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1 Notes Duras’ Stein tr. de Ana Mª Moix Le ravissement de Lol V. Stein de Marguerite Duras Gallimard, Paris, 1964 Pour Sonia Lol V. Stein est née ici, à S. Tahla, et elle y a vécu une grande partie de sa jeunesse. Son père était professeur à l’Université. Elle a un frère plus âgé qu’elle de neuf ans - je ne l’ai jamais vu - on dit qu’il vit à Paris. Ses parents sont morts. Je n’ai rien entendu dire sur l’enfance de Lol V. Stein qui m:ait frappé, même par Tatiana Karl, sa meilleure amie durant leurs années de collège. Elles dansaient toutes les deux, le jeudi, dans le préau vide. Elles ne voulaient pas sortir en rangs avec les autres, elles préféraient rester au collège. Elles, on les laissait faire, dit Tatiana, elles étaient charmantes, elles savaient mieux que les autres demander cette faveur, on la leur accordait. On danse, Tatiana? Une radio dans un immeuble voisin jouait des danses démodées - une émission-souvenir - dont elles se contentaient. Les surveillantes envolées, seules dans le grand préau où ce jour-là, entre les danses, on entendait le bruit des rues, allez Tatiana, allez viens, on danse Tatiana, viens. C’est ce que je sais. [11] Cela aussi : Lol a rencontré Michael Richardson à dix-neuf ans pendant des vacances scolaires, un matin, au tennis. Il avait vingt-cinq ans. II était le fils unique de grands propriétaires terriens des environs de El arrebato de Lol V. Stein de Marguerite Duras tr. de Ana Mª Moix sobre la edición de Gallimard de 1964 Tusquets, Barcelona, 1987 Lol V. Stein nació aquí, en S. Tahla, y aquí vivió durante gran parte de su ju- ventud. Su padre era profesor en la Uni- versidad. Tiene un hermano nueve años mayor que ella —nunca lo he visto—, dicen que vive en París. Sus padres murieron. No he oído decir nada acerca de la infancia de Lol V. Stein que me haya sorprendido, ni siquiera a Tatiana Karl, su mejor amiga durante los años de co- legio. Bailaban las dos, los jueves, en el patio vacío. No querían salir en fila como las demás, preferían quedarse en el cole- gio. A ellas se les permitía hacer- lo, dice Tatiana, eran encantado- ras, sabían pedir ese favor mejor que las demás, se les concedía. ¿Bailamos, Tatiana? En un edifi- cio vecino una radio tocaba bailes pasados de moda —una emisión para el recuerdo— con los que se conten t a - ban. Ausentes las celadoras , solas en el gran patio donde esos días, entre bailes, se oía el ruido de las calles, vamos, Tatiana, va, ven, Tatiana, baile- mos, ven. Eso es lo que sé. También esto: Lol conoció a Michael Richardson a los diecinueve años, una mañana, en el tenis, durante las vacaciones escolares. El tenía vein- ticinco años. Era hijo único de unos grandes terratenientes de los alrededo-

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Notes Duras’ Stein tr. de Ana Mª Moix

Le ravissement de Lol V. Stein

de

Marguerite Duras

Gallimard, Paris, 1964

Pour Sonia

Lol V. Stein est née ici, à S. Tahla, etelle y a vécu une grande partie de sajeunesse. Son père était professeur àl’Université. Elle a un frère plus âgéqu’elle de neuf ans - je ne l’ai jamaisvu - on dit qu’il vit à Paris. Ses parentssont morts.

Je n’ai rien entendu dire surl’enfance de Lol V. Stein qui m:aitfrappé, même par Tatiana Karl, sameilleure amie durant leurs années decollège.

Elles dansaient toutes les deux, lejeudi, dans le préau vide. Elles nevoulaient pas sortir en rangs avec lesautres, elles préféraient rester aucollège. Elles, on les laissait faire, ditTatiana, elles étaient charmantes, ellessavaient mieux que les autresdemander cette faveur, on la leuraccordait. On danse, Tatiana? Uneradio dans un immeuble voisin jouaitdes danses démodées - uneémission-souvenir - dont elles secontentaient. Les surveillantesenvolées, seules dans le grand préauoù ce jour-là, entre les danses, onentendait le bruit des rues, allezTatiana, allez viens, on danse Tatiana,viens. C’est ce que je sais. [11]

Cela aussi : Lol a rencontréMichael Richardson à dix-neuf anspendant des vacances scolaires, unmatin, au tennis. Il avait vingt-cinqans. II était le fils unique de grandspropriétaires terriens des environs de

El arrebato de Lol V. Stein

de

Marguerite Duras

tr. de Ana Mª Moixsobre la edición deGallimard de 1964

Tusquets, Barcelona, 1987

Lol V. Stein nació aquí, en S. Tahla, yaquí vivió durante gran parte de su ju-ventud. Su padre era profesor en la Uni-versidad. Tiene un hermano nueve añosmayor que ella —nunca lo he visto—,dicen que vive en París. Sus padresmurieron.

No he oído decir nada acerca de lainfancia de Lol V. Stein que me hayasorprendido, ni siquiera a Tatiana Karl,su mejor amiga durante los años de co-legio.

Bai laban las dos , los jueves ,en e l pa t io vac ío . No quer í ansa l i r en f i l a como l a s demás ,prefer ían quedarse en e l co le -g io . A ellas se les permitía hacer-lo, dice Tatiana, eran encantado-ras, sabían pedir ese favor mejorque las demás, se les concedía.¿Bailamos, Tatiana? En un edifi-cio vecino una radio tocaba bailespasados de moda —una emisión parael recuerdo— con los que se contenta -b a n . A u s e n t e s l a s c e l a d o r a s ,s o l a s e n e l g r a n p a t i o d o n d eesos días , entre bai les , se oía e lr u i d o d e l a s c a l l e s , v a m o s ,Tat iana, va, ven, Tat iana, bai le-mos, ven. Eso es lo que sé .

También esto: Lol conoció aMichael Richardson a los diecinueveaños, una mañana, en el tenis, durantelas vacaciones escolares. El tenía vein-ticinco años. Era hijo único de unosgrandes terratenientes de los alrededo-

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T. Beach. Il ne faisait rien. Lesparents consentirent au mariage. Loldevait être fiancée depuis six mois,le mariage devait avoir l ieu àl’automne, Lol venait de quitterdéfinitivement le collège, elle étaiten vacances à T. Beach lorsque legrand bal de la saison eut lieu auCasino municipal.

Tat iana ne croi t pas au rôleprépondérant de ce fameux bal de T.Beach dans la maladie de Lol V.Stein.

Tatiana Karl, elle, fait remonter plusavant, plus avant même que leur amitié,les origines de cette maladie. Ellesétaient là, en Lol V. Stein, couvées,mais retenues d’éclore par la grandeaffection qui l’avait toujoursentourée dans sa famille et puis aucollège ensuite. Au collège, dit-elle,et elle n’était pas la seule à le penser, ilmanquait déjà quelque chose à Lol pourêtre - elle dit : là. Elle donnaitl’impression d’endurer dans un ennuitranquille une personne qu’elle sedevait de paraître mais dont elle perdaitla mémoire à la moindre occasion.Gloire de douceur mais aussid’indifférence, découvrait-on très vite,jamais elle n’avait paru souffrir ou êtrepeinée, jamais on ne lui avait vu une larmede jeune fille. Tatiana dit encore que LolV. Stein [12] était jolie, qu’au collège onse la disputait bien qu’elle vous fuit dansles mains comme l’eau parce que le peuque vous reteniez d’elle valait la peine del’effort. Lol était drôle, moqueuse impé-nitente et très fine bien qu’une partd’elle-même eût été toujours en allée loinde vous et de l’instant. Où? Dans le rêveadolescent? Non, répond Tatiana, non,on aurait dit dans rien encore, juste-ment, rien. Était-ce le cour qui n’étaitpas là? Tatiana aurait tendance à croireque c’était peut-être en effet le coeur deLol V. Stein qui n’était pas - elle dit : là -il allait venir sans doute, mais elle, ellene l’avait pas connu. Oui, il semblait quec’était cette région du sentiment qui, chezLol, n’était pas pareille.

Lorsque le bruit avait couru desfiançailles de Lol V. Stein, Tatiana,elle, n’avait cru qu’à moitié à cettenouvelle : qui Lol aurait-elle bien pudécouvrir qui aurait retenu sonattention entière?

res de T. Beach. No [9] hacía nada. Lospadres autorizaron la boda. Debía dehacer seis meses que Lol estaba pro-metida, la boda debía celebrarse enotoño, Lol acababa de dejar definiti-vamente el colegio, pasaba las vaca-ciones en T. Beach cuando tuvo lugarel gran baile de la temporada en el Ca-sino municipal.

Tatiana no cree que el famoso bailede T. Beach tuviera un papel prepon-derante en la enfermedad de Lol V.Stein.

Según Tatiana Karl, los orígenes deesta enfermedad se remontan a mucho an-tes, mucho antes incluso de su amistad.Estaban ahí, en Lol V. Stein, incubados,pero sin llegar a exteriorizarse debidoal gran afecto que siempre la habíarodeado en su familia y luego, acontinuación, en el colegio. En elcolegio, dice, y no era la única enpensarlo, a Lol ya le faltaba algopara estar —dice: ahí. Daba la im-presión de soportar con un sosegadofastidio a una persona a quien debíaparecerse pero de la que se olvidaba ala menor ocasión. Aureola de dulzura,se descubrió muy pronto que tambiénde indiferencia, nunca pareció sufrir nisentirse apenada, nunca se le vio unalágrima de muchacha. Tatiana tambiéndice que Lol V. Stein era bonita, queen el colegio se la disputaban, aunquese te escurría de entre las manos comoel agua, porque lo poco que reteníasmerecía el esfuerzo. Lol era divertida,burlona impenitente y muy aguda aun-que una parte de sí misma estuvierasiempre ida lejos de ti y del momentopresente. ¿Dónde? ¿En los sueños ado-lescentes? No, responde Tatiana, no,diríase que en nada aún, exactamente,en nada. ¿Era el corazón el que no es-taba ahí? Tatiana tiende a creer quequizá fuera, en efecto, el corazón deLol V. Stein lo que no estaba ahí —dice: [10] ahí—; sin duda llegaría, peroella no lo conoció. Sí, al parecer eraesa zona del sentimiento lo que, en Lol,se diferenciaba de los demás.

Cuando corrió el rumor del no-viazgo de Lol V. Stein, Tatiana sólocreyó la no t i c i a a m e d i a s : ¿ aquién habría podido descubrir Lolque fuera capaz de re tener todasu a tenc ión?

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Quand elle connut MichaelRichardson et qu’elle fut témoin de lafolle passion que Lol lui portait, elle enfut ébranlée mais il lui resta néanmoinsencore un doute : Lol ne faisait-elle pasune fin de son coeur inachevé?

Je lui ai demandé si la crise de Lol,plus tard, ne lui avait pas apporté lapreuve qu’elle se trompait. Elle m’arépété que non, qu’elle, elle croyait quecette crise et Lol ne faisaient qu’undepuis toujours. [13]

Je ne crois plus à rien de ce que ditTatiana, je ne suis convaincu de rien.

Voici, tout au long, mêlés, à lafois, ce faux semblant que raconteTatiana Karl et ce que j’invente surla nuit du Casino de T.Beach. A partirde quoi je raconterai mon histoire deLol V. Stein.

Les dix-neuf ans qui ont précédécette nuit, je ne veux pas les connaîtreplus que je ne le dis, ou à peine, niautrement que dans leur chronologiemême s’ils recèlent une minutemagique à laquelle je dois d’avoirconnu Lol V. Stein. Je ne le veux pasparce que la présence de sonadolescence dans cette histoirerisquerait d’atténuer un peu aux yeuxdu lecteur l’écrasante actualité de cettefemme dans ma vie. Je vais donc lachercher, je la prends, là où je crois devoirle faire, au moment où elle me paraîtcommencer à bouger pour venir à marencontre, au moment précis où lesdernières venues, deux femmes,franchissent la porte de la salle de bal duCasino municipal de T. Beach. [14]

L’orchestre cessa de jouer. Unedanse se terminait.

La piste s’était vidée lentement. Ellefut vide.

La femme la plus âgée s’étaitattardée un instant à regarder l’assistancepuis elle s’était retournée en souriant vers

Al conoce r a Michae lRichardson y ser testigo de la locapasión que Lol le produjo, quedótrastornada pero, sin embargo, lequedó una duda: ¿no convertía Lolen un fin su corazón inacabado?

Le pregunté si la crisis de Lol,más tarde, no le proporcionó laprueba de que se equivocaba. Merepitió que no, que creía que esacrisis y Lol no eran sino una mis-ma cosa desde siempre.

Ya no creo en nada de cuanto diceTatiana, no estoy seguro de nada.

He aquí desarrollados, mezclados, ala vez, esa falsa semblanza expuesta porTatiana Karl y lo que yo invento acercade la noche del Casino de T. Beach. Apartir de todo ello contaré mi historiade Lol V. Stein.

No quiero conocer ni contartampoco, o apenas, ni siquiera se-gún su cronología, los diecinueveaños que han precedido a esta no-che, aunque encubran un minutomágico durante el que debí de co-nocer a Lol V. Stein. No quieroporque la presencia de su adoles-cencia en esta historia correría elpeligro de atenuar un poco a ojosdel lector la agobiante [11] actuali-dad de esta mujer en mi vida. Voy, pues,en su busca, la cojo, ahí donde creo quedebo hacerlo, en el momento en que creoque empieza a moverse para venir a miencuentro, en el preciso momento en quelas últimas en llegar, dos mujeres, fran-quean la puerta del salón de baile delCasino municipal de T. Beach.

La orquesta dejó de tocar. Termina-ba un baile.

La pista se había vaciado lentamente.Estaba vacía.

La mujer de más edad se habíarezagado un instante para contem-plar la concurrencia, luego se ha-

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la jeune fille qui l’accompagnait. Sansaucun doute possible celle-ci était sa fille.Elles étaient grandes toutes les deux,bâties de même manière. Mais si lajeune fille s’accommodait gauchementencore de cette taille haute, de cettecharpente un peu dure, sa mère, elle,portait ces inconvénients commeles emblèmes d’une obscurenégation de la nature. Son élégance etdans le repos, et dans le mouvement,raconte Tatiana, inquiétait.

— Elles étaient ce matin à la plage,dit le fiancé de Lol, MichaelRichardson.

Il s’était arrêté, il avait regardéles nouvelles venues, puis il avaitentraîné Lol vers le bar et les plantesvertes du fond de la salle.

Elles avaient traversé la piste ets’étaient dirigées dans cette mêmedirection.

Lol, frappée d’immobilité, avaitregardé s’avancer, comme lui, cettegrâce abandonnée, ployante, d’oiseaumort. Elle était maigre. Elle devaitl’avoir toujours été. Elle avait vêtu cettemaigreur, se rappelait clairementTatiana, d’une robe noire à doublefourreau de tulle également noir, trèsdécolletée. Elle se voulait ainsi faite etvêtue, et elle l’était à son souhait,irrévocablement. [15] L’ossatureadmirable de son corps et de son visagese devinait. Telle qu’elle apparaissait,telle, désormais, elle mourrait, avec soncorps désiré. Qui était-elle? On le sutplus tard - Anne-Marie Stretter.Était-elle belle? Quel était son âge?Qu’avait-elle connu, elle que les autresavaient ignoré? Par quelle voiemystérieuse était-elle parvenue à ce quise présentait comme un pessimisme gai,éclatant, une souriante indolence de lalégèreté d’une nuance, d’une cendre?Une audace pénétrée d’elle-même,semblait-il, seule, la faisait tenir debout.Mais comme celle-ci était gracieuse, demême façon qu’elle. Leur marche deprairie à toutes les deux les menait depair où qu’elles aillent. Où? Rien nepouvait plus arriver à cette femme,pensa Tatiana, plus rien, rien. Que safin, pensait-elle.

Avait-elle regardé Michael

bía vuelto sonriendo a la joven quela acompañaba. Esta, sin lugar adudas, era su hija. Las dos eranaltas, de constitución similar. Perosi la joven aún se avenía con tor-peza a esta alta estatura, a esta es-tructura un tanto dura, su madrellevaba tales inconveniencias cuallos emblemas de una oscura nega-ción de la naturaleza. Su elegan-cia, en reposo y en movimiento,cuenta Tatiana, inquietaba.

—Estaban en la playa esta mañana—dice Michael Richardson, el novio deLol.

Se había quedado inmóvil, habíacontemplado a las recién llegadas, des-pués se había llevado a Lol hacia el bary hacia las verdes plantas de la sala.

Ellas habían atravesado la pistay se habían dirigido hacia la mismadirección.

Lol, sumida en la inmovilidad, habíavisto, al igual que él, avanzar esta graciaen abandono, encorvada, de pájaromuerto. Era flaca. Debía de serlodesde siempre. Había vestido estadelgadez, recordaba claramenteTatiana, con un traje negro de dobleforro de tul igualmente negro, muyescotado. [12] Se gustaba así arregla-da y vestida, y lo estaba a su antojo,irrevocablemente. Se adivinaba la ad-mirable osamenta de su cuerpo y desu rostro. Igual que aparecía, igual, enadelante, se extinguía, con su cuerpodeseado. ¿Qu i é n e r a ? S e s u p omás t a rde : Anne-Marie Stretter.¿Era hermosa? ¿Qué edad tenía?¿Qué sabía ella que los demás igno-raban? ¿Por qué caminos misterio-sos había llegado a lo que aparecíacomo un pesimismo alegre, clamo-roso, una sonriente indolencia de laligereza de un matiz, de una ceniza?Al parecer tan sólo una audacia pene-trada de sí misma la mantenía en pie.Y cuán graciosa resultaba ésta, igualque ella. Su caminar mullido las lle-vaba a ambas aparejadas a dondequiera que fueran. ¿Adónde? Nadapodía ya sucederle a esta mujer, pen-só Tatiana, ya nada, nada. Sólo elfin, pensaba.

¿Había mirado a Michael

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Richardson en passant? L’avait-ellebalayé de ce non-regard qu’ellepromenait sur le bal? C’était impossiblede le savoir, c’est impossible de savoirquand, par conséquent, commence monhistoire de Lol V. Stein : le regard, chezelle - de près on comprenait que cedéfaut venait d’une décolorationpresque pénible de la pupille - logeaitdans toute la surface des yeux, il étaitdifficile à capter. Elle était teinte enroux, brûlée de rousseur, Ève marineque la lumière devait enlaidir.

S’étaient-ils reconnus lorsqu’elleétait passée près de lui? [16]

Lorsque Michael Richardson setourna vers Lol et qu’il l’invita àdanser pour la dernière fois de leurvie, Tatiana Karl l’avait trouvé pâliet sous le coup d’une préoccupationsubite si envahissante qu’elle sutqu’il avait bien regardé, lui aussi, lafemme qui venait d’entrer.

Lol sans aucun doute s’aperçut dece changement. Elle se trouvatransportée devant lui, parut-il, sans lecraindre ni l’avoir jamais craint, sanssurprise, la nature de ce changementparaissait lui être familière : elle portaitsur la personne même de MichaelRichardson, elle avait trait à celui queLol avait connu jusque-là.

Il était devenu différent. Tout lemonde pouvait le voir. Voir qu’il n’étaitplus celui qu’on croyait. Lol leregardait, le regardait changer.

Les yeux de Michael Richardsons’étaient éclaircis. Son visage s’étaitresserré dans la plénitude de lamaturité. De la douleur s’y lisait, maisvieille, du premier âge.

Aussitôt qu’on le revoyait ainsi, oncomprenait que rien, aucun mot, aucuneviolence au monde n’aurait eu raison duchangement de Michael Richardson.Qu’il lui faudrait maintenant être vécujusqu’au bout. Elle commençait déjà, lanouvelle histoire de MichaelRichardson, à se faire.

Cette vision et cette certitude neparurent pas s’accompagner chez Lol desouffrance.

Richardson al pasar? ¿Lo había ba-rrido con esa no mirada que pasea-ba por el baile? Era imposible sa-berlo, es imposible saber cuándo,por consiguiente, empieza mi histo-ria de Lol V. Stein: en ella, la mira-da —de cerca se comprendía que esedefecto provenía de una decolora-ción penosa de la pupila— se aloja-ba en toda la superficie de los ojos,resultaba difícil captarla. Iba teñidade pelirrojo, quemada de rojo. Evamarina que la luz debía afear.

¿Se reconocieron cuando pasócerca de él?

Cuando Michael Richardson se vol-vió hacia Lol y la invitó a bailar por úl-tima vez en su vida, Tatiana Karl lo ha-bía sorprendido pálido de repente y bajoel impacto de una súbita preocupacióntan invasora que supo que, también él,había reparado perfectamente en lamujer que acababa de entrar.

Sin duda, Lol percibió ese cambio.Diríase que [13] se sentía transportadaante él, sin temerlo y sin haberlo temi-do nunca, sin sorpresa, la naturaleza deese cambio parecía resultarle familar:concernía a la propia persona deMichael Richardson, traicionaba aquien Lol había conocido hasta aquelmomento.

El había cambiado. Todo el mundopodía comprobarlo. Comprobar que yano era el que creían. Lol lo contempla-ba, lo contemplaba cambiar.

Los ojos de Michael Richardson sehabían iluminado. Su rostro se habíaafianzado en la plenitud de la madurez.En él se leía el dolor, pero el viejo, elde la edad primera.

En cuanto se le veía así, se com-prendía que nada, ninguna palabra,ninguna violencia en el mundo ha-bía sido la causa del cambio deMichael Richardson. Que ahora es-taría obligado a vivirlo hasta el fi-nal. La nueva historia de MichaelRichardson empezaba ya a nacer.

En Lol, esta visión y esta certidum-bre no parecían ir acompañadas por elsufrimiento.

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Tatiana la trouva elle-mêmechangée. Elle [17] guettait l’événement,couvait son immensité, sa précisiond’horlogerie. Si elle avait été l’agentmême non seulement de sa venue maisde son succès, Lol n’aurait pas été plusfascinée.

Elle dansa encore une fois avecMichael Richardson. Ce fut la dernièrefois.

La femme était seule, un peu à l’écartdu buffet, sa fille avait rejoint un groupede connaissances vers la porte du bal.Michael Richardson se dirigea vers elledans une émotion si intense qu’onprenait peur à l’idée qu’il aurait pu êtreéconduit. Lol, suspendue, attendit, elleaussi. La femme ne refusa pas.

Ils étaient partis sur la piste de danse.Lol les avait regardés, une femme dontle coeur est libre de tout engagement,très âgée, regarde ainsi ses enfantss’éloigner, elle parut les aimer.

— Il faut que j’invite cette femme àdanser.

Tatiana l’avait bien vu agir avec sanouvelle façon, avancer, comme ausupplice, s’incliner, attendre. Elle, avaiteu un léger froncement de sourcils.L’avait-elle reconnu elle aussi pourl’avoir vu ce matin sur la plage etseulement pour cela?

Tatiana était restée auprès de Lol.

Lol avait instinctivement faitquelques pas en directiond’Anne-Marie Stretter en même tempsque Michael Richardson. Tatianal’avait suivie. Alors elles virent : lafemme entrouvrit les lèvres pour nerien prononcer, dans la surprise émer-veillée de voir le nouveau visage decet homme [18] aperçu le matin. Dèsqu’el le fut dans ses bras , à sagaucherie soudaine, à sonexpression abêtie, figée par la rapiditédu coup, Tatiana avait compris que ledésarroi qui l’avait envahi, lui, venaità son tour de la gagner.

Lol était retournée derrière lebar et les plantes vertes, Tatiana,avec elle.

Tatiana también la encontró cambia-da. Acechaba el acontecimiento, abri-gada su inmensidad, su precisión de re-lojería. De haber sido el agente mismono sólo de su llegada sino también desu éxito, Lol no se hubiera sentido másfascinada.

B a i l ó u n a v e z m á s c o nMichael Richardson. Fue la últimavez.

La mujer estaba sola, un poco apar-tada del buffet, su hija se había reunidocon un grupo de conocidos junto a lapuerta del baile. Michael Richardson sedirigió hacia ella con una emoción tanintensa que asustaba pensar que pudieraser rechazado. Lol, pendiente, tambiénesperó. La mujer no rehusó. [14]

Habían salido a la pista de baile. Lollos había contemplado, una mujer muyvieja cuyo corazón está libre de todocompromiso contempla así a sus hijosmientras se alejan, parecía amarles.

—He de invitar a bailar a estamujer.

Tatiana lo vio claramente compor-tarse en su nueva faceta, avanzar, comohacia el suplicio, inclinarse, esperar.Ella frunció ligeramente las cejas. ¿Lohabía reconocido, ella también, por ha-berle visto esta mañana en la playa ysólo por eso?

Tatiana había permanecido junto a Lol.

Lol, instintivamente, había dado al-gunos pasos en dirección a Anne-MarieStretter al mismo tiempo que MichaelRichardson. Tatiana la había seguido.Y entonces vieron: la mujer entreabriólos labios para pronunciar nada, sumi-da en la maravillosa sorpresa de ver elnuevo rostro de ese hombre entrevistopor la mañana. En cuanto la mujer es-tuvo en sus brazos, Tatiana compren-dió, por su repentina torpeza, por suexpresión atontada, petrificada porla rapidez de la irrupción, que eldesconcierto que lo había invadido aca-baba de prender en ella.

Lol había vuelto a situarse detrás delbar y de las plantas verdes; junto aTatiana.

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Ils avaient dansé. Dansé encore.Lui, les yeux baissés sur l’endroit nude son épaule. Elle, plus petite, neregardait que le lointain du bal. Ils nes’étaient pas parlé.

La première danse terminée, MichaelRichardson s’était rapproché de Lolcomme il avait toujours fait jusque-là. IIy eut dans ses yeux l’implorationd’une aide, d’un acquiescement. Lollui avait souri.

Puis, à la fin de la danse qui avaitsuivi, il n’était pas allé retrouver Lol.

Anne-Marie Stretter et MichaelRichardson ne s’étaient plus quittés.

La nuit avançant, i l paraissaitque les chances qu’aurai t euesLol de souf f r i r s’étaient encoreraréfiées, que la souffrance n’avaitpas trouvé en elle où se glisser,qu’elle avait oublié la vieille algèbredes peines d’amour.

Aux toutes premières clartés del’aube, la nuit finie, Tatiana avait vucomme ils avaient vieilli. Bien queMichael Richardson fût plus jeune quecette femme, il l’avait rejointe etensemble - avec Lol -, tous les trois, ilsavaient pris de l’âge à [19] foison, descentaines d’années, de cet âge, dansles fous, endormi.

Vers cette même heure, tout endansant, ils se parlèrent, quelques mots.Pendant les pauses, ils continuèrent àse taire complètement, debout l’un prèsde l’autre, à distance de tous, toujoursla même. Exception faite de leurs mainsjointes pendant la danse, ils ne s’étaientpas plus rapprochés que la première foislorsqu’ils s’étaient regardés.

Lol resta toujours là où l’événementl’avait trouvée lorsque Anne-MarieStretter était entrée, derrière les plantesvertes du bar.

Tatiana, sa meilleure amie, toujoursaussi, caressait sa main posée sur unepetite table sous les fleurs. Oui, c’étaitTatiana qui avait eu pour elle ce gested’amitié tout au long de la nuit.

Avec l’aurore, Michael Richardsonavait cherché quelqu’un des yeux vers

Habían bailado. Bailaron más. El,con la mirada fija en un punto desnudode su hombro. Ella, más baja, no mira-ba sino a la lejanía del baile. No habla-ban.

Finalizado el primer baile, MichaelRichardson se había acercado a Lolcomo siempre había hecho hasta enton-ces. Había en sus ojos la súplica de unaayuda, de un consentimiento. Lol le son-rió.

Después, al final del baile que habíaseguido, no fue al encuentro de Lol. [15]

Anne-Marie Stretter y MichaelRichardson no se habían vuelto a separar.

A medida que avanzaba la noche,parecía las posibilidades de sufrir queLol pudiera tener habían inclusodisminuido, que el sufrimiento no ha-bía encontrado en ella dónde deslizar-se, que había olvidado el viejo álgebrade las penas de amor.

Con las primerísimas luces delalba, terminada la noche, Tatiana ha-bía visto cómo habían envejecido.Aunque Michael Richardson fueramás joven que aquella mujer, la habíaigualado y juntos los tres —con Lol—,habían acumulado años, muchos años,c i e n t o s d e a ñ o s , e s a e d a da d o r m e c i d a en los locos.

queHacia esa misma hora, bailando, ha-

blaron, algunas palabras. Durante las pau-sas, siguieron absolutamente callados, enpie uno al lado del otro, manteniéndose adistancia de los demás, siempre a la mis-ma distancia. Salvo sus manos unidasdurante el baile, ya no volvieron a acer-carse más de lo que hicieron la primeravez, cuando se miraron.

Lol permaneció allí donde el acon-tecimiento la había sorprendido al en-trar Anne-Marie Stretter, tras las plan-tas verdes del bar.

Tatiana, su mejor amiga, permaneciótambién allí, acariciando su mano posa-da en una mesita, bajo las flores. Sí, fueTatiana quien había tenido ese gesto deamistad a lo largo de la noche.

Con la aurora, Michael Richardsonhabía buscado a alguien con la mirada

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le fond de la salle. Il n’avait pasdécouvert Lol.

Il y avait longtemps déjà que lafille de AnneMarie Stretter avait fui.Sa mère n’avait remarqué ni sondépart ni son absence, semblait-il.

Sans doute Lol, comme Tatiana,comme eux, n’avait pas encore prisgarde à cet autre aspect des choses : leurfin avec le jour.

L’orchestre cessa de jouer. Le balapparut presque vide. Il ne resta quequelques couples, dont le leur et,derrière les plantes vertes, Lol et cetteautre jeune fille, Tatiana Karl. Ils nes’étaient pas aperçus que l’orchestreavait cessé de jouer au moment où ilaurait dû reprendre, comme desautomates, ils s’étaient rejoints,n’entendant pas qu’il n’y avait plus demusique. C’est alors que les musiciensétaient passés devant eux, en fileindienne, leurs violons, enfermés dansdes boîtes funèbres. Ils avaient eu ungeste pour les arrêter, leur parlerpeut-être, en vain.

Michael Richardson se passa la mainsur le front, chercha dans la sallequelque signe d’éternité. Le sourire deLol V. Stein, alors, en était un, mais ilne le vit pas.

Ils s’étaient silencieusementcontemplés, longuement, ne sachant quefaire, comment sortir de la nuit.

A ce moment-là une femme d’uncertain âge, la mère de Lol, était entréedans le bal. En les injuriant, elle leuravait demandé ce qu’ils avaient fait deson enfant.

Qui avait pu prévenir la mère deLol de ce qui se passait au bal ducasino de T. Beach cette nuitlà? Çan’ava i t pas é té Ta t iana Kar l ,Tatiana Karl n’avait pas quitté LolV. Ste in . É ta i t -e l l e venued’elle-même?

Ils cherchèrent autour d’eux qui méritaitces insultes. Ils ne répondirent pas.

Quand la mère découvrit son enfantderrière les plantes vertes, unemodulation plaintive et tendre envahit

hacia el fondo de la sala. No había des-cubierto a Lol.

Hacía ya mucho rato que la hija deAnne-Marie Stretter había desapareci-do. Al parecer, su madre no había ad-vertido su partida ni su ausencia.

Sin duda, Lol, al igual que Tatiana,al igual que [16] ellos, aún no había te-nido en cuenta ese otro aspecto de lascosas: su final al llegar el día.

La orquesta dejó de tocar. El baileparecía casi vacío. Sólo quedaban al-gunas parejas, la suya y, detrás de lasplantas verdes, Lol y esa otra joven,Tatiana Karl. No se habían dadocuenta de que la orquesta había de-jado de tocar: en el momento en quehubiera debido volver a empezar,como autómatas, se habían vuelto aunir, sin percartarse de la inexis-tencia de la música. Fue entoncescuando los músicos pasaron anteellos, en fila india, con sus violinesencerrados en sus fúnebres cajas. Envano hicieron un gesto para retener-les, para hablarles.

Michael Richardson se pasó lamano por la frente, buscó alguna se-ñal de eternidad en la sala. La sonrisade Lol V. Stein, en aquel momento, loera, pero no la vio.

Se habían contemplado silenciosa-mente, largamente, sin saber qué hacer,cómo salir de la noche.

En aquel momento, una mujer decierta edad, la madre de Lol, había en-trado en el baile. Injuriándoles, les ha-bía preguntado qué habían hecho consu hija.

¿Quién pudo haber advertido a lamadre de Lol de lo que sucedía en elbaile del casino de T. Beach aquellanoche? No fue Tatiana Karl, TatianaKarl no había abandonado a Lol V.Stein. ¿Había llegado por propia ini-ciativa?

Buscaron en torno suyo a quien mere-cía tales insultos. No contestaron.

Cuando la madre descubrió a su hijadetrás de las plantas verdes, una mo-dulación quejumbrosa y tierna invadió

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la salle vide.

Lorsque sa mère était arrivée sur Lolet qu’elle l’avait touchée, Lol avait enfinlâché la table. Elle [21] avait comprisseulement à cet instant-là qu’une fin sedessinait mais confusément, sansdistinguer encore au juste laquelle elleserait. L’écran de sa mère entre eux etelle en était le signe avantcoureur. Dela main, très fort, elle le renversa parterre. La plainte sentimentale, boueuse,cessa.

Lol cria pour la première fois. Alorsdes mains, de nouveau, furent autour deses épaules. Elle ne les reconnutcertainement pas. Elle évita que sonvisage soit touché par quiconque.

Ils commencèrent à bouger, àmarcher vers les murs, cherchant desportes imaginaires. La pénombre del’aurore était la même au-dehors etau-dedans de la salle. Ils avaientfinalement trouvé la direction de lavéritable porte et ils avaient commencéà se diriger très lentement dans ce sens.

Lol avait crié sans discontinuer deschoses sensées : il n’était pas tard,l’heure d’été trompait. Elle avait suppliéMichael Richardson de la croire. Maiscomme ils continuaient à marcher - onavait essayé de l’en empêcher mais elles’était dégagée - elle avait couru vers laporte, s’était jetée sur ses battants. Laporte, enclenchée dans le sol, avaitrésisté.

Les yeux baissés, ils passèrentdevant elle. Anne-Marie Strettercommença à descendre, et puis, lui,Michael Richardson. Lol les suivit desyeux à travers les jardins. Quand ellene les vit plus, elle tomba par terre,évanouie. [22]

Lol, raconte Mme Stein, fut ramenée àS. Tahla, et elle resta dans sa chambre,sans en sortir du tout, pendant quelquessemaines.

Son histoire devint publique ainsique celle de Michael Richardson.

La prostration de Lol, dit-on, fut

la sala vacía.

En cuanto su madre llegó hastaLol y la tocó, Lol se despegó por finde la mesa. Sólo en ese instante [17]comprendió que un final, aunqueconfusamente, se dibujaba, sin aúndistinguir cuál sería. La pantalla desu madre, entre ellos y ella, consti-tuía la señal precursora. De la mano,con mucha fuerza, la tiró al suelo.El lamento sentimental, cenagoso,cesó.

Lol gritó por vez primera. Enton-ces unas manos se posaron de nuevoalrededor de sus hombros. No las re-conoció en absoluto. Evitó que cual-quiera tocara su rostro.

Comenzaron a agitarse, a avan-zar hacia las paredes, buscando ima-ginarias puertas. La penumbra de laaurora era la misma dentro y fuerade la sala. Por fin encontraron la di-rección de la verdadera puerta y ha-bían empezado a dirigirse muy len-tamente en esa dirección.

Lol había seguido gritando argu-mentos: no era tarde, la hora de ve-rano engañaba. Había suplicado aMichael Richardson que la creyera.Pero como la pareja siguió su mar-cha, Lol corrió hacia la puerta —ha-bían intentado impedírselo pero seescapó— y se arrojó contra los ba-tientes. La puerta, afianzada en elsuelo, resistió.

Pasaron ante ella con la miradabaja. Anne-Marie Stretter empezó adescender, y, después, MichaelRichardson. Lol les siguió con la mi-rada a través de los jardines. Cuan-do dejó de divisarles, cayó al suelo,desvanecida. [18]

Lol, cuenta Mme. Stein, fue condu-cida a S. Tahla, y permaneció en su ha-bitación, sin salir en absoluto, durantealgunas semanas.

Su historia se hizo pública, y tam-bién la de Michael Richardson.

La postración de Lol, dijeron,

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Notes Duras’ Stein tr. de Ana Mª Moix

alors marquée par des signes desouffrance. Mais qu’est-ce à dire qu’unesouffrance sans sujet?

Elle disait toujours les mêmes choses: que l’heure d’été trompait, qu’il n’étaitpas tard.

Elle prononçait son nom avec colère: Lol V. Stein - c’était ainsi qu’elle sedésignait.

Puis elle se plaignit, plusexplicitement, d’éprouver une fatigueinsupportable à attendre de la sorte.Elle s’ennuyait, à crier. Et elle criaiten effet qu’elle n’avait rien à pensertandis qu’elle attendait, réclamaitavec l’impatience d’un enfant unremède immédiat à ce manque.Cependant aucune des distractionsqu’on lui avait offertes n’avait euraison de cet état. [23]

Puis Lol cessa de se plaindre de quoique ce soit. Elle cessa même petit à petitde parler. Sa colère vieillit, sedécouragea. Elle ne parla que pour direqu’il lui était impossible d’exprimercombien c’était ennuyeux et long, longd’être Lol V. Stein. On lui demandaitde faire un effort. Elle ne comprenaitpas pourquoi, disait-elle. Sa difficultédevant la recherche d’un seul motparaissait insurmontable. Elle parutn’attendre plus rien.

Pensait-elle à quelque chose, à elle?lui demandait-on. Elle ne comprenaitpas la question. On aurait dit qu’elleallait de soi et que la lassitude infiniede ne pouvoir se déprendre de celan’avait pas à être pensée, qu’elle étaitdevenue un désert dans lequel unefaculté nomade l’avait lancée dans lapoursuite interminable de quoi? On nesavait pas. Elle ne répondait pas.

Cette prostration de Lol, sonaccablement, sa grande peine, seul letemps en aurait raison, disait-on. Ellefut jugée moins grave que son délirepremier, elle n’était pas susceptible dedurer beaucoup, d’entraîner unemodification importante dans la viementale de Lol. Son extrême jeunessela balaierait bientôt. Elle était explicable: Lol souffrait d’une inférioritépassagère à ses propres yeux parcequ’elle avait été abandonnée par

revelaba señales de sufrimiento.Pero, ¿qué pensar de un sufr i -miento sin motivo?

Siempre decía lo mismo: que lahora de verano engañaba, que noera tarde.

Pronunciaba su nombre conira: Lol V. Stein —así era comose nombraba.

Además se quejaba, más explíci-tamente, de sentir un cansancio in-soportable de esperar de ese modo.Se aburría, hasta gritar. Y, en efecto,gritaba que no tenía nada en qué pen-sar mientras esperaba, reclamaba conla impaciencia de un niño un reme-dio para tal carencia. Sin embargo,ninguna de las distracciones que sele ofrecieron podía nada contra esteestado.

Después Lol dejó de quejarse porcualquier cosa. Poco a poco, dejótambién de hablar. Su i ra seavejentó, perdió fuerza. Sólo habla-ba para decir que le resultaba impo-sible expresar lo aburrido y largo,largo que era ser Lol V. Stein. Lepedían que hiciera un esfuerzo. Nocomprendía por qué, decía. [19] Sudificultad ante la búsqueda de unasola palabra parecía insuperable. Pa-recía que ya no esperara nada.

¿Pensaba en algo, en ella?, lepreguntaban. No entendía la pre-gunta. Hubiérase dicho que no eranecesario pensar en el cansancioinfinito de no poder desprendersede eso, que se había convertido enun desierto al que un poder nóma-da la había arrojado en la persecu-ción interminable de ¿qué? No sesabía. No contestaba.

Sólo el tiempo daría razón deesta postración de Lol, de su aba-timiento, de su inmensa pena, de-cían. Se juzgó menos grave que suprimer delirio, no era susceptiblede durar mucho, de acarrear unamodificación importante en la vidamental de Lol. Su extrema juven-tud la barrería pronto. Resultabaexplicable: Lol sufría una inferio-ridad pasajera a sus propios ojosporque había sido abandonada por

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Notes Duras’ Stein tr. de Ana Mª Moix

l’homme de T. Beach. Elle payaitmaintenant, tôt ou tard cela devaitarriver, l’étrange omission de sa douleurdurant le bal. [24]

Puis, tout en restant très silencieuse,elle recommença à demander à manger,qu’on ouvrît la fenêtre, le sommeil. Etbientôt, elle aima beaucoup que l’onparle à ses côtés. Elle acquiesçait à toutce qui était dit, raconté, affirmé devantelle. L’importance de tous les proposétait égale à ses yeux. Elle écoutait avecpassion.

D’eux elle ne demanda jamais denouvelles. Elle ne posa aucune question.Quand on jugea nécessaire de luiapprendre leur séparation - son départà lui elle l’apprit plus tard - son calmefut jugé de bon augure L’amour qu’elleportait à Michael Richardson semourait. Ç’avait été indéniablement,déjà, avec une partie de sa raisonretrouvée qu’elle avait accueilli lachose, le juste retour des choses, la justerevanche à laquelle elle avait droit.

La première fois qu’elle sortit ce futde nuit, seule et sans prévenir.

Jean Bedford marchait sur le trottoir.II se trouva à une centaine de mètresd’elle - elle venait de sortir - elle étaitencore devant sa maison. Quand elle levit, elle se cacha derrière un pilier duportail.

Le récit de cette nuit-là fait par JeanBedford à Lol elle-même contribue, ilme semble, à son histoire récente. C’ensont là les derniers faits voyants. Aprèsquoi, ils disparaissent à peu près [25]complètement de cette histoire pendantdix ans. Jean Bedford ne la vit pas sortir,il crut à une promeneuse qui avait peurde lui, d’un homme seul, si tard, la nuit.Le boulevard était désert.

La silhouette était jeune, agile, etlorsqu’il arriva devant le portail ilregarda.

Ce qu i l e f i t s ’ a r r ê t e r ce fu tl e sou r i r e c r a in t i f ce r t e s ma i sq u i é c l a t a i t d ’ u n e j o i e t r è sv i v e à v o i r v e n i r l e t o u t -venan t , l u i , c e so i r - l à .

el hombre de T. Beach. Ahora pa-gaba, debía ocurrir tarde o tempra-no, la extraña omisión de su dolordurante el baile.

Después, aun siguiendo muy si-lenciosa, empezó a pedir comida, queabrieran la ventana, el sueño. Y pron-to empezó a gustarle mucho que sehablara a su lado. Asentía a todo loque decían, contaban, afirmaban anteella. Para Lol, todas las palabras te-nían la misma importancia. Escucha-ba con pasión.

Nunca pidió noticias de ellos. Noplanteó ninguna pregunta. Cuando seconsideró necesario ponerla al corrien-te de su separación —de la partida deél se enteró más tarde— su calma fuejuzgada como un buen augurio. El amorque sentía por Michael Richardsonmoría. Sin duda, ya, se hizo eco delasunto con una parcela de su razón re-cuperada, [20] la misma con que aco-gió el retorno de las cosas, la justa re-vancha a la que tenía derecho.

La primera vez que salió era denoche, sola y sin avisar.

Jean Bedford caminaba por laacera. Se hallaba a unos cien metrosde ella —acababa de salir—,ella aúnestaba delante de su casa. Al verle,se escondió detrás de un pilar delportal.

El relato de esa noche hecho por JeanBedford a la propia Lol contribuye,creo, a su historia reciente. Esos cons-tituyen los últimos hechos evidentes.Después, desaparecen casi completa-mente de esta historia durante diez años.

Jean Bedford no la vio salir, la cre-yó una paseante que tuviera miedo deél, de un hombre solo, tan tarde, por lanoche. La calle estaba desierta.

La silueta era joven, ágil, y all l egar é l de lan te de l por ta l l amiró.

Lo que le hizo detenerse fue la son-risa ciertamente temerosa pero que res-plandecía con una alegría muy viva alver acercarse al primero en llegar, a él,aquella noche.

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Il s’arrêta, lui sourit à son tour. Ellesortit de sa cachette et vint vers lui.

Rien dans sa mise ou son maintienne disait son état, sauf sa chevelurepeut-être qui était en désordre. Maiselle aurait pu courir et il y avait un peude vent cette nuit-là. Il était fortprobable qu’elle avait couru jusque-là,pensa Jean Bedford, justement parcequ’elle avait peur, depuis l’autre boutde ce boulevard désert.

— Je peux vous accompagner sivous avez peur.

Elle ne répondit pas. Il n’insista pas.II commença à marcher et elle fit demême à son côté avec un évident plaisir,presque flâneuse.

Ce fut lorsqu’ils atteignirent la fin duboulevard, vers la banlieue, que JeanBedford commença à croire qu’ellen’allait pas dans une direction précise.

Cette conduite intrigua JeanBedford. Évidemment il pensa à lafolie mais ne la retint pas. Nil’aventure. Elle jouait sans doute. Elleétait très jeune. [26]

— Vous allez de quel côté?

Elle fit un effort, regarda de l’autrecôté du boulevard, d’où ils venaient,mais ne le désigna pas.

— C’est-à-dire... dit-elle.

Il se mit à rire et elle rit avec lui,aussi, de bon coeur.

— Venez, allons par là.

Docile, elle rebroussa chemincomme lui.

Quand même, son silence l’intriguaitde plus en plus. Parce qu’ils’accompagnait d’une curiositéextraordinaire des lieux qu’ilstraversaient, fussent-ils d’une complètebanalité. On aurait dit non seulementqu’elle venait d’arriver dans cette ville,mais qu’elle y était venue pour y re-trouver ou y chercher quelque chose,une maison, un jardin, une rue, un objetmême qui aurait été pour elle d’une

Se detuvo, le sonrió a su vez. Ellasalió de su escondrijo y fue hacia él.

Nada en su porte ni en su actitudhablaba de su estado, salvo, quizá, supelo, que aparecía en desorden. Peropodía haber corrido y hacía un poco deviento esa noche. Era muy probable quehubiera corrido hasta allí, pensó JeanBedford, precisamente porque teníamiedo, desde el otro extremo del bule-var desierto.

—Si tiene miedo puedo acompañar-la. [21]

No respondió. El no insistió.Empezó a andar y ella hizo lo mis-mo a su lado con un placer evi-dente, casi curioso.

Fue al llegar al final del bulevar,hacia las afueras, cuando JeanBedford empezó a pensar que ella noseguía ninguna dirección exacta.

Tal comportamiento intrigó a JeanBedford. Evidentemente pensó en lalocura pero no la consideró lógica.Ni la aventura. Sin duda, jugaba. Eramuy joven.

—¿Hacia dónde va?

Ella hizo un esfuerzo, miró alotro lado de la calle, de donde ve-nían, pero no lo señaló.

—Yo... —dijo.

El empezó a reír y rió con él,de buen grado.

—Venga, vayamos por allí.

Dócil, dio media vuelta, como elhombre.

Sin embargo, su silencio lo intri-gaba cada vez más. Porque iba acom-pañado de una curiosidad extraordi-naria por los lugares que atravesaban,aunque fuesen absolutamentebanales. Hubiérase dicho no sólo queacababa de llegar a la ciudad, sinoque había venido para encontrar denuevo un lugar donde buscar algo,una casa, un jardín, una calle, inclu-so un objeto que hubiera sido de gran

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grande importance et qu’elle ne pouvaittrouver que de nuit.

—J’habite très près d’ici, dit JeanBedford. Si vous cherchez quelquechose, je peux vous renseigner.

Elle répondit avec netteté

— Rien.

S’il s’arrêtait, elle s’arrêtait aussi. Ils’amusa à le faire. Mais elle ne s’aperçutpas de ce jeu. Il continua. Il s’arrêta unefois assez longtemps : elle l’attendit.Jean Bedford cessa le jeu. Il la laissafaire à sa guise. Tout en ayant l’air de lamener, il la suivit. [27]

Il remarqua qu’en faisant trèsattention, en lui donnant l’illusion, àchaque tournant, de suivre, ellecontinuait le mouvement, elle avançait,mais ni plus ni moins que le vent quis’engouffre là où il trouve du champ.

Il la fit marcher encore un peu, puisil lui vint à l’idée, pour voir un peu,de revenir dans le boulevard où ill’avait trouvée. Elle se braqua tout netlorsqu’ils passèrent devant unecertaine maison. Il reconnut le portail,là où elle s’était cachée. La maisonétait grande. La porte d’entrée étaitrestée ouverte.

C’est alors qu’il lui vint à l’espritqu’elle était peut-être Lol Stein. Il neconnaissait pas la famille Stein mais ilsavait que c’était dans ce quartierqu’elle habitait. L’histoire de la jeunefille il la connaissait, comme toute labourgeoisie de la ville qui allait, danssa majorité, passer ses vacances à T.Beach.

Il s’arrêta, prit sa main. Elle le laissafaire. Il embrassa cette main, elle avaitune odeur fade, de poussière, à sonannulaire il y avait une très belle baguede fiançailles. Les journaux avaientannoncé la vente de tous les biens duriche Michael Richardson, et son départpour Calcutta. La bague éclatait de tousses feux. Lol la regarda, elle aussi,avec la même curiosité que le reste.-Vous ê tes M°° Ste in , n ’es t -cepas?

De la tête elle fit signe plusieurs fois,

importancia para ella y que sólo pu-diera hallar de noche.

—Vivo cerca de aquí —dijoJean Bedford—. Si busca a lgopuedo informarla.

Contestó con franqueza:

—Nada.

Si se detenía, ella se detenía también.A él le divertía hacerlo. Pero ella no sedio cuenta del juego. El continuó. Unavez se detuvo durante bastante rato: ellale esperó. Jean Bedford dejó de jugar.La dejó a su aire. Aunque parecía guiar-la, la seguía. [22]

Advirtió que poniendo mucha aten-ción, al proporcionarle la ilusión, encada esquina, de seguir, ella continua-ba el movimiento, avanzaba, pero nimás ni menos que el viento al precipi-tarse allí donde encuentra espacio.

La hizo caminar un poco más, des-pués tuvo la idea, para ver qué suce-día, de regresar al bulevar donde lahabía encontrado. Ella se giró en re-dondo al pasar ante una casa determi-nada. El reconoció el portal, aquel enel que ella se había escondido. La casaera grande. La puerta de entrada per-manecía abierta.

Fue entonces cuando se le ocu-rrió que quizá se tratara de LolStein . No conocía a la famil iaStein pero sabía que vivía en esebarrio. Conocía la historia de lamuchacha, como toda la burgue-sía de la ciudad que iba, en su ma-yor parte, a pasar sus vacacionesa T. Beach.

Se detuvo, le cogió la mano. Ella ledejó hacer. Besó esta mano, despedía unolor insípido, de polvo, en su anular ha-bía un precioso anillo de prometida. Losperiódicos habían anunciado la venta detodos los bienes del rico MichaelRichardson, y su partida hacia Calcuta.El anillo brillaba con todos sus destellos.Lol también lo miró, con la misma curio-sidad con que miraba todo lo demás.

—¿Es usted la señorita Stein, ver-dad?

Hizo un gesto con la cabeza repeti-

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Notes Duras’ Stein tr. de Ana Mª Moix

de façon mal assurée au début puis plusnettement à la fin. [28]

— Oui.

Toujours docile, elle le suivit chez lui.

Là elle se laissa aller à unenonchalance heureuse. Il lui parla. Illui dit qu’il travaillait dans une usined’aviation, qu’il était musicien, qu’ilvenait de passer des vacances enFrance. Elle écoutait. Qu’il étaitheureux de la connaître.

— Que désirez-vous?

Elle n’arriva pas à répondre malgréun effort visible. Il la laissa en paix.

Ses cheveux avaient la mêmeodeur que sa main, d’objet inutilisé.Elle était belle mais elle avait, de latristesse, de la lenteur du sang àremonter sa pente, la grise pâleur. Sestraits commençaient déjà à disparaîtredans celle-ci, à s’enliser de nouveaudans la profondeur des chairs. Elleavait rajeuni. On lui aurait donnéquinze ans. Même quand je l’aiconnue à mon tour, elle était restéemaladivement jeune.

Elle s’arracha à la fixité de sonregard sur lui, et dans un pleur elledit, mais implorante

—J’ai le temps, que c’est long.

Elle se releva vers lui, quelqu’un quiétouffe, qui cherche l’air, et ill’embrassa. C’était ce qu’elle voulait.Elle s’agrippa et embrassa à son tour, àlui faire mal, de même que si elle l’eûtaimé, l’inconnu. Il lui dit gentiment

— Peut-être que tout recommenceraentre vous deux.

Elle lui plaisait. Elle provoquait ledésir qu’il [29] aimait des petites fillespas tout à fait grandies, tristes,impudiques, et sans voix. Il lui apprit lanouvelle sans le vouloir.

— Peut-être qu’il reviendra.

Elle chercha les mots, dit lentement

— Qui est parti?

das veces; primero, de modo inseguro;después, por fin, más rotundo.

—Sí.

Siempre dócil, le siguió a su casa.

Allí, se abandonó a una indolen-cia feliz. El le habló. Le dijo que tra-bajaba en una fábrica de aviación,que era músico, que acababa de pa-sar sus vacaciones [23] en Francia.Ella escuchaba. Que se sentía felizpor haberla conocido.

—¿Qué desea?

A pesar de un visible esfuerzo, nollegó a contestar. La dejó en paz.

Sus cabellos exhalaban el mismoolor que su mano, un olor a objeto in-utilizado. Era hermosa pero presentabauna palidez gris, a causa de la tristeza,de la lentitud de la sangre para remon-tar su cuesta. Sus rasgos ya empezabana desaparecer en dicha palidez, a hun-dirse de nuevo en la profundidad de lacarne. Había rejuvenecido. Se le hubie-ran calculado quince años. Incluso cuan-do yo, a mi vez, la conocí, se manteníaenfermizamente joven.

Se desprendió de la fijeza de su mi-rada sobre él y entre lágrimas dijo,implorante:

—Tengo tiempo, el tiempo es largo.

Se levantó y fue hacia él, alguienque se asfixia, que busca el aire, yél la abrazó. Es lo que ella quería y,a su vez, se le aferró, hasta hacerledaño, como si amara al desconoci-do. El, amigablemente, le dijo:

—Quizá todo vuelva a empezar en-tre ustedes dos.

Le gustaba. Le desper taba eldeseo que l e enamor i scaba enlas niñas a medio crecer, t r istes,impúdicas , y s in voz. Sin que-rer, le dio la not ic ia :

—Quizá regrese.

Buscó las palabras, lentamente dijo:

—¿Quién se ha marchado?

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Notes Duras’ Stein tr. de Ana Mª Moix

— Vous ne saviez pas? MichaelRichardson a vendu ses propriétés.I l est part i aux Indes rejoindreMme Stretter.

Elle hocha la tête de façon un peuconventionnelle, tristement.

— Vous savez, dit-il, moi je ne leurai pas donné tort comme les gens.

Il s’excusa, lui dit qu’il allaittéléphoner à sa mère. Elle ne s’yopposa pas.

La mère prévenue par Jean Bedfordarriva une deuxième fois chercher sonenfant pour la ramener chez elle. Ce futla dernière. Cette fois-là Lol la suivitcomme, un moment avant, elle avaitsuivi Jean Bedford.

Jean Bedford la demanda en mariagesans l’avoir revue.

Leur histoire s’ébruita - S. Tahlan’était pas assez grande pour se taireet avaler l’aventure -onsoupçonna-Jean Bedford de n’aimerque les femmes au coeur déchiré, onle suspecta aussi, plus gravement,d’avoir d’étranges inclinations [30]pour les jeunes filles délaissées, pard’autres rendues folles.

Sa mère fit part à Lol de lasingulière démarche du passant. S’ensouvenait-elle? Elle s’en souvenait.Elle acceptait. Jean Bedford, luidit-elle, devait s’éloigner de S. Tahla,en raison de son travail, pendantquelques années, acceptait-elle aussi?Elle acceptait aussi.

Un jour d’octobre Lol V. Stein setrouva mariée à Jean Bedford.

Le mariage eut lieu dans une intimitérelative car Lol allait beaucoup mieux,disait-on, et ses parents voulaient, dansla mesure du possible, faire oublier sespremières fiançailles. Cependant laprécaution fut prise de ne prévenir niinviter aucune des jeunes fillesanciennes amies de Lol, même lameilleure d’entre elles, Tatiana Karl.Cette précaution joua de travers. Elle

—¿No lo sabe? MichaelRichardson ha vendido sus bienes. Seha ido a la India para reunirse con laseñora Stretter.

Bajó la cabeza de un modo un tantoconvencional, tristemente. [24]

—¿Sabes? —dijo él—, yo no lesecho la culpa como hace la gente.

Se excusó, le di jo que iba ate lefonear a su madre. El la nose opuso.

La madre, avisada por JeanBedford, llegó por segunda vez a bus-car a su hija para llevarla a casa. Fuela última. En aquella ocasión Lol lasiguió como, un momento antes, habíaseguido a Jean Bedford.

Jean Bedford la pidió en matrimo-nio sin volver a verla.

Su historia se propagó —S. Tahlano era lo bastante grande como paracallar y tragar la aventura—, se sospe-chaba que Jean Bedford sólo amaba alas mujeres con el corazón destroza-do, se le suponía también, con más gra-vedad, tener extrañas inclinacioneshacia las jóvenes abandonadas, enlo-quecidas por otros.

La madre puso en conocimientode Lol el singular trámite del pasean-te. ¿Lo recordaba? Lo recordaba.Aceptaba. Jean Bedford, le dijo, seveía obligado a alejarse de S. Tahla,por causa de su trabajo, durante al-gunos años, ¿aceptaba también?También aceptaba.

________ ____ ______ ___ __ _ __ _ __ __ ___________

La boda tuvo lugar en una intimi-dad relativa, pues Lol estaba muchomejor, decían, y sus padres querían, enla medida de lo posible, hacer olvidarsu primer noviazgo. Sin embargo, setomó la precaución de no avisar ni in-vitar a ninguna de las jóvenes viejasamigas de Lol, ni siquiera a la mejorde ellas, a Tatiana Karl. Tal precauciónprodujo efectos contrarios. Dio la ra-

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confirma ceux qui croyaient que Lolétait profondément atteinte, y comprisTatiana Karl.

