Dulong Petit Einstein Debye

22
IPMC Ch. VIII Vibrations de réseau 1 Chapitre VII VIBRATIONS DE RESEAU Le but de ce chapitre est d'étudier les propriétés vibrationnelles des cristaux et leurs propriétés thermiques qui s'en déduisent. Outre l'intérêt physique de la chose, ce chapitre est intéressant car il illustre bien l'évolution des idées physiques dans le courant de ces deux derniers siècles. Nous prendrons comme fil conducteur la chaleur spécifique C v qui est principalement due aux vibrations de réseau, la contribution due aux électrons n'étant importante qu'aux très basses températures (de l'ordre de °K) 1 . 1. La loi de Dulong et Petit Au début du 19e siècle (1819), deux chercheurs français, Dulong et Petit ont remarqué que la chaleur spécifique des corps monoatomiques était voisine de 6 cal/mole/K tandis que pour les solides composés de molécules diatomiques elle était de 12 cal/mole/K et pour les composés polyatomiques elle était de 18 cal/mole/K, soit respectivement 3R, 6R ou 9R (R étant la constante des gaz parfaits). A l'époque l'hypothèse atomique n'était qu'une hypothèse sans vérification expérimentale. A la fin du 19e siècle, des mesures effectuées sur des cristaux monoatomiques "durs" comme le diamant ou le béryllium donnent des valeurs inférieures à la loi de Dulong et Petit. En 1871, Boltzmann fournit une première explication classique dérivée de son principe d'équipartition de l'énergie. L'explication de Boltzmann L'énergie du système s'écrit comme la somme d'une contribution cinétique et d'une contribution potentielle traitée comme un oscillateur harmonique. La règle de l'équipartition de l'énergie dit que, par degré de liberté, la composante cinétique et la composante potentielle valent chacune 1/2 k B T. Considérons un cristal monoatomique. L'atome (supposé ponctuel) n'a que des degrés de liberté de translation, tandis que les molécules ont des degrés de liberté de rotation. H = p x 2 2 m + 1 2 m ω 2 x 2 (7.1) et donc, par le théorème d'équipartition: < p x 2 2 m > = < 1 2 m ω 2 x 2 > = 1 2 k B T (7.2) Et puisque C v = E T = 3 ( 1 2 R + 1 2 R) = 3 R (7.3) 1 Ceci sera vu dans le cours de mécanique statistique de 2e technique.

Transcript of Dulong Petit Einstein Debye

IPMC Ch. VIII Vibrations de réseau 1

Chapitre VII VIBRATIONS DE RESEAU

Le but de ce chapitre est d'étudier les propriétés vibrationnelles des cristaux et leurs propriétésthermiques qui s'en déduisent.Outre l'intérêt physique de la chose, ce chapitre est intéressant car il illustre bien l'évolution desidées physiques dans le courant de ces deux derniers siècles.Nous prendrons comme fil conducteur la chaleur spécifique Cv qui est principalement due auxvibrations de réseau, la contribution due aux électrons n'étant importante qu'aux très bassestempératures (de l'ordre de °K)1.

1. La loi de Dulong et Petit

Au début du 19e siècle (1819), deux chercheurs français, Dulong et Petit ont remarqué que lachaleur spécifique des corps monoatomiques était voisine de 6 cal/mole/K tandis que pour lessolides composés de molécules diatomiques elle était de 12 cal/mole/K et pour les composéspolyatomiques elle était de 18 cal/mole/K, soit respectivement 3R, 6R ou 9R (R étant laconstante des gaz parfaits).A l'époque l'hypothèse atomique n'était qu'une hypothèse sans vérification expérimentale.A la fin du 19e siècle, des mesures effectuées sur des cristaux monoatomiques "durs" comme lediamant ou le béryllium donnent des valeurs inférieures à la loi de Dulong et Petit.En 1871, Boltzmann fournit une première explication classique dérivée de son principed'équipartition de l'énergie.L'explication de BoltzmannL'énergie du système s'écrit comme la somme d'une contribution cinétique et d'une contributionpotentielle traitée comme un oscillateur harmonique. La règle de l'équipartition de l'énergie ditque, par degré de liberté, la composante cinétique et la composante potentielle valent chacune 1/2kB T.Considérons un cristal monoatomique. L'atome (supposé ponctuel) n'a que des degrés de libertéde translation, tandis que les molécules ont des degrés de liberté de rotation.

