Dynamique Des Cables

13
Sixth International Symposium on Cable Dynamics Charleston, SC - 19-22 September 2005 6 ème conférence internationale sur la dynamique des câbles Du 19 au 22 septembre 2005 s'est tenu le congrès sur la dynamique des câbles à Charleston (Caroline du Sud, USA). Ce fut l'occasion d'aborder les derniers développements de trois domaines qui se rejoignent du point de vue des phénomènes physiques mis en jeu : Les câbles de pont Les câbles sous-marin Les lignes électriques. Dans la suite du compte-rendu, nous insisterons sur le domaine de compétence du Sétra, à savoir les câbles de pont. Pierre Marchand et Pascal Charles ont représenté le Sétra à cette occasion. 1. Mesures Dans cette partie, nous présentons des mesures de mode de vibration d'un câble ou d'un ouvrage entier à câbles (suspendu ou haubans). Les mesures de fréquence propre sont réalisées soit sous charge ambiante (trafic, vent, …) à l'aide de multiples capteurs disposés sur la structure, soit en recourant à des oscillations forcées imposées par un excitateur.

Transcript of Dynamique Des Cables

Sixth International Symposium on Cable Dynamics Charleston, SC - 19-22 September 2005

6ème conférence internationale sur la dynamique des câbles

Du 19 au 22 septembre 2005 s'est tenu le congrès sur la dynamique des câbles à Charleston (Caroline du Sud, USA). Ce fut l'occasion d'aborder les derniers développements de trois domaines qui se rejoignent du point de vue des phénomènes physiques mis en jeu : Les câbles de pont Les câbles sous-marin Les lignes électriques. Dans la suite du compte-rendu, nous insisterons sur le domaine de compétence du Sétra, à savoir les câbles de pont. Pierre Marchand et Pascal Charles ont représenté le Sétra à cette occasion.

1. Mesures Dans cette partie, nous présentons des mesures de mode de vibration d'un câble ou d'un ouvrage entier à câbles (suspendu ou haubans). Les mesures de fréquence propre sont réalisées soit sous charge ambiante (trafic, vent, …) à l'aide de multiples capteurs disposés sur la structure, soit en recourant à des oscillations forcées imposées par un excitateur.

1.1. Doublement du pont de Tacoma

Le pont de Tacoma existant (celui construit juste après l'effondrement du pont "historique"), ne permet plus l'écoulement du trafic dans des conditions satisfaisantes. Il est donc envisagé de le doubler par un autre pont suspendu parallèle au premier. Or pour évaluer l'interaction de l'ancien pont sur le nouveau, il faut déterminer les modes propres du premier. Les premiers modes verticaux et horizontaux ont été évalués grâce à une analyse fréquentielle des signaux enregistrés sous sollicitations ambiantes. Le pic correspondant au premier mode en torsion n'apparaissait pas nettement. On a donc eu recours à une solution originale pour mesurer cette fréquence : Un pendule placé au tiers de la travée soutenant une masse de l'ordre de une tonne environ est mis en oscillation par un opérateur (qui à chaque oscillation met une légère impulsion pour entretenir le mouvement). En faisant varier la longueur du pendule, on fait varier la fréquence d'excitation. Une fois la fréquence de résonance en torsion obtenue, on stoppe brutalement le pendule, pour observer et mesurer l'amortissement du mode.

1.2. Veteran Memorial bridge

But : Estimer force de tension des câbles. Estimer l'amortissement avec ou sans amortisseur. Les mesures ambiantes sur câble ne permettent pas de mesurer précisément les modes propres du câble car l'interaction entre le tablier et les câbles "brouillent" les modes du câble. Il faut donc recourir à une excitation "artificielle". Celle-ci s'effectue à la main quand il n'y a pas d'amortisseur (on tire sur le bas du câble avec une corde suffisamment rigide). Pour des câbles amortis, il est nécessaire d'avoir une force d'excitation plus importante. On utilise donc une machine (un shaker comme disent nos amis d'outre atlantique) avec un contrôle électronique de la fréquence d'excitation pour se caler sur la fréquence de résonance (cf photo ci-dessous). On laisse ensuite le câble osciller seul et on en déduit l'amortissement (pour que cette mesure soit correcte, il faut bien sûr procéder par vent faible pour pouvoir négliger l'amortissement aérodynamique).