Ainsi, Lol fut mariée sans l’avoirvoulu, de la façon qui lui convenait, sanspasser par la sauvagerie d’un choix, sansavoir à plagier le crime qu’aurait été,aux yeux de quelques-uns, le rem-placement par un être unique du partantde T. Beach et surtout sans avoir trahil’abandon exemplaire dans lequel ill’avait laissée. [31]

Lol qui t ta S. Tahla , sa vi l lenatale, pendant dix ans. Elle habitaU. Bridge.

Elle eut trois enfants dans lesannées qui suivirent son mariage.

Pendant dix ans, on le croit autourd’elle, elle fut fidèle à Jean Bedford.Que ce mot ait eu un contenuquelconque pour elle, ou non, on ne l’asans doute jamais su. Il ne fut jamaisquestion entre eux, jamais, ni du passéde Lol ni de la fameuse nuit de T.Beach.

Même après sa guérison, elle nes’inquiéta jamais de savoir ce qu’il étaitadvenu des gens qu’elle avait connusavant son mariage. La mort de sa mère- elle avait désiré la revoir le moinspossible après son mariage - la laissasans une larme. Mais cette indifférencede Lol ne fut jamais mise en questionautour d’elle. Elle était devenue ainsidepuis qu’elle avait tant souffert,disait-on. Elle, si tendre autrefois - ondisait cela comme tout le reste, sur sonpassé devenu de fer-blanc - elle étaitnaturellement devenue [32] impitoyableet même en peu injuste, depuis sonhistoire avec Michael Richardson. Onlui trouva des excuses surtout lorsquesa mère mourut.

Elle paraissait confiante dans ledéroulement futur de sa vie, ne vouloirguère changer. En compagnie de sonmari on la disait à l’aise, et mêmeheureuse. Parfois elle le suivait dans sesdéplacements d’affaires. Elle assistaità ses concerts, l’encourageait à tout ce

zón a quienes creían [25] —entre ellos,Tatiana Karl— que Lol se sentía pro-fundamente herida.

Así, Lol se casó sin haberlo desea-do, del modo que le convenía, sin pa-sar por el horror de una elección, sintener que plagiar el crimen que hubierasupuesto, ante algunos, la sustituciónpor un ser único del que partió de T.Beach y sobre todo sin haber traicio-nado el abandono ejemplar en el quela había dejado. [26]

Lol abandonó S. Tahla, su ciudadnatal, durante diez años. Vivió en U.Bridge.

A lo largo de los años que siguierona su matrimonio tuvo tres hijos.

Durante diez años, así se creía asu alrededor, fue fiel a Jean Bedford.No hay duda de que nunca se suposi esa palabra tenía o no algún sig-nificado para ella. Nunca fue pro-blema entre ellos, nunca, ni el pasa-do de Lol ni la famosa noche de T.Beach.

. Incluso después de su curación,nunca se preocupó por saber qué ha-bía sido de la gente que había conoci-do antes de su matrimonio. La muertede su madre —había deseado verla lomenos posible después de casada— ladejó sin una lágrima. Pero esta indife-rencia de Lol nunca se puso en cues-tión a su alrededor. Se había vuelto asídesde que había sufrido tanto, decían.Tan tierna antaño —decían eso comotodo lo demás, acerca de su pasado quese había vuelto, con el tiempo, de ho-jalata—, se había vuelto despiadada, eincluso un poco injusta, desde su his-toria con Michael Richardson. Ladisculpaban, sobre todo cuando sumadre murió.

Parecía confiada en el futuro de-sarrollo de su vida, no desear apenascambiar. Parecía a gusto en compa-ñía de su marido, e incluso feliz. Aveces lo seguía en sus desplazamien-tos de negocios. Asistía [27] a susconciertos, le animaba a todo lo que

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qu’il aimait faire, à la tromper aussi,disait-on, avec les très jeunes ouvrièresde son usine.

Jean Bedford disait aimer sa femme.Telle qu’elle était, qu’elle avait toujoursété avant et depuis son mariage, il disaitqu’elle lui plaisait toujours, qu’il necroyait pas l’avoir modifiée mais l’avoirbien choisie. Il aimait cette femme-là,Lola Valerie, cette calme présence à sescôtés, cette dormeuse debout, ceteffacement continuel qui le faisait alleret venir entre l’oubli et les retrouvaillesde sa blondeur, de ce corps de soie quele réveil jamais ne changeait, de cettevirtualité constante et silencieuse qu’ilnommait sa douceur, la douceur de safemme.

Un ordre rigoureux régnait dans lamaison de Lol à U. Bridge. Celui-ci étaitpresque tel qu’elle le désirait, presque,dans l’espace et dans le temps. Lesheures étaient respectées. Lesemplacements de toutes choses,également. On ne pouvait approcherdavantage, tous en convenaient autourde Lol, de la perfection. [33]

Parfois, surtout en l’absence deLol, cet ordre immuable devaitfrapper Jean Bedford. Ce goût aussi,froid, de commande. L’agencementdes chambres, du salon était laréplique fidèle de celui des vitrinesde magasin, celui du jardin dont Lols’occupait de celui des autres jardinsde U. Bridge. Lol imitait, mais qui?les autres, tous les autres, le plusgrand nombre possible d’autrespersonnes. La maison, l’après-midi,en son absence, ne devenait-elle pasla scène vide où se jouait le soliloqued’une passion absolue dont le senséchappait? Et n’était-il pas inévitableque parfois Jean Bedford y ait peur?Que ce fût là qu’il devait guetter lepremier craquemement des glaces del’hiver? Qui sai t? Qui sai t s’ i ll’entendit un jour?

Mais il est facile de rassurer JeanBedford et quand sa femme étaitprésente - c’était la plupart du temps -quand elle se tenait au milieu de sonrègne, celui-ci devait perdre sonagressivité, provoquer moins à se poserdes questions. Lol rendait son ordrepresque naturel, il lui convenait bien.

le gustaba hacer, incluso a engañarla,decían, con las muy jóvenes obrerasde su fábrica.

Jean Bedford decía amar a su mujer.Tal como era, tal como ella había sidosiempre, antes y después de su matri-monio; decía que siempre le gustaba,que no creía haberla cambiado pero síhaberla elegido bien. Amaba a aquellamujer, a Lola Valerie, esa presencia cal-ma a su lado, esa durmiente viva, esecontinuo eclipsarse que le hacía ir yvenir entre el olvido y las reaparicionesde su pelo rubio, de ese cuerpo de sedaque el despertar jamás cambiaba, de esavirtualidad constante y silenciosa queél denominaba su dulzura, la dulzura desu mujer.

Un orden riguroso reinaba en lacasa de Lol en U. Bridge. Tal or-den era casi como ella lo desea-ba, casi , en el espacio y en eltiempo. Se respetaban las horas.Igual que la colocación de todaslas cosas . Imposib le acercarsemás a la perfección, convenían to-dos alrededor de Lol.

A veces, sobre todo en ausencia deLol, aquel orden inmutable debía deimpresionar a Jean Bedford. Tambiénaquel gusto, frío, de encargo. La dispo-sición de la sala, de las habitaciones,era la réplica fiel de la de los escapara-tes de las tiendas; la del jardín del queLol se ocupaba, la de otros jardines deU. Bridge. Lol imitaba, pero, ¿a quién?,a los demás, a todos los demás, al ma-yor número posible de las demás per-sonas. La casa, al mediodía, en su au-sencia, ¿no se convertía en el escenariovacío donde se interpretaba el soliloquiode una pasión absoluta cuyo sentido nose dejaba aprehender? ¿Y no resultabainevitable que a veces Jean Bedford sin-tiera miedo? ¿Que fuese allí donde de-bía [28] acechar el primer crujido de loshielos invernales? ¿Quién sabe? ¿Quiénsabe si los oyó algún día?

Pero es fácil tranquilizar a JeanBedford y cuando su mujer se ha-llaba presente —la mayor parte deltiempo—,cuando se encontraba enmedio de su reino, éste debía deperder su agresividad, provocarmenos preguntas. Lol volvía su or-den casi natural, le convenía.

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Dix ans de mariage passèrent.

On offrit un jour à Jean Bedfordde choisir entre plusieurs situationsmeilleures dans différentes villes dontS. Tahla. Il avait toujours un peuregretté S. Tahla qu’il avait quittéaprès son [34] mariage, sur lademande de la mère de Lol

Une même durée de dix ans s’étaitécoulée depuis le départ définitif deMichael Richardson. Et non seulementLol n’en avait jamais parlé mais elledevenait toujours plus joyeuse, avecl’âge. Alors, si Jean Bedford hésita unpeu à accepter l’offre qu’on lui faisait,Lol eut facilement raison de sonindécision. Elle dit seulement qu’elleserait très heureuse de reprendre lamaison de ses parents, jusque-là enlocation.

Jean Bedford lui fit ce plaisir.

Lol V. Stein installa sa maison natalede S. Tahla avec le même soin très strictque celle de U. Bridge. Elle réussit à yintroduire le même ordre glacé, à la fairemarcher au même rythme horaire. Lesmeubles ne furent pas changés. Elles’occupa beaucoup du jardin qui avaitété laissé à l’abandon, elle s’était déjàbeaucoup occupée de celui qui avaitprécédé, mais cette fois elle fit, dans sontracé, une erreur. Elle désirait des alléesrégulièrement disposées en éventailautour du porche. Les allées, dontaucune ne débouchait sur l’autre, nefurent pas utilisables. Jean Bedfords’amusa de cet oubli. On fit d’autresallées latérales qui coupèrent lespremières et qui permirent logiquementla promenade.

La situation de son mari s’étant bienaméliorée, Lol, à S. Tahla, prit unegouvernante et se trouva déchargée dusoin des enfants.

Elle eut du temps libre, beaucoup,soudain, et [35] elle prit l’habitude dese promener dans la ville de son enfanceet dans ses alentours.

Alors qu’à U. Bridge, pendant dixans, Lol était si peu sortie, si peu que

Transcurrieron diez años de matrimonio.

Un día ofrecieron a Jean Bedfordelegir entre varias situaciones, mejoresde la que gozaba, en diferentes ciuda-des, entre ellas S. Tahla. Siempre habíaañorado un poco S. Tahla, que habíadejado después de su boda, a peticiónde la madre de Lol.

El mismo período de diez años ha-bía transcurrido desde la partida defi-nitiva de Michael Richardson. Y Lolno sólo nunca había hablado de eseasunto sino que se había vuelto cadavez más alegre, con la edad. Si JeanBedford dudó un poco en aceptar laoferta que se le hacía, Lol resolvió fá-cilmente su indecisión. Sólo dijo quese sentiría dichosa por recobrar la casade sus padres, hasta aquel momento enalquiler.

Jean Bedford le proporcionó ese placer.

Lol V. Stein dispuso su casa natal deS. Tahla con el mismo y escricto esme-ro que la de U. Bridge. Consiguió in-troducir en ella el mismo orden glacial,hacerla funcionar al ritmo del mismohorario. No cambiaron los muebles. Seocupó mucho del jardín, que habíandejado en estado de abandono; se habíaya ocupado mucho del anterior, pero enesa ocasión cometió un error en su tra-zado. Deseaba [29] senderos regular-mente dispuestos en abanico alrededordel porche. Los senderos, ninguno delos cuales desembocaba en otro, resul-taron inutilizables. Jean Bedford se di-virtió con semejante olvido. Se hicie-ron otros senderos laterales que corta-ron los primeros y que, lógicamente,posibilitaron el paseo.

Habiendo mejorado tanto la situa-ción de su marido, Lol tomó una sir-vienta en S. Tahla, y se encontró libera-da del cuidado de los niños. [30]

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son mari, parfois, l’y obligeait pour sasanté, à S. Tahla elle prit cette habituded’elle-même.

D’abord, elle sortit de temps entemps, pour faire des achats. Puis ellesortit sans prétexte, régulièrement,chaque jour.

Ces promenades lui devinrent trèsvite indispensables comme tout chezelle l’était devenu jusque-là : laponctualité, l’ordre, le sommeil.

Aplanir le terrain, le défoncer,ouvrir des tombeaux où Lol fait lamorte, me paraît plus juste, dumoment qu’il faut inventer leschaînons qui me manquent dansl’histoire de Lol V. Stein, que defabriquer des montagnes, d’édifierdes obstacles , d e s a c c i d e n t s .Et je crois, connaissant cette femme,qu’elle aurait préféré que je remédiedans ce sens à la pénurie des faits desa vie. D’ailleurs c’est toujours à partird’hypothèses non gratuites et qui ontdéjà, à mon avis, reçu un début deconfirmation, que je le fais.

Ainsi, si, de ce qui suit, Lol n’a parléà personne, la gouvernante se souvient,elle, un peu du calme de la rue certainsjours, du passage des amants, dumouvement de retrait de Lol - il n’yavait pas longtemps qu’elle était chezles Bedford et elle ne l’avait jamais vueencore agir ainsi. Alors, comme moi, demon côté, je crois me souvenir aussi dequelque chose, je continue

Une fois sa maison installée - il nerestait plus [37] qu’une chambre dudeuxième étage à meubler -l’après-midid’un jour gris une femme était passéedevant la maison de Lol et elle l’avaitremarquée. Cette femme n’était passeule. L’homme qui était avec elle avaittourné la tête et il avait regardé lamaison fraîchement repeinte, le petitparc où travaillaient des jardiniers. Dèsque Lol avait vu poindre le couple dansla rue, elle s’était dissimulée derrièreune haie et ils ne l’avaient pas vue. Lafemme avait regardé à son tour, maisde façon moins insistante que l’homme,comme quelqu’un qui connaît déjà. Ils

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Dado que hay que inventarlos eslabones que me faltan enla historia de Lol V. Stein, con-sidero más apropiado allanar elterreno, desfondarlo, abrir lastumbas donde Lol se hace lamuerta, que levantar montañas,forjar obstáculos, accidentes.Y creo, conociéndola, que esta mujerhubiera preferido que yo paliara, eneste sentido, la penuria de los hechosde su vida. Por otra parte, siempre lohago a partir de hipótesis no gratuitasy que, en mi opinión, han recibido unprincipio de confirmación.

Así, si Lol nunca habló a nadie de loque sigue, la sirvienta lo recuerda va-gamente: la calma de la calle determi-nados días, el pasear de los amantes, elgesto de recogimiento de Lol —no ha-cía mucho tiempo que estaba en casade los Bedford y aún no la había vistocomportarse de ese modo. Y dado queyo, por mi parte, creo recordar algunascosas, continúo:

Una vez instalada la casa —sóloquedaba una habitación del segun-do piso por amueblar—, una tardede un día gris una mujer pasó pordelante y llamó su atención. Estamujer no iba sola. El hombre quela acompañaba volvió la cabeza ymiró la casa recién pintada, elparquecillo donde los jardinerostrabajaban. En cuanto Lol vio apa-recer a la [31] pareja en la calle,se ocultó detrás de un seto y no lavieron. La mujer, a su vez, miró,pero de una manera menos insis-tente que el hombre, como alguienque ya sabe. Intercambiaron algu-

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s’étaient dit quelques mots que Loln’avait pas entendus malgré le calme dela rue, sauf ceux-ci, isolément, dits parla femme

— Morte peut-être.

Une fois le parc dépassé ils s’étaientarrêtés. II avait pris la femme dans sesbras et il l’avait embrassée furtivementtrès fort. Le bruit d’une auto l’avait faitla lâcher. Ils s’étaient quittés. Lui avaitrebroussé chemin et, d’un pas plusrapide, il était repassé devant la maisonsans regarder.

Lol, dans son jardin, n’est pas sûred’avoir reconnu la femme. Desressemblances flottent autour de cevisage. Autour de cette démarche, duregard aussi. Mais le baiser coupable,délicieux, qu’ils se sont donné en sequittant, surpris par Lol, n’affleure-t-ilpas lui aussi un peu à sa mémoire? [38]

Elle ne cherche pas plus avant quielle a ou non revu. Elle attend.

C’est peu de temps après qu’elleinvente - elle qui paraissait n’inventerrien - de sortir dans les rues.

La relation entre ces sorties et lepassage du couple, je ne la vois pas tantdans la ressemblance entr’aperçue parLol, de la femme, que dans les mots quecelle-ci a dits négligemment et .que Lol,c’est probable, a entendus.

Lol bougea, elle se retourna dans sonsommeil. Lol sortit dans les rues, elleapprit à marcher au hasard.

Une fois sortie de chez elle, dèsqu’elle atteignait la rue, dès qu’elle semettait en marche, la promenade lacaptivait complètement, la délivrait devouloir être ou faire plus encore quejusque-là l’immobilité du songe. Lesrues portèrent Lol V. Stein durant sespromenades, je le sais.

Je l’ai suivie à plusieurs reprisessans que jamais elle ne me surprenne,ne se retourne happée par-devant elle,droit.

Un accident insignifiant, et qu’ellen’aurait peut-être même pas pumentionner, déterminait ses détours :

nas palabras que Lol no oyó a pe-sar de la calma que reinaba en lacalle, salvo éstas, pronunciadaspor la mujer:

—Muerta, quizá.

Una vez dejado atrás el parque, sedetuvieron. El tomó a la mujer entresus brazos y la besó furtivamente, conmucha intensidad. El ruido de un co-che le obligó a soltarla. Se separaron.El hombre retrocedió y, con paso másrápido, volvió a pasar por delante dela casa sin mirar.

Lol, en su jardín, no está segura dehaber reconocido a la mujer. Las seme-janzas flotan en torno a ese rostro. Entorno a ese modo de andar, en torno aesa mirada. Pero el beso culpable,delicioso, que se han dado al separarse,sorprendido por Lol, ¿no aflora tambiénlevemente en su memoria?

No intenta recordar a quién ha o noha vuelto a ver. Espera.

Es poco tiempo después cuando sele ocurre —a ella, a quien parecía noocurrírsele nada— salir a la calle.

Veo la relación entre esas salidasy el paseo de la pareja, más que en elparecido de la mujer entrevisto porLol, en las palabras que aquéllapronunció negligentemente y queLol, probablemente, oyó.

Lol se agitó, se revolvía en sue-ños. Lol salía a las calles, apren-dió a caminar sin rumbo.

Después de salir de su casa, encuanto llegaba a la calle, en cuanto em-pezaba a caminar, el paseo la cautiva-ba por completo, la liberaba de quererser o hacer mejor que hasta aquel mo-mento la inmovilidad [32] del sueño.Las calles arrastraban a Lol V. Steindurante sus paseos, lo sé.

La he seguido en repetidas ocasio-nes sin que jamás me sorprendiese, nose vuelve atrapada bruscamente, enpie.

Una casualidad insignificante, yque quizá ni siquiera hubiera podidomencionar, determinaba sus rodeos: el

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le vide d’une rue, la courbe d’une autrerue, un magasin de modes, la tristesserectiligne d’un boulevard, l’amour, lescouples enlacés aux angles des jardins,sous les porches. Elle passait alors dansun silence religieux. Parfois lesamoureux surpris, ils ne la voyaientjamais venir, [39] sursautaient. Elledevait s’excuser mais à voix si basseque personne n’avait jamais dûentendre ses excuses.

Le centre de S. Tahla est étendu,moderne, à rues perpendiculaires. Lequartier résidentiel est à l’ouest de cecentre, large, il prend ses aises, pleinde méandres, d’impasses imprévues. Ily a une forêt et des champs, des routes,après ce quartier. Lol n’est jamais alléeaussi loin que la forêt de ce côté-là deS. Tahla. De l’autre côté elle est alléepartout, c’est là que se trouve sa maison,enclavée dans le grand faubourgindustriel.

S. Tahla est une ville assez grande,assez peuplée pour que Lol ait eul’assurance, tandis qu’elle les faisait,que ses promenades devaient passerinaperçues. D’autant plus qu’ellen’avait pas de quartier de prédilection,elle allait partout, elle ne repassait quepeu souvent aux mêmes endroits.

Rien d’ailleurs dans les vêtements,dans la conduite de Lol ne pouvait lasignaler à une attention plus précise. Laseule chose qui eût pu le faire c’étaitson personnage lui-même, Lola Stein,la jeune fille abandonnée du casino deT. Beach qui était née et qui avait grandià S. Tahla. Mais si quelques-unsreconnurent en elle cette jeune fille,victime de l’inconduite monstrueuse deMichael Richardson, qui aurait eu lamalveillance, l’indélicatesse de le luirappeler? Qui aurait dit [40]

— Je me trompe peut-être, maisn’êtes-vous pas Lola Stein?

Au contraire.

Si le bruit avait couru que lesBedford étaient revenus à S. Tahla et siquelques-uns en avaient eu laconfirmation en voyant passer la jeunefemme, personne n’était allé vers elle.On jugeait sans doute qu’elle avait faitun pas énorme en revenant et qu’elle

vacío de una calle, la curva de otra,una, tienda de modas, la tristezarectilínea de un bulevar, el amor, lasparejas abrazadas en los rincones delos jardines, bajo los porches. Seguíasumida en un silencio religioso. A ve-ces los enamorados sorprendidos, quenunca la veían llegar, se sobresalta-ban. Se veía obligada a excusarse,pero en voz tan baja que nadie debiónunca de oír sus excusas.

El centro de S. Tahla es extenso,moderno, formado por calles perpendi-culares. El barrio residencial se halla aloeste de dicho centro, ancho, conforta-ble, lleno de meandros, de imprevistoscallejones sin salida. Después de estebarrio hay un bosque y campos, carre-teras. Lol, por ese lado de S. Tahla, nun-ca iba más allá del bosque. Por el otro,iba por todas partes, es allí donde seencuentra su casa, situada en el gransuburbio industrial.

S. Tahla es una ciudad bastantegrande, bastante poblada como paraque Lol se sintiera segura de que suspaseos, mientras los llevaba a cabo,pasaban desapercibidos. No tenien-do un barrio predilecto, iba por to-das partes, sólo pocas veces volvía apasar por los mismos lugares.

Por otra parte, nada en la vestimen-ta, en la conducta de Lol, podía suscitaruna especial atención. Lo único quepodía provocarla era su propio perso-naje, Lola Stein, la joven abandonadadel casino de T. Beach, que había naci-do y crecido en S. Tahla [33] Pero sialgunas personas reconocieran en ellaa aquella joven, víctima de la impropia,monstruosa conducta de MichaelRichardson, ¿quién hubiera tenido lamalevolencia, la indelicadeza de recor-dárselo? ¿Quién hubiera dicho?:

—Quizá me equivoque, pero, ¿no esusted Lola Stein?

Al contrario.

Si había corrido el rumor de quelos Bedford habían regresado a S.Tahla y si algunos lo confirmaronal ver pasear a la joven, nadie sehabía dirigido a ella. Sin duda, con-sideraban que había dado un pasoenorme al regresar y que se mere-

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méritait la paix.

je ne crois pas qu’il vint à l’esprit deLol qu’on évitait de la reconnaître pourne pas se mettre dans la situationgênante de lui rappeler une peineancienne, une difficulté de sa vie passée,du moment qu’elle, elle n’allait verspersonne et paraissait manifester ainsile désir d’oublier.

Non, Lol dut s’approprier le méritede son incognito à S. Tahla, leconsidérer comme une épreuve àlaquelle chaque jour elle se soumettaitet de laquelle elle sortait chaque jourvictorieuse. Elle devait toujours serassurer davantage après sespromenades : si elle le voulait on lavoyait très peu, à peine. Elle se croitcoulée dans une identité de natureindécise qui pourrait se nommer denoms indéfiniment différents, et dont lavisibilité dépend d’elle.

L’installation définitive du couple,son assise, sa belle maison, son aisance,les enfants, la calme régularité de lamarche de Lol, la rigueur de sonmanteau gris, ses robes sombres au goûtdu jour ne prouvaient-ils pas qu’elleétait sortie à tout [41] jamais d’une crisedouloureuse? Je ne sais pas. Mais le faitest là : personne ne l’a abordée pendantces semaines d’errance bienheureuse àtravers la ville, personne.

Elle, reconnut-elle quelqu’unà S . Tah la? A par t , mal , ce t t efemme devant chez elle, ce jour gris?Je ne crois pas.

J’ai vu, en la suivant - posté cachéface à elle qu’elle souriait parfois àcertains visages, ou du moins on auraitpu le croire. Mais le sourire captif deLol, la suffisance immuable de sonsourire a fait qu’on n’est pas allé plusloin qu’en souriant soi-même. Elle avaitl’air de se moquer d’elle et de l’autre,un peu gênée mais amusée de se trouverde l’autre côté du large fleuve qui laséparait de ceux de S. Tahla, du côté oùils n’étaient pas.

Ainsi Lol V. Stein s’est-elleretrouvée dans S. Tahla, sa ville natale,cette ville qu’elle connaissait par coeur,sans disposer de rien, d’aucun signe quitémoigne de cette connaissance à ses

cía la paz.

No creo que a Lol se le ocurrierapensar que evitaban reconocerlapara no verse en la molesta situaciónde recordarle una antigua pena, lossinsabores de su vida pasada, desdeel momento en que no se dirigía anadie y parecía manifestar así eldeseo de olvidar.

No, Lol debió de apropiarse elmérito de sus paseos de incógnitopor S. Tahla, considerarlo una prue-ba a la que cada día se sometía y dela que cada día salía victoriosa. De-bía de seguir tranquilizándose másdespués de sus paseos: si no lo de-seaba apenas se la veía, muy poco.Se creía vertida en una identidad denaturaleza indecisa que podía nom-brarse con nombres indefinidamen-te diferentes, y cuya visibilidad de-pendía de ella.

La instalación definitiva de la pare-ja, su acomodo, su hermosa casa, subuena posición, los hijos, la tranquilaregularidad del transcurrir de Lol, el ri-gor de su abrigo gris, sus oscuros vesti-dos a la moda, ¿no demostraban quehabía salido para siempre de una dolo-rosa crisis? No lo sé. Pero la realidad esésta: nadie la abordó durante esas se-manas [34] de bienaventurado errar através de la ciudad, nadie.

¿Reconocía a alguien en S. Tahla?¿A alguien, aparte, y mal, de aquellamujer, delante de su casa, aquel díagris? No lo creo.

Vi, al seguirla —apostado y ocultofrente a ella— que a veces sonreía adeterminados rostros, o al menos pare-cía hacerlo. Pero la sonrisa cautiva deLol, la inmutable suficiencia de su son-risa, hacía que uno no fuera más allá desonreírse a sí mismo. Parecía burlarsede ella y del otro, un poco molesta perodivertida por encontrarse al otro ladodel ancho río que la separaba de los deS. Tahla, del lado en el que no habíanadie.

Así, Lol V. Stein volvía a encon-trarse en S. Tahla, su ciudad natal,esa ciudad que conocía de memoria,sin disponer de nada, de ninguna se-ñal que testimoniara ese conoci-

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propres yeux. Elle reconnaissait S.Tahla, la reconnaissait sans cesse et pourl’avoir connue bien avant, et pourl’avoir connue la veille, mais sanspreuves à l’appui renvoyée par S. Tahla,chaque fois, balle dont l’impact eûttoujours été le même; elle seule, ellecommença à reconnaître moins, puisdifféremment, elle commença àretourner jour après jour, pas à pas versson ignorance de S. Tahla.

Cet endroit du monde où on croit.qu’elle a vécu sa douleur passée, cetteprétendue douleur, [42] s’efface peu àpeu de sa mémoire dans sa matérialité.Pourquoi ces lieux plutôt que d’autres?En quelque point qu’elle s’y trouve Loly est comme une première fois. De ladistance invariable du souvenir elle nedispose plus : elle est là. Sa présencefait la ville pure, méconnaissable. Ellecommence à marcher dans le palaisfastueux de l’oubli de S. Tahla.

Quand elle revenait dans sa maison-Jean Bedford en a témoigné auprès deTatiana Karl -, qu’elle reprenait placedans l’ordre qu’elle y avait mis, elle étaitjoyeuse, aussi peu fatiguée qu’à sonlever, elle supportait mieux ses enfants,elle s’effaçait encore davantage devantleur volonté, prenait même sur elle,contre les domestiques, d’assurer leurindépendance vis-à-vis d’elle, deprotéger leurs bêtises; leurs insolencesà son égard, elle les excusait commetoujours; les petits retards qu’ellen’aurait pas pu le matin même constatersans souffrir, les petites irrégularités desheures, les petites erreurs dansl’échafaudage de son ordre, elle lesremarquait à peine après sespromenades. D’ailleurs, elle commençaà parler de cet ordre à son mari.

Elle lui dit un jour que peut-être ilavait raison, cet ordre n’était peut-êtrepas celui qu’il fallait -elle ne dit paspourquoi, - il était possible qu’elle enchange, un peu plus tard. Quand? Plustard. Lol ne précisa pas.

Elle disait chaque jour, comme sic’était la première [43] fois, qu’elles’était promenée là ou là, dans quelquartier, mais elle ne signalait jamaisle moindre incident auquel elle auraitassisté. Jean Bedford trouvait naturellela réserve de sa femme sur ses

miento ante sí misma. Reconocía S.Tahla, la reconocía sin cesar porhaberla conocido mucho antes, porhaberla conocido la víspera, pero sinpruebas en las que apoyarse, nunca,bala cuyo impacto hubiera sidosiempre el mismo; por sí sola empe-zó a reconocer menos, después, demanera diferente, empezó a regresardía tras día, paso a paso, a su igno-rancia de S. Tahla.

Ese lugar del mundo donde se creeque ella vivió su pasado dolor, ese pre-tendido dolor, se borra poco a poco desu memoria en su materialidad. ¿Por quéesos lugares antes que otros? En cual-quier lugar donde se halle Lol, allí estácomo si se tratase de la primera vez. Yano dispone de la distancia invariable delrecuerdo: ahí está. Su presencia hace laciudad pura, irreconocible. Empieza aavanzar hacia el fastuoso palacio delolvido de S. Tahla. [35]

Cuando regresaba a su casa —Jean Bedford lo ha testimoniadoante Tatiana Karl— y recobraba ellugar en el orden que había estable-cido, estaba alegre, tan poco cansa-da como al levantarse, soportabamejor a los niños, se sometía másaún ante su voluntad, se comprome-tía incluso, contra las criadas, a ga-rantizar su independencia, a protegersus tonterías; excusaba como siem-pre sus insolencias con ella; despuésde sus paseos apenas advertía lospequeños retrasos que por la maña-na no hubiera podido constatar sinsufrir, las pequeñas irregularidadesen los horarios, los pequeños erroresen el fundamento de su orden. Porotra parte, empezó a hablar de eseorden con su marido.

Un día le dijo que quizás él tu-viera razón, ese orden quizá nofuera el necesario —no dijo porqué—, posiblemente lo cambiara,algo más tarde. ¿Cuándo? Más tar-de. Lol no precisó.

Cada día, como si fuera la prime-ra vez, decía que había paseado porallí o por allá, en qué barrio, peronunca daba a conocer el menor inci-dente al que hubiera asistido. JeanBedford consideraba natural la reser-va de su mujer sobre sus paseos. Des-

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Notes Duras’ Stein tr. de Ana Mª Moix

promenades. Du moment que cetteréserve couvrait toute la conduite deLol, toutes ses activités. Ses avis étaientrares, ses récits, inexistants. Lecontentement de Lol, toujours plusgrand, ne prouvait-il pas qu’elle netrouvait rien d’amer ni de triste à la villede sa jeunesse? Le principal était là,devait penser Jean Bedford.

Lol ne parlait jamais d’achats qu’elleaurait pu faire. Elle n’en faisait jamaisdurant ses promenades à S. Tahla. Nidu temps.

Lorsqu’il pleuvait on savait autourd’elle que Lol guettait les éclairciesderrière les fenêtres de sa chambre.Je crois qu’elle devait trouver là, dansla monotonie de la pluie, cet ailleurs,uniforme, fade et sublime, plusadorable à son âme qu’aucun autremoment de sa vie présente, cet ailleursqu’elle cherchait depuis son retour àS. Tahla.

Elle consacrait ses matinées entièresà sa maison, à ses enfants, à lacélébration de cet ordre si rigoureuxqu’elle seule avait la force et le savoirde faire régner, mais quand il pleuvaittrop pour sortir, elle ne s’occupait à rien.Cette fébrilité ménagère, elle s’efforçaitde ne pas trop le montrer, se dissipaittout à fait à l’heure où elle sortait, ouaurait dû sortir même si la matinée avaitété difficile. [44]

Qu’avait-elle fait à ces heures-làpendant les dix années qui avaientprécédé? Je le lui ai demandé. Elle n’apas su bien me dire quoi. A ces mêmesheures ne s’occupait-elle à rien à U.Bridge? A rien. Mais encore? Elle nesavait dire comment, rien. Derrière desvitres? Peut-être, aussi, oui. Mais aussi.

Ce que je crois

Des pensées, un fourmillement,toutes également frappées de stérilitéune fois la promenade terminée - aucunede ces pensées jamais n’a passé la portede sa maison -viennent à Lol V. Steinpendant qu’elle marche. On dirait quec’est le déplacement machinal de soncorps qui les fait se lever toutesensemble dans un mouvementdésordonné, confus, généreux. Lol lesreçoit avec plaisir et dans un égal

de el momento en que esta reservaabarcaba toda la conducta de Lol,todas sus actividades. Sus opinioneseran escasas, sus relatos inexistentes.¿El contento de Lol, cada vez mayor,no demostraba que no hallaba nadaamargo ni triste en la ciudad de sujuventud? Ahí radicaba lo principal,debía de pensar Jean Bedford.

Lol nunca hablaba de las comprasque pudiera haber hecho. Nunca lashacía durante sus paseos por S. Tahla.Ni del tiempo.

Cuando llovía se sabía, a su alrede-dor, que Lol acechaba los claros de-trás de las ventanas de su habitación.[36] Creo que ahí, en la monotonía dela lluvia, debía de encontrar esa otraparte uniforme, insípida y sublime, másadorable para su espíritu que ningúnotro momento de su vida presente, esaotra parte que buscaba desde su regre-so a S. Tahla.

Consagraba sus mañanas enteras asu casa, a sus hijos, a la celebración deese orden tan riguroso que tan sólo ellatenía la fuerza y el saber capaces dehacer reinar, pero cuando llovía dema-siado para salir no se ocupaba de nada.Se esforzaba por no demostrar esta fe-brilidad doméstica, se disipaba porcompleto a la hora en que salía o hubie-ra debido salir, incluso si la mañanahabía sido difícil.

¿Qué hacía a tales horras du-rante los diez años precedentes?Se lo pregunté. No supo decirmequé. ¿No hacía nada en U. Brid-g e d u r a n t e e s a s h o r a s ? N a d a .¿Qué más? No sabía decir cómo,nada. ¿Detrás de los cr is tales?Quizá, también, sí. También.

Lo que creo:

Los pensamientos, un hormigueo,todos igualmente afectados de esteri-lidad una vez terminado el paseo —ninguno de esos pensamientos ha tras-pasado nunca la puerta de su casa—sobrevienen a Lol V. Stein durante sumarcha. Diríase que es el desplaza-miento maquinal de su cuerpo el quelos hace surgir, todos juntos, en unmovimiento desordenado, confuso,generoso. Lol los recibe con placer y

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étonnement. De l’air s’engouffre danssa maison, la dérange, elle en estchassée. Les pensées arrivent.

Pensées naissantes et renaissantes,quotidiennes, toujours les mêmes quiviennent dans la bousculade, prennentvie et respirent dans un universdisponible aux confins vides et dontune, une seule, arrive avec le temps,à la fin, à se lire et à se voir un peumieux que les autres, à presserLol un peu plus que les autres de laretenir enfin.

Le bal tremblait au loin, ancien,seule épave d’un océan maintenanttranquille, dans la pluie, à S. Tahla.Tatiana, plus tard, quand je le lui ai dit,a partagé mon avis. [45]

—Ainsi c’était pour ça qu’elle sepromenait, pour mieux penser au bal.

Le bal reprend un peu de vie,frémit, s’accroche à Lol. Elle leréchauffe, le protège, le nourrit, ilgrandit, sort de ses plis, s’étire, unjour il est prêt.

Elle y entre.

Elle y entre chaque jour.

La lumière des après-midi de cetété-là Lol ne la voit pas. Elle, ellepénètre dans la lumière artificielle,prestigieuse, du bal de T. Beach. Et danscette enceinte largement ouverte à sonseul regard, elle recommence le passé,elle l’ordonne, sa véritable demeure,elle la range.

Une vicieuse, dit Tatiana, elle devaittoujours penser à la même chose. Jepense comme Tatiana.

Je connais Lol V. Stein de la seulefaçon que je puisse, d’amour. C’est enraison de cette connaissance que je suisarrivé à croire ceci : dans les multiplesaspects du bal de T. Beach, c’est la finqui retient Lol. C’est l’instant précisde sa fin, quand l’aurore arrive avecune brutalité inouïe et la sépare ducouple que formaient Michael Ri-chardson et Anne-Marie Stretter, pourtoujours, toujours. Lol progressechaque jour dans la reconstitution decet instant. Elle arrive même à capter

con idéntico asombro. El aire se pre-cipita en la casa, la perturba, la ex-pulsa. Los pensamientos llegan.

Pensamientos nacientes yrenacientes, cotidianos, siempre losmismos, que llegan atropelladamente,toman vida y respiran en un universoabierto a los confines vacíos y entre loscuales uno, sólo uno, llega con el tiem-po, por fin, a leerse y a [37] verse unpoco mejor que los demás, a acosar unpoco más que los demás a Lol, hastaretenerla.

El baile temblaba a lo lejos, antiguo,única pavesa de un océano ahora tran-quilo, en la lluvia, en S. Tahla. Más tar-de, cuando se lo dije, Tatiana compar-tió mi opinión.

—Así, ¿era para eso para lo que pa-seaba, para pensar mejor en el baile?

El baile recobra un poco de vida,se estremece, se aferra a Lol. Lo abri-ga, lo protege, lo alimenta. Crece, salede sus repliegues, se despereza, un díaestá listo.

Entra en él.

Entra en él cada día.

Lol no ve la luz de las tardesde aquel verano. Entra, entra enla luz artificial, prestigiosa, delbaile de T. Beach. Y en este re-cinto largamente abierto a su solamirada, ella reanuda su pasado,su verdadera morada, la ordena,la arregla.

Una viciosa, dice Tatiana, debía depensar siempre en lo mismo. Opinocomo Tatiana.

Conozco a Lol V. Stein a través delúnico medio del que dispongo: el amor.En razón de este conocimiento he lle-gado a creer lo siguiente: de los múlti-ples aspectos del baile de T. Beach, esel final el que retiene a Lol. Es el ins-tante preciso del final, cuando llega laaurora con una brutalidad inaudita y lasepara para siempre, para siempre, dela pareja que forman MichaelRichardson y Anne-Marie Stretter. Lolprogresa día a día en la reconstrucciónde este instante. Incluso llega a captar

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un peu de sa foudroyante rapidité, àl’étaler, à en grillager les secondes dansune immobilité d’une extrême fragilitémais qui est pour elle d’une grâceinfinie.

Elle se promène encore. Elle voit deplus en [46] plus précisément,clairement ce qu’elle veut voir Cequ’elle rebâtit c’est la fin du monde.

Elle se voit, et c’est là sa penséevéritable, à la même place, dans cettefin, toujours, au centre d’unetriangulation dont l’aurore et eux deuxsont les termes éternels : elle vientd’apercevoir cette aurore alors qu’euxne l’ont pas encore remarquée. Elle, sait,eux pas encore. Elle est impuissante àles empêcher de savoir. Et celarecommence

A cet instant précis une chose, maislaquelle? aurait dû être tentée qui ne l’apas été. A cet instant précis Lol se tient,déchirée, sans voix pour appeler àl’aide, sans argument, sans la preuve del’inimportance du jour en face de cettenuit, arrachée et portée de l’aurore à leurcouple dans un affolement régulier etvain de tout son être. Elle n’est pas Dieu,elle n’est personne.

Elle sourit, certes, à cette minutepensée de sa vie. La naïveté d’uneéventuelle douleur ou même d’unetristesse quelconque s’en est détachée.Il ne reste de cette minute que son tempspur, d’une blancheur d’os.

Et cela recommence : les fenêtresfermées, scellées, le bal muré dans salumière nocturne les aurait contenustous les trois et eux seuls. Lol en estsûre : ensemble ils auraient été sauvésde la venue d’un autre jour, d’un autre,au moins.

Que se serait-il passé? Lol ne vapas loin dans l’inconnu sur lequels’ouvre cet instant. Elle ne [47]dispose d’aucun souvenir mêmeimaginaire, elle n’a aucune idée surcet inconnu. Mais ce qu’elle croit,c’est qu’elle devait y pénétrer, quec’était ce qu’il lui fallait faire, queç’aurait été pour toujours, pour satête et pour son corps, leur plusgrande douleur et leur plus grandejoie confondues jusque dans leur

algo de su fulminante rapidez, a desple-gar, a aprisionar los segundos en unainmovilidad de una fragilidad extrema,pero que para ella resulta de una graciainfinita.

Sigue paseando. Ve cada vezcon más precisión, [38] con másclaridad lo que desea ver. Lo quereconstruye es el fin del mundo.

Se ve, y ése es su verdadero pen-samiento, en el mismo sitio, en estefinal, siempre, en el centro de unatriangulación de la que la aurora yellos dos son los límites eternos:acaba de descubrir esta aurora cuan-do ellos aún no lo han advertido.Ella, sabe, ellos todavía no. Es im-potente para impedirles saberlo. Yvuelve a empezar.

En ese preciso instante algo, pero¿qué?, debió de haberse intentado, perono se intentó. En ese preciso instante Lolaparece desgarrada, sin voz para pedirayuda, sin argumento, sin la prueba dela inimportancia del día frente a estanoche, arrancada y arrastrada de la au-rora a su pareja en un enloquecimientoregular y vano de todo su ser. Ella no esDios, no es nadie.

Sonríe, de verdad, a este minu-to pensado de su vida. Surge lacandidez de un dolor eventual o in-cluso de una tristeza cualquiera.De este minuto sólo queda su tiem-po puro, de una blancura ósea.

Y vuelve a empezar: las ventanascerradas, selladas, el baile amuralla-do en su luz nocturna los habría con-tenido a los tres y sólo a ellos. Lolestá segura: juntos se habrían salva-do de la llegada de un nuevo día, deuno, al menos.

¿Qué habría sucedido? Lol no seaventura lejos en el desconocimientoal que se abre este instante. No dispo-ne de ningún recuerdo, ni siquieraimaginario, de ese desconocimiento,no tiene noción alguna. Pero cree quedebía penetrar en él, que era lo quetenía que hacer, que hubiera resulta-do definitivo para su cabeza y para sucuerpo, su dolor más grande y su másgrande alegría confundidos hasta ensu definición, única pero

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définition devenue unique maisinnommable faute d’un mot. J’aimeà croire, comme je l’aime, que siLol est silencieuse dans la vie c’estqu’elle a cru, l’espace d’un éclair,que ce mot pouvait exister. Fautede son ex i s tence , e l l e se t a i t .Ç’aurait été un mot-absence, unmot-trou, creusé en son centre d’untrou, de ce trou où tous les autresmots auraient é té enterrés . Onn’aurait pas pu le dire mais onaura i t pu le fa i re résonner.Immense, sans fin, un gong vide, ilaurait retenu ceux qui voulaientpartir, il les aurait convaincus del’impossible, il les aurait assourdisà tout autre vocable que lui-même,en une fois il les aurait nommés,eux, l’avenir et l’ instant. Man-quant, ce mot, il gâche tous lesautres, les contamine, c’est aussi lechien mort de la plage en plein midi, cetrou de chair. Comment ont-ils été trou-vés les autres? Au décrochez-moi-ça dequelles aventures parallèles à celle de LolV. Stein étouffées dans l’oeuf, piétinéeset des massacres, oh! qu’il y en a, qued’inachèvements sanglants le long deshorizons, amoncelés, et parmi eux, cemot, qui n’existe pas, pourtant est là : ilvous attend au tournant du langage, ilvous défie, il [48] n’a jamais servi, de lesoulever, de le faire surgir hors de sonroyaume percé de toutes parts à traverslequel s’écoulent la mer, le sable,l’éternité du bal dans le cinéma de LolV. Stein.

Ils avaient regardé le passage desviolons, étonnés.

Il aurait fallu murer le bal, en fairece navire de lumière sur lequel chaqueaprès-midi Lol s’embarque mais quireste là, dans ce port impossible, àjamais amarré et prêt à quitter, avec sestrois passagers, tout cet avenir-ci danslequel Lol V. Stein maintenant se tient.Certaines fois, il a aux yeux de Lol lemême élan qu’au premier jour, lamême force fabuleuse.

Mais Lol n’est encore ni Dieu nipersonne.

Il l’aurait dévêtue de sa robenoire avec lenteur et le temps qu’ill ’eû t fa i t une grande é tape duvoyage aurait été franchie.

innombrable a [39] falta de una pa-labra. Me gusta creer, como creo, quesi Lol es silenciosa en la vida es por-que ha creído, durante la brevedad deun relámpago, que esa palabra podíaexistir. Carente de su existencia, ca-lla. Sería una palabra-ausencia, unapalabra-agujero, con un agujero cava-do en su centro, ese agujero donde seenterrarían todas las demás palabras.No se habría podido pronunciarla,pero se habría podido hacerla resonar.Inmensa, sin fin, un gong vacío, ha-bría retenido a los que querían partir,les habría convencido de lo imposi-ble, les habría hecho sordos a cual-quier otro vocablo distinto, de unasola vez los habría nombrado, a ellos,al futuro y al instante. Faltando, esapalabra estropea a todas las demás porel hecho de faltar, las contamina, estambién el perro muerto en la playaen pleno mediodía, ese agujero decarne. ¿Cómo han sido halladas lasotras? Desprendidas de algunas aven-turas paralelas a la de Lol V. Stein,abortadas, pisoteadas y las masacres,¡oh!, cuántas hay, cuántas historiasinacabadas sangrientas a lo largo delhorizonte, amontonadas, y, entre ellas,esta palabra, que no existe, está ahísin embargo: os espera a la vuelta dellenguaje, os desafía, indómita, a le-vantarla, a hacerla surgir fuera de sureino horadado por todas partes a tra-vés del cual fluye el mar, la arena, laeternidad del baile en el cine de LolV. Stein.

Habían contemplado el paso de losviolines, sorprendidos.

Hubiera sido necesario amurallar elbaile, construyendo este navío de luz enel que Lol se embarca todas las tardespero que permanece ahí, en este puertoimposible, amarrado para siempre ypresto a abandonar, con sus tres pasaje-ros, este futuro en el que Lol V. Stein sehalla ahora. A veces, [40] hay en los ojosde Lol el mismo ímpetu que el primerdía, la misma fuerza fabulosa.

Pero Lol no es aún Dios , n inad ie .

El la habría despojado de su traje ne-gro, lentamente, y durante el transcurso deltiempo empleado en hacerlo se hubiera sal-vado una larga etapa del viaje.

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J’ai vu Lol dévêtue, inconsolableencore, inconsolable.

Il n’est pas pensable pour Lol qu’ellesoit absente de l’endroit où ce geste aeu lieu. Ce geste n’aurait pas eu lieu sanselle : elle est avec lui chair à chair, formeà forme, les yeux scellés à son cadavre.Elle est née pour le voir. D’autres sontnés pour mourir. Ce geste sans elle pourle voir, il meurt de soif, il s’effrite, iltombe, Lol est en cendres.

Le corps long et maigre de l’autrefemme serait apparu peu à peu. Et dansune progression rigoureusement [49]parallèle et inverse, Lol aurait été rem-placée par elle auprès de l’homme deT. Beach. Remplacée par cette femme,au souffle près. Lol retient ce souffle :à mesure que le corps de la femmeapparaît à cet homme, le sien s’efface,s’efface, volupté, du monde.

— Toi. Toi seule.

Cet arrachement très ralenti de larobe de Anne-Marie Stretter, cetanéantissement de velours de sa proprepersonne, Lol n’a jamais réussi à lemener à son terme.

Ce qui s’est passé entre eux, aprèsle bal en dehors de sa présence, je croisque Lol n’y pense jamais. Qu’il soitparti pour toujours si elle y pensait,après leur séparation, malgré elle, reste-rait un bon signe en sa faveur, laconfirmerait dans l’idée qu’elle avaittoujours eue de lui qu’il ne vivrait debonheur véritable que celui de labrièveté d’un amour sans retour, aveccourage, rien de plus. MichaelRichardson avait été aimé en son tempsd’un amour trop grand, rien de plus.

Lol ne pense plus à cet amour.Jamais. Il est mort jusqu’à son odeurd’amour mort.

L’homme de T. Beach n’a plusqu’une tâche à accomplir, toujours lamême dans l’univers de Lol : MichaelRichardson, chaque après-midi,commence à dévêtir une autre femmeque Lol et lorsque d’autres seinsapparaissent, blancs, sous le fourreaunoir, il en reste là; ébloui, un Dieu lassépar cette mise à nu, sa tâche unique, et

Vi a Lol desnuda, inconsolable to-davía, inconsolable.

Para Lol resulta inconcebible estarausente del lugar donde se realizó esegesto. Ese gesto no hubiera tenido lu-gar sin ella: está con él, carne con car-ne, forma con forma, los ojos cerradosa su cadáver. Nació para verlo. Otrosnacen para morir. Ese gesto, sin ella paraverlo, muere de sed, se pulveriza, sedesmorona, Lol está hecha cenizas.

El cuerpo alto y delgado de la otramujer aparecería poco a poco. Y en unaprogresión rigurosamente paralela e in-versa. Lol sería sustituida por ella cer-ca del hombre de T. Beach. Sustituidapor esta mujer, de aliento próximo. Lolretiene ese aliento: a medida que el cuer-po de la mujer aparece ante ese hom-bre, el suyo se borra, se borra, volup-tuosidad, gente.

—Tú, tú sola.

Lol no ha conseguido nunca llevar atérmino ese despojamiento, muy len-to, del vestido de Anne-Marie Stretter,esa extracción de teriopelos de su pro-pia persona.

Creo que nunca piensa en lo que su-cedió entre ellos después del baile, fue-ra de su presencia. Sería una señal a sufavor si, después de su separación, pen-sara que él se había ido para siempre;a pesar de sí misma, la confirmaría enla idea que siempre había tenido de él:que sólo viviría la verdadera [41] feli-cidad a través de la brevedad de unamor sin regreso, con coraje, nada más.Michael Richardson había sido amadoen su tiempo con un amor demasiadointenso, nada más.

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El hombre de T. Beach sólo tiene unafunción que cumplir, siempre la mismaen el universo de Lol: MichaelRichardson, cada tarde, empieza a des-nudar a una mujer que no es Lol, y cuan-do aparecen otros senos, blancos, bajoel vestido negro, no pasa de ahí; embe-lesado, un Dios agotado por esedesnudamiento, su única tarea, y Lol

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Lol [50] attend vainement qu’il lareprenne, de son corps infirme de l’autreelle crie, elle attend en vain, elle crie envain.

Puis un jour ce corps infirme remuedans le ventre de Dieu. [51]

Dès que Lol le vit, elle le reconnut.C’était celui qui était passé devant chezelle il y avait quelques semaines.

II était seul ce jour-là.

Il sortait d’un cinéma du centre.Alors que le monde se pressait dans lecouloir, lui prenait son temps. Arrivésur le trottoir il cligna des yeux dansla lumière, s’attarda à regarder autourde lui, ne vit pas Lol V. Stein, sa vestequ’il portait d’une main sur l’épaule,il la ramena vers lui dans unmouvement du bras, il la lançalégèrement en l’air, puis il l’enfila,prenant encore son temps.

Ressemblait-il à son fiancé de T.Beach? Non, il ne lui ressemblait enrien. Avait-il quelque chose dans lesmanières de cet amant disparu? Sansdoute, oui, dans les regards qu’il avaitpour les femmes. Il devait courir,celui-là aussi, après toutes lesfemmes, ne supporter qu’avec elles cecorps difficile, qui pourtant réclamaitencore, à chaque regard. Oui, il y avaiten lui, décida Lol, il sortait de lui, cepremier regard de MichaelRichardson, [52] celui que Lol avaitconnu avant le bal.

Il n’était pas aussi, jeune qu’il avaitparu à Lol la première fois. Maispeut-être se trompait-elle. Elle trouvasans doute qu’il devait être impatient,peut-être facilement cruel.

Il scruta le boulevard, aux abords ducinéma. Lol l’avait contourné.

Derrière lui, dans son manteau gris,Lol arrêtée attend qu’il se décide à s’enaller.

Je vois ceci :

espera en vano que vuelva a co-gerla, desde el cuerpo enfermo dela otra grita, espera en vano, gri-ta en vano.

Después, un día, ese cuerpo enfermose mueve en el vientre de Dios. [42]

Lol, en cuanto lo vio, lo reconoció.Era el que había pasado por delante desu casa hacía algunas semanas.

Aquel día iba solo.

Salía de un cine del centro. Mien-tras todo el mundo se apretujaba en elpasillo, él no se precipitaba. Una vezhubo llegado a la acera parpadeó a laluz, se detuvo para mirar a su alrede-dor, no vio a Lol V. Stein, con un mo-vimiento del brazo atrajo hacia sí lachaqueta que sujetaba con una manosobre el hombro, la lanzó ligeramenteal aire, después se la puso, sin precipi-tación.

¿Se parecía a su novio de T.Beach? No, no se le parecía en nada.¿Tenía algo, en los gestos, de aquelnovio desaparecido? Sí, sin duda, enlas miradas que dirigía a las muje-res. Este también debía de correr de-trás de todas las mujeres, no ser ca-paz más que con ellas de soportarese cuerpo difícil, que sin embargoexigía aún, en cada mirada. Sí, de-cidió Lol, había en él, salía de él,aquella primera mirada de MichaelRichardson, el que Lol había cono-cido antes del baile.

No era tan joven como le habíaparecido la primera vez. Pero qui-zá se equivocara. Se le antojó que,sin duda, debía ser impaciente,quizá fácilmente cruel. [43]

Escrutó el bulevar, en los alrededo-res del cine. Lol lo había rodeado.

Detrás del hombre, Lol, parada,con su abrigo gris, espera que sedecida a irse.

Veo esto:

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Notes Duras’ Stein tr. de Ana Mª Moix

La chaleur d’un été qu’elle adistraitement subie jusqu’à ce jouréclate et se répand. Lol en estsubmergée. Tout l’est, la rue, la ville,cet inconnu. Quelle chaleur, quelle estcette fatigue? Ce n’est pas la premièrefois. Depuis quelques semaines ellevoudrait parfois comme d’un lit, là, poury allonger ce corps lourd, plombé,difficile à mouvoir, cette maturitéingrate et tendre, tout au bord de sachute sur une terre sourde et dévoreuse.Ah quel est ce corps tout à coup dontelle se sent pourvue? Où est-il celuid’alouette infatigable qu’elle avait portéjusqu’à ces temps-ci?

Il se décida : ce fut vers le haut duboulevard qu’il se dirigea. Hésita-t-il?Oui. Il regarda sa montre et se décidapour cette direction. Lol savait-elle déjànommer celle qu’il allait rencontrer?Pas tout à fait encore. Elle ignore quec’est elle qu’elle a suivie à travers cethomme de S. Tahla. Et pourtant cettefemme n’est déjà plus [53] seulementcelle entrevue devant son jardin, je croisque déjà elle est davantage pour Lol.

S’il avait un endroit précis où serendre à une certaine heure, il disposaitd’un certain temps entre cette heure etce moment-ci tout juste présent. Alorsil l’employait ainsi, à se diriger plutôtlà qu’ailleurs, dans le vague espoir, quijamais ne le quittait, croyait Lol, d’enrencontrer une autre encore, de la suivre,d’oublier celle qu’il allait retrouver. Cetemps, il l’employait de façon divinepour Lol.

Il marchait d’un pas égal, près desvitrines. Ce n’est pas le premier depuisquelques semaines qui marche ainsi. Surles femmes seules et belles, il seretournait, s’arrêtait parfois, vulgaire.Lol sursautait à chaque fois comme s’ill’avait fait sur elle.

Sur une plage, dans sa grandejeunesse, elle avait déjà vu une conduitesemblable à celle de bien des hommesde S. Tahla. Se souvient-elle en avoirsouffert tout à coup? En sourit-elle? Ilest probable que ces balbutiements desa jeunesse se situent dorénavant dansune mémoire douce et heureuse de Lol.Maintenant elle voit les regards deceux-ci s’adresser à elle en secret, dans

El calor de un verano que Lol hapadecido distraídamente hasta ese díaestalla y se propaga. Está inmersa enese calor. Todo lo está, la calle, la ciu-dad, ese deconocido. ¿Qué calor, quées este cansancio? No es la primera vez.Desde hace algunas semanas desearía amenudo algo como una cama, ahí, paratender ese cuerpo pesado, plomizo, dedifíciles movimientos, esa madurez in-grata y tierna, completamente al bordede su caída en una tierra sorda ydevoradora. ¡Ah! ¿Qué es ese cuerpo delque se siente provista de repente?¿Dónde está el de alondra infatigableque había sido el suyo hasta entonces?

El se decidió: se dirigió hacia loalto del bulevar. ¿Dudó? Sí. Consul-tó su reloj y se decidió por esa di-rección. ¿Sabía ya Lol nombrar aaquella a cuyo encuentro iba el hom-bre? No del todo aún. Ignora que esa ella a quien ha seguido por mediode ese hombre de S. Tahla. Y, sinembargo, esa mujer ya no es sólo laentrevista delante de su jardín, creoque ya es algo más, para Lol.

Si él tenía un lugar preciso a dondedirigirse a una hora dada, disponía decierto tiempo entre tal hora y ese mis-mo instante. En tal caso, lo empleabaasí, dirigiéndose más bien allí que aotra parte, con la vaga esperanza, quenunca lo abandonaba, creía Lol, deencontrar aún a otra, de seguirla, deolvidar a aquella con quien iba a en-contrarse. Para Lol, el modo de em-plear ese tiempo era divino.

Caminaba con paso regular, junto alos escaparates. [44] No es el primerodesde hace algunas semanas que cami-na así. Se volvía en dirección a las mu-jeres solas y hermosas, a veces se dete-nía, vulgar. Lol se sobresaltaba cada vez,como si se tratara de ella misma.

