ÉDUCATION « Apprendre à oser...œuvre de la plasticienne Laure Krug. E. K. Le jardin a été...

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Région Q JEUDI 2 FÉVRIER 2017 11 A l’ère du Google-stage « POUR CERTAINS, c’est un vrai par- cours du combattant, résume Jean-Luc Schildknecht, le proviseur du lycée Mermoz à Saint-Louis. Au bout de plusieurs refus, les lycéens en quête de stages se découragent. Et tous ne sont pas égaux devant la recherche… » « Nous avons essayé de nous mettre dans la peau d’un jeune » Tous les ans, 600 à 700 élèves se mettent en quête d’un stage, au seul lycée Mermoz. D’abord en cherchant par leur propre moyen. Puis, en se faisant aider par l’équipe pédagogique voire le pôle de stages, qui agit à l’échelle de chaque bassin d’emploi. Depuis la rentrée, un outil supplémen- taire est à la disposition des lycéens ludoviciens. Une application web développée en interne, et qui permet aux élèves bredouilles, en dernière issue, de géolocaliser un stage de professionnalisation dans un panel d’entreprises faisant partie du réseau de l’établissement scolaire. « Je l’avoue, c’est une idée un peu folle. Nous avons essayé de nous met- tre dans la peau d’un jeune, pour trouver le moyen de faciliter cette recherche. Nous nous appuyons sur un réseau de 2 000 entreprises, et nous avons une liste à disposition des élè- ves, Mais les Pages Jaunes, cela ne fonctionne plus et il fallait donner plus de lisibilité à ce fichier», constate le proviseur. Il fallait rendre la recherche plus attractive, « en créant de façon empiri- que mais avec un service civique et en moins de six mois, une application qui permet, un peu comme pour les hôtels ou les restaurants, de géolocaliser un stage sur une carte du territoire. L’élè- ve valide plusieurs critères de sélec- tion, sa formation, l’implantation de l’entreprise et les moyens de s’y rendre (on peut même calculer son itinérai- re), et en retire un listing d’entreprises que son enseignant validera », décrit Jérôme Linher, chef de travaux au Mermoz et développeur de « l’appli ». Celle-ci est expérimentée depuis la rentrée scolaire, et rendue accessible à tous les lycéens et enseignants de l’établissement, avec une moyenne d’une vingtaine de connexions consta- tées par semaine. « Il ne s’agit pas de déresponsabiliser les élèves, en leur donnant tout, mais de faciliter la tâche pour certains, de cibler les filières en souffrance et de réduire les discrimi- nations », insiste Frédéric Lerognon, inspecteur de l’Education Nationale et référent des pôles de stages pour l’Aca- démie. Toujours en cours d’expérimen- tation au Mermoz, « géostage » devrait être mis à disposition d’autres établis- sements de la région qui pourront y greffer leur propre base de données. R JF-OTT Q Le lycée Mermoz organise ses portes ouvertes le samedi 4 février, de 8h30 à 13h. Au lycée Mermoz de Saint-Louis, on trouve ses stages comme on cherche un hôtel sur les applica- tions web. L’application géo-stage permet de géolocaliser des entreprises en fonction de différents critères. DR UNE COUR ORIGINALE À TRUCHTERSHEIM L’école élémentaire de Truchtersheim voit actuellement naître une cour d’éco- le un peu particulière : un Jardin des droits de l’homme. Le projet ludo-péda- gogique est né lors de l’agrandissement de l’école, site bilingue depuis 2008, qui accueille aujourd’hui 127 élèves dans cinq classes bilingues et autant dans des classes monolingues. En avril 2016, les élus ont décidé de réaliser ce jardin divisé en cinq petits espaces consacrés à des thèmes (habitat, santé, culture, identité, éducation) choisis par les élèves, les enseignants, l’association « Regards d’enfants » et des élus muni- cipaux. Ces espaces dédiés à cinq per- sonnages alsaciens (Auguste Bartholdi, Albert Schweitzer, Johannes Gutenberg, Tomi Ungerer et Robert Schuman) permettront d’enseigner l’éducation morale et civique. Coût de la réalisa- tion : 430 000 euros largement subven- tionnée par l’Union européenne, la Région et l’État. La commune jumelée allemande y contribue également en réalisant par exemple une bibliothèque libre-service. Avant Noël, 34 élèves de Truchtersheim et de Welschensteinach ont laissé les empreintes de leurs mains sur les dalles fraîchement bétonnées. « Ils sont les ambassadeurs des deux écoles pour un beau projet européen », note la