Duval 1900

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Duval 1900

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    xvs-

    II ^sstmiSim

  • Bibliothque

    derenseimement deVEistoire ecclsiastique

    Sollicits de divers cts de reprendre, avec les seules

    ressources de l'initiative prive, le projet confi jadis

    par S. S. Lon XIII aux cardinaux de Luca, Pitra etHergenrther, la suite de la lettre pontificale sur les

    tudes historiques, savoir la composition d'une His-

    toire ecclsiastique universelle, mise au point des pro-

    grs de la critique de notre temps >, nous nous sommes

    dtermins entreprendre la publication de cette col-

    lection pour servir l'tude et l'enseignement de l'his-

    toire ecclsiastique. On a distribu la matire en unesrie de sujets capitaux, chacun devant constituer un

    volume indpendant, chaque volume confi un savant

    sous sa propre responsabilit, chaque collaborateur

    charg, non pas tant de produire un travail original,

    que de dire o en est la science, o elle se trouve etcomment elle se fait. Nous n'avons pas l'intention defaire uvre pdagogique et de publier des manuelsanalogues ceux de l'enseignement secondaire, ni da-

    vantage uvre de vulgarisation au service de ce que

    l'on est convenu d'appeler le grand public: il y a unei^vre plus urgente raliser en matire d'histoire ec-clsiastique, plus conforme aux vues exprimes par leSouverain Pontife, un uvre de haut enseignement,

  • puisque, en matire d'histoire ecclsiastique, il n'existepas, du moins en pays de langue franaise, de publi-cations intermdiaires entre les manuels lmentaireset des uvres comme celles de Janssen, de De Rossi

    ou de Hefele. Nous croyons que nous rpondrions audsir de bien des matres et de bien des tudiants de

    l'enseignement suprieur franais, autant que de biendes membres du clerg et de l'lite des catholiques,si nous russissions crer une collection compa-

    rable pour le plan VHistoire universelle de W. Onc-ken, Pour cette uvre nous nous sommes adresss des

    hommes de science, ayant dj fait leurs preuves. Leplan des sujets traiter a t conu de faon que l'en-semble des vingt-cinq ou trente volumes qui compo-seront notre collection embrasse toute l'histoire gnralede l'glise. Les volumes ne paratront ni dans l'ordrechronologique, ni dates fixes, mais mesure qu'ilsseront prts. Et chaque volume, de 300 400 pages,

    se vendra sparment. La direction gnrale de lapublication est confie un comit, sous la prsidence

    de M^"" Pierre Batiffol, recteur de l'Institut Catholique

    de Toulouse.

    V. Lecoffre.

  • Bibliothque de l'enseignement de l'Histoire ecclsiastique

    Les origines du catholicisme.

    Le christianisme et Vempire romain.

    Les glises du monde romain.

    Les anciennes littratures chrtiennes.

    La thologie ancienne.

    Les institutions anciennes de l'Eglise.

    Les glises du monde barbare. Les glises du monde syrien.

    L'glise by:^antine. L'tat pontifical.

    La rforme du XI" sicle. Le sacerdoce et l'Empire.

    Histoire de la formation du droit canonique.

    La littrature ecclsiastique du moyen ge.

    La thologie du moyen ge. Les institutions de la chrtient.

    L'Eglise et l'Orient au moyen ge.

    L'glise et le Saint-Sige de Boniface VIII Martin V.

    L'Eglise la fin du moyen ge.

    La rforme protestante. Le concile de Trente.

    L'Eglise et l'Orient depuis le XV" sicle.

    La thologie catholique depuis le X VI^ sicle.Le protestantisme depuis la Rforme.

    L'expansion de VEglise depuis le XVI" sicle.

    VEglise et les gouvernements d'ancien rgime.VEglise et les rvolutions politiques (1789-1870).

    VEglise contemporaine.

  • Bibliolhque de renseiguemeul de Tllisloire ecclsiastique

    VOLUMES PARUS :Le Christianisme et l'Empire romain, de Nron a Thodose, parM. Paul Allard. Troisime dition.

    Anciennes littratures chrtiennes : L La littrature grecque,par M. Pierre Batiffol, recteur de l'Institut catholique deToulouse. Deuxime dition.

    Anciennes littratures chrtiennes : IL La littrature syria-que, par M. Rubens Duval, professeur au Collge de France.Deuxime dition.

    Chaque volume in-12. Prix : 3 fr. 50

    POUR PARAITRE PROCHAINEMENTHistoire des dogmes : I. La thologie ancienne, par M. L, J.Tixeront, professeur l'Institut catholique de Lyon.

    Anciennes LITTRATURES chrtiennes : III. La littrature latine,par M. Paul Lfjay, professeur l'Institut catholique deParis.

    La Rforme du XI' sicle, par M. Chnon, professeur laFacult de droit de l'Universit de Paris.

    Les Institutions de la Chrtient, par M. Edouard Jordan,professeur la Facult des lettres de l'Universit de Rennes.

    Les Papes d'Avignon, par leR. P. Louis Gurard, de l'Oratoire.Le grand Schisme, par M. Salembier, professeur la Facultde thologie de Lille.

    Histoire des dogmes : IL La thologie du moyen ge, par leR. P. Mandonnet, professeur la Facult de thologie del'Universit de Fnbourg.

    Les origines du Protestantisme et de l'esprit moderne, auxiv et au xv sicles, par le R. P. Baudrillart, professeur l'Institut catholique de Paris.

    L'glise au XV scicle. I. Histoire politique et religieuse,par M. Jean Guiraud, professeur la facultt des lettresde l'Universit de Besanon.

    La Rforme protestante, par M. Imbart de la Tour, profes-seur la Facult des lettres de l'Universit de Bordeaux.

    L'glise et les gouvernements d'ancien rgime, par M. Cau-chie, professeur l'Universit de Louvain.

    L'glise et les Slaves, par le R. P. Pierling, S. J.L'glise contemporaine, par M. Georges Goyau, ancien mem-bre de l'Ecole franaise de Rome.

  • Bibliothque

    de renseignement de l'Histoire ecclsiastique

    ANCIENNES LITTRATURES CHRTIENNES

    II

    LA LITTRATURE SYRIAQUE

  • Bibliothque de l'Enseignement de l'Histoire ecclsiastique

    ANCIENNES

    LITTRATURES CHRTIENNESII

    LA LITTRATURE SYRIAQUE

    PAR

    RcBEXs DUVAL

    DEUXIEME EDITION

    PARISLIBRAIRIE VICTOR LECOFFRE

    RUE BONAPARTE, 90

    1900

  • DEC "^ ^^^G 54- 7.

    \

  • AVANT-PROPOS

    DE LA PREMIRE DITION

    La littrature syriaque avait sa place marquedans la Bibliothque de renseignement de l'His-toire ecclsiastique^ car elle constitue une des

    principales sources de l'histoire de Tglise orien-tale. Le livre qui lui est consacr, a t divis en

    deux parties ; dans la premire, on s'est propos dedonner une vue d'ensemble des uvres littraires

    qui nous sont parvenues des Syriens; la seconde

    renferme de brves notices sur les auteurs syria-

    ques, classes suivant l'ordre chronologique, d'a-

    prs le modle de l'article de W. Wright sur lalittrature syriaque dans le XXIP volume de VEn-cyclopedia britannica^. Les textes dits jusqu'ce jour forment une bibliothque de plus de deuxcents volumes, dont la majeure partie a paru pen-dant ce sicle. Nous croyons avoir mentionn tous

    1. Une dition part de cet article a t faite aprs la mortde l'auteur : A short History of syriac Lilerature by Ihe lateWilliam Wright, Londres, 1894. C'est cette dition que nousavons cite dans les notes de ce livre sous le titre de Wright,Syr. lit., 2" d.

    b

  • X AVANT-PROPOS.

    ceux qui prsentent quelque intrt littraire, mais

    nous avons laiss de ct les publications faitesdans un but pratique, telles que liturgies, rituels etbrviaires.

    La littrature syriaque n'est rellement entredans le domaine des tudes orientales que depuis leXIX sicle, quoique, ds le commencement duXVIIP, Joseph Simon Assmani en ait rvl l'im-portance en crivant sa clbre Bibliotheca orien-

    talis. Cette uvre capitale demeura sans rivale;elle suffisait aux besoins du temps. Autrefois l'-tude du syriaque

    ,

    qui avait principalement en vue

    l'exgse biblique, n'tait pas pousse trs loin.La version syriaque de TAncien et du NouveauTestament , dite La Peschitto

    ,avait t dite

    dans les Polyglottes; en 1669, Edmond Gastellavait rdig son Lexicon heptaglotton pour la Po-lyglotte de Londres. C'est sur ce fonds, grossi de

    quelques autres publications analogues,

    que l'on

    vivait; il fournissait la matire des livres d'ensei-

    gnement : grammaires, chrestomathies et lexiques.Quand la Bibliotheca orientalis d'Assmani eutparu , on lui emprunta quelques textes , mis la

    porte des lves; le Chronicoii syriacum deBarhebraeus, dit par Bruns et Kirsch, Leipzig

    en 1789, procura ensuite quelques nouvelles contri-

    butions aux chrestomathies.

    Si l'on excepte Renaudot qui , dans sa collection

    des liturgies orientales, traduisit les liturgies

  • AVANT-PROPOS. \i

    syriaques, il faut reconnatre que c'est aux Maro-

    nites et notamment la famille des Assmani querevient Thonneur d'avoir initi les savants de l'Eu-

    rope aux richesses littraires renfermes dans les

    manuscrits syriaques. Ces manuscrits n'taient pas

    encore trs nombreux dans nos bibliothques.

    J.-S. Assmani avait dot la Bibliothque du Vati-can d'une belle collection, qu'il tira en partie du

    couvent de Notre-Dame des Syriens, situ dans le

    dsert de Nitrie (ou Sct) en Egypte ; c'est dans

    cette collection qu'il prit les matriaux de sa Biblio-theca orientalis. Le catalogue des ms. orientaux

    du Vatican, qu'il rdigea avec l'aide d'Etienne

    Evode Assmani, permettait d'autres Orientalistesde continuer et d'amliorer son uvre , mais la Bi-bliothque Vaticane tait alors peu accessible aux

    trangers. Les autres bibliothques de l'Europe,

    moins riches , n'avaient pas encore publi leurscatalogues , l'exception de la Laurentienne deFlorence, dont Evode Assmani avait dcrit lesms. orientaux, parmi lesquels figurent quelquesms. syriaques.

    De nos jours , les Syrologues sont mieux parta-gs; le fonds syriaque des principales bibliothquess'est largement accru , surtout celui du Muse bri-tannique qui a acquis l'importante collection dusouvent de Notre-Dame des Syriens, que J. Ass-mani avait seulement entame. Des cataloguesdescriptifs et analytiques , rdigs par des biblio-

    I3Q

  • XH AVANT-PROPOS.

    thcaires comptents, sont maintenant la disposi-tion de tous les travailleurs. D'un autre ct, les

    relations que les savants de l'Europe ont nouesavec le monde oriental, permettent d'utiliser lestrsors littraires qui sont rests en Orient.

    Grce ces heureuses circonstances, il s'est pro-duit pendant notre sicle une renaissance des tu-

    des syriaques qui ont, dans une grande mesure,

    particip au nouvel essor imprim l'orientalismeet l'histoire ecclsiastique. De rcents travaux

    ont mis nu les lacunes et les imperfections dugrand travail de J. Assmani; nanmoins la Biblio-theca orientalis demeure toujours une source abon-dante d'informations. La fivre de l'indit qui s'est

    empare de la jeune gnration des Orientalistesne parait pas, heureusement, prs de se calmer.

    Ce livre a t crit pour le public savant autantque pour les Orientalistes ; nous avons donc jug propos d'adopter, pour la transcription des noms

    propres syriaques, la forme la plus simple et la pluri

    rpandue , alors mme qu'elle ne rendrait pas exac-tement la prononciation orientale. Dans ce dessein,

    nous avons nglig les signes conventionnels

    dont on marque les lettres syriaques qui n'ont pasleur quivalent dans notre alphabet, et nous avons

    supprim toute distinction entre la prononciationdes Syriens occidentaux et celle des Syriens orien-

    taux, nous en tenant la premire que les Maronitesont popularise chez nous. Nous crivons Barde-

  • AVANT-PROPOS. xiii

    ane, Ephrem^ NarsSy selon Torthographe vul-gaire; Barhebrus avec la forme latinise de cenom ; bedjsu selon la prononciation des Maro-nites (et non Abdischo ou Audischo, qui reprodui-rait mieux la prononciation nestorienne), etc.Une carte gographique, jointe au volume, donne

    un aperu du domaine littraire des Syriens et ai-dera le lecteur s'orienter dans les diverses con-

    tres qui sont mentionnes dans l'ouvrage.