En una playa, en plena juventud,había ya observado una conducta pa-recida en la de muchos hombres deS. Tahla. ¿Recuerda haberlo padeci-do, de repente? ¿Sonríe? Es proba-ble que, en lo sucesivo, esos balbu-ceos de su juventud ocupen un lugaren un recuerdo de Lol, un recuerdodulce y feliz. Ahora ve cómo las mi-radas de éstos se dirigen hacia ella,

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une équivalence certaine. Elle qui ne sevoit pas, on la voit ainsi, dans les autres.C’est là la toutepuissance de cettematière dont elle est faite, sans portd’attache singulier.

Ils marchent sur une plage, pour elle.Ils ne savent pas. Elle le suit sans mal.Son pas est large, [54] il laisse le hautde son corps presque tout à faitimmobile, retenu. Il ne savait pas.

C’était un jour de semaine. Il y avaitpeu de monde. La pleine période desvacances approchait.

Je vois ceci :

Prudente, calculeuse, elle marcheassez loin derrière lui. Lorsqu’il suit desyeux une autre femme, elle baisse la têteou se retourne légèrement. Ce qu’il peutvoir peut-être, ce manteau gris, ce béretnoir, rien d’autre, n’est pas dangereux.Lorsqu’il s’arrête devant une vitrine ouautre chose, elle ralentit pour ne pasavoir à s’arrêter en même temps que lui.S’ils la voyaient, les hommes de S.Tahla, Lol s’enfuirait.

Elle désire suivre. Suivre puissurprendre, menacer de surprise. Celadepuis quelque temps. Si elle désire êtresurprise à son tour, elle ne veut pas quece soit avant qu’elle l’ait décidé.

Le boulevard monte légèrement versune place qu’ils atteignirent ensemble.De là partent trois autres boulevardsvers la banlieue. La forêt est de cecôté-ci. Cris des enfants.

Il prit celui qui s’éloigne le plus decette forêt un boulevard droit,récemment tracé, où le trafic est plusimportant que dans les autres, la sortiela plus rapide de la ville. Il pressa lepas. L’heure passait. La marge de tempsdont il disposait avant son rendez-vous,dont ils disposaient donc tous les deux,Lol et lui, diminuait toujours. [55]

Ce temps il l’employait donc defaçon parfaite aux yeux de Lol, àchercher. Il le perdait bien, il marchait,marchait. Chacun de ses pas s’ajoute enLol, frappe, frappe juste, au mêmeendroit, le clou de chair. Depuisquelques jours, quelques semaines, lespas des hommes de S. Tahla frappent

secretamente, en una equivalenciadeterminada. La ven, a ella que nose ve a sí misma, en las otras. Ahíestá la omnipotencia de su modo deser, sin puerto de amarre singular.

Caminan por una playa, paraella. No lo saben. Le sigue sin es-fuerzo. Su paso es largo, él dejacasi inmóvil, detenida, la partesuperior del cuerpo. No sabía.

Era un día laborable . Habíapoca gente. Se acercaba el apogeode las vacaciones.

Veo esto:

Prudente, calculadora, camina bas-tante alejada de él. Cuando el hombresigue con la mirada a otra mujer, ellabaja la cabeza o se vuelve un poco. Loque él quizá pueda ver, el abrigo gris, elsombrero negro, nada más, no es peli-groso. Cuando él se detiene ante un es-caparate o ante cualquier otro sitio, ellaaminora el paso para no detenerse almismo tiempo. Si los hombres de S.Tahla la vieran, Lol huiría.

Desea seguir. Seguir y sorprender,amenazar con la sorpresa. Desde hacealgún tiempo. Aunque a su vez deseaser sorprendida, no quiere que sucedasin antes haberlo decidido. [45]

El bulevar asciende ligeramente ha-cia una plaza a la que llegaron juntos.De ahí arrancan otros tres bulevareshacia las afueras. El bosque queda ha-cia este lado. Gritos de niños.

El enfiló por el que más se ale-jaba del bosque: un bulevar recto,recientemente trazado, donde el tráfi-co es más intenso que en los demás, lasalida más rápida de la ciudad. Apresuróel paso. El tiempo transcurría. El mar-gen de tiempo del que disponía antes desu cita, del que disponían, por tanto, losdos, Lol y él, seguía disminuyendo.

Empleaba, pues, ese tiempo de unmodo perfecto, a los ojos de Lol, bus-cando. Lo perdía bien, caminaba, ca-minaba. Cada uno de sus pasos sesuma en Lol, golpea, golpea exacto enel mismo lugar, el clavo de la carne.Desde hace algunas semanas, los pa-sos de los hombres de S. Tahla gol-

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de même.

J’invente, je vois

Elle ne ressent l’étouffement del’été que lorsqu’il fait un gestesupplémentaire à cette marche, quandil se passe la main dans les cheveux,quand il allume une cigarette, et surtoutlorsqu’il regarde passer une femme.Alors Lol croit qu’elle n’a plus la forcede suivre, tandis qu’elle continue à lefaire, cet homme entre ceux de S. Tahla.

Lol savait où menait ce boulevardune fois dépassées les quelquesvillas de la place, une fois dépasséaussi un ilot populaire, détaché ducorps de la ville, où il y a un cinéma,quelques bars.

J’invente:

A cette distance il ne peut même pasentendre son pas sur le trottoir.

Elle a ses chaussures plates etsilencieuses qu’elle met pour se promener.Pourtant elle prend une précautionsupplémentaire, enlève son béret.

Lorsqu’il s’arrête sur la place àlaquelle aboutit le boulevard, elleenlève son manteau gris. Elle est enbleu marine, une femme qu’il ne voittoujours pas. [56]

Il s’arrêta près d’un arrêt de cars. Ily avait beaucoup de monde, bien plusque dans la ville.

L o l a l o r s f a i t l e t o u r d e l ap l a c e e t s e p o s t e p r è s d el ’ a r r ê t i n v e r s e d e s c a r s .

Déjà le soleil avait disparu etrasait la cime des toits.

Il alluma une cigarette, fit quelquespas en long et en large de part etd’autre du panonceau. Il regarda samontre, vit que ce n’était pas tout à faitl’heure, attendit, Lol trouvait qu’ilavait les yeux partout autour de lui.

Des femmes étaient là, en vrac, quiattendaient le car, qui traversaient laplace, qui passaient. Aucune ne luiéchappait, inventait Lol, aucune quiaurait pu être éventuellement à sa

pean igual.

Imagino, veo:

Sólo siente el sofoco del veranocuando él hace un gesto adicional alcaminar, cuando se pasa la mano porel cabello, cuando enciende un ciga-rrillo y, sobre todo, cuando mira auna mujer que pasa. Entonces Lolcree que ya no tiene fuerzas para se-guir, mientras sigue haciéndolo, a esehombre entre los de S. Tahla.

Lol sabía adónde conducía ese bu-levar una vez dejados atrás los pocoschalets de la plaza, una vez dejado atrástambién un islote popular, separado delcuerpo de la ciudad, donde hay un cine,algunos bares.

Invento:

A tal distancia él no puede ni siquie-ra oír sus pasos en la acera.

Lol lleva los zapatos planos y silen-ciosos que [46] se calza para pasear. Sinembargo adopta una precaución suple-mentaria, se quita el sombrero.

Cuando él se detiene en la pla-za en la que desemboca el bulevar,ella se quita el abrigo gris. Va deazul marino, una mujer a la que elhombre sigue sin ver.

El se detuvo cerca de una parada deautobuses. Había mucha gente allí, másque en la ciudad.

Lol entonces da la vuelta a la plazay se aposta cerca de la parada de auto-buses situada en sentido contrario.

El sol ya había desaparecido y roza-ba lo alto de los tejados.

El encendió un cigarrillo, dio algu-nos pasos a lo largo y lo ancho de unlado a otro del anuncio. Consultó sureloj, vio que no era la hora, espe-ró, a Lol le pareció que miraba atodas partes a su alrededor.

Había mujeres a montones, que es-peraban el autobús, que cruzaban laplaza, que pasaban. No se le escapabaninguna, imaginaba Lol, ninguna que,eventualmente, pudiera ser de su agra-

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convenance ou à la rigueur à laconvenance d’un autre que lui,pourquoi pas. Il fouinait les robes,croyait Lol, respirait bien, là, dans lafoule, avant ce rendez-vous dont ilavait déjà l’avant-goût sous la main,prenant, imaginant avoir pendantquelques secondes, puis rejetant, lesfemmes, en deuil de toutes, de chacune,d’une seule, de celle-là qui n’existaitpas encore mais qui aurait pu lui fairemanquer à la dernière minute celle-cientre mille qui allait arriver, arriververs Lol V. Stein et que Lol V. Steinattendait avec lui. [57]

Elle arriva en effet, elle descenditd’un car bondé de gens qui rentraientchez eux avec le soir.

Dès qu’elle se dirige vers lui, dansce déhanchement circulaire, très lent,très doux, qui la fait à tout moment desa marche l’objet d’une flatteriecaressante, secrète, et sans fin,d’elle-même à elle-même, aussitôt vuela masse noire de cette chevelurevaporeuse et sèche sous laquelle le trèspetit visage triangulaire, blanc, estenvahi par des yeux immenses, trèsclairs, d’une gravité désolée par leremords ineffable d’être porteuse de cecorps d’adultère, Lol s’avoue avoirreconnu Tatiana Karl. Alors, seulement,croit-elle, depuis des semaines qu’ilflottait, çà et là, loin, le nom est là :Tatiana Karl.

Elle était vêtue discrètement d’untailleur de sport noir. Mais sachevelure était très soignée, piquéed’une fleur grise, relevée par des peignesd’or, elle avait mis tout son soin à en fixerla fragile [58] coiffure, un long et épaisbandeau noir qui, au passage près duvisage, bordait le regard clair, lefaisait plus vaste, encore plus navré,et ceci qui aurait dû n’être touché quepar le seul regard, qu’on ne pouvaitsans détruire laisser au vent, elle avaitdû - Lol le devine -l’avoir emprisonnédans une voilette sombre, pour que lemoment venu il soit le seul à enentamer et à en détruire l’admirablefacilité, un seul geste et elle baigneraitalors dans la retombée de sa chevelure,dont Lol se souvient tout à coup et qu’ellerevoit lumineusement juxtaposée à

do ó como máximo del agrado de otroque no fuera él, ¿por qué no? Curio-seaba los vestidos, creía Lol, parecía agusto ahí, entre la gente, antes de esacita de la que ya tenía el sabor antici-pado al alcance de la mano, cogiendo,imaginando poseer durante unos se-gundos, después rechazando, a lasmujeres, de luto por todas, por cadauna, por sólo una, por aquella que aúnno existía pero que hubiera podido ha-cerle perder en el último momento a laque entre mil iba a llegar, a llegar ha-cia Lol V. Stein y a quien Lol V. Steinesperaba con él. [47]

Ella llegó, en efecto, se apeó de unautobús atestado de gente que regresa-ba a su casa al atardecer.

Desde que se dirige hacia él, conese contoneo circular, muy lento,muy dulce, que mientras dura sumarcha la hace objeto de un halagoacariciador, secreto, e interminable,de ella misma a sí misma, tan prontove la masa oscura de esta melena vapo-rosa y seca bajo la que el rostro, muypequeño y triangular, blanco, apareceinvadido por los ojos inmensos, muyclaros, de una gravedad desolada porel remordimiento inefable de ser por-tadora de ese cuerpo adúltero, Lol seconfiesa haber reconocido a TatianaKarl. Sólo entonces, piensa, despuésde flotar aquí y allá, lejos, el nombreestá ahí: Tatiana Karl.

Iba vestida discretamente, con untraje sastre negro. Pero el pelo lo lle-vaba muy arreglado, sujeto por una florgris, realzado por peinetas de oro; ha-bía puesto todo su cuidado en fijarel frágil peinado, un largo y espesomechón negro que, al pasar junto al ros-tro, acentuaba la mirada clara, la hacíamás inmensa, aun más afligida, y loque sólo hubiera debido ser rozado porla mirada, que no podía dejarse al vien-to, sin que se destruyera, hubiera debi-do —Lol lo adivinaba— aprisionarse enun velo oscuro, para que llegado el mo-mento oportuno [48] fuera el únicoque malograra y destruyera la admira-ble sencillez, un solo gesto y entoncesquedaría bañada en la caída de su cabelle-ra, de la que Lol se acuerda de repente yvuelve a verla luminosamente yuxtapuesta

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celle-ci. On en disait alors qu’elleserait obligée un jour ou l’autre de lacouper, cette chevelure, elle lafatiguait, elle risquait de courber sesépaules par son poids, de la défigurerpar sa masse trop importante pour sesyeux si grands, pour son visage si petitde peau et d’os. Tatiana Karl n’a pascoupé ses cheveux, elle a tenu lagageure d’en avoir trop.

Était-elle ainsi Tatiana, ce jour-là?Ou un peu ou tout à fait autrement? Illui arrivait aussi d’avoir les cheveuxdénoués dans le dos, de porter des robesclaires. Je ne sais plus.

Ils échangèrent quelques mots et ilss’en allèrent par ce même boulevard,au-delà du faubourg.

Ils marchaient à un pas l’un del’autre. Ils parlaient à peine.

Je crois voir ce qu’a dû voir Lol V.Stein :

Il y a entre eux une ententesaisissante qui ne [59] vient pas d’uneconnaissance mutuelle mais justement,au contraire, du dédain de celle-ci. Ilsont la même expression deconsternation silencieuse, d’effroi,d’indifférence profonde. Ils vont plusvite en approchant. Lol V. Stein guette,les couve, les fabrique, ces amants. Leurallure ne la trompe pas, elle. Ils nes’aiment pas. Qu’est-ce à dire pour elle?D’autres le diraient du moins. Elle,différemment, mais elle ne parle pas.D’autres liens les tiennent dans uneemprise qui n’est pas celle du sentiment,ni celle du bonheur, il s’agit d’autrechose qui ne prodigue ni peine ni joie.Ils ne sont ni heureux ni malheureux.Leur union est faite d’insensibilité,d’une manière qui est générale et qu’ilsappréhendent momentanément, toutepréférence en est bannie. Ils sontensemble, des trains qui se croisent detrès près, autour d’eux le paysagecharnel et végétal est pareil, ils le voient,ils ne sont pas seuls. On peut pactiseravec eux. Par des voies contraires ilssont arrivés au même résultat que LolV. Stein, eux, à force de faire, de dire,d’essayer, de se tromper, de s’en alleret de revenir, de mentir, de perdre, degagner, d’avancer, de revenir encore, etelle, Lol, à force de rien.

a ésta. Se dice entonces que un día u otrose vería en la obligación de cortarse esacabellera, la cansaba, amenazaba conencorvar sus hombros debido al peso,con desfigurarla debido a su volumendemasiado importante para sus ojos tangrandes, para su rostro tan menudo, depiel y de huesos tan finos. Tatiana Karlno se ha cortado el cabello, ha sostenidoel desafío de tener demasiado.

¿Era así Tatiana, aquel día? ¿Oun poco, completamente diferen-te? También llevaba los cabellossueltos, a la espalda, llevaba ro-pas claras. No sé más.

Intercambiaron algunas palabras yse marcharon por ese mismo bulevar,más allá del paseo.

Caminaban a un paso uno del otro.Apenas hablaban.

Creo ver lo que Lol V. Stein debióde ver:

Entre ellos hay una armoníasorprendente que no procede de unconocimiento mutuo sino, preci-samente al contrario, de su despre-cio. Ambos tienen la misma expre-sión de consternación silenciosa, demiedo, de profunda indiferencia. Alacercarse, van más deprisa. Lol V.Stein acecha, los incuba, fabrica aesos amantes. Su aspecto no la en-gaña. No se aman. ¿Qué tiene quedecir al respecto? Otros lo dirían, almenos. Ella, en cambio, no habla.Les unen otros lazos que no son losdel sentimiento, ni los de la felici-dad, se trata de otra cosa que no pro-diga ni pena ni gloria. No son feli-ces ni infelices. Su unión está he-cha de insensibilidad, de [49] unmodo generalizado y que aprehen-den momentáneamente, cualquierpreferencia está proscrita. Estánjuntos, dos trenes que se cruzan muyde cerca, el paisaje carnal y vegetales parecido a su alrededor, lo ven,no están solos. Se puede pactar conellos. Por caminos contrarios hanllegado al mismo resultado que LolV. Stein, ellos a fuerza de hacer, dedecir, de probar, de equivocarse, deirse y de volver, de mentir, de per-der, de ganar, de avanzar, de volverotra vez, y Lol a fuerza de nada.

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Une place est à prendre, qu’elle n’apas réussi à avoir à T. Beach, il y a dixans. Où? Elle ne vaut pas cette placed’opéra de T. Beach. Laquelle? Il faudrabien se contenter de celle-ci pour arriverenfin à se frayer un passage, à avancerun peu [60] plus vers cette rive lointaineou ils habitent, les autres. Vers quoi?Quelle est cette rive?

La bâtisse longue, étroite, a dû êtreautrefois soit une caserne, soit unbâtiment administratif quelconque. Unepartie sert d’entrepôts aux cars. L’autre,c’est l’Hôtel des Bois, de mauvaiseréputation mais qui est le seul où lescouples de la ville peuvent aller en toutesécurité. Le boulevard s’appelle leboulevard des Bois dont cet hôtel est ledernier numéro. Sur sa façade, il y a unerangée d’aulnes très vieux dontquelques-uns manquent. Derrières’étend un grand champ de seigle, lisse,sans arbres.

Il y a encore du soleil dans cettecampagne plate, dans ces champs.

Lol connaît cet hôtel pour y êtreallée dans sa jeunesse avec MichaelRichardson. Elle est sans doutearrivée jusque-là, quelquefois, durantses promenades. C’était là queMichael Richardson lui avait fait sonserment d’amour. Le souvenir del’après-midi d’hiver s’est englouti luiaussi dans l’ignorance, dans la lente,quotidienne glaciation de S. Tahlasous ses pas.

C’est une jeune fille de S. Tahlaqui, à cet endroit , a commencé àse parer -cela devait durer des mois -pour le bal de T. Beach. C’est de làqu’elle est partie pour ce bal.

Dans le boulevard des Bois, Lol perdun peu de temps. Ce n’est pas la peinede les suivre de près du moment qu’ellesait où ils vont. Courir le risque [61]d’être reconnue par Tatiana Karl est lepis qui soit à craindre.

Quand elle arrive à l’hôtel ils sontdéjà en haut.

Lol, sur la route, attend. Le soleil secouche. Le crépuscule arrive,rougissant, sans doute triste. Lol attend.

Hay una plaza por ocupar, que nologró cubrir en T. Beach, hace diezaños. ¿Dónde? No quiere esta locali-dad de la ópera de T. Beach. ¿Cuál?Tendrá que contentarse con ésta paralograr por fin abrirse paso, avanzarun poco más hacia esa orilla lejanadonde habitan los demás ¿Hacia qué?¿Cuál es esa orilla?

El alto caserón, estrecho, en otrotiempo debió de ser bien una caserna,bien un edificio administrativo cual-quiera. Una parte sirve de depósito deautobuses. La otra, es el Hôtel desBois, de mala reputación pero el únicoal que las parejas de la ciudad puedenir seguras. El bulevar se llama bulevarDes Bois, del que dicho hotel es el úl-timo número. En la fachada, hay unahilera de alisos muy viejos, algunos deellos desaparecidos. Detrás se extien-de un gran campo de centeno, llano,sin árboles.

Todavía hay sol en estas campi-ñas llanas, en estos campos.

Lol reconoce ese hotel por haberestado en él con Michael Richardsondurante su juventud. Sin duda, ha lle-gado a veces hasta ahí durante sus pa-seos. Ahí fue donde MichaelRichardson le hizo su juramento deamor. El recuerdo de la tarde inver-nal también ha sido sepultado en laignorancia, en [50] la lenta, cotidia-na glaciación de S. Tahla bajo suspasos.

E s u n a j o v e n d e S . Ta h l aquien, en este lugar, ha empezado aacicalarse —debió de durar meses—para el baile de T. Beach. Es desde ahídesde donde partió hacia el baile.

Lo l p i e rde a lgún t i empo ene l bu leva r des Bo i s . No va le l ap e n a s e g u i r l e s d e s d e e l m o -mento en que sabe adónde van .Su g ran t emor e s s e r r econoc i -da po r Ta t i ana Kar l .

Cuando llega al hotel ya han su-bido.

Lol espera, en la calle. El sol sepone. Llega el crepúsculo, enrojecido,indudablemente triste. Lol espera.

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Lol V. Stein est derrière l’Hôtel desBois, postée à l’angle du bâtiment. Letemps passe. Elle ne sait pas si ce sontencore les chambres qui donnent sur lechamp de seigle qu’on loue à l’heure.Ce champ, à quelques mètres d’elle,plonge, plonge de plus en plus dans uneombre verte et laiteuse.

Une fenêtre s’éclaire au deuxièmeétage de l’Hôtel des Bois. Oui. Ce sontles mêmes chambres que de son temps.

Je vois comment elle y arrive. Trèsvite, elle gagne le champ de seigle, s’ylaisse glisser, s’y trouve assise, s’yallonge. Devant elle il y a cette fenêtreéclairée. Mais Lol est loin de sa lumière.

L’idée de ce qu’elle fait ne la traversepas. Je crois encore que c’est lapremière fois, qu’elle est là sans idéed’y être, que si on la questionnait elledirait qu’elle s’y repose. De la fatigued’être arrivée là. De celle qui va suivre.D’avoir à en repartir. Vivante, mourante,elle respire profondément, ce soir l’airest de miel, d’une épuisante suavité. Ellene se demande pas d’où lui vient lafaiblesse merveilleuse qui l’a couchéedans ce [62] champ. Elle la laisse agir,la remplir jusqu’à la suffocation, labercer rudement, impitoyablementjusqu’au sommeil de Lol V. Stein.

Le seigle crisse sous ses reins.Jeune seigle du début d’été. Lesyeux rivés à la fenêtre éclairée,une femme entend le vide - senourr i r, dévorer ce spectacleinexistant, invisible, la lumièred’une chambre où d’autres sont.

De loin, avec des doigts de fée, lesouvenir d’une certaine mémoire passe.Elle frôle Lol peu après qu’elle s’estallongée dans le champ, elle lui montreà cette heure tardive du soir, dans lechamp de seigle, cette femme quiregarde une petite fenêtre rectangulaire,une scène étroite, bornée comme unepierre, où aucun personnage encore nes’est montré. Et peut-être Lol a-t-ellepeur, mais si peu, de l’éventualité d’uneséparation encore plus grande d’avec lesautres. Elle sait quand même quecertains lutteraient elle hier encore -qu’ils retourneraient chez eux encourant dès qu’un reste de raison les

Lol V. Stein está detrás del Hôtel desBois, apostada en la esquina del edifi-cio. El tiempo pasa. Ignora si son aúnlas habitaciones que dan al campo decenteno las que se alquilan por horas.Ese campo a unos metros de donde sehalla, se sumerge, se sumerge cada vezmás en una sombra verde y lechosa.

Una ventana se ilumina en el se-gundo piso del Hôtel des Bois. Lasmismas habitaciones de su época.

La veo llegar. Muy deprisa, alcan-za el campo de centeno, se deja des-lizar, se encuentra sentada, se tien-de. Ante ella, esa ventana iluminada.Pero Lol se halla lejos de su luz.

No tiene idea de lo que hace. Sigocreyendo que es la primera vez, queestá ahí sin tener idea de estar ahí, quesi se lo preguntaran diría que descan-sa. Del cansancio de haber llegadohasta ahí. Del que seguirá. De tenerque volver. Viviente, muriente, res-pira profundamente, esta noche el airees meloso, de una agotadora suavidad.No se [51] pregunta de dónde le llegala maravillosa debilidad que la haacostado en ese campo. La deja ac-tuar, llenarla hasta la sofocación, me-cerle rudamente, despiadadamentehasta el sueño de Lol V. Stein.

El centeno cruje bajo sus riñones.Tierno centeno de principios de verano.Con la mirada clavada en la ventana ilu-minada, una mujer escucha el vacío —alimentarse, devorar ese espectáculoinexistente, invisible, la luz de una ha-bitación donde otros están.

De lejos, con dedos de hada, el re-cuerdo de una cierta memoria pasa.Roza a Lol poco después de habersetendido en el campo, le muestra a estahora tardía de la tarde, en el campode centeno, a esta mujer que contem-pla una pequeña ventana rectangular,un reducido escenario, delimitadocomo una piedra, en el que todavía noha aparecido nadie. Y quizá Lol ten-ga miedo, pero poco, de la eventuali-dad de una separación aun mayor conlos otros. Sin embargo, sabe que al-gunos lucharían —ella, todavíaayer—, que volverían corriendo a casaen cuanto un resto de razón les indu-

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ferait se surprendre dans ce champ.Mais c’est la dernière peur apprise deLol, celle que d’autres auraient à saplace, ce soir. Eux l’emprisonneraientdans leur sein, avec courage. Mais elle,tout au contraire, la chérit, l’apprivoise,la caresse de ses mains sur le seigle.

L’horizon, de l’autre côté de l’hôtel,a perdu toute couleur. La nuit vient.

L’ombre de l’homme passe à traversle rectangle [62] de lumière. Unepremière fois, puis une deuxième fois,en sens inverse.

La lumière se modifie, elle devientplus forte. Elle ne vient plus du fond, àgauche de la fenêtre, mais du plafond.

Tatiana Karl, à son tour, nue dans sachevelure noire, traverse la scène delumière, lentement. C’est peut-être dansle rectangle de vision de Lol qu’elles’arrête. Elle se tourne vers le fond oùl’homme doit être.

La fenêtre est petite et Lol ne doitvoir des amants que le buste coupé à lahauteur du ventre. Ainsi ne voit-elle pasla fin de la chevelure de Tatiana.

A cette distance, quand ils parlent,elle n’entend pas. Elle ne voit que lemouvement de leurs visages devenupareil au mouvement d’une partie ducorps, désenchantés. Ils parlent peu. Etencore, ne les voit-elle que lorsqu’ilspassent près du fond de la chambrederrière la fenêtre. L’expression muettede leurs visages se ressemble encore,trouve Lol.

Il repasse encore dans la lumière,mais cette fois, habillé. Et peu aprèslui, Tatiana Karl encore nue : elles’arrête, se cambre, la tête légèrementlevée et, dans un mouvement pivotantde son torse, les bras en l’air, les mainsprêtes à la recevoir, elle ramène sachevelure devant elle, la torsade etla relève. Ses seins, par rapport à saminceur, sont lourds, ils sont assezabîmés déjà, seuls [64] à l’être danstout le corps de Tatiana. Lol doit sesouvenir comme leur attache étaitpure autrefois. Tatiana Karl a le mêmeâge que Lol V. Stein.

Je me souviens : l’homme vient

jera a sorprenderse en ese campo. Peroes el último miedo que Lol ha apren-dido, el que otros tendrían en su lu-gar, esta noche. Lo aprisionarían ensu seno, con coraje. Pero ella, al con-trario, lo ama, lo amansa, lo acariciaentre sus manos, sobre el centeno.

Al otro lado del hotel, el horizonteha perdido sus colores. Anochece.

La sombra del hombre pasa porel rectángulo de luz. Una primeravez, después una segunda, en sen-tido contrario.

La luz cambia, se intensifica. Noprocede del fondo, a la izquierda dela ventana, sino del techo.

Tatiana Karl, desnuda con sus cabe-llos oscuros, [52] atraviesa a su vez laescena de luz, lentamente. Quizá sea enel rectángulo de visibilidad de Lol don-de se detiene. Se vuelve hacia el fondodonde debe de hallarse el hombre.

La ventana es pequeña y Lol sólodebe de ver el busto de los amantes, cor-tado a la altura del vientre. No ve, pues,el final de los cabellos de Tatiana.

A esta distancia, cuando ha-blan, no les oye. Sólo ve el mo-vimiento de sus rostros desencan-tados, parecido al movimiento deu n a p a r t e d e l c u e r p o . H a b l a npoco. Y además sólo les ve cuan-do pasan cerca del fondo de la ha-bitación, detrás de la ventana. Laexpresión muda de sus rostros separece, piensa Lol.

El vuelve a atravesar la luz, peroesta vez vestido. Y poco después,Tatiana Karl, aún desnuda: se detiene,se arquea hacia atrás, la cabeza ligera-mente levantada y, con un movimiento del tor-so, los brazos en el aire, las manos dis-puestas para recibirlos, echa los cabellosh a c i a a d e l a n t e , l o s retuerce y losecha de nuevo hacia atrás. Sus senos, en rela-ción con su delgadez, son pesados, ya estánbastante estropeados, lo único estropeado enel cuerpo de Tatiana Karl. Lol debe de recor-dar qué puras eran sus relaciones en otrotiempo. Tatiana Karl tiene la misma edad queLol V. Stein.

Recuerdo: el hombre llega mientras

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tandis qu’elle s’occupe de sa chevelure,il se penche, mêle sa tête à la massesouple et abondante, embrasse, elle,continue à relever ses cheveux, elle lelaisse faire, continue et lâche.

I l s d i s p a r a i s s e n t u ni n s t a n t a s s e z l o n g d u c a d r ed e l a f e n ê t r e .

Tatiana revient encore seule, sachevelure de nouveau retombée. Elleva alors vers la fenêtre, une cigaretteà la bouche et s’y accoude.

Lol, je la vois : elle ne bouge pas.Elle sait que si on n’est pas prévenu desa présence dans le champ personne nepeut la découvrir. Tatiana Karl ne voitpas la tache sombre dans le seigle.

Tatiana Karl s’éloigne de la fenêtrepour reparaître habillée, de nouveaurecouverte par son tailleur noir. Luiaussi passe, une dernière fois, sa vestesur l’épaule.

La chambre s’éteint peu après.

Un taxi sans doute appelé partéléphone s’arrête devant l’hôtel.

Lol se relève. Il fait tout à fait nuit.Elle est engourdie, marche mal pourcommencer mais vite, une fois la petiteplace atteinte, elle trouve un taxi.L’heure du dîner est arrivée. Son retardest énorme.

Son mari est dans la rue, il l’attend,alarmé. [65]

Elle mentit et on la crut. Elle racontaqu’elle avait dû s’éloigner du centre pourfaire un achat, achat qu’elle ne pouvait faireque dans les pépinières des faubourgs,des plants pour une haie dont elleavait l’idée, entre le parc et la rue.

On la plaignit tendrement d’avoir euà marcher si longtemps sur des routessombres et désertes.

L’amour que Lol avait éprouvépour Michael Richardson était pourson mari la garantie la plus sûre de lafidélité de sa femme. Elle ne pouvaitpas retrouver une deuxième fois unhomme fait sur les mesures de celuide T. Beach, ou alors il fallait qu’elle

ella se ocupa de su melena, se inclina,hunde su cabeza en la masa flexibley abundante , la besa, la mujers igue recogiendo sus cabellos, le dejahacer, sigue y abandona.

Desaparecen del marco de la venta-na durante un momento bastante pro-longado.

Tatiana vuelve otra vez sola, sus ca-bellos sueltos [53] de nuevo. Entoncesse dirige hacia la ventana, con un ciga-rrillo en los labios, y se acoda en ella.

Veo a Lol: no se mueve. Sabeque nadie puede descubrirla si nohan advertido su presencia en elcampo . Ta t i ana Kar l no ve l amancha oscura en el centeno.

Tatiana Karl se aleja de la ventanapara reaparecer vestida, cubierta denuevo por su traje sastre negro. El tam-bién pasa, por última vez, con la cha-queta al hombro.

La habitación se apaga poco después.

Un taxi, sin duda llamado por telé-fono, se detiene delante del hotel.

Lol se levanta. Ha anochecidopor completo. Está entumecida, pri-mero camina mal pero deprisa, unavez llega a la placita encuentra untaxi. Se ha hecho la hora de cenar.Su retraso es enorme.

Su marido está en la calle, espera,alarmado.

Mintió y la creyeron. Contó quetuvo que alejarse del centro para haceruna compra, compra que sólo podíahacer en los viveros de los suburbios,plantas para un seto que se le había ocu-rrido hacer, entre el jardín y la calle.

La compadecieron tiernamente porhaber tenido que caminar tanto por ca-lles sombrías y desiertas.

El amor que Lol había experi-mentado por Michael Richardsonera, para su marido, la más seguragarantía de la fidelidad de su mujer.No podía encontrar por segunda vezun hombre hecho a la medida del deT. Beach, o bien era necesario que

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l’inventât, or elle n’inventait rien,croyait Jean Bedford. [66]

Pendant les jours qui suivirent, Lolchercha l’adresse de Tatiana Karl.

Elle ne cessa pas ses promenades.

Mais la lumière du bal s’est casséed’un seul coup. Elle n’y voit plus clair.Des moisissures grises recouvrentuniformément les visages, les corps desamants.

Les Karl n’avaient jamais habité S.Tahla. C’était au collège que Lol etTatiana s’étaient liées, elle passaientleurs vacances à T. Beach. Leurs parentsne s’étaient pour ainsi dire pas connus.Lol avait oublié l’adresse des Karl. Elleécrivit à l’Amicale du collège : à laretraite du père, les Karl avaientdéménagé, ils habitaient au bord de lamer, près de T. Beach. De Tatiana, onn’avait jamais eu de nouvelles depuisce déménagement. Lol s’acharna, elleécrivit à Mme Karl une lettre longue etembarrassée pour lui dire combien elleaurait aimé retrouver Tatiana, la seulede ses amies qu’elle n’avait jamaisoubliée. [67] Mme Karl répondit trèsaffectueusement à Lol, et lui donnal’adresse de sa fille mariée depuis huitans au docteur Beugner, à S. Tahla.

Tatiana habitait une grande villa, ausud de S. Tahla, près de la forêt.

A plusieurs reprises Lol alla sepromener aux abords de cette villaqu’elle avait déjà vue comme toutescelles de la ville.

Elle se trouvait sur une légèrehauteur. Un parc, grand et boisé,permettait mal de la voir de face, maisderrière, par le canal sinueux d’unegrande allée, on la découvrait mieux,des étages à balcons, une grande terrassesur laquelle Tatiana, en été, se tientsouvent. C’est de ce côté-là que setrouve la grille d’entrée.

Il n’était sans doute pas dans le plande Lol de se précipiter chez Tatiana,mais d’abord de faire le tour de sa

lo inventara, pero ella no inventabanada, creía Jean Bedford. [54]

Durante los días que siguieron, Lolbuscó la dirección de Tatiana Karl.

No abandonó sus paseos.

Pero la luz del baile se ha rotode repente. Ha dejado de ver claro.Mohos grises recubren uniforme-mente los rostros, los cuerpos de losamantes.

Los Karl nunca habían vivido en S.Tahla. Lol y Tatiana se hicieron ami-gas en el colegio, pasaban sus vaca-ciones en T. Beach. Sus padres no eran,por así decirlo, conocidos. Lol habíaolvidado la dirección de los Karl. Es-cribió a la Asociación del colegio:cuando el padre de Tatiana se jubiló,los Karl se trasladaron, vivían a ori-llas del mar, cerca de T. Beach. Des-pués de ese traslado no habían tenidonoticias de Tatiana. Lol se empecinó,escribió una larga carta a la señora Karlpara decirle cuánto le gustaría volvera ver a Tatiana, la única de sus amigasa la que no había olvidado. La señoraKarl contestó a Lol muy afectuosa-mente, y le dio la dirección de su hija,en S. Tahla, casada desde hacía ochoaños con el doctor Beugner.

Tatiana vivía en un gran chalet, alsur de S. Tahla, cerca del bosque.

En repetidas ocasiones, Lol fue apasear por los [55] alrededores de esechalet que ya había visto, como todoslos de la ciudad.

Se hallaba sobre una ligera eleva-ción. Un parque, grande y arbolado,impedía verlo bien, de frente; pero, pordetrás, por el sinuoso canal de un gransendero, se divisaba mejor, pisos conbalcones, espaciosa terraza en la queTatiana, en verano, permanece con fre-cuencia. Por ese lado es donde se ha-lla la verja de entrada.

Sin duda no entraba en los pla-nes de Lol precipitarse a casa deTatiana sino, primero, rodear el edi-

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maison, de tramer dans les rues qui labordaient. Qui savait? Tatiana sortiraitpeut-être, elles se rencontreraient ainsi,se retrouveraient ainsi, apparemmentpar hasard.

Cela ne se produisit pas.

La première fois, Lol dut voirTatiana Karl sur la terrasse, allongée surune chaise longue, en maillot de bain,au soleil, les yeux fermés. La deuxièmefois également. Une fois, Tatiana Karlne devait pas être là. Il y avait sa chaiselongue, [68] une table basse et desrevues coloriées. Le temps ce jour-làétait couvert. Lol s’attarda. Tatianan’apparut pas.

Alors Lol décida de rendre visiteà Tatiana. Elle dit à son mari qu’ellecomptait revoir une ancienne amiede collège, Tatiana Karl, dont elleavait retrouvé la photo au hasardd’un rangement. Lui en avait-elleparlé jamais? elle ne savait plus.Non. Jean Bedford ignorait jusqu’àce nom.

Comme Lol n’exprimait jamais ledésir de voir ou de revoir quiconque,cette initiative étonna Jean Bedford.Il questionna Lol. Elle ne démorditpas de la seule raison qu’elle lui donnaelle désirait avoir des nouvelles de sesanciennes amies de collège, surtout decelle-ci, Tatiana Karl, qui, dans sonsouvenir, était la plus attachante detoutes. Comment savait-elle son adresseà S. Tahla? Elle l’avait vue sortir d’uncinéma du centre. Elle avait écrit àl’Amicale de leur collège.

Jean Bedford s’était habitué à voirsa femme tout au long des années,satisfaite, ne réclamant rien de plusà ses côtés. L’image de Lol bavardantavec quiconque était inimaginable etmême un peu repoussante paraît-il,pour qui la connaissait. Pourtant ilsemblerait que Jean Bedford n’ait rienfait pour empêcher Lol de se conduireenfin comme les autres femmes.Ce t te échéance qui prouvai tcombien elle allait mieux les annéespassant, devait venir tôt ou tard, ill ’avai t souhai tée , [69] dut sesouvenir Jean Bedford, ou alors,préférait-il qu’elle reste telle qu’elleavait été pendant dix ans à U. Bridge,

ficio, vagar por las calles que la cir-cundaban. ¿Quién sabía? QuizáTatiana saliera, se encontrarían así,volverían a encontrarse así, aparen-temente, por casualidad.

No sucedió.

La primera vez, Lol debió de vera Tatiana Karl en la terraza, echadaen una tumbona, en bañador, al sol,con los ojos cerrados. La segundavez, también. Una vez, Tatiana Karlno debía de estar. Ahí aparecía sutumbona, una mesa y revistas colo-readas. Aquel día el tiempo estabacubierto. Lol se rezagó. Tatiana noapareció.

Lol decidió entonces visitar aTatiana. Dijo a su marido que tenía in-tención de volver a ver a una antiguaamiga del colegio, Tatiana Karl, dequien había encontrado una foto porcasualidad, mientras ponía orden. ¿Lehabía hablado de ella alguna vez? Yano sabía. No, Jean Bedford desconocíaese nombre.

Tal iniciativa sorprendió a JeanBedford, ya que Lol jamás experimen-taba el deseo de ver o de volver a ver anadie. Preguntó a Lol. Ella no desistióde la única razón que le dio: desea-ba tener noticias de sus antiguasamigas del colegio, sobre todo deésta, [56] de Tatiana Karl, quien, ensu recuerdo, era la más interesantede todas. ¿Cómo sabía su direcciónen S. Tahla? La había visto salir deun cine del centro. Escribió a laAsociación del colegio.

Jean Bedford se había acostumbradoa ver a su mujer satisfecha a lo largo delos años, sin reclamar nada más a su alre-dedor. La imagen de Lol hablando concualquier persona resultaba inimaginablee incluso parecía un tanto repulsivapara quien la conociera. Sin embar-go, diríase que Jean Bedford no hizonada para impedir que Lol se condu-jera por fin como las demás mujeres.Esta iniciativa, que demostraba cuán-to mejoraba con el paso del tiempo,debía llegar tarde o temprano, lo ha-bía deseado, debió de recordar JeanBedford, ¿o es que prefería que ellapermaneciera tal como había estadodurante diez años en U. Bridge, en

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dans cette virtualité irréprochable?J’imagine qu’un effroi traversa JeanBedford : c’était de lui-même qu’ilfallait se méfier. Il dut feindre êtreheureux de l’initiative de Lol. Toutce qui la sor ta i t de sa rout inequotidienne, lui dit-il, l’enchantait.Ne le savai t -e l le pas? Et sespromenades? Pourrait-il connaîtreTatiana Karl? Lol le lui promit dansles prochains jours.

Lol s’acheta une robe. Elle retardade deux jours sa visite à Tatiana Karl,le t e m p s d e f a i r e c e t a c h a tdifficile. Elle se décida pour unerobe de plein été, blanche. Cetterobe, de l’avis de tous chez elle,lui allait très bien.

En cachette de son mari, de sesenfants, de ses domestiques, elle seprépara ce jour-là pendant des heures.Il n’y avait pas que son mari, toussavaient qu’elle allait rendre visite àune amie de collège avec laquelle elleavait été très liée. On s’étonna, maisen silence. Au moment de partir, onl’admirait, elle se crut tenue de donnerdes précisions : elle avait choisi cetterobe blanche afin que Tatiana Karl lareconnût mieux, plus facilement;c’était au bord de la mer, elle s’ensouvenait, à T. Beach, qu’elle avait vuTatiana Karl pour la dernière fois, il yavait dix ans et pendant cesvacances-là, sur le désir d’un ami, elleétait toujours en blanc. [70]

La chaise longue était à sa place, latable aussi, les revues. Tatiana Karl étaitpeut-être dans la maison. C’était unsamedi vers quatre heures. Il faisaitbeau.

Je crois ceci :

Lol, une fois de plus, fait le tour dela villa, non plus dans l’espoir detomber sur Tatiana mais pour essayerde calmer un peu cette impatience quila soulève, la ferait courir : il ne fautrien en montrer à ces gens qui ne saventpas encore que leur tranquillité va êtretroublée à jamais. Tatiana Karl lui estdevenue en peu de jours si chère que sisa tentative allait échouer, si elle allaitne pas la revoir, la ville deviendrait

esa virtuosidad irreprochable? Su-pongo que el miedo invadió a JeanBedford: era de sí mismo de quiendebía desconfiar. Debió de fingirsentirse feliz por la iniciativa deLol. Todo lo que la arrancaba desu rutina cotidiana, le dijo, le en-cantaba. ¿No lo sabía? ¿Y sus pa-seos? ¿Podría conocer a TatianaKarl? Lol se lo prometió al cabode unos días.

Lol se compró un vestido. Retrasóla visita a Tatiana Karl dos días, eltiempo de llevar a cabo esa difícil com-pra. Se decidió por un vestido de ple-no verano, blanco. Ese vestido, segúnla opinión de toda la casa, le sentabamuy bien.

Aquel día se arregló durantedos horas , a escondidas de sumarido, de sus hijos, de sus cria-dos . No sólo su mar ido, todossabían que iba a visitar a una ami-ga del colegio a la que había esta-do muy unida. Se extrañaron, peroen silencio. En el momento [57] desalir, la elogiaron. Se creyó en laobligación de dar detalles: había ele-gido aquel vestido blanco con objetode que Tatiana Karl la reconocieramejor, más fácilmente; fue a orillasdel mar, lo recordaba, en T. Beach,donde vio a Tatiana Karl por últimavez, hacía diez años, y durante susvacaciones, por deseo de un amigo,iba siempre de blanco.

La tumbona estaba en su sitio, lamesa también, y las revistas. TatianaKarl quizá estuviera en casa. Era unsábado hacia las cuatro. Hacía buentiempo.

Creo esto:

Lol, una vez más, da la vuelta alchalet, no ya con la esperanza de darcon Tatiana, sino para intentar cal-mar un poco esa impaciencia que laagita, que la haría echar a correr: nohay que dar señales a esa gente queaún ignora que su tranquilidad va aser turbada para siempre. TatianaKarl se le ha hecho tan querida enpocos días que si su tentativa falla-ra, si no la viera, la ciudad se haría

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irrespirable, mortelle. Il fallait réussir.Ces jours-ci vont être pour ces gens, plusprécisément qu’un avenir plus lointain,ceux qu’elle en fera, elle, Lol V. Stein.Elle fabriquera les circonstancesnécessaires, puis elle ouvrira les portesqu’il faudra : ils passeront.

Elle tourne autour de la maison,dépasse légèrement l’heure qu’elle s’estfixée pour la visite, joyeuse.

Dans quel univers perdu Lol V. Steina-t-elle appris la volonté farouche, laméthode?

Arriver le soir chez Tatiana lui auraitpeut-être paru préférable. Mais elle ajugé qu’elle devait faire preuve dediscrétion et elle s’est conformée [71]aux heures habituelles des visites dansla bourgeoisie dont elles font partie,Tatiana et elle;

Elle sonne à la grille. Elle voit pourainsi dire le rose de son sang sur sesjoues. Elle doit être assez belle pour quece soit visible, aujourd’hui.Aujourd’hui, selon son désir, on doitvoir Lol V. Stein.

Une femme de chambre sortit sur laterrasse, la regarda un instant, disparutà l’intérieur. Quelques secondes aprèsTatiana Karl à son tour, en robe bleue,arriva sur la terrasse et regarda.

La terrasse est à une centaine demètres de la grille. Tatiana s’efforce dereconnaître qui vient ainsi àl’improviste. Elle ne reconnaît pas,donne l’ordre d’ouvrir. La femme dechambre disparaît à nouveau. La grilles’ouvre dans un déclic électrique quifait sursauter Lol.

Elle est à l’intérieur du parc. La grillese referme.

Elle avance dans l’allée. Elle est àmi-chemin de celle-ci lorsque deuxhommes se joignent à Tatiana. L’un deces hommes est celui qu’elle cherche.Il la voit pour la première fois.

Elle sourit au groupe et continue àmarcher lentement vers la terrasse. Desparterres de fleurs se découvrent sur lapelouse, le long de l’allée, deshortensias se fanent dans l’ombre des

irrespirable, mortal. Era preciso lo-grarlo. Estos días serán para esa gen-te, más exactamente que un futuromás lejano, lo que Lol V. Stein hagade ellos. Forjará las circunstanciasprecisas, después abrirá las puertasdebidas: pasarán.

Da la vuelta alrededor de la casa,pasa ligeramente de la hora que se hafijado para la visita, feliz.

¿En qué perdido universo ha apren-dido Lol V. Stein la voluntad feroz, elmétodo?

Quizás hubiera resultado preferiblellegar a casa de Tatiana Karl por la no-che. Pero ha considerado que debía darpruebas de discreción y se ha confor-mado con las horas de visita habitualespara la burguesía de la que Tatiana yella forman parte. [58]

Llama a la verja. Ve, por asídecirlo, el rosa de su sangre ensus mejillas. Debe estar bastantehermosa para que resulte visible,hoy. Hoy, según su deseo, Lol V.Stein debe verse.

Una doncella salió a la terraza, laobservó un momento, desapareció ha-cia el interior. Unos segundos despuésTatiana Karl, con un vestido azul, apa-reció a su vez en la terraza y miró.

La terraza está a unos cien me-tros de la verja. Tatiana se esfuer-za por reconocer a quien llega así,de improviso. No reconoce, orde-na abrir. La doncella desaparece denuevo. La verja se abre por mediode un disparador eléctrico que so-bresalta a Lol.

Se halla en el interior del parque. Laverja vuelve a cerrarse.

Avanza por el sendero. Está a me-dio camino del recorrido cuando doshombres se reúnen con Tatiana. Unode esos hombres es el que busca. Ella ve por primera vez.

Sonríe al grupo y sigue caminan-do lentamente hacia la terraza. Se di-visan parterres de flores en el cés-ped, a lo largo del sendero, las hor-tensias se marchitan a la sombra de

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arbres. Leurs coulées déjà mauvissantesest sans doute sa seule pensée. Leshortensias, les hortensias de [72]Tatiana, du même temps que Tatianamaintenant celle qui d’une seconde àl’autre va crier mon nom.

— C’est bien Lola, je ne me trompepas?

Lui la regarde. Elle lui trouve lemême regard intéressé que dans la rue.C’est bien Tatiana, voici sa voix, tendre,tendre tout à coup, d’une colorationancienne, sa voix triste d’enfant.

— Non, mais c’est Lol? Je ne metrompe pas?

— C’est elle, dit Lol.

Tatiana descend le perron encourant, arrive sur Lol, s’arrête avantde l’atteindre, regarde dans unesurprise débordante mais un peuhagarde, qui va du plaisir audéplaisir, de la crainte au rassurement,Lol l’intruse, la petite du préau, Lolde T. Beach, ce bal, ce bal, la folle,l’aimait-elle toujours? Oui.

Lol se trouve dans ses bras.

Les hommes, de la terrasse, lesregardaient s’embrasser. Ils ont entenduparler d’elle par Tatiana Karl.

Elles sont très proches de laterrasse. D’une minute à l’autre ladistance qui les sépare de cetteterrasse va être couverte à jamais.

Avant que cela arrive l’hommeque Lol cherche se trouve tout àcoup dans le plein feu de son regardLol, la tête sur l’épaule de Tatiana,le voit : il a légèrement chancelé, ila détourné les yeux. Elle ne s’est pastrompée.

Tatiana n’a plus l’odeur du linge fraisdes dortoirs [73] où son rire courait lesoir à la recherche d’oreilles à qui raconterles bons tours du lendemain. Le lendemainest là. Tatiana habillée d’une peau d’orembaume l’ambre, maintenant, leprésent, le seul présent, qui tournoie,tournoie dans la poussière et qui se poseenfin dans le cri, le doux cri aux ailesbrisées dont la fêlure n’est

los árboles, su malva postraciónconstituye sin duda su único pensa-miento. Las hortensias, las hortensiasde Tatiana, al mismo tiempo queTatiana, ahora, quien de un momen-to a otro gritará mi nombre.

— E r e s L o l a , ¿ m e e q u i v o -c o ?

El la mira. Le parece que tiene lamisma mirada interesada que en la ca-lle. Es Tatiana, esta vez es su voz, tier-na, tierna de repente, de una coloraciónantigua, su triste voz de niña.

— ¡No es posible! ¿Eres Lol? ¿Nome equivoco, verdad?

—Soy —dijo Lol. [59]

Tatiana desciende la escalera co-rriendo, llega hasta Lol, se detiene an-tes de darle alcance, la mira con unasorpresa desbordante pero un pocodespavorida, que va del placer aldisplacer, del temor a la tranquilidad,Lol la intrusa, la niña del patio, Lol deT. Beach, ese baile, ese baile, la loca,¿la seguía queriendo? Sí.

Lol se encuentra entre sus brazos.

Los hombres, desde la terraza, con-templan cómo se abrazan. Han oídohablar de ella a Tatiana Karl.

Ambas se hallan muy cerca de la te-rraza. De un momento a otro la distan-cia que las separa de esta terraza que-dará salvada para siempre.

Antes de que eso suceda el hom-bre a quien Lol busca se encuentrade repente en la diana de su mirada.Lol, la cabeza en el hombro de Tatiana,lo ve: se ha tambaleado ligeramente,ha desviado la mirada. Lol no se haequivocado.

Tatiana ya no huele a la ropa blanca fres-ca, del dormitorio desde donde su risa co-rría, por la noche, a la búsqueda de oídos alos que contar las travesuras del día siguien-te. El día siguiente está ahí. Tatiana, vestidacon una piel de oro, embalsama el ámbar,ahora, el presente, el único presente,que serpentea en el polvo y quese posa al f in en el grito, el dulcegrito de alas rotas cuya fisura sólo

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perceptible qu’à Lol V. Stein.

— Dieu! Dix ans que je ne t’ai pasvue, Lola.

— Dix ans, en effet, Tatiana.

Enlacées elles montent les marchesdu perron. Tatiana présente à Lol PierreBeugner, son mari, et Jacques Hold, unde leurs amis, la distance est couverte,moi. [74]

Trente-six ans, je fais partie du corpsmédical. Il n’y a qu’un an que je suisarrivé à S. Tahla. Je suis dans le servicede Pierre Beugner à l’Hôpitaldépartemental. Je suis l’amant deTatiana Karl.

Dès que Lol a pénétré dans la maisonelle n’a plus eu un regard pour moi.

Elle a parlé tout de suite à Tatianad’une photographie retrouvée auhasard d’un rangement récent dansune chambre de grenier : elles yétaient toutes les deux, la main dansla main, dans la cour du collège, enuniforme, à quinze ans. Tatiana ne sesouvenait pas de cette photographie.J’ai cru moi-mème à l’existence decelle-ci. Tatiana a demandé à la voir.Lol le lui a promis.

— Tatiana nous a parlé de vous, ditPierre Beugner.

Tatiana n’est pas bavarde et cejour-là elle [75] l’était encore moins qued’habitude. Elle écoutait la moindreparole de Lol V. Stein, elle la provoquaità parler de sa vie récente. Elle désirait àla fois nous la faire connaître et ensavoir, elle, toujours davantage sur sonmode d’existence, son mari, ses enfants,sa maison, son emploi du temps, sonpassé. Lol parla peu mais avec assez declarté, de netteté pour rassurer qui quece soit sur son état actuel, mais pas elle,Tatiana. Tatiana, elle, s’inquiétaitautrement que les autres à propos de Lol: qu’elle ait si bien recouvré la raisonl’attristait. On devait ne jamais guérirtout à fait de la passion. Et, de plus, cellede Lol avait été ineffable, elle en

Lol V. Stein percibe.

— ¡Dios mío! Diez años sin verteLola.

—Sí, diez años, Tatiana.

Enlazadas, ascienden los peldañosde la escalera. Tatiana la presenta aPierre Beugner, su marido, y JacquesHold, uno de sus amigos, la distanciase ha salvado, yo. [60]

Treinta y seis años, formo partede la clase médica. Sólo hace un añoque llegué a S. Tahla. Estoy al servi-cio de Pierre Beugner en el Hospitaldepartamental. Soy el amante deTatiana Karl.

Desde que Lol ha entrado en la casano ha tenido ninguna mirada para mí.

Enseguida le ha hablado a Tatianade una fotografía encontrada reciente-mente, por casualidad, al poner en or-den una habitación del desván: apa-recían las dos juntas, cogidas de lamano, en el patio del colegio, enuniforme, a los quince años. Tatianano recordaba esa fotografía. Inclusoyo creí en su existencia. Tatiana lepidió que se la dejara ver. Lol se loprometió.

—Tatiana nos ha hablado de usted—dijo Pierre Beugner.

Tatiana no es habladora y aquel díalo estaba menos de lo habitual. Escu-chaba la más insignificante palabra deLol V. Stein, la incitaba a hablar de suvida reciente. Desearía hacérnosla co-nocer y, a la vez, saber aún más sobresu modo de vida, su marido, sus hijos,su casa, su empleo del tiempo, su pa-sado. Lol habló poco pero con bastan-te claridad, [61] con bastante nitidezcomo para tranquilizar a quien fuesesobre su estado actual, pero no a ella,a Tatiana. Tatiana se inquietaba por Lolde un modo distinto al de los demás:que hubiera recobrado la razón hastatal extremo la entristecía. Nunca de-bería uno curarse por completo de lapasión. Y además, la de Lol fue inefa-

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convient toujours, malgré les réservesqu’elle fait encore sur la part qu’elle aeue dans la crise de Lol.

— Tu parles de ta vie comme unlivre, dit Tatiana.

— D’une année à l’autre, dit Lol -elle avait un sourire confus - je ne voisrien de différent autour de moi.

— Dis-moi quelque chose, tu saisbien quoi, quand nous étions jeunes,supplia Tatiana.

Lol chercha de toutes ses forces àdeviner quoi dans sa jeunesse, queldétail aurait permis à Tatiana deretrouver un peu de cette amitié si vivequ’elle lui vouait au collège. Elle netrouva pas. Elle dit:

— Si tu veux savoir, moi je croisqu’on s’est trompé. [76]

Tatiana ne répondit pas.

La conversation devint commune, seralentit, s’engourdit parce que Tatianaépiait Lol, ses moindres sourires, sesmoindres gestes, et ne s’occupait qu’àcela. Pierre Beugner parla à Lol de S.Tahla, des changements qui s’y étaientproduits depuis la jeunesse des deuxfemmes. Lol connaissait tout del’agrandissement de S. Tahla, dupercement des rues nouvelles, des plansde construction dans les faubourgs, elleen parla d’une voix posée comme de sonexistence. Puis de nouveau le silences’installa. On parla de U. Bridge, onparla.

Rien ne pouvait faire entrevoir danscette femme-ci, même fugitivement, ledeuil étrange qu’avait porté Lol V. Steinde Michael Richardson.

De sa fo l ie , dé t ru i te , rasée,rien ne paraissait subsister, aucunvestige exception faite de sa présence chezTatiana Karl cet après-midi-là. La raisonde celle-ci colorait un horizon linéaire etmonotone mais à peine, car elle pouvaitplausiblement s’être ennuyée et êtrevenue chez Tatiana. Tatiana se demandaitpourquoi quand même, pourquoi elleétait là. C’était inévitable : elle n’avaitrien à dire à Tatiana, rien à raconter,leurs souvenirs de collège, elle

ble, siempre lo reconoce, a pesar de lasreservas que todavía tiene respecto ala parte que tuvo en la crisis de Lol.

—Hablas de tu vida como un libro—dijo Tatiana.

—Año tras año —dijo Lol, con unasonrisa turbada—, no veo nada diferentea mi alrededor.

—Dime algo, sabes muy bien qué,de cuando éramos jóvenes —suplicóTatiana.

Lol intenta con todas sus fuerzasadivinar qué en su juventud, qué de-talle hubiera permitido a Tatianavolver a encontrar algo de esa amis-tad tan viva que le profesaba en elcolegio. No lo logró. Dijo:

—Si quieres saberlo, creo que huboun error.

Tatiana no respondió.

La conversación se tornó banal, sedemoró, se embotó porque Tatiana es-piaba a Lol, sus menores sonrisas, susmenores gestos, y sólo se ocupaba deeso. Pierre Beugner habló a Lol de S.Tahla, de los cambios producidos enel lugar desde la juventud de ambasmujeres. Lol lo sabía todo acerca deldesarrollo de S. Tahla, la abertura denuevas calles, los proyectos de cons-trucción de los suburbios, habló deello con una voz pausada, como de suexistencia. Después se hizo de nuevoel silencio. Se habló de U. Bridge, sehabló.