directrice Christine Lieb. L’ensemble sera complété par une œuvre de la plasticienne Laure Krug. E. K. Le jardin a été créé autour du petit étang existant qui jouxte l’école. PHOTO DNA - EVA KNIERIEMEN ÉDUCATION Innovations pédagogiques « Apprendre à oser » «L a réforme est utile, néces- saire… mais aucune réfor- me n’est suffisante. Il faut penser une dynamique plus qu’une réforme », estime François Taddéi en réponse à une inspectrice de l’Éducation nationale qui l’interrogeait sur les mesures innovantes de la réfor- me du collège, comme l’interdisciplinai- re aujourd’hui généralisé. Chercheur de renommée internationale, François Tad- déi s’est vu confier en 2016 par la minis- tre Najat Vallaud-Belkacem une mission dédiée à l’innovation pédagogique, thè- me de la journée académique Eduinov Strasbourg 2017 organisée hier dans les locaux de l’École supérieure du profes- sorat et de l’éducation (Espé) à Sélestat. « D’une dynamique de contrôle à une dynamique de confiance » Parmi les 66 stands tenus par des pro- fessionnels de l’éducation et des élèves qui présentaient des projets innovants, François Taddéi a été marqué par les sourires qui exprimaient une grande confiance en soi. Un des maîtres mots de François Taddéi qui défend l’idée d’une « école de la confiance ». Ce qui nécessi- te de passer « d’une dynamique de con- trôle à une dynamique de confiance ». Une grande révolution au sein de l’Édu- cation nationale, « une institution fi- gée » par son système hiérarchique. Aussi François Taddéi appelle à prendre des risques, à apporter du vivant. « Il faut créer des cadres de liberté évolutifs et féconds. Il faut penser une dynami- que évolutive dans un monde qui chan- ge », sous l’effet d’une « culture numéri- que plus horizontale qui produit d’autres formes d’autorité ». Et de pour- suivre : « Il faut apprendre à oser. Les élèves osent si on leur en donne la possibilité ». Et l’école « bouillonne d’idées dans l’académie de Strasbourg », a constaté la rectrice Sophie Béjean. Ayant tra- vaillé avec François Taddéi au sein du Comité pour la stratégie nationale de l’enseignement supérieur qu’elle prési- de, la rectrice entend elle aussi dévelop- per l’idée de « la culture du oui », de « la confiance active qui donne le plaisir de faire autrement ». Pour cela, il faut « dé- cloisonner », développer le travail colla- boratif. « L’Éducation nationale est con- servatrice, mais l’école se remet en cause, sait se saisir des opportunités du numérique », assure la rectrice, même si certains professeurs « restent atta- chés aux anciennes pratiques, rechi- gnent aux pratiques innovantes ou se lassent ». Depuis 2008, le Comité de pilotage aca- démique a autorisé 238 innovations et expérimentations pédagogiques. Ces projets sortent du cadre légal des pro- grammes, des enseignements et néces- sitent des dispositifs dérogatoires. La journée d’hier doit permettre aux 250 professionnels présents à Sélestat d’échanger sur ces bonnes pratiques, afin « de faire boule de neige », souhaite la rectrice. Ces innovations, qui peuvent s’inspirer d’autres méthodes, comme celles de la pédagogie Freinet pour la coéducation avec les parents, ou bien de pratiques pédagogiques adoptées par d’autres pays, que ce soit le Canada ou Singa- pour, gagnent du terrain. Les élèves qui en bénéficient en sont les meilleurs am- bassadeurs, comme Marie et Oscar du lycée Théodore-Deck de Guebwiller, qui a lancé en 2015, dans deux classes de seconde, des ateliers de discussion. « Les changements sont notables. On a appris à parler en son nom, nous som- mes plus à l’écoute des autres. La rela- tion avec notre professeur est totale- ment différente, il y a du respect mutuel ». R J.F.C. Inspirée des Community colleges aux États-Unis, la communauté du lycée Albert-Schweitzer de Mulhouse a développé des projets collaboratifs et le fait savoir avec sa propre radio. PHOTO DNA-JEAN-PAUL KAISER De la maternelle au lycée, 238 innovations et expérimentations pédagogiques sont menées dans l’académie. Une soixantaine ont été présentées, hier à Sélestat, lors de la journée Eduinov 2017, afin que ces bonnes pratiques fassent « boule de neige ». CULTURE Q La salle de l’Aubette, à Strasbourg, accueillera le mois prochain une exposi- tion sur le mime Marcel Marceau, qui a grandi dans la cité, sur son art et son héritage. Page 16

