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DumêmeauteurchezHugo&Cie:FixedonYoutome1FoundinYoutome2

Celivreestunefiction.Touteréférenceàdesévénementshistoriques,despersonnagesoudeslieuxréelsseraitutiliséedefaçonfictive.Lesautresnoms,personnages,lieuxetévénementssontissusdel’imaginationdel’auteur,ettouteressemblanceavecdespersonnagesvivantsouayantexistéseraittotalementfortuite.

Pourlaversionoriginale:©2014,LaurelinPaige

Pourlaversionfrançaise:Photodecouverture:©KevinDodge/Masterfile/Corbis

Graphisme:ArianeGalateau

OuvragedirigéparCarolinedeHugoCollectiondirigéeparHuguesdeSaintVincent

©2015ÉditionsHugoRomanDépartementdeHugo&Cie

34/36rueLaPérouse,75116Pariswww.hugoetcie.fr

ISBN:9782755620269

CedocumentnumériqueaétéréaliséparNordCompo.

SOMMAIRE

Titre

Copyright

Chapitreun

Chapitredeux

Chapitretrois

Chapitrequatre

Chapitrecinq

Chapitresix

Chapitresept

Chapitrehuit

Chapitreneuf

Chapitredix

Chapitreonze

Chapitredouze

Chapitretreize

Chapitrequatorze

Chapitrequinze

Chapitreseize

Chapitredix-sept

Chapitredix-huit

Chapitredix-neuf

Chapitrevingt

Chapitrevingtetun

Chapitrevingt-deux

Chapitrevingt-trois

Epilogue

Remerciements

CHAPITREUN

J’ai inspiré à fond, les yeux rivés sur la porte de l’appartement numéro trois cent

douze.Jenesavaispasencoresijesouhaitaispoursuivreouenresterlà.D’ailleurs,jenemesouvenais même pas d’avoir décidé de venir jusqu’ici – pourtant j’y étais, et mon cœurbattait la chamade. J’avais les mains moites, en pesant le pour et le contre. Devais-jefrapperàcetteporte,oupas?

Seigneur,pourquoiétais-jesinerveuse?Peut-être devais-je prendre le temps de souffler un peu. De respirer. Inspire, expire.

Inspire, expire. Je regardai autour de moi. Le long couloir était désert. Les murs étaientcouvertsd’œuvresd’artdansdescadresdorés.Despétalesderoseavaientétééparpilléssurle paillasson d’une porte, un peu plus loin. Les vestiges d’un grand élan romantique.Mignon.

J’entendisl’ascenseurquis’ouvrait,jevisuncoupleensortiretsedirigerverslecouloirà l’opposé. L’homme, vêtu d’un beau costume, avait délicatement posé sa main dans lecreux des reins de la femme. Ses longs cheveux blonds étaient coiffés en chignon,impeccables.Mêmededos,ilsétaientmagnifiques–laforcedeleuramourétaitévidente.

Cela dit, je voyais de l’amour partout ces temps-ci. Peut-être était-ce dû àmon étatd’esprit.

Jeme tournaidenouveauvers laporte,devantmoi.Elleavaitbeauêtrebanale,ellemesemblaitvouloirannoncerunemauvaisenouvelle.

Bon.Autants’endébarrassertoutdesuite.Jeramenaimonsacàmainsurmonépauleetfrappaicontreleboisverni.J’attendisun

moment sansquepersonnene réponde. Je collaimonoreille contre laporte– rien.Peut-êtrem’étais-je trompée d’appartement. J’ouvris lamain dans la paume de laquelle j’avaisécrit l’adresseà lahâte,austylo rouge,maismasueur l’avaiteffacée.Peu importe. J’étaispersuadéed’êtreaubonendroit.

–Essayezlasonnette,ditunevoixd’hommeauboutducouloir.

– La sonnette ? je demandai en tournant la tête, mais il était déjà rentré dans sonappartement.

Je n’avais pas remarqué de bouton. Pourtant, en cherchant à nouveau sur lemur àcôtédelaporte,j’aifinipartrouverunepetitesonnetteronde.Bizarre,jenel’avaispasvueenarrivant.Jelevaiunemaintremblanteetj’appuyaidessus.

Degrosaboiementsretentirent.Jesursautai,moncœursemitàbattreplusviteencore.Je n’avais pas peur des chiens, mais j’étais déjà si nerveuse que la surprise avait encoreamplifiémonstress.J’entendisdesmouvementsàl’intérieurdel’appartement,puisunevoixautoritairequirabrouaitlechien.Quelquessecondesplustard,laportes’ouvrit.

LevisagedeStacyétaitbienplusaccueillantqued’habitude,et son sourire tellementchaleureuxmefit frissonner.Elleportaitun t-shirtdélavéetun jean–rienàvoiravec lesvêtementshautecouturequ’elleportaithabituellementdans laboutiquedeMirabelle.Elleétaitpiedsnusetsesorteilsétaientpeintsenrose.Ellesemblaitdétendueet trèsà l’aise–toutlecontrairedemoi.

–Tuesvenue!s’exclama-t-elle,toutsourire.–Oui,ilfautcroire.Ellenefitpasungestepourmepermettred’entreretjerestaiplantéelà,malàl’aise.

Pouvait-elle entendre mes genoux qui s’entrechoquaient, tellement j’avais les jambes quitremblaient?J’enétaiscertaine.

–Oh!Désolée!Viens,entre.Ellefitenfinunpasdecôtépourmelaisserpasser.J’avançai à l’intérieur avant de m’arrêter pour observer son appartement. Il était

sympa.PascommelepenthousedeHudson–enfin,lenôtre–,maisplusbeauquelestudiodans lequel je vivais, avenue Lexington.Mais il était complètement froid. Et parfaitementbien rangé, à l’exception de la table de la cuisine surma gauche, qui était recouverte depilesdepapiers–unpeucommelebureaudeDavidauSkyLaunch.

–Parici.Stacyme fit signe dem’asseoir sur le canapé du salon. C’était lemême que celui du

bureaudeHudson–encuirmarronavecd’énormesaccoudoirs.Ilm’avaittellementpluquej’enavaisachetéuneversionmoinschèrepourlebureauduclub.D’ailleurs,Hudsonetmoil’avions baptisé peu de temps avant, avec une partie de jambes en l’air digne d’un filmclasséX.Celui deStacy, lui, n’était pasmoins cher, et ellemeparaissait tropprudepourl’avoirbaptiséavecquiquecesoit.

Cependant,jetrouvaisétrangequenousayonstouslesmêmesgoûts.Enmêmetemps,c’étaitsurtoutlefaitdedécouvrirlesgoûtsdeStacyquiétaitbizarre.Qu’est-cequejefaisaislà ? Une boule d’angoisse dans mon estomac m’indiquait que j’avais pris la mauvaisedécisionenvenantlavoir.J’auraisdûpartirsur-le-champ.

Saufque jene lepouvaispas.Quelquechosemeretenait–c’étaitcommesi jeportaisdes chaussures métalliques sur un sol aimanté. Bien sûr, je savais que tout ça se passait

dansmatêteetquejepouvaispartiràtoutmoment.Etmalgrétout,jerestaislà.Jemeredressaipourmedonnerunecontenance,avantdem’enfoncerdanslecanapé,

tellementprofondémentquemesgenouxétaientplushautsmes fesses. J’avais l’air – et jemesentais–parfaitementridicule.Lepeud’assurancequimerestaitvolaenéclats.

–Oh,désolée,s’excusaStacy.Lesressortssontcassés.Décale-toiunpeu,tuserasmieuxsurlecôté.

Toute gênée, je me glissai vers l’extrémité du canapé et me rassis lentement.Heureusement,là,lesressortsétaientintacts.

Stacy s’assit sur le fauteuil en face demoi.Un gros chat gris vint se frotter contre sajambeen sifflantdansmadirection. Jeme suis souvenueduchienque j’avaisentendu. Jebalayailapièceduregardsansenvoirlamoindretrace–Stacyavaitdûl’enfermerquelquepart. C’était étrange, d’avoir deux animaux dans un si petit appartement. En outre, jen’auraisjamaisimaginéqu’ellepouvaitaimerlesanimaux.

Mais jene l’aurais jamais imaginée en jeans et en t-shirtnonplus. J’étais simplementnerveuse,voilàtout.

–Jepeuxt’offrirquelquechoseàboire?Del’eau?Unthéglacé,peut-être?– Non, merci, répondis-je en croisant les jambes. D’ailleurs, je n’ai pas beaucoup de

temps.Sionenfinissaitaveccettehistoire?Jementais,biensûr.Jen’avaisnullepartoùaller.Monchauffeurnem’attendaitpas,

puisquej’avaisprislemétro,pourqueJordannerévèlepasàHudsonoùj’étaisallée.Jenevoulaispasqu’illesache.

–Oui,biensûr,répondit-elle.Elle se leva et se dirigea vers sa télévision. Je remarquai que son ordinateur y était

connecté.Lorsqu’ellel’alluma,sonbureaus’affichasurlegrandécran.Le chat, qui avait perdu la jambe de Stacy, décida de la remplacer par la mienne.

Super. Maintenant j’allais avoir plein de poils gris sur mon pantalon noir. CommentexpliquerçaàHudson?Ilallaitfalloirquejemechangeavantqu’ilneleremarque.

Stacysemitàparlertoutenparcourantlesdossiersdesonordinateur.–Honnêtement, jen’étais pas certaineque tu viennes.Tune semblais pas intéressée.

J’aiétésurprisederecevoirtonmessage.–Ouais,jen’étaispassûredevenir,moinonplus.Maismacuriositéaprisledessus.Merde,qu’est-cequejefaisaislà?Était-iltroptardpourpartir?Non,ilneseraittrop

tardque lorsqu’elle auraitmis la vidéoenmarche,mais jenepouvaispas fairedemi-tourmaintenant, n’est-ce pas ? Je me demanderais toujours quels secrets Stacy connaissait àproposdeHudson.

Peut-êtreaurais-jedûenparleràHudsonavantdeveniricivoircettevidéo?–J’avaistoutprévuaucasoùtuviendrais.Jedoisjustechargerledossier–attends.Il

estquelquepartparici.

J’aieu l’impressionqueStacycherchait lavidéopendantdesheures.Chaquesecondeduraituneéternité,etjenepouvaism’empêcherd’imaginercequerenfermaitlavidéo–despreuves de la trahison de Hudson. J’essayais de penser à autre chose, mais c’étaitimpossible.

J’avaisdéjàrongéunebonnepartiedemesonglesquandjedécidaienfindemettrefinàcettehorribletension.

–Peut-êtrepourrais-tumedirecequ’ilyasurlavidéoenattendantdelatrouver.–Ohnon, jenepourraispas faireça, répondit-elleenmesouriant.Tunemecroirais

pas.Mais fais-moi confiance. Ça changera ta façon de voir Hudson. C’est unmenteur, tusais.

Ellenem’avaitjamaisautantsouri.C’étaitcommesielleprenaitunmalinplaisiràmevoirsouffrir.Commesielleseréjouissaitàl’idéedefoutreenl’airmarelationavecl’hommequej’aimais.

–Hudsonn’estpasunmenteur.Jeluifaisconfiance.C’étaitmoi,quiluiavaismenti.Hudsonn’avaitpasarrêtédemeprouverqu’ilméritait

maconfiance.–Tuvasvoir,répondit-elle.Son assurancemedonnait la chair de poule. Elle ne pouvait pas avoir raison, c’était

impossible.JeconnaissaisHudsonetjesavaisqu’ilnemecachaitrien.–Ah!Jel’aitrouvée!s’exclamaStacyd’unevoixchantante.Tuessûrequetuneveux

rienavantdecommencer?Del’eau?Unthéglacé?Jeserrailamâchoire,lenœudquej’avaisàl’estomacseresserraitàchaquesecondequi

passait.–J’aiditnon,merci.–Dupop-corn,peut-être?demanda-t-elleenéclatantderire.J’adoremangerdupop-

cornenregardantlatélé.Dupop-cornoudesM&M’s.–Écoute,Stacy.Jenesuispaslàpourm’amuser.Tuasditquetuavaisquelquechose

à me montrer qui changerait ma perception de Hudson. Tu crois que cette situationm’amuse?

C’était ridicule. Qu’est-ce que je foutais là – dans le dos de Hudson, qui plus est ?C’était à lui que j’auraisdûparlerde cette vidéoau lieud’aller la voir en cachette. Jenesavaismêmepas si jepouvaisme fierà cette femme.Peut-êtreque tout celan’étaitqu’unpiège.

–Jen’airienàfaireici.Jedoisyaller,dis-jeenmedirigeantverslaporte.–Non!Attends!Çacommence,regarde,s’exclamaStacy.De nouveau, ma curiosité prit le dessus. Je me retournai vers la télé. L’écran était

presquenoir,maisonpercevaitunevoixétoufféeenarrière-plan.Peuàpeu, lavoixse fitplusprésente.C’étaitcelledeHudson.

–Je teveux,mabelle.Je ferai toutpour teconquérir.Dis-moiceque jedois faire.Jeferaitoutcequetuveux.Jenepeuxpasvivresanstoi.

L’écran était toujours sombre, mais je reconnaissais ces paroles. Il me les avait ditesplustôt,auclub.

–C’estquoicetteblaguetordue?jem’écriai.–Unpeudepatience,gloussaStacy.L’écrancommençaàs’éclairciretl’imagedevintplusnette.Hudsonétaitallongésurle

lit, dos à la caméra, complètement nu. J’observai Stacy du coin de l’œil, j’étais furieusequ’elleaitvumonhommeàpoil–maislesparolesdeHudsonmeramenèrentàlavidéo.

–Jediraitoutcequetuveux,mabelle.Ilfautquetufassespartiedemavie.Ces paroles m’étaient familières, pourtant je n’avais jamais vu cette scène. Je ne

connaissaisni ce lit, ni cette chambre. Jen’étaispasdans cette vidéo. Je secouai la tête –non,non,non.Cesmotsétaientàmoi.Sabelle,c’étaitmoi!Àquilesdisait-il?

La caméra bougea, zoomant sur Hudson. Je retins ma respiration en m’attendant àdécouvrirquisetrouvaitaveclui,toutenrefusantd’enavoirlaconfirmation.

Cependant, lorsque la caméra se rapprocha de lui, l’image devintmoins nette. Je nepouvaispluspercevoircequisepassaitàl’écran.C’étaitcommeregarderàtraversunpare-brise sale ou un objectif embué. Je clignai des yeux à plusieurs reprises. Je voulaisdésespérément découvrir ce qui se passait, découvrir qui était avec lui. Ça allaitprobablementm’anéantir,maisj’avaisbesoindelesavoir.

Jemesuisavancéeversl’écranetjemesuismiseàletaperdupoingcommesij’allaisainsirendrel’imageplusnette.

–Montre-moi,bonsang!jecriai.Montre-moicequetucaches!

CHAPITREDEUX

Je me réveillai en nage, paniquée. Mon cœur battait la chamade. Je savais que ce

n’étaitqu’unrêve,maismalgrécela,mesémotionsétaientvivesetintenses.Cen’étaitpas lavidéodemonrêvequim’angoissait.C’était cequipouvait se trouver

surlavidéodeStacy,danslavieréelle.Ellem’avaitditqu’elleavaitlapreuvequeHudsonetCeliaavaientétéensemble.Plustôtdanslasoirée,j’avaisignorésonmessage,maisj’avaispeut-êtreeutort,puisqu’ilenvahissaitmoninconscient.

J’ai regardé Hudson, endormi dans le lit à côté de moi. D’habitude, pendant sonsommeil,ilrestaitblotticontremoi.Sachaleurmemanquait,cequiexacerbamonangoisse.Cependant,pournepasleréveiller,jemesuisretenuedemeblottirdanssesbrasetjemesuislevée.J’aienfilémarobedechambreetjesuisalléedanslasalledebain.

J’éclaboussai mon visage d’eau fraîche et je respirai lentement pour essayer de mecalmer.Jen’étaispashabituéeàfairedescauchemars.Mêmeaprèslamortdemesparents,mes rêvesavaient toujours étédouxet tranquilles.Monespritobsessionnel travaillaitdéjàtellement lorsque j’étais éveillée – je n’avais pas besoin de libérer mes angoisses pendantmonsommeil.

Mais je n’avais pas d’obsession en cemoment. J’étais amoureuse et heureuse. Certes,nous avions encore des problèmes à régler. La semaine passée avait été stressante etdéprimante, parce queHudson était au Japon et que la suite de notre relation était plusqu’incertaine.Jeluiavaiscachécertaineschosesetjen’étaispassûrequ’ilparviendraitàmepardonner complètement. Lui aussi m’avait trahi – en virant David, le manager du SkyLaunch, et en ne prenant pasma défense. Il avait préféré écouter lesmensonges de sonamied’enfance,quim’avaitprisepourcibledanssonjeusadique.

Jesavaisquenotreamourpouvaitêtreplusfortquenoserreurs.Ilm’avaitmontréqu’ilenétaitconscient;luiaussi,lorsqu’ilm’avaitfaitlasurprisededébarquerauclubpourmeprouverunenouvellefoissonattachementànotrecouple.Iln’avaitpasditlesmotsquejerêvais d’entendre, mais je n’en avais pas besoin. Son amour pour moi était flagrant. Je

l’avaissentilorsqu’ilm’avaitfaitl’amoursurlapistededanse–tendrement,attentivement.Nous étions engagés à long terme – c’était désormais évident, et le savoir aurait dû medébarrasserdemonangoisse.

Maisnousn’avionspas réglénosproblèmesde confiance, et c’était cequime rendaitnerveuse.Enplus, ilyavaitcettevidéo.Quemontrait-elle?Est-cequejevoulaisvraimentlavoir?Était-ceunpiège,ouétait-ceimportant?

Çame gênait suffisamment pour me faire douter, au point d’y penser pendant monsommeil.

Cen’estrien.Çan’affecterapasmarelationavecHudson.Hélas,jen’arrivaispasàm’enconvaincre.–Qu’est-cequinevapas?Hudsonme fit sursauter, mais mon cœur battait déjà tellement vite ! Je lui jetai un

regard par-dessusmon épaule, ilme regardait depuis la porte. Il était égal à lui-même –sexy et distant. Un frisson parcourutmon corps, comme chaque fois que je le voyais nu,mêmelorsquejenepensaispasàfairel’amouraveclui.Jememordislalèvrelorsquemonregard se promena sur tout son corps. Peut-être que l’idée de faire l’amour n’était pas sibête,aprèstout.

Ils’approchademoietsesyeuxgrisinterrogèrentlesmiensdanslerefletdumiroir.–Est-cequeçava?Jefaillismentir,maisjechangeaid’idée.J’avaisunedeuxièmechanceaveccethomme,

et si nous voulions que cela fonctionne, nous allions devoir faire des efforts pourcommuniquer.

IlfallaitquejeluiparledelavidéodeStacy.J’allaislefaire,ilmefallaitjustequelquesminutespourmecalmer.

–J’aifaituncauchemar,etmaintenantjen’arriveplusàdormir.–Tuveuxmeraconter?demanda-t-ilenfronçantlessourcils.–Oui,maisplustard,répondis-jeenbaissantlesyeux.Ilpassasesbrasautourdematailleetm’embrassasurlatête.–Hmm…Etsijetefaisaiscoulerunbonbainenattendant?–Çamesembleraitdivin.JemesuisappuyéecontreladouchependantqueHudsonsepenchaitpourouvrirles

robinets.Jenepusm’empêcherd’admirersoncorpsferme,dem’imaginerentraindeléchersesabdosetdemordrelacourbedesesfesses.

Illevalatêteversmoi.–Espèced’obsédée.–Tumerejoins?luidemandai-jeavecunsourirelourddesous-entendus.–Danstaperversionoudanslebain?–Lebain,jerétorquaienfouettantsesfessessplendidesavecuneserviette.

–Jesuispartantpourlesdeux,répondit-il.Il était trois heures du matin, nous étions en semaine. Il travaillait dans quelques

heures.Etilétaitencorejetlagué.Etmalgrétoutcela,ilcontinuaitàprendresoindemoi.Ilétaittoujoursprésent.Mêmequandjel’avaisrejetéetenvoyéauJapon,ils’étaitinquiétéàl’idéedemesavoirseule–ilavaitenvoyésasœurmevoiretavaitappeléleconciergepourqu’ilmefassepassersesmessages.M’habituerais-jeunjouràautantd’attention?

Probablementjamais,non.Je défismon peignoir et le suspendis aumur enme délectant du regard torride que

Hudsonpromenaitsurmoi.Jetrempaiunorteildansl’eau.Latempératureétaitparfaite–presquetropchaude,commejel’aimais.Jem’assisdanslabaignoire,puisjemepenchaienavantpour laisserde laplaceàHudsonderrièremoi.Nousn’avionsencore jamaisprisdebainensemble.C’était étrange, cette impressiond’avoirvécu tantdechosesavec lui, alorsquenous avions encore tellementdepremières foisdevantnous !Enmême temps, savoirque notre couple était encore jeune et que nous avions plein de choses à découvrir meréconfortait.

Lorsqu’ilfutinstallé,jem’appuyaicontresapoitrine,etilfrottasonnezcontremajoue.–Quec’estbon,dit-il.–Latempératureestjustecommej’aime.Mesmusclessedétendaientdéjàdanslachaleur,etlatensionprovoquéeparmonrêve

commençaitàsedissiper.– Je parlais du fait que tu es dans mes bras, poursuivit Hudson d’une voix douce,

commesisesparolesétaientdifficilesàcomprendre.Tum’asmanqué.Mon Dieu, lui aussi m’avait manqué. C’était l’une des raisons pour lesquelles je me

sentais si nerveuse. Je me remettais à peine de notre séparation, et mon esprit dressaitencorelalistedecequej’avaisfailliperdre,c’est-à-diretout.

J’avais presque tout perdu, voilà pourquoi les prétendues preuves de Stacym’angoissaient tant. Toutes mes questions restées sans réponses ne m’aidaient pas à mesentirmieux.Nousavionsencoreénormémentànousdire.

Nousrestâmesimmobilesunbonmoment.Lorsquel’eaucommençaàrefroidir,Hudsonpritunedesbouteillesdegeldoucheposéessurlebordenmarbredelabaignoire.Ilversadanssamainunegouttedegeldoucheàlafleurdecerisier–monnouveauparfumpréféré–etsemitàmemasseravecdelentsmouvementscirculaires.Lorsqu’ileneutterminéavecmesbras,ilmepoussadélicatementenavantpourmelaverledos,puisilm’attiracontreluietmefitplierlesjambespourpouvoiratteindretouteslespartiesdemoncorps.

Ilfinitparmonventreetmesseins,surlesquelsils’arrêtalongtemps,enlesmalaxantavec justeassezde forcepour fairepointermes tétons. Ilmordillait le lobedemonoreillelorsqu’unedesesmainscommençaàdescendreversmespartiesintimes.Jesentisalorssonsexedurcircontremesfesses,etjen’eusplusaucundoutesursesintentions.

Maisavanttoutechose,nousdevionsparlerensemble.Sirienn’étaitgraveaupointdemettreendangernotreavenircommun,c’étaitquandmêmetrèsimportantpourmoi.

Jemeretournaipourlechevaucheretjeprissesmainsdanslesmiennes.–Onadeschosesàrégler,Hudson.–Ahbon?s’étonna-t-ilenhaussantunsourcil,sonregardrivésurmesseins.– Oui, répondis-je en baissant la tête pour lui faire lever les yeux. Qui est-ce qui va

dirigertonclub?–Toi,dit-ilsimplementensouriantd’unairnarquois.Je souris mais je n’acquiesçai pas. Cependant, je ne le contredis pas non plus. Il

prétendait vouloir me confier la direction du Sky Launch, mais j’étais convaincue que cen’étaitqu’uneexcusepoursedébarrasserdeDavidLindt.D’ailleurs,ilavaitréussi,puisqueDavidpartaitdansunedizainedejourspourreprendreundesclubsdeHudsonàAtlanticCity. Sur le coup, çam’avait rendue folle de rage,mais je commençais àm’y faire. Jemerendaiscompte,àprésent,quec’était lameilleuresolutionpossible.Travailleravecsonexauquotidienn’étaitpasvraimentunebonneidée.Aprèstout,jen’auraispasaiménonplusqueHudsontravailleavecl’unedesesex.

Çanesignifiaitpaspourautantquej’étaisprêteàprendrelatêteduSkyLaunch.Maisje ne voulais pas non plus céder ma place à quelqu’un d’autre. Peut-être valait-il mieuxremettre cette question à plus tard, à un moment où la queue de Hudson ne serait pasdresséecontremonsexepourmefaireperdretoutemavolonté.

Commesesmainsétaienttoujourscaptivesdesmiennes,Hudsondécidademeséduireavecseslèvres.Ilsepenchaenavantetpritmonseindanssabouche.Jepoussaiunsoupirdeplaisir,moncorpssepréparaàluicéder.Maismonespritrestaitpréoccupé.

–QuelleestlaprochaineétapeavecCelia?Seslèvreslâchèrentmontéton.–Tuessérieuse?TuasenviedeparlerdeCeliamaintenant?– Je n’ai jamais envie de parler d’elle. Mais j’ai besoin d’être certaine qu’elle ne

représentepasunemenacepourmoi,admis-jeenavalantlenœudquis’étaitsoudainformédansmagorge.Unemenacepournous.

Je ne m’étais pas rendu compte à quel point je craignais encore l’influence qu’ellepouvaitavoirsurnotrecouple.

–Hé, commençaHudsonenprenantmonvisage entre sesmains.Celian’est pasunemenace.Ellen’aaucunepreuve tangibledecequ’elleavance,elleneporterapasplainte.Quandbienmêmeelleleferait,jeserailà,àtescôtés.Tulesais.

–Etàl’avenir?jedemandaienhochantfaiblementlatête.– C’est simple. Nous ne la verrons plus. Nous ne lui parlerons plus. Nous ne

répondronsplusàsese-mails.–Nous?

Biensûrquejenelaverraiplus.Jedétestaiscettegarce.MaisHudson,enrevanche…–Oui,nous.Jeneveuxpersonnedansmaviequisoitcontrenous.Unenouvellevagued’angoissem’enveloppa.–Tamèreaussiestcontrenous,tusais.Peut-êtreallais-jetroploin.SophiaPierce,aussimonstrueusequ’ellepuissesemontrer

avecsonfilsetmoi,seraitprobablementtoujoursdanssavie,etjeneluidemanderaijamaisde couper les ponts avec elle. Bien que je ne l’apprécie pas, j’étais bien obligée dereconnaîtresonimportancedanssafamille.

–Jesais,soupiraHudson.Maisaumoinsellen’essaiepasdesaboternotrerelation.Etsi jamais elle essayait, j’en aurais fini avec elle. Tu es la seule personne qui compte pourmoi.

–Merci,dis-jeen l’embrassant tendrement.Mais j’espèrequenousn’enarriveronspaslà.J’aimeraisqu’elleetmoipuissionsnousentendre,unjour.

Mon frère et moi ne nous étions réconciliés que très récemment. Ça m’avait faitbeaucoupdebien.J’avaisdumalàimaginerqu’ilsepasselamêmechoseentreHudsonetSophia,maispourquoipas,aprèstout?

Mes pensées revinrent à Celia. Ses raisons de me faire un aussi sale coup restaientencoreunmystèrepourmoi.

–Pourquoia-t-ellefaitça,Hudson?Pourquoinousenveut-elleàcepoint?–Cen’estpascontrenousqu’elleena.Elleestencolèrecontremoi.–Encore?Pourcequetuluiasfaitilyatoutescesannées?Mon cœur se serra en voyant le regard tourmenté deHudson. Il avait honte de son

passé,etilluiétaitimpossibledetournerlapage.Macolèrepritledessussurmonchagrin.–Jemefichedecequetuaspu lui faire.C’estunegarce.Cequ’ellea fait,elle,était

dégueulasse,horrible,et inacceptable.Surtoutqu’elleprétendêtretonamie.Est-cequ’elleestencoreamoureusedetoi?Est-cequec’estça,leproblème?

Hudsonbaissalesyeux.–Siellepenseêtreamoureusedemoi,tefairedumaln’estpaslemeilleurmoyenpour

meconquérir.–Entoutcas,ellesecomportecommeuneamanteblesséeetjalouse.–Mais iln’yaaucune raison,dit-il encaressantma joue.Celiaetmoin’avons jamais

étéensemble.Iln’yajamaisrieneu.Àpart…poursuivit-ild’unevoixplusdouce.Àpartcequej’aifeintderessentirpourelle.

–Ellesaitquecen’étaitpasvrai, répondis-je,horrifiéede levoirencoresi tourmenté.Etc’étaitilyamilleans.Mêmesielleessaiedesevenger,est-cequ’ellenel’apasdéjàfaiten couchant avec ton père et en t’obligeant à dire que tu étais le père de son enfant ?Pourquoitunem’enaspasparlé,d’ailleurs?

–J’auraisdû,répondit-ilsuruntonpleinderegrets.

–Oui,tuauraisdû.ÇaauraitexpliquétantdechosessursarelationavecsonpèreetCelia.Aulieudecela,

cettehistoireavaitconstituéunénièmemurentrenous–mêmesic’étaitmoilaresponsabledelaplupartdessecretsentrenous.Etjeleregrettaisamèrement.

Hudsonretirasesmainsdesmiennesetleslaissaglisserlelongdemataille.–Maisàmesyeux,cen’étaitpasàmoiderévélercesecret.–D’accord,jecomprends.Jefrissonnaiquandilempoignameshanches.Ilcommençaitàs’impatienter.Ilvoulait

plus. Il avait envie de moi. Nous allions bientôt nous arrêter de parler, je le sentais.Pourtant,jedevaisencoreaborderlesujetdecettevidéo.

–Mais il va falloir que certaines choses changent entre nous. Il faut qu’on puisse separler.Tu aurais aumoinspumedire que tu avais debonnes raisonsdenepas lui faireconfiance.Desraisonspourlesquellesjenedevaispasluifaireconfiance.

–Ettuauraispurespectertapromessedenepaslavoir.– Oui, je sais. Nous devons changer tous les deux et jouer cartes sur table, Hudson.

Autantquepossible.Noussommesensemble,maintenant,pourlemeilleuretpourlepire,etnousdevonsycroire.Nousnepouvonspasnouspermettred’avoirpeurdenossecretsetde nos passés. Tous les deux. Honnêtes. Deux livres grands ouverts. Parfaitementtransparents.

–Rienàcacher?Parfaitementnus?–Quelpervers!– Je ne vais pas te contredire, dit-il en se penchant pour laper une goutte d’eau sur

montéton.Lorsqu’ils’agitdetoi,jesuisleplusgrosperversquisoit.J’esquissaiunsourireencoin,enfrétillantdeplaisir.–Hudson,arrête.Jesuissérieuse.–Jesais,affirma-t-ilenreculantdanslabaignoire.Etjesuisd’accordavectoutceque

tuasdit.Ilfautquel’onsoithonnêtesl’unenversl’autre.– Tant mieux, poursuivis-je en levant la main pour l’empêcher de continuer son

manège.Attends.J’aiencorequelquechoseàdire.–D’accord,quoi?Ils’impatientaitmaisfaisaitdesonmieuxpourlecacher.Jefaillisdéciderderemettreà

plus tard, mais le souvenir de mon cauchemar et l’angoisse qu’il avait suscitée mepoussèrentàpoursuivre.

–Ques’est-ilpasséentreStacyettoi?Ilaeul’aircomplètementperdu.–Stacy?LaStacydeMirabelle?–Oui.

–Ilnes’estrienpassé,dit-il,perplexe.Qu’est-cequetuveuxdire?Tumedemandessijesuissortiavecelle?Jel’aiemmenéeàungaladecharitéilyaenvironunan.Maissinon,rien.

Ilmarquauntempsd’arrêt.– Et je n’ai pas couché avec elle, s’empressa-t-il d’ajouter avant que je n’aie pu le lui

demander.Saréponseétaitréconfortante,maiscen’étaitpaspourcelaqueStacym’inquiétait.– A-t-elle une raison de vouloir se venger de toi ? Quelque chose qui expliquerait

pourquoiellenetefaitpasconfiance?–Non,pasquejesache,répondit-ilensecouantlentementlatête.–Ellen’apasfaitpartiedetesvictimes?–Victimes?C’estcommecelaquetudésigneslesgensavecquijemesuisamusé?–Peut-êtrequecen’estpasletermeleplusapproprié,dis-jeengrimaçant.–Si,si.C’estletermeadapté.C’estjustequecen’estpasagréableàentendre.–Jesuisdésolée.–Nelesoispas,répondit-il.C’estmonpassé, jedoisvivreavec.Pourquoimeposes-tu

cesquestions?Je pris une profonde inspiration. Nous avions décidé de jouer cartes sur table, après

tout.– La dernière fois que j’étais chez Mira, Stacy m’a dit qu’elle avait une vidéo qui

prouvait quelque choseàproposdeCelia et toi.Ellene l’avait pas sur elle,donc je lui aidonnémonnumérodetéléphonepourqu’ellepuissemecontacterplustard.

–Ladernièrefoisqu’onétaitchezMirabelle,ensemble?–Ouais.Ellem’apriseàpartquandtuesallémechercherdeschaussures.Tusaisde

quoielleparle?Jescrutaisonvisagepouressayerdedeviners’ilmentait.–Aucuneidée.Soitc’étaitvraimentunbonacteur,soitilnesavaitvraimentpasdequoijeparlais.–Ellenet’apasditcequemontraitcettevidéo?demanda-t-il.–Non.Seulementqu’elle l’avaitetquecelamemontreraitpourquoi jenepeuxpaste

faireconfiance,répondis-jeavantdememordrelalèvre.Etellem’aréécritcesoir.Oupeut-êtrelasemainedernière,quandjen’avaispasdetéléphone–jen’aieusonmessagequecesoir.

Jem’attendais à ce qu’ilme demande pourquoi je ne lui en avais pas parlé plus tôt,maiscenefutpassaquestion.

–Quedisaitsonmessage?–Quelavidéoétaittroplourdepourqu’ellel’envoieetquejedevaislacontactersi je

voulaislavoir.

–Et…est-cequetuasenviedelavoir?demanda-t-ilaprèsunmomentderéflexion.–Non.Enfin,si.–Oui,rectifiai-je.Oupas,jenesavaispas.–Jenesaispas.Jedevraislavoir?finis-jepardemander.–Ehbien…commença-t-ilensefrottantlesbras.Tusaisdéjàquetunepeuxpasfaire

confiance à Celia. Et Stacy ne peut rien avoir surmoi que tu ne saches déjà. Tu connaismieuxmessecretsetmonpasséquequiconque.Tumeconnais,Alayna.

–C’estvrai.–Alors,àmoinsquetunemefassespasconfiance…–Si,j’aiconfianceentoi.Situmedisquejen’aipasderaisonsdem’inquiéter…–Jetelepromets,dit-ilenplongeantsonregarddanslemien.Jerestaisilencieuseunmoment.Aprèslesavoirprononcées,jenepourraispasrevenir

sur mes paroles. Il me faudrait oublier cette vidéo et passer à autre chose. Cela allait àl’encontredetoutesmestendancesobsessionnelles…Étais-jecapabled’yarriver?

PourHudson,oui,jem’ensentaiscapable.–Danscecas,jen’aipasbesoindelavoir,dis-jeensouriant.Cefutplusfacileàdirequejenelepensais.Etj’étaisconvaincuedecequej’avaisdit.

Jen’avaispasbesoindepreuvespoursavoirquiétaitHudson,nicequ’ilreprésentaitpourmoi.

Jefussurprisedevoiràquelpointjemesentaismieux,aprèsavoirmiscettevidéodecôté.Ellenepesaitplussurmesépaules,mêmesij’étaisencoreunpeunerveuse–maiscelaaussidisparaîtraitprobablementavecletemps.

Hudsonsereculaetm’embrassasurlementon.–Merci.–Dequoi,aujuste?–D’avoirétéhonnêteavecmoi,répondit-il.Tun’étaispasobligéedem’enparler,ettu

l’asfaitquandmême.–J’étaissérieuse,Hudson.Jeveuxqu’onseparledavantage.Qu’onsedisetout.– Je vois cela. Etmoi aussi je suis sérieux. La seule façon d’aller de l’avant, c’est de

s’engageràcentpourcent,dit-ilenlevantlesyeuxversmoi.C’estbienlecas?Sa question était simple,mais elle véhiculait un poids énorme – bien plus lourd que

lorsqu’ilm’avaitdemandéd’êtresacopineoud’emménageraveclui.Pourtant,jerépondislecœurléger,sûredemoi:

–Oui.–Pourmoiaussi.

Ilcapturaalorsmaboucheaveclasienne.Ilsuçatendrementmalèvreinférieureavantdeplongersalanguepourcaresserlamienne.Jepassailesbrasautourdesoncoupourmerapprocherdelui.Sonsexedurcitetlemiensecontracta.

Sans que ses lèvres quittent lesmiennes, lamain deHudsondescendit surmon sein.Sescaressesétaientdivines,ilsavaitêtretendreetbrutalàlafois.Uncrim’échappaquandilpinçamontéton.J’étaistellementconcentréesurcequ’ilfaisaitàmapoitrinequejenemerendaispascomptedecequefaisaitsonautremain, jusqu’àcequejesentesonpouce surmonclitoris.Jetressaillisdeplaisir,mesgenouxseserrèrentsurseshanches.Jesentaisdéjàmonbas-ventresecontracter,prêtàexploserdeplaisir.C’étaitsirapide–troprapide.

Je grimpai sur lui et j’enlevai sa main de mon sexe pour retarder mon orgasme. Jevoulaisjouirenmêmetempsquelui.Hudsonfermaàdemilesyeux,jesurvolaisonsexeenérectionen l’effleurant. Je lecaressaiuneseule fois,avantdebasculermonpoids surmesgenoux. Ainsi installée au-dessus de lui, je glissai lentement sur sa verge en gémissant,tandisqu’ellem’emplissaitcomplètement.

Jerestaiimmobileuninstant,assisesurlui,laissantletempsàmoncorpsdes’adapteràsataille,desedétendrepourluifairedelaplace.Bonsang,quec’étaitbon.C’étaitaussisimplequecela:sanslemoindremouvement, ilmeparaissaitfaitpourmoi,commesisonpénisavaitétéconçupourmonsexe,etpourluiseulement.Cettepenséeintensifiaencoreledivinplaisirqu’ilm’offrait.Jefrissonnai.

Ilfinitparremuer.Ildevenaitimpatient.Mesmouvementsfurentd’abordtrèslentspuisilsdevinrentplusvolontaires.Mesmainsagrippèrentsesépaules,pourmepermettredemesouleveretdemerenfonceraveclaforcequeHudsondésirait–quejedésirais.Trèsvite, ilempoigna mes fesses pour amplifier mes mouvements. Puis il bloqua mes hanches pourm’empêcherdebougeretsoulevasonbassinpourfaireenmoidesmouvementscirculairesetamplifiersesva-et-vient.

–Ilfauttoujoursquetuprennesledessus?jedemandai,àboutdesouffle.Çanemegênaitpaslemoinsdumonde,bienentendu–j’adoraisqu’ilmecontrôleainsi.

–Situveuxquel’onjouisseensemble,oui,dit-ilenesquissantunsourire.–Etlequeldenousdeuxnejouiraitpassituneprenaispaslecontrôle?jedemandai

lorsquejefusdenouveauenmesuredeparler.–Toi.Ilresserrasesmainssurmeshancheset,commes’ilvoulaitprouvercequ’ilavançait,il

mepénétraplusprofondémentencore,touchantunpoint–lepoint–quimefaisaittoujourschavirer,queseulluipouvaittrouver,etqu’iltrouvaitàchaquefois.

Monorgasmearrivaviolemmentetmepritpar surprise. Jegémis,plantaimesonglesdanssapeauenmelaissantsubmergerparl’extase.

Hudson ne ralentit pas son rythme tandis que je m’écroulai sur lui. Au contraire, ilaccélérasescoupsdebassin,puisiljouitensefrottantcontremonclitoristoutenéjaculant

en moi, ce qui arracha un nouveau frisson à mon corps, déjà presque complètementtétanisé.

Ilm’embrassadanslecouenreprenantsonsouffle,puissurlajoueavantdeseposersur mes lèvres qu’il embrassa tendrement, pendant que les rythmes de nos cœurss’efforçaientderalentir.

Ilreculasonvisageetplongeasonregarddanslemien.–Alayna?demanda-t-ilenprenantmesjouesdanssesmains.Qu’ya-t-il,mabelle?Il me fallut un instant pour comprendre sa question et me rendre compte que des

larmescoulaientsurmesjoues.Soudain,dessanglotsincontrôlablesm’échappèrent,commesiuneprofondetristesseenfouiesedéversaitbrusquement.Gênée,etincapabled’expliquermeslarmes,jemedépêchaidesortirdubain.

–Alayna,parle-moi.Ilétaitdéjàderrièremoi,ilenveloppaitdansuneserviettemoncorpsquidégouttaiten

inondant le tapis de bain. Je secouai la tête et m’enfuis dans la chambre. Hudson mepoursuivitetm’attrapaparlesbras.

–Parle-moi.Qu’est-cequ’ilya?Toutmon corps suait l’angoisse. Cette douleur n’était pas nouvelle – je la portais en

moidepuisplusieursjours,sanslalaissers’exprimer.NidevantHudson,nipourmoi-même.–Tu.M’as.Vraiment.Blessée,jeparvinsàarticulerentredeuxsanglots.–Là,maintenant?– Non, rétorquai-je en déglutissant. J’essayais deme calmer pour pouvoir parler. Tu

m’asvraimentblessée.AvecCelia.Lorsquetul’ascrue,plutôtquemoi.Madouleurétaitvive. Ilavaitbeaus’êtreexcusé,nousavionsbeauêtreensemble, les

traces de sa trahison n’avaient pas disparu. J’avais voulu tourner la page avant que lablessurenecicatrise,etellevenaitdeserouvrir.

–Oh,Alayna,dis-moi,répondit-ilenm’attirantdanssesbras.Raconte-moitout,j’enaibesoin.

–Ça faitmal,Hudson.Tellementmal.Mêmesi tuesavecmoi,maintenant. Ilyauntrou.Unmanqueprofond.Trèsprofond.

Soncorpsseraiditetjecomprisqu’ilpartageaitmapeine.–Jesuisdésolé.Tellementdésolé.Si jepouvaisrevenirenarrière…Jeferaisunautre

choix.–Jesais.Jesais,Hudson.Maistun’aspasfaitd’autrechoix.Ettunepeuxpasrepartir

enarrière.Plusmadouleur remontait à la surface,plusmavoixprenaitde l’ampleur, commesi

j’étaisentraindevomir.Jenepouvaisplusm’arrêter.Sansquittersesbras,jereculaiunpeu.–Jenepourraijamaisoublier,jedis,enplongeantmonregarddanslesien.

–Non,jesais,répondit-ilenrepoussantmescheveuxmouillés.–Çachangeleschoses.Celamechange,moi.–Commentça?demanda-t-il,inquiet.–Çamerendvulnérable,expliquai-je.Sansdéfenses.À cet instant, je me suis rendu compte qu’il était entièrement nu, ce qui était assez

bienvenu puisque moi aussi, je me sentais parfaitement nue, malgré la serviette qui merecouvrait.

–Ettusais,maintenant,poursuivis-jeenm’étouffant.Tusaisquetupeuxmefairedumal.Beaucoupdemal.

–Alayna,chuchota-t-ild’unevoixangoisséeenmeserranttrèsfortcontrelui.Mabelle.Jeneveuxplusjamaistefairedemal.Est-cequetupourrasme…pardonner?Unjour?

Je hochai la tête, incapable de formuler une réponse. Oui, je pouvais le pardonner.C’étaitdéjà fait.Maisçanechangeait rienà ladouleurque je ressentais.Çanechangeaitrienauprocessusdeguérisonquimerestaitàsuivre.

Je pleurais,Hudsonme berçait dans ses bras et alternait excuses et baisers. Au boutd’unmoment, ilmesoulevaet ilm’emporta jusqu’au lit.Là, il seblottit contremoienmeserranttrèsfort.

Lorsquemeslarmessetarirentenfin,jemeredressaicontrelatêtedelitenhoquetant.–Euh…jenesaispasd’oùc’estvenu.Ils’assitàcôtédemoietessuyameslarmes.–Çaavaitbesoindesortir.Jecomprends.–C’estvrai?–Oui,dit-ilenpassantunbrasderrièremoiavecprécaution.Tupréféreraisêtreseule?–Non,pasdutout.Neparspas,jet’ensupplie,répondis-jeenm’agrippantàlui.–Jeresteraitantquetuvoudrasdemoi.–Tantmieux,jedisenlerelâchant,tandisquemoncœurreprenaitunrythmenormal.

Tout ça, commençai-je en gesticulant pour faire référence à ce qui venait de se passer,c’étaitjuste…

–Ledébutdelaguérison?–Ouais.C’étaitcathartique.Ladernièreétapedecettefindesemaine.Jecroisquej’ai

réussiàtournerlapage.Jemesentaisinfinimentmieux.Jeluifisunsourireeneffleurantseslèvresduboutdu

doigt.– J’admire ton optimisme, mais les vieilles blessures ont la mauvaise habitude de

réapparaître, parmoments,même lorsque tout va bien, dit-il en attrapantmon doigt. Jesuissûrqueçareviendranoushanterdetempsentemps.

Je pris une profonde inspiration. Je ne supportais pas de lui faire du mal – c’étaitpresqueaussidouloureuxpourmoiquesatrahison.

–N’ypensepastrop,dit-ild’unevoixdouce.Nousavonstoutelaviepourpansernosblessures.

Àcetinstantprécis,j’étaisprêteàconsacrertoutemavieàmefairepardonner.Est-ceque jem’imaginaisvraimentvieilliràsescôtés?Jenousvoyaisensembleà longterme,entoutcas.

Jepinçaimeslèvresenréfléchissant.–C’estunnouveaudépart,n’est-cepas?Ilsepenchapoureffleurermonnez.– Non. C’est bien mieux qu’un nouveau départ. C’est la suite de notre histoire, tout

simplement.–J’aimel’idée.Ils’avançapourm’embrasser,tendrement,longuement.Unbaiserpleindespromesses.

Commesisonseulbutdanslavieétaitdemecouvrird’amour.

CHAPITRETROIS

Le lendemain matin, Hudson appela son bureau pour prévenir son assistante qu’il

avaitdécidédetravailleràlamaison.Commej’avaisprévud’êtreauJaponcesjours-ci,moinonplus, jenesuispasalléeauboulot.Nouspassâmes la journéedans labibliothèque,àtravaillersurnosprojetsrespectifs,sanstropparler,cequin’étaitpasunproblème.Hudsonétait de mauvaise humeur, épuisé qu’il était par le décalage horaire et le manque desommeil.Moi,j’étaisheureusequ’ilsoitlà,saprésencemeréconfortait.

Jenequittail’appartementquepourallermefaireépileretmerendreàunethérapiedegroupe.Àmonretour,Hudsonétaitprofondémentendormi.Jeneleréveillaipas.

Jedécidaid’aller courirdans la sallede sport, et j’enprofitaipour répondreàStacy.«Merci, mais je vais m’en passer. » Je n’avais pas vraiment besoin de lui répondre, maiscommeça,lesujetétaitclos.Cettenuit-là,jedormisàpoingsfermés.

Le lendemain était un jour férié – le traditionnel Fourth of July1. Hudson me fit lasurprisedem’emmenerbruncherdans le restaurantdu lacdeCentralPark.Ensuite,nousnouspromenâmes,maindanslamain,dansl’immensejardinpublic.Jemesentaisbienaveclui,toutétaitpourlemieux.

Cependant,nousrestionsfragiles,etçaseressentait.Nousprenionsdesgantsl’unavecl’autre,etlafatiguedeHudsonn’arrangeaitrien.

Plus tard,alorsque jemepréparaisdevant lemiroirde lachambrepourallervoir lefeu d’artifice, Hudson se glissa derrière moi. Il passa ses bras autour de ma taille etm’embrassadanslecou.

–Pendanttoutelajournée,onaprisdespincettesl’unavecl’autre,chuchota-t-ildansmonoreille.Maisjetepréviens,c’estterminé.Ilesttempsquejecommenceàtetraiterpourcequetues:àmoi.

Mon cœur se mit à battre la chamade. « Et oui, poursuivit-il, ça signifie que je tebaiseraiplustard.Sauvagement.»

Soudain,nousoubliâmestoutesnosprécautions–etjeduschangerdeculotte.

***

Hormisquelquescaresses,Hudsongardasesmainsplaquéessursescuissesduranttoutnotre trajet, jusqu’au port. J’avais l’impression que cette absence de contact étaitintentionnelle, qu’il m’en privait pour m’exciter davantage. Et je dois dire que son planfonctionnaitàmerveille.

L’espace entre nous était chargé de tension sexuelle. Je pensais à sa promesse enpermanence, ce qui faisait de moi un canon chargé de poudre que la moindre étincellepouvait faireexploser.Desoncôté,Hudsonparaissaitparfaitementnormal–commesiderienn’était.

Nous arrivâmes sur la jetée au coucher du soleil. Hudson n’attendit pas que JordannousouvrelaportepoursortirdelaMaybach.Ilétaitcanondanssonpantalonbeigeetsaveste noire. Il avait laissé tomber la cravate et ses premiers boutons de chemise étaientouverts. La brise balaya soudain la rivière qui portait son nom et le décoiffa, ce qui lerendaitencoreplussexy.Ilétaitd’unebeautéàcouperlesouffle.

Cemomentderêverienefutquedecourtedurée.Lesflashsdesappareilsphotonousaveuglèrentalorsquelescrisdesjournalistesrésonnaientànosoreilles.Jen’avaisétéqu’àun seul événementmédiatique avec lui, je n’étais pas habituée à autant d’attention. PourHudson,enrevanche,toutétaitparfaitementnormal.

Comme la dernière fois, il m’attira contre lui pour poser devant les caméras, enfeignantd’ignorerpolimentlaplupartdesquestions,ouenyrépondantpardesimplesouietnon.

«Est-ilvraiquevousavezrachetéPlexis,votreancienneentreprise?»«Oui.»«Avez-vousprévudeliquiderlaboîte?»«Non.»«Est-cevotrenouvellepetiteamie?AlaynaWithers,n’est-cepas?»«Oui.»«EtCeliaWerner?»Hudsonneréponditpasàcettequestion.Leseulindicequ’ill’avaitentendue,c’étaitla

grimace presque imperceptible qui assombrit brièvement ses traits. Je n’étais pas aussistoïque que lui, le prénom de Celia me fit frissonner de la tête aux pieds. La mère deHudsonn’étaitpaslaseuleàpenserqu’ilsétaientfaitspourêtreensemble.Mêmelapressesupposait qu’ils étaientplusqu’amis.Hudson, qui se contrefichait de cequ’ondisait à sonsujet,n’avaitjamaisprislapeinedelescontredire.

J’ai réalisé alors que la presse ne l’oublierait jamais. Des questions seraient toujoursposéesà sonsujet,etelle serait toujoursassociéeàHudsondans lapressepeople. J’allais

devoirm’yfaire,si jevoulaisresteravecHudsonàlongterme.Etc’étaitbiencequej’avaisprévu.Cependant,l’accepternem’empêchaitpasdemedéfendre.

Jemeforçaisàsourireetjerépondisauxjournalistes:– Vous ne trouvez pas cela incorrect de poser cette question alors que je suis devant

vous?Jemarquaiunepausemaisneleurlaissaipasletempsderépondre.–Ilestavecmoi,désormais.Parlerd’uneautrefemmeenmaprésence,c’estvraiment

unmanquedetact.Sivotreseulepossibilitéd’écrireunarticlecorrect,c’estdevéhiculerdesrumeurs,jesuisvraimenttristepourvous.Inutilederépondre,noussommesattendus.

Hudsonouvraitdegrandsyeux.–Vousavezentenduladame?IlpritmamainetmeguidaversleMagnolia, leyachtdesoixante-dixmètresquinous

attendait.Jeserraisamainplusfort.–Cen’étaitpassiterriblequeça,si?J’avaisbesoinqu’ilmerassureetqu’ilmedisequejenel’avaispasagacé.–Si,c’étaitplutôthorrible.Jemesentistoutdesuitecoupabled’avoircraqué.–Jen’auraispasdûleurparler.Jesuisdésolée.–Pourquoi?Aucontraire,tuesl’uniqueraisonpourlaquelleçan’apasététotalement

horrible.– Dans ce cas, peut-être que je devrais parler à la presse plus souvent, dis-je en

souriantjusqu’auxoreilles.–Jen’iraispasjusque-là,répondit-ilavecunsourirerapide.Sa mauvaise humeur était vite réapparue. Après la belle journée que nous avions

passéeensemble,j’auraisespéréquec’étaitterminé,maisapparemmentcen’étaitpaslecas.Enmêmetemps,jelecomprenais,luipourquilesrapportsaveclapresseetl’obligationdeparticiperàcesgrandsévénementsmédiatiquesétaientloind’êtrelepasse-tempsfavori.

Enrevanche,cessoiréesnemegênaientpas.J’auraispourtantététoutaussicontentede regarder le feu d’artifice à la télé dans notre chambre, oumêmede ne pas le voir dutout.

–Pourquoiest-onlà,situdétestesautantcesévénements?–C’estunetrèsbonnequestion,dit-ilensouriantetenarrêtantdemarcher.N’yallons

pas.–Hudson…Jeletiraiparlebras.Maintenantquej’étaistoutepomponnée,autantyaller.Etpuis,

même s’il ne le voulait pas, quelque chose me disait qu’il ne devait pas manquer cettecroisière.

Ilsoupiraetmelaissaleguiderjusqu’auyacht.–JesuislàparcequePierceIndustriesestl’undessponsorsdel’événement.Ils’agitde

l’imagedemarquedelasociété.–PauvreHudsonAlexanderPierce,dis-jeenfronçantlessourcilsdefaçonoutrancière.

Néavecdesobligationsetdesresponsabilités.Ah,etsansoublierl’argentetlepouvoir!–Tuessérieuse?demanda-t-il,l’airdubitatif.–Unpeu,oui.Situasl’intentiondet’apitoyersurtonsort,H.,jem’envais.Franchement,jecommençaisàenavoirassezdesamauvaisehumeur.Jevoulaispasser

lasoiréeavecleHudsondrôleetgai,pasletristesirequejefréquentaisdepuisdeuxjours.Lescoinsdesabouches’élargirentlégèrement.–Jenemeplainspas.Personnenepeutavoirpitiédemoiquandtuesàmescôtés,dit-

ilenm’attirantpourpassersonbrasautourdemataille.–Tuasraison,maisoui,c’estpourcelaquelesgenst’envient.Celamevalutunsourire.–Ehbiensicen’estpaslecas,çadevraitl’être.Au bout de la jetée, un homme en costume de marin se tenait debout près de la

passerelledubateau.– Bonsoir,monsieur Pierce. Nous sommes prêts à lever l’ancre lorsque vous le serez,

Monsieur.–Alorsallons-y,déclaraHudsonenhochantlatête.Il me fit signe d’avancer, mais j’entendis l’homme, qui devait être le capitaine, lui

murmurer quelque chose dans mon dos. Je montai sur le yacht, et je me retournai versHudson.Ilavaitunairlugubre.

–Jepréfèrenepas fairedescandale,murmura-t-il.Maisditesà l’équipagedegarderl’œilouvert.

–Oui,Monsieur.Hudsonmontaàbordpuismitsamaindanslecreuxdemesreins.–Toutvabien?jedemandai,nerveuse.–Oui,répondit-ilsèchement.Et mince. Ce que lui avait dit le capitaine avait anéanti tous mes efforts. Je savais

d’expériencequeceseraitpiresij’insistais,maisjenepusm’enempêcher.–Hudson,honnêtetéettransparence…tutesouviens?Ilmedévisageapendantplusieurssecondespuissestraitss’adoucirent.–Cen’estrien.Quelqu’unquin’étaitpassurlalisteestmontéàbord,c’esttout.Je me sentis soudain coupable de l’avoir taquiné au sujet de ses obligations. Il ne

pouvaitpassedétendreetprofiterdel’instantprésent,mêmeunsoirdefêtecommecelui-ci. Il devait sans cesse s’occuperdequelque choseoudequelqu’un. Pas étonnant que cessoiréesl’agacent.

Jedécidaidefairedemonmieuxpourluioffrirlaplusbellesoiréepossible.Jechangeaidesujet,mêmesijemouraisd’envied’ensavoirdavantage.MaisilétaitévidentqueHudsonn’avait pas besoin que je l’importune avec ces histoires. Je me suis donc efforcée de ledétendre.

–Au fait, chuchotai-jedans sonoreille, j’aioubliéde tedireque jeme suis fait épilerhier.

Il dormait lorsque j’étais rentrée et je n’avais pas encore eu l’occasion de le luimontrer…

–Épilée?ditHudson,unpeutropfort,avantdecomprendre.Ah…ajouta-t-il,etsonregards’illumina.

Derrièrenous,unmembredel’équipagequiaidaitlecapitaineàreleverlaplanchelevala tête, ayant compris le fonddemapensée, lui aussi.Hudson le fusilla du regard etmepoussaplusloin.

