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Dyslexie Dysorthographie Dyscalculie Bilan des données scientifiques Expertise collective

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Expertise collective

Dyslexie Dysorthographie DyscalculieBilan des donnes scientiques

Dyslexie Dysorthographie DyscalculieBilan des donnes scientiques

Dyslexie, dysorthographie, dyscalculie Bilan des donnes scientiques

ISBN 978-2-85598-856-X

Les ditions Inserm, 2007 101 rue de Tolbiac, 75013 ParisDans la mme collection Obsit. Dpistage et prvention chez lenfant. 2000 Asthme et rhinites dorigine professionnelle. 2000

Ce logo rappelle que le code de la proprit intellectuelle du 1er juillet 1992 interdit la photocopie usage collectif sans autorisation des ayants-droits. Le non-respect de cette disposition met en danger ldition, notamment scientique. Toute reproduction, partielle ou totale, du prsent ouvrage est interdite sans autorisation de lditeur ou du Centre franais dexploitation du droit de copie (CFC, 20 rue des Grands-Augustins, 75006 Paris).

Couverture: conception graphique am bourgeois

Lombalgies en milieu professionnel. Quels facteurs de risques et quelle prvention ? 2000 Dioxines dans lenvironnement. Quels risques pour la sant ? 2000 Hormone replacement therapy. Inuence on cardiovascular risk ? 2000 Rythmes de lenfant. De lhorloge biologique aux rythmes scolaires. 2001 Susceptibilits gntiques et expositions professionnelles. 2001 ducation pour la sant des jeunes. Dmarches et mthodes. 2001 Alcool. Effets sur la sant. 2001 Cannabis. Quels effets sur le comportement et la sant ? 2001 Asthme. Dpistage et prvention chez lenfant. 2002 Dcits visuels. Dpistage et prise en charge chez le jeune enfant. 2002 Troubles mentaux. Dpistage et prvention chez lenfant et ladolescent. 2002 Alcool. Dommages sociaux, abus et dpendance. 2003 Hpatite C. Transmission nosocomiale. tat de sant et devenir des personnes atteintes. 2003 Sant des enfants et des adolescents, propositions pour la prserver. Expertise oprationnelle. 2003 Tabagisme. Prise en charge chez les tudiants. 2003 Tabac. Comprendre la dpendance pour agir. 2004 Psychothrapie. Trois approches values. 2004 Dciences et handicaps dorigine prinatale. Dpistage et prise en charge. 2004 Tuberculose. Place de la vaccination dans la maladie. 2004 Suicide. Autopsie psychologique, outil de recherche en prvention. 2005 Cancer. Approche mthodologique du lien avec lenvironnement. 2005 Trouble des conduites chez lenfant et ladolescent. 2005 Cancers. Pronostics long terme. 2006 thers de glycol. Nouvelles donnes toxicologiques. 2006 Dcits auditifs. Recherches mergentes et applications chez lenfant. 2006 Obsit. Bilan et valuation des programmes de prvention et de prise en charge. 2006 La voix. Ses troubles chez les enseignants. 2006

Expertise collective

Dyslexie Dysorthographie DyscalculieBilan des donnes scientiques

Cet ouvrage prsente les travaux du groupe dexperts runis par lInserm dans le cadre de la procdure dexpertise collective, pour rpondre la demande du Rgime social des indpendants, anciennement la Canam, concernant la dyslexie, la dysorthographie et la dyscalculie. Ce travail sappuie sur les donnes scientifiques disponibles en date du deuxime semestre 2006. Plus de 2 000 articles ont constitu la base documentaire de cette expertise. Le Centre dexpertise collective de lInserm a assur la coordination scientifique et ditoriale de cette expertise collective. Dans le cadre de la mission daccompagnement des expertises collectives mise en place par Christian Brchot, Directeur gnral de lInserm, lexpertise a bnfici des conseils de Jean-Marie Danion, professeur de psychiatrie reprsentant la Direction gnrale de lInserm, de Jean-Claude Ameisen, prsident du comit dthique de lInserm, et des membres du dpartement de linformation scientifique et de la communication sous la direction de Pascale Sillard et Patrick Chanson.

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Groupe dexperts et auteursPierre BARROUILLET, Facult de psychologie et de sciences de lducation, Universit de Genve, Suisse Catherine BILLARD, Centre de rfrence sur les troubles des apprentissages, neuropdiatrie, Hpital Bictre, Le Kremlin Bictre Maria DE AGOSTINI, Recherche en pidmiologie et biostatistique, Inserm U 780, CNRS, Villejuif Jean-Franois DMONET, Service de neurologie, Inserm U455, Hpital de Purpan, Toulouse Michel FAYOL, Laboratoire de psychologie sociale et cognitive, Universit Blaise Pascal et CNRS, Clermond-Ferrand Jean-mile GOMBERT, Centre de recherche en psychologie, cognition et communication, CRPPC, Universit Rennes 2, Rennes Michel HABIB, Service de neurologie pdiatrique, Hpital des enfants de la Timone, Marseille Marie-Thrse LE NORMAND, Physiologie et neurologie du dveloppement, Inserm E 9935, Hpital Robert Debr, Paris Franck RAMUS, Laboratoire de sciences cognitives et psycholinguistique, UMR 8554, EHESS, CNRS, ENS, Paris Liliane SPRENGER-CHAROLLES, Laboratoire de psychologie de la perception, Universit Ren Descartes et FRE 2929 CNRS, Paris Sylviane VALDOIS, Laboratoire de psychologie et neurocognition, UMR 5105, Universit Pierre Mends France et CNRS, Grenoble

Ont prsent une communicationCatherine BILLARD et coll., Centre de rfrence sur les troubles des apprentissages, neuropdiatrie, Hpital Bictre, Le Kremlin Bictre Michel HABIB, Service de neurologie pdiatrique, Hpital des enfants de la Timone, Paris Marie-Thrse LE NORMAND et coll., Physiologie et neurologie du dveloppement, Inserm E 9935, Hpital Robert Debr, Paris Monique TOUZIN, Unit de rducation neuropdiatrique, CHU Bictre

Ont rdig une note de lectureMichel DELEAU, Psychologie du dveloppement, Universit de Rennes Nicolas GEORGIEFF, Institut des Sciences Cognitives, Bron Philippe MEIRIEU, Sciences de lducation, Universit Lumire-Lyon 2Remerciements LInserm et le groupe dexperts remercient Stanislas DEHAENE (Neuroimagerie cognitive, Inserm U 562, Service Hospitalier Frdric Joliot, CEA, Orsay) et Jos MORAS (Facult des sciences psychologiques et de lducation, Universit libre de Bruxelles) pour leur relecture de louvrage ainsi que pour leurs conseils.

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Coordination scientifique, ditoriale et logistiqueFabienne BONNIN, charge dexpertise, Centre dexpertise collective de lInserm, Facult de mdecine Xavier-Bichat, Paris Catherine CHENU, attache scientifique, Centre dexpertise collective de lInserm, Facult de mdecine Xavier-Bichat, Paris Jeanne TIEMBLE, directrice, Centre dexpertise collective de lInserm, Facult de mdecine Xavier-Bichat, Paris Ccile GOMIS, secrtaire, Centre dexpertise collective de lInserm, Facult de mdecine Xavier-Bichat, Paris Anne-Laure PELLIER, attache scientifique, Centre dexpertise collective de lInserm, Facult de mdecine Xavier-Bichat, Paris Chantal RONDET-GRELLIER, documentaliste, Centre dexpertise collective de lInserm, Facult de mdecine Xavier-Bichat, Paris

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Prface

Je remercie le Rgime social des indpendants RSI (anciennement la Canam) davoir confi lInserm la ralisation dune expertise collective sur des troubles affectant les apprentissages scolaires tels que la dyslexie, dont limportance en sant publique a justifi un plan national daction en 2001. Je tiens tout particulirement fliciter le groupe dexperts davoir trait un sujet particulirement difficile en faisant une analyse objective de la littrature disponible dans les champs disciplinaires o les progrs ont t les plus marqus ces dernires annes. Je souhaite que cet clairage scientifique soit utile aux professionnels du secteur de lEducation et de la Sant pour aider les enfants surmonter leur handicap. Cette expertise ne prtend pas avoir abord tous les aspects concernant ces troubles composantes multiples ni avoir rpondu toutes les questions. La recherche doit se poursuivre pour combler les nombreuses lacunes de connaissance. Linterdisciplinarit est un facteur de succs de cette recherche comme le soulignent les experts. La ralisation de cette expertise sest inscrite dans le cadre dune volution en cours des expertises collectives lInserm visant mieux intgrer dans le dbat les diffrents points de vue et modes de pense. Les reprsentants des associations de patients et de parents, des professionnels du champ ducatif, mdical et para-mdical (orthophonistes, neuropsychologues, psychologues) ont eu loccasion dchanger sur le travail ralis par les experts avant la publication de cette expertise et dapporter leur point de vue, leur exprience et leur savoir-faire. Leurs propos rapports dans cet ouvrage contribuent sa qualit. Je remercie chaleureusement mes collaborateurs qui ont prodigu leurs conseils au cours de ce travail dans le cadre de leur mission daccompagnement des expertises collectives que jai mise en place. Je remercie galement tous les scientifiques et professionnels impliqus dans les apprentissages et leurs troubles qui, par une lecture critique de tout ou partie du document, selon leur champ dintrt, ont permis den amliorer la rdaction. Je souligne lintrt que lInserm accorde au dbat qui doit se poursuivre aprs ce travail consquent mais ncessairement limit des experts. Jinvite le lecteur prendre connaissance des trois notes de lecture confies des personnalits choisies pour leurs approches diffrentes et complmentaires. Professeur Christian Brchot Directeur gnral de lInserm