H =px

2

2 m+

12m ω 2 x2 (7.1)

et donc, par le théorème d'équipartition:

<px

2

2 m> = < 1

2mω 2 x2 > = 1

2 kB T (7.2)

Et puisque

Cv = ∂E∂T

= 3 (12R +

12R) = 3R (7.3)

1 Ceci sera vu dans le cours de mécanique statistique de 2e technique.

IPMC Ch. VIII Vibrations de réseau 2

pour un cristal monoatomique. On voit que dans ce modèle, la chaleur spécifique a une valeurconstante, indépendante de la température. Ceci est incorrect aux basses températures comme onpeut le voir sur la figure 1 ou la chaleur spécifique prend des valeurs plus faibles.Intuitivement, on peut penser que les degrés de liberté ne sont pas tous "activés" à bassetempérature. Par la suite, nous allons voir que les modèles2 d'Einstein, de Debye et des phononspermettent d'affiner la description de la variation de Cv en fonction de la température.

Figure 1. Variation de la chaleur spécifique en fonction de la température absolue. La loi deDulong et Petit correspond à la constante, notée en traits interrompus.

2. Le modèle d'Einstein

Le modèle d'Einstein suppose que les atomes vibrent indépendamment et que, comme Planck l'asuggéré pour l'émission de rayonnement, la vibration se fait par quanta. Il anticipe donc de 20

ans la théorie de l'oscillateur harmonique et ses énergies quantifiées en

En = (n+ 12

) ω0 , n

étant un entier positif.A une température donnée, le nombre moyen n est donné par la formule suivante, issue de lamécanique statistique:

n = 1

eω0

kB T −1

(7.4)

appelée fonction de distribution de Bose-Einstein3.

2 rappelons qu'en physique, un modèle est basé sur certaines hypothèses simplificatrices qui ne sont valables quedans un certain domaine des paramètres.3elle s'applique aux particules de spin entier (0, 1, 2..), appelées bosons.. Pour les spins demi-entiers, on a lastatistique de Fermi-Dirac qui s'applique aux fermions.

IPMC Ch. VIII Vibrations de réseau 3

La chaleur spécifique vaut donc, dans le modèle d'Einstein:

Cv,E = ∂En

∂T = R ω0

kB T⎛

⎝⎜

⎠⎟

2eω0

kB T

eω0

kB T −1⎛

⎝⎜

⎠⎟

2 (7.5)

On voit donc qu'à basse température

ω0

kB T >> 1

Cv,E = R ω0

kB T⎛

⎝⎜

⎠⎟

2

e−ω0

kB T (7.6)

Tandis qu'à haute température (

ω0

kB T << 1 ), on retrouve la loi de Dulong et Petit.

Cv,E ≈ R 1− 112

(ω0

kB T)2

⎝⎜

⎠⎟ (7.7)

1.0

0.8

0.6

0.4

0.2

0.0

2.52.01.51.00.50.0 kBT/hω

Cv/R

CvHT

CvBT

Figure 2. Modèle d'Einstein de la chaleur spécifique (_____) et ses approximations de haute etbasse température.

La limitation du modèle d'Einstein est de ne tenir compte que d'une seule fréquence de vibrationω0. Dès lors, le "gel" des modes de vibration est trop important à basse température comme onle voit sur la figure 3.En fait nous allons voir qu'il existe des modes de vibrations de basses fréquences qui sont desmodes collectifs (les phonons) et qui sont actifs aux basses températures.

IPMC Ch. VIII Vibrations de réseau 4

Figure 3. comparaison des modèles d'Einstein et classique dans le cas du diamant.

3. Les modes de vibration de la chaîne

Nous allons étudier les modes de vibration des chaînes linéaires de complexité croissante. Lepotentiel d'interaction sera considéré sous sa forme la plus simple: le potentiel harmonique entrechaque paire d'atomes voisins du réseau. Il est clair que l'énergie totale des atomes d'un réseauest beaucoup plus complexe et est, en principe, une fonction de toutes les variables de position.L'approximation harmonique est d'autant plus valable que la température est basse.