–Dis-m’enplus,dit-ilenparlantplusbas.–Quandjedisépilée,jeveuxdireintégralementépilée.D’habitude, je gardais au moins un ticket de métro. C’était la première fois que je

m’épilaistotalementdepuisquej’étaisavecHudson.Ilremitdiscrètementsonsexeenplace.–Tuessaiesdefairedecettenuitlaplusinconfortabledemavie?–J’essayaisdeteremonterlemoral,espècederâleur.–Ehbienc’estréussi,maisjen’ensuispasmoinstropserrédansmonpantalon.–Celavaposerunproblème?demandai-jeenriant.–Pourtoi,dit-ilenm’attirantdanssesbraspourmefairesentirsonérection.Celava

être une longue soirée. Quand je vais enfin te pénétrer, je vais avoir besoin que ça durelongtemps.Etçaneserapastrèsdoux.

O.K.Waouh.–Jenevaispasm’enplaindre.– Bonne réponse, dit-il en fixant longtemps mes lèvres, sans m’embrasser. Je vais

essayerd’améliorermonhumeur.Allons-y.Plusvitej’auraisaluétoutlemonde,plusvitejepourraienfouirmatêteentretesjambes.

Ilmeguidaverslesescaliers,puissurlepontprincipal.Jen’étaisjamaismontéesurunyacht,maisj’étaiscertainequecelui-cidevaitêtrel’undesplusluxueux.Enlevantlatête,jecomptaiquatreponts,enplusdeceluiparlequelnousétionsmontésàbord.Ilyavaitdesgens partout. Des dizaines et des dizaines – il devait déjà y avoir au moins quarantepersonnes qui faisaient la fête sur celui-ci. Au-dessus, des gens étaient penchés auxrambardes.Etnousn’étionspasencoreàl’intérieur.

JesuivisHudsonà travers la foule jusqu’àungrandsalon,encoreplusbondéque lesponts.

–Ilyacombiendepersonnes,cesoir?demandai-je.Ilfitunsignedetêteendirectiond’unserveurdel’autrecôtédelapiècequis’empressa

devenirànous.– Nous avons invité deux cents personnes, et chacun avait le droit d’emmener

quelqu’un. Iln’y aquepour les feuxd’artificedu4 Juillet quenousemmenonsautantdepersonnes.Ilyaquatorzecabines,doncnousn’embarquonsjamaisautantdepassagers.

Hudsonprit deux coupesde champagne sur leplateauetm’en tenditune. Il trinquaavecmoiavantd’enboireunegorgée.

–Àpartquelquespersonnesimportantes,nousseronslesseulsàdormiricicesoir.–D’accord.Enfin,j’espèrequ’onnedormirapasbeaucoup.Lapeaunueentremescuissesétaitimpatientedevoircequ’ilmeréservait.–Net’amusepasàm’allumer,outuleregretterasplustard…Lebateausemitàbougeret j’attrapai lebrasdeHudsonpournepas tomber, tandis

que la foule semettaità crieretà sifflerdans leplusgranddésordre.Çan’étaitvraimentpasletypedesoiréequ’appréciaitHudson.Jecomprenaisqu’ilaittellementhésitéàvenir.

Lesgrandsescaliersnousemmenèrentjusqu’aupontsupérieur.Nousnousarrêtionsdetempsàautrepoursalueruninvité.Ilmeprésentaitàchacun,tantôtcommesapetiteamie,tantôtcommelamanagerdesonclub.Ilchoisissaitselonlebénéficequejepouvaisentirer.Ilprenaitvéritablementtoujourssoindemoi.

La pièce suivante ressemblait à un immense salon. Un bar était dressé d’un côté etl’espace était rempli de canapés et de fauteuils. Un écran géant recouvrait un desmurs,branché sur la chaîne qui allait diffuser le feu d’artifice,même si personne ne semblait yprêter attention. Cette pièce était bondée, elle aussi, pourtant, malgré le brouhaha,j’entendisquelqu’uncriermonprénom.

Jemeretournaiendirectiondelavoix.C’étaitlasœurdeHudson,assisedansuncoin.Elleselevaetjemepenchaipourembrassercettepetitefemmequej’aimaispresqueautantque son frère. J’étais impressionnée par la force de son étreinte, malgré son ventre toutrond.Lorsqu’ellemelâcha,j’examinaisarobedegrossessebleumarine.

–Mira,tuesadorable!–Euh,merci.J’ai l’impressiond’êtreunebaleine,dit-elleenprenantHudsondansses

bras.Coucougrandfrère.ContentedetevoirderetourauxÉtats-Unis,mêmesituasfoutuenl’airtousmesplans.

AvantqueHudsonnemefasselasurprisedemeretrouverauSkyLaunch,j’avaisprévudeleretrouverauJapon,etMiram’avaitaidéepourlespréparatifs.

–Jenem’enplainspas,tusais,ajouta-t-elleavantqu’ilpuisserépondre.Jesuisfièredetoi,tuasfaitcequ’ilfallait.

Hudsondévisagea sa petite sœur. Il n’était pas du genre à accepter les compliments,alorsqueMiraétaitdugenreàendonner.

JedécidaideveniràsarescousseavantqueMiranepoursuive.–Adamt’aabandonnée?demandai-jeencherchantsonmari.–Non,ilestpartimechercheruneboissonsansalcool.C’estétonnammentdifficile.–Ah.Selonmoi, il essayait plutôt de se cacher.Adamétait un autremembre asocial de la

famillePierce.Hudson,lui,aumoins,savaitfairesemblant.Miraserassitsurlecanapéetmefitsignedevenirm’asseoirprèsd’elle.–Vienst’asseoir.Commentas-turéussiàtefaireremplacerunsoirdejourférié?Jehaussailesépaulesenm’enfonçantdanslecanapé.–Jecoucheaveclepatron.–Sympa!s’exclama-t-elleavantdesecouerlatête,commesiellesereprochaitquelque

chose.Maisjesuisbête!Tuavaisprévud’êtreauJapon,jesupposequetuavaisdéjàtoutarrangé.

–Oui.Davidetuneautremanagermeremplacentpendantlesprochainsjours.J’aurais pu me sentir coupable en mentionnant David, mais ce ne fut pas le cas.

D’ailleurs,jenesaispourquelleraison,jedécidaid’inclureHudsondanslaconversation.–Cependant,d’iciunesemainejenepourraipluscomptersurDavid.Hudsonfronçalessourcilsetmefoudroyaduregard.–Pourquoi?demandaMira.–Hudsonl’atransféréàl’Adora,àAtlanticCity,dis-jeenposantmonverrevidesurle

guéridonàcôtédemoi.–Ah,j’ail’impressionquevousnemeditespastout,ditMiraennousregardanttourà

tour.–Ehbien,tul’aspourencoredeuxsemaines,enfait.Jeluiaidemandéderesterplus

longtempspourmelaisserletempsdetrouversonremplaçant,ditHudsonens’asseyantsurl’accoudoir.

Tiens,c’étaitnouveau.Unebonnenouvelle,même.Celamelaissaitplusdetempspourréfléchiraurôlequejevoulaisjouerdansleclub.

Miragrimaça,l’airconfuse.–Trouversonremplaçant?MaisceseraLaynie,biensûr!–Euh…C’étaitmoiquiavaisabordélesujet,aprèstout.J’auraisdûm’ypréparer.Jevoulaisce

poste, et chaque jour, je me faisais un peu plus à cette idée. Cependant, je n’étais pasencoreprêteàm’yengager.

Elledutlirelacomplexitédelasituationsurmonvisage.–C’estencoreunehistoirecompliquée,j’imagine,dit-elle.– Ouais. Changeons de sujet, dis-je en tapotant le genou de Hudson. Il est juste de

mauvaisehumeur,c’esttout,aveclejet-lag,toutça.

–Message bien reçu. Tu esmagnifique, au fait.Mais cette robe ne vient pas de chezmoi,dit-ellefronçantlessourcils.

–Oups.La plupart de mes vêtements venaient de la boutique de Mirabelle, mais comme je

voulais me montrer patriote, j’avais choisi une longue robe rouge qui était presqueentièrementdosnu.

Ellesouritpourtant.–Tuviensauvernissage,n’est-cepas?demanda-t-elle.Jen’avaisapprisquetrèsrécemmentqu’elleagrandissaitsaboutique.Jenesavaispas

qu’elleavaitprévuunefêtepourl’occasion.–Biensûr,c’estquand?–Tune lui as pas dit ? s’exclama-t-elle en se penchant devantmoi pourmettre une

tapeàHudson.–Çam’aéchappé.– Hudson, tu es vraiment nase ! C’est le vingt-deux. C’est un samedi, dit-elle en se

tournantversmoi.– Il faudra que je laisse la fermeture à quelqu’un la veille, mais cela ne devrait pas

poserdeproblèmes.Je m’imaginais déjà responsable du Sky Launch. Pourquoi continuer à me mentir,

j’avaisdéjàdécidéd’accepterceposte.–Oh!s’écria-t-elleenécarquillantlesyeux.Tuaccepteraisd’êtreundemesmodèles?

Disoui,s’ilteplaît,s’ilteplaît,s’ilteplaît!–Euh…d’accord,répondis-je,incapabledeluidirenon,alorsquejen’avaisjamaisété

intéressée par le mannequinat. Porter de beaux habits, en revanche… Qu’est-ce que çaimplique?Jedoisdéfilersurunpodium?

–Ne sois pas idiote, je n’ai pas agrandi à ce point. Bon, d’accord, il y aura un petitpodium, mais pas aussi grand que ceux auxquels tu penses. C’est trois fois rien. Je veuxsimplementmontrerquelques-unsdemeslookspréféréspourfaireunpeudepub.J’aijustebesoinquetusois là,resplendissantedansunedemestenues,et lesgensteprendrontenphoto.

Endehorsdesphotos,celameparaissaitfabuleux.–D’accord,jesuispartante!– Génial ! Est-ce que tu pourras passer avant pour quelques retouches ? Lundi, par

exemple?Verstreizeheures?Jegéraismonpropreemploidutempset jen’avaisaucunrendez-vouspuisque j’avais

prévud’êtreauJapon.Cependant,merendrechezMiraimpliquaitdevoirStacy,quin’avaitpasréponduàmonmessage.Enmêmetemps,est-cequej’enavaisvraimentquelquechoseàfaire?

–Pourquoituhésites?demandaMira,l’airdéçue.– Désolée, je passais mon emploi du temps en revue. Oui, je peux être là à treize

heures.Que pouvait faire Stacy, de toute façon ? M’obliger à regarder sa vidéo ? C’était

ridicule.–Super!s’exclamaMiraenlevantsespoingsetenlesagitantcommedespompons.JesentisHudsonseraidiràcôtédemoi,justeavantqu’unevoixquim’étaitfamilièrene

s’immiscedansnotreconversation.–Ah,doncc’estici,lecœurdelafête?– Jack !m’exclamai-je enme levant pour prendre le père deHudsondansmes bras,

toutenprenantsoindenepasrenverserlesdeuxverresqu’iltenait.Jenesavaispasquetuseraislà!

–Iln’étaitpasinvité,crachaHudson.Aaaah.C’étaitde luiqueparlaitHudson toutà l’heure.Commesi Jackpouvait créerun

scandale.Oupeut-êtreHudson?Iln’avaitpasl’airraviparlaprésencedesonpèreàbord.Jack sourit en réponse à Hudson – son regard pétillait comme souvent lorsqu’il

s’apprêtaitàtaquinerquelqu’un.–JesuisunPierce.Jen’aipasbesoind’invitation.Jacksepenchaversmoi:«Hudsonnemeparleplus.»Ladernièrefoisquelepèreetlefilss’étaientvus,c’étaitlorsqueJackavaitadmisqu’il

était lepèredubébédeCelia,quelquesjoursplustôt.Hudsonnevoulaitpasquesamèrel’apprenne,etilenvoulaitàJackd’avoirrévélécesecret.

–Ah,jesuppose,oui.Est-cequeSophiaestavectoi?demandai-je.–Ellenemeparleplusnonplus,ditJackensegrattantlajoue.–Bienfaitpourtoi,ditMirad’unevoixgrincheuse.Jackhochalatêteendirectiondesafille.–Enrevanche,jenesaispasquoifairepourquecelle-ciaussiarrêtedemeparler,dit-il

enmefaisantunclind’œil.–Papa!–Jetetaquine,chaton.Tuesmonrayondesoleil,ettulesais.Tiens,jet’aiapportéun

VirginDaïquiri.Mirafitminedepesteretpritleverrequeluitendaitsonpère.–Jenesuispastaplusgrandefan,encemoment,tusais?– Je sais, dit Jack en soupirant. Chandler tient compagnie à ta mère, ce soir, pour

qu’elle ne soit pas seule. Tu esmignonne de t’inquiéter pour elle. Je ferai demonmieuxpourmefairepardonner.

–Cen’estpasàmoidetepardonner,sifflaMira.Choisissantd’ignorerlaremarquedesafille,Jacksetournaversmoi.

–Commentvas-tu?–Trèsbien.Et jesuiscontentedetevoir.Jevoulais teremercierdem’avoirsoutenue

lorsdecettehistoireavecCelia.Jack avait été un des seuls à prendre ma défense lorsque Celia m’avait accusée de

l’avoirharcelée.Jeressentisànouveau ladouleurquem’avaitcauséecette trahisonenenreparlant–Hudsonavaitraison,çaneseraitpasfacileàoublier.

– Ce n’est rien, Laynie. Je savais à qui on avait affaire. Je pensais simplement qued’autreslesavaienteuxaussi,dit-ilsansprendrelapeinederegardersonfilsquitressaillitnéanmoins.

Je n’avais pas voulu orienter ainsi cette conversation. En dépit du mal qu’il m’avaitinfligé,Hudson avait de bonnes raisons de penser que les accusations de Celia pouvaientêtrevraies.

–Pourêtrehonnête, tunemeconnaispasnonplusautantqued’autres iciprésents.Maisjeteremercienéanmoins,dis-jeenserrantlamaindeJack.

–Alayna…aboyaHudson.Je lâchai lamain de Jack etme tournai versmon homme. Il avait un airmenaçant,

même avec ses mains dans les poches. Sa mâchoire se contractait et son regard virait àl’acier.C’étaitétonnammentexcitant.

–Lajalousienetesiedpas,fiston.Jen’étaispasd’accordavecJack.LajalousieallaitàraviràHudson.Ungrognementgraveluiéchappasoudain.–Est-cequ’ilvientdegrogner?demandaJackenpenchantlatêtedecôté.BienqueJacknesoitclairementpasunemenacepourHudson, jecomprenaiscequ’il

ressentait,etcelanevalaitpaslapeined’essayerdeluifaireentendreraison.– J’adorerais continuer notre conversation, Jack, mais je crois que ce n’est pas une

bonneidée.Ilbutunegorgéeduliquideclairquiremplissaitsonverreetdévisageasonfils.–Non, tuasraison,dit-ilenposantunemainsurmonépaule.Jesuiscontentquetu

sois là. Dans sa vie, je veux dire. Même si c’est une tête de mule qui me tient pourresponsabledetoutcequiclocheavecsamère.

–Tuinsinuesquetun’esresponsablederien?ledéfiaHudson.–Ilmeparle!s’exclamaJacktandisquesonvisages’illuminait.–Argh,bonsang,ditHudsonenpassantsamainsursonfront.– Bref, je suis content que tu sois avec lui, Laynie. Il a plus besoin de toi qu’il ne

l’imagine.Etilreconnaîttavaleur,c’estévident.Ilt’aimevraiment,ajouta-t-ilenregardantHudson.Oh,regardez,ilrougit!

–Maisc’estvrai!s’écriaMira,laromantiquedelafamille.–C’estfaux,ditHudson,enrougissantplusencore.

–Tuvois?ditJackenriant.Sonamourpourtoiselitsursonvisage.Hudsons’avançad’unpasetpassasonbrasautourdemataille,cherchantclairement

àmarquersonterritoire.–Tupourraisenlevertespattesdemacopine?Jacklevalesyeuxaucielmaisenlevasamaindemonépaule.Toutecettescènemeparaissait follementdrôleetexcitante.Çanemegênaitpasque

Hudsonjouelesmachosavecmoi.Jedevaisreconnaîtrequejelecherchaisbien,detempsentemps.

–Il faudraque jet’exprimetoutemareconnaissanceunjour– laprochainefoisqu’onseverra,jedisàJack.

–Non,non,non!C’esthorsdequestion,aboyaHudson.Jackéclataderire.– Et voilà que tu fais exprès de l’énerver. Tu es une femme sadique,AlaynaWithers,

dit-il avantdenous regarder tous lesdeuxdehaut enbas, comme s’il comprenait cequenousétionsl’unpourl’autre.Vousêtesparfaits,déclara-t-il.

–Çasuffit.Ons’enva,ditHudsonenm’éloignantdesafamille.–Àplustard,criai-jepar-dessusmonépaule.–Àlundi!s’écriaMira.Oui, lundi. À la boutique. Avec Stacy. Rien qu’à y penser, je sentis mon estomac se

nouer–qu’yavait-ilsurcettevidéo?Devrais-jem’inquiéter?Quoiqu’ilensoit,jenelaregarderaispas.Jen’enavaispasbesoin.Jepouvaiscertesypenser–d’ailleursjenepouvaispasm’enempêcher.C’étaithumain,

aprèstout.

1.Nde:Le4juillet,onfêtelaDéclarationd’indépendancedesÉtats-Unis.

CHAPITREQUATRE

Hudsonm’escortasurlepont,oùjelaissailabrisedusoiremportercettesatanéevidéo

avecelle.Jemetournaiversluietlesurprisparunlongbaiserlangoureux.–Quemevautceplaisir?demanda-t-ilquandjereprismonsouffle.–Rien…mentis-je.Nousenavionstousdeuxbesoin.–…Tusaisquetun’asaucuneraisond’êtrejalouxdetonpèreetdemoi?jedemandai

enhaussantunsourcil.–Ouais,dit-ilenprenantmamainpourmeguiderverslesescaliers.–Jenevaispasmentir,c’estvraiqu’ilestattirant.–Tunem’aidespas,Alayna.Il était devantmoi et ne pouvait pas voirmon sourire. Je le taquinais,mais il fallait

qu’ilcomprennequejeneletromperaisjamaisavecJack.–Iln’yarienentrenous.Aucuneattirance.Etsitucessaisunjourdevouloirdemoi,je

nemevengeraisjamaisaveclui.JenesuispasCelia.–Jesaisquetun’espasCelia,aboya-t-ilensetournantbrusquementversmoi.Tucrois

quejenelesaispas?Saréactionvéhémentemedéstabilisa.–Je…jenevoulaispas…Ilm’attiradanssesbrasetmeserrafortcontrelui.– Et ne parle pas du jour où je ne voudrai plus de toi. Jamais. C’est parfaitement

impossible.Jepassaimesbrasautourdelui,interloquéeparledésespoirdanssavoix.–D’accord,jeneleferaipas.–Merci,dit-ilenembrassantmatempe.Ilmeretintainsipendantunmomentavantdesedétendreenfin.

– Le feu d’artifice va bientôt commencer, dit-il. Je nous ai réservé une place sur laproue.

–Laproue?Jen’yconnaissaisrienenbateaux.–Ledevantduyacht.Nousauronsunetrèsbellevue.Pendant qu’il parlait, ses yeux se promenaient sur mon corps. Je me demandai s’il

parlaitvraimentdelavueduciel.–Génial, dis-je en détaillant àmon tour son corps parfait, avant demettre fin àma

rêverieérotique.Jedoisallerauxtoilettesavantqueçacommence.Jeteretrouvelà-bas?Ilplongeasamaindanssapocheetilensortituneclef.– Utilise les toilettes de notre chambre. Il n’y aura pas la queue. Numéro trois. C’est

juste là, dit-il en désignant une porte à l’arrière du bateau. Ah, et quand tu reviendras,j’aimeraisbienquetuneportespasdeculotte.

Toutsourire,jeluiprislaclef.–Compris,H.Jesavaisd’oùcelavenait:ils’étaitsentimenacéparsonpèreetparl’idéequ’onnesoit

plusensembleunjour.Medonnerdesordresétaitpourluiunmoyendeserassurer.Quelidiot,commentnecomprenait-ilpasquejeluiappartenais,corpsetâme?

Il me fallut tout juste quelques minutes pour trouver notre suite. Elle était belle etgrande,commelerestedubateau,aussispacieusequenotrechambreauBowery.Je fisauplus vite, pressée que j’étais de retourner au spectacle, et plus encore auprès deHudson.J’allaiaux toilettes,avantdeposermaculotte sur lebordde labaignoireetde retournersurlepont,justeàtempspourlapremièredétonation.

Hudsonm’attendaitàl’avant–àlaproue–duyacht.Ilavaittrouvéuncoinentredeuxtablesoùlesinvitéspouvaientposerleurverre.Ilyavaitdesgenspartout,biensûr,etnousétionsunpeuabritésparlescorpsquiétaientagglutinéstoutautourdenous.

Non pas que celame gêne qu’un corps soit plaqué contre lemien – dumoment quec’étaitceluideHudson.

Dèsqu’ilmevit, son regard s’illumina. Je lui rendis la clefdenotre cabinequ’il remitdanssapoche,puisilmetenditlamain.«Viensici»,dit-ilenm’installantdevantlui.

Jem’attendaisàcequesesbrassecroisentsurmonventre,maisilagrippamesfessespar-dessusmarobe,enprenanttoutsontempspourlespalper.Unebrisesurvolalarivière.Sa fraîcheur sur mon sexe nu, combinée aux mains de Hudson sur mes fesses, m’excitaimmédiatement.

–Bien,chuchota-t-il.Tum’asobéi.Ah, alors ce frottement n’était qu’une vérification… Quoi qu’il en soit, ça ne me

déplaisaitpas.

Hudson appuya sa jambe sur la barre du bastingage la plus basse et continua àcaressermonderrière tandis qu’au-dessus de nos têtes le ciel semettait à briller demillefeux.Chaqueexplosiondéclenchaitdescrisdanslafoule,quirecouvraientlamusiquejouéeàl’intérieurdubateau.Jen’avaisjamaisétéaussiprochedufeud’artificedechezMacy’s 1.J’étais émerveillée. Il était tiré au-dessus de la rivière depuis au moins sept pénichesdifférentes,illuminantlanuitdesesfuséesmulticolores.C’étaitmagique.

Et ça l’était davantage encore, avec les bras de Hudson autour demoi. Soudain, samainsefrayauncheminsousmarobe,soulevantletissuautourdemataille,flirtantavecmapeauau-dessusdemonpubis.

J’étais parfaitement exposée. Même si la jambe de Hudson me cachait à la vue despassagersd’uncôté,lafouledel’autrecôtén’avaitqu’àbaisserlatêtepourmevoir.

–Qu’est-cequetufais?luidemandai-jeeninspirantbrusquement.–Jecommencenotrefeud’artifice,chuchota-t-ildansmonoreille.Etpuismerde,jemefichaisd’êtrevue–j’étaisterriblementexcitée.Lecielbrûlaitmon

regard,lescaressesdeHudsonenflammaientmesnerfsetmonbas-ventre.–Écartelesjambes,ordonna-t-il.J’obéis, en posant mon pied sur la rambarde, ce qui nous masquait un peu plus de

l’autrecôté.Cependant,ilnefallaitpasêtreungéniepourcomprendrecequ’ilmefaisait–ilsuffisaitdenousprêteruntantsoitpeuattention.

Hudsoncaressaitmon sexe,désormaisaccessible, eneffleurantdélicatementmapeauépilée. « Je n’ai pas cessé de penser à te toucher, depuis que tu m’as dit que tu étaisentièrementépilée.»Sonsoufflesurmanuquemefitfrissonnerdelatêteauxpieds.

Soudain, ses doigts glissèrent entremes lèvres pour trouvermon clitoris. Je crus quej’allaisjouirsur-le-champ.Ilmemassaavecsonpouce,decettefaçontoujoursaussiexperte.

– Mon Dieu, ma belle, je ne pourrais plus m’empêcher de te tripoter, même si je levoulais.Tumouillesdéjàtellement.

–Hudson!C’étaitdavantageuncriqu’unmot–plus fortque jene l’avaisvoulu,etuncoupleà

côtédenoustournalatêtedansnotredirection.–Situjouis,Alayna,ditHudsonens’arrêtantsoudain,tudoismepromettredenepas

fairedebruit.–D’accord.Toutcequ’ilvoudra.Toutpourvuqu’ilcontinue.Sonpoucerepritsescaressestandisquesesdoigtsdescendaientplusbasencore.–Tusaiscequeçamefaitdetevoirjouir?susurra-t-iltandisquesesdoigtstournaient

autourdel’entréedemonvagin.Tulesais?Croyait-il vraiment que j’étais enmesure de répondre? «Non », je sifflai en soufflant

bruyamment.

–Çamerendcomplètementdingue.Ilmepénétraavecdeuxdoigts–dumoins, ilmesemblaitqu’ilyenavaitdeux, jene

pouvaispasenêtresûre.Toutcequejesavais,c’étaitquelasensationétaitincroyable.Illesreplongea enmoi tandis que son pouce reprenait ces caresses circulaires surmon clitoris.Tourbillonnantetplongeantenmoi,ilmebaisaavecsamain,là,enpleinair,tandisquelafouleautourdenouslevaitlatêteverslesdétonations.

Tellementtorride.Putain.Je sentis la tension s’accumuler dans mon bas-ventre quand ses lèvres revinrent sur

monoreille.–Parfois,c’estlaseulechoseàlaquellej’arriveàpenser.Tefaireprendretonpied.Te

regarderjouir.C’estlaplusbellechosequej’aijamaisvue.J’y étais presque. Presque prête à exploser. Je m’appuyai contre lui, frottant son

érection avecmes fesses, et c’était extraordinaire. Sexy. Ardent. De petits grognements seformèrentaufonddemagorge.

–Mords-toilamainpourétouffertescris.Jevoulusledéfier,memoquerdufaitqu’ilsoittellementsûrquej’étaissurlepointde

crier, mais il replia ses doigts et caressa un point particulièrement sensible, et ungémissementm’échappa.

–Tamain,m’ordonna-t-il.Juste à temps, je plaquai mamain sur ma bouche et la mordis. Au mêmemoment,

l’orgasmedéferla surmoi.Enmême temps,une sériede feuxdeBengale illuminait le cielnew-yorkais. Je ne savais plus quelles sensations étaient dues à Hudson et lesquellesfaisaientpartieduspectacle.C’étaitsimplementinouï.

Cependant, j’étais loind’être rassasiée.J’envoulaisplus. J’avaisbesoinde le sentirenmoi.

Je me retournai vers lui et l’embrassai passionnément. Ma main caressa son sexe àtraverssonpantalon.Ilétaittellementdur.Ilavaitautantenviedemoiquemoidelui.Plusencore,peut-être.

Le feu d’artifice n’était pas terminé, mais je m’en fichais. « Emmène-moi dans lachambre», jedemandaien l’embrassant.CefutautourdeHudsondegrogner.J’avalai leson dans un nouveau baiser langoureux, en léchant sa bouche à longs coups de langue.Bon sang, il était follement sexy, j’en voulais toujours plus – j’étais prête à le laisser mepossédersurcepontbondé.

Je ne sais pas commentHudson trouva la force de romprenotre baiser. «MonDieu,Alayna. »Son regardétaitpresquenoirdedésir. Il courutendirectiondes cabinesenmetraînantderrièrelui.

Lafoules’estmiseàapplaudirlebouquetfinal.J’ailevélatête.Etcefutàcetinstantquejelavis.

Surlepontsupérieur,lesyeuxfixes,CeliaWernermedévisageait.Jemesuisremémorémon cauchemar. La terreur qui s’était alors emparée demoime fit frissonner à nouveau.Nos regards se croisèrent. Je compris la significationde l’expression « fusillerdu regard ».Hudsonm’avaitditquec’étaitàluiqu’elleenvoulait,peut-êtreétait-celecas.Cependant,c’étaitmoiqu’elledétestait,toutsoncorpsmelecriait.

Jetremblaicommeunefeuille,encomprenantqu’elleseraittoujourslà,dansnosvies,unemenacepournotrebonheur.Cetteprisedeconsciencenefitqu’accroîtremonbesoindesentirHudsonenmoi.

Jelepoussaienavant,biendéterminéeàattiserplusencoremondésir,pourmieuxmerappelerencorequ’ilm’appartenait.Àmoi,etmoiseule.

À peine arrivés dans le couloir, nous nous embrassâmes de nouveau. Il me plaquacontre le mur et glissa ses mains sous ma robe pour empoigner mes fesses. Je mouraisd’envie de sentir son bassin contre le mien. J’enroulai une jambe autour de sa cuisse. Ilrelâcha sapressionpourque jepuissepassermesdeux jambesautourde sa taille. Puis ilm’emporta jusqu’à notre suite, non sans couvrir mon cou de baisers. Une fois devant laporte,ilmeplaquaànouveaucontrelemurpendantqu’ilessayaitd’introduirelaclefdansla serrureenpoussantdes jurons.Nousavons finalement réussi àentrer, et à refermer laportederrièrenous.

Haletants, nous éclatâmes de rire. Ce genre de lâcher prise était rare chez Hudson,toujourssisérieux.Jemesuislaisséeemporterdanslesonsoyeuxdesajoie,jusqu’àcequenosregardssecroisent.

Nosbouchessesontjetéesl’unesurl’autre.J’étais toujours dans ses bras quand il s’assit – ou se laissa tomber – sur le lit. Je

n’hésitaipasunesecondeetjem’agenouillaiparterrepourdéfairesaceinture.Ilenlevaseschaussuresetsoulevasonbassinpourmelaisserbaissersonpantalonetsonboxer.

Dès qu’il fut libéré,mon regard se fixa sur son sexe. Je voulais le lécher, le prendredansmabouche, le sentirme remplir et tressaillir enmoi. J’avaisbesoind’êtrenue, et luiaussi.

Je levai lesbraspouraiderHudsonà faireglissermarobepar-dessusmatête.C’étaitundosnu,jen’avaisdoncpasmisdesoutien-gorge.Dieumerci!Çafaisaitunvêtementdemoinsàenlever.J’empoignaisonpénispendantqu’ildéboutonnaitsachemise.Bonsang,ilétaitdurcommedufer.J’eusàpeineletempsdelecaresserdeuxfoisavantqu’ilmetiresurlelit,par-dessuslui.

À présent, nous étions nus tous les deux. Nous nous frottâmes l’un contre l’autre, leplus longtemps possible. Nos mains explorèrent le corps de l’autre comme si c’était lapremièreetladernièrefoisenmêmetemps–nousnouscaressionsavecunepassionfébrile.

Les doigts deHudson retrouvèrent le chemin quimenait àmon entre-jambe, là où je lesdésiraistant.Illesglissaentremeslèvres,avantdebrusquementlesretirer.

–Tourne-toietagenouille-toiau-dessusdemonvisage.Ilfautquejetelèche.Jeluiobéisentremblant.Hudsonm’avaitléchéedesdizainesdefois,maisjamaisdans

cetteposition.Jemesentaishonteuse,maistellement–tellement–sexy.Une fois enplace, il a saisimeshanches etm’a fait écarter les jambespour quemon

sexedescendejusqu’àsabouche.Jefrétillaidéjàdeplaisiravantmêmequesalanguenemetouche. Ilpritsontemps, il soufflad’aborddélicatementsurmonclitoris,cequidéclenchadesdéchargesélectriquesdanstousmesmembres.

Je baissai les yeux pour le voir plonger son nez entre mes lèvres. « Putain, tu senstellementbon»,grogna-t-il.

Putain.J’aifaillijouirsur-le-champ.Et puis – enfin – sa langue lapamon clitoris, déjà hyper sensible. Jeme cambrai et

poussaiuncrienplantantmesonglesdanslapeaudeseshanches.Inouï.Exquis.Commentsefaisait-ilquecelasoittoujoursaussibon?Jeluttaipournepasperdrepiedtropvite,lorsquejevissonsexeremuer.Jedevaisle

prendre,toutdesuite.Jel’empoignai,etj’introduisissonglanddansmabouche,commeonsuceuneglace.SaufqueHudsonétaitinfinimentmeilleurqu’uneglace.

Toutsoncorpsseraidit,etilserramescuissesplusfortencore.–Putain,oui.Suce-la.C’étaitcequej’aimaisleplusquandjesuçaisHudson–lepouvoirquej’avaisalorssur

lui.J’étaistoutletempssoussoncontrôle,etj’aimaislafaçondontilmanipulaitmoncorpsetme faisaitcéderà toussesdésirs– j’avaisbesoindeça.Mais lorsquesavergeétaitdansmabouche,jecomprenaispourquoiilaimaittanttenirlesrênes.Jemedélectaisdevoirsoncorpsfrissonneretsecontracter–delevoirsuccombersousmoi.

Jeplongeaietressortissonsexedemabouchetandisqu’ilcontinuaitdemedévorer.Leplaisir intense qu’il me donnait entrait en conflit avec mon envie de tout donner à cethommequiplaçait toujoursmonplaisir avant le sien. Je sentismon sexe se contracter. Jesavaisquemonorgasmen’étaitpasloin,maisjeluttaienmeconcentrantsurlui.Savergegrossit tandis que je creusaimes joues et que j’accéléraimesmouvements.Mamain librecaressal’intérieurdesacuisse,jeluipalpailestesticules.Ilpoussaungrognementetjesusqu’ilétaitaussipochedel’orgasmequemoi.C’étaitunebataille–quicéderaitlepremier?Quiseraitlegagnant?–celuiquijouissaitouceluiquifaisaitjouir?

Jeme considérai comme gagnante, lorsqu’il me repoussa. « Ça suffit. Mets-toi sur ledos.J’aibesoindejouirentoi.»

Je fis ce qu’il me dit. Je repliai mes jambes en plantant mes talons sur le lit et enécartantlescuisses.Hudsonseredressa.Cependant,aulieudes’allongersurmoi,ilrestaà

genoux.Ilsoulevamesfessessursescuissesdesortequejesoiscambrée,puisd’unemainilmesoutintlacuisse,etdel’autre,ilcaressamonclitorisencoretoutpulsantdeplaisir.

J’avaisunevueimpayablesursaqueue,quicognaitcontremachattenue.–Jesuistellementexcité,Alayna!Çavaêtrebrutal.Il demandait ma permission. C’était absurde puisque je lui faisais entièrement

confiance.–Jet’ensupplie,jel’imploraienplongeantmonregarddanslesien.Il grogna, puis il plongea en moi, brutalement, profondément, comme il me l’avait

promis.Jegémisetagrippailesdraps.J’étaisdéjàsurlepointdejouirquelquessecondesplus

tôt.L’orgasmes’emparademoidèsl’instantoùilmepénétra.Hudsonneralentitpastandisquejemecontractaisautourdesaverge.Ilmeposséda

avecunefureurexquise,sescuissesclaquantcontrelesmiennes–lesonmerendaitfolleetjejouisunesecondefois.Ilmeparlaitenponctuantchaquemotd’uncoupdebassin,maisdansmonnuage,jecomprenaisàpeinecequ’ildisait.«Tu.Es.Tellement.Bonne.Tu.Me.Rends.Tellement.Dur.»

Soudain, nous avons joui tous les deux. Il s’enfonça en moi en poussant un longgrognement.Mesyeuxétaientrivéssurlui,jeregardaisontorsesecontracteretsonbassinse cambrer pour rencontrer le mien. Puis je ne vis plus qu’un écran blanc. Je criai sonprénom – à la fois injure et prière – tout en cédant aux convulsions qui menaçaient dem’anéantir.

MonDieu.Oh,monDieu.Il me fallut une éternité pour parvenir à parler – à réfléchir. Quand j’y suis enfin

parvenue,Hudson était déjà allongé sur le lit, à côté demoi. Je savais qu’il était dans lemêmeétatquemoi, sinon, ilm’aurait serréedanssesbras.Au lieudecela,nousrestâmesallongéscôteàcôte,connectésl’unàl’autre.

Je pris une profonde inspiration. « C’était hallucinant. » En vérité, aucun mot neparvenaitàdécrireceque jeressentais.Jetournai la têteendirectiondemonmerveilleuxamant.«Sansrire,commentest-cequeçapeutêtredemieuxenmieuxàchaquefois?»

Hudsonnepritpasletempsderéfléchiràsaréponse.–Parcequenousavonsapprisànousfaireconfiance.–Ah,c’estça?J’étais touchée qu’il me fasse confiance, après mes erreurs. Je ne le méritais pas

complètement,maisplusjamaisjeneletrahirais–j’avaisapprislaleçon.–Oui,c’estpourça,dit-ilensetournantversmoipourm’étudier.Est-cequejet’aifait

mal?–Delameilleuremanièrequisoit,oui.

Ilavaitétéplusbrutalqued’habitudemaisj’avaissavouréchaqueseconde,mêmesijesentaismonsexeunpeusensible.

–Jenepensaispasqu’uneépilationtotalet’exciteraitautant,dis-jeensouriant.Ilsouritàsontourethaussalesépaules.–Jem’enfiche,enfait.C’esttoiquim’excites.Épilée,touffue–jeteprendraisdetoute

façon.–Jen’aijamaisététouffue,dis-jeenriant.Cen’étaitpasmonstyle,maissicelaplaisaitàHudson…–Maissitul’étais,j’auraisquandmêmeenviedetoi,répondit-iltandisquesonregard

s’assombrissait.Merde,jebandeànouveau.–Tuplaisantes?–Non,pasdutout,dit-ilenmemontrantsonpénis.–Tuesinsatiable.–Peut-être,admit-il.Ilaffirmaitquec’étaitmoiquilerendaisdingue,etpersonned’autre.Commentétait-ce

possible?C’était la vérité me concernant. Jusqu’à lui, le sexe avait été amusant, sans plus.

Parfois, ça avait même entraîné chez moi une obsession malsaine. Toutefois, ce n’étaitjamaisl’aspectphysiqueleresponsabledemesaddictions.D’ailleurs,avecHudsonnonplus,il n’était pas seulement question de sexe. Il s’agissait plus d’être aussi proche de lui quepossible. Et comme c’était Hudson, et qu’il communiquait mieux avec son corps, celaimpliquaitquenoussoyonsnus.

Iln’avaitjamaislaissépersonneentrerdanssonintimité.Peut-êtreque,pourluiaussi,lesexen’avaitétéqu’undivertissementparmi tantd’autres.Pournous,c’étaitun langage.Cequipouvaitpeut-êtreexpliquerquenousayonsencoretantdemalànousparler.Maisnousavionsenviedeprogresser.Jedécidaidoncd’aborderunsujetdélicat.

–J’aivuCelia.Hudsongrogna.–Çayest,jedébande.–C’estfaux,dis-jeenbaissantlesyeux.–Pourtant,j’enail’impression.Tuessérieuse?Celia?–Désolée.J’aipenséqu’ilfallaitteledire.–Oui,sansdoute,soupira-t-il.Ellet’aprovoquée?–Non,jeneluiaipasparlé.C’étaitenvenantici.Jecroisqu’ellenousregardait.Surle

pont.Quand…tusais.Comment pouvais-je faire des choses aussi osées avec cet homme et être aussi gênée

pourenparler?–Quandjet’aifaitjouiraumilieudelafoule?

Hudson,lui,n’avaitjamaisdemalàenparlerclairement,cequiétaitassezexcitant,enfait.

–Oui,là.–J’espèrequ’elleaprofitéduspectacle.C’était bien ça : insatiable, obsédé. J’allais le taquiner à ce propos lorsque je réalisai

qu’iln’étaitpassurprisparsaprésence.–Alorscen’étaitpasJack,lepassagerquin’étaitpassurlaliste?C’étaitCelia,n’est-ce

pas?Commenta-t-ellepumonteràbord?Hudsonpassasesdeuxmainsdanssescheveux.–Elleestvenueavecundemeschargésdecommunication.Elleluiatoujoursplumais

n’ajamaisétéintéresséeparlui.Jesupposequ’elles’enestserviepourvenircesoir.Ilétaitévidentqu’iln’avaitaucuneenviedeparlerd’elle,maisilnerésistaitpas,alors

jepoussailaconversationplusloin.–Pourquoitient-elletellementàêtrelà?–Peut-êtrequ’ellevoulaitvoirsinousétionstoujoursensemble.Tuensaisdavantage

surcegenredenévroseobsessionnellequemoi.Ilnedisaitpasçapourêtreblessant, ilnedisaitque lavérité,eneffet, je connaissais

bienlesujet.Jemesuisrappelécequim’avaitattiréechezleshommesquej’avaisharcelés.– Bizarrement, elle se sent importante parce que tu fais attention à elle. Elle se sent

vivante.Dans ma voix transparaissait toute la tristesse qui m’avait habitée pendant tant

d’années.C’étaitvraimentpéniblederevivrecesémotions.– Tu crois que je suis trop sévère avec elle en coupant les ponts aussi violemment ?

demandaHudson.–Non,répondis-je,bienque jepuissecomprendrequ’ellesoitdévastéeparcerejet,si

elleétait,commejelecroyais,obsessionnellementamoureusedeHudson.–Est-cequecelafaitdemoiunmonstre?demandai-jeàmontour.–Non,merassura-t-il.Qu’ilait tortouqu’ilait raison, j’acceptai sa réponsesansmotdire.Etpuis, cen’était

pasparcequejecomprenaiscequeCeliapouvaitressentirquej’étaiscapabledesoulagersasouffrance. Même si elle parvenait à séduire Hudson, elle n’en serait jamais entièrementconvaincue.Moi-même,jen’avaisjamaisacceptéqu’unhommepuisseêtreavecmoi,mêmelorsquec’étaitvéritablementlecas.J’avaisdûfairebeaucoupd’effortsetdetravailsurmoi-mêmepourcroirequeHudsontenaitàmoi.Celiaaussidevraitpasserpartoutescesétapes.

Cependant, si Hudson obsédait Celia autant que j’avais pu l’être par les hommes demonpassé…Jefrissonnaiensongeantàcequ’elleseraitcapabledefairepourleconquérir.Et je verbalisai enfin ce que la petite voix dansma tête n’avait cessé de répéter toute lasoirée.

–Elleseratoujourslà,n’est-cepas?Ellechercheratoujoursàs’immiscerentrenous.Hudsonsetournasurlecôtépourmefairetaire.–Peuimporte,dit-ilenprenantmonvisageentresesmains.Tum’appartiens,mabelle.

Taplaceestavecmoi.Jenelaisserairiennousséparer.Jenelaisseraipersonnetefairedumal.Surtoutpaselle.

Cet hommene pouvait pas dire je t’aime,mais il savait faire des déclarations quimetouchaient auplus profonddu cœur. Et ses yeux confirmaient chacunede ses paroles. Jesavais qu’il serait prêt à se battre pour moi. Il ne l’avait pas fait auparavant, mais lasituationavaitchangé.Unedoucechaleurenvahitmapoitrine,puis se répanditdans toutmoncorps.J’étaisauborddeslarmes.

Cependant, je ne voulais pas céder à mes émotions. Je voulais lui dire ce que jeressentaisdelafaçonqu’ilcomprendraitlemieux,c’est-à-direavecmoncorps.J’esquissaiunsourirecoquin.

–C’estmoiquisuisexcitée,maintenant.Hudson se détendit et m’attira brusquement à lui. Mon visage frôlait le sien, nos

bouchessetouchaientpresque.–Alorsonarrêtedeparlerd’elle?Il sentait le sexe, le champagne, et Hudson. Mon désir pour lui s’enflamma

immédiatement.–Onpeutarrêterdeparler,toutcourt.Ilme recouvrit et titillamonmentonavecdespetits coupsde langue. Puis il passa à

moncou,qu’ilsuçaetmordillaenylaissantlamarqued’unsuçon.Ilpouvaitmarquersonterritoirecommebonluisemblait.Jevoulaisquetoutlemondesachequej’étaisàlui.

Je me cambrai et pressai ma poitrine contre la sienne. Mon Dieu, j’adorais sentir sapeaunue.Meshanchessemirentenmouvement,pourluidemanderdepasserauxchosessérieuses.

Illevalatêteetmeregardadanslesyeux.«Arrêtedemepresser»,gronda-t-il.Ilétaittoujours trèsconsciencieux, ilaimaitvarierses façonsdemefaire l’amour.Ladernière foisavait étébestiale,alors cette fois-ci, ce serait langoureuxet tendre.C’était toujours luiquidécidait.

Jemefichaisqu’ilsoitrapideouqu’ilfassedurerleplaisirtoutelanuit.Quelquesoitlerythmequ’ilchoisissait,j’avaistoujoursl’impressionquec’étaitlemeilleur.

Hudsonprit son tempspourm’emmener làoù il voulait et làoù je ledésirais tant. Ilm’aimaavecsoncorps–sansunmot,maisdetoutesonâme.

Lorsque nous nous perdîmes dans le brouillard de notre passion, je me dis, commechaquefois,«cettefois-ci,c’estlameilleuredetouteslesfois».

1.Grandeboutiquenew-yorkaisequiorganiseletraditionnelfeud’artificedu4Juillet.

CHAPITRECINQ

Le yacht s’était amarré pendant que nous étions enfermés dans notre chambre. La

foule de passagers s’était ensuite dispersée, et leMagnolia était plongé dans le silence –comme si nous étions seuls sur Terre. Blottie dans les bras de Hudson et bercée par lesvagues,j’aidormicommeunbébé–etàencroiresonhumeurlelendemainmatin,Hudsonaussi. Il semblait enfin remis de son décalage horaire. Il ne faut jamais sous-estimer lesbienfaitsd’unebonnepartiedejambesenl’airetd’unebonnenuitdesommeil.

Nouspartîmesà l’aube,sans fairedebruit.Jordannousattendaitdevant laMaybachlorsquenousarrivâmessurleponton.Cettefois-ci,iln’yavaitnipaparazzis,niflashs.Iln’yavaitquenousetnotrechauffeur.

Surlaroute,jemecollaiàHudsonautantquemelepermettaitmaceinture.Ilétaitdebonnehumeur,ilétaittempsdeparlerdel’avenir.

–J’airéfléchiauremplacementdeDavidàlatêteduSkyLaunch.–Ceseratoi.Matêteétaitnichéesoussonmenton,maisj’entendislesouriredanssavoix.–Surtout,nememetspaslapression,dis-jeenriant.–Si, jetemets lapression.Énormément,dit-ilencaressantmescheveux.Jeveuxque

tudirigesleclub.J’aitoujoursvoulucela,etjetel’aidit.Jemeredressaipourleregarderdanslesyeux.–Jesais.Etc’estàçaquej’airéfléchi.–Et?– Je veux le faire. Vraiment. Et je pense que j’ai les idées et les connaissances

nécessaires.–Absolument.J’avaisdécrochémonMBAdepuisàpeineunmois.Jen’avaisjamaisétéresponsablede

lamoindreentreprise.SiHudsonétait tropoptimisteausujetdemesqualifications,c’étaitparcequ’ilvoulaitêtreimpliquélemoinspossibledanslesopérationsquotidiennes.

–Jesuis touchéeque tuaiesunesihauteopiniondemoi,H.,mais jen’aipasencorel’expérienceduterrain.C’estpourçaquejevoulaisapprendreauprèsdeDavid.

Hudsonlevalesyeuxauciel–ungesteétrange,chezluiquiétaittoujourssiposé.–Davidt’auraittiréeverslebas.Tuasplusd’intelligencedanstonpetitdoigtque…Jeluicoupailaparoleenmettantmonindexsursabouche.–Stop.Tun’asaucuneobjectivitéausujetdemescapacités.Ilembrassaleboutdemondoigtavantdeposermamainsursacuisse,danslasienne.–C’estfaux.–Bref…Çane servait à riende se disputer.C’était en partie pour cela quenousn’avions fait

aucunprogrèsdepuisqu’ilavaitlancécetteidée.Ilpensaitquej’étaiscapabledeplusquejenel’étais,cequiétaitgentiletflatteur,maisquimestressait.

Toutefois,saconfianceenmoiavaitfiniparmeconvaincre.–Jeveuxdirigerleclub.Etjetedisoui.–Oui?s’exclama-t-iltandisquesonregards’illuminait.–Maisàunecondition.–Quejemedonneàtoicorpsetâme?Situinsistes…Jesouris,maisignoraisoncommentaire.– Je veuxengagerunautremanageràplein-tempspourpartager les responsabilités.

Quelqu’unquial’expériencequejen’aipas.Ilréfléchituninstant.–Jen’yvoispasd’inconvénient.Maisjeveuxquetusoislaresponsableprincipale.Ettu

saisquoi?Jet’offrequandmêmemoncorpsetmonâme.–Trèsbien.Çaaussi,jeleveux.Jemehâtaidemecorrigeravantqu’ilnesautesurl’occasion.–Enfin,jeveuxêtrelaresponsable.–Tuneveuxpasdemoncorpsetmonâme?–Tais-toi,legrondai-je.Jelesaidéjà,tulesaisbien.–C’est vrai,dit-il enme serrantplus fort et enm’embrassant sur le front.Publieune

annoncedèsaujourd’hui,situveux.Àmoinsquetun’aiesdéjàquelqu’unentête?–Justement…Ilm’étaitdifficilede luidemanderde l’aidealorsque j’avais toujours insistépour faire

montravailtouteseule,maisj’avaisbesoindelui,àprésent.–Quoi?Jemeredressaietquittailachaleurdesesbras–jetrouvaisétrangedeparleraffaires

enétantblottiecontrelui.Çaressemblaittropàuntraitementdefaveur.–Ehbien,iln’yapersonneauclubquiaitlescompétencesrequises.Personnen’ensait

plus quemoi. Et si je publie une offre pour recevoir des CV… je ne pense pas trouver la

personnequejecherche…–Tuveuxquejetrouvequelqu’un?–Oui,dis-jeenmemordantlalèvre.–C’estcommesic’étaitfait.–Jenet’aimêmepasditquelgenredepersonnejecherche.Ileutungrossoupir.–Alorsdis-le-moi.Ce n’était pas facile pour lui non plus, j’en avais bien conscience. Il supposait qu’il

savaitmieuxquemoicedont j’avaisbesoin.Peut-êtreétait-celecas.Maissic’étaitmoiquidevenaislaresponsable,ilfallaitquejegardeuncertaincontrôle.

– J’aimerais quelqu’un qui a déjà été manager dans un club, ou même dans unrestaurant.Quelqu’unquiaunbonCV.Quisauraitquellessontlesrecettesetlesdépenseshabituellespourunclubetquisauraitdirigeruneéquipe.J’aimeraism’occupermoi-mêmedumarketing et des réunions, et lui laisser la responsabilité des tâches quotidiennes. Tupensesquetupourraismetrouverquelqu’uncommeça?

–Tuvoudraisqu’ilcommencequand?–Toutdesuite.CommeçaDavidpourram’aideràleformer.–Commejetel’aidit,c’estcommesic’étaitfait.–Ahbon?Je m’attendais à ce qu’il me dise qu’il allait voir ce qu’il pouvait faire. Hudson était

puissant,maisjamaisilnefaisaitdepromessesqu’ilnepouvaitpastenir.–Oui.J’aidéjàquelqu’unentête.Jevaisorganiserunerencontre.Et voilà. C’était fait. J’avais accepté de diriger le Sky Launch et j’avais posé mes

conditions.–Parfait,dis-jeensouriant.Hudsoneffleuramajoueduboutdudoigt.–Tusaisquetun’asqu’àdemanderetjetedonneraitoutcequetuveux.Soudain,unsentimentdepaniques’emparademoi.JetournailatêteversJordan.–Enfait,jenelesaispas,non.Ethonnêtement,çamemetmalàl’aise.–Pourquoi?demandaHudsonenposantsamainsurmoncou.Ilyavaitdestonnesderaisons,maisjemecontentaidelaplusévidente.–Jeneveuxpasêtreunepimbêchequiréussitparcequ’ellecoucheaveclepatron.MesyeuxétaientencorerivéssurlanuquedeJordan.Il faisaitbiensontravail–ilne

donnapaslemoindresignequ’ilm’avaitentendue.Hudson,apparemment,préféraitquantàluiquecetteconversationresteentrenous.Il

sepenchapourchuchoteràmonoreille.– Tout d’abord, je suis ravi que tu couches avec le patron. Je t’en supplie, continue.

Ensuite,cen’estpaspourçaquetuobtienscequetuveux.Tul’obtiensparcequetuasles

qualificationsnécessaires.Situt’étaisrendueauxentretiensquiontsuivilecolloquedetonécole, les patrons qui y assistaient se seraient battus pour t’avoir. Enfin, et surtout, tuobtienscequetuveuxdemoiparcequetuesmamoitié.Toutcequej’ait’appartient.Monréseau,monargent,moninfluence–lamoitiédetoutçaestàtoi.

Jefrissonnai.J’adoraiscequ’ilétaitentraindemedire–vraiment–,maisçamefaisaitpaniquer.C’était legenredediscoursquipouvaitme fairepenseràdes chosesqu’il valaitmieux que j’évite. Qui me donnait plus d’importance que je n’en avais. Qui me donnaitl’impressionquenousétionsplusproches l’unde l’autrequedans laréalité.Pourmoi,cesmots étaient des déclencheurs, et si j’avais réussi à avoir une relation saine avecHudson,c’étaitparcequej’avaispristouteslesprécautionsnécessaires.

Cependant,ilfallaitbienadmettrequesadéclarationétaitdélicieuse.J’eusunpeudemalàdéglutir.–Jenesaispasquoirépondreàcequetuviensdedire.Hudsoncaressalelobedemonoreilleduboutdesonnez.–Tun’espasprêteàentendreça, jesais.Mais j’avaisbesoindete ledire.Quantàta

réponse–situdisaissimplementquetuvasdirigernotreclub?–Jevaisdirigertonclub.–Ah?Je reconnus tout de suitemon erreur et je fus surprise d’avoir tellement envie de la

corriger.Jetournailatêtepourleregarderdanslesyeux.–Jevaisdirigernotreclub.–Maintenant,embrasse-moi,parcequetuasfaitdemoiunhommeheureux.Il n’eut pas besoin de me le demander deux fois. Ni une, d’ailleurs, car ses lèvres

recouvraientdéjàlesmiennesquandj’ouvrislabouchepouracquiescer.Salanguecherchaimmédiatement la mienne, il m’embrassa tendrement jusqu’à ce que la voiture s’arrêtedevantleBowery.

Jequittaisesbrasàcontrecœur.–Merci,Hudson.Dem’offrirl’opportunitédedirigertonclub,dem’aideràenfaireunsuccès,dem’aimerde

laplusbellefaçonquisoit,ettoutsimplementdem’avoirtrouvée.–Non,merciàtoi,répondit-ilendégageantlescheveuxdemonépaule.

***

Jepassailerestedelajournéeauclub.Aprèsavoirréaliséquejen’iraispasauJapon,j’avais prévu un rendez-vous avec Aaron Trent pourmettre au point un planmarketing.Nousdevionsnousvoiràtreizeheurestrente.Ilmefalluttoutelamatinéepourlepréparer.Jetrouvaisrevigorantdemejetertêtebaisséedansletravail.J’adoraislemarketing,etpour

la première fois depuis que j’avais appris que David partait, j’étais enthousiaste quant àl’avenirduSkyLaunchetaurôlequej’allaisyjouer.

Grâce à toutmon travail de préparation, et parce qu’Aaron Trent avait lameilleureéquipepublicitairedelaville,notreréunionsedéroulaàmerveilleetnouseûmesfiniplustôt que prévu. Il était à peine quinze heures passées lorsque nous nous quittâmes. Jemesentais vidée, et je m’assis confortablement sur le canapé du bureau de David pour medétendre.

–C’étaitunesuperréunion,ditDavidenentrantdanslebureau.Jesuisdégoûtédenepaspouvoirvoirlesrésultatsdetouttontravail.

–Net’enfaispas,jetetiendraiaucourant.J’étiraimesbrasdevantmoi,courbatuepartoutcequeHudsonavaitfaitsubiràmon

corpslaveille,etjesourisenyrepensant.–Qu’est-cequit’arriveaujourd’hui?JelevailatêteetvisqueDavidétaitassissurl’accoudoir,entraindemeregarder.–Commentça?jedemandai,confuse.– Je ne sais pas comment l’expliquer, dit-il en fronçant les sourcils. Tu es différente.

Plus…ardente,situvoiscequejeveuxdire.Je réfléchis un instant. J’avais toujours été passionnée par mon travail, mais cette

réunionm’avaitlaisséerevigorée.–Ehbien,cematinj’aiditàHudsonquejeprendraistaplacequandtuserasparti.–Enfin!Alorsjepeuxvraimentmesentirheureuxdepartir!s’exclama-t-ilensouriant

jusqu’auxoreilles.–Si tu ledis…mais tuétais super impatientdebosserà l’Adora,dèsqueHudson t’a

offertceboulot.–Surtoutparcequejepensaisqu’ilallaitmevirer.Obtenirunepromotion,àlaplace,

c’étaitunebellesurprise.Monsourire s’évanouit. Jem’étais convaincuequeDavidétaitpressédequitter leSky

Launch.C’étaitpourçaquej’avaismieuxencaisséqu’ilsoitéliminéparmoncopainjaloux.Cependant, même si j’aurais préféré garder mes illusions, la vérité était importante pourmoi.

– Alors tu as accepté ce poste à l’Adora uniquement parce que tu croyais que tu teferaisvirerd’icisiturefusais?