    Paris, janvier 1899.

  • AVANT-PROPOSDE LA SECONDE DITION

    La seconde dition de La littrature syriaque

    diffre peu de la premire dition qu'elle suit de siprs. Cependant les publications parues en 1898 et1899 et que nous n'avions pu encore utiliser, ont

    fourni une contribution importante. D'un autre

    ct, on a fait les corrections ncessaires et rpar

    les omissions grce aux bienveillantes communica-tions de MM. Nestl, Lamy, Franz Gumont, Bed-jan, Guidi et Chabot, auxquels nous adressons nosvifs remerciements.

    Afin que les acqureurs de la premire ditionpuissent profiter de ces amliorations, nous avons

    runi les nouvelles additions dans un appendice,

    dont un tirage part est mis la disposition despremiers lecteurs de La littrature syriaque. Cetappendice est suivi de la liste des corrections faites

    dans le corps du livre.

    Quelques critiques ont exprim le regret qu'unlivre crit en vue de l'enseignement ecclsiastique

  • XVI AVANT-PROPOS.

    ne comprt pas un chapitre sur la liturgie si bien

    reprsente chez les Syriens i. Nous avouons notreincomptence pour crire ce chapitre. De plus, lesujet est, semble-til, trop vaste pour tre ren-ferm dans quelques pages, il devrait tre traitdans un volume spcial de la Bibliothque de ren-seignement de l'Histoire ecclsiastique'^.

    Paris, novembre 1899.

    1. M. TixERONT, UUniversit catholique de Lyon, aot 1899,p. 633; M. Chabot, Revue critique, 16 octobre 1899, p. 298.

    2. Les personnes que le sujet intresse pourront consulter :BiCKELL, Conspectus rei Syrorum litterariae, Munster, 1871 , VII,De liturcfiis Syrorum, p. 59 et suiv., et les ouvrages cits dansce livre. Eberhard Nestl, Syrische Grammatik mit Litteratur,Chreslomathie und Glossar, Berlin, 1888, Litteratura , 111, Libriecclesiastici (liturgici, Rituales), 31-34. P. Bedjan

    ,Breviarium

    chaldaicum (en syriaque), I-III, Paris, 1886-1887. LiturgiaS. Apostolorum Addaei et Maris, cui accedunt duae aliae inquibusdam festis et feriis dicendae, necnon Ordo baptismi (en sy-riaque), Ourmia, Mission de l'Archevque de Canterbury, 1890. Brviaire l'usage du clerg maronite, 2 d., Beirouth, 1893(en syriaque) Arthur John Maclean, East Syrian Daily Officestranslated from the syriac with iyitroduction , notes and indices...Londres, 1894. F. E. Brightmann, Eastern and western liturgies,Oxford, 1896, t. \, Eastern liturgies Ephraem n Rahmani, Testa-mentum Domini Nostri Jesu Christi, Mayence, 1899, Disserta-tio III, De liturgia Missae, p. 169.

  • PREMIERE PARTIE LA LITTERATURE SYRIAQUEET SES DIFFRENTS GENRES

    LITTERATURE SYRIAQUE.

  • LES ORIGINES DE LA LITTRATURE SYRIAQUE

    La littrature syriaque s'est forme et dvelopped abord dans la Msopotamie sous l'influence du chris-tianisme auquel elle doit le caractre religieux qui ladistingue. Elle est par-dessus tout une littrature ec-clsiastique, les uvres qu'elle nous a laisses ayantpour auteurs, presque sans exception, des membres duclerg ou des thologiens. Los docteurs mmes qui seconsacrrent l'tude de la philosophie grecquecomme les Matres de l'Ecole d'desse au V sicle ouaux sciences naturelles et mdicales, comme SergiuL deReschaina, au sicle suivant, et les clbres mdecinssyriens de Bagdad au temps des califes Abbassidestous taient verss dans la thologie. Les sciences, eneffet, taient rsumes en Orient dans le mot philoso-phie et la premire et la plus importante des branchesde la philosophie, c'tait la connaissance de Dieu etdes dogmes de la religion. Cette direction des ludestenait a 1 esprit religieux des Smites, aussi profon-dement enracin chez les Syriens que chez les Isra-lites et les Arabes. On sait que l'activit intellectuelledes Juifs tait surtout concentre dans l'tude de laThora, c-est--dire de la loi religieuse, et que l'ensei-gnement se donnait chez les Musulmans dans les Ma

  • 4 LES ORIGINES

    drass dpendant des mosques et diriges par desOulma (docteurs de la loi) ; ainsi les chrtiens sy-riens allaient tudier dans les coles rattaches auxcouvents.

    La Msopotamie paenne ne compte pas parmi lesnations doues d'un gnie littraire. On comprend queles uvres qu'elle aurait produites aient sombr avecle paganisme, l'exception de quelques inscriptionsconserves par la pierre. Mais, s'il y avait eu une vraieculture nationale, la tradition s'en serait conserve ouelle aurait laiss son empreinte sur l'poque chrtienne.Il n'en est rien : la littrature syriaque est sortie toutentire du grand mouvement religieux qui se produisiten Orient vers notre re et qui entrana la Msopotamieavec une rapidit surprenante. Cette contre ne tardapas devenir un des principaux centres des luttes re-ligieuses et prendre une place importante dans l'his-toire de l'Eglise. Elle sera avec Bardesane le dernierrempart du gnosticisme, puis les Syriens de l'empireperse accueilleront le nestorianisme vaincu en Occident,pendant que les Syriens de Tempire romain se dcla-reront partisans de l'hrsie monophysite et formerontles Jacobites.

    Nous avons dit que la Msopotamie avait t le ber-ceau de la littrature syriaque. Les Syriens taient, ilest vrai , rpandus sur une vaste tendue de territoire.La Syrie proprement dite, ou Syrie cis-euphratique, laMsopotamie, la Babylonie, les provinces orientales,telles que l'Adiabne, la Garame, la Susiane, taienten grande partie habites par des Aramens qui, aprsl'vanglisation de ces contres, prirent le titre de Sy-riens ^ Mais la Syrie, aprs l'occupation des Sleuci-

    \. Le mot aramen devint dans la lillrrature juive le synonyme depaie quand les Juifs, transports en Babylonie, se trouvrent entours

  • DE LA LITTERATURE SYRLVQUE. 5

    des, s'tait promptement hellnise. L'idiome vulgairetait le syriaque, mais on crivait en grec. L'usage dugrec tait gnral et se maintint longtemps aprs laconqute romaine'. C'est en grec qu'Eusbe de Csa-re, Titus de Bostra, Svre d'Antioche composrentleurs ouvrages. Les auteurs de ce pays qui, dans lespremiers sicles de notre re, se servirent du syriaque,comme Isaac d'Antioche et Jean d'Asie, taient origi-naires de la Msopotamie^. Le syriaque msopotamicnne devint la langue littraire et ecclsiastique de laSyrie qu'aprs l'tablissement dfinitif du schisme mo-nophysite dans cette contre. Auparavant, les officestaient clbrs en grec et les Saintes Ecritures taientvraisemblablement expliques oralement dans le dia-lecte populaire. Ce dialecte faisait partie des dialectesaramens occidentaux ([ui se distinguaient sensible-ment des idiomes aramens parls dans la Msopotamieet la Babylonie^.

    Les origines de la littrature syriaque sont troite-ment lies rvanglisation de la Msopotamie qui,suivant une tradition constante, dbuta Edesse.

    Edesse, la plus civilise et la plus florissante descits de cette contre, devait sa situation gogra-

    de populations aramocnnes adonnes au culte des astres. I.cs Aramenschrtiens acceptrent le mot grec 2!vqoL pour se distinguer des Ara-mens demeurs paens.

    1. Bauiierhel-s, Cliron. syr.,c(\. Biuns, Leipzig, 1789, p. 120, d. Bedjan,Paris, 1890, p. ilo, nous apprend que le grec tait la langue littrairejusqu'au vni sicle de notre re, notamment Damas o Walid l'in-terdit pour la rdaction des actes officiels et y substitua l'arabe.

    2. Isaac na(iuit Amid et fit ses ludes Edesse. Jean tait galementd'Amid o il fut fait diacre, et d'o il s'enfuit pour viter les pers-cutions.

    3. Sur ces dilrcnts dialectes voir BariiebbjEus, uv. gramm.^ d.Martin, U, p. o, et Histoire des dynasties, d. Pococke, Oxford, 1GG3, p. IG;d. Sauiani, Bciroutli, 1890, p. iS. Le syriaque occidental, trs corrompu,est encore parl aujourd'hui dans deux villages du Liban.

  • LES ORIGINES

    pliique une importance exceptionnelle. C'tait uneplace forte, entoure d'une double muraille et natu-rellement fortifie l'ouest par un massif rocheuxauquel elle tait adosse. Cette ville commandait lespasses donnant accs l'Armnie et dominait laroute qui traversait la Msopotamie. Elle conserva sonindpendance sous les trente-quatre rois qui gou-vernrent rOsrhone depuis Tan 132 avant notre rejusqu' l'an 244 aprs J.-C; cette poque Edessedevint colonie romaine et reut un gouverneur romain.Edesse tait de fait la capitale de la Msopotamie et

    on s'explique aisment qu'elle ft le premier objectifdes missions charges de rpandre en Orient la nou-velle religion. Autant que l'histoire nous permet de lejuger, une communaut chrtienne existait Edessevers Tan 150, et cette communaut semble stre formed'abord dans l'lment juif de la ville, mais le christia-nisme ne supplanta dlinitivement l'ancienne religionpaenne et ne devint la religion de l'Etat qu'aprs laconversion du roi Abgar IX, conversion qui eut lieu versl'an 207 , aprs le retour de ce prince de Rome et lagrande inondation d' Edesse de l'an 201. Ces quelquesdonnes historiques rsultent de la comparaison desanciens documents dont nous nous occuperons bientt :la Lgende d'Abgar, la chronique d'Edesse, la versionbiblique dite la Peschto , etc.

    L'heureuse influence du christianisme ne tarda pas se faire sentir en Msopotamie. Les relations suiviesqui s'tablirent entre Edesse et l'Eglise de Jrusalemd'abord, et l'Eglise d'Antiochc ensuite, crrent unmouvement intellectuel qui fit do cette ville un grandcentre des tudes religieuses et scientifiques, et de l'a-ramen msopotamien la langue littraire, qu'adop-teront un jour tous les Syriens depuis les bords de la

  • Dt: LA LITTIIATLUE SYRIAQUE. 7

    Mditerrane jusqu TAdiabne, et depuis le Taiirnsjusqu' l'Arabie et jusqu'au golfe Persic^ue.Un phnomne qui surprend est la fixit de la lan-

    gue syriaque qui se maintient sans changement etcomme strotype pendant le cours des longs siclessur lesquels s'tend la littrature syriaque. Si l'on par-court une de ces petites chrestomathies l'usage destudiants, dans lesquelles se trouvent, cte cte, despassages de la Peschitto (du II s. de notre re) et desextraits des uvres de Barliebra}us (du XIII s.), onpasse d'un texte un autre avec la mme facilit quesi l'on avait sous les yeux des crits d'un mme auteur.L'immutabilit n'a rien que de naturel pour la priodede dcadence qui suit la conqute musulmane. L'arabetant devenu l'idiome vulgaire, le syriaque n'est plusqu'une langue morte, apprise l'cole comme cheznous le latin. Mais l'explication du phnomne estmoins aise pour l'poque classique qui va du II'' siclejusque vers le VIII' . Que l'on songe la vie mouve-mente de nos langues europennes avant d'arriver leur forme actuelle! Il faut bien admettre qu'au mo-ment o la littrature chrtienne se forma, l'idiomearamen avait dj le caractre d'une langue littraireconsacre par l'usage, l'abri des modifications quesubissent les dialectes vulgaires ^ Si cette littraturene doit rien de plus aux temps anciens , comme nous lecroyons, elle trouva tout achev l'instrument qui luitait ncessaire pour se manifester au jour et elle lereut comme un prcieux hritage. La civilisation avan-ce dont Edesse jouissait sous le gouvernement de sesrois lgitime du reste cette manire de voir.