3.1 Chaîne avec un atome par mailleC'est le cas le plus simple qui permet d'obtenir des résultats intéressants aux bassestempératures. On obtient les phonons acoustiques longitudinaux.Soit une chaîne linéaire d'atomes équidistants d'une longueur a. Nous considérerons une chaînefinie de N atomes avec conditions périodiques (le premier atome est lié au dernier) et en fin decalcul, nous ferons tendre N vers l'infini.Les atomes sont situés en les abscisses xn0 = n a à température nulle4.

a 2a 3 a 4 a 5 ax

En développant l'énergie potentielle totale V (x0, x1, x2, ...) en série,jusqu'au deuxième ordre (approximation harmonique) autour despositions d'équilibre, on obtient l'expression approchée du potentielen fonction des écarts aux positions d'équilibre

un = xn -xn0 = xn -n a (7.8)

4 Nous négligerons, pour le moment, l'agitation quantique de point zéro.

12

3

N-10 = N

IPMC Ch. VIII Vibrations de réseau 5

les écarts un sont longitudinaux puisque le mouvement est imposé le long de la chaîne

V (x0 , x1, x2 ,...., xN −1) = Cte +C2

n=0

N −1

∑ (un − un+1)2 (7.9)

et l'hamiltonien s'écrit alors

H =n=0

N

∑ pn2

2 m+C2

n=0

N −1

∑ (un − un+1)2 (7.10)

Remarques:a) dans l'approximation harmonique, le modèle est celui d'atomes liés entre eux par des ressortsdont la constante de rappel est C (courbure en le point d'équilibre du potentiel interatomiqueV(r))5. Les modes de vibration sont donc collectifs.

b) dans l'approximation d'Einstein, les atomes sont liés par des forces de ressort à leur pointd'équilibre. Ce sont des vibrateurs indépendants comme schématisé sur la figure suivante.

les équations de mouvement des atomes s'écrivent pour l'hamiltonien (7.10):

m un = C (un+1 +un−1 − 2 un ) (7.11)

il s'agit d'un système d'équations couplées que nous allons analyser en série de Fourier

un (t)=A cos (k xn0 -ω t) (7.12)

avec les conditions périodiques (de Born-von Karman)

u0 (t)=uN (t) => ei N k a=1 (7.13)

et donc k est quantifié de la forme

k j = 2 πN a

j , j = 0, 1, 2, ..N-1 (7.14)

5 on notera C et non plus k la constante de force pour éviter la confusion avec le vecteur d'onde k.

IPMC Ch. VIII Vibrations de réseau 6

Remarques:a) Il y a N modes de vibration puisqu'il y a N atomes sur la chaîne et donc N degrés de liberté.b) La quantification disparaît lorsque le nombre d'atomes tend vers l'infini et on obtient unspectre continu.

En remplaçant VIII.12 dans VIII.11, on obtient une relation qui relie la fréquence ω au vecteurd'onde k.

m ω 2 un= C (2-eika -e-ika ) un (7.15)

= 2C (1-cos k a) un

et donc on obtient la relation de dispersion

ω = 2 Cmsin k a

2(7.16)

Cette relation de dispersion est définie dans l'intervalle [0, 2 πa

] ou [-πa

, πa

] qui est appelé

première zone de Brillouin.

1.0

0.8

0.6

0.4

0.2

0.0

3210-1-2-3 k a

ω/ωM

Figure 4. Relation de dispersion pour la chaîne linéaire avec interactions de premiers voisins.

Au-delà de cette première zone de Brillouin, les relations de dispersion se répètentpériodiquement.

On voit qu'il y a des vibrations à toutes les fréquences comprises entre 0 et 2 Cm

.

Les plus basses fréquences correspondent à de grandes longueurs d'ondes: les atomes sont trèspeu déplacés l'un par rapport à l'autre, et donc les énergies mises en jeu sont faibles.

IPMC Ch. VIII Vibrations de réseau 7

Les plus hautes fréquence correspondent à des déplacements où les atomes successifs semeuvent en sens inverse. C'est ce cas qui, évidemment, donne lieu à la plus forte variationd'énergie potentielle.