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SommaireAvant-propos ...................................................................................... XIII Analyse I Acquisitions et apprentissages ..................................................1. 2. 3. 4. 5. De lacquisition du langage aux apprentissages scolaires................. Acquisition du langage oral : repres chronologiques ..................... Apprentissage de la lecture .............................................................. Apprentissage de la production crite et de lorthographe ............. Apprentissage de larithmtique ...................................................... Apprentissage du langage crit chez les sourds................................ 1 3 5 33 79 107 137 149 151 159 175 191 217 273 291 343 367 379 381 389 419 451 459 479 497 513

II Troubles spcifiques des apprentissages ..............................6. 7. 8. 9. 10. 11. 12. 13. Des difficults dapprentissage aux troubles spcifiques .................. Dfinitions et classifications ............................................................ Donnes de prvalence .................................................................... Dyslexie : tudes de cas .................................................................... Dyslexie : tudes de groupes et de cas multiples .............................. Dysorthographie............................................................................... Dyscalculie et troubles de lapprentissage de larithmtique ........... Troubles des acquisitions associs la dyslexie................................ Troubles comportementaux ou motionnels associs la dyslexie ...

III Thories explicatives de la dyslexie ....................................14. 15. 16. 17. 18. 19. 20. Des premires approches de la dyslexie aux hypothses actuelles... Thorie phonologique ..................................................................... Thorie visuelle ............................................................................... Thorie du dficit de la fonction crbelleuse ................................ Thorie du trouble du traitement temporel..................................... Apport de limagerie crbrale......................................................... Facteurs gntiques .......................................................................... Analyse critique des thories explicatives de la dyslexie ................

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IV Prvention et prise en charge ................................................21. 22. 23. 24. Du reprage la prise en charge lcole et la pratique clinique... Reprage, dpistage et diagnostic .................................................... Bilan des tudes de prvention en milieu scolaire........................... Traitements et mthodes de rducation de la dyslexie .................. Stratgies de soins des troubles spcifiques et associs ....................

535 537 541 571 591 613 635 719 721 743 767 785 793 807 811 819 823

Synthse, principaux constats, recommandations ................ Communications / Dbat ................................................................Rsultats prliminaires dune tude pidmiologique au CE1 ............... Trois mthodes compares de rducation ............................................ Exemple de remdiation neurodveloppementale ................................. Rducation orthophonique dans la dyslexie ........................................ Rencontre-dbat du 16 janvier 2007...................................................... Note de lecture de Michel Deleau.......................................................... Note de lecture de Nicolas Georgieff ..................................................... Note de lecture de Philippe Meirieu ...................................................... Rponse du groupe d'experts au propos de Philippe Meirieu.................

Annexes ...............................................................................................Expertise collective Inserm .................................................................... Centres rfrents pour les troubles du langage .......................................

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Avant-propos

Depuis les annes 2000, la Caisse nationale des travailleurs indpendants (Canam), devenue en 2005 le Rgime social des indpendants (RSI) a sollicit lInserm pour la ralisation de plusieurs expertises collectives relatives la sant des enfants. Elles portent, entre autres, sur lobsit, les troubles mentaux et les troubles spcifiques des apprentissages scolaires identifis comme des priorits en sant publique au niveau national. La dyslexie, qui entrave lapprentissage de la lecture, est le trouble spcifique le plus connu et le mieux tudi. La dyscalculie ou la dysorthographie ont fait lobjet de beaucoup moins de recherches. Les difficults scolaires lies ces troubles sils ne sont pas pris en charge peuvent conduire la marginalisation voire la stigmatisation des enfants et les checs cumuls aboutir des difficults dinsertion sociale lge adulte. La Canam (RSI) a souhait que lInserm ralise, travers la procdure dexpertise collective, un tat des connaissances scientifiques rcentes permettant de mieux connatre et comprendre les troubles spcifiques des apprentissages scolaires ainsi quun bilan des publications scientifiques concernant les outils et mthodes de reprage et de prise en charge. Pour rpondre cette demande, lInserm a runi un groupe de 11 experts ayant des comptences dans les domaines de la psychologie cognitive, la psychologie du dveloppement, la neuropsychologie de lenfant, la pdiatrie, les neurosciences, la psycholinguistique, la linguistique et lpidmiologie. Limpact que peuvent avoir les progrs des connaissances scientifiques sur la prise en charge de la dyslexie et des autres troubles spcifiques des apprentissages est une des questions de lexpertise. De nombreux outils de remdiation de la dyslexie sont aujourdhui proposs sans pour autant que leur efficacit ait t value ni mme que leurs rfrences thoriques aient t explicites. Cette situation justifie un tat de lieux des connaissances sur la dyslexie, la dysorthographie et la dyscalculie ainsi que sur les mthodes de prise en charge. La dysphasie (trouble spcifique du langage oral) et la dyspraxie (trouble de lacquisition de la coordination) nont pas t abordes dans le cadre de cette expertise cible sur les troubles spcifiques des apprentissages scolaires. Ces troubles ont cependant un retentissement important sur les apprentissages scolaires. Ils sont voqus dans le chapitre sur les troubles associs et mriteraient de faire lobjet dun bilan approfondi des connaissances au cours dune prochaine expertise collective Inserm.

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Le groupe a structur sa rflexion autour des questions suivantes : Que sait-on lheure actuelle de lacquisition normale du langage, de lapprentissage de la lecture, de lorthographe et du calcul, pouvant clairer la comprhension des troubles spcifiques des apprentissages ? Quelles sont les dfinitions et classifications des troubles spcifiques des apprentissages utilises dans les diffrentes tudes pour en dterminer leur frquence et leur dmographie ? Quest-ce que la dyslexie, quelles sont ses principales manifestations et leur frquence ? Quels sont les autres troubles spcifiques des apprentissages (dyscalculie, dysorthographie) et leurs relations avec la dyslexie ? Quels autres troubles sont frquemment associs ? Quelles sont les principales thories explicatives de la dyslexie et quel a t lapport dans ce domaine des nouvelles technologies scientifiques (neuro-imagerie, gntique, neurosciences cognitives) ayant permis les avances rcentes ? Quelles sont les diffrentes mthodes de remdiation et comment sarticulent-elles avec les thories actuelles ? Quel est ltat actuel des recherches scientifiques en matire dindications de prises en charge et dvaluation des mthodes proposes ? Quels sont les outils et stratgies disponibles en termes de reprage, dpistage, diagnostic et prise en charge ? Quelles sont les perspectives dont les enseignants, les familles et les enfants eux-mmes pourraient tirer bnfice ? Louvrage est constitu de quatre parties. Pour comprendre la dyslexie, la dysorthographie et la dyscalculie, il est apparu indispensable de prsenter tout dabord de manire synthtique lacquisition du langage oral, lapprentissage de la lecture, de la production crite, de lorthographe et du calcul chez lenfant ne prsentant pas de difficult particulire. Ceci constitue la premire partie de louvrage. La deuxime partie est consacre la prsentation des troubles spcifiques des apprentissages scolaires (dfinition, prvalence). La diversit des formes de dyslexie est illustre travers lanalyse des tudes de cas alors que ltude des populations denfants dyslexiques rvle une forte prvalence dun dficit cognitif spcifique (le dficit phonologique). Les donnes de la littrature relatives la dysorthographie et dyscalculie dveloppementales sont encore peu dveloppes. Les frquentes associations entre troubles dys et dautres troubles psychiques ouvrent des pistes de rflexion sur des mcanismes physiopathologiques communs.XIV

Les diffrentes thories explicatives de la dyslexie (dficit phonologique, dficit du traitement auditif temporel, thories visuelles, dficit de la fonc-

tion crbelleuse, thorie magnocellulaire,) font lobjet dune troisime partie. Le lien avec dautres troubles dveloppementaux contribue engendrer de nouvelles hypothses. On voit donc l un chantier foisonnant de recherches. Les travaux en neurobiologie, neuro-imagerie, en gntique molculaire, loin dtre aboutis, ouvrent des pistes intressantes sur les mcanismes possibles de ces dficits. La dernire partie de louvrage est centre sur le reprage, le dpistage, le diagnostic, la prvention et la prise en charge. Le bilan des connaissances effectu dans cette expertise conforte-t-il ou non les principes gnraux sur lesquels sappuient les pratiques professionnelles et les modes dorganisation pour la prise en charge des enfants ? Selon la mthodologie de lexpertise collective Inserm, cette partie ne dcrit pas lensemble des pratiques en France mais analyse les diffrentes mthodes de remdiation ayant fait lobjet de publications et leur valuation scientifique. Dune manire gnrale, et en ce qui concerne lapproche diagnostique et la prise en charge multidisciplinaire ces troubles ne doivent-ils pas tre conus comme relevant dun handicap ? Des rapports antrieurs cette expertise (rapport Ringard, 2000 ; rapport Vber et Ringard, 2001) ont donn lieu un Plan national daction pour les enfants atteints dun trouble spcifique du langage (Ministre de la sant, Ministre de lducation nationale, 2001)1. Ce plan traduit une volont dagir pour amliorer la situation de ces enfants et de leur famille. Dans le cadre de ce plan, des tudes pidmiologiques et des programmes de recherche notamment dans le domaine de lvaluation des pratiques de soins de mme que sur les stratgies pdagogiques et sur les contenus didactiques taient prvus. Cinq ans aprs leur mise en uvre, les mesures entreprises dans le cadre du plan national dans le champ de la sant font lobjet dune valuation conduite par la Fdration nationale des observatoires rgionaux de sant sous lgide de la Direction gnrale de la sant. Toujours, dans le cadre de ce plan, une commission dexperts a travaill sur les outils de dpistage des troubles du langage, le rapport a t rendu public en 20062 au moment de la finalisation des travaux de cette expertise collective et na donc pu tre intgr lanalyse.