Des tests identiques ont été effectués sur le sunshine skyway bridge (Floride). Cela a permis de se rendre compte que certains amortisseurs (tout neuf) étaient défectueux. Comme quoi des tests simples peuvent parfois être utiles.

1.3. Détection d'endommagement grâce à des mesures fréquentielles

L'idée est la suivante : lorsque des fils se rompent dans un câble, la fréquence propre de celui-ci évolue. Il suffit donc de mesurer en temps réel les oscillations des câbles, de calculer leurs fréquences propres (toujours en temps réel) pour savoir si il y a eu perte de section. Présentée ainsi, la technique a l'air simple. Ca se complique malheureusement quand on sait que beaucoup d'autres phénomènes ont une influence sur les fréquences propres des câbles. Pour avoir une technique de détection de perte de section de câble, il est nécessaire de compenser tous ces phénomènes. Il faut donc prendre en compte : La température La charge de trafic (à peu près cyclique d'un jour sur l'autre) Le vent (mesuré par anémomètre) …Puis à l'aide de calcul de compensation assez compliqué (on va jusqu'à prendre en compte les variations de module d'Young de l'acier en fonction de la température), on pense être capable de détecter des pertes de section supérieure à 3%.

1.4. Capteurs acoustiques pour détecter les ruptures de fils

En plaçant des capteurs acoustiques de part et d'autre du câble on peut arriver non seulement à détecter les ruptures de fils, mais également à les localiser plus ou moins précisément. Une tel équipement a été installé sur le Fred Hartmann Bridge à Houston au Texas.

Sur les 488 ruptures de fatigue qui ont réellement eu lieu, 475 ont été détectées et seulement 6 fausses alarmes se sont produites. Le point faible d'un tel dispositif était la sensibilité à la foudre qui frappe régulièrement l'ouvrage. Les câbles électriques ont dû être protégés et des fusibles installés de façon a limiter les dommages.

1.5. Accéléromètre à fibre optique

Les capteurs par fibre optique sont utilisés de façon classique pour mesurer les déformations de structure. Leur principaux avantages sont leurs poids très faibles, une parfaite insensibilité électromagnétique ou la possibilité de faire plusieurs mesures à différents emplacements sur la même fibre. Le principe de mesure est le suivant, un signal lumineux transite par la fibre optique et est modifié à l'endroit où l'on souhaite effectuer la mesure. Dans notre cas, une longueur d'onde particulière est réfléchie. Cette longueur d'onde dépend de la géométrie de la fibre optique à l'emplacement de la mesure et de la valeur de son indice de réfraction. Cette longueur d'onde dépend de la température et de la déformation selon :

69 10 0.78B

B

Tλ ελ

−∆ = × ∆ +

Pour mesurer l'accélération, seule la composante ε nous intéresse. La solution pour éliminer T est donc de placer deux dispositifs de mesure de part et d'autre d'une masse pour mesurer les déplacements de cette masse.

1.6. Capteurs électromécaniques pour haubans de tours de télécommunications

Les haubans de tours de télécommunications doivent avoir une tension suffisante pour éviter des oscillations trop importantes. On cherche donc à mesurer en continue les déformations de ces haubans (en cas de rupture d'un câble, les déformations redeviennent quasiment nulles). Le dispositif présenté est relativement astucieux puisqu'il utilise des condensateurs s'appuyant sur des poutres flambées. La mesure de la capacité du condensateur ainsi obtenu permet de déduire de façon précise les déformations (ε de 1 à 10.10-6 ) et offre une grande légèreté. Comme pour tout capteur, l'alimentation en énergie est problématique. Il n'est pas envisageable de les équiper de batteries. Plusieurs solutions sont envisagées pour l'alimentation en électricité : par cellule photovoltaïque (pas possible dans toutes les régions du monde) en utilisant les petites vibrations de la structure (c'est encore au stade expérimental actuellement, mais l'idée ne semble pas mauvaise, après tout, certaines montres se rechargent grâce aux mouvements du poignet de leur propriétaire). par induction si les distances sont faibles.