–Allez,Laynie.Soyonshonnêtes.Piercenem’auraitjamaispermisderesterici.David disait peut-être la vérité,mais je n’avais pas eu l’occasion deme battre autant

que je le voulais pour lui. S’il ne voulait pas partir, s’il voulait vraiment rester au SkyLaunch,j’iraistoutdesuitevoirHudsonpouryremédier.

–Maiss’ilt’avaitpermisderester…tuauraisquandmêmeditouiàl’Adora?Oubientuauraispréférérester?

Davidprituneprofonderespirationavantderépondre.–Pourêtrehonnête,jenesaispas.L’Adoraestlareinedesboîtesdenuit.Jen’aurais

jamaiseuunetelleopportunitésansPierce.Etjepensequejeferaidubonboulot,là-bas.Jevais rejoindreuneénormeéquipedemanagers. J’auraiunesouplesseetunsoutienque jen’aijamaiseusici.C’estunpeulejobdemesrêves.

Jemedétendisunpeuetildescenditdel’accoudoirpours’asseoirsurlecanapé.–Maiscen’estpasfaciledelaisserceuxquel’onaime,poursuivit-il.Jevaisdevoirdire

aurevoiràmesamisetàmamaison.Àceclub.Etàtoi,dit-ilenplongeantsonregarddanslemien.

–David…Je savaisqu’il avaitdes sentimentspourmoi,mais là, il sous-entendaitqu’ilm’aimait.

Bonsang,mêmeHudsonnefaisaitpasautantd’allusionsàl’amour.Jepréféraisnepasenentendreplus,maisilignoramamiseengarde.

–Netemoquepas,maisj’aimaisàpenserqu’onfiniraitpardirigerceclubensemble.Jenepusm’empêcherdesourire.–Moiaussi,àuneépoque,admis-je.J’avais imaginé qu’on semarierait, et qu’on deviendrait le duomagique à la tête du

clubleplusbranchédelaville.Cerêves’étaitévaporélorsquej’avaisrencontréHudson.–Vraiment?–Oui,vraiment.Je regrettai immédiatementmonaveu. Je compris à son expressionque cela signifiait

bien plus à ses yeux qu’aux miens. Je me levai pour ne plus lui faire face, avant depoursuivre:

–Nonmaissérieusement.Cetendroitabesoindedeuxmanagers.C’étaitabsurdequetul’aiesdirigéseulpendantsilongtemps.

–Jen’étaispasvraimentseul.L’équipeestbourréed’assistantsgéniaux.– Ce n’est pas lamême chose, dis-je en faisant la grimace. Il faut deux personnes à

tempsplein.D’ailleurs,aujourd’hui,j’aidemandéàHudsondemetrouverunpartenaire.Jenevoulaispaslefairetouteseule,dis-jeenbaissantlesyeux.

Davidserapprochademoietmelevalementonduboutd’undesesdoigts.–Tun’asqu’unmotàdireetjeresterai.–Jenepeuxpastedemanderdefairecela,David,murmurai-je.–Tupourrais.–Non,jenelepourraispas.Ettusaistrèsbienpourquoi.Samainretombamollementsursacuisse.–Jesais.Maispourrépondreàtaquestionprécédente–sansPierce,jeneseraisjamais

parti.Tupeuxl’interpréterdelamanièrequit’arrange,maistucomprendstrèsbiencequejedisvraiment.

–Je…je…euh…Je me mordis la lèvre. David avait été un ami génial quand j’en avais très peu. Et

pendantuncertain temps,nousétionsdevenusplusqu’amis. J’avais le cœurbriséà l’idéequ’ils’enaille.Cependant,jeneressentaisriendepluspourlui.

–Tun’espasobligéederépondre.Jecomprends.Tuesaveclui.IlnepouvaitpasmêmeprononcerleprénomdeHudson.–Jelesuis.Entièrement.–Maissijamaistunel’étaisplus,àl’avenir…Davidm’avaitdéjàdit qu’il serait là si celanemarchaitpasavecHudson.C’étaitune

promesseabsurde.Surtoutparceque j’avais tourné lapageetque,mêmesansHudson, jeneretourneraisjamaisaveclui.

Cependant,jenepouvaispasleluidire.Ilpartait,c’étaitinutiledeluifairedavantagedemal. Je laissai s’installer entre nous un silence gênant pendant plusieurs secondes, enréfléchissantàlameilleurefaçondeluiexpliquerquejenepartageaispassessentiments.

Heureusement, je fus sauvéepar la sonneriedemon téléphone. Je courusdécrocher,sansprendrelapeinederegarderquim’appelait.

–Laynie!chantonnaMiradansmonoreille.Jetedérange?Tupeuxparler?Jefisquelquespaspourm’éloignerdeDavid.–Biensûr,qu’est-cequisepasse?–Jevoulaissavoirsijepouvaistedemanderunservice?–Enplusd’êtremannequinpourtonvernissage?Je plaisantais, bien sûr. Je serais prête à tout pour cette fille. Elle m’avait accueillie

danssafamilleavantqueHudsonnelefasse–jeluidevaisbeaucoup.– Un autre genre de service. Bon sang, j’en demande beaucoup ces jours-ci, n’est-ce

pas?–Etsijeterépondaisseulementlorsquejesauraicequetuveuxdemoi?Jememisàfairelescentpasdanslapiècesansmêmem’enrendrecompte.–D’accord.Papaveutdéjeuner avecmoidemain.Et jen’ai pas vraiment envied’être

touteseuleaveclui.Etj’adoreraistevoir.Tuvoudraisbientejoindreànous?–Avecplaisir!L’idéedevoirJackmerendit lesourire.JesavaisqueHudsonrefuseraitque je levoie

seule,maisilnepourraitriendiresiMiraétaitdelapartie.Jeseraishonnêteavecluiettoutiraitbien.

–Maispourquoituneveuxpasêtreseuleaveclui?demandai-je.– Il essaiede se rattraper,après tout cebazaravecCelia. Il ne comprendpasque ce

n’estpasauprèsdemoiqu’ildoitsefairepardonner.Jemecontrefichedecequ’ilafaitoupasfait,oudecequ’ilauraitdûfaire.J’aimeraissimplementqueluietmamangrandissentunpeuetsecomportentcommedesadultes,pourunefois.Sansrire,c’esttropdemander?

SophiaetJack?Grandir?–Turêves,Mira,répondis-je.–Jesais,jesais.Bref.OnseretrouveauPerryStreetàtreizeheures.Jevaisappeleret

réserverpourunetroisièmepersonne.C’esttop!Grâceàtoi,j’aihâted’êtreàdemainmidi!–Moiaussi.Jeraccrochaietremismontéléphonedansmonsoutien-gorge.Enmeretournant,jevis

queDavidtravaillaitàsonbureau.Ouplutôtqu’ilfaisaitsemblantdetravailler.Ilnecessaitdeleverdiscrètementlesyeux.Jemedemandaiss’ilavaitencorequelquechoseàdire.Bonsang,j’espéraisquecen’étaitpaslecas.

Aulieud’attendredeledécouvrir,j’annonçaiquej’avaisquelquescoursesàfaire.Riend’urgent,maisdepuissadéclarationd’amour,lebureaumeparaissaittropétroitpournousdeux.

Ensortant,jefuséblouieparlesoleild’été.J’étaispartiesuruncoupdetête,jen’avaispaseuletempsd’appelerJordan.Jen’allaispasloin,jedécidaidoncd’yalleràpied.C’étaitunetrèsbellejournée,celamefaisaitdubiendeprendreunpeul’air.

Je ne remarquai que j’étais suivie qu’après m’être arrêtée pour faire ma premièrecourse, chez un imprimeur, à deux rues de Columbus Circle. Peut-être avais-je été troppréoccupéeparDavidetleclub–etHudson,biensûr.Sinon,jesuiscertainequejel’auraisrepérée avant. Lorsque je la vis enfin, je sus immédiatement que ce n’était pas unecoïncidence si elle descendait la huitième avenue en même temps que moi. Je sus aussiqu’ellevoulaitque je lavoie.Après tout, j’avais suivibiendesgens,moiaussi, et je savaisqu’avecunminimumd’efforts,c’étaitfaciledenepassefaireremarquer.

Celia ne faisait rien pour se cacher. Elle s’arrêtait lorsque je m’arrêtais. Ellerecommençait à marcher en même temps que moi. Et pendant tout ce temps, ses yeuxétaient rivés surmoi.Mon cœurbattait la chamade,mais je fisdemonmieuxpour restercalmeetnepasaccélérer lepas. Lorsque j’entrai chez l’imprimeur, elle restadehors et setintdevantlavitrinedefaçonquejevoiequ’elleétaitlà.

Celianemefaisaitpasvraimentdemal,etellenem’avaitpasadressélaparole,maissaprésencemefichaitlatrouille.Jesavaisquelmessageellevoulaitfairepasser:Jesuislà.Je te vois. Tu ne peux pas m’échapper. Était-ce ce que Paul Kresh avait ressenti lorsque jel’avais suivi pendant des semaines ? C’était absolument horrible, jamais je n’avais autantregrettémoncomportementqu’aujourd’hui.

Il yavait laqueueaucomptoir, j’eusdoncquelquesminutespourmedétendreavantquecesoitmon tour. JecherchaiàcomprendrecequevoulaitCelia.Peut-être souhaitait-ellemeparler?Danscecas,elleaurait trèsbienpum’envoyerunsmsouune-mail.Etsielleavaitvoulumeparler,pourquoinem’avait-ellepasapprochée?

Non,ellenecherchaitpasàmeparler.D’abordsur lebateau,maintenant ici–est-cequ’ellemeficheraitlapaixunjour?Avait-elleimaginéunnouveaumoyenpourmepiéger

en retournant la situation contre moi plus tard ? Ou bien souhaitait-elle simplement mefairepeur?

Si tel était son but, elle l’avait atteint. Mais contrairement à la dernière fois qu’ellem’avaitmanipulée,cettefois-cijem’yattendais.Jeneluifaisaisplusconfiance.Aprèsavoirenvoyé unmessage à Jordan pour lui dire de venirme chercher, j’utilisaimon téléphonepourlaprendreenphoto–jevoulaisavoirunepreuve.Ellemevitfaire,j’enétaiscertaine,maiscelanesemblapaslagêner.Puisj’appelailebureaudeHudson.

–Ilestenrendez-vous,m’informaTrish,sasecrétaire.Jepeuxluidiredevousrappelerdèsqu’ilauraterminé.

Celan’étaitpassuffisant.Jesavaisqu’ilpréférerait interrompresaréunion,maisTrishne le ferait pas d’elle-même. J’espérai qu’il regarderait son téléphone et je lui envoyai unmessage.Jeviensàtonbureau.J’aibesoindetevoir.

J’avais réussiàmecalmer lorsquemontourarriva.Je récupérai lesmenusque j’avaiscommandés, je pris une profonde inspiration, et je sortis de la boutique. J’étais terrifiée àl’idée que Celia soit si près de la porte,mais je refusais de lui laisser voirma peur. Dieumerci, aumoment où je posai lamain sur la poignée, Jordan se gara le longdu trottoir.Celias’enfuitd’unpasrapide.S’ilsuffisaitdelaprésencedeJordanpourqu’elledisparaisse,jen’iraisplusnullepartsanslui.

JemeglissaidanslavoitureavantqueJordann’aiteuletempsdesortirpourm’ouvrirlaportière.

–Devantnoussurletrottoir,luidis-jeendésignantledosdeCelia,tulavois?Ellemarchaitrapidement,et jevoulaisquequelqu’unlavoieavantqu’elleaitdisparu

danslafoulenew-yorkaise.Jordan la remarqua toutde suite. « Je lavois.Ellevous suivait ? » Iln’avaitpas l’air

surpris.–Oui,commenttusais?–Jel’aivuecematinlorsquejevousaidéposéeauclub,maisjen’étaispassûrquece

soitelle.IlfautledireàmonsieurPierce.–J’enaibienl’intention,tupeuxm’emmeneràsonbureau?Ilacquiesçaenhochantlatête.Jemerassisetj’attachaimaceinturependantqu’ilsefaufilaitdansleflotdesvoitures.

Celiaétaitencoreenvue,jel’observaitandisquenousnousrapprochionsd’elle.Elles’arrêtalorsquenous ladépassâmes, souritetme fitun signede lamain,mêmesiellenepouvaitpasmevoirderrièrelesvitresteintées.

Elle avait de la chance que je sois pacifiste – sinon j’aurais déjà imaginé comment latrucider.

CHAPITRESIX

Lorsquej’entraidanslehall,Hudsonn’avaittoujourspasréponduàmonmessage.Du

coup,j’enenvoyaiunautre.Jemontedansl’ascenseur.Jesuislàdans2min.Jen’avaistoujourspaseuderéponseenarrivantàsonétage,maisjepassaidevantle

bureaudeTrishsansm’arrêter,commesiHudsonétaittoujoursdisponiblepourmevoir.Etpuis,àl’entendre,c’étaitlecas.

–Excusez-moi,ditTrish.MaismonsieurPierceesttoujoursenrendez-vous…–Ilestaucourant,dis-jepar-dessusmonépaule.La porte du bureau s’ouvrit avant même que je n’aie touché la poignée. Hudson

m’accueillit,l’airinquiet.«C’estbon,Patricia»,dit-ilens’effaçantpourmelaisserentrer.Dèsquelaportesefutreferméesurnous,ilpritmonvisageentresesmainsetchercha

monregard.«J’aieutonmessage.Quesepasse-t-il?Tuesblessée?»–Non,jenesuispasblessée.Jetremblais,etmaintenantquej’étaisaveclui,j’avaisenviedepleurer.–Alayna,qu’ya-t-il?JesortismontéléphonepourafficherlaphotodeCelia.–J’aibesoindetemontrerquelquechose.Est-ceque…Unbruitsefitentendrederrièremoi.Jetournai latêteetaperçusunefemme,debout

près de son bureau. Ses cheveux auburn attachés en queue-de-cheval basse contrastaientavecsontailleurcrème.

Jemeredressaipendantquedemultiplessignauxd’alarmeretentissaientdansmatête.–Oh,jesuisdésolée.Jen’avaispasvuquetun’étaispasseul.Hudsonmitsamaindansmondosetmeguidaverssoninvitée.–Alayna,tutesouviensdeNorma?–Ouais.NormaAnders.Nousnoussommesrencontréesaujardinbotanique.IlétaitévidentqueNormaétaitintéresséeparHudson,etçamegênait.Elletravaillait

avec lui tous les jours, l’appelait par son prénom– alors qu’il autorisait peu de gens à le

faireetsurtoutpassesemployés.Etilsétaientseulsdanssonbureau,àl’heuredudéjeuner.Etilavaitignorétousmesmessages.

–Eneffet,nousnoussommesvueslà-bas.Normam’inspectadelatêteauxpieds.Lapremièrefoisqu’ons’étaitvues,ellem’avait

àpeineregardée,concentréequ’elleétaitsurmonpetitami.–Jesuisraviedeterevoir,Alayna,dit-elled’unevoixquisous-entendaitl’inverse.Elle

s’adressaensuiteàHudson.«Sivousvoulezêtreseuls,nouspouvonssortir.»Nous?Jeremarquaialorsuneautrefemmeassisedansl’autrefauteuil,faceaubureau

deHudson.Ah. Il n’était pas seul avecNorma. Je fus soulagée, puis jeme sentis immédiatement

coupable. J’étais ridicule, et parano. Les événements de la journéem’avaient déstabilisée.Hudsonétait simplement en réunionavecdeuxde ses employées. Il ne s’agissait pasd’unrendez-vousgalant–riendedéplacé.

Maismonangoissenedisparutpaspourautant. J’avaisbesoinde luiparlerdeCelia,maisceladevraitattendre.Jerangeaimontéléphonedansmonsoutien-gorge.

–Non,non.Jesuisdésoléedevousavoirinterrompus.Cen’estpasmongenre.Hudsonpassaàcôtédemoietavançaverssonbureau.–Alayna,envéritétutombesàpic,dit-ilendésignantdelatêtelafemmeassisedans

le fauteuil, qui s’empressa de se lever. Je te présente Gwen, la sœur de Norma. Elle estmanageràL’Étage88.

–Ah?Alorscen’étaitpasuneemployée,après tout.L’Étage88étaitunedesboîtesdenuit

lesplusbranchéesdeNewYork,appartenantàunconcurrentdeHudson.Ilmefallutuneseconde pour comprendre ce qui se passait. Je me ressaisis et avançai vers Gwen en luitendantlamain.«AlaynaWithers».

Sapoigneétaitferme,cequiétaitunbonpremiersignepourunecodirectrice.–Enchantée.Elle avait un beau sourire, avec de belles dents, pas trop aguicheur. Elle ressemblait

beaucoupàNorma,enpluspâle.Sapeauétaitclaireetsescheveuxblondfoncéouchâtainclair, selon la lumière.Sesyeuxétaientgris-bleu.Elleavait lemêmegenredebeautéqueScarlettJohansson–legenrequel’onpeutsoitignorer,soittropcélébrer.

Je me demandai dans quelle catégorie se situait Hudson, avant de me réprimanderd’avoireucettepensée.Quem’arrivait-il?J’avaisétéexagérémentjalouseavecmesex,maisjamaisavecHudson.

Cederniers’approchapourmeprésenterdemanièreplusofficielle.– Alayna est chargée de la communication et de l’événementiel au Sky Launch,mais

commejevousl’aidit,ellevadevenirdirectricelorsqueledirecteuractuelseraparti.

–Hudsonm’adit que vous cherchiezun responsablepour s’occuperde la gestion auquotidien, dit Gwen en me regardant droit dans les yeux. C’était rassurant, vu la maniequ’avaitsasœurdem’ignorer.

–C’estunpostequipourraitvousintéresser?demandai-je.–Absolument.Une codirectrice qui avait travaillé à L’Étage. Avec toutes les informations qu’elle

pourraitm’apporter,enplusdesonexpérience…jedevaisl’admettre,Hudsonsavaitcequ’ilfaisait.

Etilenavaitconscience.Ilavaitbeausemaîtriser,sesyeuxscintillaient,ilétaitfierdutravailaccompli.

– Je crois qu’elle a toutes les qualifications requises, Alayna. Peut-être voudrais-tuorganiserunentretien?

–Absolument.Jesortismontéléphone,etlorsquejeledéverrouillai,laphotodeCelias’afficha.Jeme

figeai,unnouveaufrissonmeglaçaitlecorps.–Alayna?demandaHudson.–Pardon.Lajournéeaétédure.Jesuisunpeuperturbée.Je consultai mon planning du lendemain. Je déjeunais avec Mira et Jack, mais ma

soiréeétaitlibre.–Pourriez-vouspasserauSkyLaunchdemain?Jepensequ’unentretien,c’estunpeu

tropformel.Jepourraisvousfairevisiterleclubetnouspourrionsdiscuterduposte.–C’estparfait.Jenetravaillepasdemain,doncjesuislibrequandvousvoulez.Ilmevintà l’espritde luidemanderpourquoiellevoulaitquitterL’Étage88,mais ça

pouvait attendre le lendemain. Mon angoisse refaisait surface, j’étais pressée de terminercetteconversationpouravoirHudsonàmoitouteseule–etpaspourlesraisonshabituelles.

– Super. Pourriez-vous venir à vingt heures ? demandai-je en entrant le rendez-vousdansmonagenda.Commeça,vousverrezleclubpendantlesheuresd’ouverture.

–J’yserai.–Tu vois,Norma ?dit-il en lui faisant un clin d’œil. Les enfants n’ont pas besoinde

nous,aprèstout.Ellessesonttrèsbiendébrouilléestoutesseules.Le ton ironique de Hudson augmenta ma nervosité. Pourquoi diable avait-elle été

conviéeàcerendez-vous?Cen’étaitpasparcequeGwenétaitsasœurqu’elledevaityêtre.EtcommentHudsonsavait-ilquelasœurdeNormaétaitlamanagerd’uneboîtedenuit?HudsonetNormaétaient-ilsplusprochesqu’ilnel’avaitlaisséentendre?

Pendant lapirepériodedemesproblèmesd’obsession, j’avaisénormémentsouffertdeparanoïa.Çarevenaitdetempsentemps,c’étaitinévitable,maiscelan’avaitjamaismenacéma relation avec Hudson. Étais-je parano, oumes questions étaient-elles justifiées ? Et sij’étaisparano,pourquoiest-cequeçarecommençaitmaintenant?

C’étaitàcausedeCeliaetde laguerrepsychologiqueà laquelleelle se livrait.C’étaitforcémentcela.Ilétaithorsdequestionquejesombreànouveauàcaused’elle.Sinon,elleremporteraitlavictoire,etjenelevoulaispas.Jedevaismeressaisir.

Je m’effaçai tandis que Hudson raccompagnait les sœurs Anders à la porte.Mentalement,j’essayaidemecalmer,enrespirantlentementetenmerappelantqu’ilvalaitmieuxcommuniquerquetirerdesconclusionshâtives.Peut-êtreserait-ceunebonneidéedesuivre une autre thérapie de groupe, plus tard dans la semaine. Tout serait bon pourcalmercettepaniquecroissante.

Unefoisseuleaveclui,jenepusmeretenirdavantage.–Qu’est-cequeNormafaisait là? luidemandai-jeavecungrandsourirepournepas

paraîtretropagressive,mêmesiçam’étaitimpossibledenepasl’être.Hudsonrefermalaporteàclefetsetournaversmoi.– C’est elle qui a fixé ce rendez-vous avec Gwen. Je ne l’avais jamais rencontrée et

Normavoulaitêtrelàpourmelaprésenter.Pourquoi?– Comme ça, j’étais curieuse, dis-je enm’appuyant sur le bureau. Comment savais-tu

queGwentravaillaitàL’Étage88?Ils’avançaversmoi.–Normal’avaitmentionné.–Quoi, lorsd’uneconversationbanaleentreunpatronetsonemployée?rétorquai-je

encroisantlesbras,cequin’étaitpaslaposeidéalepouravoirl’airdétendu.–Alayna,tuesanormalementjalouse,dit-ilenposantsesmainssurmescoudes.Bien

que celam’excite beaucoup, j’ai l’impression que c’est le symptôme d’autre chose. Que sepasse-t-il?

Jehaussai les épaules, jenevoulaispasmentionnerCeliaavantd’avoir terminécetteconversation.

–Jetrouvejusteétrangequetuconnaissesautantdedétailspersonnelsàproposd’uneemployéeenparticulier,alorsquetuenasdescentaines,voiredesmilliers.

–Descentainesdemilliers,pourêtreplusprécis.Celanemefitpassourire.–C’estencoreplusbizarre.–Qu’est-cequetumedemandesvraiment?ditHudsonenmettantlesmainsdansses

poches.Jemedétestaisdéjà.Lapersonnequifaisaitfaceàcethommequej’aimaistantn’était

pascellequejevoulaisêtre.Jenevoulaispasluiposerautantdequestions,nim’inquiéterou faire de la parano. Mais j’avais l’estomac complètement retourné, et mes parolesm’échappèrent.

–JetedemandepourquoituconnaistouscesdétailssurlafamilledeNormaAnders.

– Tu me demandes quel genre de relation j’ai eu avec Norma. Et la réponse est«strictementprofessionnelle».

–Tul’asdéjàembrassée?poursuivis-jed’unevoixtremblante.J’avais l’impression que si je décroisais les bras mes mains aussi allaient se mettre à

trembler.Moncerveauétaitremplid’imagesd’eux.Jen’enrevenaispasdepouvoirimagineraussivitedesscènesdepassiontellementprécises.Laseulechosequipourraitmettrefinàmon délire, c’était qu’il me jure qu’il ne s’était jamais rien passé. Et encore – les imagespouvaientquandmêmes’incrusterenmoi.

–Jen’aipasl’habituded’embrasserlesgensavecquijetravaille.Pourtant,ilm’avaitembrasséealorsquejetravaillaispourlui.–Réponds-moiparouiouparnon,s’ilteplaît.–Non,Alayna, jene l’ai jamaisembrassée.Jene l’ai jamaisbaisée.Jen’ai jamais rien

faitavecelle,dit-ild’unevoixdétendueetpleined’empathie.Jem’efforçai d’avoir l’air calme,mais j’étais aubordde la crise denerfs. Il poursuivit

pourtant:– Norma fait partie de la direction financière, c’est elle qui s’est occupée de la

transaction lorsque j’ai acheté le Sky Launch, elle savait donc que je possédais ce club.L’autrejour,ellem’ademandés’ilyavaitdespostesàpourvoir.Jeluiairéponduquenon,maisquejepenseraisàGwensicelaarrivait.Jenevoulaispast’enparler,parcequej’étaissûrquetuteserviraisdecetteexcusepourrefuserlepostededirectrice.C’estaussisimplequecela.

–Çaparaîtlogique.Parailleurs, cette façon légèrementmanipulatriceavec laquelle ilm’avait caché toute

l’histoireétait typiquedeHudson.Moncœurétait convaincuqu’ildisait lavérité.Maisquicroire?Moncœuroumatête?

Ilsoutintmonregardpendantplusieurssecondes.–Iln’yarienavecelle,Alayna.Jesuisavectoi.Toujours.D’accord?Moncœur.Jecroyaismoncœur.Toujours.Il s’agissait de Hudson. Il m’aimait, même s’il ne pouvait pas me le dire. J’avais

confianceenlui.Avait-iljamaisfaitquoiquecesoitquim’indiquequejedevraismeméfier?Jesecouailatête.Jemesentaissoudainhonteuse.–Jesuisdésolée.Jemesensbête.Hudsonm’attira dans ses bras. Enfin, je retrouvaismon calme. Je baignais dans son

odeurdesavonetd’après-rasage,cequieut surmoiuneffetapaisant.C’était l’endroitaumondeoùjemesentaislemieux.Ilmecaressaledosetm’embrassasurlatempe.

– Je sais que tu es perturbée parce qu’il s’est passé quelque chose. Tu étais toutechambouléequandtuesarrivée.Qu’ya-t-il?

Jem’agrippaiàlui,enempoignantsavestedecostume.Maintenantqu’ilmetenait,jenevoulaispluslelâcher.J’étaisensécurité,danssesbras.

–Alayna,parle-moi.Jetournailatête,afinquemesparolesnesoientpasétoufféesparsesvêtements.–C’estCelia.– Qu’est-ce qu’elle a fait ? s’exclama Hudson l’air inquiet, en me repoussant pour

pouvoirexaminermonvisage.–Ellemesuit.–Commentça,elletesuit?demanda-t-ilenfronçantlessourcils.–Ehben,elleestpartoutoùjevaisetelles’envaquandjem’envais.Ellemesuit.Jeluimontrailaphotosurmontéléphoneetjeluiexpliquaiquejel’avaisvuelorsque

jem’occupaisdediverses chosespour le club, et j’ajoutai que Jordan l’avait remarquée cematin,luiaussi,aprèsqu’elleeutfaitirruptionsurlebateaulaveille.

Jecraignaisqu’ilnetrouvequej’enfaisaistoutunplat,ouqu’ilnemecroiepas,commeladernièrefois.J’avaisunephoto,maisqu’est-cequeçaprouvait?Est-cequ’ilpenseraitquec’étaitmoiquilasuivais?

Cependant,saréponsemerassura.– Cette putain de garce ! s’écria-t-il en se tournant et en passant sa main dans ses

cheveux.Jejurequesielletefaitquoiquecesoit…Mes larmes jaillirent soudain, des larmes de peur mais aussi de soulagement qu’il

prennemonparti.–Qu’est-cequ’ellecherche,Hudson?Qu’est-cequ’ellemeveut?Ilfitletourdesonbureauetsepréparaàappuyersursoninterphone.–Peuimporte.Ellenepeutpasfaireça.J’appellemonavocat,onluiinterdiradenous

approcher, dit-il en appuyant sur le bouton avant que je puisse l’en empêcher. Patricia,passez-moiGordonHayes,s’ilvousplaît.

–Oui,monsieurPierce.Jesecouailatêteenm’écroulantdansundesfauteuils.–Cen’estpasaussisimplequeça.–Jemefichequecesoitsimpleoupas.Jevais lui interdiredenousapprocher,point

barre.Je ne l’avais jamais vu dans un tel état. Son calmedistant avait cédé la place à une

sauvageriepassionnée.Pourunefois,cefutmoi,lavoixdelaraison.–Hudson,tunepeuxpasluiinterdiredem’approcherjusteparcequ’ellemesuit.Elle

agardéunedistancesuffisante,ellenem’apastouchée,ellenem’apasmenacéeetellen’apasfaitdescandalelàoùjemesuisarrêtée.Nousn’avonsriencontreelle.

Sesyeuxétaientrivéssursontéléphone,commes’ilvoulaitl’obligeràsonner.

–C’estdingue.Ellet’aterrorisée.Jelevoisbien.–Oui,ellemefaitpeur.Maistunepeuxrienyfaire.Denouveau,jemerappelaiquej’avaisfaitsubirlamêmechoseàd’autres.PaulKresh

avaitobtenuuneordonnancedujugem’interdisantdel’approcher.C’était lapremièrequej’avaisreçue,etiln’étaitpaslepremierquej’avaissuivi.

–Crois-moi, continuai-je. Jem’yconnaispourcequiestde terroriser lesgens toutenévitantlapolice.

–Neparlepasainsi,ditHudsond’untonaussidouloureuxquelemien.–Maisc’estlavérité.Jefaisaisçaauxgens,Hudson!C’esthorrible.Commentai-jepu

êtreaussimonstrueuse?Leslarmesquej’avaisréussiàcontenirjaillirentsoudain,incontrôlables.Hudson courut à moi et me fit lever pour me prendre dans ses bras. « Chuuut,

Alayna.»Ilcaressaitmescheveuxtandisquejesanglotaissursonépaule.–Cen’estpaslamêmechose.Tucherchaissimplementàêtreaimée.LesactesdeCelia

n’ontrienàvoir.Jelerepoussaibrusquement.Jeneméritaispassescaresses.–Tuenessûr?Nefait-ellepascelaparcequ’elleveuttonamour?Commentpeux-tu

direquecen’estpaslamêmechose?Ilsoupiraetseperchasurleborddesonbureau.–Jenepensepasquec’est laraisonpour laquelleelleagitainsi.Elleveutque jesois

malheureux,etellesaitquelemeilleurmoyend’yarriver,c’estdetefairedumal.Ellemefaitpayerpourmonpassé,rienàvoiravecletien.

J’essuyaimes joues.Bonsang,Celiase jouaitdenousavecune facilitédéconcertante.Nous étions là, à regretternospassés, ànousdétester, à foutre en l’air toutes ces annéesd’efforts.Hudsonavaitraison.Cetteputaindegarce!

Jemerassisencalantmanuquesurledossierdufauteuil.–Jemefichedesesraisons.Maisellevacontinueràlefaire,parcequ’ellesaitqu’elle

estgagnante.Tutesensresponsable,etmoijesuisenlarmes.Jesuisparanoetangoissée,j’aipeurdereprendremesmauvaiseshabitudes,hoquetai-jealorsqu’unenouvellevaguedelarmesmenaçait.

Hudsonvints’agenouillerdevantmoi.Ilposasesmainssurmesbras,commes’ilallaitmesecouerafinquejemeressaisisse.

– Ce ne sera pas le cas. Ce que tu ressens aujourd’hui est justifié. Elle a voulu tedéséquilibrer,maistunevaspast’effondrer.Tuesplusfortequ’elle.

–Jesuisfortequandjesuisavectoi,dis-jeenm’essuyantunœildureversdelamain.– Et je ne vais pas t’abandonner. Je suis là.Nous allons nous en sortir ensemble. Tu

m’entends?Jehochaifaiblementlatête.

LetéléphonesonnaetHudsonsepenchapourappuyersurleboutondel’interphone.–Vousavezréussiàlejoindre?–Non,ditlavoixdeTrish.Jesuisdésolée,maisM.Hayesestrentréchezlui.Ilestdix-

septheurespassées.–Merde,marmonnaHudsonenregardantsamontre,et jesusqu’ilhésitaitàappeler

surleportabledesonavocat.Jeveuxluiparlerdemainmatinàlapremièreheure.–Ouimonsieur.Avez-vousbesoindequelquechoseavantquejeparte?–Non.Merci,Patricia.Iléteignitl’interphoneetsetournaversmoi.Ilm’observad’unairsongeurpendantde

longuessecondesavantdereprendrelaparole.–Ellenegagnerapas,Alayna.Tuesrestéecalmedevantelle,n’est-cepas?–Oui.C’étaithorsdequestionqu’ellemevoiecraquer.– Je n’en doute pas, dit-il en souriant fièrement. Tu es incroyable, et tu es bien plus

fortequetunelepenses.Jemesentaistoutsaufincroyable.Maissaconfiancestimulaitlamienne.Hudson,appuyécontrelebureau,semblaitperdudanssespensées.Jesavaisqu’ilétait

entrainderéfléchir:jeconnaissaiscetteexpressionlorsqu’ilenvisageaituneaffaire.–Celian’aaucunmoyendesavoirsielleaatteintsacible.Çanousdonneunavantage.Jene voulais pas interrompre lamise aupointde sa stratégiededéfense,mais jene

pusm’empêcherdedemander:–Etsiellenesecontentaitpasdemesuivre?Sielleallaitplusloin?– Jordan est un ancien soldat des forces spéciales. Il te protégera. Mais tu dois me

promettrequetun’irasnullepartsansluiàl’avenir.–De toutemanière, je vais rarement où que ce soit sans lui. Aujourd’hui, c’était une

exception.–Promets-le-moi,Alayna.–Jetelepromets.J’avaisdevinéqueJordann’étaitpasunsimplechauffeur,maisjeneconnaissaispasles

détails.Le savoirnechangeait rien, j’auraisaccepté laprésenceden’importequipourmeprotéger,justepourêtresûredeneplusjamaisêtreseulefaceàCelia.

–Tantmieux.JevaisengagerunautregardeducorpspourrelayerJordanquandilneserapasdisponible.Jesaisquetun’envoulaispas…

–Jeleprends,dis-jeenluicoupantlaparole.Ilacquiesçadelatête.–Jevaisdemanderàquelqu’undepasservérifierlescamérasduclubets’assurerqu’il

n’enfautpasd’autres.Lepenthouseestdéjàsurveillé.Jevaisenparleràmonavocat…–Ilnepeutrienfaire,répétai-je.

– Jevais luiparlerquandmême. Jeveuxconnaîtrenosdroits.Si jedoisdépenserdel’argent,jeleferai.

Jerisdoucement.Jen’avaisjamaisentenduHudsonparlerdefaçonaussidécontractéede ce quepouvait lui apporter sa fortune. L’idéemêmedepayer pour obtenir la solutiond’unproblèmem’étaitparfaitementétrangère.C’était laraisondemescraintesconcernantHudson – qu’il soit plus heureux avec une autre, par exemple avec la blonde dont nousétionsentraindeparler.

–Celiaadel’argent,elleaussi.Hudsonhochalatête.–L’argentn’adevaleurquelorsqu’ilestentredebonnesmains.Etjesuispluspuissant

quesafamille.Jehochailatête,toutenmordillantmonindex.C’étaitça,oubienpousserlecriqueje

retenaisdepuisunmoment.Hudsonpouvaitmeprouverqu’ilcontrôlaitlasituation,maisilnepouvaitmepromettrecequejerêvaisd’entendre.

–Alayna,jevaism’enoccuper,poursuivit-il,enlisantl’angoissesurmonvisage.–Jesais…Ilsepenchapourôtermonindexdemabouche.–Mais…?demanda-t-il.–Ellenenouslaisserajamaistranquilles,n’est-cepas?Mêmesi elle se comportait correctement, elle serait toujours là.Savieétait tellement

imbriquéedanscelledeHudsonetdesafamillequejenepouvaispasimaginerunscénariodanslequelelledisparaîtraitpourdebon.

Hudsonfrottadélicatementmamainavecsonpouce.–Maissi.Onvatrouverunesolution.Tumefaisconfiance?–Oui.Detoutmoncœur.–Alorscrois-moi,jem’occuped’elle,dit-ilenmeserrantlamain,avantdelalâcher.En

attendant, tu restes avec Jordan. Plus de footings en extérieur pendant un moment,d’accord?

Les footings étaient un des meilleurs moyens que je connaissais pour me calmer. Ilsétaient nécessaires à ma santé mentale. Courir sur un tapis n’avait rien à voir avec unecourseenpleinsoleil,bercéeparlabrise.

– Jedemanderai à Jordande courir avecmoi. Je suis sûrequ’il serad’accord. Je saisqu’ilestenforme,physiquement,ets’ilaétédanslesforcesspéciales,ildoitcourirdetempsentemps.

–Non.Çanesuffitpas.Ilnepeutpasêtreautops’ilsedépensephysiquement.–Jenesaispas,jemarmonnai.Toi,tuyarrivesbien.–Qu’est-cequetuasdit?

–Rien.C’estjustequejeneveuxpasvivredansuneprison.Jerefusaisd’abandonnerlesseuleschosesquimefaisaientdubienàcausedeCelia.–Alayna, s’il te plaît,m’implora-t-il en posant surmoi un regarddoux et déterminé.

Seulementjusqu’àcequ’onaitunmeilleurplan.Àquoi pensais-je ?Hudsonme faisait du bien. Je pouvais abandonner tout le reste si

j’étaisaveclui.–D’accord,trèsbien.Jemecontenteraidelasalledesport.Pourl’instant.–Viensici,dit-ilenmeprenantdanssesbras.Jeveuxjustequetusoisensécurité.Je

nesupporteraispasqu’ilt’arrivequoiquecesoit.J’enfouis mon nez dans son cou et j’inhalai son parfum en buvant ses paroles et en

priantpourqu’ellesm’apaisent.Cependant,àpeineavais-jecommencéàmedétendrequ’unenouvellepenséesinistre

surgitdansmonesprit.Jememisàenvisagerlepire.–TucroisvraimentqueCeliaseraitcapabled’allerplusloin?J’avais déjà sous-entendu cette possibilité un peu plus tôt, sans en être vraiment

convaincue.Moi, jen’avais jamais faitpirequedesuivrequelqu’un.En toutcas, jen’avaisjamaisvraimentblesséquiquecesoit.

Hudsonresserrasonétreinteetplongeasonvisagedansmescheveux.–Jenesaispascedontelleestcapable.Etjen’aipasenviedeledécouvrir.Savoixétaittendueetsondoutefitimmédiatementaugmenterlesbattementsdemon

cœur.–Hudson,j’aipeur.Ilmefitreculersuffisammentpourprendremonvisagedanssesmainsetplongeason

regarddanslemien.–Pasmoi,Alayna.Paslemoinsdumonde.

C’était tout l’inverse de ce qu’il venait d’insinuer. Je le suspectai de dire cela

uniquementpourmerassureretd’êtreplusinquietqu’ilnevoulaitlemontrer.Enmêmetemps,saréactionétaitvraimenttouchante.–Fais-moiconfiance,dit-ilendéposantunbaisersurleboutdemonnez.Jevaism’en

occuper,avantdem’embrassersurlabouche.Jevaisprendresoindetoi.Illéchatendrementmeslèvres,etlorsquej’ouvrislabouche,salangueypénétraetme

fit fondre par ses longues caresses. Il m’embrassa avec attention, lentement etprofondément.Seslèvresréussirentlàoùsesparolesavaientéchoué–jemesentaismieux.Dumoins,ilm’avaitchangélesidéesetm’avaitoffertcedontj’avaisbesoin.

D’ailleurs, j’en voulais encore. Je me collai contre lui, dressant ma poitrine pourrencontrerlasienne.Hudsonsouritcontremabouche,puisconclutnotrebaiserbrièvementavantdereculersonvisage.

Jem’agrippaiàsaveste,pourl’attirerànouveauàmoi.«Net’arrêtepas.J’aibesoinde

toi.»Jeplaquaimoncorpscontrelesienquandmondésirsefitpluspressant.–Alayna…Sonregardseposasurletéléphonedubureau.Jesavaisqu’ilvoulaitpasserdescoups

defilpourmettrelamachineenmarche.C’étaitcedontilavaitbesoinpoursesentirmieux,ensécurité. Je lecomprenais,maiscedontmoi j’avaisbesoinpourêtre rassuréeétaitbienplus simple. Plus tangible, et à portée demain. « J’ai besoin de toi, Hudson. »Mamaindescendit sur son entrejambe pour caresser son érection. « S’il te plaît. Je veuxme sentirmieux.»

–Bonsang,Alayna,grogna-t-il.C’estdur,tum’empêchesdefairecequejedevraisêtreentraindefaire.

–J’essaiejustementderendreçadur…Jecaressaiplusfortsonsexeautraversdesonpantalon.Jen’avaisencorejamaiseuà

lesupplier,maissic’étaitcequ’ilvoulait,j’allaislefaire.–Hudson…jet’ensupplie!–Etmerde.Dans un mouvement rapide, il me retourna. J’avais le bord du bureau contre mes

fesses.Ilsepenchaetbalayadelamaintoutcequis’ytrouvait.Puisilmesoulevaetm’assitdessus.

–Enlèvetaculotte,commanda-t-ilendébouclantsaceinture.Il n’eut pas besoin de me le demander deux fois. Le temps que j’enlève mon string,

Hudsonavaitlibérésonsexe.Jeleregardaisecaresser,fascinéeparsavergequigrossissaitàchaquealler-retourdesamain.

Jepromenaimesmainssursontorseenmetortillantetenécartantencoredavantagelesjambes.J’avaisdésespérémentbesoindelesentirenmoi–jenemesouvenaispasd’avoirdéjàeuautant enviede lui. J’étais commehorsdemoi. Jenepouvaispasm’arrêterde lesupplier.

–Hudson.J’aibesoin…–Jesaiscedonttuasbesoin.Aieconfianceenmoi,jevaisteledonner.Unemaintoujourssursonsexe,ilglissal’autreentremeslèvresetfrottasonpoucesur

monclitoris.Jegémisetsoulevaimeshanchespouraccroîtrelapressiondesamaintandisqu’ilappuyaitsonfrontcontrelemien.

– Tu es tellement pressée, ma belle. Je vais te faire mal si tu ne me laisses pas teprépareravant.

Ilglissadenouveausesdoigtsenmoiavantderetournersurmonclitoris.–Jemefichequeçamefassemal.C’étaitnepasl’avoirenmoiquiétaitdouloureux.–Viens!m’écriai-jeentirantsursacravate.

Iljuraàmi-voixpuisilselaissaaller.Ilempoignamescheveuxetplaquabrutalementmabouchecontrelasienne.

– J’ai déjà suffisamment de mal à me contrôler sans que tu m’autorises à te baisersauvagement.

J’avais envie de répondreDieumerci, mais sa bouche s’était emparée de la mienne,frénétique.Parlerétaitdevenuimpossible.Ilmepénétraavecuncoupdebassinprofondetféroce. Je poussai un cri de douleur et de plaisir. J’étaismouillée,mais il avait raison, jen’étaispassuffisammentpréparée.

Peuimporte.J’adoraislesentirenmoi,etl’étroitessedemonsexepermettaitàsavergede le frotter sur chacune de ses parois. Je gémissais dans sa bouche à chaque coup debassin.MonDieu.Oh,monDieu,monDieu.

Maisçanemesuffisaittoujourspas.J’entouraisatailledemesjambesetjemecambraipourquemeshanchesrencontrentlessiennes.Jefermailesyeux,excitéeetfolled’enviederessentirl’orgasmequiallaitveniràcoupsûr,siseulementj’yarrivais.

–Bonsang,Alayna.Ralentis,dit-ilencessantdesucermalèvre.–Non.Peuxpas.Enviedetoi.Jeneparvenaispasàformulerdesphrasesentières.–Jesais.Jesaisquoitedonner,dit-ilenmordillantmoncou.Maissitunemelaisses

pasm’occuperdetoi,tunevaspasarriverlàoùtuveuxaller.–Besoind’aller,lecorrigeai-je,nepouvantpasralentir,affolée.Hudsonmarmonnamonprénom, frustré. Il empoignamescheveuxet tirama têteen

arrièrejusqu’àcequejepousseunpetitcri,toutenralentissantsesmouvementsdepiston.–Écoute-moi.Tum’écoutes?Jehochailatête.–Regarde-moi.J’ouvrislesyeuxettrouvaisonregard.Jefusimmédiatementapaiséeparsesirisgris.–Tudoismelaisserdiriger,Alayna.Tudoismefaireconfiance.Jevaisprendresoinde

toi.Ilneparlaitpasd’orgasme,maisdebienautrechose.–D’accord?insista-t-il.J’avaisconfianceenlui.Absolument.Jen’avaiscessédeleluirépéter.Maisledireétait

plussimplequederéellementbaissermagarde,etc’étaitçaqu’ilpointaitdudoigt.Jenevoulaispasledécevoir.J’acquiesçai.–Bien,dit-il.Alorsallons-y.Unemain toujours plongée dans mes cheveux, il se remit à caresser mon clitoris de

l’autre.«Tiens-toiaubureau»,m’ordonna-t-il.Jeluiobéis.Ilaccélérasonrythme,songlandtouchaitlemêmepointàl’intérieurque

sonpouceàl’extérieur.Trèsvite,monplaisirdécupla.

– Mon Dieu, Alayna. Ta chatte est tellement bonne. Tellement étroite. Tu me faistellementbander.Jevaisjouircommeundingue!

Ilaccéléraencore lerythme,et lebruitdenoscorpsquiclaquaient l’uncontre l’autrem’excitaunpeuplus.

Lorsquejefussurlepointdejouir,ilsoulevamonbassinetmepénétraavecdespetitscoups rapides qui nous firent chavirer ensemble en gémissant. Il éjacula enmoi pendantplusieurssecondes.

–Çavamieux?demanda-t-il,avantquejen’aieeuletempsdereprendremonsouffle.–Oui,beaucoupmieux.Cependant, encore étourdieparmonorgasme, je réalisai que j’avais fait justement ce

dontjel’avaisaccusé:jem’étaisserviedusexepourrésoudreunproblème.–Je,euh…jesuisdésoléede…– Chut, dit-il en posant son index contre ma bouche et en souriant. C’est agréable

d’êtreàtaplace,pourunefois.–Ehbien,merci,répondis-jeenembrassantsondoigtetenpassantmesmainsautour

desoncou.–C’estquandtuveux,mabelle.Jeserairavidefairedisparaîtretoustessoucisdecette

manière.Jemenettoyaiàlahâteetjemerhabillai.Lorsquejemontaiàl’arrièredelaMaybach,Celian’étaitpasdanslesparagesmais je

frissonnai comme si je sentais encore son regard sur moi. Hudson pensait pouvoir sedébarrasser d’elle pour de bon, et j’avais entièrement confiance en lui. Mais je l’aimaistellementquejen’étaispeut-êtrepastoutàfaitréaliste…

CHAPITRESEPT

Plutôt quede retourner au club, je décidai de rentrer aupenthouse.Hudson etmoi

avionsprévudedînerensembleàlamaison.Mêmes’ildevaitrentrerplustardàcausedesderniersévénements,jenevoulaispasgâcherleplatquenousavaitpréparélacuisinière.

Une fois à la maison, je mis nos assiettes dans le chauffe-plats et je m’assis à table,picorant ma salade en essayant de me concentrer sur un nouveau roman. J’avais choisiL’Amant de Lady Chatterley, de D. H. Lawrence, en espérant que ça m’aiderait à meconcentrersurlesaspectsromantiquesetsexuelsdemavie,plutôtquesurl’angoissecauséeparCelia.

Mais je n’arrivais pas à me concentrer suffisamment pour me plonger dedans.J’abandonnai ma lecture et jetai le livre sur la table. Une carte de visite, apparemmentvierge,dépassaitdulivre.Sonvolplanéavaitdûladéloger,carjenel’avaispasvueavant.Jel’attrapaipourvoirsielleétaitviergedesdeuxcôtés.

Ellenel’étaitpas.Etlenomquejelusmefitlâcherlacarte.Jeposaimamainsurmapoitrineet je tentaidemecalmer.Hudsonavaitcommandé

leslivresàl’entreprisedeCelia–ilétaitnormalqu’elleaitmissacartedevisite.Les livres étaient neufs. Or une phrase avait été surlignée en jaune à la page où se

trouvaitlacarte:«Enfaisantl’amour,nousavonsfaitnaîtreuneflamme.Mêmelesfleurssontcrééesparl’accouplementdusoleiletdelaterre.Maisc’estunechosedélicatequidemandedelapatienceetunelongueattente.»

Était-ce Celia qui avait marqué cette citation ? L’avait-elle fait pour moi, ou pourHudson?Quellequesoitsacible,quelétaitsonbut?

–Bonbouquin?JesursautaienentendantHudsonderrièremoi.J’étais tropabsorbéepar le livreet le

messagedeCeliapourl’entendreentrer.Ilsepenchapourm’embrasserdanslecou.–Désolé,jenevoulaispastefairepeur.

–Cen’estpastoi,regarde.Jeluimontrailacarteetlelivreouvertpourqu’ilpuissevoir.– J’ai trouvé cette carte de visite dans le roman – c’est unde ceux que tu as achetés

pourmoi.Etcettecitationestsurlignée.Je sentis la ragequi gagnaitHudson. Il froissa la carte et la jeta à l’autre boutde la

pièce.–Bonsang!–Qu’est-cequeçaveutdire?–Commentsavoir?s’exclama-t-ilavantdeprendreunelongueinspirationpourtenter

desecalmer.Tusaisquoi?N’ypensemêmepas.C’estcequ’elleveut.Elle l’afaitpourtedéstabiliser, dit-il en prenant le livre et en l’emportant avec lui dans la cuisine. Tu asmangé?

–Jet’attendais.Lesassiettessontdanslechauffe-plats.Jerestaiassiseensilenceenattendantqu’ilrevienne.–Tuasrécupérésaclef,n’est-cepas?–Ellen’apas laissécettecarteaujourd’hui.Elledoitêtre làdepuisqu’elleafait livrer

leslivres,dit-ilenposantnosassiettessurlatableavantderepartirdanslacuisine.Iln’avaitpasréponduàmaquestion;celamerenditplusnerveuseencore.J’attendis

qu’ilrevienne,avecunebouteilledevinetdeuxverres.–Hudson,saclef?–Oui.Jeluiaireprissaclef.Ilmeservitunverreavantderemplirlesien.Ilenvidalamoitiéavantmêmequej’aie

puenboireunegorgée.–Jelaluiairepriselejouroùellealivrélesderniersbouquins,ajouta-t-il.J’ignoraisqu’ill’avaitvueàcemoment-là.Maiscommej’avaissouventvuCeliasansle

luidire,nousétionsquittes.Aulieudespéculersurlaraisonpourlaquelleilnem’enavaitpasparlé,jeréfléchisà

ce qu’il venait de dire – elle avait mis cette carte dans ce roman avant que les cartonsn’aient été livrés.Hudsonavait commandédes centainesde livres.Était-cepossibleque jesoistombéesurleseuldanslequelelleavaitsurlignéunecitation?Ildevaitforcémentyenavoird’autres.

–Ilpourraityavoirdesmessagessecretsdanstousleslivres.Hudsonbutunenouvellegorgéedevinetvidaainsisonverre.–Jevaistousleschanger.–Tun’aspasbesoindefairecela.J’avais déjà prévu de tous les inspecter. Après tout, la curiosité faisait partie de ma

personnalité.–Jevaislefairequandmême,ditHudsonenremplissantencoresonverre.

Apparemment,ilavaitprissadécision,etjesavaisqu’ilneservaitàriend’endiscuter.Jeregardail’heure.Ilétaitvingtheurespassées.

–Tuesrentrétard.Est-cequeçasignifiequetuastrouvécommentnousdébarrasserd’elle?

Hudsonévitamonregard,toutenavalantunebouchéedepoisson.–J’aipenséàquelquechose,maisjepréféreraisnepasenparler,siçanetegênepas.–Euh,si,çamegêne.Celam’affecteaussi,j'aibesoindesavoircequisepasse.S’ilcroyaitquej’allaislelaissers’occuperdecettehistoiretoutseul,ilsemettaitledoigt

dansl’œil.–Tusaisdéjàcequetuasbesoindesavoir.J’aiengagéunautregardeducorps,etje

fais installer de nouvelles caméras au club dès demain. J’ai quelques idées qui pourraientpermettredefaireperdreàCeliatoutintérêtpourcepetitjeusadique.

Son langage corporelme disait que le sujet était clos. J’ai commencé à sérieusementm’énerver.

–Desidéesdonttuneveuxpasmeparler?–Exactement.Jeposaimafourchettesurlatableavecplusdeforcequeprévu–oupeut-êtreétait-ce

justementcequejesouhaitais,aprèstout.–Hudson,latransparence,l’honnêteté,tutesouviens?Tumecachesquelquechose?

C’estillégal?–Non.Etnon.Ettum’asditquetumefaisaisconfiance.Tutesouviens?demanda-t-il

enhaussantlessourcils.–J’aiconfianceentoi.Maisnousétionscensésmarcherensembledanscettehistoire,et

ce n’est pas le cas. Tu me caches des choses en voulant jouer au super-héros. Enfin, jesupposequec’estlecas,parcequ’envéritéjen’ensaisrien.

Ilsoupiraetfermalesyeux.Lorsqu’illesrouvrit,ilplongeasonregarddanslemien.–Onestensemble,Alayna.Etjeteledirai,dit-ilenposantsamainsurlamienne.Mais

pasmaintenant.Jepréféreraispassermasoiréeavectoi,ettoiseule.Aprèstout,c’étaitainsiqu’ilgéraitlesproblèmes:ensilence,etseul.Nousdevionstous

les deux apprendre à fonctionner en couple. Il m’avait dit qu’il m’en parlerait plus tard.Peut-êtrepouvais-jeoublierCeliapourcesoir,moiaussi.Jeluiprislamain.

–D’accord.Onn’enparleplus.Nouséchangeâmesunsourire,avantqueHudsonnelâchemamainpourcontinuerà

manger.Nous restâmes assis en silence pendant plusieurs minutes. Hudson dévora son plat

tandis que je me contentais de picorer dans mon assiette. J’avais perdu l’appétit. J’avaisacceptédenepasparlerdeCelia,maisjenepouvaispasm’empêcherd’ypenser.Savait-elle

que, désormais, elle occupait nos pensées et qu’elle était tellement présente que nousformionspourainsidireunménageàtrois?

Hudsonfaisaittournerlevindanssonverretoutenm’étudiant.–Etmaintenant,tuneparlesplus.–Jen’aipasd’autresujetàaborder,dis-jeenriantsèchement.Ilpassa samainsur sonvisageet je susqu’ilpensaità lamêmechosequemoi–que

nousnepouvionsplusmangerenpaixàcaused’elle.Ilouvritlabouchepourparler,jecrusqu’il allait céderà cettegarce.Cependant, il sembla reprendre le contrôlede lui-mêmeetsonvisagesedétendit.

– Bon, voyons voir. Je sais déjà comment ta journée s’est passée. Qu’as-tu prévudemain?TuasunentretienavecGwenithn’est-cepas?

–Elles’appelleGwenith?Bien,bien.C’étaitlapremièrefoisquej’entendaissonprénomenentier.–Qu’est-cequetuinsinues?–Rien.J’étaisprobablemententraind’enfaireunemontagne,maisjenepouvaism’empêcher

decontinuer.–Jet’aientendul’appelerGwen.–C’estcommeçaqu’elleseprésente,dit-ilenhaussantlesépaules.– Tu n’utilises jamais les diminutifs des gens, affirmai-je avec une pointe d’irritation

danslavoix.–Tusous-entendsquec’estsuspect?Jesentaisqu’ils’énervait,luiaussi.–Non.Bonsang,pourquellefoutueraisonest-cequeçamegênaitautant?–Jenesaispas,ajoutai-je.C’étaitCelia.Nousavionsbeautenterdel’oublier,nousn’yarrivionspas.–Jesuistendue,c’esttout.Jesuisdésolée,avouai-jeensoupirant.– Je sais.Moiaussi, admit-il enbuvantunegorgéedevin. Jene saispaspourquoi je

l’appelleGwen.C’estcommeçaqu’ellem’aétéprésentée.Jesupposequec’estancrédansmamémoire,maintenant.

–Tun’aspasbesoindet’expliquer.Maisj’étaiscontentequ’ill’aitfait.Je bus une gorgée en essayant de trouver un sujet de conversation sans risques. Il

m’avait demandé ce que je faisais le lendemain…merde. Jeme souvins que je devais luiparlerdemondéjeuner, cequin’allait pas être agréable.Autant s’endébarrasser toutdesuite.

–Àproposdedemain…J’aiunrendez-vousdontjedevraisteparler.

–J’espèreque tun’aspasprévud’allercouriràCentralPark.Tonnouveaugardeducorpsteplaqueraitausolpourt’enempêcher.

Ilavaitbeauavoirparléd’untonléger,sonregardétaittoutàfaitsérieux.– Je t’ai dit que je n’irai pas courir en extérieur. La confiancemarche dans les deux

sens, tu sais. Est-ce que tu vasme le présenter, ce garde du corps ? Est-ce qu’il est aussibeauqueJordan,maisintouchableparcequ’ilestgay?