1. http://www.sante.gouv.fr/htm/dossiers/troubles_langage/plandysl.pdf ftp://trf.education.gouv.fr/pub/edutel/actu/2001/03_21_dp_troublelangage.pdf 2. http://www.sante.gouv.fr/htm/dossiers/troubles_langage/recommandations_tsl.pdf

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et apprentissages

I Acquisitions

Introduction : De lacquisition du langage aux apprentissages scolaires

Les chapitres de cette premire partie visent dresser un bilan critique des donnes actuellement disponibles relativement lacquisition du langage et lapprentissage de la lecture, de lcriture et du calcul. En effet, pour rpondre lobjectif de cette expertise concernant les troubles spcifiques des apprentissages scolaires, leur reprage, caractrisation et prise en charge, il faut au pralable disposer dinformations suffisantes sur le droulement normal des apprentissages concerns. Peu dapprentissages se ralisent spontanment sans que nous ayons y investir de lattention et du temps. Cest notamment le cas de tous les apprentissages complexes : la lecture, larithmtique, mais aussi le piano, lbnisterie ou llectronique... De telles acquisitions impliquent la rencontre dobstacles plus ou moins nombreux et frquents qui doivent tre surmonts pour progresser : on peut alors parler de difficults dapprentissage. Tant que les individus peuvent dpasser ces difficults, seuls ou accompagns, ou bien les contourner , si par exemple lapprentissage nest pas impos, le problme des troubles se pose peu : on en reste lexistence de difficults. La situation est tout autre lorsquun savoir ou un savoir-faire est requis pour linsertion dans la socit. Lire, compter, crire sont autant dacquisitions considres comme indispensables dans les socits occidentales. Les pratiques pdagogiques mises en place au cours de lhistoire ont conduit tablir des programmes, des progressions et des tapes dcrivant et imposant plus ou moins selon les champs disciplinaires quand et comment ces acquisitions doivent se raliser pendant la scolarit. On peut considrer que cette stratgie programme constitue un moyen doptimiser ce que les individus peuvent acqurir dans un domaine de connaissance donn, compte tenu de leur niveau de dveloppement, des savoirs et savoir-faire dj acquis, du temps disponible (qui dpend de limportance du domaine considr par rapport aux autres) et des objectifs poursuivis par linstitution et, travers elle, la socit. Ds lors, les (invitables) difficults sont supposes adaptes, cest--dire surmontables par les apprenants, sous rserve que lintroduction des savoirs et savoir-faire soit prpare et que laccs leur matrise soit guid de manire tenir compte des diffrences interindividuelles de niveau initial, de capacit, de rythme et de motivation.

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Pourtant, malgr toutes les adaptations des programmes et progressions, et malgr les amnagements de dispositifs denseignement, les difficults normales , gnralement surmontes par la plupart des apprenants apparaissent insurmontables pour une partie dentre eux, au moins un moment donn du cursus et dans le cadre dune organisation dfinie de lapprentissage. Les difficults durablement non surmontes par certains font quils scartent du niveau de russite attendu (ou prescrit) des apprenants relativement un ou plusieurs domaines une priode dfinie du cursus. Cet cart conduit sinterroger sur ce qui le dtermine. Plusieurs facteurs doivent tre envisags : carences ducatives, irrgularit de la scolarisation, qualit de lenseignement reu, existence de troubles sensoriels ou neurologiques, niveau de motivation, retard gnral de dveloppement. Lorsque ces diverses ventualits ont pu tre cartes, on peut alors parler de trouble spcifique des apprentissages. Les cinq chapitres qui suivent visent prcisment dcrire ce qui est connu du droulement usuel des apprentissages de manire contribuer mieux caractriser les enfants qui scartent des trajectoires attendues et dont certains peuvent ainsi tre considrs comme prsentant des troubles spcifiques des apprentissages.

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Acquisition du langage oral : repres chronologiques

La capacit dun nouveau-n apprendre sa langue maternelle ne cesse dtonner. En quelques annes, il va pouvoir matriser la grammaire de sa propre langue qui est un systme complexe de proprits phonologiques, lexicales et syntaxiques. Les tudes linguistiques et cognitives abordent la question de lacquisition de la parole et du langage en se rfrant ce systme en trois composantes : la forme, le contenu et lusage. La forme comprend la phonologie, le lexique, la morphologie et la syntaxe. Le contenu comprend la signification qui est la smantique du langage. Lusage est la pragmatique ou ltude de lensemble des codes qui rgissent les intentions de communication des locuteurs. La figure 1.1 reprsente schmatiquement les composantes du langage.Smantique/Pragmatique (tude du sens et de lusage appropri dun mot ou dune phrase dans un contexte de communication)

Syntaxe (principes sous-jacents toutes les langues du monde)

Lexique/Morphologie (dictionnaire mental des mots et de leur formation)

Phonologie/Phontique Classification des sons perus et articuls Rgles phonotactiques de la syllabe Prosodie de la phrase (ton, accent, longueur, rythme, intonation)

Figure 1.1 : Composantes du langage

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ANALYSE

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Ds les premiers mois, une capacit perceptive des sons de la parole permet au bb de discriminer, de catgoriser les sons lmentaires puis de reconnatre certains mots de sa langue par la prosodie (lenveloppe musicale de la parole avec ses aspects de rythme, de tempo, de mlodie, daccent, dintonation). Vers 7-8 mois, les bbs sont capables de reconnatre et de mmoriser des formes syllabiques de type mot avec des squences consonnes-voyelles bien dfinies appartenant aux particularits de sa langue. Vers 9-10 mois, cest la priode de la production du babillage et des premiers mots avant lexplosion lexicale vers 18 mois, lmergence des assemblages de mots vers 24 mois, et enfin la construction des catgories morphosyntaxiques partir de 30 mois. Mme si la variabilit inter-individuelle est trs importante, la priode 0-3 ans est dcisive dans le droulement du processus dacquisition de la parole et du langage chez lenfant comme lillustre la figure 1.2.

Phonologie Traitement de la parole

Traitement lexical

Traitement syntaxique

Catgorisation des phonmes

Sensibilisation au rythme et la prosodie

Identification de la forme et de la catgorie des mots

Identification des catgories syntaxicosmantiques

Perception

2 mois

5-9 moisProduction

12-14 mois

24-36 mois

Babillage, premiers mots, premires phrases

Figure 1.2 : Chronologie des acquisitions du langage chez lenfant de 0 3 ans

Perception de la parole : premires tapesLes caractristiques de la perception de la parole ont t mises en vidence de faon trs prcoce chez le bb.

Attention slective et perception catgorielle6

La perception catgorielle des sons de parole a t observe au cours dpreuves dhabituation. Chez le bb expos un stimulus acoustique, le