2. Dispositifs d'amortissement

2.1. Comparaison des cross-ties et des amortisseurs

La "federal highway administration" a mené une étude pour comparer l'efficacité des divers systèmes pour atténuer les vibrations de pont à haubans. Les deux principaux systèmes sont : Les amortisseurs placés en bas du câble (visqueux dans la modélisation effectuée) Les câbles transversaux (cross-ties) qui liaisonnent les câbles structuraux entre eux. Des tests sur un modèle simple à base d'éléments finis ont été menés.

Divers paramètres ont été étudiés, comme le nombre de câbles transversaux, leur rigidité, la présence ou non d'amortisseurs … Ces tests montrent que les câbles transversaux ont pour effet d'augmenter les fréquences des modes propres (seulement ceux dont le mouvement s'inscrit dans le plan des câbles).

Bien évidemment plus il y a de câbles transversaux, plus les fréquences sont augmentées (le maximum testé est 4 câbles transversaux sur la figure (d) ci-dessus). La rigidité de ces câbles transversaux a un effet positif sur les premiers modes (peu sur les modes suivants). La simulation en domaine temporel montre que les câbles transversaux sont à peu près aussi efficaces que les amortisseurs.

2.2. Dispositifs proposés par les fabricants

Les fabricants de câbles de haubans sont bien souvent vendeurs de dispositifs d'amortissement. Ce congrès fut l'occasion pour deux d'entre eux de présenter leurs amortisseurs et leur savoir faire en la matière.

2.3. Freyssinet

Les différentes techniques développées par Freyssinet pour atténuer les vibrations des câbles sont les suivantes : Profil en colimaçon pour éviter l'effet combiné du vent et de la pluie qui peu conduire à des instabilités Amortisseur radial interne, qui peut donner jusqu'à 5% d'amortissement Amortisseur à masse dynamique accordée (apparemment, on en pose parfois sur des câbles) Amortisseur hydraulique Par ailleurs, Freyssinet dispose d'un outil de calcul pour déterminer la meilleure solution d'amortissement d'un pont à câbles.

2.4. VSL

VSL est un fervent partisan des amortisseurs fonctionnant par frottement car ceux-ci auraient une durée de vie nettement supérieure aux amortisseurs visqueux. L'argument justificatif est le suivant : l'amortisseur hydraulique ou visqueux est sensible au moindre petit mouvement du câble, il travaille donc en permanence. L'amortisseur par frottement ne fonctionne que pour des forces et des déplacements suffisamment importants ayant une probabilité d'occurrence beaucoup plus faible. Ce type d'amortisseur a été utilisé récemment sur le pont d'Uddevalla (Espagne) et donne pleine satisfaction. L'inconvénient de ce type d'amortisseur est que l'on ne peut pas parler de coefficient d'amortissement et les comparer à l'aide de ce coefficient (mesuré in situ) à des amortisseur visqueux. On a une force constante à chaque cycle (pour des mouvements suffisamment importants) et non une force proportionnelle à la vitesse!