Limite élastiqueAux longueurs d'ondes élevées par rapport à la distance interatomique k a << 1, la vitesse degroupe et la vitesse de phase sont identiques.

vson =∂ω∂k

≅ωk≅ωM a2

(7.17)

Densité d'étatsLa densité d'états est le nombre d'états par unité d'énergie.A chaque valeur du paramètre k est associée un mode et donc une énergie de vibration. Notonsque k et -k donnent la même énergie ω. Dans un intervalle d'énergie [ω, ω + dω], on a pardéfinition n(ω) dω états

n(ω ) dω = n(k) dk = 2 L

2πdk =

Lπdω / dω

dk(7.18)

et, en utilisant la relation de dispersion (VIII.16), on obtient

dωdk

= ωM a2

cos a k2

= a2

ωM 2 −ω 2 (7.19)

et finalement

n(ω ) = 2 Lπ a

M 2 −ω 2(7.20)

On retrouve la même relation que pour les électrons dans la chaîne linéaire à ceci près quel'énergie E est remplacée par ω2.

On observe donc aussi une singularité de la densité d'états en bord de bande en (ωM −ω )−12 .

D'une manière générale, la singularité en bord de bande est en

IPMC Ch. VIII Vibrations de réseau 8

n(ω ) = (ωM −ω )d−2

2 (VIII.21)

où d est la dimension de l'espace. On retrouvera un comportement similaire pour les électrons.Remarque: la notion de densités d'états ne fait pas appel à la périodicité (voir section 7).

3.1 Chaîne avec deux atomes par mailleDans ce modèle, on voit naître deux types de phonons. En plus des phonons acoustiqueslongitudinaux découvert précédemment, on obtient des phonons optiques longitudinaux.Considérons un cristal unidimensionnel avec deux atomes de masses différentes mA et mB parmaille. appelons un (resp. vn) l'écart, longitudinal, à la position d'équilibre des atomes A (resp.B).

A Ba

L'énergie potentielle s'écrit, dans l'approximation harmonique:

V = Cte +C2

n=0

N −1

∑ (un − vn )2 + C2

n=0

N −1

∑ (vn − un+1)2 (7.21)

la même manière que pour le cas précédant, on obtient les équations de mouvement

mA un = C (vn + vn−1 − 2 un )

mB vn = C (un +un+1 − 2 vn )(7.22)

Les solutions sont exprimées sous la forme (a étant la distance interatomique):

un = U e-iω t e i n k 2 a

(7.23)vn = V e-iω t e i n k 2 a

qui, remplacées dans les équations différentielles, donnent un système de 2 équations en les 2inconnues U et V.

2C − m1ω2 −C (1+ e− i k 2 a )

−C (1+ e− i k 2 a ) 2C − m2ω2

⎛⎝⎜

⎞⎠⎟UV

⎛⎝⎜

⎞⎠⎟= 0 (7.24)

qui a pour deux solutions (en ω2):

IPMC Ch. VIII Vibrations de réseau 9

ω 2 = CmA + mB

mA mB

1 ± 1 − 4mA mB

(mA + mB )2 sin

2 ka⎡

⎣⎢

⎦⎥ (7.25)

Au centre de zoneLorsque k a << 1, on trouve les deux solutions approchées

ω− (k a) =2 C

mA + mB

k a (7.26)

pour la branche acoustique, avec une loi de dispersion linéaire en k et une vitesse du sonanalogue à (VIII.17)

A B

a

et pour la branche optique:

ω+ (k a) = 2 C mA + mB

mA mB

(7.27)

les atomes voisins se déplacent en opposition de phase, le centre de gravité d'une paire ABrestant au repos puisque

UV

= C (1+ e −i k 2 a )2C − m1ω+2

≈ m1

m2

A B

a

Ces vibrations sont appelées modes optiques car, dans le cas de composés ioniques, il s'agit devibrations de dipôles qui peuvent être excitées par des ondes électromagnétiques.

En bord de zone

Lorsque k a ≈ ± π2

, on trouve les deux solutions approchées

ω− (π2) = 2 C

mA

(7.28)

IPMC Ch. VIII Vibrations de réseau 10

ω+ (π2) = 2 C

mB

(7.29)

On voit donc qu'une bande interdite apparaît entre ces deux valeurs et elle est d'autant plus largeque les deux masses sont différentes.

Les modes de vibration de cette dernière sont tels que un+1

un= vn+1

vn= eiπ ≈ -1 (cf. (7.24))

Tous les atomes seconds voisins se déplacent avec la même amplitude et en opposition de phase.Dans la bande de basse énergie (acoustique), les atomes les plus légers sont au repos et seuls lesatomes lourds vibrent. Dans la bande de haute énergie (optique), les atomes les plus lourds sontau repos et seuls les atomes légers vibrent..