Acquisition du langage oral : repres chronologiques

rythme de succion tend diminuer (habituation) si le stimulus ne varie pas ; il sacclre en revanche, lorsquon prsente un stimulus que le nourrisson peroit comme diffrent du premier. Des expriences fondes sur ce paradigme dhabituation avec succion non nutritive montrent qu la naissance, lenfant peroit de faon catgorielle des contrastes sonores de parole reposant sur le trait de voisement (sourdes versus sonores). Eimas et coll. (1971) et Mehler et coll. (1988) ont montr quentre la naissance et 4 mois, les bbs taient capables de discriminer mme les contrastes qui ne sont pas prsents dans leur environnement (Jusczyk, 1997). partir de cette capacit perceptive initiale, le nourrisson dveloppe et organise sa perception des sons de la langue environnante (Kuhl, 1992) pendant que les contrastes non reprsents dans sa langue finissent par ne plus tre detects vers 10-13 mois (Werker et Tees, 1984). Linfluence spcifique dune langue apparat plus tt sur les voyelles que sur les consonnes (Polka et Werker, 1994). Lespace vocalique serait constitu vers lge de 10 mois. Puis, les rpertoires consonantiques denfants appartenant des communauts linguistiques diverses se diffrencieraient progressivement entre 11 et 13 mois. Segmentation prcoce et perception des indices prosodiques (rythme et mlodie) Bien avant de pouvoir comprendre le sens des mots, le bb en privilgie la forme sonore (Saffran et coll., 1996 ; Nazzi et coll., 1998 ; Nazzi et coll, 2000 ; Ramus et coll., 2000a et b ; Bertoncini et Nazzi, 2004 ; Kuhl, 2004 ; Nazzi et coll., 2005). Le bb est sensible aux diverses rgularits rythmiques et mlodiques de sa langue (mots fortement accentus, terminaisons de phrases). Cela suggre que la reconnaissance prcoce de la langue maternelle dans les deux premiers mois de vie serait en fait une reconnaissance du type de rythme de la langue maternelle. Des discriminations plus fines entre la langue maternelle et des langues de la mme famille rythmique mergent vers 5 mois. Les tudes portant sur le dveloppement de la segmentation de la parole laissent apparatre le rle fondamendal des indices prosodiques (rythme et mlodie) dans linitialisation des processus de traitement, en particulier pour la segmentation permettant dextraire les mots et de reprer les rgularits syntaxiques qui organisent les phrases en units linguistiques hirarchises. La composante prosodique est ncessaire pour mettre en relation la phonologie et la syntaxe (Morgan, 1986 ; Jusczyk, 1992 ; Morgan et Demuth, 1996 ; Gout et coll., 2004). La langue environnante module la perception de la parole du trs jeune enfant (Werker et Lalonde, 1988 ; de Boysson-Bardies, 2004). Chaque langue possde un matriel prosodique, phonologique et phontique spcifique, ainsi que des rgles particulires de mise en relation des diffrentes cat-

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ANALYSE

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gories syntaxiques. En russe, par exemple, le sens dune phrase comme maman embrasse bb sera diffrent selon la dsinence ou la terminaison des mots bb et maman ; on comprendra soit que maman est embrasse, soit au contraire que bb est embrass : mama tseluyet malyutkU veut dire maman embrasse bb mais mamU tseluyet malyutka veut dire bb embrasse maman . Un bb russe de 12 mois doit donc tre attentif la terminaison des mots alors quun bb franais de mme ge doit focaliser son attention sur lordre des mots.

Production de la parole : premires tapesDu babillage au rcit, plusieurs tapes jalonnent le dveloppement linguistique de lenfant. Babillage Les premiers travaux portant sur le babillage remontent Jakobson (1969) qui dcrivait le babillage comme une suite de sons, alatoires et extrmement varis, nentretenant aucune relation ni avec les premiers mots des enfants, ni avec ceux des adultes. Depuis, un grand nombre de travaux ont montr une continuit entre les sons prsents dans les premires vocalisations prlinguistiques et ceux prsents dans les premires formes langagires signifiantes. Son mergence est mme considre comme un moment cl du dveloppement langagier et sa description en stades comme un lment crucial de la comprhension du dveloppement linguistique chez le jeune enfant. Un retard de lapparition du babillage serait mme un prdicteur des troubles des apprentissages ultrieurs (Oller et coll., 1999).Principales tapes du babillage

1 mois et mme avant, des mouvements phonatoires quasi rflexes de type [eu] ont t observs. De 1 4 mois, des squences phoniques, constitues de syllabes primitives nettement perceptibles par lentourage, formes de sons quasi vocaliques et de sons quasi consonantiques articuls larrire de la gorge apparaissent. De 4 8 mois, on observe des brusques changements de la frquence fondamentale, des productions de voix bitonales et des tremblements de la voix. Le rpertoire phonique slargit avec lapparition de sons consonantiques longuement tenus. Vers lge de 6 mois, le babillage rudimentaire (marginal babble) se compose dassemblages consonne-voyelle difficilement segmentables en raison dune articulation assez lche et de

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Acquisition du langage oral : repres chronologiques

Vers 8-10 mois, les enfants commencent produire le babillage canonique cest--dire des syllabes bien formes de type CV (consonne-voyelle). Le babillage canonique est un assemblage articulatoire qui se compose dun noyau dnergie , le son vocalique, et dau moins une marge , le son consonantique qui possde les caractristiques temporelles de la languecible. MacNeilage et Davis (1993 et 2000) ont dvelopp une thorie biomcanique explicative de ces tendances communes appele thorie du cadre et du contenu (frame-content theory). Selon ces auteurs, le babillage est ralis par des cycles simples ou rpts doscillation mandibulaire (le cadre) provoquant la production de structures simples ou redupliques de type CV. Ainsi, observe-t-on une tendance forte de la part des enfants commencer leurs noncs par une consonne et lachever par une voyelle. Selon MacNeillage et Davis (2000), les langues du monde ont galement tendance conforter le type syllabique CV, seul type considr comme universel. La premire priode de production enfantine serait ainsi domine par le cadre dans lequel les inventaires et structures de sons particuliers peuvent tre raliss grce la seule oscillation mandibulaire avec une contribution minimale des articulateurs. La deuxime tape reprsente une phase de complexification avec introduction du contenu dans le cadre. Linventaire des sons connat une augmentation significative puis, partir dune taille dinventaire donne, apparat la capacit moduler ces sons de faon inter- et intra-syllabique. Ces mouvements de complexification sont prsents la fois dans les langues du monde et chez les enfants. Des analyses de frquence de mots ont rvl la prsence de ces formes dans dix langues actuelles : en anglais, estonien, franais, allemand, hbreu, japonais, maori, quechua, espagnol et swahili (MacNeilage et Davis, 2000). Dautres chercheurs estiment que la langue environnante serait lorigine de certaines productions prfrentielles la fin de la priode de babillage et au cours de la priode des premiers mots. De Boysson-Bardies et coll. (1984) ont fait couter des adultes nafs des squences de babillage en franais, arabe et cantonais. Les participants avaient pour tche didentifier le babillage des enfants franais gs de 8-10 mois. Le rsultat obtenu 70 % didentifications correctes suggre que le babillage de la priode prlinguistique prsente des caractristiques intonatives dpendantes de la langue environnante. De Boysson-Bardies et coll. (1989) ont galement compar des voyelles produites par des enfants franais, anglais, cantonais et algriens. Ces auteurs aboutissent la conclusion suivante : la qualit acoustique des voyelles produites dans le babillage diffre dune langue lautre. Le babillage serait tout dabord redupliqu, form dune chane de syllabes identiques du type mamama , papapapa . Il se diversifierait ensuite, les

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ANALYSE

transitions trs lentes entre les mouvements de fermeture et douverture du tractus vocal.

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syllabes successives diffrant les unes des autres soit par la consonne, soit par la voyelle, soit par les deux, patata , tokaba , badata . Dans ces sries, le jeune enfant favorise les syllabes ouvertes de type CV au dtriment de celles de type syllabique ferm : CVC (Oller et Eilers, 1982 ; Locke, 1983 ; Kent et Bauer, 1985 ; Stoel-Gammon, 1985 ; Vihman, 1992). Premiers mots La production du lexique chez lenfant est lun des phnomnes les plus spectaculaires dans toutes les langues du monde. Ce phnomne est marqu par un brusque accroissement du vocabulaire entre 12 et 30 mois. En moyenne, un enfant produit 10 mots 12 mois, 50 mots 18 mois, plus de 300 mots 24 mois et 500 mots 30 mois. Les tudes grande chelle sur 39 langues3 ont montr non seulement une rgularit dans le rythme des acquisitions mais aussi des variations interindividuelles et interculturelles considrables. Les facteurs qui sous-tendent les rgularits et les variations de cette explosion lexicale sont multiples et ne semblent pas rpondre aux mmes lois dveloppementales. Les premiers mots sont souvent constitus dune ou de deux syllabes identiques formes dune consonne et dune voyelle. Lenfant les utilise pour dsigner toute une gamme dobjets (surgnralisation). Il est dailleurs ncessaire de connatre le contexte pour interprter ces premiers mots. Ces surgnralisations se rduisent mesure que saffine la discrimination. Les premiers mots que prononce lenfant sont loin davoir la valeur de prcision de nos concepts adultes. Un mme mot peut tre utilis dans des situations trs diffrentes. Le mot manteau par exemple peut dsigner le vtement, le chapeau blanc ou la poussette utilise pour la promenade. Il est facile de comprendre comment lenfant associe les divers lments dune situation telle que lhabillage en vue dune sortie par exemple, et les dsigne par le mme terme. Eve Clark (1974) a tudi la gnralisation des premiers mots. Elle montre par exemple que la classe ouf-ouf [ufuf] peut dsigner les animaux de petite taille comme le chien, le mouton, le chat tandis que les mots meuhmeuh [m|m|] sont employs pour les animaux de grande taille. Cela sup-

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3. http://www.sci.sdsu.edu/cdi/adaptations_ol.htm Anglais (Grande-Bretagne), anglais (Nouvelle-Zlande), allemand (Autriche), allemand (Allemagne), bantou (kiswahili et kigiriama, Afrique), bengali, basque, catalan, cantonais (HongKong), chinois, croate, coren, danois, espagnol (Cuba), espagnol (Mexique), espagnol (Europe), finlandais, franais (Canada), franais (Europe), galicien, grec, hongrois, hbreu, islandais, italien, japonais, langue des signes (USA), malaisien, mandarin (Beijing), nerlandais, polonais, portugais (Brsil), roumain, russe, tamoul (Ceylan), tha, turc, sudois

