandises.

Lorsque la SNCF ouvre le dossierdu TGV Méditerranée, en jan-vier 1989, seul le TGV Paris-Lyon esten service. A l’époque, la concerta-tion n’est pas encore entrée dans lesmœurs et les premières études por-tent sur un tracé qui va au pluscourt. Elus locaux et associations deriverains se mobilisent (lire ci-des-sous) et demandent l’utilisation ducouloir ferroviaire existant. Après lechoix du tracé par le gouvernement,en janvier 1991, les associations con-fient une contre-expertise à un cabi-net britannique, qui conclut lui aussià la nécessité de construire une nou-velle ligne, en dehors des aggloméra-tions de la vallée du Rhône. Le passa-ge par les centres-villes aurait entraî-né trop de « casse » et de dépenses,tout en hypothéquant la compétitivi-té du trajet entre Lyon et Marseille(1 heure 40). L’entrée et la sortie desvilles font perdre un quart d’heureen moyenne.

L’Etat a également pesé de toutson poids. Au départ, la SNCF avaitprévu d’arrêter le tronc commun àhauteur d’Orange, toujours dansl’idée de relier le plus rapidementpossible Paris au Sud-Est et au Sud-Ouest. L’intervention des pouvoirspublics a fait « descendre » la divi-sion en deux branches jusqu’à Avi-gnon, de sorte que le projet prenneaussi en compte les liaisons interré-gionales et celles du sud de la Franceavec l’Espagne. Ainsi, le parcoursentre Marseille et Montpellier estramené à 1 heure 20, et on évite deremonter jusqu’à Orange pour relierces deux villes.

« La concertation nous a conduits

à modifier le projet initial de 80 % »,affirme Pierre Izard, actuel directeurdes ressources humaines à la SNCF,qui a été responsable du TGV Médi-terranée jusqu’en 1996. Le dialogueavec tous les acteurs a eu pour con-séquence la traversée du Rhône enquatre endroits, entre Valence etMarseille : « Ce n’est pas un trajetd’ingénieur… », souligne M. Izard,qui ne regrette rien, bien au contrai-re : « Nous avons mis du temps à com-prendre que notre meilleur argumentc’était de penser en termes d’aména-gement du territoire et non pas enfonction des liaisons ferroviaires entreParis et la province. Aujourd’hui, nousne pouvons que nous en réjouir. »

Au bout du compte, les 250 kilo-mètres de ligne nouvelle et les plusde 500 ouvrages d’art auront coûté25 milliards de francs, financés à90 % par Réseau ferré de France(RFF) et 10 % par l’Etat, sous formede subventions. A cela, il faut ajou-ter plus de 1 milliard pour la cons-truction de gares nouvelles à Valen-ce, Avignon et Aix-en-Provence,financée par RFF, la SNCF, lesrégions Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d’Azur, les départe-ments de la Drôme et des Bouches-du-Rhône. Outre l’impossibilité defaire passer la ligne TGV par les cen-tres-villes, la SNCF souligne que cha-que gare nouvelle se situe dans un

bassin de population important, enaugmentation régulière. Aussi sesprévisions de trafic sont-elles opti-mistes : 1,3 million de passagers paran à Valence, 1,7 million à Avignonet 1 million à Aix-en-Provence. Autotal, elle estime à 6 millions lesvoyageurs qui viendront s’ajouteraux 20 millions annuels de cettezone du sud de l’Hexagone.

La SNCF estime que les 6 à 10 kilo-mètres qui séparent chacune destrois gares nouvelles des centres-vil-les ne constituent pas un handi-cap. Pour parcourir cette distance,les voyageurs utiliseront, en majori-té, leur voiture. Pour les autres,l’acheminement se fera par auto-

cars. Des parkings de 1 100 à 1 600places, clôturés et gardés, ont étéconstruits. Par ailleurs, la SNCF afait le pari d’une tarification attracti-ve : en seconde classe, les prixactuels ne sont majorés que de20 francs en période normale,30 francs en période de pointe et40 francs pour la première.

PERPIGNAN-FIGUERAS-MADRIDDésormais, le réseau national

TGV compte 1 286 kilomètres. Ildoit encore doubler sa capacité d’icidouze à quinze ans si les pouvoirspublics maintiennent le cap. Enaccord avec l’Espagne, il est prévude construire une section de ligne àgrande vitesse entre Perpignan etFigueras, destinée à être prolongéejusqu’à Barcelone et Madrid, et quiaccueillera aussi le fret. Le projet pré-voit en outre la modernisation deslignes entre Nîmes et Narbonne (leTGV entre ces deux villes n’en estqu’au stade des études). Le prolonge-ment du réseau vers Nice se ferasans doute à échéance plus lointai-ne, tant les contraintes topographi-ques sont grandes.

A l’est, Strasbourg sera à 2 heu-res 20 de Paris en 2006, moyennantune contribution globale de 4,8 mil-liards pour les quatre régions françai-ses desservies, de 770 millions pourle Grand-Duché du Luxembourg etde 2,1 milliards pour l’Union euro-péenne. Ici encore, la coopération

entre pays européens va s’exercer :la capitale alsacienne sera reliée à laville allemande de Kehl, afin d’éta-blir une connexion avec le réseau àgrande vitesse d’outre-Rhin. Laliaison Mulhouse-Dijon, prévuedans huit ans, renforcera le disposi-tif, qui doit être complété par unebranche sud, destinée à transporterégalement le fret. Le tout composele TGV Rhin-Rhône.

Côté ouest, le TGV Aquitaine amarqué un point important. Le gou-vernement a décidé, en 1999, dedemander à RFF d’engager les étu-des pour la liaison Tours-Bordeaux.Avec l’appui des régions Bretagne et

Pays de la Loire, RFF examine lesaménagements les plus pertinentspour relier Rennes – et à terme Brestet Quimper – au TGV Atlantique.

Mais la grande affaire reste la réali-sation du Lyon-Turin. L’ampleur destravaux (un tunnel de 52 kilomè-tres), le coût estimé de 100 milliardsde francs, l’objectif de transporter,en plus des voyageurs, 40 millionsde tonnes de marchandises d’ici àvingt ans devraient en faire le chan-tier du siècle.

Marcel Scotto

Les chiffres-clés du chantier

Avec le TGV Méditerranée, la grande vitesse gagne le sudMis en service le 10 juin, après son inauguration par Jacques Chirac le 7, ce nouvel axe met Marseille à 3 heures de Paris et à 1 heure 40 de Lyon. Il représente

250 kilomètres de ligne nouvelle, plus de 500 ouvrages d’art , 25 milliards de francs. Pour la première fois, ce chantier a fait sa place à la concertation avec les riverains

Les travaux, qui ont duré cinq ans,ont fait travailler 12 000 personnes,pour 250 km de ligne nouvelle.b Les dates.– Janvier 1989 : lancementdes premières études.– Janvier 1991 : adoption du tracéQuerrien.– Mai 1992 : demandede contre-expertise.– Octobre 1992 : lancement del’enquête d’utilité publique.– Septembre 1993 : un comitéinterministériel confirmela construction.– Mai 1994 : signature du décret

d’utilité publique.– Octobre 1995 : début des travauxdu tunnel de Marseille.– Mai 1999 : pose des premièresvoies.– Octobre 2000 : premiers essais.– 10 juin 2001 : mise en servicecommercial.b Le coût.– 25 milliards de francs, dont 1,6pour l’aménagement de la gareSaint-Charles et d’autreséquipements à Toulon et à Nice.– Les trois gares nouvelles(Valence, Avignon, Aix) ont coûté,par ailleurs, 1,09 milliard de francs.

b Les travaux.– La ligne a exigé 40 700 000 m3 dedéblais et 46 000 000 m3 de remblais.– Les viaducs courentsur 16 148 m, les tunnels sur12 732 m.– Ponts-route : 85 ; ponts-rail : 305.– Protections acoustiques :murs : 41 000 m ;merlons de terre : 48 000 m.– Couches de forme : 1 900 000 m3.– Sous-couche : 755 000 m3.– Enrochements : 1 800 000 m3.– 1 000 000 d’arbres plantés.– 2 800 hectares de foncier ontété nécessaires.(Source : documentationSNCF/RFF/La Vie du rail)

1 TGV, PLEIN SUD

Toulouse sera-t-elle la seulegrande ville française à ne pasavoir de véritable TGV ? Dans laville d’Airbus, l’avion reste roi. Adéfaut de ligne spécifique avantBordeaux, les TGV mettentcinq heures à rallier Paris, pourmoins d’une heure de vol. On necompte donc que trois liaisonsTGV quotidiennes, contre unetrentaine de vols, toutes les tren-te minutes aux heures de pointe,pour Air France. La SNCF avaitprésenté, à la fin des années 1980,un projet de liaison en trois heu-res, mais le dossier est resté dansles cartons. Le contrat de planEtat-région ne prévoit, d’ici 2006,que des études pour améliorer laligne Bordeaux-Toulouse-Nar-bonne, dans l’optique d’un raccor-dement aux futures lignes à gran-de vitesse vers la Catalogne et lePays basque. L’autre solution con-siste à aménager la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, quitraverse le Massif Central : ellerecevrait des trains pendulaires,qui permettent de rouler plus vitedans les courbes. – (Corresp.)

L’ opposition au tracéa profondément changé les mentalités

Cinq ans d’un rude travail et dix morts sur le chantierMARSEILLE

de notre correspondant régionalVanté pour son gigantisme et sa

modernité technique, le chantierdu TGV Méditerranée représenteaussi cinq ans d’un rude travailouvrier. Les statistiques donnéespar la SNCF, légitimement fière deson œuvre, oublient les dix mortsqu’il a coûtés. Un tableau de recen-sement des retours d’expériences(REX), en juin 2000, en dresse uninventaire glacial et anonyme : le21 novembre 1996, « chute de 6 mdepuis un échafaudage : décès ». Le16 juin 1997, « écrasement d’une per-sonne lors du recul d’un camion semi-remorque ». Le 7 juillet, « bascu-lement d’une grue mobile dans leRhône : décès ». Le 17 octobre en-core, « démontage d’un cintre de latravée », le 4 février 1998 « renver-sement d’une poutre métallique ».Tous des accidents mortels. Onpeut y apprendre également « unechute de hauteur avec noyade » oule « heurt d’une personne par le char-geur de retour vers le front pendantla phase de marinage ».

A ces morts, s’ajoute la longuelitanie des blessures : « Jambe coin-cée entre la tronçonneuse à rail et leportique, éclatement du coude d’en-trée du distributaire béton audémarrage du bétonnage, renverse-ment d’un semi-remorque, renverse-ment d’une pelle, chute de 3 mètres,chute de barres métalliques dans lepuits… » Ces phrases laconiques,

bourrées de termes techniques desmétiers du bâtiment et des travauxpublics (BTP), soulignent que c’estdans ce secteur, et donc plutôtdans la phase préalable à la posedes voies par les cheminots,qu’ont eu lieu les accidents fatals.

Car si la maîtrise d’ouvrage reve-nait à la SNCF, le gros œuvre dedéblaiement, de percement destunnels ou de construction desgares a été exécuté par les grandesentreprises du BTP. Souvent ras-semblées en GIE (groupementd’intérêt d’entreprises), elles uti-lisaient des sous-traitants quiemployaient parfois des tra-vailleurs clandestins. Un syndica-liste se souvient d’une visite dechantier impromptue, au cours delaquelle il a vu s’égailler dans lesvignes des ouvriers peu désireuxde se faire connaître… La sécuritéest rarement respectée dans cesconditions.

L’histoire sociale de la LN5(Ligne nouvelle 5), nom de l’éta-blissement SNCF chargé du chan-tier, peut d’ailleurs se lire commecelle d’une incessante lutte pourfaire respecter, sur le terrain, lesexcellentes résolutions écrites del’entreprise nationale. Les nom-breux rapports d’inspection rédi-gés par le comité d’hygiène et desécurité et des conditions de tra-vail (CHSCT) de la LN5 racontentcette tension. En avril 1997 parexemple, un rapport signale que

sur un chantier, celui de Cheval-Blanc, « les soudeurs de l’entrepriseCimolai travaillent sur les piles depont, en hauteur, sans garde-corps ». Le surveillant de travauxa expliqué qu’il était difficile de« faire respecter les règles élémen-taires de sécurité aux ouvriers ».

Le dirigeant de LN5 note sur ledocument envoyé à l’inspectiondu travail : « Ne tolérer aucune dé-rive de sécurité ». Toute la ques-

tion était de savoir si ces consignesseraient appliquées. Un syndica-liste soutient que ce fut loin d’êtretoujours le cas. D’ailleurs, les che-minots volontaires pour venir àLN5 n’étaient pas d’une naturecombative. Ils avaient choisi cetteaventure pour changer d’air etempocher des primes consistanteset continuèrent de travailler lorsdes grandes grèves de décem-bre 1995. Quant aux responsablessécurité de la SNCF, ils ont tou-jours insisté sur l’ampleur de leur

chantier, et expliqué que « chacunest le meilleur garant de sa propresécurité », soulignant que « lestaux de gravité des accidents[restaient] inférieurs » aux tauxconstatés dans le BTP. Au total,l’ensemble du chantier aura connuquatorze « droits d’alerte » pour« danger grave et imminent », huitpour les ouvriers du BTP, six pourles cheminots.

Au cours du premier chantier, leplus dur, celui du tunnel de Mar-seille, réalisé par un GIE, il n’y apas eu de morts. Mais il fut le seulà connaître une grève de troissemaines, en octobre 1996, unmois après un accident qui avaitfait deux blessés. Décrit par les syn-dicalistes comme réunissant « desconditions d’exploitation dignes duXIXe siècle et des techniques duXXIe siècle », il donna lieu à de nom-breux accrochages internes à laSNCF. Le CHSCT dénonça les dan-gers existant en cas d’évacuation,mais aussi à cause du stockage desexplosifs ou de l’aération, commel’état « déplorable » des vestiaires.La SNCF envoya ses cadres pourl’inspecter : le rapport qu’ils rédigè-rent sur les conditions de sécuritérapportait beaucoup de chosesidentiques. Une partie des revendi-cations furent satisfaites pour met-tre fin au conflit et cela servit deréférence pour la suite du chantier.

Michel Samson

PROCHAIN ARTICLEUn nouveau départ

pour le Grand Sud-Est

R É G I O N S

A Toulouse,l’avion reste roi

PARIS

Tours

Poitiers

Lille-E

Lyon

Nîmes Avignon

Nice

Marseille

Calais

Le Mans

Melun

Toulouse

Genève

Bordeaux

Angoulême

Nantes

La Rochelle

Aix-en-Pr.

TGV EST-EUROPÉEN 2006

TGV LYON-TURIN

TGV SUDMONTPELLIER-BARCELONE

Barcelone

TGV AQUITAINE

TGV BRETAGNEPAYS DE LA LOIRE

Tunnel sousla Manche

RemiremontSt-Dié

Brest

Le Havre Rouen

Charleville

Quimper

Bayonne

Hendaye Tarbes

TGV NORD EUROPE

TGV ATLANTIQUE

TGV SUD-EST

TGV RHÔNE-ALPES

TGV MÉDITERRANÉE 2001

Bruxelles

Amsterdam

Düsseldorf

Cologne

Londres

Rennes

Montpellier

Ventimille

Perpignan

Strasb.

MulhouseDijon

BesançonZürich

Brigue

Nancy

Metz

Chambéry

Turin

Reims

Liège

Ostende

Rotterdam

NamurLux.

St-Pierre-des-Corps

ValenceGrenoble

LIGNES NOUVELLESEN SERVICE

LIGNES NOUVELLESEN CONSTRUCTION

CONSTRUCTION DÉCIDÉE

CONSTRUCTION PRÉVUE

PROJETS À L'ÉTUDE

DESSERTES ACTUELLESOU PRÉVUES PAR TGVSUR LIGNES CLASSIQUES

1h

1h2h

4h3h de Paris

2h

3h

2h

3h

1h25

1h19

2h102h40

2h503h15

3h55

4h45 5h30

4h25

1h25

3h05

0h55

0h55

2h05

2h10

2h51

Lille

Calais

Londres

Bruxelles

Lyon

Le Creusot

ValenceAvignon

Marseille

Nice

Le Mans

PoitiersLa Rochelle

Bayonne

Rennes

Nantes2h55 La Baule

3h55 Brest

Bordeaux

NîmesMontpellier

Béziers

PARIS

St-Pierre-des-Corps

Perpignan

MEILLEURS TEMPS DE PARCOURS DES TGV* AU DÉPART DE PARIS

1 286 kilomètres de voies qui bouleversent l'espace-temps

Temps arrondis (+ ou - 5 minutes)

* Pour certaines destinations,les rames ne disposent pasde lignes TGV surl'ensembledu parcours

MARSEILLEde notre correspondant régionalDans les années 1990, la Fédéra-

tion d’action régionale pour l’envi-ronnement (FARE-Sud) et la Coor-dination associative régionale dedéfense de l’environnement (Car-de) fédéraient les mécontente-ments, dans un mélange improba-ble de revendications individuelleset de réflexions sur le futur. Lesuns défendaient leur terrain, lesautres un avenir moins productivis-te. Le tout sous les couleurs de laprotection de la Provence.

En janvier 1991, une grandetable ronde, qui réunissait la Car-de, des élus locaux et la SNCF, mar-quait la première victoire d’oppo-sants enfin pris au sérieux. En1992, huit experts indépendantsétaient d’ailleurs mandatés par leministère des transports pourréexaminer le tracé.

De toute cette agitation, il restedes traces profondes. Entre Valen-ce (Drôme) et Caderousse (Vauclu-se), la coordination TGV Drôme-Vaucluse n’a jamais désarmé. Sonanimatrice, Mariette Cuvelier,vient de publier un livre (Le TGV duprince, éditions Dagorno) qui meten cause les amis de François Mit-terrand dans le choix du tracé. Et leTGV mobilise encore ces militants.

Plus au sud, les associations mili-

tantes ont fondu, mais FARE-Suda des représentants au comité desuivi, mis en place en 1992, qui réu-nit dans chaque département servi-ces de l’Etat, SNCF, représentantsdes collectivités territoriales, déci-deurs économiques et associatifs.

Jean Gonella, qui participe àcelui des Bouches-du-Rhône, entire un bilan assez positif. La Com-mission du débat public, qui a eu àtraiter, par exemple, de la ligne àhaute tension Boutre-Carros ou duTGV Rhin-Rhône, est en effet uneconséquence directe de cesmoments-là. L’Etat, les grandesadministrations, les entreprisespubliques, ont « commencé à com-prendre, explique-t-il, qu’on ne pou-vait plus agir comme avant ».

Gilles Cartier, directeur régionalde la SNCF, qui fut responsable del’ensemble du chantier, le confir-mait récemment : « Les ingénieurset les techniciens ont beaucoup dou-té durant cette période », ce qu’iljuge comme un acquis pour sonentreprise. Jean Gonella conclut :« L’affaire du TGV Méditerranée aimposé une notion nouvelle : celled’expertise contradictoire. Lesexperts apportent du savoir, pas desdécisions, et cela crée du vraidébat. »

M. Sn

Le chantier du tunnelde Marseillea connu une grèvede trois semaines,en octobre 1996

LE MONDE / MARDI 5 JUIN 2001 / 9

Page 10: e 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE … 57e ANNÉE – Nº 17530 – 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE MÉTROPOLITAINE -- MARDI 5 JUIN 2001 FONDATEUR : HUBERT BEUVE-MÉRY – DIRECTEUR : JEAN-MARIE

10 / LE MONDE / MARDI 5 JUIN 2001

LONGTEMPS les romans deKadaré ont été de traducteurinconnu. Ils arrivaient en Franceavec la seule mention « traduit del’albanais ». C’est au début desannées 1980, avec Avril brisé, qu’aété révélée l’identité de JusufVrioni, qui est mort vendredi1er juin, à Paris.

Jusuf Vrioni est décédé discrète-ment, d’un arrêt du cœur, avec cet-te élégance qui faisait de chaquerencontre avec ce jeune homme dequatre-vingt-cinq ans une fêtepour tous ses amis. Il fallait le voirmarcher à longues enjambéesdans les rues de Tirana, Rome ou

Paris, racontant une anecdote surtelle ou telle maison, s’arrêtantpour admirer une jolie fille oupour expliquer la bonne utilisationd’un imparfait du subjonctif ! Cethomme dont la seule fierté avouéeétait de faire régulièrement moinsde quatre fautes aux dictées de Ber-nard Pivot connaissait si biennotre langue – et l’italien, et legrec, et l’anglais – que l’on pouvaitse méprendre sur sa véritablenationalité. Même s’il vivait àParis, et avait obtenu la nationalitéfrançaise, il restait pourtant pro-fondément albanais, souffrant detoutes les déchirures de son pays,

qui n’a jamais eu le droit à l’indul-gence des bonnes consciences.Selon ses dernières volontés, c’està Tirana qu’il repose aujourd’hui.

Né en 1916 à Corfou, dans unedes familles aristocratiques duPays des aigles, Jusuf Vrioni vitune enfance dorée avant d’arriverà Paris avec son père, ancien pre-mier ministre devenu ambassa-deur. Il y restera jusqu’en 1939,passant les plus belles années desa vie entre de brillantes études àHEC et la pratique du polo dont ilfut champion de France dansl’équipe du Racing. Une autre deses grandes fiertés.

TREIZE ANS DANS LES BAGNESLorsqu’il rentre en Albanie après

la guerre, il assiste à la mise en pla-ce de la dictature communiste.Arrêté en 1947 pour espionnage, ilpassera treize ans dans les bagnesd’un des régimes les plus durs etles plus absurdes d’un monde com-muniste qui n’en est pourtant pasavare. Il parlera peu de cette expé-rience, sauf pour évoquer certainssoirs l’horreur de ces années de lar-mes où il ne passa pratiquementpas une nuit sans craindre d’êtrefusillé au petit matin.

Libéré en 1959, il est chargé detraduire en français la logomachied’Enver Hodja, qui règne en maî-tre absolu sur le pays. Vrioni

aimait raconter ses démêlés linguis-tiques avec les censeurs bornés quiveillaient sur la rectitude idéologi-que de ses traductions. Anonyme-ment, il traduit aussi plusieursauteurs albanais, dont un certainIsmaïl Kadaré qui deviendra unedes figures de la littérature mondia-le. L’auteur d’Avril brisé et du Géné-ral de l’armée morte sait d’ailleurstout ce qu’il doit à Jusuf Vrioni.

Il avait quitté définitivement l’Al-banie lors des émeutes de 1995, nesupportant plus l’alliance desmafias, des anciens cadres commu-nistes et des nouveaux responsa-bles souvent peu regardants surles principes. Devenu ambassa-deur auprès de l’Unesco, à Paris,où vit également Kadaré, il souf-frait de cet exil et du peu de casfait, en Europe notamment, auxvictimes des régimes communis-tes. Dans son livre de souvenirs,Mondes effacés, écrit en collabora-tion avec Eric Fayé (Editions Jean-Claude Lattès), Jusuf Vrioni évo-quait avec émotion ses souvenirsde jeunesse et notamment sescerfs-volants qu’il faisait voler lelong de la plage de Durres. Il conti-nuera encore longtemps à planerdans nos mémoires. A sa place :tout en haut.

José-Alain Fralonet Alain Salles

a VITO LATERZA, l’un des grandséditeurs italiens, est mort mardi29 mai à Rome. Né le 11 décembre1926, à Bari, Vito Laterza dirigeaitdepuis plus de quarante ans la mai-son d’édition fondée par son grand-père à Bari, dans laquelle il étaitentré après ses études, en 1949. Late-rza, institution intellectuelle de l’Ita-lie du Sud, qui édita notamment lesœuvres du philosophe BenedettoCroce, représentait avec la maisonEinaudi de Turin l’un des deux pôlesitaliens de l’édition la plus exigean-te. Vito Laterza avait su non seule-ment préserver mais faire fructifierl’héritage de sa famille. Installé àRome en 1960, il inaugure l’Univer-

sale Laterza, avec la Storia d’Italia deMack Smith et, dans les années1970, il lance des livres-entretiensdont l’un au moins, l’Intervista sul fas-cismo de Renzo De Felice fera date.Il marque un véritable tournantdans l’approche historiographiquesur le fascisme en cherchant à dépas-ser la lecture manichéenne dominan-te en Italie depuis la chute de Musso-lini. Editeur laïque mais pluraliste,Vito Laterza fut aussi l’introducteuren Italie des médiévistes françaisGeorges Duby et Jacques Le Goff.a ANTHONY QUINN, acteur amé-ricain, est mort dimanche 3 juindans un hôpital de Boston à l’âge dequatre-vingt-six ans (lire page 20).

Ce mois-ci dans « Le Monde diplomatique » :COLONIALISME : Une histoire refoulée (Pascal Blanchard, Sandrine Lemaire et NicolasBancel) – Du Tonkin à Alger, des « violences de détail » (Alain Ruscio) – Quand Tocquevillelégitimait les boucheries (Olivier Le Cour Grandmaison) CULTURE : Hors des frontières, uneFrance sans ambitions (Martine Bulard) – Cette passion tenace des libraires de quartier(Maurice T. Maschino) ÉTATS-UNIS : Le « noble art » ou la pute, l’esclave et l’étalon (LoïcWacquant) AFRIQUE : La série télévisée qui dérange l’Afrique du Sud (Jean-ChristopheServant) ASIE CENTRALE : L’injustice faite aux Afghans (Gilles Dorronsoro) – La société ira-nienne n’a plus peur (Eric Rouleau)

JUIN 2001

Egalement au sommaireCommunication : Nous sommes tous des cyber criminels (Philippe Uaéuq)

- Le stade de l’écran (Marc Augé) Haïti : La drogue comme substitut au déve-loppement (Christophe Wargny) Maroc : Entrée hésitante dans la mondialisa-tion économique (Francis Ghiles) Asie du Sud-Est : Trébuchantes démocra-ties (François Godement) - Paysages d’après-crise en Thaïlande (Philippe S.Golub)

DISPARITIONS

Jusuf VrioniLe traducteur d’Ismaïl Kadaré

La culture,les élites et le peuple

Manière de voirLe bimestriel édité par

CHEZ VOTRE MARCHAND DE JOURNAUX - 45 F - 6,86 €

■ L’art et la démocratie, par Jean-Loup Motchane.■ Leurres de la photographie virtuelle,

par Christian Caujolle.■ L’impitoyable industrie du disque, par Mario d’Angelo.■ L’Etat, ce défenseur de l’inutile..., par François Barré.■ De l’esthétique comme faculté de juger, par Marc Jimenez.■ La fonction sociale retrouvée de la création,

par Jean-Louis Maubant.■ Le déclin des avant-gardes au XXe siècle,

par Eric J. Hobsbawm.■ Une révolution ignorée, par Jean-Pierre Jouffroy.■ La musique, une thérapie de la démocratie ?

par Jean-Pierre Armengaud.■ Regards acides sur la société britannique,

par Gareth Mc Feely.■ etc.

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AU CARNET DU « MONDE »

Décès

– Le 24 mai 2001,

Mme Jacques BRURON,née Paulette GOUBÉ,

a été enlevée à l'affection de sa famille,et rappelée à Dieu.

Une pieuse pensée est demandée àceux qui l'ont connue et aimée.

12, rue du Golf,03200 Vichy.

– Le comte Henri de Perignon,Le comte Thomas de Perignon,MmeBéatrice Eloy,MmeAnne de Perignon

et son fils, Antoine,Le comte et la comtesse Michel de

Perignon,et leurs enfants,ont la grande tristesse de faire part durappel à Dieu de

François,comte de PERIGNON,

le 1er juin 2001.

La cérémonie religieuse sera célébréele mardi 5 juin, à 10 h 30, en l'égliseSaint-Vincent d'Hendaye (Pyrénées-Atlantiques), suivie de l'inhumation, auvieux cimetière.

Une messe sera dite par l 'abbéEscudier, le vendredi 8 juin, à 9 heures,en l'église Saint-Honoré d'Eylau, saparoisse.

– Mary Elizabeth Vogel,professeur d'université à Santa Barbara(Californie), à Cambridge (Massa-chusetts) et à Londres,a la profonde tristesse de faire part dudécès, le 30 mai 2001, de

Tony LONG,Royal Society of British Sculptors

Membre International,artiste à Paris, à Londres

et aux Etats-Unis,ami, inspirateur, compagnon, amour.

37, boulevard Richard-Lenoir,75011 Paris(jusqu'au 7 juin).107 Natoma Avenue,#22 Santa Barbara,93101 Californie.

– MmeNadezda Lossky,née Gheorghieff,

M. et MmeFrançois Avril,MmeHélène Lossky,

ses enfants,Et toute la famille,

ont la douleur de faire part du décès,survenu le 31 mai 2001, de

M. Boris LOSSKY,chevalier de la Légion d'honneur,

officier des Arts et Lettres,conservateur honorairedes Musées nationaux.

Les obsèques ont lieu dans la plusstricte intimité.

13, rue Lagrange,75005 Paris.22, rue Pierre-Larousse,75014 Paris.

– M. Luan Rama,ambassadeur de la République d'Albanieen France,a le regret de faire part de la disparitionde Son Excellence,

M. Jusuf VRIONI,ambassadeur,

délégué permanent de l'Albanieauprès de l'Unesco,

chevalier de la Légion d'honneur,

survenue le 1er juin 2001, à son domicileparisien.

L'ambassadeur, M. Jusuf Vrioni, a étéinhumé à Tirana, en Albanie, ledimanche 3 juin.

Un registre de condoléances seraouvert à l'ambassade d'Albanie, à Paris,au 57, avenue Marceau, Paris-16e.

(Lire ci-contre.)

Anniversaires de décès

Bruno HANOUN,

Quatre ans que tu es parti pour unlointain reportage. Tu nous manques !

– Paris. Nevers.

Le 5 juin 1996,

Yves ROUMAJON,médecin-psychiatre,

nous quittait.

Il survit dans l'esprit de ses amis.

Séminaires

COLLÈGE INTERNATIONALDE PHILOSOPHIE

SéminairesMarcel Drach :« L'argent : la dette,

le titre, la mesure ».11 juin, 2 juillet, 13 heures-15 heures,

salle 214, 2e étage, Maison des sciencesde l'homme, 54, boulevard Raspail,Paris.

Antonia Soulez :« Le “voir” desphilosophes ».

12 juin, 18 heures-20 heures,amphi A ; 19 juin, 18 h 30-20 h 30,amphi Stourdzé, Carré des sciences,1, rue Descartes, Paris.

Colloque« Littérature et subversion philo-

sophique ».Sous la responsabilité de Patrice

Loraux et Jean Maurel.8 et 9 juin, 9 heures-18 heures, amphi

Poincaré, Carré des sciences, 1, rueDescartes, Paris.

Journée d'étude« Interpréter en psychanalyse,

interpréter le somatique. L'étrangetéde la langue et ses résolutions ».

Sous la responsabilité de ColetteCombe et Sylvie Dreyfus.

9 juin, 10 h 30-18 heures, l'AgoraTête-d'Or, 93, rue Tête-d'Or, Lyon.

L'accès à toutes les activités duCollège est libre et gratuit (dans lalimite des places disponibles).Renseignements sur salles,répondeur : 01-44-41-46-85. Autresrenseignements : 01-44-41-46-80.

C A R N E T

Page 11: e 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE … 57e ANNÉE – Nº 17530 – 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE MÉTROPOLITAINE -- MARDI 5 JUIN 2001 FONDATEUR : HUBERT BEUVE-MÉRY – DIRECTEUR : JEAN-MARIE

ENTRE Pilsen, citéindustrieuse deBohême occiden-tale, et Karlsbad,pittoresque stationthermale tchèqueprisée de Goethe etde Pierre le Grand,se dresse une vieille

bâtisse baroque chancelante, per-due au milieu des collines boiséeset des champs verdoyants. Danscette région des Sudètes, au climatrude et presque déserte depuis l’ex-pulsion de sa population d’origineallemande, au lendemain de laguerre, les villages à l’abandon eten ruine se comptent par dizaines,mais une activité surprenanterègne en ce lieu. Des ouvriers instal-lent des cabanes de chantier alorsque d’autres s’affairent sur le toitet les échafaudages dressés le longde la façade ouest.

Ils ne bâtissent ni une station-service, ni un centre commercial, niune usine, ni un hôtel de luxe com-me souvent ailleurs en Républiquetchèque, mais un… monastère cis-tercien. Le premier monastèredepuis la liquidation violente, enavril 1950, de tous les ordres par lerégime communiste, la premièreabbaye de moines contemplatifsdepuis l’interdiction des ordresvivant selon la règle de saint Benoîtpar l’empereur d’Autriche et roi deBohême, Joseph II, il y a plus dedeux siècles. Les moines avaientété affectés d’office à des tâchesséculières.

Frère Martin, robuste Morave dequarante-sept ans, ancien vicairegénéral du diocèse de Brno (sud-est de la République tchèque),moine trappiste à l’abbaye de Sept-Fons (Allier) depuis huit ans, mènerondement la visite. Dans sa tuni-que blanche, avec son scapulairenoir et sa ceinture en cuir, dont lesbouts égrenés de nœuds pendentjusqu’aux chevilles, il escalade leséchelles bringuebalantes. Arrivé enhaut du clocheton encore décou-vert, il interrompt sa descriptiondes travaux nécessaires pour adap-ter cette ferme carrée du XVIIIe siè-cle en monastère. Il admire le pay-sage en goûtant le silence. A pertede vue, des collines couvertes deforêts de conifères alternent avecdes vallées encaissées et des pla-teaux défrichés au cours des sièclespar les colons allemands.

Au loin, blotties dans une clai-rière, se dressent quelques mai-sons, le premier village distant de3 kilomètres. La solitude. « Nousavons cherché pendant de longsmois en République tchèque unendroit où nous pourrions nous ins-taller, explique Frère Martin dansun français parfait. Novy Dvur(Cour neuve) a été comme créépour la vie contemplative : vivementque nous puissions nous installer icipour travailler et prier pour cetterégion éprouvée ! », s’exclame-t-il.Il est à l’origine de la fondationde ce monastère en Bohême, oùl’Eglise se relève péniblement dequarante ans de communisme.

Le diocèse de Pilsen en est l’illus-tration : il est l’un des plus déchris-tianisés d’Europe. Les catholiquespratiquants ne représentent qu’unpeu plus de 1 % de la population !L’évêque, Mgr Frantisek Radkov-sky, qui fait face à un manque cruelde prêtres – la plupart ont l’âge dela retraite –, n’a pourtant pas hésitéà les inviter comme le veut la règledes trappistes. A la différence deses collègues de la conférence épis-copale tchèque, il n’attend aucuncontre-service pastoral, sinonqu’ils « accueillent les prêtres dési-reux de se retirer pour une retraite etles jeunes en soif de vie spirituelle ».

Ordonné prêtre à la fin desannées 1970, au plus profond de lanormalisation après l’écrasementdu printemps de Prague, Karel Sato-ria – qui a pris le nom de FrèreMartin –, aspire à une « vie inté-rieure », impossible à réaliser dansson pays. Les monastères et cou-vents ont été fermés, les moines etmoniales ont été emprisonnés oudispersés, mais le régime n’a pasréussi à éradiquer l’appel à la viemonastique. Les survivants de cet-te répression, l’une des plus violen-tes du bloc communiste, tentent,lorsqu’ils n’ont pas émigré en 1968,d’entretenir, dans la clandestinité,au sein de petites communautés,un semblant de vie monastique.

Il est difficile de pénétrer ces cer-cles qui vivent dans la crainte d’in-filtrations de la police secrète.Alors, faut-il quitter le pays et « pas-ser à l’Ouest » ? « Je ne voulais pasdéserter », explique Frère Martin,qui, la « révolution de velours »venue, se retrouve appelé par sonnouvel évêque Mgr Vojtech Cikrleà devenir son bras droit. « J’aiaccepté, mais pour seulement deux

ans, car je voulais entrer dans unmonastère. »

On est dans les premiers mois del’année 1990. Le rideau de fertombé, la liberté, en particulier reli-gieuse, recouvrée, le travail ne man-que pas à la tête du diocèse, restéplusieurs années sans évêque en rai-son du refus de Jean Paul II de nom-mer les candidats du pouvoir com-

muniste. Mais il n’oublie pas sondésir, ni d’ailleurs ses supérieursqui le mettent en contact avec l’ab-besse d’un couvent cistercien enAllemagne.