    1. On sait combien ces modifications sont nombreuses et profondespour les dialectes syriaques parls encore de nos jours dans le Liban,dans le Tour Abdin, dans le Kurdistan et aux environs du lacd'Ounnia,en Perse.

  • 8 LES ORIGINES

    On a cru pouvoir remonter plus haut et rattacherles origines de la littrature syriaque la sciencechaldenne. On ne peut douter, crivait Renan dansson Histoire des langues smitiques (4 d., p. 259),que , de trs bonne heure

    ,il ne se soit form une litt-

    rature chrtienne en langue syriaque. Ce serait toute-fois une confusion que de rattacher immdiatementcette littrature aux premiers crits du christianisme,qu'on peut supposer avoir t composs en syro-chal-daque' ; car, malgr la grande analogie du syriaque etde la langue parle en Palestine l'poque du Christ,on ne voit pas le lien qui unirait la premire littraturede Jude au dveloppement que l'on appelle syriaque,lequel se produit au IV^ sicle -, non dans la Syrie pro-prement dite, mais en Msopotamie. C'est un fait sin-gulier, il faut l'avouer, qu'une littrature apparaissantainsi sans antcdents, et sans qu'aucune traditionnous ait t conserve d'une culture nationale ant-rieure ; mais la surprise que nous cause cette brusqueapparition n'est qu'un effet de l'ignorance o noussommes sur les anciennes tudes aramennes. On atabli ci-dessus que la Chalde avait possd une litt-rature paenne et indigne antrieure au christianisme.La Syrie proprement dite et le nord de la Msopota-mie ne paraissent pas, il est vrai, avoir particip d'unemanire efficace au mouvement des tudes chalden-nes; mais on ne peut croire qu'elles y soient restestout fait trangres. Il est remarquable que les plusanciens crivains dont les noms sont venus jusqu'nous taient tous des Chaldens vivant sous la domina-tion des Sassanides. L'ide d'crire en langue ara-menne sur les choses chrtiennes sera venue naturelle-

    1. C'est--dire dans le dialecte aramen de la Palestine2. Sic, lire au n

  • DE LA LTTTI^RATURE SYRIAQUE. 9

    ment dans un pays qui possdait dj des ouvrages enlangue indigne sur toutes sortes de sujets. On le voit, tout cela est assez vague. Quand Renan

    crivait son histoire des langues smitiques, les l-ments d'informations que nous possdons sur la littra-ture aramenne n'taient pas encore lucids et vul-gariss comme ils le sont aujourd'hui. Ce que Renandisait de la littrature chaldenne antrieure au chris-tianisme tait emprunt aux lgendes recueillies parlesauteurs arabes , venus trop tard pour tre des autoritsdignes de foi. Ces auteurs dsignent sous le nom deChaldens les Nabatens tablis en Babylonie aprs leIP sicle de notre re. L'importante littrature qu'ilsleur attribuent n'est qu'un mythe. Il est aujourd'huireconnu que le trait d'agriculture qu'Ibn Waschiyah[en l'an 904 de notre re) disait avoir traduit du chal-den est une uvre sans valeur mise sous l'autorit d'unnom suppos. Les autres livres relatifs aux sciencesnaturelles, l'astrologie, aux mystres, aux Patriar-ches de l'ancien Testament dont parlent les Arabes, nesont vraisemblablement pas autre chose que les livresdes Mandens, qui existent encore et qui sont post-rieurs au christianisme.

    L'illustre orientaliste est plus prcis quand il ajoutequelques pages aprs (p. 262) : Une observation qui,ce me semble , n'est pas sans importance pour la criti-que

    ,c'est que Bardesane se rattache directement l'-

    cole chaldenne , comme le prouvent ses crits et sur-tout les rfutations de saint Ephrem. Ceci me confirmedans l'opinion qu'il faut chercher en Chalde l'originede la littrature syriaque et que cette littrature n'estautre chose que le prolongement chrtien de la littra-ture nabatenne. Selon le Kitab-el-Fihrist, Mans auraitaussi compos en syriaque la plupart de ses livres.

    1.

  • dO LES ORIGINES

    Renan avait t amen cette conclusion, parcequ'il considrait Bardesane comme le crateur de lalittrature syriaque : Ce que Bardesane fut sans con-testation, crit-il dans son Maj^c-Aurle, p. 442, c'estle crateur de la littrature syriaque chrtienne . Bar-desane cra la posie religieuse, si nous en croyonssaint Ephrem, mais avant qu'il se fit connatre commethologien et philosophe, c'est--dire avant le dernierquart du IP sicle (il tait n en l'an 154), la commu-naut chrtienne d'Edesse possdait dj une versionde l'Ancien Testament, la Peschitto, et \Harmonie desquatre Evangiles de Tatien, peut-tre mme une ver-sion complte des quatre Evangiles , comme nous l'ex-poserons plus loin.

    Saint Ephrem nous fait connatre Bardesane commeun gnostique qui inclinait vers le systme de Valentin.Or le gnosticisme, comme le christianisme, procdedu mouvement religieux qui eut son essor en Palestineet auquel la Babylonie demeura d'abord trangre;ce n'est qu'au IIP sicle qu'apparat Mans d'origineperse. Bardesane subit l'influence des ides religieusesqui taient rpandues en Palestine et en Syrie et, sousce rapport, il ne doit rien la Chaldce.

    Mais Bardesane tait vers dans la connaissance dessciences occultes ; on lui attribue un trait d'astrologieet un alphabet mystique. De ce ct, il pourrait trerattach la Chalde qui passe pour le berceau deces sciences; nous n'y contredisons pas, nous feronsseulement observer que, pour expliquer le fait, iln'est pas ncesaire de supposer un commerce directentre le nord de la Msopotamie et le sud de la Baby-lonie. Ds les temps anciens la Msopotamie, commela Syrie, tait adonne au culte des plantes et lesSyriens croyaient l'influence des astres sur la des-

  • DE LA LITTRATURE SYRL\QUE. 11

    tine humaine. L'tude des sciences occultes taitrpandue dans tout l'Orient et florissait, vers l'poquechrtienne , surtout en Egypte. Ce n'est pas en Chaldeque Basilide avait compos son Abraxas; du restel'apliabet mystique mis sous le nom de Bardesane estd'origine juive \Nous ne nous croyons donc pas autoris rattacher

    la littrature chrtienne de la Msopotamie la littra-ture paenne de la Chalde. Le royaume d'Edesse, commeles autres principauts qui se constiturent en Baby-lonie et en Msopotamie . sous l'gide des Parthes

    ,

    aprs que les Sleucides eurent renonc leurs posses-sions trans-euphratiques, avait t fond par des tribusnabatennes originaires du nord de l'Arabie. La lan-gue littraire de ces tribus tait l'aramen. Autrefoison confondait souvent les mots aramen et chalden,et cette confusion a t la cause de regrettables erreurs.

    \. Voir R. Dlval, Trait de grammaire syriaque, Paris, 1881, p. 1^.

  • II

    CARACTERES GENERAUX DE LA LITTERATURE SYRIAQUE.LA POSIE.

    1. Caractres de la littrature syriaque.

    La littrature syriaque n'est pas la cration gnialed'une nation qui se dveloppe progressivement et pos-sde une tradition suivie. Nous l'avons dit, rien ne re-lie cette littrature un pass indigne. Elle germacomme un rejeton de la littrature sacre de la Pales-tine sur lequel se greffrent les rameaux de la culturegrecque. Aussi bien les monuments qu'elle nous a lais-ss n'ont pas le caractre original des uvres desgrands crivains qui refltent le gnie propre de leurpeuple.

    L intrt de cette littrature est surtout historique.Les chroniques renferment des documents de premierordre pour l'histoire de l'Asie antrieure sous les Ro-mains, les Perses, les Arabes, les Mongols et lesTurcs. Mais ce sont les historiens ecclsiastiques quirevendiqueront la plus grande part de cette littrature.La Syrie ne resta indiffrente aucune des luttes quitroublrent le monde chrtien : les hrsies et lesschismes y trouvrent un terrain fertile, facile ex-ploiter, et jusqu'au VIP sicle, les dissensions, les po-

  • 14 CARACTRES

    lmiques et les controverses religieuses agitrent lesesprits des Syriens dans l'empire romain et dans l'em-pire perse.

    Par leur anciennet les versions bibliques se recom-mandent l'exgte. La Peschitto apporte un contrleutile la critique du texte hbreu, comme l'Hexaplairesyriaque celle des Septante. Les versions du Nou-veau Testament, y compris l'Hraclenne, sont con-sultes avec fruit, ainsi que les commentaires que lesPres de l'Eglise syriaque ont faits des Saintes Ecritu-res.

    La littrature apocryphe de la Jude eut son cho enSyrie, o l'imagination s'exera sur les Patriarchesbibliques , sur la vie de Notre Seigneur, sur la Viergeet les Aptres. Il se forma des lgendes qui furent ac-ceptes en Occident mme.

    L'hagiographie occupe dans la littrature syriaqueune place aussi grande que dans les autres littratureschrtiennes. Les Actes des martyrs rdigs par les Sy-riens occidentaux diffrent, par leur caractre, deceux crits par les Syriens orientaux. Ces derniers ren-ferment des donnes historiques et gographiques quiservent clairer des points obscurs des temps an-ciens.

    Nous ne nous appesantirons pas sur ces sujets quitrouveront leurs dveloppements dans le cours de celivre , mais nous ferons ressortir ici la valeur des tra-ductions des livres grecs, qui forment une des bran-ches importantes de la littrature syriaque.La Msopotamie paenne tait reste ferme aux let-

    tres grecques. La ncessit de connatre les uvres desPres de l'glise grecque et de l'Eglise hellnisanted'Antioche se fit sentir d'abord dans la Msopotamieantrieure au commencement du V^ sicle. A cette po-

  • DE L.V LITTRATLRE SYRIAQUE:. 15

    que, l'enseignement du grec faisait partie du pro-gramme de la clbre cole d'desse, qui publie suc-cessivement des traductions des commentaires deThodore de Mopsueste, des traits de saint Cyrilled'Alexandrie, de la logique d'Aristote et d'autres livres

    de VOrganon. De l l'tude du grec se rpand danstoute la Msopotamie et se continue pendant les siclessuivants. Sous les Abbassides apparat Bagdad unerenaissance scientifique cre parles illustres mdecinsque les califes entretiennent leur cour. Des colesdiriges par des matres en renom revisent et rditentles anciennes traductions d'Aristote et de Galien etpublient en syriaque les uvres de Dioscoride et de Pauld'Egine. Ce sont encore les Grecs qui initient les Sy-riens la connaissance de la grammaire et de la lexico-graphie. La langue syriaque porte la marque visible decette culture. Aprs avoir t les disciples des Grecsles Syriens deviendront les matres des Arabes et leurtransmettront les livres grecs. Il n'est gure de versionarabe d'une uvre grecque qui ne suppose un interm-diaire syriaque. Par un curieux retour des choses, laphilosophie grecque reviendra d'Orient en Europe parles livres arabes qui firent autorit chez nous au moyenge.Nous devons encore aux Syriens orientaux des ver-

    sions syriaques de livres pehlwis : le livre de Kalilaet Dinina, le Roman d'Alexandre le Grande et pro-bablement le livre de Sindbdn ou des Sept sages.

    Ces traductions nous ont conserv un certain nom-bre d'uvres dont les originaux sont perdus, soit entotalit, soit en partie. Certaines versions d'critsgrecs valent par leur ge un bon manuscrit et mri-tent d'tre consultes pour une dition critique.

  • J6 LA POSIE SYRIAQUE.