Figure 5. Relations de dispersion pour la chaîne linéaire avec 2 atomes par maille.

4. Les modes de vibration à trois dimensions

Outre les phonons longitudinaux, comme représentés ci-après, on obtient les phononstransverses.

IPMC Ch. VIII Vibrations de réseau 11

Figure 6. Phonons longitudinaux.

Figure 7. Phonons transverses.

Dans ce cours d'introduction, nous ne détaillerons pas le calcul, un peu formel, des modes dephonons à 3 dimensions, nous donnerons les relations de dispersion.

IPMC Ch. VIII Vibrations de réseau 12

Figure 8. Zone de Brillouin du cubique à faces centrées (=cellule de Wigner-Seitz du réseaucubique centré).

Figure 9. Relations de dispersion des phonons.

5. L'approximation de Debye

Cette approximation, bien utile pour des calculs de propriétés en fonction de la température,suppose que la densité d'états est constante et égale à sa valeur en ω = 0. On néglige donc lesdétails de n(ω). Pour assurer nombre total d'états exact, on annule la densité d'états n(ω) à unefréquence de coupure appelé fréquence de Debye.On supposera que chaque polarisation (longitudinale et transverse) contribue avec sa proprevitesse du son.La densité d'états est donc égale à

nD (ω ) =V2 π 2

ω 2

v3(7.30)

pour chacune des polarisations, soit au total

IPMC Ch. VIII Vibrations de réseau 13

nD (ω ) =V ω 2

2 π 2

1vl3 +

2vt3

⎛⎝⎜

⎞⎠⎟

(7.31)

On définit la pulsation de Debye ωD (ou la fréquence de Debye νD = ωD /2 π) comme lapulsation à laquelle il faut couper le spectre pourra avoir le bon nombre de degrés de liberté (ici3N-3 ≈ 3N degrés de vibration.

On définit donc ωD par la relation

nD (ω ) dω = 3 N0

ωD∫ (7.32)

soit

V ωD3

6 π 2

1vl3 +

2vt3

⎛⎝⎜

⎞⎠⎟= 3 N (7.33)

et donc

nD (ω ) = 9 Nω 2

ωD3 (7.34)

Figure 10. Densité d'états de vibration du Cu. La courbe continue est le résultat d'un calculcomplet. La courbe interrompue est l'approximation de Debye.

A partir de cette expression, on peut calculer la chaleur spécifique phononique.

IPMC Ch. VIII Vibrations de réseau 14

Elément θD (K) Elément θD (K) Elément θD (K)

Ag 225 Fe 470 Rb 56Al 428 Ge 374 Se 90Au 165 Hg 71.9 Si 645B 1220 K 91 α-Sn 260Be 1440 Li 344 β-Sn 170C (dia) 2230 Mo 450 Ti 420C (gr.) 760 Na 158 U 207Co 445 Ni 450 V 380Cs 38 Pb 105 W 400Cu 343 Pt 240 Zn 327

Table 1. Température de Debye des principaux éléments

Composé θD (K) Composé θD (K) Composé θD (K)

LiF 670 KF 335 CsF 245LiCl 420 KCl 240 CsCl 175LiBr 340 KBr 192 CsBr 125LiI 280 KI 173 CsI 102NaF 445 RbF 267 AgCl 180NaCl 297 RbCl 194 AgBr 140NaBr 238 RbBr 149 BN 600NaI 197 RbI 122 Si02 255

Table 2. Température de Debye de quelques composés.

Figure 11. Chaleur spécifique de l'Yttrium pour ΘDebye = 200K calculée à partir du modèle de

IPMC Ch. VIII Vibrations de réseau 15

Debye.

6. Mesure des spectres de phonons

Les excitations vibrationnelles à la température ambiante ont des énergies qui sont de l'ordre dekBT ( = 0.025 eV à 300K). Or les énergies des neutrons thermiques sont aussi de l'ordre dekBT. La diffusion inélastique des neutrons est donc un outil idéal pour mesurer le spectred'excitations de la matière. Pour étudier les relations de dispersion E(k) des phonons, on utiliseun spectromètre à 3 axes.