Mère Justina de Maria-Friedenest d’origine tchèque : docteur, elleest passée à l’Ouest pendant labrève embellie de 1968 où, après lamort de son mari, elle est entrée

dans les ordres. A l’été 1991, elleorganise pour Karel Satoria unvoyage de découverte de plusieursmonastères de l’ordre cistercien dela stricte observance, l’appellationofficielle des trappistes. Avec qua-tre jeunes de Brno, qui ont mani-festé un intérêt pour la vie contem-plative, et qui ont été aiguillés versle vicaire général, il se rend en Alle-magne, en Italie, en Belgique et enFrance. Dans l’Hexagone, leurobjectif est l’abbaye de Sept-Fons,près de Dompierre-sur-Besbre, ladernière étape avant le retour aupays.

Lorsque, le 21 août 1991, le frèrede service leur ouvre la porte, niDom Patrick Olive, abbé de Sept-Fons, ni Frère Samuel, tout justeélu prieur, qui les invitent à parta-ger pendant quelques jours leur viede prière et de travail, n’envisagentune fondation dans la Tchécoslova-quie d’alors. C’est pourtant le pre-mier souhait qu’expriment ces jeu-nes Tchèques qui ne connaissentaucun mot de français et ignorentpratiquement tout de la vie desmoines.

En République tchèque, des com-munautés religieuses ont bienretrouvé, depuis 1989, leurs monas-tères, mais aucune – ni les bénédic-tins ni les cisterciens – ne vit vrai-ment une vie contemplative, cartoutes ont des activités caritativesou des obligations paroissiales.Karel Satoria et ses amis resterontune semaine à Sept-Fons. Elle seradécisive. En raison de ses obliga-tions, le vicaire général prend ren-dez-vous pour l’année suivante,pour entrer au noviciat. Mais, dèsjanvier 1992, l’un des jeunes quil’accompagnent rejoindra les trap-pistes de Sept-Fons.

Les jeunes Tchèques qui se senti-ront appelés à la vie contemplativeseront dirigés vers les trappistes deSept-Fons. « Aucune décision claireet tranchée n’a été faite en ce sensau sein de l’ordre. Ce sont des coïnci-dences fortuites qui en ont décidéainsi, souligne Dom Patrick. Je n’airencontré qu’une fois Mère Justina,lors d’une réunion d’abbés et abbes-ses de l’ordre, nous avons discuté etéchangé nos cartes de visite, mais jene savais pas qu’elle m’enverrait desTchèques dans notre abbaye. »

Le pli est pourtant pris. Les prê-tres de Bohême et de Moravie sontinformés, la rumeur circule dansles aumôneries de jeunes. Une cen-taine de Tchèques ont passé, aucours des huit dernières années, unlaps de temps plus ou moins long àSept-Fons. Douze d’entre eux ont

prononcé leurs vœux, dont six ontfait leur profession solennelle, etplusieurs novices mettent à l’épreu-ve leur vocation en s’essayant à lavie de prière, de louange, de lec-ture et de travail. « Etre moine n’estpas une profession que l’on choisit,nous sommes appelés par Dieu à ledevenir », souligne Frère Georges,trente-deux ans, le premier des jeu-nes Tchèques à avoir pris l’habit àSept-Fons. Et Frère Elie d’ajouterqu’« un moine n’est pas un autodi-dacte : il faut une formation et desannées de vie monastique pour ledevenir ».

Il parle en connaissance decause. Devenu prieur-adjoint deSept-Fons où il est entré à dix-neufans, ce Praguois, issu d’une familleathée, converti et baptisé deux ansplus tôt, s’était essayé à la vie érémi-tique dans une église de Moraviemise à disposition par KarelSatoria.

En 1998, pour le neuf centièmeanniversaire de la fondation de l’ab-baye à Cîteaux, le chapitre de Sept-Fons décide officiellement de fon-der une trappe en République tchè-que. La première génération demoines tchèques donne toute satis-faction, et la demande dans leurpays d’origine est forte. « Jamais jen’avais imaginé que j’aurais à orga-niser une fondation, se souvient

Dom Patrick. C’est une formidableaventure qui demande de la témé-rité et en même temps de la sagessepour ne pas briser le fragile équilibrede la communauté fondatrice. »

Frère Samuel, qui a appris le tchè-que aux contacts des jeunes moi-nes, devenus, quant à eux, parfaite-ment francophones, est chargé dela réalisation sur le terrain. Aprèsavoir envisagé une fondationmodeste dans une grande maisonadaptée tant bien que mal auxbesoins de la vie monastique, forcea été de constater que rien ne rem-place un bâtiment conçu à ceteffet. « La vie monastique exige unespace suffisant, harmonieusementorganisé pour la vie commune : égli-se, scriptorium, chapitre, cloître, cui-sine, réfectoire, noviciat, dortoir,sanitaire, hôtellerie pour les retrai-tants et des espaces de productionindustrielle par laquelle les moinesgagnent leur vie », énumère frèreSamuel, futur premier abbé deNovy Dvur. Mais comment bâtir etfinancer une telle construction ?

L’aventure devient gageure.Dom Patrick, passionné d’architec-ture, connaît l’homme qu’il lui faut.L’architecte britannique John Paw-son, amoureux de la simplicitéarchitecturale des cisterciens, nerêve que de marcher dans les pasdes grands bâtisseurs de l’ordre deCîteaux. Lors de leur rencontre ini-tiale, le premier modère son admi-ration, le second retient sa joie et,s’il reporte au lendemain sa ré-ponse, sa décision est prise depuislongtemps.

« C’est le projet d’une vie. Accom-plir un rêve ne se refuse pas », se rap-pelle M. Pawson, qui est envoûtépar le site lors de sa première visite.Accompagné de Dom Patrick, ilassiste au coucher du soleil àl’ouest et au lever de la lune à l’est :« C’était magnifique, la lumière tra-versant le bâtiment en ruine. » Finconnaisseur de l’abbaye proven-çale du Thoronet, John Pawson pré-sente un projet qui enthousiasmeles moines par sa simplicité et saconnaissance de leurs missions. Lesmonuments historiques, surprispar l’audace minimaliste de Paw-son, acceptent néanmoins le dos-sier en échange de la restaurationde l’aile occidentale, œuvre du maî-tre de l’architecture baroque enBohême, Kilian Ignatz Dientzen-hofer.

MÊME sobre, le projet n’enest pas moins cher, trèscher, pour une commu-

nauté de moines qui vit de saproduction de confitures et de pro-duits diététiques. Le coût dépassede cinq fois le budget annuel deSept-Fons. Si leur rythme de vie,ponctué par les offices, la lecture etle travail, n’a pas vraiment changédepuis le VIe siècle, ils vivent pour-tant avec leur temps. Comme lesanciens moines cherchaient desmécènes parmi les seigneurs deslieux, les trappistes, à l’aube du troi-sième millénaire, maîtrisent Inter-net et les lois du marketing. Ilsouvrent donc leur site (www.cordia-lis.org/novydvur) et s’adressentaux entreprises françaises, en parti-culier à celles qui ont investi enRépublique tchèque. Mais FrèreSamuel ne veut pas se contenterd’un mécénat industriel : il veutencourager les synergies entre lesdimensions spirituelle, culturelle,économique et technique de la fon-dation de Novy Dvur. Il organiseraau printemps à l’abbaye de Sept-Fons une table ronde réunissantdes chefs d’entreprise et des archi-tectes, des conservateurs de monu-ments historiques, des cadres etdes diplomates familiers de laRépublique tchèque, pour réfléchirà de nouvelles formes de coo-pération.

En attendant leur installation enaoût 2002 à Novy Dvur, peut-êtredans un monastère inachevé si lesfonds nécessaires ne sont pas réu-nis à temps, cinq ou six moinestchèques et français de Sept-Fonspassent, à tour de rôle, plusieurssemaines dans une trappe provi-soire. Installée dans un presbytèremis à leur disposition par l’évêquede Pilsen, la vie s’écoule au rythmede matines, laudes, tierce, sexte,none, vêpres et complies, commedans n’importe quel des cent cin-quante monastères trappistes dansle monde.

Martin Plichta

Le retour des moinescontemplatifs en Bohême

H O R I Z O N SENQUÊTE

Chassés au XVIIIe siècle,violemment dispersés etinterdits par les communistesen 1950, les ordres religieuxcontemplatifs avaientdisparu de Bohême.Pour vivre leur vocationmonastique, de jeunesTchèques ont rejointles trappistes françaisde Sept-Fons.Ensemble, ils ont fondéla première abbayecistercienne de Bohême,dont la première pierresera posée et bénie le 5 juin

« Etre moine n’estpas une professionque l’on choisit,nous sommes appeléspar Dieuà le devenir » Frère Georges,

trente-deux ans

L’aile sud, en travaux,du futur monastèrede Novy Dvur.Elle abritera le réféctoire.

Le rez-de-chaussée de Novy Dvur, dans lequel passerale cloître. En haut à droite, la maquette du futur monastère.

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Page 12: e 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE … 57e ANNÉE – Nº 17530 – 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE MÉTROPOLITAINE -- MARDI 5 JUIN 2001 FONDATEUR : HUBERT BEUVE-MÉRY – DIRECTEUR : JEAN-MARIE

12 / LE MONDE / MARDI 5 JUIN 2001

CERTAINS, dont je suis,prétendent que le dia-gnostic génétique pré-implantatoire (DPI), réali-

sé sur les embryons humainsavant leur transfert dans l’utérus,est le moyen grâce auquel l’eugé-nisme pourra accéder à ses finsaprès quelques millénaires d’es-sais douloureux et inopérants.

Cette conviction, fondée aussibien sur les traces historiques dela recherche de « pureté » que surl’actualité de la technoscience, estlargement réfutée par le mondebiomédical. Celui-ci se veut rassu-rant en arguant que l’exemple dudiagnostic prénatal (DPN) mon-tre que l’éthique professionnellerésiste aux pulsions eugéniques.Bien sûr, ce raisonnement ignoreque la disposition de nombreuxembryons hors du corps fémininmodifie radicalement le champd’action eugénique.

Un pas important vient d’êtrefranchi pour la reconnaissance decette situation. Il s’agit d’un arti-cle publié par deux acteurs d’unlaboratoire américain en vue, sou-vent présenté comme pilote desinnovations biologiques en pro-création humaine. Le responsablede cette structure, JacquesCohen, décrit l’avenir merveilleuxque va permettre le tri desembryons, dont il est l’un des pra-ticiens actifs : « Dans les dix ansou vingt prochaines années, nousserons capables de passer au criblechaque embryon humain pour tou-tes les anomalies chromosomiquesnumériques aussi bien que pour denombreuses affections génétiques.L’analyse réalisée avec des biopu-ces permettra d’identifier de multi-ples allèles [variétés de gènes]pour les maladies monogéniques etpolygéniques, dont le diabète, l’hy-pertension et la schizophrénie.Dans un futur proche, il sera possi-ble d’établir les prédispositions indi-viduelles pour les maladies cardio-vasculaires, tous les types de can-cers et les maladies infectieuses.Dans un futur différé, on devraitpouvoir identifier divers traits géné-tiques comme la stature, la calvitie,l’obésité, la couleur des cheveux etde la peau, et même le QI… »

En quelques phrases est dévoi-lée non seulement la mystiquegénétique, qui attribue tout pou-voir au génome (jusqu’à contrôlerl’intelligence), mais aussi le butultime du DPI, qui pourrait êtrede « normaliser » l’espèce. Biensûr, concèdent les auteurs, « laplupart des centres de fécondationin vitro [FIV] ne semblent pas sou-haiter de telles technologies, maiscela ne va pas durer… ». Alors,ajoutent-ils, « un couple pourrasélectionner un embryon à partird’un assortiment de caractèresgénétiques et phénotypiques ».

Après avoir montré les progrèstechniques récents, qui visent àanalyser la totalité du génome etde son expression dans une seulecellule embryonnaire, les auteursconcluent : « Quand et commentcela se fera n’est pas prévisible,mais tous ces problèmes seront réso-lus. » Il serait facile de leur rétor-quer que l’analyse extensive dugénome des quelques embryonsobtenus par FIV amènerait àdécouvrir tant de défauts poten-tiels que, la plupart du temps,aucun embryon ne serait jugédigne de développement.

Car nos fervents adorateurs dugénome ne font aucune place àdes technologies complémentai-res, indispensables pour augmen-ter notablement le nombre desembryons produits, donc pour jus-tifier l’inflation de diagnosticsvariés. Pour leur part, les cher-cheurs impliqués dans de nouvel-les solutions à cette insuffisancedu nombre des ovules (donc desembryons) disponibles chez lesmammifères sont absolumentétrangers au DPI. S’ils s’efforcentde faire évoluer in vitro les énor-mes ressources d’ovocytes « jeu-nes », qui dégénèrent norma-lement dans l’ovaire, afin de trans-former ce potentiel en ovules,c’est tantôt pour la sélection d’ani-maux de haute qualité génétique,tantôt pour la conservation d’es-pèces en voie de disparition et,dans l’espèce humaine, pour pré-server le potentiel procréatif dejeunes femmes exposées à destraitements affectant leur fertilité(on sait déjà conserver par congé-lation ces échantillons ovariens).

Le récent engouement pour le« clonage thérapeutique » devraaussi résoudre le problème de lapénurie des ovules, réceptaclesnécessaires pour le génome à re-produire. Ainsi, deux champs tech-nologiques se développent simul-tanément en ignorant qu’ils vontdevenir complémentaires, et quecette complémentarité modifiecomplètement les enjeux du DPI.

Il serait temps de se demanderce qui va résulter de la rencontrede la FIV avec la génétique quandla production industrielle d’ovu-les sera fonctionnelle. En toutcas, ces remarques devraient ren-dre plus discutable la politique del’autruche adoptée jusqu’ici par laplupart des praticiens de l’Assis-tance médicale à la procréation(AMP) et par tous ceux qui atten-dent que les choses soient réali-sées pour admettre qu’elles nesont pas des fantasmes. Peut-êtreest-ce cette exigence que la chosesoit déjà démontrée pour mériteranalyse qui explique que l’articleaméricain que j’ai cité soit jus-qu’ici passé inaperçu.

Quand la même équipe a an-noncé ultérieurement avoir réali-sé la « première modification géné-tique de la lignée germinalehumaine » (par transfert de mito-chondries dans l’ovule), la pressemondiale s’est enflammée à

l’énoncé des mots-clés du sensa-tionnalisme génétique. Il s’agitpourtant là d’une expérimenta-tion humaine dont les applica-tions médicales risquent dedemeurer aussi limitées, et d’inté-rêt improbable, que bien d’autres« révolutions » de la FIV (dutransfert des gamètes dans latrompe de la patiente à l’associa-tion de l’embryon in vitro avecdes cellules nourricières, en pas-sant par la fragilisation de l’enve-loppe embryonnaire avant trans-fert).

Pour la première fois, des prati-ciens de l’AMP, et non des moin-dres, annoncent l’avenir : la FIVn’aura bientôt plus pour butd’aider des procréations empê-chées, mais de sélectionner l’hu-manité. Cette version eugéniquede la médecine préventive avancefurtivement. Pourquoi ne rencon-tre- t-elle presque aucune résis-tance ?

Jacques Testart est directeurde l’unité 355 de l’Institut nationalde la santé et de la recherche médi-cale (Inserm).

Ala suite de propos consécu-tifs au programme « LoftStory » tenus sur l’anten-ne de la radio Skyrock, le

Conseil supérieur de l’audiovisuel(CSA) l’a mise en demeure, le 15 mai,de respecter les articles 1er et 5 de laloi de 1986 sur la liberté de communi-cation audiovisuelle et, en consé-quence, de ne plus diffuser « de pro-pos susceptibles de porter gravementatteinte à la dignité de la personnehumaine et de nuire à l’épanouisse-ment physique, mental ou moral desmineurs ».

Depuis cette date, Pierre Bellan-ger, président de la station, se répanden courriers et en propos publicsdans lesquels il présente sa radiocomme l’objet de la censure etmême de la persécution du CSA.Quelques personnalités ont cru bonde devoir lui emboîter le pas sur ceterrain.

A en croire M. Bellanger, Skyrockserait victime de graves manque-ments de forme s’ajoutant, sur lefond, à d’intolérables discrimina-tions. Tout cela aboutirait à une« répression administrative » privant– rien que ça – la station « des droitset libertés constitutionnellement garan-tis »… Sérieuses accusations, quiméritent qu’on les reprenne une àune.

Qu’est-ce qu’une « mise en demeu-re », cette arme fatale que le CSAaurait pointée sur la tempe de Sky-

rock ? Une sanction ? Certainementpas ! Le début du retrait de l’autorisa-tion d’émettre ? En aucun cas ! Lamise en demeure n’est – M. Bellan-ger le sait mieux que personne – quel’antichambre d’un hypothétiquefutur processus de sanction : en laprononçant, le CSA indique à la sta-tion qu’elle a, à ses yeux, franchi une« ligne jaune » par rapport aux enga-gements qu’elle a pris avec lui aumoment de son autorisation, et luidemande de ne plus le faire dansl’avenir.

La station en tient compte ? C’estparfait. Elle s’y refuse et réitère lemanquement constaté ? Le CSA aalors, et alors seulement, la possibili-té d’engager un processus de sanc-tion qui s’effectue selon des règlesdéfinies par la loi et la jurisprudence,dans le respect des droits de la défen-se et qui, s’il aboutit, se traduit le plussouvent par l’obligation de lire à l’an-tenne un communiqué ou par uneamende financière. Amende qui, sielle était prononcée, ne serait pashors des moyens du groupe bancairepropriétaire de Skyrock.

Sauf à prendre des vessies pourdes lanternes, on ne prendra doncpas une mise en demeure pour ungarrot. Et c’est précisément le faitqu’une mise en demeure n’est pasune sanction qui explique que lesmises en demeure ne font jamais l’ob-jet de procédures contradictoires :Skyrock ne peut donc se poser en vic-

time d’une persécution particulière,au prétexte qu’en ce qui le concerne« les droits les plus élémentaires de ladéfense [seraient] ignorés ».

Mais cela n’est pas l’essentiel. L’es-sentiel, ce sont les reproches faits parle CSA aux animateurs de Skyrock età sa direction qui a pris – conformé-ment à la loi – l’engagement d’assu-rer la maîtrise de son antenne. Sur cepoint, soyons clairs. Non, non etnon : contrairement à ce qu’affectede croire M. Bellanger, le CSA n’estpas choqué par des écarts de langageou par la vulgarité des propos. Quel’on dise à l’antenne « con », « mer-de » ou « bite » peut plaire à certainset déplaire à d’autres, mais n’est enaucune façon à l’origine de la miseen demeure adressée à Skyrock. Lespropos que le CSA met en cause sontd’une tout autre gravité : ils concer-nent des injures publiques et desdénigrements hargneux, générale-ment scatologiques, à l’égard de per-sonnes nommément désignées – plu-sieurs des participants et surtout desparticipantes du « Loft » –, lesquellesde surcroît ne sont pas en situationd’être informées de la tenue de cespropos et sont donc dans l’impossibi-lité de s’en défendre.

Pour ne pas rester dans l’abstrac-tion, on est obligé de citer certains deces injures et dénigrements dans lestermes employés à l’antenne. Ce quiest inacceptable, du point de vue dela dignité de la personne humaine,

c’est d’entendre un animateur, visantspécifiquement l’une de ces partici-pantes, dire le 2 mai à 21 heures« X… a un cul dégueulasse. Elle se metla serviette dans l’anus. Elle a un culimmonde », ou bien visant une autre,le 7 mai vers 22 heures, « Y…, il y ahuit mois qu’elle n’a pas baisé, elle estcoincée du cul (…). Qu’elle se fassepéter le cul ! », ou encore une autre,le 9 mai à la même heure : « Z… a lecul pourri ; elle doit avoir des croûtes,c’est une grosse nympho. Tu lui metsun sac-poubelle sur la gueule ou tu laprends à quatre pattes. »

Certains trouvent le CSA bien sévè-re, bien collet monté ou bien ringard,parce qu’il s’intéresse à cette vieillechimère qu’est la dignité de la person-ne humaine et refuse l’outrage ainsifait à des personnes privées nommé-ment désignées. Ceux-là se sont-ilsdemandés comment ils réagiraient siles « X… », « Y… » ou « Z… » ainsitraités tous les jours à l’antenne, plussouvent par les animateurs que parles auditeurs, étaient leur fils, leurfille, leur mère ?

Ces rappels, sans doute nécessai-res, étant faits, le CSA entendcontinuer de traiter sereinement sesrelations avec les opérateurs de radioet de télévision. Il s’apprête donc àentendre, le 5 juin, Pierre Bellanger,qui lui a présenté un recours gra-cieux.

Skyrock : soyons concretspar le Conseil supérieur de l’audiovisuel

H O R I Z O N S - D É B A T S

La fécondation« in vitro » n’aurabientôt plus pour butd’aider desprocréationsempêchées,mais de sélectionnerl’humanité

La clef de la paix au Proche-Orientpar Arno J. Mayer

Les apprentis-sorcierssortent de l’éprouvettepar Jacques TestartLES responsables politi-

ques en Israël, quel quesoit leur parti, ont contrac-té et exploité des comple-

xes psychologiques successifs quiont empêché un accord de paix rai-sonnable avec les Palestiniens : lecomplexe de Massada ; le complexede l’Holocauste ; le complexe d’im-plantation. Il va de soi que, dans cer-taines périodes de transition, deuxcomplexes se sont superposés. Cefut le cas des années 1960 à 1990,quand les complexes de Massada etde l’Holocauste se sont entremêlés.Il est frappant cependant que, au-jourd’hui, face à la seconde Intifada,il soit peu question ni de Massada nide l’Holocauste.

En revanche, le complexe d’im-plantation reste très présent. Jus-qu’à ces derniers temps, quelquesrares voix juives se sont élevées, enIsraël et dans la Diaspora, pour oserdire ouvertement ce qui est en trainde devenir de plus en plus évident, àsavoir que le démantèlement de tou-tes les implantations et le rapatrie-ment des colons – à l’exception deceux qui choisissent de devenir descitoyens du nouvel Etat palestinien– sont la condition sine qua non d’unaccord de paix équitable.

Malencontreusement, la commis-sion présidée par l’ancien sénateuraméricain George Mitchell nourritl’illusion qu’un gel de la construc-tion et de l’expansion (illégales) decolonies dans les régions palestinien-nes de la Palestine historique, suividu « regroupement » possible de plu-sieurs colonies, peut fournir la based’une telle paix et non pas d’une sim-ple trêve bricolée comme à l’accou-tumée.

En réalité, le complexe d’implanta-tion n’a jamais vraiment reculéautant qu’Ehoud Barak et Bill Clin-ton l’ont cru et que le mouvementLa Paix maintenant l’a proclamé.

Mais depuis l’arrivée au pouvoirdu gouvernement d’unité nationaledirigé par Ariel Sharon, il estconsolidé par un complexe nou-veau, en pleine expansion, dû au rap-pel par Yasser Arafat du droit auretour des réfugiés palestiniens.

Le non-dit de cette idée fixe nais-sante est que les implantations cons-tituent pour l’essentiel des avant-postes du contrôle de Palestinienstoujours plus nombreux dont les exi-gences de retour en Cisjordanie et àGaza prouvent qu’ils n’ont jamaisabjuré leur objectif final qui estd’écraser et de détruire l’Etat d’Is-raël.

Il faut immédiatement ajouterqu’en refusant de reconnaître salourde responsabilité, qui n’estcependant pas exclusive, dans lasituation critique des réfugiés pales-tiniens, Israël continue d’alimenterune méfiance et un ressentimentqui sont exploités par les extrémis-tes arabes et palestiniens. Cette

insensibilité – cette impénitence –gratuite a l’inconvénient de rendredifficile l’application du précepte deWiedergutmachung, de réparation,susceptible de faciliter une résolu-tion de la question controversée desréfugiés.

Il s’agit là sans doute d’un de cesimbroglios malsains qui appelle unebanale récapitulation de plusieursfaits sensibles :

1. Il existe au moins 130 coloniesen Cisjordanie et à Gaza, qui n’ontjamais cessé de grandir et de s’éten-dre. Elles se prévalent de200 000 colons, sans compter lesquelque 200 000 Israéliens de Jérusa-lem Est.

2. Ces enclaves coloniales sontprotégées par des forces de police etmilitaires israéliennes fortementarmées. Cette présence étrangèreoppressive aggrave l’humiliationd’une population rebelle extrême-ment jeune, minée par le sous-emploi et le chômage.

3. Depuis que les implantationssont en grand nombre stratégique-ment dispersées, elles « balkani-sent » complètement l’Etat palesti-nien, dont elles sapent la cohérenceadministrative, la survie économi-que et la souveraineté politique.

4. De part et d’autre, l’insistance àinstaurer des frontières sûres etdéfendables n’a rien d’exceptionnel,mais elle est un faux-semblant à uneépoque d’armes ultra-modernessophistiquées.

5. Si ce n’est pour la forme et pourfaire preuve de pondération, lesgrands partis politiques d’Israël etles gouvernements qui se sont succé-dé depuis 1967 ont considéré la colo-nisation comme une question vitaled’intérêt national.

6. La résistance palestinienne estanimée par le souvenir cuisant del’expulsion et par la rancœur de lasoumission coloniale, et non par lepoison de l’antisémitisme. D’unemanière générale, la raison histori-que et psychologique de cette résis-tance évoque celle de l’instransigen-ce brutale d’Israël qui n’est ni anti-musulmane ni antiarabe.

7. Surtout, les zones situéesautour des implantations sont lesplus explosives de la violence terro-riste et antiterroriste, qui alimenteune logique infernale et un cyclesans fin de vengeance.

Israël continue de payer un lourd

tribut humain et financier à son com-plexe d’implantation. Outre les sol-dats en armes et les infortunés civils,morts et blessés, il y a l’énorme coûtque représentent les forces de sécuri-té, les infrastructures et le soutienfinancier aux colons. Il est certainque ces fonds – de l’ordre de plu-sieurs milliards de dollars – pour-raient être consacrés à des program-mes sociaux et d’éducation au seindu pays où ils bénéficieraient en par-ticulier à la minorité arabe déshéri-tée d’Israël, ou pourraient être ver-sées au profit des terres pauvres del’Etat palestinien naissant.

A cela s’ajoute, le prix politique etmoral à payer pour assurer la sécuri-té de quelque 400 000 colons (y com-pris ceux de Jérusalem Est) quivivent au milieu de 2 millions dePalestiniens. Un gouvernementreprésentatif et la loi « coloniale »étant incompatibles, la présencemilitaire constante pour protégerles colons entrave la politique démo-

cratique d’Israël et l’Etat de droit.Elle corrompt en outre l’âme etl’éthique des jeunes hommes et desjeunes femmes de l’armée descitoyens d’Israël qui montent la gar-de, le glaive à la main, face à unepopulation amère et hostile.

Si le parti travailliste et le Likouddivergent sur certains aspects de lastratégie d’implantation, ils sontd’accord sur l’essentiel. L’un etl’autre légitiment la politique du faitaccompli. Les travaillistes sont pous-sés par un pragmatisme séculaire etgénéralement admis qui n’a pasd’objectif final explicite mais a unegrande portée ; les membres duLikoud sont animés par une idéolo-gie religieuse mais également politi-que et « totalisante » qui proclameque la Judée et la Samarie font par-tie d’une « terre sainte » indivisible.Selon les époques, chaque parti a euses colonies « clientes » : le parti tra-vailliste a précipité la création deMa’ale Adumim, Givat Ze’ev etGush Etzion, pierres de touche duGrand Jérusalem ; le Likoud aappuyé l’instauration d’un grandnombre de colonies près de Naplou-se, Ramallah et Hébron dans le butde faire avorter un Etat palestiniendont il ne voulait pas.

Inutile de dire que la réalité de lavie de tous les jours dans ces encla-ves fortifiées transforme d’égoïstescolons en zélotes laïcs ou religieux.

Comme les Européens du passé enAfrique et en Asie, les colons israé-liens ont le sentiment – ou le déve-loppent – d’avoir une mission, et ilsse considèrent comme supérieurs.Ils acquièrent aussi une dimensionpsychique et matérielle dans leur sta-tut et leur situation privilégiés, dontils attendent la défense coûte quecoûte.

Cela ne veut pas dire que les lea-ders palestiniens sont plus prochesde Dieu ou plus innocents que lesdirigeants d’Israël. Mais il est indé-niable qu’ils parlent au nom ducamp qui est de loin le plus blessé et,surtout, le plus faible, détenant lapalme du statut de victime. Il seraitsage qu’Israël cesse de trop joueravec la faiblesse et le désarroi explo-sifs de Yasser Arafat et des Palesti-niens et de trop compter sur la désu-nion du monde arabe. Etant donnéla situation militaire, démographi-que et religieuse au Proche-Orient, ilfaut à Israël une paix négociée quine soit pas dictée, pour des raisons àla fois intérieures et internationales.

Il ne faudrait pas laisser se cristalli-ser l’appel renouvelé au droit auretour des Palestiniens comme unstimulant ou un substitut au comple-xe d’implantation qu’il faut exorci-ser. Si Israël ne veut pas continuer àgaspiller ce qui lui reste de capitaldiplomatique et moral, il lui faut pré-parer le terrain à la liquidation detoutes les implantations et au rapa-triement de tous les colons. Les inci-tations qui ont permis aux colons des’installer sur les territoires annexésou occupés peuvent aisément êtreréutilisées pour les encourager à ren-trer au pays, dans l’honneur. Poureux et pour Israël, l’heure est venued’une alya spéciale que l’Agence jui-ve doit accomplir avec diligencedans l’esprit de la Loi du retour.Selon les termes de Théodore Herzl,« le rêve et l’action ne sont pas aussiéloignés qu’on le croit souvent, […] etpour qui le veut, ce n’est pas impossi-ble ».

Cette audacieuse exhortation dela première heure s’accorde avecl’actuelle dégrisante injonction de laonzième heure, qui donnait à réflé-chir, du regretté Fayçal Husseini auxPalestiniens et aux Israéliens :« Abandonnez vos rêves respectifs carles rêves ne sont pas négociables. »

Sauf désintoxication réciproque,les deux parties de la Palestine onttoutes les chances de rester piégéesdans une histoire malheureuse bienque non stérile qui rappelle le longsupplice de l’Irlande moderne, dontl’ancien sénateur Mitchell sait quel-que chose.

Arno J. Mayer est historien,professeur émérite à l’université dePrinceton.Traduit de l’anglais (Etats-Unis)par Sylvette Gleize.

Si Israël ne veut pas continuer à gaspillerce qui lui reste de capital diplomatiqueet moral, il lui faut préparer le terrainà la liquidation de toutes les implantationset au rapatriement de tous les colons

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LE MONDE / MARDI 5 JUIN 2001 / 13

De Médecins sans frontières au Kosovo

« Vingt ans après son émer-gence en Californie, le sida apris la dimension d’une pandé-mie sexuellement transmissiblesans précédent – 22 millions demorts, 36 millions de personnesinfectées – frappant pour l’es-sentiel l’Afrique subsaharienneet d’autres pays du tiers-monde. Vous souvenez-vous àquelle date vous avez personnel-lement entendu, pour la pre-mière fois, évoquer l’existencede cette nouvelle maladie ?

– Je me souviens d’une pre-mière information donnée, en1982, par le docteur Jacques Lei-bowitch, qui signalait l’existenced’un syndrome curieux. Il setrouve que je tenais à cette épo-que une rubrique hebdomadairedans le supplément du quotidiende Claude Perdriel Le Matin. J’aiécrit, en substance, que les don-nées étaient alors, à mes yeux,insuffisantes pour savoir de quoiil retournait. J’ai aussi écrit quetout cela focalisait un peu tropl’attention sur un groupe commu-nautaire précis : les homosexuelsmasculins. J’ai ensuite, avecd’autres, poursuivi un peu messarcasmes en soulignant que le vifintérêt que portait à ce phéno-mène un petit groupe de méde-cins parisiens (parmi lesquels mesamis Willy Rozenbaum et JacquesLeibowitch) était, peut-être, unpeu prématuré. Par la suite, mescontacts avec des spécialistes d’in-fectiologie comme Gilles Bruckerou Marc Gentilini m’ont progres-sivement aidé à comprendre dequoi il retournait.

– Vous n’avez pas de souvenirsplus précis ?

– S’il faut aller plus loin dans lessouvenirs personnels, je ne peuxpas passer sous silence le rôlede Michel Foucault, avec lequelj’avais noué, avec d’autres, desrelations d’amitié. A l’époque,nous avions créé l’« AcadémieTarnier ». En d’autres termes,nous occupions chaque mois lesuperbe amphithéâtre du profes-seur Jean-Paul Escande, pour par-ler de sujets très divers, avec despersonnalités aussi différentesque Foucault, Bébéar, Montand,Signoret, ainsi que des syndicalis-tes et des militants. C’est dans cet

espace de Tarnier que j’ai mieuxcompris, et ce même si MichelFoucault tenait, par-dessus tout,à compartimenter sa vie. Dansces années-là, à partir de 1982,peu après la création de Médecinsdu monde, nous vivions deséchanges essentiels qui m’ontaidé à comprendre. Pas assez vitepeut-être. Pas assez bien nonplus.

– Sachant que Michel Foucaultétait atteint du sida, avez-vouspensé qu’une prise de parole desa part aurait, du point de vue dela santé publique, été utile ?

– Bien évidemment. Mais lui,lui grâce à qui tant de choses ontété remises en question et qui atant œuvré pour la transparence,ne voulait pas savoir de quoi ilallait mourir. Il avait, comme tantde malades, envie de croire. Mais,au-delà de cette question person-nelle, nous ne pouvons pas ne passouligner que l’épidémie de sida aconstitué la plus grande secoussedes systèmes de santé à travers lemonde, et tout particulièrementdu système français. Ce drameconsidérable nous a fait progres-ser en termes de santé publique,de recherche, d’évolution des rap-ports entre médecins et malades,d’intrusion nécessaire des mala-des dans un espace thérapeutiqueoù les médecins parlaient à leurplace. Cela a constitué un vérita-ble tremblement de terre dontnous n’avons pas encore mesurétoute l’amplitude.

– Un tremblement de terresans commune mesure avec latuberculose, la syphilis ou lagrippe espagnole ?

– Oui. Car toutes ces grandesétapes de l’histoire de la médeci-ne et des épidémies, toute la révo-lution pastorienne, n’ont jamaistransformé l’esprit du médecin.Durant tout ce siècle, chaque foisle médecin acquiérait un instru-ment supplémentaire pour aug-menter son pouvoir. Avec le sida,il se retrouvait désarmé, nu. Avecl’épidémie de sida, nous avonsvécu une remise en question to-tale, médecins, chercheurs etmalades. Sans que cela nuise nul-lement, bien au contraire, à la qua-lité de la relation thérapeutique.

– Avez-vous, alors que vous

n’étiez pas ministre, suivi leconflit opposant Luc Montagnierà Robert Gallo ? Quand avez-vous eu la conviction que le sidaétait une maladie infectieuse etcontagieuse d’origine virale ?

– J’ai bien évidemment, commetant d’autres de ma génération,suivi ce conflit à la fois de pater-nité scientifique et franco-améri-cain. Il me semble avoir très vitesaisi que cette maladie sexuelle-ment transmissible concerneraitaussi vite d’autres milieux queceux de l’homosexualité masculi-ne. Il me semble aussi avoir asseztôt compris que l’Afrique subsaha-rienne était, face à ce nouveau ris-que, en toute première ligne.

– Quelle relecture faites-vousaujourd’hui des débuts de l’orga-nisation de la lutte contre le sidaen France ? Aurait-on pu, dansnotre pays, agir mieux et plus

vite au vu des connaissances etdes incertitudes scientifiques del’époque ?

– Je ne peux pas, dans ce domai-ne, endosser les habits du procu-reur. Prenons la question de lamise à la disposition de seringuesstériles pour les toxicomanes, pre-mier exemple d’une politique con-crète de réduction des risques, lepremier symptôme du tremble-ment de terre qui allait survenir.Michèle Barzach, alors en chargedu ministère de la santé, expliquetrès bien comment elle est parve-nue à agir, grâce notamment àl’écoute de Jacques Chirac, alorspremier ministre, qui lui a d’em-blée fait confiance. Pour ma partje ne jurerais pas qu’à cette pé-riode je n’ai pas eu une interroga-tion sur le fait de savoir si l’onn’en faisait pas trop pour les toxi-comanes. Mais je suis aussi con-vaincu que des associations com-me Médecins du monde et Aides(grâce à Daniel Defert) ont jouéun rôle essentiel, à la fois précoceet déterminant. Nous avons autotal, à partir de l’internationali-sation balbutiante de la problé-matique, pu poser la question del’ingérence thérapeutique.

– Le fait de devenir, en 1992,ministre de la santé et de l’ac-tion humanitaire du gouverne-ment Bérégovoy a-t-il facilitévotre action dans la lutte contrecette pandémie naissante ?