–Cen’estpasdrôledutout,fit-ilengrimaçant.Jetapaisongenouaveclemiensouslatable.–Si,çal’est,ettulesais.–Jeteleprésenteraidemain.Iln’estpasgay.Etj’aiconfianceentoi,doncjemefiche

qu’ilsoitbeauoupas.–C’estparfait.– Donc, qu’est-ce que tu voulais me dire ? demanda-t-il en avalant une bouchée de

risotto,lesyeuxrivéssurmoi.J’hésitaiuninstant,jecraignaisdeplomberl’ambianceànouveau.–Je…euh…jevaisdéjeuneravecMira,demain.EtJack.Hudsonsefigea,safourchetteenl’air.–Jetedemandepardon?Ilm’avaittrèsbienentendue,maisjejouailejeu,enessayantdeparaîtreplussûrede

moiquelapremièrefois.–Jedéjeuneavectasœurettonpère,répétai-je.–C’esthorsdequestion.Je n’étais pas surprise par sa réaction et je fis de mon mieux pour rester calme et

paraîtredétendue.–Jesupposequec’estlaprésencedeJackquit’agace,pascelledeMira.Samâchoiresecontracta.–Jenesuispasagacé,parcequetunedéjeuneraspasavecmonpère.– Jene suispas certaineque tupuissesmedire ceque jedois faireounon,dis-je en

m’efforçantd’adopterunevoixsereine.–Biensûrquesi.J’émisungrognementenpassantunemaindansmescheveux.–Hudson,c’estridicule.Jetel’aidéjàdit,jenesuispasCelia.Jenecoucheraipasavec

tonpère,mêmes’il s’amusaitàmedraguer.Cequ’ilne ferapas,parceque tapetitesœurseraprésente.

Ils’essuyalaboucheetjetasaserviettedanssonassiette.–Pourquoias-tubesoindelevoir?–Jen’enaipasbesoin,etcen’étaitpasprévu.Miranevoulaitpasêtreseuleaveclui,

ellem’ademandédel’accompagner.

–Ellen’apasbesoind’êtreaccompagnée.Annule ledéjeuneretvois-lapourboireuncaféplustard.Seule.

Je me forçai à y réfléchir un instant mais rejetai l’idée, en commençant à vraimentm’énerver.

– Jen’aipas envied’annuler,Hudson. Je vaisdéjeuneravecMira.Et Jack.Pasparcequ’ilmeplaît,maisparcequec’est tonpère.Etque jen’aiplusdepère,etquepasserdutempsavecJackmefaitdubien.Peut-êtrequ’iln’estpaslesubstitutidéal,maisjen’aipasmieux.Etpuisplusjeleconnais,plusjemesensprochedetoi.Etquandtumecachesdeschoses,H.,jefaiscequejepeuxpournepasresteràl’écart.

–Alayna…Jemesentisimmédiatementcoupable.–Jesuisdésoléepourmadernièrephrase.Tunelaméritaispas.Hudsonreculasachaise,tenditlamainetm’attirasursesgenoux.Instantanément,la

tensionentrenouscommençaàsedissiper.–Jenetecacherien,Alayna,dit-ilencaressantmesbras.Vraiment,jetelepromets.Je

veuxjustepasserunesoirée…sanselle.–Jesais,dis-jeenmecollantdavantagecontrelui.–Etjet’ensupplie,n’utilisepasmonpèrepourterapprocherdemoi.Ilneconnaîtpas

lechemindemoncœur.–Etoùestcechemin?–Tunelesaispas?demanda-t-ilenmesoulevantlementonpourmeregarderdans

lesyeux.C’estpourtanttoiquil’astrouvélapremière.Jedusretenirmeslarmespournepasgâchercetinstant.–Jenevaispasannulermondéjeunerjusteparcequetuesmignon.Iléclataderire.–Net’enfaispas.Jenepensaispascela.Déjeuneavecluisic’estcequetusouhaites.

Aumoins je saurai que tu es en sécurité et loin deCelia, puisqu’ils ne s’adressent plus laparole.Etjet’avouequej’ensuisravi.

–Tunepourraispasm’enempêcher,de toutemanière, rétorquai-jesuruntonbadinpourpréserversabonnehumeur.

–Etjen’aimepasdutoutça,répondit-ilensoupirantdefaçonexagérée.Une vague d’émotions s’abattit soudain sur moi. Mon Dieu, cet homme… il mettait

toute sa vie sur pause pour prendre soin de moi, pour me protéger, et maintenant ilacceptait que je voie sonpère, alors que ça le torturait. Il avait beau avoir desdéfauts, ils’approchaitdeplusenplusdelaperfection.

Jepassaimesbrasautourdesoncouetjeleserraifortcontremoi.–Jet’aime,H.–Etc’estpourcelaquejetelaissegagner.

–Quetumelaissesgagner?dis-jeenreculantpourqu’ilmevoiehausserlessourcils.–Jet’ensupplieAlayna,laisse-moirêverunpeu.– Que penses-tu de ça, commençai-je en changeant de position pour m’installer à

cheval sur lui. Si on s’arrêtait de parler pour passer à une activité qui nous permet degagnertouslesdeux?

–Peut-ongagnerdeuxfoischacun?–Chéri,jet’enprie.Onpeutmêmegagnertroisfois,situt’ensenscapable.Jelesentisbanderentremesjambes.–Alorsça,c’estuneidéequimeplaît.

***

Miratapotasonmentonavecsondoigtmanucuré.–Jenecomprendspaspourquoiilnetediraitpascequ’ilaprévu.Çan’aaucunsens.Lorsquej’avaisretrouvéMira,jen’avaispasprévudeluiparlerdeCelia,maislesmots

m’avaientéchappé.SiJackavaitétélà,jen’enauraispasditautant,maisilétaitenretardetj’avaistoutraconté,ycomprislaréponseévasivedeHudsonsurlafaçondontilcomptaitse débarrasser de cette garce. Il avait sûrementde bonnes raisonsdenepasm’enparler,maisçacontinuaitnéanmoinsàmeperturber.

Sansdouteétais-jeinjusteenverslui.–Peut-êtrequ’iln’avaitvraimentplusenviedeparlerd’elle.J’ouvrisunsachetdesucreetleversaidansmonthéglacéavantdeletouiller.–Tuaspeurqu’iltecachequelquechose?–Non.Enfin,jenesaispas.–Jen’ensaisriennonplus,jesuisdésolée,dit-elleensecouantlatête.–Pourquoituesdésolée?Tun’asaucuneraisondel’être,répondis-je,surpriseparses

excuses.–C’estmon frère,déclara-t-elleavantdese rendrecomptequecelan’expliquait rien.

J’ail’impressionquejedevraislecomprendreunpeumieux.–Hélas,personnenepeutprétendrelecomprendre.Quelqu’un y parviendrait-il un jour ? J’avais parfois l’impression d’être la seule à le

pouvoir,maisétait-cevraimentlecas?–Êtes-vousprêtesàcommander,mesdames?La question du serveur ramena mon attention au menu que j’avais mis de côté. Je

n’avais toujourspasdécidéquoimanger, tropoccupéeàparler.Le serveurmevithésiter.«Oupréférez-vousattendreletroisièmeinvité?»

Mira,quisavaitdéjàcequ’ellevoulaitcommander,meregarda.–Onvaattendre,répondit-elleauserveur.

–Trèsbien,acquiesça-t-ilenpartants’occuperd’uneautretable.Jereprismonmenupourchoisirmonplat,maisj’avaislatêteailleurs.–Pourêtrehonnête, j’aipeurquelaraisonpourlaquelleilneveutrienmedire,c’est

qu’iln’apasencoredeplan.–Tunecroispasqu’iltel’avouerait?–Non.Hudson ne supporterait pas que je sache qu’il ne contrôlait pas parfaitement la

situation.–Ilveutquejemesenteensécurité,ajoutai-je.–Biensûr, je comprends,ditMiraensouriant jusqu’auxoreilles.Laynie, il va trouver

une solution. J’en suis certaine. Et quelle qu’elle soit, elle fonctionnera. Il s’y consacreracorpsetâme.C’estprobablementunecomparaisonhorrible,maisregardejusqu’oùilestallépourgarderlesecretdeCelia.Toutçapourlaprotéger.

– Il ne protégeait pas Celia, dit Jack en s’asseyant entre Mira et moi. Je suis désoléd’êtreenretard,mesdames,maisilyavaitdesbouchons.Jenesavaispasquetutejoindraisànous,Laynie.C’estunebonnesurprise!

Miraparlaavantquejepuisseluirépondre.–Est-cequetuinsinuesqueHudsoncherchaitàteprotéger,toi?Parcequeçamerend

malade,aboya-t-elleenluitendantunmenu.–Jesaiscequejeveux,dit-ilenposantlemenusurlatablesansremarquerl’hostilité

deMira. Hudson voulait protéger samère. Il ne voulait pas qu’elle soit blessée parmoninfidélité.

–Bref,ditMiraenmeregardant.Lacomparaisontienttoujours.Hudsonseraitprêtàbien plus pour toi que pourmaman, annonça-t-elle avant de se tourner de nouveau verssonpère.Etpuis,tudisçacommes’ilétaitillogiquequ’ellesoitblessée.

–Cequiestillogique,c’estqu’ilenaitquelquechoseàfaire,ditJackensemassantlesépaules,commepoursedétendre.

LamâchoiredeMirasecontractacommecelledesonfrère,lorsqu’ilétaitencolère.–Heureusement,iln’apashéritédetoncœurdepierre.–Non,ill’ahéritédesamère.Miraécarquillalesyeuxetsepenchaenavantpourchuchoter.–Tuneveuxpasarrêter,bonsang?JeregardaiJacketsafille,touràtour,suivantleursattaquesrespectives.Hudsonavait

raison,Miran’avaitvraimentpasbesoindemoi.JackposasesmainsàplatsurlatableetsetournaversMira.–Mirabelle,jenesuispassanscœur.Tupensesquec’étaitcrueldemapartdetromper

tamère,ettuasraison.Çal’était.Jenesuispasparfait.

Les yeux deMira s’emplirent de larmes et je compris soudain que sa colère servait àcachersapeine.

–Maisilfautquetucomprennes,machérie,poursuivitJack,queSophiaestcoupable,elleaussi.Cen’estpasunefemmefacileàaimer.

Miraessuyaunelarmequiavaitréussiàs’échapper.–Etest-cequetul’aimes,papa?–Oui.Jel’aime.Biensûrquejel’aime,ditJackenprenantlamaindesafille.–Est-cequetuluidis?–Chaquejour.Mirasouritbrièvementavantd’enleversamain.–Lesactesontplusdevaleurquelesmots,tusais.Mal à l’aise, j’étais restée silencieuse en essayant deme faire oublier, laissant père et

filles’expliquer.Cependant,jenepusm’empêcherdecommentercettedernièrephrase.–Cen’estpastoujoursvrai.JacketMirameregardèrentsoudain,commes’ilsvenaientdeserappelermaprésence.

Oupeut-êtresouhaitaient-ilsquejeclarifiemapensée.Jen’allaissûrementpasleurdirequeHudsonnem’avaittoujourspasditqu’ilm’aimait.Alorsjemecontentaid’un«parfois,c’estagréabled’avoirlesdeux».

Le retourduserveurmesauvaenm’empêchantd’endiredavantage. Jemedépêchaide choisir pendant queMira et Jack passaient leur commande. J’optai pour la salade duChef.

–EtjevaisprendreunManhattan,ditJackavantqueleserveurnesoitparti.–Àmidi,papa?Tuessérieux?–Eh,cen’estpasmoiquiaiunproblèmeavecl’alcool.Jem’attendaisàcequeMiraréagisse,carpersonneneparlaitjamaisdel’alcoolismede

Sophia.J’avaistoujourseul’impressionqu’ellepréféraitfairecommesiderienn’était.–Maistunefaisrienpourl’aider,réponditMiradutacautac.Tunepeuxpasprendre

unthé?Oudel’eau?–Bonsang,Mira.Tamèren’estpaslà,ditJack.C’estparcequeçatetentetrop?Tu

n’aspastouchéàtonverred’eau.Est-cequetupréféreraisquelquechosedeplusfort?–Jemefichedecequetubois.Jen’aipassoif.Jegardedelaplacepourmonrepas.Ils cessèrent enfin de se chamailler un instant. Je cherchais un nouveau sujet de

conversation,quandJackrepritlaparole.–Quedisiez-vous,àproposdeCeliaetHudson?Jegrimaçaienentendantleursprénomsaccolés,commes’ilsformaientuncouple.–Est-cequejepeuxluidire?demandaMira,leregardbrillant.–OhmonDieu,non.

Bienqu’ilnem’aitriendit,j’étaiscertainequeHudsonn’aimeraitpasquesonpèresoitaucourantdesavieprivée.

–Jevaisluidirequandmême,ditMiraqui,apparemment,n’avaitpaslamêmevisiondeschoses.

Elle lui raconta une version courte des événements de la veille – la façon dont Celiam’avait suivie, les messages dans les livres, le plan qu’essayait de trouver Hudson.Lorsqu’elleeutfini,jemerendiscomptequej’étaistouterouge,gênéequej’étaisd’êtreleurcentred’intérêt.

–Cen’estrien,jen’auraispasdûenfairetouteunehistoire,m’empressai-jededire.–Maissi,tuasbienfait!s’exclamaMira.– Mira a raison, dit Jack en me regardant droit dans les yeux. Celia n’est pas une

menaceàprendreàlalégère.–Vous voyez ce type, là-bas ? dis-je endésignant l’hommeassis quelques tables plus

loin. C’estmon nouveau garde du corps. Croyez-moi, on ne prend pas cette histoire à lalégère.

Penseràluinefitqu’augmentermonangoisse.–Tantmieux.Hudsonprendleschosesausérieux.Jesuisrassuré.–Pourquoi?L’inquiétudedeJacknem’aidaitpasàmecalmer.–Parcequejetiensàtoi,Laynie!s’exclamaJack,visiblementsurprisparmaquestion.Je me raidis, je craignais qu’il n’aille trop loin, mais il poursuivit sans paraître rien

remarquer.–Tu fais partie de la famille,maintenant. Tu jouesun rôle important dans la vie de

Hudson.Ilseraitanéantis’ilt’arrivaitquelquechose…etmoiaussi.–Merci,Jack.Çametouche.Sonaffectionétaitpure,bienévidemment,etjemesentiscoupabled’enavoirdouté.De

plus,sesparolesm’avaientunpeuapaisée.–Moiaussijetiensàtoi.Àvoustous,dis-jeenregardantMira.Bon, d’accord. Peut-être pas à Sophia, mais je n’avais pas besoin de le leur dire. Je

déglutispouravalerlaboulequiétaitentraindeseformerdansmagorge.– Ce que je voulais savoir, c’est pourquoi Celia t’inquiète ? Et pourquoi est-ce qu’elle

veut me faire du mal ? Elle agit comme une amante jalouse. Est-ce que Hudson et elleétaientensemble?

« Absolument pas », s’exclamaMira, pendant que Jack s’écriait « Ils n’ont jamais étéensemble.»

–MaisHudsongarde tellementdesecrets.Peut-êtrequ’ilnevous l’apasdit.Vousnepouvezpasenêtrecertains.

–Moi,j’ensuissûre.C’estimpossible.

C’étaitlapremièrefoisqueMiraexprimaitsonopinionsurlaquestion.–Elleledégoûtedepuislejouroùellem’aséduit,ajoutaJack.– Qu’elle t’a séduit ? répéta Mira en grimaçant. Comme si tu n’avais rien à voir là-

dedans.– Bien sûr que j’ai quelque chose à y voir, dit Jack en esquissant un sourire

machiavélique.Mais bien peu d’hommes pourraient dire non à une femme qui les attendnuesurleurlit,qu’ilssoientmariésoupas.

– Je ne sais pas, ce n’est pas impossible, dis-je en pensant à Paul Kresh que j’avaisattendunuedanssonbureau,cequim’avaitvaluunearrestation.

LeserveurrevintalorsaveclaboissondeJack.Miralevalesyeuxauciel,maiselleneditriendeplus.

–SiCeliadégoûteHudson,pourquoi sont-ilsamis?demandaMira lorsque le serveurfutparti.

Je m’étais souvent posé cette question au cours des dernières semaines. Je n’avaisjamaisenvisagéqueJackpuissedétenirlaréponse.

Ilbutunegorgéedesoncocktailetsereculadanssachaise.– Hudson pense qu’il est responsable de la personne qu’elle est devenue. Il se sent

coupable.–Jenecomprendspas,pourquoiserait-ilresponsabledecequ’elleest?demandaMira

enfronçantlessourcils.Apparemment,Mira ne connaissait pas toute l’histoire de Celia et Hudson – la façon

dontill’avaitmanipuléepourqu’elletombeamoureusedelui,pourensuitecoucheravecsameilleureamie.C’étaitcette trahisonqui l’avaitpousséeàcoucheravecJack,unesortederevanche.

Jackcherchamonregard,confirmantqu’ilensavaitplusquesafille.–C’est une histoire longue et compliquée. Si tu veux en savoir plus, il faudra que tu

demandesàHudson.OuàCelia.–Ilesthorsdequestionquejeparleàcettefille.Mira prit sa petite cuillère et attrapa un glaçon dans le verre de son père. J’étais

étonnéequ’ellen’insistepaspourensavoirdavantage.Jackm’enavaitapprisunpeuplus,maisunequestionrestéesansréponsemehantait

encore.–Donc,pourrésumer,ilssontamis,ill’asoutenue,ellenel’ajamaisintéresséetellele

sait.Alorspourquoiest-cequ’ellenousenveut?–Aucuneidée,soupiraJack.C’estprobablementunautredesesjeuxtordus.Elleaime

ça, tu sais, et elle est douée. Je la crois capable de tout. Elle est calculatrice etmanipulatrice,etelledétesteperdre.

–Super,dis-jeenmemassantlefront,pourdissiperlamigrainequejesentaispoindre.Alorsqu’est-cequ’onestcensésfairepourluiéchapper?

–Laissez-luicroirequ’elleagagné.Leserveurnousapportanosplatsetnousparlâmesdechosesmoinsgraves:dubébé

deMira,desadécisionnepasconnaîtrelesexe,ainsiquedelacouleurqu’ilsallaientchoisirpour sachambre.Endépitde la tensionqui régnaitentreeuxaudébutdu repas, Jacketellesedétendirentetjeparvinsàmerelaxeraussi,cequejen’avaispasréussiàfairedepuisplusieursjours.Undéjeuneraveceuxétaitjustecedontj’avaisbesoin.

Mira parvint ensuite à nous convaincre de prendre une crèmebrûlée et un café, quenousdégustâmeslentement,avecplaisir.

–Jenepeuxplusrienavaler,ditMiraenrepoussantsonassiette.Etilfautquejefassepipi.Encore.

Jel’avaisaccompagnéelapremièrefois,maiscettefois-cijepréféraisresteràtablepourparleràJackenprivé.Aprèstout,c’étaitprobablementlaseuleoccasionquej’aurais.JemelançaidèsqueMirasefutlevéedetable.

–Jack,j’aiunequestionindiscrèteàteposer,siçanetegênepas.–Environseizecentimètres.Maiscen’estpaslataillequicompte,c’estlafaçondonton

s’ensert.Apparemment,Hudsontenaitsonhumourperversdesonpère.–Jesuissérieuse,dis-jeenlevantlesyeuxauciel.Ilparutprêtàrétorquer,maismonexpressionfermesemblal’endissuader.–D’accord,vas-y.–Un jour, Sophiam’a dit queHudson était un sociopathe. Est-ce que tu le crois, toi

aussi?Maquestionétaitpeut-êtretropdirecte,maisMiraallaitbientôtreveniretjen’étaispas

certainequeJacksoithonnêteensaprésence.–Sophiaraconteencorecesconneries?demandaJackensecouantlatête,l’airàlafois

dégoûtéetfatigué.Hudsonavuunpsychiatrequiaémiscetteidéeuneseulefois,etc’étaitilyatrèslongtemps.Iln’ajamaisétédiagnostiquécommepsychopathe,etnon,jenelecroispas. Ilestévidentquecegaminressentdesémotions.Trop,même.C’est justequ’ilnesaitpastoujourscommentexprimersessentiments.DecelaaussijetiensSophiaresponsable.

J’ai enfin réaliséque je retenaisma respirationenexpirant. Jen’avais pasbesoinqueJack me réponde pour savoir que Hudson n’était pas un sociopathe. J’étais contente deconnaître la raisonpour laquelleSophia l’avaitprétendu,et j’étais soulagéede savoirquesonmarin’étaitpasd’accordavecelle.

Saréponsefitnaîtreunenouvellequestionquimepoursuivaitdepuislejouroùj’avaisrencontrélamèredeHudson.

–Pourquoitiens-tuSophiapourresponsabledesesdifficultésàs’exprimer?Jesaisquetuneparlespasuniquementdesonalcoolisme.Qu’est-cequ’elleluiafait?

–Ehbien,sijetel’explique,tuvascomprendrequejesuiscoupable,moiaussi.–Jem’enremettrai.–Maismoi,est-ceque jepeuxlesupporter?réponditJackavantd’hésiteruninstant.

Sophia n’a pas toujours été aussi dure, poursuivit-il. Lorsque je l’ai épousée, elle étaitraffinée et sérieuse, mais elle savait s’amuser. Et puis, j’ai commencé à bâtir PierceIndustries. Je n’avais pas grandi comme Sophia. Ses parents étaient convaincus qu’ellepouvait faire un plus beau mariage, et je voulais leur prouver qu’ils avaient tort, que jepouvaisêtrel’hommequ’ilsvoulaientqu’elleépouse.

–Etc’estcequetuasfait.Si c’était grâce à Hudson que Pierce Industries était devenue l’une des plus grandes

firmesdupays,c’étaitJackquienavaitbâtilesfondations.–Exactement.C’était ce queSophia voulait, elle aussi.Cependant, ellene s’attendait

pasàtrouveraussidifficiled’êtrel’époused’unhommequiétaitmariéàsontravail.Elleadécidéque je la trompaisbienavantque jene le fasse,dit-il alorsqu’unvoilede tristesserecouvraitsonregard.Monerreuraétédenepasêtresuffisammentprésent.Sasolitudel’apousséeàboire,etl’alcooll’arendueplusdistante.C’estdevenuuncerclevicieux:jen’étaispas là à causedu travail, et lorsque je rentrais, je regrettaisdenepas être ailleursparcequema femmes’était transforméeengarceaucœurdepierre.Alors je travaillais toujoursplus,pourl’éviter.

J’ai dû cachermon sourire. Si j’avais vécu avec Sophia, j’aurais probablement fait lamêmechose. Jackparut liredansmespenséesetme fitunclind’œil avantdepoursuivred’unevoixrempliedepeine.

– Elle a fini par se rendre compte que la seule personne pour qui je revenais à lamaison, c’étaitHudson. Il étaitmon fils,monpremier-né, je luiaccordaisautantde tempsquepossible.

LesyeuxdeJackexprimèrentalors cetamourquinepeutexisterqu’entreunpèreetson enfant et je fus profondément émue par cet homme – un homme qui aimait Hudsonautantquemoi.

Jacksemitàpromenersondoigtsursatassedecafé,perdudanssessouvenirs.–Sophias’estserviede luipourm’atteindre.Elle l’utilisaitpourattirermonattention,

puisellel’enlevaitbrusquementenl’envoyantdanssachambre.Hudsonétaitunenfanttrèsintelligent et il a très vite compris que samère se servait de lui comme appât. Le pauvregamin a été pris aumilieu de tellement de jeux… Je ne suis pas surpris qu’il en soit vitedevenulemaître.

Jesouffraisenimaginantl’hommequej’aimaisàl’âgetroisans,cherchantsimplementl’amourdesesparents.

–Est-cequeSophiaafaitlamêmechoseavecMira?–Non.LorsqueMiraestnée,HudsonétaitdéjàdevenulerivaldeSophia.Jecroisqu’il

a combattu samère pour qu’elle ne s’acharne pas aussi sur sa sœur, expliqua Jack d’unevoixempliedefierté.Àtonavis,est-cequ’unsociopatheagiraitainsi?

–Non,pasdutout.Maisjesavaisqu’iln’enétaitpasun.Ilyabeaucouptropd’amourenlui.

Celadit, était-cepossibleque jeme laisseaveugler ?S’ilm’aimait vraiment,pourquoinepouvait-ilpasledire?

Jesentisuneprésencederrièremoietjemeretournai,m’attendantàvoirMira.–Qu’est-cequetufousiciavecelle?Maiscen’étaitpaslafilledeJack.C’étaitsafemme.

CHAPITREHUIT

Sophias’accrochaitaudossierdemachaise.

–Celianet’apassuffi?Ilfautquetuvolescelle-ciaussiàtonfils?Elleparlaitfortetlesgensassisautourdenousavaienttoustournélatêtedansnotre

direction.LevisagedeJackmelaissadevinerqu’ilétaitaussisurprisparlaprésencedesafemme

quemoi.–Sophia,qu’est-cequetufaisici?–Jet’espionne,évidemment.Elle avait voulu dire « évidemment » mais elle bafouillait tellement qu’il n’était pas

faciledelacomprendre.Jenel’avaisjamaisvueainsi,aussiivre.–Tuessaoule.–Jenevoispasleraffort.Lefapport,marmonna-t-elleens’écroulantsurlachaisede

Mira.Peuimporte,conclut-elle.–Commenttuassuquej’étaisici?–Mira.Ellem’aditqu’elledéjeunaitavec toi. J’aidécidédeveniraumensonge.Pour

voir lesmensonges. Pour entendre lesmensongesque tu racontes surmoi.Et jedécouvrequetoutçan’estqu’unmensonge!Quetuasosédemanderàtafilledetecouvrirpendantquetumetrompes?

–Maman?Cettefois-ci,lapersonnequisetenaitderrièremoiétaitbiencellequej’attendais.Sophiatenditlesbraspoursaisirlamaindesafille.–Mira!Regardeavecquij’aisurpristonpère.LanouvellecopinedeHudson.Miraregardaautourdenousentapotantlamaindesamère.–Maman,papan’estpasavecAlayna.Ilestavecmoi.Jet’aiditquejeserais là.C’est

moiquiaiinvitéAlayna,expliqua-t-elleens’adressantàsamèrecommeàuneenfant.

Soudain, les souvenirs de mon père alcoolique m’envahirent. En pire, là c’était enpublic.Àlamaison,papapouvaitcrier,pleureretseridiculiser,nouslelaissionss’endormirdans son vomi et nous nettoyions ensuite les dégâts.Mais, lorsque nous étions en public,nousdevionsassumernotreresponsabilitéetprierpourquecenesoitpastrophumiliant.

Àencroirel’expressiondeMira,elleformulaitlamêmeprière.–C’esttoiquiasinvitécettetraînée?Troptard.Sophiaavaitdépasséleslimites.Celadit,sesattaquesenversmoin’avaient

riendenouveau.–Oui,jel’aiinvitée.Enrevanche,jenet’aipasinvitée,toi.Maispeuimporte.Maman,

tuesivre.Ilfautterameneràlamaison.Tuesvenueentaxi?–Non.–Commenttuesvenue?Mirafitsigneauserveurdenouspréparerlanote.J’étaisépatéeparsafaçondegarder

lecontrôledelasituation.Celadit,c’étaitprobablementunrôleauquelelleétaithabituée.–Frank?réponditSophiaenhésitant,nesachantpassic’étaitlabonneréponse.Oui,

Frankestdehors,quelquepart.–Jevaisl’appeler,ditJackensortantsontéléphonedesapoche.– Je vais t’accompagner dehors, maman, d’accord ? ditMira en se penchant vers sa

mère.–Non,Mira.Laisse-moifaire,ditJackenselevant.Frank?Sophiaetmoisommesprêts

àpartir,annonça-t-ilàsonchauffeur.Trèsbien.Onvousattenddehors.Ilrangeasontéléphoneetavançapouraidersafemmeàselever.–Tuesvenuenvoiture,papa?ditMira,lesyeuxpleinsdereconnaissance.–Oui,jel’ailaisséeaveclevoiturier.Sophia tituba contre Jack. Elle était sur le point de s’endormir, Mira lui donna une

gifle.–Maman,tuyespresque.Accroche-toiencoreunpeu,justeletempsd’arriverdansla

voiture.– J’ai pris un taxi, ditMira lorsque samère rouvrit les yeux. Je ramènerai ta voiture

cheztoi.Ilsortitsonportefeuilleetluitenditunticketdeparking.–Merci,machérie.Mira prit le bout de papier et hocha la tête avant de s’effondrer sur sa chaise. Je

regardai Jack guider Sophia vers la sortie, et je vis tout l’amour qu’il lui portait dans safaçondelasoutenir.

LorsquejetournailatêteversMira,elleétaitentraindepleurer.–Ne fais pas attentionàmoi, dit-elle en s’éventant le visage avec samain. Jepleure

pourtoutetn’importequoi,cesjours-ci.

–Personnenet’envoudradepleurer,cettefois-ci,dis-jeengigotantsurmachaise.Je n’étais pas gênée par les larmes de Mira, mais j’aurais voulu savoir comment la

réconforter.Jenetrouvaipasmieuxquedeposermamainsursongenou.–Pourquoi?Jedevraisyêtrehabituéemaintenant,tunecroispas?Jenerépondispas.Jesavaisqu’ellen’attendaitpasderéponse,ellevoulaitsimplement

quejel’écoute.Quantàmoi,jenem’yétaisjamaishabituée.Biensûr,Miraétaitplusâgéequemoilorsquemonpèreétaitmort–j’auraisprobablementsouhaitém’êtrefaiteàl’idéeàsonâge,moiaussi.

Mira fixait l’entréedu restaurant. Sesparents étaient partis depuis plusieursminutes,maisjesavaisqu’ellelesimaginait,deboutsurletrottoir.

– Je ne peux pas m’empêcher de penser qu’elle va être grand-mère. Commentsupporterquemonbébésoitconfrontéàça?

MonDieu,jen’yavaisjamaispensé.SiHudsonetmoiavionsunenfant…Jerangeaivitecetteidéedansuncoindematête.–Jen’imaginemêmepasàquelpointçadoitêtredifficile.Maisjesaisàquelpointça

peut être humiliant d’avoir un parent alcoolique. Est-ce qu’elle a déjà suivi une cure dedésintoxication?

–Non,dit-elleenriant.Ellerefused’aborderlesujet.–Est-cequevousavezdéjàessayéde l’obligeràenparler?ou tentéd’organiserune

intervention?Jenedispasquec’estamusant,ou facileàvivre,maisçapeutmarcher.Jesuisbienplacéepourlesavoir.

–Àcausedetonpère?–Non.Personnen’avaitprévud’interventionpour lui,et je leregrettesouvent.Jeme

demandesileschosesauraientétédifférentessi…Combiendefoism’étais-jedemandésimamèreauraitpuchangerquoiquecesoit?Si

son patron, ses amis, ou si Brian, ma mère et moi l’avions affronté en exigeant que lasituation change ? Est-ce que ça aurait pu lui sauver la vie ainsi que celle demamère ?Hélas,jeneconnaîtraisjamaislaréponse.

–Bref,poursuivis-je.C’estlepassé.Maisjeparlaisdemoi,déclarai-jeenmeraclantlagorge, surprise de confier quelque chose d’aussi personnel à quelqu’un que j’admiraisautant.J’aiétél’objetd’uneintervention.

–Quoi?Quand?MonaveusemblaavoirimmédiatementtarileslarmesdeMira.– Tu sais, je t’ai déjà avoué que j’étais obsédée par mes relations amoureuses. À

l’époque,j’avaistrèspeud’amisetdegensquitenaientàmoi,maisjevenaisd’êtrearrêtée,et…

–Attends.Tuasétéarrêtéepouruneobsession?

– Non, parce que je suivais quelqu’un, dis-je en me tordant les doigts. Je sais. C’estgênant,avouai-jeenravalantmahonteetenmeconcentrantsurlaraisonpourlaquellejeconfessais mon passé. Bref. Mon frère et deux amis à moi de l’époque – qui m’ontabandonnée depuis parce que je me suis comportée de façon odieuse avec eux – m’ontconfrontéeetm’ontconvaincuedeme faireaider.Honnêtement, jen’aiacceptéqueparceque c’était ça, ou la prison. Cependant, les voir réunis, entendre que des gens tenaient àmoiets’inquiétaientpourmoi,celam’aprofondémenttouchée.

Miraplaquaunemainsursabouche.–Alayna,jenesavaispas.Sesyeuxbrillaientencore,maisderrière ses larmes, jediscernaiautre chose…pasdu

dégoût,commejem’yattendais,maisdelacompassion.–Tuavaissous-entenduquetonpassén’étaitpasfacile,mais…jenesavaispas.–Biensûr,commentaurais-tupudeviner?–Oui,tuasraison.– Ce que je voulais dire, c’est que mes thérapies m’ont appris que la plupart des

addictions sontduesàunmanqued’amour.Etquecequi estdingue, c’estqueplus tuesaccro à quelque chose, plus il t’est difficile de lever la tête et de voir tout l’amour quit’entoure. Ce n’est pas facile pour les proches de se faire entendre, mais ce n’est pasimpossible:ilfautsimplementêtreprêtàtoutessayer.

J’étudiai Mira pendant qu’elle réfléchissait à ce que je venais de dire. Elle garda lesilence.LeserveurvintalorsnousannoncerqueJackavaitpayélanoteenpartant,cequimitfinànotredéjeuner.

–Onsevoitlundi?demandaMiraavantquel’onsesépare.–Oui.J’aihâte.Jesortismontéléphone,prêteàappelerJordan, lorsque je levisdans l’entrée.J’allai

verslui,suivieparmonnouveaugardeducorps.–Jordan,ilestarrivéquelquechose?– Je ne dirais pas ça,mademoiselleWithers,mais je voulais vous prévenir que Celia

Wernerestdehors.Elleestrestéelàduranttoutvotrerepas.–Merde,quefait-elle?J’avaiscruquelaprésencedemesgardesducorpsainsiquecelledelafamillePierce

l’auraientdissuadéedemesuivreaujourd’hui.–Rien.Elleestassisesurunbancdanslarue.Ellem’amêmeditbonjour.–Ouais,c’estunepsychopathe,certes,maisunepsychopatheamicale.Est-cequevous

l’avezditàHudson?–Jeluiaiécrit,oui.–Vouspourriezm’emmenerlevoir?–Biensûr.

Peut-êtrequeHudsonallaitmeparlerde sonplan,désormais. Si tant est qu’il enaitun…

***

Reynold,monnouveaugardeducorps–quin’étaitquetrèsmoyennementattirant–,insista pour m’accompagner dans l’immeuble de Pierce Industries. Cela ne faisait quequelques heures qu’il avait commencé, et je n’étais pas encore habituée à sa présencepermanente.Heureusement,ilsavaitcequ’ilfaisaitetmesuivaitsidiscrètementquej’avaispresqueréussiàoubliersaprésence.

Ilm’attenditdanslehalld’accueilpendantquejemontaiaubureaudeHudson.Cefutlorsquejevissasecrétairequejemerendiscomptequejen’avaisprévenupersonnedemonarrivée.Etj’avaisl’impressionquemesvisitessurprisescommençaientàl’irriter.Cependant,Hudsonnem’avait jamaisditquecela ledérangeait,alors je lui souriset fis commesimaprésenceétaittoutàfaitnormale.

–Salut,Trish.Jepourraisluiparlerdeuxminutes?–Jesuisdésolée,mademoiselleWithers,dit-elleensouriantfaussement,maismonsieur

Piercen’estpasrevenudesondéjeuner.Trishavaitl’airbientropheureusepourêtrevraimentdésolée.Je regardai l’heure sur la pendule. Il était quatorze heures passées. Il déjeunait

encore?–Ah.D’accord.Merci.Déçue,j’appuyaisurleboutondel’ascenseuret,enattendantqu’ilarrive,jesortismon

téléphone pour dire à Hudson que j’étais passée à son bureau. Je venais de l’envoyerlorsquelesportess’ouvrirentsurHudson.AccompagnédeNormaAnders.

Jemeraidisimmédiatement.Ilsétaientseulsdansl’ascenseur.Hudsonavait-ildéjeunéavecelle?Aussilongtemps,quiplusest?

–Alayna.Jenem’attendaispasàtevoirici,ditHudsonsansavoirnullementl’aird’êtregêné.

–J’aifailliterater.–Jesuiscontentquecenesoitpaslecas.Viensdansmonbureau,dit-ilenmeguidant

verslaporteavantdesetournerversNorma.Norma,je…–Jet’envoieune-mail,dit-elle.–Super.Merci,conclut-ilenhochantlatête.Normadisparutdanslecouloir,probablementpourretournerdanssonbureau.Jene

savais pas qu’elle travaillait au même étage que Hudson. En réalité, je n’y avais jamaispensé,maislefaitqueleursbureauxsoientaussiprochesmedérangeait,désormais.

Hudsonposasesmainssurmesbrasdèsquelaportesefutreferméesurnous.

–Qu’est-cequetufaisici?Ils’estpasséquelquechose?Laraisonpourlaquellej’étaisvenuemeparaissaitsecondaire,maintenantquejel’avais

revuavecNorma.Monsangbouillaitdansmesveinesetunnœuds’était formédansmonestomac.

–Jenesaispas,àtoidemeledire.Lesaccusationsetlescrisesdejalousieavaienttoujoursétémaspécialité.–Qu’est-cequetuveuxdire?demandaHudson,perplexe.Jepassaimesbrasautourdesoncou,espérantparaîtremoinspéniblesi j’étaiscontre

lui.D’autrepart,celamepermettaitdevoirs’ilsentaitleparfumd’unefemme.–Laisse-moireformulermaquestion.Est-cequetuasdéjeunéavecNorma?Leseulparfumquejesentisfutlesien,celuiquiexcitaittoujoursmesphéromones.–Undéjeunerdetravail,oui.–Vousétiezseuls?Hudsonreculaetmetransperçaduregard.–Alayna, continue commeça et je vaisdevoir tedonner la fessée. Leproblème, c’est

quejesaisàquelpointtuaimesça,dit-ilenmetapotantleboutdunezavantdesedirigerverssonbureau.

Sontondétendunefitqu’accentuermacolère.–Jen’aimepasquetuaiesdéjeunéseulavecelle.Ilfeuilletaquelquesdossiers,clairementdistrait.– Eh bien, je n’aime pas la personne avec qui tu as déjeuné non plus, donc on est

quittes. Et non, ce n’est pas pour cela que j’ai mangé avec elle, s’empressa-t-il d’ajouter.Nousavionsàparleraffaires.Noustravaillonssuruneacquisitionetnousavionsdesdétailsàrevoir.

Bien sûr, il s’agissait d’affaires. M’avait-il donné ne serait-ce qu’une seule raison decroirelecontraire?Non.Néanmoins,çanemeplaisaitpasdutout.

J’avançai jusqu’à son bureau, et les souvenirs dema dernière visite m’aidèrent à mecalmerunpeu.Ducoupjejouailarâleuse.

–Est-cequetuétaisobligédelefaireenpublic?Cela sembla parler enma faveur, car son regard s’adoucit,même s’il répondit d’une

voixferme:–Justement,c’estpourtoiquej’aichoisidedéjeunerenpublic,Alayna.Tupréférerais

quel’onrestedansmonbureau,seuls,portefermée?J’avais encore les images de notre partie de jambes en l’air en tête. Sa question me

donnalanausée.Jemelaissaitomberdanslefauteuil.–Çanem’aidepas,cequetudis.Hudsons’assitenfacedemoi.

–TusaisqueNormaestunedemescollaboratrices incontournables.J’aibesoinde lavoirrégulièrement,etenpersonne.Etparfois,nousavonsbesoind’êtreseuls.

Son explication était logique. Elle ressemblait à celle que je lui avais donnée pourexpliquermarelationavecDavid.

–Peut-êtrequetupourraislatransférerailleurs.–Pourquelleraison?–PourlamêmeraisonquetuastransféréDavid.Aprèstout,c’étaitlamêmechose.–Bienquejecomprennepourquoitucompareslesdeuxsituations,jenevaispasvirer

Norma,répondit-ild’unairpincé.–C’est parfaitement injuste, tu sais,m’exclamai-je enme levant brusquement. Je n’ai

pasledroitdetravailleravecquelqu’unenquitun’aspasconfiance,maistoi,si?Etcommec’esttoilepatron,tuasputransférerDavid,ettuauraispulevirers’ilavaitrefusé.Qu’est-ceque jepeux faire,moi?Rien. Je suis totalement impuissante.Normaestdinguede toi,Hudson.Jelevoisdanssonregard,etjesaisqu’ellen’apaspeurdetentersachance.

Hudson,concentrésurl’écrandesonordinateur,cliquaplusieursfoissursasouris.–Elleestparfaitementconscientequejenepartagepassessentiments.–Commentest-cequ’elle…?Ilnepouvaitlesavoirquesi…–Est-cequ’elleadéjàtentésachance?m’écriai-je.–Alayna,cetteconversationnenousmènenullepart.J’aidesrendez-vous…–Hudson!Ilsoupiralentementetquittasonécranpourmeregarderdanslesyeux.–Ellem’aditqu’elleaimeraitquenousdevenionsplusquedescollègues.Situappelles

çatentersachance,alorsoui.Mais,commeje te l’aidit, jenesuispas intéressé.Etelle lesait.

Jeserraimamâchoireetgrinçaidesdentsafindenepashurler.–Tupeuxm’expliquerenquoic’estdifférentdufaitquejetravailleavecDavid?Ilclignadesyeux,unefois,deuxfois.–Non.Tuasraison.C’estlamêmechose.–C’esttoutcequetuasàdire?Tunevasrienfaire?Jesavaisdéjàcequ’ilallaitrépondre,jesavaisquejenegagneraispascettedispute.– Je ne peux pas me passer de Norma. Elle a une trop grande valeur au sein de

l’entreprise.C’étaitbienceàquoijem’attendais.Jem’appuyaisurledossierdufauteuil.Iln’yavaitplusrienàdire.Jenepouvaisrien

ajouter, puisqu’il était d’accord avec ce que je disais, tout en refusant d’y remédier. Nous

étions arrivés à une impasse. Nos regards se croisèrent et se verrouillèrent, se défiant ensilence,refusanttousdeuxdecéder.

Aprèsunlongmoment,Hudsonpoussaunjuronetdétournabrièvementleregard.–Est-cequetuveuxqueDavidreste?Moncœurfitunsautpérilleux.–Tulelaisseraisrestersijedisaisoui?–Sic’estleseulmoyend’arrangerlasituation,alorsoui.Un frisson de joie parcourut tout mon corps, puis je me souvins des raisons pour

lesquellesceseraitunemauvaiseidée.–Ehmerde,Hudson.Jen’enrevenaispasd’êtresurlepointdedirenon.–Non. JeneveuxplusqueDavid reste,dis-jeenévitant le regarddeHudson.Cene

seraitpasbonpourlui.Ilest…ilestamoureuxdemoi.–Jesais.JesavaisqueHudsonétaitaucourant–c’étaitmoiquine l’acceptaisquemaintenant.

Jem’éloignaidubureaupourm’asseoirsurlecanapéetHudsonvints’asseoiràcôtédemoi.–Mercidel’avoirproposé,celadit.Jesaisquecen’étaitpasfacilepourtoi,dis-jeenlui

caressantlajoue.–Non,çanel’étaitpas,avoua-t-ilenpromenantsamainlelongmonbrasenlaissant

unetracedechairdepoulesursonpassage.Cependant,celaenvaudraitlapeinesicelaterendaitheureuse.

Bon sang, il avait fait de sacrés progrès durant ces dernières semaines, je devais lereconnaître.Peut-êtreétait-cemoiquiavaisencoreàmûrircarjen’étaispasprêteàlaissertomberlesujet.

– Est-ce que tu as envisagé la possibilité que ce ne soit pas bon pour Norma detravailleravectoi,commec’estlecaspourDavid?

–Non.Etjesuiscertainquetuasraison,ditHudsonensouriant.–Tuneveuxpasfaireuneconcession,Hudson?demandai-jeenluifaisantfaceeten

lui prenant lamain. Par exemple, tu pourrais peut-être éviter demanger seul avec elle ?Est-cequequelqu’unpourraitsejoindreàvous,laprochainefois?

Ilrepoussaunemèchedemonfrontavantderépondre.–Paspourleprojetsurlequelontravailleencemoment.Mais ilestpresqueterminé,

etjenepensepasquenousauronsbesoind’êtreaussidiscretsàl’avenir.Parcequ’enplusdesevoirseuls,ilspartageaientunsecret?Gé-nial.–C’estquoi,ceprojet?–Rienquinepourraitt’intéresser.Jem’apprêtaiàluicrierdessusdenouveaumaisils’empressadesereprendre.

–J’essaied’acheteruneentrepriseàquelqu’unquirefuseraitdelavendres’ilsavaitquec’étaitmoil’acquéreur.Normaestlaseuleenquij’aiconfiancepourgardercesecret.

–Trèsbien.Je détestais ne pas pouvoir remédier à leur relation professionnelle. Jedétestais cela.

Maisquepouvais-jeyfaire?–Trèsbien,répétai-je.Seulementenpublicalors,s’ilteplaît.Oùd’autresgenspeuvent

vousvoir.Etquandcedealserafini,est-cequetuaurasencorebesoindelavoirenprivé?–Non.–Jevaiscontinueràteposerdesquestionsàsonsujet.Toutletemps.Parcequejene

peuxpaslâcherl’affaire.–Jecomprends,dit-ilenhochantlatête.J’avais beau être contente d’avoir trouvé un compromis de manière constructive, la

piluleétaittoutdemêmedureàavaler.–Tusaisàquelpointc’estblessantpourmoiqueturefusesdeteséparerd’elle?Jeserraisamainviolemmentenplantantmesonglesdanssapaume.–Crois-moi,jelesais,ditHudsonenfermantàdemilespaupières.–Trèsbien.Dumomentquec’estclair,dis-jeenlâchantsamain.– Tu étais venue pour parler de Norma ou y avait-il une autre raison à ta visite ?

demanda-t-ilensefrottantlamain.J’éclataiderireenpensantàlajournéeabsurdequej’étaisentraindepasser.–Non,jesuisvenueparcequejevoulaistevoir.Mondéjeunerétait…intéressant…et

Celiaétaitencorelà.–Celiaétaitlà?s’exclamaHudsonenhaussantlessourcils.–Jordanm’aditqu’ilt’avaitécritpourteledire.Hudsonsortitsontéléphonedelapochedesonpantalon.–Mince, je l’avais laisséensilencieux.Jenesavaispas.Est-cequ’elleatentéquoique

cesoit?–Non.Ellevoulaitjustequejesachequ’elleétaitlà.–Alayna,jesuisdésolé.Ilmepritsursesgenoux.Jesoupiraietjemefistoutemolledanssesbras.–Peut-êtreque tudevraisprendredesvacances. Jepeux t’envoyerpasser la semaine

dansmonspa,situveux.J’étudiaisonregardpourdeviners’ilétaitsérieux.Ill’était.– Je ne peux pas partir maintenant. Pas avec tout ce qui se passe au club. Et elle

sauraitqu’ellem’afaitpeur,etjeneveuxpasluioffrircettevictoire.–C’esttrèscourageuxdetapart,maisjedétestetesavoirdanscettesituation,dit-ilen

meserrantplusfortcontrelui.C’estalorsquejemesouvinsdel’autreraisonpourlaquellej’étaisvenue.

–Tuastrouvécommentnousdébarrasserd’elle?Ilneréponditpastoutdesuite.–J’aiparléàmonavocatcematin.Commetul’asdit,onnepeutrienfaired’unpoint

devuelégal.Maisnousenvisageonsd’autresoptions.–Desoptionsillégales?–Etsitumelaissaism’occuperdetoutça?Jet’expliqueraitoutquandceseraréglé.Je n’avais pas suffisamment d’énergie pour le faire parler, et j’avais bien l’impression

qu’iln’avaitencorerienarrangédutout–çaneservaitàriende le forcerà l’admettre.Jedécidaidoncdelâcherl’affaire.

–Tuexigesbeaucoupdeconfiance,cesjours-ci.–Trop?demanda-t-ilenm’embrassantsurlatempe.Sa voix paraissait tendue et son corps s’était contracté – c’était lui qui avait besoin

d’êtrerassuré,désormais.–Non.J’aiconfianceentoi.Jesaisquetuprendrassoindemoi,dis-jeenl’embrassant

surlajoue.– Toujours, déclara-t-il, au moment où l’interphone se mit à sonner. Mince, c’est

probablementPatriciaquim’annoncequemonprochainrendez-vousestarrivé.Jemelevaietluitendislamainpourl’aideràfairedemême.–Jesupposequelapipequejevoulaistefairevadevoirattendre.–Jepourraisleurdemanderd’attendre,dit-ilalorsquesonregards’embrasait.J’éclataiderireetluifrappail’épaule.–Tais-toi. Jen’ai jamais eu l’intentionde te faireunepipe.Vu les concessions que je

fais,jecroisquec’estmoiquiméritedesfaveurssexuelles.–Cesoir.–C’estnoté,H.Tuasintérêtàtenirtapromesse,dis-jeenl’embrassantrapidementsur

labouche.Enattendant,sachequejetedétesteunpetitpeu.–C’estfaux.Tum’aimes.–C’estlamêmechose,dis-jeenhaussantlesépaules.Hudsonm’accompagna à la porte pour accueillir son prochain client. J’étais presque

arrivéeàl’ascenseurlorsqueTrishmefitsigne.Jeretournaiàsonbureauenmedemandantsiellevoulaitmegronderd’avoirmisHudsonenretard.

–CeciaétélivrépourvouspendantquevousétiezavecmonsieurPierce,dit-elleenmetendantuneenveloppeblanchesurlaquellemonnométaitimpriméenlettrescapitales.

Jeneréalisaiquej’auraisdûladonneràmongardeducorpsqu’aprèsl’avoirouverte.J’ydécouvrislamêmecartedevisitequecellequej’avaistrouvéedanslelivre.CeliaWerner,Décoratriced’Intérieur.

Le nœud dans mon ventre se serra un peu plus encore. Elle était à pied lorsque jel’avaisvueaurestaurant.Commentavait-ellefaitpourmesuivreaussirapidement?Avait-

elledevinéquejeviendraisici?PourquoiReynoldnel’avait-ilpasvueentrer?–Qui vous a donné cela ? demandai-je à Trish, consciente de parler d’une voix trop

autoritaire.–Jenesaispas.Jen’aipasfaitattention.–Unefemmeblonde?Auxyeuxbleus…–C’étaitunhomme.Uncoursier.Cela expliquait pourquoi Reynold n’avait rien vu. Quant à savoir comment elle avait

devinéquej’iraisvoirHudson…N’était-cepasprévisible,aprèstout?Je fermai les yeuxetprisuneprofonde inspiration.Ellen’avait laisséqu’une cartede

visite.Celanepouvaitpasmefairedemal.C’étaitpourmefairepeur,simplement.Pourmeprévenirqu’ellem’observait.Qu’ellesavaitcommentmetrouver.

Ayantdécidédenepaslalaisserm’atteindre,jerouvrislesyeux.JegribouillaiunmotpourHudsonaudosdel’enveloppeetremislacarteàl’intérieur.

–Merci,Trish.LorsqueHudsonseralibre,pouvez-vousluidonnerceci?Jemouraisd’enviededéboulerdanssonbureaupourluiremettreenmainpropreetle

persuaderd’allerpasserquelques joursavecmoidanssonspa.Maiscelareviendraità fuirnotre problème, ce qui n’arrangerait jamais les choses. N’était-ce pas du moins ce qu’onprétendait?

CHAPITRENEUF

Je quittai le bureau deHudson avec la ferme intention deme noyer dans le boulot

pour me changer les idées. Ça fonctionna quelques heures, mais l’angoisse finit parréapparaître peu à peu. Il fallait que je sois au club à vingt heures pour voir Gwen, jesupposais que j’allais finir tard dans la nuit. Jemourais d’envie de faire un footing,maiscommecelam’étaitdésormaisinterdit,jechoisisd’alleràunesessiondethérapiedegroupe.Jen’avaispasl’habituded’yallerlejeudi,maislasessiondedix-huitheuresétaitdirigéeparma conseillèrepréférée, ce quime laissait le tempsdemanger quelque chose, d’aller à lathérapie,etdereveniràl’heurepourl’entretien.

Installéesurunechaiserouilléedanslesous-soldelaUnityChurch,j’écoutailesrécitsdes autres dépendants anonymes. La plupart m’étaient inconnus et leurs addictions meparaissaientassezéloignéesdesmiennes.Ilyavaituneaccroaushopping,unedinguedesréseauxsociaux,unhommequinepouvaits’empêcherdejouerauxjeuxvidéo,etunautreencorequisesentaitobligéd’acheterlemoindregadgethigh-tech.Laseulepersonnepourlaquelle je pouvais légèrement compatir était une accro au sexe, tatouée de la tête auxpieds,quej’avaisdéjàvuelorsd’autressessions.Jel’avaisentendueparlerparlepasséetjesavaisquenousavionsbeaucoupdepeursetdefrustrationsencommun.

–Voudrais-tunousfairepartdequelquechose,Laynie?Jefustrèssurprisequelaconseillèrem’interpelleainsi,carlesparticipantsn’étaientpas

obligés de parler à chaque réunion, voire jamais s’ils ne se sentaient pas à l’aise.L’intervention de Lauren était étrange. Elle me connaissait bien, cependant, puisqu’ellem’avait suivie depuis le début. J’ai d’abord pensé qu’elle avait dû deviner àmon langagecorporelquequelquechosen’allaitpas,avantderéaliserquemevoirdeuxfoisaucoursdelamêmesemaine–cequiétaitinhabituel–luiavaitmislapuceàl’oreille.

Je déroulai le résumé habituel de ma maladie puis je fis une pause : je n’avais pasprévudeparleret jen’étaispascertainedeceque jevoulaisdire.«J’aidûfairefaceàde

nombreuxfacteursdestress,récemment,etjesuisvenuecesoirparcequej’aipeurquecelamefassereprendredemauvaiseshabitudes.»

Laurenhochalatêteetlesperlesdansseslongscheveuxtresséss’entrechoquèrent.–C’estunedescriptiontrèsconcisedetesémotions,Laynie.Voyonsd’abordlesfacteurs

donttuparles.Yena-t-ilquetupeuxéliminer?–Pasvraiment,non.SansdoutequelessourcesdestressdisparaîtraientsijerompaisavecHudson,maisje

n’étaispasprêteàl’envisager.– C’est tout à fait normal. Parfois, on ne peut pas s’en débarrasser, dit Lauren en

profitantdel’occasionpourdonneruneleçonàtoutlegroupe.Laplupartdutemps,vousêtesobligésdelesaffronter.Oualorsvouschoisissezdeleurfairefaceparcequecequevousavezàygagnerestplusimportantquelaconséquencedecestress.

–Oui,c’esttoutàfaitcela,acquiesçai-je.–Alors,quellessontcessourcesdestress?–Euh…En y pensant, je me rendis compte qu’il y en avait un bon paquet – toutes étaient

apparuescesdernièressemaines.–…Ehbien,j’airécemmentemménagéavecmoncopain.Jeneprécisai pasquenotre relation était relativement récente.Dumoins, pas à voix

haute, car jepris soinde l’ajoutercomme facteurd’angoisseà la listeque jedressaisdansmatête.

–Tuasunnouveaucadredevie,répétaLauren.C’estunajustement,c’estsûr.–Oui.Etjeviensd’accepterunegrossepromotionautravail.Lesparticipantsmefélicitèrentàl’unisson.–BravoLaynie,ditLauren.Maiseneffet,c’estégalementunfacteurd’angoisse.–Etmoncopain…Parlerd’unesituationquejenecomprenaispasmoi-mêmen’allaitpasêtreévident.–…aunpassifquej’aidumalàgérer.–Quelgenredepassif?demandaLauren.–Ehbien,sonex,enfin,oui,sonexs’estmisentêtededétruirenotrecouple.Ellenous

terrorise. Enfin, surtoutmoi. Tout d’abord, ellem’a accusée de l’avoir harcelée, ce que jen’aipasfait,précisai-jeenregardantlesautresmembresdugroupe.Honnêtement.

–Personnen’esticipourtejuger,rappelaLauren.Cen’étaitpastoutàfaitvrai.Lasuiteétaitparticulièrementdifficileàadmettre,j’étais

surlepointdemeplaindred’uncomportementquej’avaismoi-mêmeinfligéauxautresparlepassé.

– Maintenant, c’est elle qui me harcèle. Elle me suit partout et elle me laisse desmessages.

–OhmonDieu,s’exclamal’accrocaushopping.Tuesalléevoirlapolice?–Ellen’arienfaitquijustifieuneplainte.J’étaisexperteenlamatière,j’auraispudressersansproblèmelalistedecequipouvait

entraînerundépôtdeplainte,maiscen’étaitpaslesujet.–Cetteformedeharcèlementferaitangoissern’importequi,ditLaurenensepenchant

enavant, lescoudesposés sur sescuisses.Mais jenepensepasme tromperensupposantquec’estencoreplusdurpourtoi.Est-cequeçafaitresurgirdesémotionsdetonpassé?

– Oui, bien sûr. Je faisais lamême chose aux autres, avant. C’est atroce, jeme sensvraimentmoche.