    2. La posie.

    Si Ton veut toucher du doigt la note personnelle del'esprit littraire des Syriens, c'est dans leur posiequ'il faut la chercher. On ne s'attendra pas trouverdans leurs productions potiques les hautes envoles dulyrisme ni le charme naf et captivant de l'pope h-roque

    ,mais le caractre particulier de cette posie en

    fait un vnement littraire qui vaut la peine qu'on s'yarrte et qu'on suive son histoire dans le cours dessicles KLa posie syriaque, purement ecclsiastique, est ne

    et s'est dveloppe dans le clerg pour lequel elle futTinstrument le plus apte rpandre dans le peuplel'instruction religieuse et donner aux offices du cultetoute la solennit qu'ils comportent. Ici encore pas detraces d'une tradition qui relie la posie chrtienne auxchants populaires des temps paens. C'est du ct del'ancienne posie hbraque qu'on pourrait chercherquelques analogies : les vers syriaques groups deuxpar deux forment une phrase mtrique, un difice(|L.i), comme disent les Syriens, rpondant assez bienau paralllisme des versets hbreux. Il ne fait pas dedoute, d'autre part, que l'usage des strophes acrosti-ches qui suivent l'ordre alphabtique se soit introduitdans la posie syriaque par imitation de certainsPsaumes et des Lamentations de Jrmie qui prsententcet arrangement strophique-.

    1. Ce que nous disons plus loin de la posie syriaque a fait l'objetd'une lecture l'Assemble de la Socit asiatique du mois de juin 1897,et a t imprim dans le Journal de cette socit, n de juillcl-aot 189".

    2. Les homlies mtriques de Narss (V s.) encore indites, prsen-tent de nombreux exemples de rponse, c'est--dire de la reprise au

  • L.V POSIE SYRIAQUE. 47

    Cependant le principe fondamental de la mtriquesyriaque, le nombre dtermin des syllabes du vers,n'existe pas en hbreu. Ce serait faire fausse route qued'en chercher l'origine dans l'ancienne posie grecqueet latine. Les Syriens ne distinguaient pas dans lesvers les voyelles longues des brves, et rien ne trahitchez eux la connaissance de la posie occidentale l'aurore de leur poque littraire. La langue syriaque,mousse par l'usure, ne maintient que trs rarementla voyelle brve dans une syllabe ouverte; par suite,les mots se dcomposent en syllabes bien tranches quiont la mme valeur prosodique. Il tait donc naturelqu'une phrase rythme comprit un nombre dterminde syllabes. C'est le phnomne qui s'est produit ga-lement pour le vers franais, dans lequel il n'est pastenu compte de la dure d'mission des voyelles.On serait plutt tent d'admettre une certaine parent

    entre l'hymnologie syriaque et l'hymnologie byzantine,en supposant que celle-ci drive de la premire. C'estl'hypothse qui a t soutenue en 1885 par M. WilhelmMeyer^; mais sa thse a rencontr plus d'adversairesque de partisans

    ;la prosodie syriaque tait alors trop

    mal connue pour servir de base un travail de compa-raison qui et quelque chance d'tre accept. M. Hu-bert Grimme^ a depuis repris l'tude de cette prosodie

    commencement d'une strophe, d'un mot ou d'une pense de la stropheprcdente. Ce phnomne potique a t signal pour rhl)rou parM. D. H. Mller dans les livres des Prophtes, les Psaumes et diversesposies bibliques. Il y a encore l une analogie frai)pante entre iaposie hbraque et la posie syriaque.

    i. Anfang und Ursprung der lalcinischen und gricchischen rythmi-schen Dichtung, Munich, 1885.

    2. Zeitschrift der deulschen morgenl. Gesellschaft, XLVII, p. 27G, etder Slrophenbau in den Gedichten Ephrms, Fribourg en Suisse, 1893.Comp. la rfutation du systme de Guimme, par G. Buockelmann

    ,ZeiscAr.

    der deut. morg. Gesellschaft., LU, p. 401.

  • 18 LA POSIE SYRIAQUE.

    et recherch les rgles qui rgissent l'accent toniqueelles strophes dans la posie syriaque. Nous ne pou-vons entrer ici dans l'examen de ce sujet; il nous suf-fira d'avoir rappel la question pose par M. ^VilhelmMeyer pour montrer que l'intrt qu'offre la posie sy-riaque dpasse le cercle des orientalistes.

    C'est au clbre Bardesane d'Edesse, qui vivait lalin du IP sicle de notre re, que revient, dit-on, l'hon-neur de la cration de la posie syriaque. Dans une deses hymnes contre les hrtiques \ saint Ephrem ditde Bardesane :

    Il cra les hymnes et y associa des airs musicaux.Il composa des cantiques et y introduisit les mtres.En mesures et en poids il divisa les mots"-.11 offrit aux gens sains le poison amer dissimul par la douceur.Les malades n'eurent point le choix d'un remde salutaire.11 voulut imiter David et se parer de sa beaut.Ambitionnant les mmes loges, il composa comme luiCent cinquante cantiques.

    Selon saint phrcm, Bardesane avait crit ces hym-nes pour graver dans l'esprit du peuple ses enseigne-ments religieux. Son invention eut, parat-il, un grandsuccs, et son fils Harmonius, rapportent les crivainsecclsiastiques, excella tellement dans cet art qu'il sur-

    passa mme son pre. Malheureusement, il ne nous estrien rest de ces posies, si l'on excepte quelques vers

    de Bardesane cits par saint Ephrem. Les crits desgnostiques ont dfinitivement pri avec les thories

    qu'ils exposaient.Mais, si l'uvre disparut, le moule qui l'avait faon-

    1. -S. Ephreemi syri opra syriace et latine, d. Stepii. vod. ss-MAM, Rome, 1737-1743, II, p. 55i.

    2. C'est--dire, il divisa les vers en mesures rythmes et accentues.

  • LA POSIE SYRIAQUE. 19

    ne subsista. Un sicle et demi plus tard, saint Ephremempruntait Bardesane son armure potique pourcombattre les doctrines errones et c'est sous la l'ormed'hymnes et dliomlies mtriques que l'illustre Prede l'glise syriaque rfuta les hrtiques et popularisales doctrines orthodoxes.

    La fcondit littraire de saint Ephrem tient du pro-dige. Ses nombreuses uvres potiques ont t reli-gieusement conserves et sont aujourd'hui publies. 11est vrai que l'auteur, si l'ou pouvait voquer son t-moio'nasfe, en renierait un certain nombre. On a missous l'autorit de son nom des compositions de soncole, notamment d'isaac d'Antioche', et mme deNes-toriens, tels que Narss-.Ephrem fut dans cet art le grand matre que les

    crivains de l'poque classique imitrent et rarementdpassrent. On lui a reproch son manque de chaleuret sa prolixit. Le genre didactique et parnti([ue seprte peu au lyrisme. Il ne faut pas non plus perdre devue le caractre spcial de l'iiymne sacre, qui taitchante par deux churs pendant les offices ; or, dansce genre de posies, la phrase est subordonne auchant qui lui donne son relief.Quant la prolixit de saint Ephrem que nous trou-

    vons parfois fastidieuse, on ne peut la condamner sanstenir compte du got des Syriens qui aimaient les r-ptitions et les dveloppements de la mme pense, etvoyaient des qualits l o nous trouvons des dfauts.Ces dfauts, nous les rencontrons les mmes non seu-lement chez les potes les plus estims , Isaac d'An-tioche, Narss, Jacques de Saroug, mais aussi chez les

    i. BicKELL, conspcctua rei Syrorum lillerarise, Munster, 1871, p. 23.2. Ffj.dmann, iSyrische Wechscllieder von ISarses, Lciivig, 189G;

    KLDEKE, Lilerar. CentralbkUt, 1897, n 3, p. 94.

  • 20 LA POESIE SYRIAQUE.

    prosateurs de la meilleure poque, Apliraate et Phi-loxne de Mabboug.La posie syriaque se divise en deux groupes princi-

    paux : les homlies mtriques et les hymnes.Les homlies ou discours potiques (iLiJoioj )po)Jb) ap-

    partiennent au genre narratif et pique; elles suiventune marche rgulire et se composent de vers du mmemtre. Saint Ephrem fit usage, dans ses homlies, duvers de sept syllabes qui, le plus souvent, se divise endeux mesures rythmiques de trois et quatre syllabes.Aprs lui, d'autres mtres furent aussi employs pource genre potique. Mar Balai composa des homlies envers de cinq syllabes, comprenant deux mesures dedeux et trois syllabes. Narss, dit-on, prfrait le m-tre de six syllabes; mais cette assertion ne s'est pasvrifie jusqu' ce jour ; on ne connat de cet auteur quedes posies en vers de sept syllabes et en vers de douzesyllabes. C'est galement le vers de douze syllabes,divis en trois mesures de quatre syllabes chacune,qu'employa Jacques de Saroug dans ses nombreuseshomlies.Les homlies taient le plus souvent crites en vue

    des ftes de l'Eglise et des commmoraisons des saintset des martyrs, pendant les offices desquels ellestaient rcites. Parfois aussi elles taient destines l'dification des fidles et servaient de lectures pieuses.Dans ce cas elles pouvaient avoir l'tendue dun longpome. Nous possdons d'Isaac d'Antioche une hom-lie sur la pnitence de 1924 vers et une autre de 2133vers sur un perroquet qui chantait Antioche l'hymnedu Trisagion. Jacques de Saroug est l'auteur d'une ho-mlie de 1400 vers sur le char qui apparut Ezchiel

    ,

    d'une autre de 730 vers sur les lgendes d'Alexandre leGrand. Si le pome tait trop long pour tre lu d'une

  • LA POSIE SYRIAQUE. 21

    seule haleine, on le divisait en plusieurs homlies.Ainsi le pome sur Joseph, fils de Jacob, attribu saint phrem, comprend douze homlies ou chants.Les hymnes forment le second groupe de la posie sy-

    riaque. Je retiens le vcvoihyniie qui est consacr par l'u-sage. Mais les Syriens ne connaissaient pas ce terme;ils appelaient ces posies des instructions [\^^^). C'-

    tait,en effet, nous l'avons rappel

    ,

    par des hymnes queBardesane rpandait dans le peuple ses doctrines , etsaint phrem suivit son exemple consacr par le suc-cs. Si Bardesane composa cent cinquante hymnes,les uvres de saint Ephrem comprennent plus du dou-ble de ces posies. Les unes sont diriges contre leshrtiques et les sceptiques; d'autres sont parnti-ques; d'autres encore taient destines aux ftes del'glise et des saints et taient chantes la suite deshomlies.

    (( Lorsque saint phrem , rapporte son biographe

    ,

    vit le got des habitants d'desse pour les chants, ilinstitua la contre-partie des jeux et des danses des jeunesgens. Il tablit des churs de religieuses auxquelles ilfit apprendre des hymnes divises en strophes avec desrefrains. Il mit dans ces hymnes des penses dlicateset des instructions spirituelles sur la Nativit , sur le

    baptme , le jene et les actes du Christ , sur la Passion

    ,

    la Rsurrection et l'Ascension , ainsi que sur les cons-fesseurs, la pnitence et les dfunts. Les vierges serunissaient le dimanche, aux grandes ftes et auxcommmoraisons des martyrs; et lui, comme un pre,se tenait au milieu d'elles, les acompagnant de laharpe. 11 les divisa en churs pour les chants alter-nants et leur enseigna les diffrents airs musicaux , desorte que toute la ville se runit autour de lui et que lesadversaires furent couverts de honte et disparurent.

  • 22 LA POSIE SYRIAQUE.

    Une lgende, recueillie par l'historien Socrate(YI, 8) et suivie par Salomon de Bassora [Le livre deVabeille, 130,trad. 115) et par Barhebr8eus(CA/'o/i. eccl.^I, 41), attribue l'institution de l'antiphone^ en Syrie, saint Ignace d'Antioche, qui en aurait reu l'inspira-tion dans une vision. Les anges lui taient apparus c-lbrant les louanges de la Trinit dans des hymnesqu'ils chantaient alternativement ^A la diffrence des homlies , les hymnes repr-

    sentent le genre lyrique ; elles renfermaient toutes lesvarits dont ce genre est susceptible, depuis le vers dequatre syllabes jusqu' celui de dix syllabes, et com-prenaient un nombre variable de strophes de diffrentelongueur. Les strophes les plus longues taient chantespar le premier chur; les strophes les plus courtes for-maient le refrain et la partie du second chur.Le refrain se composait d'une doxologie ou d'une

    prire , il revenait sans changement aprs chaque stro-phe principale, ou il variait dans ses expressions. Iltait chant sur le mme air que les autres strophes del'hymne.