– Précisons quand même que jesuis allé demander à Mitterrandde pouvoir devenir autonome,ministre de l’action humanitaire,mais aussi, et par-dessus tout, dela santé. En moins d’une heure,Mitterrand a, alors, compris queles deux sujets étaient conjoints.

J’ai ainsi pu agir vis-à-vis des toxi-comanes avec les prémices d’unepolitique de substitution et deréduction des risques. Je dispo-sais enfin d’un ministère plein, nedépendant de personne, qui apermis, j’ose le dire, des avancéesnullement négligeables. Il m’afallu notamment lutter contrecette tendance française majeurede la psychiatrisation de la toxico-manie.

– Est-ce pour l’essentiel laquestion du sida qui vous a ame-né à engager une politique plusgénéralement fondée sur laréduction du risque, la créationd’agences indépendantes encharge de la veille et de la sécu-rité sanitaires ?

– Oui, avec, d’emblée, l’émer-gence de l’affaire du sang conta-miné ; une affaire pour laquelle jene reproche pas aux ministres enplace à l’époque, comme LaurentFabius, d’avoir mal agi mais bienà certains membres des cabinetsministériels concernés de ne pasavoir su prévenir des réactionsconfinées, mandarinales. La di-mension judiciaire de cette af-faire n’est au fond que le pendantsociologique d’une évolution so-ciologique beaucoup plus pro-fonde. Avec le sida, nous avonsmis fin à une certaine arrogancemédicale. Tout cela m’a coûté.Pour autant, j’ai eu à partir de cemoment-là la certitude qu’il mefallait, parallèlement au ministèrede la santé, tenter de construirequelque chose de l’ordre d’un« ministère des malades ».

– Une telle relecture de cedossier et de votre action vousconduit-elle a une forme structu-

rée de mea culpa ? Pouviez-vousagir mieux et plus vite tant sur leplan national qu’international ?

– Je me reproche beaucoup dechoses concernant la toxicoma-nie, la prostitution. Pourtant,dans les années 1990, je n’aijamais mis au sein du gouverne-ment français mon drapeau dansma poche ; et ce alors que j’étaisconsidéré comme une sorte de« gauchiste de service ». Ajou-tons qu’à cette époque PierreBérégovoy m’a toujours soutenu,mais aussi que je ne voulais pasme mettre dans des situations pro-vocatrices qui m’auraient conduità quitter le gouvernement, sanspour autant que rien ne change.

– Les actions internationalesde lutte contre la pandémie ont-elles à vos yeux tardé ?

– Sans doute. Mais rien n’étaitfacile à la fin des années 1990dans ce domaine. Et c’est, croyez-moi, un euphémisme. Mais je ne

veux pour ma part retenir que l’es-sentiel : l’émergence du conceptd’ingérence thérapeutique, le faitque l’Europe de la santé va secréer bien plus vite que prévu.

– La question du sida va-t-ellebouleverser la question de ladépénalisation de la consomma-tion des drogues illicites ?

– C’est une interrogation essen-tielle. Il a fallu que la question dusida saute à la gorge des politi-ques pour qu’ils s’en occupent.Tant que la question de la toxico-manie ne sautera pas, de la mêmemanière, à la gorge des politi-ques, on ne parviendra pas à pro-gresser. Osons parler de la ques-tion des interdits, de la modifica-tion des états de conscience.Reconnaissez qu’il est insenséque la société française ne par-vienne pas à regarder ses adoles-cents dans les yeux ; et ce n’estpas en se bouchant les oreillesque l’on n’entend pas la musique.

– Vous avez, à plusieurs repri-ses depuis le début des années1990, tenté de mobiliser les res-ponsables politiques des paysindustrialisés quant à la nécessi-té d’intensifier la lutte préven-tive et d’améliorer l’accès desplus démunis aux thérapeuti-ques existantes. Vous tentezaussi, avec Jacques Chirac etLionel Jospin, de relancer le prin-cipe du fonds international desolidarité thérapeutique. N’êtes-vous pas déçu du faible écho devos actions ?

– On ne peut isoler cette ques-tion de la mobilisation internatio-nale des agences onusiennes. L’an-nonce par Lionel Jospin d’unecontribution française très impor-

tante est un événement majeur(Le Monde du 2 juin). La France,rejointe par les pays méditerra-néens, a initié une nouvelle dyna-mique sanitaire et humanitairequi leur font partager une aventu-re portant les valeurs des droitsde l’homme. Je ne mesure pas lesconséquences de tout cela dansles pays du tiers-monde les plustouchés par ce fléau. Mais j’ai bonespoir. Je ne suis pas certain qu’ilfallait faire une spécificité du sidadans le monde des maladies infec-tieuses et contagieuses. Pour au-tant, force est de constater quecette dynamique a, au total, euplus d’effets positifs que négatifs.Pour ce qui nous concerne aujour-d’hui, postulons que l’Europe par-viendra à maîtriser une mondiali-sation qui, ici plus qu’ailleurs, estnécessaire, indispensable. »

Propos recueillis parJean-Yves Nau

GRANDE figure de l’interventionhumanitaire, à l’origine du conceptde « droit d’ingérence », BernardKouchner s’est illustré dans le mêmeesprit dans le champ sanitaire avecle « principe de précaution ». Né le1er novembre 1939 à Avignon, enVaucluse, Bernard Kouchner estdocteur en médecine spécialiste degastro-entérologie. Il a été l’un desfondateurs et président de Médecinssans frontières de 1971 à 1979, organi-sation non gouvernementale qui aobtenu le prix Nobel de la paix en2000 pour ses activités médicales humanitaires dansle tiers-monde. De 1980 à 1988, il est animateur etprésident de Médecins du monde, une autre organisa-tion aux mêmes objectifs. Il est quatre fois secrétaire

d’Etat ou ministre dans les gouverne-ments Rocard, Cresson et Bérégovoy.Député au Parlement européen de1994 à 1997, il entre au gouverne-ment Jospin en juin 1997 commesecrétaire d’Etat chargé de la santé.

Après la guerre du Kosovo, il estnommé représentant spécial dusecrétaire général de l’ONU dans laprovince yougoslave. Il occuperacette fonction de juillet 1999 à jan-vier 2001. Il est ministre délégué àla santé depuis le 6 février. Il estl’auteur de nombreux ouvrages,

notamment Dieu et les hommes, en collaborationavec l’abbé Pierre (Robert Laffont, 1993), et a écritdes scénarios de séries télévisées sous le pseudo-nyme de Bernard Gridaine.

BERNARD KOUCHNER

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Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé

« Avec le sida, nous avons mis fin à une certaine arrogance médicale »L’épidémie a constitué la plus grande secousse des systèmes de santé à travers le monde.

Les incertitudes sur la maladie ont contraint les médecins à bouleverser leur rapport avec les malades

« Je ne veux pour ma partretenir que l’essentiel : l’émergencedu concept d’ingérence thérapeutique,le fait que l’Europe de la santéva se créer bien plus vite que prévu »

H O R I Z O N S - E N T R E T I E N

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14 / LE MONDE / MARDI 5 JUIN 2001

Hyper-espace par Fabio Viscogliosi

Suite de de la première page

C’est la définition même du sys-tème Aegis. Au départ, une pano-plie de défense antiaérienne àmoyenne portée, déjà installée surdes croiseurs de la classe Ticonde-roga ou des destroyers du typeArleigh Burke. Mais Aegis peutaller plus loin et donner naissance,après 2004, à un système navald’interception élargie pour, depuisla mer, protéger des zones dedébarquement, des ports ou despoints « sensibles » contre des mis-siles à moyenne portée et qui,déployé en rideau défensif enavant des côtes, pourra veiller à lasécurité générale antibalistiqued’un pays.

Ce n’est certes pas le gigantes-que bouclier antimissile tous azi-muts auquel rêvent les thuriférai-res du programme MD (missiledefense) aux Etats-Unis. Mais cen’est pas, pour autant, un pis-aller.C’est plutôt le commencement dudéploiement d’un réseau d’inter-cepteurs embarqués dont rien neprouve qu’il soit, en l’état, en tota-le infraction avec le traité antimis-sile ABM de 1972 au respectduquel Moscou se dit fort attaché.

De même, avec sa proposition

d’une priorité attribuée à des missi-les de croisière qui seraient embar-qués sur des sous-marins Trident,M. Bush ouvre une autre perspecti-ve. L’éventualité d’un bouclier quiarrêterait des missiles balistiquesintercontinentaux redonne leurvaleur militaire aux missiles decroisière tirés depuis des naviresde surface ou depuis des sous-marins, voire à des bombardiersqui attaquent à basse altitude. Eneffet, de tels engins ou de telsavions peuvent déjouer une défen-se adverse, leur trajectoire n’étantpas toujours suffisamment détec-tée à temps par des radars etn’étant pas aussi programmée – etdonc prévisible – que celle d’unprojectile balistique soumis auxlois de la cinétique.

On comprend mieux pourquoiM. Bush, anticipant sur la possibili-té de défenses antimissile ailleursqu’aux Etats-Unis, a imaginé dereconvertir des sous-marins Tri-dent, qui relèvent de l’arsenalnucléaire américain, en instru-ments d’une dissuasion fondée surdes missiles de croisière à chargeclassique. Là encore, aucun traitéinternational ne vient limiter cetteévolution des panoplies, pasmême le MTCR (régime de contrô-le de la technologie des missiles),qui réglemente l’exportation detechnologies dites de pointe et n’apas empêché, jusqu’à présent, ledéveloppement de capacités offen-sives régionales comme en Iran,au Pakistan ou en Inde.

En réalité, ce à quoi on assisteavec la révision de sa stratégie par

Washington et avec ses implica-tions sur la nature des armementsdans le reste du monde, c’est à unecourse à la technologie : puissan-ce, portée, vitesse, miniaturisa-tion, précision, « furtivité » desnouveaux systèmes d’armes, touty passe. A cela s’ajoute, avec lespropos de M. Bush sur la mobilitéde la marine américaine et sur ledon d’ubiquité de ses moyens decommandement ou de renseigne-ment, le début d’une compétition,lourde de conséquences civiles etmilitaires, dans le contrôle de l’es-pace entre pays désireux de sauve-garder leur souveraineté et leurmarge de manœuvre en matièrede communication, de commerceinternational et de sécurité.

CHERCHER LA FAILLEAujourd’hui, déjà, les premiers

effets de cette remise en questionse font sentir. A la fin des années1980 et au début des années 1990ont été signés un large éventaild’accords, bilatéraux ou multilaté-raux, qui ont fixé le cadre d’undésarmement nucléaire, classiqueou chimique selon les circonstan-ces. Désormais, cette dynamique,a fait observer M. Mallet aux dépu-tés français, est menacée de paraly-sie dans les cas les moins graves,c’est-à-dire encore négociables.Mais elle est gelée, bloquée, bat-tue en brèche dans nombred’autres cas et « c’est devenu, esti-me le secrétaire général de ladéfense nationale, un phénomènerelativement nouveau ».

M. Bush, dans ce contexte, a

ouvert la boîte de Pandore enréclamant du Pentagone qu’il pas-se la vitesse supérieure dans lamodernisation de ses panopliespour le début de ce siècle. Ainsi,plutôt que de se sentir liés par quel-que traité que ce soit, les Etats-Unis cherchent la faille qui leur per-met de s’en affranchir. Quitte àdonner les mêmes idées à d’autresacteurs de mauvaise foi sur la pla-nète. C’est une vulnérabilité qui ris-que de perturber durablementtout le système international.

Jacques Isnard

0123 est édité par la SA LE MONDEPrésident du directoire, directeur de la publication : Jean-Marie Colombani

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Le Monde est édité par la SA LE MONDEDurée de la société : cinquante ans à compter du 10 décembre 1994.

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D’ALAIN MADELIN, les Français ont l’imagedu trublion libéral des années 1980, puis de l’« agi-tateur d’idées » qui s’était mis avec fougue au servi-ce de Jacques Chirac lors de la campagne présiden-tielle de 1995, quand la plupart de ses amis rejoi-gnaient Edouard Balladur. Le souvenir de son pas-sage éclair au ministère de l’économie et des finan-ces, sa profonde déception vis-à-vis du chef del’Etat, l’ont incité à se mettre à son compte.M. Madelin est entré en campagne présidentielledès le 22 novembre 2000, voulant convaincre queses idées, éternel mirage d’une « autre politique »,peuvent dépasser le stade de la contribution pourformer l’ossature d’un projet. Mais, depuis, il a sur-tout répondu présent là où on ne l’attendait pas etoù on le disait si maladroit : sur le terrain des gran-des et petites manœuvres préélectorales de la droi-te française.

Exister sans effrayer : pour qui peine à se débar-rasser de son étiquette d’« ultralibéral », le che-min est étroit. M. Madelin peut observer, sur sagauche, le versant du « prêchi-prêcha » et autre« mollo-mollo », selon ses termes, déjà occupé parles deux candidats « centristes » et « attrape-tout », Jacques Chirac et François Bayrou. Mais,sur sa droite, la pente est non moins vertigineuse,qui menace de le cantonner au niveau naturel ducandidat libéral.

Cherchant à persuader que ses choix sont majo-ritaires dans le pays et qu’ils n’ont pas été mis en

œuvre faute, tout simplement, d’avoir été propo-sés – « les Français sont beaucoup plus prêts auchangement que ceux qui les dirigent », assu-re-t-il –, l’ancien ministre de l’économie parcourtla province, depuis des mois, en déclinant les qua-tre « révolutions » qu’il entend conduire : révolu-tion fiscale (allégement de l’impôt sur le revenu etde l’impôt sur les successions), révolution de l’Etat(baisse du nombre des fonctionnaires et du niveaudes dépenses publiques), révolution de l’éduca-tion (autonomie des établissements et suppres-sion de la carte scolaire) et révolution de la régio-nalisation.

Voilà pour l’offre « beaucoup plus forte » que leprésident de Démocratie libérale compte propo-ser aux Français. « Je regarde les autres candidats,commente-t-il, et je ne vois pas qui d’autre que moia la crédibilité suffisante pour porter ces réformes eten assumer la responsabilité. » Cela posé, il con-vient de ne point trop effrayer le chaland, quiattend garanties et protection de la part de l’Etat.« Je ne proposerai rien qui n’ait été expérimentéailleurs », martèle M. Madelin, selon lequel la Fran-ce représente « un îlot d’immobilisme dans unocéan de réforme ».

Rassurer est nécessaire mais pas suffisant. Celuiqui, peu désireux de s’enfermer, tient à préciserqu’il n’est « pas candidat à la présidence de la CGP-ME » doit impérativement élargir sa base électora-le. M. Madelin s’y est essayé en s’efforçant de com-

poser un surprenant cocktail « libertaire-sécuritai-re ». Un appel en faveur de l’ouverture du débatsur la dépénalisation des drogues douces, une abs-tention sur le pacs, suivis d’un vibrant plaidoyer enfaveur de la France « pluriculturelle » et « pluriel-le », ont lesté jusqu’à l’automne 2000, au granddam de ses amis politiques, le premier terme dubinôme.

Aujourd’hui encore, M. Madelin s’estime enmesure de « faire des additions qui brisent les préju-gés électoraux habituels ». « Je me sens aussi bienavec le charcutier franchouillard qu’avec les jeunesBlacks », affirme-t-il. Les quelques discours de por-tée générale qu’il a prononcés depuis son entréeen campagne, en novembre 2000, ont toutefoisdonné de lui une image beaucoup plus classiquequ’il ne veut bien l’admettre. Ce dont se féliciteHervé Novelli, représentant de l’aile droitière duproche entourage de M. Madelin : « Au contactdes Français, il affine sa réflexion et se fait une hiérar-chie des préoccupations. Il est devenu plus rigou-reux », commente le député européen.

Au contact des Français, mais aussi, plus prosaï-quement, de la concurrence électorale : les doutespersistants sur la présence – et le score – de Char-les Pasqua, ainsi que sur celle des deux frères enne-mis de l’extrême droite, au premier tour de l’élec-tion présidentielle ont ouvert un espace, à droite,sur lequel pourrait lorgner M. Madelin. Témoi-gnent de cette préoccupation les études que ce der-nier a commandées sur l’électorat du président duRassemblement pour la France, dont il assure qu’iln’est nullement « souverainiste », mais sensibleaux questions de sécurité et d’immigration.

L’HOMMAGE D’ALAIN JUPPÉM. Madelin a beau prétendre qu’il ne raisonne

pas en termes partisans, il aura démontré, au fildes mois, qu’il n’est pas ignare en la matière. Alorsqu’il essuyait, au début de l’automne 2000, un éniè-me tir de barrage des élus DL – pour la plupart chi-raquiens –, M. Madelin leur avait envoyé quelquessignaux d’apaisement en faisant notammentsavoir publiquement, par l’intermédiaire de sesproches, qu’il envisageait de quitter la présidencedu parti, au moment où il officialiserait sa candida-ture à l’élection présidentielle. A la même période,il avait également indiqué qu’il « ferait le pointdans un an » pour voir s’il est, ou non, parvenu à« capter un courant ». Ses « amis » ont alors avaléla pilule, en se contentant de maugréer contre cequ’ils espéraient n’être qu’un tour de piste.

Huit mois plus tard, M. Madelin peut écarter cesdeux perspectives sans risquer d’être contredit, lepacte de non-agression ayant pris les allures d’unealliance de fait. Réservant à ses proches des com-mentaires ironiques et peu amènes sur le bilan duseptennat de Jacques Chirac, M. Madelin, à la diffé-rence de M. Bayrou, se garde bien d’évoquer enpublic le nom du chef de l’Etat. « S’il s’agit de trou-ver une autre personnalité que Chirac, on est plu-sieurs à pouvoir prétendre à la fonction. Si, aucontraire, il s’agit de proposer une autre politique, jesuis seul », explique le député d’Ille-et-Vilainepour justifier son silence. Les chiraquiens y trou-vent leur compte, et observent désormais avecd’autant plus de bienveillance la perspective d’unecandidature de M. Madelin qu’ils se sont convain-cus qu’elle peut contribuer à gêner celle du prési-dent de l’UDF.

L’hommage rendu par Alain Juppé àAlain Madelin qui, a indiqué l’ancien premierministre RPR dans son entretien au Monde du31 mai, a « bien dit les choses » au sujet du débatsur l’immunité présidentielle, n’est pas anodin.« J’aurais donc fait une proposition d’énarque ? », asouri M. Madelin en découvrant ces mots. Lui quidit « attendre la campagne avec une certaine gour-mandise, et [ses] contradicteurs avec impatience »,poursuivra sa tournée en province, les 25 et26 juin, par un déplacement à… Bordeaux.

Jean-Baptiste de Montvalon

IL Y A 50 ANS, DANS 0123

Drobny, super-athlète du tennis

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MALÉVITCHLe prix du tableau de Malévitch

vendu par la maison Phillips auprintemps 2000, une Compositionsuprématiste de 1919-1920, était de17 millions de dollars, et non de43,9 millions de dollars, commeune coupe malencontreuse nousl’a fait écrire dans Le Monde daté27-28 mai. C’est le chiffre d’affai-res total de la vente du printemps2000 chez Phillips qui était de43,9 millions de dollars.

JOHN KENNEDYDans l’article « Le chic de Jackie

Kennedy » publié dans le supplé-ment « Styles » du 19 mai, la datedu décès du président John Ken-nedy est erronée. Il fallait, biensûr, lire le 22 novembre 1963. Parailleurs, le guide Paris Cool est édi-té par Parigramme.

POUR LA PREMIÈRE fois de sacarrière, l’ex-Tchécoslovaque Jaros-lav Drobny, devenu Egyptien par ladisgrâce – ou la grâce – du rideaude fer, a remporté une grandeépreuve : il a gagné hier dimancheles championnats internationauxde France au stade Roland-Garros.

Il nous plaît de rendre hommageau nouveau champion qui est àcoup sûr la plus curieuse figure dutennis de l’après-guerre. Depuisdes années, Drobny rallie les fina-les des plus forts tournois du mon-de. Et depuis des années il échoueau port, ce qui nous avait incliné àcroire que la tare secrète de Drob-ny était une asthénie morale aunœud de l’action.

Sa carrière devait par la suite lar-gement confirmer l’hypothèse.Vigoureux à l’extrême et réussis-sant de plein fouet tous les coupsdu tennis à l’entraînement, surclas-sant ses adversaires dans les tour-

nois secondaires, il s’affirmait supé-rieur dans les premiers tours et jus-qu’aux grandes finales des grandschampionnats internationaux. Puislà, soudain, cet homme massif,dont les jambes de hockeyeur nesemblent jamais se déplacer telle-ment il prévoit la course utile sur lecourt, se mettait à « flotter » audétour d’une demi-finale, et l’onsentait que son masque d’intellec-tuel myope, apparemment imper-turbable, presque brutal, necachait plus que des paniques dechèvre.

Ces jours-ci enfin Drobny a lais-sé ses nerfs au vestiaire et, ensuper-athlète du tennis, s’est rendumaître des meilleurs joueurs del’heure, justifiant un peu à retarde-ment ce premier rang mondial quenous lui avions assigné… en 1946 !

Olivier Merlin(5 juin 1951.)

La courseà la technologiemilitaire

EN près d’un demi-sièclede batailles au servicedu mouvement nationalpalestinien, Yasser Ara-

fat a connu beaucoup demoments difficiles. A Beyrouth, àAmman et ailleurs, il s’est sou-vent retrouvé le dos au mur. Eton l’a fréquemment « enterré »,au sens politique du terme, avantqu’il ne réapparaisse plus « cen-tral » que jamais. A 72 ans pas-sés, le raïs palestinien a maintesfois prouvé que l’art de la surviene lui était pas étranger. Mais, aulendemain de l’attentat perpétrédans la soirée du vendredi 1er

juin à Tel-Aviv – dernier bilan, 20morts dont une majorité d’ado-lescentes, et des dizaines de muti-lés –, M. Arafat joue sa crédibili-té. Sommé de toutes parts de fai-re taire les armes, le président del’Autorité palestinienne paraîtplus affaibli que jamais.

Il n’est pas sûr que son appelau « cessez-le-feu total et immé-diat », lancé aux Palestiniens,empêche des représailles israé-liennes : elles le déstabiliserontun peu plus. Il est encore moinscertain qu’il soit obéi de ses pro-pres troupes. Il avait à peineordonné le silence des armesqu’il était déjà défié dans son pro-pre camp. Avec une dizained’autres organisations – dont leHamas et le Djihad islamique –,le Fatah, le mouvement dont ilest le fondateur et le chef, luirépondait par une fin de non-recevoir. En forme de camouflet :non, l’Intifada ne s’arrêtera pas,déclaraient-ils.

Les Israéliens ont beau jeu dequestionner la crédibilité de leurinterlocuteur. A la tête d’unmicro-Etat policier, doté d’une

bonne demi-douzaine de « servi-ces » de sécurité, qui ne lésinentpas sur les méthodes, M. Arafatcontrôle-t-il les territoires ? Sansdoute moins que les Israéliensveulent bien le dire et vraisem-blablement plus que les Palesti-niens ne l’avouent. Car la posi-tion d’Israël est ambiguë. D’uncôté, on somme Yasser Arafat defaire cesser les violences. Del’autre, on fait tout pour l’affai-blir : dans le même temps où ellelui demande d’agir contre les isla-mistes, l’armée israélienne multi-plie les coups de force contrel’Autorité palestinienne !

Mais la position de Yasser Ara-fat n’est pas moins ambiguë.Tout se passe comme si, en lan-çant à l’automne 2000 l’Intifadaal-Aqsa, il avait libéré des forcesqu’il est aujourd’hui incapablede maîtriser. Certes, la répres-sion israélienne et la colonisa-tion des territoires nourrissentl’Intifada. Mais M. Arafat a faitlibérer nombre de militants duHamas et du Djihad, ceux-làmêmes qui revendiquent lesattentats ; il laisse des médiasqui sont à sa botte inciter à la hai-ne contre Israël ; il semble neplus pouvoir retenir certains deses propres services. Bref, il don-ne l’impression de courir après larue palestinienne, après l’avoirmobilisée contre Israël.

On touche là au mystère del’homme. Il a été celui qui a supréserver l’identité nationalepalestinienne ; il lui a fallu pourcela « coller » à son peuple. Peut-il être celui qui, pour faire entéri-ner les compromis que la paixrequiert, assumera la part d’im-popularité d’un tel choix ? Cen’est pas certain.

RECTIFICATIFS

H O R I Z O N S - A N A L Y S E S

ÉDITORIAL

L’énigme Arafat

Les quatre « révolutions » d’Alain Madelin

0123 SUR TOUS LES SUPPORTS

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Page 15: e 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE … 57e ANNÉE – Nº 17530 – 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE MÉTROPOLITAINE -- MARDI 5 JUIN 2001 FONDATEUR : HUBERT BEUVE-MÉRY – DIRECTEUR : JEAN-MARIE

Les grandes sociétés retrouventle chemin de la Bourse

1 Vous êtes associé-fondateurdu fonds de capital-risque Pyra-

mid Venture, et vous êtes en traind’investir, entre San Francisco etParis, plus de 100 millions de dol-lars (116 millions d’euros) dansdes start-up. Comment analysez-vous la situation actuelle ?

La situation est beaucoup plusdifficile aujourd’hui qu’il y a quel-ques mois. Pour lever de l’argent,les entrepreneurs sont obligés detaper à un maximum de portes, enCalifornie comme à Paris, pourtrouver le financement nécessaireau développement de leursociété.

Le « cash » est roi et dicte désor-mais ses conditions aux porteursde projets. Le rapport de forces estinversé.

2 Les investissements sontmoins nombreux mais plus

importants en montant. Pour-quoi ?

Soyons clairs, les capital-ris-queurs ont peur. Ils n’investissentplus, à moins de partager le risqueavec des partenaires solides dansdes tours de table importants. Lesinvestisseurs misent des montantsde plus grande ampleur, car ilsprennent toutes les sécurités possi-bles : l’argent récolté doit assurerla pérennité de l’entreprise pourau moins dix-huit mois, et lui lais-ser une marge de manœuvre encas d’erreur dans son modèle derentabilité.

Dans notre portefeuille, toutesles sociétés ont une trésorerie quileur permet de tenir au moinsquinze mois. Nous avons, par exem-ple, participé récemment au refi-nancement de la société françaiseBloomtrade, qui édite le site delivraisons de fleurs bebloom.com.Notre principale condition était

que cette société récolte assez d’ar-gent pour arriver rapidement àl’équilibre, et même quelques mil-lions de francs de plus. A l’inverse,nous avons retiré notre proposi-tion à une société américaine, carelle n’avait pas réussi à convaincresuffisamment d’investisseurs.

3Beaucoup de start-up cher-chent une issue en se faisant

racheter par un grand groupe. Lasortie en Bourse est-elle devenueimpossible ?

N’exagérons pas. Le Nasdaq esttout de même remonté assez forte-ment depuis le début d’avril. Lessociétés de qualité pourront reve-nir sur les marchés financiers. Detoute façon, les « dotcoms » doi-vent rapidement arriver à l’équili-bre par elles-mêmes, sans quoi pluspersonne ne voudra les financer,que ce soit à la Bourse ou ailleurs.

Propos recueillis parAdrien de Tricornot

ANCIENNE et nouvelle écono-mie ont des difficultés à aller cher-cher de l’argent en Bourse. Seulestreize introductions ont été réali-sées à Paris au premier trimestre2001, contre vingt-deux au pre-mier trimestre 2000, selon Thom-son Financial (Le Monde du 3 mai).La plus grosse opération était celled’Orange, que France Télécom n’apas pu reporter et qui s’est soldéepar une baisse drastique du prix.

Après une période de vachesmaigres, liée aux incertitudes bour-sières, quelques sociétés ontretrouvé le chemin des marchés.Le mois de juin sera plus animé. Al’exception de deux petites socié-tés de production (Millimages etCarrere Group), ce sont des gran-des sociétés qui osent se lancer.

b Euronext : la place financièreissue de la fusion des Boursesd’Amsterdam, de Bruxelles et deParis introduira 25 % de son capi-tal en Bourse en juin, selon la pres-se néerlandaise. Le prix d’introduc-tion de l’action Euronext devraitse situer entre 25 et 30 euros partitre, selon le quotidien FinancieeleDagblad.

b Générale de santé : la socié-té, ancienne filiale de cliniques pri-vées de la Générale des eaux (deve-nue Vivendi), prépare sa mise sur

le marché, prévue entre juin et sep-tembre (Le Monde du 29 mai).C’est une première en France dansle domaine hospitalier.

b Nexans : l’activité de câblesd’Alcatel a annoncé le 23 mai sonentrée au premier marché, prévuepour le 12 juin (Le Monde du25 mai). L’introduction de Nexansaurait dû intervenir avant la fin2000. Mais les mauvaises condi-tions de marché ont quelque peuperturbé le calendrier. La fourchet-te de prix retenue, de 23,5 euros à27 euros par action, est inférieureaux attentes. Elle valorise la totali-té du capital de Nexans entre587 millions et 675 millionsd’euros. Soit nettement moins queles estimations de 700 millions à850 millions d’euros qui circulaientsur les marchés financiers et trèsen deçà de l’estimation de 1 mil-liard d’euros évoquée en 2000.

b JC Decaux : dernière introduc-tion annoncée, l’un des leadersmondiaux de la publicité en exté-rieur, le groupe françaisJC Decaux, compte lever 1 milliardd’euros en s’introduisant le 19 juinsur le premier marché, afin de dimi-nuer son endettement et se lancerdans de nouvelles acquisitions.

Pascale Santi

Après l’euphorie puis la crise, les financiers des start-up sont très sélectifsDepuis janvier, 2,3 milliards de francs ont été investis dans des start-up françaises, mais les fonds privilégient le secteur technologique

et les entreprises expérimentées. Actuellement, 8 milliards de francs sont recherchés par des jeunes pousses en sursis pour se développer

TROIS QUESTIONS À…

ALEXANDERJENKINS RHEA

Le capital-risque allemand freiné dans son développement

INTERNET n’est pas encore pas-sé de mode : malgré la morositéambiante, près de 2,3 milliards defrancs (350 millions d’euros) ontété investis dans les start-up françai-ses depuis le début de l’année,selon Digital Business. Des mon-tants en baisse, certes, mais pas siloin des 2,8 milliards de francs inves-tis sur la même période de l’an2000. Après l’euphorie de 1999,puis la dégringolade boursière desvaleurs technologiques en mars etseptembre 2000, investisseurs etentrepreneurs de la nouvelle écono-mie semblent rentrer, en ce prin-temps 2001, dans l’âge de raison.

Première conséquence notoire,les start-up qui n’ont pu démontrerleur rentabilité sont lâchées par lesfinanciers et mettent la clé sous laporte. « Les erreurs et la déceptionprovoquée par la chute brutale descours ont surtout touché les sites àdestination du grand public, le B to C[business to consumer]. Ces sitesmisaient, à tort, sur des recettes rapi-des en provenance de la publicité oude la vente de fichiers de clientèles »,analyse André Lévy-Lang, ancienprésident de Paribas, qui investitses fonds propres, en tant que busi-ness angel dans des sociétés Inter-net. Chez l’incubateur Tocamak,qui aide de toutes jeunes pousses àgrandir, « quatre sites de vente enligne ont fermé dans les derniersmois », raconte Antoine Decitre, undes deux fondateurs. Depuis le

début de l’année en France,129 sociétés ont officiellementrenoncé à leurs levées de fonds, les-quelles devaient s’élever à 3 mil-liards de francs, selon Digital Busi-ness. D’autres attendent désespéré-ment et sont en sursis : 8 milliardsde francs seraient encore recher-chés actuellement. « Il est vraimentdifficile de lever des premiers toursde table, continue M. Decitre. Nousavons été obligés de refinancer nous-même cinq de nos quatorze start-upen attendant pour qu’elles puissenttenir ».

PRIME À L’ANCIENNETÉOù vont donc les fonds investis

sur Internet ? En premier lieu, lesinvestisseurs cherchent à sauver lesmeubles. « Les fonds réalisent desbridges, c’est-à-dire des investisse-ments pour tenter de sauver leur por-tefeuille », raconte M. Decitre. Enclair, ils refinancent les sociétésdans lesquelles ils ont déjà des inté-rêts en espérant que le retour surinvestissement sera plus rentable :plus de quatre cinquièmes des som-mes investies depuis janvier se diri-gent vers des sociétés qui sont déjàconstituées. Des start-up commeMediapps, Nagora, ou encoreDirect Finance qui espéraient trou-ver des financements en s’introdui-sant en Bourse ont dû y renoncer etse sont retournées vers le capital-ris-que. Une situation complètementopposée à celle de l’année 2000 où

les nouvelles idées avaient le venten poupe : plus de la moitié des capi-taux avaient financé la création denouvelles structures.

Autre nouveauté, les montantsinvestis sont plus concentrés. Sixstart-up ont concentré 40 % desfonds. « Les fonds d’investissementsont des équipes limitées, analyse Phi-lippe Hayat, fondateur de l’incuba-teur Kangaroo Village. Pour desinvestisseurs, la charge de travail esttout aussi importante que l’on investis-se 3 ou 30 millions de francs. A choi-sir, ils préfèrent suivre un nombred’investissements réduit. » PourDaniel Pinto, PDG de Chrysalead,un fonds qui a investi ces dernières

semaines 18 millions d’euros, « si lataille des tickets s’est accrue, c’est queles entrepreneurs et les sociétés sontplus mûrs. Ceux qui ont survécu sontles meilleurs ».

Deuxième grande tendance d’in-vestissements, le retour en grâce dela technologie. « Par sécurité, lesinvestisseurs préfèrent des entreprisesqui présentent des barrières technolo-giques fortes et un modèle de rentabi-lité simple, explique M. Decitre : cesont les classiques éditeurs de logi-ciels qui récupèrent actuellement lamise. » Alberto Martorell, présidentdu directoire de PHS-MEMS, entre-prise de la région grenobloise spé-cialisée dans les commutateurs de

fibres optiques, vient de bénéficierde cette tendance. « Nous venons derécolter 203 millions de francs de noscapital-risqueurs historiques aux-quels s’est ajouté, notamment, le grou-pe Axa », raconte-t-il. Parmi les critè-res qui ont rassuré ses actionnaires,« l’existence d’une usine, de clients,d’une bonne équipe de direction etune technologie jugée compétitive ».

LES BONNES VIEILLES RECETTESLes négociations en cours sont

visiblement âpres. « Les clauses derévision de valeur reviennent à lamode, raconte M. Hayat. Les fondsnégocient un certain pourcentage ducapital. Mais, si la start-up ne remplitpas ses objectifs, les investisseurs peu-vent gratuitement renforcer leur parti-cipation. » « Les fondamentaux de lavielle économie reviennent sur latable », ironise Pierre Ganter, cofon-dateur du site Assurway. com, qui,après avoir levé 15 millions defrancs en septembre 2000, cherche àconstituer un second tour de table.« Après la prime à l’idée, les investis-seurs ont compris qu’il fallait faire lescomptes. »

De bonnes vieilles recettes qui nesont pas pour déplaire aux cadorsde l’ancienne économie. Les grandsgroupes traditionnels s’aventurentdésormais plus facilement dans cesecteur avide de capitaux solides.Une manière peu onéreuse poureux d’acquérir des savoir-faire et dene pas se laisser dépasser par larévolution technologique. « Lesindustriels ont un peu pris la relèvedes capital-risqueurs ces derniersmois, en se disant que la technologieest un mouvement de fond qui nedépend pas du niveau du Nasdaq »,analyse Daniel Pinto, qui compte,parmi les actionnaires de sonfonds, entre autres, Danone et lasociété de conseil Valoris. Depuissix mois, ses investissements avecdes partenaires de l’ancienne éco-nomie se multiplient : dans MinutePay, une solution de paiement pare-mail sécurisé aux côtés de BNPParibas ; dans Séliance, une placede marché sur les moyens générauxdes entreprises, aux côtés du Créditlyonnais et de France Télécom ;dans Easy Buro, un site de gestiond’immobilier d’entreprise, avecBourdais, Keops et AugusteThouard. « Ancienne » et « nouvel-le » économie, artificiellementopposées hier, travaillent désor-mais ensemble.