Nada podía dejar entrever en estamujer, ni siquiera fugazmente, el extra-ño luto que había llevado Lol V. Steinpor Michael Richardson. [62]

De su locura, consumida, arrasada,nada parecía subsistir, ningún vestigioexcepto su presencia en casa de TatianaKarl aquella tarde. La razón de esa pre-sencia coloreaba un horizonte lineal ymonótono, pero poco, pues resultabaplausible que se aburriera y fuera a casade Tatiana. Tatiana, sin embargo, sepreguntaba por qué se encontraba allí.Era inevitable: no tenía nada que de-cir, que contar a Tatiana, nada que con-tar; de sus recuerdos del colegio, pare-

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Notes Duras’ Stein tr. de Ana Mª Moix

paraissait en avoir une mémoire trèsatteinte, perdue, les dix ans passés à U.Bridge, elle en avait fait le tour enquelques minutes. [77]

J’étais le seul à savoir, à cause de ceregard immense, famélique qu’elle avaiteu pour moi en embrassant Tatiana,qu’il y avait une raison précise à saprésence ici. Comment cela était-ii pos-sible? Je doutais. Pour me plairedavantage à retrouver la précision de ceregard, je doutais encore. Il différaittotalement de ceux qu’elle avait àprésent. II n’en restait rien. Mais ledésintérêt dans lequel elle me tenaitmaintenant était trop grand pour êtrenaturel. Elle évitait de me voir. Je nelui adressais pas la parole.

— Comment s’est-on trompé?demanda enfin Tatiana.

Tendue, n’aimant pas qu’on laquestionne ainsi, elle fit néanmoinscette réponse, navrée de décevoirTatiana

— Sur les raisons. C’est sur lesraisons qu’on s’est trompé.

— Cela je le savais, dit Tatiana,c’est-à-dire que... Je m’en doutais bien... leschoses ne sont jamais aussi simples...

Pierre Beugner, une nouvelle fois,détourna la conversation, il étaitvisiblement le seul de nous trois à malsupporter le visage de Lol lorsqu’elleparlait de sa jeunesse, il recommença àparler, à lui parler, de quoi? de la beautéde son jardin, il était passé devant,quelle bonne idée cette haie entre lamaison et cette rue si passante.

Elle paraissait flairer quelque chose,se douter qu’il y avait entre Tatiana etmoi autre chose [78] qu’une relationamicale. Quand Tatiana abandonne unpeu Lol, qu’elle cesse de la questionner,cela se voit davantage : Tatiana enprésence de ses amants s’émeuttoujours du souvenir toujours prochedes après-midi à l’Hôtel des Bois.Qu’elle se déplace, se relève, ajustesa coiffure, s’asseye, son mouvementest charnel. Son corps de fille, saplaie, sa calamité bienheureuse, ilcrie, il appelle le paradis perdu de sonunité, il appelle sans cesse, désormais,

cía tener una memoria muy dañada,perdida; a los diez años pasados en U.Bridge, les había dado la vuelta en unosminutos.

Yo era el único en saber, debidoa esa mirada inmensa, famélica, queme dirigió al abrazar a Tatiana, quesu presencia allí tenía una razónprecisa. ¿Cómo era posible? Duda-ba. Para complacerme más en ha-llar de nuevo la precisión de esamirada, volvía a dudar. Difería to-talmente de las que lanzaba ahora.No quedaba n i ras t ro . Pero e ldesinterés que ahora me demostra-ba era demasiado grande para sernatural. Evitaba verme. No le diri-gí la palabra.

—¿Qué error? —preguntó por finTatiana.

Tensa, no agradándole que le formu-len preguntas así, no dejó sin embargode contestar, desconsolada por decep-cionar a Tatiana.

—Respecto a las razones. Hubo unerror respecto a las razones.

—Eso ya lo sabía —dijoTatiana—, es decir... desconfiaba...las cosas nunca son tan simples...

Pierre Beugner, una vez más, dio ungiro a la conversación, evidentementeera el único de nosotros tres que sopor-taba con dificultad el rostro de Lol cuan-do hablaba de su juventud; empezó ahablar de nuevo, a hablarle, ¿de qué?,de la belleza [63] de su jardín, pasó pordelante, qué buena idea el seto entre lacasa y la calle tan concurrida.

Lol parecía olerse algo, sospecharque entre Tatiana y yo existía algo másque una relación amistosa. CuandoTatiana abandona a Lol, cuando deja deformularle preguntas, se hace más pa-tente: Tatiana, en presencia de susamantes, siempre se conmueve por elrecuerdo siempre reciente de la tarde enel Hôtel des Bois. Al cambiar de sitio,al levantarse, al arreglarse el peinado,al sentarse, su movimiento siempre escarnal. Su cuerpo de muchacha, su ci-catriz, su feliz calamidad, grita, clamaal paraíso perdido de su unidad, clamasin cesar, desde ahora, que se le con-

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Notes Duras’ Stein tr. de Ana Mª Moix

qu’on le console, il n’est entier quedans un lit d’hôtel.

Tatiana sert le thé. Lol la suit desyeux. Nous la regardons, Lol V. Steinet moi. Tout autre aspect de Tatianadevient secondaire : aux yeux de Lol etaux miens elle est seulement lamaîtresse de Jacques Hold. J’écoute malce qu’elles évoquent toutes les deuxmaintenant d’un ton léger de leurjeunesse, des cheveux de Tatiana. Loldit :

— Ah! tes cheveux défaits, lesoir, tout le dortoir venait voir, ont’aidait.

Il ne sera jamais question de lablondeur de Lol, ni de ses yeux, jamais.

Je saurais pourquoi, de quelquefaçon que je doive m’y prendre,pourquoi, moi.

Ceci est arrivé. Alors que Tatianaajuste une nouvelle fois sa coiffure jeme souviens d’hier -Lol la regarde - jeme souviens de ma tête à ses seinsmêlés, hier. Je ne sais pas que Lol a vuet pourtant la sorte de regard qu’elle asur Tatiana me fait m’en souvenir. Cequ’il peut advenir de [79] Tatianalorsqu’elle se recoiffe, nue, dans lachambre de l’Hôtel des Bois, je l’ignoredéjà moins il me semble.

Que cachait cette revenantetranquille d’un amour si grand, si fort,disait-on, qu’elle en avait comme perdula raison?J’étais sur mes gardes. Elle estdouce, souriante, elle parle de TatianaKarl.

Tatiana, elle, ne croyait pas à la seulevertu de ce bal dans la folie de Lol V.Stein, elle la faisait remonter plus avant,plus avant dans sa vie, plus avant danssa jeunesse, elle la voyait ailleurs. Aucollège, dit-elle, il manquait quelquechose à Lol, déjà elle était étrangementincomplète, elle avait vécu sa jeunessecomme dans une sollicitation de cequ’elle serait mais qu’elle n’arrivait pasà devenir. Au collège elle était unemerveille de douceur et d’indifférence,elle changeait d’amies, elle ne luttaitjamais contre l’ennui, jamais une larmede jeune fille. Lorsque le bruit avaitcouru de ses fiançailles avec Michael

suelen, sólo se siente completa en unacama de hotel.

Tatiana sirve el té. Lol la sigue conla mirada. La miramos. Lol V. Stein yyo la miramos. Cualquier otro aspectode Tatiana se convierte en algo se-cundario: ante Lol y ante mí es sólola amante de Jacques Hold. No oigobien lo que evocan, ambas, ahora,con un tono ligero, acerca de su ju-ventud, del pelo de Tatiana. Loldice:

—Por la noche, todo el dormitoriovenía a ver tus cabellos sueltos. Te ayu-daban.

Nunca se hablará del rubio deLol, ni de sus ojos, nunca.

S a b r é p o r q u é , d e lm o d o q u e s e a , s a b r ép o r q u é .

Ha sucedido. Mientras Tatiana searregla una vez más el peinado meacuerdo de ayer —Lol la mira—, meacuerdo de mi cabeza pegada a sus se-nos, ayer. Ignoro que Lol lo ha visto ysin embargo la clase de mirada que di-rige hacia Tatiana provoca mi recuer-do. Lo que ya ignoro menos, creo, es loque puede ocurrirle a Tatiana cuando[64] vuelva a peinarse, desnuda, en lahabitación del Hôtel des Bois.

¿Qué ocultaba esta tranquilaresucitada de un amor tan grande, tanintenso, dicen, que pareció haber per-dido la razón? Yo estaba sobre aviso.Es dulce, sonriente, habla de TatianaKarl.

Tatiana no creía que ese baile fueseel único impulsor de la locura de LolV. Stein; la remontaba hasta muchoantes, mucho antes en su vida, muchoantes en su juventud, la situaba en otraparte. En el colegio, dijo, a Lol le fal-taba algo, ya estaba extrañamente in-completa, había vivido su juventudcomo en una petición de lo que seríapero que no llegaría a ser. En el cole-gio era una maravilla de dulzura y deindiferencia, cambiaba de amigas, ja-más luchaba contra el aburrimiento,nunca una lágrima de muchacha. Cuan-do corrió el rumor de su noviazgo conMichael Richardson, Tatiana sólo cre-

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Richardson, Tatiana, elle, n’avait cruqu’à moitié à cette nouvelle. Qui auraitpu trouver Lol, qui aurait retenu sonattention entière? ou du moins une partsuffisante de celle-ci pour la faires’engager dans le mariage? qui auraitconquis son coeur inachevé? Tatianacroit-elle encore s’être trompée?

Il me semble que Tatiana m’arapporté aussi des propos, beaucoup,des bruits aussi qui ont couru à S. Tahlaau moment du mariage de Lol V. Stein.Elle aurait déjà été enceinte de sapremière [80] fille? Je me souviens mal,ils font une rumeur, au loin, en cemoment, je ne les distingue plus desrécits de Tatiana. En ce moment, moiseul de tous ces faussaires, je sais : jene sais rien. Ce fut là ma premièredécouverte à son propos ne rien savoirde Lol était la connaître déjà. Onpouvait, me parut-il, en savoir moinsencore, de moins en moins sur Lol V.Stein.

Le temps passait. Lol restait,heureuse toujours, sans convaincrepersonne que c’étai t de revoirTatiana.

— Tu passes devant chez moiparfois? demande Tatiana.

Lol dit que cela lui arrive, elle sepromène l’après-midi, chaque jour,aujourd’hui elle était venuevolontairement, elle avait écritplusieurs lettres au collège et puis à sesparents après avoir retrouvé cettephotographie.

Pourquoi restait-elle encore etencore?

Voici le soir.

Le soir, Tatiana s’attristaittoujours. Jamais elle n’oubliait. Cesoir encore elle regarda un instantau-dehors : l’étendard blanc desamants dans leur premier voyageflotte toujours sur la ville obscurcie.La défaite cesse d’être le lot deTatiana, elle se répand, coule surl’univers. Tatiana dit qu’elle auraitvoulu faire un voyage. Elle demandeà Lol si celle-ci partage ce désir. Loldit ne pas y avoir encore pensé.

yó la noticia a medias. ¿A quién ha-bría podido encontrar Lol, capaz deretener su entera atención? ¿O, al me-nos, una parte suficiente como parainducirla a comprometerse con el ma-trimonio? ¿Quién habría conquistadosu corazón inacabado? ¿Cree aúnTatiana haberse equivocado?

Creo que Tatiana me refirió con-versaciones, muchas, y también ru-mores que corrieron por S. Tahla du-rante la época de la boda de Lol V.Stein. ¿Estaría encinta de su primerahija? No lo recuerdo con exactitud,forman un rumor, lejano, en ese mo-mento, ya no los distingo de los rela-tos de Tatiana. En este momento, sóloyo entre todos esos falsarios, sé : nosé nada. Fue mi pr imer descu-brimiento respecto a el la: no sa-ber nada de Lol era ya conocer-la . Se podía , pensé , saber aúnmenos, cada vez menos, de LolV. Stein. [65]

El tiempo transcurría. Lol perma-necía allí, siempre feliz, sin convencera nadie de que se trataba de volver aver a Tatiana.

—¿Pasas a veces por delante decasa? —pregunta Tatiana.

L o l d i c e q u e s u e l e p a s e a rp o r l a t a r d e , c a d a d í a , h o yh a b í a v e n i d o a d r e d e , h a b í ae s c r i t o v a r i a s c a r t a s a l c o l e -g i o y l u e g o a s u s p a d r e s d e s -p u é s d e h a b e r e n c o n t r a d o l af o t o g r a f í a .

¿Por qué se quedaba más ymás?

He aquí el atardecer.

Al atardecer, Tatiana siempre seentristecía. Jamás se olvidaba. Eseatardecer volvió a mirar durante uninstante al exterior: el estandarteblanco de los amantes en su primerviaje sigue flotando sobre la ciudadoscurecida. El fracaso deja de ser elbotín de Tatiana, se esparce, se derra-ma por el universo. Tatiana dice quedesearía hacer un viaje. Pregunta a Lolsi comparte ese deseo. Lol dice nohaberlo pensado todavía.

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Notes Duras’ Stein tr. de Ana Mª Moix

— Peut-être, mais où? [81]

— Tu trouveras, dit Tatiana.

Elles s’étonnèrent de ne s’être jamaisencore rencontrées dans le centre de S.Tahla. Mais il est vrai, dit Tatiana,qu’elle, elle sort peu, qu’à cettesaison-ci elle fait de fréquents voyageschez ses parents. C’est faux. Tatiana adu temps libre. Je prends tout le tempslibre de Tatiana.

Lol récite sa vie, depuis sonmariage : ses maternités, sesvacances. Elle détaille - elle croitpeut-être que c’est ce qu’on veutsavoir - la grandeur de la dernièremaison qu’elle a habitée, à U. Bridge,pièce par pièce, de façon assezlongue pour que la gêne s’installe denouveau chez Tatiana Karl et PierreBeugner. Je ne perds aucun mot. Elleraconte en fait le dépeuplementd’une demeure avec sa venue.

— Le salon est si grand qu’on auraitpu y danser. Je n’ai jamais rien pu faire,le meubler, rien n’était suffisant.

Elle décrit encore. Elle parle de U.Bridge. Tout à coup elle ne le fait pluspour nous plaire, et sagement, commeelle a dû se le promettre. Elle parle plusvite, à voix plus haute, son regard nousa lâchés : elle dit que la mer n’est pasloin de la villa qu’elle habitait à U.Bridge. Tatiana a un sursaut : la merest à deux heures de U. Bridge. MaisLol ne remarque rien.

— C’est-à-dire que sans cesimmeubles nouveaux on aurait pu voirla plage de ma chambre.

Elle décrit cette chambre et l’erreurest laissée [82] en route. Elle revientvers T. Beach, qu’elle ne confond avecrien d’autre, elle est de nouveau pré-sente, en possession de ses moyens.

— Un jour j’y retournerai, il n’y apas de raison.

Je voulais revoir ses yeux sur moi :je dis

— Pourquoi ne pas y retourner cetété-ci?

—Quizá. Pero, ¿dónde?

—Ya se te ocurrirá —dice Tatiana.

Se sorprendieron de no haberse en-contrado aún en el centro de S. Tahla.Pero lo cierto, dice Tatiana, es que salepoco, que durante esta estación hacefrecuentes viajes a casa de sus padres.Es mentira. Tatiana tiene tiempo libre.Yo ocupo todo el tiempo libre deTatiana.

Lol cuenta su vida, desde sumatrimonio: sus partos, sus va-caciones . Deta l la —quizá creaque es eso lo que qu ie ren sa -ber— las dimensiones de la últ i-ma casa que habitó, en U. Bridge,estancia por estancia, de un modo suficien-temente prolongado como para que la inco-modidad anide en Tatiana Karl y en PierreBeugner otra vez. No me pierdo [66] una pa-labra. Cuenta, de hecho, el despoblamientode una morada con su traslado.

—El salón es tan grande que se hu-biera podido bailar en él. Nunca pudesolucionarlo, amueblarlo, nada bastaba.

Sigue describiendo. Habla de U.Bridge. De repente ya no lo hace paracomplacernos, y prudentemente, comoha debido proponérselo. Habla más de-prisa, en voz alta, su mirada se apartade nosotros: dice que el mar no está le-jos del chalet que habitaba en U. Brid-ge. Tatiana se sobresalta: el mar se ha-lla a dos horas de U. Bridge. Pero Lolno se da cuenta de nada.

—Es decir, que sin esos nuevos edi-ficios se hubiera podido ver el mar des-de mi habitación.

Describe esa habitación y el errorqueda en el camino. Vuelve de nuevo aT. Beach, que no confunde con ningúnotro lugar, de nuevo está presente, enposesión de recursos.

—Un día regresaré allí; no hay ex-cusas que valgan.

Deseaba volver a ver su mirada so-bre mí, dije:

—¿Por qué no hacerlo este ve-rano?

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Elle me regarda, comme je ledésirais. Ce regard qui lui échappadétourna le cours de sa pensée. Ellerépondit au hasard:

— Peut-être cette année. J’aimaisbien la plage - à Tatiana - tu te souviens?

Ses yeux sont veloutés commeseuls les yeux sombres le sont, or lessiens sont d’eau morte et de vasemêlées, rien n’y passe en ce momentqu’une douceur ensommeillée.

— Tu as toujours ton doux visage,dit Tatiana.

Voici, dans un sourire, voici unemoquerie très joyeuse, mal à propos mesemble-t-il. Tatiana reconnaît quelquechose tout à coup.

— Ah! dit-elle, tu te moquais commeça aussi quand on te le disait.

Elle venait peut-être de dormirpendant un long moment.

— Je ne me moquais pas. Tu lecroyais. Toi tu es si belle, Tatiana, ohcomme je me souviens.

Tatiana se leva pour embrasserLol. Une autre femme fit place àcelle-ci , imprévisible, déplacée,méconnaissable. De qui se moquait-ellesi elle se moquait?

Je devais la connaître parce qu’elledésirait que [83] cela se produise. Elleest rose pour moi, sourit, se moque, pourmoi. Il fait chaud, on étouffe tout à coupdans le salon de Tatiana. Je dis:

— Vous êtes belle vous aussi.

D’un geste de la tête, brusque,comme si je l’avais giflée elle se tournevers moi.

— Vous trouvez?

— Oui, dit Pierre Beugner.

Elle rit encore.

— Quelle idée!

Tatiana devient grave. Elle considèreson amie avec ferveur. Je comprends

Me miró, tal como deseaba. Lamirada que se le escapó cambió elcurso de su pensamiento. Res-pondió al azar:

—Quizás este año. Me encanta laplaya —a Tatiana—: ¿te acuerdas?

Sus ojos son aterciopelados comosólo lo son los ojos oscuros, pero los su-yos son de agua muerta y de cieno entre-mezclados, sólo una dulzura somnolientalos cruza en ese instante.

—Sigues poseyendo tu dulce rostro—dijo Tatiana.

He aquí , en una sonr isa , heaquí una burla alegre, [67] pocooportuna, a mi entender. Tatiana,de repente, reconoce algo.

—¡Ah! —dice—. También te burla-bas así cuando te lo decían.

Quizás ella acababa de dormir du-rante un buen rato.

—No me burlaba. Tú te lo pen-sabas. Eras tan bella, Tatiana.. .¡Cómo me acuerdo!

Tat iana se levantó para besara L o l . O t r a m u j e r d i o p a s o aésta , imprevis ible , fuera de lu-gar, i r reconocible . ¿De qué seburlaba s i se burlaba?

Estaba obligado a conocerla porqueella quería que así sucediera. Estásonrosada para mí, sonríe, se burla,para mí. Hace calor, uno se asfixia derepente en el salón de Tatiana. Digo:

—Usted también es hermosa.

Con un gesto brusco de cabeza,como si la hubiera abofeteado, se vuel-ve hacia mí.

—¿Le parece?

—Sí —dice Pierre Beugner.

Vuelve a reír.

— ¡Qué ocurrencia!

Tatiana se pone seria. Estima confervor a su amiga. Me doy cuenta de

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qu’elle est presque sûre que Lol n’estpas tout à fait guérie. Elle en estprofondément rassurée, je le sais; cettesurvivance même pâlie de la folie deLol met en échec l’horrible fugacitédes choses, ralentit un peu la fuiteinsensée des étés passés.

— Ta voix a changé, dit Tatiana,mais ton rire je l’aurais reconnu derrièreune porte de fer.

Lol dit :

— Ne t’inquiète pas, il ne faut past’inquiéter, Tatiana.

Les yeux baissés elle attendait.Personne ne lui répondait. C’était à moiqu’elle s’était adressée.

Elle se pencha vers Tatiana,curieuse, amusée.

— Comment était-elle avant? Je mesouviens mal.

— Brutale, un peu. Tu parlais vite.On te comprenait mal. [84]

Lol se mit à rire de bon coeur.

—J’étais sourde, dit-elle, maispersonne ne savait, j’avais une voix desourde.

Le jeudi, Tatiana raconte, elles deuxrefusaient de sortir en rangs, avec lecollège, elles dansaient dans le préauvide -on danse, Tatiana? - un pick-updans un immeuble voisin, toujours lemême, jouait des danses anciennes - uneémission-souvenir qu’elles attendaient,les surveillantes étaient envolées, seulesdans l’immense cour du collège où onentendait, ce jour-là, les bruits des rues.Allez, Tatiana, allez, on danse, parfoisexaspérées, elles jouent, crient, jouentà se faire peur.

Nous la regardions qui écoutaitTatiana et paraissait me rendre à témoinde ce passé. Est-ce bien cela? Était-cebien ainsi qu’elle dit?

— Tatiana nous a parlé de ces jeudis,dit Pierre Beugner.

Tatiana comme chaque jour a laissés’installer la demi-pénombre du

que está casi segura de que Lol noestá curada por completo. Está pro-fundamente sosegada, lo sé; esta su-pervivencia incluso pálida de la locura deLol hace fracasar la horrible fugacidad delas cosas, amortigua un poco la huida in-sensata de los pasados veranos.

—Tu voz ha cambiado —diceTatiana—, pero tu risa la hubiera reco-nocido detrás de una puerta de hierro.

Lol dice:

—No te preocupes, Tatiana; no de-bes preocuparte. [68]

Con la mirada baja esperaba. Na-die le contestaba. Era a mí a quiense había dirigido.

Se inclinó hacia Tatiana, curiosa,divertida.

—¿Cómo era antes? No logro recor-darlo con exactitud.

—Un poco brutal. Hablabas de pri-sa. Se te entendía mal.

Lol rió de buena gana.

— E r a s o r d a — d i j o — , p e r on a d i e l o s a b í a . Te n í a v o z d es o r d a .

Los jueves, cuenta Tatiana, las dosse negaban a salir en fila, con el cole-gio, bailaban en el patio vacío —¿bai-lamos, Tatiana?—, un pick—up en unedificio vecino, siempre el mismo, to-caba viejos bailes —un programa pararecordar— que ellas escuchaban, au-sentes las celadoras, solas en el in-menso patio del colegio donde, aqueldía, se oía el ruido de las calles. Va-mos, Tatiana, va, bailemos, exaspera-das a veces, juegan, gritan, juegan adarse miedo.

La mirábamos escuchar aTatiana y parecía tomarme por tes-tigo de ese pasado. ¿Es verdad? ¿Esverdad tal como lo cuenta?

—Tatiana nos ha hablado de esosjueves —dijo Pierre Beugner.

Tatiana, como cada día, ha dejadoque se instale la semipenumbra del cre-

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crépuscule et je peux regarder Lol V.Stein longtemps, assez longtemps, avantqu’elle ne s’en aille, pour ne plus jamaisl’oublier.

Lorsque Tatiana alluma, Lol se levaà regret. Quel domicile illusoireallait-elle rejoindre? Je ne savais pasencore.

Une fois levée, sur le point de partirelle dit [85] enfin ce qu’elle avait à dire: elle désire revoir Tatiana.

— Je veux te revoir, Tatiana.

Alors ce qui aurait dû paraîtrenaturel paraît faux. Je baisse les yeux.Tatiana qui cherche à trouver monregard le perd comme une monnaietombée. Pourquoi Lol qui paraît sepasser de tout le monde veut-elle merevoir, moi, Tatiana? Je sors sur leperron. La nuit n’est pas encore tout àfait venue, je m’en aperçois, elle est loinde l’être. J’entends Tatiana demander

— Pourquoi désires-tu me revoir?Cette photo t’a-t-elle donné envie de merevoir à ce point? Je suis intriguée.

Je me retourne : Lol V. Stein perdcontenance, elle me cherche des yeux,elle va du mensonge à la sincérité,s’arrête au mensonge courageusement.

— II y a cette photo - elle ajoute - ily a eu aussi que je devais connaître dumonde ces temps-ci.

Tatiana rit.

— Ça te ressemble mal, Lola.

J’apprends que le naturel du rire deLol est incomparable lorsqu’elle ment.Elle dit:

— On verra bien, on verra oùça nous mènera , je me sens s ibien avec toi.

— On verra, dit joyeusementTatiana.

— Tu sais qu’on peut cesser de mevoir, je le comprends.

púsculo y puedo contemplar a Lol V.Stein durante un buen rato bastante lar-go, antes de que se vaya, para no olvi-darla jamás.

Cuando Tatiana encendió la luz,Lol se levantó con pesar. ¿Qué do-micilio ilusorio iba a encontrar? Yono lo sabía aún. [69]

Una vez en pie, a punto de marchar-se, dijo por fin lo que tenía que decir:desea volver a ver a Tatiana.

—Quiero volver a verte Tatiana.

Entonces, lo que hubiera debido pa-recer habitual pareció falso. Yo bajo lavista. Tatiana, que intenta encontrar mimirada, la pierde cual una moneda caí-da. ¿Por qué Lol, que diríase tan indi-ferente con todo el mundo, quiere vol-ver a verme, a mí, a Tatiana? Salgo ala escalera. No es completamente denoche, me doy cuenta, está lejos deserlo. Oigo que Tatiana pregunta:

—¿Por qué deseas volver a verme?¿Tantas ganas de verme te ha inspira-do la foto? Estoy intrigada.

Me vuelvo: Lol V. Stein se tur-ba, busca mi mirada, pasa de lamentira a la sinceridad, se detie-ne en la mentira, con coraje.

—La razón es esa foto, sí —añade—. Y también que deb íaconocer gente.

Tatiana ríe.

—Eso no te va, Lola.

Advierto que la manera de reír deLol es incomparable cuando miente.Dice:

—Ya veremos, ya veremos adón-de nos conduce esto. ¡Me siento tanbien contigo!

—Veremos —dice Tatiana alegre-mente.

—Uno siempre puede dejar de ver-me, lo comprendo.

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— Je sais, dit Tatiana. [86]

Une tournée théâtrale passait à S.Tahla cette semaine-là. N’était-ce pasune occasion de se voir? Elles iraientensuite chez elle, Tatiana ferait enfin laconnaissance de Jean Bedford. PierreBeugner et Jacques Hold nepourraient-ils pas venir aussi?

Tatiana hésita puis elle dit qu’elleviendrait, qu’elle renonçait à aller à lamer. Pierre Beugner était libre.J’essaierai, dis-je, de décommander undîner. Ce même soir nous devions nousretrouver à l’Hôtel des Bois avecTatiana.

Tatiana était devenue ma femme àS. Tahla, l’admirable beauté de maprostitution, je ne pouvais plus mepasser de Tatiana.

Le lendemain j’ai téléphoné àTatiana, je lui ai dit que nous n’irionspas chez les Bedford. Elle a cru à masincérité. Elle m’a dit qu’il lui étaitimpossible de ne pas accepter, cettepremière fois, l’invitation de Lol. [87]

Jean Bedford s’est retiré dans sachambre. Il a un concert demain. II faitdes exercices de violon.

Nous sommes, à ce moment de lasoirée, aux environs de onze heures etdemie, dans la salle de jeux des enfants.La pièce est grande et nue. Il y a unbillard. Les jouets des enfants sont dansun coin, rangés dans des coffres. Lebillard est très ancien, il devait déjà êtrechez les Stein avant la naissance de Lol.

Pierre Beugner fait des points. Jele regarde. Il m’a dit, en sortant duthéâtre, qu’il fallait laisser Tatiana et LolV. Stein seules ensemble un moment,avant de les rejoindre. Il était probable,avait-il ajouté, que Lol devait avoir àfaire une confidence importante àTatiana, l’insistance qu’elle avait miseà vouloir la revoir le prouvait.

Je tourne autour du billard. Lesfenêtres sont ouvertes sur le parc. Unegrande porte qui donne sur unepelouse, aussi. La salle est contiguë àla chambre de Jean Bedford. Lol et

—Lo sé —dice Tatiana.

Una compañía teatral, en gira, pasa-ba por S. Tahla aquella semana. ¿No erauna ocasión para verse? D e s p u é si r í an a ca sa , Ta t i ana conoce r í ap o r f i n a J e a n B e d f o r d . ¿ N op o d í a n i r t a m b i é n P i e r r eBeugne r y J acques Ho ld?

Tatiana dudó, luego dijo queirían, que renunciaba [70] ir almar. Pierre Beugner estaba libre.Intentaré, dije yo, anular una cena.Aquella misma tarde debíamos en-contrarnos con Tatiana en el Hôteldes Bois.

Tatiana se había convertido en mimujer en S. Tahla, la admirable belle-za de mi prostitución, yo no podía pres-cindir de Tatiana.

Al día s iguiente te lefoneé aTatiana, le dije que no iríamos a casade los Bedford. Creyó en mi since-ridad. Me dijo que le resultaba im-posible rechazar, por ser la primeravez, la invitación de Lol. [71]

Jean Bedford se ha retirado a su ha-bitación. Mañana tiene un concierto.Hace ejercicios de violín.

En este momento, hacia las once ymedia, nos hallamos en la sala de jue-gos de los niños. Una estancia grandey desnuda. Hay un billar. Los juguetesde los niños están en un rincón, guar-dados en cajas. E1 billar es muy viejo,ya debía de estar en casa de los Steinantes del nacimiento de Lol.

Pierre Beugner puntúa. Lo miro.Al salir del teatro me ha dicho quehabía que dejar a Tatiana y a Lol V.Stein solas un rato, antes de reunirsecon ellas. Era probable, había añadi-do, que Lol tuviera que hacer algunaconfidencia importante a Tatiana, lainsistencia que había puesto en vol-ver a verla lo demostraba.

Doy la vuelta alrededor del billar.Las ventanas están abiertas al jardín.También una gran puerta que da al cés-ped. La sala es contigua a la habita-ción de Jean Bedford. Lol y Tatiana

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Tatiana peuvent [88] comme nousentendre le violon, mais moins fort. Unvestibule les sépare de ces deux piècesoù se tiennent les hommes. Ellesdoivent aussi entendre le choc sourddes boules de billard entre elles. Lesexercices de Jean Bedford sur doublecorde sont très aigus. Leur frénésiemonotone est éperdument musicale,chant de l’instrument même.

Il fai t bon. Cependant Lol af e r m é l e s baies du saloncontrairement à son habitude. Lorsquenous sommes arrivés devant cettemaison, obscure, aux fenêtres ouvertes,elle a dit à Tatiana qui s’étonnait,qu’elle faisait ainsi en cette saison. Cesoir, non. Pourquoi? Sans douteTatiana l’a-t-elle demandé. C’estTatiana qui a son coeur à ouvrir à Lol,ce coeur dont jamais nous ne parlonsensemble, pas Lol, cela, je sais.

Lol a montré ses trois enfantsendormis à Tatiana. On a entendu leursrires retenus fuser dans les étages. Etpuis elles sont redescendues dans lesalon. Nous étions déjà dans le billard.Je ne sais pas si Lol s’est étonnée de nepas nous voir. On a entendu la fermeturedes trois baies.

Elle, de l’autre côté du vestibule,et moi ici, dans cette salle de jeux oùje marche, nous attendons de nousrevoir.

La pièce était amusante. Elles ontri. A trois reprises, Lol et moi avons riseuls. A l’entracte, dans un aparté trèscourt, alors que je passais près d’eux,j’ai compris que Tatiana et JeanBedford parlaient de Lol. [89]

Je sors de la salle de billard. PierreBeugner n’y prend pas garde. Nous netenons pas à rester en tête à têtelongtemps, en général, à cause deTatiana. Je ne crois pas que Pierreignore tout comme le prétend Tatiana.Je contourne la maison de quelques paset me voici derrière une des baieslatérales du salon.

Lol est assise face à cette baie. Ellene me voit pas encore. Le salon estmoins grand que la salle de billard,meublé de fauteuils disparates, d’unetrès grande vitrine en bois noir dans

pueden, al igual que nosotros, oír elviolín, pero en un tono menos alto. Unvestíbulo las separa de esas dos estan-cias donde permanecen los hombres.Deben de oír, también, el sordo cho-que de las bolas de billar. Los ejerci-cios de Jean Bedford sobre doble cuer-da son muy agudos. Su monótono fre-nesí es perdidamente musical, el cantoesencial del instrumento. [72]

Hace buen tiempo. Sin embargoLol, contrariamente a su costumbre, hacerrado los vanos del salón. Cuandohemos llegado delante de la casa, os-cura, de ventanas abiertas, le ha di-cho a Tatiana, que se extrañaba, quelo hacía en esta estación. Esta no-che, no. ¿Por qué? Sin duda se lo hapedido Tatiana. Es Tatiana quien tie-ne que abrir su corazón a Lol, esecorazón del que nunca hablamosentre nosotros, no Lol, lo sé.

Lol ha enseñado sus tres hijos, dor-midos, a Tatiana. Se ha oído prorrum-pir sus risas contenidas en las habita-ciones de arriba. Y a continuación hanvuelto a bajar al salón. Estábamos yaen el billar. No sé si Lol se ha sorpren-dido al no vernos. Se ha oído el cierrede tres vanos.

Ella, desde el otro lado del vestí-bulo, y yo aquí, en la sala de juegospor la que rondo, esperamos volver avernos.

La obra era divertida. Ellas han reí-do. Lol y yo hemos reído juntos en tresocasiones. Durante el descanso, al pa-sar junto a Tatiana y a Pierre Beugnerme he dado cuenta que hablaban de Lol,en un apartado muy breve.

Salgo de la sala de billar. PierreBeugner no lo advierte. Por lo ge-neral, no solemos permanecer a so-las mucho rato, debido a Tatiana. Nocreo que Pierre lo ignore todo, comopretende Tatiana. Doy algunos pa-sos alrededor de la casa y heme aquí,detrás de uno de los vanos lateralesdel salón.

Lol está sentada frente a ese vano.Aún no me ve. El salón es menos gran-de que la sala de billar, amueblado consillones dispares, con una vitrina muygrande de madera negra en la que hay

vano 9. m. Arq. Parte del muro o fábrica en que no haysustentáculo o apoyo para el techo o bóveda; comoson los huecos de ventanas o puertas y losintercolumnios.

2. BAIE 1. Ouverture pratiquée dans un mur ou dans unassemblage de charpente pour faire une porte, unefenêtre. 2. Techn. Châssis vertical ou armoire desti-né à supporter des équipements électriques ouélectroniques- 3. Fig., vx. Tromperie, mystificationque l'on fait à qqn et qu'il accepte bouche bée.

1. BAIE baya = fruto carnoso

bay 3 n.1a space created by a window-line projecting outwards

from a wall.2a recess; a section of wall between buttresses or

columns, esp. in the nave of a church etc.3a compartment (bomb bay).4an area specially allocated or marked off (sick bay;

loading bay).5Brit. the terminus of a branch line at a railway station

also having through lines, usu. at the side of an outerplatform.

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Notes Duras’ Stein tr. de Ana Mª Moix

laquelle il y a des livres et une collectionde papillons. Les murs sont nus, blancs.Tout est d’une propreté méticuleuse etd’une ordonnance rectiligne, la plupartdes fauteuils sont le long des murs,l’éclairage tombe du plafond,insuffisant.

Lol se lève et offre un verre de cherryà Tatiana. Elle, ne boit pas encore.Tatiana doit être sur le bord de faire uneconfidence à Lol. Elle parle, prend despauses, baisse les yeux, dit quelquechose, ce n’est pas encore ça. Lol bouge,essaye de parer le coup. Elle ne veutpas des confidences de Tatiana, n’en aque faire, on dirait même qu’elles lagêneraient . Nous sommes dansses mains? Pourquoi? Comment?Je ne sais rien.

Je ne retrouverai Tatiana à l’Hôteldes Bois que dans deux jours,après-demain. Je voudrais que ce soitce soir après cette visite à Lol. Je croisque ce soir mon désir de Tatianas’assouvirait pour toujours, tâcheexécutée si ardue qu’elle soit, [90] sidifficile, si longue qu’elle soit, siépuisante, alors je serai devant unecertitude.

Laquelle? Elle concernerait Lolmais j’ignore comment, le sens qu’elleaurait, quel espace physique ou mentalde Lol s’éclairerait sous l’effet de mondésir comblé de Tatiana, je ne cherchepas à le savoir.

Voici que Tatiana se lève, dit quelquechose avec véhémence. Alors Lold’abord s’écarte et puis elle revient, serapproche de Tatiana, et caresselégèrement ses cheveux.

Jusqu’à la dernière minute j’aiessayé d’entraîner Tatiana à l’Hôteldes Bois alors que c’était Lol que jedevais revoir. Je ne peux pas faire çaà une amie, a dit Tatiana, après uneabsence si longue, ce passé, cettefragilité aussi, as-tu remarqué? je nepeux pas ne pas y aller. Tatiana a cruà ma sincérité. Tout à l’heure, tout àl’heure, dans deux jours à peine jeposséderai toute Tatiana Karl,complètement, jusqu’à sa fin.

Lol caresse toujours les cheveux deTatian D’abord elle la regarde

libros y una colección de mariposas. Lasparedes son blancas, están desnudas.Todo muestra una limpieza [73] meti-culosa y un orden rectilíneo, la mayorparte dé los sillones están dispuestos alo largo de la pared, la iluminación, in-suficiente, cae desde el techo.

Lol se levanta y ofrece unacopa de jerez a Tatiana. Ella aúnno bebe. Tatiana debe de estar apunto de hacer alguna confiden-cia a Lol . Habla , hace pausas ,baja la mirada, dice algo, aún no.Lol se agita, intenta parar el gol-pe . No desea con f idenc i a s deTatiana, es inútil, se diría inclu-so que la molestarían. ¿Estamosen sus manos? ¿Por qué? ¿Cómo?No sé nada.

No me encontraré con Tatiana enel Hôtel des Bois hasta al cabo de dosdías, pasado mañana. Me gustaríaque fuera esta noche, después de estavisita a Lol. Creo que esta noche mideseo de Tatiana se saciaría parasiempre, tarea realizada por arduaque sea, tan difícil, por larga que sea,tan agotadora, entonces me hallaríafrente a una certeza.

¿Cuál? Concernería a Lol peroignoro cómo, el sentido que tendría,qué espacio físico o mental de Lolse iluminaría bajo el efecto de mideseo colmado de Tatiana, no inten-to saberlo.

He aquí que Tatiana se levanta, dicealgo con vehemencia. Entonces Lol,primero, se aparta, y luego vuelve, seacerca de nuevo a Tatiana y acariciasuavamente sus cabellos.

Hasta el último momento he inten-tado arrastrar a Tatiana al Hôtel desBois, cuando era a Lol a quien yo de-bía volver a ver. No puedo hacer eso auna amiga, ha dicho Tatiana, despuésde una ausencia tan larga, ese pasado,también esa fragilidad, ¿lo has nota-do? No puedo dejar de ir. Tatiana hacreído en mi sinceridad. Pronto, muypronto, apenas al cabo de dos días po-seeré por completo a Tatiana Karl, deltodo, hasta el final. [74]

Lol sigue acariciando los cabellos deTatiana. Primero, la mira intensamen-

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intensément puis son regard s’absente,elle caresse en aveugle qui veutreconnaître. Alors c’est Tatiana quirecule. Lol lève les yeux et je vois seslèvres prononcer Tatiana Karl. Elle a unregard opaque et doux. Ce regard quiétait pour Tatiana tombe sur moi : ellem’aperçoit derrière la baie. Elle nemarque aucune émotion. Tatiana nes’aperçoit de rien. Elle fait quelques pasvers Tatiana, elle revient, [91] ellel’enlace légèrement et, insensiblement,elle l’amène à la porte-fenêtre qui donnesur le parc. Elle l’ouvre. J’ai compris.J’avance le long du mur. Voilà. Je metiens à l’angle de la maison. Ainsi, jeles entends. Tout à coup, voici leurs voixentrelacées, tendres, dans la dilutionnocturne, d’une féminité pareillementrejointe en moi. Je les entends. C’est ceque Lol désirait. C’est elle qui parle:

— Regarde tous ces arbres, cesbeaux arbres que nous avons, comme ilfait doux.

— Le plus difficile, qu’est-ce que çaa été Lola? demande Tatiana.

Les heures régulières. Pour lesenfants, les repas, le sommeil.

Tatiana se plaint, dans un longsoupir, lassé.

— Chez moi c’est encore ledésordre noir. Mon mari est riche, jen’ai pas d’enfants, que veux-tu... queveux-tu...

Lol, dans le même mouvement quetout à l’heure, ramène Tatiana au centredu salon. Je retourne à la baie d’où jeles vois. Je les entends et je les vois.Elle lui tend un fauteuil de telle façonqu’elle tournera le dos au jardin. Elles’assied en face d’elle. Tout l’éventaildes baies est sous son regard. Si elle veutregarder elle peut. Elle ne le fait pas uneseule fois.

— Tu souhaites changer, Tatiana?

Tatiana hausse les épaules et nerépond pas, du moins je n’entendsrien. [92]

— Tu as tort. Ne change pas,Tatiana, oh non, non.

te; después, su mirada se ausenta, aca-ricia como el ciego que intenta recono-cer algo. Y entonces Tatiana retrocede.Lol levanta la mirada y veo cómo suslabios pronuncian Tatiana Karl. Tieneuna mirada opaca y dulce. La miradaque era para Tatiana cae sobre mí, medescubre detrás del vano de la ventana.No revela ninguna emoción. Tatiana nose da cuenta de nada. Da algunos pasoshacia Tatiana, regresa, la abraza por lacintura suavemente e, insensiblemente,la conduce hacia la puerta vidriera queda al jardín. La abre. He comprendido.Avanzo a lo largo del muro. Ya está.Permanezco en la esquina de la casa.Así, las oigo. De repente, he aquí susvoces mezcladas, tiernas, en la disolu-ción nocturna, de una femenidad que,a la par, acude a mi encuentro. Las oigo.Es lo que Lol deseaba. Dice:

—Mira esos árboles, nuestroshermosos árboles. ¡Qué agradableresulta!

—¿Qué ha sido lo más difícil, Lola?—pregunta Tatiana.

—Los horarios. Para los niños, lascenas, dormir...

Tatiana se lamenta, con un suspiroprolongado, cansado.

— E n c a s a s i g u e r e i n a n d oe l oscuro desorden. Mi marido es rico,no tengo hijos, qué se le va a hacer... quése le va a hacer...

Lol, con el mismo movimiento dehace un instante, conduce a Tatiana alcentro del salón. Vuelvo al vano de laventana desde donde las veo. Las oigoy las veo. Le acerca un sillón, de modoque quedará de espaldas al jardín. Sesienta en frente. [75] Todo el abanicode ventanas está bajo su mirada. Si quie-re mirar, puede. No lo hace ni una solavez.

—¿Deseas cambiar, Tatiana?

Tatiana se alza de hombros yno contes ta , a l menos no oigonada.

—Estás en un error. No cambies,Tatiana. ¡Oh, no, no cambies!

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Notes Duras’ Stein tr. de Ana Mª Moix

C’est Tatiana:—J’avais le choix au départ : vivre

comme nous le faisions lorsque nousétions jeunes, dans l’idée générale dela vie, tu te souviens, ou bien m’instal-ler dans une existence très précise,comme toi, tu vois ce que je veux dire,je m’excuse, mais tu le vois.

Lol écoute. Elle n’a pas oublié maprésence mais elle est véritablementpartagée entre nous deux. Elle dit:

— Je n’ai pas pu choisir ma vie.C’était mieux en ce qui me concerne,on le disait, qu’est-ce que j’aurais fait,moi? Mais maintenant je n’en imagineaucune autre que j’aurais pu avoir à laplace de celle-ci. Tatiana je suis trèsheureuse ce soir.

Cette fois c’est Tatiana qui se lèveet enlace Lol. Je les vois bien. Lol offreune très légère résistance à Tatiana maiscelle-ci doit l’attribuer à la pudeur deLol. Elle ne s’en offusque pas. Lols’échappe, se poste au milieu de lapièce. Je me cache derrière le mur.Lorsque je regarde à nouveau, elles ontrepris leurs places dans les fauteuils.

— Écoute Jean. Parfois il jouejusqu’à quatre heures du matin. Il nousa complètement oubliées.

— Tu écoutes toujours?

— Presque toujours. Surtout quandje...

Tatiana attend. Le reste de la phrasene viendra pas. Tatiana reprend : [93]

— Et pour l’avenir, Lol? Tun’imagines rien? Rien d’un peudifférent? - Comme Tatiana a parlétendrement.

Lol a pris un verre de cherry, elleboit à petites gorgées. Elle réfléchit.

— Je ne sais pas encore, dit-elleenfin. Je pense au lendemain plutôtqu’aux jours plus loin. La maison est sigrande. J’ai toujours quelque chose denouveau à entreprendre. C’estdifficilement évitable. Oh je parle desoucis de ménage, tu sais, des courses,des courses à faire.

____________—Al principio, podía elegir: vivir

como lo hacíamos cuando éramos jó-venes, de acuerdo con una idea generalde la vida, ¿te acuerdas?, o bien insta-larme en una existencia muy determi-nada, como tú, ya sabes lo que quierodecir, perdona, pero lo sabes.

Las escucho. No ha olvidado mipresencia pero está realmente divi-dida entre los dos. Dice:

— N o p u d e e l e g i r m i v i d a .E r a m e j o r p a r a m í , d e c í a n ,¿ q u é h a b r í a h e c h o y o ? P e r oa h o r a i m a g i n o o t r a q u e h u -b i e r a p o d i d o p o s e e r e n l u g a rd e é s t a . Ta t i a n a , e s t a n o c h es o y m u y f e l i z .

Esta vez es Tatiana quien se le-vanta y abraza a Lol. Las veo perfec-tamente. Lol ofrece cierta resistenciaa Tatiana, pero ésta debe de atribuir-la al pudor de Lol. No se ofende. Lolescapa, se sitúa en medio del salón.Me escondo detrás del muro. Cuan-do vuelvo a mirar, han vuelto a ocu-par su sitio en los sillones.

—Escucha a Jean. A veces toca has-ta las cuatro de la madrugada. Nos haolvidado por completo.

—¿Le escuchas siempre?

—Casi siempre. Sobre todo cuan-do...

Tatiana espera. El resto de la fra-se no llegará. Tatiana prosigue:

—¿Y para el futuro, Lol? ¿Nohas pensado algo? ¿Algo un pocodistinto? —¡Con qué ternura hahablado Tatiana! [76]

Lol ha cogido una copa de jerez,bebe a pequeños sorbos. Medita.

—Aún no lo sé —dice por fin—. Pienso más en mañana que en unfuturo lejano. La casa es tan gran-de... Siempre tengo algo nuevo queempezar. Resulta difícil evitarlo.¡Oh, hablo de preocupaciones do-mésticas!, ¿sabes?, de compras, decompras por hacer.

X

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Notes Duras’ Stein tr. de Ana Mª Moix

Tatiana rit.

— Tu fais la bête, dit-elle.

Elle se lève de nouveau et fait le tourdu salon, un peu impatientée. Lol nebouge pas. Je me cache. Je ne vois plus.Elle a dû maintenant revenir à sa place.Oui.

— Quelles courses? demandebrutalement Tatiana.

Lol lève la tête, s’affole? Je vaispeut-être surgir dans le salon, faire taireTatiana. Lol dit : immédiatement d’unton coupable.

— Oh! Des assiettes dépareilléespour toujours, par exemple. Oui, onespère quand même que dans unmagasin de banlieue on trouvera.

—Jean Bedford m’a parlé d’unachat que tu avais fai t dans labanlieue la semaine dernière, si loin,si tard... quel événement! C’est vrai,Lola, dis-moi ?

— En si peu de temps il a pu teraconter? [94]

Je vais d’une baie à l’autre, pour voirou entendre mieux. La voix de Lol n’estplus inquiète. A peine s’est-elleretournée vers Tatiana. Ce qu’elle vadire ne l’intéresse pas. Elle paraîtécouter, écouter quelque chose queTatiana n’entend pas : mes allées etvenues le long des murs.

— La chose s’est présentéenaturellement. On parlait de toi, de tavie, de ton ordre dont il paraît un petitpeu souffrir. Tu savais?

— Il n’a jamais rien dit là-dessus, jene me souviens plus - Lol ajoute - il mesemble qu’il est heureux quand je sors- Lol ajoute encore . Écoute la musiqueet comme ils jouent là, dans le billard.Ils nous ont oubliées eux aussi. Nousrecevons peu de gens, surtout si tard.Que j’aime ça, tu vois.

— Tu voulais acheter des arbustes,n’est-ce pas? des plants pour une haie?demande cette fois trop naturellementTatiana.

Tatiana ríe.

—Te haces la tonta —dice ella.

Se levanta otra vez y da la vuelta alsalón, un poco impaciente. Lol no semueve. Me escondo. Ya no veo nada.Ahora ha debido de regresar a su sitio.Sí.

—¿Qué compras? —pregunta bru-talmente Tatiana.

Lol levanta la cabeza, ¿ se ha vueltoloca? Quizás yo irrumpa en el salón yhaga callar a Tatiana. Lol dice inmedia-tamente, con tono culpable.

—Pues p la tos desparejadospara siempre, por ejemplo. Sí, unocree que los encontrará en cual-quier tienda de las afueras.

—Jean Bedford me ha hablado deunas compras que hiciste la semanapasada en las afueras, tan lejos, tantarde... ¡qué acontecimiento! Dime,Lol, ¿es verdad?

—¿Ha tenido tiempo de contárteloen tan poco rato?

Voy de un vano de ventana aotro, para ver o para oír mejor. Lavoz de Lol ya no denota inquietud.Apenas se ha vuelto hacia Tatiana.Lo que va a decir no le interesa.Parece escuchar, escuchar algo queTatiana no oye: mis idas y venidasa lo largo del muro.

—El asunto ha surgido de una ma-nera natural. [77] Hablábamos de ti, detu vida, de tu orden, que según parecele hace sufrir un poco. ¿Lo sabías?

—Nunca ha dicho nada respecto aeso, ya no me acuerdo. —Lol añade—:Creo que cuando salgo es feliz. —Lolañade—: Escucha la música y cómojuegan allí, en el billar. Ellos tambiénnos han olvidado. Recibimos a pocagente sobre todo tan tarde. Y sin em-bargo, ya ves, me encanta.

—¿Querías comprar unos arbus-tos, no?, ¿plantas para un seto? —pregunta Tatiana, esta vez con exce-siva naturalidad.

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— Un ami de Jean m’a dit que danscette région parfois on réussissait à fairepousser des grenadiers. Alors j’aicommencé à chercher.

— Une chance sur mille d’entrouver, Lol.

— Non , d i t Lo l g ravement ,aucune .

Ce mensonge ne gêne pas Tatiana, aucontraire Lol V. Stein ment. Prudente,avec, cette fois, des précautions, pourvarier la manière, Tatiana s’aventure dansune autre région, plus loin. [95]

— Est-ce que nous étions tellementamies, à ce collège? Sur cette photocomment sommes-nous?

Lol prend un air désolé

— Je l’ai de nouveau égarée, dit-elle.

Tatiana maintenant le sait : Lol V.Stein ment aussi à Tatiana Karl. Lemensonge est brutal, incompréhensible,d’une insondable obscurité. Lol sourità Tatiana. On dirait que Tatiana pliebagages, qu’elle va renoncer.

— Je ne sais plus si nous étions trèsamies, dit Lol.

— Au collège, dit Tatiana. Lecollège, tu ne t’en souviens pas?

Tatiana regarde fixement Lol :va-t-elle la rejeter pour toujours, ouau contraire la revoir, la revoirencore avec passion? Lol lui sourittoujours, indifférente. Est-ce avec moiqu’elle se trouve, derrière la baie?ou a i l l e u r s ?

— J e n e m e s o u v i e n s p a s ,dit-elle. D’aucune amitié. De riende ce genre.

On dirait qu’elle comprend qu’ilaurait fallu faire attention, qu’elles’effraie un peu de ce qui va suivre. Jele vois, ses yeux cherchent les miens.Tatiana n’a rien vu encore. Elle dit, ellement à son tour, elle essaie

— Je ne sais pas si je te reverrai aussisouvent que tu as l’air de le souhaiter.

—Un amigo de Jean me di joque en es ta reg ión a veces seconsigue cult ivar granados. Em-pecé a buscar los .

— U n a p r o b a b i l i d a d e n t r em i l , L o l .

—Ninguna —dice Lol gravemen-te—, ninguna.

Tal mentira no molesta a Tatiana, alcontrario. Lol V. Stein miente. Pruden-te, con precaución, esta vez, para variarde método, Tatiana se aventura por otroámbito, más lejano.

— ¿ Ta n a m i g a s é r a m o s e ne l c o l e g i o ? ¿ C ó m o a p a r e c e -m o s e n l a f o t o ?

Lol adopta una actitud desolada.

—La he vuelto a perder —dice.

Tatiana, ahora, lo sabe: Lol V. Steinmiente también a Tatiana Karl. La men-tira es brutal, incomprensible, de unaoscuridad insondable. Lol sonríe aTatiana. Diríase que Tatiana recoge ve-las, que va a desistir.

—Ya no sé si éramos muy amigas—dice Lol.

—En el colegio —dice Tatiana—.¿No te acuerdas del colegio?

Tatiana contempla fijamente a Lol:¿va a rechazarla para siempre o, porel contrario, volverá a verla, volveráa verla con pasión? Lol sigue sonrién-dole, [78] indiferente. ¿Acaso es con-migo con quien está, detrás del vanode la ventana? ¿O en otra parte?

—No me acuerdo —dice—. De nin-guna amistad. De nada de este tipo decosas.

Diríase que toma conciencia de quehubiera debido ir con cuidado, que seasusta un poco de lo que va a seguir.Veo su mirada buscando la mía. Tatianaaún no se ha dado cuenta de nada. Dice,miente a su vez, tantea:

—No sé si volveré a verte tan a me-nudo como tú pareces desear.

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Notes Duras’ Stein tr. de Ana Mª Moix

Lol devient suppliante.

— Ah, dit-elle, tu verras bien, tuverras, Tatiana, tu t’habitueras àmoi. [96]

—J’ai des amants, dit Tatiana. Mesamants occupent mon temps librecomplètement. Je désire que ce soitainsi.

Lol s’assied. Une tristessedécouragée se lit dans son regard.

— Ces mots, dit-elle bas, je ne savaispas que tu les employais, Tatiana.

Elle se lève. Elle s’éloigne de Tatianasur la pointe des pieds comme s’il yavait un sommeil d’enfant à préserver,tout près. Tatiana la suit, un peu contritedevant ce qu’elle croit être l’agran-dissement de la tristesse de Lol. Ellessont à la fenêtre, très près de moi

— Comment trouves-tu cet ami quenous avons, Jacques Hold?

Lol se détourne vers le parc. Sa voixse hausse, inexpressive, récitative.

— L e m e i l l e u r d e t o u s l e shommes est mort pour moi . Jen’ai pas d’avis.

Elles se taisent. Je les vois de dos,encadrées par les rideaux de laporte-fenêtre. Tatiana murmure

— Après tant d’années je voulaiste demander si...

Je n’entends pas le reste de laphrase de Tatiana parce que jem’avance vers le perron où Lol se tientmaintenant, le dos tourné au jardin. Lavoix de Lol est toujours claire,sonnante. Elle veut échapper à laconfidence, la rendre publique [97]

— Je ne sais, dit-elle, je ne sais passi j’y pense encore.

Elle se retourne, sourit, dit presqued’une traite:

— Voici Mr Jacques Hold, vousn’étiez pas au billard?

—J’en viens.

Lol suplica.

—¡Ya verás , Tat iana, ya ve-rás! —dice—. Te acostumbrarása mí.

— Te n g o a m a n t e s — d i c eTat iana—. Mis amantes ocupant o d o m i t i e m p o l i b r e . D e s e oque sea a s í .

Lol se sienta. En su mirada se leeuna tristeza descorazonadora.

—No sabía que emplearas esas pa-labras, Tatiana —dice en voz baja.

Se levanta. Se aleja de Tatiana ca-minando de puntillas como si allí,muy cerca, hubiera que preservar unsueño de niño. Tatiana la sigue, untanto contrita ante lo que cree ser elaumento de la tristeza de Lol. Estánen la ventana, muy cerca de mí.

—¿Qué te parece ese amigonuestro, Jacques Hold?

Lol se vuelve hacia el jardín. Alzasu voz, inexpresiva, recitativa.

—El mejor de todos lo hombresestá muerto para mí. No poseo opi-nión al respecto.

Se callan. Las veo de espaldas,enmarcadas por la cortina de lavidriera. Tatiana murmura:

—Después de tantos años quisierapreguntarte si...

No oigo el resto de la frase deTatiana porque [79] avanzo haciala escalera donde Lol está ahora,vuelta de espaldas hacia el jardín.La voz de Lol sigue siendo clara,sonora. Quiere huir de la confiden-cia, hacerla pública.

—No sé —dice—. No sé si aúnpienso en aquello.

Se vuelve, sonríe, dice casi deun tirón:

—Aquí está el señor Jacques Hold,¿no estaba usted en el billar?

—De allí vengo.

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Notes Duras’ Stein tr. de Ana Mª Moix

J’arrive dans la lumière. Tout paraîtnaturel à Tatiana.

— On dirait que vous avez froid, medit-elle.

Lol nous fait entrer. Elle me sertdu cherry que je bois. Tatiana estpensive. Est-elle importunée, mais àpeine, parce que je serais venu troptôt? Non, elle pense trop à Lol pourl’être. Lol, les mains sur les genoux,le corps ployé en avant, dans une posefamilière s’adresse à elle.

— De l’amour, dit-elle, je mesouviens.

Tatiana fixe le vide.