    Les airs musicaux taient indiqus par des rubriques.Ces rubriques donnaient les premiers mots de Ihymncdont le chant connu servait de modle; par exemple,la rubrique sur Vair de Ce jour indiquait le chant del'hymne sur la Nativit de Notre Seigneur, qui com-menait par Ce jour. C'est d'une manire analogue queles airs sont nots dans nos recueils de cantiques ou dechansons populaires.Les airs variaient suivant les diverses espces d'hym-

    nes,dont les strophes taient formes de mtres pa-

    1. L'institution des churs en Babylonie et dans la Msopotamie orien-tale est due Simon bar Sabb, mort en 341, suivant Baruebu^ls,Chron. eccL. II, 33.

  • LA POSIE SYRIAQUE. 23

    reils, ou de mtres dingale longueur. M. Lamy, qui aconsacr une tude aux posies de saint Kphrem , a re-connu soixante-six varits dliymnes chez cet auteur'.

    Saint phrem nous a laiss un certain nombre d'hym-nes acrostiches dans lesquelles les strophes sont dispo-

    ses suivant l'ordre alphabtique , l'instar de plusieurs

    posies hbraques de la Bible. Avant lui, Aphraateavait dj fait usage de ce procd de numrotage; cha-cune de ses homlies en prose commence par une let-tre de l'alphabet qui en dtermine la place. Des acros-tiches de mots sont plus rares. Saint Ephrem a signquelques-unes de ses compositions au moyen de l'acro-stiche form des lettres de son nom.Une varit de l'hymne tait le cantique, sougithd

    (ir.JL^oro),

    qui contient une prire ou les louanges de laDivinit ou d'un saint. On possde des cantiques critsen strophes acrostiches et rattachs des homlies, la suite desquelles ils taient chants par les churspendant les ftes religieuses. De cette espce sont lesneuf cantiques du docteur nestorien Narss existantdans des manuscrits dont deux copies se trouvent enEurope , l'une la Bibliothque royale de Berlin , l'au-tre au Muse Borgia. Nous en devons la connaissance WS\. Sachau et Feldmann qui les ont publis rcem-ment-. Ces cantiques ont pour sujet la Nativit de No-tre Seigneur, l'Annonciation, l'Epiphanie, la fte desaint Jean -Baptiste, la fte des Docteurs nestoriens(Diodore, Thodore et Nestorius), la Passion, les Ra-meaux

    ,la fte de Pques et la fte des Confesseurs

    (clbre le vendredi de la semaine de Pques).

    1. On syriac i^rosody, dans les Actes du congrs des Orientalistes deLondres de 1891.

    2. Saciiau, L'eber die Posie in der Volksprache der Nesloriancr, dansles Rapports de l'Acadmie de Berlin, 1890, p. 19o-208; Feldmakn, 6Vrische Wechsellieder von Narses, Leipzig, 189G.

  • 24 LA POSIE SYRIAQUE.

    Le caractre distinctif de ces neuf cantiques est laforme dialogue. Aprs une courte introduction dontl'tendue varie de cinq dix strophes de quatre vers desept syllabes , commence un dialogue entre deux per-sonnages ou groupes de personnes ; ainsi , dans lecantique de la Nativit, le dialogue a lieu entre laSainte Vierge et les rois Mages ; dans le cantique del'Annonciation , entre l'Archange Gabriel et la ViergeMarie. A chaque personnage est attribue , tour derle , une strophe ; les strophes sont ranges par ordrealphabtique ; chaque lettre de l'alphabet a deux stro-phes, ce qui donne pour la partie dialogue quarante-quatre strophes, les lettres de l'alphabet syriaque tantau nombre de vingt-deux.Ces cantiques sont des petits drames d'une vive allure

    et empreints d'une certaine grce; ils rappellent cesdrames religieux du moyen ge dans lesquels les prin-cipaux actes de Notre Seigneur et de la Vierge taientmis en scne. Les Syriens semblent avoir fort got cegenre. Les cantiques sur la Nativit, sur l'Annonciation

    et sur TEpiphanie, bien qu'crits par un nestorien,ont t admis dans le brviaire maronite pour l'officede ces ftes , mais dbaptiss et placs sous l'autoritde saint Ephrem.

    Telle est, esquisse grands traits, la posie syria-que de l'poque o florissait la littrature, du IV^ auVIII^ sicle de notre re.La dcadence commence un sicle aprs la conqute

    arabe, lorsque le syriaque, cessant d'tre parl, n'est

    plus que la langue littraire. 11 ne semble pas, autantque nous pouvons en juger dans l'tat actuel de nosconnaissances

    ,

    que la posie arabe ait exerc son in-fluence sur la posie syriaque avant le IX*^ sicle ^ C'est

    1. Le Lib''r Thesauri de arle poetica du P. Caudaiii, Rome, 1873.

  • LA POSIE SYRIAQUE. 2o

    vers cette poque que nous constatons l'usage de larime introduite dans la posie syriaque par imitationde la posie arabe' , et cet usage ne tarda pas se g-nraliser'-. Les anciens Syriens ne connaissaient pasl'art de sparer les vers par la rime. On a relev, il estvrai, quelques traces de rimes dans les posies de saintphrem et d'autres potes de la bonne poque, mais cesont simplement des assonances qui plaisent aux Orien-taux; ces assonances n'ont pas le caractre de la rimequi marque par une cadence la coupe des vers.Comme dans la kasida arabe, la rime est quelquefois

    la mme pour tous les vers dune posie^. Mais, dansla majorit des cas, les vers de la strophe seulementriment entre eux. Les Syriens, d'ailleurs, ne se sontpas astreints aux rgles troites de la prosodie arabe;ils ont cr un nouvel art qui comporte plusieurs vari-

    rcnfermc des posies rimes attribues des auteurs antrieurs cette poque, mais ces attributions sont errones. La posie de la pagel-2i, dont l'acrostiche est form par la rime, commune tous les versde la strophe , n'est certainement pas de Jcsuyab d'Adiabne. Les datesindiques dans ce recueil, la fin de chaque morceau

    ,

    pour la mort desauteurs, sont fausses en grande partie. 11 n'est pas possible d'accepterla date de 500 pour Jean bar Khaldoun, p. 78; de GOO pour Bouth

    ,

    p. 76; de 793 pour Isral d'Alkosch, p. 90; de 790 pour Adam d'Akrap. 102. Bar Khaldoun vivait au X sicle, Vie du moine Rabban YoussefBousnaya dans la Revue de VOrienl chrclien, 1897 et 1898.

    1. Antoine le Rhteur composa vers 8-20 des posies rimces, voir unspcimen dans la Chrestom. syr. de Roediger, 2 d.. Halle, 1868, p. 110,lit; voir aussi dans le Liber Thesauri les posies : de Sliba al-Man-souri, dont le P. Cardahi place la mort en 900, p. 57 ; d'Elias d'Anbar, vers922, p. 72; d'bedjsu bar Schahhar, vers 963, p. 130.

    2. Les posies non rimes sont rares partir de cette poque; on entrouve une de Timothe de Karkar (f 1169), qui ne diffre pas des an-ciennes homlies. Liber Thesauri, p. 145.

    3. Dj au dixime sicle, chez Elias d'Anbar, Liber Thesauri^ p. 72,et au sicle suivant, chez Elias bar Schiny, ibid., p. 83; comp. encoredans ce livre pour les sicles postrieurs : Al-Madjidi, p. 160; Ibrahimde Sleucie de Syrie, p. 104; bedjsu, le patriarche chalden, p. 80;Gabriel le Chalden, p. 120; Asko al-Schabdani

    ,p. 168. Voir aussi le

    Paradis de l'dcn d'bedjsu, publi par le P. Cap.daui, Beirouth, 1889,et The life of Rabban Ilormizd, par Wallis Bldge, Berlin, 189'i.

    2

  • 26 LA POESIE SYRIAQUE.

    tes. Le mtre de douze syllabes, par exemple, qui,comme nous l'avons dit, se divise en trois mesures dequatre syllabes

    ,

    peut recevoir la rime la fm de cha-que mesure

    ;parfois les deux premires mesures auront

    une rime propre ou rimeront chacune avec la mesurecorrespondante dans les autres vers de la strophe. Ontrouve une varit dans laquelle chaque strophe a sarime propre, except le dernier vers qui reprend,comme un refrain, la rime de la premire strophe

    ^

    Quand les strophes sont acrostiches , et le cas est fr-quent, il arrive que la rime de la strophe est formepar la lettre correspondante de l'alphabet^. L'art su-prme consiste dans un double acrostiche, la lettre al-phabtique commenant et terminant le vers^.On voit que les Syriens de la dcadence accumul-

    rent les difficults de versification et firent de la posieun jeu de l'esprit o le talent eut une part bien mi-nime. C'est des Syriens de cette priode qu'on peutsurtout dire qu'ils furent des versificateurs et non despotes.

    Les mtres ordinaires des anciennes homlies, lemtre de sept syllabes et celui de douze syllabes de-meurrent en faveur et peu de nouvelles lignes mtri-ques furent introduites. L'homlie et l'hymne furentconfondues. On transporta aux homlies les propritsdes hymnes, savoir, la coupe rgulire des stropheset l'acrostiche. Rarement cependant on fit usage dansles strophes de mtres diffrents; on rencontre desstrophes de vers de sept et huit syllabes et des stro-

    1. Voir la XIIP homlie du Paradis de l'den d'bedjsu.2. Voir dans le Liber Thesauri : Jsuyab de Hazza, p. 124; George

    d'Alkosch, p. 430, etc.3. Voir, outre le Paradis de Vdcn, la posie d'Isral d'Alkosch dans

    le Liber Thesauri, p. 96, et celle d'ibn Al-Masihi, ibid., p. lOi.

  • L.V POSIE SYRIAQUE. 27

    phes d un vers de quatre syllabes et de trois vers desept syllabes *.

    Frapps de la richesse de la langue arabe, les Syriensde la basse poque voulurent prouver que le syriaquene le cdait en rien l'idiome de leurs rivaux. Ils re-cherchrent les expressions rares ou artificielles qu'ilsaffectaient de considrer comme des archasmes pro-pres donner du relief aux images potiques. Le lexi-que, dans lequel Bar Bahloul avait runi et commentles mots de cette nature , fut une mine prcieuse pourles compositions mtriques des derniers sicles.Le modle du genre est le Paradis de VEden, qu'E-

    bedjsu , mtropolitain de Nisibe, composa en 1290.l^bedjsu prit comme modle le clbre auteur arabeliariri qui, dans cinquante Makdnidt ou sances, selivra aux exercices des jeux d^ l'esprit les plus surpre-nants. Agrmente du sel de l'ironie orientale, repro-duisant avec un art rare les finesses de la langue vul-gaire, l'uvre de liariri fut fort apprcie non seule-ment des Arabes, mais aussi des Juifs et des Syriens.Un pote juif de la fin du Xll^ sicle, Juda Ilarizi, deTolde , fut si charm par la lecture des Makdnidt, qu'illes traduisit en hbreu et crivit, pour les imiter, leSpher tahkenioni, ouvrage qui, s'il reste bien au-des-sous de l'original, ne manque pas d'une certaine sa-veur littraire.

    Le Paradis de VEden ne se recommande que par l'ha-bilet de l'auteur dans les tours de force de l'esprit.Ebedjsu travaillait avec une langue morte et, en pa-reil cas, le talent n'est plus que de l'artifice. En outreles cinquante homlies mtriques

    ,

    qu'il crivit l'ins-tar des cinquante Makdindt, traitent de sujets religieux

    \. Voir Liber Thesauri, p. m, 12G et 128. Le Paradis de l'den ren-ferme d'autres varits.