Laure Belotet Adrien de Tricornot

b Forte demande. En France,467 sociétés Internet sollicitentdes fonds auprès desinvestisseurs, pour un montantglobal de 1,22 milliard d’euros(8 milliards de francs), selonl’indicateur Digital Business,arrêté à la fin d’avril.b Chiffres 2000. Les start-upliées à Internet ont récolté,durant l’année 2000,1,48 milliard d’euros definancements de la part desinvestisseurs. Sur les quatrepremiers mois de l’année,423,7 millions d’euros avaientété levés par 153 sociétés.b Chiffres 2001. Lesinvestisseurs devraient apporter1 milliard d’euros aux start-upen 2001. Sur les quatre premiersmois de l’année, 349,7 millionsd’euros (– 17,5 %) ont été levéspar 114 sociétés (un nombre endiminution de 26,5 %).b Concentration. De janvier àavril, six start-up ont concentré41 % des financements accordésaux sociétés Internet :Zebank (40 millions d’euros),Bfinance (34 millions d’euros),TravelPrice (22 millions d’euros),RightVision (17,5 millionsd’euros), HighDeal (16 millionsd’euros) et Mediapps(15 millions d’euros).b Difficultés pour lescréateurs. Parmi les start-up quirecherchent des financements,315 sociétés en phase decréation ou de démarragetentent de récolter un totalde 517,6 millions d’euros.b Abandons. 129 start-up ontrenoncé définitivement à leverdes fonds entre janvier etavril 2001. Elles cherchaient autotal 460,17 millions d’euros.32 % d’entre elles ont arrêté leuractivité, 21 % sont à vendre,34 % poursuivent leurdéveloppement sur leurs fondspropres et 13 % ont mené une« réorientation stratégique ».b Refinancement. Au premiertrimestre 2001, 80,9 % desinvestissements ont été allouésà des sociétés ayant déjàbénéficié d’un premierfinancement. En 2000, 52,8 % descapitaux s’étaient, au contraire,dirigés vers de nouvellessociétés.

FRANCFORTde notre correspondant

Eclatement de la bulle Internetoblige, les start-up allemandes ontdésormais du mal à boucler leurtour de table. Les activités de capital-risque, en plein développementdepuis le milieu des années 1990,ont été un peu ralenties par le retour-nement des valeurs technologiquesdepuis un an. Selon certains experts,les investissements dans les jeunessociétés promises à une forte crois-sance auraient chuté de 70 % entreles premiers trimestres 2000 et 2001.L’Internet, les médias et les télé-coms, sont les secteurs les plus tou-chés par ce coup de frein. Les bio-technologies, qui font actuellementl’objet d’un vaste débat dans la clas-se politique allemande, tirent mieuxleur épingle du jeu.

Le temps de l’argent facile, où iln’était pas très compliqué d’attirerplusieurs millions pour monter sasociété, est désormais révolu. Lesinvestisseurs ont appris à faire preu-ve de prudence. « Depuis la fin del’année 2000, les signes sont apparusqui laissent penser que le boom enre-gistré lors de la décennie précédenteaura du mal à se maintenir », esti-me-t-on auprès de l’Association alle-mande du capital-risque (BVK). Etd’ajouter : « Le marché s’oriente versune phase de concentration, caractéri-sée par des volumes d’investissementplus faibles, et un environnement plus

difficile pour collecter les fonds. » Aupremier trimestre, d’après de récen-tes statistiques, 1,4 milliard de deuts-chemarks (0,7 milliard d’euros) ontété investis par les adhérents de laBVK. En tendance, on est donc loindes 8,7 milliards de deutschemarks(4,5 milliards d’euros) investis surl’ensemble de l’année 2000, un exer-cice record en la matière.

Ce coup de frein survient tandisque le financement des start-up parle capital-risque a connu une mon-tée en puissance spectaculaire. Pen-dant longtemps, l’Allemagne est res-tée étrangère à la tradition trèsanglo-saxonne du « venture capi-tal » : la création d’entreprises étaittraditionnellement financée par lesbanques, par le biais de crédits classi-ques. Gestion prudente, méconnais-sance des secteurs technologiques,les établissements financiers

n’étaient pas les mieux placés poursoutenir le développement desjeunes pousses.

En quelques années, le paysage asensiblement évolué : l’Allemagnese trouve aujourd’hui en deuxièmeposition des pays européens dans ledomaine du capital-risque, certestrès loin derrière la Grande-Breta-gne. Le nombre d’investisseurs spé-cialisés – opérateurs locaux ou filia-les de groupes étrangers – a forte-ment augmenté depuis 1997.

Les « business angels », qui ontsouvent fait fortune avec leur pro-pre entreprise avant de se mettre àinvestir dans des jeunes pousses, sesont multipliés, tandis que les cen-tres incubateurs d’entreprisess’ouvraient un peu partout à traversle pays. Des régions comme la Baviè-re et le Bade-Wurtemberg, dotéesd’un tissu très dense de petites etmoyennes entreprises (PME), ontprofité de cet essor : à eux deux, cesLänder concentrent plus de la moitiédes investissements réalisés en 2000.La création et le développement rapi-de du Neuer Markt, le marché desvaleurs technologiques de la Boursede Francfort, offre depuis plus dequatre ans, une perspective de sortieappréciée des investisseurs ; ceux-cirécupèrent leur mise, ou bien davan-tage, en revendant leurs participa-tions en Bourse. Le plongeon duNeuer Markt – qui a perdu 70 % desa capitalisation depuis avril 2000 –

alimente d’ailleurs la morositéactuelle, car les entrées en Boursesont beaucoup plus risquées, et sesont donc raréfiées.

Malgré les récentes déconvenues,les professionnels ne sont pas tropinquiets. En matière de capital-ris-que, l’Allemagne disposerait d’un« potentiel de croissance » élevé. Lacréation d’entreprises connaît unregain d’intérêt, à tel point que cer-tains évoquent une « nouvelle géné-ration d’entrepreneurs », après celledes pères fondateurs du miracle éco-nomique de l’après-guerre. Confron-tée à des difficultés inattendues definancement, cette génération vadevoir patienter un peu avant des’imposer.

Philippe Ricard

Six sociétés reçoivent40 % des financements

La nouvelle économie ne faitplus rêver les salariés. « Beaucoupde start-up ont été gérées n’importecomment, analyse Pierre Ganter,cofondateur d’Assurway.com, quireçoit des candidatures de sala-riés déçus. Quand vous donnez desmillions de francs à quelqu’un devingt-cinq ans qui n’a jamais dirigépersonne, les dégâts peuvent êtreconsidérables. »

Depuis janvier, bon nombred’ex-salariés de start-up préfè-rent réintégrer le giron conforta-ble de groupes traditionnels.D’autres persistent dans la nou-velle économie mais sont désor-mais plus prudents. « Les candi-dats veulent savoir comment noussommes organisés, raconte PierreGanter. Avant, ce qui les intéressaitétait l’idée, le projet, maintenant,ils veulent un cadre de travail. »

E N T R E P R I S E S

INTERNET Un an après la pre-mière dégringolade boursière desvaleurs dites de la « nouvelle écono-mie », en mars 2000, les financierssont de retour. b DE JANVIER à avril

2001, 2,3 milliards de francs ont étéinvestis dans des start-up françaises.Ce chiffre est certes inférieur à celuidu premier quadrimestre 2000– 2,8 milliards de francs – mais reste

significatif. b LES INVESTISSEURSsont devenus très prudents : ils privi-légient les entreprises dans les-quelles ils ont déjà des intérêts pourtenter de « sauver les meubles », et

délaissent les start-up grand publicau profit des sociétés proposant destechnologies très pointues. b LESGROUPES TRADITIONNELS profitentde la conjoncture pour retrouver le

chemin de la Bourse ou investir dansdes start-up peu coûteuses. b LASITUATION est comparable enAllemagne, où les professionnels nesont pas trop inquiets.

La Netéconomie,piètre employeur

MONTANT TOTALen millions d'euros

TOTAL D'OPÉRATIONSen nombre

LES CAPITAUX INVESTIS DANS LES START-UP INTERNET EN FRANCE

La décrue continue

315,87

452,83

377337

261,98

93101108

142

99

1er 2e 3e 4e 1erTrim.

Source : Digital Business 2001

En 2001,les investissementsbaissent modérément,mais plus des quatrecinquièmes vont auxentreprises déjàfinancées.

En 2000,plus de la moitié desfonds s'étaient orientésvers de nouveauxprojets.

2000 2001

Les créationsd’entreprise étaientjusqu’alors financéespar les banques.En quelques années,cela a bien changé

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LE MONDE / MARDI 5 JUIN 2001

Page 16: e 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE … 57e ANNÉE – Nº 17530 – 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE MÉTROPOLITAINE -- MARDI 5 JUIN 2001 FONDATEUR : HUBERT BEUVE-MÉRY – DIRECTEUR : JEAN-MARIE

L’ÉPOQUE RÉCENTE où Steffi Graf s’autori-sait quelques fleurettes multicolores sur sa jupeet son polo semble bien loin du concours d’élé-gance auquel se livrent les nouvelles stars descours, les sœurs Williams en tête. Devant lamédiatisation croissante du tennis féminin, leséquipementiers misent sur des tenues facile-ment identifiables. Cheveux au vent et visage bai-gné de lumière, Serena Williams pose dans unemini-robe blanche à bandes lilas pour la dernièrecampagne Puma, photographiée par WarwickSaint, qui s’était déjà illustré sur les publicitésGucci. Soulignant au plus près les formes sculptu-rales de la joueuse, sa robe fuchsia à décolletécarré tranche avec les ensembles immaculés deses adversaires.

Trop peu aperçue sur la terre battue deRoland-Garros – pour cause d’élimination pré-maturée –, la nouvelle garde-robe Reebok de sasœur Venus pourrait bien s’afficher aux terrassesdes cafés cet été. Après son débardeur à fines bre-telles, fendu sur le haut des seins, l’Américaine achoisi des robes « bain de soleil », des jupettes etdes hauts dos nu, le tout dans des tonalités anis,bleu lagon ou jaune citron. L’important étant lapaire de chaussures assortie à chaque nuance…

Dans le dernier spot publicitaire de la marque,il n’est pas question de tennis mais de mode,avec une mise en scène façon Pretty Woman,montrant la joueuse en tailleur, au milieu de

gardes du corps qui l’accompagnent dans sonshopping.

Au moment où l’esprit « vintage » emballe lamode, Fila retrouve ses racines et réédite lestenues qui habillèrent les grandes heures deBjörn Borg, Guillermo Vilas ou Chris Evert dansles années 1970. Jennifer Capriati et Jelena Dokicportent ainsi robes de velours, jupes et polosdans des coloris discrets (blanc cassé, marine etrouge). Une inspiration rétro que cultive le trèsclassique Lacoste, avec des robes blanches et grisfumé marquées à la taille d’une bande rouge.

LES ROBES REVIENNENT« Les robes, qui avaient complètement disparu,

réapparaissent dans les ventes », remarque MarieGérard, directrice de la communication chez Adi-das-France. La jolie Russe Anna Kournikovan’est pas étrangère au phénomène, avec sesensembles mini-short et brassière dévoilant lenombril et surtout sa robe dorée de 1999, trèsphotographiée et rapidement en rupture destock dans les magasins Adidas. Egalementabsente de Roland-Garros, la Française MaryPierce est réputée pour ses panoplies inventiveset variées. « Aujourd’hui, l’objectif est d’allier latechnologie à la séduction dans des tenues de plusen plus féminines », explique Sophie Kamoun, res-ponsable de la communication de Nike-France.

Avant la défaite de la joueuse, la marque

misait sur la nouvelle tenue d’Amélie Mauresmo,qui a troqué son polo et son short pour une jupet-te blanche et un tee-shirt rouge. Chez Nike, oùles équipes de design élaborent les tenues un anà l’avance, on dit qu’Amélie pourrait apparaîtreen robe dans quelques mois. Si l’équipementierinsiste sur « l’influence de la tenue sur la confian-ce et la psychologie des joueuses », la sortie préma-turée de la tête de série nº 5 ne va pas aider àcommuniquer sur ce produit. « Nous le vendronsdifféremment, plus sur le long terme », préciseSophie Kamoun, reconnaissant qu’ « une victoireremplace n’importe quelle campagne de pub ».

Les performances de Martina Hingis serventainsi son « one arm top », un polo bleu glacieravec une manche courte et une manche longue.Chez Adidas, on ne tarit pas d’éloges sur ce vête-ment censé, selon Alain Billard, conseiller techni-que, « améliorer l’image mentale du mouvementdu bras dans l’espace, par une compression opti-male des capteurs sensoriels ». En boutique, cetarticle d’image est vendu avec deux manches lon-gues, pour éviter de pénaliser les gauchères etsurtout pour être plus commercial. « On auraitpu laisser les deux bras pour que le polo de Marti-na soit équilibré, explique Marie Gérard. Cedesign asymétrique est avant tout un moyen decommuniquer sur la technologie du produit. »

Anne-Laure Quilleriet

Face à Michael Russell, Gustavo Kuerten a senti souffler le vent du bouletLe Brésilien, qui vise une troisième victoire à Roland-Garros, a sauvé une balle de match face au jeune Américain Michael Russell,révélation de la première semaine, avant de renverser la situation. Il retrouvera en quart de finale le Russe Evgueni Kafelnikov

Quand les joueuses se transforment en mannequins...

ROLAND-GARROS Le Brésilien Gus-tavo Kuerten, vainqueur du tournoi en1997 et en 2000, s’est qualifié pour lesquarts de finale des Internationaux de Fran-ce de tennis en s’imposant, dimanche

3 juin, devant le jeune Américain MichaelRussell au terme d’une rencontre extrême-ment serrée (3-6, 4-6, 7-6 [7-3], 6-3, 6-1).b IL A SAUVÉ une balle de match au troisiè-me set, avant de prendre le dessus sur son

adversaire, issu des qualifications du tour-noi. En quart de finale, il se trouvera oppo-sé, mardi 5, à Evgueni Kafelnikov, lauréatdu tournoi en 1996. b L’AIR DE PARIS sem-ble redonner des ailes au Russe, vainqueur

de l’Espagnol Angel Robredo en huitièmede finale. Ces derniers temps, les ambitionsd’Evgueni Kafelnikov, dernier « produit »de l’école de tennis soviétique, semblaientsérieusement émoussées.

IL A DOUTÉ, il a souffert, et lepublic parisien, qui l’aime tant, atremblé pour lui. La fraîcheur de cet-te matinée du dimanche 3 juin abien failli refroidir l’ambition deGustavo Kuerten, qui vise une troi-sième victoire à Roland-Garros. LeBrésilien a remporté d’extrême jus-tesse et en cinq sets (3-6, 4-6, 7-6[7-3], 6-3, 6-1) le match qui l’oppo-sait en huitième de finale à l’Améri-cain Michael Russell, rescapé desqualifications qui a été la granderévélation de la première semainedes Internationaux de France.

« Le rêve de tout un chacun est derencontrer « Guga », souriaitMichael Russell l’avant-veille de larencontre. Rencontrer le numéro unmondial sur terre battue, ici, àRoland-Garros, je ne pouvais pasdemander mieux. Allons-y, amusons-nous, prenons du plaisir. Faisonsvibrer le public. » Et le public avibré...

A deux manches à zéro et cinqjeux à deux en faveur de MichaelRussell, il a même cru que le sort deson favori était scellé, tant GustavoKuerten ne parvenait pas à dévelop-per son jeu et ne faisait que subircelui – sans complexe et inusable –du petit Américain. Alors qu’il avaitservi pour tenter de sauver une bal-le de match - ce fut l’un des pluslongs et des plus silencieux échan-ges de la rencontre, sauf lorsque laballe du Brésilien effleura la lignede fond de court adverse –-, Gusta-vo Kuerten a pu renverser unesituation que d’aucuns considé-raient déjà comme désespérée.

« Bien sûr, on se dit toujours : et siseulement j’avais servi et volleyé, que

se serait-il passé ?, s’interrogeait,après sa défaite, Michael Russell.Mais « Guga » est bien le numéro unmondial, il ne va pas vous faire cadeaud’un match. Il s’est avancé, a lâché uncoup droit, m’a mis sur la défensive. Ila fini par dominer. Je n’ai pas été suffi-samment agressif contre lui. »

Michael Russell, vingt-trois ans,est un joueur atypique, l’exceptionaméricaine qui confirme la règle. Ala différence de la plupart de sescompatriotes, il n’aime rien davanta-ge que de faire des glissades sur laterre des courts, de Roland-Garrosou d’ailleurs. « Quand j’étais plusjeune, j’adorais regarder les joueursespagnols. Ils avaient un jeu tellementphysique, explique l’Américain à lamine d’adolescent facétieux.J’aimais aussi Agassi et Sampras,mais surtout les Espagnols... »

« JE M’ADAPTE EN DEUX JOURS »Michael Russell a débuté son par-

cours parisien en battant le Fran-çais Nicolas Mahut au premier tour.Il avait auparavant failli être sortides qualifications par un autre Fran-çais, Olivier Patience, sauvant dejustesse une balle de match contrelui. Au tour suivant, il profitait del’abandon d’un double vainqueurde Roland-Garros, l’Espagnol SergiBruguera, handicapé par une sinusi-te, avant de parvenir à vaincre autroisième tour, grâce à l’imposanttravail de préparation physiquequ’il s’inflige quotidiennement, leBelge Xavier Malisse.

Surface dure, terre battue : peuimporte à Michael Russell. « Je n’aipas de problème : je peux jouer surterre battue après avoir joué sur dur.

Je m’adapte en l’espace de deuxjours », raconte-t-il. Cette capacitéd’adaptation, il la doit notammentà son père George, directeur del’ATP Tour Tennis Club de PonteVedra, en Floride, qui lui mit uneraquette entre les mains alors qu’ilavait tout juste cinq ans. Les courtsde tennis sont devenus pour l’en-fant des terrains naturels de jeu. Ce

sens du jeu, Michael Russell, enfantde la balle, semble l’avoir gardéintact. Doté d’un gabarit proche decelui de joueurs comme Arnaud Clé-ment ou Sébastien Grosjean,Michael Russell fait preuve d’unegrande vivacité sur les courts et dis-pose d’une capacité de résistance etde riposte à faire désespérer lesplus farouches opposants. Son servi-

ce n’étant pas très puissant, il avoue« essayer d’avoir ses adversaires àl’usure ». « Et parfois je frappe »,conclut-il.

Autant Michael Russell n’a passemblé trop affecté par sa défaite– qui devrait lui valoir un nouveaustatut dans le milieu du tennis –,autant Gustavo Kuerten n’a pasparu rassuré par le scénario de sa

victoire. Fatigué, tendu, le doublevainqueur de Roland-Garros (en1997 et 2000) doit également com-poser avec une coupure aux orteilsqui pourrait avoir du mal à se faireoublier en deuxième semaine.

UN CŒUR IMMENSE« Remonter comme aujourd'hui,

c'est fantastique, a-t-il commenté.La vie ne m'a jamais rien accordé gra-tuitement. J'aime bien me battre,j'aime ces difficultés que je relèvedans la vie. Russell a eu un jeu trèsagressif et un excellent déplacement,alors que j'ai eu du mal à trouvermon rythme. »

Après sa victoire, le Brésilien a tra-cé avec sa raquette, dans la terre ducourt Philippe-Chatrier, un immen-se cœur. Il s’est agenouillé à l’inté-rieur et, les mains jointes, a remer-cié humblement le public. Etait-cepour se faire pardonner une presta-tion qui faillit lui coûter cher oupour remercier ce public tout entiergagné à sa cause ? « Ça m'est venucomme cela. C'était une façon deremercier le public pour son soutienpendant tout le match. »

Mardi 5, Gustavo Kuerten retrou-vera en quart de finale – et ce pourla troisième fois en cinq éditions – leRusse Evgueni Kafelnikov, un autreancien vainqueur de l’épreu-ve. « Cela va être dur, pratiquementau niveau d'une finale, estime le Bré-silien. Les deux fois où nous nous som-mes rencontrés, cela s'est terminé encinq sets. »

Jean-Jacques Larrochelle

Paris redonne des ailes à Evgueni Kafelnikov, le stakhanoviste des courts

a La perspective d’une demi-finale entre Belges dans le tournoiféminin se précise : Kim Clijsters et Justine Hénin, têtes de série numé-ro 12 et 14, se sont toutes deux qualifiées, samedi, pour les quarts definale. Elles y rencontreront respectivement, mardi 5 juin, la Hongroi-se Petra Mandula et la Russe Lina Krasnoroutskaya.a Fabrice Santoro a réussi l’une des performances du week-end enbattant le Russe Marat Safin (6-4, 6-4, 4-6, 0-6, 6-1), tête de sérienuméro deux, dont il est la bête noire, puisqu’il s’est imposé à six repri-ses sur sept rencontres. Un seul autre Français a passé le cap de la pre-mière semaine : Sébastien Grosjean a écarté, samedi, son compatrioteAnthony Dupuis (6-4, 2-6, 3-6, 6-4, 6-2). Fabrice Santoro et SébastienGrosjean devaient respectivement rencontrer, lundi, en huitièmes definale, les Espagnols Alex Corretja et Galo Blanco.

DANS LE HAUT du tableau desInternationaux de France, EvgueniKafelnikov chemine tranquille-ment. Il n’est plus le jeune premieraux humeurs si fantasques qu’ellesfaisaient de lui son premier rival.D’autres joueurs l’ont éclipsé parleurs résultats ou leurs frasques. Avingt-sept ans, il se présente fière-ment comme un père de famille,responsable de deux fillettes dontles anniversaires lui rappellent queson temps sur les courts est désor-mais compté.

Il n’est pas vieux, pas encore.Mais ses tournées stakhanovistes,sa manie de toujours s’aligner ensimple comme en double aumépris des blessures, ne défraientplus la chronique du tennis. Il n’enfait pas forcément moins, mais ilne gagne plus aussi souvent (untitre à Marseille en indoor pour lasaison en cours). D’autres que luiaspireraient à la retraite sportive.

Détenteur de vingt-trois titres,dont deux du Grand Chelem

– Roland-Garros en simple et endouble en 1996 et l’Open d’Austra-lie en 1999 –, Evgueni Kafelnikov aaussi occupé pendant six semainesla place de numéro un mondial.Finaliste à l’Open d’Australie enjanvier 2000, il a été sacré cham-pion olympique à Sydney en sep-tembre. Pourtant, le Russe necompte pas tirer sa révérence sansajouter une ligne à son tableaud’honneur : la Coupe Davis. Cellequ’il appelle « la seule pièce man-quante ».

Est-il pour autant « fini » pource qui concerne les tournois duGrand Chelem ? Il reconnaît quel’ambiance des Internationaux deFrance – premier tournoi du GrandChelem qu’il a disputé, à l’âge dedix-neuf ans, après s’être extraitdes qualifications – le transcende.A Paris, il redevient un joueur gour-mand aux jambes et au bras rajeu-nis. « C’est là que j’ai réalisé monrêve de jeune joueur de tennis, engagnant en 1996 », dit-il.

Dimanche 3 juin, il a dominé enquatre manches (6-3, 6-4, 1-6, 6-4)l’Espagnol Tommy Robredo, dix-neuf ans, finaliste du tournoijunior l’an passé. Pendant la ren-contre, il a marmonné pour lui-même quelques phrases mystérieu-ses. « Je ne pensais pas à la suite dutournoi, jure-t-il, même si mon butest de le gagner. Je me disais simple-ment qu’il était temps d’en finir avecce match. »

« ÊTRE PRÊT MENTALEMENT »En quart de finale, il doit rencon-

trer, mardi 5, Gustavo Kuerten,numéro un mondial et tenant dutitre. Par deux fois, avant de triom-pher sur la terre battue parisienneen 1997 et en 2000, le Brésilienavait dû écarter le Russe de sa rou-te au même stade de la compéti-tion. L’âpre lutte s’est à chaque foisconclue à la cinquième manche.Evgueni Kafelnikov sourit et pro-met implicitement une issue diffé-rente cette fois : « C’était le mini-

mum pour moi que d’arriver enquart de finale cette année, mais çane signifie pas que cela me suffit. »

Les statistiques ne parlent pas ensa faveur. Il a attaqué sa prépara-tion pour Roland-Garros à lami-avril avec une défaite au pre-mier tour du tournoi de Monte-Car-lo. A disputé neuf matches sur lapoussière rouge cette saison, pourseulement quatre victoires.

Gustavo Kuerten, lui, a brillé,avec trois titres sur terre battue(Buenos Aires, Acapulco, Monte-Carlo) et une finale (Rome). « Iln’est pas nécessaire d’avoir gagnébeaucoup de matches pour s’impo-ser ici, affirme Evgueni Kafelnikov.C’est plutôt une question de circons-tances, de confiance en soi et d’en-chaînement des événements. Il fautêtre prêt mentalement. Or ce tournoime fait donner le meilleur de moi-même. »

Dernier produit de l’école soviéti-que de tennis, Evgueni Kafelnikoven a surtout connu les avantages.

Au contraire de ses prédécesseurs– Andreï Cherkasov, Andreï Ches-nokov ou Alexander Volkov – àleurs débuts, il a toujours pu jouirde ses prix et d’une véritable libertéde mouvement. Heureux commeun gamin, il jouait jusqu’à l’épuise-ment. Certains l’ont accusé d’avoirpour l’argent un penchant malsain.Aujourd’hui, son compatrioteMarat Safin, numéro deux mondialet éliminé samedi par Fabrice San-toro, essuie des critiques similaires.En grand frère indulgent, EvgueniKafelnikov vient à son secours : « Ilfaut comprendre que nous – en toutcas moi – avons grandi sous le régi-me communiste. Nous n’avons pasla même mentalité que les gens del’Ouest. » En effet, Evgueni Kafel-nikov-le-milliardaire sait aussi don-ner. Après sa victoire, dimanche, ils’est empressé d’offrir sa raquetteà un spectateur cloué dans un fau-teuil roulant.

Patricia Jolly

Un œuf cru a été jeté sur lecourt par un spectateur pendantle huitième de finale des Interna-tionaux de France remporté parla Suissesse Martina Hingis, faceà la Française Sandrine Testud(6-1, 2-6, 6-2), dimanche 3 juin.« J'ai eu l'impression que c'étaitun œuf. Je n'ai pas été dérangée, etje ne pense pas que cela était dirigécontre moi », a déclaré MartinaHingis.

« J’ai été surprise, mais pas cho-quée, a pour sa part commentéSandrine Testud, qui était la der-nière joueuse française en lice àRoland-Garros. A Wimbledon, onpeut parfois voir quelqu’un courirtout nu sur le gazon. Alors, un œufqui tombe du ciel... » Le lanceurdu projectile n'ayant pas étéidentifié et le bureau des juges-arbitres ayant estimé que cetœuf de Pentecôte n'avait pasaltéré le déroulement de la par-tie, l'incident est clos.

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/AFP

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L’affaire de l’ « œufvolant » non identifié

Gustavo Kuerten dessine un cœur sur le sol du Central, pour remercier le public de son soutien.

LES RÉSULTATS

SIMPLE MESSIEURS (3e tour)b Troisième quart du tableauG. Blanco (Esp) b. L. Burgsmuller (All) 7-5, 6-2, 6-3 ;S. Grosjean (Fra, nº12) b. A. Dupuis (Fra) 6-4, 2-6,3-6, 6-4, 6-2 ; F. Squillari (Arg, nº16) b. A. Montanes(Esp) 6-3, 6-3, 5-7, 6-3 ; A. Agassi (USA, nº3)b. F. Meligeni (Bre) 6-3, 2-6, 6-1, 6-3.b Quatrième quart du tableauA. Corretja (Esp, nº13) b. M. Larsson (Sue) 6-0, 6-3,6-4 ; F. Santoro (Fra) b. M. Safin (Rus, nº2) 6-4, 6-4,4-6, 0-6, 6-1 ; W. Arthurs (Aus) b. N. Coutelot (Fra)7-6 (7/5), 6-7 (5/7) 7-6 (7/5), 7-6 (7/4) ; R. Federer(Sui) b. D. Sanchez (Esp) 6-4, 6-3, 1-6, 6-3.

Huitièmes de finaleG. Kuerten (Bre, nº1) b. M. Russell (USA) 3-6, 4-6, 7-6(7/3), 6-3, 6-1 ; E . Kafelnikov (Rus, nº7) b. T. Robredo(Esp) 6-3, 6-4, 1-6, 6-4 ; J.-C. Ferrero (Esp, nº4)b. T. Enqvist (Sue, nº14) 6-2, 6-4, 6-2 ; L. Hewitt (Aus,nº6)-G. Canas (Esp), 3-6, 6-7 (3-7), 6-2, 6-3, 4-2(interrompu par la nuit).

SIMPLE DAMES (3e tour)b Premier quart du tableauM. Hingis (Sui, nº1) b. R. Mc Quillan (Aus) 7-5, 6-1;S. Testud (Fra, nº17) b. E. Bovina (Rus) 6-3, 7-6(7/3) ; F. Schiavone (Ita) b. A. Coetzer (Afs, nº10) 7-5,6-4 ; C. Black (Zim) b. C. Martinez (Esp, nº8) 3-6, 6-3,6-4.b Deuxième quart du tableauJ. Capriati (USA, nº4) b. M. Lucic (Cro) 6-3, 6-1 ;M. Shaughnessy (USA, nº16) b. J. Husarova (Slo) 7-5,6-4 ; N. Petrova (Rus) b. A. Frazier (USA) 6-7 (2/7),6-4, 6-3 ; S. Williams (USA, nº6) b. Z. Gubacsi (Hon)6-1, 6-2.

Huitièmes de finaleM. Hingis b. S. Testud 6-1, 2-6, 6-2 ; F. Schiavoneb. C. Black 7-6 (7/2), 6-1 ; J. Capriati b. M. Shaughnes-sy 7-5, 6-1 ; S. Williams b. N. Petrova 6-3, 6-1 ; K. Cli-jsters (Bel, nº12) b. H. Nagyova (Slq) 6-4, 4-6, 6-3 ;P. Mandula (Hon) b. R. Grande (Ita) 6-2, 6-2 ; L. Krasno-routskaya (Rus) b. Farina (Ita) 6-2, 6-4 ; J. Hénin (Bel,nº14) b. B. Schett (Aut) 6-3, 6-4.

f www.lemonde.fr/rolandgarros2001

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LE MONDE / MARDI 5 JUIN 2001

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LE MONDE / MARDI 5 JUIN 2001 / 17

ULSAN (Corée du Sud)de notre envoyé spécial

Le monde du football n’en estplus à un paradoxe près. Un jour,on y prétend, la main sur le cœur,

que les petitspays n’exis-tent plus, queles grands nesont à l’abride rien et queles faibles necraignentplus les puis-

sants. Le lendemain, les faitsdémontrent le contraire. Et per-sonne ne s’en étonne.

Prenons la Coupe des Confédéra-tions, par exemple. Vendredi1er juin, l’équipe de France s’y faitcorriger sans nuance par onze Aus-traliens à peine connus de leurspropres supporteurs. Les Bleus s’in-clinent (0-1), sans donner l’impres-sion d’être en mesure de l’empor-ter. Roger Lemerre, le sélection-neur national, ne cache pas sadéception : « Les Australiens nousont donné une leçon. Ils ont récitéleur football, simplement, mais avecefficacité. »

Quarante-huit heures plus tard,les Tricolores poussent la porte dustade d’Ulsan, une ville industrielleposée au sud de la Corée, avec uneenvie de rachat chevillée au corps.Il leur faut écarter le Mexique pourcontinuer leur route et respecterleur rang. Ils le font, proprement etsans bavure. Mais, surprise, tousprennent des airs de souverainspour expliquer que le contraire

n’était même pas pensable. Allezcomprendre.

Pour affronter le Mexique,dimanche 3 juin, Roger Lemerre arenoncé à toute audace, contraire-ment au match précédent, où ilavait lancé sur la pelouse six nou-veaux venus. Il rappelle lesanciens, limitant la hardiesse àchoisir un gardien de but sanspassé chez les Bleus, Mickaël Lan-dreau, et un meneur de jeu guèreplus chevronné, Eric Carrière. Par-tis en trombe, les Français mar-quent sans tarder, par Sylvain Wil-tord (9e minute ), ils flemmardenten route, en milieu de premièremi-temps, avant de retrouvermeilleure allure, en seconde pério-de, une fois digérés les propos deRoger Lemerre : « On gagne rare-ment un match en restant cloîtrédans sa propre partie de terrain. »

Eric Carrière, le Nantais, a dûcomprendre le message, car il s’of-fre son premier but en équipe deFrance (63e), puis bientôt le deuxiè-me (83e), Robert Pires ayant mar-qué dans l’intervalle (72e). Quatrebuts à zéro, le Mexique crie grâce.Le couac de l’avant-veille, contrel’Australie, n’était donc qu’unbanal incident de parcours. EnCorée du Sud comme ailleurs, enpleine chaleur comme sous la fraî-cheur, les Bleus restent les Bleus,une machine à gagner à qui rien nerésiste.

Les tribunes vidées et sesjoueurs douchés, Roger Lemerre abien essayé, cette fois encore, degrandir l’adversaire. « Il y a eu ce

soir deux matches en un. En premiè-re mi-temps, les Mexicains ont faitjeu égal avec nous, et même un peumieux. Mon équipe a souffert. Etmoi avec », dit-il. Puis le sélection-neur remet les choses à leur vraieplace, les Français loin devant, lesMexicains derrière. « En secondepériode, analyse-t-il, nous avonsretrouvé notre défense, les gars ontallongé le jeu, et le réalisme françaisa fait le reste. »

« ON N’A JAMAIS ÉTÉ INQUIETS »Première de son groupe, donc

qualifiée pour les demi-finales,l’équipe de France poursuit sonchemin dans cette Coupe desConfédérations. Et elle le fait enbombant fièrement le torse.Bredouillant la veille encore desexcuses pour avoir fauté contre lesAustraliens, les Bleus ont quitté lestade d’Ulsan, dimanche, en vidantjoyeusement leurs poches d’unlong chapelet de certitudes. « Laqualification, c’est normal, glisseWilly Sagnol. On n’a jamais étéinquiets. Nous étions venus pouraller jusqu’au bout. Il nous restedeux matchs avant de partir envacances. Alors on va les jouer àfond. » Robert Pires, lui, balayed’un geste large toute questionmalvenue : « On a rétabli l’ordre,tout simplement. Avec notre stan-ding et l’équipe venue en Corée,nous ne pouvions pas nous permet-tre de rester coincés en route. C’étaitimpensable d’imaginer un autrerésultat. »

A l’assurance de ses aînés, Eric

Carrière oppose un visage angéli-que et des paroles retenues. Endeux rencontres avec les Bleus, ceNantais aux cheveux ras, tellementpeu épais qu’on peut craindre par-fois de le voir disparaître dans unpli de son maillot, a gagné laconfiance de ses pairs et une placede titulaire. A la sortie des vestiai-res beaucoup faisaient de lui l’hom-me du match. Et la presse alle-mande se renseignait sur son prixet la nature de son contrat avec leFC Nantes. Mais l’intéressé n’a pasencore appris à ne parler que delui.

« Je connais actuellement une cer-taine réussite, avouait-il entre deuxsourires. Mais je la dois surtout auxjoueurs qui m’entourent. Sur le pre-mier but, je reçois un excellent bal-lon de Robert Pires. Quant au deuxiè-me, je me retrouve tout seul grâce àune combinaison entre LaurentRobert et Youri Djorkaeff. C’est unbut d’opportuniste. » Une deuxiè-me semaine asiatique attend main-tenant l’équipe de France.

Ses joueurs s’en défendent, maisl’idée d’en finir après le premiertour n’aurait pas forcément fâchétout le monde. « On s’ennuie, c’estvrai, explique Bixente Lizarazu, etcette Coupe des Confédérationsn’est pas la compétition du siècle.Mais maintenant qu’on est là, fai-sons les choses le mieux possible. »Au moins pour faire en sorte quela planète football tourne toujoursdans le bon sens.