— Ce bal! oh! Lol, ce bal!

Lol sans changer de pose fixe lemême vide que Tatiana.

— Comment? demande-t-elle.Comment sais-tu?

Tatiana doute. Elle crie enfin.

— Mais Lol, j’étais là toute la nuit,près de toi.

Lol ne s’étonne pas, ne cherchemême pas à se souvenir, c’est inutile.

— Ah! c’était toi, dit-elle. J’avaisoublié.

Tatiana y croit-elle? Elle hésite, épieLol, pantelante, confirmée au-delà deses espérances. [98]

Alors Lol demande avec unecuriosité brisée, émigrée centenaire desa jeunesse:

— Je souffrais? dis-moi Tatiana, jen’ai jamais su.

Tatiana dit

— Non.

Elle hoche la tête longuement.

— Non. Je suis ton seul témoin. Jepeux le dire non. Tu leur souriais. Tune souffrais pas.

Llego hasta donde me da la luz. ATatiana todo le parece normal.

—Parece que tenga fr ío —medice .

Lol nos hace entrar. Me sirve jerez,que bebo. Tatiana está pensativa. ¿Estámolesta, aunque poco, porque he apa-recido demasiado pronto? No, piensademasiado en Lol para estarlo. Lol, conlas manos en las rodillas, el cuerpo do-blado hacia adelante, en una pose fami-liar, se dirige a Tatiana.

—D e l a m o r — d i c e — m eacue rdo .

Tatiana mira fijamente al vacío.

— ¡Ese bailé! ¡Oh, Lol, ese baile!

Lol, sin cambiar de pose, mira fija-mente el mismo vacío que Tatiana.

—¿Cómo? —pregunta—. ¿Cómo losabes?

Tatiana vacila. Por fin, grita.

— ¡Pero, Lol, estuve allí: toda lanoche, a tu lado!

Lol no se sorprende, ni siquiera in-tenta recordar, es inútil.

—¡Ah! ¡Eras tú! —dice—. Lo ha-bía olvidado.

¿Lo cree Tatiana? Duda, espía a Lol,palpitante, satisfecha más allá de susesperanzas.

Entonces Lol pregunta con una curiosi-dad rota, emigrada centenaria de su ju-ventud:

—¿Sufría? Dímelo, Tatiana, no lo hesabido nunca. [80]

Tatiana dice:

—No.

Mueve la cabeza pausadamente.

—No. Soy tu único testigo. Pue-do decírtelo: no. Tú les sonreías.No sufrías.

X

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Notes Duras’ Stein tr. de Ana Mª Moix

Lol enfonce ses doigts dans sesjoues. Dans ce bal, toutes les deux,embusquées, m’oublient.

— Je m’en souviens, dit-elle, jedevais sourire.

Je tourne autour d’elles dans lapièce. Elles se taisent.

Je sors. Je vais chercher Pierre dansla salle de billard.

— Elles nous attendent.

— Je vous ai cherché.

—J’étais dans le parc. Venezmaintenant.

— Vous croyez?

— Je crois que ça leur est égal deparler devant nous. Peut-être mêmepréfèrent-elles.

Nous entrons dans le salon. Elles setaisent encore.

—Vous n’appelez pas Jean Bedford?

Lol se lève, pénètre dans le vestibule,ferme une porte - le son du violons’atténue brusquement.

— I l p r é f è r e ê t r e l o i n d en o u s c e s o i r.

Elle nous sert du cherry, en reprend.Pierre [99] Beugner boit d’un trait, lesilence l’effraie, il le supporte mal.

— Je suis à la disposition deTatiana pour partir, dit-il, quandelle le voudra.

— Oh! non, prie Lol.

Je suis debout, je rôde dans lapièce, les yeux sur elle. La chosedevrait être évidente. Mais Tatianaest enfoncée dans le bal de T. Beach.Elle n’a pas envie de s’en aller, ellen’a pas répondu à son mari. Cebal a été aussi celui de Tatiana.E l l e r evo i t , ne voit pas autourd’elle, une personne présente.

—Jean aime de plus en plus la

Lol clava sus dedos en las me-ji l las. Emboscadas ambas en esebaile, me olvidan.

—Lo recuerdo —dice—, debía desonreír.

Doy la vuelta a la estancia, alrede-dor de las dos mujeres. Se callan.

Salgo. Voy a buscar a Pierre Beugnera la sala de billar.

—Nos esperan.

—Le he estado buscando.

— E s t a b a e n e l j a r d í n .¿ Vi e n e ?

—¿Usted cree?

—Creo que les da igual hablar deeso ante nuestra presencia. Quizás in-cluso lo prefieran.

Entramos en el salón. De nuevose callan.

—¿No avisa a Jean Bedford?

Lol se levanta, entra en el vestíbulo,cierra la puerta —el sonido del violínse atenúa de repente.

—Esta noche prefiere mantenersealeado de nosotros.

Nos sirve jerez, bebe de nuevo.Pierre Beugner bebe de un trago, el si-lencio le asusta, lo soporta mal.

—Estoy a la d ispos ic ión deTa t i a n a p a r a i r n o s — d i c e — ,cuando ella quiera.

—¡Oh, no! —suplica Lol.

Estoy de pie, vagabundeo por laestancia, la mirada puesta en ella. De-bería de resultar evidente. PeroTatiana está sumergida en el baile deT. Beach. No tiene ganas de marchar-se, no ha contestado a su marido. Esebaile ha sido también el de Tatiana.[81] Vuelve a ver, no ve a su alrededor,a alguien presente.

—Jean ama la música cada vez más

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Notes Duras’ Stein tr. de Ana Mª Moix

musique, dit Lol. Parfois il jouejusqu’au matin. Cela arrive de plus enplus souvent.

— C’est un homme dont on parle,on parle de ses concerts, dit PierreBeugner. Il est rare qu’il y ait un dîner,une soirée où il ne soit pas question delui.

— C’est presque vrai, dis-je.

Lol parle pour les retenir, pour meretenir, cherche comment me faciliterla tâche. Tatiana n’écoute pas.

— Vous, Tatiana, vous en parlez, ditPierre Beugner, parce qu’il a épouséLol.

Lol s’assied sur le bord de sa chaise,prête à se lever si quelqu’un donne lesignal du départ. Elle dit :

—Jean s’est marié dans desconditions amusantes. C’est sans douteaussi pour cela que les [100] gens enparlent, ils se souviennent de notre ma-riage.

C’est à Tatiana, alors, que je demande:

— Comment était Michael Richardson?

Elles ne sont pas surprises, seregardent sans fin, sans fin, décidentde l’impossibilité de raconter, derendre compte de ces instants, de cettenuit dont elles connaissent, seules, lavéritable épaisseur, dont elles ont vutomber les heures, une à une jusqu’àla dernière qui trouva l’amour changéde mains, de nom, d’erreur.

— Il n’est jamais revenu, jamais, ditTatiana. Quelle nuit!

— Revenu?

— Il n’a plus rien à T. Beach. Sesparents sont morts. Il a vendu sonhéritage aussi, toujours sans revenir.

— Je savais, dit Lol.

El les par lent entre el les . Leviolon continue. Sans doute JeanBedford joue aussi pour ne pas êtreavec nous ce soir.

—dice Lol—. A veces toca hasta elamanecer. Sucede cada vez con más fre-cuencia.

—Se habla de él, se habla de susconc i e r to s —dice P i e r r eBeugner—. Es raro asistir a unacena, a una velada, donde no sehable de él.

—Eso es casi verdad —dije.

Lol habla para retenerles, para rete-nerme, busca el modo de facilitarme eltrabajo. Tatiana no escucha.

—Tú, Tatiana, hablas de él —dicePierre Beugner—, porque se ha casadocon Lol.

Lol se sienta en el borde de su si-lla, presta a levantarse si alguien dala señal de partida. Dice:

— J e a n s e c a s ó e n c o n d i -c i o n e s m u y d i v e r t i d a s . L ag e n t e h a b l a d e é l t a m b i é np o r e s t e m o t i v o , r e c u e r d a nn u e s t r a b o d a .

Entonces pregunto a Tatiana:

—¿Cómo era Michael Richardson?

No se sorprenden, se dirigen unamirada interminable, interminable, es-tán de acuerdo en la imposibilidad decontar, de rendir cuenta de esos ins-tantes, de esa noche cuya verdaderadensidad sólo ellas conocen, y cuyashoras han visto caer, una a una hasta laúltima que halló el amor en otras ma-nos, con otro nombre, con otro error.

—Nunca regresó, nunca —diceTatiana—. ¡Qué noche!

—¿Regresó?

—Ya no posee nada en T. Beach. Suspadres murieron. Vendió su heredad,sin venir.

—Lo sabía —dice Lol.

Hablan entre ellas. El violín siguesonando. Sin [82] duda Jean Bedfordtoca tanto esta noche para no estar connosotros.

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Notes Duras’ Stein tr. de Ana Mª Moix

— Il est mort peut-être?

— Peut-être. Tu l’aimais comme lavie même.

Lol fait une moue légère, dubitative.

— La police, pourquoi est-ellevenue?

Tatiana nous regarde, un peudépassée, effarée ça, elle ne savait pas.

— Non, ta mère en a parlé mais lapolice n’est pas venue.

Elle réfléchit. Et c’est alors quel’obscurité [101] revient. Mais elle nerevient que dans le bal, nulle partailleurs encore.

— Pourtant il me semblait. Il fallaitbien qu’il parte?

— Quand?

— Le matin?

C’est à S. Tahla que Lol a vécu toutesa jeunesse, ici, son père était d’origineallemande, il était professeur d’histoireà l’Université, sa mère était de S. Tahla,Lol a un frère de neuf ans plus âgéqu’elle, il vit à Paris, elle ne parle pasde ce seul parent, Lol a rencontrél’homme de T. Beach pendant lesvacances scolaires d’été, un matin, auxcourts, il avait vingt-cinq ans, filsunique de grands propriétaires desenvirons, sans emploi, cultivé, brillant,très brillant, d’humeur sombre, Lol dèsqu’elle l’a vu a aimé MichaelRichardson.

— Du moment qu’il avait changé, ildevait par

— La femme, dit Tatiana, c’étaitAnne-Marie Stretter, une Française,la femme du consul de France àCalcutta.

— Elle est morte?

— Non. Elle est vieille.

— Comment sais-tu?

—Je la vois parfois l’été, ellepasse quelques jours à T. Beach.

—Quizás haya muerto.

—Quizá. Lo amabas como se ama ala vida.

Lol hace una mueca ligera,dubitativa.

—¿Por qué llegó la policía?

Tatiana nos mira, un tanto extraña-da, estupefacta: eso no lo sabía.

—Tu madre habló... pero la policíano vino.

Reflexiona. Y es en ese momentocuando vuelve la oscuridad. Pero ellasólo regresa al baile, a ninguna otra par-te aún.

—Ya me lo parecía. ¿Era necesarioque se marchara?

—¿Cuándo?

—¿Por la mañana?

Lol vivió toda su juventud en S.Tahla, aquí, su padre era de origen ale-mán, era profesor de Historia en la uni-versidad, su madre era de S. Tabla, Loltiene un hermano nueve años mayor queella, vive en París, no habla de ese úni-co pariente, Lol conoció al hombre deT. Beach durante las vacaciones esco-lares de verano, una mañana, en las can-chas, tenía veinticinco años, hijo únicode los grandes terratenientes de los al-rededores, sin empleo, cultivado, bri-llante, muy brillante, de humor sombrío,Lol amó a Michael Richardson en cuan-to le vio.

— Ya q u e c a m b i ó , d e b í am a r c h a r s e .

—La mujer —dice Tatiana—, eraAnne-Marie Stretter, una francesa, lamujer del cónsul de Francia enCalcuta.

—¿Murió?

—No. Está envejecida.

—¿Cómo lo sabes? [83]

—A veces la veo, en verano, pasaalgunos días en T. Beach. Aquello aca-

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Notes Duras’ Stein tr. de Ana Mª Moix

C’est fini. Elle n’a jamais quitté sonmari. Ça a dû durer très peu entreeux, quelques mois.

—Quelques mois, reprend Lol. [102]

Tatiana lui prend les mains, baissela voix.

— Écoute, Lol, écoute-moi.Pourquoi dis-tu des choses fausses. Tule fais exprès?

— Autour de moi, recommenceL o l , o n s ’ e s t t r o m p é s u r l e sraisons.

— Réponds-moi.

— J’ai menti.

Je demande

— Quand?

— Tout le temps.

— Quand tu criais?

Lol n’essaie pas de reculer, elles’abandonne à Tatiana. Nous nebougeons pas, ne faisons aucun geste,elles nous ont oubliés.

— Non. Pas là.

— Tu voulais qu’ils restent?

— C’est-à-dire? dit Lol.

— Que vouliez-vous?

Lol se tait. Personne n’insiste. Puiselle me répond.

— Les voir.

Je vais sur le perron. Je l’attends.Depuis la première minute, lorsqu’ellesse sont embrassées devant la terrasse,j’attends Lol V. Stein. Elle le veut. Cesoir, en nous retenant, elle joue avec cefeu, cette attente, elle le déplace sanscesse, on dirait qu’elle attend encore àT. Beach ce qui va arriver ici. Je metrompe. Où va-t-on avec elle? On peutse tromper sans cesse mais voici quenon, je m’arrête : elle veut voir veniravec moi, s’avancer [103] sur nous,nous engloutir, l’obscurité de demain

bó. Nunca dejó a su marido. Aquellodebió de durar poco entre ellos, algu-nos meses.

—Algunos meses —repite Lol.

Tatiana le coge las manos, baja lavoz.

—Escucha, Lol, escúchame. ¿Porqué dices lo que no es verdad? ¿Lo ha-ces adrede?

—A mi alrededor —prosigue Lol—, se han equivocado respecto a las razo-nes.

—Contéstame.

—He mentido.

Pregunto:

—¿Cuándo?

— Siempre.

—¿Cuando gritabas?

Lol no intenta retroceder, se aban-dona a Tatiana. No nos movemos, norealizamos ningún movimiento, las dosmujeres nos han olvidado.

—No. Allí, no.

—¿Querías que se quedaran?

—¿Qué quieres decir? —dice Lol.

—¿Qué querías?

Lol calla. Nadie insiste. Después mecontesta:

—Verles.

Voy hacia la escalera. La espero.Desde el primer momento, cuando sehan abrazado delante de la terraza, es-pero a Lol V. Stein. Lo desea. Esta no-che, al retenernos, juega con ese fue-go, aplaza esta espera, sin cesar, diríaseque aún espera en T. Beach lo que su-cederá aquí. Me equivoco. ¿Adónde vaa parar uno con ella? Uno puede equi-vocarse sin cesar, pero no, me deten-go: quiere ver llegar conmigo la oscu-ridad de mañana, que será la noche deT. Beach, quiere ver cómo avanza ha-

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qui sera celle de la nuit de T. Beach.Elle est la nuit de T. Beach. Tout àl’heure, quand j’embrasserai sa bouche,la porte s’ouvrira, je rentrerai. PierreBeugner écoute, il ne parle plus departir, sa gêne a disparu.

— Il était plus jeune qu’elle, ditTatiana, mais à la fin de la nuit ilsparaissaient avoir le même âge. Nousavions tous un âge énorme, incalculable.Tu étais la plus vieille.

Chaque fois que l’une parle uneécluse se lève. Je sais que la dernièren’arrivera jamais.

— Avais-tu remarqué, Tatiana, endansant ils s’étaient dit quelque chose,à la fin?

—J’ai remarqué mais je n’ai pasentendu.

—J’ai entendu : peut-être qu’elle vamourir.

— Non. Tu es toujours restée làoù tu étais près de moi, derrière lesplantes vertes, au fond, tu n’as paspu entendre.

Lol revient. La voici, indifférentetout à coup, distraite.

— Ainsi cette femme qui me caressaitla main, c’était toi, Tatiana.

— C’était moi.

— Ah! personne, personne n’avaitpensé à ça!

Je rentre. Elles se souviennent toutesles deux que je n’ai pas perdu uneparole.

— Quand il a commencé à faire clairil t’a cherchée des yeux sans tedécouvrir. Tu le savais?

Lol ne savait rien. [104]

L’approche de Lol n’existe pas. Onne peut pas se rapprocher ou s’éloignerd’elle. Il faut attendre qu’elle viennevous chercher, qu’elle veuille. Elle veut,je le comprends clairement, êtrerencontrée par moi et vue par moi dansun certain espace qu’elle aménage en

cia [84] nosotros, cómo nos engulle.Ella es la noche de T. Beach. De re-pente, cuando bese su boca, la puertase abrirá, entraré. Pierre Beugner es-cucha, ya no habla de marcharse, suincomodidad ha desaparecido.

—El era más joven que ella —diceTatiana—, pero al final de la nocheparecían tener la misma edad. Todosteníamos una edad inmensa, incalcu-lable. Tú eras la más vieja.

Cada vez que habla una de ellas,una esclusa se levanta. Sé que la úl-tima nunca llegará.

— ¿ Te f i j a s t e , Ta t i a n a , s ia l b a i l a r s e d i j e r o n a l g o ,p o r f i n ?

— M e f i j é , p e r o n o o ín a d a .

— Y o o í : t a l v e z e l l am u e r a .

—No. Tú permaneciste durantetodo el tiempo allí donde estabas, a milado, detrás de las plantas verdes, alfondo, no pudiste oír nada.

Lol regresa. Ahí está, indiferente depronto, ausente.

—Así, la mujer que me acariciabala mano, ¿eras tú, Tatiana?

—Era yo.

— ¡ A h , n a d i e , n a d i e p e n s óe n e s o !

En t ro . Ambas se dan cuen tade que no me he perd ido n i unapa l ab ra .

— Cuando empezó a amanecer,él te buscó con la mirada sin encon-trarte. ¿Lo sabías?

Lol no sabía nada.

El acercamiento a Lol no existe.Uno no puede acercarse o alejarsede ella. Hay que esperar que vengaa buscarte, que ella quiera. Quiere,se me hace patente, que la conozcay la vea en un cierto espacio quehabita en este momento. ¿Cuál?

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ce moment. Lequel? Est-il peuplé desfantômes de T. Beach, de la seulesurvivante Tatiana, piégé defaux-semblants, de vingt femmes auxnoms de Lol? Est-il autrement? Tout àl’heure aura lieu ma présentation à Lol,par Lol. Comment m’amènera-t-elleprès d’elle?

— Je crois depuis dix ans qu’iln’était resté que trois personnes, eux etmoi.

Je demande encore

— Que désiriez-vous?

Avec strictement la même hésitation,le même intervalle de silence, ellerépond

— Les voir.

Je vois tout. Je vois l’amour même.Les yeux de Lol sont poignardés par lalumière : autour, un cercle noir. Je voisà la fois la lumière et le noir qui la cerne.Elle avance vers moi, toujours, au mêmepas. Elle ne peut pas avancer plus viteni ralentir. La moindre modificationdans son mouvement m’apparaîtraitcomme une catastrophe, l’échecdéfinitif de notre histoire : personne neserait au rendez-vous.

Mais qu’est-ce que j’ignore demoi-même à ce point et qu’elle me meten demeure de connaître? qui sera làdans cet instant auprès d’elle? [105]

Elle vient. Continue à venir, mêmeen présence des autres. Personne ne lavoit avancer.

Elle parle encore de MichaelRichardson, ils avaient enfin compris,ils cherchaient à sortir du bal, setrompant, se dirigeant vers des portesimaginaires.

Quand elle parle, quand ellebouge, regarde ou se distrait, j’ai lesentiment d’avoir sous les yeux unefaçon personnelle et capitale dementir, un champ immense mais auxlimites d’acier, du mensonge. Pournous, cet te femme ment sur T.Beach, sur S. Tahla, sur cette soirée,pour moi, pour nous, elle mentiratout à l’heure sur notre rencontre, je

¿Está habitado por fantasmas de T.Beach, por la única superviviente,que es Tatiana, minado de falsas[85] apariencias, por veinte muje-res que se llaman Lol? ¿Es diferen-te? Dentro de poco Lol me presen-tará a Lol. ¿Cómo me conduciráhasta ella?

—Desde hace diez años creo quesólo habían quedado tres personas:ellos y yo.

Vuelvo a preguntar:

—¿Qué desearía?

Exactamente con la misma vacila-ción, el mismo intervalo de silencio,responde:

—Verles.

Lo veo todo. Incluso el amor. Losojos de Lol están apuñalados por laluz: alrededor, un círculo oscuro. Veo,a la vez, la luz y la oscuridad que lacierne. Avanza hacia mí, sigue, conidéntico paso. No puede avanzar másdeprisa, ni aminorar el paso. La me-nor modificación en su movimientome parecería como una catástrofe, elfracaso definitivo de nuestra historia:nadie acudiría a la cita.

Pero, ¿qué es lo que ignoro de mímismo hasta ese extremo y que ellame incita a conocer?, ¿quién estaráallí en ese momento, a su lado?

Se acerca. Sigue acercándose, in-cluso en presencia de los demás. Na-die la ve avanzar.

Aún hab l a de Michae lRichardson, al final habían com-prendido, intentaban salir del bai-le, equivocándose, dirigiéndosehacia puertas imaginarias.

Cuando habla, cuando se mueve,mira o se distrae, tengo la impresión detener bajo mi mirada un modo personaly capital de mentir, un campo inmensopero con lindes de acero, la mentira.Esta mujer miente para nosotros acercade T. Beach, acerca de S. Tahla, acercade esta velada, para mí, para nosotros,mentirá dentro de poco acerca de nues-tro encuentro. Lo adivino, también

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le prévois, elle ment sur elle aussi,pour nous elle ment parce que ledivorce dans lequel nous sommeselle et nous, c’est elle seule qui l’aprononcé - mais en silence -dans unrêve si fort qu’il lui a échappé etqu’elle ignore l’avoir eu.

Je désire comme un assoiffé boirele lait brumeux et insipide de la parolequi sort de Lol V. Stein, faire partie dela chose mentie par elle. Qu’ellem’emporte, qu’il en aille enfindifféremment de l’aventure désormais,qu’elle me broie avec le reste, je seraiservile, que l’espoir soit d’êtrebroyé avec le reste, d’être servile.

Un long silence s’installe.L’attention grandissante que nous nousportons en est cause. Personne ne s’enaperçoit, personne encore, personne? ensuis-je sûr? [106]

Lol va vers le perron, lentement,revient de même.

A la voir je pense que cela serapeut-être suffisant pour moi, cela, de lavoir et que la chose se ferait ainsi, qu’ilsera inutile d’aller plus avant dans lesgestes, dans ce qu’on se dira. Mes mainsdeviennent le piège dans lequell’immobiliser, la retenir de toujours alleret venir d’un bout à l’autre du temps.

— Il est si tard et Pierre se lève sitôt, dit enfin Tatiana.

Elle a cru que la sortie de Lol étaitune invite à partir.

— Oh non, dit Lol. Quand j’aifermé la porte de son bureau Jean n’ya même pas pris garde, non, je t’enprie Tatiana.

— Tu nous excuserais auprès de lui,dit Tatiana. Ce n’est pas grave.

C’est fait, la progression m’aéchappé, je regardais Lol : le regard deTatiana est dur maintenant. Les chosesne vont pas de la façon qu’elle eûtsouhaitée. Elle vient de le découvrir :Lol ne dit pas tout. Et n’y a-t-il pas dansla pièce, entre l’un et l’autre, commeune circulation souterraine, une odeurde ce poison qu’elle redoute plus quetout autre, en sa présence, une entente

miente acerca de sí misma, para noso-tros miente porque [86] ha sido la úni-ca en pronunciar —aunque en silen-cio— el divorcio que nos envuelve, aella y a nosotros, y lo ha hecho en susueño tan intenso que ignora haberlotenido y se le ha escapado.

Deseo como un sediento beber laleche brumosa e insípida de la palabraque surge de Lol V. Stein, formar partede su mentira. Que me arrastre, que exis-ta por fin en lo sucesivo,diferidamente, la aventura, que me tri-ture con el resto, seré servil, que la es-peranza de ser servil signifique sertriturado con el resto.

S e h a c e u n l a rg o s i l e n c i o .L a c a u s a e s l a a t e n c i ó n c r e -c i en te que nos d i r ig imos . ¿Na-d i e l o adv i e r t e , t odav í a nad i e?¿ E s t o y s e g u r o ?

Lol se dirige hacia la escalera, len-tamente, regresa del mismo modo.

Al verla pienso que quizás eso seasuficiente para mí, eso, verla, y quequizás en eso consista todo, que seráinútil avanzar más en los gestos, enlo que se diga. Mis manos se convier-ten en la trampa donde inmovilizarla,detener ese ir y venir continuo de unextremo al otro del tiempo.

—Es muy tarde y Pierre se levantamuy temprano —dice, por fin, Tatiana.

Ha creído que la salida de Lol erauna invitación a marcharse.

—¡Oh, no! —dice Lol—. Cuando hecerrado la puerta de su estudio, Jean nisiquiera se ha dado cuenta. No, por fa-vor, Tatiana.

—No tiene importancia —diceTatiana—. Nos disculparás con él.

Ya está, me he perdido el avance,miraba a Lol: ahora la mirada deTatiana es dura. Las cosas no funcio-nan como ella hubiera deseado. Aca-ba de descubrirlo: Lol no lo dice todo.¿Y no hay en la [87] estancia, entreuna y otra, como una circulación sub-terránea, un hedor a ese veneno al queteme más que a cualquier otro, en supresencia, un entendimiento del que

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dont elle est exclue?

— Il se passe quelque chose danscette maison, Lol, dit-elle, elle s’efforcede sourire. Ou est-ce une impression?Attendrais-tu quelqu’un que tu [107]redoutes, à cette heure-ci de la nuit?Pourquoi nous retiens-tu comme ça?

— Quelqu’un qui ne viendrait quepour vous seule, dit Pierre Beugner. Ilrit.

— Oh! je ne crois pas, dit Lol.

Elle se moque de cette façon queTatiana n’aime plus. Non. Je me trompeencore. Tatiana ne sait rien.

— Au fond , s i vous vou lezren t r e r, vous pouvez l e f a i r e .J’aurais aimé que nous restionsencore ensemble ce soir.

— Tu nous caches quelque chose,Lola, dit Tatiana.

— Même si Lol disait ce secret, ditPierre Beugner, il ne serait peut-êtrepas celui qu’elle croit, malgré elle, ilserait différent, de celui...

Je m’entends dire:

— Assez!

Tatiana reste calme, je me trompeencore. Tatiana dit:

— Il est si tard, les choses sebrouillent. Excuse-le. Dis-nous quelquechose, Lol.

Lol V. Stein se repose, dirait-on,un petit peu, lassée d’une victoirequi aurait été trop aisée. Ce que jesais d’une façon certaine c’estl’enjeu de cette victoire : le reculde la clar té . Pour d’autres quenous, à cet instant elle aurait desyeux trop gais.

Elle le dit sans s’adresser à quiconque:

— C’est le bonheur. [108]

Elle rougit . El le r i t . Le motl’amuse.

— Mais maintenant vous pouvez

está excluida?

—Ocurre algo en esta casa, Lol —dice, esforzándose por sonreír—. ¿Ose trata de una sensación? ¿Esperasa alguien a estas horas de la noche?¿Alguien de quien tienes miedo?¿Por qué nos retienes así?

—Algu ien que v in i e r a só lopara usted —dice Pierre Beugner.Ríe

— ¡Oh! No lo creo —dice Lol.

Se burla de esa manera que ya no legusta a Tatiana. No. Me equivoco otravez. Tatiana no sabe nada.

—La verdad es que si deseáismarcharos, podéis hacerlo. Me hubie-ra gustado que permaneciéramos másrato juntos esta noche.

—Nos escondes algo, Lol —diceTatiana.

—Aunque Lol cuente su secreto —dice Pierre Beugner— quizá no sea elque cree, a pesar de sí misma, sería di-ferente, del...

Me oigo decir:

— ¡Basta!

Tatiana no pierde la tranquilidad. Meequivoco otra vez. Tatiana dice:

— E s m u y t a r d e , t o d o s ec o m p l i c a . P e r d ó n a l e . D i n o sa l g o , L o l .

Lol V. Stein se diría que descansaun poquito, cansada de una victoria quehabría sido demasiado fácil. Lo que sísé de verdad es lo que está en juego enesta victoria: el retroceso de la claridad.Para cualquiera que no fuera ningunode nosotros, en este instante, su miradaresultaría demasiado alegre.

Dice sin dirigirse a nadie: [88]

—Es la felicidad.

Enrojece. Ríe. La palabra ledivierte.

— A h o r a p o d é i s m a r c h a -

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Notes Duras’ Stein tr. de Ana Mª Moix

vous en aller, ajouta-t-elle.

— Tu ne peux pas dire pourquoi?demande Tatiana.

— Ce ne serait pas clair, ça ne seraitpas utile.

Tatiana tape du pied.

— Q u a n d m ê m e , d i tT a t i a n a . U n m o t , L o l , s u rc e b o n h e u r .

—J’ai fait une rencontre cesjours-ci, dit Lol. Le bonheur vient decette rencontre.

Tatiana se lève. Pierre Beugner se lèveà son tour. Ils s’approchent de Lol.

— Ah! c’est ça, c’est ça, ditTatiana.

Elle vient de frôler l’épouvante, jene sais pas laquelle, elle a un sourire deconvalescente. Elle crie presque.

— Fais attention à toi, Lol, oh! Lola.

Lol se lève à son tour. En faced’elle, derrière Tatiana, Jacques Hold,moi. II s’est trompé croit-il. Ce n’estpas lui que cherche Lol V. Stein. C’estun autre dont il s’agit. Lol dit:

— Rien ne me gêne dans l’histoirede ma jeunesse. Même si les chosesdevaient recommencer pour moi, ellesne me gêneraient en rien.

— Fais attention, fais attention, Lol.

Tatiana se retourne vers JacquesHold.

— Vous venez?

Jacques Hold dit:

— Non. [109]

Tatiana les regarde tous les deux,l’un après l’autre.

— Tiens, tiens, dit-elle. Vous alleztenir compagnie au bonheur de Lol V.Stein? [110]

r o n — d i c e .

—¿No puedes decir por qué? —pre-gunta Tatiana.

—No se entendería, no serviría denada.

Tatiana patea.

—De todos modos —diceTatiana—, una palabra, Lol, acercade esa felicidad.

—En los últimos días he conocido aalguien —dice Lol—. La felicidad pro-cede de ese encuentro.

Tatiana se levanta. Pierre Beugnerse levanta también. Se acercan a Lol.

—¡Ah! ¡Es eso, es eso! —diceTatiana.

Acaba de rozar e l t e r ror, nos é c u á l , t i e n e u n a s o n r i s a d econvalec ien te . Cas i g r i ta .

— ¡Oh, Lola! ¡Cuídate, Lol!

Lol, a su vez, se levanta. Frente aella, detrás de Tatiana, Jacques Hold,yo. Se ha equivocado, piensa. No es élquien busca a Lol V. Stein. Se trata deotro. Lol dice:

—Nada me molesta en la histo-ria de mi juventud. Incluso si lascosas debieran volver a empezar,no me molestarían nada.

—Cuidado, cuidado, Lol.

Tatiana se vuelve hacia JacquesHold.

—¿Viene?

Jacques Hold dice:

—No.

Tatiana los contempla a ambos, auno detrás del otro.

—Vaya, vaya —dice—. ¿Va aacompañar la felicidad de Lol V.Stein? [89]

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Notes Duras’ Stein tr. de Ana Mª Moix

Elle revient d’accompagner lesBeugner. Elle arrive, lentement ets’adosse contre la porte-fenêtre. Levisage baissé, les mains derrière sondos agrippées au rideau, elle reste là.Je vais tomber. Une faiblesse montedans mon corps, un niveau s’élève, le sangn o y é , l e c o e u r e s t d e v a s e ,mou, il s’encrasse, il va s’endormir.Qui a-t-elle rencontré à ma place?

— Alors, cette rencontre?

La bonne femme est voûtée ,maigre, dans sa robe noire. Elle lèvela main, m’appelle.

— Oh! Jacques Hold, j’étais sûreque vous aviez deviné.

Elle appelle au secours la brutalité.Le cirque.

— Dites-le quand même, allez.

— Quoi?

— Qui c’est.

— C’est vous, vous, Jacques Hold.Je vous ai rencontré il y a sept jours,seul d’abord et ensuite en compagnied’une femme. Je vous ai suivi jusqu’àl’Hôtel des Bois [111]

J’ai eu peur. Je voudrais revenir versTatiana, être dans la rue.

— Pourquoi?

Elle détache ses mains du rideau, seredresse, arrive.

— Je vous ai choisi.

Elle arrive, regarde, nous ne noussommes jamais encore approchés. Elleest blanche d’une blancheur nue. Elleembrasse ma bouche. Je ne lui donnerien. J’ai eu trop peur, je ne peux pasencore. Elle trouve cette impossibilitéattendue. Je suis dans la nuit de T.Beach. C’est fait. Là, on ne donne rienà Lol V. Stein. Elle prend. J’ai encoreenvie de fuir.

— Mais qu’est-ce que vous voulez?

Lol ha acompañado a losBeugner. Llega, lentamente, y seapoya contra la vidriera. El rostrobajo, las manos detrás de la espaldapegada a la cortina, se queda ahí.Caeré. Una flojedad me sube por elcuerpo, un nivel se eleva, la sangreanegada, el corazón de cieno, blan-do, se atasca, va a dormirse. ¿Aquién ha encontrado en mi lugar?

—¿Y este encuentro?

La buena mujer está encorvada,delgada, en su vestido negro, levanta lamano, me llama.

— ¡Oh! Jacques Hold, estaba segu-ra de que lo había adivinado.

Pide socorro a la brutalidad.El circo.

—A pesar Je todo, dígalo, vamos.

—¿Qué?

—¿Quién es?

— E s u s t ed , Us t ed , J acquesHold. Le conocí hace s iete días .primero solo, y después en com-p a ñ í a d e u n a m u j e r L e s e g u íhasta e l Hôtel des Bois .

Tengo mido. Quisiera volver conTatiana, estar en la calle.

—¿Por qué?

Aparta las manos de la cortina, seendereza, llega.

—Le he elegido.

Llega, mira, aún no nos hemosacercado nunca. Está blanca de unablancura desnuda. Besa mi [90]boca. No le doy nada. He tenidodemasiado miedo, aún no puedo.Tiene prevista esta imposibilidad.Estoy en la noche de T. Beach. Estáhecho. Allí no se da nada a Lol V.Stein. Ella toma. Aún tengo ganasde huir.

—¿Qué quiere?

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Notes Duras’ Stein tr. de Ana Mª Moix

Elle ne sait pas.

— Je veux, dit-elle.

Elle se tait, regarde ma bouche. Etpuis voici, nous avons les yeux dans lesyeux. Despotique, irrésistiblement, elleveut.

— Pourquoi?

Elle fait signe : non, dit mon nom.

—-Jacques Hold.

Virginité de Lol prononçant ce nom!Qui avait remarqué l’inconsistance dela croyance en cette personne ainsinommée sinon elle, Lol V. Stein, lasoi-disant Lol V. Stein? Fulgurantetrouvaille de celui que les autres ontdélaissé, qu’ils n’ont pas reconnu, quine se voyait pas, inanité partagée partous les hommes de S. Tahla [112] aussidéfinissante de moi-même que leparcours de mon sang. Elle m’a cueilli,m’a pris au nid. Pour la première foismon nom prononcé ne nomme pas.

— Lola Valérie Stein.

— Oui.

A travers la transparence de sonêtre incendié, de sa nature détruite,elle m’accueille d’un sourire. Sonchoix est exempt de toute préférence.Je suis l’homme de S. Tabla qu’ellea décidé de suivre. Nous voicichevil lés ensemble. Notredépeuplement grandit. Nous nousrépétons nos noms.

Je me rapproche de ce corps. Jeveux le toucher. De mes mainsd’abord et ensuite de mes lèvres.

Je suis devenu maladroit. Aumoment où mes mains se posent sur Lolle souvenir d’un mort inconnu merevient : il va servir l’éternelRichardson, l’homme de T. Beach, onse mélangera à lui, pèle-mêle tout ça neva faire qu’un, on ne va plus reconnaîtrequi de qui, ni avant, ni après, ni pendant,on va se perdre de vue, de nom, on vamourir ainsi d’avoir oublié morceau parmorceau, temps par temps, nom parnom, la mort. Des chemins s’ouvrent.Sa bouche s’ouvre sur la mienne. Sa

No lo sabe.

—Quiero —dice.

Se calla, mira mi boca. Y después,he aquí que nos miramos recíproca-mente. Despótica, irresistiblemente,quiere.

—¿Por qué?

Avisa: no, dice mi nombre.

—Jacques Hold.

¡Virginidad de Lol pronunciando esenombre! ¿Quién había advertido la in-consistencia de la creencia en esta per-sona así llamada sino ella, Lol V. Stein,la llamada Lol V. Stein? Fulgurante ha-llazgo de lo que los demás han desecha-do, que no han reconocido, que no seveía, inanidad compartida por todos loshombres de S. Tahla tan definitoria demí mismo como el recorrido de mi san-gre. Me ha recogido, me ha acogido enel nido. Por primera vez mi nombre pro-nunciado no nombra.

—Lola Valérie Stein.

—Sí.

A través de la transparencia de suser incendiado, de su naturaleza des-truida, me acoge una sonrisa. Su elec-ción está exenta de cualquier preferen-cia. Soy el hombre de S. Tahla al queha decidido seguir. Aquí estamos,encadenados, juntos. Nuestrodespoblamiento aumenta. Nos repe-timos nuestro nombre.

Me acerco a ese cuerpo. Quiero to-carlo. Primero con mis manos y a con-tinuación con mis labios. [91]

Me he vuelto torpe. En el momentoen que mis manos se posan en Lol elrecuerdo de un muerto desconocido re-gresa a mi memoria: servirá al eternoRichardson, el hombre de T. Beach, semezclará con él, todo en desordensólo formará uno, ya no se reconoce-rá quién es quién, ni antes, ni des-pués, ni durante, se perderá de vista,de nombre, morirá así por haber ol-vidado la muerte trozo a trozo, tiem-po a tiempo, nombre a nombre. Seabren caminos. Su boca se abre en la

inanidad.1. f. Vacuidad, futilidad.

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main ouverte posée sur mon braspréfigure un avenir multiforme etunique, main rayonnante et unie auxphalanges courbées, cassées, d’unelégèreté de plume et qui ont, pour moi,la nouveauté d’une fleur. [113]

Elle a un corps long et beau, trèsd ro i t , ra id i pa r l ’ obse rva t i ond’un effacement constant , d’unalignement sur un certain mode apprisdans l’enfance, un corps depensionnaire grandie. Mais sa doucehumilité est tout entière dans son visageet dans le geste de ses doigts lorsqu’ilstouchent un objet ou ma main.

—Vous avez les yeux parfois siclairs. Vous êtes si blonde.

Les cheveux de Lol ont le grainfloral de ses mains. Éblouie, elle dit queje ne me trompe pas.

— C’est vrai.

Son regard lu i t sous sespaupières très abaissées. Il fauts’habituer à la raréfaction de l’airau tour de ces pe t i t es p lanè tesbleues auxquelles le regard pèse,s’accroche, en perdition.

— Vous sortiez d’un cinéma. C’étaitjeudi dernier. Vous vous souvenezcomme il faisait chaud? Vous teniezvotre veste dans la main.

J ’ é c o u t e . E n t r e l e s m o t s l ev i o l o n s ’ i n s i n u e t o u j o u r s ,s ’ a c h a r n e s u r c e r t a i n s t r a i t s ,r e p r e n d .

— Sans même y penser, vous nesaviez pas quoi faire de vous. Voussortiez de ce couloir noir, de ce cinémaoù vous étiez allé seul pour tuer letemps. Ce jour-là vous aviez du temps.Une fois arrivé sur le boulevard vousavez regardé autour de vous les femmesqui passaient.

— Que c’est faux!

—Ah! peut-être, s’écrie Lol.

Sa voix s’est de nouveau posée bascomme sans [114] doute dans sajeunesse, mais elle a gardé son infimelenteur. Elle se met d’elle-même dans

mía. Su mano abierta posada en mibrazo prefigura un futuro multiformey único, mano resplandeciente y uni-da a falanges curvadas, quebradas, deuna ligereza de pluma y que poseen,para mí, la novedad de una flor.

Posee un cuerpo largo y hermoso,muy derecho, envarado por la adop-ción de un eclipse constante, de unaalineación en una cierta moda apren-dida en la infancia, un cuerpo depensionista crecida. Pero su dulcehumildad aparece por entero en su ros-tro y en el gesto de sus dedos cuandotocan un objeto o mi mano.

— ¡A veces tienes una mirada tanclara! ¡Eres tan rubia!

Los cabellos de Lol tienen el toquefloral de sus manos. Embelesada, diceque no me equivoco.

—Es verdad.

Su mirada brilla bajo los párpadosmuy caídos. Hay que habituarse al en-rarecimiento del aire alrededor de esospequeños planetas azules a los que lamirada pesa, se aferra, en peligro denaufragio.

— S a l í a s d e u n c i n e . E r a e lp a s a d o j u e v e s . ¿ R e c u e r d a sq u é c a l o r h a c í a ? L l e v a b a s l ac h a q u e t a e n l a m a n o .

Escucho. El violín sigue insinuán-dose entre las [92] palabras, se en-carniza con algunos pasajes, vuelvea empezar.

—Sin ni siquiera pensarlo, nosabías qué hacer contigo mismo.Salías de ese pasillo negro, de esecine al que habías ido solo pasamatar el tiempo. Aquel día dispo-nías de tiempo. Una vez ya en elbulevar, miraste a las mujeres quepasaban a tu alrededor.

— ¡No es cierto!

—¡Quizá! —exclama Lol.

Su voz, de nuevo, es tranquila,como sin duda fue en su juventud,pero conserva su ínfima lentitud. Seintroduce ella sola entre mis brazos,

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mes bras, les yeux clos, attendantqu’autre chose arrive qui doit arriver etdont son corps disait déjà la prochecélébration. La voici, dite tout bas :

— La femme qui est venue sur laplace des cars, après, c’était TatianaKarl.

Je ne lui réponds pas.

— C’était elle. Vous étiez un hommequi allait arriver tôt ou tard vers elle. Jele savais.

Ses paupières se recouvrent d’unefine rosée de sueur. J’embrasse lesyeux fermés, leur mobilité est sousmes lèvres, ses yeux cachés. Je lalâche. Je la quitte. Je vais à l’autrebout du salon. Elle reste où elle est.Je me renseigne.

— Ce n’est pas que je ressemble àMichael Richardson?

— Non, ce n’est pas cela, dit Lol. Vousne lui ressemblez pas. Non - elle traînesur les mots - je ne sais pas ce que c’est.

Le violon cesse. Nous nous taisons.Il reprend.

— Votre chambre s’est éclairée etj’ai vu Tatiana qui passait dans lalumière. Elle était nue sous ses cheveuxnoirs.

Elle ne bouge pas, les yeux sur lejardin, elle attend. Elle vient de dire queTatiana est nue sous ses cheveux noirs.Cette phrase est encore la dernière quia été prononcée. J’entends : « nue sousses cheveux noirs, nue, nue, cheveuxnoirs ». [115] Les deux derniers motssurtout sonnent avec une égale etétrange intensité. Il est vrai que Tatianaétait ainsi que Lol vient de la décrire,nue sous ses cheveux noirs. Elle étaitainsi dans la chambre fermée, pour sonamant. L’intensité de la phraseaugmente tout à coup, l’air a claquéautour d’elle, la phrase éclate, elle crèvele sens. Je l’entends avec une forceassourdissante et je ne la comprendspas, je ne comprends même plus qu’ellene veut rien dire.

Lol est toujours loin de moi, clouéeau sol, toujours tournée vers le jardin,

los ojos cerrados, esperando queocurra otra cosa, lo que ha de suce-der y que su cuerpo ya celebraba.Aquí está, dicho en voz muy baja:

—La mujer que después llegó ala plaza de los autobuses era TatianaKarl.

No le contesto.

—Era ella. Tú eras un hombreque tarde o temprano llegaría a ella.Lo sabía.

Sus párpados se cubren de unfino rosado de sudor. Beso los ojoscerrados, noto la movilidad de susojos cerrados bajo mis labios. Lasuelto. La dejo. Me dirijo al otroextremo del salón. Se queda dondeestá. Me informo.

—¿No será que me parezco aMichael Richardson?

—No, no es eso —dice Lol—.No te pareces. No —alarga laspalabras—, no sé qué es.

El violín enmudece. Callamos. Sue-na de nuevo.

—Tu habitación se iluminó yvi a Tatiana atravesar la luz. Es-taba desnuda bajo sus cabellososcuros.

No se mueve, la mirada hacia el jar-dín, espera. Acaba de decir que estádesnuda bajo sus cabellos [93] oscu-ros. Esta frase es la última que hapronunciado. Oigo: «desnuda bajo suscabellos oscuros, desnuda, desnuda,cabellos oscuros». Las dos últimas pa-labras, sobre todo, suenan con idénti-ca y extraña intensidad. Es cierto queTatiana estaba como Lol acaba de des-cribirla, desnuda bajo sus cabellos os-curos. Está así, para su amante, en lahabitación cerrada. La intensidad de lafrase aumenta de repente, el aire hacrujido a su alrededor, la frase estalla,revienta los sentidos. La oigo con unafuerza ensordecedora y no la entien-do, ni siquiera comprendo que no sig-nifica nada.

Lol sigue alejada de mí, clavada enel suelo, sigue vuelta hacia el jardín,

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sans un cillement.

La nudité de Tatiana déjà nue granditdans une surexposition qui la privetoujours davantage du moindre senspossible. Le vide est statue. Le socle estlà : la phrase. Le vide est Tatiana nuesous ses cheveux noirs, le fait. Il setransforme, se prodigue, le fait necontient plus le fait, Tatiana sortd’elle-même, se répand par les fenêtresouvertes, sur la ville, les routes, boue,liquide, marée de nudité. La voici,Tatiana Karl nue sous ses cheveux,soudain, entre Lol V. Stein et moi. Laphrase vient de mourir, je n’entends plusrien, c’est le silence, elle est morte auxpieds de Lol, Tatiana est à sa place.Comme un aveugle, je touche, je nereconnais rien que j’aie déjà touché. Lolattend que je reconnaisse non unaccordement à son regard mais que jen’aie plus peur de Tatiana. Je n’ai pluspeur. Nous sommes [116] deux, en cemoment, à voir Tatiana nue sous sescheveux noirs. Je dis en aveugle :

— Admirable putain, Tatiana.

La tête a bougé. Lol a un accent queje ne lui connaissais pas encore, plaintifet aigu. La bête séparée de la forêt dort,elle rêve de l’équateur de la naissance,dans un frémissement, son rêve solairepleure.

— La meilleure, la meilleure detoutes n’est-ce pas ?

Je dis :

— La meilleure.

Je vais vers Lol V. Stein. Jel’embrasse, je la lèche, je la sens, jebaise ses dents. Elle ne bouge pas. Elleest devenue belle. Elle dit

— Quelle coïncidenceextraordinaire.

Je ne réponds pas. Je la laisse encoreloin de moi, seule au milieu du salon.Elle ne paraît pas s’apercevoir que jeme suis éloigné. Je dis encore :

— Je vais quitter Tatiana Karl.

Elle se laisse glisser sur le sol,muette, elle prend une pose d’une

sin un parpadeo.

La desnudez de Tatiana ya desnudaaumenta en una sobreexcitación que lapriva aún más del menor sentido posi-ble. El vacío es estatua. El pedestal estáahí: la frase. El vacío es Tatiana des-nuda bajo sus cabellos oscuros, el he-cho. Se transforma, se prodiga, el he-cho ya no contiene al hecho, Tatianasale de sí misma, se propala por lasventanas abiertas, sobre la ciudad, porlos caminos, lodo, líquido, oleada dedesnudez. Aquí está Tatiana Karl des-nuda bajo sus cabellos, de repente,entre Lol V. Stein y yo. La frase acabade morir, ya no oigo nada, es el silen-cio, ha muerto a los pies de Lol. Tatianaocupa su lugar. Toco, como un ciego,no reconozco nada de lo que ya he to-cado. Lol espera que reconozca no unacuerdo respecto a ella sino que dejede tener miedo de Tatiana. Ya no ten-go miedo. En este momento somos doslos que vemos a Tatiana desnuda bajosus cabellos oscuros. Digo a ciegas:

—Admirable puta, Tatiana.

La cabeza se ha movido. Lol tieneun acento [94] que aún no le conocía,lastimoso y agudo. La bestia separadade la selva duerme, sueña con el ecua-dor del nacimiento, con un estremeci-miento, su sueño solar llora.

—La mejor, la mejor de todas,¿verdad?

Digo:

—La mejor.

Me dirijo hacia Lol V. Stein. Laabrazo, la lamo, la siento, besosus dientes. No se mueve. Se havuelto hermosa. Dice:

— ¡Qué extraordinar ia coin-cidencia!

No contesto. La dejo de nuevoun tanto alejada de mí, sola, en mi-tad del salón. No parece advertirque me he alejado. Añado:

—Voy a dejar a Tatiana Karl.

Se deja resbalar en el suelo,muda, adopta un gesto de infini-

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supplication infinie.

— Je vous en supplie, je vous enconjure : ne le faites pas.

Je cours vers elle, je la relève.D’autres pourraient s’y tromper. Sonvisage n’exprime aucune douleur maisde la confiance.

— Quoi?

— Je vous en supplie.

— Dites pourquoi? [117]

Elle dit:*

— Je ne veux pas.

Nous sommes enfermés quelque part.Tous les échos se meurent. Je commence àvoir clair, petit à petit, très très peu. Je voisdes murs, lisses, qui n’offrent aucune prise,ils n’étaient pas là tout à l’heure, ils viennentde s’élever autour de nous. On m’offriraitde me sauver, je ne comprendrais pas. Monignorance elle-même est enfermée. Lol setient devant moi, elle supplie de nouveau,je m’ennuie brusquement à la traduire.

— Je ne quitterai pas Tatiana Karl.

— Oui. Vous devez la revoir.

— Mardi.

Le violon cesse. Il se retire, il laissederrière lui les cratères ouverts dusouvenir immédiat. Je suis épouvantépar les autres gens que Lol.

— Et vous? Vous? Quand?

Elle dit mercredi, l’endroit, l’heure.

Je ne rentre pas chez moi. Rienn’est ouvert dans la ville. Alors jevais devant la villa des Beugner, puisje rentre par la porte du jardinier. Lafenêtre de Tatiana est éclairée. Jefrappe à la vitre. Elle a l’habitude.Elle s’habille très vite. Il est troisheures du matin. Elle fait trèsdoucement bien que, j’en suis sûr, PierreBeugner n’ignore rien. Mais c’est ellequi tient à faire comme si la chose étaitsecrète. A S. Tahla elle choit passer pourune femme fidèle. Elle tient à cetteréputation [118]

ta súplica.

—Te lo suplico, te lo ruego,no lo hagas.

Corro hacia ella, la levanto.Otros podr ían equivocarse . Surostro no expresa ningún dolorsino confianza.

—¿Qué?

—Te lo suplico.

—Di por qué.

Dice:

—No quiero.

Estamos encerrados en algún sitio.Todos los ecos mueren. Empiezo a verclaro, despacio, muy despacio. Veo pa-redes, lisas, que no ofrecen ningún asi-dero, hace un momento no estaban aquí,acaban de alzarse a nuestro alrededor. Sime ofrecieran salvación no lo compren-dería. Mi propia ignorancia está ence-rrada. Lol está ante mí, suplica de nue-vo, de repente me fastidia traducirla.

—No dejaré a Tatiana Karl. [95]

—Exacto. Debes volver a verla.

—El martes.

El violín deja de oírse. Se retira,deja tras de sí los cráteres abiertos delinmediato recuerdo. Aparte de Lol, losdemás me espantan.

—¿Y tú? ¿Tú, cuándo?

Dice el miércoles, el lugar, la hora.

No regreso a mi casa. En la ciudadno hay nada abierto. Entonces voy has-ta el chalet de los Beugner, llego delan-te de la casa, después entro por la puer-ta del jardinero. La ventana de Tatianaestá iluminada. Golpeo los cristales.Está acostumbrada. Se viste muy depri-sa. Son las tres de la madrugada. Obratan despacio que, estoy seguro, PierreBeugner no ignora nada. Pero es ellaquien se empeña en obrar como si elasunto fuera secreto. Cree que pasa poruna mujer fiel en S. Tahla. Defiende estareputación.

* trozo no incluido en audio

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— Mais, mardi? demande-t-elle.

— Mardi aussi.

J ’ a i g a r é l ’ a u t o l o i n d e l agrille. Nous allons à l’Hôtel desBois, tous feux éteints le tempsde longer la villa. Dans l’auto,Tatiana demande

—Comment était Lol après notredépart?

—Raisonnable. [119]

Lorsque je suis allé à la fenêtre de lachambre de l’Hôtel des Bois oùj’attendais Tatiana Karl, le mardi, àl’heure dite, c’était la fin du jour, et quej’ai cru voir à mi-distance entre le piedde la colline et l’hôtel une forme grise,une femme, dont la blondeur cendrée àtravers les tiges du seigle ne pouvait pasme tromper, j’ai éprouvé, cependant queje m’attendais à tout, une émotion trèsviolente dont je n’ai pas su tout desuite la vraie nature, entre le doute etl’épouvante, l’horreur et la joie, latentation de crier gare, de secourir, derepousser pour toujours ou de meprendre pour toujours, pour toute LolV. Stein, d’amour. J’ai étouffé un cri,j’ai souhaité l’aide de Dieu, je suissorti en courant, je suis revenu sur mespas, j’ai tourné en rond dans lachambre, trop seul à aimer ou à ne plusaimer, souffrant, souffrant de l’in-suffisance déplorable de mon être àconnaître cet événement.

Puis l’émotion s’est apaisée unpeu, elle s’est [120] ramassée surelle-même, j’ai pu la contenir. Cemoment a coïncidé avec celui oùj ’ a i d é c o u v e r t q u ’ e l l e a u s s idevait me voir.

Je mens. Je n’ai pas bougé de la fenêtre,confirmé jusqu’aux larmes. [121]

Tout à coup la blondeur n’a plus étépareille, elle a bougé puis elle s’estimmobilisée. J’ai cru qu’elle devaits’être aperçue que j’avais découvert saprésence.

—¿El martes? —pregunta.

—También el martes.

He aparcado el coche cerca del cha-let. Vamos al Hôtel des Bois, todos lossemáforos están apagados durante eltiempo de recorrer la ciudad. En el co-che, Tatiana pregunta:

—¿Cómo estaba Lol después demarcharnos?

—Razonable. [96]

Era al atardecer, el martes, cuandome dirigí a la ventana de la habitacióndel Hôtel des Bois donde esperaba aTatiana Karl, a la hora concertada, y creíver, a media distancia entre el pie de lacolina y el hotel, una forma gris, unamujer cuyo rubio ceniciento a través delos tallos del centeno no podía enga-ñarme; a pesar de que me lo espera-ba, experimenté una emoción muyviolenta cuya verdadera naturalezano acerté a saber enseguida, entre laduda y el espanto, el horror y la ale-gría, la tentación de gritar cuidado,de socorrer, de renunciar para siem-pre o de enamorarme para siempre,para toda Lol V. Stein. Ahogué ungrito, deseé la ayuda de Dios, salícorriendo, regresé sobre mis pasos,di vueltas por la habitación, de-masiado solo para amar o para dejarde amar, sufriendo, sufriendo la de-plorable insuficiencia de mi ser paracomprender este hecho.

Después, la emoción se ha aplaca-do un poco, se ha replegado sobre símisma, he podido contenerla. Ese mo-mento ha coincidido con el instante enque me ha dado cuenta de que ella tam-bién debía de verme.

Miento. No me moví de la ventana,verificado hasta las lágrimas. [97]

De repente el cabello rubio ha deja-do de ser el mismo, se ha movido, des-pués se ha quedado inmóvil. He creídoque ha debido de darse cuenta de quehe descubierto su presencia.

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Notes Duras’ Stein tr. de Ana Mª Moix

Nous nous sommes donc regardés,je l’ai cru. Combien de temps?

J’ai tourné la tête, à bout deforces, vers la droite du champ deseigle où elle n’était pas. De ce côté-là Tatiana, en tailleur noir, arrivait.Elle a payé le taxi et s’est engagéelentement entre les aulnes.

Elle a ouvert la porte de la chambresans frapper, doucement. Je lui aidemandé de venir avec moi à la fenêtre,un moment. Tatiana est venue. Je luiai montré la colline et le champ deseigle. Je me tenais derrière elle. Ainsi,Tatiana, je la lui ai montrée.

— Nous ne regardons jamais. C’estassez beau de ce côté-ci de l’hôtel.

Tatiana n’a rien vu, elle a regagné lefond de la chambre. [122]

— Non, ce paysage est triste.

Elle m’a appelé.

— Il n’y a rien à voir, viens.

Sans lui faire grâce d’aucuneapproche, Jacques Hold rejoignitTatiana Karl.

Jacques Hold posséda Tatiana Karlsans merci. Elle n’opposa aucunerésistance, ne dit rien, ne refusa rien,s’émerveilla d’une telle possession.

Leur plaisir fut grand et partagé.

Cet instant d’oubli absolu de Lol,cet instant, cet éclair dilué, dans letemps uniforme de son guet, sans qu’elleait le moindre espoir de le percevoir, Lol désiraitqu’il fût vécu. Il le fut.

Accroché à elle Jacques Hold nepouvait se séparer de Tatiana Karl. Illui parla. Tatiana Karl était incertainede la destination des mots que lui ditJacques Hold. Sans aucun doute elle necrut pas qu’ils s’adressaient à elle, nipour autant à une autre femme, absentece jour, mais qu’ils exprimaient lebesoin de son coeur. Mais pourquoicette fois-ci plutôt qu’une autre? Tatianacherchait dans leur histoire, pourquoi.

Nos mi ramos , lo he c re ído .¿Durante cuánto t iempo?

Volví la cabeza, al final de mis fuer-zas, hacia la derecha del campo de cen-teno donde ella no estaba. Por ese lado,llegaba Tatiana, con un traje sastre ne-gro. Pagó el taxi y se internó lentamen-te entre los alisos.