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pose une reprsentation mentale par laquelle le sens des premiers mots devra saffiner mesure que lenfant acquiert dautres mots et quil peroit les diffrences entre les objets et les situations. Tout nouvel lment dinformation sur son univers semble amener lenfant restructurer le sens initial de ses premiers mots. Ds lge de 10-13 mois, lenfant met des noncs ne comportant quun seul mot (priode dite un mot la fois ). Laccs aux premiers mots suppose chez lenfant une certaine connaissance des objets et des vnements de son environnement. Avant de pouvoir associer une squence sonore particulire une classe particulire dobjets, il doit : disposer du concept de lobjet, cest--dire distinguer entre objet et contexte ; apprendre que les sons mis par ladulte sont lis un objet particulier, et que lobjet est toujours associ ce son ; avoir la notion quun item lexical dsigne le mme objet mme si ce dernier apparat diffrents moments, en diffrents endroits, diffrentes distances et dans diffrentes positions. Les attributs sont indpendants des contextes auxquels ils sappliquent et rciproquement : la mre, ou le pre, peut changer de vtements ou de coiffure, mais reste la mme personne ; organiser la coordination de lespace, des objets et des vnements apprhends dans ses diffrentes modalits sensorielles. La base smantique des premiers mots chez le jeune enfant est donc constitue par un systme initialement limit mais ouvert, qui encode les objets familiers concrets, les principales personnes de son entourage, de mme que, progressivement, les tats et les changements dtat de ces objets et personnes, les actions que les personnes effectuent sur les objets et les sentiments immdiats de ces personnes.valuation des premiers mots

Gnralement, les premiers mots de lenfant se rfrent aux personnes et aux objets avec lesquels ils sont le plus souvent en contact, les objets et les personnes qui font partie de son univers, les membres de sa famille, les animaux, la nourriture, les boissons et les jouets (Nelson, 1973). Ladaptation franaise de linventaire du dveloppement communicatif de BatesMac-Arthur (Communicative Development Inventories, CDI) pour valuer les premiers mots de lenfant 12 mois (Kern, 2003 ; Bovet et coll., 2005a et b) est prsente dans le tableau 1.I. On demande aux parents de cocher la premire colonne (C) pour les mots que lenfant comprend mais ne dit pas encore (on considre que lenfant comprend un mot mme sil ne le comprend que dans une seule situation) ou bien de cocher la deuxime colonne (CD) pour les mots que lenfant comprend et quil utilise de manire spontane. Si sa prononciation est diffrente de celle des adultes, on coche tout de mme le mot.

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Tableau 1.I : Adaptation du CDI : Inventaire franais du dveloppement communicatif (IFDC)C CD abeille arrte/r a/avoir soif biberon/bibi caillou chaussette collier cuisine eau fentre gteau/biscuit lapin maison merci musique non pain poubelle sil te plat tlphone voiture/auto ae attends/attendre balle bois/boire camion de pompier chien/toutou couche/lange danse/r encore figure/visage glace (aliment) lit maman miam-miam nez nounours papa prends/prendre sucette/tutte tombe/r C CD ainsi font font attention ballon bonjour chat chut coucou donne/r tre fatigu fleur jour livre mange/r miaou prnom de lenfant ouaf-ouaf (petit) djeuner pure tante/tata/tatie tortue C CD all au revoir bb bonne nuit chaud/e clef cuillre dors/dormir/faire dodo fais/faire un bisou frigo l main marche/r montre/r nombril/bourrillon oui pied regarde/r tee-shirt vite C CD

La croissance du vocabulaire est trs rapide entre 16 et 20 mois, priode de lexplosion lexicale des 50 premiers mots qui stend sur une priode de 4 5 mois.Base phonologique des premiers mots

Les enfants mettent plus de deux ans partir de leurs premiers mots pour produire linventaire complet des consonnes et des voyelles (Fikkert, 1998). Lacquisition est relativement lente parce que larticulation motrice est trs complexe, qui requiert la coordination fine de plusieurs dizaines de muscles pour programmer et raliser plus dune dizaine de cibles phontiques par seconde. Il y aurait un encodeur phontique qui prvoit deux voies pour tablir un plan articulatoire, celle de lassemblage et celle de la rcupration de plans stocks pour des patterns frquents (Levelt et coll., 1999). Les prfrences phontiques au cours de la production des premiers mots et dans certaines langues du monde semblent indiquer lexistence de proprits fondamentales du systme de production.

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La priode dsigne sous le terme d explosion lexicale a t rapporte par un grand nombre dauteurs tels Mac Carthy (1954), Bloom (1973), Benedict (1979) ou plus rcemment Goldfield et Reznik (1996). Elle se caractrise par un apprentissage trs rapide mais galement par une utilisation cohrente, catgorielle et conventionnelle des mots. Nanmoins, il existe un grand nombre de divergences entre les auteurs concernant la dfinition de ce phnomne dexplosion lexicale. En effet, bien que la majorit des tudes saccordent sur le fait que tout enfant connaissant un dveloppement normal passe par cette pousse lexicale (lexical spurt), quelques unes avancent le cas denfants ayant un dveloppement plus progressif de leur rpertoire lexical. Cest le cas de Nelson (1973) qui note un apprentissage plus progressif chez des enfants anglophones possdant un lexique plus vari. Il en va de mme pour Goldfield et Reznik (1996) qui observent que sur 18 enfants anglophones de 14 24 mois, seulement 13 manifestent une explosion lexicale. On note aussi des divergences quant au moment de lapparition de cette explosion lexicale. Dans la plupart des cas, elle surviendrait lorsque lenfant possde environ 50 mots diffrents dans son rpertoire, savoir au cours dune priode stendant de 16 19 mois (Poulin-Dubois et Graham, 1994). Dautres auteurs la situent vers 20-24 mois, juste quelques semaines avant lmergence de la syntaxe (Dromi, 1987 ; Mervis et Bertrand, 1995). Une raison possible de ces divergences pourrait tre que la variabilit interindividuelle reste importante au dbut de la production du lexique. Les variations de la priode de lexplosion lexicale seraient aussi associes la diversit et la complexit des langues (Bloom, 1970 ; Vihman, 1986 ; De BoyssonBardies et Vihman, 1991 ; Vihman et De Boysson-Bardies, 1994). La recherche des facteurs qui seraient lorigine des variations interindividuelles dans le dveloppement du vocabulaire donne des rsultats encore trs controverss. Si lon a traditionnellement tendance associer une prcocit du vocabulaire aux filles plutt quaux garons, et aux milieux socioculturels les plus favoriss (Le Normand, 1999 et 2006), certains travaux suggrent que les facteurs cognitifs lis au traitement du langage et particulirement la mmoire phonologique sont aussi dterminants (Adams et Gathercole, 1996). Les auteurs de cette tude ont test un groupe denfants entre 2 et 3 ans sur trois critres de mmoire phonologique (squence de chiffres, rptition de mots et de non-mots) et sur des preuves faisant intervenir dautres aptitudes cognitives. Les rsultats montrent que laptitude la rptition est associe la fois la connaissance du vocabulaire et la matrise des capacits articulatoires, indiquant ainsi que les capacits de mmoire phonologique peuvent tre values de manire fiable chez les trs jeunes enfants. Lexistence de variations interindividuelles observes dans les premires productions de mots est trs lie lmergence des premires catgories morphosyntaxiques chez les jeunes enfants. Un tel constat a conduit les auteurs postuler deux mcanismes dapprentissage :

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ANALYSE

Explosion lexicale

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un mcanisme analytique qui permettrait aux enfants de dcomposer la parole entendue (linput) en units pertinentes pour construire des reprsentations adquates ; un mcanisme holistique qui permettrait lenfant de stocker et de reproduire de larges segments (chunks) bien avant que ceux-ci ne soient analyss. Ce sont par exemple, des marques de remplissage comme les fillers tels que a ou simples voyelles centrales indiffrencies devant le nom ou le verbe, trs frquentes 20 mois (Peters et Strmquist, 1996 ; Veneziano et Sinclair, 2000 ; Demuth, 2001). Ces premires formes paragrammaticales coexisteraient aussi souvent avec dautres expressions verbales comme les expressions oui-non , les onomatopes, les interjections, les formes syncrtiques prtes lemploi comme a+y+est , il+est+l , cest+beau+a , bonne+nuit , bonjour , au+revoir , autant de formes mmorises, figes, qui sont restitues bon escient. Lorigine de ces variations individuelles reste encore mconnue mais relance le dbat sur le rle des facteurs de maturation linguistique et/ou cognitive et des facteurs spcifiques la langue. Assemblages de mots partir de 20 mois, ce qui correspond au stade moyen des 50 mots, les assemblages de mots se mettent en place trs rapidement. La question ici est celle des relations formes-fonctions et particulirement de lorganisation des mots selon leur fonction. Comment lenfant matrise-t-il les contraintes smantiques et syntaxiques qui prsident lorganisation squentielle des noncs ? Selon Braine (1963, 1971 et 1976), tout se passerait comme si lenfant slectionnait, dans le langage entendu, un petit nombre de mots et sen servait en leur attribuant une position fixe. Lenfant mettrait en application un nombre limit de formules positionnelles qui seraient directement apprises et drives du langage adulte selon un principe dit de gnralisation contextuelle . Ce principe de la grammaire pivot stipule que lenfant repre la position dun mot ou dun groupe de mots dans les noncs de ladulte et tend ensuite utiliser le mot ou le groupe de mots en formules la mme place, cest--dire dans le mme contexte. Lagencement des premiers mots ne semble donc pas tre laiss au hasard. Trs vite lenfant repre un petit nombre de formes verbales dans le langage de ladulte et les utilise dans ses propres productions.Caractristiques des assemblages de mots : omissions des catgories syntaxiques

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Ce qui caractrise la priode dassemblage de mots, cest la frquence trs leve de lomission des catgories syntaxiques dans le systme nominal (dterminants, prposition, adjectifs possessifs ou dmonstratifs) et dans le systme verbal (pronoms, auxiliaires, copules).