Alain Mercier

DÉPÊCHESa ATHLÉTISME : le Polonais Grégor-Adam Urbanowski, 41 ans, agagné, dimanche 3 juin, la 21e édition de Paris-Colmar à la marche(535 km) avec 50 min d’avance sur le Russe Alexeï Rodionov, vain-queur en 2000. Urbanowski a ainsi décroché son cinquième sacre enneuf participations, après ses victoires en 1994, 1996, 1997 et 1998.a AUTOMOBILISME : le Britannique Colin McRae (Ford) a empor-té, dimanche 3 juin, le rallye de Chypre, avec 16,4 s d’avance surRichard Burns (Subaru). Au classement du championnat du monde, leFinlandais Tomi Makkinen (Mitsubishi) a gardé sa place de leader,avec un point d’avance sur Carlos Sainz (Ford) et sept sur McRae.a BASKET-BALL : l’AS Villeurbanne s’est adjugé la Coupe de Fran-ce masculine, en dominant l’Elan Pau-Orthez (99-74), dimanche3 juin, au Palais omnisports de Paris-Bercy. Dans l’épreuve féminine,Valenciennes a dominé Aix-en-Provence (86-65).a CYCLISME : l’Italien Dario Frigo (Fassa Bortolo) a enlevé, diman-che 3 juin, le contre-la-montre individuel du Tour d’Italie, couru sur55,5 km de Sirmione à Salo. Son compatriote Gilberto Simoni (Lam-pre), qui a terminé 2e , a conservé le maillot rose de leader.a L’Espagnol Juan Carlos Dominguez (Banesto) a gagné, dimanche3 juin, la Bicyclette basque, à l’issue de la 5e et dernière étape gagnéepar l’Italien Ivan Basso (Fasso Bortolo).a L’Allemand Rolf Aldag (Telekom) s’est adjugé, dimanche 3 juin, la7e étape du Tour d’Allemagne. Son coéquipier kazakh Alexandre Vino-kourov, 2e, a gardé la tête du classement général.a FOOTBALL : Claude Puel a été informé par son président Jean-Louis Campora qu'il ne serait plus entraîneur de l'AS Monaco lasaison prochaine, a annoncé Charles Biétry, directeur des sports deFrance Télévision au cours de l'émission Stade 2, dimanche 3 juin.Didier Deschamps, milieu de terrain du FC Valence (Espagne) etancien capitaine de l'équipe de France, a été approché.a MOTOCYCLISME : le Brésilien Alex Barros (Honda) a gagné,dimanche 3 juin, le Grand Prix d’Italie (500 cc), 5e des seize épreuvesdu Championnat du monde et courue en deux manches en raisond’une interruption due à la pluie. L’Italien Valentino Rossi, en tête duclassement du championnat, a chuté dans le dernier tour. Les Japo-nais Tetsuya Harada (Aprilia) et Noboru Ueda (Honda) se sont respec-tivement imposés en 250 cc et en 125 cc.LOTOa Résultats des tirages no 44 effectués samedi 2 juin. Premier tira-ge : 4, 18, 19, 21, 30, 45 ; complémentaire : 2. Rapports pour 6 numé-ros : 3 205 200 F (488 630 ¤) ; 5 numéros et complémentaire : 44 575 F(6 795 ¤) ; 5 numéros : 6 155 F (938 ¤) ; 4 numéros et complémentaire :252 F (38,42 ¤) ; 4 numéros : 126 F (19,21 ¤) ; 3 numéros et complé-mentaire : 28 F (4,27 ¤) ; 3 numéros : 14 F (2,13 ¤). Second tirage : 1,8, 10, 30, 32, 41 ; complémentaire : 23. Rapports pour 6 numéros :13 717 025 F (2 091 147 ¤) ; 5 numéros et complémentaire : 51 395 F(7 835 ¤) ; 5 numéros : 6 670 F (1 016,83 ¤) ; 4 numéros et complémen-taire : 3 04 F (46,34 ¤) ; 4 numéros : 152 F (23,17 ¤) ; 3 numéros et com-plémentaire : 30 F (4,57 ¤) ; 3 numéros : 15 F (2,29 ¤).

A un an du Mondial, les champions en titres’offrent une opération de reconnaissance

Le Stade de France veut accueillir le Paris - Saint-Germain

LE FRANÇAIS Thomas Levet agagné, dimanche 3 juin, le Mastersbritannique, qui se jouait depuis le31 mai à Milton Keynes, en Angle-terre. II s’est imposé après des pro-longations (play-off) qui mettaientaux prises, fait exceptionnel, qua-tre joueurs – les Suédois RobertKarlsson et Mathias Gronberg, l’An-glais David Howell et le Français –qui avaient terminé le quatrièmetour dans le même score de 274coups, soit 14 sous le par.

C’est au troisième trou du play-off que Thomas Levet arrachait lavictoire grâce à un birdie etconcluait un tournoi dont l’issuefut particulièrement indécise etdramatique. A six trous de la fin, leFrançais et les deux Suédoisétaient à égalité à 16 coups sous lepar et distançaient l’Anglais, entête, au départ de la quatrième jour-née, de quatre coups. Les trois pre-miers concédaient deux bogeys cha-cun et se faisaient rattraper parHowell, auteur de deux birdies. Cedernier cédait cependant au pre-mier trou du play-off, de mêmeque Karlsson.

Thomas Levet, âgé de trente-

deux ans et professionnel depuis1988, décroche ainsi sa deuxièmevictoire sur le Tour européen aprèscelle acquise en 1998 à l’Open deCannes. Ce succès – et le chèque de345 000 euros qui l’accompagne –propulse le Parisien à la 8e place del’Ordre du mérite européen etdevrait lui permettre de disputer laprochaine Ryder Cup, qui aura lieuau mois de septembre.

LA BONNE TENUE DES FRANÇAISThomas Levet, premier Français

à emporter une victoire profession-nelle en terre britannique depuisArnaud Massy, en 1907, concrétisela très bonne tenue du golf hexago-nal, en 2001, avec les nombreusesplaces d’honneur obtenues par Oli-vier Edmond, Grégory Havret,Raphaël Jacquelin et Jean-FrançoisRemesy.

Sur le circuit américain, TigerWoods a encore donné libre coursà sa voracité en s’adjugeant l’Opende Dublin devant le jeune EspagnolSergio Garcia et l’Américain PaulAzinger, deuxièmes ex aequo.

Jean-Louis Aragon

FOOTBALL

En quête de rachat, les Bleus se qualifientpour les demi-finales de la Coupe des Confédérations

Après leur défaite contre l’Australie, les hommes de Roger Lemerre ont étrillé le Mexique (4-0)Après avoir été dominée par l’Australie (0-1) lorsde son deuxième match de la Coupe desConfédérations, le 1er juin, l’équipe de France a

battu le Mexique (4-0), dimanche 3 juin, se quali-fiant ainsi pour les demi-finales de l’épreuve.Son adversaire devait être désigné à l’issue de la

rencontre Japon-Brésil, qui se jouait lundi 4 juin.Mais, loin de leurs bases, il semblerait que lesBleus commencent à trouver le temps long.

DAEGU (Corée du Sud)de notre envoyé spécial

Pour les Bleus de Roger Lemerre, l’opération Mon-dial 2002 a vraiment commencé en Corée du Sud. Pasvraiment sur le terrain, où l’absence de Zinedine Zida-ne, Fabien Barthez ou Thierry Henry donne à l’équipede France un air encore trop lointain de ce qu’ellepourrait être dans moins de douze mois. Mais, pour lereste, la Coupe des Confédérations a toutes les alluresd’une répétition générale.

Henri Emile, l’un des assistants de Roger Lemerre,l’assurait sans un bémol dès sa descente de l’avion, le28 mai : « Nous sommes en configuration Coupe du mon-de. Même nombre de personnes, même organisation.Nous allons faire comme si nous y étions vraiment, pourrepérer les problèmes et prévoir toutes les solutions. »Faire comme si, pour les nouveaux maîtres de la planè-te football, est désormais synonyme de démesure. LesBleus ne voyagent plus « légers ». Ils déménagent.« On a fait venir 2,8 tonnes de matériel, dit Henri Emile.Et encore, c’est seulement le minimum, nous n’avons paspris notre eau ni notre pinard, et pas la moindre nourri-ture, sauf l’huile d’olive et la moutarde, pour pouvoir fai-re nos propres accompagnements. »

Première escale de ce voyage de reconnaissance,Daegu, une ville de près de 3 millions d’âmes, à moinsd’une heure de vol au sud de Séoul. Les Bleus y sontarrivés en force. Une délégation de 52 personnes,dont 23 joueurs. « Le même encadrement que pour leMondial », précisait Henri Emile. Deux cuisiniers, qua-tre kinésithérapeutes, un expert en informatique, untechnicien audiovisuel, un officier de sécurité.

La plupart d’entre eux avouaient s’ennuyer ferme,

dans les couloirs du Park Hotel, où les Bleus ont passéleurs cinq premières nuits du tournoi. Mais chacunsemblait vouloir jouer le jeu. « On ne reviendra plusavant le Mondial, expliquait Henri Emile, alors autanten profiter pour repérer vraiment les lieux. » Sa qualifi-cation pour la demi-finale de la Coupe des Confédéra-tions en poche, l’équipe de France aura maintenantpeut-être un avant-goût encore plus précis de son pro-chain séjour asiatique.

« PAS LE TEMPS DE VISITER »Elle pourrait poser très vite ses malles au Sheraton

de Séoul, l’hôtel qui leur sera réservé pour les deux pre-mières semaines du Mondial 2002. Henri Emile en arepéré chaque recoin, au mois d’avril, à l’occasion dutirage au sort de la Coupe des Confédérations. L’en-droit est réputé confortable, isolé et, surtout, situé àquelques minutes seulement du centre d’entraîne-ment mis à la disposition des Bleus par leur nouveaupartenaire, le groupe LG, géant coréen de l’électroni-que.

Les joueurs ? Ils observent, entre deux matches ettrois séances d’entraînement. « On n’a pas eu beau-coup le temps de visiter, on reste surtout à l’hôtel, recon-naît Patrick Vieira. Mais les gens ont l’air vraiment gen-tils. » Marcel Desailly, le capitaine des Bleus, attend levoyage vers Séoul sans cacher son impatience : « Jeveux voir où l’on sera en 2002. C’est l’un des intérêts de ceséjour. » Un autre aura été la découverte, dès leur des-cente d’avion, de ce fâcheux détail : les téléphones por-tables français ne fonctionnent pas sur le sol coréen.

A. M.

LE STADE DE FRANCE est loind’avoir abandonné son projet leplus cher : accueillir, un jour, leParis - Saint-Germain dans sesmurs. Après avoir tenté, sans suc-cès, de faire du PSG le club résidentqui lui fait toujours défaut, le con-sortium ayant la charge de l’exploi-tation du stade repart à l’attaque.Son directeur général, GaëtanDesruelles, a récemment rencontréles services de Marie-George Buf-fet, la ministre de la jeunesse et dessports, afin de faire part de sonidée : s’associer avec Canal+, action-naire majoritaire du PSG et proprié-taire de la société SESE, qui gère leParc des Princes, grâce à une con-vention signée avec la Ville de Paris.

Dans l’esprit des responsables duStade de France, cette « fusion »pourrait prendre la forme d’unesociété d’exploitation communedans laquelle le consortium (Bou-ygues-Vinci) et Canal+ (Vivendi Uni-versal) seraient représentés à partségales. Le but de cette entité consis-terait à rapprocher les activités mar-

keting des deux stades, ce qui auraitpour effet de favoriser la venue duPSG à Saint-Denis, « à raison decinq à dix matches par saison », ditun proche du dossier.

Les négociations passéesl’avaient démontré : faire déména-ger, même occasionnellement, lePSG au Stade de France a toujoursrelevé du casse-tête juridique. Letransfert des spectateurs abonnésdu Parc des Princes vers le Stade deFrance n’est pas chose aisée. Demême, faire cohabiter des sponsorsparfois antagonistes – exemple :Opel pour le PSG ; Renault pour leStade de France – est un obstaclemajeur. C’est pour contourner cesdifficultés que la création de cettesociété d’exploitation « à deuxtêtes » a été imaginée. Les diffé-rents contrats existants ou à venirseraient ainsi intégrés dans un pro-gramme commun.

Dans ce nouveau dispositif, leParc des Princes n’en continueraitpas moins d’accueillir la majoritédes matches du PSG, et le Stade de

France conserverait l’exclusivité deséquipes de France de football et derugby, ainsi que des finales de Cou-pes et de championnats. Neferaient l’objet d’une délocalisationen Seine-Saint-Denis que les mat-ches de prestige, ceux où la deman-de de billets est plus importanteque l’offre, du type PSG-OM ouPSG-Lyon, voire certaines rencon-tres de Coupe d’Europe (quand lePSG retrouvera les compétitionscontinentales).

LE MINISTÈRE FAVORABLEAlors que Gaëtan Desruelles doit

quitter le consortium fin juin aprèssept années passées à sa tête, sonsuccesseur, Pascal Simonin, qui estissu de Bouygues Telecom, a d’oreset déjà prévu de s’entretenir de cedossier avec Bertrand Delanoë, lemaire PS de Paris. Le consortiummise sur l’aval des pouvoirs publicsafin, plus tard, de convaincreCanal+.

Le ministère de la jeunesse et dessports, qui avait multiplié les initiati-

ves pour trouver, mais en vain, unclub résident, ne devrait pas s’oppo-ser au projet : l’accroissement dunombre de manifestations au Stadede France permettrait en effetd’augmenter les recettes nettes duconsortium, ce qui diminueraitd’autant l’indemnité de 70 millionsde francs que l’Etat doit verser, cha-que année, pour absence de clubrésident.

Les responsables du consortiumespèrent, en outre, que le succèsjamais démenti du Stade de Francedepuis son inauguration incitera lesdirigeants du PSG à tenter l’expé-rience. L’enceinte de 80 000 placesva faire le plein pour le concertd’AC/DC, le 22 juin, et pour Aïda,l’opéra de Giuseppe Verdi, le 14 sep-tembre. Les programmateurs du sta-de planchent également sur des pro-jets inédits, comme l’organisationde matches de football américain etde combats de boxe, ainsi que lacréation d’une corrida géante.

Frédéric Potet

Thomas Levet s’adjugeen prolongation le Masters

britannique de golfPremière outre-Manche pour un pro français, depuis 1907

a Christophe Dugarry blessé.L'attaquant des Girondins deBordeaux, blessé au mollet droitavant le match contre le Mexique(4-0), a quitté les Bleus, lundi4 juin, pour regagner la France.« La radio a confirmé une indisponi-bilité de douze jours. Dans ces condi-tions, il valait mieux qu'il rentre enFrance », a expliqué le sélection-neur national Roger Lemerre.

La fiche technique

FRANCE : Wiltord (9e), Carrière (63e, 83e),Pires (72e)

France - Mexique : 4 - 0

• Ulsan Munsu Stadium, à Ulsan ;temps lourd ; pelouse en bon état ;23 000 spectateurs ; arbitre : M. Ali

Mohamed Bujsaim (EAU)

Coupe des Confédérations, Groupe A3e et dernière journée

MEXIQUE :(sélectionneur : Meza)Sanchez • Suarez (cap.), Davino, V. Ruiz• Pardo, Rangel, M.A Ruiz (Reyes, 64e),Victorino (Rodriguez, 76e), Valdez •Abundis, De Nigris (Borgetti, 45e).

FRANCE :(sélectionneur : Lemerre)Landreau • Sagnol, Desailly (cap.),Silvestre, Lizarazu • Vieira • Pires(Dacourt, 85e), Carrière, Wiltord(Djorkaeff, 77e) • Marlet (Robert, 65e),Anelka.

• LES ÉQUIPES

BUTS

MEXIQUE : Valdez (62e, jeu irrégulier).

AVERTISSEMENTS

A U J O U R D ’ H U I - S P O R T S

Page 18: e 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE … 57e ANNÉE – Nº 17530 – 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE MÉTROPOLITAINE -- MARDI 5 JUIN 2001 FONDATEUR : HUBERT BEUVE-MÉRY – DIRECTEUR : JEAN-MARIE

18 / LE MONDE / MARDI 5 JUIN 2001

TOULOUSEde notre envoyé spécial

« Ce n’est plus un secret pour per-sonne, mais quand Toulouse jouecomme ça, ils font très mal. »Raphaël Ibanez, talonneur et capi-taine du Castres olympique (CO),n’a pas grand-chose à ajouter.Tout juste une légère déception dedevoir arrêter là, dans ce Stadiumde Toulouse chaviré par la ferveurd’un match éblouissant. Mais faceà un Stade toulousain commecelui qui s’est présenté sur le pré,samedi 2 juin, il n’y avait rien à fai-re d’autre, sinon « essayer de nepas trop subir et de colmater aumaximum », comme l’expliqueRaphaël Ibanez.

Colmater, c’est bien la seulechose à laquelle pendant quaranteminutes les Bleu et blanc du CO sesont employés. Quarante minutesd’un rugby comme certains lerêvent et que les stadistes pousséspar leur jeune garde rouge et noireont joué. Un rugby de féria, qui, letemps de la première période, aplongé l’adversaire tarnais venu làen voisin dans un désarroi total.Un rugby de lumière où la préci-sion des gestes, la vitesse d’enchaî-nement, la fluidité des passes etles incessantes relances sèment ledésordre absolu dans le campopposé.

« CLASSE BIBERON »Cette prestation renvoie les

esprits chagrins, comptables appli-qués « des temps de jeu » étri-qués, à leurs petits calculs depoids et de mesure. Pratiqué decette manière, le rugby devient évi-dent. Il coule de source. Il est lasuccession de mouvements jamaisinterrompus, une sorte de sym-phonie inachevée. « Ils jouentdebout. Ça rebondit d’un point à

l’autre », dit encore Raphaël Iba-nez, admiratif.

Ainsi, à l’issue d’une demi-finalequ’il faudra inscrire au programmedes écoles de rugby, le Stade tou-

lousain l’a emporté face au CastresOlympique sur le score de 32 à 21.Grâce à ce succès bâti durant unepremière mi-temps époustouflan-te, les Toulousains se sont quali-fiés pour la vingt et unième finaledu championnat de leur histoire(la neuvième depuis 1985),s’ouvrant peut-être la route d’unseizième sacre national (lehuitième au cours des seize derniè-res années). Autant de records quilaisseront rouler des torrents decailloux dans la Garonne avantd’être battus.

« Depuis dix ans que je joue ici,c’est la première fois qu’on fait untruc comme ça. » Christian Cali-fano, le pilier international duStade, s’enthousiasmait comme aupremier des cinq Boucliers de Bren-nus qu’il a soulevé en 1994. Hissésur les épaules de son compèreFranck Tournaire, il est allé saluerune dernière fois « son » publicbariolé en rouge et noir. « Cali »,

en instance de départ pourAuckland, en Nouvelle-Zélande,« Cali » l’enfant turbulent de larade toulonnaise adopté par lessupporteurs de la Ville rose, nepouvait pas espérer mieux qu’unesixième finale pour faire sesadieux au Stade. Mais le vieux bris-card sait bien que celle-là, il la doità une bande de « minots » élevésau grain stadiste, à peine sorti dela pépinière des Sept-Deniers.

Le plus jeune du trio (NicolasJeanjean, Clément Poitrenaud etFrédéric Michalak) que formecette « classe biberon » du club leplus huppé de France passerason baccalauréat professionnel– option commerce – en juin 2002.Du haut de ses dix-huit ans, Frédé-ric Michalak se familiarise depuisun mois avec le poste de demi demêlée derrière le pack toulousaindont il oriente la marche avec auto-rité.

UNE MATURITÉ IMPRESSIONNANTE« Il fallait que je donne tout, com-

mente-t-il après match. J’ai essayéde dynamiser le jeu. On s’est un peudéconcentré en deuxième période »,regrette-t-il. Pour pallier lesabsences de Jérôme Cazalbou,Jérôme Fillol et Joseph Ilharreguy,tous trois blessés, Guy Novès, lemanager toulousain, a propulsé enéquipe première celui qui étaitdemi d’ouverture en juniors il y aencore quelques semaines. « Jesuis impressionné par sa maturitésur le terrain », affirme ChristianCalifano. A tel point que JérômeCazalbou, cinq fois champion deFrance, titulaire incontestable duposte pendant près d’une décen-nie, aujourd’hui remis de ses tour-ments, fait désormais banquetteau côté des remplaçants.

« Jusqu’à cette année, je suivaisles phases finales dans les tribunes.J’encourageais Califano, Pelous,Ntamack et tous les autres », s’émer-veille Frédéric Michalak, grandgamin de 1,82 mètre aux traits ado-lescents. Samedi, c’est lui qui, avecl’ouvreur Yann Delaigue, rythmaitle tempo de l’orchestre toulousain.Arrivé au Stade dès l’âge de huitans, alors qu’il était encore pous-sin, Fredéric Michalak connaîtdéjà le frisson du Stade de Francepour y avoir gagné en 1999 le titrede champion de France cadet.C’était le 28 mai, en lever derideau d’une finale des « grands »qui opposait Toulouse à Mont-ferrand et que son club avaitgagnée.

Yves Bordenave

LANNILIS (Finistère)de notre envoyé spécial

De loin, on dirait un champd’échalotes. De près, c’en est un.Au milieu passe un chemin creux

empierré. Ici, dans le Finistèrenord, en Bretagne, on appelle çaun ribin (prononcez « ribine »).Toute la semaine, on y croise destracteurs, des vaches laitières derace holstein, des garennes dodusmais pas de Bretonnes à coiffe. Leweek-end, on n’y voit personne.Et, une fois l’an, début juin, on yrencontre un peloton cycliste, ivrede vitesse et de fatigue, lâché surces routes d’antan par Jean-PaulMellouët, inventeur de la plusétonnante épreuve de la saison :Tro Bro Léon (« A travers le paysde Léon »), 189 kilomètres entreroutes (165 km) et chemins(24 km), mer et sous-bois, grainset cagnard, ciel et terre, Lannilis etLannilis.

Cette course, curieusementméconnue, est née en 1984. « Undimanche, en rentrant d’une compé-tition, j’ai coupé par un ribin pourfaire plus vite et je me suis dit :Tiens, ça serait pas mal de faire rou-ler les gars là-dessus. » C’était par-ti. L’année d’après, Tro Bro Léonavait lieu, raconte Jean-Paul Mel-louët, tandis que ses longs che-veux couleur cendre balayent sonvisage sous l’effet d’un vent quipourrait bien annoncer la pluie. Lapremière édition a été organiséeau profit de Diwan, les écoles delangue bretonne qui viennent d’ob-tenir leur reconnaissance officiel-le. « C’était l’après-Plogoff, l’épo-que des radios libres. On était trèsconcernés. On l’est restés, mais,maintenant, la course a sa propreidentité. »

Tro Bro Léon n’est pas « A tra-vers le pays de Léon », c’est TroBro Léon, c’est tout, et cela faitune sacrée différence. Prenons unexemple : l’article 21 du règlementprévoit un prix de 1 000 F (152 ¤)au « meilleur Breton » classé à l’ar-rivée. Pour l’occasion, Jean-PaulMellouët précise les contours de laBretagne : « Les Côtes-d’Armor, leMorbihan, le Finistère, l’Ille-et-Vilai-ne et la Loire-Atlantique. Si, si, Nan-tes, c’est en Bretagne, il faut arrêterde délirer. La région Pays de la Loi-re n’a aucune réalité. La Loire-Atlantique, c’est chez nous. » A lafaveur d’une conquérante tournéedes grands ducs (de Bretagne), ilest même prêt à situer les confinsdu territoire aux proches environsde la gare Montparnasse.

10 000 SPECTATEURSIci, le vélo est aussi un moyen de

revendiquer une exception cultu-relle et d’en faire découvrir la perti-nence à tous ceux qui feront ledéplacement. « On n’en fait pastrop non plus, dit René Pellé, unancien amateur, qui a couru deuxTro Bro (1992 et 1995), avant d’in-tégrer la petite équipe – efficace ettruculente – des baliseurs. Tenez,on n’organise pas de fest noz aprèsla course. On pourrait, mais on nepeut pas tout faire bien. Le plusimportant, c’est quand même lacourse. » « Les gens sont déjà trèsmobilisés. On compte jusqu’à5 000 personnes à l’arrivée et sansdoute près de 10 000 le long du par-cours. Ca n’apporterait vraimentrien de plus », finit Jean-Paul Mel-louët.

Aux petits coups de main et auxsoutiens discrets des débuts ontsuccédé les partenariats officiels,presque tous régionaux, et les poi-gnées de mains publiques. L’épreu-ve a grandi. Elle plaît, et pas seule-ment aux champions. Le Télégram-me de Brest, le quotidien du dépar-tement, les autorités locales, lesétablissements Tanguy (bois etmatériaux), les Centres Leclerc dela région, le Crédit agricole, sanscompter le PMU et la société Pausemences, contribuent aux800 000 F (121 959 ¤) du budget.N’oublions pas les maints débits

de boisson (le 31 mai, c’était letour du Champigny, sis à Kernilis)qui se fendent d’apéritifs aussi gra-tuits qu’« à volonté » pour la dizai-ne de bénévoles trimant sans relâ-che.

Chacun y trouve son compte.Jean-Paul Mellouët satisfait sa pas-sion du vélo (il fut admirateur deJacques Anquetil, coureur àl’AC Milizac, créateur du Clubcycliste des Abers, ses deux fils cou-rent et son chat s’appelle Cippoli-ni) et son amour de la Bretagne(fils de paysan, il est né à Mene-ham, tout près de Kerlouan). Lespartenaires brillent, les politiquesjubilent et les représentants desdifférents syndicats d’initiative dela région se frottent les mains : TroBro Léon est la plus belle des cam-pagnes publicitaires dont ils pou-vaient rêver. Ce serait encoremieux si une chaîne de télévisionnationale s’intéressait pour de bonà l’événement. Parce que, ques-tion décor…

DES PIERRES, PAS DES PAVÉS« C’est tellement beau qu’on a

envie de s’arrêter », dit MarcMadiot, directeur sportif de laFrançaise des jeux, qui a emportéla course, dimanche 3 juin, grâce à

Jacky Durand. « Cette épreuve esttrop belle, trop bien organisée, pourqu’on s’abstienne », explique Jean-René Bernaudeau, son homologuechez Bonjour. Même en pleine pré-paration du Tour de France, lescoursiers ne rechignent pas à jouerles équilibristes endurants. Lesribins « tortueux et fourbes », ilsadorent. Rouleurs, grimpeurs,sprinters, tous en redemandent. Etpourtant, impossible d’échapperaux crevaisons, de rouler sur lesbas-côtés (il n’y en a pas), de dou-bler, de récupérer. « C’est le cyclis-me d’il y a cinquante ans, un sacrécoup de pédale en arrière, mais ilsviennent », s’amuse Jean-Paul Mel-louët.

Qui n’a pas longé la Manche,secoué comme une salière, entreNez Vran et Treseny ne peut com-prendre. Qui n’a pas vu l’AberVrac’h, l’estuaire du Finistère, duhaut de la corniche de Loguivy,couvert de poussière tel l’hommede la pampa, ne peut saisir. Qui n’apas noté les rhododendrons àfleurs bleues (augustinii) à l’atta-que du « coup de cul » du Vern nepeut piger. Quelle différence avecParis-Roubaix, demandez-vousencore ? « Le Tro Bro, c’est pas unecourse du Nord. C’est une course duFinistère nord », répond Jean-Pier-re Parlouar, baliseur. Ici, il n’y apas de pavés, sauf à Guisseny (aukilomètre 125), où on en a misdans le centre-ville pour ralentirles automobiles et faire joli. Etpuis, surtout, ce n’est pas l’enfer.C’est le paradis.

Michel Dalloni

Tim Lane, l’entraîneur australien de Montferrand, veut « faire l’histoire »LYON

de notre envoyé spécialPas son truc, les grandes effu-

sions. Pas dans ses habitudes, leschaleureuses embrassades et lesbourrades viriles. Tim Lane, l’en-traîneur australien de l’AS Mont-ferrand, a eu plutôt tendance à secambrer vers l’arrière et à garderles bras ballants quand quelquequidam se ruait sur lui pour le féli-citer d’avoir conduit le club auver-gnat vers la finale du championnatde France de rugby, peu après ladifficile victoire (16-9) de l’ASMsur Biarritz, en demi-finale, same-di 2 juin, à Lyon. A quelques pasde lui, en retrait, son compatrioteet coentraîneur, Steve Nance,paraissait encore plus mal à l’aise.

Les deux hommes n’ont, certes,aucun penchant pour ces exhibi-tions. Mais ils savent surtout quel’essentiel reste à faire : apporterun premier titre de champion à lacapitale auvergnate, qui en faitune affaire de fierté, après six ten-tatives infructueuses. Depuis 1924,date de sa première finale, perdueface à Narbonne, Montferrandessaie, essaie, essaie encore, maiss’incline aussi souvent que le Sta-de Toulousain, son futur adversai-re en finale, l’emporte. « Y’en amarre de perdre tout le temps enfinale contre Toulouse, souligne Jim-my Marlu, l’arrière de l’ASM. Cetteéquipe est notre chat noir, mais, cet-te année, on les a battus deux fois, etbien comme il faut. En finale, il fau-dra leur mettre une branlée. »

Tim Lane nourrit le même pro-jet. Dans son franglais, il appellecela « faire l’histoire ». « En Austra-lie, on dit qu’il faut perdre une fina-le avant d’en gagner une, expliqueTim Lane. Mais mon dicton à moi,c’est que nous avons à gagner unefinale avant d’en gagner uneautre. » Cette maxime pourraitfigurer dans son contrat de travail.Car c’est avant tout pour cela,pour gagner enfin une finale dechampionnat, que ChristopheMombet, le manager général del’ASM, est allé le débaucher à l’été2000.

En Australie, Tim Lane s’étaitfait une belle réputation en partici-pant à l’aventure victorieuse desWallabies, champions du monde1999, en qualité d’entraîneuradjoint de Rod Macqueen. Il aime

l’air du large et les défis. Il a accep-té l’offre de Christophe Mombet,et l’argent de Michelin, puis il arejoint l’Auvergne en compagniede son compatriote Steve Nance.L’aventure a failli tourner court.Tout Clermont-Ferrand s’est alar-mé lorsque l’ASM, livrée aux Aus-traliens, a entamé sa saison de lapire des manières, en s’inclinantnotamment devant les modestesvoisins d’Aurillac.

GROS EFFORT PHYSIQUELes deux hommes, débarqués

dans l’univers parfois baroque durugby de club en France, avaientsimplement besoin d’un tempsd’adaptation. L’hiver était à peinecommencé que tout Clermontavait retrouvé espoir et fierté.L’ASM avait pris la tête de sa pou-

le, pour ne plus la quitter. En équi-pe de France, les joueurs venusd’Auvergne, Olivier Magne etGérald Merceron, étaient parmiles seuls à pouvoir soutenir la com-paraison avec les Anglais sur leplan physique. Leur santé éclatan-te illustrait le travail conduit àMontferrand.

Dès leur arrivée, Tim Lane et Ste-ve Nance ont en effet mis l’accentsur la préparation physique, appor-tant un niveau d’exigence sansdoute jamais vu en France : « Unefracture avec ce qui se faisaitavant », constate Christophe Mom-bet, admiratif. Quelques joueursachevaient les entraînements àl’agonie, mais, le jour du match, ilsfinissaient toujours plus fort queleurs adversaires. Biarritz puis Tou-louse s’en sont aperçus lors de lasaison régulière, en se laissantremonter au score dans les derniè-res minutes par des Montferran-dais capables de jouer à fond pen-dant quatre-vingts minutes.

Samedi, pourtant, les « Asémis-tes » ont paru moins à l’aise en finde partie. Ils l’ont emporté grâce àleur efficacité, en convertissantleur seule occasion d’essai (OlivierMagne, 50e), quand les Biarrots enavaient laissé filer deux belles, enpremière mi-temps. Ce néo-réalis-me, marque de fabrique australien-ne, fera-t-il l’affaire face aux Tou-lousains, détenteurs du modèledéposé du réalisme à la française ?

Eric Collier

Le Français Jacky Durand (LaFrançaise des jeux) a emporté,dimanche 3 juin, la 18e édition deTro Bro Léon, disputée à Lannilis(Finistère) sur 189 kilomètres,dont 24 de chemins empierrés(ribins, en breton). JackyDurand, dont c’était la premièreparticipation à l’épreuve, s’estimposé en solitaire après s’êtreimmiscé dans une échappée par-tie très tôt. Son succès témoignede la forme de La Française desjeux, qui a gagné coup sur coupdeux étapes au Midi libre, grâceau Suisse Sven Montgomery et àl’Australien Brad McGee, à l’ap-proche du Tour de France (LeMonde daté 27-28 mai et du29 mai). La deuxième place estrevenue au Belge Erwin Thijs(Collstrop), le Français Eddy Lem-bo (Jean-Delatour) terminanttroisième. La dernière victoire deJacky Durand remonte au moisde mars 1999, lorsqu’il s’étaitimposé à l’arrivée de l’étape deSisteron, lors de Paris-Nice. Surles 89 partants de Tro Bro Léon,30 seulement ont rallié l’arrivée.

La finale du championnat de France de rugby2000-2001 opposera, samedi 9 juin au Stade deFrance, le Stade toulousain à l’AS Montferrand.

En demi-finales, les Toulousains ont battu Cas-tres (32-21) tandis que les Auvergnats élimi-naient Biarritz (16-9). Ce sera la vingt et unième

finale pour Toulouse, qui visera un seizièmesacre, et la septième pour Montferrand, qui n’estjamais parvenu à remporter le titre.

JEA

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REPORTAGELes coureurs adorentêtre secoués par les« ribins », les cheminsdu Finistère nord

Une première mi-temps de rêve propulse Toulouseen finale du championnat pour la 21e fois

Les jeunes rugbymen stadistes ont brillé contre Castres, battu 32 points à 21

La fiche techniqueTOULOUSE-CASTRES 32-21

• LES ÉQUIPES

LES POINTS

STADE TOULOUSAIN (entraîneur : Novès) : Jeanjean • Garbajosa, Desbrosse (Penaud,70), Poitrenaud (Ougier, 40e), Marfaing • (o) Delaigue - (m) Michalak • Labit (Lacroix, 62e),Pelous (cap.), Bouilhou • Gérard (Dispagne, 72e), Miorin (Belot, 62e) • Tournaire (Soulette,54e), Bru, Califano (Tournaire, 77e).

CASTRES (entraîneur : Gaillard) : Rolleston (Mola, 60e) • Sarraméa, Berryman(Delmotte, 13e), Artiguste, Plisson - (o) Townsend • (m) Albouy • Costes, Lassissi, Diaz(Taussac, 66e) • Chinaro, Laluque (Bourdet, 52e) • Reggiardo (Toussaint, 40), Ibanez(cap.), Tzabadze (Reggiardo, 66e).

CASTRES : 2 essais d' Albouy (28e), Plisson (67e) ; 1 transformation de Sarraméa (67e);3 pénalités de Sarraméa (5e, 40e, 73e)

TOULOUSE : 2 essais de Desbrosse (12e), Delaigue (36e) ; 2 transformations de Marfaing(12e, 36e) ; 6 pénalités de Marfaing (7e, 46e, 63e, 72e) et Michalak (26e, 40e).

Championnat de France - Demi-finale• Au Stadium, à Toulouse ; terrain bon ; temps ensoleillé ; 37 000 spectateurs ;

Arbitre : M. Didier Mené (comité de Provence).

Le jeune demi de mêlée toulousain Frédéric Michalak a dirigéson pack de main de maître et marqué six points au pied.

La fiche techniqueMONTFERRAND-BIARRITZ 16-9

• LES ÉQUIPES

LES POINTS

BIARRITZ (entraîneur : Lagisquet et Rodriguez) : Bonetti • Bernat-Salles, Isaac, Couttet(Daguerre, 67e), Bidabé • (o) Botica (Peyrelongue, 80e), (m) Mazas (Morlaes, 70e) • Milhères,Th. Lièvremont, Betsen (M. Lièvremont, 53e) • Roumat (Nauroy, 59e), Versailles • Avril(Irazoqui, 75e), Gonzalez (cap.), Ménieu (Dabadie, 77e).

MONTFERRAND (entraîneur : Lane) : Marlu • Rougerie, Ngauamo, Nadau, Bory •(o) Merceron, (m) Troncon • Magne, Boome, Audebert • Lecomte, Barrier (Machacek,82e) • Galasso, Y. Pedrosa, Tolofua (Reidy, 71e).

MONTFERRAND : 1 essai de Magne (50e) ; 1 transformation de Merceron (50e) ; 1pénalité de Merceron (26e ; 2 drops de Merceron (40e, 53e).BIARRITZ : 3 pénalités de Botica (17e, 23e, 70e).

Championnat de France - Demi-finale• Au stade Gerland, Lyon ; temps doux ; terrain bon ; 30 000 spectateurs ;

arbitre : M. Dumé (Côte d'Argent).

A U J O U R D ’ H U I - S P O R T S

Tro Bro Léon entretientla légende du cyclisme

breton des originesUne course unique qui plaît au peloton depuis 1984

Jacky Durand a vaincules « ribins »

Page 19: e 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE … 57e ANNÉE – Nº 17530 – 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE MÉTROPOLITAINE -- MARDI 5 JUIN 2001 FONDATEUR : HUBERT BEUVE-MÉRY – DIRECTEUR : JEAN-MARIE

LE MONDE / MARDI 5 JUIN 2001 / 19

DANS la forêt enchantée,5 000 lapins vivaient heureux jus-qu’au jour où arriva un couple delynx. Or chaque lynx mange unlapin par jour !

Croyant bien faire, Merlin dotaces animaux d’un pouvoir de re-

production magique : chaquejour, après le repas des « fau-ves », chaque lapin donneraitnaissance à deux nouveauxlapins, tandis que chaque lynx nedonnerait naissance qu’à un seullynx.

Les lapins réussirent-ils à sur-vivre ?

Elisabeth Busser et Gilles Cohen© POLE 2001

Solution dans Le Monde du12 juin.