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RégionQ JEUDI 2 FÉVRIER 2017 11

A l’ère du Google-stage

« POUR CERTAINS, c’est un vrai par-cours du combattant, résume Jean-Luc Schildknecht, le proviseur du lycée Mermoz à Saint-Louis. Au bout de plusieurs refus, les lycéens en quête de stages se découragent. Et tous ne sont pas égaux devant la recherche… »

« Nous avons essayé de nous mettre dans la peau d’un jeune »Tous les ans, 600 à 700 élèves se mettent en quête d’un stage, au seul lycée Mermoz. D’abord en cherchant par leur propre moyen. Puis, en se faisant aider par l’équipe pédagogique voire le pôle de stages, qui agit à l’échelle de chaque bassin d’emploi. Depuis la rentrée, un outil supplémen-taire est à la disposition des lycéens ludoviciens. Une application web développée en interne, et qui permet aux élèves bredouilles, en dernière issue, de géolocaliser un stage de professionnalisation dans un panel d’entreprises faisant partie du réseau de l’établissement scolaire.

« Je l’avoue, c’est une idée un peu folle. Nous avons essayé de nous met-tre dans la peau d’un jeune, pour trouver le moyen de faciliter cette recherche. Nous nous appuyons sur un réseau de 2 000 entreprises, et nous avons une liste à disposition des élè-ves, Mais les Pages Jaunes, cela ne fonctionne plus et il fallait donner plus de lisibilité à ce fichier», constate le proviseur.Il fallait rendre la recherche plus attractive, « en créant de façon empiri-que mais avec un service civique et en moins de six mois, une application qui permet, un peu comme pour les hôtels

ou les restaurants, de géolocaliser un stage sur une carte du territoire. L’élè-ve valide plusieurs critères de sélec-tion, sa formation, l’implantation de l’entreprise et les moyens de s’y rendre(on peut même calculer son itinérai-re), et en retire un listing d’entreprises que son enseignant validera », décrit Jérôme Linher, chef de travaux au Mermoz et développeur de « l’appli ».Celle-ci est expérimentée depuis la rentrée scolaire, et rendue accessible à tous les lycéens et enseignants de l’établissement, avec une moyenne d’une vingtaine de connexions consta-tées par semaine. « Il ne s’agit pas de déresponsabiliser les élèves, en leur donnant tout, mais de faciliter la tâche pour certains, de cibler les filières en souffrance et de réduire les discrimi-nations », insiste Frédéric Lerognon, inspecteur de l’Education Nationale et référent des pôles de stages pour l’Aca-démie. Toujours en cours d’expérimen-tation au Mermoz, « géostage » devrait être mis à disposition d’autres établis-sements de la région qui pourront y greffer leur propre base de données. R

JF-OTT

Q Le lycée Mermoz organise ses portes ouvertes le samedi 4 février, de 8h30 à 13h.

Au lycée Mermoz de Saint-Louis, on trouve ses stages comme on cherche un hôtel sur les applica-tions web.

L’application géo-stage permet de géolocaliser des entreprises en fonction de différents critères. DR

UNE COUR ORIGINALE À TRUCHTERSHEIM

L’école élémentaire de Truchtersheim voit actuellement naître une cour d’éco-le un peu particulière : un Jardin des droits de l’homme. Le projet ludo-péda-gogique est né lors de l’agrandissement de l’école, site bilingue depuis 2008, qui accueille aujourd’hui 127 élèves dans cinq classes bilingues et autant dans des classes monolingues. En avril 2016, les élus ont décidé de réaliser ce jardin divisé en cinq petits espaces consacrés à des thèmes (habitat, santé, culture, identité, éducation) choisis par les élèves, les enseignants, l’association « Regards d’enfants » et des élus muni-cipaux. Ces espaces dédiés à cinq per-sonnages alsaciens (Auguste Bartholdi, Albert Schweitzer, Johannes Gutenberg,

Tomi Ungerer et Robert Schuman) permettront d’enseigner l’éducation morale et civique. Coût de la réalisa-tion : 430 000 euros largement subven-tionnée par l’Union européenne, la Région et l’État. La commune jumelée allemande y contribue également en réalisant par exemple une bibliothèque libre-service. Avant Noël, 34 élèves de Truchtersheim et de Welschensteinach ont laissé les empreintes de leurs mains sur les dalles fraîchement bétonnées. « Ils sont les ambassadeurs des deux écoles pour un beau projet européen », note la directrice Christine Lieb.L’ensemble sera complété par une œuvre de la plasticienne Laure Krug.