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Parisse et Le Normand (2000a) ont tudi les assemblages de mots en constatant une bonne correspondance entre les productions de lenfant de 24 mois et celles de ladulte. Les rsultats du tableau 1.II montrent, en effet, que les bi-catgories utilises le plus frquemment par les enfants sont des fragments dnoncs dadulte.Tableau 1.II : Assemblages de mots dfinis comme tant des bi-catgories (daprs Parisse et Le Normand, 2000a)Enfants 24 mois Rang* 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 Total Nombre de bi-catgories 197 168 46 46 44 40 39 39 35 31 29 29 25 24 20 812 Bi-catgories pro+v|tre det+n v|tre+adv (place) v|tre+adj pro rel+pro v|avoir+adv (neg) prep: art+n v|tre+v (pp) pro+v pro| y+v|avoir adv: neg+adv (place) adj+n Co act+pro Co act+v (pp) v|tre+adv (neg) Exemples c+est le +bb est+ l est+ petit o+lest a+pas du+pain est+parti moi+veux y+a pas+ l petit bb oh+moi oh+parti est+pas Rang 3 1 131 29 4 39 8 30 2 23 207 16 118 548 36 Adulte Nombre de mots 4 949 6 866 122 727 3 292 530 2 340 706 5 200 877 56 1 224 146 1 627 27 663

pro : pronom ; v : verbe ; det : dterminant ; n : nom ; adv : adverbe ; adj : adjectif ; rel : relatif ; neg : ngation ; prep : prposition ; art : article ; pp : participe pass ; co act : co-actant * Le rang est li la frquence dutilisation des bi-catgories

Ces productions ont t recueillies en situation de jeu avec un matriel audiovisuel et analyses selon le codage du Childes (Child Language Data Exchange System : Systme dchanges des donnes du langage chez lenfant). Elles ont rvolutionn depuis 1981 les oprations de transcription, de codage, de stockage, danalyse automatique, et de transfert et partage des donnes (McWhinney, 2000 ; Parisse et Le Normand, 2000b ; Rose, 2003).Quelle est la nature de ces omissions ?

Radford (1990) avance lhypothse quau dbut, la grammaire de lenfant est limite aux catgories lexicales, le systme grammatical/fonctionnel tant

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soumis une maturation plus tardive. Wexler (1994) montre aussi quil existe un stade dans le dveloppement linguistique du jeune enfant, au cours duquel celui-ci nutilise pas forcment les marques de temps dans des phrases principales bien quil connaisse les proprits de la flexion des verbes. Il rapporte galement que dans dautres langues, en franais (Pierce, 1992) et en allemand (Poeppel et Wexler, 1993), mais aussi en danois, en norvgien, en sudois notamment, le jeune enfant de 2 ans utilise parfois les formes infinitives des verbes alors que des formes flchies sont attendues. En outre, dans ces contextes grammaticaux et pour une mme phrase, des infinitifs peuvent tre, selon lui, prsents ou absents, donc optionnels. Ces infinitifs ont t nomms infinitifs racines (root infinitives) par Rizzi (1994) et infinitifs facultatifs (optional infinitives) par Wexler (1994). Cette priode dacquisition caractrise par la possibilit de produire des noncs dclaratifs linfinitif se retrouve aussi dans un grand nombre de langues comme langlais, lallemand, le nerlandais, le sudois, le danois et le norvgien. Le phnomne est apparemment quasi inexistant dans les langues permettant lomission libre du sujet, comme litalien, lespagnol et le catalan (Guasti, 1994 ; Sano et Hyams, 1994) ou le japonais (Sano, 1996). Chez les enfants francophones, il est difficile de reprer clairement cette priode de linfinitif racine et facultatif cause de lhomophonie / er que lon retrouve dans ces verbes du premier groupe qui sont trs frquemment utiliss par lenfant francophone au dbut de la construction de la formation des mots. De plus, les enfants francophones produisent de manire co-occurente des noncs dclaratifs temps conjugu en ralisant des surgnralisations.Caractristiques des premires formes morpholexicales : principe de surgnralisation (exemple du suffixe pour les verbes irrguliers)

Lenfant ayant appris, par exemple, lemploi du suffixe pour indiquer le participe pass, applique ce principe en le gnralisant aux verbes des autres groupes. Il produit alors des structures comme il a mett pour il a mis , il a batt pour il a battu , il a ri pour il a ri , il a rpond pour il a rpondu , il a boiv ou il a buv pour il a bu . Toujours, en raison dun principe de gnralisation, il fera aussi des erreurs comme il a prendu pour il a pris , il a teindu pour il a teint , il a couri pour il a couru Dans tous ces cas, lenfant applique un principe des lments linguistiques de faon inapproprie. Inversement, il se produit des cas o lenfant applique un principe exceptionnel des structures linguistiques stables. Il est donc possible de lentendre dire : il a envoi pour il a envoy , erreur sans doute forme par analogie des structures irrgulires comme il a crit ou il a conduit ou encore il pourra dire il dormra pour il dormira .16

La surgnralisation peut stendre aussi au domaine lexical. Lorsque lenfant cre des mots nouveaux, il a tendance les concevoir partir des

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Indice de maturit syntaxique : longueur moyenne de lnonc

Daprs plusieurs auteurs (Brown, 1973 ; Miller et Chapman, 1981 ; Rondal et coll., 1985 ; Wells, 1985), la longueur moyenne de lnonc (LME) value la maturit et la complexit syntaxique de lenfant. Cette chelle se prsente en six phases de dveloppement (tableau 1.III).Tableau 1.III : Six stades de lchelle LME (Longueur moyenne de lnonc)Phases I II III IV V > V+ LME (en morphmes par noncs) 12 2 2,5 2,5 3 3 3,75 3,75 4,5 > 4,5 ge (mois) 12 26 27 30 31 34 35 40 41 46 > 47 Caractristiques noncs 1 ou 2 mots noncs 2 mots et + Phrases simples Phrases complexes Coordination de phrases Construction de rcits

Selon Brown (1973), la LME est un bon indice de la maturit du langage des jeunes enfants. Sa validit chez le jeune enfant est fiable lorsquon obtient 50 noncs ou plus. Lnonc se dfinit soit : comme une production verbale marque son dbut et sa fin par une pause ; comme une production verbale marque son dbut et sa fin par une modification de lintonation ; par son caractre grammatical : des phrases compltes dfinies comme des productions verbales contenant au minimum un nom ou un pronom dans une relation sujet-verbe, des phrases incompltes (pas de sujet, verbes limpratif). Des donnes francophones (Le Normand, 1991 et 2006) portant sur des enfants gs de 24 36 mois ont dcrit lvolution de cet indice avec lge. Tous les auteurs saccordent pour estimer, quau-del dune longueur moyenne de 4 mots par nonc, ce que dit lenfant est davantage fonction du contexte dans lequel est recueilli le langage que de sa maturit syntaxique. Il ny a plus de corrlation entre la LME et lge. Il convient donc de limiter lutilisation du LME une priode bien dtermine (24-36 mois). Ce fait a t confirm par dautres donnes, soit francophones portant sur 60 enfants gs respectivement de 20, 30 et 39 mois (Bassano et coll., 1998 ; Bassano, 2005), soit collectes dans dautres langues, dgageant ainsi un cer-

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structures dj existantes. Par exemple, il pourra dire la chambre de nuit par analogie avec la chemise de nuit .

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tain nombre de variations et de rgularits. Au-del de cet ge, dautres catgories syntaxiques doivent tre dfinies pour apprcier le dveloppement syntaxique. Ce qui importe ici est le processus trs rapide mis en uvre par lenfant pour apprendre utiliser de manire approprie ces catgories : le systme nominal avec lmergence des dterminants (article dfini et indfini) et des prpositions, les flexions du nom avec les marques de laccord du genre et du pluriel, mais aussi le systme verbal (auxiliaires, copules) avec lmergence des pronoms, le dveloppement des flexions du verbe (conjugaisons) et la subordination des noncs. Certaines langues comme les langues latines et le russe utilisent beaucoup de dsinences. Les enfants qui se familiarisent avec de telles langues acquirent trs vite ces mots grammaticaux qui se refltent dans les noncs binaires avec des complments dobjet direct et indirect. La dsinence du complment dobjet direct est parmi celle que lenfant acquiert le plus vite lorsquil apprend le russe, le serbo-croate, le latvien, le hongrois, le finnois et le turc. En franais, lordre des mots dtermine le sens de la phrase. Un nonc se compose gnralement sur le modle sujet-verbe-complment dobjet (SVO). Ds que lenfant a compris lordre des mots, il peut attribuer un sens diffrent aux noncs tels que : le garon pousse la fille ; la fille pousse le garon .