HORIZONTALEMENT

I. Tout juste, sans déborde-ment. Tout juste, mais attentionau débordement. - II. Grenouilleou crapaud. Impossible d’en sor-tir. - III. Carnassières d’eaux sta-gnantes. Départ à la belote. - IV.Après la levée. Rencontre d’eaux,douce et salée. - V. Gros et soli-des porteurs. Ferme du Sud. - VI.Métal rare. Dessus de lit. - VII.Echappement libre. Petit cours.Pris en mains. - VIII. Fin d’infini-tif. S’attend toujours au pire. -IX. Le temps de faire un grand

tour. Occupe le bas de l’échellechez les grands d’Espagne. - X.Un homme mis en pièces.Possessif.

VERTICALEMENT

1. Des coups sur la peau. - 2.Fait preuve de résistance. Débutde résistance. - 3. Peut prendreles commandes en cas de besoin.- 4. Ecole ouverte à tous. Moyen.Dix-septième chez les Grecs. - 5.Sent l’ail, mais évitez d’en pren-dre. Personnel. - 6. Démonstratif.Manque de bon sens. - 7. Virage

à bien négocier. Sur la Méditer-ranée, entre Valence et Alicante.- 8. Leur train est à maintenir enbon état. Dans une planque. - 9.But comme une bête. Fin d’unpremier cycle. - 10. Approche deschoses. - 11. En France et dansParis. Faire comme le chevreuil. -12. Obligations.

Philippe Dupuis

SOLUTION DU N° 01 - 131

HorizontalementI. Déclin. Merle. - II. Irrésolu-

tion. - III. Saï. Cuir. - IV. Ci. Che-mineau. - V. Olive. Oser. - VI.Ultimatum. Râ. - VII. Réa. Ise.Bran. - VIII. Lie. Noroît. - IX.Unie. Attis. - X. Rieuse. Aléas.

Verticalement1. Discoureur. - 2. Eraillé. Ni. -

3. Cri. Italie. - 4. Le. CVI. Ieu. - 5.Ischémie. - 6. Noue. As. Ae. - 7.Limitent. - 8. Mûri. Ota. - 9. Et.Nombril. - 10. Rimes. Rosé. - 11.Lô. Aérai. - 12. Endurantes.

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12

I

II

III

IV

V

VI

VII

VIII

IX

X

10o 20o0o

40 o

50 o

Belfast

Belgrade SofiaToulouse

Barcelone

Dublin

Londres

Paris

Lyon

Nantes

Bruxelles

Amsterdam

Liverpool

StockholmOslo

Berlin

Prague

VienneBudapest

Bucarest

Strasbourg

Moscou

Kiev

MadridLisbonne

Séville

Alger

Rabat

Tunis

Berne

Milan

RomeNaples

Athènes

Istanbul

Varsovie

Prévisionsvers 12h00

Ensoleillé

Peunuageux

Couvert

Averses

Pluie

Orages

Brumebrouillard

Brèveséclaircies

Vent fort

Neige

PRÉVISIONS POUR LEVISIONS POUR LEVille par ville, les minima/maxima de températureet l’état du ciel. S : ensoleillé; N : nuageux;C : couvert; P : pluie; * : neige.FRANCE métropoleAJACCIOBIARRITZBORDEAUXBOURGESBRESTCAENCHERBOURGCLERMONT-F.DIJONGRENOBLELILLELIMOGESLYONMARSEILLE

NANCYNANTESNICEPARISPAUPERPIGNANRENNESST-ETIENNESTRASBOURGTOULOUSETOURSFRANCE outre-merCAYENNEFORT-DE-FR.NOUMEA

PAPEETEPOINTE-A-PIT.ST-DENIS-RÉ.EUROPEAMSTERDAMATHENESBARCELONEBELFASTBELGRADEBERLINBERNEBRUXELLESBUCARESTBUDAPESTCOPENHAGUEDUBLINFRANCFORTGENEVEHELSINKIISTANBUL

KIEVLISBONNELIVERPOOLLONDRESLUXEMBOURGMADRIDMILANMOSCOUMUNICHNAPLESOSLOPALMA DE M.PRAGUEROMESEVILLESOFIAST-PETERSB.STOCKHOLMTENERIFEVARSOVIE

VENISEVIENNEAMÉRIQUESBRASILIABUENOS AIR.CARACASCHICAGOLIMALOS ANGELESMEXICOMONTREALNEW YORKSAN FRANCIS.SANTIAGO/CHITORONTOWASHINGTONAFRIQUEALGERDAKARKINSHASA

LE CAIRENAIROBIPRETORIARABATTUNISASIE-OCÉANIEBANGKOKBEYROUTHBOMBAYDJAKARTADUBAIHANOIHONGKONGJERUSALEMNEW DEHLIPEKINSEOULSINGAPOURSYDNEYTOKYO

05 JUIN 2001

14/25 S16/20 N12/24 N

9/24 S10/19 P10/18 N

6/19 N5/24 S6/22 S8/28 S7/21 S

10/23 S9/26 S

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9/22 N5/22 S

16/25 S7/22 S

13/23 N15/27 S7/22 N8/25 S5/22 S

13/26 S9/22 S

23/29 P26/30 S21/25 S

18/25 S17/26 S11/19 S

20/25 S

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9/14 C11/20 S8/16 C6/25 S

13/21 S8/21 S

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05 JUIN 200105 JUIN 2001

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MOTS CROISÉS PROBLÈME No 01 - 132 AFFAIRE DE LOGIQUE PROBLÈME No 226

Situation le 4 juin à 0 heure TU

Lynx et lapins

Retrouvez nos grillessur www.lemonde.fr

D’UNE SAUVAGERIE brute auxlimites de la folie, le tableau – expo-sé au Musée du Prado, à Madrid –où Goya montre Saturne dévorantl’un de ses enfants aurait pu illus-trer cet article. Car, pour la premiè-re fois, des astronomes viennentde prouver le cannibalisme decertaines étoiles qui, elles aussi,peuvent engloutir leurs enfants-planètes. Pas question, évidem-ment, de prendre la coupable enflagrant délit. C’est donc à une véri-table enquête de détective que sesont livrés quatre scientifiques,deux de l’Institut d’astrophysiquedes Canaries et deux membres dufameux groupe de recherche deplanètes extrasolaires de l’Observa-

toire de Genève, qui, en 1995,découvrit la première d’entre elles.

Les résultats de cette traque sub-tile ont été publiés dans la revuebritannique Nature du 10 mai etconcernent une petite étoile analo-gue à notre Soleil, HD 82943,située dans la constellation del’Hydre. Un peu plus grosse et pluschaude que notre astre du jour,elle dispose déjà de deux compa-gnons. Comment notre quatuor dechercheurs a-t-il réussi à découvrirque HD 82943 en avait mangé untroisième ? De la même manièreque Sherlock Holmes colle son œilderrière sa loupe pour déceler lesplus infimes indices, ils ont utiliséun instrument grossissant, et nondes moindres : l’un des quatretélescopes géants du VLT, que l’Ob-servatoire européen austral (ESO)a installé au Chili, équipé du spec-trographe UVES.

L’indice recherché dans le spec-tre de l’étoile était le lithium-6, unisotope rare de cet élément léger.Il présente la caractéristique d’êtretrès « fragile », si l’on considèreque la fragilité consiste à ne pasrésister aux collisions avec des pro-tons dès que la température dulieu dans lequel on se trouveatteint le million et demi de

degrés… Des conditions qui sontlargement dépassées dans une étoi-le de type solaire, qui brûle ses ato-mes de lithium-6 au cours des pre-miers stades de sa vie. La théorieprévoit en effet que les mouve-ments internes de l’astre brassentles couches externes et internes etque cet élément disparaisse com-plètement en quelques millionsd’années.

Toutefois – et cette exception ason importance –, le mélange nes’effectue plus lorsque l’étoile aatteint l’âge adulte, car les couchesexternes demeurent séparées desparties centrales très chaudes. Si, àce moment-là, l’astre reçoit dulithium-6 venu d’ailleurs, celui-cipeut donc être préservé de la des-truction dans des zones « tempé-rées », et ce, probablement, pen-dant des milliards d’années.

Les auteurs de l’étude de Natureont donc cherché et trouvé la signa-ture du lithium-6 dans le spectrede HD 82943. « La plus simple etplus convaincante façon d’expliquercette observation, estime NunoSantos, de l’observatoire deGenève, consiste à dire qu’une ouplusieurs planètes – ou au moins dumatériel planétaire – sont tombéesdans l’étoile, après que celle-ci eut

dépassé les premiers stades de sonévolution. » Pour comprendre cemécanisme, il faut savoir que, lespremières exoplanètes détectéesétant toutes des géantes naviguantà proximité de leur étoile, les astro-nomes ont été contraints de revoirleurs théories de formation des pla-nètes. On pense désormais que cesmammouths de l’espace naissentloin de leur Soleil puis s’en rappro-chent. Des scénarios prévoient quecertaines planètes ne parviennentpas à s’arrêter et choient dans leurétoile.

A partir de la quantité delithium-6 mesurée dans HD 82943,il est même possible de calculer lamasse de la planète-kamikaze,explique Garik Israelian, de l’Insti-tut d’astrophysique des Canaries :« L’étoile a avalé l’équivalent d’uneplanète géante ayant deux fois lamasse de Jupiter. » Si la planète enquestion n’était pas gazeuse maisde type terrestre – dans lequel lelithium-6 est plus abondant –, l’es-timation est revue à la baisse :dans ce cas, le compagnon croquéferait tout de même trois fois lamasse de la Terre. Espérons simple-ment qu’il n’était pas habité…

Pierre Barthélémy

Prévisions pour le 6 juin 0 heure TU

Vue d’artiste de l’engloutissementd’une planète par son étoile.

Nuageux par l’ouest

ASTRONOMIE

L’étoile qui avait dévoré sa planète

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a ÉGYPTE. Fram propose une bro-chure spéciale rassemblant unesélection de produits vers cettedestination à des prix revus à labaisse. Sont ainsi présentées qua-tre croisières et quatre séjoursdont les prix sont jusqu’à 2 000 Fmoins chers. Démarche analoguede Rev’Vacances, qui propose despromotions pour des séjours etdes croisières en Egypte, avec desréductions jusqu’à 3 000 F.a ESPAGNE. Le Musée Guggen-heim de Bilbao présente, jusqu’au2 septembre, une exposition surles vingt-cinq ans de création ducouturier italien Giorgio Armani(Le Monde du 19 mai). La mise enscène des 400 pièces est signéeRobert Wilson. A cette occasion, levoyagiste Mundicolor propose unweek-end trois jours/deuxnuits àl’hôtel Ercilla, un quatre étoiles,incluant les vols sur Iberia et l’en-trée au Guggenheim. Dans lesagences de voyages.

Solution du jeu no 225 paru dans Le Monde du 29mai.

Il y a six façons de répartir 5 euros entre troisgamins.

– Trois configurations 3–1–1 (il y a trois façons dechoisir celui qui aura 3 euros).

– Trois configurations 2–2–1 (il y a trois façons dechoisir celui qui aura 1 euro).

– Il y a cent vingt façons de répartir 11 eurosentre quatre gamins.

Plus généralement, si le grand-père dispose de n piè-ces, on les place côte à côte et on numérote les espa-ces de 1 à n – 1, comme sur le dessin.

Il y aura autant de répartitions entre p petits-enfants que de façons de placer (p – 1) séparationssur ces n – 1 espaces disponibles. A gauche de la pre-mière séparation, il y aura les pièces du premiergamin, puis celles du deuxième... jusqu’aux pièces dudernier gamin à droite de la dernière séparation.

Si on note n ! le produit de tous les entiers de 1 à n,le nombre de façons de choisir (p – 1) espaces parmiles (n – 1) possibles, connu depuis Blaise Pascal,vaut :

Pour n = 11 et p = 4, cela fait bien 120.

MARDI. Une faible zone dépres-sionnaire se forme de l’Espagne ausud-ouest de la France avec desremontées d’air chaud par le sud.De l’air froid d’altitude gagne parl’ouest, déstabilisant la masse d’air.Les nuages deviennent plus nom-breux sur l’Ouest l’après-midi, avecquelques ondées éparses et mêmedes orages locaux au sud.

Bretagne, pays de Loire, Basse-Normandie. La matinée sera enco-re assez bien ensoleillée, maisl’après-midi les nuages devien-dront de plus en plus nombreuxpar l’ouest, avec quelques ondées,parfois orageuses près des côtes.Les températures maximales avoisi-neront 18 à 22 degrés.

Nord-Picardie, Ile-de-France,Centre, Haute-Normandie,Ardennes. Après dissipation dequelques brouillards matinaux, lesoleil brillera largement. Il fera 19 à23 degrés l’après-midi.

Champagne, Lorraine, Alsace,Bourgogne, Franche-Comté. Lesquelques brouillards locaux formésau lever du jour se dissiperont rapi-

dement pour laisser place au soleil.Le thermomètre marquera de 19 à22 degrés l’après-midi.

Poitou-Charentes, Aquitaine,Midi-Pyrénées. Malgré quelquespassages de nuages élevés, le soleilsera encore prédominant le matin.L’après-midi, les nuages devien-dront de plus en plus nombreuxpar l’ouest, avec quelques ondéeséparses et des orages locaux en finde journée. Les températures maxi-males avoisineront 24 à 26 degrés.

Limousin, Auvergne, Rhône-Alpes. Malgré quelques passagesde nuages élevés, le soleil seragénéreux. En cours d’après-midi, leciel deviendra plus nuageux duLimousin à l’Auvergne et quelquesondées orageuses se produiront enfin de journée. Il fera 22 à26 degrés l’après-midi.

Languedoc-Roussillon, Proven-ce-Alpes-Côte d’Azur, Corse. Surle Languedoc-Roussillon, les nua-ges deviendront plus nombreuxl’après-midi. Ailleurs, il fera beauet les températures maximales avoi-sineront 23 à 26 degrés.

Lever Coucher

Lever Coucher

5 h 50 21 h 50

23 h 22 7 h 37

SOLEIL ET LUNE DE LA SEMAINE• vendredi 8 juin 2001 (à Paris) •

(le 7/6)

LE MONDE INTERACTIF

avec 0123DATÉ MERCREDI

LE CARNETDU VOYAGEUR

A U J O U R D ’ H U I

Page 20: e 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE … 57e ANNÉE – Nº 17530 – 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE MÉTROPOLITAINE -- MARDI 5 JUIN 2001 FONDATEUR : HUBERT BEUVE-MÉRY – DIRECTEUR : JEAN-MARIE

La mort d’Anthony Quinn, sang-mêlé aux appétits gargantuesquesL’acteur américain est décédé, dimanche 3 juin à Boston, à l’âge de quatre-vingt-six ans. Sa longue carrière cinématographique,

riche d’une centaine de rôles, fut marquée par deux Oscars pour ses rôles dans « Viva Zapata ! » (1952) et « La Vie passionnée de Vincent Van Gogh » (1956)ANTHONY QUINN, de son vrai

nom Antonio Quinones-Oaxaca,est né le 21 avril 1915 à Chihuahaau Mexique. Fils d’un cameramanirlandais et d’une « soldadera » dePancho Villa, il grandit aux Etats-Unis dans les quartiers pauvres dela banlieue de Los Angeles. Sonmétissage apparaîtra longtempsaux yeux des producteurs hollywoo-diens comme un atout à exploiter.Avant de devenir une star, il auradonc interprété toutes les minoritéspossibles. S’il incarnait un Améri-cain, Anthony Quinn héritait alorsdu rôle d’un gangster.

Longtemps effacé à l’écran, il sedistinguait au contraire par un com-portement outrancier dans la vie. Ila cultivé ces mauvaises manièresqui ont beaucoup contribué à saréputation. Quinn ne cachait pasque la qualité des films n’était passa priorité, se définissant souventcomme un mercenaire. Ses choixartistiques, de Viva Zapata !, d’EliaKazan, à La Strada, de Federico Fel-lini, prouvent pourtant le contraire.« Je joue pour l’argent », affirmaitvolontiers le comédien, avantd’ajouter : « L’argent je peux m’enpasser mais pas ma famille. Ilsaiment le confort et cela coûte cher.Moi, je pourrais vivre avec seulementdeux pantalons. » Les besoins fami-liaux d’Anthony Quinn étaient, ilest vrai, immenses. Il était père detreize enfants dont l’aîné a aujour-d’hui près de 60 ans et le plus jeunemoins de dix ans.

PEINTRE ET BOXEURAvant de devenir comédien,

Anthony Quinn était peintre etboxeur. Après ses débuts à l’écran,en 1936, dans Parole, de Louis Frie-dlander, il signe un contrat d’exclu-sivité avec la Paramount. Chacunede ses apparitions à l’écran consisteà se faire invariablement gifler parles Blancs qui passent sur le pla-teau. Il est nettement plus actif unefois sorti des studios. Il épouseKatherine De Mille, la fille adoptivede Cecil B. De Mille, le réalisateurvedette de la Paramount qui, endehors d’un petit rôle dans PacificExpress (1939), ne fera pas grand-chose pour la carrière de son gen-dre.

Anthony Quinn travaille durantla guerre avec plusieurs studiosdont Warner et la Fox sans jamaisse débarrasser de son image deMexicain professionnel. Il fait uneapparition hilarante en cheik arabe

dans Road To Marocco (1942), deDavid Butler, où Bob Hope et BingCrosby apparaissent en vedette.Quinn trouve son rôle le plus mar-quant à cette époque dans L’Etran-ge Incident (1943), de William Well-man. Il interprète une fois de plusun Mexicain lynché par des cow-boys.

Quinn délaisse le cinéma à la findes années 1940 pour se consacrerà la scène où il interprète notam-ment Un tramway nommé désir, deTennessee Williams. Lorsqu’ilretourne au cinéma, il reste tou-jours cantonné à des seconds rôles.Sa palette commence néanmoins às’élargir et la brutalité de ses person-

nages commence de laisser apparaî-tre une réelle fragilité. Viva Zapata !(1952) où Quinn incarne le frère durévolutionnaire mexicain EmilianoZapata interprété par Marlon Bran-do, apporte enfin au comédien lareconnaissance et un Oscar dumeilleur second rôle. Quinn n’estpas meilleur dans le film de Kazan

que dans la trentaine des films qu’ila déjà servis mais sa sensibilité esttout à coup remarquée.

Elle sera exploitée avec la plusgrande sagacité, en 1954, par Federi-co Fellini dans La Strada. Quinn estle patron d’un cirque miteux dontla seule richesse est le clown jouépar Giulietta Massina. Ce rôle sem-ble être le concentré du talent del’acteur qui apparaît tout à tourcomme un personnage impassible,sensible, fragile, angoissé et impi-toyable. Il restera en Italie où ilapparaîtra dans deux peplums : Ulys-se (1954) et Attila (1955). Son retouraux Etats-Unis est marqué en 1956par l’un de ses plus grands succès :La Vie passionnée de Vincent VanGogh, de Vincente Minnelli, où ilinterprète Paul Gauguin aux côtésde Kirk Douglas. C’est le plus mau-vais rôle de d’Anthony Quinn quiaura réussi à tout interpréter danssa carrière, sauf un Français. Le filma pour seul mérite d’offrir à Quinnson deuxième Oscar. En 1958, il s’es-saie à la réalisation avec un remakedes Boucaniers, de Cecil B. De Mille.

RÔLES DE PATRIARCHEA la fin des années 1950, il se rase

la moustache, prend du poids et sescheveux grisonnent. Son incursiondans le western, où il tient enfin desrôles importants, dans Le DernierTrain de Gun Hill (1959), de JohnSturges, et L’Homme aux colts d’or(1959), d’Edward Dmytryk, n’estguère concluante. Quinn trouvenéanmoins en 1959 l’un de ses plusbeaux rôles, celui d’un eskimo,dans Les Dents du diable, de Nicho-las Ray. Il tire en 1962 tout le partide son âge dans Requiem pour unchampion, de Ralph Nelson, où ilincarne un boxeur sur le déclin sansavenir.

Les années 1960 marquent untournant pourtant négatif dans sacarrière qui se concentre dans desrôles de patriarche ou de vieux rou-blard expérimenté. S’il hérite toutde même de deux de ses plus beauxrôles dans Lawrence d’Arabie(1962), de David Lean, et Zorba legrec (1964), de Michael Cacoyannis,il se perd dans des coproductionsinternationales comme Les Canonsde Navarone (1961), de Jack LeeThompson. La situation d’AnthonyQuinn empire encore davantagelorsque l’acteur atteint la soixantai-ne. Il atterrit dans productionsimprobables, comme en 1975 LeMessage, de Mustapha Akkad, surMahomet, ou le terrible Empire dugrec (1978), de Jack Lee Thompson,où il incarne le milliardaire Onassis.Sa carrière ressemble alors aux con-férences des Nations-Unies : il estmexicain dans The Children of San-chez (1978), d’Hal Bartlett, arabedans Caravans (1978) de James Far-go, basque dans Passage (1978), deJack Lee Thompson…

Le rêve d’Anthony Quinn était dese retirer dans le désert et de se con-sacrer à la sculpture. Il n’y estjamais parvenu, même si une carriè-re de plus en plus en pointillés,essentiellement consacrée à la télé-vision à partir des années 1980, lais-se penser que la comédie n’étaitque l’un de ses nombreux talents.

Samuel Blumenfeld

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En Indiendans« BuffaloBill »,de WilliamWellman,1944.

En Crétoisdans

« Zorbale Grec »,

de MichaelCacoyannis,

1964.

CONCERTPLEYEL

Mardi 12 juin - 20h30Krystian ZIMERMAN

Beethoven - BrahmsLoc : 08 25 00 02 52

Valmalete

Filmographie sélective

Anthony Quinn en Italien dans « La Strada », de Federico Fellini, 1954.

En Mexicain dans « Viva Zapata ! »,d’Elia Kazan, 1952.

En bédouindans« Lawrenced’Arabie »,de DavidLean, 1962.

CINÉMA L’acteur américainAnthony Quinn est mort, à l’âge de86 ans, dimanche 3 juin, à l’hôpitalBrigham and Women de Boston(Etats-Unis), où il avait été admis à la

suite de problèmes respiratoires.b NÉ à Chihuahua, au Mexique, le21 avril 1915, d’un père irlandais etd’une mère mexicaine, ce colossed’un mètre quatre-vingt-dix, aux pau-

pières lourdes et à la voix rauque, estdevenu au cours de sa carrière, com-mencée dans les années 1930, le sym-bole du « macho », spécialiste despersonnages orientaux et méditerra-

néens : il fut grec dans Zorba le Grec(1964), roumain dans La 25e heure,(1967), italien dans La Strada (1954),bédouin dans Lawrence d’Arabie(1962) et mexicain dans Viva Zapata !

(1952). b LE COMÉDIEN ne cachaitpas que la qualité de ses films n’étaitpas sa priorité. Ses besoins familiauxétaient immenses : il était père detreize enfants, issus de cinq épouses.

1936 : Night Waitresse, de LewLander. Parole, de Lew Lander.1937 : Une aventure de Buffalo Bill,de Cecil B. De Mille. Partners inCrime, de Ralph Murphy. SwingHigh, Swing Low, de MitchellLeisen. Daughter of Shanghai,de Robert Florey. L’Amour àWaikiki, de Frank Tuttle. 1938 : LesFlibustiers, de Cecil B. De Mille.L’Evadé d’Alcatraz, de RobertFlorey. 1939 : Pacific Express,de Cecil B. De Mille, Television Spy,d’Edward Dmytryk. 1940 : ParoleFixer, de Robert Florey. Le Mystèredu chateau maudit, de GeorgeMarshall. Emergency Squad,d’Edward Dmytryk. La Villeconquise, d’Anatole Litvak.1941 : Arènes sanglantes, de RoubenMamoulian. La Charge fantastique,de Raoul Walsh. Le Cygne noir,de Henry King. 1943 : L’EtrangeIncident, de William Wellman.1944 : Buffalo Bill, de WilliamWellman. 1945 : Retour auxPhilippines, d’Edward Dmytryk.1946 : California, de John Farrow.1951 : La Corrida de la peur,de Robert Rossen. 1952 : VivaZapata !, d’Elia Kazan. Le Monde luiappartient, de Raoul Walsh.1953 : La Cité sous la mer, de BuddBoetticher. L’Expedition de FortKing, de Budd Boetticher, A l’estde Sumatrta, de Budd Boetticher,Femmes damnées, de GiuseppeAmato. 1954 : Ulysse, de MarioCamerini, La Strada, de FedericoFellini. 1955 : Attila, fléau de Dieu,de Pietro Francisci, Le Brave et labelle, de Budd Boetticher. 1956 : LaVie passionnée de Vincent Van Gogh,de Vincente Minnelli. 1957 : Carsauvage est le vent, de GeorgeCukor. Notre Dame de Paris,de Jean Delannoy.1958 : Les Flibustiers, d’AnthonyQuinn (réalisateur uniquement).1959 : L’Homme aux colts d’or,d’Edward Dmytryk, Le DernierTrain de Gun Hill, de John Sturges,L’Orchidée noire, de Martin Ritt, LesDents du diable, de Nicholas Ray.1960 : La Diablesse en collants roses,de George Cukor. 1961 : Les Canonsde Navaronne, de Jack LeeThompson. 1962 : Barrabas,de Richard Fleischer, Lawrenced’Arabie, de David Lean.1963 : La Rancune, de BernardWicki. 1964 : Cyclone à la Jamaïque,d’Alexander Mackendrick, Zorbale Grec, de Michael Cacoyannis.1966 : Les Centurions, de PaulRobson, La 25e Heure, de HenriVerneuil. 1968 : La Bataille de SanSebastian, de Henri Verneuil.1969 : Le Secret de Santa Vittoria,de Stanley Kramer. 1971 : L’Indien,de Carol Reed, Narration, de BuddBoetticher. 1973 : Meurtresdans la 110e rue, de Barry Shear,Don Angelo est mort, de RichardFleischer. 1974 : Marseille Contrat,de Robert Parrish. 1975 : LeMessage, de Moustapha Akkad.1976 : L’Héritage, de MauroBolognini, Jesus de Nazareth,de Franco Zeffirelli. 1991 : Revenge,de Tony Scott. 1993 : Last ActionHero, de John McTiernan.1995 : Les Vendanges de feu,d’Alfonso Arau.

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LE MONDE / MARDI 5 JUIN 2001

Page 21: e 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE … 57e ANNÉE – Nº 17530 – 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE MÉTROPOLITAINE -- MARDI 5 JUIN 2001 FONDATEUR : HUBERT BEUVE-MÉRY – DIRECTEUR : JEAN-MARIE

LE MONDE / MARDI 5 JUIN 2001 / 21

BOL D’AIR ou bulle d’air ? Rare-ment album français aura, ces der-nières années, provoqué des avisaussi contradictoires que MoonSafari (1998), du duo Air : ballond’oxygène rétro-futuriste pour seslaudateurs, baudruche gonflée parle battage promotionnel et médiati-que pour ses contempteurs, qui l’ap-préciaient, au mieux, comme uneaimable muzak…

Lancé dans une quarantaine depays, l’objet hétéroclite de Jean-Benoît Dunckel et Nicolas Godins’est écoulé à 1,2 million d’exem-plaires, dont 400 000 en Grande-Bretagne, 250 000 aux Etats-Unis,pour seulement 100 000 dans uneFrance plus mitigée. Air constitueaujourd’hui, avec ses copains deDaft Punk, le premier groupe expor-tateur français. La sortie de son nou-vel album, 10 000 Hz Legend, est évi-demment planétaire, qui doitbalayer les dernières réserves etconvertir, trois mois après Disco-very de Daft Punk, le monde auxcharmes de la fameuse « Frenchtouch ».

« DORTOIRS BOURGEOIS »Ce concept, inventé par une pres-

se britannique friande de nouvellestendances, regroupe une jeune gar-de, généralement issue des musi-ques électroniques (et de milieuxfavorisés), dont l’épicentre symboli-que serait Versailles. Si Air, sur lapochette de Moon Safari, s’était sim-plement qualifié de « Frenchband », peu d’articles hexagonauxomettent de rappeler, sur un modesouvent ironique, ses origines géo-graphiques. A l’étranger, la mentionde la cité du Roi-Soleil est plutôtconsidérée comme une marque élé-gante de distinction, liée à un hautlieu touristique.

« On nous associe aussitôt à la viede château, avec nos laquais, consta-te, amusé, Jean-Benoît Dunckel. Enfait, j’aime rappeler que j’habitaisdans une HLM à Versailles, même si

j’ai vécu dans un ghetto de riches pen-dant vingt-cinq ans. » Journaliste auParisien, ami de longue date duduo, Sébastien Catroux précise : « Ily a plusieurs Versailles : celui, classi-que des rallyes, que nous ne fréquen-tions pas, et puis, autour, à Parly-2,Rocquencourt, Le Chesnay, des dor-toirs bourgeois. C’est de là que vientAir. ». Nicolas Godin, qui a grandiau Chesnay, s’agace des clichés quientourent la ville : « On oublie qu’onpeut souffrir de manière atroce, desolitude ou de manque d’amour, quel-le que soit la classe sociale. Les gensse suicident davantage à cause deproblèmes psychologiques insurmon-tables qu’en raison de difficultésmatérielles. » En réaction à la légère-té de Moon Safari, Air a illustré defaçon très convaincante le malaiseexistentiel des adolescents en com-posant la bande originale de The Vir-gin Suicides, le film de SofiaCoppola.

Air appartient à une générationde musiciens versaillais, qui ontpour premier point commund’avoir fréquenté les bancs du lycéetechnique Jules-Ferry, alimentantl’idée, très prisée outre-Manche,d’une « Versailles Connection ». Aumilieu des années 1980, deux grou-pes s’y distinguent, Oui Oui, duvidéaste Michel Gondry, et Orange.Dans cette seconde formation quisera éconduite par Virgin, l’actuellemaison mère d’Air, parce qu’ellechantait en anglais (on notera quetous les textes de 10 000 Hz Legendont été écrits dans cette langue),officient Godin, Dunckel, et deuxfuturs noms de la scène électroni-que, le bassiste Alex Gopher et lebatteur Xavier Jamaux. Orange estalors un groupe pop-rock qui mani-feste déjà un sens de l’éclectisme,capable de reprendre SuffragetteCity de David Bowie comme Le Sudde Nino Ferrer.

A Jules-Ferry, Godin et Dunckelcôtoient aussi Arnaud Rebotini, con-nu aujourd’hui sous le nom de

Zend Avesta, et Etienne de Crécy,fondateur, avec Gopher et le mana-ger d’Orange, Pierre-Michel Leval-lois, du label Solid. Celui-ci publierala compilation Superdiscount, quicontribuera grandement au rayon-nement de la « French touch ». DeRocquencourt, enfin, vient legroupe Phoenix, une des dernièressensations françaises en Grande-Bretagne.

« LA NOTION DE PLAISIR »A ces noms, il faudrait ajouter

celui d’un homme de l’ombre, MarcTeissier du Cros, originaire de Viro-flay. Embauché par le label Source,créé par Virgin, il a permis de glisserle titre de son ami Nicolas Godin,Modulor, dans une compilation, etdonc de mettre Air sur les rails.« C’était une commande, après ladéfection d’un artiste, se souvient-il.J’ai proposé ce morceau en 1995 àPhilippe Ascoli qui démarrait Source.J’étais le cheval de Troie. » Marc Teis-sier du Cros s’occupe aujourd’huides activités de Record Makers, lelabel qu’Air a fondé à son tour, etqui comporte deux références : TheVirgin Suicides et le premier albumde Sébastien Tellier.

Faut-il voir dans cette proximitégéographique un faisceau de coïnci-dences ou un complot tramé dansles Yvelines ? « Parler d’école ver-saillaise, c’est un peu n’importe quoi.C’est un hasard, il n’y a jamais eu deplan de bataille », estime SébastienCatroux. Esthétiquement, il est diffi-cile de trouver des similitudes entrela pop éthéré d’Air, l’électroniquedisco-funk d’Etienne de Crécy oud’Alex Gopher, les fusions entreworld, heavy metal et musiquecontemporaine de Zend Avesta oule rock FM de Phoenix. Pourtant,un état d’esprit, hérité des brassa-ges de la scène électronique, unitces musiciens : le refus de hiérarchi-ser genres et références.

« Nous pouvons aimer autant untruc ringard qu’une chanson de

Brian Wilson. Seule compte la notionde plaisir », revendique NicolasGodin. Air a parfaitement illustré ceprincipe en reprenant en concertTomorrow Never Knows des Beatles,mais aussi le générique de l’émis-sion de télévision « Trente millionsd’amis ». Dans le communiqué depresse accompagnant la présenta-tion de son premier album, United,paru en 2000, Phoenix écrivait :« Nous n’avons pas peur d’écouterdes choses qui ne sont pas “cool”.Même dans la mauvaise musique, onpeut trouver quelque chose debien. »

Ce refus du militantisme, cetteabolition très « postmoderne » desnotions de bon et mauvais goûtsexpliquent les réactions de rejetqu’Air a pu provoquer. « On est per-çu comme trop Parisiens, admetNicolas Godin. Il y a chez nous uncôté élitiste, désagréable pour la pro-

vince. Je pense qu’ici on préfère enco-re la chanson à texte, comme celle deMiossec. Et nous nous situons à l’op-posé ». Depuis The Virgin Suicides,le conglomérat de citations (pourrésumer : Burt Bacharach, lesBeach Boys, Michel Berger, Polna-reff, Gainsbourg, The Korgis, PierreHenry, Debussy), qui caractérisaitla musique d’Air s’est fondu en uneinfluence dominante, Pink Floyd.

On imagine Air fan du groupeanglais, qui obtint jadis le privilègede jouer au château de Versailles.« J’aime The Dark Side of TheMoon, mais Pink Floyd n’appartientpas à notre panthéon musical, affir-me Nicolas Godin. Ce qui me gênechez eux, c’est le manque d’hu-mour. » A l’écoute de 10 000 HzLegend, on trouvera sans doutequ’Air ne manque pas d’air.

Bruno Lesprit

L’Opérade Marseille recruteun directeurartistique

Sébastien Tellier et le goût du son de la famille Record Makers

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La bonne mécanique fusionnelle

« Pink Floyd n’appartient pas à notre panthéon musical »,affirme Nicolas Godin (à gauche) au côté de Jean-Benoît Dunckel.

PEUT-ÊTRE TOUCHÉS par le(mauvais) procès instruit contreleur premier album, Moon Safari,pour cause de légèreté trop« aérienne », Nicolas Godin etJean-Benoît Duncquel ont tamiséla luminosité de leurs bijoux popet tenté de donner plus de chair,d’ombres et de profondeur auxchansons de 10 000 Hz Legend.L’enregistrement, entre-temps,de la bande originale de The Vir-gin Suicides aura été une étapedécisive de cette mutation. Pourillustrer le drame intimiste deSofia Coppola, Air ne gommaitplus les impuretés émotives deses mélodies. Le duo travailleaujourd’hui à mi-chemin des fêlu-res de cette bande originale et dela mécanique soyeuse de son pre-mier opus.

Certains se risqueront à quel-ques plaisanteries fines – TheDark Side Of The Moon Safari, Air« obscurci par les nuages » –, enréférence à la discographie dePink Floyd, tant l’influence dugroupe-phare du psychédélismeplanant des années 1970 sembleirradier plusieurs titres de10 000 Hz Legend. Un sens préser-vé du style, de la langueur et de lafantaisie empêche tout de mêmeles Français de tomber dans leslourdeurs de l’existentialismeintersidéral du rock progressif. Ledisque s’ouvre assez somptueuse-ment. Electric Performers pourraitservir d’étalon idéal aux fusions

entre rigueur robotique (héritéede Kraftwerk) et spleen acousti-que. How Does It Make You Feel ?s’étire délicieusement dans unelascivité beatlemaniaque, avantque Radio # 1, découvrant une pla-ge pour Beach Boys au pied duWall pinkfloydien, n’offre à l’al-bum la seule évidence propre ausingle. Le temps pour Beck, invitédans The Vagabond, de fournirune performance funky sympathi-que mais sans grand relief,10 000 Hz pénètre dans une zonede grand calme.

Si Radian s’épanouit avec vir-tuosité dans les méandres sophis-tiqués d’une fresque en apesan-teur, Lucky And Unhappy, Sex BornPoison, People In The City, toutcomme le trop éthéré Caramel Pri-soner final, souffrent d’excès depudeur et d’un manque viscéralde sensualité. Heureusement,l’amusant Wonder Milky Bitch,chanté avec la morgue crépuscu-laire d’un Leonard Cohen souscircuit intégré, et surtout laréjouissante envolée disco-rockde l’hymne Don’t Be Light (« Nesoyez pas superficiel », morceaude bravoure des récents concertsgrâce à la basse de Jason Faulk-ner) redonnent de la chair à un dis-que qui aurait pu en manquer.