Premier axe (M): cristal monochromateurDeuxième axe (S) : échantillonTroisième axe (A): cristal analyseur

Figure 12. Schéma d'un spectromètre trois axes.

Schématiquement, on utilise les relations de conservation de l'énergie et de l'impulsion

Eincident = Ediffusé ± Ephonons(7.35)

kincident = kdiffusé ± kphonons + Ghkl

où Ghkl est un vecteur du réseau réciproque. Le signe + correspond à la création ou àl'annihilation d'un phonon.On peut donc obtenir la relation de dispersion des phonons Ephonons = E(kphonons)

IPMC Ch. VIII Vibrations de réseau 16

Figure 13. Relations de dispersion de phonons pour le Cu dans trois directions de l'espaceobtenue par diffusion inélastique des neutrons (B. Dorner, 1982). Points : donnéesexpérimentales, courbe continue: modèle.

Les rayons X, dont l'énergie est de l'ordre de 10 keV sont très mal placés pour mesurer desénergies de phonons, mais très récemment, à l'ESRF, on a pu effectuer des mesures d'énergiedes rayons X suffisamment précises pour déterminer des différences d'énergie de l'ordre 10meV ou moins (un vrai tour de force). C'est la diffusion inélastique des rayons X.

7. Systèmes non cristallins

Si les relations de dispersion E(k) n'ont plus de sens pour les systèmes qui ne présentent plusd'invariance par translation, par contre, la densité d'états vibrationnelle n(ω) a toujours un sens.Les modes de vibration existent dans les molécules et les systèmes non cristallins mais ilsne sont pas des modes étendus comme dans les cristaux: ce sont des modes localisés. La figure8 montre la densité d'états de vibration du Si amorphe. Elle est comparée à la densité d'étatscalculée, du Si cristallin. On voit que les densités d'états sont assez semblables, celle del'amorphe étant adoucie par effet de désordre. De toute manière les vibrations tombent dans lesmêmes gammes d'énergie, ce qui est normal puisque les énergies de vibration dépendent desforces de ressort interatomiques, quasi identiques dans les cristaux et les amorphes.

IPMC Ch. VIII Vibrations de réseau 17

Figure 14. Densité d'états du cristal mesurée (a), calculée (b) et densité d'états mesurée del'amorphe.

IPMC Ch. VIII Vibrations de réseau 18

Appendice: rappels de mécanique statistique

L'énergie d'un système couplé à un réservoir d'énergie à la température T n'est pas définie maissatisfait à une loi de probabilité due à Boltzmann. La probabilité que le système se trouve dansun état i d'énergie Ei est donnée par

Pr(état i) ∝ e−

EikB T = e− β Ei avec β =

1kB T

(7.36)

Le facteur de normalisation, somme de toutes les probabilités sur tous les états possibles dusystème s'appelle la fonction de partition et se note Z

Z =états i∑ e− β Ei =

énergies Ei∑ gi e

− β Ei (7.37)

où gi est la dégénérescence de l'état d'énergie Ei, c'est à dire le nombre d'états qui ont une énergieEi.

Dès lors les probabilités sont données par les formules

Pr(état i) = e−

EikB T

Zet Pr(énergie Ei ) = gi

e−

EikB T

Z(7.38)

La fonction de partition contient toute l'information sur le système. On peut donc en déduirel'énergie moyenne, la chaleur spécifique, l'entropie, l'énergie libre de Helmholtz.

E = Ei Pii∑ = −

∂ lnZ∂β

(7.39)

et la chaleur spécifique, dérivée de l'énergie par rapport à la température

Cv = −∂ E∂T

(7.40)

L'énergie libre est définie par

F = − kB T lnZ (7.41)

et l'entropie par la formule

IPMC Ch. VIII Vibrations de réseau 19

S = − kB Pi lnPii∑ (7.42)

L'entropie s'exprime assez souvent comme la somme d'un paramètre d'ordre multiplié par lelogarithme de ce même paramètre d'ordre6.