Jefussurprisedenepasfondreenlarmes.Peut-êtrequejedevenaisplusforteouquejem’habituaisàlasituation…quoiqu’ilensoit,jepusallerjusqu’auboutdemonanalyse.

–Et puis… j’ai l’impressionde lemériter,maintenant.Comme si c’étaitmonkarma…unretouràl’envoyeur…

–Tusaisquecen’estpasainsiquefonctionnelavie,n’est-cepas?m’interrompitl’accroausexe.

–Jesuppose,oui.Qu’est-cequej’ensavais,enfait?Un longsilences’installaqueLaurenchoisitdenepas interrompre,persuadéequ’elle

étaitquec’étaitparfoisnécessaire.Pourmoi,cessilencesétaienttantôtlesmeilleurespartiesdelasession,tantôtlespires.

– Honnêtement, je sais que je dois travailler sur ma confiance en moi. Je tiens unjournal,jefaisunpeudeméditation–oui,jesaisquejedevraisenfaireplus.Maispourêtrehonnête,cenesontpasvraimentmesémotionsquim’inquiètentleplus.

– D’accord, admit Lauren. Dumoment que tu reconnais que tu dois y travailler, onpeut passer à autre chose. Tu dis que tu es confrontée à des facteurs de stress, parmilesquels certains sont bons, et que tu ne peux pas les éliminer. Tu dis aussi qu’ils te fontreprendredemauvaiseshabitudes.Dequellemanière?

–Jesuisagitée,angoissée,parano,etaccusatrice,dis-jeencomptantsurlesdoigtsdemamain.

–Commemoiquandj’aimesrègles,quoi!s’exclamala«sex-addict».–Ouais,pourmoiças’appellejusteêtreunefemme,ajoutal’accroaushopping.Jemedemandaissiellescherchaientàcompatirouàmefairerelativiser.Commej’étais

particulièrementparanoencemoment,jechoisisladeuxièmeoption.–Vousditesquecequejeressensestnormaletquejedoisjustemedétendre?–Peut-être,réponditlanymphomane.– Pas nécessairement, intervint Lauren en tapotant le bout de ses index l’un contre

l’autre. Ce sont des émotions normales, mais si elles affectent ta vie quotidienne et tesrelations,tudoisyremédier.

–Pourl’instant…non.Maisseulementparcequejelutte.Lepire,c’estlaparanoïa,etellen’estpas justifiée.Jesuis jaloused’unefemmeavecquimoncopaintravaille,et jen’aiaucuneraisondel’être.Heureusement,ilappréciemajalousie,ajoutai-jeendirectiondelasex-addict,quimeremerciaavecunclind’œil.

–Est-cequetuvoudraisessayerdesmédicaments?Lauren préférait ne pas prescrire d’anxiolytiques, mais elle les proposait toujours

commesolution.Quantàmoi,jedétestaisavoirl’impressiond’êtreunzombie.–Non,pasdemédocs.Jepréfèrerésoudreçatouteseule.–Ehbientuconnaislaprocédure.–Oui.Lessubstituts.Cependant,mesdeuxsubstitutspréférésétaient le footinget la lecture,qui tousdeux

avaientétécompromisparCelia.Laurenpointasondoigtversmoietmeditd’untonsévère.– Et la communication. Pense à parler de ce que tu ressens, même si tu trouves tes

réactionsinjustifiéesoudéraisonnables.–C’estpourçaquejesuisvenue,dis-jeenmeforçantànepasleverlesyeuxauciel.Ellesouritetjesusqu’elleavaitdevinélefonddemapensée.–C’estunbondébutdevenirici,jenevaispastedirelecontraire.Maistunepeuxpas

tecontenterdenousparler.Ilfautquetucommuniquesavectoncopain,aussi.CommuniqueravecHudson…Bon sang, j’essayais vraiment. Nous essayions tous les deux. Cependant, si je lui

racontaisvraimenttout,sijeluiparlaisdelaparanoïaquisubsistaittoujoursenmoi,delabouled’angoissequihabitaitmonestomacdefaçonpermanente,voudrait-ilencoredemoi?

Commesouvent,Laurenverbalisamesinquiétudes.– Je sais. C’est effrayant. Tu as peur que les autres ne puissent pas supporter tes

penséesettessentiments.Etjenepeuxpastepromettrequ’ilsenserontcapables.Maisc’estla personne que tu es, Laynie. Tunepeuxpas y échapper. Et si tu ne peuxpas être toi-mêmeaveclesgensquit’aiment,alorspeut-êtrequ’ilsnet’aimentpasvraiment.

N’était-ce pas LA question, justement ? Hudson m’aimait-il vraiment ? Il me l’avaitmontré,maisnemel’avaitjamaisdit.Etjeneleluiavaisjamaisdemandé.Peut-êtreavions-nousencoredeschosesànousdire.Luicommemoi.

***

Gwen arriva au Sky Launch avec quinze minutes d’avance, ce qui m’aurait

impressionnéesi jen’étaispasarrivéeencourantenmêmetempsqu’elle.Avec toutcequis’étaitpassédurantlajournée,jenemesentaispasd’attaque.Heureusement,Davidétaitlà

pour me soutenir, intervenant beaucoup tandis que nous lui fîmes visiter le club endiscutantdesresponsabilitésqu’elleauraitsielleétaitengagée.

Ils’avéraqueGwenAnderssavaitdequoielleparlait.Elleposaitlesbonnesquestionsauxbonsmomentsetproposadesidéesinnovantes.Elleavait lespiedssurterre,elleétaitenthousiasteet concentrée sur sa tâcheàvenir.Tout cequ’elledisait était juste,pourtantsessuggestionsmedérangèrentplusd’unefois,sansquejesachepourquoi.Peut-êtreétait-ceparcequ’elleétaitsûred’elle,etquejemeremettaisenquestionensaprésence.Oupeut-êtreétait-cesimplementparcequej’étaisnerveuse,defaçongénérale.

Après la visite, Gwen nous aida à préparer l’ouverture, puis nous allâmes conclurel’entretien dans le bureau deDavid – ou plutôtmon bureau, oumêmenotre bureau si jedécidaisd’engagerGwen.

– Alors, dit Gwen, pour l’instant le Sky Launch est ouvert de vingt et une heures àquatreheuresdumatin,dumardiaudimanche,c’estça?

Gwenetmoiétionsassisessur lecanapé,Davids’était installédanslefauteuilenfacedenous.

–Toutàfait,confirmaDavid.–Maisnousvoulonsouvrirseptjourssurseptd’icipeudetemps.Après tout, c’était une des propositions qui m’avaient valu de devenir assistante de

direction.–Jenepensepasquece soitune super idée,ditGwenen fronçant les sourcils.Dans

quelquetemps,peut-être,maispour l’instant,vousn’atteignezpasvotrecapacitéd’accueilmaximalelorsquevousêtesouverts.

Je fis de mon mieux pour ne pas grimacer. J’avais beau apprécier sa franchise, jen’aimais pas qu’elle attaque mes idées de façon aussi directe. Mais Gwen ne sembla pasremarquermaréaction.

–Pourquoiouvrirdavantage?Lapremièreétapeestd’attirerplusdegens,deremplirleclub,puisd’étendrevoshorairesd’ouvertureuniquementlorsquevousyserezparvenus.

–Celanemeparaîtpasdéraisonnable,Laynie,ditDavidenmeregardanttimidement.En effet, c’était raisonnable. La question que jeme posais était plutôt de savoir si je

voulaisvraimenttravailleravecquelqu’unquiétaittoujoursaussidirect–etjen’enétaispascertaine.

– C’était votre idée, n’est-ce pas, d’ouvrir plus souvent ? dit Gwen en comprenant lasituation.Jenechangepasd’avispourautant,ajouta-t-elleenhaussantlesépaules.

Elleétaitdouée.Vraimentdouée.–Gwen,j’ail’impressionquenouspourrionsdevenirsoitdesamiestrèsproches,soitdes

ennemiesféroces.– Est-ce que vous voulez ce job, Gwen ? demanda David, parce qu’il me semble

préférabledeviserl’amitié,sivousvoulezêtreprise.

Je trouvai touchantqu’ilveuilleapaiser la tension– iln’avait jamaisaimé leconflitetavaittoujourspréféréplaireàtoutlemonde.

– Oh, je ne sais pas, répondit Gwen en croisant les jambes. Alayna est une femmeintelligente.Jepensequ’ellesaitqu’ilvautmieuxgardersesennemisprèsdesoi.

Je fermai légèrement les yeux en étudiant la jeune femme assise à côté de moi. Ladernièrefoisquej’avaisentenducettephrase,c’étaitdanslabouchedeCelia.Biensûr,jenesavais pas que nous étions ennemies, à l’époque, tout comme je ne savais pas encore siGwenl’était,elleaussi.D’ailleurs,jenesavaistrèspeudechosesàsonsujet.

– Dites-moi, Gwen, dis-je en m’appuyant sur l’accoudoir et en prenant mon mentondansmamain.Pourquoivoulez-vousquitterL’Étage88?Voussemblezavoir jouéunrôlecrucial dans le succèsde ce club. Je serais raviede vousdébaucher,mais jemedemandepourquoivousmelaisseriezfaire?

Cettequestionmetaraudaitdepuisledébut,maisjen’avaispasencoreeul’occasiondelaluiposer.

–Parfois,onéprouve simplement lebesoindechangerd’air, répondit-elleenpassantsesmainssursescuissesetenlissantlesplisdesonpantalonavecunpeutropd’attention.

–Jenevouscroispas,luirétorquai-jeendécidantd’imitersafranchise.– Bien joué, avoua-t-elle en soupirant. Elle plongea son regard dans lemien. Disons

quec’estpour raisonspersonnelles. Je suisdésoléed’êtreaussiévasive,maisçanedevraitpasinfluencervotrechoix.Monpatronsaitquejeveuxpartir,etilm’écriraunebonnelettrederecommandation.Endehorsdecela,jepréfèrenepasvousdonnerdedétails.

Pourquoi les gens avaient-ils autant de secrets ? Je me demandai si Hudson savaitpourquoiGwenvoulaitdémissionner,ets’ilmelediraitsijeluiposaislaquestion.

Soudain,unenouvellevaguedeparanoïas’abattitsurmoi.Est-cequejenedevaispasplutôtmedemanderpourquellesraisonsellevoulaittravaillerauSkyLaunch?

–Cen’estpasàcausedeHudson,n’est-cepas,quevousvouleztravaillerici?– Je ne suis pas sûre de comprendre votre question. Si vousmedemandez si je veux

travailler au Sky Launch parce que c’est le seul club new-yorkais dont Hudson Pierce, lebrillanthommed’affaires,estpropriétaire,enplusdeFierce, lerestaurant leplusbranchédelavilleetdel’Adora,lameilleureboîtedenuitd’AtlanticCity,alorslaréponseestoui.JeveuxtravaillericiparcequeHudsonPiercealepouvoirdefairedececlublemeilleurdelaville.LeSkyLaunchestl’undesraresclubsàpouvoirrivaliseravecL’Étage88.

Biensûr,pourquelleautreraisonvoudrait-elletravailler ici?Jemeréprimandaid’avoirpu supposer que ses raisons personnelles avaient quelque chose à voir avec Hudson. Laconfiance,Alayna.Jedevaismecontraindreàfaireconfianceauxautres.

Jeprismadécision.–Alors vousêtes engagée.Pasparcequevousêtesmonamieoumonennemie,mais

parcequevousaveztoutes lesqualificationset lesqualitésrequises.Jemeréserve ledroit

dejugersijevousappréciepersonnellement,oupas,àl’avenir.Maisavanttout,nousallonscommencerparnoustutoyer,sicelavousconvient.

–J’accepte,ditGwenensouriant.Davidselevapourluiserrerlamain.–Bienvenueàbord,dit-il.Jesuisnavrédenepasêtrelàlorsquetubotteraslesfesses

desautres,oumêmecellesdeLaynie.Jesuissûrquetuvasl’épater.–Eh,moiaussijepeuxluibotterlesfesses,dis-jeenmelevantetenposantmesmains

surmeshanches,feignantd’êtreindignée.LeregarddeGwenm’appritqu’elleavaitdegrosdoutessurcequej’avançais.–Pourquoitumeregardescommeça?Tunemecroispasalorsquetunemeconnais

mêmepas.–Non, c’estvrai, répondit-elleenm’étudiant.Mais tumanques forcémentdequelque

chose, ou alors tu crois manquer de quelque chose, sinon tu n’aurais pas besoin dem’embaucher.

Peut-êtreserons-nousennemies,enfindecompte.–Jen’aipasenviedefaireçatouteseule,c’est tout,dis-jed’unepetitevoixquimefit

regretter immédiatement d’avoir voulu me justifier. Après tout, je ne lui devais aucuneexplication.

Pour rendre les choses encore plus gênantes, Gwen énonça à voix haute ce que jepensaistoutbas.

– Inutile de t’expliquer, tout ce que j’ai besoin de savoir c’est quand tu veux que jecommence.

–Tuacceptesleposte,alors?Jeregrettaisdéjàmadécision.– Tu pourras supporter une partenaire un peu chiante ? dit Gwen en haussant un

sourcil.–Jecrois,oui.Aprèstout,elleétaitlàpourtravailleravecmoi,paspourdevenirmameilleureamie.–Alorsjecommencequandtuveux,annonça-t-elleensouriantjusqu’auxoreillespour

lapremièrefois.–Parfait.

***

Lorsque je suis rentrée, quelques heures plus tard,Hudson dormait à poings fermés.J’étais déçue, pas seulement parce qu’il m’avait promis des faveurs sexuelles, mais aussiparcequ’aprèsmathérapiedegroupej’avaisbesoindeluiparler.J’envisageaiuninstantdele réveiller,mais une petite voie intérieureme susurra qu’ilm’évitait peut-être. Je n’avais

aucuneraisondelecroire,mais j’étaisparticulièrementanxieuseet ilsecouchaitrarementsansmoi.

Aulieudecéderàmesangoisses,jem’assissurleborddulit,fermailesyeuxetrécitaiquelques-unsdesmantrasquej’avaisapprisenthérapie.Larépétitionmecalma,maiscenefutpassuffisant.Àsarespiration,jedevinaiqueHudsondormaitprofondément,maisj’avaishâtedeluiconfiermesdoutes,commeLaurenmel’avaitconseillé.Sansprendrelapeinedemedéshabiller,jem’allongeaiàcôtédeluietjememisàluicaresserlescheveux.

–J’aipeur,H.Sarespirationnechangeapas.– De beaucoup de choses. Des petites choses, pour la plupart. J’ai surtout peur de

Celia ;denepasêtreassez forte, et qu’elle finisseparme faire craquer. Je croisque c’estparce qu’elle a toujours été la fille avec qui tu devrais être. Dans ma tête, c’est elle quidevraitêtreàtescôtés.Toutlemondelepense.Elleestparfaitepourtoi,depuisleboutdeses onglesmanucurés jusqu’à son pedigree. En plus, pour l’instant, elle n’a pas de casierjudiciaire,elle.

Je sourisen imaginantCeliaqui recevaitune injonctiondeneplusm’approcher.Biensûr, c’était une Werner, avec la fortune et le réseau qui accompagnaient son nom, çan’arriveraitjamais–j’enparlaiégalementàHudson.

C’était facilede luiavouermespeurspendantqu’ildormait.Nonqu’ilmesoitdifficiledeluiparlerlorsqu’ilétaitéveillé,seulementilmedominaitàtelpointparsaprésencequeje n’en ressentais pas le besoin. C’était lorsqu’il n’était pas avec moi que les doutesm’assaillaient.

«Jecroisennous,H.Plusquetout.Maisest-cequetuycrois,toiaussi?Tum’avaisditque tu étais incapable d’aimer, est-ce que tu en es encore convaincu ?M’aimes-tu autantquejelepense?»

Ilseblottitinstinctivementcontremoi.Lorsqu’ilsetourna,sontéléphonetombasurlelit. Il avaitdû s’endormir en le tenantdans lamain.Attendait-ilmonappel ? Je lui avaisécritpourluidirequejerentreraistard,avait-ileumonmessage?

Curieuse,jedéverrouillaisonécran.Monmessageétaitmarquécommenonlu–ilavaitdûs’endormiravant,cequiexpliquaitqu’ilnem’aitpasrépondu.

Cefutparhasardquejetombaisursonjournald’appels.Dumoins,c’estcequejemedis. Le nom du dernier appel me sauta immédiatement aux yeux – Norma Anders. Ilss’étaient parlé pendant vingt-septminutes et l’appel s’était terminé à vingt et une heuresquatorze.

Jeposailetéléphonesurlatabledenuit,avantdemeglisserdanslesbrasdeHudson.Il avait probablement parlé à Norma de Gwen et du Sky Launch. Sauf que Gwen n’étaitpartie qu’à vingt-deux heures… Elle n’avait passé aucun appel et elle ne s’était pasabsentée,doncNormaetHudsonnepouvaientpassavoirquejeluiavaisoffertleposte.

Cequimeperturbaitvéritablement, c’étaitde savoirpourquoi c’étaitHudson qui avaitappeléNorma.

Ilstravaillentensemble.Ilsparlaientduboulot,nesoispasbête.Aprèstout,n’était-cepasnormalpourunpatrondeparleràsesemployés?Maisàvingtetuneheures?Depuissontéléphonepersonnel?Danssonlit?

CHAPITREDIX

JemeréveillaiaveclatêtedeHudsonenfouieentremesjambes.

–Hmmm.Son souffle chaudme fit frissonnerde la tête auxpieds, et je baissai la tête enentrouvrantlespaupières,curieusedesavoircommentilavaitréussiàmedéshabillersansquejemeréveille.

Sonregardcroisalemien.–Tunem’aspasréveillé,hiersoir,dit-ilenmeléchant.Etj’avaisunepromesseàtenir,

poursuivit-ild’unevoixrauque.J’adorais être la première à qui il parlait le matin, de sa voix encore toute

ensommeillée.Tout comme j’adorais ce qu’il me faisait avec sa langue. Je tressaillis lorsque celle-ci

effleuramonclitoris.Illevabrusquementlatête.«Tupréféreraisquejetelaissedormir,peut-être?»–Non!N’arrêtepas!m’exclamai-jeenreplongeantsatêteentremescuisses.Hudsonritdoucement,puisilseconcentradenouveausurmonclitoris,leléchantetle

suçanttouràtour,réveillantbrutalementchaqueterminaisonnerveusedemoncorps.Mesmuscles se contractèrent légèrement, je sentis des gouttes couler entre mes lèvres. Jeremuai,netenantplusenplace,maissesmainssesaisirentdemescuissespourmeplaquercontrelematelas.

Je soupirai longuement en gémissant, puis je poussai un cri aigu lorsque sa langueplongeaenmoi. J’agrippai sa têteàdeuxmains. Jen’essayaispasdecontrôler sesgestes,car il savait parfaitement ce qu’il faisait, mais j’adorais empoigner ses cheveux lorsqu’ils’occupaitdemoi.

–OhmonDieu,Hudson!Saboucherevintsurmonclitoris,lelapa,tournoyaautour,avantquesesdoigtsneme

pénètrentenfrottantmesparoisetencaressantmeszoneslesplussensibles.

–Putain,oui,là!Lesmusclesdemesjambesseraidirent,monbas-ventresecontractatandisquemonsangbouillaitdansmesveines.Monorgasmearrivabrusquement,bienplusvitequejenel’auraisvoulu.

–Cen’estpasassez, grognaHudson. Jen’arrêteraipas tantque tuneme supplieraspasd’arrêter.

Cen’étaitpasmoiquiallaislecontredire.Ilintensifiasongeste,ajoutantuntroisièmedoigt,m’étirantetmeremplissantavecses

caresses expertes, puis il tendit son autre bras pour masser mon sein, à travers mesvêtements.Jemouraisd’enviedelesentirsurmapeau,maisjenevoulaispasl’interromprepourmedéshabiller.Àlaplace,jecambrailedospourmieuxsentirsamainetmeshanchessemirentàondulerenrythmeavecsaboucheetsesdoigts.

Bon sang, je sentais déjà la seconde avalanche extatique arriver. Mes jambestremblèrentetjeresserraimescuissessurlatêtedeHudson,puis,encriantetengémissant,jelaissaimonorgasmedéferlerenmoi.Desmyriadesd’étoilessemirentàbrillerdevantmesyeux.Toutmoncorpsétaitparcourudespasmes.

Il continuaàme lécher tendrementpendantque jeme calmais, en titillantmon sexetoutaulongdesdernièresvaguesdeplaisir.

–Etvoilà,ditHudsonensortantdulitavantquejen’aiereprismesesprits.Jetendis lesbrasvers lui.«Oùtuvas?C’estàmontourmaintenant.»Mesmembres

avaient beau être encore àmoitié engourdis,mon cerveau se réveillait de son comapost-coïtal.

–Celanefaisaitpaspartiedudeal,etpuisaussitentantquecesoit,j’aiuneréuniondebonne heure, dit-il en se penchant pourm’embrasser sur le front. Tu es rentrée à quelleheure,hiersoir?

–Verstroisheures,marmonnai-je.–Alors repose-toi. Je suisdésoléde t’avoir réveillée,dit-il en remettant lacouette sur

moi.–Pasmoi.Je dus me rendormir car lorsque je me levai enfin pour aller dans la salle de bain,

Hudsons’étaitdéjàdouché.«Pasmal,lavue»,dis-jeenbâillant.Jelemataiquiserasait,couvertd’unesimpleserviette.

–Tuasdormitouthabillée.– Mais il semblerait que j’aie perdu mon string pendant la nuit, déclarai-je en lui

montrantmesfessesnues.Etoui,j’étaistropfatiguéepourmedéshabiller.–Tuauraisdûmeréveiller,jet’auraisaidée,dit-ilensouriantjusqu’auxoreilles.–Non,tudormaispaisiblement,jenevoulaispastedéranger.– Crois-moi, ça nem’aurait pas dérangé. C’estmaintenant que je suis dérangé parce

quejenepeuxpasteprendrecommej’enaienvie,susurra-t-il.Sonregardbrûlantcroisale

miendanslerefletdumiroir.Jecroyaisquetuallaisfinirtanuit.–C’estlecas,maisj’avaisbesoind’allerauxtoilettes.Etpuis,jevoulaislevoir.LecoupdefilavecNormamegênaitencore.Jevoulaissuivre

lesconseilsdeLaurenetluienparler.Je passai derrière lui, décidée à lui parler lorsqu’il sortirait de la salle de bain, ou

lorsqu’ilseraithabilléetquelavuedesoncorpsnemedistrairaitplusautant,maisHudsonsaisitmonbras.

–Eh.Jenerésistaisjamaisàsescaresses.Jemeblottiscontrelui,jemelaissaigriserparson

odeur.Ilcollasajoueraséedeprèscontrematête.«Tum’asmanqué.»Jesouriscontresapoitrine. « Toi aussi tu m’as manqué. » Tellement. Ses bras, ses mains, ses caresses memanquaient,toutcommelesentimentquenousétionsseulsaumonde,etensécurité.

Mesdoigts sepromenèrent sur sespectorauxet je sentisunebosseapparaître sous laserviettecontremescuisses.«Merde»,grognaHudsonenmerepoussantàcontrecœur.

–J’aienviedetoimaisjen’aipasletempscematin.– C’est toi quim’as réveillée, je soupirai en repensant au plaisirmatinal qu’ilm’avait

donné.Etjenem’enplainspas!– Peut-être que je pourrais être un peu en retard, après tout, dit Hudson, le regard

brûlantdedésir.– Non, non. Tu seras à l’heure, comme un bon homme d’affaires, dis-je en remuant

mon indexdevant sonvisage.Et si je te suivaispendantque tu teprépares,commeçaonpourraparler?

–J’aime.Çam’amanquédeteparler,aussi.Ilseconcentrapourdéposerdelamousseàrasersursonautrejoue.Ah,j’aieulemotquetuaslaisséaveclacartedevisitedeCelia.Monavocatm’aditqu’il fallaitgardercegenredechosecommepreuves.Alorssi tureçoisautrechose,dis-le-moi.

– Ne t’en fais pas, je le ferai, dis-je enm’asseyant sur le bord de la baignoire. Il n’atoujourspasd’idéesurcequ’onpeutfairecontreelle?

–Non,pasencore,dit-ild’unevoixquejejugeaitropsérieuse.Tuestoujourscertainedenepasvouloirpartirenvacances?

–Certaine.J’ai réfléchi un instant. J’étais assez tentée de m’échapper quelques jours. Mais je

n’avaisaucuneenviedequitterHudson, surtoutavec toutesces femmesqui lui tournaientautouretrêvaientdesedébarrasserdemoi.

Jerepensaisoudainaunomquej’avaisvudanssonjournald’appels.–Celadit,jesuissûrequeNormaseraitraviedemevoirpartir.–EncoreNorma?demanda-t-ilengrimaçant.Pourquoitupensesàelle?

–Tuvasrire,commençai-jeenespérantqueceseraitlecasetqu’ilnes’énerveraitpas,mais hier soir tu t’es endormi avec ton téléphone et j’ai voulu voir si tu avais reçu monmessage.Etpuis…monDieu,jet’ensupplie,nemedétestepas.

–Qu’est-cequetuasfait?dit-ild’unevoixenjouée.–J’airegardétesderniersappels,avouai-jeenbaissantlesyeux.Etj’aivuquetuavais

parléàNorma.Lorsquejerelevailesyeuxverslui,jevisqu’ilsouriait.–Laisse-moideviner:çat’ennuie?Encouragéeparsonairamusé,jen’hésitaiplus.–Tul’asappeléàhuitheuresdusoir.Depuistonlit.–Viensici,dit-ilenéclatantderire.Jenebougeaipas,énervéeparsaréaction.Ils’obligeaàredevenirsérieuxetsetourna

versmoienmetendantlamain.–Alayna,viensici.Jeluiobéisensoupirant.–Jet’aiditquej’allaisteposerdesquestionsàsonsujet.–Oui, c’est vrai, admit-il enpassant sesbrasautourdema taille et enappuyant son

front contre le mien. C’était pour le travail, ma belle. Il me fallait des chiffres pour laréunionde cematin, et ceuxqu’ellem’avait envoyésdans l’après-midine correspondaientpasàmesattentes.

–C’étaitpour le travail, répétai-jeenm’efforçantdemedétendre.Toujours le travail.Toujourslamêmeexcuse.

En vérité, ça ne servait à rien de lui poser la question, je connaissais sa réponse àl’avance.Maistoutcelameperturbait,queje luienparleoupas,et l’entendremerépéterlesmêmeschosesmerassurait:c’étaitundesbonusdelacommunication.

Jereculaipourleregardersourire.–Pourquoituris?–Parcequej’adorequandtuesjalouse,dit-ileneffleurantmonnez.Tulesais.–Tais-toi.Jedétesteça.Etjenetecroispas,tunedoispasaimerquejesoisfolle.–J’aimevoirquetutiensàmoi.Jenesavaissijedevaisrireoum’inquiéter.Pourquoiaurait-ilbesoind’êtrerassuré?–Jet’aime,ettulesais.Jenetel’aipassuffisammentprouvé?–Si,jelesais,chuchota-t-ilenmeserrantcontrelui.Maistajalousiemeprouvequetu

dislavérité,etc’estmignon.Continueàêtrejalouse.Oufolle,sic’estcommeçaquetuveuxl’appeler.

–C’estpeut-êtretoiquiesfou,rétorquai-jeenévitantsonbaiser.Tuvasmemettredelamoussepartout!

–Jem’enfiche.

Cette fois-ci, lorsqu’il baissa la tête, je le laissaim’embrasser. Son baiser était tendre,maisjesentaisqu’ilseretenait,puisqu’iln’avaitpasletemps.

Pourmapart,j’avaistoutmontemps,etj’aimaisl’embrasser.Jepassaimesbrasautourdesoncouetjeplongeaimalanguedanssabouche,invitantlasienneàjouerelleaussi.

–Tunepeuxpastecolleràmoicommecela,dit-ilenmedonnantunefessée.Jepartismerasseoirsurleborddelabaignoire.

–Jesuisdésoléed’avoirfouillédanstontéléphone.Je n’étais pas du tout désolée, en fin de compte, puisque ça m’avait valu un baiser

langoureux.–Nesoispasdésolée,ditHudson,ànouveaufaceaumiroir.Tusaisquejenetecache

rien.Ilmarquaunepause.«Enfin…»Sesyeuxrestèrentrivéssursonrasoirtoutletempsqu’illelavadanslelavabo.«Tusaisquejemefichequetufouillesdansmesaffaires.»

Monestomacfitunbonddansmonventre.– Qu’est-ce que tu veux dire ? demandai-je en passant ma langue sur mes lèvres

soudaintropsèches.Tumecachesquelquechose?–Biensûrquenon,dit-il sans lever la tête.Jevoulais justedirequ’onnepeut jamais

toutsavoirl’undel’autre,continua-t-ilensetournantversmoi.Tunecroispas?–Ouais…maisonpeutessayer.–Biensûr,onpeutessayer.Un silencegêné s’installapendantplusieurs secondes.Hudson resta appuyé contre le

meubledu lavabo,etmoiassisesur labaignoire. Ilavaitvouludireautrechose–quelquechosededifficile,desombre.J’étaisà la foiscurieuseet inquiète.Peut-êtreparlait-ildecequ’il avait fait à d’autres par le passé. Il m’avait raconté quelques-unes de ses histoires,toutes étaient sordides. Jamais je n’avais pensé qu’il m’avouerait toutes ses erreurs, et ceseraitcrueldeluifairerevivrecesmomentsdouloureux.Jeneluiavaispasnonplusracontéendétailchacunedemeserreurs.

Toutefois, si c’était autre chose… quelque chose de nouveau, d’actuel ? Avait-il dessecretsquinousconcernaient?

Commentlesavoir?–EnparlantdeNorma,comments’estpassél’entretienavecGwenith?demanda-t-ilen

rompantlesilence.Parlerdutravailétait lemeilleurmoyendemettrefinaumalaisequis’immisçaitdans

notrejoyeusematinée,jesaisisl’occasionaubond.– Je lui ai proposé leposte et elle l’a accepté.Elle quitte L’Étage88 sanspréavis. Ils

savaientqu’ellevoulaitpartir,apparemment,doncelleferasondernierjouraujourd’hui,etellevacommencerauSkyLaunchdèscesoir.

Ce ne fut qu’en le disant à Hudson que je me rendis compte combien j’étais excitéed’avoirunepartenaire.Waouh. J’allais être ladirectriceduSkyLaunch.Et j’allais réussir,

parce que j’avais une équipe géniale : Hudson, Gwen, et toute une flopée d’assistantsgéniaux.Pourquoicelanem’avait-ilpasfrappéeplustôt?

–Félicitations ! réponditHudson, faceàmonenthousiasme. Je suis contentquevousvousentendiezbien.

Jerepensaiuninstantàl’échangeétrangequej’avaiseuavecGwenlaveille.–Jenediraispasqu’ons’entendbien.Maisjepensequ’onvasestimuler.Elleseraun

bonatoutpourleclub.Aufait,tusaispourquoielleveutquitterL’Étage?– Non, répondit-il en se tournant vers lemiroir pour essuyer ses restes demousse à

raseravecuneserviette.Tuluiasdemandé?Jerestaiconcentréesurlecarrelage.Jetraçaislesmotifsavecmonorteil.–Elleaditquec’étaitpersonnel.Jemesuisditquetuensavaispeut-êtredavantage,à

causedeNorma.Est-cequeNormaétaitconcernéeparlesecretqu’ilmecachait?–SiNormalesait,ellenemel’apasdit,répondit-ilensetournantversmoi.Oualorsje

nel’aipasécoutée.–J’aimebienentendrequetun’écoutespastoujourscequeditNormaAnders,avouai-

jeensouriant.Jelaissaimonregardglissersursoncorps.Bonsang,ilétaitvraimentcanon.Jeneme

lasseraisprobablementjamaisdelemater.Etilétaittoutàmoi,n’est-cepas?–Arrêtedemereluquercommeçaoujevaisvraimentmemettreenretard.Dommagequ’ilnepuissepasannulersaréunion.Ilauraitpurestermecaresseretme

fairel’amourjusqu’àcequelesoleilsoithautdansleciel.J’oubliaistousmesdoutesquandj’étaisdanssesbras,maishélas,nousnepouvionspaspassernosjournéesentièresaulit.

Jeparvins,enfaisantungroseffort,àquittersoncorpsduregard.–Habille-toi,çanousaideratouslesdeux.–Bonneidée,dit-ilenlaissanttombersaservietteausolavecunsouriremachiavélique.Je gardai les yeux rivés sur ses fesses splendides jusqu’à ce qu’il disparaisse dans son

dressing.Quelallumeur.Jeme dévêtis pendant queHudson s’habillait, en échangeantmes habits de la veille

contre un de ses t-shirts sales. Il sentait son odeur et j’en avais besoin : j’avais besoin desentirsaprésencealorsqu’ilsepréparaitàpartir.

Lorsqu’il réapparut, ilportaitundemescostumespréférés,unArmanigrisanthracitequi faisait ressortir la couleur de ses yeux. Il était à la fois super canon et hyperprofessionnel–apparemment,saréunionétaitimportante.

–Tuesbeau,Hudson.Ilmeregardaencoinennouantsacravate.–Tutrouves?–Absolument.JesuiscertainequeNormaserad’accordavecmoi.

SiHudsonétaitdouépourcegenrede jeux, ilnes’yprêtaitque lorsqu’ilmaîtrisait lasituation. Donc il ne répondit rien, occupé qu’il était à glisser son portefeuille et sontéléphonedanssespoches.

Communique,merappelai-je.Soistoi-même.Discequetupenses.–Elleparticipeàtaréunion,n’est-cepas?–Oui,répondit-ilensetournantenfinversmoi.Il fit trois grandes enjambées et me rejoignit au lit, où je venais de m’asseoir. Il

s’agenouillaetm’attiraàluienm’attrapantderrièrelanuque,pourm’obligeràleregarder.–Etqu’elleaimececostumeoupas,jem’enfiche.Laseulechosequicomptec’estquec’esttoiquivasmel’enlevercesoir.

–D’accord,fis-je,lesoufflecoupé.– Tu seras là pourme déshabiller, n’est-ce pas ? demanda-t-il en caressantmonnez

avecleboutdusien.–Jetelepromets,répondis-jeenhochantlatête.Jenemesouvenaisabsolumentpasdecequej’avaisprévupourlajournée,maismême

sij’avaisunproblèmed’emploidutemps,jemedébrouilleraispourêtreàlamaison.–Tantmieux,chuchota-t-ilenprenantune longue inspiration,pourmemontrerqu’il

prenaitunedécisiondifficile.Jedoisyaller,ajouta-t-ilenfin.Cetteréunionest…–Jesais,jesais.Tuesenretard.–J’aidroitàunbaiserd’adieu?Jepenchai la tête pour l’embrasser brièvement,maisHudsonne s’en contentapas. Il

plongeasa languedansmaboucheetm’embrassasauvagement,avec lamêmefouguequim’avaitréveilléeplustôt.Lorsqu’ilfinitparmelibérer,j’étaisàboutdesouffle.

–J’ail’impressionquec’étaitunepromesse,monsieurPierce,dis-jeenfinencherchantàretrouvermarespiration.Quemecaches-tu,Hudson?

–Jenepeuxpasterévélertousmessecrets,mabelle,répondit-ilendéposantunbaisersurleboutdemonnez.Allez,repose-toibien.Tuvasavoirbesoind’êtreenforme.

J’obéisetmeremisaulit,songoûtencoresurmeslèvres,sonodeursurmesvêtements,etsachaleurdansmoncœur.

***

J’arrivaiauclubunpeuaprèsonzeheures.CommeDavidallait formerGwendans lasoirée,jesuisrestéeseuleavecReynoldtoutl’après-midi.Jenepouvaispasparleravecluicomme avec Jordan. Je me sentais seule. Je trouvais bête qu’il soit obligé de rester làpendantquejetravaillais,maisils’agissaitdel’argentdeHudson,aprèstout,pasdumien.S’il voulait payer cemec à rester devant la porte demonbureau à jouer àCandyCrush,grandbienluifasse.

Versseizeheures,jedécidaid’allermechercheruncaféàlaboutiqued’àcôté.Reynoldétaitautéléphone.Plutôtquede ledéranger, je lui fiscroireque j’allaisauxtoiletteset jemefaufilaiparlaportearrièreduclub.Surpriseparlalumièredujour,jemesouvinsàquelpointj’aimaismepromenerdehors.Biensûr,jepréféraisallercourirauxauroresavantqu’ilnefassetropchaudethumide,maisilfallaitquejem’enpasseàcausedupetitjeudeCelia.Lagarce.

Unepetitegouttedesueurcoulalelongdemanuque.Peut-êtreaurais-jedûprévenirReynold,enfindecompte.LevrombissementdesmoteursquifaisaientletourdeColumbusCirclemeparutsoudain trop fort.Jeremarquaiqu’untaxiattendait le longdutrottoir,etqu’une limousine se garait derrière lui. J’étais entourée de gens, pourquoi être soudain sinerveuse?

C’estalorsqu’unbrasmesaisitparlatailleetqu’unemainseposasurmabouche,pourm’empêcherdecrier.Jefussoulevée,amenéeàl’arrièredelalimousineetdéposéesur…lesgenouxdeHudsonPierce.

– À quoi tu joues ?m’écriai-je enme redressant, le cœur battant. Hudson ! Tum’asfichulatrouilledemavie!

–Oùesttongardeducorps?rétorqua-t-il.C’estdetevoirseulesurletrottoirquim’afichulatrouille.

–Cen’estpasuneraisonpourmeterroriser,répondis-jeenfronçantlessourcils.–Ahnon?dit-ilenmeprenantdanssesbras.Jeluttaicontrelui,toujoursfurieuse,maisjenefaisaispaslepoids.Iln’eutaucunmal

àm’immobiliser,etaprèstout,j’aimaisêtredanssesbras.–Qu’est-cequetufaisici,detoutefaçon?demandai-jeenmeblottissantcontrelui.–Jesuislàpourtekidnapper,quellequestion!Samaincaressama jambenueet je frissonnai.J’enroulaimesbrasautourdesoncou

ensouriantjusqu’auxoreilles.UnesoiréeavecHudsonétaitjustementcequ’ilmefallait.–Génial!Tum’emmènesauresto,c’estça?– Quelque chose comme ça, dit-il avant d’appuyer sur l’interphone avec son coude.

Allons-y,ordonna-t-il.Au lieu de tout de suite attacher ma ceinture comme d’habitude, je me suis mise à

paniquer.J’avaislaisséleclubsanssurveillance.–Attends!Jen’aipasferméleclubàclef!Hudsonresserrasonétreinteetcollasonindexsurmeslèvrespourmefairetaire.– J’étaisau téléphoneavecReynoldquand tuespartie. Il s’occupede fermer le club.

Pourquoitut’échappaissansriendire,d’ailleurs?Jetirailalangueetléchaisondoigt,qu’ilenlevavitefaitenmejetantunregardsévère.

Apparemment,ilattendaitdesréponsesavantdejouer.–Jenem’échappaispas.

Bon,peut-êtrequesi.–J’allaisseulementmechercheruncaféàcôté,riendegrave.Ilfronçalessourcilspourmefairecomprendrequ’iln’étaitpasd’accordavecmoi.–Bon,jeneleferaiplus,dis-jeendéposantunbaisersursajoue.Maissérieusement,tu

m’emmènesoù?–J’aiditquejevoulaisquetuquitteslaville,dit-ilavecunsouriremachiavélique.– Quoi ? m’exclamai-je enme redressant brusquement. Je ne peux pas partir, H. Je

travailledemainsoir.Etjen’aipasenviedepartir,onenaparlé.Ilsaisitmespoignetsetlesmaintintcontrelui,commes’ilcraignaitquejen’appuiesur

l’interphonepourdemanderauchauffeurdefairedemi-tour–cequej’envisageaisdefaire.– Calme-toi, ma belle, chuchota-t-il en embrassant chacune de mes mains. J’ai juste

penséqu’unpetitweek-endnousferaitdubien.–Touslesdeux?Jen’avaiseuaucuneenviedem’enfuir,maisunséjourendehorsdeNewYork,c’était

autrechose.C’étaitcharmantetromantique.–Oui, tous lesdeux. Je te feraispartir si tume laissais faire,maisd’unautre côté, je

suiscontentquecenesoitpaslecasparcequejenesupportepasd’êtreséparédetoi,dit-ilen m’embrassant sur le bout du nez. J’ai déjà parlé à David, et lui et Gwen vont teremplacerdemainsoir.Onserarentrésdimancheenfindejournée.

–Jesuisladirectriceprincipale,maintenant,jenepeuxpaspartirdèsquel’enviem’enprend,rétorquai-je.

Cependant,mesprotestationsmanquaientde conviction.En fait j’essayais simplementde ne pas me sentir coupable. Quant à Hudson, il semblait ne pas ressentir la moindreculpabilité.

–C’estmoilepatron.Biensûr,quetupeux.–Jedevraist’envouloir,dis-jeensouriant.Maiscen’estpaslecas.Merci,jesuisravie

departirenweek-endavectoi.–Jecroisquetuenasbesoin.Quenousenavonsbesoin.– Tu as entièrement raison. Comme souvent.Mais ne prends pas la grosse tête pour

autant,dis-jeenmelibérantpourattachermaceinture.Unefoissanglée,jemerapprochaideluiautantquepossible.– Où allons-nous ? Est-ce qu’on s’arrête au penthouse pour que je prenne des

vêtementsoutut’eségalementoccupédeça?Leconnaissant,mavaliseétaitprobablementdéjàdanslecoffre.– Tu verras quand on arrivera, dit-il en attachant sa ceinture à son tour avant de

passer son bras dans mon cou. Mais ma belle, chuchota-t-il dans mon oreille, je peuxt’assurerquetun’auraspasbesoindevêtements.

***

–Réveille-toi,mabelle.Noussommesarrivés.J’avais dûm’endormir contre Hudson, car lorsque j’ouvris les yeux, nous nous étions

arrêtésetHudsonmecaressaitlajoue.Je clignai des yeux à plusieurs reprises pour m’accoutumer à la lumière. « Arrivés

où?»,demandai-jeenbâillant.–Viensvoir,dit-ilenmeprenantlamain.Nousétionsgarésdevantunchaletenboisentouréd’uneépaisse forêt,aubordd’un

lac.Ilyavaitunmassifdefleursdeschampsdechaquecôtéducheminenpierrequimenaitàlaported’entrée.Desdizainesdepapillonsvoletaientdefleurenfleur.Lecielétaitbleuazursanslamoindretracedepollutionoudenuages.L’airétaitremplidechantsd’oiseaux.Un couple d’écureuils grimpaient le long d’un arbre un peu plus loin. Hudson, dans soncostumetrois-pièces,juraitclairementaveclecharmebucoliquedeslieux.

–OnestaumontPocono?devinai-je.Hudson hocha la tête en me regardant m’émerveiller devant cette beauté qui nous

entourait.C’étaitparfait.–C’estmagnifique.Hudsonsouritavantdes’adresserauchauffeurquisortaitunepetitevaliseducoffrede

lalimousine.«Dix-neufheures,dimanchesoir.»–Oui,Monsieur.Jeregardailavoiturerepartir.Nousétionsseulsdanscequej’avaisdécidéd’appelerle

paradis.Hudsonpritlavalised’unemainetmetenditl’autre.Ilmeguidaverslaporteduchalet.

–Jen’aipasbesoindevêtements,maistoi,si?demandai-jeendésignantlavalise.–Ellenecontientquel’essentiel.Pournousdeux,dit-ilenriant.Jeteprometsquesitu

esnue, je leseraiaussi,ajouta-t-ilensortantuneclefdesapoche.Cechaletappartientàmafamilledepuisplusieursannées.Nouspayonsquelqu’unpourvenir l’aérerunefoisparsemaine,maisendehorsdeça,AdametMirasontlesseulsàyvenirdefaçonrégulière.J’aipenséqu’ilétaittempsquejeprofiteunpeudecettepropriété.

–Trèsbonneidée,H.Il ouvrit la porte et s’effaça pourme laisser passer. L’intérieur était aussi parfait que

l’extérieur. La décoration était rustique et chaleureuse, à l’opposé des habituels goûtsluxueux des Pierce. Je comprenais que Sophia n’ait pas envie d’y passer du temps, toutcommeJack,d’ailleurs.Lapièceprincipaleétaitgrande,séparéeendeuxpartiespardeuxlargespiliersenbois.Descanapéslargesetmoelleuxetdesfauteuilsencuirfaisaientfaceàune grande cheminée en pierre. Le mur extérieur était composé de baies vitrées quidonnaientsurlaterrasseetlelac.Toutétaitbeauetpaisible.

Mais surtout, nous étions seuls – sans employée amoureuse, ni garde du corps, niblondassefolleàlier–,véritablementseulsaumonde.

LaporteserefermaetHudsonavançajusqu’àmoi.Jesentiscetteélectricitéqu’ilyavaittoujoursentrenous.Maiselleétaitplusgrande,commesiquelqu’unenavaitaugmentélapuissance.Soudaintoutemafatigueetmonangoissedisparurent,uneenvie intensed’êtrecontreluiavaitprisledessus.

Jen’étaispaslaseuleàlesentir.Enunseulmouvement,Hudsonmeretourna,plaquaune main sur ma fesse tandis que l’autre retenait mes deux mains dans mon dos, etm’embrassasauvagement.Sanspitié.Noslanguessemêlèrent,tournoyanttoutesdeuxdansune danse hypnotique. Ilme fit reculer sansme lâcher, pourmemener je ne sais où. Jem’en fichais, le seul endroitoù je voulais être, c’étaitdans sesbras,dans sabouche,danscettebullecoupéedumondeoùnousétionsseuls.

MonDieu,j’étaiscomplètementdésorientée–labouchedeHudsonmeplongeadansunétincelant nuage de désir. Sesmains se frayèrent un chemin sousma robe, qu’il remontaavantdelajeterparterreetdemeplaquercontreundespiliers.Ilimmobilisadenouveaumesmains,au-dessusdematête,cettefois-ci.Del’autremain,ilcaressameshanchespuissemit àmordillermes seins à traversmon soutien-gorge. Toutmon corps en fut commeélectrisé.

Sesdoigtssuivirentladentelledemonstringavantdeglisserdessouspourtrouvermonclitorisdéjàenflédedésir,puissamainseglissaentremeslèvres.

–Ah,tumouillestellement.J’aienviedetesucer,maisj’aiencoreplusenvied’êtreentoi.

–Hudson,sifflai-jeengigotantcontrelepilier.J’aibesoin.Demesmains.Jeneparvenaispasàfinirmesphrases.–Besoindetetoucher.Quetusoisnu.Sabouche revintvers lamienne. Ilmorditma lèvre inférieureavantde la sucerpour

calmerladouleur,puislibéramesbras.«D’accord»,dit-il.Il ôta sa veste pendant que jem’occupais de déboutonner sa chemise. J’allais si vite,

pousséeparunetelleurgence,quej’arrachaiunbouton.«Oups»,fis-jeenm’arrêtant.Hudson grogna et empoigna le tissu, arrachant les boutons restants. C’était

impressionnant,etincroyablementexcitant.Mesmainssejetèrentsursapoitrine,jememisà caresser ses muscles saillants. Sa peau me parut brûlante et la fermeté de sa chaircontrastaitnettementavecladouceurdelamienne.

Il explora ma poitrine tandis que j’explorais son torse. Il baissa violemment lesbalconnetsdemonsoutien-gorge.Mestétonspointèrent instantanément. Il luisuffitde leseffleureravecsonpoucepourfairetremblermesgenouxetsecrispermescuisses.

Ilpoussaunautregrognementet fitunpasenarrière.«Putain, tues tellementbellecomme ça. Tes seins pointent pour moi. Tes jambes me supplient de les écarter pour te

pénétrer.»J’avançaiverslui,car jenesupportaispasdenepasletoucher.Ilmesurpritalorsen

mesoulevantsursonépaule.«Ilesttempsdechangerdevue»,dit-ilavantd’ajoutertoutenmarchant : « Petite visite guidée : la cuisine est là, la salle de bain ici. Et là, c’est lachambre.»

Jelevailatêtepourvoirlespiècesqu’ilénumérait,sansêtrevraimentintéressée,maiscurieuse de savoir quelle serait notre destination. Une fois dans la chambre, il me laissatombersurlelit.

–Mêmesi j’ai l’intentiondetesauterdanschaquepiècedelamaison,nouspasseronslaplupartdenotreweek-enddanscelle-ci.

Jen’étaismêmepastentéederegarderautourdemoi.Jemeredressaisurmescoudes,lesyeuxrivéssurlui,leregardantdéfairesaceintureetenleversonpantalon.Sonérectiondépassaitdesoncaleçon,j’eneusl’eauàlabouche.

Iln’enlevapastoutdesuitesoncaleçon.«Tourne-toi»,ordonna-t-il.Jeroulaisurleventre,enobéissantavantmêmequemoncerveaun’aitenregistréson

ordre.–Mets-toiàquatrepattes.Mon Dieu, j’étais dingue de lui quand il me dominait ainsi. Mes jambes se mirent à

trembler par anticipation. Ses mains saisirent mes hanches et me tirèrent au bord du litavantdebaissermonstring surmesgenoux. Il sepenchapourdéfairemonsoutien-gorgequitombasurlelit.Jenevoulaispasbouger,jesavouraislasensationdesoncorpscontremes fesses. Je sentis ensuite son sexe nu sur ma peau – il avait dû enlever son boxerpendantque jemetournais. Instinctivement, j’écartai lesgenouxautantque je lepussanstoucheràmonstring.

Hudson empoigna mes seins et passa sa queue entre mes jambes, sur mon sexe. Jegémis lorsqu’elle caressa mon clitoris, chaque frottement me faisait grimper aux rideaux.Cependant,iln’étaitpaslàoùjelevoulais,pasencore.

–Hudson!jelesuppliai.S’ilteplaît,j’aienvie.–Jesais,mabelle.Jesaiscequ’iltefaut,dit-ilsanscessersesallers-retourscontrema

peau.Maisilnevoulaitpasmeledonner.–Besoindetoi.Enmoi.–Redis-leetjeteferaiattendreencorepluslongtemps.–S’ilteplaît,Hudson.Jeneréussispasàmeretenir,lesmotsm’échappèrent.Ilenlevasonsexe.– Je t’aiditdenepasme ledemander, rétorqua-t-il sèchementavantdemegifler la

fesse.

J’étais tellement excitée que je mouillais le drap entre mes genoux. Il me gifla denouveau sur l’autre fesse, et je criai de plaisir. Il la frotta ensuite pour faire passer ladouleuretjesusques’ilmemettaituneautrefessée,jejouiraissur-le-champ.

Cependant,ilnerenouvelapassongeste.Sesmainsquittèrentmoncorps,quifrissonnaennesentantplussachaleur.Jenesavaispascequ’ilsepréparaitàfaire,maisj’avaishâtedeledécouvrir.

Soudain,ilfutlàoùjeledésiraistant…enmoi.Maiscen’étaitpassonsexe,c’étaitsalangue!Jepoussaiuncrienbaissant latêtepourvoirsonvisageentremesjambestandisquesa langueplongeaitenmoi,melapant furieusement.Sesdoigtsatterrirentensuitesurmon clitoris. Je me contorsionnais, je ne tenais plus en place, comme hystérique sous leplaisirqu’ilmedonnait,toutensouhaitantdésespérémentsentirsavergemepénétrer.

J’étaisfolle,d’excitation,dedésir.Jejouisrapidement,violemment,encriantsonnom.Jejouissaisencorelorsqu’ilmepénétraenfin,violemment,sefrayantunpassagedansmonsexecontractéparl’orgasme.«Ah,bonsang,Alayna,tuestellementétroite.»

Il seretira jusqu’auglandavantdes’enfouirenmoiunenouvelle fois.Jemedétendisenredescendantsur terre,nonsansmal.Sesonglesme lacéraient leshanches tandisqu’ilmepénétraitencoreetencoreavecforce,ramenantmoncorpscontrelesienàchaquealler-retour.Mesmainsempoignèrentlacouettealorsqu’unnouvelorgasmesepréparaitdéjà.

–Ce.N’est.Pas.Assez.Profond,grogna-t-ilenponctuantsesmotsd’uncoupdebassin.Besoin.D’aller.Plus.Profond.

Mon Dieu, il était déjà enfoui si loin en moi, et chaque va-et-vient frappait au bonendroit. Je gémissais à chaque expiration et mesmains, commemes genoux, tremblaientsouslapuissancedesonassaut.

Ilseretiraencoreetmeretournasurledos.Ilrepliamesgenouxlepluspossiblepuisilentreprit de me pénétrer férocement. « Jouis avec moi, ma belle. » Ce n’était pas unerequête.Ilattendaitquejeluiobéisse.

–Jevaisbientôtjouir.Dis-moiquetuserasavecmoi.–Oui,haletai-je.Oui.Oui.–Bien.Il passa ses mains sous mes fesses et remonta mon bassin pour s’enfoncer au plus

profond de mon sexe. Il n’était jamais allé aussi loin, je l’aurais juré. Mon orgasme sedéclenchaaussitôt.«Attends,Alayna.»

J’écarquillailesyeux,ravalantmonsouffle,essayantdem’accrocher,demeretenir.«Attends.Attends.Attends»,répéta-t-ilenrythmeavecsesallers-retours.«Attends.»

Puissoudain:«Maintenant!»Je succombai alors à la force dansmon ventre, je la laissaime déchirer violemment.

Monvaginsecontractaautourdesaqueue.Hudsonplongeaenmoiavecunderniercoup

de bassin, plus long et plus profond encore. « Putaaaaain ! », s’écria-t-il alors qu’il sedéversaitenmoi.

Ils’écroulasurlelitàcôtédemoi.Nospoitrinessesoulevèrentenchœur.–Ehben,dit-ilaprèsplusieursminutes.C’était…JésusMarieJoseph,pensai-je.MaisHudsonterminalaphraseenmevolantl’undemesmotspréférés.–…chanmé.

***

Ce soir-là, notre seule excursion hors de la chambre fut pour la cuisine, pour nouspréparerdes sandwichsgrâceauxvivresquenousavait laissés l’employédesPierce.Nousfîmesl’amourjusquetarddanslanuitetreprîmesnosébatsdèsnotreréveil.

Nousavionsbeauêtreaumilieudenullepart,jedécouvrisquenousavionsnéanmoinsaccès au wi-fi. J’en fus presque déçue car une bonne part du charme de ce chalet étaitjustement son isolement,mais c’était bien pratique pour écouter de lamusique. Après unpetitdéjeunercomposéd’unyaourtetde fraises fraîches, j’installaiSpotifysur l’ordinateurdeHudsonetjem’yconnectaipourfairejouermaplaylistpréférée.Hudsonm’avaitpromisdememasserlespiedset jem’allongeaiàcôtédeluisurlecanapé,toujoursnue,puisquec’étaitledresscodedenotreweek-end.

SoEasy,dePhillipPhillips,semitàjoueretjefredonnail’airenchantantdetempsentemps.

–Tuasunebellevoix,ditHudson,leregardpleind’admiration.Je souris avant de m’apercevoir qu’il était étrange qu’il ne m’ait jamais entendue

chanter.Nousavionsencoretantdepremièresfoisàvivre.J’étaisgênée,maisj’admisquelachansonmefaisaitpenseràlui.

–Tuasunechansonquitefaitpenseràmoi?s’exclama-t-ilenhaussantlessourcils.–Plusieurs.Enfait,j’aitouteuneplaylist.Aprèstout,nousécoutionscellequej’avaisintituléeH…–Hmmm.Jenesavaispas.Ilpenchalatêteetjecomprisqu’ilécoutaitattentivementlesparoles.Jecontinuaiàles

fredonner afin qu’il entende les plus importantes, en chantant plus fort le refrain, danslequelPhillipsexpliquaitcombienilétaitfaciledetomberaussiéperdumentamoureux.

Ce fut alors au tour de Hudson de rougir. Il baissa les yeux, se concentra sur sonmassage,unlégersouriresurleslèvres.«Quedirais-tud’unedouche?»

Jem’étiraiparesseusementet remarquai soudainque j’avaisdescourbaturesdansdesmusclesdontj’ignoraisjusqu’àprésentl’existence.«Oui.Absolument.»Unedouchechaude

meparaissaituneidéedivine.Cependant,jenefisrienpourmelever.Resterimmobileétaitplutôttentant,aussi.

–As-tuprévuquelquechoseenparticulierpouraujourd’hui?Endehorsdeladouche?demanda-t-ilenexerçantdavantagedepressionsurlaplantedemonpied.

–Tum’askidnappéedanslesmontagnes,jecroisquejesuisàtamerci,H.–Eneffet.Moi,j’aipenséquejepourraispasserunmaximumdetempsenfouientoi.–Çameconvientparfaitement,dis-jeensouriant.Quoid’autre?–J’aimeraistemontrerlejardinetlesboisquientourentlechalet.Etpeut-êtrefaireun

peu de shopping en ligne. Je me suis dit qu’un nouveau collier ou de nouvelles bouclesd’oreillesseraientunebonneidéepourledéfilédeMira.