Ha abierto la puerta de la habitación,despacio, sin llamar. Le he pedido quese acerque conmigo hasta la ventana,un momento. Tatiana se ha acercado. Lehe enseñado la colina y el campo decenteno. Me quedé detrás de ella. Así,se la he señalado a Tatiana.

—Nunca miramos. Es bastante bo-nito desde este lado del hotel.

Tatiana no ha visto nada, ha llegadohasta el fondo de la habitación.

— No, este paisaje es triste.

Me ha llamado.

—No hay nada que ver, ven.

Sin perdonar ningún acercamiento,Jacques Hold se aproxima a TatianaKarl. [98]

Jacques Hold poseyó a Tatiana Karlsin piedad. Ella no opuso ninguna re-sistencia, no dijo nada, no rechazó nada,se maravilló de semejante posesión.

Su placer fue intenso y compartido.

Lol deseaba que vivieran ese instante de ab-soluto olvido de Lol, ese instante, ese destello di-luido, en el tiempo uniforme de su acecho, sintener la menor esperanza de percibirlo.Y lo vivieron.

Aferrado a Tatiana Karl, JacquesHold no podía separarse de ella. Lehabló: Tatiana Karl estaba insegu-ra del destino de las palabras Holdle decía. Sin duda no dirigidas, nitampoco a otra que Jacques creíaque le estuvieran mujer, ausente esedía, pero sí que expresaban la ne-cesidad de su corazón. Pero, ¿porqué esta vez más que otra? Tatianabuscó en su historia, por qué.

TAILLEUR I. (V. 1180, tailleor). 1. Personne quiconfectionne les vêtements sur mesure pourhommes; personne qui exploite et dirige l'atelier oùon les confectionne, le magasin où l'on reçoit lesclients. 2. Loc. EN TAILLEUR. (Par allus. à lamanière dont les tailleurs d'autrefois s'asseyaientpour travailler. - aussi Racornir, cit. 3; sopha, cit.1). S'asseoir en tailleur : s'asseoir par terre, lesjambes à plat sur le sol et repliées, les genouxécartés (on dit aussi s'asseoir à l'orientale, à laturque). 3. (1895, in D.D.L.). Vieilli. Un costumetailleur (- Emmanchure, cit.; jaquette, cit. 3), ou,mod. (1904, in D.D.L.), un tailleur (- Gainer, cit. 1;prince de galles, cit. 2) : costume de femme,généralement assez ajusté, composé d'unejaquette (ou veste) et d'une jupe de même tissu.[traje chaqueta ¿también?] II. A. 1. Ouvrierqui taille (2. ou 3.), qui façonne quelque chose parla taille (I., 1. ou 2.). 2. (1170). Mod. Tailleur depierre (ou de pierres) : ouvrier qui taille les pierresà bâtir. 3. Techn. TAILLEUR DE... B. T. de jeu.Celui qui est chargé de tailler (4.), dans une maisonde jeu. III. Tailleur de route : celui qui parcourt delongues distances, qui taille (infra cit. 1) la route(spécialt, en bateau).

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Notes Duras’ Stein tr. de Ana Mª Moix

— Tatiana tu es ma vie, ma vie,Tatiana.

Les divagations de son amant cejour-là, Tatiana les écouta tout d’aborddans le plaisir qu’elle aime, d’être dansles bras d’un homme une femme maldésignée.

— Tatiana je t’aime, je t’aimeTatiana.

Tatiana acquiesça, consolatrice,maternellement tendre [123]

— Oui. Je suis là. Près de toi.

Tout d’abord dans le plais i rqu’elle aime de voir dans quelleliberté on était auprès d’elle puis,tout à coup, interdite, dans l’orientpernicieux des mots.

— Tatiana, ma soeur, Tatiana.

Entendre ça, ce qu’il dirait si ellen’était pas Tatiana, ah! douce parole.

— Comment te faire encore plus,Tatiana?

Il devait y avoir une heure que nousétions là tous les trois, qu’elle nous avaitvus tour à tour apparaître dansl’encadrement de la fenêtre, ce miroirqui ne reflétait rien et devant lequel elledevait délicieusement ressentirl’éviction souhaitée de sa personne.

— Peut-être que sans le savoir... ditTatiana, toi et moi...

Ce fut le soir enfin.

Jacques Hold recommença encoreavec de plus en plus de mal à posséderTatiana Karl. A un moment, il parlacontinûment à une autre qui ne voyaitpas, qui n’entendait pas, et dansl’intimité de laquelle, étrangement ilparut se trouver.

Et puis le moment arriva où JacquesHold n’eut plus les moyens de posséderencore Tatiana Karl.

Tatiana Karl crut qu’il s’étaitendormi. Elle le laissa à ce répit, seblottit contre lui qui était à mille lieuesde là, nulle part, dans les champs, et

—Tat i ana , e r e s mi v ida , miv ida .

Ese día Tatiana escucha las diva-gaciones de su amante, al principiocon un deleite que le place, el de es-tar entre los brazos de un hombre unamujer mal designada.

— T a t i a n a , t e q u i e r o , t eq u i e r o .

Tatiana asiente, consoladora,maternalmente tierna:

—Sí. Estoy aquí. A tu lado.

Al principio con el deleite, que leplace, de ver en qué libertad se estáa su lado; después, de repente, des-concertada, en el oriente perniciosode las palabras.

—Tatiana, hermana mía, Tatiana.

Oír eso, lo que él diría si no fueraTatiana, ¡ah, dulce palabra!

— ¿ C ó m o h a c e r t e a ú n m á s ,Tatiana?

Debía de hacer una hora que es-tábamos allí los tres, que nos habíavisto aparecer, por turno, en el [99]recuadro de la ventana, ese espejoque no reflejaba nada y ante el quedebía sentir, deliciosamente, ladesposesión deseada de su persona.

—Quizá sin saberlo... —dijoTatiana—, tú y yo...

Anocheció al fin.

Jacques Hold comenzó de nue-vo a posee r, cada vez peor, aTa t i ana Kar l . En un momentodado hab ló s in ce sa r a o t r a aquien no veía, a quien no oía, yen cuya intimidad, extrañamente,parecía encontrarse.

Y luego llegó el momento en queJacques Hold ya no tuvo recursos paravolver a poseer a Tatiana Karl.

Tatiana Karl creyó que se habíadormido. Le dejó en ese descanso,se acurrucó contra él, que se halla-ba a mil leguas de allí, en ninguna

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Notes Duras’ Stein tr. de Ana Mª Moix

attendit qu’une nouvelle fois encore, ill’empoigne. [124] Mais inutilement.Tandis qu’il dormait, croyait-elle, elle,elle lui parla :

— Ah ces mots, tu devrais te taire,ces mots, quel danger.

Tatiana Karl regretta. Elle n’était pascelle qu’il aurait pu aimer. Maisn’aurait-elle pas pu l’être, elle, autantqu’une autre? Il était entendu depuis ledébut qu’elle ne serait que la femme deS. Tahla, rien d’autre, rien, qu’elle necroyait pas que le changementfoudroyant de Michael Richardson étaitpour quelque chose dans cette décision.Mais quel dommage tout à coup, cesmots de sentiment, perdus?

Ce soir-là, pour la première foisdepuis le bal de T. Beach, dit Tatiana,elle retrouva, elle eut dans la bouche legoût commun, le sucre du coeur.

Je suis retourné à la fenêtre, elle étaittoujours là, là dans ce champ, seule dansce champ d’une manière dont elle nepouvait témoigner devant personne. J’aisu cela d’elle en même temps que j’aisu mon amour, sa suffisance inviolable,géante aux mains d’enfant.

II regagna le lit, s’allongea le longde Tatiana Karl. Ils s’enlacèrent dans lafraîcheur du soir naissant. Par la fenêtreouverte entrait le parfum du seigle. Il ledit à Tatiana.

— L’odeur du seigle?

Elle la sentait. Elle lui dit qu’il étaittard et qu’elle devait rentrer. Elle luidonna rendez-vous [125] trois joursaprès, dans la crainte qu’il refuse. Ilaccepta au contraire sans mêmechercher si ce jour-là il était libre.

Du pas de la porte, elle demanda s’ilpouvait lui dire quelque chose de sonétat.

— Je veux te revoir, dit-il, te revoirencore et encore.

— Ah! tu ne devrais pas parlercomme ça, tu ne devrais pas.

Quand elle a été partie j’ai éteint leslumières de la chambre afin de

parte, en los campos, y esperó quela tomara una vez más. Pero inútil-mente. Mientras dormía, creía ella,le habló:

— ¡Esas palabras! ¡Deberías callaresas palabras, qué peligro!

Tatiana Karl se lamentó. No eraaquella a quien él hubiera podido amar.Pero, ¿no hubiera podido serlo, igualque otra? Quedó claro desde el princi-pio que sólo sería la mujer de S. Tahla,ninguna otra, ninguna, ninguna, que nocreía que el cambio fulminante deMichael Richardson influyera para algoen esta decisión. Pero, qué lastima derepente, esas palabras, ¿empobrecidasde sentimiento?

Aquella noche, por primera vez des-pués del baile de T. Beach, dijo Tatiana,recobró, sintió en la boca el sabor co-mún, la miel del corazón.

Volví a la ventana, ella seguía allí,allí, en el campo, sola en ese campo, deun modo que no podía [100] demostrarante nadie. Lo he descubierto al mismotiempo que he descubierto mi amor, susuficiencia inviolable, gigante en ma-nos de un niño.

Volvió a la cama, se tendió a lo lar-go de Tatiana Karl. Se abrazaron en elfrescor del naciente atardecer. El per-fume del centeno entraba por la venta-na abierta. Se lo dijo a Tatiana:

—¿El olor del centeno?

Ella lo olía. Le dijo que era tar-de y que debía regresar. Lo citópara al cabo de tres días, con elterror de que se negara. Al con-trario, aceptó sin intentar recor-dar si aquel día estaría libre.

Desde el umbral de la puerta,Tatiana preguntó si él podía decirlealgo respecto a su situación.

—Quiero volver a verte —dijo él—, volver a verte más y más.

— ¡Ah! No deberías hablar así, nodeberías hacerlo.

Cuando se ha marchado, he apaga-do las luces de la habitación con el fin

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Notes Duras’ Stein tr. de Ana Mª Moix

permettre à Lol de s’éloigner du champet de regagner la ville sans risquer deme rencontrer. [126]

Le lendemain je m’arrange pourm’absenter de l’hôpital pendant uneheure dans l’après-midi. Je la cherche.Je repasse devant le cinéma devantlequel elle m’a trouvé. Je passe devantchez elle : le salon est ouvert, la voiturede Jean Bedford n’est pas là, c’est unjeudi, j’entends un rire de petite fille quivient de la pelouse sur laquelle donnela salle de billard, puis deux rires quis’entremêlent, elle n’a que des filles,trois. Une femme de chambre sort parle perron, jeune et assez belle, en tablierblanc, elle prend une allée qui aboutit àla pelouse, me remarque, arrêté dans larue, me sourit, disparaît. Je pars. Je veuxéviter d’aller vers l’Hôtel des Bois, j’yvais, j’arrête l’auto, je contourne l’hôteld’assez loin, je fais le tour du champ deseigle, le champ est vide, elle ne vientque lorsque nous y sommes, Tatiana etmoi. Je repars. Je roule doucement dansles rues principales, il me vient à l’idéequ’elle est peut-être dans le quartier oùhabite Tatiana. Elle y est. Elle [127] estdans le boulevard qui longe sa maison,à deux cents mètres de celle-ci. J’arrêtel’auto et je la suis à pied. Elle vajusqu’au bout du boulevard. Ellemarche assez rapidement, sa démarcheest aisée, belle. Elle me paraît plusgrande que les deux fois où je l’ai vue.Elle porte son manteau gris, un chapeaunoir sans bords. Elle tourne sur la droitedans la direction qui mène vers chezelle, elle disparaît. Je reviens vers l’auto,épuisé. Elle continue donc sespromenades et je pourrai, si je ne peuxpas arriver à l’attendre, la rencontrer.Elle marchait assez rapidement, elleralentissait parfois jusqu’à s’arrêter puisrepartait. Elle était plus grande que chezelle, plus élancée. Ce manteau gris jel’ai reconnu, ce chapeau noir sans bords,non, elle ne l’avait pas dans le champde seigle. Je ne l’aborderai jamais. Moinon plus. Je n’irai pas lui dire : «Je n’aipas pu attendre jusqu’à tel jour, telleheure.» Demain. Le dimanche,sort-elle? Le voici. Il est immense etbeau. Je ne suis pas de service àl’hôpital. Un jour me sépare d’elle. Jela cherche des heures en auto, à pied.Elle n’est nulle part. Sa maison est

de permitir a Lol alejarse del campo yregresar a la ciudad sin peligro de en-contrarme. [101]

Al día siguiente por la tarde me lasarreglo para ausentarme del hospitaldurante una hora. La busco. Vuelvo apasar por delante del cine delante delque me encontró. Paso por delante desu casa: el salón está abierto, el co-che de Jean Bedford no está, es unjueves, oigo una risa de niña proce-dente del césped al que da la sala debillar, luego dos risas que se mezclan,sólo hay dos niñas, tres. Una ca-marera, joven y bastante hermosa, salepor la escalera, en delantal blanco,enfila por un camino que desembocaen el césped, se fija en mí, parado enla calle, me sonríe, desaparece. Memarcho. Quiero evitar dirigirme ha-cia el Hôtel des Bois, voy, aparco elcoche, rodeo el hotel desde bastantelejos, doy la vuelta al campo de cen-teno, el campo está vacío, ella sóloviene aquí cuando estamos nosotros,Tatiana y yo. Me marcho. Avanzolentamente por las calles principales,se me ocurre la idea de que quizá seencuentre por el barrio de Tatiana. Allíestá. Está en el bulevar que bordea lacasa, a doscientos metros de ésta.Aparco el coche y la sigo a pie. Vahasta el final del bulevar. Camina bas-tante rápido, su andar es suelto, her-moso. Me parece más alta que lasotras dos veces que la he visto. Llevasu abrigo gris, un sombrero negro sinala. Gira a la derecha, en la direcciónque conduce [102] a su casa, desapa-rece. Regreso al coche, agotado. Pro-sigue, pues, sus paseos, y yo podría,si no soy capaz de esperar, provocarun encuentro. Caminaba bastante de-prisa, a veces disminuía el paso hastadetenerse, después emprendía de nue-vo la marcha. Era más alta que en sucasa, más esbelta. Reconocí el abrigogris, el sombrero negro sin ala, no, nolo llevaba en el campo de centeno.Nunca la abordaré. Yo tampoco. Noiré a decirle: «No he podido esperarhasta tal día, a tal hora». Mañana. Eldomingo, ¿sale? Helo aquí. Es inmen-so y hermoso. No estoy de servicio enel hospital. Un día me separa de ella.La busco en coche, durante horas, apie. No está en ningún sitio. Su casa siem-

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Notes Duras’ Stein tr. de Ana Mª Moix

toujours pareille, aux baies ouvertes.L’auto de Jean Bedford n’est toujourspas là, aucun rire de petite fille. A cinqheures je vais prendre le thé chez lesBeugner. Tatiana me rappellel’invitation de Lol pour après-demainlundi. Inepte invitation. On dirait qu’elleveut faire comme les autres, dit Tatiana,se ranger. Le soir, ce dimanche soir, jeretourne [128] encore devant chez elle.Maison aux baies ouvertes. Le violonde Jean Bedford. Elle est là, elle est làdans le salon, assise. Ses cheveux sontdéfaits. Autour d’elle trois petites fillescirculent, occupées à je ne sais quoi.Elle ne bouge pas, absente, elle ne parlepas aux enfants, les enfants non plus nelui adressent pas la parole. Une à une,je reste assez longtemps, les petitesfilles l’embrassent et s’en vont. Desfenêtres s’al lument au premierétage. Elle reste dans le salon, dansla même position. Tout à coup, voiciqu’elle se sourit à elle-même. Je nel’appelle pas. Elle se lève, éteint,disparaît. C’est demain.

C’est un salon de thé près de lagare de Green Town. Green Town està moins d’une heure en car de S.Tahla. C’est elle qui a fixé ce lieu, cesalon de thé.

Elle était déjà là lorsque je suisarrivé. II n’y avait pas encore beaucoupde monde, il est encore tôt. Je l’ai vuetout de suite, seule, entourée de tablesvides. Elle m’a souri, du fond du salonde thé, d’un sourire charmé,conventionnel, différent de celui que jelui connais.

Elle m’a accueil l i presquepoliment, avec gentillesse. Maislorsqu’elle a levé les yeux j’ai vu unejoie barbare, folle, dont tout son êtredevait être enfiévré : la joie d’être là,face à lui, à un secret [129] qu’ilimplique, que jamais elle ne luidévoilera, il le sait.

— Que je vous ai cherchée, que j’aimarché dans les rues.

— Je me promène, dit-elle, j’aioublié de vous dire? longuement chaquejour.

pre aparece igual, con los vanos abiertos.El coche de Jean Bedford nunca está,ninguna risa de niña. A las cinco voya tomar el té a casa de los Beugner.Tatiana me recuerda la invitación deLol para pasado mañana, lunes. Ton-ta invitación. Se diría que quiere ha-cer como los demás, dice Tatiana, lle-var una vida normal. Por la noche, esedomingo por la noche, vuelvo otra vez de-lante de su casa. Casa de vanos abiertos.El violín de Jean Bedford. Está ahí,sentada en el salón. Sus cabellos,sueltos. Tres niñas, ocupadas en nosé qué, circulan a su alrededor. Nose mueve, ausente, no habla a lasniñas. Las niñas tampoco le dirigenla palabra. Una a una —permanez-co allí durante bastante rato— lasniñas la besan y se van. Las ven-tanas se i luminan en el pr imerpiso. Se queda en el salón, en lamisma postura . De repente , heaquí que se sonríe a sí misma. Nola llamo. Se levanta, apaga, des-aparece. Es mañana. [103]

Es un salón de té cerca de la esta-ción de Green Town. Green Town estáa menos de una hora, en coche, desdeS. Tahla. Ha elegido este lugar, este sa-lón de té.

Cuando llegué, ya estaba allí. To-davía no había mucha gente, toda-vía es pronto. La he visto ensegui-da, sola, rodeada de mesas vacías.Me ha sonreído, desde el fondo delsalón de té, con una sonrisa encan-tadora, convencional, distinta de laque le conozco.

Me ha acogido casi amablemente,con gentileza. Pero, cuando ha alza-do la mirada, he descubierto una ale-gría bárbara, loca, de la que todo suser debía de estar inflamado: la ale-gría de estar allí, frente a él, en unsecreto que le implica, que nunca ledesvelará, él lo sabe.

—Te he buscado, caminandopor las cal les .

—Paseo —dice ella—, ¿olvi-dé decírtelo? Doy largos paseoscada día.

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Notes Duras’ Stein tr. de Ana Mª Moix

— Vous l’avez dit à Tatiana.

Encore une fois je crois que jepourrai m’arrêter là, m’en tenir là,l’avoir sous les yeux, simplement.

Sa vue seule m’effondre. Elle neréclame aucune parole et elle pourraitsupporter un silence indifini. Jevoudrais faire, dire, dire un longmugissement fait de tous mots fonduset revenus au même magma, intelligibleà Lol V. Stein. Je me tais. Je dis:

— Je n’ai jamais attendu autant cejour où il ne se passera rien.

— Nous allons vers quelque chose.Même s’il ne se passe rien nous-avançons vers quelque but.

— Lequel!

— Je ne sais pas. Je ne sais quelquechose que sur l’immobilité de la vie.Donc lorsque celle-ci se brise, je le sais.

Elle a remis cette même robeblanche que la première fois chezTatiana Karl. On la voit sous lemanteau de pluie gris dégrafé .Comme je regarde la robe, elle enlèvetout à fait le manteau gris. Elle memontre ainsi ses bras nus. L’été estdans ses bras frais.

Elle dit tout bas, penchée enavant : [130]

— Tatiana.

Je n’ai pas douté que c’était unequestion posée.

— Nous nous sommes vus mardi.

Elle le savait. Elle devient belle, decette beauté que tard dans la nuit, quatrejours avant, je lui ai arrachée.

Elle demande dans un souffle:

— Comment?

Je n’ai pas répondu tout de suite. Ellea cru que je me trompais sur la question.Elle continue:

— Comment était Tatiana?

—Se lo dijiste a Tatiana.

Una vez más creo que podría dete-nerme ahí, mantenerme ahí, tenerlabajo la mirada, simplemente.

Sólo verla me hunde. Ella no recla-ma palabra alguna y podría soportar unsilencio indefinido. Quisiera actuar,decir, pronunciar un largo gemido he-cho de todas las palabras fundidas ydevueltas al mismo magma, inteligiblepara Lol V. Stein. Me callo. Digo:

—Nunca he esperado tanto ese díaen que no pasará nada.

—Nos dir igimos hacia a lgo.Aunque no pase nada avanzamoshacia algún fin.

—¿Cuál?

—No lo sé. Sólo sé algo sobrela inmovil idad de la vida. Así ,cuando ésta se rompe, sé. [104]

Ha vuelto a ponerse el mismo ves-tido blanco que llevaba la primera vezen casa de Tatiana Karl. Se ve debajode la gabardina gris, desabrochada.Al ver que miro el vestido, se quita deltodo la gabardina gris. Así, me mues-tra sus brazos desnudos. El verano estáen sus frescos brazos.

Dice muy quedo, inclinada haciaadelante:

—Tatiana.

No he dudado de que se trataba deuna pregunta.

—Nos vimos el martes.

Ya lo sabía. Se torna hermosa, conesa belleza que avanzada la noche, tar-de, le arranqué cuatro días antes.

Pregunta con un suspiro:

—¿Cómo?

No he contestado enseguida. Ha creí-do que me equivocaba respecto a la pre-gunta. Sigue:

—¿Cómo estaba Tatiana?

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Notes Duras’ Stein tr. de Ana Mª Moix

Si elle n’avait pas parlé de TatianaKarl, je l’aurais fait. Elle est angoissée.Elle ne sait pas ellemême ce qui vasuivre, ce que la réponse va provoquer.Nous sommes deux devant la question,son aveu.

J’accepte ceci. J’ai déjà acceptémardi. Et même sans doute dès lespremiers instants de ma rencontre avecelle.

— Tatiana est admirable.

— Vous ne pouvez pas vous passerd’elle, n’est-ce pas?

Je vois qu’un rêve est presqueat te int . Des chairs se déchirent ,s a i g n e n t , s e r é v e i l l e n t . E lleessaie d’écouter un vacarmeintérieur, elle n’y parvient pas, elleest débordée par l’aboutissement,même inaccompli, de son désir. Sespaupières battent sous l’effet d’unelumière trop forte. Je cesse de laregarder le temps que dure la fin trèslongue de cet instant. [131]

Je réponds :

— Je ne peux pas me passer d’elle.

Puis, c’est impossible, je la regardeà nouveau. Des larmes ont rempli sesyeux. Elle réprime une souffrance trèsgrande dans laquelle elle ne sombre pas,qu’elle maintient au contraire, de toutesses forces, au bord de son expressionculminante qui serait celle du bonheur.Je ne dis rien. Je ne lui viens pas en aidedans cette irrégularité de son être.L’instant se termine. Les larmes de Lolsont ravalées, retournant au flot contenudes larmes de son corps. L’instant n’apas glissé, ni vers la victoire ni vers ladéfaite, il ne s’est coloré de rien, leplaisir seul, négateur, est passé.

Elle dit :

— Et ce sera encore mieux, vousverrez entre Tatiana et vous d’iciquelque temps.

Je lui souris, toujours dans le mêmeétat ignorant et averti à la fois d’unavenir qu’elle seule désigne sans leconnaître.

Si ella no hubiera hablado deTatiana Karl, lo hubiera hecho yo.Está angustiada, no sabe lo que se-guirá, lo que provocará la respues-ta. Somos dos ante su pregunta, suconfesión.

Acepto. Ya acepté el martes. Y,sin duda, incluso antes, desde losprimeros instantes de nuestro en-cuentro.

—Tatiana es admirable.

—¿No puedes prescindir de ella,verdad?

Experimento la sensación de quecasi se ha alcanzado un sueño. Las car-nes se desgarran, sangran, despiertan.Ella intenta escuchar un estrépitointerior, no lo logra, está desbor-dada por e l desenlace , inclusoincumplido, de su deseo. Sus párpa-dos aletean bajo el afecto de una luzdemasiado intensa. Dejo de mirarladurante el tiempo que dura el finalmuy largo de ese instante. [105]

Contesto:

—No puedo prescindir de ella.

Después, es imposible, vuelvo a mi-rarla. Las lágrimas llenan sus ojos. Re-prime un sufrimiento muy intenso en elque no se hunde, que, por el contrario,soporta con todas sus fuerzas, al bordede su expresión culminante, que será lade la felicidad. No digo nada. No acu-do en su ayuda durante esa irregulari-dad de su ser. El instante se acaba. Lolreprime sus lágrimas, que regresan aloleaje contenido de las lágrimas de sucuerpo. El instante no se ha deslizadoni hacia la victoria ni hacia la derrota,no se ha coloreado de nada, sólo el pla-cer, negador, ha pasado.

Dice:

— Y d e n t r o d e u n t i e m p o ,todo i rá mejor en t re Tat iana ytú , ya verás .

Le sonrío, siempre en el mismo es-tado ignorante y a la vez advertido deun futuro que sólo ella nombra sin co-nocerlo.

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Notes Duras’ Stein tr. de Ana Mª Moix

Nous sommes deux à ne pas savoir.Je dis :

— Je voudrais.

Sa figure change, pâlit.

— Mais nous, dit-elle, qu’est-ce quenous ferions de ça?

Je comprends, ce verdict , jel’aurais prononcé à sa place. Jepeux me mettre à sa place mais ducôté où elle ne veut pas.

— Je voudrais aussi - dit-elle. [132]

Elle baisse la voix. Sur ses paupières,il y a la sueur dont je connais le goûtdepuis l’autre nuit.

— Mais Tatiana [Karl] est là, uniquedans votre vie.

Je répète

— Unique dans ma vie. C’est ainsique je dis quand j’en parle.

— Il le faut, dit-elle - elle ajouta -déjà, comme je vous aime.

Le mot traverse l’espace, cherche etse pose. Elle a posé le mot sur moi.

Elle aime, aime celui qui doit aimerTatiana. Personne. Personne n’aimeTatiana en moi. Je fais partie d’uneperspective qu’elle est en train deconstruire avec une obstinationimpressionnante, je ne lutterai pas.Tatiana, petit à petit, pénètre, enfonceles portes.

— Venez, on va marcher. J’aicertaines choses à vous dire.

Nous avons marché sur le boulevard,derrière la gare où il y avait peu demonde. Je lui ai pris le bras.

— Tatiana est arrivée un peu aprèsmoi dans la chambre. Parfois elle le faitexprès pour essayer de me faire croirequ’elle ne viendra pas. Je le sais. Maishier j’avais une envie folle d’avoir Ta-tiana avec moi.

J’attends. Elle ne pose pas dequestions. Comment savoir qu’elle sait?

S o m o s d o s a i g n o r a r .D i g o :

— Quisiera.

Su cara cambia, palidece.

— P e r o , ¿ q u é h a r í a m o sc o n e s o ?

Comprendo su veredicto, yo lo hu-biera pronunciado en su lugar. Puedoponerme en su lugar, pero del lado queella no quiere.

—También yo quisiera —dice.

Baja la voz. Hay en sus párpadosel sudor cuyo sabor conozco desdela otra noche.

—Pero Tatiana [Karl] está ahí, úni-ca en tu vida.

Repito:

—Unica en mi vida. Es lo que digoal hablar de ella.

—Es necesario —dice, y añade—:ya, puesto que te amo. [106]

La palabra cruza el espacio, busca y seposa. Lol ha posado la palabra en mí.

Ama, ama a quien debe amara Tat iana. Nadie . Nadie ama aTat iana en mí. Formo parte deuna perspectiva que está a pun-to de construir con una obstina-ción impresionante, no lucharé.Tatiana, poco a poco, entra, de-rrumba las puertas.

— Ve n , c a m i n e m o s . Te n g oalgo que decirte.

Hemos paseado por el bulevar, pordetrás de la estación, donde había pocagente. La he cogido del brazo.

—Tatiana llegó un poco más tar-de que yo a la habitación. A veceslo hace adrede para intentar hacer-me creer que no vendrá. Lo sé. Peroayer tenía unas ganas locas de tenera Tatiana conmigo.

E s p e r o . N o p r e g u n t a n a d a .¿ C ó m o s a b e r q u e s a b e ? ¿ Q u e

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Notes Duras’ Stein tr. de Ana Mª Moix

Qu’elle est sûre que je l’ai découvertedans le seigle? à ceci qu’elle nequestionne pas? Je reprends. [133]

— Lorsqu’elle est arrivée, elle avaitcet air méritoire, vous savez, son air deremords et de fausse honte, mais noussavons, vous et moi, ce que cela cacheen Tatiana.

— Petite Tatiana.

— Oui.

Il raconte à Lol V. Stein

Tatiana enlève ses vêtements etJacques Hold la regarde, regarde avecintérêt celle qui n’est pas son amour.A chaque vêtement tombé il reconnaîttoujours davantage ce corps insatiabledont l’existence lui est indifférente.Il a déjà exploré ce corps, il le connaîtmieux que Tatiana elle-même. Ilregarde longuement cependant sesclairières d’un blanc qui se nuanceaux contours des formes, soit du bleuartériel pur, soit du bistre solaire. Illa regarde jusqu’à perdre de vuel’identité de chaque forme, de toutesles formes et même du corps entier.

Mais Tatiana parle.

— Mais Tatiana dit quelque chose,murmure Lol V. Stein.

A sa convenance j’inventerais Dieus’il le fallait.

— Elle dit votre nom.

Je n’ai pas inventé.

Il cache le visage de TatianaKarl sous les draps et ainsi il a soncorps décapité sous la main, à sona i se en t i è r e . I I l e t ou rne , l eredresse, le dispose comme il veut,écarte les membres ou les ras-semble, regarde intensément sabeauté irréversible, [134] y entre,s’immobilise, attend l’engluementdans l’oubli, l’oubli est là.

— Ah comme Tatiana sait se laisserfaire, quelle merveille, que ce doit êtreextraordinaire.

Ce rendez-vous, ils en ont tiré

está segura de que la descubrídetrás del centeno? ¿Por qué nopregunta? Prosigo:

—Cuando llegó presentaba ese as-pecto meritorio, ya sabes, su aspecto deremordimiento y de vergüenza mal en-tendida, pero tú y yo sabemos qué en-mascara eso en Tatiana.

—Pequeña Tatiana.

—Sí.

Cuenta a Lol V. Stein:

Tatiana se quita sus ropas y JacquesHold la contempla, mira con interés ala que no es su amor. A cada prenda deropa caída reconoce, cada vez mejor, esecuerpo insaciable cuya existencia le re-sulta indiferente. Ya ha explorado esecuerpo, lo conoce mejor que la propiaTatiana. Sin embargo, contempla dete-nidamente esos claros de un blanco quese matiza en los contornos de las for-mas, sea del azul arterial puro, sea dellustre solar. La contempla hasta perderde vista la identidad de cada [107] for-ma, de todas las formas e incluso la delcuerpo entero.

Pero Tatiana habla.

—Tatiana dice algo —murmura LolV. Stein.

Si fuera conveniente para ella, yoinventaría a Dios si fuera preciso.

—Pronuncia tu nombre.

No inventé.

Jacques Hold esconde el rostro deTatiana Karl bajo las sábanas y así tie-ne el cuerpo decapitado en su mano,para su entera satisfacción. Le da lavuelta, la endereza, la coloca comoquiere, separa los miembros o los jun-ta, contempla intensamente su belle-za irreversible, entra en ella, seinmoviliza, espera el enviscamiento enel olvido, el olvido está ahí.

—¡Ah, cómo se deja hacer Tatiana,qué maravilla! ¡Debe de ser extraordi-nario!

Esa cita proporcionó a ambos, a

X

enviscamiento.1. m. Acción y efecto de enviscar oenviscarse. = 1. tr. Untar alguna cosa con liga paraque se peguen en ella los pájaros, a fin de cazarlos.2. prnl. Pegarse los pájaros y los insectos con laliga.

2 Irritar, enconar los ánimos

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Notes Duras’ Stein tr. de Ana Mª Moix

beaucoup de joie Tatiana et lui, plusque d’habitude.

— Ne dit-elle rien encore?

— Elle parle de Lol V. Stein sous ledrap qui la recouvre.

Tatiana raconte avec beaucoup dedétails et en revenant souvent sur lesmêmes le bal du Casino municipal oùLol, dit-on, a perdu la raison. Trèslonguement elle décrit la femme maigrehabillée de noir, Anne-Marie Stretter, etle couple qu’ils faisaient avec MichaelRichardson, comment ils avaient laforce de danser encore, comment il étaittout à fait étonnant de voir que cettehabitude avait pu leur rester encore danscet ouragan de la nuit qui paraissaitavoir chassé de leur vie toute habitude,même, dit Tatiana, celle de l’amour.

— Vous n’ imaginez pas , d i tLol

Il faut de nouveau faire taireTatiana sous le drap. Mais ensuite,encore plus tard, elle recommence.Au moment de se qu i t t e r e l l edemande à Jacques Hold s’il a revuLol . Bien qu’ i l n ’a i t r i en é téconvenu entre eux à ce sujet, ildécide de mentir à Tatiana.

Lol s’arrête.

— Tatiana ne comprendrait pas,dit-elle. [135]

— Je me penche, je sens son visage.Elle a un parfum enfantin comme detalc.

— Je l’ai laissée partir la premièrecontrairement à notre habitude. J’aiéteint la chambre. Je suis resté un longmoment dans le noir.

Elle passe à côté de la réponse, à unsouffle, juste le temps de dire autrechose - tristement

— Tatiana est toujours si pressée.

Je réponds:

— Oui.

Elle dit, regardant le boulevard :

Tatiana y a él, mucho placer, más quede costumbre.

—¿No dice nada más?

—Habla de Lol V. Stein debajo dela sábana que la cubre.

Tatiana cuenta con muchos detalles,y volviendo a menudo sobre los mis-mos, el baile del Casino municipal don-de Lol, dicen, perdió la razón. Muy de-talladamente describe a la mujer delga-da vestida de negro, Anne-MarieStretter, y la pareja que formaba conMichael Richardson, cómo tenían aúnfuerzas para bailar, cuán absolutamen-te asombroso era ver que aquella cos-tumbre aún había podido subsistir en esehuracán de la noche que parecía haberexpulsado de su vida toda costumbre,incluso, dice Tatiana, la del amor.

—No puedes imaginártelo —diceLol.

Fue necesario hacer callar de nuevoa Tatiana [108] bajo la sábana. Peroenseguida, incluso más tarde, volvió aempezar. En el momento de separarsepregunta a Jacques Hold si ha vuelto aver a Lol. Aunque no haya nada conve-nido entre ambos respecto a ese asunto,decide mentir a Tatiana.

Lol se detiene.

— Ta t i a n a n o c o m p r e n d e -r í a — d i c e .

Me inclino, siento su rostro.Exhala un perfume infantil, comode talco.

—Contrariamente a nuestra costum-bre, permití que se marchara primero.Apagué la luz de la habitación. Per-manecí a oscuras durante un buen rato.

Pasa al lado de la respuesta, a unsoplo, justo el tiempo de decir otra cosa,tristemente:

—Tatiana tiene siempre tanta prisa...

Contesto:

—Sí.

Dice, contemplando el bulevar:

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Notes Duras’ Stein tr. de Ana Mª Moix

— Ce qui s’est passé dans cettechambre entre Tatiana et vous je n’aipas les moyens de le connaitre. Jamaisje ne saurai. Lorsque vous me racontezil s’agit d’autre chose.

Elle recommence à marcher,demande tout bas :

— Ce n’est pas moi, n’est-ce pas,Tatiana sous le drap, la tête cachée?

Je l’enlace, je dois lui faire mal, ellepousse un petit cri, je la lâche.

— C’est pour vous.

Nous sommes le long d’un mur,cachés. Elle respire contre ma poitrine.Je ne vois plus son visage si doux, songraphique diaphane, ses yeux presquetoujours étonnés, étonnés, chercheurs.

Et voilà que l’idée de son absencem’est devenue insupportable. Je lelui ai dit l’idée torture qui me venait.Elle, elle n’éprouvait rien de pareil,e l le é ta i t surpr ise . El le necomprenait pas. [136]

— Pourquoi je partirais?

Je me suis excusé. Mais l’horreur,je n’y peux rien, est là. Je reconnaisl’absence, son absence d’hier, elle memanque à tout moment, déjà.

Elle a parlé à son mari. Elle lui a ditqu’elle croyait que les choses seterminaient entre elle et lui. Il ne l’a pascrue. N’est-ce pas qu’elle lui a dit déjà,auparavant, des choses de ce genre?Non, jamais elle ne l’avait fait.

Je demande : Est-elle toujoursrentrée?

J’ai parlé naturellement mais, elle,ne s’est pas méprise sur le changementde ma voix tout à coup. Elle dit

— Lol est toujours rentrée sauf avecJean Bedford.

Elle part dans une longue digressionsur une crainte qu’elle a : autour d’elle,on croit qu’il n’est pas impossiblequ’elle rechute un jour, surtout son mari.C’est pourquoi elle ne lui a pas parlé

—No tengo medios para sa -ber qué sucedió en t re Ta t iana ytú en aquel la habi tac ión . Nun-ca l o s ab ré . Cuando tú me locuentas es d i s t in to .

Empieza a caminar, pregunta muypor lo bajo:

—¿No soy yo, verdad, Tatiana deba-jo de la sábana, con la cabeza oculta?

La abrazo, debo de hacerle daño,suelta un gritito, la suelto.

—Es para ti.

Caminamos junto a un muro, ocul-tos. Respira contra mi pecho. Ya noveo su rostro tan dulce, su gráfica diá-fana, sus ojos casi siempre asombra-dos, asombrados, indagadores.

Y he aquí que la idea de su ausenciase convierte en algo insoportable. Leconfieso la torturante idea que se meha ocurrido. Estaba sorprendida, no ex-perimentaba nada parecido. No lo com-prendía. [109]

—¿Por qué iba a irme?

Me he excusado. Pero no he podidoremediar el horror, está ahí. Reconocíala ausencia, la ausencia de ayer, me fal-ta a cada instante, ya.

Ha hablado con su marido. Leha dicho que cree que todo ter-mina entre ambos. No la ha creí-do . ¿Acaso le habrá d icho, yaantes , a lgo parecido? No, nun-ca se lo había dicho.

P r e g u n t o : ¿ S i e m p r e h a sr e g r e s a d o ?

He hablado con naturalidad, pero nose ha equivocado respecto al repenti-no cambio de mi voz. Dice:

—Lol siempre ha regresado excep-to con Jean Bedford.

Se lanza a una larga digresión so-bre un temor que la asalta: a su alrede-dor, se cree que no es imposible queun día recaiga, sobre todo su marido.Se debe a que ella no le ha hablado tan

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aussi nettement qu’elle aurait voulu. Jene demande pas sur quoi cette crainteserait en ce moment fondée. Elle ne ledit pas. Elle ne doit jamais avoir parléde cette menace depuis dix ans.

—Jean Bedford croit m’avoir sauvéedu désespoir, je ne l’ai jamais démenti,je ne lui ai jamais dit qu’il s’agissaitd’autre chose.

— De quoi?

— Je n’ai plus aimé mon fiancé dèsque la femme est entrée. [137]

Nous sommes assis sur un banc. Lola raté le train qu’elle s’était promis deprendre. Je l’embrasse, elle me rend mesbaisers.

— Quand je dis que je ne l’aimaisplus, je veux dire que vous n’imaginezpas jusqu’où on peut aller dansl’absence d’amour.

— Dites-moi un mot pour le dire.

— Je ne connais pas.

— La vie de Tatiana ne compte pasplus pour moi que celle d’une inconnue,loin, dont je ne saurais même pas lenom.

— C’est plus que ça encore.

Nous ne nous séparons pas. Je l’aisur les lèvres, chaude.

— C’est un remplacement.

Je ne la lâche pas. Elle me parle. Destrains passent.

— Vous vouliez les voir?

Je prends sa bouche. Je la rassure.Mais elle se dégage, regarde par terre.

— Oui. Je n’étais plus à ma place.Ils m’ont emmenée. Je me suisretrouvée sans eux.

Elle fronce légèrement les sourcilset cela lui est si inhabituel, déjà, je lesais, que je m’alarme.

—J’ai parfois un peu peur que çarecommence.

claramente como hubiera deseado. Nopregunto sobre qué se basaría ese temor,en ese momento. No lo dice. A lo largode diez años, no debe de haber habladonunca acerca de esa amenaza.

—Jean Bedford cree haberme salva-do de la desesperación, nunca se lo hedesmentido, nunca le he dicho que setrataba de otra cosa.

—¿De qué?

—Dejé de amar a mi novio desde elmomento en que la mujer entró.

Estamos sentados en un banco. Lolha perdido el tren que se había prome-tido coger. La abrazo, me devuelve misbesos.

—Cuando digo que dejé de amarloquiero decir que no puedes imaginarhasta dónde se puede llegar en la au-sencia del amor.

—Dime una palabra para decirlo. [110]

—No la conozco.

—La vida de Tatiana ya no cuenta,para mí, más que la de una desconoci-da, lejana, de la que ni siquiera supierael nombre.

—Aún es más que eso.

No nos separamos. La tengo sobrelos labios, cálida.

—Es una sustitución.

No la suelto. Me habla. Los trenespasan.

—¿Querías verles?

Cojo su boca. La tranquilizo. Perose aparta, mira al suelo.

— S í . Y a n o e s t a b a e nm i l u g a r . E l l o s s e m e l l e -v a r o n .

Frunce ligeramente el ceño y elgesto es tan inhabitual en ella, lo sé,ya, que me alarmo.

—A veces tengo miedo de que esovuelva a empezar.

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Notes Duras’ Stein tr. de Ana Mª Moix

Je ne la reprends pas dans mes bras.

— Non.

— Mais on n’a pas peur. C’est unmot.

Elle soupire.

— Je ne comprends pas qui est à maplace. [138]

Je la ramène vers moi. Ses lèvressont fraîches, presque froides.

— Ne change pas.

— Mais si un jour je... - elle cognesur le mot qu’elle ne trouve pas - est-cequ’ils me laisseront me promener?

— Je vous cacherai.

— Ils se tromperont ce jour-là?

— Non.

Elle se tourne et dit tout haut dansun sourire d’une confiance vertigineuse.

— Je sais que vous, quoi que je fassevous le comprendrez. Il faudra prouveraux autres que vous avez raison.

Je vais l’emmener à l’instant pourtoujours. Elle se blottit prête à êtreemportée.

— Je voudrais rester avec vous.

— Pourquoi pas?

— Tatiana.

— C’est vrai.

— Vous pourriez tout aussi bienaimer Tatiana, dit-elle, ce serait pareilpour...

Elle ajoute:

—Je ne comprends pas ce qui se passe.

— Ce serait pareil.

Je demande:

— Pourquoi ce dîner, dans deux

No la cojo entre mis brazos.

—No.

—Pero no se tiene miedo. Es unapalabra.

Suspira.

—No comprendo quién está en milugar.

La atraigo hacia mí. Sus labios es-tán frescos, casi fríos.

—No cambia.

—Pero si un día yo... —chocacontra la palabra que no encuentra—, ¿me dejarán pasear?

—Te esconderé.

—¿Se equivocarán?

—No.

Se vuelve y dice en voz alta, con unasonrisa de una confianza vertiginosa.

—Sé que tú, haga lo que haga, locomprenderás. Habrá que demostrar alos demás que tienes razón. [111]

Voy a llevármela ahora mismo,para siempre. Se acurruca, dispuestaa que se la lleven.

—Quisiera quedarme contigo.

—¿Por qué no?

—Tatiana.

—Es cierto.

— P o d r í a s a m a r t a m b i é n aT a t i a n a — d i c e — , s e r í ai g u a l . . .

Añade:

—No comprendo lo que ocurre.

—Sería igual para...

Pregunto:

—¿Por qué esa cena dentro de dos

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Notes Duras’ Stein tr. de Ana Mª Moix

jours?

— Il faut , pour Tatiana.Taisons-nous un instant.

Son silence. Nous nous tenonsimmobiles, nos [139] visages se touchantà peine, sans un mot, longtemps. Le bruitdes trains se fond en une seule clameur,nous l’entendons. Elle me dit sans bou-ger, du bout des lèvres

— Dans un certain état toute tracede sentiment est chassée. Je ne vousaime pas quand je me tais d’une certainefaçon. Vous avez remarqué?

—J’ai remarqué.

Elle s’étire, elle rit.

— Et puis je recommence à respirer,dit-elle.

Je dois voir Tatiana jeudi à cinqheures. Je le lui dis. [140]

I l y a donc eu ce repas chezLol .

Trois autres personnes inconnues deBeugner et de moi sont invitées. Unedame âgée, professeur au conservatoirede musique de U. Bridge, ses deuxenfants, un jeune homme et une jeunefemme dont le mari, apparemment trèsattendu par Jean Bedford, ne doit venirqu’après le dîner.

Je suis le dernier arrivé.

Je n’ai pas de rendez-vous avec elle.Au moment de prendre son train ellem’a dit que nous le fixerions ce soir.J’attends.

Le dîner est relativement silencieux.Lol ne fait aucun effort pour qu’il le soitmoins, peut-être ne le remarque-t-ellepas. Elle ne prend pas la peine, de toutela soirée, d’indiquer, même par uneallusion lointaine, pourquoi elle nous aréunis. Pourquoi? Nous devons être lesseules gens qu’elle connaissesuffisamment pour les inviter chez elle.Si Jean Bedford a des amis, desmusiciens [141] surtout, je sais parTatiana qu’il les voit sans sa femme, à

días?

—Es necesario, para Tatiana. Calle-mos un momento.

Su silencio. Permanecemos in-móviles, nuestros rostros apenas setocan, sin una palabra, mucho rato.El ruido de los trenes se funde enun solo clamor, lo oímos. Me dicesin moverse, con desánimo.

—En determinado estado, toda hue-lla de sentimiento queda excluida. Cuan-do me callo de una determinada manera,no te amo. ¿Lo has notado?

—Lo he notado.

Se despereza, ríe.

—Y luego empiezo de nuevo a res-pirar —dice.

El jueves, a las cinco, he de ver aTatiana. Se lo digo.[112]

Así pues, la comida tuvo lugar en casade Lol.

Están invitadas otras tres personas,desconocidas para Beugner y para mí.Una dama de edad avanzada. profesoraen el conservatorio de música de U.Bridge, sus dos hijos, un joven y unajoven cuyo marido, aparentemente muyesperado por Jean Bedford, no llegaráhasta después de cenar.

Soy el último en llegar.

No tengo cita con ella. En elmomento en que cogía el tren medijo que la fijaríamos esta noche.Espero.

La cena es relativamente silen-ciosa. Lol no hace ningún esfuerzopara evitarlo, quizá no se dé cuenta.En toda la velada no se ha tomadola molestia de explicarnos, ni siquie-ra mediante una lejana alusión, porqué nos ha reunido. ¿Por qué? De-bemos de ser las únicas personas aquienes conoce lo suficientementecomo para invitarlas a su casa. SiJean Bedford tiene amigos, músicossobre todo, sé por Tatiana que los

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l’extérieur. Lol a mis toutes sesconnaissances ensemble, c’est clair.Mais pourquoi?

Un aparté se crée entre la dame âgéeet Jean Bedford. J’entends : « Si lesjeunes connaissaient l’existence de nosconcerts, croyez-moi, nous aurions dessalles pleines. » La jeune femme parleà Pierre Beugner. J’entends : « Paris enoctobre. » Puis : « ... Je m’y suis enfindécidée. »

De nouveau, Tatiana Karl, Lol V.Stein et moi nous nous retrouvons : nousnous taisons. Cette nuit Tatiana m’atéléphoné. Hier j’ai cherché Lol sans latrouver ni en ville ni chez elle. Le salon,elle s’y tient après le dîner avec sesfilles, ne s’est pas éclairé. J’ai maldormi, toujours dans ce même doute quele jour seul dissipe, qu’on s’aperçoivede quelque chose, qu’on ne lui permetteplus de sortir seule dans S. Tahla.

Tatiana paraît impatiente de voir lerepas se terminer, elle est inquiète. IIme semble qu’elle devrait avoir quelquechose à demander à Lol.

Nous nous taisons toujours à peupres complètement. Tatiana demande àLol où elle ira passer ses vacances. EnFrance, dit Lol. Nous nous taisonsencore. Tatiana nous regarde tour à tour,elle doit constater que l’attention quenous nous portions cette autre fois chezLol a disparu. Depuis notre dernierrendez-vous à l’Hôtel des [142] Bois -je vais souvent en célibataire dîner chezles Beugner - elle ne m’a plus parlé deLol.

La conversation, par échappées, segénéralise. On pose des questions à lamaîtresse de maison. Les troispersonnes invitées sont avec elle dansune familiarité affectueuse. On est unpeu plus aimable avec elle qu’il nefaudrait, que le propos ou ses réponsesne le réclament. Dans cette douceamabilité - observée également par sonmari - je vois le signe de l’inquiétudepassée et à venir, constante, danslaquelle doivent vivre tous ses proches.On lui parle parce qu’il le faut mais ona peur de ses réponses. L’inquiétudeest-elle plus accusée ce soir qued’habitude? Je ne sais pas. Si elle nel’est pas, elle me rassure, j’y vois une

ve sin su mujer, fuera. Lol ha reu-nido a todos sus conocidos, resultaevidente. Pero, ¿por qué?

Se crea un aparte entre la dama deavanzada edad y Jean Bedford. Oigo:«Si los jóvenes conocieran la existen-cia de nuestros conciertos llenaríamosla sala, créame». La mujer joven ha-bla con [113] Pierre Beugner. Oigo:«París en octubre». Luego: «Al fin medecidí...».

Tatiana Karl, Lol V. Stein y yo nosencontramos de nuevo: callamos.Tatiana me ha telefoneado esta no-che. Ayer busqué a Lol sin encontrar-la ni por la ciudad ni en su casa. Elsalón, donde permanece con sus hi-jas después de cenar, no se iluminó.Dormí mal, siempre con el mismotemor, que sólo el día disipa, de quese enteren de algo, de que ya no lepermitan salir sola por S. Tahla.

Tatiana parece impaciente porllegar al final de la cena, está in-quieta. Creo que tiene algo quepreguntar a Lol.

Seguimos casi completamente ca-llados. Tatiana pregunta a Lol dóndepasará las vacaciones. En Francia, diceLol. Callamos de nuevo. Tatiana nosmira alternativamente, debe de cons-tatar que ha desaparecido la atenciónque nos prestábamos la otra vez, encasa de Lol. Después de nuestra últi-ma cita en el Hôtel des Bois —voy amenudo a comer a casa de los Beugner,como un solterón— no me ha habladomás de Lol.

A ratos, la conversación se gene-raliza. Se formulan preguntas a la due-ña de la casa. Las tres personas invi-tadas la tratan con una familiaridadafectuosa. Se está con ella más ama-ble de lo necesario, de lo que sus fra-ses o sus respuestas exigen. En estadulce amabilidad —practicada tam-bién por su marido— veo signos de lainquietud pasada y futura, constante,en la que deben de vivir todos sus alle-gados. Le hablan porque hay que ha-cerlo, pero temen sus respuestas. Di-cha inquietud, ¿se acusa esta nochemás que de costumbre? No sé. Si noes así me tranquiliza, la considero unaconfirmación de lo que Lol me dijo

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confirmation de ce que m’a dit Lol surson mari : Jean Bedford ne soupçonnerien ni personne, son seul souci,semblerait-il, serait d’empêcher safemme de glisser dans un proposdangereux, publiquement. Ce soirpeut-être surtout. Il ne voit pas d’un bonoeil cette soirée qu’il a pourtant laissédonner par Lol. S’il redoute quelqu’unc’est Tatiana Karl, le regard insistant deTatiana sur sa femme, je le vois bien, jele regarde souvent, il l’a remarqué. Iln’oublie pas Lol lorsqu’il parle de sesconcerts avec la vieille dame. Il aimeLol. Mais dépossédé d’elle il estprobable qu’il restera ainsi : affable.L’attirance -comme c’est étrange -qu’exerce Lol V. Stein sur nous deuxm’éloignerait plutôt de lui. Je ne croispas [143] qu’il la connaisse autrementque par le ouï-dire de sa folie ancienne,il doit croire avoir une femme pleine decharmes inattendus dont celui, ce n’estpas le moindre, d’être menacée. Il croitprotéger sa femme.

Dans un temps mort du dîner,alors que l’absurdité évidente del ’ i n i t i a t i ve de Lo l p l ane ,stérilisante, mon amour s’est vu, jel’ai senti visible et vu malgré moipar Tatiana Karl. Mais Tatiana aencore douté.

On parlait de la précédente maisondes Bedford, du parc.

Lol est à ma droite entre PierreBeugner et moi. Soudain elle avanceson visage vers moi sans regard, sansexpression, comme si elle allait meposer une question qui ne vient pas. Etainsi, si proche, c’est à la dame qui estde l’autre côté de la table qu’elledemande

— Est-ce qu’il y a de nouveau desenfants dans le parc?

Je l’ai sue sur ma droite, une mainme séparait de son visage, sortie, surgiede la nébuleuse d’ensemble, tout àcoup pointe acerbe, pointe fixe del’amour. C’est alors que ma respirations’est brisée, on étouffe parce qu’il y atrop d’air. Tatiana a remarqué. Elleaussi, Lol. Elle s’est retirée trèslentement. Le mensonge a étérecouvert. Je suis redevenu calme.Tatiana va sans doute de la version de

acerca de su marido: ni Jean [114]Bedford ni nadie sospecha nada, suúnica preocupación, al parecer, con-sistiría en impedir que su mujer res-balara en una frase peligrosa, en pú-blico. Sobre todo, quizás, esta noche.No ve con buenos ojos esa velada que,sin embargo, ha permitido organizara Lol. Si teme a alguien es a TatianaKarly lo observo con frecuencia, mehe dado perfecta cuenta de que hanotado la insistente mirada de Tatianadirigida a su mujer. No se olvida deLol aunque habla de sus conciertoscon la vieja dama. Ama a Lol. Perodesposeído de ella, es probable quesiga así: afable. La atracción — ¡quéextraño! — que Lol V. Stein ejercesobre ambos más bien me alejaría deél. No creo que la conozca mucho másque por el rumor de su antigua locura,debe creer que tiene una mujer llenade encantos inesperados, entre ellos —no es el menor— el de estar amenaza-da. Cree proteger a su mujer.

Durante un tiempo muerto de lacena, mientras planea la evidenteabsurdidad de la iniciativaesterilizante de Lol, mi amor ha sidovisto, lo he sentido visible y visto, apesar mío, por Tatiana Karl. PeroTatiana aún ha dudado.

Se habla de la última casa de losBedford, del jardín.

Lol está a mi derecha, entrePierre Beugner y yo. De repenteavanza su rostro, sin mirada, sinexpresión, hacia mí, como si fueraa plantearme una pregunta que nollega. Y así, tan cercana, preguntaa la dama que se halla al otro ladode la mesa.

— ¿ H a y o t r a v e z n i ñ o s e ne l j a r d í n ?

La he sentido a mi derecha, unamano me separaba de su rostro, sali-da, surgida de la nebulosa general, depronto punta acerba, punta fija delamor. Entonces se me corta la respi-ración, uno se ahoga [115] porque haydemasiado aire. Tatiana lo ha notado.Lol también. Se ha apartado, muy des-pacio. La mentira ha vuelto a taparse.He recuperado la calma. Sin duda,Tatiana va de la versión de la enfer-

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la distraction maladive de Lol à celled’un geste non tout à fait inconsidéré,- dont elle [144] ignore le sens. Ladame n’a rien vu, elle répond:

— Il y a de nouveau des enfants dansle parc. Ils sont terribles.

— Alors, les petits massifs que j’aiplantés avant de m’en aller?

— Hélas, Lol.

Lol s’étonne. Elle souhaite uneinterruption dans la sempiternellerépétition de la vie.

— On doit détruire les maisons aprèsson passage. Des gens le font.

La dame fait remarquer à Lol avecune ironie gentille que d’autrespourraient avoir besoin des demeurespar vous délaissées. Lol se met à rire, àrire. Ce rire me gagne et puis il gagneTatiana.

Ce parc où ont grandi ses filles,el le semble s’en être beaucoupoccupée durant dix ans de sa vie. Ellel’a laissé aux nouveaux propriétairesdans un état parfai t . Les amismusiciens parlent des parterres et desarbres avec beaucoup d’éloges. Ceparc a été concédé à Lol pendant dixans afin qu’elle soit là ce soir,miraculeusement préservée dans sadifférence avec ceux qui le lui ontoffert.

Ne s’ennuie-t-elle pas de cettemaison? lui demande la jeune femme,cette belle et grande maison de U.Bridge? Lol ne répond pas tout de suite,tous la regardent, il passe quelque chosedans ses yeux, comme un frisson. Elles’immobilise sous le coup d’un passageen elle, de quoi? de versions inconnues,sauvages, des oiseaux sauvages de sa vie,qu’en savons-nous? qui la traversent[145] de part en part, s’engouffrent? puisle vent de ce vol s’apaise? Elle répondqu’elle ignore avoir jamais habité. Laphrase n’est pas terminée. Deuxsecondes passent, elle se reprend, dit enriant que c’est là une plaisanterie, unemanière de dire qu’elle se plaît davantageici à S. Tahla qu’à U. Bridge. On nerelève pas, elle prononce bien S. Tahla,U. Bridge. Elle rit un peu trop, donne

miza distracción de Lol a la de un ges-to no del todo inconsiderado —cuyosentido ignora. La anciana no ha vis-to nada,. responde:

—Hay niños en el jardín. Son tre-mendos.

—¿Y los macizos que he planteadoantes de irme?

—Lo siento, Lol.

Lol se queda a tóni ta . Deseauna interrupción en la sempiter-na repetición de la vida.

—Hay que destruir las casas cuan-do se dejan. La gente lo hace.

La anciana dama le comenta a Lol,con amable ironía, que otros podríannecesitar las viviendas dejadas porustedes. Lol se ríe, ríe. Me contagiasu risa y luego se la contagia aTatiana.