Stéphane Davet

e 10 000 Hz Legend : 1 CD Source/Virgin.

a MUSIQUE : la douzième édi-tion des Piano Masters, concoursinternational couronné par un prixunique doté de 30 000 dollars(32 000 ¤), réunira, à Monaco,douze candidats issus de cinq pays,du 19 au 23 juin. Cette compétitions’adresse à des pianistes déjà lau-réats de concours internationaux.Les artistes retenus ont entre 16 et39 ans, et viennent du Japon, deMalaisie, de France et de Russie.Parmi les membres du jury, l’an-cien directeur artistique de l’Or-chestre philharmonique de LosAngeles, l’Américain Ernest Fleisch-mann, les pianistes Jean-PhilippeCollard et Eugène Indjic, ainsi quele pianiste, organiste et directeurdu Conservatoire de Paris, JacquesTaddei.a Le Néerlandais Jorgen VanRijen, 26 ans, a remporté àl’unanimité le premier prix du26e Concours international d’ins-truments à vent du Festival deToulon, consacré cette année autrombone. Deux autres candidatsétaient parvenus en finale, les Fran-çais Dominique Delahoche, 30 ans,et Alexandre Faure, 24 ans, qui ontobtenu respectivement les deuxiè-me et troisième prix. Jorgen VanRijen est né à Dordrecht (Pays-Bas) et a étudié le trombone auconservatoire de Rotterdam puisau conservatoire supérieur de musi-que de Lyon avec Michel Becquet(président du jury du concours).Depuis 1997, il est trombone solode l’Orchestre royal du Concert-gebouw d’Amsterdam et del’Orchestre philharmonique deRotterdam.a PATRIMOINE : soixante et unmusées, monuments et sitesarchéologiques italiens serontouverts au public, tous les joursjusqu’à 23 heures, pendant l’été, etce jusqu’au 15 septembre. Parmiles musées dont l’horaire estival aété prolongé, neuf se trouvent àRome (Galerie nationale d’artmoderne, Galerie Borghese, monu-ment Vittoriano, château Saint-Ange, palais Altemps, thermes deCaracalla, Domus aurea, palaisMassimo, thermes de Dioclétien ettombe de Cecilia Metella). A noteraussi que la Villa Adriana, à Tivoli,le musée archéologique de Tarqui-nia et celui de Cerveteri dédié auxEtrusques bénéficient de cetteouverture prolongée. C’est la troi-sième année que le ministère de laculture italien prolonge ainsi leshoraires des musées italiens.a PHOTO : les photographiesaériennes de Yann Arthus-Bertrand sur La Terre vue du cielsont exposées sous terre, dans lemétro parisien, station Auber, jus-qu’au 2 juillet. Les soixante-seizeimages grand format ont été choi-sies parmi celles qui avaient étéexposées en 2000 avec un grandsuccès sur les grilles du jardin duLuxembourg, à Paris.

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Au sommaire du numéro de juin

a Dossier spécial :

Bac,la réforme taboue

b Entretien avec Alain Prochiantz :« L’espèce n’existe pas ».

b Culture : le nouveau contre-festivald’Avignon.

b Débat : abus sexuels, la psychanalyseest-elle coupable ?

b A qui profitent les devoirs d’été ?

Le duo Air dans les jardinsde la « French touch » versaillaiseTrès en vogue en Grande-Bretagne, la musique électronique des YvelinoisJean-Benoît Dunckel et Nicolas Godin n’a pas vraiment convaincu la France.Leur nouvel album « 10 000 Hz Legend » tentera de renouveler leur image

AIDÉS DE LEUR MANAGER, Marc Teissier duCros, et avec l’appui de Virgin, Nicolas Godin et Jean-Benoît Dunckel ont mis sur pied leur propre label deproduction, Record Makers. Principe de la maison :rassembler une famille internationale partageantavec Air « un goût du son et de la composition, desenvies esthétiques autant visuelles que musicales ».Des idées suffisamment floues pour laisser beau-coup de portes ouvertes. Si la bande originale dufilm The Virgin Suicides, composée par le duo, fut lapremière référence de ce catalogue, Sébastien Tellieren est la première signature.

Album de baptême d’une grâce intrigante, L’In-croyable Vérité affiche les points communs autantque les différences de ce Parisien avec ses parrainsversaillais. Il aime comme eux façonner des instru-mentaux rêveurs ou chantonner à l’occasion enanglais, mais là où Air butine dans l’éther et flirteavec la robotique, Tellier s’ancre dans une mélanco-lie domestique et l’onirisme du quotidien. Les unscultivent un dandysme proche du design, l’autrehabite son raffinement de pulsions intérieures. Cejeune barbu aux allures de Raspoutine pop (ou deGérard Manset au début des années 1970) revendi-que sa fragilité comme ses ambitions démesurées.« Si, dans deux cents ans, des historiens cherchent àsavoir ce qu’étaient nos états d’âme, j’aimerais qu’ilspuissent le découvrir en écoutant mon disque. »

CET EXCENTRIQUE FAÇONNE UN UNIVERS DÉCALÉLes chercheurs devront alors décrypter un maté-

riau impalpable constitué d’intuitions et de doute,de désirs et d’égarements. Sébastien Tellier brassedans le désordre ses souvenirs et ses émotions. Danssa chambre, il est passé, dès l’âge de onze ans, desjeux de gamin aux bricolages sonores, grâce aumagnétophone quatre pistes offert par un papa musi-cien, proche des membres de Magma. Amateur desoirées enfumées et bien arrosées, le bonhomme soi-gne en musique ses vertiges d’enfant gâté. « A treize

ans, je suis tombé très, très amoureux. Ça s’est très malpassé. Elle était une princesse, moi un raté. Il fallaitque je fasse des trucs magnifiques pour tenter de l’im-pressionner, seule la musique me le permettait. »

Partagé entre le relâchement fêtard et l’envie derester cloîtré avec sa guitare, cet excentrique façon-ne un univers décalé. « J’alterne six mois de dépres-sion et six mois de bonheur. Ma névrose la plus utile estcelle de la prise parfaite. Je suis capable de réenregis-trer le même morceau des centaines de fois en unejournée. Il faut gueuler les trucs que tu as au plusprofond, y aller comme un fou. Je suis minable dans lespetites choses, mais je crois que je suis bon dans lesgrandes choses. »

A la frontière du perfectionnisme et de l’artisanatmaison, les morceaux de Tellier distillent une mélan-colie suspendue, parsemée de visions iconoclastes.Son Incroyable Vérité est peuplée de guitare, trom-pette, basse, synthétiseur bon marché, kazoo, maisd’aucune batterie. On y entend une jambe quigrince, un chien qui chante. Certains murmures etlignes singulières évoquent ceux de Robert Wyattou de Syd Barrett. Le chanteur préfère citer MickJagger, le double blanc des Beatles, François de Rou-baix ou les Jackson 5.

Juste accompagné d’une envoûtante joueused’onde Theremin, l’Américaine Pamela Kurstein,Sébastien Tellier suivra Air lors de sa tournée interna-tionale. Avant cela, quelque part en Espagne, iltourne dans le premier film de son complice (respon-sable du mixage de son album), le vidéaste et brico-leur électronique, Quentin Dupieux (alias Mr Oizo),adepte comme lui de radicalité autodidacte. Ensem-ble, ils en composeront la bande originale que pu-bliera Record Makers.

S. D.

e Sébastien Tellier, L’Incroyable Vérité : 1 CD RecordMakers/Source/Virgin.

L’OPÉRA de Marseille rechercheun successeur à Jean-Louis Pujol,dont le contrat n’a pas été renou-velé. Le directeur artistique decette institution est parti débutmai 2001. Les candidatures sontreçues, jusqu’au 22 juin 2001, à lamairie de Marseille, 90, boule-vard des Dames, 13002 Marseille.Il est demandé aux candidats d’en-visager « la programmation dessaisons lyriques et symphoniquesselon un objectif d’inscription del’Opéra de Marseille dans un pro-cessus de coproduction inter-nationale et de coopération régio-nale ». « La recherche et la miseen œuvre d’une stratégie en direc-tion des nouveaux publics » estdemandée ainsi que la créationd’un « véritable projet pédagogi-que en direction des établisse-ments scolaires de la ville et dudépartement ».

C U L T U R E

Page 22: e 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE … 57e ANNÉE – Nº 17530 – 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE MÉTROPOLITAINE -- MARDI 5 JUIN 2001 FONDATEUR : HUBERT BEUVE-MÉRY – DIRECTEUR : JEAN-MARIE

22 / LE MONDE / MARDI 5 JUIN 2001

Bien sûr, il y a ce moment oùtout bascule, presque à la fin duconcert. Un pamphlet cinglant ditd’une traite par Didier Awadi, desphrases où la colère avance à visa-ge découvert, des flèches dirigéesvers Bush, les Etats-Unis, la France,les gouvernements africains… Untexte tranchant, accusateur, desti-né à « aider les consciences, provo-quer la réflexion », salué àAngoulême par une ovation etquelques poings levés.

On ne peut ignorer non plus lesens des messages transmis à tra-vers certains titres, contre le com-

bat contre les petites et grandesinjustices. Mais, lorsque les lumiè-res se sont rallumées samedi sousle chapiteau, chacun aura retenud’abord et surtout les corps exul-tant d’énergie dansante, les bour-rasques des percussions (tama,sabar), les notes limpides d’un solode kora.

Fer de lance et pionnier du hip-hop sénégalais, marqué par lesidées d’Hampaté Bâ, Kwame Nkru-mah et quelques autres grandspenseurs africains, le duo PositiveBlack Soul, formé en 1989, a su lepremier au Sénégal montrer lavoie d’un rap original affranchides modèles américains, intégrantles instruments de la tradition et,à côté du français ou de l’anglais,le wolof, la langue nationale dupays.

Depuis, à Dakar puis partout àtravers le territoire sénégalais, lesgroupes ont bourgeonné. Sur lascène de Musiques métisses, avecune poignée de complices à l’éner-gie tout aussi rayonnante que laleur, Didier Awadi et Doug E. Teeont relu quelques-uns des titres deleur nouvel album, Run Cool (EastWest), qui succède, après une lon-gue attente, à Salaam, sorti en1995. Ils ont donné un show puis-sant, généreux, d’une fraîcheursalutaire. L’atmosphère, plutôtdétendue – « positive », diraient-ils sans doute –, est même deve-nue joyeuse lorsqu’ils ont entraînétout le public à danser avec eux.Une échappée loin des clichés,sans frime exagérée.

P. La.

GUIDE

CORRESPONDANCE

Une lettre de l’Adami

INSTANTANÉ

LE RAP JUBILATOIREDE POSITIVE BLACK SOUL

Robert Seyfried et ses chorégraphies pulsionnelles

FESTIVAL CINÉMA

Paradede Jacques Tati (France, 1973).Cette projection s’inscrit dans le cadredu cycle « Le film que j’aime est-il unchef-d’œuvre ? » proposé par Les En-fants de cinéma et animé par CaroleDesbarats, enseignante et essayistede cinéma.Forum des images, Forum des Halles,porte Saint-Eustache, Paris-1er. Mo LesHalles. 19 heures, le 5 juin. Tél. :01-44-76-63-42. 25 F et 30 F.

TROUVER SON FILM

Tous les films Paris et régions sur leMinitel, 3615 LEMONDE, ou tél. :08-36-68-03-78 (2,23 F/min).

ENTRÉES IMMÉDIATES

Le Kiosque Théâtre : les places de cer-tains des spectacles vendues le jourmême à moitié prix (+ 16 F de commis-sion par place).Place de la Madeleine et parvis de lagare Montparnasse. De 12 h 30 à20 heures, du mardi au samedi ; de12 h 30 à 16 heures, le dimanche.El Maestrod’Aziz Chouaki, mise en scène deNabil el-Azan.Théâtre international de langue fran-çaise (parc de La Villette), 211, avenueJean-Jaurès, Paris-19e. Mo Porte-de-Pantin. 20 h 30, les 5, 6, 7, 8, 9 et 12 ;16 heures, le 10. Tél. : 01-40-03-93-95.De 50 F à 120 F.Pas à deuxCamilla Saraceni. Consuello Zoelly(mise en scène et chorégraphie).Théâtre national de Chaillot, 1, placedu Trocadéro, Paris-16e. Mo Troca-déro. 20 h 30, les 5, 6, 7, 8 et 9 juin ;14 h 30, le 10 juin. Tél. : 01-53-65-30-00. 150 F.Salia SanouCompagnie Salia Nï Seydou.Taagalà, le voyageur.Les Abbesses, 31, rue des Abbesses,Paris-18e. Mo Abbesses. 20 h 30, les 5,6, 7, 8 et 9 juin. Tél. : 01-42-74-22-77.85 F.Ensemble orchestral de ParisBizet : L’Arlésienne. Jeune Chœur deParis, Michel Plasson (direction).Théâtre des Champs-Elysées, 15, ave-nue Montaigne, Paris-8e. Mo Alma-Marceau. 20 heures, le 5 juin. Tél. :01-49-52-50-50. De 60 F à 290 F.Alfred Brendel (piano),Matthias Goerne (baryton)Beethoven : A la bien-aimée loin-taine. Schubert : Le Chant du cygne.Théâtre musical de Paris, 1, placedu Châtelet, Paris-1er. Mo Châtelet.20 heures, le 5 juin. Tél. : 01-40-28-28-40. De 100 F à 460 F.Adrienne Krausz (piano)Liszt : Les Jeux d’eau à la Villa d’Este,Csardas macabre, La Vallée d’Ober-mann, Sunt lacrymae rerum. Bartok :Sonatine pour piano, Nénies, Suitepour piano op. 14. Kodaly : Danses deMarosszek.Amphithéâtre Richelieu, 17, rue de laSorbonne, Paris-5e. Mo Cluny - la Sor-bonne. 20 h 30, le 5 juin. Tél. : 01-42-62-71-71. 110 F.Quatuor ArdittiXenakis : Ikhoor, St4, Kottos, Tetora,Diktnas, Ergma, Tetras. Claude Helf-fer (piano).Maison de Radio France, 116, ave-nue du Président-Kennedy, Paris-16e.Mo Passy. 20 h 30, le 5 juin. Tél. :01-56-40-15-16. Entrée libre.Ensemble Collegium musicumde PoissySchubert : Divertissement à la hon-groise. Loublier : Collages. Brahms :Liebeslieder-Walzer. Jean-Pierre Lou-blier (piano, direction).Poissy (Yvelines). Théâtre, place de laRépublique. 20 h 30, le 5 juin. Tél. :01-39-79-03-03. De 50 F à 90 F.Alex Jacquemin QuartetAu Duc des Lombards, 42, rue desLombards, Paris-1er. Mo Châtelet.21 heures, le 5 juin. Tél. : 01-42-33-22-88. 100 F.

Claude Tissendier QuartetPetit Opportun, 15, rue des Lavan-dières-Sainte-Opportune, Paris-1er.Mo Châtelet. 21 h 30, le 5 juin. Tél. :01-42-36-01-36. De 80 F à 100 F.Sylvie JolyCasino de Paris, 16, rue de Clichy,Paris-9e. Mo Trinité. 20 h 30, les 5, 6, 7,8, 9, 11 et 12. Tél. : 01-49-95-99-99.De 130 F à 240 F.David LinxCafé de la danse, 5, passage Louis-Phi-lippe, Paris-11e. Mo Bastille. 20 heures,le 5 juin. Tél. : 01-47-00-57-59. 120 F.De PalmasOlympia, 28, boulevard des Capuci-nes, Paris-9e. Mo Opéra. 20 h 30, les 5et 6 juin. Tél. : 01-47-42-25-49. 164 F.

RÉGIONS

Gemelos (Jumeaux, en espagnol, stf)d’après Agota Kristof, mise en scènede la Troppa, avec Laura Pizarro,Jaime Lorca et Juan Carlos Zagal.Amiens (Somme). Maison de laculture, place Léon-Gontier. 20 h 30,les 6 et 8 ; 19 h 30, le 7. Tél. : 03-22-97-79-77. 90 F et 120 F.Yacobi et Leidenthalde Hanoch Levin, mise en scène deMichel Didym, avec Christine Murillo,Philippe Faure, Charlie Nelson, JohannRiche (accordéon), Franck Seguy (clari-nette) et Philippe Thibault (contre-basse).Amiens (Somme). Comédie de Picar-die, 62, rue des Jacobins. 19 h 30, le 6 ;20 h 30, du 7 au 9. Tél. : 03-22-22-20-20. 80 F et 100 F.La Cour des chosesde Martin Schwietzke, mise en scèned’Alain Schons.Châlons-en-Champagne (Marne). SalleRive-Gauche. 20 h 30, le 6 ; 19 heures,le 7. De 30 F à 60 F.Daddy, I’ve seen this piecesix times before andI still don’t know whythey’re hurting each otherde et avec la compagnie Robyn Orlin.Châlons-en-Champagne (Marne). Fu-ries, festival de cirque et de théâtre derue, place de la République-Roulotte.19 heures, le 6 ; 22 heures, les 7 et 8.Tél. : 03-26-66-55-00. 40 F.Porque no ?de Baro d’Evel Cirk Compagnie, miseen scène de Michel Cerda.Châlons-en-Champagne (Somme). Fu-ries, festival de théâtre de cirque et dethéâtre de rue, place de la République-Roulotte. 18 heures, le 6 ; 16 h 30, le 9.Tél. : 03-26-66-55-00. Entrée libre.Les Figurantsde José Sanchis Sinisterra, mise en scè-ne d’Isabelle Tanguy.Colmar (Haut-Rhin). La Manufacture -Atelier du Rhin – Centre dramatiquerégional d’Alsace, 6, route d’In-gersheim. 21 heures, les 6, 8, 11, 13.Tél. : 03-89-24-31-78. 75 F et 90 F.La Folle Journéeou le Mariage de Figarode Beaumarchais, mise en scène deJean-François Sivadier.Mulhouse (Haut-Rhin). La Filature,20, allée Nathan-Katz. 19 h 30, les 6, 7,8 et 9. Tél. : 03-89-36-28-28. De 40 Fà 130 F.Compagnie Hervé Koubi –Sandra RivièreLe Golem.Nice (Alpes-Maritimes). Théâtre, pro-menade des Arts. 21 heures, le 6 juin.Tél. : 04-93-80-52-60. 80 F.Orchestre national de LilleBerlioz : Requiem. Yves Saelens(ténor), Chœur philharmonique de Pra-gue, Jean-Claude Casadesus (direc-tion).Lille (Nord). Le Nouveau Siècle, 20, ruedu Nouveau-Siècle. 20 heures, le6 juin. Tél. : 03-20-12-82-40. 170 F.Orchestre de BretagneBrahms : Concerto pour piano etorchestre no 2, Symphonie no 3. HélèneGrimaud (piano), Stefan Sanderling(direction).Rennes (Ille-et-Vilaine). Théâtre natio-nal de Bretagne, 1, rue Saint-Helier.20 h 30, les 6 et 7 juin. Tél. : 02-99-31-12-31. 130 F.

ANGOULÊMEde notre envoyé spécial

Dès sa première édition, en1976, le festival Musiques métis-ses, alors consacré au jazz, avaitprêté l’oreille aux musiciens d’Afri-que du Sud. Le pianiste ChrisMcGreggor y est venu en solo puisavec The Brotherhood of Breath,son orchestre multiracial mis horsla loi sous le régime de l’apartheid.Plus tard vinrent les Blue Notes,les African Jazz Pioneers, JohnnyClegg (avant sa reconnaissancemondiale), Mahlathini and the

Mahotella Queens, LadysmithBlack Mambazo et des dizainesd’autres artistes dont le souvenirplus ou moins récent a accompa-gné les six formations sud-africai-nes programmé durant la journéedu dimanche 3 juin, sur l’île deBourgines, site du festival.

Largement passé minuit, sur lascène du Chapiteau, ils sont unetrentaine, hommes et femmes,Noirs et Blancs, pour un derniersalut, un dernier chant, une dansefraternelle, de longs remercie-ments. Toute la diversité et la géné-rosité de la musique sud-africainesont là. Dans l’après-midi, à l’Espa-ce Mandingue, en bordure de laCharente, si le kwaito – hip-hop nédans les townships – du groupeLegkoa, dirigé par François Hen-ning, paraît sur scène encore unpeu vert face à l’intensité et l’expé-rience des Sénégalais de PositiveBlack Soul (lire ci-dessous), la kwe-la music perpétuée et vivifiée parles trois frères Lerole, leaders de

Kwela Tebza, s’impose commeune découverte enthousiasmante.Costumes cintrés, chapeaux trèsclasse, les frères Lerole pourraientsortir d’un polar des années 1950.Chanteurs, danseurs et joueurs depennywhistle – flûte à six trous –,ils ont un charisme évident, un plai-sir vrai du spectacle tandis qu’ilsmêlent les sonorités aigrelettes deleurs instruments : guitare tricotan-te, basse nerveuse et, surtout, unebatterie qui marque un tempo pré-cis pour mieux rebondir en synco-pes et contretemps. Chaque chan-son ou instrumental est chorégra-phié.

GAGNER LES CŒURS ET LES ESPRITSCe dialogue constant entre la

musique et le mouvement descorps se retrouvera tout au long dela soirée avec les quatre autres for-mations. Nothembi, conduit par laguitariste et chanteuse NothembiMkhwabane, originaire de l’est duTransvaal, met d’emblée la barre

très haut. On l’appelle « mama ».Du coin de l’œil, elle surveille sesjeunes danseuses. Son chant sedéveloppe longuement. La musi-que ndebele sait prendre le tempsde gagner les cœurs et les esprits.

Avec Phuzekhemisi, on se renden territoire zoulou. Le chanteur– au timbre grave, expressif – etses musiciens sont vêtus commel’étaient les guerriers face aux colo-nisateurs. Bracelets et pagnes enpeau et poil d’animaux. La musi-que masakandi qu’ils interprètenttraduit la fierté des combattants.Les danseurs lèvent haut la jambe,qui retombe en une frappe sèche.Nulle agressivité ici, mais une gran-deur, une force intérieure fascinan-te. Puis arrivent les reines du mba-qanga, les trois Mahotella Queens,régulièrement invitées ici. Tou-jours cette grâce séduisante, cetteallure de mamies bienveillantesqui auraient décidé de rester desgamines. Leur trois voix se complè-tent et chacun de leurs gestes mani-feste une autorité artistique singu-lière.

Devenues « citoyennes d’hon-neur de la ville d’Angoulême » lorsd’une réception, quelques heuresplus tôt, elles ont évoqué la mémoi-re de Simon Mahlathini Nkabindé,mort en juillet 1999, avec qui ellesavaient longuement collaborédepuis le début des années 1960.Restaient aux Soul Brothers à mon-trer le lien entre les musiques dupays de l’arc-en-ciel et les grandesrevues américaines à la Otis Red-ding ou James Brown. L’orgueemmène la troupe, le moindre pasest amené avec énergie et préci-sion. La perfection du show n’estjamais pesante ni ne détourne l’at-tention du profond engagementdes musiciens. Fin d’une soirée enforme de (grande) leçon.

Sylvain Siclier

VILLENEUVE-D’ASCQde notre envoyée spéciale

Pourtant intitulé Quiétude, le spectacle du cho-régraphe Robert Seyfried est tout sauf calme,confortable et tranquille. Il serait plutôt du côtéde « l’intranquillité », au sens de cette tensionde l’âme sans cesse en quête de sa propre certi-tude et se débattant pour faire advenir sa singu-lière façon d’être au monde.

Ce désir d’un geste dansant propre à chacun,les quatre danseuses (Juliette Dürrleman, Méla-nie Nezereau, Jeanne Vallauri et la tempêteambulante qu’est Claudia Gradinger) l’exacer-bent dans un travail de fouille qui fait rendre aucorps toutes ses armes : technique de danseuse,mais aussi habitudes et autres tics de conduitequi verrouillent une carapace gestuelle adaptéeà la survie.

Ce parti pris du chorégraphe d’aller au-delàou plutôt en deçà de tout savoir-faire pourretrouver une sorte d’innocence est une affairetéméraire. Une rude entreprise pour les interprè-tes, contraintes de se refaire une virginité de

danseuse, de se délester, non sans difficulté onl’imagine, d’un bagage chorégraphique tatouéen elles afin de faire jaillir des mouvementsinstinctifs, quasi pulsionnels, sans référenceculturelle. Ou le moins possible. Le défi quereprésente cet essorage en règle se révèle plutôtlargement relevé. Certes, l’aspect régressif ani-mal – type sauts de grenouille ou marche à qua-tre pattes – est difficile à éviter ; de même que latendance « retour à l’enfance », avec son lot decharmantes pitreries. Piochant aussi dans leregistre trivial et quotidien, les interprètes segrattent la cuisse ou le nez, marchent sur lesfesses les jambes écartées, citent le twist, brefs’arrachent à tout ce qui peut ressembler à uneattitude académique avec une détermination fu-rieuse. D’où de belles surprises, des déflagra-tions inédites, des incongruités, des dérapages.

LA DÉROUTE DES APPRENTISSAGESA la route bien tracée d’une technique, Robert

Seyfried préfère visiblement et en toute quiétu-de la déroute des apprentissages. Au cœur de ceparadoxe qui consiste tout de même à fixer, letemps d’un spectacle, ce brut des corps, à maîtri-ser l’informel, le chorégraphe ne cède pas à laniaiserie ou au lâcher-tout chaotique qui prési-de parfois à ce type de recherche. S’il préfère lamatière à la ligne, la présence au mouvement, ilen donne une lecture structurée. Un peu tropsimple peut-être. La scénographie (des pan-

neaux à roulettes que les danseuses font évoluerdans l’espace de façon un peu répétitive et déjàvue) n’aiguise pas la problématique, se conten-tant de cadrer l’action sans l’intensifier. Présen-té à La Rose des vents - Scène nationale deVilleneuve-d’Ascq, Quiétude est le neuvièmespectacle de Robert Seyfried. « En libre dan-seur », il y fait le point sur huit ans de création.

Cofondateur du groupe Emile Dubois avecJean-Claude Gallotta au début des années 1980,cet homme à la silhouette vive et ourlée de facé-tie, passé par le théâtre, accompagna pendantquinze ans les travaux de Gallotta. En 1993, illance sa compagnie : DIT – comme danse,image, théâtre – et s’installe à Grenoble, sa villenatale. Avec neuf pièces au répertoire, de nom-breuses incursions du côté du théâtre (auprèsde Claudia Stavisky ou, bientôt, de MohamedRouabhi), Robert Seyfried a un parcours atypi-que, en droite ligne avec son tempérament d’in-terprète. La compagnie traverse actuellementune passe tumultueuse. En deux ans la subven-tion de la DRAC Rhône-Alpes est passée de160 000 F (23 391 ¤) à 100 000 F (15 244 ¤). Paral-lèlement, l’annulation d’une résidence-créationen Bourgogne handicape lourdement la concep-tion de la prochaine création. Gageons queQuiétude saura tenir les promesses induites parson titre.

Rosita Boisseau

PARIS

Extra-OrdinaireProposée par le TNT Manufacturede chaussuresde Bordeaux à l’invitation duCentre national de la danse,l’opération « Extra-Ordinaire »met en avant une des sourcesd’inspiration de certainschorégraphes actuellement :la « vraie vie », les « vraies gens »,impliqués dans des démarchescréatives le temps d’un spectacleou d’un film. Conçue commeun laboratoire, cettemanifestation rassemble desateliers de danse gratuits ouvertsà tous ceux qui le souhaitent,des rencontres (avec AlainBuffard, Julia Cima…), mais aussides apéros, des pique-niques,un training de course à piedet une surprise-partie pour clorele tout. Un spectacle, Kingsde Michel Schweiser, meten scène des échantillonsd’humanité : un hip-hopeur,un boxeur, un maître-chien…

(20 h 30, les 7 et 8 juin).Centre national de la danse,15, rue Geoffroy-l’Asnier, Paris-4e.Mo Pont-Marie.Tél. : 01-42-74-06-44.De 40 F à 70 F.Seyni & RootsabaDans la catégorie reggaeafricain, Seyni Kouyaté,griot originairede Guinée-Conakry,se distingue avantageusementpar son utilisation du balafonet de percussions trèsprésentes, proposantde ce fait une relectureassez originale du genre.Après avoir commencé commedanseur-acteur au sein del’ensemble Koteba d’Abidjan,il s’est lancé dans une carrièremusicale en France, où il vitdepuis 1989 (CD Limaniya,Mi Corason/Mélodie).Guinguette Pirate,quai de la Gare, Paris-13e.Mo Quai-de-la-Gare.20 heures, le 5 juin.Tél. : 01-56-29-10-20. 20 F.

A la suite de notre article intitulé« Le Conseil d’Etat restitue l’ar-gent de la création aux artistes »(Le Monde du 18 janvier), nousavons reçu de l’Adami, société civi-le pour l’administration des droitsdes artistes et musiciens interprè-tes, la mise au point suivante :

Par un arrêt en date du8 décembre 2000, le Conseild’Etat a rejeté le recours pourexcès de pouvoir engagé pardeux associations contre ledécret du 18 novembre 1998.Pour autant, il a donné une inter-prétation restrictive de la portéedu décret semblant limiter l’aideà la création directe d’œuvres.

L’article paru dans Le Mondedu 18 janvier dernier sous le titre« Le Conseil d’Etat restitue l’ar-gent de la création aux artistes »,en évoquant le remboursementpar l’Adami de « sommes préle-vées indûment » et en citant lechiffre fantaisiste de 32 millionsde francs, avancé par l’associa-tion de protection d’ayants droit,

met en cause le financement del’Adami en faveur de l’actionartistique. Il porte atteinte àl’image de notre société en avan-çant des arguments fallacieux carl’argent est toujours allé aux artis-tes et à la création.

L’interprétation du Conseild’Etat, si elle devait être confir-mée, poserait, tout d’abord, unproblème de fond : la créationd’œuvres n’est possible que dansun environnement favorable etne saurait se limiter à la seuleaction ayant pour objet direct lacréation ; cela suppose donc toutun travail de mise en réseaux. Cetravail est effectué par des struc-tures professionnelles, ainsi quepar différentes actions de promo-tion, de diffusion et de défensedes intérêts collectifs. La créa-tion ne peut exister que grâce àcela.

C’est au nom de la défense decelle-ci, que l’Adami, commed’autres sociétés civiles, financedes structures et des actions qui

concourent globalement à la créa-tion. Une interprétation strictede l’arrêt du Conseil d’Etat met-trait fin à ce soutien et mettraiten péril un certain nombre destructures pour lesquelles cessubventions sont un élémentindispensable de leur équilibrebudgétaire. Des manifestationstelles que les Victoires de la musi-que, les Molières, des revues com-me Chorus, des organismes com-me le Centre français du théâtre,l’Association de lutte contre lapiraterie audiovisuelle ou leBureau Export pourraient dispa-raître à court ou à moyen terme.

De même, des institutions tel-les que le CND, Campus, le FCM,le FIPA, le Midem, le Festival ducourt-métrage de Clermont-Ferrand, l’IRMA se trouveraientamputées d’une partie de leursressources.

La combinaison de cet arrêt duConseil d’Etat et de la loi du1er août 2000 serait de nature àcréer une situation de blocage

sans précédent, retirant auxSPRD toute souplesse dans la ges-tion d’interventions dont person-ne ne conteste le bien-fondé nil’efficacité. Cette situation seraitd’autant plus insolite qu’elleintervient à un moment où,d’une part, la mise en place de lacommission de contrôle prévuepar cette loi du 1er août est denature à assurer une parfaitetransparence des décisions pri-ses, et où, d’autre part, l’exten-sion de l’assiette de perceptionau numérique va très rapidementgénérer des ressources nouvelles.

Aujourd’hui, la seule solutionadaptée, à défaut d’une modifica-tion législative, est une nouvellerédaction des dispositions de l’ar-ticle R 321-9 pour en définir demanière plus précise le champd’application, dans le respect dela loi. Une action urgente estindispensable pour assurer lapoursuite d’actions essentielles àla création, dont la légitimitén’est pas en cause.

NUIT SUD-AFRICAINE au festivalMusiques métisses, dimanche3 juin, Angoulême. PROCHAINSCONCERTS : Toto la Momposina,Africando, Kassav, Tao Ravao,Djelimad Tounkara, The OriginalTurtle Shell Band, Don Diego, le4 juin, à partir de 20 heures. De90 F (13,72 ¤) à 150 F (22,87 ¤).Tél. : 05-45-38-61-62.

QUIÉTUDE. Robert Seyfried (chorégraphie,vidéo et scénographie). Léo Van Cutsem(lumières). Marion Mercier (costumes). LaRose des vents - Scène nationale, boulevardVan-Gogh, 59650 Villeneuve-d’Ascq. Tél. :03-20-61-96-96.

Angoulême fête le dialogue constantde la musique et des corps

La nuit sud-africaine du festival Musiques métisses a tenu toutes ses promesses

SORTIR

C U L T U R E

Page 23: e 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE … 57e ANNÉE – Nº 17530 – 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE MÉTROPOLITAINE -- MARDI 5 JUIN 2001 FONDATEUR : HUBERT BEUVE-MÉRY – DIRECTEUR : JEAN-MARIE

R A D I O - T É L É V I S I O N LE MONDE / MARDI 5 JUIN 2001 / 23

LUNDI 4 JUIN

GUIDE TÉLÉVISION FILMS PROGRAMMES

13.30 Place Vendôme a aNicole Garcia (France, 1998,110 min) &. Cinéstar 1

14.10 La Loi du silence a aAlfred Hitchcock (Etats-Unis, 1953,95 min) &. TCM

15.50 Les Trente-neuf Marches a aAlfred Hitchcock (GB, 1935,v.o., 85 min) &. Cinétoile

16.20 Firefox, l'arme absolue a aClint Eastwood (Etats-Unis, 1982,v.o., 135 min) %. Ciné Cinémas 3

17.15 Le soleil se lève aussi a aHenry King (Etats-Unis, 1957,125 min) &. Cinétoile

17.20 La Roulotte du plaisir a aVincente Minnelli (Etats-Unis,1954, 100 min). TCM

18.35 Notre histoire a aBertrand Blier (France, 1984,110 min) %. Ciné Cinémas 3

19.00 La Cinquième Victime a aFritz Lang (Etats-Unis, 1956,v.o., 105 min). TCM

21.00 Mille milliards de dollars a aHenri Verneuil.Avec Patrick Dewaere,Caroline Cellier, Mel Ferrer (France,1982, 130 min) &. Ciné Cinémas 3

21.00 Hurricane a aJohn Ford et Stuart Heisler(EU, 1937, 105 min) &. Cinétoile

22.10 L'Ile des amours interdites a aDamiano Damiani (Italie, 1962,95 min). TCM

22.15 Yol, La Permission a a aYilmaz Güney et Serif Gören (Turquie,1982, v.o., 110 min) %. Ciné Cinémas 2

22.40 L'Empire des sens a aNagisa Oshima (France - Japon, 1975,v.o., 100 min) !. Cinéfaz

22.45 Atlantic City a aLouis Malle (France - Canada, 1980,100 min) &. Cinétoile

23.10 Les Tuniques écarlates a aCecil B. DeMille (Etats-Unis, 1940,v.o., 120 min) &. Ciné Cinémas 3

23.35 Le Roi des gueux a aFrank Lloyd. Avec Ronald Colman,Basil Rathbone (Etats-Unis, 1938,v.o., 105 min) &. Ciné Classics

0.05 Le Plus Grand Cirquedu monde a aHenry Hathaway (Esp. - EU, 1964,135 min) &. Ciné Cinémas 2

0.25 Jeune et innocent a aAlfred Hitchcock (GB, 1937, v.o.,80 min) &. Cinétoile

1.10 Le Goût de la cerise a a aAbbas Kiarostami (France - Iran, 1997,v.o., 95 min) &. Arte

DÉBATS18.30 Studio ouvert. A l’occasion de la

journée mondiale de l’environnement :La loi littorale. Public Sénat

20.45 et 1.00 Le Club LCI. Faut-il rouvrirle tunnel du Mont-Blanc ? LCI

21.00 1948, Israël-Palestine,la rupture. Forum

22.00 Etre autrement,vivre normalement. Forum

23.00 Les Vétéransdes guerres perdues. Forum

MAGAZINES19.00 Archimède. Voir : Volcan. Histoire :

Caprelles. Expérience : Pinceau.Sciences animées : Brune ou blonde.Portrait : Jean-Louis Cheminée.Mise au point : Virus. Application :« La Dame en prière ». Arte

21.00 Le Gai Savoir.L'écrivain face aux critiques.Invités : Olivier Todd ; Michel Crépu ;Katherine Pancol ; Pierre Hebey ;Bertrand Leclair ;Frédéric Beigbeder. Paris Première

21.00 Vie privée, vie publique.L'amour au grand jour.Invités : Daniel Sibony ;Marie-Claire Restoux ; David Gasset ;Catherine Millet ; Jacques Henric ;Alex Métayer ; Joseph Messinger ;H. de Clermont-Tonnerre. France 3

22.15 Ça se discute. Comment grandirsans l'amour de ses parents ? TV 5

23.20 Ciel mon mardi !Invité : Elie Semoun. TF 1

DOCUMENTAIRES17.05 Les Enquêtes

du National Geographic.Sortis de l'âge de pierre. TMC

17.10 Les Grandes Batailles.Bunker Hill. La Chaîne Histoire

18.00 Civilisations perdues.La Chine, des dynastiesomnipotentes. La Chaîne Histoire

18.00 L'Histoire des grands ballets.[7/20]. Giselle. Mezzo

18.05 L'Inde fantôme, réflexionssur un voyage. [5/7]. Planète

18.05 Le Monde des animaux.Animaux rescapés. L'éléphant d'Afrique,le crapaud accoucheur,les flamants. La Cinquième

18.35 Les Chutes Victoria. Odyssée

19.00 A l'est de la guerre. [1/2]. Planète

19.00 Ils ont fait l'Histoire.William Shakespeare. Chaîne Histoire

19.05 Sexe, censure et cinéma. [3/6].L'âge d'or d'Hollywood. Ciné Classics

19.55 Les Mystères de l'Histoire.Les arènes romaines. Chaîne Histoire

20.00 Pilot Guides.L'Inde du Sud. Voyage

20.00 Créatures extraordinaires. [6/6].Ces animaux portés disparus. Planète

20.15 360˚, le reportage GEO. Le Tournoiéquestre de buzkashi. Arte

20.40 Soirée spécialePearl Harbor. La Chaîne Histoire

20.45 La Vie en face. L'Innocence perdue.[2/2]. Un acharnement judiciaire. Arte

21.00 Picasso. Mezzo

21.00 George VI, roi malgré lui. Histoire

21.30 1948, La Catastrophe. Planète

22.00 Roman Jakobson. [1/7]. Histoire

22.30 Chronique de la forêt des Vosges.[1/4]. L'automne. Planète

22.50 Ray Mears,un monde de survivance.Les bushmen de Namibie. Odyssée

23.35 New York.[2/5]. L'ordre et le désordre. Odyssée

23.55 Thema. Eclipse sur Saint-Gilles. Arte

0.00 Pilot Guides. L'Inde du Nord. Voyage

0.30 Juliette Gréco. Odyssée

1.00 Les Présidents américainset la Télévision. [2/2]. Histoire

SPORTS EN DIRECT13.15 Tennis. Internationaux de France.