Aulieudelecontredirecommed’habitude,jeprisletempsd’yréfléchir.–Peut-êtrequetuasraison.Jen’airiend’élégant,etcesdernièressemainesn’ontpas

étéfaciles.Peut-êtrequejemériteuncadeau,eneffet,dis-jeensouriantcoquettement.– Alayna ! s’exclamaHudson. Je ne t’ai jamais entendue accorder d’importance à ce

genredechose.Jebaissailesyeuxetinspectaimesmains,regrettantd’avoirparlé.Hudsonabandonnasonmassageetrampaversmoi,couvrantmoncorpsaveclesien.–Çamefaittrèsplaisir.Etçam’exciteunpeu.Disonsqueçal’excitaitmoyennement–cettenouvellepositionrendaitcelaévident.– Pourquoi est-ce que tu es excité de me voir réagir comme une pimbêche âpre au

gain?–Parcequej’adoretefairedescadeaux.C’estquelquechosequejesaistrèsbienfaire.

J’aimerais t’en faire plus souvent, mais tu n’as jamais l’air intéressée, dit-il en passant samaindansmescheveux.Jet’offriraitoutcequetuveux,alorsdis-moicequiteferaitplaisir.Unejournéedeshopping?UnesemaineàBali?Unevoiture?

–Arrêtedetemoquerdemoi,dis-jeenlevantlesyeuxauciel.–Jesuissérieux,Alayna.Tuveuxuneentrepriseàtonnom?Uneîledéserteaumilieu

del’océanPacifique?–Arrête!–Non,jerefuse,dit-ilensoulevantmonmentonpourmeregarderdanslesyeux.Tout

ceque tuveux,Alayna.C’està toi.Etcommetunesaispasceque tuveux, jevaisdevoirêtreencoreplusingénieuxpourtefaireprofiterdemarichesse.

– Je ne veux pas profiter de ta… commençai-je en le repoussant avant qu’il nem’interrompe.

–Nedisplusrien.Jesaisquetuneveuxpasenprofiter.Celanet’ajamaisintéressée.Maisjet’aidéjàditquej’étaisàtoicorpsetâme.Quetuveuillesm’exploiterounon,jesuisàtoi.

J’étaissurlepointdeprotesterunenouvellefois,maisilpoursuivit.

–Donc : tout cequi est àmoi est à toi, ajouta-t-il enme transperçantdu regard.Tusais,ilexistedescontratsquipeuventlegarantir,mabelle.

Je déglutis difficilement – et bruyamment. Le genre de contrat dont il parlait… lepartage des biens… il sous-entendait un mariage ? Pétrifiée, et légèrement excitée, jedécidaidepousserdavantagel’explorationdecetteterreinconnue.

–Tusous-entendsdeschosessacrémentsérieuses,H.– Je ne ferai pas que les sous-entendre, si tum’y autorises, dit-il d’une voix ferme et

sincère.Mon cœur battait la chamade dans ma poitrine. Il ne pouvait pas me dire qu’il

m’aimait, mais il pouvait me promettre la lune ? Il était intimidé par les sentiments quej’exprimaisdansunechanson,maisilpouvaitm’offrirunevieàsescôtés?

C’étaittroptôt.Jen’étaispasprête,etluinonplus,mêmes’illepensait.– Je crois que je vais me contenter d’accepter un nouveau collier, pour l’instant,

chuchotai-je.Jeretinsmonsouffleenattendantsaréponse,j’espéraisnepasl’avoirvexé.Illuifallutuneseconde,avantdesourirejusqu’auxoreilles.–Alorsilestàtoi.Je voulais encore détendre un peu l’atmosphère. J’ajoutai : « Et puis de nouveaux

livres,aussi.Et…tuasvraimentparléd’unevoiture?»–Tuneveuxpasdevoiture,dit-ilensecouantlatête.Tun’aimespasconduire.C’étaitvrai, jen’aimaispasêtreauvolant.Maisunevoituren’étaitpas la seulechose

quel’onpouvaitconduire.–Non,j’aimeconduire.C’estjustequetunemelaissesjamaisprendrelevolant.–Tuneparlesplusdevoiture,là,n’est-cepas?dit-ilenm’observant,lesyeuxmi-clos.–Non.Jem’emparaidesonsexeenérectionetjelecaressaiunefois,puisuneautre.Ilgrogna

etmeretournapourm’allongersurlui.–Etsituconduisaismaintenant?Jemeredressaipourlechevaucher,plaçaimonsexeau-dessusdusienetm’abaissaisur

lui.–J’aicommel’impressionquec’estdéjàlecas.

CHAPITREONZE

NousrentrâmesàNewYorkledimanchesoir,délicieusementcourbatus,maisreposés–

dumoins, c’étaitmon cas. J’étais plus enthousiaste que jamais concernant notre relation.J’étaisheureusederetrouvernotrechez-nous,néanmoinsunpeutristequ’unsibeauweek-end toucheà sa fin.Coupésdumonde,Hudsonetmoi avions appris beaucoupde chosesl’unsurl’autre–pouvions-nouscontinuerainsi,unefoisderetouràlaréalitéquotidienne?

Jecraignaisquelaréponsenesoitnon.Surtoutparceque,aprèsavoirposénotrevalisedanslachambre,Hudsondisparutdanslabibliothèquepourtravailler.Jedormaislorsqu’ilsecouchaenfin,etilnemeréveillapas.Nosvacancesétaientbeletbienterminées.

Lelendemainmatin,jemeréveillaiavantqueHudsonsoitsorti.Jem’assisdanslelitetleregardaifinirdes’habiller.«Jesuiscontentedet’avoirattrapé.»

–Tum’as attrapé ? demanda-t-il en haussant un sourcil. J’ai plutôt l’impression quec’estmoiquit’aiattrapée.

–Jeparledemaintenant,det’avoirvuavantquetupartes,m’exclamai-jeensaisissantunoreillerpourluijeter.

Ilmitsavesteetsetournaversmoi,pourm’accordertoutesonattention.–Pourquoi,tuasbesoindemeparler?– Non, je n’en ai pas besoin, mes journées sont simplement plus belles quand je les

commenceenteparlant.Ilesquissaunsourire,puisilposaungenousurlematelaspourm’attireràlui.–Jeressenslamêmechose,tusais.Jepassaimesbrasautourdesanuqueetjouaiavecsescheveux.–Etsionfaisaitensortedetoujourscommencernosjournéesdecettefaçon?Etpareil

lesoir,j’aimeteparleravantdem’endormir.–Jenevoulaispasteréveiller,mabelle,dit-ilenappuyantsonfrontcontrelemien.–Maisonn’ose jamaisseréveiller,etc’estnul.Jepréfèreperdrequelquesminutesde

sommeilqueperdreceque j’ai avec toi.Parfois j’ai l’impressionquenosemploisdu temps

nouséloignent.Ceweek-endm’arappeléàquelpointj’aimaisêtrelecentredetonunivers.–Tuestoujourslecentredemonunivers,Alayna.Sesparolesmefirentfondre.Merendrait-iltoujoursaussiheureuse?Ilmesemblaitque

tantqu’ilprendraitletempsdemeledire,etmoidel’entendre,laréponseseraitoui.–Danscecas,jeveuxquetumeréveillestouslesmatinspourmeledire.–Marché conclu, sourit-il avant dem’embrasser tendrement. Tu es au cœur demes

pensées,mabelle.Chaqueminutedechaquejour,mêmequandjenesuispasavectoi.Youmakeitsoeasytofallsohard.

Il se souvenait des paroles de ma chanson ! Mon cœur fit un double salto, j’avais leslarmesauxyeux.«MonDieu,jet’aimetellement»,chuchotai-jeenm’accrochantàlui.

Ilplongeasonregarddanslemienetlesoutintuninstant.Soudain,unevaguede…jenesaisquoi…parcourutmesveines.Ilm’étaitimpossiblededéfinirprécisémentcemélanged’émotions –mélancolie,désir, amour, vénération.Toutefois, au-delàde toutes ces chosespositivessecachaituneombre,unecrainte.

–Qu’ya-t-il,mabelle?demanda-t-ilenm’étudiantd’unairinquiet.–Jenesaispas…Commentexpliquerd’oùvenait cette impressionquenotre sibellehistoireétait sur le

pointdevolerenéclats?–…parfois,lorsquetut’envas,jemesens…déboussolée,déséquilibrée.–Crois-moi,mabelle,cesentimentestpartagé.Je réfléchis à sa réponse longtemps après qu’il fut parti, cherchant à comprendre ce

qu’il avait voulu dire. Il ne semblait pas avoir compris que mon aveu n’était pas uncompliment.

Peut-êtreétait-ilaussidéstabiliséquemoi?

***

–Tourne-toi,ordonnaMira.Jefisundemi-tourquimanquaitd’enthousiasme.Ilétaitpresquequinzeheures,j’avais

essayéunebonnedizainedetenues,etnousn’avionstoujourspastrouvélarobe.Ouplutôt,Miran’avaittoujourspastrouvécellequ’ellevoulait,moi,j’enavaistrouvéplusieurs.

– Hmmm… Je l’aime bien, dit-elle en reculant pour m’inspecter, mais elle n’est pasaussibienqu’ellepourraitl’être.

–Peut-êtrequejenesuispasuntrèsbonmodèle,expliquai-jeenmeretenantdeleverlesyeuxauciel.

J’avais désormais une admiration sans limite pour les mannequins professionnels.J’adorais les fringues, et j’adorais fairedesessayages.Mais jedécouvraispeuàpeuque jen’aimaispasêtretripotéeetinspectéeparunefashionistaauborddelacrisedenerfs.

–Justement,c’estçaleproblème,ditMiraensecouantlatête.Tuesmagnifique,maislarobet’affadit.

Ellem’affadit?C’étaitnouveau,ça.– Il ya tropde tissu,poursuivit-elle.C’est commesi j’essayaisdecacher tabeautéau

lieudelamettreenvaleur.–Situledis.– Il y a forcément quelque chose ! s’exclama-t-elle en fouillant parmi les robes

suspenduesauportant,cherchantunedesrarestenuesquejen’avaispasencoreessayées.Toutes ces robes ont le même problème, expliqua-t-elle. Nous devons trouver l’équilibreparfait entre la robe et toi. Il nous faut quelque chose qui montre aux gens ton corpssublime.

–N’enmontre pas trop non plus, ouHudson te tuera.Ou bien ilme tuera,moi, oumêmenousdeux.

Hudson était toujours présent dans mes pensées lorsque j’étais dans la boutique deMira.Nousavionseuunefabuleusepartiedejambesenl’airdanscettecabined’essayage–jepouvaisrevoirmesmainsplaquéessurlemiroir,lesentirmepénétrerpar-derrière…

–Hudsonpeutallersefairevoir.Je revins brutalement à la réalité et toute pensée érotique disparut.Mira choisit une

robepourl’étudierdeplusprès.–Aufait,tusaissiHudsonatrouvéunestratégiepoursedébarrasserdeCelia?–Hélas,jecrainsquenon…C’était ce quemon cœurme disait, en tout cas. C’était probablement la raison pour

laquelleilavaitvoulus’échapperpourleweek-end.–…D’ailleurs,tuasvuqueCeliaétaitaurestaurant,lasemainedernière?–MonDieu!s’écria-t-elleensetournantversmoi.Tuessérieuse?Jenel’aipasvue,

avecmaman…j’aiétédistraite.Ellet’aparlé?–Non.MiranereparlapasdeSophiaetjesupposaiqu’ellepréféraitnepasaborderlesujet.– Tant mieux, dit-elle en remettant la robe sur le portant et en repassant en revue

celles que j’avais déjà essayées. Je n’arrive pas à croire qu’elle ait le temps de te suivrepartout. Je sais qu’elle n’a pas besoin d’argent, mais elle a quand même un travail !Commentfait-elle?Est-cequ’elleignoretoussesclients?

Par le passé,mes obsessionsm’avaient coûté plus d’une place,mais pour une fois, jen’avaispasenviedecomparer.

– Je ne sais pas mais c’est dingue ! Peut-être qu’elle paie quelqu’un pour faire sontravail.

–Ouais,oualorselleaannulétoussesprojetspourcemois-ci,ditMiraenriant.–Peut-êtrequ’elleaaccrochéunpanneauFermépourharcèlementsursaporte.

Nous éclatâmes de rire, ce qui me fit un bien fou. Ça allégeait cette tensionomniprésente,unpeucommelefaisaitlesexe.Jenepouvaispaspassermesjournéesaulit,maisjedevaisfaireensortederireplussouvent.

– Mieux vaut en rire, en tout cas, dit Mira en baissant les bras et en soupirant. Enrevanche,cetterobehorriblenemefaitpasriredutout.Enlève-laavantquejenedécidedelabrûler, ajouta-t-elle en enlevant les épingles qu’elle avaitmises ici et là pour cintrer lasoieauniveaudemataille.

Quelqu’un toqua à la porte de la cabine d’essayage, et Stacy entra sans attendre d’yêtre invitée. «Tiens, voicides chaussurespour cette robe »,dit-elle en tendantdes talonsaiguillesrougeceriseàsapatronne.

Je l’avais très peu vue depuismon arrivée. Elle s’était tenue à distance, occupée parune autre cliente, et nous avait rejointes dès que celle-ci était partie.Mira l’avait envoyéechercherunechoseaprèsl’autre–unsoutien-gorgedifférent,uneautreboîted’épingles,etainsidesuite.

Cependant,mêmeenlavoyantaussipeu,jenepusm’empêcherderepenseràlavidéodontellem’avaitparlé.J’avaisditàHudsonquejen’avaispasbesoindelavoir–etc’étaitlecas–,maisjerestaiscurieuse.Trèscurieuse,même.

Miradésignaleschaussuresensecouantlatête.–Onlaissetombercetterobe.Ilyaquelquechosequinecollepas.Maistusaisquoi?

demanda-t-elle tandis que son regard s’illuminait. On devrait essayer la nouvelleFurstenberg.Tuenpensesquoi,Stacy?

Stacym’étudiaenpenchantlatêtedecôté,visualisantlarobedontparlaitMira.–Elle irait très bien avec sa couleurdepeau et la coupe accentue la poitrine, ce qui

seraitparfaitpourAlayna.Elleesttoujoursdanslaréserve?–Oui,réponditMira.Stacysetournapourpartirlachercher.–Non,attends,ditMiraenluisaisissantlebras.Jel’aisortiepourMistyetelleachoisi

autrechose,expliqua-t-elleenfronçantlessourcils.Mince,jenesaisplusoùelleest.–Jepeuxfouillerunpeu,proposaStacy.– Je vais y aller. Tu ne comprends pas comment fonctionne mon cerveau gavé aux

hormones.TupeuxaiderLaynieà sedéshabiller ?demanda-t-elle en lui passant la boîted’épingles.

Peut-être était-ce mon imagination, mais Stacy ne me semblait pas ravie par sanouvelletâche.«Biensûr»,répondit-ellesèchement.

– Merci, je reviens vite ! s’exclama Mira en partant, sans remarquer le ton de sonemployée.Dumoins,j’espère,ajouta-t-elle.

LeregarddeStacyrestaitrivésurlesépinglesqu’elleenlevait.Ellenemeregardapasuneseulefoisetjecomprisqu’ellefuyaitmonregard.Ellecachaitmalsonhostilité–sielle

avait toujours été froide enversmoi, cette fois-ci, c’était différent. Elle semblait en colère.Est-cequ’ellem’envoulaitd’avoirrefusédevoirsavidéo?Ceseraitabsurde!

J’hésitailongtempsàromprelatension,maisjedécidaifinalementd’essayer.–Tuesexcitéeparlaréouverturedelaboutique?–Ouais.Mince,apparemment,ellen’allaitfaireaucuneffort.– Je suppose que votre clientèle va grandir… Vous allez recruter de nouvelles

vendeuses?–Probablement.Il était évident qu’elle était en colère. Je sentis la robe se détendre au niveau dema

taillelorsqu’elleenlevalesdernièresépingles.–Lèvelesbras.Je lui obéis et elle tira brusquement la robe par-dessusma tête, enmarmonnant de

vagues excuses lorsqu’une agrafe se prit dans mes cheveux, et en se dépêchant de metournerledospourraccrocherlarobe.

Je croisai les bras, gênée deme retrouver en culotte et en soutien-gorge devant unefemmequejeconnaissaisàpeineetqui,apparemment,nem’appréciaitpasbeaucoup.

Jefaillislâcherl’affaire,maiscen’étaitpasmongenre.–Tuesencolèrecontremoi?dis-jeenm’adressantàsondos.Tum’enveuxdenepas

avoirvutavidéo?–Nesoispasbête,rétorqua-t-elle,cen’estpaspourçaquejesuisencolère.–Ah,maistuesbienencolère?Jelesavais!Aumoins,pourunefois,maparanoïaétaitjustifiée.–Pourquoi?demandai-je.–Tuessérieuse?s’exclama-t-elleense tournantenfinversmoi.Je t’aiparlédecette

vidéo pour être gentille. Pour qu’on s’entraide, entre femmes, c’est comme cela que jefonctionne.

–Jenesaispasdequoitu…– Je t’ai dit que Hudson ne savait pas que je l’avais,mais tu lui en as quandmême

parlé.Cen’étaitvraimentpas…sympadetapart.–Attends,attends.Jenecomprendspas,avouai-je,complètementperdue.–Qu’est-cequetunecomprendspas?J’ai faittoutmonpossiblepourt’aiderettuas

trahimaconfiance,dit-elleens’appuyantcontrelemur.Enmêmetemps,jenedevraispasêtre surprise – il s’agit deHudson Pierce, après tout. Il lui suffit d’un simple regard pourobtenircequ’ilveut.Est-cequ’ilt’amanipuléepourquetuluidises?

–Non,non,pasdutout.Je commençais à comprendre un peu la situation, mais il me manquait encore des

informations.

–Écoute,jesuisdésoléesi…commençai-jeenavançantverselle.–Netetracassepas,cracha-t-elle.Bonsang,elleétaitvraimentencolère.–S’ilteplaît!m’exclamai-jeenmettantlamaindevantsonvisagepourl’empêcherde

mecouperlaparole.S’ilteplaît,laisse-moifinir.Jenesaispaspourquoi,maiselleafiniparcéder.–D’accord.–Jesuisdésoléedel’avoirditàHudson,etd’avoirtrahitaconfiance…Honnêtement,jen’avaismêmepasimaginéqu’ellenevoudraitpasquejeluienparle.

Peut-êtrequ’eneffetcen’étaitpasunesuperidée.–…Jen’essayaispasde…tefairedumal,oudetemettreencolère.Jevoulais juste

êtrehonnêteavecmoncopain.Etjeneluiaipasditcequec’était,biensûr,puisquejen’aipasvulavidéo.Jeluiaidemandés’ilsavaitcequ’ellecontenait,etilm’aditqu’iln’enavaitaucuneidée.Laconversations’estarrêtéelà.

Elleouvritlabouchepourparler,maisjemesuisdépêchéedepoursuivre.–Attends,unedernièrechose.Commentest-cequetoi,tusaisquejeleluiaidit?C’étaitlachoselaplusimportante,enfait.Elletapotasacuisseavecsonindex,commesiellehésitaitàmedirelavérité.–Ilm’aenvoyédese-mails.Etilm’aappeléeendemandantàvoirlavidéo.–Ilt’aécrit…?HudsonavaitécritàStacyausujetdecettevidéo?–Etappelée,oui.Touslesjours,enfait.Jemesentispâliretjem’effondraisurlebancdelacabine.–Pourquoiferait-ilcela?Qu’est-cequ’ilt’adit?–Sone-mailmedisaitqu’ilavaitapprisquej’avaisunevidéodanslaquelleonlevoyait,

etqu’ilvoulaitm’enparler.Ilamentionnéuntasdeloissurlavieprivéeetladiffamation,etcætera,etilm’ademandédelaluienvoyer.Sesmessagesvocauxdisaientlamêmechose.

–Qu’est-cequetuasrépondu?–Jeneluiaipasparlé.Maiscommeilcontinuaitàmeharceler,j’aifiniparluienvoyer

lavidéojeudi.Celaneservaitàriendelaluicacher.Ilsaitquejel’aivue,detoutefaçon,mêmes’ilnel’apasvuelui-même.

Si elle la lui avait envoyée jeudi,Hudson l’avait probablement déjà vue. Était-ce celadontilparlaitl’autrematin?Dessecretsqu’ilmecachait?

–Ilm’aécritdenouveauaujourd’huienmedemandantcequ’ildevaitfairepourquelavidéo disparaisse à jamais, ajouta-t-elle d’une voix pleine de dégoût. Comme s’il pouvaitachetermonsilence.

– Je ne comprends pas, chuchotai-je les yeux rivés sur le sol, enm’adressant àmoi-même plus qu’à Stacy. Il a dit que cette vidéo ne pouvait rien montrer d’intéressant. Il

n’avaitpasl’airinquiet…Pourquoiest-cequ’il…?–Parcequ’iltement,Alayna!Jelevailatêteverselle.–C’estjustementcequej’essaiedeteprouver.Tunepeuxpasluifaireconfiance,tune

peuxriencroiredecequ’iltedit.Ilvatemenerenbateau,tefairecroirequ’ilestintéressé.Maisilnel’estpas.Jenesaispasàquoiiljoue,maisilsaitcequ’ilfait,c’estcertain.

Un jeu… Était-ce la clef de toute cette histoire ? Stacy avait-elle été l’une de sesvictimes?Celaexpliqueraitqu’ilaittellementenviedefairedisparaîtrecettevidéo.

J’avaisbeausavoirqu’ilavaitmanipulédesgensparlepassé,jen’aimaispasça.Maispeut-êtrequeçan’avaitrienàvoir;lasituationmesemblaitdifférente,etc’estce

quimedécida. Je le regretterais peut-êtreplus tard,mais c’était la seule façonde ne pasdevenirfolle.

–Qu’est-cequ’ilyasurcettevidéo,Stacy?–Ahnon, jene joueplus à ce jeu,dit-elle en faisantminede ranger les robes sur le

portant.Tum’asditquetunevoulaispaslavoir.Jen’étaistoujourspascertainedelevouloir,maisjenepouvaispasfaireautrement.–J’avaistort.Jen’auraispasdû…jenesaispas,faireunecroixdessusaussivite.Ilfaut

quetucomprennes,Stacy:j’essayaisdeluifaireconfianceparceque…Pourquoi est-ce que je lui parlais dema relation avecHudson ?Peu importait que je

n’aiepasvoulularegarder,cequicomptait,c’étaitquemaintenantj’avaischangéd’avis.–Écoute, tuvoulaisme lamontrerpourmemettreengarde,dis-jeen faisantunpas

verselle.Tunecroispasquej’enaiencoreplusbesoin,maintenant?S’ilteplaît,Stacy.J’étais désespérée et je me rattrapais comme je pouvais. Peut-être était-ce

manipulateur,maisj’étaisalléeàbonneécole,aprèstout.–Jefinisàseizeheures,dit-elled’unevoixplusdouce.Donne-moitonadressee-mailet

jetel’enverraidèsquejeserairentréechezmoi.–Merci.Merci,Stacy,dis-jeencherchantunecartedevisitedansmonsacàmain.–Maisaprès,c’estterminé.Jevaiseffacercettesatanéevidéopourdebonetjeneveux

plusêtremêléeàcettehistoire.QuoiquetudécidesdefaireavecHudson,tuestouteseule,àprésent.

–Biensûr, je comprends, répondis-jeen lui tendantunecarte.Tiens, l’adressee-mailestàlafoispersonnelleetprofessionnelle.

Ellepritlacarteetlamitdanssapoche.–MerciStacy,etjesuisvraimentdésolée.Sijepeuxfairequoiquecesoit…–Jel’aitrouvée!m’interrompitMira,etjeluienfusreconnaissante.Plusvitenousaurionstrouvéunerobe,plusvite jerentreraischezmoi.EtStacyallait

bientôt partir, elle aussi. Peut-être que la vidéom’attendrait dans ma boîte de réceptionlorsquej’arriveraisaupenthouse.

J’enfilailanouvellerobeetposaiensouriantdevantlescrisenthousiastesdeMira,quiannonçaitquec’étaitenfinlabonne.

Pourlapremièrefoisdepuislongtemps,jemesentaisbiendansmapeau.Laurenavaitraison : certaines choses étaient inhérentes àma personnalité. J’aurais toujours besoin detoutsavoir.

Que je fasseconfianceàHudsonounon, j’éprouverais toujours lebesoindedécouvrirsessecrets,tôtoutard.

CHAPITREDOUZE

Ilmesemblaqueletrajetduretouraupenthouseduraitdesheures.

Stacy etmoi étions parties de chezMirabelle enmême temps. Sur le trottoir, ellem’avaitpromis dem’envoyer la vidéo et je l’avais encore remerciée. Stacy était ensuite partie aumétro et je m’étais installée dans la Maybach, les mains moites et le cœur battant lachamade.

J’étais conscientedeme comporter commeunedroguée qui prenait sa premièredosedepuisplusieursmoisd’abstinence.Aprèstout,j’étaisuneromantiqueobsessionnelle,surlepointdefouineraprèsavoirfaittellementd’effortspourguérir.

JordanetmoiétionsseulsdanslavoiturecarReynoldavaitprissonaprès-midi.J’avaisprévu de retourner au club après l’essayage chez Mira, mais je savais que je serais troppréoccupéeparlavidéopourpouvoirtravailler,etilmesemblaitpréférabledelaregarderenprivé.

Cependant, ilétaitseizeheuresetnousétions lundi: traverserNewYorkà l’heuredepointe pour se rendre à Uptown depuis Greenwich était un véritable cauchemar. Je fispasser le temps en essayant de relevermes e-mails surmon téléphone – je ne savais paspourquoijen’avaispaspenséàlefaireavant–,maistropdequestionssebousculaientdansmatêtepourquej’yparvienne.

Comment et pourquoi Stacy avait-elle fait cette vidéo ? Si elle l’avait prise avec sontéléphone,pourquoidevait-ellel’envoyerdepuissonordinateur?Sepromenait-elleavecunCaméscope lorsqu’elle avait eu l’occasion de filmer ce… cette scène, quelle qu’elle soit ?Pourquoipensait-ellequel’enregistrementvalaitlapeined’êtreconservé?

Cependant, lavéritablequestionétaitdesavoirpourquoiHudsonvoulaitque lavidéosoit détruite. La réponse était contenue dans ces images, et c’était pour cela que jesouhaitaisobtenirmaproprecopie.

Indépendamment, Stacy avait fait allusion aux tendancesmanipulatrices de Hudson,comme si elle en avait été victime, or Hudson m’avait dit qu’ils n’avaient eu qu’un seul

rancard.C’étaitcedétailquim’intriguaitleplus,carsilesimagesmemontraientseulementque sa relation avec Stacy avait fait partie d’un de ses jeux, je saurais aussi que Hudsonm’avaitmenti. Je serais ainsimoins coupable d’avoir trompé sa confiance en regardant lavidéo.

Aprèstout,jen’avaisrienpromis,jeluiavaisseulementditquejen’enavaispasbesoin.Leschosesavaientchangé,depuis–j’avaisdésespérémentbesoindelavoir.Jenerompaispasmapromesse,seulement…lescirconstancesn’étaientpluslesmêmes.

Entoutcas,c’étaitcedontjem’étaisconvaincue.LorsqueJordansegaradevantlepenthouse,jebondisdelavoitureavantqu’iln’aitpu

m’ouvrir la portière. « N’oubliez pas d’activer l’alarme », s’écria-t-il pendant que je meprécipitais vers la porte. C’était ce dont nous étions convenus : lorsque j’étais seule à lamaison, JordanouReynoldattendaient enbasque j’allume le systèmede surveillance, cedont ils étaient informés par un sms. Si Celia était le cadet demes soucis en cemoment,j’aimaistoutdemêmesavoirquej’étaisprotégée,toutengardantunsemblantdevieprivée.

Je sortis de l’ascenseur et j’activai l’alarme, puis je courus dans la bibliothèque avecmonordinateurportableetjem’installaisurlecanapé.Jerouspétailorsqu’ilmesemblaquemese-mailsprenaientplusdetempsqued’habitudeàcharger.Jeretinsmarespirationenfaisantdemonmieuxpournepasfrappermonclavier.

Ilétaitlà.Leseulmessagenonlu.DeStacyBrighton.Jecliquaidessus.Il y avait un court paragraphe, suivi d’une pièce jointe. Pressée, je lançai le

téléchargementdelavidéoavantderevenirautexte.

Alayna,Commejetel’aidittoutàl’heure,j’enaifiniaveccettehistoire.Faiscequetuveuxdela

vidéo. Tu voudras probablement savoir dans quelles circonstances je l’ai filmée, donc je vais tedirececi:Hudsonm’avaitdemandédeleretrouverpourboireuncafé,etcettevidéomontreceque j’aivu lorsque je suisarrivée,avantqu’ilnemevoie.Je l’ai transférée surmonordinateurlorsquej’aichangédetéléphone,etc’estpourcelaquejen’aipasputel’envoyerimmédiatement.

Bref.Lavoici.Stacy

Aumoins,elleavait réponduàunedemesquestions.En revanche,pourquoiHudson

l’avait-ilinvitéeàboireuncafé?J’étaisdeplusenpluscertainedecequej’allaistrouversurlavidéo:Hudsonquis’amusaitàfairesouffrirl’assistantedesasœur.C’étaithorrible,pourHudson, pour Stacy et… pour Mira – mais peut-être que cette dernière n’était pas aucourant.

Mon ordinateur annonça que le téléchargement était terminé. Pendant une demi-seconde,mamains’arrêtaàquelquescentimètresduclavier.Unefoisquejel’auraisvue,je

nepourraisplusfairemarchearrière.Etsic’étaitquelquechosedontHudsonavaithonte?Était-il raisonnable de visionner un de ses pires souvenirs ? Ne serais-je pas furieuse siHudsonvoyaitenimagesunedemespireserreurs?

Mais il lesconnaissaitdéjà,puisqu’ilavaitenquêtésurmoiavantmêmedem’adresserla parole. Il avait lumon casier judiciaire et fait ses propres recherches, et il était quandmêmeavecmoi.J’étaissurlepointdefairelamêmechose,non?

Jenelesauraispas,tantquejen’auraispasvucettevidéo.Jecliquaipourl’ouvrir,puisjelamisenpleinécranetjem’enfonçaiunpeuplusdans

lecanapépourlaregarder.L’image montra rapidement l’intérieur d’un café avant de zoomer sur ses sujets,

s’arrêtant sur la nuque d’un homme. Peu importait qu’il soit de dos, je savais de qui ils’agissait.Jeconnaissais lacouleuret la texturedecescheveuxparcœur.Jereconnaissaismêmece costume.UnRalphLaurenbleu foncé–pasmonpréféré,mais je l’avais vuplusd’unefois.

Tout doucement, la tête de Hudson se penchait tantôt à droite tantôt à gauche. Ilembrassait quelqu’un,mais son corps cachait la personne. Je voyais seulement de petitesmainsdefemmequicaressaientsoncou.

Je fus envahie par la jalousie, je n’y pouvais rien. Bien sûr, c’était avant que je leconnaisse,maisils’agissaitdemonhomme,demonamour,entraind’embrasserquelqu’und’autre.JecomprenaisqueStacysoitfurieusesiellel’avaitrejointenpensantqu’illuiavaitdonnéunrancard.

Hudsonfinitparromprelebaiser,etpendantunefractiondeseconde,jefussoulagée.Puis, il recula, et je la vis : les joues rouges, les lèvres gonflées, ses cheveux blonds

relevésdansunchignon,unedesescoiffureshabituelles.Jeme sentis pâlir.Hudson et Celia. J’avais déjà imaginé une telle scène auparavant,

maislefaitdelesvoir,envrai,c’étaitpire.Bienpire.Celiavouluts’occuperderéajusterlacravatedeHudsonmaisill’enempêchaavantde

se tourner vers la caméra, me donnant l’occasion de voir son visage. Son expression medonnaenviedevomir–ilsouriaitetsonregardétaitenjoué,commes’ils’apprêtaitàrire,cequ’ilnefaisaitquerarementavantdemerencontrer.Dumoins,c’étaitcequejecroyais.Etc’était son air joyeux qui anéantissait toute possibilité que ce baiser soit à sens unique. Ilsl’avaientdésirétouslesdeux.

Ensuite,Celia fitminedes’enaller. Il l’attiraà luipour l’embrasserdenouveau,cettefois-cipluslentement,plustendrement.

L’écrandevintnoir.Dieumerci.Quelquessecondesdeplusetjevomissais.Maisçanem’empêchapasdela

regarderunedeuxièmefois.

Jeramenaimesjambescontremoi.Mapoitrineseserraitunpeuplusàchaquesecondede leur baiser. Ce serait trop cliché de dire que mon cœur se brisait en mille morceaux.D’ailleurs, c’était plutôt l’inverse. Il se refermait sur lui-même, comme si unemain l’avaitsaisietcherchaitàl’écraser.

Jeluiavaisdemandétantdefois,etilavaitniétantdefois…Peut-être que ce baiser faisait partie d’un jeu pour manipuler Stacy – j’espérais que

c’étaitlecas,quecen’étaitqu’unemascarade.Peut-êtrequeHudsonetCeliaavaientvoulujouer ensemble. Il ne m’avait jamais dit que Celia avait pris part à ses scénarios, maismaintenantquejeconnaissaissongoûtprononcépourcegenredechose,c’étaittoutàfaitpossible.

Jeme sentais un peumieux. Ils s’étaient embrassés,mais aumoins il nem’avait pasmentiàproposdeleurrelation.Ilsn’avaientjamaisétéensemble.

Toutefois,aprèsavoirregardélavidéounetroisièmefois,jemerendiscomptequecettethéorie ne tenait pas debout. Les premières fois, j’avais été trop concentrée sur le baiserpour remarquer les autres détails. Hudsonm’avait dit que, lorsqu’ilm’avait rencontrée, ilavaitcessésesmanigancesdepuislongtemps–qu’ilallaitvoirunpsyetqu’ilétaitsurlavoiede laguérison.Or lepanneauderrièreeuxannonçait le colloquedeStern.Cette scène sedéroulaitlesoirdemaprésentation,lesoiroùHudsonm’avaitvuepourlapremièrefois.Lesoiroùilavaitsuquej’étaisspéciale.

Lesoiroùnotrehistoireavaitcommencé,HudsonembrassaitCeliaWerner.Ainsi,soitiljouaitencorelorsqu’ilm’avaitrencontrée,soitilsortaitavecelle,maisdans

touslescas,ilm’avaitmenti.Mon père ayant été alcoolique, je ne buvais jamais d’alcool pour résoudre mes

problèmes.Pourtant,là,j’avaisterriblementbesoind’unebouteilledetequila.Parchance,ilyenavaitunedanslebardelabibliothèque.

***

–Tevoilà.LorsqueHudsonme retrouva une heure plus tard, j’étais sur le balcon, penchée au-

dessusduvide.J’avaisprévud’êtreivrelorsqu’ilrentrerait,maisjen’avaisréussiàboirequequatreshots.C’étaitsuffisantpourmerendrepompette,maispasassezpouréradiquercettedouleurlancinantedansmapoitrine.

Je le regardai par-dessus mon épaule. J’avais préparé plusieurs discours, mais je lesoubliaitousdèsquejelevis.

–Jenesavaispasquetuétaisrentré.Je dirigeaimon attention sur la ville qui s’étendait àmes pieds, une vue bienmoins

dangereusequecelledel’hommequim’avaittrahie.

–Àl’instant.Ducoindel’œil,jelevisvenirversmoi.–Tuviensrarementsurcebalcon.–Parcequeçamefaitpeur,dis-jeenhaussantlesépaules.–Tuaslevertige?demanda-t-il,cherchantàcomprendremafroideurévidente.– Pas vraiment. Mais j’ai peur de tomber, dis-je en riant légèrement, parce que je

réalisais que ce n’était rien, comparé à ce que je ressentais en ce moment. En fait, c’estgrisantd’êtreici,continuai-je.D’êtreaussihaut,desesentirintouchable,desentirlesouffledu vent. Je comprends pourquoi tant de gens rêvent de voler. Le problème c’est qu’on abeausavoirvoler,ilfauttoujoursatterriràunmomentouàunautre.Etsouvent,leretoursefaitenchutelibre.

–Tuesrudementpoétique,cesoir,dit-ild’unevoixhésitante.–Ahbon? rétorquai-je enprenantmoncourageàdeuxmainspourme tourner vers

lui.Peut-être,oui.Hudsonsouritetfitunpasversmoientendantlebras,maisjefisunpasdecôtépour

l’éviteret jeperdis l’équilibre. Il saisitmonbraspourmerattraper,etmesyeuxse fixèrentsursamain.Mapeaumebrûlait,etcontrairementàd’habitude,cen’étaitpasdedésir.Jeme demandais sima peau seraitmarquée à jamais. Il avait touché chaque centimètre demoncorps,est-cequej’enporteraislestraces?

Hudsonserapprochapourmeremettresurpiedetc’estalorsqu’illesentit.–Tuasbu?–Çaposeunproblème?répondis-jeenretirantbrusquementmonbras.–Biensûrquenon.Cen’estpastongenre,c’esttout.Tuespleinedesurprisescesoir.–Ah,lessurprises,oui.Majournéeenaétéremplie.–Ahoui?–Oui.Je passai devant lui pour rentrer, déjà lassée de parler de banalités. Nous avions à

discuter et je préférais le faire à l’intérieur. Hudson m’emboîta le pas, et j’attendisd’entendre la porte se refermer pour lui faire face. J’avais prévu de lui annoncer tout desuitequej’avaisvulavidéo,maiscenefurentpaslesmotsquim’échappèrent.

–Hudson,pourquoitunemedisjamaisquetum’aimes?–D’oùvientcettequestion?Il avait pris l’air de quelqu’un qui vient d’être giflé et, étant donné que j’enmourais

d’envie,c’étaitplutôtunebonnechose.Toutefois,cen’étaitpaslaréponsequej’attendais,loindelà.–Maquestionestjustifiée.–Tu trouves ? Lesmoyenspar lesquels j’exprimemes sentimentsn’ontpas semblé te

gênerjusqu’àprésent…qu’est-cequiachangé?

–Pasgênée?Jen’enrevenaispas.Nesavait-ilvraimentpasàquelpointjedésespéraisdel’entendre

medirequ’ilm’aimait?– Celam’a toujours gênée. C’est juste que j’ai été patiente. Je t’ai laissé le temps de

prendre tesmarquesdanscette relation. Je saisque toutcelaestnouveaupour toi, tunecesses jamais deme le rappeler.Mais c’est nouveau pourmoi aussi, et je t’ai ouvertmoncœur.Ettoi,tunepeuxpasmedonnercestroispetitsmots?

–Tusaiscequejeressenspourtoi,dit-ilenmetournantledospourallerverslebardelasalleàmanger.

–Maispourquoitunepeuxpasledire?demandai-jeenlesuivant.–Pourquoiest-ceque j’auraisbesoinde ledire? répondit-ilenseservantunverrede

scotch.Dumomentquetulesais,jenevoispascequeçachange.–Parfoisçaaide.–Çaaideàquoi?Ilétaittellementserein…celamerenditfolleetjehaussaileton.–Çaaidepourtout!Àrassurer,etàcalmerlesdoutes.Ilposalabouteillesurlebaretsetournaversmoi.–Tudoutesdequoi?Denous?Denotrecouple?Jet’aidemandéd’emménageravec

moi.J’aichangétoutemaviepourêtreavectoi.Dequoipeux-tudouter?–Detesraisons.Detesmotivations.–C’estsimple, jesuisavectoiparceque jeveuxêtreavectoi.Qu’est-cequ’il te fautde

plus?Desmots?Ilspeuventêtremanipulésetmalinterprétés.Mesactionstedisenttoutcequetuasbesoindesavoir.

Sesproposétaient calmeset rassurants–unautre jour, ilsm’auraient fait fondre.Deplus,ilavaitfaittantdechosesquiprouvaientsesparoles.

Pourtant,d’autresactionsétaientambiguësetdifficilesàinterpréter.LesdéjeunersavecNormaAnders.Sonacquisitionduclubavantmêmedem’avoirconnue.Etpuis,biensûr,lavidéo.

Jefussoudainsaisieparlefroid,jecroisailesbrassurmapoitrinepourmeréchauffer.–Justement,Hudson.Sijemefondesurtesactions,toutcequejesaisc’estquetum’as

menti.Ilbutunegorgéequ’ilfittournerdanssaboucheavantdel’avaler.–Dequoituparles?Jem’efforçaidemetenirdroite,prêteàleconfronter.–Jel’aivue,Hudson.J’aivulavidéo.–Quellevid…Jefrappaibrusquementmonpoingsurlatabledelasalleàmanger.

–Net’avisepasdefairecommesitunesavaispasdequoijeparle!Aprèstoutcequ’onatraversé,jeneméritepasd’êtremenéeenbateau.

Il me regardait droit dans les yeux et je vis un bref éclat de panique dans les siensavantqu’ilnereprennelecontrôledesesémotions.

–Trèsbien,jenevaispastemenerenbateau,dit-ilens’essuyantlabouchedureversdelamain.Tul’aseuecomment?ParStacy?

Commentjel’avaiseue?–Çachangequoiquecesoit?–Non,jesupposequenon,dit-ilcalmement.Monestomacsenouadavantageencore.Jem’attendaisàcequ’ilnietout,àcequ’ilme

rassureenmedisantque cen’étaitpas cedont celaavait l’air. Jem’attendais àavoirdesréponses!Toutsaufça!Toutsaufcetteindifférence.

–TuembrassaisCelia.–J’aivu.–Tuvasm’expliquer?–Çachangequoiquecesoit?demanda-t-ilenmerenvoyantmesparolesàlafigure.–Oui!m’exclamai-je.J’avaisperdutoutmonsang-froid.Luiseulpouvaitmeguérir,etilnefaisaitrienpour

essayer.–C’étaitavantde te rencontrer,Alayna,dit-il en retournantaubarpour remplir son

verre.Jenet’aipasdemandéd’expliquertesactionsd’avantnotrerencontre.Jenedevraispasêtreobligéàlefaire.

Je restaibouchebéeen le regardantvider sonverred’un trait.De toutes les réponsesauxquellesjem’attendais,celle-làn’enfaisaitpaspartie.

–Mais c’est différent, dis-je lorsque je retrouvai l’usage de la parole. Parce que tu asdéjàréponduàmesquestionsenmedisantqu’iln’yavaitjamaisrieneuentreCeliaettoi.

–Etc’estvrai.–Jesuiscenséetecroireaprèscequejeviensdevoir?–Lesapparencespeuventêtretrompeuses,dit-ild’unevoixrauque,leseulindicequ’il

ressentaitquelquechose.–C’esttoutcequetuasàdire?–Tum’avais dit qu’il n’y avait rien entreDavid et toi, or les apparences ont souvent

indiquélecontraire.– Seulement parce que tu étais parano et jaloux. Tu nem’as jamais vue en train de

l’embrasser.Crois-moi,c’estbienpirequedel’imaginerdanssatête.Ilagrippaledossierdelachaiseetsepenchaversmoi.– Je suis sûr que si j’allais visionner de vieilles vidéos des caméras de surveillance, je

pourraisvoirexactementlamêmechose.

Savoixétaitfroide,dureetrempliedehaine.C’étaitdanscegenredemomentquelepenchantmanipulateurdeHudsonserévélait.Ilétaitfrustrantetinjustedelevoirtournerune situation à son avantage, mais je savais que ça faisait partie intégrante de sapersonnalitéetqu’iln’essayaitpasdemeberner.

–Oui.J’étaisavecDavid,ilyalongtemps.Jetel’aidéjàdit.–Lorsquecelat’aéchappéetquejel’aicompris.– Bon sang Hudson ! Est-ce que je vais devoir payer pour cette erreur encore

longtemps ? criai-je sans lui laisser le temps de répondre. D’accord, j’aurais pu te le direavant.Jet’aicachédeschoses.Maisuniquementparcequejenevoulaispastefairedemal,etjel’aiadmislorsquetum’asprisedefront.Maistoi,tum’asmentienmeregardantdansles yeux. Tum’as dit qu’il n’y avait rien à voir sur la vidéo de Stacy. Tum’as dit que jen’avaispasbesoindelavoir.

–Ettuasquandmêmevoululavoir.–Non. Je n’ai cherché à la voir que lorsque j’ai appris que tu faisais tout pourm’en

empêcher.Oui,Stacym’aditquetulaluiavaisdemandée.J’étaiscenséecontinueràtefaireconfiance?

–Jenesavaispascequemontraitlavidéo.Jelaluiaidemandéeparcuriosité,dit-ilenhaussantlesépaules,commesicen’étaitriendegrave.Jen’essayaispasdetelacacher.

–Bien sûr que si !m’écriai-je en tremblant, les larmes aux yeux.Tu faisais tout pouréviterquejedécouvrecetterelation!Tun’aspascessédemerépéterquevousétiezamis,etriend’autre.Etmêmemaintenant,alorsquejesaisqueCeliaettoiétiezensemble,alorsquej’enailapreuve,turefusesdel’admettre!

– Je n’admettrai rien, siffla-t-il en plongeant son regard dans le mien. Tu n’as riencomprisdutout,Alayna.

–Alorsexplique-moi!Dis-moiquelquechosequejepeuxcomprendre.Qu’est-cequisepassedanscettevidéo?

–Rien,cracha-t-il.Ilnesepasserien.–Hudson !Tu es en trainde l’embrasser – goulûment, passionnément ! Etoui, je l’ai

regardéeplusieursfois,jepourraisterejouertoutelascènesitumeledemandais.Ilsecoualatêteetsedirigeaverslesalon.– Sans oublier que tu étais supposé retrouver Stacy pour un café, continuai-je en lui

emboîtantlepas.Etnecroispasquejen’aipasremarquéqueljourtoutcelas’estdéroulé!– Retrouver Stacy ? s’exclama-t-il en se tournant vers moi. C’est ce qu’elle t’a dit ?

Qu’est-cequ’elleaditd’autre?S’ilpouvaitfairedelarétentiond’information,moiaussi.–Celan’arienàvoiraveccetteconversation.–Ehbien en cequime concerne, cette conversation est terminée, conclut-il avantde

partirverslabibliothèque.

Jefustellementchoquéequejerestaibouchebéeuninstantavantdemeressaisiretdelesuivre.

– Non, elle ne l’est pas. J’ai des questions, Hudson, et tu ne m’as donné aucuneréponse.

–Jen’enaipasàtedonner.Lesujetestclos.–Tuplaisantes?Turefusesd’enparler?m’écriai-je.Jemesentaisàlafoisfurieuseet

impuissante.– Oui, dit-il en s’asseyant à son bureau, et en réitérant son refus de m’en dire

davantage.–Hudson,c’estinjuste,répondis-jeenpassantàcôtédelui.Onaditqu’ondevaitêtre

honnêtes l’un envers l’autre, qu’on devait fonder notre relation sur la confiance.On étaitd’accordpourêtreouvertset transparents.Mais tucachesquelquechose.Tum’asmenti !Commentveux-tuqu’ontournelapagesiturefusesd’enparler?

–Ai-jefaitquoiquecesoitpourtrahirtaconfianceavantcettevidéo?s’écria-t-ilenselevantbrusquementetenempoignantmonbras.

–TuastransféréDaviddansmondos…–J’ai faitçapournous,dit-ilenm’attirantà lui.Ai-je faitquoiquecesoitqui te laisse

penserquejeneveuxpascequ’ilyademeilleurpournousdeux?Pourtefairepenserqueje ne veux pas être avec toi ? Que je ne veux pas… bégaya-t-il, obligé de s’arrêter pouravalerlaboulequ’ilavaitdanslagorge,quejenetienspasàtoi?Detoutmoncœur?

Jesecouailatête,incapabledeparler.Ildesserraunpeusonétreinte.–Toutcequej’aifaitdepuisqu’onestensemble,jel’aifaitpourtoietmoi.Tudoisme

croirequandjetedisquecettevidéon’estpasimportante,dit-ilenrepoussantlescheveuxdemonépaule.Ellenenousaffectepas.

–Commentpeut-ellenepasnousaffecter?C’étaitlesoirducolloquedeStern.Lesoiroùtuasditquetum’avaisvuepourlapremièrefois.

–Oui, c’est le soir où je t’ai vue lapremière fois, répéta-t-il d’une voixplusdouce encaressantma joue.Mais ce que tu as vu dans cette vidéo s’est passé avant. Ce sont deuxchosesdifférentes.Oublie-la.

Différentes.Jem’accrochaiàcemotetcherchaiàlecomprendre.Quevoulait-ildireparlà?Celas’étaitdéroulélemêmesoir!

Je cherchai la réponse dans ses yeux et ne l’y trouvai pas. Je décelais seulement sonespoirquej’oubliecettevidéo.Orjen’étaispascommeça.Ilm’avaitditunjourqu’ilseraittoujoursmanipulateuretdominant,mêmelorsqu’ilnejouaitàaucunjeu.Celafaisaitpartieintégrante de sa personnalité. De mon côté, je serais toujours obsessionnelle. Je poseraistoujours des questions, même si j’allais bien. Me demander d’oublier revenait à medemanderdeneplusêtremoi-même.

–Etsijenepeuxpasl’oublier?Sonregards’emplitdedéceptionetillâchamonbras.–Alorsc’estquetunemefaispasconfiance.Etjenesaispascommentonpeutrester

ensemblesionnesefaitpasconfiance.Mesgenouxcédèrentetjedusm’accrocheraubureau.–Tuesentraindedirequejedoischoisir?Jetefaisconfiance,sinonc’estterminé?–Biensûrquenon,dit-ild’unevoixquitrahissaitsonmanqued’assurance.Maisjen’ai

riend’autreàdire.C’estàtoidevoirsitupeuxvivreavecçaoupas.Je me passai la main sur le front, puis sur les joues, comme si j’avais besoin de

m’assurer que j’étais encore physiquement là, tellement cette situation était surréaliste.Comment étais-je passée d’une question a priori simple à un ultimatum concernant notreavenir?

Leproblème, c’était de savoir quemême si j’arrivais à accepter ces conditions, enmeforçant,quelavenirnousattendait?

–C’estunpiège,Hudson,dis-jeensecouantlatête.Commentpourrais-jevivreainsi?Commentpeut-onallerdel’avantquandonestentourédemurs?

–Iln’yaaucunmur,rétorqua-t-ilalorsquesamâchoiresecontractait.Jesuisici,avectoi.Jepartagetoutcequej’aiavectoi.

–Sauftonpassé.–Saufunechosedansmonpassé.–Non, il yaautre chose,dis-jeen sentantmes larmesquimontaient. Ilne s’agitpas

seulementdelavidéo,maisdetessecrets.Tunepeuxpasmedirecequis’estpassécesoir-là.Tunepeuxpasexprimertessentimentspourmoi.Tunepeuxpasm’expliquer lavraienaturedetarelationavecCelia,avecNorma–etmêmeavecSophia!

–Bonsang,Alayna.Jet’aiditquelleétaitlanaturedecesrelations.C’esttoiquirefusesdecroirecequejedis,dit-ilenpointantsonindexsurmoi.

– Parce que les preuves indiquent toujours le contraire ! m’écriai-je en frappant lebureaudupoing.Etsijenecomprendspastout,c’estpeut-êtreparcequetut’obstinesàmecachertouslesélémentslesplusimportants!

Ilfermabrièvementlesyeuxetfitunpasversmoipoursaisirmesbras.–Sijeneteledispas,c’estquecen’estpasessentielànotrerelation,dit-ilàvoixbasse.

Celan’arienàvoiravecnous.–Biensûrquesi!Celaatoutàvoiravecnous,criai-jeenlevantlesbrasenl’air.Hudsonmebousculapourallerdel’autrecôtédubureaupuisils’arrêta.Dosàmoi,il

restadeboutdanslabibliothèque,etj’eusl’impressionqu’ilprenaitunedécision.Jelesuivisetm’arrêtaiàunmètredelui.J’auraispuletoucherentendantlebras.–Tunevoispas,Hudson?Tunevoispasquejeveuxtoutsavoirdetoi?Jenepeux

paslefairesitunemelaissespasentrer.

–Jet’ailaisséeentrerplusloinquequiconque.Tusaisdeschosessurmoiquejen’avaisjamaisprévudedireàquiquecesoit,dit-ilenmeregardant.Çanecomptepas,ça?

–Si,dis-jeen luicaressant la joue.Çacompteénormément.Mais tuvois,continuai-jeen baissant la main, c’est là que nous sommes coincés. Parce que tu me demandes dechangerquijesuispourpouvoirgardertessecrets,etcelavametorturer–medéchirerdel’intérieur. Jenepeuxpas le faire. Jenepeuxpasvivre commeça. Je suisobsessionnelle,Hudson–jenetel’ai jamaiscaché.Jesaisqueparlepasséj’aiétéobsédéepardeschosesquin’étaientpasjustifiées,maiscettefois,cen’estpasdansmatête.Tumecachesvraimentdes choses et cela vame rendre folle. Tout ce que tu as soigné chezmoi est en train deresurgiretjenesaispasquoifaire.Etjenesuismêmepassûrequetuenaiesquelquechoseàfaire.

–Biensûrquesi,Alayna,dit-ilenessuyantunelarmequis’étaitéchappéesansquejelaremarque.Çam’estinsupportableetjeferaitoutcequejepeuxpourt’aider.

Ilpassa samainautourdemoncouetappuya son front contre lemien. Il aurait ététellement facilede lever la têtepour l’embrasser et effacer ainsi toutemadouleur etmonangoisse.Sesbaisersavaient lepouvoirdedissiper toutemasouffrance, toutecetteombrequiserefermaitsurmoi.Jusqu’àcetaprès-midi,Hudsonétaitmonsalut–ilsavaitcommentmeremettresurpiedàchaquefois.

Maiscettefois-ci,c’étaitlui,leproblème.Soncontactnepouvaitpasmeguérir.Seulessesparoleslepouvaient,maisilmelesrefusait.

–Alorsdis-moicequej’aibesoindesavoir,chuchotai-je.Il se redressa et fit un pas en arrière. « Non. » Il se tourna et alla vers le salon,me

laissantlesuivreunefoisdeplus.–Vous étiez ensemble ?Tu l’as baisée ?Tu l’as baisée ce soir-là ? Le soir où tum’as

rencontrée?–Non.Non.Non.Etnon,dit-ilenfaisantlescentpas.Jetel’aidéjàditdesdizainesde

fois,maissiçanet’apassuffiavant,pourquoiçateconvaincraitmaintenant?–Parcequecenesontpaslesréponsesquejecherche.Jeveuxt’entendredirelavérité

aulieudenier.Qu’est-cequ’ils’estpassé,Hudson?QuiestCeliapourtoi?–Alayna,lâchel’affaire.–Jenepeuxpas!Ils’arrêtanetetlevalatête.«Alorsjedoispartir.»–Qu’est-cequeçaveutdire?Tuparlesdefaireuntourpourtecalmer?–Çaveutdirequ’unpeudetempsloinl’undel’autrepeutnousfairedubien.–Quoi?Non!Jecroyaisavoirdéjà touché le fond,maisapparemment j’étaisenchute libredansun

puitssansfond.Touteladouleurquej’avaispuressentirparlepassén’étaitriencomparée

àcelle-ci.Lamortdemesparents,maguérison,mêmelatrahisondeHudsonlorsqu’ilavaitcruCeliaplutôtquemoi–toutçan’étaitrienàcôté.

– C’est pour notre bien, dit-il en prenant sa veste, qu’il avait laissée sur le dos ducanapé.

Ilmefallaitdirequelquechose–n’importequoi–pourlefairerester.Maisjenetrouvaipas lesmots. Ses dernières paroles passaient en boucle dansma tête. Pourquoi voulait-ilêtreseul?Parcequejeluiavaisdemandéd’êtrehonnête?

– Tu dis que tu tiens àmoi de tout ton cœur, etmaintenant tume dis que tu veuxqu’onsequitte?

–Non,s’empressa-t-ilderépondre,leregardpleindetristesse.Pasqu’onsequitte,mabelle.Mais jepensequ’unepausepeutnous fairedubien.Celanous laissera le tempsdedécidercommentgérercettesituation.

Sesparolesétaientpleinesdecompassionetdetendresse,maisellesnefirentrienpouramoindrirmadouleuretmacolère.

–Tuveuxdirequ’ilmefautdutempspourmecalmer.Pourarrêterd’êtrehystérique.–Non,onatouslesdeuxbesoindesecalmer,Alayna.J’essuyaimeslarmesdureversdelamain.– Je ne sais pas d’où tu sors tes définitions, mais ça ressemble énormément à une

séparation.–Sic’estainsiquetuveuxledécrire.–Jeneveuxriendécriredutout!Jeneveuxpasqu’onsesépare!–J’espèrequeçaneseraquetemporaire.Ilpassadevantmoienprenant soindenepasme toucher. Ilprit sonattaché-caseet

vérifiaquesontéléphoneetsonportefeuilleétaientdanssespoches.OhmonDieu.Ilpartaitvraiment.Ilallaitvraimentpartir!«Hudson!»Ilsetournaversmoietjecourusàlui.«Jet’ensupplie!Neparspas!»

m’écriai-jeenm’accrochantàlui.Ilrestafroidetimpassibleetilpritsoindenepascroisermonregard.–Jefaisçapourtoi,Alayna.Pournousdeux.Jenesupportepasdetefairedumal,et

çamedétruiraitdeteperdre.Maisilyadeschosesquejenepourraijamaistedire.Onestdevantuneimpasse,commetudis.Parcequetunepeuxpassupporterdenepassavoir,etmoijenepeuxpascontinuersanstaconfiance.