Construction de rcits Les recherches propos du rcit oral chez lenfant ont conduit distinguer, dune part, entre une dimension que lon peut considrer comme conceptuelle qui a trait la reprsentation des squences dvnements et une autre plus spcifiquement linguistique et, dautre part, relativement cette dernire, entre une dimension rhtorique concernant la structure des textes narratifs et une autre ayant trait aux aspects lexico-syntaxiques intervenant dans la mise en texte (Fayol, 1985 et 2000). Lintrt de ces distinctions repose sur le fait que les connaissances mobilises et leurs modalits dacquisition ne se recouvrent pas et que leur acquisition pose des problmes spcifiques.

Reprsentation mentale des squences dvnements La dimension conceptuelle concerne la reprsentation mentale des tats et vnements du monde rel ou fictif ainsi que les relations temporelles ou causales quils entretiennent et qui font intervenir des objets, lieux et personnages. Elle correspond approximativement ce qui est dnomm dans la littrature modle mental (Johnson-Laird, 1983) ou modle de situation

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(van Dijk et Kintsch, 1983). Elle vaut aussi bien pour les rcits oraux ou crits que pour les films ou les bandes dessines. Elle relve de la reprsentation du monde indpendamment de la manire dont celle-ci est (re)code (Gernsbacher, 1990). Elle a donn lieu plusieurs approches thoriques, dont la plus importante pour ce qui a trait au rcit a t labore par Schank et Abelson (1977). Cette conception postule que la comprhension ou la production de rcit est sous-tendue par une trame mentale o les actions sorganisent en fonction de buts poursuivis par des agents, lesquels dveloppent ces actions pour djouer les obstacles qui sopposent latteinte de ces buts. Ces squences vnementielles ne sont ni verbalises, ni dessines. Cette trame est formalisable sous forme de rseaux causaux : chanes dvnements lis entre eux par des relations dordre temporel, causales ou autres. Ltude du dveloppement de la comprhension et de la production des chanes chronologico-causales met en vidence deux faits paradoxaux. Dune part, lacquisition et la mise en uvre de ces chanes se rvlent trs prcoces puisquelles sont disponibles ds lge de 5 ans et mme avant (Sperry et Sperry, 1996). Dautre part, ltude de la comprhension en lecture et de la composition crite rvle que la construction de modles mentaux correspondant ces chanes volue nouveau entre 6 et 10 ans. Tout se passe comme si le passage lcrit, en raison des situations nonciatives qui le caractrisent par rapport loral et des contraintes nouvelles quil fait peser sur les traitements, induisait une diminution ou une stagnation des capacits de mobilisation des connaissances relatives aux chanes causales et aux infrences quelles supportent. Structure textuelle des rcits La dimension rhtorique tient au fait que la mise en forme langagire du rcit ne se limite pas noncer les personnages, lieux, objets et vnements. Pour une culture donne, il existe une ou plusieurs formes canoniques dorganisation des noncs (et non seulement des contenus quils voquent) (Gutteriez-Clellen et coll., 1995). Les travaux des annes soixante-dix ont mis en vidence leffet de ces organisations gnralement dnommes superstructures narratives. Pour Mandler et Jonhson (1977) comme pour Stein et Glenn (1979), tout rcit comporte un cadre (frame) dans lequel se trouvent prciss les lieux, moments et personnages. Ce cadre se place en dbut des rcits, ce qui correspond des contraintes pragmatiques lies lefficacit de la communication, mais non aux ncessits du droulement des faits (de la trame). Vient ensuite un dclencheur , lequel introduit un obstacle qui soppose en gnral latteinte du but poursuivi par le personnage principal. Cet obstacle induit une raction motionnelle ainsi que llaboration dun sous-but visant lever ou contourner lobstacle. Il sensuit une ou plusieurs tentatives , actions plus ou moins couronnes de succs, jusquau rsultat final.

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ANALYSE

Dyslexie, dysorthographie, dyscalculie Bilan des donnes scientifiques

Les recherches portant sur les adultes attestent que les rcits comportant tous les constituants dans lordre conventionnel sont mieux rappels que ceux qui ne respectent pas ces contraintes (Yussen et coll., 1991). Cet effet a t observ chez les enfants ds lge de 4-5 ans et dans diffrentes cultures. Toutefois, les plus jeunes tendent rappeler moins bien certaines catgories narratives que les adultes : les ractions et les buts notamment (Mandler et coll., 1980). Cette caractristique des patrons de rappel des plus jeunes est probablement imputable au dveloppement des chanes causales : les enfants de 4-5 ans rencontrent des difficults dans la prise en compte de ce qui motive les squences dactions. En revanche, Poulsen et coll. (1979) montrent que la fin des histoires se trouve privilgie lorsquelle sinsre dans un rcit (en images) par rapport la condition o elle se situe dans une suite alatoire dimages. Les premiers rcits respectent rarement lorganisation cadre-dclencheur/ complication-tentative/action(s)-rsolution. Il faut attendre environ 7-8 ans pour que cette superstructure devienne dominante. Notamment, le placement en dbut de rcit des lments du cadre se rvle relativement tardif (Fayol, 1991). Cette apparition dun cadre formellement identifiable est contemporaine de lutilisation norme de limparfait et du plus-que-parfait ainsi que dexpressions telles que la veille , le lendemain . Ces formes relvent en franais des conventions narratives. Auparavant, les enfants tendent plutt produire un rsum de lvnement caractristique du discours en situation qui sera ultrieurement dvelopp, au moins lorsquils laborent un rcit prsentant une unit thmatique. Ce passage dun mode dorganisation prcoce dominante discursive un autre correspondant mieux aux conventions du rcit crit pose le problme des raisons qui soustendent cette volution. Il parat plausible que lacquisition du schma narratif soit lie lexposition un corpus de rcits crits. Seuls, ces rcits prsentent les rgularits dorganisation correspondantes. Varnhagen et coll. (1994) ont montr chez des enfants de premire et deuxime annes primaires (CP CE1) que la lecture et laudition rptes et prolonges de textes narratifs induisent chez ces enfants lacquisition des rgularits caractristiques de la superstructure narrative. Cette hypothse souligne que ceux qui ne bnficient pas dune telle exposition ne dvelopperont pas ce schma. Les donnes de Cain (1996) confirment que les enfants qui ont une comprhension faible sont aussi ceux dont les productions narratives scartent le plus de la superstructure du rcit et quils ont t moins que les autres en contact avec des rcits crits, que ceux-ci leur aient t lus ou quils les aient lus eux-mmes. La simple exposition passive aux textes narratifs ne suffit dailleurs pas entraner lextraction des rgularits. Fitzgerald et Spiegel (1983) ont conu un programme dentranement la dcouverte et lutilisation de la superstructure narrative en production. Les enfants ainsi instruits ont manifest une amlioration significative de performances en production, mais aussi en compr-

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Acquisition du langage oral : repres chronologiques

En rsum, le schma narratif facilite lintgration des informations en comprhension et la compltude et le respect du caractre conventionnel des rcits en production. Son intervention ne se confond pas avec celle des relations chronologico-causales. Il constitue une organisation rhtorique conventionnelle qui ne peut sacqurir que par exposition un corpus de textes prsentant les rgularits correspondantes. Son acquisition est trs prcoce et dpend fortement du contact avec les rcits crits. Toutefois, un apprentissage explicite par instruction savre efficace, mme un ge relativement lev.

Dimension linguistique dans la construction du rcit : mise en texte La dimension linguistique concerne tous les phnomnes lis la mise en texte. Elle a surtout t analyse relativement au dveloppement du rcit. Tout rcit met en scne un ou plusieurs personnage(s) qui doive(nt) tre introduit(s) dans la narration puis r-voqu(s) au fur et mesure des besoins. Les langues disposent de marques spcifiques pour assurer ces diffrentes fonctions. Par exemple, les personnages ou objets nouveaux apparaissent dabord prcds dun article indfini ( un homme entra ). Les mentions ultrieures utilisent des dterminants dfinis : articles ( lhomme ), pronoms ( il ), adjectifs dmonstratifs ( cet homme ). Globalement, lemploi, trs strotyp, de ces marques ne soulve plus de problme chez ladulte. Il fait toutefois appel des rgularits subtiles qui donnent parfois lieu des erreurs (Reichler-Bguelin, 1994), notamment lorsque plusieurs personnages sont concerns et que leurs poids respectifs dans les actions successives varient (Fayol, 1997a). Une autre dimension linguistique a trait au marquage de la continuit et de la discontinuit vnementielles. Les rcits dcrivent des vnements successifs dont les liaisons peuvent tre de force et de nature diverses, par exemple, du simple droulement parallle de deux activits ( lhomme marchait/ une automobile passait ) une relation causale troite ( le coup partit/ lhomme tomba ). Des marques indiquent les degrs et natures des liaisons : connecteurs (et, mais, alors) (Bestgen et Costermans, 1997 ; Fayol et Mouchon, 1997), signes de ponctuation (Fayol, 1997b ; Heurley, 1997), formes verbales permettant de distinguer entre des actions de premier plan et des faits ou tats relevant du second plan ( lhomme marchait/un bruit attira son attention ) (Hickmann, 1997). La chronologie de lacquisition sur les aspects morphologiques et syntaxiques du rcit chez lenfant suggre que le statut morphologique des catgories syntaxiques et leur construction se matrisent progressivement.