  • 28 LA POSIE SYRIAQUE.

    qui se prtent peu aux fantaisies de rimag-ination. Leplaisir de la difficult vaincue peut rmunrer l'auteurde ses peines, il ne rachte pas la fatigue qu'prouvele lecteur suivre le rcit. Quelques exemples don-neront une ide de ce pastiche. La troisime homlie secompose de lignes mtriques de seize syllabes se lisant volont de droite gauche ou de gauche droite etformant un double acrostiche. Dans la quatrime ho-mlie tous les mots se terminent par la lettre olaf; lesstrophes doublement acrostiches ont quatre vers desept syllabes. En sens inverse, il n'y a pas un seul olafdans la quinzime homlie, compose galement destrophes doublement acrostiches de quatre vers de septsyllabes; de plus il y a une rime unique en an^. Lasixime homlie est crite en vers de sept syllabes quideviennent des vers de six syllabes si l'on retranchedans chacun d'eux un mot crit en rouge (une cheville,autrement dit), qu'on peut supprimer sans que le senssoit modifi; c'est une posie acrostiche avec la mmerime pour tous les vers. Dans la vingt-unime homlietous les vers contiennent les vingt-deux lettres de l'al-phabet, ni plus ni moins; ce sont des vers acrostichesde douze syllabes. Aux nombreuses varits pi osodi-ques que ses devanciers lui avaient lgues, Ebedjsuajouta de nouvelles subtilits imites de Ilariri^. L'au-teur, pour faciliter la lecture de ce Paradis^ j"gea op-

    1. Comp. une posie d'Elias bar Schinaya, galement sans olaf etavec larinie unique an, dans le Liber Thesauri, p. 83.

    2. Nous i)arlons du Paradis de l'den d'aprs l'dition du P. Cardaiif,Beirouth, 1889, qui ne renferme que les vinst-cinq premires homlies.Assniani a donn une analyse de cet ouvrage, B. 0., IH, 2^ars I, 325-332; des spcimens en ont cl publis avec une traduction latine parle P. GisMONDi, Beirouth, 1888. Le P. Caudaiu a imprim dans sou LiberThesauri, p. 54, une partie de la treizime homlie rpondant la on-zime Makama de Ilariri ; on y trouve, p. 36, 1. 13-18, six vers qui ontt sauts dans l'dition du Paradis de l'den.

  • L.V POSIE SYRIAQUE. 29

    portun d'y ajouter un commentaire qu'il crivit en 1316.Nous terminons cette revue de la posie dcadente

    par la mention d'une autre uvre aussi bizarre, mais un titre diffrent. C'est un pome sur Rabban Hormizd,le fondateur du couvent nestorien d'Alkoscli. L'auteurdu pome, un moine de ce couvent, du nom de Sergis,n'a pas indiqu l'poque laquelle il vivait, mais cen'est pas lui faire injure que de descendre son uvreau XVII^ sicle^ Ce pome en vers de douze syllabesest un long acrostiche divis en vingt-deux chants sui-vant les vingt-deux lettres de l'alphabet syriaque, noncompris le prologue et l'pilogue. La rime qui est lamme pour tous les vers d'un chant est fournie par lalettre alphabtique laquelle le chant correspond. Maisc'est moins la forme potique du livre que la languedans laquelle il est crit qui lui donne sa physionomietrange. L'auteur recherche d'une faon inoue les motsrares ou inusits , cre des nologismes d'une singulireaudace, dtourne les locutions de leur sens naturel,et il en arrive composer de vritables rbus dont onn'aurait la clef qu'en feuilletant les lexiques de Bar Aliet de Bar Bahloul, si un commentaire marginal n'par-gnait au lecteur ce travail en reproduisant les glosesexplicatives de ce lexique.Rappelons aussi le petit pome sur la science et la

    vertu, publi par M. Salomon Samuel-, que l'auteur asurcharg de mots grecs et d'expressions syriaquesrares ou artificielles. Cet crit, accompagn d'un com-mentaire, appartient aussi la dernire poque de la

    i. George d'Alkosch qui, selon le P. Cardahi, mourut en 1700, est l'au-teur d'un pome publi dans le Liber Thesauri, p. 131, et dont la fac-ture rappelle beaucoup le genre de Sergis d'Alkosch. Le pome deSergis a t publi par M. Bcdge, The life of Rabban Hormizd, Berlin,189 i.

    2. Das Gedicht wm^)^Q^^i;p .sil/l, Halle, 1893.

    2.

  • 30 LA POSIE SYRIAQUE.

    littrature. Il est peu probable qu'il soit sorti de laplume de Barliebrus , auquel l'diteur est port l'attribuer.

    Le ple clat que les lettres syriaques jetrent pen-dant leur dcadence, brilla surtout dans la Msopotamieorientale o les Syriens les moins loigns du sige duGouvernement menaient une existence supportable.C'est aux Nestoriens que nous devons la plupart descompositions qui nous ont permis de jeter un coupd'il sur la posie syriaque de basse poque.

  • mLES ANCIENNES VERSIONS DE L ANCIEN

    ET DU NOUVEAU TESTAMENT.

    1. La version de l'Ancien Testamentdite la Peschitto.

    Il ne rentre pas dans notre cadre de parler de l'cri-ture syriaque, et nous laisserons de ct les anciennesmonnaies et les inscriptions lapidaires d'Edesse, quioffrent un intrt historique et palograpliique, maisqui n'ont qu'un rapport trs loign avec la littraturechrtienne.Le plus ancien monument de cette littrature est

    sans conteste la version de l'Ancien Testament dsi-gne sous le nom de Peschitto (iL^jjls), que la traditionfait remonter l'poque de l'tablissement du christia-nisme dans la Msopotamie. L'Abb Martin a reproduitdans son InU^oduction la critique textuelle du N. T.(I, p. 101) un passage de YHexamron de Mose barKpha (-{- 913), qui est ainsi conu : Il faut savoir qu'ilexiste dans notre langue syrienne deux versions del'Ancien Testament : l'une, appele la Peschitto. etqui est celle que nous lisons, a t traduite de Th-breu en syriaque; l'autre, celle des Septante (c'est--dire, l'Hexaplaire syriaque), a t traduite sur le grec.

  • 32 LES ANCIENNES VERSIONS

    LaPeschilto, qui a t traduite de l'hbreu, a t faiteau temps d'Abgar, selon ce que dit Mar Jacques d'E-desse. Mar Jacques dit en effet que l'aptre Addai etle fidle Abgar envoyrent Jrusalem et en Pales-tine des hommes qui traduisirent lAncien Testamentde l'hbreu en syriaque. La version syriaque des Sep-tante a t faite du grec par Paul , vque de Telia deMauzalat. Quoique cette tradition drive directementde la lgende d'Abgar pour ce qui concerne l'originede la Peschitto , elle ne semble pas cependant dnuede tout sens historique. Il est vident que cette version,crite dans la langue msopotamienne , a t faite pourles chrtiens de la Msopotamie , les chrtiens hellni-sants de la Syrie proprement dite faisant usage desSeptante.

    On peut affirmer qu'il existait une communautchrtienne Edesse vers l'an 150 de notre re. La pre-mire mention des communauts chrtiennes (naooi-yuai) se trouve dans Eusbe (Hist. eccL, V, 23), au sujetd'un concile tenu vers 197 pour discuter la questionpascale.

    Un tmoignage de l'anciennet de la Peschitto sem-ble fourni par Mliton, vque de Sardes vers 170, qui,dans une scolie sur la Gense, xxii , 13, aurait dit ausujet du chevreau substitu Isaac pour le sacrifice :y.aTsyo/iisvo rcov xagavcor, d ^voogxal o^EGoalo 'Aost^iuE-vo (paoLv. Dans nos textes actuels , le syriaque et l'h-breu ne prsentent pas de variante et ont, comme lesSeptante , la leon tenu par les cornes , et non pas

    suspendu par les cornes, ygainuftsro , comme l'auraitnot Mliton. On en a conclu que, par les mots o''E6QU.0 et ^vQo, Mliton n'aurait pas dsign le textehbreu reu et la Peschitto, mais quelque version grec-que faite, d'une part, par un juif hbrasant et, d'au-

  • DE L'ANCIEN TESTAMENT. 33

    tre part, par un Syrien' Mais la question se compli-que d'une autre question galement douteuse. LesHexaples dOrigne et les anciennes uvres patristi-ques donnent, sous les rubriques o ''ECoaTo, o ^l'Qo, t6^auuosLTr/.6y, des variantes grecques, qui tantt concor-

    dent soit avec le texte hbreu, soit avec la Pescliittoou avec le samaritain (texte hbreu samaritain, ouversion samaritaine), et tantt s'en cartent. On amis ce sujet beaucoup d'hypothses invraisembla-bles.

    Field , dans l'introduction de son dition des Hexa-ples dOrigne, supposait qne o "EOoao indiquait uneversion grecque de certains livres bibliques faite par un

    juif; c" 2iQo, une autre version grecque faite en Syrie;enfin to ^auaosiTiy.v, une version grecque du Pcnta-teuque hbreu samaritain ou de la version samari-taine. Mais, observe M. l'Abb Loisy^, il est biendouteux que toutes ces versions aient exist. Pourquoidonner le nom dlibreu ou de syriaque des versionsqui se seraient trouves absolument dans les mmesconditions que les autres versions grecques? Les va-riantes de \ Hbreu n'auraient -elles pas t emprun-tes quelque targoum , celles du Syriaque la Pes-cliitto^ celles du Samaritain aux livres samaritains?Ces variantes ne pouvaient tre donnes qu'en grec,mais Origne a pu se les procurer sans avoir la traduc-tion complte des documents o il les a puiss. Certai-nes citations du Syriaque ne s'accordent pas avec letexte traditionnel de la Peschitto ; seulement , comme il yen a d'autres qui sont conformes ce texte, pour car-

    l.Eicliliorn, de Welte, Ficld, ctd'aulres. Renan, dans son Histoire deslangues smitiques (4 *''d., Paris, 1853, p. 203, note i) accepte celte thse.

    2, Uisloirc critique du texte et des versions de la Bible dans la revueL'enseignement biblique, janvier-fvrier 1893, p. 35.

    '

  • 34 LES ANCIENNES VERSIONS

    ter l'ide d'un emprunt fait la version syriaque, ilfaudrait aussi pouvoir dire que la Pescliitto n'a pas trevise aprs le temps d'Origne. Elle Ta t en ra-lit

    ,nous le verrons plus loin , au commencement du

    IV sicle, et la nouvelle recension s'est faite en con-formit avec les Septante. Ce fait suffit expliquercomment la glose cite par Mliton sous le titre o ^v-Qog peut ne pas se trouver dans le texte syriaque ac-tuel

    ,bien que Mliton ait entendu parler de la Pes-

    cliitto '.

    Un autre argument en faveur de l'anciennet de laPescliitto de l'Ancien Testament se tire des citationsbibliques de la Pescliitto du Nouveau Testament. Unnombre important de ces citations, comme il rsulte dutravail de M. Frdric Berg-, concorde avec le texte dela Pescliitto de l'A. T., et s'carte la fois de Tlibreuet du grec. En raison du grand nombre de ces cas, il estdiiicile d'expliquer cette concordance par une revisionliarmonistique postrieure; il est plus admissible quela Pescliitto de l'A. T. a prcd la Pescliitto du N. T.Dans son livre sur Bardesane, M. Merx^ a remarqu,et sa remarque semble fonde

    ,

    que cet auteur de la findu IP sicle connaissait dj la Pescliitto de l'A. T.Nous rappelons ici, titre de curiosit, quelques

    lgendes qui avaient cours chez les auteurs syriaquesrelativement aux origines de la Peschitto. Jsudd,vque de Ilira, rapporte^* que l'Ancien Testament

    -1. M. Perles, dans ses Mclclcmata Peschittoniana, Breslau, 1859, p. 49,a, de son cl, tabli que o ^vqo; dsigne dans les IIcxai)lcs la ver-sion de la Peschitto. C'est galement l'opinion de Welluausen, Einlei-tung in das Aile Testament de Bleek, 4 d., Berlin, 1878, p. GOi.

    2. The influence of the Septuagint upon the Peschitta Psalter, New-York, 1893, p. 137-150.

    3. Bardesanes von Edessa, Halle, 1863, p. 19.4. V. AssMANi, Bibliotheca oricntalis, Rome, 1719-1728, HI, pars I, 24

    et suiv.