–Jetefaisconfiance,Hudson.J’apprendraiàvivreavectonsilencesijeledois.Jemedébrouillerai.Maisjenepeuxpasteperdre!

J’étaisdésespérée,jefaisaisdespromessesquejenepourraisjamaistenir.Ilmeregardaenfindanslesyeux.– Tu ne vas pasme perdre. Je prends simplement un peu de recul. Peut-être que je

peux…

Ilsemblaseperdredanssespenséesetjem’agrippaiàtoutcequ’ilpouvaitproposer.–Tupeuxpeut-êtrequoi?Maisiln’avaitrienàproposer.–Jenesaispas.Ilmefautdutemps.Ilrepoussadélicatementmamainetmefitreculerdequelquespas.–Tuvasoù?C’estici,tamaison!–C’est la tienneaussi.Jevaisallerau loft,dit-ilensedirigeantvers l’ascenseur, sans

plusmeregarder.–Hudson,nefaispasça!Neparspas!–C’esttemporaire,mabelle.Maisjenesupportepasdetevoircommeça.–Commequoi?Commeunefolle?J’avaistoujourseupeurqu’ilnesupportepasdemevoirdanscetétat,dansmonpire

état,mais j’avais imaginé qu’il serait toujours àmes côtés, comme ilme l’avait si souventpromis.

Encoreunefois,j’avaiseutortdelecroire.–Oui, je suis folle.C’est lapersonneque je suis,Hudson.Çaa toujours faitpeuraux

gens,mais je n’ai jamais cru que ça te ferait peur à toi aussi. Et voilà que tu t’enfuis. Jecomprendsmieuxpourquoi tupensesque jenepeuxpas supporter tes secrets.Tupensesprobablement que je réagirais comme tu es en train de le faire, mais je ne suis pas unelâche,Hudson!Jepeuxlessupporter.Jenetefuiraipas.

Ilsetournaversmoi,laminedécomposée.–Jenetefuispas,Alayna.Jefaisçapourtesauver.–Mesauverdequoi?–Demoi!s’exclama-t-il.Nous nous regardâmes droit dans les yeux plusieurs secondes, puis il appuya sur le

boutondel’ascenseur.–Jet’appelleplustard.Demain,peut-être.–Hudson!–Je…jenepeuxpas,Alayna.Ilentradansl’ascenseur,leregardrivéausoltandisquelesportesserefermaient.Hudsonétaitparti.

CHAPITRETREIZE

Je pleurai pendant si longtemps après son départ que j’ai bien cru que j’allais

m’évanouird’épuisement.Cene futpas le cas. J’ai essayédem’endormir, rouléeenbouledans le lit, mais il était bien trop grand sans Hudson. En outre, j’eus beau empiler lescouettesetlescouvertures,jegrelottaisdefroid.Jefinisparallerdanslabibliothèqueboirequelques shots de tequila pourme réchauffer, puis je choisis un film parmi ceux qu’avaitcommandésHudson.Titanic.J’étaisdéjàdéprimée,aprèstout,autantyallercarrément.

Jefinisparm’endormirunpeuavantquelepaquebotnepercutel’iceberg.Lorsquejemeréveillailelendemainmatin,mesyeuxétaientrougesetgonflésetj’avaisunmaldetêteatroce.J’aid’abordpenséquej’avaisbesoindecaféine,maisl’absenced’odeurdecafédanslepenthousemerappelacelledeHudson.C’étaitluiquilemettaitenroutetouslesmatinsavantdepartirtravailler.Celasuffitàmefairefondreenlarmesencoreunefois.

Peut-êtreavait-ilappelé?Je cherchai frénétiquementmon téléphone et finis par le retrouver sous les coussins.

Merde,plusdebatterie.J’étaissiaccabléedechagrinlaveillequejen’avaispaspenséàlemettre à charger. Après l’avoir branché dans la bibliothèque, je fis mon propre café ettrouvaiuneboîted’Ibuprofendansl’armoireàpharmaciedelasalledebain.

Jepassai sous ladouche,enespérantque l’eauchaude feraitdégonflermesyeux.Cefutpeut-êtrelecas,maisjenemesentispasmieuxpourautant.Lorsquejesortis,jepassaiunmoment àme regarderdans lemiroir embué.Cela reflétait à la perfection lamanièredont jevoyaisdésormaisHudson :derrièreunépaisbrouillard,conscientequ’il cachaitunsecret sous la surface. Si seulement il suffisait de tendre la main pour effacer la buée etdécouvrirsonsecret!Siseulementilmelaissaitentrer–siseulementc’étaitaussisimplequeça.

Hélas,cen’étaitpaslecas.Ilnemerestaitplusqu’àespérerqu’ilm’aitécritouappelée.Jem’habillaietmerassissurlecanapédelabibliothèquepourallumermontéléphone.

Rien.

Jedécidaideprendrelesdevantsetdeluienvoyerunmessage.Rentreàlamaison.J’attendiscinqminutesetnereçuspasderéponse.J’envisageaide lui réécrire,mais il

était au travail, je ne devais pas le déranger. Enmême temps, il était censém’aimer. S’iltenaitencoreàmoi,ilrépondrait.

Je fus alors la proie d’une intense lutte intérieure. Harceler celui que j’aimais en luienvoyantdesdizainesdemessagesouenl’appelanttouteslesdixminutesavaitjadisétémaplus grosse faiblesse. Pendant plus d’un an après avoir commencéma thérapie, jem’étaisinterditdeposséderuntéléphone,tantlatentationétaitgrande.Ausommet–ouplutôtaufond–demonobsession, jepouvaissatureruneboîtevocaleenl’espaced’uneheure.PaulKreshavaitdûchangerdenumérodetéléphonequandje luiavaisécritnon-stoppendantsoixante-douzeheures.

Même avec Hudson, je devais réfléchir à chaque message que je lui envoyais et jen’écrivaispastoutcequejepensais.C’étaitdur,maisj’avaisréussiàmecontrôler.

Aujourd’hui,jem’encontrefichais.J’écrivisdoncunnouveaumessage,puisunautre,etencoreunautre,espaçantchacun

dequelquesminutesàpeine.Quoi,tuvasm’évitermaintenant?Lemoinsquetupuissesfaire,c’estdemerépondre.Tuasditquej’étaistoutpourtoi.Nem’ignorepas.Jen’enparleraiplussic’estcequetusouhaites.C’estinjuste.Est-cequecen’estpasmoiquidevraisêtreencolère?J’étais sur le point d’en écrire un autre lorsquemon téléphone vibra dansmamain,

m’annonçantquej’avaisreçuunmessage.C’étaitlui.Jenesuispasencolère.Jenet’évitepas.Jenesaispasquoidire.

C’étaitvéritablementlachoselaplusfollequej’avaisentenduedepuisplusieursjours.Ilsavaittoujoursquoidire,quoifaire.Sinotreséparationavaituneffetsidévastateursurlui,pourquoin’étions-nouspasensemble?

Jeluirépondisaussivitequemelepermirentmesdoigts.Nedisrien.Maisrentreàlamaison.–Jenepeuxpas.Nousavonsbesoindetemps.J’avais espéré y voir plus clair après une nuit de sommeil. Cependant, je ne savais

toujourspascequej’étaiscenséefairedecetempsdontj’avaisbesoin,àencroireHudson.Jen’aipasbesoindetemps.C’estdetoidontj’aibesoin.–Onparleraplustard.–Tunecomprendspas.Ilfautqu’onparlemaintenant.Jecontinueraiàt’écrire.Jenepeux

pasm’enempêcher.–Etjeliraichacundetesmessages.

Je faillis sourire en lisant son dernier sms. Alors que j’avais été ignorée ou traitée defollependanttantd’années,Hudson,lui,acceptaitmestendancesobsessionnelles.Maisungentilmessagene suffisaitpasàeffacermonchagrin. Je commençaiàécrireune réponse,puisjemeretins.

Qu’est-cequejefaisais?Peuimportequemesancienneshabitudessoientmalsainesounon–pourquoicouriraprèsunhommesurquiçan’avaitaucuneffet?Enoutre, iln’avaitcesséderépéterqu’ilaimaitquejesoisobsédéeparluicarilsesentaitvalorisé,vénéré.

Ehbienqu’ilaillesefairevoir.Si Hudson voulait se sentir aimé, il n’avait qu’à rentrer pour régler notre problème.

C’était vrai, nous avions des passés douloureux et nous découvrions tous les deux ce quesignifiaitd’êtreencouple.Cependant,tôtoutard,ilallaitbienfalloirquel’ongrandisseetque l’on assume nos actes. Je voulais le faire aux côtés de Hudson – plus que tout aumonde.Maiss’iln’étaitpasprêt,monamourpourluin’ychangeraitrien.Jenepouvaispasêtrelaseuleàmebattre.Ildevaitfairedesefforts,luiaussi.

Le moment où j’ai reposé mon téléphone et où j’ai quitté la pièce fut un des plusintensesdemavied’adulte.Maiscommejen’étaispasasseznaïvepourpenserquejeseraissuffisamment forte pour résister longtemps à la tentation, je décidai de sortir del’appartement.

– Tu cours, n’est-ce pas ? demandai-je à Jordan, qui décrocha après la premièresonnerie.

–MademoiselleWithers?–Tuétaisdanslesforcesspéciales,donctuesforcémentsportif,non?J’y avais pensé avant,maisHudson était tellement opposé à cette idée que je l’avais

laisséetomber.OrHudsonn’étaitpluslà,désormais.–Jesupposequecelafaitdetoiunboncoureur?–Oui,jesuppose.– Très bien. J’aimerais faire un footing, mais Hudson ne veut pas que je sorte sans

gardeducorps.Jeseraiprêtedansquinzeminutes.–Jeserailàdansdixminutes,mademoiselleWithers,répondit-il.–Merci.Jefusétonnéequecesoitsifacile:autantenprofiter.–EtJordan,appelle-moiLaynie,s’ilteplaît.Jesaisquetun’espascensélefaire,mais

jemefichedesrèglesdébilesdeHudson.Jepasseunejournéepourrieetj’auraisbienbesoind’unami.Mêmesitunel’espasvraiment,tupourraisfairesemblant,s’ilteplaît?

–Vousdevriezmeconnaîtreassezpoursavoirque jenesuispas trèsdouépour fairesemblant,répondit-il.Maisjesuisuntrèsboncoureur.Préparez-vousàvousfairebotterlesfesses,Laynie.

Je souriais presque lorsque je le retrouvai dans le hall de l’immeuble. Tout ça étaitnouveaupourmoi; jen’avaispas l’habitudequelaviecontinuequandmoncœurétaitenlambeaux.Quiauraitcruquec’étaitpossible?

***

Jordan tint parole, il prouva qu’il pouvait me mettre la pâtée. Les dix kilomètressemblèrentàpeinel’essouffler,alorsqu’ildutpresquemeporterpourrentrerà lamaison.J’accueillismonstressphysiqueàbrasouverts,carilreflétaitparfaitementmonétatd’esprit.Quant à la montée d’adrénaline et d’endorphine, cela ne rendit pas mes pensées moinslugubres mais me permit de prendre conscience que je pouvais surmonter ce momentdifficile.

Deretouraupenthouse,jemedouchaietm’habillaiavantd’allervoirmontéléphone.Jeparcourusmaboîtederéceptionàlarecherched’unmessagedeHudsonetn’entrouvaiaucun, ce que j’eusdumal à encaisser. Il avait dit qu’il ne répondrait pas,mais j’espéraisqu’il ait changé d’avis. Après tout, vingt-quatre heures plutôt, il me disait que j’étais lecentredesonunivers.Lepensait-ilencore?

Jenepouvaispaslecroire–lespreuvesn’étaientpasenmafaveur,maisjen’avaispaslaforcedel’accepter.

J’avais besoin d’une distraction et je décidai d’appeler mon frère. Nous parlâmespendantplusd’uneheure,cequiétaitunrecord.Ensuite, j’appelaiÉlise.Noustravaillionstoutes les deux ce soir-là, c’était l’occasion d’aller faire un peu de shopping et de dîneravant.Jen’avaispaslatêteàça,maisjemesentaiscapabledefairesemblant.Etpuis,avecÉlise,aumoins,jenepleuraispas.

LajournéeavaitdéjàétébienremplielorsqueJordannousdéposaauSkyLaunch.– J’ai terminémon service, Laynie, dit mon garde du corps en refermant la portière

derrièremoi.Reynoldvousattendlà-haut.Eneffet,jel’aperçusdevantlaportedeservice.Je ne l’avais jamais fait auparavant, mais je ressentis soudain le besoin de prendre

Jordandansmesbras.–Merci,fis-jed’unevoixrauque.Quandj’aieubesoindetoi,tuétaislà.Jordanposasurmoiunregardpleindecompassion.–Jenedevraispasvousdireça,maisvousdevriez savoirquemonsieurPierceestun

hommecompliqué.–Ouais,ouais,jesais.Je n’avais aucune envie d’entendre quelqu’un prendre la défense de Hudson, mais

Jordanpoursuivitnéanmoins.

–Cependant,même si la situation est complexe, il faudrait être aveugle pournepasvoiràquelpointiltientàvous.

–Ahbon?rétorquai-je.Jepensaiscommeluijusqu’àhierausoir,maisqu’enétait-ilàprésent?–Peut-êtrequevousnelevoyezpas,dit-ilenmeserrantlebras.Maispourmoi,c’est

évident.Etj’espèrequ’iltrouveracommentvouslemontreravantquevousnesoyezpartiepourdebon.

JeregardaiJordanmonterdanslavoitureetpartir.Moi?Partiepourdebon?C’étaitHudsonquiétaitparti!C’étaitluiquim’avaitpromis

deresteràmescôtéscoûtequecoûte.C’étaitencoreHudsonquiavaitparlédemariageàpeinequelquesjoursplustôtetquivenaitdem’abandonner.

Soudain, jefushorrifiéeàl’idéequeJordanpuisseavoirraison,etquecequeHudsonressentaitpourmoiétaitévident.Etdoncqu’ilneressentaitplusrien,puisqu’iln’étaitpluslà.Jememordislalèvreetravalaimeslarmes.

Élisesaisitmonbrasetmeguidaverslaporte.–Tun’enasjamaismarredetesgardesducorps?demanda-t-elleenessayantdeme

changer les idées. Tu me diras, je crois que je ne me lasserais pas de ce Jordan : il estvraimentbeaugosse.

–Etgay,aussi.–Forcément.Maispeut-êtrequ’iln’estpascontredenouvellesexpériences.–Tuplanes,Élise, dis-je en riant, cequim’étonna, étantdonné la souffrancequime

suivait partout. Tu sais, même si j’aime mon indépendance, j’ai fini par m’y habituer.Cependant, je ne comprends vraiment pas pourquoi j’ai besoin d’en avoir un au club.D’ailleurs…

Nousvenionsd’arriverdevantReynold.–Salut!Voussavezquoi?Jevouslibèredevotresoirée.Iléclataderire.–Jesuissérieuse.Jesaisquec’estHudsonquial’autoritédevousaccorderdescongés,

maisiln’estpaslà.Etjevaispasserlanuitauclub.Ilyadesvideursetdesvigilespartout,doncilnepeutrienm’arriver.

Jenesaispaspourquoij’avaistellementenviequeReynoldparte,maissoudainçameparut primordial. Peut-être voulais-je défier Hudson. Après tout, s’il n’était pas prêt à sebattrepournous,jen’avaisaucuneraisondefairedesconcessions.J’étaisbeaucouptropencolère.

Etpuis,jemesentaisforte.Jen’avaispasbesoinquequelqu’unmesuivepartout,etjen’avaispasvuCeliadepuisplusieursjours–peut-êtres’était-ellelasséedesonpetitjeu.

–Jevousrevoisplustard,quandj’auraiterminé,d’accord?–Euh,d’accord.Àtroisheures.Euh,jeserailààtroisheures,bégaya-t-il,confus.

–Super.Cettepetitevictoiresuffitàmeredonnerducourage.Jenesavaispascommentj’allais

tenir jusqu’à la fermeture,mais j’avais désormais l’impression que je pouvais y arriver. Jen’avaispasoubliémonchagrin, jenecessaisdepenseràHudson,maismonmalheurétaitpresquesupportable,àprésent.

PasserdutempsavecÉlisem’avaitbeaucoupaidée.Nousnenousétionspasbeaucoupvuescesdernierstemps,etnousavionsdestasdechosesànousraconter.Jel’avaismiseaucourant des derniers événements, y compris du harcèlement de Celia et des secrets deHudson.Çaavaitétédéprimant,maiscathartique.

–Peut-êtrequeHudsonestdanslaCIA,ditÉlise,tandisquejeluidonnaislacaissedubar.EtqueCeliaestsapartenaire.Ilapeut-êtredésertésamissionetmaintenantelleessaiedelerécupérerpourlesauver.

Sesidéesfollesétaientpresquedivertissantes.–Cettefois-cijepensequetutienslabonne.Ellememituncoupdehanchepourprendremaplacedevantlacaisse.–Tudevraismeprendreausérieux,Laynie.Jesuissûrequej’airaison.–Désoléed’avoir–commentappelle-t-onceladéjà?Ahoui–lespiedssurterre.–Onaccordetropd’importanceàlaréalité,répondit-elleenpassantunemaindansses

cheveuxviolets.–N’est-cepas?m’exclamai-jeensouriant.Après cela, nous fûmes prises par le va-et-vient des clients au bar.David avait formé

Gwenlaveilleetelleavaitsuffisammentd’expériencepoursavoirquoifaire,maisc’était lapremièrefoisquejepouvaisl’observer.Jeremarquaiqu’ellesuivaitbienleschangementsdecommandesetlesencaissements,etqu’elleneselaissaitpasfaireparlesclientsdésinhibéspar l’alcool.Elleétaitdouéeet jeneregrettaispasmadécisiondel’avoirengagée,surtoutmaintenantquemonavenirauSkyLaunchétaitincertain.

Je tressaillis et réprimai un sanglot. Je ne pouvais pas penser à cela. Pas ici, et pasmaintenant. Peut-être étais-je aussi naïve et obstinée qu’à l’époque de Paul Kresh ou deDavidLindt,maisj’essayaidemeconvaincrequetoutallaitbienentreHudsonetmoietquecen’étaitqu’unemauvaisepasse,qu’ons’enremettrait.

Jenesaispaspourquoi,çaavaitétéplusfacilepourmoiparlepassé.J’espéraiquecelaconcernait plus ma santé psychologique – désormais meilleure – que mon avenir avecHudson.

***

Versvingt-troisheuresenviron,jevisCelia.

Je venais de descendre du premier étage pourm’assurer que tout allait bien au barprincipal.Jem’étaisfaufiléederrièrelecomptoir,auxcôtésd’Élise,pourobserverlafouleetprendrenotedel’ambiance.

Lapistededanseétaitentouréede tablesetde fauteuilsquiétaient tousoccupés tôtdans la soirée, puisque c’étaient lesmeilleures places. J’avais remarqué une femme assiseseuleàunetable.C’étaitétrange,personnenes’asseyaitseulauSkyLaunch.

C’étaitCelia, vêtued’un jean et d’undébardeur blanc,moulant, les cheveux lâchés –rienàvoiravecsonstyleBCBGhabituel,àtelpointquej’eusdumalàlareconnaître.Maislorsqu’ellecroisamonregard,ellemelançaunsouriremachiavélique.Jecomprisquejenemetrompaispas.

–OhmonDieu,m’exclamai-jeenempoignantÉliseparlebras.–Quoi?Qu’est-cequ’ilya?Jemesuisplantéedanslacommande?demanda-t-elleen

écarquillantlesyeux,paniquée.– Non, elle est là ! Celia est là ! Je désignais la femme qui ne m’avait toujours pas

quittéedesyeux.–Cellequitesuitpartout?Tuveuxquej’ailleluicasserlagueule?demanda-t-elleen

suivantmonregard.–Non,répondis-je,mêmesisonidéeétaittrèsséduisante.Élisecontinuad’étudierCelia.–Nem’enveuxpasmaiselleestcanon.Pasautantquetoi,mais jeme la feraisbien,

dit-elleenmemettantunpetitcoupd’épaule.Biensûr,c’esttoimonplusgrandfantasme.–Wouah.Jen’enrevienspasqu’ellesoitvenueici.Peut-être devrais-je rappeler Reynold, pensai-je un instant avant de changer d’avis.

Avec tout lemondequim’entourait, quepouvait-elleme faire ?Son regard insistant étaitplus énervant qu’autre chose. J’avais la chair de poule malgré mes efforts de ne pas melaisserperturberparsaprésence.Ehbien,j’avaistenutroisheuressanscraquer,c’étaitdéjàpasmal,non?

–Qu’est-cequisepasse?demandaDavid.Je n’avais pas vu Gwen et lui nous rejoindre. Cela signifiait qu’il était temps de se

remettre auboulot. «Rien », répondis-je. Il était horsdequestionque jeparledeCelia àmonexetàuneemployéequejeconnaissaisàpeine.

Apparemment,Élisen’étaitpasdumêmeavis.–Lananalà-bas,cellequiesttouteseule,harcèleLaynie.–Élise!m’écriai-jeenluifrappantl’épaule.–Jerefused’êtrelaseuleaucourant.Iltefautdesrenforts!Etsielletefaisaitquelque

chose?SielledécidaitdemettreduGHBdanstonverre?–Tuasraison,jepicoletoujoursquandjetravaille.Éliseétaitmameilleureamiemaisellen’étaitpastoujourstrèsperspicace.

–Tute faisharcelerparquelqu’un?demandaGwenenhaussantunsourcil.Waouh,tuespluscoolquejenelepensais!

–Cen’est pas…Ellen’est pas…Jene saismêmepaspourquoi…C’est compliqué. Jeseraidanslebureau,sivousavezbesoindemoi,dis-jeenpartantsansmeretourner.

LaprésencedeCeliam’avaitcomplètementdéstabilisée,etvul’étatdemesnerfs,celapouvait suffire à me faire craquer pour de bon. Je me mis à faire les cent pas dans lebureau,j’essayaisderetrouverlecalmedanslequelj’étais–nonsansmal–quelquesheuresplustôt.

LorsqueGwenetDavidarrivèrent,jefaillisleurdiredemelaisserseule.–Est-cequeçava,Laynie?demandaDavidd’unevoixdouceethésitante.–Non.Oui.Toutvabien.Jesuisjuste…Je secouai la tête, incapable de finirma phrase. J’étais oppressée, j’avais l’impression

quematêteallaitexploser.– Eh bien, parle-nous d’elle, dit Gwen. Son nom, comment tu la connais, n’importe

quoi.– Elle s’appelle CeliaWerner, répondis-je immédiatement, surprise d’avoir envie d’en

parler.–Wernercomme…WernerMedia?demandaDavidquisuivaitlemondedesaffaires.–Toutàfait,confirmai-je.Davids’approcha,l’airinquiettoutàcoup.–Cen’estriendegrave,David.Ellen’aimepasquejesoisavecHudson,c’esttout.–C’estsonex?demandaGwen.–Ouais.Lorsque j’avais dit cela en thérapie, c’était par souci de simplicité. Maintenant que

j’avais vu la vidéo, c’était ce dont j’étais convaincue. Pour lamillième fois, je repensai aubaiser qu’elle avait échangé avecHudson.Qu’avaient-ils fait d’autre ? Jusqu’où allait leurintimité?Avait-ilcouchéavecelle?

Jemeforçaiàdéglutirpournepasvomir.– Et à présent, elle essaie de me faire peur en débarquant partout où je vais. En

m’envoyantdesmessages,etainsidesuite.– Tu veux qu’on la mette dehors ? Je peux appeler Sorenson, c’est lui qui surveille

l’entrée,cesoir.L’instinctprotecteurdeDavidétaitplussubtilqueceluideHudson.–Ellenevapasmefairedemal,répondis-je.–Tuenessûre?insista-t-ilenposantsamainsurmonépaule.–Non,dis-jeenfaisantunpassurlecôté.Songesteavaitbeauêtreparfaitement innocent, j’avais l’impressionde trahirHudson

enlaissantDavidmemontrersonaffection.

–Maisjeneveuxpaslalaissergagner,ajoutai-je.–Commetuvoudras,dit-il.Son langagecorporelm’indiquaitque je l’avaisvexé.C’étaitunebonnechosepour lui

qu’ilparte.Gwenretournaunechaiseets’assitdessusàcalifourchon.–Lafaçondontelletefixeestvraimentflippante.–Ouais,jesais.Jen’étaistoujourspassûred’avoirenviequeGwenensacheautantsurmavieprivée.–Onpourraittoujoursmettrequelquechosedanssonverre…dit-elle.Tiens,j’aimaisbiensafaçondepenser.–Commequoi?–Jenesaispas.Delabave?Jeparvinsàsouriresansavoiràmeforcer.D’accord,Gwenétaitréellementcool.Peut-

êtrequej’avaisbesoind’avoirplusdegensprochesdemoi–endehorsdeHudsonetdesafamille.MaconversationavecBrian,lefootingavecJordan,monaprès-midiavecÉlise,toutcelam’avaitrappeléqu’ilexistaitunmondeendehorsdelabulledanslaquellejevivais.Unmondeavecdesamisetdescentresd’intérêtquej’avaiscomplètementoubliés.

QueHudson etmoi ayonsun avenir ensemble oupas, j’avais une vie àmener. Jenepouvaisignorerlesgensquienfaisaientpartieenespérantqu’ilsseraientencorelàlorsquej’auraisbesoind’eux.GwenfaisaitdésormaispartieduSkyLaunchetde la famille, ilétaitgrandtempsdel’accepter.

Cependant,cen’étaitpasuneraisonpourtoutluiraconter.–Voussavezquoi?Jevaisbien,mentis-je.Nevousinquiétezpas.Retournonsensalle.

Aumoinsonpourralasurveiller.Gwen prit les devants et nous retournâmes dans le club. Les lumières et lamusique

auxquellesj’étaistellementhabituéemecalmèrentinstantanément.Soudain,Gwens’arrêta.Jemecognaicontre sondos. «Ah,elle saitqu’onaparléd’elle.Elleappelledes renforts,expliqua-t-elleendésignantCelia.Tuvois?»

Eneffet,Celiaétaitautéléphone.C’est alors qu’Élise vint versmoi enme tendant le téléphone du bar dont le fil avait

presqueatteintsalimite.«Tevoilà,Laynie.Ilyaunappelpourtoi.»–Merde!s’exclamaGwenenécarquillantlesyeux.Est-cequeCeliam’appelait?–Laisse-moirépondre,proposaDavid.–Pourdirequoi?fis-jeensecouantlatête.Jevaisrépondre,çava.Qu’allait-ellebienpouvoirmedire,detoutefaçon?Jeprisletéléphoneetfussurprise

quemamainnetremblepas.«Allô?»–Alayna,oùestpassétongardeducorps?

Lavoixà l’autreboutdu filmechoquadavantageencoreque si çaavait été celledeCelia.«Hudson»,dis-jeenregardantmescollèguespourqu’ilssachentàquijeparlais.«Jevaistrèsbienettoi?»

Devais-je ressentir de la déception ou de la joie ? D’un certain côté, j’aurais presquepréféré que ce soit Celia qui m’appelle. J’avais de plus en plus envie de l’affronter. Del’autre,ils’agissaitdeHudson.Hudson!J’avaisrêvéd’entendresavoixtoutelajournée–jemecontrefichaisdesraisonsdesonappel,ilm’avaitappelée,c’étaitsuffisant.

–Ah,cen’estpaselle,ditGwen.Quelletrouille!–Elleécoutaitprobablementsesmessages,jenel’aipasvueparler,ajoutaDavid.JeregardaiCeliaquirangeaiteffectivementsontéléphonedanssapoche.–Tupourraisrépondreàmaquestion,s’ilteplaît?demandaHudson.Ilmefallutquelquessecondespourmesouvenirdecequ’ilm’avaitdemandé–ahoui,

legardeducorps.J’avaisbeauêtreheureused’entendresavoix,jen’avaisaucuneintentiondeluifaciliterleschoses.

–Qu’est-cequeçapeuttefaire?–Bonsang,Alayna!Il cria si fort que je dus éloigner le téléphone demon oreille. Après tout, j’aurais dû

m’attendreàcequeReynoldleprévienne.–Jeluiaiaccordésasoirée.Jemesuisditquejen’avaispasbesoindeluiauclub.–Ettupensestoujourslamêmechose?demanda-t-ild’untonsarcastique.–Jevaistrèsbien!Aveclesvigiles,lescamérasetlesvideurs…Ilmefallutunesecondepourréalisercequ’ilvenaitdedire.–Commenttusaisqu’elleestlà?demandai-je.–Parcequejesuisdehors.– Tu es dehors ? Pourquoi tu es dehors ? demandai-je alors quemon cœur semît à

battrelachamade.Ilnes’étaitpascontentédem’appeler,ilétaitlà!–Élise,attrapeletéléphonesansfil,vite,dis-jeencouvrantlemicro.–Dieumerci, c’estmoi qui emploie tongardedu corps, pas toi, poursuivit-il. Tun’as

pasledroitdelerenvoyerchezlui.Jen’aipasledroit?Bonsang!–EtquandilaremarquéqueCelia…Élisemetenditletéléphonesansfil.«Merci»,chuchotai-je.–Alayna,tum’écoutes?–Oui.Maisjetravailleaussi,tusais,dis-jeendécrochantletéléphoneavantdetendre

l’autreàÉlise.Vas-y,jet’écoute,dis-jeenfonçantverslasortie.SiHudsonétaitlà,jevoulaislevoir,jevoulaisvoirsonregardetsonexpression,liresur

sonvisagequ’ilsouffraitautantquemoi.

–Quand ilavuCeliaentrerdans leSkyLaunch, ilm’aappelé,commeilestcensé lefaire,etilm’ademandés’ildevaitrentrer,puisquetunevoulaispasdelui.Jeluiairéponduquenon.DoncReynoldseralà,quetuleveuillesounon.

–Trèsbien,fais-leentrer,répondis-je.–C’estdéjàfait.–Bienévidemment.J’étaispresqueenbasdelarampe.C’étaitl’heureàlaquellelegrosdesclientsarrivait,

et j’avançais à contre-courant. «Mais pourquoi tu es là ? Tu aurais pu faire tout ça partéléphone.»

Est-cequ’ilvoulaitmevoiràcepoint?Ilneréponditpastoutdesuite.«Jevoulaism’assurerquetuallaisbien»,dit-ild’une

voixplusdoucequinefitqu’augmenterladouleurdansmapoitrine.«Jevaisbien.»Enfin,commeHudsondormaittoujoursauloft,peut-êtren’était-cepas

labonneréponse.«Jesuisensécurité,entoutcas.»–Tantmieux,dit-ilenseraclantlagorge.Alorsonseparleplustard.–Hudson,attends!m’exclamai-jealorsquej’arrivaisàlaporte.Jerestaicachéederrièrelevideurpournepasqu’ilmevoie.–Qu’est-cequ’ilya,Alayna?Jeregardaiàdroiteetàgaucheetfinisparlevoir,deboutàcôtédesaMercedesaux

feux de détresse allumés. Bien qu’il soit tard, il était en costume – est-ce qu’il travaillaitencore?Était-ilvraimentvenujusqu’auclubpourrepartirsansm’avoirvue?

Mesparolesetletondemavoixtrahirenttoutelasouffrancequim’habitaitdepuisqu’ilétaitpartilaveille.«C’esttoutcequetuasàmedire?»

–Pour l’instant, oui,dit-il en sepassant lamaindans les cheveux.Tues en sécurité.C’esttoutcequicompte.

Ils’étaitinquiété,celas’entendaitetsevoyait:sescheveuxétaientébourifféscommes’ilyavaitpassélamainplusd’unefois,etsonagitationétaitvisible.

Çanemesuffisaitpas.S’il tenaitvraimentàmoi,àcet instant, jeseraisalléedanssesbras,aulieudemecacher.C’estluiquiauraitcherchéàmevoir,etnonl’inverse.

– Tu ne penses pas que si tu disais simplement à Celia que tu m’as quittée, ellearrêteraitdemeharceler?

Ilsecoualatête,bienqu’ilnesachepasquejel’observais.–Jenet’aipasquittée.–C’estl’impressionquej’ai,entoutcas.Ilappuyasamainsurletoitdesavoitureetregardaendirectionduclub.–C’estcequetusouhaites?«Non!»Jamais!«Non.Jeveuxseulementlavérité.C’esttout.»Levideurfitunpassurlecôté,etHudsoncroisamonregard.

Nous nous dévisageâmes pendant plusieurs secondes. Même à quelques dizaines demètres l’unde l’autre, la tensionentrenousétaitperceptible–une tensionquin’étaitpasseulement due au désir. C’était un courant chargé d’émotions qui jaillissaient du plusprofond de nos cœurs. Nous étions si intensément connectés que, pour la première foisdepuislaveille,jemesuismiseàespérerquetoutn’étaitpasperdu.

Et puis il rompit l’échange, tournant la tête vers la fenêtre passager de la voiture,commes’ilparlaitavecquelqu’unàl’intérieurdelavoiture.

Jefisunpasenavantpourmieuxvoir.–MonDieu,Hudson, est-ce que tu es…Tu es avecNorma ? demandai-je, alors que

monventreseserrait.–Pasmaintenant,Alayna.J’avançaiversluid’unpasrapide.–Tutefousdemoi?Çafaitàpeinevingt-quatreheuresettuesdéjàavecelle?Ilfitletourdelavoiturejusqu’aucôtéconducteurets’yengouffra,claquantlaporteen

réitérantsonexcusehabituelle:«C’estpourletravail!»J’accélérailepas,mêmesijesavaisquejenepourraispaslerattraperàtemps.–Àcetteheuredelanuit?Ilétaitencostumeetilsétaientseuls.Meprenait-ilvraimentpouruneidiote?– C’est… Je ne veux pas faire çamaintenant, dit-il, pendant que la voiture s’insérait

danslacirculation.Tunepeuxpasmefaireconfiance,Alayna?–NonHudson,parcequetunemedisjamaislavérité!m’écriai-jeensuivantdesyeux

lesfeuxarrièredelaMercedesquidisparaissaientparmidescentainesd’autres.Finalement,c’étaitpresquecomiquedemedemanderdeluifaireconfiancealorsqueje

venaisdelesurprendreenpleinrencard.–Jedoisyaller.Jenepeuxpasteparlerpendantquejeconduis.J’entendais la voixdeNormaenarrière-plan. Jevoulaisqu’ilm’accorde sonattention

–àmoi–etnonàelle.–Attends,ne…–Aurevoir,Alayna.–…raccrochepas!Lebruitdelatonalitéremplaçalesondesavoix.«Etmerde!»,m’écriai-jeenjetantle

téléphoneparterre,oùilvolaenéclats.«Laynie,est-cequeçava?»LavoixdeDavidnem’apasétonnée,niréconfortée.Je

savaisqu’ilfiniraitparvenirmerejoindre.C’étaitmignon–simplement,j’auraispréféréquecesoitcelled’unautre.

–Ouais,mentis-je.Jeme sentaisépuisée, sur lepointdem’écrouler sur le trottoir,presque incapablede

marcherjusqu’auclub.

Mais je fis preuve de caractère. Je pouvais attendre d’être seule chez moi pourm’effondrer.

– Ouais, je vais bien, répétai-je. J’ai cassé le téléphone, dis-je en me baissant pourramasserlesmorceaux.

Davids’accroupitàmescôtéspourm’aider.–Techniquement,c’estceluidePierce.– Eh bienme voilà soulagée. C’est drôle, c’est le deuxième téléphone que je casse à

causedelui.–C’estpeut-êtreunsigne.–Peut-être.JesavaiscequeDavidvoulaitqueçasignifie,maisjepréféraisnepasypenser.Lorsquenouseûmesramassé tous lesmorceaux,Davidserelevaetmetendit lamain

pourm’aideràmerelever.Jelaprisàcontrecœuretilnelalâchapasimmédiatement.Pisencore,jenelaretiraipasnonplus,etDavidplongeasonregarddanslemien.

–Jenevaispastedemanderlapermission,parcequejesaiscequetuvasrépondre.Jevaislefairequandmême.

–Quoi?demandai-jeavantqu’ilnem’attiredanssesbras.«Oh.»–J’ail’impressionquetuasgrandementbesoind’uncâlin.Jen’hésitaiqu’unesecondeavantdemelaisserfaire.Davidétaitpourmoiunamiqui

me réconfortait. Il pouvait interpréter ça comme il le voulait, toutefois il avait raison depenserquej’enavaisbesoin.

Ilmeserraunpeuplusfortetsonparfummeparutsoudainétrange.Cesbrasn’étaientpasceuxdont je rêvais. Jeme libéraide sonétreinteaussidélicatementquepossible. « Jepensequejedevrais…»

Davidme laissa faire, lesyeuxrivés sur laporteduclubderrièremoi. «Regarde,elles’enva.»

En me tournant, j’aperçus Celia. Elle avait vu notre câlin, j’en étais certaine. Peum’importait.EllepouvaitledireàHudson,jem’enfichais–jevenaisdelesurprendreavecNormaAnders.

– Bon sang, je ne la connais pas, mais son sourire est vraiment diabolique. Quellegarce.

C’estalorsquelatristessequim’habitaitdepuisvingt-quatreheurescédalaplaceàuneimmense colère. J’étais furieuse, enragée. Beaucoup de cette haine était dirigée contreHudson,maisunebonnepartétaitdueàCelia.Sanselle,Hudsonetmoiaurionspuréglernosdifférends.Maiselleétaittoujourslà,toujoursprésente,ànousrappelernospassésenpermanence,ànouspousserànousméfierl’undel’autre.

–Tusaisquoi?C’estridicule.Jevaisl’affronter,dis-jeàDavidenserrantlespoings.–Laynie,jenepensepasquetudevrais,répondit-ilsansessayerdem’arrêter.

J’étaisàquelquesmètresdeCelialorsquequelqu’unquisortaitduclubm’arrêta.–MademoiselleWithers,fitReynoldenm’attrapantlebrasdefaçondouceetfermeàla

fois.Cen’estpasunebonneidée.Ilavaitraison.J’étaistellementencolèrequejeluiauraisprobablementmisuncoupde

poingdanslenez.Celam’auraitsansdoutesoulagée,maisc’estmoiquiauraiseuaffaireàlapoliceensuite,pasCelia.

Jemesuisdemandéquelsordresavait reçusmongardeducorps.Est-cequeHudsons’assuraitque jen’auraispasd’ennuis,oubienplutôtque jeneparleraispasàsonex,quiconnaissaitsansdoutelesréponsesauxquestionsquejemeposais?

– Je peux vous demander quelque chose, Reynold ? Est-ce que c’est moi que vousprotégezdeCelia?OuCeliaquevousprotégezdemoi?

–Jenecomprendspas.Detoutefaçon,mêmes’ilcomprenait,jenepouvaispasl’obligeràêtresincère.–Laisseztomber.Celia faisait signe à un taxi. J’étais déterminée à ne pas la laisser partir sans avoir

remportéunevictoire,mêmepetite.J’allaivoirlevideur.–Vousvoyezcettefemme?Elleestinterdited’entréeauclub,defaçonpermanente.–Oui,mademoiselleWithers,acquiesça-t-il.«Jevaisaffichersaphotodanslesalondesemployés.»J’entrouveraisfacilementune

sur Internet. Peut-être était-ce une erreur de lui montrer qu’elle m’affectait, maishonnêtement, sonpetit jeu commençait vraiment àm’agacer. Je voulais retrouverune vienormale.Luiinterdirel’entréeduclubétaitunbondébut.

***

Il était trois heures passées de quelques minutes quand je me couchai. Le lit meparaissaittoujoursbientropgrandsansHudson,maisj’étaissûred’êtreassezfatiguéepourpouvoirm’endormir.Entoutcas,j’allaisessayer.

Jefisdemonmieuxpourmedétendre,maisj’avaisencorelesyeuxgrandsouvertsuneheureplustard,cequimesauva,sinonj’auraisratésonappel.

–Alayna,j’aibesoindetoi,ditHudsond’unevoixtorturéequejeneluiconnaissaispas.–Qu’est-cequisepasse?demandai-jeenmeredressantbrusquement.–C’estMira.Elleestàl’hôpital.Lebébé…Iln’arrivaitmêmepasàparler.–J’arrivetoutdesuite,dis-jeenattrapantunpantalondeyogaetunt-shirt.–Jordanestenroutepourvenirtechercher.

CHAPITREQUATORZE

LorsqueJordanmedéposaàl’hôpital,Hudsonm’attendaitdevantlesurgences.Ilétait

vêtud’unjeanetd’unpolofroisséquejenereconnuspaset jedevinaique,commemoi, ils’étaithabilléàlahâte.

Ilnesouritpasmaisjecrusvoirsonregards’éclairerlégèrementlorsqu’ilmevit.–Ellen’est plus aux urgences, mais c’est la seule entrée qui est ouverte toute la nuit, dit-il enmarchantsiviteversl’ascenseurquejedustrotterpourlerattraper.

–Tul’asvue?Qu’est-cequisepasse,exactement?–Jesaisseulementqu’elleaeudescontractions.Adamm’aappeléquandilsvenaient

d’arriveret ilm’aécritpourmedirequ’il l’emmenait au serviced’obstétrique, expliqua-t-ilenappuyantsurlebouton.Jenevoulaispaslavoirsanstoi.

Jetendislebrasetluiprislamain.Ilmelaissafairemaislaretiradèsquel’ascenseurarriva, et ilmit sesmains dans ses poches après avoir appuyé sur le bouton du troisièmeétage.Lorsqu’ilmeregardaducoindel’œil,jesusqu’ilmouraitd’enviedemetoucher,maisqu’ilseretenait.

–Alayna,àproposdeNorma…–Onn’apasbesoind’enparlermaintenant,répondis-jeensecouantlatête.Ne savait-il pas que c’était désormais le cadet demes soucis ? J’avais appris à aimer

Miracommeunesœur,etsiquoiquecesoitarrivaitàsonbébé…–J’aibesoinquetulesaches,poursuivitHudsonenpassantsamaindanssescheveux.

Cedeal…esttrèsimportant,etjedoistoutfaireensecret.Cesoir,nousétionsàungaladecharitéparcequeNormaapuorganiserunerencontreaveclesvendeurstoutenfaisantensortequ’elleparaissefortuite.QuandReynoldaappelépourdirequetul’avaiscongédiéetqu’ilavaitvuCeliaentrerdansleclub…Ils’arrêtauninstantetjesusqu’ilavaitimaginélepire…Jen’aimêmepaspenséàappeleruntaxipourNorma.Jel’aijusteembarquéeetonestpartis.

Soudain,jemesentiscoupabledemaréaction.

–Est-cequeledealestàl’eau?–Non.Mais cene serait pas grave s’il l’était, dit-il enme caressant la joue.Tues en

sécurité,mabelle.C’esttoutcequicompte.Je fermai les yeux, savourant la sensation de sa main sur ma peau, mais les portes

s’ouvrirent et sa main retomba. Nous suivîmes les panneaux et arrivâmes au serviced’obstétrique,oùilnousfallutsonnerpourdemanderl’accès.

–Est-cequ’ilsvontnouslaisserentreràcetteheure-ci?–Apriori,lesbébésnaissentàtouteheuredelajournéeoudelanuit,dit-il.Detoute

façon,Miranousamissursaliste.Sasœurn’étaitenceintequedesixmois…pourvuquesonbébénenaissepascesoir…«Commentpuis-jevousaider?»,demandaunevoixdansl’interphone.–NoussommeslàpourMirabelleSitkin.HudsonPierceetAlaynaWithers.Lavoixneréponditpasmaislesportess’ouvrirent.La chambre deMira fut facile à trouver car Adam, Jack, Sophia et Chandler étaient

deboutdanslecouloir.HudsonallatoutdesuiteversSophiaetlapritparl’épaulepourluiembrasserlajoue.«Mère.»

–Mercid’êtrelà,Hudson,dit-elle.Samaintremblaitet jemedemandaisic’étaitparcequ’elleétait inquiètepoursafille

ou si elle avait besoin d’un verre. Quoi qu’il en soit, elle sembla assez en forme pourmefusillerduregard.«Tul’asamenée?»,demanda-t-elled’unevoixpleinededégoût.

–Oui,etjemepasseraidetescommentaires.Aumoins,HudsonmedéfendaitencoreauprèsdeSophia.Cen’étaitpasrien,n’est-ce

pas?Jackmesouritchaleureusementetpritmamaindanslessiennes.–Jesuiscontentdetevoir,Laynie.Nil’insultedeSophianilabonhomiedeJackn’eurentlemoindreeffetsurmoi.Toutce

qui m’importait était l’état de Mira – mon amie. Je regardai dans la chambre et la visallongéedanslelit,entouréededeuxinfirmières.Toutestroisavaientl’airsereinesetjefusunpeurassurée.

–Commentva-t-elle?demandaHudsonàAdam.– Elle va bien,maintenant, répondit-il d’une voix fatiguée. Lorsqu’on est arrivés, elle

avaitdescontractions toutes les troisminutes,alors ils l’ontmisesousperfusionet ils l’ontréhydratéeetleschosessesontcalmées.Celafaitquarante-cinqminutesqu’ellen’apluseudecontractions.Cependant, sa tensionest toujoursélevée,donc ilsveulent lagarder soussurveillance.Ilsnepensentpasquecesoitunecrisedeprééclampsie,Dieusoitloué,maisilspréfèrentprendredesprécautions.

–Onpourraallerlavoirdèsquelesinfirmièresserontparties,ditJack.ChandlerpoussaHudsonducoude.

–Miraaditquemamanetpapa lastressaient trop,alorsellenousa tousmisdehorspourqu’onsecalme.

Leregardd’Adambrilla,jecomprisqu’iltrouvaitçaaussidrôlequeChandler.–Elleaunesacréepêche,encemoment.Lesinfirmièressortirent,l’uned’elless’arrêtapourparleràAdam.– Elle va mieux, docteur Sitkin. Je pense qu’elle pourra sortir d’ici quelques heures,

maisquandvousrentrerezlavoir,faitesensortequetoutlemonderestecalme.–Merci,dit-ilendésignantlaporte.Aprèstoi,Laynie.Elleseraraviedetevoir.Jehochai la têteet entrai, à la fois surpriseet émuequ’ilpenseque je comptaisà ce

pointauxyeuxdesafemme.Hudsonm’emboîtalepasetrestaprèsdemoitoutenprenantsoindenepasmetoucher.

–Mira,dis-jeensouriantjusqu’auxoreilles.–Laynie!Tuesvenue,s’exclama-t-elleentendantlebraspourmeprendrelamain,ce

quesaperfusionl’empêchadefaire.–Biensûrquejesuisvenue,nesoispasbête.Je fis un pas de côté pour laisser àHudsonune place à côté de sa sœur.C’était son

grandfrèreetjen’étaisquesacopine.D’ailleurs,peut-êtren’étais-jemêmeplussacopine.–Hudson,ditMiraensouriant.Mercid’êtrevenu.Ilhochalatêteetjefussurprisedem’apercevoirqu’ilétaittropémupourparler.Jeme

rappelaialorsàquelpointilluiétaitdifficiledeparlerdesesémotionsàquiquecesoitetpasseulementavecmoi.Miram’avaitditunjourqueHudsonnedisaitjamais«jet’aime»,mêmeàsapetitesœur.

Cependant, son regardexprimait tout l’amourqu’il avaitpourelle…Était-ce la façondont ilmeregardaitaussi?J’auraisadoré répondreoui,maiscommentpouvais-jeenêtresûre?

Hudson serra lamaindeMiraavantde lui tourner ledos,brièvement. Je savaisqu’ilattendaitd’avoirreprislecontrôle.Jemouraisd’envied’allerverslui,delerassurer…Maisàcroiresonlangagecorporeldepuisquej’étaisarrivée,cen’étaitpascequ’ilvoulait.

J’eus soudain les larmes aux yeux. Il ne cessait deme fermer la porte au nez, de sebarricader seulderrièreunmurdepierres,neme laissantpas l’approcher,même lorsqu’ils’agissaitd’uneémotionnormalecommel’inquiétudequ’ilavaitpoursasœur.Serendait-ilcompteàquelpointçametorturait?

Cen’étaitpaslemomentd’ypenser.Jemeforçaiàsouriredenouveau.JemedirigeaiversJacketaccordaitoutemonattentionàMira.

–Jedoisdirequesicettesoiréeaprouvéune chose, c’estque l’accouchementvaêtreatroce.Lescontractionsétaientunvéritablesuppliceetpourtant,quandilsm’ontbranchéeàcettemachine,ellesétaientàpeinedétectablestellementellesétaientfaibles.

Sophias’assitdanslefauteuilàcôtédeMira.

–Est-cequeçat’aenfinfaitchangerd’avisausujetdesméthodesd’accouchementsansdouleur?demanda-t-elle surun toncondescendant.Visiblement, cedésaccordn’étaitpasnouveauentreelles.

–J’aichangéd’avisquantauxtranquillisants,surtout,réponditMiraenlevantlesyeuxauciel.Jelesveuxaussitôtquepossible,jet’ensuppliechéri,dit-elleàAdam,quisetenaitdeboutdel’autrecôtédulit.Tupeuxl’ajouterauprojetmédicaldenaissance?

–L’ajouter? Jevais l’exiger ! répondit-il en lui caressant le front. Je suisdésolé,monamour,maistun’espastrèsgentillequandtuasmal.

–Continue comme ça et je t’interdis d’entrer en salle d’accouchement, rétorqua-t-elleenlefusillantduregard.

Adamneplaisantaitpasconcernantl’impétuositédesafemme.–Jenesuispassûrqu’elleblague,ditChandlerenriant.– Est-ce qu’ils savent pourquoi tu as eu ces contractions ? demanda Hudson, qui se

tenaittoujoursàl’écartdenousautres.Miranousregardatouràtour,d’unairsuspicieux.–Apparemment,ceseraitunmélangededéshydratationetdestress.Destress,répéta-

t-elleennousfixantl’unaprèsl’autre.Compris?Doncvousdeux,insista-t-elleendésignantSophia et Jack, il va falloir que vous régliez vos problèmesparce que vousnous faites dumal,àmoietàmonbébé.

IlétaitévidentquelecommentairedeMiraneplaisaitpasàsamère,maisellerefusaderegarderJackqui,lui,l’observaitd’unairfouamoureux.

–Quantàvousdeux,continuaMiraennousdésignant,Hudsonetmoi,necroyezpasquejen’aipasremarquéquevousnevoustouchezpas.Etquevousvousregardezàpeine.Jemefichedesavoircequisepasseentrevous.Jeveuxquevousvousréconciliieztoutdesuite.

Lebrassarddu tensiomètre segonfla sur sonbrasetelle tourna la têtevers l’écranàcôtéd’elle.Jemefigeai,nesachantpassielles’attendaitàcequ’onsortepourseparlerousielleinsinuaitqu’ondevraitréglernosdifférendsunpeuplustard.

Chandlersemblaitlaprendreaupieddelalettre.–Tumetsaussimamanetpapaàlaporte?– Non. Leurs problèmes sont beaucoup trop compliqués. Mais vous deux, dit-elle en

nousfusillantduregard,j’espèrequevousneserezpasaussibêtesqu’eux.–Ah.Jepeuxmemettreàl’aise,alors,réponditChandlerens’asseyantsur lecanapé

pourjouersursontéléphone.JeregardaiHudson.Merde.IlvoulaitresteravecMira,etelleavaittort:nosproblèmes

étaientbientropcomplexespourêtreréglésdanslecouloir.Hudsonfitunpasverssasœur.«Mirabe…»

– Je ne plaisante pas, Hudson. Va-t-en. Je ne veux pas vous voir tant que vous nerayonnerez pas de joie comme avant, dit-elle avant d’être interrompue par un bip de lamachine.Vousvoyez,ça?Matensionaugmenteàcausedevous.

–Mira,ditAdam.Respirelentement.Calme-toi.Etarrêtedecriersurtoutlemonde.–Jenecriepassurtoutlemonde,seulementsureux!AdamsetournaversHudsonetleregardad’unairdésolé.–Ons’enva,ditHudsonenmefaisantsignedeleprécéder.Maisonrevient,dit-ilpar-

dessussonépaule.–Seulementquandvousrayonnerezdejoie!s’exclamaMira.Nous marchâmes en silence jusqu’à la salle d’attente, tout au bout du couloir. Mon

cœurme semblait plus lourdà chaquepas. Jenedevraispas être ici, jen’y avaispasmaplace.Quant à réglernosproblèmes, celane serait possible que lorsqu’il arrêterait demecacherautantdechoses.Et jesavaisqu’iln’étaitpasprêtàça–sonattitudenecessaitdemeleprouver.

Ilmetintlaporteetj’entraidanslapetitepièce.Ildevaityavoirunebonnedizainedecanapésenplusd’unetable,avecduthéetducafé.Heureusement,nousétionsseuls,nousallions pouvoir parler tranquillement – les bébés avaient beau naître à toute heure,apparemment,aucunn’étaitprévupourmaintenant.

JemetournaiversHudsonalorsqu’ilrefermaitlaporte.–Jesaisquetuveuxresteravectasœur,doncjepeuxpartir.Oubiensitupréfères,on

peutfairecommesitoutallaitbien.Jecomprendrais…–Neparspas,m’interrompitHudson.Son désespoir me laissa bouche bée. Il voulait donc que je reste ? Il ne cessait de

m’envoyerdessignauxcontradictoires–maiscelui-cimeplaisaitdavantagequelesautres.–D’accord,jereste.–PourMira.Monéclatd’espoirpartitenfumée.–PourMira.Biensûr.Maispaspour lui. Il ne voulaitpasque je restepour lui.Tout à coup, jene fusplus

sûred’yarriver,denepascraquerdevant lui.Les jambes lourdeset tremblantes, jepartism’asseoirsuruncanapé.C’étaitdéjàmieux,jemesentaisunpeuplusforte.

Je pensai à la raison pour laquelle nous étions là, à la jeune femme romantique quiétaitalitéeauboutducouloir.Sa foi ennouset sesencouragementsavaient jouéun rôlecrucial dans notre couple. Elle ne pouvait peut-être pas encore nous sauver cette fois-ci,maisjeluidevaisbeaucoup.

JelevailatêtepourregarderHudsondanslesyeux.–Alorsil fautqu’onmettetoutlerestedecôtépourl’instant,etqu’onjoueaucouple

heureux.PourMira.

–Jesuisd’accord,dit-ilenfuyantaussitôtmonregard.Il y avait de la place pour quatre surmon canapé,mais il préféra une chaise. Il ne

pouvait même pas s’asseoir à côté de moi ! Son rejet décupla l’atroce souffrance quej’éprouvaisdéjà.Chacundesesgestes,chacunedesesparolesmefaisaientl’effetd’unegifle.

Je voulais lui rendre la pareille. Je voulais qu’il souffre autant quemoi. Je serrai lespoingsenrêvantdelefrapper,deluihurlertoutcequej’avaissurlecœurenmeretenantdeluicracheràlafigure.

J’ai repensé une nouvelle fois àMira, à sa déception si on ne revenait pas ensembledanssachambre.Lameilleurechoseàfaire,pourellecommepourmoi,étaitdemettresurpiedunestratégieetderetournerlavoir,deretournerauprèsdesgensquimefaisaientdubien.

–Alors,tusaiscommentfairepourqu’onrayonnedejoiedevantMira?Parcequ’elleatoutdesuitedevinéqueçan’allaitpas.

– Elle est très perspicace, dit Hudson en se penchant en avant, les coudes sur sescuissesetsonmentondanssamain.Maisjepensequesionattendiciencoreunpeu,pournouslaisser letempsdeprétendumentréglernosproblèmes,etqu’onvadanssachambreensouriantetensetenantlamain…elleycroira,dit-ilavantdemarquerunepausequimelaissadevinerquel’idéemêmedemetenirlamainluiétaitdésagréable.C’estcequ’elleveutcroire,doncellelecroira.

–Qu’on fassesemblantd’êtreensemble, rétorquai-je sèchement.Commeaubonvieuxtemps,quoi.

Il tourna brusquement la tête versmoi etme transperça du regard. «Onne fait passemblant d’être ensemble. On est ensemble. On fait juste semblant d’être… de ne pasêtre…»Ilgesticulaencherchantcommentfinirsaphrase.

Ilnetrouvapas lachute.Jedécidaid’insister.«Denepasêtre…quoi?Denepassedisputer?Denepasêtrecomplètementperdus?Quejen’aipaslecœurbrisé?Quejenesoispasdésespéréeque tum’aiesmenti?»Mavoixcéda,mais je refusaidepleurer. Jememordislalèvre,croisailesjambesetmeconcentraisurmonpiedpournepascraquer.

LeregarddeHudsonrestaitrivésurlemurenfacedelui.Ilrefusaderépondreoudemeregarder.