Parece haberse ocupado mucho, alo largo de diez años de su vida, de eseparque donde han crecido sus hijas. Loha dejado a los nuevos propietarios enun estado perfecto. Los amigos músi-cos hablan de los parterres y de losárboles dedicándole muchos elogios.Durante diez años a Lol le concedieronese parque con el fin de que esté aquíesta noche, milagrosamente preserva-da en su diferencia con quienes se loofrecieron.

¿No le aburre esa casa?, le pregun-ta la joven, ¿esa casa, grande y her-mosa de U. Bridge? Lol no contestaenseguida, todos la observan, algopasa en su mirada, como un estreme-cimiento. Se inmoviliza bajo el pesode un pesar, ¿de qué?, de versionesdesconocidas, salvajes, de los pájarossalvajes de su vida, ¿qué sabemosnosotros?, que la atraviesan [116] departe a parte, ¿se precipitan?, despuésel viento de ese vuelo, ¿se apacigua?Contesta que ignora haber habitado.La frase queda sin terminar. Pasan unpar de segundos, prosigue, dice, rien-do, que se trata de una broma, un modode decir que se encuentra más a gustoaquí, en S. Tahla, que en U. Bridge. Nohay comentarios, pronuncia bien: S.Tahla, U. Bridge. Ríe un poco demasia-

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trop d’explications. Je souffre, mais àpeine, chacun a peur, mais à peine. Lolse tait. Tatiana est confirmée sans doutedans sa version de la distraction. Lol V.Stein est encore malade.

On sort de table.

Le mari de la jeune femme arriveavec deux amis. Il continue à U. Bridgeles soirées musicales qu’avait crééesJean Bedford. Ils ne se sont pas vusdepuis longtemps, ils parlent avec grandplaisir. Le temps cesse d’êtrelanguissant, nous sommes asseznombreux pour que les allées et venuesdes uns vers les autres passentinaperçues à la plupart excepté à TatianaKarl.

Peut-être n’est-ce pas étourdimentque Lol nous a réunis ce soir, peut-êtreest-ce pour nous voir ensembleTatiana et moi, voir où nous ensommes depuis son irruption dans mavie. Je ne sais rien.

Dans un mouvement enveloppant deTatiana, Lol se trouve prise. Je pense àla nuit où l’a rencontrée Jean Bedford :Tatiana tout en lui parlant lui barre lepassage avec assez d’adresse pour [146]que Lol ne s’aperçoive qu’elle ne lefranchit pas, Tatiana l’empêche d’allerainsi vers les autres invités, elle la sortde leur groupe, l’amène avec elle,l’isole. C’est fait au bout d’unevingtaine de minutes. Lol paraît bien làoù elle se trouve, avec Tatiana, à l’autrebout du salon, assise à une petite tableentre le perron et la baie à traverslaquelle, l’autre soir, je voyais.

Elles portent toutes deux ce soir desrobes sombres qui les allongent, les fontplus minces, moins différentes l’une del’autre, peut-être, aux yeux des hommes.T a t i a n a K a r l , a uc o n t r a i r e d ’ a v e c s e saman t s , a une co i f fu re soup le ,re je tée , presque à toucher son épauleen une masse nouée, lourde. Sa robe neresserre pas son corps comme ses austèrestailleurs d’après-midi. La robe de Lol, àl’inverse de celle de Tatiana, je crois, prendson corps de près et lui donne davantageencore cette sage raideur de pensionnairegrandie. Elle est coiffée commed’habitude, un chignon serré audessus dela nuque, depuis dix ans peut-être l’est-elle

do, da demasiadas explicaciones. Sufro,pero poco, todos tienen miedo, peropoco. Lol calla. Tatiana confirma, se-guramente, su versión de la distracción.Lol V. Stein está todavía enferma.

Dejan la mesa.

El marido de la joven llega con dosamigos. Sigue ocupándose de las vela-das musicales que Jean Bedford habíacreado en U. Bridge. No se han vistodesde hace mucho tiempo, hablan congran entusiasmo. El tiempo deja de lan-guidecer, somos los suficientes comopara que las idas y venidas de unos ha-cia otros pasen desapercibidas a la ma-yoría de los presentes excepto a TatianaKarl.

Quizá no haya sido por atolondramientopor lo que Lol nos ha reunido esta no-che, quizás haya sido para vernos jun-tos, a Tatiana y a mí, ver en qué situa-ción nos hallamos después de su irrup-ción en mi vida. No sé nada.

Lol se halla prendida en un movi-miento envolvente de Tatiana. Piensoen la noche en que Jean Bedford la co-noció: Tatiana, mientras le habla, le cie-rra el paso con la suficiente destrezacomo para que Lol no se dé cuenta deque no lo franquea, Tatiana le impideasí ir hacia los otros invitados, la liberade su grupo, se la lleva, la aísla. Lamaniobra ha durado unos veinte minu-tos. Lol parece bien donde está, conTatiana, en el otro extremo [117] delsalón, sentada en una mesita entre laescalera y el vano de la ventana a tra-vés del que yo miraba la otra noche.

Esta noche las dos lucen trajes os-curos que las estilizan, las hace másdelgadas, menos distintas la una dela otra, quizás, a los ojos de los hom-bres. Tatiana Karl, al contrario delpeinado que lleva con sus amantes,lleva hoy uno flexible, hacia atrás,casi hasta rozar la espalda en unamata recogida, pesada. Su vestido nociñe su cuerpo como los austeros tra-jes sastre de las tardes. El traje deLol, al contrario del de Tatiana, creo,se ajusta a su cuerpo y le presta, aunmás, esa sabia rigidez de colegialacrecida. Se peina así, un moño prie-to por encima de la nuca, desde hacequizá diez años. Creo que esta noche

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ainsi. Ce soir elle est fardée il me sembleun peu trop, sans soin.

Le sourire de Tatiana lorsqu’elleréussit à avoir Lol pour elle je lereconnais. Elle attend la confidence,elle l’espère neuve, touchante maisdouteuse, assez maladroitementmensongère pour qu’elle, elle yvoie clair.

A les voir réunies ainsi on croiraitaisément que Tatiana Karl est avec moila seule personne [147] à ne pas compterdu tout avec la bizarrerie latente ouexprimée de Lol. Je le crois.

Je me rapproche de leur îlot. Tatianane me voit pas encore.

Ça a été au mouvement des lèvresde Tatiana que j’ai compris le sens dela question posée à Lol. Le mot bonheurs’y lisait.

— Ton bonheur? Et ce bonheur?

Lol sourit dans ma direction. Viens.Elle me laisse le temps d’approcherencore. Je suis de biais par rapport àTatiana qui ne regarde que Lol. Je vienssilencieusement, je glisse entre lesautres. Je suis arrivé assez près pourentendre. Je m’arrête. Pourtant Lol nerépond pas encore. Elle lève les yeux surmoi dans l’intention d’informer Tatianade ma présence. C’est fait. Tatianaréprime vite un agacement certain : c’està l’Hôtel des Bois qu’elle veut mé voir,pas ici avec Lol V. Stein.

De loin nous sommes tous trois dansune indifférence apparente.

Tatiana et moi guettons la réponsede Lol. Le coeur me bat fort et jecrains que Tatiana ne découvre, elleseule le peut, ce désordre dans le sangde son amant. Je la frôlais presque. Jerecule d’un pas. Elle n’a-riendécouvert.

Lol va répondre. Je m’attends àtout. Qu’elle m’achève de la mêmemanière qu’elle m’a découvert. Ellerépond. Mon coeur s’endort.

— Mon bonheur est là.

Lentement Tatiana Karl se retourne

va un poco demasiado maquillada,sin esmero.

Reconozco la sonrisa de Tatianacuando consigue tener a Lol paraella. Espera la confidencia, la espe-ra flamante, conmovedora pero equí-voca, lo bastante torpemente enga-ñosa como para que ella la compren-da perfectamente.

Al verlas así juntas se creería fácil-mente que Tatiana Karl es, junto con-migo, la única persona que no cuentaen absoluto con la extravagancia laten-te o manifiesta de Lol. Lo creo.

Me acerco a su isla. Tatianaaún no me ve.

Por el movimiento de los labios deTatiana he comprendido el sentido dela pregunta planteada a Lol. En ellos seleía la palabra felicidad.

—¿Y tu felicidad? ¿Y esa felicidad?

Lol sonríe hacia mí. Voy. Aúnme da t iempo para acercarme.Estoy en diagonal respecto a Tatiana,que sólo mira a Lol. Avanzo silencio-samente, me deslizo entre los demás.He llegado lo bastante [118] cerca comopara oír. Me detengo. Lol, sin embar-go, aún no contesta. Alza la mirada ha-cia mí con intención de comunicar aTatiana mi presencia. Ya está. Tatianareprime rápidamente una cierta irrita-ción: quiere verme en el Hôtel des Bois,no aquí con Lol V. Stein.

Desde lejos presentamos los tresuna indiferencia aparente.

Tatiana y yo acechamos la respues-ta de Lol. El corazón me late deprisa ytemo que Tatiana descubra, sólo ellapuede hacerlo, ese desorden en la san-gre de su amante. Casi la rozaba. Re-trocedo un paso. No ha descubiertonada.

Lol va a contestar. Me lo esperotodo. Que acabe conmigo de la mismamanera que me ha descubierto. Mi co-razón se aplaca.

—Mi felicidad está aquí.

Lentamente Tatiana Karl se vuel-

biais m 1. (línea oblicua) sesgo; de ou en b. al ses-go; regarder de b. mirar de reojo. 2. fig (ma-nera indirecta) rodeo; prendre un b. dar un ro-deo. 3. Cost bies; de ou en b. al bies; tailler enb. cortar al bies

biaisé adj torcido(a), al biesbiaiser vi 1. (cambiar de dirección) virar. 2.

(estar al bies) estar torcido. 3. fig (usar me-dios indirectos) andarse con rodeos

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vers moi et, [148] souriante, avec unsang-froid remarquable elle me prend àtémoin de la forme de cette déclarationde son amie.

— Comme elle le dit bien. Vous avezentendu?

— Elle le dit.

— Mais si bien, vous ne trouvez pas?

Alors Tatiana prospecte la pièce,l’assemblée bruyante du bout du salon,ces signes extérieurs de l’existence deLol.

—Je pense beaucoup à toi depuisque je t’ai revue.

Dans un mouvement enfantin Lol suitdes yeux le regard de Tatiana tout autourdu salon. Elle ne comprend pas. Tatianase fait sentencieuse et tendre.

— Mais Jean, dit-elle, et tes petitesfilles? Qu’est-ce que tu vas faire?

Lol rit.

— Tu les regardais, c’était ça que turegardais!

Son rire ne peut s’arrêter. Tatianafinit par rire elle aussi, maisdouloureusement, elle ne joue plus lamondaine, je reconnais celle quitéléphone de nuit.

— Tu me fais peur Lol.

Lol s’étonne. Son étonnement portede plein fouet sur la peur que n’avouepas Tatiana. Elle a décelé le mensonge.C’est fait. Elle demande gravement:

— De quoi as-tu peur Tatiana? [149]

Tatiana ne cache plus rien tout àcoup. Mais sans avouer le vrai sens desa peur.

— Je ne sais pas.

Lol regarde de nouveau le salon etexplique à Tatiana une chose différentede celle qu’aurait voulu savoir Tatiana.Elle reprend, Tatiana est prise à sonpropre piège, sur le bonheur de Lol V.Stein.

ve hacia mí y, sonriente, con una no-table sangre fría me toma por testi-go de la forma de esta declaraciónde su amiga.

—¡Qué bien lo ha dicho! ¿Lo haoído?

—Lo ha dicho.

— ¡Pero que muy bien! ¿No le parece?

Entonces Tatiana escruta la estancia,la ruidosa reunión del fondo del salón,esos signos exteriores de la existenciade Lol.

—Desde que te he vuelto a ver pien-so mucho en ti.

Con un movimiento infantil Lol si-gue con la mirada la mirada de Tatianaalrededor del salón. No comprende.Tatiana se torna silenciosa y tierna.

— P e r o , ¿ y J e a n ? — d i c e — .¿Y las niñas? ¿Qué harás?

Lol ríe.

— ¡Las mirabas! ¡Era eso lo quemirabas! [119]

No puede de t ene r l a r i s a .Tatiana acaba también por reír,pero dolorosamente, no interpretaya la mundana, reconozco a la quetelefonea de noche.

—Me das miedo, Lol.

Lol se sorprende. Su sorpresa apun-ta claramente al miedo que Tatiana noconfiesa. Ha desvelado la mentira. Yaestá. Pregunta gravemente:

—¿De qué tienes miedo, Tatiana?

De repente, Tatiana ya no ocultanada. Pero sin confesar el verdaderomotivo de su miedo.

—No lo sé.

Lol contempla el salón y explicaa Tatiana algo distinto de lo que éstahubiera deseado saber. Insis te ,Tatiana ha caído en su propia tram-pa, acerca de la felicidad de Lol V.Stein.

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— Mais je n’ai rien voulu, tucomprends, Tatiana, je n’ai rien voulude ce qu’il y a, de ce qui se passe. Rienne tient.

— Et si vous l’aviez voulu, est-ceque ce ne serait pas pareil maintenant.

Lol réfléchit et son air de recherche,sa feinte oublieuse a la perfection de l’art.Je sais qu’elle dit n’importe quoi:

— C’est pareil. Au premier jour c’étaitpareil que maintenant. Pour moi.

Tatiana soupire, soupirelonguement, se plaint, se plaint, au borddes larmes.

— Mais ce bonheur, ce bonheur,dis-moi, ah! dis-moi un peu.

Je dis:

— Lol V. Stein l’avait sans doute enelle, déjà, lorsqu’elle l’a rencontré.

Avec la même lenteur qu’un momentavant Tatiana s’est retournée vers moi.Je pâlis. Le rideau vient de s’ouvrir surle tourment de Tatiana Karl. Maiscurieusement, sa suspicion ne porte pasimmédiatement sur Lol. [150]

— Comment savez-vous ceschoses-là sur Lol? Elle veut dire :comment les savez-vous à la place d’unefemme? à la place d’une femme quipourrait être Lol?

Le ton cinglant et sourd de Tatianaest le même que celui qu’elle a parfoisà l’Hôtel des Bois. Lol s’est dressée.Pourquoi cette terreur? Elle a unmouvement de fuite, elle va nous laisserlà tous les deux.

— On ne peut pas parler comme ça,on ne peut pas.

— E x c u s e - m o i , d i t Ta t i a n a- J a c q u e s H o l d e s t d a n s u ncurieux état depuis quelques jours .I l dit n’importe quoi.

Au téléphone elle m’a demandé sij’apercevais une manière possible nond’amour, mais amoureuse, entre nous,plus tard, plus tard.

— N o d e s e a b a n a d a , ¿ c o m -prendes , Ta t i ana? No deseabanada de lo que ocurre. Nada im-porta.

—Y s i lo hubieras deseado,¿acaso no sería todo igual ahora?

Lol medita y su aspecto de reflexión,su simulado olvido posee la perfeccióndel arte. Sé que dice cualquier cosa:

—Es igual. El primer día era igualque ahora. Para mí.

Tatiana suspira, suspira profunda-mente, se lamenta, se lamenta, al bordede las lágrimas.

—¡Pero... esa felicidad, esa felici-dad! ¡Dime, dime algo de ella!

Digo:

—Lol V. Stein la debía cobijar ya ensu interior cuando la encontró.

Tatiana se ha vuelto hacia mí conla misma lentitud de hace un instan-te. Acaba de levantarse el telón deltormento de Tatiana Karl. Pero, cu-riosamente, su sospecha no recae deinmediato en Lol. [120]

—¿Cómo sabe esas cosas deLol? Q u i e r e d e c i r : ¿ c ó m o l a ss a b e e n l u g a r d e u n a m u j e r ? ,¿ d e u n a m u j e r q u e p o d r í as e r L o l ?

El tono mordaz y sordo deTatiana es el mismo que utiliza aveces en el Hôtel des Bois. Lol seha levantado. ¿Por qué ese terror?Hace un gesto de huida, nos dejaráa los dos aquí.

No se puede hablar así , no sepuede.

—Perdón —dice Tatiana—.Jacques Hold, desde hace unos días,está sumido en un curioso estado.Dice cualquier cosa.

Por teléfono me ha preguntado siconcibo una posible relación no deamor, sino amorosa, entre nosotros, másadelante, más adelante.

cinglant mordaz, sarcástico,gélido, cortante,

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— Est-ce que tu peux faire commes’il n’était pas impossible qu’un jour ent’appliquant tu me trouves unenouveauté, je changerai ma voix, mesrobes, je couperai mes cheveux, il nerestera rien.

Je n’ai pas démordu de ce à quoi jeme tiens. Je lui ai dit que je l’aimais.Elle a raccroché.

Lol est rassurée. Tatiana la suppliede nouveau.

— Dis-moi quelque chose sur lebonheur, dis-le-moi.

Lol demande, sans agacement, avecgentillesse

— Pourquoi Tatiana?

— Quelle question Lol. [151]

Alors Lol cherche, son visage secrispe, et avec difficulté, elle essaye deparler du bonheur.

— L’autre soir, c’était au crépuscule,mais bien après le moment où le soleilavait disparu. Il y a eu un instant delumière plus forte, je ne sais paspourquoi, une minute. Je ne voyais pasdirectement la mer. Je la voyais devantmoi dans une glace sur un mur. J’aiéprouvé une très forte tentation d’y aller,d’aller voir.

Elle ne continue pas. Je demande:

— Vous y êtes allée?

De cela Lol se souvientinstantanément.

— Non. J’en suis sûre, je ne suis pasallée sur la plage. L’image dans la glaceétait là.

Tatiana m’a oublié en faveur de Lol.Elle prend sa main, l’embrasse.

— Dis-moi encore Lol.

— Je ne suis pas allée sur la plage,je, dit Lol.

Tatiana n’insiste pas.

—Tú puedes actuar como si fue-ra posible que, algún día, esforzán-dote un poco, encontraras algonuevo en mí, cambiaré de voz, devestidos, me cortaré el pelo, noquedará nada.

N o d e s i s t í d e l o q u e s o s -t e n í a . L e d i j e q u e l a a m a b a .M e c o l g ó .

Lol está tranquila. Tatiana le supli-ca de nuevo.

—Dime algo sobre la felicidad,dímelo.

Lol pregunta, sin irritación, ama-blemente:

—¿Por qué, Tatiana?

— ¡Qué pregunta, Lol!

Entonces Lol piensa, su rostro secrispa, y, con dificultad, intenta hablarsobre la felicidad.

—Fue la otra noche, a la hora delcrepúsculo, pero cuando el sol ya sehabía puesto. Hubo un instante de luzmuy intensa, no sé por qué, un minu-to. No veía el mar directamente. Loveía ante mí en un espejo situado enuna pared. Sentí una tentación muypoderosa de ir hacia él, de ir a con-templarlo.

No s igue . Pregunto : [121]

—¿Y fue?

De eso Lol se acuerda instan-táneamente.

—No. Estoy segura, no fui a laplaya. La imagen en el espejo es-taba allí .

Tatiana se ha olvidado de mí en fa-vor de Lol. Le coge una mano, la besa.

—Dime más, Lol.

— N o f u i a l a p l a y a —d i c e L o l .

Tatiana no insiste.

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Lol a fait un voyage rapide au bordde la mer hier dans la journée c’estpourquoi je ne l’ai pas trouvée. Elle n’arien dit. L’image du champ de seigle merevient, brutale, je me demande jusqu’àla torture, je me demande à quoim’attendre encore de Lol. A quoi? Jesuis, je serais donc dupé par sa foliemême? Qu’a-t-elle été chercher au bordde la mer, où je ne suis pas, quellepâture? loin de moi? Si Tatiana ne posepas la question je vais la poser. Elle lapose.

— Où es-tu allée? On peut te ledemander? [152]

Lol dit avec le léger regret que cesoit à Tatiana Karl, ou alors je metrompe encore

— A T. Beach.

Jean Bedford, sans doute aussi pourbriser l’unité de notre groupe, faitmarcher le pick-up. Je n’attends pas, jene me pose même pas la question, je necalcule pas ce qui serait plus prudentde faire, j’invite Lol. Nous nouséloignons de Tatiana qui reste seule.

Je danse trop lentement et souventmes pieds s’ankylosent, je rate destemps. Lol s’accorde, distraite, à mesfautes.

Ta t iana su i t des yeux no t rep é n i b l e r é v o l u t i o n a u t o u r d usalon.

Enfin, Pierre Beugner vient vers elle.Ils dansent.

Il y a cent ans que j’ai Lol dans lesbras. Je lui parle de façon imperceptible.A la faveur des mouvements changeantsde Pierre Beugner, Tatiana nous estcachée, elle ne peut alors ni voir ni en-tendre.

— Vous êtes allée au bord de la mer.

— Hier je suis allée à T. Beach.

— Pourquoi ne rien dire? Pourquoi?Pourquoi y aller?

— Je croyais que

Ayer, durante el día, Lol hizo unviaje rápido a orillas del mar, por esono la encontré. No ha dicho nada. Laimagen del campo de centeno vuelvea mi pensamiento, brutal, me pregun-to hasta la tortura, me pregunto quéespero aún de Lol. ¿Qué? ¿Estoy, es-taré, pues, engañado por su propia lo-cura? ¿Qué ha estado buscando a ori-llas del mar, donde yo no estoy, quépasto lejos de mí? Si Tatiana no plan-tea la pregunta, la plantearé yo. Laplantea.

—¿Dónde fuiste? ¿Se puede pregun-tar?

Lol dice con el ligero pesar dedirigirse a Tatiana Karl, o me equi-voco otra vez:

—A T. Beach.

Jean Bedford, sin duda para rom-per la unidad de nuestro grupo, poneen marcha el pick-up. No espero, yani siquiera me planteo la cuestión,no calculo qué será lo más pruden-te, invito a Lol. Nos alejamos deTatiana, que se queda sola.

Bailo demasiado despacio y, a me-nudo, mis pies se anquilosan, fallo lostiempos. Lol, distraída, se acopla amis errores.

Tatiana sigue con la mirada nues-tra penosa evolución alrededor del sa-lón. [122]

Por fin, Pierre Beugner va hacia ella.Bailan.

Hace cien años que tengo a Lol en-tre mis brazos. Le hablo de manera im-perceptible. Gracias a los cambiantesmovimientos de Pierre Beugner, Tatianaqueda oculta, así no puede vernos ni oír-nos.

—Fuiste a orillas del mar.

—Ayer fui a T. Beach.

—¿Por qué no dijiste nada? ¿Porqué? ¿Por qué fuiste allí?

—Creía que

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Notes Duras’ Stein tr. de Ana Mª Moix

Elle ne termine pas. J’insistedoucement.

— Essayez de me dire. Que...

— Vous auriez deviné. [153]

— C’est impossible, je dois vousvoir, c’est impossible.

Voici Tatiana. A-t-elle remarqué quej’ai répété, de façon précipitée, quelquechose? Nous nous taisons. Puis, encoreune fois, nous ne sommes plus que sousle regard tiède, un peu, mais à peine,intrigué de Jean Bedford.

Dans mes bras, Lol est égarée - ellene me suit plus tout à coup - pesante.

— Nous irons ensemble à T. Beachsi vous le voulez bien, après-demain.

— Combien de temps?

— Un jour peut-être.

Nous devons nous retrouver à lagare, très tôt. Elle me dit une heureprécise. Je dois parler à Pierre Beugnerpour le prévenir de mon absence.Dois-je le faire?

J’invente.

Comme ils se taisent encore, penseTatiana. J’ai l’habitude, je sais le fairesombrer dans des hébétudes muettes ettristes, il en sort avec peine, elles luiplaisent. Ce silence qu’il observe avecLol V. Stein, je ne crois pas l’avoir vul’observer avec moi jamais, même lapremière fois lorsqu’il est venu mechercher, un après-midi, en l’absence dePierre, et qu’il m’a emmenée, sans unmot, à l’Hôtel des Bois. Voici ce quej’ignore : cet homme qui s’efface, ditqu’il aime, désire, veut revoir, s’effaceencore plus à mesure qu’il dit. Je doisavoir un peu de fièvre. Tout me quitte,ma vie, ma vie. [154]

De nouveau, sagement, Lol danse,me suit. Quand Tatiana ne voit pas jel’écarte un peu pour voir ses yeux. Jeles vois : une transparence me regarde.De nouveau je ne vois pas. Je l’aiplaquée contre moi, elle ne résiste pas,personne ne nous remarque je crois. La

N o t e r m i n a . I n s i s t o ,c o n d u l z u r a .

—Intenta decírmelo. Que...

—Lo habrías adivinado.

—No puede ser, tengo que verte, nopuede ser.

Aquí está Tatiana. ¿Ha notado quehe repetido algo de manera precipita-da? Callamos. Después, estamos denuevo únicamente bajo la mirada tibia,un poco, aunque sólo apenas, intrigadade Jean Bedford.

Lol está extraviada, entre mis brazos,de repente no me sigue, está torpe.

—Si quieres iremos juntos a T.Beach, pasado mañana.

—¿Cuánto tiempo?

—Un día, quizá.

Tenemos que encontrarnos en la es-tación, muy pronto. Me dice una horadeterminada. Tengo que hablar conPierre Beugner para ponerle al corrien-te de mi ausencia. ¿Debo hacerlo?

Invento.

Qué callados siguen, piensaTatiana. Estoy acostumbrada, sé hun-dirle en mudos y tristes em-botamientos, los abandona con pena,le gustan. No creo haberle visto obser-var nunca conmigo ese silencio [123]que observa con Lol V. Stein, ni siquie-ra la primera vez que vino a buscarme,una tarde, en ausencia de Pierre, y mecondujo, sin pronunciar palabra, alHôtel des Bois. He aquí lo que desco-nozco: el hombre que se eclipsa, diceque ama, desea, quiere volver a ver, seeclipsa más a medida que lo dice. Debode tener un poco de fiebre. Todo meabandona, mi vida, mi vida.

Lol ba i la de nuevo ,sosegadamente, me sigue. CuandoTatiana no lo ve, la aparto un pocopara ver sus ojos. Los veo: unatransparencia me contempla. Dejode ver otra vez. La oprimo contramí, no se resiste, nadie nos obser-

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Notes Duras’ Stein tr. de Ana Mª Moix

transparence m’a traversé, je la voisencore, buée maintenant, elle est alléevers autre chose de plus vague, sans fin,elle ira vers autre chose que je neconnaîtrai jamais, sans fin.

— Lol Valérie Stein, hé?

— Ah oui.

Je lui ai fait mal. Je l’ai senti à un«ah» chaud dans mon cou.

— I l f a u d r a e n f i n i r .Q u a n d ?

Elle ne répond pas. La surveillancede Tatiana recommence.

J’invente : Tatiana parle à PierreBeugner

— Il faudra que je parle de Lol àJacques Hold.

Pierre Beugner se trompe-t-il surl’intention véritable? Il porte à Tatianaun amour revenu de bien des épreuves,sentiment qu’il traîne mais qu’il traînerajusqu’à la mort, ils sont unis, leurmaison est solide plus qu’une autre, ellea résisté à tous les vents. Dans la vie deTatiana, l’impérieuse obligationpremière et dernière à laquelle il n’estpas pensable qu’elle se dérobe un jour,c’est de revenir toujours, Pierre Beugnerest son retour, sa trêve, sa seuleconstance.

J’invente : [155]

C e s o i r , P i e r r e B e u g n e rperçoit , l’oreil le collée au mur,la fêlure que Lot, elle, entend toujoursdans la voix de sa femme.

Leur intimité dans ce moment-ci deleur existence, c’est moi qui en fais lesfrais, sans qu’il en soit jamais questionentre eux.

Pierre Beugner dit:

— Lot V. Stein est encore malade,vous avez vu, à table, cette absence,comme c’était impressionnant, et c’estsans doute ça qui intéresse JacquesHold.

— Vous croyez? Mais elle, se

va, creo. La transparencia me haatravesado, aún la veo, empañadaahora, ha ido hacia algo más vago,interminable, irá hacia algo, inter-minable, que nunca conoceré.

—Lol Valérie Stein, ¿eh?

— ¡Ah, sí!

Le he hecho daño. He sentido un«ah» cálido en mi cuello.

—Habrá que acabar de una vez.¿Cuándo?

No contesta. Tatiana reemprende suvigilancia.

Invento: Tatiana habla a PierreBeugner:

—Será necesario que hable de Lolcon Jacques Hold.

¿Se equivoca Pierre Beugneracerca de la verdadera intención? Daa Tatiana un amor de vuelta de mu-chas pruebas, sentimiento que arras-tra y que arrastrará hasta la muerte,están unidos, su casa es más sólidaque cualquier otra, ha resistido to-dos los vientos. La primera y últimaobligación que resulta impensableque Tatiana eluda en su vida, algúndía, es regresar siempre; PierreBeugner es su regreso, su tregua, suúnica constancia.

Invento: [124]

Esta noche, Pierre Beugner perci-be, con el oído pegado a la pared, laleve fisura que Lol oye siempre en lavoz de su mujer.

Soy yo quien paga su in t imi-dad en ese momento de su exis -tencia , s in que nunca se comen-te en t re e l los .

Pierre Beugner dice:

—Lol V. Stein aún está enfer-ma, ¿has visto esa ausencia, en lamesa? ¡Qué impresionante! Y sinduda es eso lo que le interesa aJacques Hold.

—¿Tú crees? ¿Y ella? ¿Se pres-

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Notes Duras’ Stein tr. de Ana Mª Moix

prête-t-elle à cet intérêt?

Pierre Beugner console:

— La pauvre, commentvoulez-vous?

Pierre Beugner presse sa femmedans ses bras, il veut empêcher lasouffrance, encore débutante, deprendre corps. Il dit:

— Pour ma part je n’ai rien remarquéentre eux, rien, je dois le dire, à part cetintérêt que je vous disais.

Tatiana s’impatiente un peu mais nele montre pas.

— St vous les regardiez bien.

— Je vais te faire.

Un autre disque a remplacé lepremier. Les couples ne se sont passéparés. Ils sont à l’autre bout du salon.La chose remarquable tout à coup, cen’est pas leur maladresse qui maintenantn’est pas aussi flagrante, c’estl’expression de [156] leur visage tandisqu’ils dansent, ni aimable, ni polie, niennuyée et qui est celle - Tatiana a raison- de l’observation rigoureuse d’uneréserve étouflante. Surtout lorsqueJacques Hold parle à Lol et que celle-cilui répond sans que rien dans cetteréserve ne se modifie, ne fasse devinerun peu la nature de la question poséeou de celle de la réponse qui va lui êtrefaite.

Lol me répond:

— Si on savait quand.

J’ai oublié Tatiana Karl, ce crime,je l’ai commis. J’étais dans le train, jel’avais près de moi, pour des heures,nous roulions déjà vers T. Beach.

— Pourquoi faire ce voyagemaintenant?

— C’est l’été. C’est le moment.

Comme je ne lui réponds pas, ellem’explique.

— Et puis il faut aller vite, Tatianas’est mise à vous.

ta a ese interés?

Pierre Beugner la consuela.

— P o b r e , ¿ q u é q u i e r e s q u eh a g a ?

Pierre Beugner estrecha a su mu-jer entre sus brazos, quiere impedirque el sufrimiento, aún naciente, ad-quiera consistencia. Dice:

—No he notado nada entre ellos,debo reconocerlo, aparte de ese in-terés del que te hablaba.

Tatiana se impacienta un poco perono lo demuestra.

—Si los observaras con atención.

—Lo haré.

Otro disco ha sustituido al pri-mero. Las parejas no se han sepa-rado. Están al otro extremo del sa-lón. De pronto, lo más sorprenden-te no es su torpeza, que ahora no estan flagrante, sino la expresión desus rostros mientras bailan, ni ama-ble, ni cortés, ni molesta y que es—Tatiana tiene razón— la de la ob-servación rigurosa de una reservasofocan te . Sobre todo cuandoJacques Hold habla a Lol y ésta lecontesta sin que nada se modifiqueen dicha reserva, nada deje adivi-nar un poco la naturaleza de la pre-gunta planteada o de la respuestaque va a dársele.

Lol me contesta:

—Si se supiera cuándo. [125]

He olvidado a Tatiana Karl, he co-metido ese crimen. Estaba en el tren,la tenía a mi lado, durante horas, ro-dábamos ya hacia T. Beach.

— ¿ P o r q u é h a c e r e s e v i a j eahora?

—Es verano. Es el momento.

Dado que no le contesto, me ex-plica.

—Además hay que darse prisa.Tatiana desconfía.

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Notes Duras’ Stein tr. de Ana Mª Moix

Elle s’arrête. Lol désirait-elle quececi que j’invente se passe entre PierreBeugner et Tatiana?

— Vous le vouliez?

— Oui. Mais vous deviez aussi. Ellene devait rien savoir.

Presque mondaine, elle pourraitrassurer des observateurs moinsdifficiles que Tatiana et Pierre Beugner.

— Je peux me tromper. Peut-être quetout est parfait.

— Pourquoi T. Beach encore unefois?

— Pour moi. [157]

Pierre Beugner me sourit aveccordialité. Au fond de ce sourire il y amaintenant une certitude, unavertissement que demain, si Tatianapleure, je serai révoqué de son serviceà l’hôpital départemental. J’invente quePierre Beugner ment.

— Vous vous faites des idées, dit-ilà sa femme. Lol V. Stein lui estparfaitement indifférente. Il écoute àpeine ce qu’elle dit.

Tatiana Karl se trouve environnéepar le mensonge, elle a un vert i g ee t l ’ i d é e d e s a m o r t a f f l u e ,eau fraîche, qu’elle se répande sur cettebrûlure, qu’elle vienne recouvrir cettehonte, qu’elle vienne, alors la vérité sefera. Quelle vérité? Tatiana soupire. Ladanse est terminée.

J’ai dansé avec la femme de U.Bridge, bien, et je lui ai parlé, j’aicommis ce crime aussi, avecsoulagement, je l’ai commis. EtTatiana a dû être sûre que c’était LolV. Stein. Mais ce que je trouved’intéressant à Lol V. Stein, l’aurais-jedécouvert seul, n’est-ce pas elle qui mel’a montré, n’est-ce pas chose d’elle?La seule nouveauté pour Tatiana trahie,ce soir, depuis des années, c’est desouffrir. J’invente que cette nouveautévrille le coeur, ouvre des vannes desueur dans l’épaisseur de lasomptueuse chevelure, prive le regardde sa désolation superbe, le rétrécit, fait

Se detiene. ¿Desearía Lol que en-tre Pierre Beugner y Tatiana sucedie-ra lo que invento?

—¿Quieres?

—Sí. Pero tú también deberías que-rerlo. Ella no debe saber nada.

Casi mundana, podría tranquilizara observadores menos exigentes queTatiana y Pierre Beugner.

—Puedo equivocarme. Quizá todosea perfecto.

— ¿ P o r q u é T. B e a c h o t r av e z ?

—Por mí.

Pierre Beugner me sonríe con cor-dialidad. En el fondo de esa sonrisa hayahora una certeza, una advertencia deque mañana, si Tatiana llora, seré des-pedido de su servicio en el hospitaldepartamental. Invento que PierreBeugner miente.

—Son invenciones tuyas —le dicea su mujer—. Lol V. Stein le es com-pletamente indiferente. Apenas escuchalo que le dice.

Tatiana Karl se halla si t iadapor la mentira, sufre un vértigo yafluye el pensamiento de la muerte,agua fresca, que se extiende sobre estaquemadura, que llega a recubrir estavergüenza, que llega, entonces la ver-dad se hará. ¿Qué verdad? Tatiana sus-pira. El baile ha terminado.

He bailado con la mujer de U.Bridge, bien, y le he hablado, tam-bién he cometido ese crimen, conalivio, lo he cometido. Y Tatiana hadebido de estar segura de que se trata-ba de Lol V. Stein. Pero, [126] ¿habríadescubierto yo solo lo que me interesade Lol V. Stein?, ¿no es ella quien me loha señalado?, ¿no es un asunto de ella?La única novedad para Tatiana trai-cionada, esta noche, desde hace años,es sufrir. Invento que esta novedadretuerce el corazón, abre compuer-tas de sudor en la densidad de la sun-tuosa melena, priva a la mirada de susoberbia desolación, la encoge, hace

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chanceler le pessimisme d’hier : quisait? peut-être, l’étendard blanc desamants du premier voyage passera-t-iltrès près de ma maison.

Tatiana traverse l’assemblée, arrive,me demande [158] de danser avec ellecette danse qui commence.

Je danse avec Tatiana Karl.

Lol est assise près du phonographe.Elle paraît être seule à ne pas avoirremarqué. Des disques lui passent entreles mains, elle paraît découragée. Ce queje crois sur Lol V. Stein, ce soir : leschoses se précisent autour d’elle et elleen aperçoit tout à coup les arêtes vives,les restes qui traînent partout dans lemonde, qui tournent, ce déchet à moitiérongé par les rats déjà, la douleur deTatiana, elle le voit, elle estembarrassée, partout le sentiment, onglisse sur cette graisse. Elle croyaitqu’un temps était possible qui seremplit et se vide alternativement, quis’emplit et se désemplit, puis qui estprêt encore, toujours, à servir, elle lecroit encore, elle le croira toujours,jamais elle ne guérira.

Tatiana me parle de Lol à voix basse,pressée.

— Quand Lol parle du bonheur, dequoi parle-t-elle?

Je n’ai pas menti.

— Je ne sais pas.

— Mais qu’est-ce que tu as,qu’est-ce que tu as:

Avec indécence, pour la premièrefois depuis sa liaison avec Jacques Hold,Tatiana Karl en présence de son marilève son visage vers son amant, si près,qu’il pourrait poser les lèvres sur sesyeux. Je dis:

— Je t’aime. [159]

Les mots une fois prononcés, labouche est restée entrouverte, pourqu’ils s’écoulent jusqu’à la dernièregoutte. Mais il faudra recommencer sil’ordre en est encore donné. Tatiana avu que ses yeux, sous ses paupièresbaissées, regardaient plus que jamais à

vacilar el pesimismo de ayer: ¿quiénsabe?, quizás el estandarte blanco delos amantes del primer viaje pasemuy cerca de mi casa.

Tatiana se abre paso entre el grupo,llega, me pide que baile con ella la pie-za que se inicia.

Bailo con Tatiana Karl.

Lol está sentada cerca del fonógra-fo. Parece ser la única en no haberlonotado. Los discos pasan por sus ma-nos, parece desanimada. Lo que creoacerca de Lol V. Stein esta noche: lascosas se perfilan a su alrededor y, alpercibir de repente las aristas vivas,los restos que se arrastran por doquieren el mundo, que dan vueltas, ese des-perdicio medio roído por las ratas, veel dolor de Tatiana, está confundida,por doquier el sentimiento, se resbalasobre esa grasa. Creía en la posibleexistencia de un tiempo que se llena-ra y se vaciara alternativamente, quese atestara y se desatestara, y queademás esté siempre dispuesto a ser-vir, aún lo cree, lo creerá siempre, ja-más curará.

Tatiana me habla de Lol, en voz baja,apresurada.

—Cuando Lol habla de la felicidad,¿de qué habla?

No he mentido.

—No lo sé.

— P e r o , ¿ q u é o c u r r e , q u ét e p a s a ?

Con indecencia, por primera vez alo largo de [127] sus relaciones conJacques Hold, Tatiana alza la miradahacia su amante en presencia de su ma-rido, y tan cerca que él podría posarlos labios en sus ojos. Digo:

—Te amo.

Una vez pronunciadas las palabras,la boca ha quedado entreabierta, paraque fluyan hasta la última gota. Perosi dan la orden una vez más, habrá quevolver a empezar. Tatiana ha visto quesu mirada, bajo los párpados caídos,se desviaba de ella más que nunca,

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côté d’elle, là où elle ne se trouve pas,vers les mains infirmes de Lol V. Steinsur les disques.

Ce matin au téléphone, je lui avaisdéjà dit.

Elle frémit sous l’outrage mais lecoup est donné, assommée Tatiana. Cesmots, elle les prend quand elle lestrouve, Tatiana Karl, aujourd’hui elle sedébat, mais elle les a entendus.

— Menteur, menteur.

Elle baisse la tête.

— Je ne peux plus voir tes yeux, tessales yeux.

Et puis:

— C’est parce que tu crois que pource que nous faisons ensemble ça n’a pasd’importance, c’est ça?

— Non. C’est que c’est vrai, je t’aime.

— Tais-toi.

Elle ramasse ses forces, essaye defrapper plus loin, plus fort.

— As-tu remarqué cette allure, cecorps, de Lol, à côté du mien comme ilest mort, comme il ne dit rien?

—J’ai remarqué.

— As-tu remarqué autre chose d’elleque tu pourrais me dire? [160]

Lol est toujours seule, là-bas, desdisques dans ses mains passent.

— C’est difficile. Lol V. Steinn’est pour ainsi dire personne deconséquent.

D’une voix soulagée en apparence,d’un ton presque léger, Tatiana Karlprofère une menace dont elle ignore laportée, qui contient pour moi uneépouvante sans nom.

— Vois-tu, si tu changeais trop à monégard, je cesserais de te voir.

hacia donde no se halla ella, hacia lasmanos trémulas de Lol V. Stein posa-das en los discos.

Ya se lo había dicho esta mañana,por teléfono.

Se estremece bajo el ultraje pero elgolpe está dado, apaleada Tatiana.Tatiana Karl atrapa estas palabrascuando las encuentra, hoy se deba-te, pero las ha oído.

—Embustero, embustero.

Baja la cabeza.

—Ya no puedo soportar tu mirada,tu sucia mirada.

Y luego:

— E s p o r q u e c r e e s q u e l oq u e h a c e m o s j u n t o s n o i m -p o r t a , ¿ v e r d a d ?

— N o . E s c i e r t o : t e a m o .

—Cállate.

R e ú n e f u e r z a s , i n t e n t a h e -r i r m á s a f o n d o .

—¿Has observado qué muerto estáel aspecto, el cuerpo de Lol al lado delmío?, ¿que no expresa nada?

—Lo he observado.

—¿Has observado a lgo másque puedas decirme?

Lol sigue sola, allá, los discos pasanpor sus manos. [128]

—Resulta difícil. Lol V. Stein no es,por decirlo de algún modo, alguien con-secuente.

Con voz aparentemente alivia-da, con tono casi ligero, TatianaKarl profiere una amenaza cuyo al-cance ignora, que para mí encierraun espanto sin nombre.

—Tú mismo. Si cambias demasia-do respecto a mí, dejaré de verte.

assommer 1.matar. 2.fam fastidiar. 3.fig & fampegar, moler a palos

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Notes Duras’ Stein tr. de Ana Mª Moix

Je suis allé après la danse vers PierreBeugner pour lui dire mon intention dem’absenter toute la journée dusurlendemain. Il ne m’a pas posé dequestions.

Et puis je suis revenu vers Tatiana,encore. Je lui ai dit

— Demain. A six heures. Je serai àl’Hôtel des Bois.

Elle a dit:

— Non. [161]

Je suis au rendez-vous , s ixheures , le jour di t . Tat iana neviendra sans doute pas.

La forme grise est dans le champ deseigle. Je reste assez longtemps à lafenêtre. Elle ne bouge pas. On diraitqu’elle s’est endormie.

J e m ’ a l l o n g e s u r l e l i t .U n e h e u r e p a s s e . J ’ a l l u m eq u a n d i l l e f a u t .

Je me lève, je me déshabille, jem’allonge encore. Je brûle du désir deTatiana. J’en pleure.

Je ne sais que faire. Je vais à lafenêtre, oui, elle dort. Elle vient là pourdormir. Dors. Je repars, je m’allongeencore. Je me caresse. Il parle à Lol V.Stein perdue pour toujours, il laconsole d’un malheur inexistant etqu’elle ignore. Il passe ainsi le temps.L’oubli vient. Il appelle Tatiana, luidemande de l’aider.

Tatiana est entrée, décoiffée, lesyeux rouges elle aussi. Lol est dans sonbonheur, notre tristesse qui le porte meparaît négligeable. L’odeur du champarrivait jusqu’à moi. Et voici celle deTatiana qui l’écrase. [162]

Elle s’assied sur le bord du lit, et puislentement, elle se déshabille, s’allongeà mes côtés, elle pleure. Je lui dis

— Je suis moi-même dans le désespoir.

Je n’essaye même pas de laprendre, je sais que je serai impuissant

Después del baile me dirijo haciaPierre Beugner para comunicarle miintención de ausentarme, durante todauna jornada, dentro de dos días. No mepregunta nada.

Y luego regreso, una vez más, haciaTatiana. Le he dicho:

—Mañana. A las seis. Estaré en elHôtel des Bois.

Ella ha dicho:

—No. [129]

Estoy en el lugar de la cita, a las seis,el día convenido. Tatiana, seguramen-te, no vendrá.

La forma gris está en el campo decenteno. Permanezco en la ventana du-rante bastante tiempo. No se mueve.Diríase que se ha dormido.

Me tiendo en la cama. Transcurreuna hora. Enciendo la luz cuando esnecesario.

Me levanto, me desnudo, vuelvo atenderme. Ardo en deseos de Tatiana.Hasta llorar.

No sé qué hacer. Voy hacia la venta-na, sí, duerme. Viene aquí para dormir.Duerme. Me alejo de la ventana, vuel-vo a acostarme. Me acaricio. El habla aLol V. Stein perdida para siempre, laconsuela de una desdicha inexistente yque ella ignora. Así transcurre el tiem-po. Llega el olvido. Llama a Tatiana, lepide ayuda.

Tatiana ha entrado, despeinada, conlos ojos también enrojecidos. Lol estásumida en su felicidad, nuestra tristezame parece despreciable. El olor del cam-po llega hasta mí. Y he aquí el de Ta-tiana que lo supera.

Se sienta en el borde de la cama, ydespués, lentamente, se desnuda, setiende a mi lado, llora. Le digo:

—Estoy desesperado.

Ni siquiera intento poseerla, sé quesería incapaz [130] de hacerlo. Siento

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Notes Duras’ Stein tr. de Ana Mª Moix

à le faire. J’ai trop d’amour pour cetteforme dans le champ, désormais, tropd’amour, c’est fini.

— Tu e s venue t rop t a rd .

Elle enfouit son visage dans lesdraps, parle à une grande distance.

— Quand?

Je ne peux plus mentir. Je caresse sescheveux qui ont coulé entre les draps.

— Cette année, cet été, tu es venuetrop tard.

— Je ne pouvais pas venir à l’heurejuste. C’est parce que c’est trop tard queje t’aime.

Elle se relève, dresse la tête.

— C’est Lol?

— Je ne sais pas.

Des larmes encore.

— C’est notre petite Lola?

— Rentre chez toi.

— Cette dingue?

Elle crie. Je l’empêche, de ma main.

— Dis-moi que c’est Lol ou je crie.

Je mens pour la dernière fois.

— Non. Ce n’est pas Lol.

Elle se relève, circule nue dans lapièce, va à la fenêtre, revient, y retourne,elle ne sait pas où se [163] mettre ellenon plus, elle a quelque chose à dire,elle hésite, qui n’arrive pas à sortir etqui sort tout bas. Elle m’informe.

— Nous allons cesser de nous voir.C’est fini.

— Je sais.

Tatiana a honte de ce qui suivra dansles jours prochains, elle se cache levisage dans les mains.

— Notre petite Lola, c’est elle, je le

demasiado amor por esa forma que estáen el campo, desde ahora, demasiadoamor, se acabó:

—Has llegado demasiado tarde.

Hace desaparecer su rostro en lassábanas, habla desde muy lejos.

—¿Cuándo?

Ya no puedo mentir. Acaricio suscabellos derramados por las sábanas.

—Este año, este verano, has llegadodemasiado tarde.

—No podía l legar a la horaexacta . Te amo porque es dema-siado tarde.

Se levanta, alza la cabeza.

—¿Es Lol?

—No sé.

Más lágrimas.

—¿Es nuestra pequeña Lol?

—Vuelve a tu casa.

—¿Esta chiflada?

Grita. Se lo impido con una mano.

—Dime que es Lol o grito.

______________________

—No. No es Lol.

Se levanta, circula desnuda por lahabitación, se dirige hacia la venta-na, vuelve, regresa a la ventana, tam-poco sabe dónde meterse, tiene algoque decir, duda, que no llega a salir yque sale muy quedo. Me informa.

—Vamos a de ja r de vernos .Se acabó.

—Lo sé.

Tatiana tiene vergüenza de lo queseguirá durante los próximos días, es-conde el rostro entre las manos.

—Nuestra pequeña Lol, es ella,

X

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Notes Duras’ Stein tr. de Ana Mª Moix

sais.

De nouveau la colère la prend ausonge tendre.

— Comment est-ce possible? unedingue?

— Ce n’est pas Lol.

Encore plus calme, elle tremble toutentière. Elle vient près de moi. Ses yeuxcrèvent mes yeux.

— Je saurai tu sais.

Elle s’éloigne, elle est face au champde seigle, je ne vois plus son visage, ilest tourné vers le champ, puis je lerevois, il n’a pas changé. Elleregardait le soleil couchant, le champde seigle incendié.

— Je saurai le faire, la préveniravec douceur, moi je saurais, sanslui faire aucu n m a l , l u i d i r e d et e l a i s s e r t r a nquille. Elle estfolle, elle ne souffrira pas, c’est commeça les fous, tu sais?

— Vendredi à six heures, Tatiana,tu viendras encore une fois.

Elle pleure. Les larmes coulentencore, de loin, de derrière les larmes,attendues comme toutes les larmes,enfin arrivées, et, il me semble m’ensouvenir, Tatiana paraissait ne pas enêtre mécontente, s’en trouver rajeunie.[164]

Comme la première fois Lol estdéjà là sur le quai de la gare, presqueseule, les trains des travailleurs sontplus tôt, le vent frais court sous sonmanteau gr is , son ombre es tallongée sur la pierre du quai verscelles du matin, elle est mêlée à unelumière verte qui divague et s’accrochepartout dans des myriades de petitséclatements aveuglants, s’accroche à ses yeuxqui rient, de loin, et viennent à marencontre, leur minerai de chair brille,brille, à découvert.

Elle ne se presse pas, le train n’estque dans cinq minutes, elle est un peudécoiffée, sans chapeau, elle a, pour

lo sé.

De nuevo la invade la cólera consu tierno sueño. [131]

— ¿ C ó m o e s p o s i b l e ? ¡ U n achif lada!

—No es Lol.

Aun más calmada, tiembla depies a cabeza. Se acerca. Su mira-da parte mi mirada.

—Lo sabré, ya lo sabes.

Se aleja, está frente al campo decenteno, ya no veo su rostro, estávuelto hacia el campo, despuésvuelvo a verlo, no ha cambiado.Mira el sol poniente, el campo decenteno encendido.

— S a b r é h a c e r l o , p r e v e -n i r l a c o n d u l z u r a , s a b r é ,s i n h a c e r l e d a ñ o , d e c i r l eq u e t e d e j e t r a n q u i l o . E s t ál o c a , n o s u f r i r á , l o s l o c o ss o n a s í , ¿ s a b e s ?

—El viernes a las diez, vendrásotra vez, Tatiana.

Llora. Las lágrimas aún se derra-man, de lejos, de detrás de las lágri-mas, esperadas como todas las lágri-mas, llegadas por fin, y, creo recor-darlo, Tatiana parecía no sentirse des-contenta, encontrarse rejuvenecida.[132]

Como la primera vez, Lol ya estáaquí, en el andén de la estación, casisola, los trenes de los trabajadores pa-san más temprano, el viento fresco co-rre bajo su abrigo gris, su sombra sealarga sobre las piedras del andén ha-cia las de la mañana, se une a una luzverde que divaga y se aferra por do-quier en miríadas de diminutosdestellos cegadores, se aferra a susojos que ríen, de lejos, y van a mi en-cuentro, su mineral de carne brilla,brilla, al descubierto.

No se apresura, el tren no parte has-ta dentro de cinco minutos, va un pocodespeinada, sin sombrero, para llegar

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Notes Duras’ Stein tr. de Ana Mª Moix

venir, traversé des jardins, et des jardinsoù rien n’arrête le vent.

De près dans le minerai, je reconnaisla joie de tout l’être de Lol V. Stein. Ellebaigne dans la joie. Les signes decelle-ci sont éclairés jusqu’à la limitedu possible, ils sortent par flots d’elle-même tout entière. Il n’y a, strictement,de cette joie, qui ne peut se voir, que lacause.

Aussitôt que je l’ai vue dans sonmanteau gris, [165] dans son uniformede S. Tahla, elle a été la femme duchamp de seigle derrière l’Hôtel desBois. Celle qui ne l’est pas. Et celle quil’est dans ce champ et à mes côtés, jeles ai eues, enfermées toutes deux enmoi.

Le reste, je l’ai oublié.

Et durant le voyage toute la journéecette situation est restée inchangée, ellea été à côté de moi séparée de moi,gouffre et soeur. Puisque je sais - ai-jejamais su à ce point quelque chose?qu’elle m’est inconnaissable, on nepeut pas être plus près d’un être humainque je le suis d’elle, plus près d’ellequ’elle-même si constamment envoléede sa vie vivante. Si d’autres viennentaprès moi qui le sauront aussi j’enaccepte la venue.

Nous faisons les cent pas sur le quaide la gare, sans rien dire. Dès que notreregard se rencontre on rit.

Ce train est presque vide entrecelui des voyageurs et celui desouvriers, il ne sert qu’à nous. Elle l’achoisi exprès, dit-elle, parce qu’il esttrès lent. Nous serons aux environs demidi à T. Beach.

— Je désirais revoir T. Beach avecvous.

— Vous l’avez revu avant-hier déjà.

Trouvait-elle sans importance de ledire ou non?

— Non, je n’y suis jamais revenuetout à fait. Avant-hier je n’ai pas quittéla gare. J’étais dans [166] la salled’attente. J’ai dormi. Sans vous j’aicompris que ça n’en vaudrait pas la

aquí ha atravesado jardines, y jardinesdonde nada detiene el viento.

De cerca reconozco, en el mine-ral, la alegría de todo el ser de Lol V.Stein. Se baña en la alegría. Sus se-ñales aparecen iluminadas hasta el lí-mite de lo posible, surgen a oleadasde toda ella. Estrictamente, sólo exis-te la causa de esta alegría, que nopuede verse.

En cuanto la he visto con suabrigo gris, con su uniforme de S.Tahla, ha sido la mujer del campode centeno s i tuado de t rás de lHôtel des Bois. La que no está. Yla que está en ese campo y a milado, a ambas las he tenido ence-rradas en mí. [133]

He olvidado el resto.

Y durante el viaje, durante toda la jor-nada, esta situación ha permanecido inmu-table, ha estado a mi lado, separada de mí,abismo y hermana. Puesto que sé —¿he sa-bido alguna vez algo hasta este extremo?—que me resulta incognoscible, no sepuede estar más cerca de un ser huma-no de lo que yo lo estoy de ella, máscerca de ella que ella misma, tanconstatemente huida de su vida. Si otras,que también lo sabrán, vienen detrás demí, acepto su llegada.

Vagamos por el andén de la estación,sin decir nada. En cuanto nuestras mi-radas se encuentran, reímos.

Este tren, entre el de los obreros yel de los viajeros, va casi vacío, sólonos conviene a nosotros. Lo ha elegi-do adrede, dice, porque es muy lento.Llegaremos a T. Beach alrededor delmediodía.

—Deseaba v i s i t a r T. Beachcontigo.

—Ya lo visitaste anteayer.

¿Consideraba carente de importan-cia el hecho de decirlo o no?

— N o , n u n c a h e r e g r e s a d odel todo . Anteayer no sa l í de laes tac ión . Es tuve en la sa la deespera . Dormí. Sin t i , compren-d í que no va l ía la pena . No hu-

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Notes Duras’ Stein tr. de Ana Mª Moix

peine. Je n’aurais rien reconnu. J’ai prisle premier train qui revenait.

Elle bascula tout entière contre moi,mollement, pudiquement. Elle réclamaitd’être embrassée sans le demander.

— Je ne peux plus me passer de vousdans mon souvenir de T. Beach.

Je l’ai prise par la taille et je l’aicaressée. Le compartiment est videcomme un lit fait. Des petites filles,trois, me passent par la tête. Je ne lesconnais pas. L’aînée, c’est Lol, ditTatiana.

— Tatiana, dit-elle tout bas.

— Tatiana a été là hier. Vous aviezraison. Admirable Tatiana.

Tatiana est là, comme une autre,Tatiana par exemple, enlisée en nous,celle d’hier et celle de demain, quellequ’elle soit. Son corps chaud et bâillonnéje m’y enfonce, heure creuse pour Lol,heure éblouissante de son oubli, je megreffe, je pompe le sang de Tatiana.Tatiana est là, pour que j’y oublieLol V. Stein. Sous moi, elle devientlentement exsangue.

Le seigle bruisse dans le vent du soirautour du corps de cette femme quiregarde un hôtel où je suis avec uneautre, Tatiana.

Lol, près de moi, se rapproche,se rapproche de Tatiana. Comme ellevoudrai t . Le compart iment auxarrêts reste vide. Nous y sommesencore seuls. [167]

— Vous voulez que je vous emmèneà l’hôtel tout à l’heure.

— Je ne crois pas. J’ai cette envie.Plus.

Ça ne continue pas. Elle prend mesmains que j’avais retirées et les reposesur elle. Je dis, je supplie:

— Je ne peux pas, je dois vous voirchaque jour.

— Je ne peux pas non plus. Il fautfaire attention. Il y a deux jours je suisrentrée tard, j’ai trouvé Jean dans la rue,

b iera reconocido nada . Tomé e lpr imer t ren de regreso .

Basculó toda contra mí, blan-damente, púdicamente. Reclama-ba ser besada ‘sin pedirlo.

—En mis recuerdos de T. Beach yano puedo prescindir de ti.

La cogí por la cintura y la acari-cié. El compartimento está vacíocomo una cama hecha. Unas niñas,tres, cruzan por mi pensamiento. Nolas conozco. La mayor es Lol, diceTatiana. [134]

—Tatiana —dice, en voz muy baja.

—Tatiana estuvo allí ayer. Teníasrazón. ¡Admirable Tatiana!