E. K.

Le jardin a été créé autour du petit étang existant qui jouxte l’école. PHOTO DNA - EVA KNIERIEMEN

ÉDUCATION Innovations pédagogiques

« Apprendre à oser »« La réforme est utile, néces-

saire… mais aucune réfor-me n’est suffisante. Il fautpenser une dynamique

plus qu’une réforme », estime François Taddéi en réponse à une inspectrice de l’Éducation nationale qui l’interrogeait sur les mesures innovantes de la réfor-me du collège, comme l’interdisciplinai-re aujourd’hui généralisé. Chercheur de renommée internationale, François Tad-déi s’est vu confier en 2016 par la minis-tre Najat Vallaud-Belkacem une missiondédiée à l’innovation pédagogique, thè-me de la journée académique Eduinov Strasbourg 2017 organisée hier dans leslocaux de l’École supérieure du profes-sorat et de l’éducation (Espé) à Sélestat.

« D’une dynamique de contrôle à une dynamique de confiance »Parmi les 66 stands tenus par des pro-fessionnels de l’éducation et des élèves qui présentaient des projets innovants, François Taddéi a été marqué par les sourires qui exprimaient une grande confiance en soi. Un des maîtres mots deFrançois Taddéi qui défend l’idée d’une « école de la confiance ». Ce qui nécessi-te de passer « d’une dynamique de con-trôle à une dynamique de confiance ».Une grande révolution au sein de l’Édu-cation nationale, « une institution fi-gée » par son système hiérarchique.Aussi François Taddéi appelle à prendredes risques, à apporter du vivant. « Il faut créer des cadres de liberté évolutifset féconds. Il faut penser une dynami-que évolutive dans un monde qui chan-ge », sous l’effet d’une « culture numéri-que plus horizontale qui produit

d’autres formes d’autorité ». Et de pour-suivre : « Il faut apprendre à oser. Les élèves osent si on leur en donne la possibilité ».Et l’école « bouillonne d’idées dans l’académie de Strasbourg », a constaté la rectrice Sophie Béjean. Ayant tra-vaillé avec François Taddéi au sein du

Comité pour la stratégie nationale de l’enseignement supérieur qu’elle prési-de, la rectrice entend elle aussi dévelop-per l’idée de « la culture du oui », de « laconfiance active qui donne le plaisir de faire autrement ». Pour cela, il faut « dé-cloisonner », développer le travail colla-boratif. « L’Éducation nationale est con-

servatrice, mais l’école se remet encause, sait se saisir des opportunités du

numérique », assure la rectrice, même si certains professeurs « restent atta-chés aux anciennes pratiques, rechi-gnent aux pratiques innovantes ou se lassent ».Depuis 2008, le Comité de pilotage aca-démique a autorisé 238 innovations et expérimentations pédagogiques. Ces projets sortent du cadre légal des pro-grammes, des enseignements et néces-sitent des dispositifs dérogatoires. La journée d’hier doit permettre aux 250 professionnels présents à Sélestat d’échanger sur ces bonnes pratiques, afin « de faire boule de neige », souhaitela rectrice.Ces innovations, qui peuvent s’inspirer d’autres méthodes, comme celles de la pédagogie Freinet pour la coéducation avec les parents, ou bien de pratiques pédagogiques adoptées par d’autrespays, que ce soit le Canada ou Singa-pour, gagnent du terrain. Les élèves qui en bénéficient en sont les meilleurs am-bassadeurs, comme Marie et Oscar du lycée Théodore-Deck de Guebwiller, qui a lancé en 2015, dans deux classes de seconde, des ateliers de discussion.« Les changements sont notables. On a appris à parler en son nom, nous som-mes plus à l’écoute des autres. La rela-tion avec notre professeur est totale-ment différente, il y a du respectmutuel ». R

J.F.C.

Inspirée des Community colleges aux États-Unis, la communauté du lycée Albert-Schweitzer de Mulhouse a développé des projets collaboratifs et le fait savoir avec sa propre radio. PHOTO DNA-JEAN-PAUL KAISER

De la maternelle au lycée, 238 innovations et expérimentations pédagogiques sont menées dans l’académie. Une soixantaine ont été présentées, hier à Sélestat, lors de la journée Eduinov 2017, afin que ces bonnes pratiques fassent « boule de neige ».

CULTUREQ La salle de l’Aubette, à Strasbourg, accueillera le mois prochain une exposi-tion sur le mime Marcel Marceau, qui a grandi dans la cité, sur son art et son héritage. Page 16

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