  • DE L'ANCIEN TESTAMENT. 35

    avait t traduit en syriaque du temps de Salomon, lademande du roi de Tyr, Hiram, rcxception des Chro-niques et des Prophtes dont la version fut faite seule-ment sous le roi d'Edesse, Abgar. Selon d'autres', l'au-teur de la Peschitto tait le prtre Asa qui avait tenvoy pour cet objet Samarie par le roi d'Assyrie.Thodore de Mopsueste - , au commencement du V^ si-cle, ignorait quel tait l'auteur de cette version.Le nom de Peschitto, ic^^^^xa, lilt. la (version)

    simple , n'est pas trs ancien; il se lit dans des ms.du IX^ et du X sicle , mais pas avant. On a donn dece nom plusieurs explications dont nous ne voulons re-tenir qu'une seule, comme tant la plus vraisemblable.Le mot Peschitto a t form par imitation du grec rduTiA dsignant les ms. qui renferment le texte seul desSeptante, par opposition Ta a^unla, titre de la grandedition critique d'Origne qui donnait, ct de latranscription de l'hbreu, les diffrentes versions grec-ques. Par analogie, on aurait nomm l'ancienne ver-sion syriaque la simple pour la distinguer de Yllxa-plaire faite sur le texte des Septante dans les Hexaples.Ces deux versions sont, en effet, opposes Tune l'au-tre chez les auteurs syriaques, notamment dans les pas-sages de Mose bar Kpha et de Barhebrus dont nousavons parl ci-dessus.Les critiques reconnaissent tous, et c'est peut-tre le

    seul point dans ces questions dlicates sur lequel l'ac-cord soit unanime, les critiques reconnaissent que plu-sieurs auteurs ont collabor la rdaction de la Pes-chitto de l'A. T. Les exgtes syriaques semblent avoir

    \. Voir BAHEBn^us dans la prface de son commentaire intitul Lemagasin des mystres et dans son Histoire des dynasties, d. PocockE,Oxford, 1GC3, p. iOO; d. Sauiani, Beiroutli, 1890, p. 100.

    2. Dans son commentaire sur Zphania, I, G.

  • 36 LES ANCIENNES VERSIONS

    eu aussi ce sentiment; saint phrem et Jacques d'E~desse, dans leurs commentaires de la Pescliitto , disentles interprtes au pluriel en parlant des auteurs de cetteversion.

    Mais , sur la nationalit et la religion de ces traduc-teurs, on cesse de s'entendre. Hirzel, Kirsch, Geseniusles tenaient pour des chrtiens grecs ; d'autres , commePerles et Prager, pour des Juifs; Dathe, Nldeke etRenan, pour des Judo-chrtiens. Cette dernire opi-nion est la plus vraisemblable, si l'on prend dans sonbon sens le mot de Judo-chrtiens, c'est--dire dansle sens de Juifs convertis et non dans celui d'bionites.Dans la Msopotamie, en effet, o la Pescliitto a tcompose, c'est au milieu des communauts juives quele christianisme, semble-t-il , commena se propager.Suivant la Lgende d'Abgar, Addai, l'aptre de lOs-rhone, est originaire de Panas de Palestine; il des-cend Edesse chez le juif Tobie. A sa parole, les Juifsd'desse se convertissent avec le mme empressementque les paens. Il est certain, d'un autre ct, quela Pescliitto procde de l'hbreu et non des Septante.Comme le canon hbreu, la Pescliitto primitiven'avait pas les livres deutrocanoniques que renfer-ment les Septante. L'influence des targoums sur laversion syriaque a t constate, d'une manire in-dniable, par M. Perles^, en particulier pour le Penta-teuque, par M. CornilP pour zchiel, et par M. Sieg-mund Fra3nkel pour les Chroniques^.

    Si l'hyphothse de traducteurs grecs chrtiens doittre carte , diffrents passages qui ont un caractre

    1. Melelemata Peschittoniana, Breslau, 1859.2. Das Buch des Propheten Ezchiel, Leipzig, 1886, p. 15i-155.3. Die syrische Ueberselzung zu den Bchern der Chronik, dans

    Jahrb. fur protest. Thologie, 1879.

  • DE L'ANCIEN TESTAMENT. 37

    chrtien incontestable semblent bien prouver que les

    auteurs de la Peschitto taient des Juifs convertis. Dans

    Isae, VII, 14, la version syriaque porte Voici que

    la Vierge concevra et rend par vierge le mot hbreuque la tradition juive entend d'une jeune femme. Cechangement est d'autant plus frappant que dans d'autresendroits , le syriaque conserve le mme mot que l'hbreu

    .

    On cite encore, l'appui de cette opinion, d'autresversets des Prophtes et des Psaumes.

    Croire que la Peschitto est un ancien targoum, re-

    montant un ou deux sicles avant notre re et qui au-rait t accept par les Syriens chrtiens aprs avoirsubi une revision ', ce serait mal connatre l'histoire destargoums. Le targoum tait l'explication, faite en ara-men et oralement, des pricopes de la Bible quitaient lues dans les synagogues pendant les offices etdont le texte hbreu n'tait plus compris des foules.Les docteurs, chargs d'expliquer le texte, recevaientet transmettaient aux disciples le targoum oral qu'iltait dfendu de mettre par crit. Ce targoum tait uneparaphrase et non une version littrale comme la Pes-chitto. C'est seulement plusieurs sicles aprs notrere, alors que la tradition commenait se perdre, quese fit sentir la ncessit de rdiger par crit les ancienstargoums. Il n'y a d'exception que pour le targoum deJob qui a t critau premier sicle de l're chrtienne.Le livre de Job n'tait pas compris dans les livres lus la Synagogue; il servait de lecture difiante, et on secrut autoris le traduire de bonne heure en aramenpour la commodit des fidles.Comme les Septante , la Peschitto n'est pas une u-

    vre faite d'un seul jet. Les livres qui la composent ont

    \. Pr.AGER, De Veteris Testamenti versione quam Peschitlo vocant^ Gl-tingue, 1875.

    LITTRATURE SYRIAQUE. 3

  • 38 LES ANGIENlNES VERSIONS

    t traduits diffrentes poques; on commena parceux dont le besoin se fit sentir plus tt, tels que lePentateuque, les Prophtes et le Psautier. Les Chroni-ques

    ,Esdras avec Nhmie et Esther ne faisaient pas

    primitivement partie du canon de l'Eglise syriaque.Dans les anciens ms., ces livres sont distincts des li-vres protocanoniques ^. Au IV sicle, la srie destraductions des livres bibliques tait complte; ellecomprenait mme des livres apocryphes, comme l'indi-quent les citations d'Aphraate et de saint Ephrem.

    Suivant l'auteur de La doctrine d'Addai, qui renfer-me la Lgende d'Abgcu-, l'apotre de la Msopotamieaurait , dans ses dernires instructions aux fidles

    ,

    recommand ceux-ci de s'en tenir, pour l'AncienTestament, la Thora et aux Prophtes. Il faut voirl un cho de l'axiome rpandu dans le peuple, que laLoi et les Prophtes renferment toute la religion, plu-tt qu'une ancienne tradition relative aux premirestraductions syriaques des livres bibliques. Le Psautierdut tre traduit de trs bonne heure pour les servicesreligieux.

    Quoique la Peschitto procde de l'hbreu et refltela tradition targoumique, l'influence des Septantes'y fait sentir, plus ou moins grande suivant les livresbibliques. Cette influence est sensible dans le Penta-teuque ^, plus sensible encore dans le Psautier^ et lesProphtes '. Pour le Psautier, on ne saurait, comme

    1. WniGiiT, Syriac literalure, 2 d., Londres, 189i, p. 4-r>.i. Perles, Meletemala Peschiltoniana.3. FnDRic Beug, The influence of the Scptuagint upon Ihe Peshitta

    Psallei', New-York, 1895; comparer Oppemif.im, Die sy}\ Uebersclzung desfuenften Duchs der Psalmoi, Leipzig, 1891 ; Baktugex, Untersuchungenber die PsaZmen, Kiel, 1878, et Jahrbcher fur jyrotest. Thologie, MU,405 et suiv., 593 et suiv.

    4. Con>'ii,L pour zcchiel; IIyssel pour Mielle; Sep.oek, Die syrischeVeberselzung der zwlf kleinen Pi'ophelen, Breslau, 1887.

  • DE L'ANCIEN TESTAMENT. 39

    l'ont dmontr MM. Nestl et Bthgen', invoquerdans ce sens les titres des Psaumes. Ces titres n'-taient dj plus compris avant notre re, en ce quiconcerne les notes musicales qu'ils renferment, et lesauteurs de la Peschitlo les avaient laisss de ct.C'est Thodore de Mopsueste (|u'on doit les nou-veaux titres du Psautier que l'on trouve dans les ms. etdans nos ditions; du reste, ces titres varient suivantles ms.

    Les livres qui ont subi le moins cette influence sont :Job qui suit de prs le targoum - ; les Chroni(|ues , Es-dras, Nhmie et Esther qui lurent traduits plus tard.On avait aussi compris dans cette catgorie les Pro-verbes, dont le texte, dans la Peschitto et le targoum,prsente une ressemblance frappante; mais M. Pin-kuss ^ a tabli, en rapprochant un certain nombre depassages

    ,les rapports qui existent, galement pour ce

    livre, entre la Peschitto et les Septante. D'un autrect, il ne fait plus de doute aujourd'hui que le targoumdes Proverbes dpend de la Peschitto; l'opinion quifaisait driver la Peschitto du targoum est complte-ment abandonne.Comment expliquer l'influence des Septante sur la

    Peschitto? Certains critiques ont fait une double con-jecture sans se prononcer dans un sens plutt que dansun autre : ou les auteurs de la Peschitto taient verss la fois dans la connaissance de l'hbreu, de Tara-men et du grec et se servaient pour leur traduction des

    1. NESTLE, Theol. Lileraturzeit., 187G, col. 283; Baetiigen, Zeitschr.f.cUcAltestamentliche Wissenschaft, 188.'), p.GG et suiv.

    2. Comp. Stenij, De syriaca libri lobi interprelalione, Helsingfors,1887; Mandl, Die Peschittho zu Hiob, Leipzig, 181)2.

    3. Die syrische Ueberselzv.ng der Proverbien, dans la Zeitschr. fui'die Alttcst. Wissenschaft, t. XIV, 1894, p. 65-141 et ICI -222.

  • 40 LES ANCIENNES VERSIONS

    targoums et des Septante; ou une revision de la Pes-chitto, base sur les Septante, a eu lieu postrieure-ment. Cette dernire hypothse est seule possible. LesJuifs aramens de la Msopotamie rappelons que lesauteurs de la Peschitto taient des Juifs convertis decette contre ces judo-chrtiens ignoraient le grec

    ;

    mais, eussent-ils t capables de lire les Septante, ilsne se seraient pas servis de cette version, que les co-les juives de la Palestine et de la Babylonie consid-raient comme une uvre mauvaise

    ,

    portant atteinte au

    caractre sacr du texte hbreu. En fait, les Septanten'eurent de crdit en Palestine et en Syrie que chezles chrtiens. Or l'Eglise de l'Osrhone est, dans sespremiers temps, judasante. Au IIP sicle se produitun revirement : Palout, vque d'Edesse reoit l'im-position des mains de Srapion, vque d'Antiochevers l'an 200 ; ds lors c'est Antioche , la mtropoledes chrtiens hellnisants de la Syrie

    ,

    que se rattachel'glise d'desse. Il est trs admissible qu'aprs cettepoque l'ancienne version syriaque ait t soumise une revision pour la mettre en harmonie avec lesSep-tante dont les Syriens hellnisants faisaient usage.

    Cette revision doit tre postrieure Origne et auxpremiers Pres de l'Eglise qui citent des leons dela version syriaque que Ton ne trouve plus dans notretexte actuel. Elle devait tre acheve au commencementdu IV^ sicle , car Aphraate (vers 340) et saint phrem(-{- 373) avaient sous les yeux une version syriaque trsproche de celle que les ms. reproduisent. A cettepoque la recension de Lucien d'Antioche ^ tait r-pandue en Syrie , et il y aurait intrt rechercher si

    i. Sur celte recension, voir Paul de Lagarde, Librorum Velcris Tes-tamoiti canonicorum pars prior greece, Goeltingue, 4883.