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ANALYSE

hension, confirmant ainsi lexistence des corrlations observes par Cain (1996).

Dyslexie, dysorthographie, dyscalculie Bilan des donnes scientifiques

Statut morphologique de larticle

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La chronologie approximative de lacquisition de larticle dans le systme du nom chez lenfant se ralise en moyenne dans le sens de la matrise de laccord (masculin et fminin) et du nombre (singulier et pluriel) sur les articles indfinis vers 3 ans avant de porter sur celui des articles dfinis vers 3 ans et demi. Peu dtudes ont analys systmatiquement le statut morphologique des articles dfinis dans le langage enfantin. Celles qui existent soulignent quau dbut, lunit [dt+nom] semble difficilement dcomposable. Selon certains auteurs, larticle a le statut dun prfixe, pour dautres, il sagit dune partie non segmente de la reprsentation phonologique du nom dpourvue de statut morphologique indpendant (Sourdot, 1977 ; Peters, 1983 ; Carroll, 1989). Cest seulement dans un deuxime temps que les articles sont (r)analyss en tant que morphmes indpendants. De mme, Heinen et Kadow (1990) mentionnent que les enfants commencent avec larticle dfini et quon le trouve mme pendant cette priode dans des contextes o lon sattend un article indfini. Clark et coll. (1985) puis Clark (1998) affirment que les enfants francophones ont tendance jusqu lge de 6 ans sur-employer larticle dfini, comme si les rferents de lunit [dt+nom] taient connus des auditeurs alors quils ne le sont pas. La relation entre la connaissance mutuelle et lemploi des articles nest pas facile matriser. Une perspective similaire est dfendue par Karmiloff-Smith (1979) pour qui larticle dfini est dabord utilis dans une fonction dictique cest--dire en situation hic and nunc . Cest dans un deuxime temps que lenfant prend en considration la situation extralinguistique. Du point de vue des phonologues, larticle est considr comme un lment inaccentu qui dpend de llment lexical qui suit (ladjectif/le nom). Larticle na pas daccent individuel (Selkirk, 1984). En franais, cette dpendance de larticle est explicite, dans le contexte dun mot lexical qui commence par une voyelle ou un h dit muet . Le franais connat un allomorphe lid de larticle dfini dans ce contexte : lorange peut devenir la norange ou la orange ; lhistoire peut devenir la histoire . Lorsque larticle dfini masculin est slectionn par les prpositions , ou de , deux autres allomorphes apparaissent comme le rsultat de la contraction de larticle dfini et la prposition. tant donn que seuls les lments ayant le statut de ttes syntaxiques peuvent samalgamer, il est attendu que cette opration ne stende pas aux dmonstratifs qui sont des catgories maximales : + le devient au ; de + le devient du . La capacit qua larticle dfini de slider et de se contracter avec les prpositions ( et de ) relve dune proprit plus gnrale dlments nomms clitiques .

Acquisition du langage oral : repres chronologiques

La chronologie approximative gnralement admise dans la plupart des tudes sur les pronoms est la suivante : moi au cours des premiers mots partir de 18 mois, je , tu , il , elle partir de 30 mois (Pierce, 1992 ; Kaiser, 1994 ; Meisel, 1995 ; Ferdinand, 1996 ; Jakubowicz et Faussart, 1998 ; Granfeldt et Schlyter, 2001 et 2003). Entre 3 ans et 3 ans et demi, apparaissent les acquisitions des pronoms objets comme le et la (Hamann et coll., 1996 ; Jakubowicz et Faussart, 1998 ; Granfeldt et Schlyter, 2003), et des pronoms rflchis comme se (Barrire et coll., 2000). Dautres tudes ont montr que la restructuration prosodique (comme llision, lamalgame, et le phnomne de liaison) sont des processus transitoires frquents entre 2 et 4 ans qui apparaissent frquemment dans les pronoms peu accentus (Chevrot et Fayol, 2001 ; Wauquier-Graveline, 2004 ; Chevrot et coll., 2005). Karmiloff-Smith (1986) dfinit trois tapes qui prsident lutilisation adquate des pronoms dans le rcit. Entre 3 et 5 ans, les enfants ne mettent pas encore en relation le pronom et le nom auquel il rfre. Entre 5 et 8 ans, les enfants utilisent les pronoms en rfrence au sujet principal de lhistoire raconter. Enfin, ce nest quentre 8 et 12 ans que les enfants matrisent la stratgie dite anaphorique complte consistant utiliser les pronoms pour tous les personnages de lhistoire raconte. Le traitement des anaphores reste longtemps problmatique.Flexions verbales

La fonction temporelle spcifique des flexions verbales nest pas encore tablie aprs 6 ans. De 3 6 ans, elles ne servent qu exprimer les caractristiques de laction. cet ge, lenfant utilise plus frquemment les adverbes et les conjonctions de temps que les flexions verbales pour exprimer les relations temporelles entre les vnements.Connecteurs entre les propositions

Les tudes sur la construction du rcit des enfants montrent que les connecteurs entre les propositions ne sont pas acquis avant 10-11 ans (pour une revue, voir Fayol, 1983 et 1997a ; Jisa, 1985 ; de Weck, 1991 ; Jisa et Kern, 1998 ; Hickman, 2000). Entre 3 et 4 ans, les enfants nutilisent pas encore de manire conventionnelle les connecteurs du langage qui relient les propositions. Ils emploient beaucoup de dictiques temporels comme ici , l , maintenant ou de simples coordinateurs comme et , mais . Au cours de cette priode, il sagit de marquer lajout dun vnement plutt quune relation particulire entre les diffrents vnements. Cette stratgie souligne deux aspects de la production des enfants : dune part, ils ont des difficults construire un rcit dcontextualis et dautre part, ils ralisent plus une sorte dnumra-

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ANALYSE

Statut morphologique du pronom

Dyslexie, dysorthographie, dyscalculie Bilan des donnes scientifiques

tion des diffrents tats de choses quune entit textuelle cohrente. Les contraintes communicationnelles sont encore peu respectes. 5 ans, les enfants commencent tablir des liens plus clairs et plus varis entre les vnements qui se droulent dans un rcit. Ce sont surtout des relations de la simultanit (conjonction de coordination : et ; conjonction de coordination et adverbe de temps : et puis ; conjonction de subordination et de squentialit : quand ; adverbes temporels : aprs , puis ). La coordination domine la subordination. Elle est reprsente principalement par des locutions adverbiales et des propositions relatives. Pour les enfants de 5 ans, lauditeur a encore besoin de fournir des efforts dinterprtation des formes. 7 ans, ils utilisent surtout des coordinateurs temporels exprimant la squentialit. Le regroupement en blocs informationnels est introduit par quelques expressions temporelles au dbut de lhistoire. La simultanit est exprime par des subordonnes temporelles qui restent nanmoins trs rares. Rare est galement la hirarchisation des vnements, qui sont en rgle gnrale introduits les uns aprs les autres. Dans le domaine des connecteurs, les enfants de 7 ans respectent les principes de dcontextualisation, mais leur comptence narrative nest pas encore matrise. En effet, certains connecteurs sont utiliss pour la constitution dune cohrence un niveau suprieur, celui de lpisode narratif. Les connecteurs les plus utiliss chez les enfants de 10-11 ans sont des connecteurs temporels encodant la relation de simultanit et de squentialit. Toutefois, les enfants de 10-11 ans disposent aussi dautres outils pour exprimer ces relations, comme les subordinateurs temporels. Bien que les enfants de 10-11 ans utilisent encore la coordination la place de la subordination, cette dernire prend une place non ngligeable dans leurs productions, signe dune certaine mise en relief dvnements particuliers, voire dpisodes narratifs. Les enfants de 10-11 ans, bien que ne possdant pas encore une comptence narrative similaire celle des adultes, respectent les contraintes qui vont de pair avec la constitution dune narration en franais. Les connecteurs quils utilisent permettent de produire des histoires cohrentes tous les niveaux danalyse. Ils ont leur disposition un ventail vari de formes dont ils matrisent les diffrentes fonctions. En conclusion, lensemble de ces donnes sur la chronologie des acquisitions de la parole du langage et de la construction du rcit devrait permettre aux praticiens (pdagogues et cliniciens) de dfinir des objectifs mais aussi de reprer les asynchronies de dveloppement. Lvaluation prcoce des capacits de segmentation, de lmergence du babillage, de lapparition des premiers mots et de la mise en texte partir des rcits dans sa dimension conceptuelle et linguistique se justifie en raison de la valeur prdictive que ces capacits prsentent par rapport lapprentissage de la lecture et de lcriture.

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