Application : particule quantique libre

Dans le cas d'une particule quantique libre, sans spin, enfermée dans un cube de côté L, avecconditions aux limites périodiques, les solutions de l'équation de Schrödinger sont les ondesplanes

ψk (r ) =1

L32

ei (kx x+ ky y+ kz z )

(7.43)

avec ki = 2 πL

ni où ni est un entier

Alors l'énergie des états quantifiés s'écrit

E (kx ,ky ,kz ) =2

2m(kx

2 + ky2 + kz

2 ) (7.44)

La fonction de partition s'écrit donc

Z = e− β

2

2m4π 2

L2(nx2 +ny

2 +nz2 )

nx ,ny ,nz∑ (7.45)

où encore, en passant à la limite continue (L -> ∞),

Z =L2π

⎛⎝⎜

⎞⎠⎟

3

e− β

2

2m(kx2 + ky

2 + kz2 )

−∞

∫−∞

∫−∞

∫ dkx dky dkz (7.46)

qui donne, après intégration,

Z = L3(2 πmkB T )

32

h3=L3

λ 3(7.47)

6 par exemple dans les alliages Ac B1-c, l'entropie s'écrit comme kB {c lnc + (1-c) ln(1-c)] au premier ordre oùseule la concentration intervient. Au-delà interviennent des termes de paire (paramètre d'ordre de Cowley).

IPMC Ch. VIII Vibrations de réseau 20

où λ= h2 πmkB T

est appelé longueur d'onde thermique de de Broglie. C'est la longueur

d'onde correspondant à une énergie E = kB T.L'énergie moyenne de la particule est

E = −∂ ln Z∂ β

=32kB T (7.48)

et

cv =∂ E∂ T

=32kB (7.49)

C'est la loi d'équipartition de l'énergie. A chaque degré de liberté est associée une énergie de12

kB T . Ici, il n'y a que des degrés de libertés de translation (et pas d'énergie potentielle). La

chaleur spécifique vaut donc cv = 3 R par môle. Dans le modèle de Boltzmann et la loi deDulong et Petit,, il y a une énergie potentielle qui "double la mise", à savoir cv = 6 R par môlepour des particules monoatomiques.

IPMC Ch. VIII Vibrations de réseau 21

Exercices

A. Effet des seconds voisins sur les modes de vibration de la chaîne linéaire.Considérons une chaîne linéaire d'atomes équidistants de a. Les atomes premiers voisins sontreliés par des ressorts dont la constante de force est C1 et les seconds voisins sont reliés par desressorts directs dont la constante de force est C2 ( << C1).

C1 C1 C1 C1

C2

1. Calculer l'énergie totale, par atome, et en déduire les équations de mouvement pour chacun desatomes.2. Etablir la relation de dispersion ω = ω(q)3. Déterminer la vitesse du son4. Etudier la position en q du maximum de la relation de dispersion. Analyser le cas (théorique)où C1 = 0 (seules interactions entre seconds voisins).

B. Modes de flexion d'une chaîne linéaire.On considère une chaîne linéaire dont les atomes, distants de , peuvent se déplacer dans le planxy. Autrement dit, en plus des déplacements longitudinaux, il y a des déplacements transversauxqui donnent lieu à des variations angulaires δφ.

C1

δφy

xL'énergie totale de la chaîne s'écrit

H =p2

2mn∑ +

C2

(unx − un+1

x )2 + B a2

2(δ φn )

2

n∑

n∑

C et B sont des constantes de force pour l'élongation et la flexion respectivement.

1. Etabli, dans la limite des petits déplacements, la relation linéaire reliant la variation angulaireδφn aux déplacements selon y:

δ φn ∝ (2 uny − un−1

y − un+1y )

IPMC Ch. VIII Vibrations de réseau 22

2. Etablir l'équation de mouvement de l'atome n.

3. Déterminer les relations de dispersion des modes longitudinaux ωL(q) et transversaux ωT(q)et les représenter graphiquement dans la première zoner de Brillouin. Peut-on définir deuxvitesses du son (longitudinale et transversale)?

4. Calculer les densités d'états de vibration longitudinale et transversale.

5. Calculer la chaleur spécifique à basse température.

C. Vibrations du réseau carré.Soit un réseau carré de côté a. L'interaction harmonique sera limitée aux premiers voisins. Lazvibration des atomes se fait exclusivement dans la direction z perpendiculaire au plan.

1. Etablir les équations de mouvement des atomes.

2. Déterminer les relations de dispersion des phonons transverses et les représenter dans lesdirections [1 0] et [1 1] de la zone de Brillouin.

3. Calculer la densité d'états de vibration pour des grandes longueurs d'ondes.