    Il

  • DE L'ANCIEN TESTAMENT. 41

    la revision de la Peschilto est demeure trangre celte recension ^

    Vers la mme poque remonte la version syriaquedes livres deutrocanoniques, dont les citations d'A-phraate et de saint Ephrem tablissent l'existence auIV^ sicle. Ces livres ont t traduits du grec, l'ex-ception de l'Ecclsiastique qui procde directement del'hbreu -.

    L'Ecclsiastique syriaque renferme de nombreuseset importantes lacunes, qui sont soit intentionnelles,soit occasionnes par le mauvais tat du manuscritdont le traducteur se servait. De fausses lectures ontengendr des erreurs de traduction ; la version n'est pastoujours littrale, parfois elle abrge ou elle dveloppeet paraphrase. Ces dfauts ont t mis en vidence parla publication de fragments de l'original hbreu rcem-ment dcouverts et comprenant les chapitres xxxix,15-xLix, 11^. Dans la partie syriaque correspondant ces chapitres, on croit reconnatre plusieurs mains. Jusqu'au chapitre xliii, observe M. Isral Lvi'*, le tra-ducteur suit avec une certaine attention l'original h-breu. Tout d'un coup il s'arrte, puis vient un fragment

    i. M. Dr.ivEfi a remarque, dans Notes on Ihe Hebrew Text of the Dooksof Samuel, Oxford, 1890, p. lxxii, qu'un certain nombre de passagesdes livres de Samuel concordent dans Lucien et dans la Peschilto ets'loignent galement des Septante et du texte hbreu. M. Stockmayer,dans la Zeitschr. fur die Alttestam. Wissenschaft, 1892, t. XII, p. 218,a relev ces passages pour le premier livre de Samuel, et il conclutque, dans ces cas, Lucien dpend de la Peschilto, mais l'iiypothsccontraire est aussi vraisemblable.

    2. Distinct de l'Ecclsiastique de l'Hexaplaire, qui a t traduit dugrec, voir ci-aprs, n v.

    3. M. Scheclitcr, professeur Cambridge, a trouv d'autres morceaux,notamment la fin de l'Ecclsiastique, mais il ne les a pas encorepublis.

    4. L'Ecclcsiaslique ou la Sagesse de Jsus, fils de Sira, Paris, 1898,p. LiijX vol., fasc. I de la Bibliothque des Hautes tudes, section,des Sciences religieuses.

  • 42 LES ANCIENNES VERSIONS

    du chapitre xliii,1-10

    ,

    qui est une traduction faite surle grec. Au chapitre xliv, commence une version quin'a plus ce caractre , mais qui se dislingue par soninfidlit Une autre main semble avoir revis letout en mettant d'accord le syriaque avec le grec :nombreuses sont les traductions qui s'cartent de l'h-breu pour se concilier avec le grec ... Malgr ces d-fauts de toute nature , le syriaque l'emporte gnrale-ment sur le grec, lorsqu'il serre de prs le texte et nese livre aucune fantaise.

    Au sujet du livre de Tobie , il y a lieu de rappeler,que la version syriaque que nous possdons est com-pose de deux morceaux diffrents : l'un, i-vii, 11, esttir de Ilexaplaire; l'autre, vu, 11-xiv, 15, provientd'une source que les ms, ne dsignent pas ^A la fm du V*" sicle lorsque les Syriens orientaux,

    devenus nestoriens, se sparrent des Syriens occi-dentaux, le texte de la Peschitto tait diinitivementconstitu , car on ne constate pas de variantes notablesdans les versions qui avaient cours chez les uns et lesautres.

    Les travaux critiques sur la Peschitto ^ sont basssur l'dition de Samuel Lee ou l'dition d'Ourmiaet surquelques ms. particuliers.

    i. Ceuiam, Le edizioni... del Vecchio Test., dans les Mmoires duR. Isliluto Lombardo, XXI, 2, p. 2-2; Fielo, Orgenis Hex. fragmenta

    ,

    Oxford, 187;>, I, p. LXVIII, note 3; Noeldeke, Monatsberichle der BerlincrAkademie der Wissenschaften, 1879, p, 4G.

    2. Nous ne pouvons donner ici la longue liste de ces travaux, dontnous avons cit plus haut quelques-uns des plus rcents et dont lesplus anciens n'offrent qu'un intrt rtrospectif. On trouvera celte listedans l'article de M. Nestl, Syrische Uebersetzungen dans la Real-En-cyklopcdie fur protest. Thologie urid Kirche, 3" d.; ajouter encore :SciiiMinT, Die beiden syrischen Uebersetzungen des I Maccaberbuches,dans la Zeitschr. fiir die Altlcstam. Wissenschaft, 1897; Techex, Sy-risch-Hebr. Glossar zu den Psalmen nach der Peschila, ibid., -1897;ScinvATz, Die syr. Uebersetzung des ersten B. Samuelts, Berlin, 1897.

  • DE LXNCIEN TESTAMENT. 43

    L'dition Lee, faite en 1823 pour la Socit bibliqueanglaise, en vue des chrtiens du Malabar, est la repro-duction du texte imprim dans la Polyglotte de Walton

    ,

    quoique Samuel Lee ait consult quelques manuscrits.Walton , de son ct , n'avait fait que rimprimer letexte publi par Gabriel Sionita dans la Polyglotte deParis en y ajoutant les livres deutrocanoniques.Le texte dont se servent les Syriens orientaux a t

    imprim Ourmia en 1852 par la Mission amricaine.La Mission catholique en a donn galement une di-tion Mossoul en 1887.

    Les ditions concordent entre elles, quoique l'ordredans lequel sont classs les livres bibliques soit dif-frent dans les deux recensions, l'orientale et l'occi-dentale. L'dition d'Ourmia a l'avantage de donner untexte entirement vocalis qui reproduit la prononcia-tion orientale.

    Les livres deutrocanoniques ont t publis spa-rment par Paul de Lagarde ^ , d'aprs la Polyglotte deLondres et des ms. du Muse Britannique-.Le manque d'une dition critique de la Peschitto se

    fait vivement sentir, et il est souhaiter qu'une uvreaussi utile pour l'exgse biblique soit bientt entre-prise ^.

    1. Libri Vet. Test, apocryphi syriace, Leipzig, 18G1.2. M. Ccriani

    ,qui a tant fait pour la critique des versions syriaques de

    la Bible, a publi de 1870 1883, une reproduction photolilhograplii

  • 44 LES ANGIENiNES VERSIONS

    2. Les anciennes versionsdu Nouveau Testament.

    L'tude des anciennes versions syriaques du NouveauTestament soulve des problmes dont la solution estloin d'tre dfinitive. On connat quatre anciens docu-ments de ce genre : 1 X^'Harmonie des quatre vangi-les oue Diatessaron de Tatien; l'^ldiPeschitto du Nou-veau Testament; 3 La version publie par Cureton;et 4 la version dcouverte au Sinai par Mrs. Lewis.La Diatessaron fut de trs bonne heure en usage

    dans l'Eglise syriaque; il est cit par les auteurs sousson nom grec ou sous le titre 'E^'angile des (Iwres)mls, |.s.vLioj ^cL^^o/, par distinction des Evangiles s-pars, |jL-,:Lio\i^"i.^j6/. Les chrtiens de la Msopotamieont peut-tre appris connatre les Evangiles parcette Harmonie. La doctrine d'Addai dont la rdactiontendue que nous possdons est de la fin du IV^ sicleou du commencement du sicle suivant, apporte sur cepoint un tmoignage qui semble emprunt la tradi-tion. Aprs avoir parl de la cration de l'Eglise d'-desse par Addai , cet apocryphe ajoute : Une foulenombreuse s'assemblait chaque jour et se rendait laprire de l'office et (la lecture de) TAncien Testamentet du Nouveau du Diatessaron. Cependant la ques-tion se rattache celle de la composition du Diates-saron sur laquelle on est encore peu fix.La thse suivant laquelle Tatien a crit en grec son

    ouvrage ^ a pour elle le titre sous lequel il est citordinairement, To i TsooaQcov EvayyXior. Mais cettethse a t combattue^ par des arguments de poids.

    1. Haunack, Die Ueberlieferung der griechischen Apologelen, Leipzig,1882.

    2. Zahn, Forschungen zur Geschichte des Neuteslamentlichen Canons,1 Theil, Tatian's Diatessaron , Leipzig, 1881.

  • DU NOUVEAU TESTAMENT. 45

    Tatien tait originaire de la Msopotamie; il vivaitdans la seconde moiti du second sicle, et il composa,d'aprs pipliane, son Harmonie des Evangiles aprsson retour de Rome. On doit conclure de ces faits que leDiatessaron a t crit en syriaque Edesse mme eten vue de la nouvelle glise de la Msopotamie. Ladate du retour de Tatien dans sa patrie n'est pas, ilest vrai, certaine. M. Harnack remarque que, depuisl'an 180, Tatien tait considr comme hrtique enOccident, tandis que il passait pour orthodoxe enOrient. Le voyage de Tauteur du Diatessaron en Mso-potamie aurait pu avoir lieu entre l'an 152 et Tan 165;postrieurement cette date, Tatien serait revenu Rome o il aurait t accus d'hrsie. Selon M. Zahn,l'arrive de Tatien en Orient doit tre fixe l'an-ne 172 ou 173; il n'existe aucune trace d'un voyageultrieur en Occident. Tatien demeura en Orient o larputation d'hrtique ne l'avait pas suivi, et il y finitses jours. Cette dernire opinion a prvalu et l'on ad-met gnralement aujourd'hui que le Diatessaron a tcompos en syriaque Edesse vers l'an 172. Il n'y arien d'extraordinaire ce que Tatien ait conserv,pour son livre, le titre To EvayyXiov qui tait le termeconsacr, en y ajoutant les mots id rsooQy qui lecompltaient.L'Harmonie de Tatien suppose-t-elle l'existence d'une

    version syriaque des quatre vangiles d'o elle auraitt tire? M. Zahn qui tenait d'abord pour l'affirmative^et voyait cette version dans les fragments de Cureton-,

    i. Forschungen zur Geschichte des Neutest. Canons.2. Clreton, Remains of a very ancient recension..., Londres, 1858.

    Cureton avait trouv cette ancienne version des vangiles dans un ms.,maliieureusement incomplet, du Muse britannique, qui l'avait reudu couvent de Nitrie en Egypte. Trois feuillets, qui avaient t enlevs ce ms., ont t retrouvs en Egypte par Brugsch qui les a dposs

    3.

  • 46 LES ANCIENNES VERSIONS

    s'est ralli Tavis de M. Bthgen^ Celui-ci estimeque le Diatessaron est le premier texte syriaque desEvangiles, compos sur le grec. Vers 250, observe-t-il ^, apparat une version syriaque des quatre Evan-giles conforme au texte grec des ms. occidentaux,mais le traducteur connaissait le Diatessaron et s'enest servi. C'est cette version que reproduisent les frag-

    ments de Cureton. Environ trente ans plus tard, ilexistait Edesse une version des Evangiles trs prochede la Pescliitto et provenant dune revision de l'an-cienne version de Cureton. Les citations bibliquesd'Aphraate sont empruntes en grande partie au Dia-tessaron, mais quelques-unes aussi la version de Cu.reton et la revision qui a form la Peschitto.

    Cette thse, M. Bthgen l'appuie des arguments sui-vants : 1 La version de Cureton renferme des leonsharmonistiques dont Torigine doit tre cherche dansle Diatessaron ; 2** C'est par le Diatessaron que s'expli-quent les abrviations dans cette version de plusieurspassages des vangiles; 3'' La version de Cureton estpostrieure Tatien, car elle a des leons de sourceoccidentale, qui sont inconnues Tatien. Des textesqui portent ce caractre occidental, observe M. Baeth-gen, existaient dj avant le milieu du 11^ sicle ettaient trs rpandus dans la priode qui finit avecl'an 250 aprs J.-C. On devra donc admettre avec quel-que certitude que les origines de la version de Cureton,dont le texte dcle le caractre occidental dans uneimportante mesure, tombent dans cette mme priode,entre 150 et 250. La question est maintenant de savoir

    la Bibliothque de Berlin. Wright a donn de ces trois feuillets unedition qui ne se trouve pas dans le commerce, sous le titre : Frag-ments of the Curctonian Gospels, Lond