3. Recherches récentes sur les phénomènes vibratoires. Les câbles soumis au vent ont des comportements vibratoires très complexes à évaluer. Sous l'effet du vent, le câble subit des actions périodiques provenant des détachements réguliers de tourbillons en arrière du câbles (dits tourbillons de Von Karman) qui peut entraîner des phénomènes de résonance et des vibrations de fortes amplitudes de câbles qui présentent par ailleurs des taux d'amortissement extrêmement faibles. D'autres phénomènes plus complexes apparaissent et induisent des vibrations dans le sens perpendiculaire au vent. C'est le phénomène de galop, par analogie avec les mouvements latéraux exercés par un cheval au galop. Plusieurs conditions viennent modifier l'amplitude de ces phénomènes et l'apparition ou non de ces phénomènes. Parmi ceux-ci, on peut citer l'influence de la pluie qui conduit à la formation d'un fin filet d'eau le long du câble. Combiné à des vents importants, ce fin filet d'eau crée une dissymétrie initiale qui favorise le phénomène de galop. C'est pour cela que l'on rencontre surtout ces phénomènes par temps de pluie et de vent mêlés. On peut aussi citer dans les régions froides la glace qui lorsqu'elle s'accroche au câble modifie la forme apparente de celui-ci, ce qui rend plus probable les phénomènes résonants. L'interaction air-structure est aussi importante, mais la présence d'un autre câble en arrière d'un premier, et leurs interactions respectives sont des phénomènes très difficiles à modéliser. Le congrès a été le lieu de présenter les derniers développements sur le sujets, avec globalement 2 types d'approches : Des approches numériques avec des logiciels "CFD" (Computational Fluid Dynamics) qui modélisent des fluides et leurs écoulements. (voir résultats en vert ci-dessous) Des approches expérimentales en soufflerie (voir dispositif d'essai ci-dessous)

Simulations numériques de l'interaction entre 2 câbles (en rouge les tourbillons dans un sens, et en bleu dans l'autre sens)

Dispositif expérimental en soufflerie L'objet de ces différentes recherches est de mieux comprendre les phénomènes, et pouvoir étudier les avantages et inconvénients des différentes stratégies pour les résoudre (mise en place d'amortisseurs, liaisonnement des câbles entre eux (cross-ties), modification de l'enveloppe du câble (encoche en spirale pour que le filet d'eau ne soit pas en ligne droite, et donc à la même position tout le long du câble)).

4. Visite du "River Cooper Bridge" Le dernier jour du congrès fut consacré à la visite du pont à haubans qui porte la route 17 (qui longe la côte atlantique et traverse Charleston) construit de 2001 à 2005. Les caractéristiques de l'ouvrage sont les suivantes : Longueur totale : 4558 m Longueur travée principale : 471m Hauteur maximale des pylônes : 174m Largeur tablier : 40m

Tablier en multipoutre mixte soutenu par des haubans Pylônes en béton Les photos suivantes montrent l'ouvrage récent (celui que l'on a visité) devant l'ancien ouvrage (type cantilever en treillis métallique), en cours de démolition.

Vue des pylônes, des haubans et de la structure mixte en dessous (type multipoutre mixte, avec profilage dans la partie centrale sans doute pour le vent) :

Parmi les particularités de l'ouvrage ou les spécificités américaines, on peut mentionner : les butées antisismiques entre le tablier et les pylônes,

les amortisseurs présents à côté de l'ancrage (photo ci-dessous) :

l'absence de corniches (les bords du tablier sont simplement laissés en béton brut) :

le dispositif de collecte des eaux usés plutôt rudimentaires (des simples trous de part et d'autre de la dalle béton (directement en contact avec les véhicules sans étanchéité ni couche de roulement) :

les assemblages boulonnés sur les poutres métalliques constituant les viaducs d'accès ainsi que sur le pont principal :

des joints de chaussées peu habituels en France

5. Documents rapportés Un CD-Rom et une version papier de toutes les présentations effectuées ont été remis à l'ensemble des participants. Ils sont disponibles chez Pierre Marchand (bureau 823, tel : 3454) ou Pascal Charles (bureau 703, tel : 3279).

6. La ville de Charleston Baigné par un soleil radieux et un climat quasi tropical, Charleston est une ville où il fait bon se promener (le matin ou le soir quand il ne fait pas trop chaud). De magnifiques villas (les plus anciennes datent du 18ème siècle) témoignent de la richesse des planteurs d'autrefois (coton et riz essentiellement). Fief sudiste pendant la guerre de sécession, la ville a vécu de nombreux affrontements terrestres ou maritimes. La première attaque sous-marine (victorieuse puisque le bateau cible a été coulé mais le sous-marin n'est jamais rentré au port) a eu lieu au large de Charleston pendant la guerre de sécession. Aujourd'hui l'océan atlantique est redevenu paisible, seulement agrémenté du balai des dauphins qui apprécient visiblement l'eau à 25 degrés.

Pierre Marchand Pascal Charles