Tat iana está ahí , como otra ,Tatiana por ejemplo, ____ __ ___la de ayer y la de mañana, sea la quesea. Me hundo en su cuerpo cálidoy vacío, h o r a v a c í a p a r a L o l ,h o r a resplandeciente de su olvido,me incorporo, chupo la sangre de Tatiana.Tatiana está ahí, para que olvide enella a Lol V. Stein. Debajo de mí, pocoa poco, queda exangüe.

El centeno susurra en el viento delatardecer alrededor del cuerpo de estamujer que contempla un hotel en el queestoy con otra, con Tatiana.

Lol, a mi lado, se acerca, seacerca a Tatiana. ¡Le gustaría! Elcompar t imento s igue vac ío enlas paradas. Todavía seguimossolos.

—Quieres que te lleve al hotelahora mismo.

—No lo creo. He tenido ga-nas. Más.

No sigue. Coge mis manos, queyo había retirado, y las vuelve aposar en ella. Digo, suplico:

—No puedo más, he de vertecada día.

—Yo tampoco puedo más. Hay quetener cuidado. Hace dos días regresétarde, encontré a Jean en la calle, es-

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Notes Duras’ Stein tr. de Ana Mª Moix

il m’attendait.

Je doute : m’a-t-elle vu à la fenêtrede l’hôtel, l’avant-dernière fois, cettefois dernière? A-t-elle vu que je lavoyais? Elle parle de cet incidentnaturellement. Je ne demande pas d’oùelle venait. Elle le dit.

— Quelquefois je sors tard, cettefois-là.

— E t v o u s a v e zr e c o m m e n c é ?

— Oui. Mais il ne m’attendait plus.C’est ça qui est grave. Pour ce qui estde nous revoir, on ne pourrait paschaque jour puisqu’il y a Tatiana.

Elle se blottit de nouveau, ferme lesyeux, se tait, attentivement. Soncontentement respire profondément àmes côtés. Aucun signe de sa dif-férence sous ma main, sous mesyeux. Et pourtant, et pourtant. Qui estlà en ce moment, si près et si loin,quelles idées rôdeuses viennent etreviennent la visiter, de nuit, de jour, danstoutes les lumières? en ce momentmême? En cet instant où je pourrais lacroire dans ce train, près de [168] moi,comme d’autres femmes le seraient?Autour de nous, les murs : j’essaie deremonter, je m’accroche, je retombe, jerecommence, peut-être, peut-être, mais maraison reste égale, impavide et je tombe.

— Je voudrais vous parler un peudu bonheur que j’éprouve à vous aimer,dit-elle. J’ai besoin de vous le diredepuis quelques jours.

Le soleil de la vitre est sur elle. Sesdoigts remuent ponctuant la phrase etretombent sur sa jupe blanche. Je nevois pas son visage.

— Je ne vous aime pas cependant jevous aime, vous me comprenez.

Je demande

— Pourquoi ne pas vous tuer?Pourquoi ne vous êtes-vous pas encoretuée?

— Non, vous vous trompez, ce n’estpas ça.

perándome.

Dudo: ¿me vio en la ventanadel hotel, la penúltima vez, estaúltima vez? ¿Vio que yo la veía?Habla de tal incidente con natu-ralidad. No pregunto de dónde re-gresaba. Dice:

—A veces salgo tarde, comoese día.

—¿Lo has vuelto a hacer? ¿Lo hasrepetido?

—Sí, pero él no me esperaba.Eso es lo grave. En cuanto a vol-ver a vernos, cada día es imposi-ble pues está Tatiana.

Se acurruca de nuevo, cierra losojos, calla, con delicadeza. Su conten-to respira profundamente a [135] milado. Ninguna señal de su diferenciabajo mi mano, bajo mi mirada. Y sinembargo, y sin embargo. ¿Quién estáaquí, en este instante, tan cerca y tanlejos, qué ideas vagabundas vieneny vuelven a visitarla, de noche, dedía, a todas horas?, ¿en este mismomomento? ¿En este instante en quepodría creerla en este tren, a mi lado,c o m o e s t a r í a n o t r a s muje re s?A nuestro alrededor, muros: intentot r e p a r , m e a f e r r o , c a i g o ,reincido, quizá, quizá, pero mi razónsigue igual, impávida, y caigo.

— M e g u s t a r í a h a b l a r t e u npoco de la felicidad que siento alamarte —dice—. Necesito decír-telo desde hace días.

El sol de la ventana le da de lleno.Sus dedos se mueven puntuando la fra-se y caen de nuevo sobre su falda blan-ca. No veo su rostro.

—No te amo, sin embargo teamo, ¿me comprendes?

Pregunto:

— ¿ P o r q u é n o t e m a t a s ?¿ P o r q u é n o t e h a s m a t a d oy a ?

—No, te equivocas, no se trata deeso.

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Notes Duras’ Stein tr. de Ana Mª Moix

Elle le dit sans tristesse. Si je metrompe, c’est moins gravement queles autres. Je ne peux me tromper surelle que profondément. Elle le saitElle dit :

— C’est la première fois que vousvous trompez.

— Ça vous plaît?

—Oui. Surtout de cette façon. Vousêtes si près de

Elle raconte ce bonheur d’aimer,matériellement. Dans sa vie de chaquejour, avec un autre homme que moi, cebonheur existe sans drame aucun.

Dans quelques heures ou dans quelquesjours, [169] quand la fin viendra-t-elle? Onva la reprendre vite. On la consolera,on l ’entourera d’affect ion dans samaison de S. Tahla.

— Je vous cache des choses, c’estvrai. La nuit je rêve de vous dire. Maisavec le jour tout se calme. Jecomprends.

— I l n e f a u t p a s t o u t m ed i r e .

— Il ne faut pas, non. Voyez, je nemens pas.

Depuis trois nuits, depuis son voyageà T. Beach, je crains un autre voyagequ’elle ferait. La peur ne se dissipe pasavec le matin. Je ne lui dis pas que jel’ai suivie dans ses promenades, que jevais devant chez elle chaque jour.

— Parfois dans la journée, j’arriveà m’imaginer sans vous, je vousconnais quand même, mais vous n’êtesplus là, vous avez disparu vous aussi;je ne fais pas de bêtises, je me promène,je dors très bien. Je me sens bien sansvous depuis que je vous connais. C’estpeut-être dans ces moments-là, quandj’arrive à croire que vous avez disparuque

J’attends. Quand elle cherche, ellearrive à continuer. Elle cherche. Sespaupières fermées battentimperceptiblement avec son coeur elleest calme, cela lui plait aujourd’hui deparler.

Lo dice sin tristeza. Si me equi-voco lo hago menos gravemente quelos demás. Sólo puedo equivocarmerespecto a ella profundamente. Losabe. Dice:

—Es la primera vez que te equivo-cas.

—¿Te gusta?

—Sí. Sobre todo así. Estás tan cercade

Cuenta esa felicidad de amar,materialmente. En su vida cotidia-na, con otro hombre, esa felicidadexiste sin drama.

Dentro de unas horas o dentrode unos días, ¿cuándo llegará elf inal? La acogerán deprisa. La[136] consolarán. La rodearán de afec-to en su casa de S. Tahla.

—Te escondo cosas, es verdad.Por la noche sueño que te las digo.Pero con el día todo queda en calma.Comprendo.

—No es necesario que me lo cuen-tes todo.

—No, no es necesario, ¿ves?, nomiento.

Desde hace tres noches, desde suviaje a T. Beach, temo que haga otroviaje. El miedo no se disipa con la ma-ñana. No le he dicho que la he seguidodurante sus paseos, que cada día pasopor delante de su casa.

—A veces, durante el día, lo-gro imaginarme sin ti, aunque teconozco, pero ya no estás ahí ,también tú has desaparecido; nohago ton te r ías , paseo , duermomuy bien. Me siento perfectamen-te sin ti desde que te he conoci-do. Quizá sea en esos momentos,cuando llego a creer que has des-aparecido que

E s p e r o . C u a n d o p i e n s a , l o -g r a c o n t i n u a r . P i e n s a . S u sp á r p a d o s c e r r a d o s l a t e n i m -p e r c e p t i b l e m e n t e c o n s u c o -r a z ó n , e s t á t r a n q u i l a , h o y l eg u s t a h a b l a r d e e s t o .

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Notes Duras’ Stein tr. de Ana Mª Moix

— Que je suis le mieux, celle que je dois.

— La souffrance recommenceraitquand?

Elle s’étonne

— Mais. Non.

—Jamais ça ne vous arrive? [170]

Le ton varie, elle cache quelque chose.

—Vous voyez, ça, c’est curieuxn’est-ce pas? Je ne sais pas.

—Jamais, jamais?

Elle cherche.

— Quand le travail est mal fait à lamaison - elle se plaint - ne me posezpas de questions.

— C’est fini.

Elle est calme de nouveau, elle estgrave, elle pense, au bout d’une longueminute voici qu’elle crie cette pensée.

— Ah, je voudrais pouvoir vousdonner mon ingratitude, comme je suislaide, comme quoi on ne peut pasm’aimer, je voudrais vous donner ça.

— Tu me l’as donné.

Elle relève un peu son visage,d’abord étonné puis d’un seul coupvieilli, déformé par une émotion trèsforte qui le prive de sa grâce, de safinesse, le rend charnel. J’imagine sanudité auprès de la mienne, complète,curieusement, pour la première fois, letemps extraordinairement rapide desavoir que si le moment en vient je nepourrai peut-être pas la supporter. Corpsde Lol V. Stein, si lointain, et pourtantindissolublement marié à lui-même,solitaire.

Elle continue à raconter son bonheur.

— La mer était dans la glace de lasalle d’attente. La plage était vide à cetteheure-là. J’avais pris un train très lent.Tous les baigneurs étaient [171] rentrés.La mer était comme quand j’étais jeune.Vous n’étiez pas du tout dans la ville,

—Que soy la mejor, la que debo.

—¿Cuándo volverá a empezar elsufrimiento?

Se sorprende.

—No.

—¿Nunca sufres?

El tono cambia, oculta algo.

—Ya ves, es curioso, ¿verdad? Nolo sé.

—¿Nunca, nunca?

Medita.

—Cuando el trabajo doméstico estámal hecho —se lamenta—, no me pre-guntes.

—Se acabó. [137]

Está de nuevo tranquila, grave, pien-sa, al cabo de un largo minuto, he aquíque exclama este pensamiento:

— ¡Ah!, me gustaría poder dar-te mi ingratitud, qué fea soy, delo cual se deduce que no se mepuede amar, quisiera darte eso.

—Me lo has dado.

Levanta un poco la cara, primerosorprendida, después, de repente, en-vejecida, deformada por una emociónmuy intensa que le quita su gracia,su finura, la torna carnal. Imagino sudesnudez junto a la mía, completa,curiosamente, por primera vez, eltiempo extraordinariamente rápidode saber que si llega el momento nopodré soportarlo. Cuerpo de Lol V.Stein, tan lejano y sin embargoindisolublemente casado consigomismo, solitario.

Sigue hablando de su felicidad.

—El mar estaba en el espejo de lasala de espera. La playa estaba desier-ta a aquella hora. Había cogido un trenmuy lento. Todos los bañistas habíanregresado. El mar estaba como cuan-do yo era joven. Tú no estabas en la

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Notes Duras’ Stein tr. de Ana Mª Moix

même avant. Si je croyais en vouscomme les autres croient en Dieu jepourrais me demander pourquoi vous,à quoi ça rime? Pourtant la plage étaitvide autant que si elle n’avait pas étéfinie par Dieu.

Je lui raconte à mon tour ce qui s’estpassé l’avant-veille dans ma chambre :j’avais bien regardé ma chambre etj’avais déplacé divers objets, comme encachette, et en accord avec la visionqu’elle en aurait eue elle, si elle étaitvenue, et aussi en accord avec sa placeentre eux, elle mouvante, entre euximmobiles. Je les ai imaginés déplacésde si nombreuses fois qu’une souffrances’est emparée de moi, une sorte demalheur s’est logé dans mes mains, àne pas pouvoir décider de la placeexacte de ces objets par rapport à sa vie.J’ai abandonné la partie, je n’ai plusessayé de la mettre vivante dans la mortdes choses.

Je ne la lâche pas tandis que je luiraconte. Il faut la tenir toujours, ne pasla lâcher. Elle reste. Elle parle.

Je comprends ce qu’elle veut me dire: ce que je raconte à propos des objetsde ma chambre, s’est produit avec soncorps, ça l’y fait penser. Elle l’apromené dans la ville. Mais ce n’est plussuffisant. Elle se demande encore où cecorps devrait être, où le mettreexactement, pour qu’il s’arrête de seplaindre. [172]

— Je suis moins loin qu’avant desavoir. J’ai été longtemps à le mettreailleurs que là où il aurait dû être.Maintenant je crois que je me rapprochede là où il serait heureux.

Par son visage et seulement par lui,alors que je le touche avec ma mainouverte de façon de plus en plus presséeet brutale, elle éprouve le plaisir del’amour. Je ne me suis pas trompé. Je laregardais de si près. La chaleur entièrede sa respiration m’a brûlé la bouche.Ses yeux sont morts et quand ils se sontrouverts j’ai eu sur moi aussi sonpremier regard d’évanouie. Elle gémitfaiblement. Le regard est sorti de saplongée et s’est posé sur moi, triste etnul Elle dit:

— Tatiana.

ciudad, ni siquiera antes. Si creyera enti como los demás creen en Dios Po-dría preguntarme por qué tú, ¿a quéviene eso? Sin embargo, la playa esta-ba desierta como si no hubiera sido ter-minada por Dios.

A mi vez, le cuento lo que sucedióla antevíspera en mi habitación: habíainspeccionado bien mi habitación ycambiado varios objetos de sitio, comoa escondidas, y de acuerdo con la vi-sión que ella hubiera tenido de la es-tancia, si hubiera venido, y también deacuerdo con su lugar entre ellos, ellamoviéndose, entre ellos inmóviles. Losimaginé tantas veces cambiados de si-tio que un sufrimiento se apoderó demí, una especie de desdicha [138] ani-dó en mis manos, al no poder decidirel lugar exacto de esos objetos en rela-ción con su vida. Desistí, ya no podíaintentar situarla viva en la muerte delas cosas.

Mientras hablo no la suelto.Hay que cogerla siempre, no sol-tarla. Se queda así. Habla.

Comprendo lo que quiere decir-me: lo que digo respecto a los ob-jetos de mi habitación, se ha pro-ducido con su cuerpo, le da quépensar. Lo ha paseado por la ciu-dad. Pero no basta. Aún se pregun-ta dónde debería estar ese cuerpo,dónde colocarlo exactamente, paraque deje de lamentarse.

—Estoy menos lejos que antes desaber. Durante mucho tiempo he esta-do poniéndolo fuera de donde debierahaber estado. Ahora creo que me acer-co al lugar donde será feliz.

Sólo por su rostro, sólo por él,cuando lo toco con mi mano abiertade modo cada vez más presuroso ybrutal, experimenta el placer delamor. No me he equivocado. La con-templaba de muy cerca. Todo el ca-lor de su respiración me quemaba laboca. Sus ojos están muertos y cuan-do los vuelve a abrir recibo su pri-mera mirada, desmayada. Gime dé-bilmente. La mirada ha surgido de suabismo y se ha posado en mí, triste ynula. Dice:

—Tatiana.

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Notes Duras’ Stein tr. de Ana Mª Moix

Je la rassure.

— Demain. Dès demain.

Je la prends dans mes bras. Nousregardons le paysage. Voici une gare.Le train s’arrête. Une petite ville segroupe autour d’un Hôtel de Villenouvellement repeint en jaune. Ellecommence à se souvenir matériellementdes lieux.

— C’est l’avant-dernière gare avantT. Beach, dit-elle.

Elle parle, se parle. J’écouteattentivement un monologue un peuincohérent, sans importance quant àmoi. J’écoute sa mémoire se mettre enmarche, s’appréhender des formescreuses qu’elle juxtapose les unes auxautres comme dans un jeu aux règlesperdues. [173]

—Il y avait du blé là. Du blé mûr. -Elle ajoute. - Quelle patience.

Ç’avait été par ce train qu’elle étaitrepartie pour toujours, dans uncompartiment comme celui-ci, entouréede parents qui essuient la sueur quicoule de son front, qui la font boire, quila font s’allonger sur la banquette, unemère l’appelle son petit oiseau, sabeauté.

— Ce bois, le train passait plus loin.Il n’y avait aucune ombre sur lacampagne et pourtant il faisait grandsoleil. J’ai mal aux yeux.

— Mais avant-hier il y avait dusoleil?

Elle n’a pas remarqué. Avant-hierqu’a-t-elle vu? Je ne le lui demande pas.Elle se trouve en ce moment dans undéroulement mécanique de reconnaissancessuccessives des lieux, des choses, ce sontceux-là, elle ne peut pas se tromper, noussommes bien dans le train qui mène à T.Beach. Elle rassemble dans un échafaudageq u i l u i e s t m o m e n t a n é m e n tnécessaire, on le dirait, un bois,du blé, de la patience.

Elle est très occupée par ce qu’ellecherche à revoir. C’est la première foisqu’elle s’absente si fort de moi. Pourtant

La tranquilizó.

—Mañana. A partir de mañana.

La cojo entre mis brazos. Contem-plamos el paisaje. Una estación. Eltren se detiene. Una ciudad pequeñase agrupa alrededor de un ayunta-miento recién repintado de amarillo.Empieza a recordar materialmentelos lugares.

—Es la penúltima estación antes deT. Beach [139] —dice.

Habla. Se habla. Escucho atenta-mente un monólogo un tanto incohe-rente, sin importancia respecto a mí.Escucho cómo se pone en marcha sumemoria, cómo aprehende formas hue-cas que yuxtapone unas a otras comosiguiendo un juego cuyas reglas se hanperdido.

—Había trigo, trigo maduro —yañade—. ¡Qué paciencia!

Fue en ese tren en el que partiópara siempre, en un compartimen-to como éste, rodeada de la familiaque secaba el sudor que corría porsu frente, que la hacía beber, quela hacía tenderse en el asiento, unamadre la llama su pajarito, su bo-nita.

—El tren pasaba más lejos de esebosque. No había ninguna sombra enel campo y sin embargo hacía muchosol. Me duelen los ojos.

— ¿ H a c í a s o l a n t e -a y e r ?

No se dio cuenta. ¿Qué vio an-teayer? No se lo pregunto. En esteinstante se halla sumida en un pro-ceso mecánico de reconocimientossucesivos de lugares, cosas, estánahí, no puede equivocarse, nos en-contramos en el tren que se dirigea T. Beach. En un acaloramientoque , d i r í a se , l e e s momen tá -neamente necesario, reúne un bos-que, el trigo, la paciencia.

Está muy ocupada con lo que in-tenta volver a ver. Es la primera vezque se ausenta tanto de mí. Sin em-

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Notes Duras’ Stein tr. de Ana Mª Moix

de temps en temps elle tourne la tête etme sourit comme quelqu’un, il nefaudrait pas que je le croie, qui n’oubliepas.

L’approche diminue, la presse, à lafin elle parle presque tout le temps. Jen’entends pas tout. Je la tiens toujoursdans mes bras. Quelqu’un qui vomit,on le tient tendrement. Je me [174]mets à regarder moi aussi ces lieuxindestructibles qui en ce momentdeviennent ceux de mon avènement.Voici venue l’heure de mon accès à lamémoire de Lol V. Stein.

Le bal sera au bout du voyage, iltombera comme château de cartescomme en ce moment le voyagelui-même. Elle revoit sa mémoire-cipour la dernière fois de sa vie, ellel’enterre. Dans l’avenir ce sera de cettevision aujourd’hui, de cettecompagnie-ci à ses côtés qu’elle sesouviendra. II en sera comme pour S.Tahla maintenant, ruinée sous ses pasdu présent. Je dis:

— Ah je vous aime tant.Qu’allons-nous faire?

Elle dit qu’elle sait. Elle ne sait pas.

Le train avance plus lentement dansune campagne ensoleillée. L’horizons’éclaire de plus en plus. Nous allonsarriver dans une région où la lumièrebaignera tout, à une heure propice, cellequi vide les plages, il sera vers midi.

— Quand vous regardez Tatiana sansla voir comme l’autre soir, il me sembleque je reconnais quelqu’un d’oublié,Tatiana elle-même pendant le bal. Alors,j’ai un peu peur. Peut-être qu’il nefaudrait plus que je vous voie ensemblesauf

Elle a parlé rapidement. Peut-être laphrase a-t-elle été inachevée cettefois-ci par le premier coup de freins del’arrêt : nous arrivons à T. Beach. Ellese lève, va à la vitre, je me lève aussi etensemble nous voyons venir la stationbalnéaire. [175]

Elle étincelle dans la lumièreverticale.

Voici la mer, calme, irisée

bargo, de vez en cuando, vuelve lacabeza y me sonríe como alguienque, no sería necesario creérmelo,no olvida.

La proximidad disminuye, el apre-mio, por fin habla casi todo el rato. Nolo oigo todo. Sigo teniéndola entre misbrazos. A alguien que vomita se le abra-za tiernamente. Empiezo a contemplar,también yo, esos lugares indestructi-bles que en este [140] momento se con-vierten en los de mi advenimiento.Ha llegado el momento de mi acceso ala memoria de Lol V. Stein.

El baile aparecerá al final delviaje, se derrumbará cual casti-llo de arena como en ese instanteel viaje mismo. Por última vez ensu vida se encuentra con su me-moria, la entierra. Lo que recor-dará en el futuro será la imagende hoy, de esa compañía al lado.Será lo que ac tua lmente es S .Tahla, arruinada bajo sus pasosdel presente. Digo:

— Te q u i e r o t a n t o . ¿ Q u éh a r e m o s ?

Dice que sabe. No sabe.

El tren avanza más despacio porun campo soleado. El horizonte seilumina cada vez más. Llegamos auna región donde la luz bañará todo,a una hora propicia, la que vacía lasplayas, será alrededor de mediodía.

— Cuando miras a Tatiana sin ver-la, como la otra noche, tengo la impre-sión de reconocer a alguien a quien heolvidado, la propia Tatiana durante elbaile. Entonces, siento cierto miedo.Quizá sea necesario que no os vea jun-tos excepto

Ha hablado deprisa. Quizá la fra-se haya quedado inacabada, en estaocasión, debido al frenazo de lle-gada: llegamos a T. Beach. Se le-vanta, se acerca a la ventana, melevanto también y juntos vemosacercarse la estación balnearia.

R e s p l a n d e c e e n l a l u zv e r t i c a l .

Aquí está el mar, en calma, irisado

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Notes Duras’ Stein tr. de Ana Mª Moix

différemment suivant ses fonds, d’unbleu lassé.

Le train descend vers elle. Dans lahauteur du ciel, au-dessus, il y a,suspendue, une brume violette que lesoleil déchire en ce moment.

On peut voir qu’il y a très peu demonde sur la plage. La courbemajestueuse d’un golfe est coloréed’une large ronde de cabines de bains.Des hauts lampadaires blancsrégulièrement espacés donnent à laplace l’allure altière d’un grandboulevard, une altitude étrange, urbaine,comme si la mer avait gagné sur la ville,depuis l’enfance.

Au centre de T. Beach, d’uneblancheur de lait, immense oiseau posé,ses deux ailes régulières bordées debalustrades, sa terrasse surplombante,ses coupoles vertes, ses stores vertsbaissés sur l’été, ses rodomontades, sesfleurs, ses anges, ses guirlandes, ses ors,sa blancheur toujours de lait, de neige,de sucre, le Casino municipal.

Dans le crissement aigu et prolongédes freins il passe lentement. Il s’arrête,visible dans son entier.

Lol rit, se moque.

— Le Casino de T. Beach, que je leconnais.

Elle sort du compartiment, s’arrêtedans le couloir, réfléchit.

— On ne va pas rester dans la salled’attente quand même.

Je ris. [176]

— Non.

Sur le quai et dans la rue elle marche àmon bras, ma femme. Nous sortons denotre nuit d’amour, le compartiment dutrain. A cause de ce qui s’y est passé entrenous, nous nous touchons plus facilement,plus familièrement. Je connais maintenantla puissance, la sensibilité de ce visagesi doux - qui est aussi son corps, sesyeux, ses yeux qui voient le sontaussi - noyé dans la douceur d’uneenfance interminable qui surnage àfleur de chair. Je lui dis:

de modo distinto según el fondo, de unazul cansado.

El tren desciende hacia el mar. Enlo alto del cielo, más arriba, hay, sus-pendida, una bruma violenta que el solrasga en este momento.

Vemos que hay muy poca genteen la playa. La curva majestuosa deun golfo está coloreada por un [141]amplio círculo de casetas de baño.Altas farolas blancas regularmenteespaciadas prestan al lugar el aspec-to altivo de un gran bulevar, una al-titud extraña, urbana, como si el marhubiera alcanzado la ciudad, desdela infancia.

En el centro de T. Beach, de una blan-cura lechosa, inmenso pájaro posado, susdos alas regulares rodeadas de balaus-tradas, su terraza suspendida, sus cúpu-las verdes, sus persianas verdesechadas al verano, sus baladres, susflores, sus querubines, sus guirnaldas, susoros, su blancura siempre lechosa, de nie-ve, de azúcar, el Casino municipal.

Con el rechinamiento agudo y pro-longado de frenos avanza lentamente.Se detiene, visible por entero.

Lol ríe, bromea.

—El Casino de T. Beach. ¡Lo co-nozco!

Sale del compartimento, se detieneen el pasillo, reflexiona.

—No nos quedaremos en lasa la de espera .

Río.

—No.

Por el andén y por la calle, caminade mi brazo, mi mujer. Salimos de nues-tra noche de amor, el compartimento deltren. Debido a lo que ha sucedido entrenosotros en el tren, nos tocamos con másfacilidad, con más familiaridad. Ahoraconozco el poder, la sensibilidad de esterostro tan dulce —también lo es su cuer-po, sus ojos, sus ojos que ven tambiénlo son— sumergido en la dulzura de unainfancia interminable que sobrenada aflor de piel. Le digo:

rodomontade — n. 1 boastful or bragging talk orbehaviour. 2 an instance of this. Folie de grandeur,megalomanía,

— adj. boastful or bragging. — v.intr. brag, talk boastfully.rodomontade baladre, adelfa

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— Je vous connais mieux depuisle train.

Elle comprend bien ce que j’entendspar là, elle ralentit, surmonte commeune tentation de revenir en arrière.

— Vous êtes maintenant de cevoyage qu’on m’empêche de fairedepuis dix ans. Que c’était bête.

A la sortie de la gare elle regarde larue d’un côté puis de l’autre, hésite àprendre telle ou telle direction. Jel’entraine vers celle du Casino dont laville, maintenant, cache le corps prin-cipal.

Rien ne se passe en elle qu’unereconnaissance formelle, toujours trèspure, très calme, un peu amuséepeut-être. Sa main est dans la mienne.Le souvenir proprement dit est antérieurà ce souvenir, à lui-même. Elle a d’abordété raisonnable avant d’être folle à T.Beach. Qu’est-ce que je raconte? [177]

Je dis:

— Cette vil le ne vous serviraà rien.

— De quoi je me souviendrais?

— Venez ici comme à S. Tahla.

— Ici comme à S. Tahla, répèteLol.

La rue est large et descend avec nousvers la mer. Des jeunes gens laremontent, en maillots de bain, en robesde couleurs vives. Ils ont le même teint,les cheveux collés par l’eau de mer, ilsont l’air de rejoindre une famille uniqueaux membres très nombreux. Ils sequittent, salut, se donnent rendez-vouspour tout à l’heure, tous sur la plage. Ilsrentrent pour la plupart dans des petitspavillons meublés à un étage, laissentla rue toujours plus déserte à mesurequ’on avance. Des voix de femmescrient des prénoms. Des enfantsrépondent qu’ils arrivent. Lol dévisagesa jeunesse avec curiosité.

Nous sommes arrivés devant leCasino sans nous en apercevoir. Surnotre gauche, à cent mètres, il a été là,

—Después del viaje en tren te co-nozco mejor.

Comprende perfectamente lo quequiero decir, [142] aminora el paso. Su-pera una tentación de volverse atrás.

—Formas parte de este viaje queme han impedido hacer durante diezaños. ¡Qué tontería!

A la salida de la estación mira ha-cia un lado de la calle, luego hacia elotro, duda en tomar tal o cual direc-ción. La llevo hacia el Casino del quela ciudad, ahora, oculta el cuerpo prin-cipal.

Sólo experimenta un reconoci-miento formal, siempre muy puro,muy tranquilo, un poco divertidoquizá. Su mano en la mía. El re-cuerdo propiamente dicho es ante-rior a ese mismo recuerdo. Antesde ser loca había sido razonable enT. Beach. ¿Qué digo?

Digo:

—Esta ciudad no nos servirá denada.

—¿Qué recordaré?

—Llegas aquí como a S. Tahla.

—Aquí como a S. Tahla —repiteLol.

La calle es ancha y desciende connosotros hacia el mar. La remontanjóvenes en bañador, con ropas de co-lores vivos. Tienen el mismo colorde piel, los cabellos pegados por elagua del mar, parecen componer unasola familia de miembros muy nu-merosos. Se separan, adiós, se citanpara luego, todos en la playa. Lamayoría entra en pequeños chaletsde una planta, amueblados, dejanla calle aun más desierta a medi-da que se avanza. Voces de muje-res gritan nombres. Niños respon-den que ya van. Lol observa su in-fancia con curiosidad.

Sin darnos cuenta llegamos de-lante del Casino. A nuestra izquier-da, a cien metros, ahí estaba, en mi-

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Notes Duras’ Stein tr. de Ana Mª Moix

au milieu d’une pelouse que de la garenous ne pouvions pas voir.

— Si on y allait, dit Lol.

Un long couloir le t raverse ,qui ouvre d’un côté sur la mer,et de l’autre sur la place centralede T. Beach.

Dans le Casino municipal de T.Beach, il n’y a personne excepté unedame au vestiaire, à l’entrée, et unhomme en noir qui fait les cent pas lesmains derrière le dos, il bâille. [178]

De grands rideaux à ramages,sombres, ferment toutes les issues, ilsremuent constamment dans le vent quibalaie le couloir.

(Quand le vent est un peu fort, onaperçoit des salles désertes auxfenêtres fermées, une salle de jeu,deux salles de jeu, des tablesrecouvertes de grandes plaques de tôleverte cadenassées.

Lol passe la tête à chaque issue etrit, comme enchantée par ce jeu derevoir. Ce rire me gagne. Elle rit parcequ’elle cherche quelque chose qu’ellecroyait trouver ici, qu’elle devraitdonc trouver, et qu’elle ne trouve pas.Elle vient, revient, soulève un rideau,passe le nez, dit que ce n’est pas ça,qu’il n’y a pas à dire, ce n’est pas ça.Elle me prend à témoin de son insuccèsà chaque retombée d’un rideau, elle meregarde et elle rit. Dans l’ombre ducouloir ses yeux brillent, vifs, clairs.

Elle examine tout. Tout aussi bienles affiches qui annoncent les galas, lescompétitions, que les vitrines de bijoux,de robes, de parfums. Un autre que moipourrait se tromper sur elle en ce mo-ment. Je me trouve spectateur d’unegaieté imprévue, irrésistible.

L’homme qui fait les cent pas vientvers nous, s’incline devant Lol, luidemande si elle a besoin de ses services,s’il peut l’aider. Lol, décontenancée, setourne vers moi.

— Nous cherchons la salle de bal.

L’homme est aimable, il dit qu’àcette heure-ci, [179] bien entendu, le

tad de un césped que no podíamosver desde la estación.

—¿Y si entráramos? —dice Lol.

Lo atraviesa un largo pasillo que,por un lado, [143] se abre sobre el mar,y, por el otro, sobre la plaza más cén-trica de T. Beach.

En el casino municipal de T. Beachno hay nadie excepto una dama en elguardarropa, en la entrada, y un hom-bre vestido de negro que ronda con lasmanos detrás de la espalda, bosteza.

Grandes cortinas rameadas, os-curas, cierran todas las salidas, semueven constantemente al vientoque barre el pasillo.

Cuando el viento sopla más fuertese divisan salas desiertas con ventanascerradas, una sala de Juego, dos salasde juego, mesas cubiertas con grandesláminas de chapa verde cerradas concandados.

Lol asoma la cabeza por todos la-dos y ríe, como encantada con esejuego de volver a ver. Esta risa se mecontagia. Ríe porque busca algo quecreía poder encontrar aquí, que de-bería, pues, encontrar y que no en-cuentra. Va, viene, levanta una corti-na, asoma la nariz, dice que no eseso, que digan lo que digan, no eseso. Me toma por testigo de su fra-caso a cada caída de cortina, me miray ríe. En la sombra de un pasillo susojos brillan, vivos, claros.

Lo examina todo. Tanto los cartelesque anuncian las galas, las competicio-nes, como los escaparates de joyas, de tra-jes, de perfumes. Otro en mi lugar se hu-biera podido equivocar respecto a ella eneste momento. Me siento espectador deuna felicidad imprevista, irresistible.

El hombre que hace la rondase nos acerca, se inclina ante Lol,le pregunta si necesita sus servi-cios, si puede ayudarla. Lol, tur-bada, se vuelve hacia mí.

—Buscamos el salón de baile.

El hombre es amable, dice que aesas horas, por [144] supuesto, el

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Notes Duras’ Stein tr. de Ana Mª Moix

Casino est fermé. Ce soir à sept heureset demie. J’explique, je dis qu’un coupd’oeil nous suffirait parce que noussommes venus ici quand nous étionsjeunes, pour revoir, juste un coup d’oeilc’est ce que nous voudrions.

L’homme sourit, comprend et nousdemande de le suivre:

— Tout est fermé. Vous verrez mal.

Il tourne dans le couloirperpendiculairement au précédent :voilà ce qu’il fallait faire. Lol a cesséde rire, elle ralentit, nous suit à la traîne.Nous y voici. L’homme soulève unrideau, on ne voit pas encore, et ildemande si au fait nous nous souvenonsdu nom de la salle parce qu’il y a dansle Casino deux salles de bal.

— La Potinière, dit Lol.

— Alors, c’est ici.

Nous entrons. L’homme lâche lerideau. Nous nous trouvons dans unesalle assez grande. Concentriquementdes tables entourent une piste de danse.D’un côté il y a une scène fermée pardes rideaux rouges, de l’autre unpromenoir bordé de plantes vertes. Unetable recouverte d’une nappe blancheest là, étroite et longue.

Lol regardait. Derrière ellej’essayais d’accorder de si près monregard au sien que j’ai commencé à mesouvenir, à chaque seconde davantage,de son souvenir. Je me suis souvenud’événements contigus à ceux quil’avaient vue, de similitudes profilantesévanouies aussitôt qu’entrevues dans[180] la nuit noire de la salle. J’ai entendules fox-trot d’une jeunesse sans histoire.Une blonde riait à gorge déployée. Uncouple d’amants est arrivé sur elle,bolide lent, mâchoire primaire del’amour, elle ignorait encore ce que çasignifiait. Un crépitement d’accidentssecondaires, des cris de mère, seproduisent. La vaste et sombre prairiede l’aurore arrive. Un calmemonumental recouvre tout, engloutittout. Une trace subsiste, une. Seule,ineffaçable, on ne sait pas où d’abord.Mais quoi? ne le sait-on pas? Aucunetrace, aucune, tout a é té enseve l i ,Lol avec le tout .

Casino está cerrado. Esta noche a lasdiez y media. Le explico, digo queun vistazo nos bastaría porque ve-níamos aquí cuando éramos jóvenes,sólo echar un vistazo, para volver averlo, eso es lo que quisiéramos.

El hombre sonríe, comprende, ydice que le sigamos.

—Está todo cerrado. Lo verán mal.

Gira por el pasillo perpendicular-mente al anterior: eso es lo que habíaque hacer. Lol ha dejado de reír, ami-nora el paso, nos sigue a remolque.Llegamos. El hombre levanta una cor-tina, no se ve nada todavía, y pregun-ta si, por cierto, nos acordamos delnombre del salón, porque en el Casi-no hay dos salas de baile.

—La Potinière —dice Lol.

—En tal caso, aquí es.

Entramos. El hombre suelta la cor-tina. Nos encontramos en una sala bas-tante grande. Las mesas rodean,concéntricamente, una pista de baile.A un lado hay un escenario cerrado pordos cortinas rojas; al otro, un pasillobordeado de plantas verdes. Una mesacubierta con un mantel blanco está ahí,estrecha y larga.

Lol miraba. Detrás de ella, in-tentaba acoplar de tan cerca mimirada a la suya que empecé a re-cordar, segundo a segundo, su re-cuerdo. Recordé sucesos simultá-neos a los que la vieron, semejan-zas perfi ladas desvanecidas tanpronto como las entreveía en la no-che oscura de la sala. Oí los fox-trotsde una juventud sin historia. Una ru-bia reía a mandíbula batiente. Unapareja de amantes llegó a su lado,bólido lento, mordaza primaria delamor, aún ignoraba lo que eso signi-ficaba. Una crepitación de accidentessecundarios, de gritos de madre, [145]se producen. La vasta y sombría pra-dera de la aurora llega. Una calma mo-numental lo cubre todo, lo engulletodo. Un rastro subsiste, uno. Solo,imborrable, al principio no se sabedónde. Pero, ¿cuál? ¿No se sabe? Nin-gún rastro, ninguno, todo ha sido en-terrado, Lol con todo.

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L’homme marche, va et vientderrière le rideau du couloir, il tousse,il attend sans impatience. Je merapproche de Lol. Elle ne me voit pasvenir. Elle regarde par à-coups, voit mal,ferme les yeux pour mieux le faire, lesrouvre. Son expression estconsciencieuse, butée. Elle peut revoirindéfiniment ainsi, revoir bêtement cequi ne peut pas se revoir.

Nous avons entendu le déclic d’uncommutateur et la salle s’éclaire de dixlustres ensemble. Lol pousse un cri. Jedis à l’homme:

— Merci, ce n’est pas la peine.

L’homme éteint. La salle redevient,par contraste, beaucoup plus obscure.Lol sort. L’homme attend derrière lesrideaux, souriant.

— Il y a longtemps? demande-t-il.

— Oh, dix ans, dit Lol.

—J’étais là. [181]

Il change d’expression, reconnaîtmademoiselle Lola Stein l’infatigabledanseuse, dix-sept ans, dix-huit ans, dela Potinière. II dit:

— Pardon.

Il doit savoir le reste de l’histoireaussi, je le vois bien. Cettereconnaissance échappe complètementà Lol.

Nous sommes sortis par la porte quidonne sur la plage.

Nous y sommes allés sans ledécider. Arrivée au jour, Lol s’estétirée, elle a longuement bâillé. Ellea souri, elle a dit

— Je me suis levée tellement tôt, quej’ai sommeil.

Le soleil, la mer, elle baisse, baisse,laisse derrière elle des marécages bleusde ciel.

Elle s’allonge sur le sable, regardeles marécages.

El hombre camina, va y viene de-trás de la cortina del pasillo, tose, es-pera sin impaciencia. Me acerco a Lol.No me ve ir hacia ella. Mira a inter-valos, no ve bien, cierra los ojos paraver mejor, vuelve a abrirlos. Su ex-presión es concienzuda, terca. Puedever otra vez indefinidamente así, vol-ver a ver tontamente lo que no se pue-de volver a ver.

Hemos oído el disparador de unconmutador y la sala se ilumina condiez arañas juntas. Lol lanza un gri-to. Digo al hombre:

—Gracias. No vale la pena.

El hombre apaga. La sala queda,por contraste, mucho más oscura. Lolsale. El hombre aguarda, sonriente,detrás de la cortina.

—¿Hace mucho tiempo? —pregunta.

—Diez años —dice Lol.

—Estaba aquí.

Cambia de expresión, reconoce a laseñorita Lola Stein. La infatigable bai-larina, diecisiete años, dieciocho años,de la Potinière. Dice:

—Perdón.

También él debe de saber el resto dela historia, me doy perfecta cuenta. Lolno advierte en absoluto tal reconoci-miento.

Salimos por la puerta que da a la pla-ya.

Hemos ido hacia allí sin decidirlo.Al llegar a la luz, Lol se ha despereza-do, ha bostezado prolongadamente. Hasonreído, ha dicho: [146]

—Me he levantado tan temprano quetengo sueño.

El sol, la mar, baja, baja, dejat ras de s í l a s c iénagas azu lesdel c ie lo .

Se tiende sobre la arena, contem-pla las ciénagas.

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Notes Duras’ Stein tr. de Ana Mª Moix

— On va aller manger, j’ai faim.

Elle s’endort.

Sa main s’endort avec elle, posée surle sable. Je joue avec son alliance.Dessous la chair est plus claire, fine,comme celle d’une cicatrice. Elle ne saitrien. J’enlève l’alliance, je la sens, ellen’a pas d’odeur, je la remets. Elle nesait rien.

Je n’essaie pas de lutter contre lamortelle fadeur de la mémoire de LolV. Stein je dors. [182]

Elle dort toujours, dans la mêmeposition. Il y a une heure qu’elle dort.La lumière penche un peu. Ses cils fontune ombre. II y a un peu de vent. Samain est restée à l’endroit où elle s’estendormie, un peu plus enlisée dans lesable, on ne voit plus ses ongles.

Elle se réveille très vite après moi.De ce côté-là il y a très peu de monde,la plage est vaseuse, on se baigne plusloin, à des kilomètres, la mer est trèsbasse, étale pour le moment, au-dessousdes mouettes idiotes piaillent. Nousnous considérons. Notre rencontre estrécente. Nous sommes étonnés toutd’abord. Puis nous retrouvons notremémoire en cours, merveilleuse, fraîchedu matin, nous nous enlaçons, que je laserre, nous restons ainsi, sans nousparler, sans qu’aucun mot puisse se direjusqu’au moment où, du côté de laplage, celui où sont les baigneurs, Lolle visage dans mon cou ne le voit pas, ily a un mouvement de gens, [183] unrassemblement autour de quelquechose, peut-être un chien mort.

Elle se lève, m’entraîne dans unpetit restaurant qu’elle connaît. Ellemeurt de faim.

Nous voici donc à T. Beach, Lol V.Stein et moi. Nous mangeons. D’autresdéroulements auraient pu se produire,d’autres révolutions, entre d’autres gensà notre place, avec d’autres noms, desautres durées auraient pu avoir lieu, pluslongues ou plus courtes, d’autreshistoires d’oublis, de chute verticale

—Vayamos a comer, tengo hambre.

Se duerme.

Su mano se duerme con ella, posa-da sobre la arena. Juego con su anillo.Debajo, la carne es más clara, fina,como la de una cicatriz. No sabe nada.Le quito el anillo, lo huelo, no exhalaningún olor, vuelvo a ponérselo. Ellano sabe nada.

No intento luchar contra la mortalinsipidez de la memoria de Lol V. Stein.Duermo. [147]

Sigue durmiendo, en la misma posi-ción. Hace una hora que duerme. La luzdeclina un poco. Sus pestañas proyec-tan una sombra. Sopla poco viento. Sumano sigue en el mismo sitio donde seha dormido, un poco más hundida enla arena, sus uñas no se ven.

Se despierta muy deprisa, despuésde haberlo hecho yo. Por este lado haymuy poca gente, la playa está cenago-sa, se bañan más lejos, a kilómetros,la mar está muy baja, quieta por el mo-mento, gaviotas idiotas chillan. Nosestudiamos. Nuestro encuentro es re-ciente. Primero estamos sorprendidos.Después recuperamos nuestra memo-ria pendiente, maravillosa, recién fres-ca de la mañana, nos abrazamos, laoprimo, nos quedamos así, sin hablar-nos, sin que se pueda pronunciar nin-guna palabra hasta el momento en que,por la playa, donde están los bañistas,Lol con el rostro en mi cuello no lo ve,se produce un movimiento de gente,una aglomeración alrededor de algo,quizás un perro muerto.

Se levanta, me conduce hacia unpequeño restaurante que conoce. Semuere de hambre.

Aquí estamos, pues, en T. Beach.Lol V. Stein y yo. Comemos. Se hu-bieran podido producir [148] otrosprocesos, otras revoluciones entreotras personas en nuestro lugar, conotros nombres, hubieran podido tenerlugar otras duraciones, más largas omás cortas, otras historias de olvido,

étale estacionaria, quieta, tranquila, calmada

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dans l’oubli, d’accès foudroyants àd’autres mémoires, d’autres nuitslongues, d’amour sans fin, que sais-je?Ça ne m’intéresse pas, c’est Lol qui araison.

Lol mange, elle se nourrit.

Je nie la fin qui va venirprobablement nous séparer, sa facilité,sa simplicité désolante, car du momentque je la nie, celle-là, j’accepte l’autre,celle qui est à inventer, que je ne connaispas, que personne encore n’a inventée :la fin sans fin, le commencement sansfin de Lol V. Stein.

A la voir manger, j’oublie.

Nous ne pourrons pas éviter depasser la nuit à T. Beach. Cette évidencenous arrive dessus pendant que nousmangeons. Elle se cimente à nous, nousoublions qu’il aurait [184] pu en êtreautrement. C’est Lol qui dit:

— Si vous voulez, nous resteronscette nuit ici.

Nous ne pouvons pas rentrer, c’estvrai

Je dis:

— Nous allons rester. Nous nepouvons pas faire autrement.

— Je vais téléphoner à mon mari.Ce n’est quand même pas suffisant queje sois à T. Beach pour qu’il

Elle ajoute:

— Après je serai si raisonnable.Comme je lui ai déjà dit que c’était lafin de notre histoire déjà, est-ce que jene peux pas changer, moi? je le peux,vous voyez.

Elle s’accroche à cette certitude.

— Regardez mon visage, ça doit sevoir, dites-le-moi que nous ne pouvonspas rentrer.

— Ça se voit, nous ne le pouvonspas.

Par vagues successives, sansrépit, ses yeux se remplissent de

de caída vertical en el olvido, de ac-ceso fulminante a otras memorias,otras noches largas, de amor sin fin,¿qué sé yo? No me interesa, Lol tienerazón.

Lol come, se alimenta.

Niego el final que probablementevendrá a separarnos, su facilidad, susimplicidad desoladora, pues desde elmomento en que lo niego, acepto elotro, el que está por inventar, el queignoro, que nadie ha inventado aún:el final sin final, el nacimiento sin finde Lol V. Stein.

Al verla comer, olvido.

No podemos ev i ta r pasar lanoche en T. Beach. Tal eviden-cia se nos impone mientras come-mos. Se cimenta en nosotros, olvi-damos que hubiera podido ser deotro modo. Lol dice:

—Si quieres, esta noche nos queda-mos.

N o p o d e m o s r e g r e s a r , e sc i e r t o .

Digo:

—Nos quedaremos. No pode-mos hacer otra cosa.

—Telefonearé a mi marido. Sinembargo, no basta que esté en T.Beach para que él

Añade:

—Después se ré muy razona-b le . Como ya l e d i j e que nues -t r a h i s to r i a ha tocado a su f in ,¿acaso no puedo cambiar? Pue-do , ya ves .

Se aferra a esa certeza.

— M i r a m i c a r a , d e b e d en o t a r s e , d i m e q u e n o p o d e -m o s r e g r e s a r.

— E s e v i d e n t e , n o p o d e -m o s .

Sus ojos se llenan de lágrimas aoleadas sucesivas, [149] sin tregua,

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Notes Duras’ Stein tr. de Ana Mª Moix

larmes, elle rit au travers, je neconnais pas ce rire.

— Je veux être avec vous, maiscomme je le veux.

Elle me demande d’aller louer unechambre. Elle va m’attendre sur laplage.

Je suis dans un hôtel. Je loue lachambre, je demande, on me répond, jepaie. Je suis avec elle à m’attendre : lamer monte enfin, elle noie lesmarécages bleus les uns après les autres,[185] progressivement et avec unelenteur égale ils perdent leurindividualité et se confondent avec lamer, c’est fait pour ceux-ci, maisd’autres attendent leur tour. La mort desmarécages emplit Lol d’une tristesseabominable, elle attend, la prévoit, lavoit. Elle la reconnaît. [186]

Lol rêve d’un autre temps où lamême chose qui va se produire seproduirait différemment. Autrement.Mille fois. Partout. Ailleurs. Entred’autres, des milliers qui, de même quenous, rêvent de ce temps,obligatoirement. Ce rêve mecontamine.

Je suis obligé de la déshabiller.Elle ne le fera pas elle-même. Lavoici nue. Qui est là dans le lit?Qui, croit-elle?

Allongée elle ne bouge pas. Elle estinquiète. Elle est immobile, reste là oùje l’ai posée. Elle me suit des yeuxcomme un inconnu à travers la chambrelorsque je me déshabille à mon tour. Quiest-ce? La crise est là. Notre situationen ce moment, dans cette chambre oùnous sommes seuls, elle et moi, l’adéclenchée.

— La police est en bas.

Je ne la contredis pas.

— On bat des gens dans l’escalier

Je ne la contredis pas. [187]

Elle ne me reconnaît pas, plus dutout.

ríe a través de esas lágrimas, no co-nozco esa risa.

—Quiero estar contigo, ¡cómo lodeseo!

Me pide que vaya a alquilaruna habitación. Me esperará en laplaya.

Voy a un hotel. Alquilo la ha-bitación, pregunto, me contestan,pago. Estoy con ella, esperando:por fin sube la mar, cubre las cié-nagas azules unas tras otras, pro-gresivamente y con una igual len-titud pierden su individualidad yse confunden con el mar, éstas yalo están, pero otras esperan suturno. La muerte de las ciénagascolma a Lol de una tristeza abo-minable, espera, la prevee, la ve.La reconoce. [150]

Lol sueña con otro tiempo en elque lo que se producirá se produci-ría de otra manera. De otro modo. Milveces. Por doquier. En otra parte. En-tre otros, miles que, lo mismo quenosotros, sueñan con ese tiempo,obligatoriamente. Ese sueño me con-tamina.

Estoy obligado a desnudarla. Nolo hará por sí misma. Hela aquí, des-nuda. ¿Quién está en la cama?¿Quién, cree ella?

Está tendida y no se mueve. Está in-quieta. Está inmóvil, permanece dondela he colocado. Me sigue con la miradacomo a un desconocido a través de lahabitación mientras yo me desnudo ami vez. ¿Quién es? La crisis está ahí.La ha desencadenado nuestra situaciónen este momento, en esta habitación enla que nos hallamos solos, ella y yo.

—La policía está abajo.

No la contradigo.

—Golpean a la gente en la escalera.

No la contradigo.

N o m e r e c o n o c e e n a b s o -l u t o .

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Notes Duras’ Stein tr. de Ana Mª Moix

—Je ne sais plus, qui c’est?

Puis elle me reconnaît mal.

— On va s’en aller.

Je dis que la police nous prendrait.

Je m’allonge auprès d’elle, de soncorps fermé. Je reconnais son odeur. Jela caresse sans la regarder.

— Oh que vous me faites mal.

Je continue. Au toucher je reconnaisles vallonnements d’un corps defemme. Je dessine des fleurs dessus. Elene se plaint plus. Elle ne bouge plus, sesouvient sans doute qu’elle est là avecl’amant de Tatiana Karl.

Mais voici qu’elle doute enfin decette identité, la seule qu’ellereconnaisse, la seule dont elle s’esttoujours réclamée du moins pendant letemps où je l’ai connue. Elle dit

— Qui c’est?

Elle gémit, me demande de le dire.Je dis:

— Tatiana Karl, par exemple.

Harassé, au bout de toutes mesforces, je lui demande de m’aider

Elle m’aide. Elle savait. Qui était-ceavant moi? Je ne saurai jamais. Ça m’estégal. [188]

Après, dans les cris, elle a insulté,elle a supplié, imploré qu’on la reprenneet qu’on la laisse à la fois, traquée,cherchant à fuir de la chambre, dul i t , y revenant pour se fa i recapturer, savante, et il n’y a plus eude différence entre elle et Tatiana Karlsauf dans ses yeux exempts de remords etdans la désignation qu’elle faisaitd’elle-même -Tatiana ne se nomme pas, elle- et dans les deux noms qu’elle se donnait :Tatiana Karl et Lol V. Stein.

C’est elle qui m’a réveillé.

—No sé, ¿quién es?

Después no acierta a identificarme.

—Nos vamos.

Digo que la policía nos detendría.

Metiendo a su lado, al lado de sucuerpo cerrado. Reconozco su olor. Laacarició sin mirarla. [151]

— ¡Oh, me haces daño!

Sigo. Al tocarla reconozco lasondulaciones de un cuerpo de mu-jer. Dibujo flores encima. Ya no sequeja. Ya no se mueve, sin duda re-cuerda que se halla aquí con elamante de Tatiana Karl.

Pero he aquí que al f in dudade tal identidad, la única que re-conoce, la única que ha recla-mado al menos durante e l t iem-po que la conozco. Dice:

—¿Quién es?

Gime, me pide que se lo diga.Digo:

—Tatiana Karl, por ejemplo.

Agotado, al borde de todas misfuerzas, le pido que me ayude:

Me ayuda. Sabía. ¿Quién, an-tes de mí? Nunca lo sabré. Me daigual.

Después, en plena crisis, ha insul-tado, ha suplicado, implorado que latome y que la deje a la vez, acosada,intentando huir de la habitación, dela cama, regresando al lecho para ha-cerse capturar, hábil, y no hay dife-rencia entre ella y Tatiana Karl sal-vo en su mirada exenta de remordi-mientos y en la propia designación—Tatiana no se nombra— y en losdos nombres que se otorgaba: TatianaKarl y Lol V. Stein.

Es ella quien me ha despertado.

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Notes Duras’ Stein tr. de Ana Mª Moix

— Il faudrait rentrer.

Elle était habillée, son manteau mis,debout. Elle continuait à ressembler àcelle qu’elle avait été pendant la nuit.Raisonnable à sa manière puisqu’elleaurait voulu encore rester, qu’elle auraitvoulu que tout recommence et qu’elletrouvait qu’il ne fallait pas. Son regardétait bas, sa voix qu’elle n’élevait pasdu tout s’était ralentie.

Elle va à la fenêtre pendant que jem’habille et moi aussi j’évite de merapprocher d’elle. Elle me rappelle queje dois rejoindre Tatiana à l’Hôtel desBois à six heures. Elle a oubliébeaucoup de choses mais pas cerendez-vous. [189]

Dans la rue nous nous sommesregardés. Je l’ai appelée par son nom,Lol. Elle a ri.

Nous n’étions pas seuls dans lecompartiment, il fallait parler à voixbasse.

Elle me parle de Michael Richardsonsur ma demande. Elle dit combien ilaimait le tennis, qu’il écrivait despoèmes qu’elle trouvait beaux. J’insistepour qu’elle en parle. Peut-elle me direplus encore? Elle peut. Je souffre detoutes parts. Elle parle. J’insiste encore.Elle me prodigue de la douleur avecgénérosité. Elle récite des nuits sur laplage. Je veux savoir plus encore. Elleme dit plus encore. Nous sourions. Ellea parlé comme la première fois, chezTatiana Karl.

La douleur disparaît. Je le lui dis.Elle se tait.

C’est fini, vraiment. Elle peut toutme dire sur Michael Richardson, surtout ce qu’elle veut.

Je lui demande si elle croit Tatianacapable de prévenir Jean Bedford qu’ilse passe quelque chose entre nous. Ellene comprend pas la question. Mais ellesourit au nom de Tatiana, au souvenirde cette petite tête noire si loin de sedouter du sort qui lui est fait.

Elle ne parle pas de Tatiana Karl.

—Tendríamos que regresar.

Iba vestida, con su abrigo puesto,en pie. Seguía pareciéndose a la quehabía sido durante la noche. Razona-ble a su manera puesto que aún desea-ría [152] quedarse, puesto que desea-ría que todo volviera a empezar y pen-saba que no debía. Tenía la miradabaja, su voz, que no alzaba en absolu-to, se había hecho más lenta.

Mien t r a s me v i s to se d i r igea l a ven tana , t ambién yo ev i toace rca rme a e l l a . Me r ecue rdaque debo r eun i rme con Ta t i anaen e l Hô te l des Bo i s a l a s s e i s .H a o l v i d a d o m u c h a s c o s a s ,pe ro no e sa c i t a .

En l a ca l l e nos mi ramos . Lahe l lamado por su nombre , Lol .R í e .

No estamos solos en el com-partimento, hay que hablar en vozbaja.

Me habla de Michael Richardson, apetición mía. Dice cuánto le gus-taba el tenis, que escribía poemasque ella consideraba hermosos.Ins i s to en que s iga hab lando .¿Puede decirme más? Puede. Su-fro por todas partes. Habla. Aúninsisto. Me prodiga dolor con ge-nerosidad. Relata noches en laplaya. Quiero saber aún más. Mecuenta más. Sonreímos. Ha habla-do como la primera vez, en casade Tatiana Karl.

El dolor desaparece. Se lo digo.Calla.

Se acabó, de verdad. Puede contár-melo todo acerca de Michael Richardson,todo lo que ella quiera.

Le pregunto si cree a Tatianacapaz de prevenir a Jean Bedfordde que algo sucede entre nosotros.No entiende la pregunta. Pero son-ríe al nombre de Tatiana, al re-cuerdo de esa cabecita morena tanlejos de sospechar el destino.

No habla de Tatiana Karl. [153]

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Notes Duras’ Stein tr. de Ana Mª Moix

Nous avons attendu que les derniersvoyageurs sortent du train pour sortir ànotre tour.

J’ai quand même ressentil’éloignement de Lol comme une grandedifficulté. Mais quoi? une seconde. Jelui ai demandé de ne pas rentrer tout desuite, qu’il était tôt, que Tatiana pouvait[190] attendre. Envisagea-t-elle lachose? Je ne le crois pas. Elle a dit:

— Pourquoi ce soir?

Le soir tombait lorsque je suis arrivéà l’Hôtel des Bois.

Lol nous avait précédés. Elledormait dans le champ de seigle,fatiguée, fatiguée par notre voyage.[191]

Esperamos a que los últimos via-jeros salgan del tren para salir no-sotros.

Sin embargo, he acusado el ale-jamiento de Lol como una gran di-ficultad. Pero, ¿qué? Un segundo.Le he pedido que no regresara en-seguida, que era pronto, que Tatianapodía esperar. ¿Consideraba lacuestión? No lo creo. Ha dicho:

—¿Por qué esta tarde?

La tarde caía cuando llegué alHôtel des Bois.

Lol se nos había adelantado.Dormía en el campo de centeno,cansada, cansada por nuestro via-je. [154]