Quarts de finale. France 314.40 Tennis. Internationaux de France.

Quarts de finale. France 2

MUSIQUE18.30 Sibelius.

Symphonie n˚1 en si mineur, opus 39 ;Symphonie n˚7 en ut majeur, opus 105.Par l'Orchestre philharmonique deVienne, dir. Leonard Bernstein. Mezzo

19.30 Le Quatuor Gabrielau théâtre Silvia Monfort.Paris, janvier 1997. Muzzik

19.50 Sibelius. Humoresques pour violonet orchestre, opus 87 et 89.Enregistré en 1987.Avec Raphaël Oleg, violon.Par l'Orchestre de la Radio-Télévisionsuisse italienne,dir. Mario Venzago. Mezzo

20.15 Hindemith.Sonate pour alto seul opus 25 n˚1.Avec Agathe Blondel, alto. Mezzo

21.00 Bruckner. Symphonie n˚7 en mi majeur.Enregistré en 1992. Par l'Orchestrephilharmonique de Munich,dir. Sergiu Celibidache. Muzzik

22.15 Radiohead.Enregistré en 2001. Canal +

22.25 Schoenberg.Quatuor à cordes n˚3, opus 30.Par le Quatuor Schoenberg. Mezzo

23.10 Jazz à Vienne 1998.Avec Buddy Guy, guitare chant ;Scott Holt Wenston, guitare ;Anthony Zamagni, claviers ;Gregory Rabess, basse ;Ray Allison, batterie. Muzzik

23.15 Manon Lescaut.Opéra de Giacomo Puccini.Enregistré en 1983.Par l'Orchestre du Royal Opéra House,dir. Giuseppe Sinopoli.Avec Kiri Te Kanawa,Placido Domingo. Mezzo

0.20 Jazz à Vienne 1998.Avec Taj Mahal ; Joe Sublett ;Darrell Leonard ; Denis Freeman ;Michael Weaver ; Lary Fulcher ;Tony Braunagel. Muzzik

TÉLÉFILMS17.30 La Mort dans l'âme.

Bill L. Norton %. Téva20.45 Amitié dangereuse.

Jack Bender %. TF 621.30 Les Faux-Fuyants.

Pierre Boutron. &. RTBF 122.05 Les Grandes Espérances.

Marcel Cravenne. Festival22.40 Le Visage du danger.

David Mitchell %. TF 6

COURTS MÉTRAGES23.15 Spécial Festival d'Annecy.

Le Moine et le Poisson.Court métrage d'animation.Michael Dudok de Wit. Canal +

1.05 Libre court. Orthographe renforcée.Jean Larriaga. France 3

SÉRIES17.10 Highlander.

Le jour du jugement &. M 617.10 Agence tous risques.

La mission de la paix. 13ème RUE18.00 Dilbert. Testing &. Canal +18.00 Max la Menace.

Journal intime. &. Monte-Carlo TMC18.10 Buffy contre les vampires.

Superstar. &. M 618.20 Sabrina. La vilaine jumelle. Canal J18.25 Hercule. Le trésor d'Héra. TF 618.25 Nash Bridges.

Un flic à San Francisco. &. France 218.35 21, Jump Street. Un commissaire pas

comme les autres. Série Club19.10 La Vie à cinq. Espoirs brisés &. Téva19.25 Hill Street Blues.

Bon appétit &. Monte-Carlo TMC19.50 Homicide. Vidéomania %. Série Club20.00 Les Anges du bonheur.

Le moment de vérité &. Téva20.45 Invasion planète Terre.

Les volontaires %. 13ème RUE20.50 Ally McBeal.

Hat's Off to Larry (v.o.). &. Téva21.00 Friends.

Celui qui aimait les cheesecakes (v.o.).Ceux qui passaient une nuitblanche (v.o.) &. Canal Jimmy

21.40 Deuxième chance.Food For Thought (v.o.). &. Téva

21.50 That 70's Show.Kelso a un plan (v.o.). &. Canal Jimmy

TÉLÉVISION

TF 113.55 Les Feux de l'amour.14.45 Fausse identité.

Téléfilm. Larry Cohen %.16.30 Les Dessous de Palm Beach.17.25 Sunset Beach.18.15 Exclusif.18.55 Le Bigdil.20.00 Journal, Tiercé Météo.20.50 Permis de tuer

Film. John Glen.23.18 Le Temps d'un tournage.23.20 Ciel mon mardi !1.35 Les Rendez-vous de l'entreprise.

FRANCE 213.50 Derrick &.14.40 Tennis. Internationaux de France.

Quarts de finale Dames et Messieurs.18.20 Un livre.18.25 Nash Bridges &.19.15 Qui est qui ?19.50 Un gars, une fille.20.00 et 0.45 Journal, Météo.20.50 Le Ruffian

Film. José Giovanni &.22.40 On a tout essayé.1.10 Retour à Roland-Garros.1.35 Mezzo l'info.1.50 Le Juge de la nuit.

La deuxième mort &.

FRANCE 313.15 Tennis. Internationaux de France.

Quarts de finale.14.45 Keno.14.50 Le Magazine du Sénat.15.00 Questions au gouvernement.16.05 Les Pieds sur l'herbe.16.35 MNK, A toi l'[email protected] C'est pas sorcier.18.15 Un livre, un jour.18.20 Questions pour un champion.18.50 Le 19-20 de l'information, Météo.20.10 Tout le sport.20.15 Le Journal de Roland-Garros.20.30 Tous égaux.21.00 Vie privée, vie publique.22.55 Météo, Soir 3.23.30 La Perle noire a a

Film. Richard Thorpe &.

CANAL +13.45 Hockey sur glace.

Championnat NHL. Coupe Stanley.14.35 Beau travail a

Film. Claire Denis &.16.05 La Tête dans le carton

à chapeauxFilm. Antonio Banderas %.

f En clair jusqu'à 19.0018.00 Dilbert &.18.30 Canal + classique &.19.00 Nulle part ailleurs &.20.35 Bangkok, aller simple

Film. Jonathan Kaplan &.22.15 Radiohead. Kid A : Amnesiac in Paris.23.15 Surprises &.23.25 Petite chérie a

Film. Anne Villacèque ?.1.15 Une affaire de goût a

Film. Bernard Rapp %.

LA CINQUIÈME/ARTE13.45 et 18.40 Le Journal de la santé.14.05 Les Dessous de la Terre.14.35 L'art d'être grand-frère.15.35 Les Yeux de la découverte.16.00 France - Etats-Unis 2000.16.30 Les Ecrans du savoir.17.35 100 % question 2e génération.18.05 Le Monde des animaux.18.55 Météo.19.00 Archimède.19.45 Météo, Arte info.20.15 360˚, le reportage GEO.20.45 La Vie en face. L'Innocence perdue.

[2/2]. Un acharnement judiciaire.22.15 Thema.

Ma ville, mon quartier et moi.22.16 Voyage autour de ma maison.22.50 Les Fenêtres de Vertov.23.20 Les Trois Forgerons.23.55 Eclipse sur Saint-Gilles.0.30 La Vraie Vie.

1.10 Le Goût de la cerise a a aFilm. Abbas Kiarostami (v.o.) &.

M 613.35 Un bébé toute seule !

Téléfilm. Bob Weis &.15.10 Les Routes du paradis &.16.05 M comme musique.17.10 Highlander &.18.10 Buffy contre les vampires &.19.05 et 20.40, 0.45 Loft Story.19.50 I-minute.19.54 Le Six minutes, Météo.20.05 Madame est servie &.20.50 Demain, tous obèses ?22.59 L'Equipée nature.23.00 Clichés compromettants

Film. Douglas Jackson %.

RADIO

FRANCE-CULTURE19.30 In vivo. Invité : Jean-Marc Lévy Leblond.20.30 Fiction. Un garçon sensible,

de Nicolas Fretel.22.12 Multipistes.22.30 Surpris par la nuit. Au-delà du geste.0.05 Du jour au lendemain.

Philippe S Hadengue (Un Te deumen Ile-de-France et Petite chroniquedes gens de la nuit dans un portde l'Atlantique Nord).

0.40 Chansons dans la nuit.

FRANCE-MUSIQUES19.07 A côté de la plaque.20.00 Un mardi idéal.

Carte blanche à Didier Lockwood.Avec Raghunat Manet, danseur indienet maître de veena ; Benoît Sourisse,organiste ; André Charlier, batteur ;Pierrick Pedron, saxophone ;Caroline Casadesus, soprano ;Dimitri Naïditch, piano.

22.00 Jazz, suivez le thème.23.00 Le Conversatoire.0.00 Tapage nocturne.

RADIO CLASSIQUE18.30 L'Actualité musicale.20.40 Les Rendez-vous du soir.

Le violoniste Christian Tetzlaffet le pianiste Lars Vogt.Œuvres de Brahms, Webern.

22.00 Les Rendez-vous du soir (suite).Hommage à Giuseppe Sinopoli.Œuvres de Mahler, R. Schumann.

21.00 Viva Maria a aLouis Malle (France - Italie, 1965,115 min) &. Cinétoile

21.00 Viva Las Vegas a aRoy Rowland (Etats-Unis, 1956,115 min). Mezzo

21.55 Sauve qui peut (la vie) a aJean-Luc Godard (France - Suisse,1979, 85 min) ?. Ciné Cinémas 2

22.30 Fargo a aJoel Coen et Ethan Coen(EU, 1995, v.o., 100 min) ?. Cinéfaz

22.30 Firefox, l'arme absolue a aClint Eastwood (Etats-Unis, 1982,v.o., 135 min) %. Ciné Cinémas 3

22.35 Quatre mariageset un enterrement a aMike Newell (Grande-Bretagne, 1994,115 min) &. Téva

22.35 Biquefarre a a aGeorges Rouquier (France,1984, 95 min). Festival

22.45 Un soir après la guerre aRithy Panh. Avec Narith Roe,Rosanne Saidnattar(France - Cambodge, 1998,v.o., 110 min) %. Arte

22.50 La Toile d'araignée a aStuart Rosenberg (Etats-Unis, 1975,110 min) %. Canal Jimmy

22.55 Le soleil se lève aussi a aHenry King (Etats-Unis, 1957,v.o., 125 min) &. Cinétoile

0.00 Les Frissons de l'angoisse a aDario Argento (Italie, 1975,v.o., 125 min) %. Ciné Cinémas 1

0.00 Le Rapt a aCharles Crichton (Grande-Bretagne,1952, v.o., 85 min) &. Ciné Classics

0.20 Lame de fond a aVincente Minnelli (Etats-Unis,1946, 120 min). TCM

0.45 L'Empire des sens a aNagisa Oshima (France - Japon, 1975,v.o., 100 min) !. Cinéfaz

1.20 La messe est finie a aNanni Moretti (Italie, 1985,95 min) %. Ciné Cinémas 2

TÉLÉVISION

TF 117.10 Sunset Beach.18.00 Le Flic de Beverly Hills 2

Film. Tony Scott %.20.00 Journal, Tiercé, Météo.20.50 Loin des yeux.

Téléfilm. Christian Faure. [1 et 2/2].23.50 Célébrités.1.15 TF 1 nuit, Météo.1.30 Exorcistes %.

FRANCE 214.55 Tennis.

Internationaux de Francede Roland-Garros.Huitième de finale Messieurs.

19.50 Un gars, une fille.20.00 et 0.05 Journal, météo.20.50 Lourdes.

Téléfilm. Lodovico Gasparini. [1 et 2/2].0.30 Retour à Roland-Garros.0.55 Mezzo l'info.1.10 Le Juge de la nuit.

Immunité diplomatique &.

FRANCE 317.50 C'est pas sorcier.18.15 Un livre, un jour.18.20 Questions pour un champion.18.50 Le 19-20 de l'information, Météo.20.10 Tout le sport.20.15 Le Journal de Roland-Garros.20.30 Tous égaux.21.00 Portrait de femme a

Film. Jane Campion.23.25 Météo, Soir 3.23.55 La Vie en question.

Le Mystère Parkinson.L'incroyable histoire de Tim Lawrence.

0.45 Strip-tease.1.40 La Case de l'oncle Doc.

CANAL +17.15 Basket-ball. NBA.

f En clair jusqu'à 19.0018.00 Dilbert &.18.30 Canal + classique &.18.40 Nulle part ailleurs cinéma.19.00 Nulle part ailleurs &.20.35 Le Goût des autres a

Film. Agnès Jaoui &.

22.25 et 0.10 Surprises &.22.30 Beau travail a

Film. Claire Denis &.0.15 Le Meilleur du lundi.

ARTE19.00 Nature.19.45 Météo, Arte info.20.15 360˚, le reportage GEO.20.45 La vie est un chantier a

Film. Wolfgang Becker.22.35 Court-circuit.

La Danse des asperges sarrasines.Christophe Le Borgne.0.35 Je ne comprends pas.Agnès de Sacy &.

22.45 Un soir après la guerre aFilm. Rithy Panh (v.o.) %.

1.00 Quasimodo,le bossu de Notre-DameFilm. En version coloriséede William Dieterle.

M 617.10 Highlander &.18.10 Buffy contre les vampires &.19.05 et 20.40, 0.05 Loft Story.19.50 I-minute.19.54 Le Six minutes, Météo.20.05 Madame est servie &.20.38 Un jour à part.20.50 Au service de la loi.

Téléfilm. Jean de Segonzac.[1 et 2/2] %.

0.40 Jazz 6. Hommage à Stan Getz.

RADIO

FRANCE-CULTURE20.30 Décibels. Pentecôte à Vézelay.22.12 Multipistes.22.30 Surpris par la nuit. Raison de plus.

Invité : André Berne-Joffroy(Le Dossier Caravage).

0.05 Du jour au lendemain.Olga Manguin (La Tarte aux petits riens).

0.40 Chansons dans la nuit.1.00 Les Nuits (rediff.).

FRANCE-MUSIQUES20.00 Printemps des arts de Monte-Carlo.

Michael Brecker Band. Avec M. Brecker,saxophone ténor, Joe Calderazzo, piano,Chris Minh Doky, contrebasse,Jeff Tain Watts, batterie,John Mc Laughlin, guitare.

22.00 Jazz, suivez le thème.23.00 Le Conversatoire.0.00 Tapage nocturne.

RADIO CLASSIQUE20.40 Les Rendez-vous du soir.

Haydn et Mozart.Œuvres de Mozart, Haydn, Pleyel.

22.40 Les Rendez-vous du soir (suite).Œuvres de Schubert, Brahms.

Arte20.45 La vie en face :L’innocence perdueDans ce documentaire, Ofra Bikelrevisite cette affaire de pédophilieincriminant Bob Kelly, le directeurd’une garderie pour enfants deCaroline du Nord, emprisonné puisinnocenté au bout de six ans, faute depreuves. Dans ce second volet de « LaVie en face », intitulé Un acharnementjudiciaire, on ne retrouve malheureu-sement pas la force du premier, LeFoyer des enfants courage.

Canal +22.15 RadioheadEt si l’avenir des grands concertsrock dans les stades et hippodromesétait déjà derrière lui ? Radiohead ena fait la démonstration, lors de sonunique concert dans les studios deCanal +. Le réalisateur, Don Kent,rend idéalement le spectaculaire duconcert. Ainsi, en ne se focalisant passur le seul Thom Yorke, chanteurhanté, le réalisateur nous fait décou-vrir un groupe en action, un collectifqui, en scène, sait habiter la musique.

Ciné Classics23.35 Le Roi des gueux a a

Mis en scène par Franck Lloyd,alors l’un des meilleurs cinéastesde la Paramount, ce film nousréconforte, en nous faisant décou-vrir des généraux couards et hypo-crites refuser de combattre l’ar-mée bourguignonne, alors que Vil-lon (Ronald Colman) entraîne à sasuite, pour la victoire, lescoquillards et le peuple de Paris.Scènes de foule et d’ambiance,décors appropriés. En v.o.

SIGNIFICATION DES SYMBOLES

DÉBATS20.45 et 1.00 Le Club LCI.

Best of. LCI21.00 L'Amour handicapé. Forum

22.00 Peut-on mesurer l'univers ? Forum

23.00 Des Allemands contre Hitler. Forum

MAGAZINES18.30 L'Invité de PLS. René Rémond. LCI

19.00 Nature. Flux et reflux. Comprendreet connaître la nature. Un paradispour les cigognes. Alerte au sel. Arte

19.00 Nulle part ailleurs.Invités : Max Guazzini ; Aril Wizman ;Jean-François Bizot. Canal +

21.00 La Route. Invités : Marc Cerroneet Claude Challe. Canal Jimmy

21.05 Le Point. La prison de la maison.La forêt malgache en sursis.Le prince et la tomate. TV 5

0.45 Strip-tease. France 3

DOCUMENTAIRES20.15 360˚, le reportage GEO.

La Plus Grande Fête du monde. Arte20.30 Itgaber, le triomphe sur soi.

[2/2]. De l'Etat et de la Loi. Planète20.55 Les Grands Fleuves.

[9/10]. Le Rhin. Odyssée

21.00 La France. Un pas dans la nuitou la désobéissance. Histoire

22.00 Ciel, ma géo !Le clos de Vougeot et le bocagevendéen. Voyage

22.00 Du Creusot ou d'ailleurs. Histoire

22.10 La Scienceet la Guerre. La Chaîne Histoire

22.20 Madame Tout-le–Mondeou presque. Planète

22.40 La Terre en question.Mer Noire, mort ou sursis ? Odyssée

23.00 Biographie. Rudolph Valentino,le séducteur. La Chaîne Histoire

23.05 Aventures africaines.En Afrique du Sud. Odyssée

23.15 Le jour se lève sur la placeTien An Men. Planète

23.45 Les Mystères de l'Histoire.Invasion EU. La Chaîne Histoire

23.45 Michel Simon. Planète

23.45 L'Art du piano. [1/2]. Mezzo

23.55 La Vie en question.Le Mystère Parkinson. L'incroyablehistoire de Tim Lawrence. France 3

0.00 Pilot Guides. Le Népal. Voyage

0.05 François Mitterrand, le romandu pouvoir. [4/4]. .Histoire

SPORTS EN DIRECT20.55 Football. Championnat brésilien

(demi-finale aller) :Ponte Preta - Corinthians. Canal + vert

2.05 Hockey sur glace NHL.Coupe Stanley. Play-off(finale 5e match) : Colorado Avalanche -New Jersey Devils. Canal +

MUSIQUE21.00 La Fille du régiment.

Opéra de Donizetti. Avec Ewa Podles,Bruno Pratico. Muzzik

22.55 Haydn. Concerto pour violoncelle n˚2.Avec Mstislav Rostropovitch. Par theAcademy of St Martin in the Fields,dir. Mstislav Rostropovitch. Mezzo

23.10 The Takacs Quartet.Avec András Fejér, violoncelle ;Edward Dusinberre, 1er violon ;Roger Tapping, alto ;Károly Schranz, violon. Muzzik

0.05 Tony Bennett. En juin 1985,lors du Festival de Montréal. Muzzik

0.40 Mozart. Sonate et Fantaisie pour piano.Avec Daniel Barenboïm, piano. Mezzo

0.40 Jazz 6. Stan Getz. M 6

TÉLÉFILMS20.45 La vie est un chantier.

Wolfgang Becker. Arte20.50 Lourdes.

Lodovico Gasparini [1 et 2/2]. France 220.50 Loin des yeux.

Christian Faure. [1 et 2/2]. TF 120.50 Au service de la loi.

Jean de Segonzac. [1 et 2/2]. %. M 6

SÉRIES19.50 et 23.45 Homicide.

[1/2]. Incendie %. Série Club20.05 Madame est servie.

Toute la vérité &. M 620.20 Friends. Celui qui emménage. RTL 920.30 The New Statesman. Californie,

me voilà ! (v.o.). %. Canal Jimmy21.45 Les Soprano.

Mise au point. %. Canal Jimmy22.20 Sex and the City.

L'impossible Monsieur Big. %. TSR23.40 Spin City.

Le maire cherche l'inspiration. &. TSR

France-CultureRendez-vousà la 49e Biennale de VeniseEn prélude à cet événement se dérou-lant du 10 juin au 4 novembre, Fran-ce-Culture a décidé de consacrer unesérie d’émissions à cette manifesta-tion majeure pour l’art contempo-rain. Certes, Harald Szeemann, com-missaire de cette Biennale, participe-ra à diverses émissions, mais, pourla station, il s’agira d’aller à la ren-contre des créateurs et à la découver-te des nouveaux langages.

Arte22.45 Un soir après la guerre a

Ce deuxième long métrage de RithyPanh (après Les Gens de la rizière) futprésenté dans la section officielle« Un certain regard » au Festival deCannes 1998. L’action se déroule en1992, Roeun Narith (Savannah) incar-ne un jeune soldat démobilisé reve-nant à Phnom Penh et découvrantl’amour dans les bras d’une hôtessede charme. Pour le réalisateur, lesdeux protagonistes principaux repré-sentent une génération sacrifiée qui

n’a connu que la guerre et ne peuttrouver son identité dans une sociétélibérée du communisme mais livréeà l’ultralibéralisme. Une génération àlaquelle la réalité contemporainen’offre aucune issue. Document surl’état du Cambodge, Un soir après laguerre est une histoire d’amour, cons-truite sur un récit rétrospectif et deplus en plus bouleversante. Certainsparleront de mélodrame à l’égard dece film, mais il s’agit réellementd’une tragédie, menée avec douceuret pudeur, où un couple succombe àla loi du plus fort. En v.o.

Les codes du CSA& Tous publics% Accord parental souhaitable? Accord parental indispensable? ou interdit aux moins de 12 ans! Public adulte? Interdit aux moins de 16 ans# Interdit aux moins de 18 ans

Les cotes des filmsa a a On peut voira a a A ne pas manquera a a Chef-d’œuvre ou classiqueLes symboles spéciaux de Canal +DD Dernière diffusion

d Sous-titrage spécial pourles sourds et malentendants

MARDI 5 JUIN

GUIDE TÉLÉVISION FILMS PROGRAMMES

Page 24: e 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE … 57e ANNÉE – Nº 17530 – 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE MÉTROPOLITAINE -- MARDI 5 JUIN 2001 FONDATEUR : HUBERT BEUVE-MÉRY – DIRECTEUR : JEAN-MARIE

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MARDI 5 JUIN 2001

TREIZE ANS après le mitrailla-ge de la caserne Battesti, à Ajac-cio (Corse-du-Sud), siège de lagendarmerie sur l’île, qui avaitcoûté la vie à un gendarme, lespoliciers ont interpellé, vendredi1er juin, un premier suspect. Lesenquêteurs ont placé en garde àvue Ange-Marie Orsoni, nationa-liste membre de l’ancien Mouve-ment pour l’autodétermination(MPA), après avoir retrouvé satrace ADN sur un cheveu trouvédans la voiture qui avait serviaux auteurs de l’attentat.

Le 8 mars 1988, à 13 heures 10,Stéphane Chariot, un gendarmede vingt-sept ans, marié et pèred’une petite fille, règle la circula-tion devant la porte arrière de lacaserne Battesti, siège de lalégion corse de la gendarmerie.Depuis dix jours, la porte princi-pale, jugée trop dangereuse encas d’attaque, a été condamnée.Une vingtaine d’enfants jouentdans la cour, près de cette porte,lorsque des coups de feu partentd’une Citroën BX blanche. Plu-sieurs rafales d’armes automati-ques atteignent la porte. Le gen-

darme Chariot s’écroule, atteintde deux balles de calibre 11,43dans l’abdomen. Il décède à sonarrivée à l’hôpital. Un enginexplosif de faible puissance a étélancé simultanément par-dessusle mur de la caserne. Un enfantest légèrement touché.

Le FLNC revendique six joursplus tard l’attentat. Des informa-tions issues de la mouvancenationaliste laissent entendreque l’opération a été montéetrop rapidement et qu’elle a déra-pé faute de préparation. L’actionest intervenue quelques heuresaprès la réunion d’une conféren-ce clandestine organisée, la nuitprécédente, près de Bastia (Hau-te-Corse). Après des débats hou-leux au sein du mouvement clan-destin, notamment entre la Hau-te-Corse et la Corse-du-Sud, ladirection du mouvement décided’assumer cette opération.

Les enquêteurs ne disposentalors que de la voiture desauteurs de l’attentat, qui a étéretrouvée le jour même à la sortiede la ville d’Ajaccio. Les emprein-tes découvertes dans le véhicule

sont inexploitables, mais ils pla-cent sous scellés un certain nom-bre « d’indices biologiques »,notamment des cheveux, quiconstituent l’essentiel du dossier.

PRÉLÈVEMENT SUR UN CHEVEUEntre 1994 et 1996, les nationa-

listes, divisés en groupes rivauxet engagés dans une guerre fratri-cide, se dénoncent mutuelle-ment dans des tracts anonymes.Certains livrent alors des infor-mations relatives à cet attentat.Les rédacteurs de ces courriersanonymes affirment qu’Ange-Marie Orsoni, cousin d’AlainOrsoni, leader du MPA, estl’auteur des coups de feu mortelstirés contre le gendarme.

Mais il faut attendre, en sep-tembre 1998, la découverted’une cache d’armes, près d’Ajac-cio, appartenant à des membresde la mouvance du MPA connuspour leurs liens avec le milieu dubanditisme, pour que les poli-ciers progressent de nouveau. Ilsinterpellent Ange-Marie Orsoni,qui est, faute de preuves, remisen liberté. Néanmoins, les poli-

ciers profitent de l’occasion poureffectuer des prélèvements desti-nés à vérifier des soupçons quipèsent sur lui dans d’autres affai-res, notamment celle de l’assassi-nat du gendarme Chariot. Ils sou-haitent comparer son ADN àcelui trouvé, en 1988, sur le che-veu découvert dans le véhicule.Le laboratoire de police scientifi-que de Nantes (Loire-Atlanti-que) conclut qu’il s’agit dumême homme.

Interrogé par Le Monde, lundi4 juin, l’avocat d’ Ange-MarieOrsoni, Me Jean–Michel Mariag-gi, nous a déclaré que « le typed’ADN prélevé sur le cheveu d’unhomme mort n’offre pas les garan-ties de fiabilité de l’ADN nucléai-re ». « Nous refusons cettedémonstration technique qui nousparaît fort contestable, a-t-il ajou-té. De plus, en quoi cela prou-ve-t-il que mon client était présentdans la voiture le jour de l’atten-tat ? »

Jacques Follorou

UNE PLAINTE A ÉTÉ DÉPOSÉE par la préfecture de la Somme après desactes de malveillance contre les travaux d’endiguement de la Somme, sur-venus jeudi 31 mai. Une brèche de 2 mètres sur 1,5 avait été creusée surles digues en sacs de sable, installées par les militaires entre Fontaine-sur-Somme et Long. Cet endiguement avait été réalisé dans le cadre des tra-vaux d’assèchement des zones encore inondées de Fontaine-sur-Somme,qui restent les plus touchées. « Les auteurs de ces actes de malveillancen’ont peut-être pas mesuré toutes leurs conséquences possibles », a déclaréun porte-parole de la préfecture. Les dégâts ont été réparés rapidement.Depuis cet incident, les rondes de surveillance de la gendarmerie ont étérenforcées, pendant que les travaux d’assèchement se poursuivent. Parailleurs, des travaux pour la régulation du cours de la Somme doiventcommencer cette semaine. Un pont qui freine l’écoulement des eaux surune petite rivière à Abbeville doit également être détruit.

DÉPÊCHESa ÉNERGIE : accord pour l’exploitation du gaz en Arabie saoudite.L’Arabie saoudite a signé, dimanche 3 juin, des protocoles d’accord avechuit firmes étrangères choisies pour exploiter des gisements gaziersgéants dont les investissements pourront atteindre 50 milliards de dollars.Le plus important projet, dans la province orientale, sera réalisé par unconsortium dirigé par ExxonMobil (USA), groupant Shell (GB et Pays-Bas), BP et Phillips (USA). Le deuxième projet, près de la mer Rouge, a étéconfié à un consortium dirigé également par ExxonMobil, groupant Occi-dental Petroleum (USA) et Marathon (USA), qui remplace l’américaineEnron. Le troisième, à Shaybah (sud-est), sera réalisé par un consortiumdirigé par Shell et groupant TotalFinaElf (France) et Conoco (USA).a TÉLÉCOMMUNICATIONS : Vodafone, numéro un mondial de latéléphonie mobile, pourrait franchir une étape significative dans sa luttepour prendre le contrôle de l’opérateur mobile français SFR en rachetantdes parts au géant français de la communication Vivendi Universal, affir-me lundi le Financial Times. Selon le quotidien économique, les parts deVodafone dans SFR passeraient de 20 % à 32 %. En échange, Vodafonecéderait à Vivendi 15 % de ses parts dans Cegetel.a POLITIQUE : Elisabeth Guigou, ministre de l’emploi et de la solidarité,qui s’exprimait devant la presse, vendredi 1er juin, a indiqué qu’elle envisage lamise en place de « médiateurs » en cas de plans de licenciements. La ministre,qui cherche un accord avec les députés communistes avant le vote du projetde loide modernisation sociale, le 13 juin, souhaite trouver lesmoyens de per-mettre aux comités d’entreprise « de formuler de véritables alternatives » auxrestructurations. Mme Guigou estime que cette « tierce personne » permet-trait de créer les conditions d’un véritable dialogue dans l’entreprise.a Les listes « citoyennes et Motivé-e-s » créent un réseau. Les vingt-cinq listes « citoyennes et Motivé-e-s » réunies samedi 2 et dimanche3 juin à l’université de Saint-Denis (Le Monde daté 3-4 juin) ont décidé lacréation d’un « réseau de mutualisation de savoirs et d’expériences ». Undocument de discussion de cinq pages sur les « pistes de débat mises enavant pendant les deux journées » des rencontres nationales doit être « tra-vaillé localement » par chaque liste. La question de l’attitude à l’égard deséchéances électorales de 2002 n’est que l’un des points évoqués, qui ne fai-sait pas consensus entre les délégués.a AFFAIRE ELF : le radiologue et « professeur de golf » de FrançoisMitterrand, Laurent Raillard, a mis en cause l’ancien président dans l’affai-re Elf, lors d’une audition, mercredi 30 mai, devant la juge Eva Joly, a affir-mé dimanche 3 juin le journal Aujourd’hui-Le Parisien. François Mitterrandserait intervenu pour lui obtenir un emploi jugé fictif, qui a valu au radiolo-gue une mise en examen en 1997 pour « recel d’abus de biens sociaux ».a POLICE : le Syndicat national des policiers en tenue (SNPT-UNSA)appelle à une grève des procès-verbaux, mardi 5 juin. Le syndicat, majo-ritaire chez les gardiens de la paix, revendique une revalorisation des salai-res des policiers et entend « alerter les citoyens » sur leur situation. Le motd’ordre concernera les infractions aux stationnements, mais pas les fautesgraves comme le non-respect d’un feu rouge.a PRESSE: l’hebdomadaire Le Canard enchaîné a été victime d’uncambriolage, dans la nuit de samedi 2 au dimanche 3 juin. Les visiteursse sont introduits dans les locaux parisiens des Dossiers du Canard, rue desPetits-Pères, et ont dérobé un ordinateur portable appartenant à une jour-naliste chargée des affaires militaires.

L’EXHUMATION de dizainesde corps d’une fosse communedes environs de Belgrade a com-mencé en fin de semaine dernière,sous l’autorité du ministère serbede l’intérieur. Il s’agirait des restesd’Albanais tués pendant le conflitau Kosovo, qui avaient été trou-vés en avril 1999 dans un camionfrigorifique repêché dans leDanube, puis enterrés à proximitéde Belgrade.

La police serbe avait ouvert uneenquête début mai à la suite de lapublication par la presse du témoi-gnage d’un homme-grenouilleaffirmant avoir participé, le 6 avril1999, au repêchage dans le Danu-be d’un camion de Prizren (Koso-vo) contenant des cadavres. Leministre serbe de l’intérieur,Dusan Mihajlovic, a ensuite accu-sé l’ancien président yougoslaveSlobodan Milosevic d’avoir ordon-né la destruction des preuves descrimes commis par les forces ser-bes contre des civils albanais auKosovo. L’affaire du camion frigo-rifique ne serait, d’après le minis-tre, que l’un des indices dont il dis-pose à l’appui de cette accusation.

La radio B92 a affirmé diman-che, citant des sources policières,que 83 corps avaient déjà étéexhumés ainsi que trois têtes sanscorps. Selon la radio, il s’agit deplusieurs membres de l’Armée delibération du Kosovo (UCK),reconnaissables à leur uniforme,ainsi que de femmes, d’enfants etde vieillards.

Cette affaire éclate alors que lacoalition au pouvoir à Belgrade(DOS) est divisée sur les modali-tés de la coopération avec le Tri-bunal international de La Haye,qui réclame, pour les juger, Milo-sevic et plusieurs autres anciensdirigeants. Les discussions quiont eu lieu dimanche soir à Bel-grade n’ont pas permis de déga-ger d’accord sur un projet de loidéfinissant les conditions d’extra-dition vers La Haye. Le Partisocialiste populaire (SNP) duMontenegro est hostile aux extra-ditions. La DOS a besoin de luipour faire passer le texte au Parle-ment fédéral et elle est elle-même divisée. – (AFP.)

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Le nationaliste corse Ange-Marie Orsoni en garde à vuedans l’affaire du meurtre d’un gendarme en 1988

Sa trace ADN a été retrouvée dans la voiture des auteurs de l'attentat

a A NOS LECTEURS. En raison des fêtes de la Pentecôte,« Le Mon-de Economie » sera exceptionnellement publié, avec « Le Monde

interactif », dans nos éditions du mardi 5 juin daté 6. Nos pages Commu-nication, Bourse et Kiosque reprendront dans ces mêmes éditions.

Tentative de sabotage des travauxd’endiguement de la Somme

Plus de 80 corps exhumésd’une fosse commune à BelgradeIl s’agirait des restes d’Albanais tués pendant le conflit au Kosovo

Tirage du Monde daté dimanche 3-lundi 4 juin 2001 : 591 658 exemplaires. 1-3

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