J’auraisdûlaissertomber,maisjenepouvaispas.–Jenecomprendspascommenttupeuxdirequ’onestensemblealorsqu’onnevitplus

danslemêmeappartement,etquetupassestessoiréesavecuneautrefemme.–Jet’aiexpliquépourquoij’étaisavecelle,dit-ild’unevoixsibassequej’eusdumalà

l’entendre.– Quand je ne peux pas te toucher sans que tu sursautes comme si je t’avais brûlé,

continuai-je en ignorant sa réponse.Mais j’ai dit qu’on n’avait pas besoin de parler de çamaintenant,dis-jeensecouantlatête.Jesuisdésolée.Enfin,sionveut.

J’avaisbeausavoirquecen’étaitnilelieu,nilemoment,jesouffraistroppourneriendire.Nesouffrait-ilpasluiaussi?Etsinon,n’était-cepasunepreuve?

Cela signifie seulement qu’il sait compartimenter les choses, pensai-je. C’est tout. MonDieu,jedonneraistoutpourlecroire.

Nous restâmes assis en silence. Le seul bruit provenait de la pendule suspendue aumur.Hudsonfinitparparlerd’unevoixbasse,maissincère.

– J’ai l’impression deme brûler quand je te touche parce que çame rappelle à quelpointj’aienviedetetoucherdavantage.

– Alors fais-le, H. Rentre à la maison, répondis-je aussitôt, en proie à un optimismedontjenepensaispasêtrecapable.

Ilhaussalessourcilset,lorsqu’iltournalatêteversmoi,sonvisageexprimaitlemêmeespoir.

–Tuacceptesd’oublierlepassé?J’avais envie de répondre oui, plus que tout aumonde.Oui, j’accepte. Quel qu’il soit,

j’accepte tonpassé. Je lui avais déjàdit, et j’avais pensé en être capable.Mais jamais je nepourrais laisser tomber.Deplus, jemerespectais tropmoi-mêmeet j’avais tropderespectpour notre relation pour tourner la page aussi facilement. Je ne pouvais céder,même aurisquedeleperdre.

–Non,jenepeuxpas.Maistupeuxmedirecequetumecaches.Il secoua la tête et ce fut sa seule réponse. Nous étions de nouveau confrontés à la

mêmeimpasse.– Autant se séparer pour de bon, Hudson, si tu penses que je ne t’aime pas

suffisammentpoursupportertonsecret.Aprèstout,puisqu’onnepouvaitvraimentpasavancer,pourquelleraisonrepoussait-

onl’inévitable?Enmêmetemps, jenepouvaispas l’envisager–pasencore.Peut-êtrequecettepausem’aideraitàvoirquejepouvaisvivresanslui.

Apparemment,Hudsonpensaitlamêmechose.–Cen’estpaslelieupourenparler.–Eneffet.Maisaucunlieuneseraitlebon.Est-cequ’onnepouvaitpasrevenirenarrière,ilyatrois

jours,lorsquenousétionsseulsetheureuxdanslesmontagnes?Mira avait besoin de nous, et il ne suffirait pas de regretter le présent pour la

convaincre.Jemelevaietmemisàfairelescentpasdanslasalled’attente.– Alors, on va retourner là-bas, on va sourire, se tenir la main, s’efforcer d’être

rayonnants,etMiran’yverraquedufeu.–Oui,réponditHudson.Merci.–Etsiellenousdemandepourquoionsefaisaitlatête?–Ellenenousledemanderapas.

Jen’enétaispassisûreetjeleluifiscomprendreparunregard.–Sielledemande,laisse-moirépondre.– D’accord, très bien, rétorquai-je avec toute l’amertume que j’avais réprimée jusqu’à

présent.Aprèstout,c’esttoi,lespécialistedelamanipulation.Il me dévisagea, les yeux débordant de tristesse. J’avais voulu le blesser, et j’avais

réussi.Ilneréponditpas,ilnecherchapasàsedéfendre.Commes’iln’avaitaucuneenviedesebattrepourmereconquérir.

Pasici.Maissonindifférencenes’étendait-ellepasau-delàdesmursdecethôpital?–Tuesprêteày retourner?demandaHudsonen se levantet enmettant sesmains

danssespochesafinquejenepuissepaslesprendre.Quelenfoiré,pensai-je.Jemesuisefforcéedeluicacheràquelpointsongestevenaitde

m’anéantir.–Tupensesqu’onestrestésiciassezlongtempspourlaconvaincre?–Oui,dit-ilenm’ouvrantlaporte.Sionluifaitcroirequetoutvabien,elleneferapas

attentionautempsqu’onapasséici.Ellen’auraaucuneraisondedouter.Il était si froid, si méthodique et si bien informé des étapes nécessaires pour berner

quelqu’un…celadit,pourquoiétais-jesurprise?–Conseilsd’expert,murmurai-jeenpassantdevantlui.– Jene te savaispasaussi froide,mabelle.C’est incroyableque jene l’apprenneque

maintenant,chuchota-t-ildansmondos.Jem’accrochai àmon surnom –mabelle– comme à une bouée de sauvetage ou au

dernierrayondesoleilavantlanuit.Ilnepouvaitpasm’appelerainsis’ilneressentaitrienpourmoi,si?

Nousnousdirigeâmes rapidement vers la chambredeMira, sansnousparlerni nousregarder.Hudsons’arrêtadevantlaporte.Samainétaitposéecontresacuisseetjelaprisautomatiquement, comme si c’était la chose la plus naturelle aumonde. Parce que c’étaitnaturel.Lamiennesenichaitsiconfortablementdanslasienne,c’étaitcommesinosdoigtsétaientfaitspours’entrelacer.

Ilbaissalesyeuxetétudianosmainsuninstant,leregardpleindetristesseetd’envie.–Tamains’accordesibienàlamienne,tunetrouvespas?Jedustournerlatêtepour

qu’ilnevoiepasmeslarmes.Nousétionssibienaccordés…Pourquoi,pourquoi,pourquoin’étions-nouspasensemble?

– Je ne voulais pas dire cela à voix haute, dit-il. Je suis désolé. Tu te sens encorecapabled’entrer?

Jem’obligeaiàsourireetlevailatêteverslui.«Ouaip.»–Alorsc’estparti.Hudsonouvritlaporteetentraavecbienplusdezèlequelapremièrefois.

–Nousrevoilà,dit-ilenallantdirectementàsasœurpourl’embrassersurlefront.Toutvabien.

Ilmentaitsibien.Jem’enétaisdoutée, je l’avaisvuà l’œuvreavecsafamille,àpeinequelquessemainesplustôt,quandnousfeignionsd’êtreunvéritablecouple.Àl’époque, jem’étais persuadée que, s’il était si bon acteur, c’était parce que ses sentiments pour moiétaientsincères.Maismaintenant,c’étaitinsupportable.Est-cequetoutleresten’avaitaussiétéqu’unmensonge?

Miraledévisageaavantdesetournersurmoi.–Jeveuxl’entendredelabouchedeLaynie,jenetefaispasconfiance.Je pris une profonde inspiration, mis ma peine de côté et me rappelai que tout ça,

c’étaitpourelle. «Toutvabien»,dis-jeenprenant lamaindeMira.Je regardaiHudson,cherchantunsignequi rendrait lemensongeplus facile,et jen’enreçusaucun.«Cen’estpasparfait,maistoutvabien.»

Mira fronça les sourcils. Merde, je devais faire plus d’efforts. Heureusement, Hudsonvintàmarescousse,passantsesbrasautourdemoi,démontrantsonaffectionenpublic,cequ’ilnefaisaitjamais.«Jenesaispasdequoituparles,toutestparfait»,dit-ilennichantson visage dansmes cheveux. Je frissonnai de plaisir, ce quime dégoûta, et jeme laissaiallercontrelui.Commentlutter?C’étaitcequejevoulais,aprèstout–lesentircontremoi,mesentiraiméeparlui.

Pourtant,toutétaitfaux–sinonilm’auraitavouécequej’avaistantbesoindesavoir.Quoi qu’il en soit, Mira crut à notre comédie et applaudit en souriant. « Ah, vous

voyez ? Ils rayonnent à nouveau de joie ! Dieu merci ! » Elle regarda toute sa famille,s’arrêtantd’abordsursamèreàcôtéd’elle,puissurAdam,ChandleretJack,quiétaientsurlecanapé,puissurHudsonetmoi.«C’estparfait.Toutemafamilleestlà.»

Jemeraidis,malàl’aise.Jenefaisaispaspartiedelafamille,etj’ignoraissij’enferaispartieunjour.Cettecomédieallaittroploin,etj’étaissurlepointdeleluidire,maisSophiamedevança.

–Enfin,toutlemondenefaitpaspartiedelafamille.Miradévisageasamère.– Si, maman. Et en ce moment, je préférerais te renvoyer toi plutôt que Laynie. Et

comme je veux que toutema famille soit là, tu peux aller t’asseoir là-bas et la fermer, etfairecommesitutremblaisdefroid.Net’enfaispas,tupourrasbientôtrentreràlamaisonpourvidertabouteillequotidienne.

Tous les regards seposèrent surMira,puis surSophia,puis surmoi. La tensionétaitpalpableetjenepusm’empêcherdedire:

–Jedevraisyaller,Mira.Tuesmignonne,maisjenefaispaspartiedelafamille.–Biensûrquesi,Laynie,ditJackenmeregardantchaleureusement.–Pourunefois,jesuisd’accordaveclui,ditHudson.

Jehochai la tête.Jen’osaispasparler–unnœudse formaitdansmagorgeet j’avaisles larmes aux yeux. Lorsque Mira me regarda, elle crut que je pleurais de joie. Elle nepouvaitpassedouterquejetouchaislefonddevantsesyeux.

CHAPITREQUINZE

LesmédecinsautorisèrentMiraàsortirunpeuaprèsseptheuresdumatin,avecpour

consignes strictes de se reposer et de boire beaucoup d’eau. Nous descendîmes tousensembleetjefusémuedevoiràquelpointJacketAdamlachouchoutaient,sedisputantpoursavoirlequeldesdeuxallaitpoussersonfauteuilroulant.Quantàmoi,jenesavaissij’espérais ou si je craignais que Hudson ne veuille me reconduire au penthouse, maislorsqu’onsortit,j’aperçusJordanquim’attendaitdevantlesportesvitrées.Hudsonavaitdûluienvoyerunmessagependantquejeregardaisailleurs.

Lesautresdevaientattendrequelevoiturierramèneleursvéhiculesrespectifs,etjefuslapremièreàdireaurevoir.

– Prends soin de toi, sœurette. Je ne veux pas te revoir à l’hôpital avant tonaccouchement,etçaaintérêtàêtredansplusieursmois,dis-jeàMiraenmebaissantpourlaprendredansmesbras.

–Jesuisentièrementd’accordavectoi.Mercid’êtrevenue,Laynie.–Iln’yapasdequoi.Bon,monchauffeurestlà…Jemesentissoudainextrêmementseuleàl’idéederentrerchezmoiaprèsqu’onm’eut

acceptée à bras ouverts dans cette famille. Je n’étais plus partagée, à présent : je voulaisqueHudsonmeramènelui-même.Jelevoulaisplusquetoutaumonde.

– Ton chauffeur ? demandaMira en regardant Hudson, puismoi, étonnée qu’on nerentrepasensemble.

–Nous n’allons pas aumême endroit, dit Hudson. Alayna a la chance d’aller au lit,alorsquemoijeretourneautravail.

C’était incroyable qu’il ait toujours une réponse toute prête – excepté quand lesquestionsvenaientdemoi…

–Tuvasaubureausansavoirdormi?Etc’estmoiqu’ongrondeparcequejetravailletrop,dit-elleenfronçantlessourcils.

–J’aisuffisammentdormi,net’enfaispas,réponditHudson.

Ilm’accompagnaàlaMaybachetm’ouvritlaportière.–Jedevraisprobablementt’embrasser,chuchota-t-ildesortequepersonnen’entende.–Jesuppose,oui.Tuenasenvie?Jeretinsmonsouffle,redoutantsaréponse.Demoncôté,jenesavaispasquoipenser.

C’était un peu comme ce qu’il avait dit dans la salle d’attente : s’ilm’embrassait, celamerappellerait que je voulais qu’ilm’embrasse davantage, et comme je savais que ça n’allaitpasarriverdesitôt,c’étaitunevéritabletorture.

– Je ne t’ai jamais embrassée par obligation, ma belle, et je ne vais pas commencermaintenant.

Lasuiteindiqualecontraire,lorsqu’ilsebaissapourm’embrasserbrièvement,labouchelégèrementouverte,sanslalangue.Legenredebaiseruniquementdestinéànotrepublic.

Je ne lui ai pas demandé sa permission, je l’ai attrapé par le cou pour le retenir enl’obligeantàm’embrasserpluslongtempsqu’ilnelesouhaitait.Lorsquejelelibéraienfin,jem’assuraid’avoirlederniermot.

– Ce serait plus facile de te croire si tes actes reflétaient tes paroles.Mais laisse-moideviner,tunevaspascommencermaintenant.N’est-cepas?

Jemontaidanslavoitureetfermailaportièreavantqu’iln’aitpurépondre.

***

Cinqheuresplustard,jemeréveillaiaveclamêmemigraineetlesmêmesyeuxrougesetgonflésquelesjoursprécédents.Maiscematin,j’avaisunplan.

Jepassaideuxcoupsdefilavantdechangerd’avis.Undesdeuxfutproductif.J’obtinsun rendez-vous le lendemain, avec quelqu’un qui, je l’espérais, pourrait m’aider àcomprendrelecomportementdeHudson.

L’autreappelfutunepertedetemps.Biensûr,Mirabellen’étaitpasautravail,donccefutStacyquidécrochalorsquej’appelailaboutique.Peuimportepuisquec’étaitàellequejevoulais parler. Cependant, j’eus beau la supplier et prendre ma voix la plus douce, ellerefusadeparlerdavantagedelavidéo.

–Jet’aiditquej’enavaisfiniaveccettehistoire,dit-elleavantderaccrocher.Jeréfléchisàlaprochaineétape,puisjetéléphonaiàÉlise.–Tupeuxveniraupenthouse?J’aibesoindetoipourfairequelquechose.–Euh,ouais…ÉliseavaitLAvoixrauque,commesijevenaisdelaréveiller.Ilétaittreizeheuresdix–

mince,jel’avaisréveillée.–Jepeuxêtrelàdansvingtminutes.Etilmefautuncafé.–Super.Jet’envoiemonchauffeur,quiviendratechercheravecunStarbucks.

Je raccrochai et je me douchai en un temps record, puis je me plongeai dans monprojet.J’avaisapprisenthérapiequelesprojets,mêmelesplusridiculesetlesmoinsutiles,étaientd’excellentesdistractions.Ilsm’évitaientdefairedesbêtisescommej’avaistendanceàenfairelorsquejesouffrais.Peut-êtreceprojet-ciétait-ilaussifouquecequ’ilm’évitaitdefaire?J’avaischoisid’ignorercetaspect.

Une heure plus tard, Élise et moi étions assises par terre dans la bibliothèque,entouréesde livres – ceuxqueHudsonavait commandéspourmoi via le sitedeCelia. Laplupart n’avaient rien et nous inspections ceux qu’elle avaitmarqués. Ils étaient faciles àrepérerpuisqu’ilscontenaientlacartedevisitedecettegarce.J’avaisprévudebrûlercettepiledelivreslorsquenousaurionsterminé.

–Envoiciuneautre,ditÉlise.Nepleurepas, je suisnavréde t’avoir tantdéçue,mais lavieestainsi.C’estdansLolita.

Jerépondisparunegrimace.Nabokovétaitl’undemesauteurspréférés.–Mets-lesurlapile«àbrûler»,dis-jeennotantlacitationsurmoncalepin.–Àtonavis,çaveutdirequoi?Je secouai la tête en lisant les autres citations que nous avions trouvées. Certaines

provenaientdelivresquej’adorais,d’autresdelivresquejen’avaisjamaislus.Lesgenssupportaientd’êtremordusparunloup,maisilsétaientbouleversésparlamorsure

d’unagneau.JamesJoyce,Ulysse.Celuiquicontrôle lepassécontrôle le futur.Celuiquicontrôle leprésentcontrôle lepassé.

GeorgeOrwell,1984.Lesgensirréprochablessonttoujourslesplusexaspérants.GeorgeEliot,Middlemarch.Garceunjour,garcetoujours,jeteledis.WilliamFaulkner,LeBruitetlaFureur.Y’apasdepéché,y’apasdevertu.Y’aquecequelesgensfont.JohnSteinbeck,LesRaisins

delacolère.Mondestinn’estpasdebaisserlesbras–jesaisquec’estimpossible.HenryJames,Portrait

defemme.Iln’yaaucunmalà tromper lasociété,dumomentquecelle-cine ledécouvrepas.E.M.

Forster,RoutedesIndes.Il y avait une deuxièmepage de citations similaires. S’il y avait unmessage caché, je

n’avaisaucunechancedeletrouver.– Je commence à penser que ça ne veut strictement rien dire. Ce sont de simples

citationsqu’elleasurlignéespourmefoutrelatrouille.Élisepritlalisteetlaparcourut.–Jecroisqu’elleparled’elle-même.Ellepensequ’ellene faitdemalàpersonne,elle

n’est pas prête à baisser les bras, elle croit qu’elle détient le pouvoir, et c’est une garce,conclut-elleavantde jeter lecalepinpar terreetdeprendreunautre livre.Allezraconte,pourquoituavaisbesoindemoipourcettetâchesommetouteassezpeuamusante?

–Cen’estpaspourçaquej’aibesoindetoi.Ilyaautrechose…Jepris uneprofonde inspiration avantde lui expliquer les étapesduplanque j’avais

concocté en me réveillant. Lorsque j’eus terminé, Élise s’adossa au canapé et fronça lessourcils.

–Attends,jeveuxêtresûredecomprendre–tuvasfaireexprèsdesuivreetdeharcelerlesgens?

–Non,jevaisjustefairedesrecherches,paslesharceler,bonsang!Celadit,monidéem’avaitsemblémeilleureauparavant.–Tuesobsédéeparlepassédetonbelapollonettuveuxretrouverlesgensquienont

faitpartiepourdécouvrircequ’iltecache.C’estça,ouj’airatéquelquechose?–C’estexactementça,dis-jeenhochant la têtedefaçonunpeutropenthousiaste.Je

nevaispaslesharceler,jevaisleurparler.Cesontdesgensquileconnaissent.S’ilneveutpasme dire ce que je veux savoir, eh bien j’irai poser la question à d’autres. Pourmieuxcomprendre.

Élisemefusilladuregard.–Pourquoi,tupensesquec’estunemauvaiseidée?J’avaisespéréqu’ellemesoutiendrait,surtoutquej’avaisdéjàmisleschosesenroute.–Parcequedans lepassé tuavais tendanceàêtre, tu sais…folle…Tuétais folle. Je

n’aipasassistéàbeaucoupdetesthérapiesdegroupe,maisilmesemblequefouillerdanslavieprivéedesgensétaitsurlalistedeschosesànepasfaire.

Jefermailesyeuxpouréviterdelesleverauciel.Éliseétaitvenueàquelques-unesdemessessions,maisjamaisjen’auraispenséqu’elleavaitécoutécequis’ydisait.

–C’estdifférent,cettefois-ci.–Oui,c’estvrai,dit-elleenhochantlatête,avantdelasecouerenfronçantlessourcils.

Attends,pourquoic’estdifférent?Jemeretinsdegrogneretdesouffler,carpourmoiladifférenceétaitévidente.–Lesautresfois, jenepouvaispasm’enempêcher,c’étaitunepulsion.Cettefois-ci, je

choisisdelefaire.C’esttotalementdifférent.–Euh,ouais,situledis,répondit-elle,peuconvaincue.Maispourquoijesuislà?Situ

veuxt’entendredirequetun’espasfolle,tuasappelélamauvaisepersonne.–Trèsbien.Tupeuxpenserque je suis folle si tuveux.Mais j’ai besoinde toiquand

même.–TuveuxquejecasselagueuleàcetteSelina?dit-elle,lesyeuxbrillants,enfrappant

sonpoingdanslapaumedesamain.–Celia,corrigeai-je.Pourquoitutetrompestoujourssurleprénomdesgens?–Parcequej’adoretevoirfairetamadame-je-sais-toutpourmecorriger,répondit-elle

en faisant une bulle avec son chewing-gum tout en souriant jusqu’aux oreilles. Je suis

sérieuse,jeseraisraviedebotterlesjoliespetitesfessesàmademoiselleCeliaWerner.Etoui,j’aimatésesfesses,tunem’enveuxpas?

–Euh,non.Maiscen’estpascequejetedemande.Cela dit, Élise en serait capable – c’était une brute quand elle le voulait. Et j’aurais

adorévoirCelia lenezcasséet lesdeuxyeuxaubeurrenoir.Cependant,cen’étaitpascequej’avaisprévu.Jem’assissurlatablebassedevantelleetluifislesyeuxdoux.

–J’espéraisquetuviendraisavecmoivoirquelqu’un.–Bonsang,Alayna,tuveuxm’entraînerdanstontripdeserialharceleuse?–Cen’estpasduharcèlement!J’aijustebesoindeparleràunefemmequineveutpas

lefaire.J’espèresimplementque,sijenesuispasseule,ellesemontreraplusaimable.Élisesourit,flattéeparmademande.–Tumetrouvesintimidante,c’estça?Tuveuxquejeluifoutelatrouille?–Oui,tuastoutcompris.Sonsourires’élargitencore.Puisils’évanouit.–Mince !Jenesaispas, jenesaispas ! s’exclama-t-elleense levanteten faisant les

centpas.Tonplanal’airtrèsmarrant,etj’aienvied’êtreunebonnecamarade.Maisjenesaispass’ilvautmieuxt’aiderout’enfermerdanstachambre,expliqua-t-elleensemassantlestempes.Quefaire,quefaire?Peut-êtrequ’ondevraitappelerBrian.

–Maisnon!Élise,soutiens-moi,s’ilteplaît.Onn’apasbesoind’appelerBrian,dis-jeenmelevantbrusquement.

J’expirai lentement pour essayer de me calmer. Mon plan pouvait fonctionner sansl’aided’Élise,mais je voulais qu’elle comprenneque j’étais aubordd’un gouffre et que ceplanétaitmadernièrechancedenepasperdrelatête.

–D’accord.Tuaspeut-être raison.Cen’estpeut-êtrepas l’idée laplus sainequi soit,admis-jeencherchantleregardd’Élise.Maisilfautquejet’explique:sijenereprendspasuntoutpetitpeudecontrôlesurl’étatcatastrophiquedanslequeljemetrouve,jefiniraiparreplongerdansmesmauvaiseshabitudes.J’essaied’êtreproactive.Pourunefois,j’aidécidéd’agirplutôtquedemelaissermarcherdessusparunmec.Hormisceplan,jen’aiquedeuxchoix:jeresteenpauseavecHudson,cequieststupideetquinesertàrien,oualorsonsequittepourdebon,etjenesuispasprêteàleperdre,dis-jed’unevoixtremblante.Etjenepensepasqu’ilsoitprêtàmeperdrenonplus,sinonilauraitdéjàrompu.

Leregardd’Élises’emplitdecompassion,maisaussid’inquiétude.–Tuteprendsvraimenttroplatête,Laynie.–Pasdutout!Jeveuxmebattrepourl’hommequej’aime,m’exclamai-jealorsqueles

larmesbrouillaientmavue.Oui, jesuis furieusequ’ilnesebattepaspourmoi,maispeut-êtrequ’ilnesaitpascommentsebattre–pourquiquecesoit.Peut-êtrequ’ilabesoinquejeluimontre.

SiÉlisen’étaitpasconvaincue,ellen’enlaissarienparaître.–Trèsbien,jevaist’aider.Aprèstout,jen’airiend’autreàfairedemonaprès-midi.–C’estvrai?Merci!dis-jeenlaprenantdansmesbras.Saprésencen’étaitpasessentielle,maisjevoulaisvraimentqu’ellesoitlà;commeça,je

mesentaismoinsseule,àremplirlevidequeHudsonavaitlaisséenpartant.–C’est rien,ne t’en faispas,dit-elle enhaussant les épaules.Etpuis,pour cequi est

desbouquins,onaplusoumoinsfini,detoutefaçon.Jeregardailesolautourdenous.Ilrestaitquelquespilesdelivresàrangerparmiceux

quin’avaientpasétémarquésparCelia,maisçapouvaitattendre.–Ehbienonyvaquandtuveux.–Ouaip,répondit-elleenprenantsonsacàdos.Onvaoùd’ailleurs?–GreenwichVillage.J’avaisditàJordanquej’auraisbesoindeluiplustard,etlorsquejeluiécrivispourle

prévenirdenotredépart,ilmeréponditqu’ilétaitgarédansleparking.J’aiprismonsacàmainetmontéléphone,puisnoussommesmontéesdansl’ascenseur.

–Tuasenvisagéquetupourraisnepasaimercequetuvasdécouvrir?demandaÉliseenmemettantunpetitcoupd’épaule.

–Hélas,jesuisquasimentcertainequecequejevaisapprendrevamedétruire.Aprèstout,Hudsonm’avaitdéjàavouédesboutsdesonpassé,etilsavaientétéplutôt

horribles. S’il ne pouvait pasme révéler ce secret, c’est sans doute qu’il était encore bienpire.Restaitàcomprendrepourquoij’avaistantenviedelesavoir–maisj’étaisainsi, jenepouvaism’enempêcher.Etquelquesoitsonsecret,celafaisaitpartiedequiilétait.

–Çamedémolirapeut-être,mais il fautque je sache.Commeça, jepourraipasseràautrechose,etdepréférenceauxcôtésdeHudson.

Bien sûr, ça ne résolvait pas le problème le plus important, c’est-à-dire le fait queHudson me mentait. Mais peut-être que s’il réalisait que je l’aimais malgré tout, ilparviendraitàbaissersagardeetnouspourrionsenfinbâtirensemblelesbasesd’unevraierelation.

***

CommeniÉlisenimoin’avionsmangé,nousnousarrêtâmesenroutepouracheterunsandwich.IlétaitpresqueseizeheureslorsquenousarrivâmeschezMirabelle.Jen’étaispassûrequeStacysoitencorelà,niqu’elleauraitletempsdemeparler,etencoremoinsqu’ellem’ouvrirait,puisqueleursclientsnevenaientquesurrendez-vous.

J’avaisprobablementpeudechancesdeluiparler,maisenmeraccrochantaunez,ellenem’avaitpaslaisséd’autrechoix.

Devant la porte, je me suis souvenue de la première fois que j’étais venue ici avecHudson,mortedepeuràl’idéederencontrersasœur.C’étaitnotrepremièresortieentantque couple – enfin, en tant que faux couple. J’étais terrorisée à l’idée de faire capoter lamascarade. J’avais tellement peur que la tension sexuelle entreHudson etmoi finisse parmeconsumer.

Finalement, c’était cequiétaitarrivé : ellem’avait consumée,voilàpourquoi j’étais làaujourd’hui.

J’attendisuninstantavantdesonner.– Élise, c’estmaintenant que j’ai besoin de toi. Il y a un judas sur la porte. Si Stacy

regardeetvoitquec’estmoi,jesuisàpeuprèssûrequ’ellenem’ouvrirapas.–Net’enfaispas,jegère.Jefisunpassurlecôtéethochailatêtepourdonneràmonamielesignaldesonner.

Laportes’ouvritpresqueimmédiatement.–Bonjour,VanessaVanderhal?demandaStacy.Elledoitattendreunecliente.Jesortisdemacachetteavantqu’Élisen’aitpurépondre.–Ohnon,pastoi,dit-elleenrefermantlaporte.MaisÉliselabloquadelamain.–Eh,elleajustequelquesquestionsàteposer.Çaneteprendrapasplusdequelques

minutes. Tu es la seule à qui elle peut parler. Tu ne veux pas aider une camarade ? Defemmeàfemme?

Je savais qu’Élise pouvait être intimidante, mais j’ignorais qu’elle pouvait aussi êtrecharmante.

Stacynousdévisageaitenréfléchissant–aumoins,elleenvisageaitlapossibilitédemeparler,c’étaitmieuxqueceàquoijem’attendais.JeregardaiÉliseetessayaideluienvoyerdessignauxpourqu’ellecontinueàcharmerStacy,puisqueçasemblaitfonctionner.

Apparemment,nousn’étionspasdutoutsurlamêmelongueurd’onde.–Situneveuxpasdelamanièredouce,jepeuxaussiprocéderdelamanièreforte.Je

meprésente–jesuisÉlise.Jesuisceinturenoiretroisièmedanenkaratéetjefaisaussidelaboxeencompétition.Allez,laisse-nousentrer.

Les connaissances en sport de combat d’Élise n’allaient pas au-delà de ses cours dekickboxingàlasalledesportducoin,maisça,Stacynelesavaitpas.

–D’accord.Maisfaitesvite,j’attendsuneclientedansquinzeminutes.Je ne m’attendais pas à être soulagée à ce point. Cette vidéo soulevait tant de

questions,etseulestroispersonnespouvaientyrépondre–biensûr,jen’allaispaslesposeràCelia.

–Merci,Stacy.Jeteprometsqueçaneprendraquequelquesminutes.Elleouvritdavantagelaporteets’effaçapournouslaisserpasser.–Ouais,ouais,marmonna-t-elle.Jemedoutaisquecettehistoirenefiniraitjamais,dit-

elleenclaquantlaporteetencroisantlesbras.Qu’est-cequetuveuxsavoir?Lavidéon’est

niunemiseenscèneniunmontage,sic’estcequ’ilt’adit.Apparemment,notreconversationallaitsedéroulerdansl’entréedelaboutique.–Non,cen’estpascequ’ilm’adit.Je suppose que c’était un bon début : il n’avait pas nié l’existence de ce baiser. En

évitantdem’enparler,ilavaitévitédemementir.Était-ceuneffortdesapartpourhonorernotrepromessed’êtrehonnêtesl’unenversl’autre?Celadit,nesavait-ilpasquesonsilenceétaitaussiunmensonge,aumoinsparomission?

–D’ailleurs,ilrefusedemedirequoiquecesoitausujetdelavidéo,ajoutai-je.–Ah,jevois,ditStacy.Donctuveuxquecesoitmoiquirépondeàtesquestions.Son tonme rendit furieuse et j’eus envie de l’attraper par ses épaulesmaigrichonnes

pourlasecoueretluidirequ’ellenepouvaitpassavoir,qu’ellenepouvaitpascomprendre.Mais j’avais besoin d’elle. Je devais rester calme. Comprendrait-elle, de toute façon ?

Mêmemameilleure amie avait dumal à saisir pourquoi il était si important pourmoi dedécouvrirlessecretsdeHudson.

–Oui,exactement.Jeviensteparlersansqu’illesache.Crois-moi,jen’ensuispastrèsfière.

Stacymedévisageapendantplusieurssecondesavantdeparler.–Onatoutesvécucegenredechose,jesuppose.Est-cequ’ilsaitquetuesici?Jesecouailatête.–Ettun’aspasl’intentiondeleluidire?–Non.Jemesentissoudaincoupable.Hudsonnem’avaitpasdemandédenepasreparlerà

Stacy,maisjeluiavaispromisd’êtrehonnêteaveclui.J’avaisl’impressiondeletrahirenneleluidisantpas.Mêmes’ilnetenaitpassespromessesetqu’ilm’avaitimposéuneputaindepause, ce qui excusait probablementma présence, j’avais dit que je ne lui cacherais plusrien.Pointbarre.Donc,soitjemetenaisàmonengagement,soit…jeneméritaispasd’êtreaveclui.Etsitelétaitlecas,àquoibonmenercetteenquête?

–Enfait,meravisai-je,c’estunmensonge.Jevaisleluidire.Commejetel’avaisdit,onessaied’êtrehonnêtesl’unenversl’autreetjeneveuxpasluimentir.

Entoutcas,jeluidiraissij’avaisl’occasiondeluireparlerunjour.MonhonnêtetéallaittrèsprobablementmecoûterlacoopérationdeStacy,mais jene

voulaispasluimentiràellenonplus.Elle sembla hésiter et son regard se posa tantôt sur Élise, tantôt sur moi, puis elle

soupiraets’adossaaucomptoirderrièreelle.–Queveux-tusavoir?Jesavaisquenousn’avionspasbeaucoupdetemps,ducoupjeplongeaidanslevifdu

sujet.

–Pourquoias-tufilmélebaiserentreCeliaetHudson?Cequejeveuxdirec’est,qu’est-cequetuavaisprévudefairedecettevidéo?

–Jevoulaisavoirlapreuvequ’ilmentait,répondit-elletoutsimplement,commesicetteréponseme suffirait. J’étais censée le voir, ce soir-là, ajouta-t-elle lorsqu’elle vit que je necomprenais pas. Pour un café, je crois que je te l’avais dit. Quand je suis arrivée, je l’aitrouvéentraindel’embrasser.Ilavaitniétantdefoisqu’ilsétaientensemblequejesavaisqu’ilnieraitencore,alorsjel’aifilmé.Pourenavoirlapreuve.

Ma poitrine se serra. Je connaissais trop bien les protestations de Hudson. Maisl’histoiredeStacyn’expliquaitpastout.

–Maistuneluiasjamaismontrélavidéo.–Finalement, jen’enaipaseubesoin,dit-elleensecouant la tête.J’aiété leurparler

aprèslesavoirfilmés,pendantqu’ilsétaientencoreentrainde…Bref.Elle grimaça, attristée par ce souvenir. J’étais peinée de voir la peine qu’éprouvait

Stacy.Jelacomprenaisàdemi-mot.Ilétaitévidentqu’ilyavaiteuquelquechoseentreeux,bien qu’elle l’ait nié. Avec combien de femmes avait-il été alors qu’il avait prétendu lecontraire?Normaétait-elleaussisurlalistedesesconquêtes?

Ehbien,c’estcequej’allaissavoirdemain,sitoutsepassaitcommeprévu.–Jelesavaisjustefilmésaucasoùilsarrêteraientavantquejeneleurparle,pourne

pasqu’ilpuissemementir.Maisiln’apascherchéànier.Non,ilétaitvraiqueledénineluiressemblaitpas–ilpréfèreéviterlaconfrontationet

attirerl’attentionsurautrechose.Oupeut-êtren’était-ilainsiqu’avecmoi.–Qu’est-cequ’iladitquandilt’avue?–Ilafaitcommes’ilétaitsurpris,alorsqu’ilétaitprévuquejeleretrouvedanscecafé.

Peut-êtrequ’ilavaitperdulanotiondutempsouqu’ilavaitoubliénotrerendez-vous.Jenesaispas.Celiaaétélapremièreàs’excuser,cequiétaitbizarreparcequejenepensaispasqu’ellesavaitquoiquecesoitàmonsujet.Ensuite,c’estHudsonquis’estexcusé.Maisc’estCeliaquiadonnéleplusd’explications.Jesupposequ’ildevaitêtrechoquéd’avoirétéprissur lefait.Jen’aipasvraimentécoutécequ’elledisait, j’étaissous lechoc,moiaussi.Maissurtout,jemesuissentievraimentidiote.

–Idiote?Jenecomprenaispas.Hudsonavaitvraimenteul’airconfuslorsquejeluiavaisditque

Stacyétaitvenuepourboireuncaféaveclui.– Oui, idiote. Il m’avait laissé croire que je lui plaisais, tu comprends ? dit-elle en

semblantrevivreunedouleurquin’avaitpascomplètementguéri.Etpendanttoutcetemps,ilétaitavecelle.Pourquoiagissait-ilainsi?

–Iln’yajamaisdebonneraisonpourtrompersacopine,ditÉliseavantderongerdenouveausonongle,cequ’ellefaisaitdepuisquel’onétaitarrivées.

Je fronçai les sourcils : de tous les défauts que je connaissais à Hudson, j’espéraissincèrementnepasavoiràajouterl’infidélitéàlaliste.

–Maisc’estluiquim’ademandédeleretrouverlà.HudsonPiercen’estpasdugenreàmalliresonagenda.Siquiconquepeuttrompersacopinesansqu’ellel’apprenne,c’estlui.

C’estjustementpourcelaqueNormam’inquiétaitautant.Or,commeledisaitStacy,siHudsonétaitvraimentavecNorma–ouCelia,àl’époque–,neferait-ilpasplusattentionànepasêtredécouvert?C’étaitcetaspect-làquin’étaitpaslogique.

Peut-êtreStacyavait-ellemalinterprétésesintentions.– Comment t’a-t-il fait comprendre que tu lui plaisais ? Il m’a dit que tu ne l’avais

accompagné qu’à un seul gala de charité l’an dernier. Je ne savais pas que vous étiezensemble.

Stacybaissalesyeux.–Onne l’étaitpas.Pasvraiment,dit-elleenpassant samainsur lecomptoirderrière

elle. Après ce gala de charité il ne m’a plus jamais proposé quoi que ce soit. Mais nousparlionsbeaucouppare-mail.Ilflirtaitavecmoi,etilm’afaitlivrerdesfleurs,uneoudeuxfois.C’estpourcelaque j’aicruqu’ilyavaitquelquechoseentrenous.Lesoiroù j’ai filmécettevidéo,c’étaitlapremièrefoisqu’ilm’avaitproposéqu’onserevoiedepuislegala.

–Peut-êtrequ’ilss’amusaienttouslesdeuxàtetourmenter,intervintÉliseenessuyantsonongletoutjuste«manucuré»sursonjean.Siçasetrouve,cen’étaitpasluiquiécrivaitcese-mails.

–Tuveuxdirequec’estCeliaquilesauraitenvoyés?J’y réfléchis un moment. J’avais appris à mes dépens qu’on ne pouvait pas lui faire

confianceetqu’ellen’avaitaucunscrupuleàdéformerlesfaitspourentirerparti.–Oui,cen’estpasimpossible,ajoutai-je.Cescénariomeplaisaitbeaucoupplusquelesautres.Toutefois,cenefutpaslecasdeStacy,quiseredressaetmefusilladuregard.–Tusous-entendsqu’ilestimpossiblequejepuisseplaireàHudson?Tuesgonfléedis

donc.Quoi,tutrouvesquejenesuispasassezbienpourlui,c’estça?Waouh,cettenanaréagissaitauquartdetour.Etpuisc’était lathéoried’Élise,pasla

mienne!– Non, ce n’est pas du tout ce que je dis. C’est juste que certains détails ne

correspondentàrien.Commetul’asdit,ilavaitl’airsurprisdetevoir.Etquandjeluiaiditquetuétaisvenuepourboireuncaféaveclui,ilnesavaitpasdequoijeparlais.Vraiment.Peut-être que ce n’était que de la comédie, je ne prétends pas que c’est impossible. C’estjustementpourçaquejevoulaisteparler.J’essaied’yvoirunpeuplusclair.

Élisememitunpetitcoupdecoude.«Parle-luidelafolle.»–Oui,c’estçaletruc.Récemment,Celiam’ajouéunsaletour,etdepuiselleadécidé

defairedemavieunenfer.Jenesuispeut-êtrepaslapremièreconquêtedeHudsonqu’elle

décidedetourmenter.Stacysemblarestersursesgardesmaiselleparutnéanmoinsréfléchiràcequejedisais.–Tudisqu’ellem’auraitprisepourciblequandellenousavusaugaladecharité?–C’estpossible,oui,maisjen’ensaisrien.C’étaitleproblèmedessecrets–toutétaitpossible.Stacy sembla soudain très déçue, comme si l’idée que toute sonhistoire avecHudson

n’avaitétéqu’unefarceétaitplusdifficileàencaisserquelefaitd’avoirtrouvél’hommequilui plaisait avec une autre femme. Je la comprenais. Elle voulait plaire à Hudson Pierce,commemoietcommen’importequelle femme.Si jedécouvraisquenotrehistoireavaitétéune mascarade… eh bien… ce serait bien plus dévastateur pour moi que la situationactuelle.

–MaismêmesiHudsonnet’apasenvoyécese-mails,Celiaaquandmêmepenséquetu étais une menace pour elle, dis-je en essayant de lui remonter le moral. Donc il aforcémentditquelquechoseàtonsujetdevantelle.

–C’estunethéorieintéressante,réponditStacyenexpirantlentement.Etellecollesurpasmaldepoints.

–Raconte,ditÉlise,quisemblaitaussiimpatientequemoi.– Comme je vous l’ai dit, il a réagi bizarrement quand je suis arrivée sur eux. Et à

chaquefoisqu’ilvenaitàlaboutique,ilm’ignoraitcomplètement.Commes’ilnem’avaitpasdittoutescesbelleschosesdanssese-mails.Ilétaittrèspoétique.Sese-mailsétaientcommedelongueslettres.

– Jeneprétendspas savoirqui écrivait ces e-mails,dis-je enprenantdesprécautionspournepasvexerStacy,maisd’aprèscequejesaisdeHudson,iln’apaslafibreépistolaire.Enrevanche,Celiaestplusqu’àl’aisedanslemondedelalittérature.

Entoutcas,c’estcequ’indiquaientlescitationsdansmesbouquins.–Ilt’écrivaitdepuisquelleadresse?demandaÉlise.JesecouaisdéjàlatêtelorsqueÉlisemedemandasic’étaitsonadressee-mail.– Je ne connais que son compte Pierce Industries, dont il se sert pour les courriers

professionnelsetpersonnels.D’ailleursilenvoierarementdese-mailsperso.Dumoins,s’ilenenvoyait,cen’étaitpasàmoi.Quelqu’unsonnaàlaporte.Ilyavaitprobablementencored’autreschosesàdécouvrir,

maisj’avaispromisquenousneresterionspaslongtemps.Enoutre,jepouvaisdifficilementenapprendredavantagesanslirecesfameuxe-mails,etc’étaittropdemanderàStacy.

–Encoremerci,Stacy.Pourtontempsetpourtesréponses.Jesaisquetuesoccupée.Ellehochalatêteetpassadevantnouspournousouvrirlaporte.Elles’arrêta,lamain

surlapoignée.–Jedevraisteremercieraussi, jecrois.Tum’asunpeuouvert lesyeux,dit-elleavant

d’ouvrirlaporte.Vanessa?BienvenuechezMirabelle.Entrez.

LaclientedeStacyentra,etnoussortîmes.–Sijepenseàquoiquecesoit,jetecontacterai,ditStacyavantderefermerlaporte.Laconversationseterminaitdefaçonencourageante.SiStacyétaitcommemoi–cequi

n’était pas impossible, même si peu de gens l’étaient –, elle relirait tous les e-mailsprétendument envoyés par Hudson dès qu’elle serait rentrée chez elle, mais avec cenouveau scénario en tête. Peut-être découvrirait-elle quelque chose et m’en tiendrait-elleinformée.

Je demandai à Jordan de venir nous chercher et je découvris qu’il avait trouvé uneplacedeparkingauboutdelaruelorsqu’ilnousfitsignedelamain.Éliseetmoinousnousdirigeâmesverslavoiture,brasdessus,brasdessous.

–Alors,tuasapprisquelquechose?– J’aimerais croire que tout a été manigancé par Celia, répondis-je en haussant les

épaules. Mais ça ne répond pas à la question de savoir pourquoi Hudson l’embrassait nipourquoiilneveutpasmedirelavérité.

–Peut-êtrequ’elleluiademandédelarejoindre,oubienquec’étaitleuridéeàtouslesdeux.Tucroisqu’ilpourraitfaireça?

–Lesdeuxsontpossibles…J’avaiscruqu’ilallaitmieuxlorsquel’ons’étaitrencontrés,maispeut-êtrequ’ils’amusait

encoreàmanipulerlesgens.Est-cequec’étaitcequ’ilnevoulaitpasquejesache?Peut-êtrecherchait-ilàprotégerCelia–encoreunefois.

***

Le club était déjà ouvert lorsque j’arrivai pour travailler, ce soir-là, et je passai parl’entréeprincipaleplutôtqueparlaportedeservice.Sanscela,jen’auraispasvuCeliadanslafiled’attente.Apparemment,ellenes’étaitpasencorelasséedesonpetitjeu.

–Paselle,c’estça?demandalevideuravantquejeneluiaierappelémesconsignes.–Exactement.Je regardai de nouveau mon ennemie. J’étais rassurée qu’elle veuille encore me

tourmenter, car, avec mon esprit tordu, ça signifiait qu’elle pensait toujours que Hudsontenait à moi. Et même si ce n’était plus le cas, elle n’avait pas encore été informée duchangementdesituation.

« Salut, Laynie ! », dit-elle en me faisant signe de la main, tout sourire. C’était lapremièrefoisqu’ellem’adressaitlaparoledepuisqu’elleavaitcommencéàmeharceler.

Jene répondispas,mais je lui renvoyai sonsourireavantd’entrerdans le club.Dansdeuxminutes,elleseraitinterdited’entrée,etçamerendaitparticulièrementheureuse.

Cefutladernièrefoisquejesouriscettenuit-là.J’aieubeaudevoircourirdanstouslessensettravaillercommeunefollepourrépondreauxdemandesdelaclientèleestivale,ça

n’atténuapasmonmanque.JenecessaisdevoirHudsonpartout–danslesbulles,danslebureau,assisaubar.

Lorsque j’aieuterminé,à troisheuresdumatin, l’idéederentrerseuledanscegrandpenthouse vide faillitme faire fondre en larmes. J’envisageai d’aller ailleurs – à l’hôtel ouchezÉlise,ouencoreauloft.Jepourraisallerlevoir…J’avaissimplementenvied’êtreavecl’hommequej’aimais.

Enmêmetemps,pourquoivouloirêtreavecquelqu’unqui,lui,nevoulaitpasêtreavecmoi?C’étaitbien là lapreuveque j’avaischangé– l’ancienneAlaynaaurait faitn’importequoipourêtreavecl’hommequ’elleaimait,quecelui-cipartagesessentimentsoupas.

Jefinisdoncaupenthouse.Seule.JeréussisànepaspleurerpendantqueReynoldm’yconduisait, mais je craquai dès que les portes de l’ascenseur se refermèrent surmoi.Meslarmes ne se tarirent ni lorsque jeme préparai àme coucher, ni lorsque je regardaimontéléphone, que j’avais laissé à lamaison. Pis encore, elles redoublèrent et je sanglotai deplusbellelorsquejelusleseulmessagequej’avaisreçu:

Dorsbien,mabelle.Alors que j’essayai de m’endormir, en pleurs pour la quatrième nuit consécutive, je

pensai,Demain.Peut-êtrequedemainjepourraienfinmeréveillerdecethorriblecauchemar.

CHAPITRESEIZE

«Jordan,j’aibesoind’alleràPierceIndustries»,dis-jeenmontantdanslavoiture,le

lendemain après-midi. Je marquai une pause, hésitant à lui avouer que je voulais voirHudson– cen’étaitpasunmensongepuisque jevoulais le voir, seulement… jenevoulaispasleluidire.

–Biensûr,Mademois…Laynie,rectifia-t-il.Jesuiscertainqu’iladoreravotresurprise.Jesouriset luifisunsignedetêtequandnosregardssecroisèrentdanslerétroviseur

central.Celamegênaitqu’il sacheque jen’étaispasattendueàPierce Industries.Hudsonluiavait-ilditqu’ilnevoulaitpasque j’yaille?Si çaavait été le cas, ilnem’yauraitpasconduite.

Quellesquesoientlesinformationsquetouslestrois–Reynoldycompris–possédaientsurmoi,j’étaisconvaincuequeHudsonsavaittoujoursoùj’étais.Dèsquejeseraissortiedelavoiture,JordanpréviendraitprobablementHudsonquejemontaislevoir.

Jenepouvais empêcher le gardedu corpsde le faire, sinon il risquait deperdre sonjob.Maisjepouvaism’accorderquelquesminutesderépit.LorsquenousarrivâmesàPierceIndustries, je me penchai en avant pour parler à Jordan. « Tu peux attendre quelquesminutesavantdeluiannoncermonarrivée?Jeveuxluifairelasurprise.»

Ilneréponditpasmaissonsourirem’annonçaqu’iljoueraitlejeu.«Merci»,fis-jeenl’embrassantsurlajoue,cequinoussurprittouslesdeux,avantde

sortirdelavoiture.J’étais d’humeur étonnamment joyeuse enmontant dans l’ascenseur. La conversation

avecStacys’étaitbienpasséeetj’étaisconfianteconcernantmonrendez-vousd’aujourd’hui.Même sans Élise, je me sentis capable de réussir. Si tout allait bien, j’obtiendrais desréponses,etavecunpeudechance,celles-lànemeferaientpassouffrirdavantage.

Lorsque lesportess’ouvrirentà l’étagedeHudson, jepaniquaiun instant.Ducoindel’œil,jeregardaiàtraverslesvitresdesasalled’attente–endehorsdeTrish,lapièceétait

vide.Laportedesonbureauétaitfermée.SiJordanluiavaitécrit,soitHudsonn’avaitpasencorelulemessage,soitiln’étaitpaslà.Danstouslescas,c’étaitunebonnenouvelle.

LebureaudeNormaAndersfutfacileàtrouver.Iln’yavaitquedesbureauxd’associésàcetétage,doncilsétaientpeunombreux.Jedevinaiavantd’yentrerqueceluideNormaétait plus petit que celui deHudson, et qu’elle n’avait pas une aussi jolie vue. Je ne saispourquoi,celamerassura.MonDieu,j’étaisvraimentdésespérée.

J’avaisprisrendez-vousavecNormaauprèsdesonassistant,doncjesavaisquec’étaitunhomme.Enrevanche,cequejenesavaispas,c’étaitàquelpointilétaitbeau.Iln’étaitpas viril commeHudson,mais il était hypermignon, avec ce look de geek à lamode cesderniers temps. Il devait avoirmon âge ou deux ans de plus, aumaximum. Ses cheveuxétaient châtains, coiffés en bataille, et ses yeux bleus paraissaient immenses derrière seslunettesàbordsnoirs.

Normaétaitvraimententouréedebeauxgosses, cetteveinarde.Peut-êtreme fallait-ilunboulotàPierceIndustries,aprèstout,pourquej’enprofitemoiaussi.

Comme si j’étais intéressée par quiconque en dehors de Hudson ! Si seulement jepouvaislerécupérer.

–Bonjour,jesuisAlaynaWithers.J’airendez-vousavecNormaAnders.–Jevaisjusteluidemandersielleestprêteàvousrecevoir.Asseyez-vousuninstant,je

vousenprie.Jen’avaisaucuneenviedem’asseoir,j’étaisbeaucouptropnerveuse.–Nonmerci,jevaisresterdebout.Jefisletourdelapetitesalled’attenteenfeignantd’admirerlestableauxaccrochésau

mur,toutenjetantdescoupsd’œilfurtifsendirectiondubureaudeNorma.Laporteétaitouverte,maisjenevoyaispassonbureau.Plusletempspassait,plusjemedisaisquej’allaisabandonneretprendremesjambesàmoncoucommeunevraiepoulemouillée.Aprèstout,cetteentrevuepouvaitmal sepasser,elle seraitpeut-être insensibleà lanotiond’entraideentrefemmes.Ilyavaitdeforteschancespourqu’elleappellelasécuritéoumêmeHudson,etaucunedecespossibilitésnem’enchantait.

Cependant,Normanemefitpasattendrelongtemps.«Alayna,jet’enprie,entre»,dit-elleens’effaçantpourmelaisserpasseretendésignantunfauteuildevantsonbureau.

Lorsqu’ellefermalaportederrièremoi, je l’entendisdire«Arrête,tun’espasgentil.»Entoutcas,c’estcequejecrusentendre.

–Pardon?demandai-jeenmetournant.–Oh,rien.Jeparlaisàmonassistant.Ellefitletourdesonbureaupourserasseoirpendantquej’observaislapièce.Elleétait

plus petite et plus simple que le bureaudeHudson, sans aucun effort de décoration. Il yavait un bureau, trois fauteuils, deux bibliothèques et plusieurs classeurs à tiroirs.

Apparemment, Celia Werner n’avait pas décoré tous les bureaux – seulement celui deHudson.

Normaseracla lagorge.Commejen’avaispasengagélaconversation,elledécidadelefaire.«J’étaissurprisequetuveuillesmevoir,Alayna.Jesupposequ’ils’agitdeGwen?»

Lorsquesonassistantm’avaitdemandéquellesétaientlesraisonsdemonrendez-vousavecNorma,j’avaissimplementréponduquec’étaitpersonneletquej’étaislapatronnedesasœur.

Jesavais,biensûr,quecelaprêteraitàconfusion.Jeme tins bien droite dansmon fauteuil, qui était plus bas que celui de Norma. Je

supposai que c’était une tactique pour que ses clients se sentent inférieurs.Mais je nemelaissaipastroublerpourautant.

–Non,jenesuispasvenuepourparlerdeGwen,bienquej’aiepulaisserpensercelaàtonassistant.Jesuisdésolée.

–Ehbien,jesuisintriguée,ditNormaenclignantdesyeux.Continue.Jeplongeaimonregarddanslesienpourobserversaréaction.–JesuislàpourteparlerdeHudson.–Hudson ? répéta-t-elle en sursautant de surprise. Et pourquoi pas du pape ? Pour

quelleraisonviens-tumeparlerdetonpetitami?Elle nem’avait jamais autant parlé. D’ailleurs, je réalisai que j’ignorais tout de cette

femme.Jenesavaispassielleétaitdrôleousérieuse,sielleétaitsensibleoucassante.Elles’étaittoujourscomportéecommesiellenem’aimaitpasouqu’ellen’enavaitrienàfairedemoi. Était-ce parce que j’étais avec Hudson ? C’était quelqu’un qui avait une certaineautorité – elle avait dû apprendre, au fil du temps, à se protéger. Y avait-il, sous sacarapace,unejeunefemmeàquijepouvaisparlerdemajalousieetdemesdoutes?

–C’esttarelationavecluiquim’intéresse.Elleesquissaunsourirenarquois.– Au risque de me comporter comme une garce, pourquoi est-ce que tu ne lui

demandespasàlui,plutôt?Je l’avaisdéjà traitéedegarcedansma tête,mais riennem’avait encoreprouvéque

j’avaisraison.Et,commeavecStacy,jeressentissoudainlebesoindemedéfendreetdemejustifier–pourtant,çanemeseraitpasd’unegrandeaidedanscetteconversation.

– Je lui ai déjà demandé, et il m’a répondu. J’aimerais simplement que tu clarifiesdevantmoivotrerelation.

Ellehochalatêteetsemblaacceptermaréponse.– Notre relation est strictement professionnelle. Hudson est mon patron. Je suis son

directeurfinancier.–Strictementprofessionnelle.–Absolument.

J’avais craint de ne pas être convaincue par sa réponse. Ce fut le cas. C’était lui quisignaitsesbulletinsdepaie,cequiétaitpourelleuneraisonsuffisantedenepasmedirelavérité.S’ilsavaientétéamants,etqu’ils l’étaientencore,elleavaitencoremoinsderaisonsd’êtrehonnêteavecmoi.

J’espéraisnéanmoinsapprendrequelquechose,n’importequoi.Peut-êtreferait-elleunlapsusouquesonvisagelatrahirait.

– Ilestévidentque tu le trouvesattirant.Tune fais rienpour lecacher lorsque tu leregardes.

Elleleregardaitcommes’ilétaitunApollon.Enmêmetemps,c’estcequ’ilétait.–C’estunhommetrèsattirant,réponditNormaenriant.Maisilnem’intéressepasde

cettefaçon.Jesavaisqu’ellemementaitpuisqueHudsonm’avaitparlédesesavances.–Ilm’aditquetuvoulaisquevoussoyezplusqu’amisoucollègues.–Ahbon?s’exclama-t-elleenécarquillantlesyeux.Pourquoimementirait-il à ce sujet ?Mon cœur semit à battre la chamade et Norma

revintsursaréponse.–Enfin,oui,d’accord.Ilyalongtemps.Jesuissurprisequ’ils’ensouvienne,d’ailleurs.

Maisleschosesontchangé,maintenant.Jepenchai la têtesur lecôtéetcherchaià lire lavéritédanssonregard.Bienpeude

mes coupsde cœur avaientdisparu avec le temps.Engénéral, ilme fallait rencontrerunnouvelhommepouroublierleprécédent,maisj’étaisobsessionnelle–jenefonctionnaispasnécessairementcommetoutlemonde.

Enrevanche,HudsonsemblaitpenserqueNormaétaittoujoursintéressée.–Hudsonnesemblepaspenserqueleschosesontchangé.Elle me dévisagea pendant plusieurs longues secondes avant de sourire jusqu’aux

oreilles.–Peut-êtrequejen’aipasenviequ’ilsachequeçaachangé.J’entrelaçaimes doigts surmes cuisses pourme retenir de la gifler et de gommer ce

sourire satisfait de son visage. Au lieu de cela, je la fusillai du regard, espérant la fairecraquerpourqu’elleendisedavantage,et jegagnai.Enfin,plusoumoins.Ellem’expliquasespensées,mêmesiellesnemeplaisaientpasbeaucoup.

–C’estmonpatron.Çam’arrangedeleflatterdetempsentemps.Jemereculaidansmonfauteuiletl’étudiaid’unairsuspicieux.–Ilyaautrechose.Tunemedispastout.Jevis s’afficherdanssesyeuxunerage,ouunepanique– jen’enétaispassûre,mais

aucundecessentimentsn’allaitm’aideràobtenircequejevoulais.Jeprisdureculetadoptaiunetactiquedifférente,enfaisantappelàsacompassion.

–Jesuisdésolée.Jesaisqueçanemeregardepas,mais jesuisdésespérée.C’est trèsimportantpourmoi,etdepuisqueGwentravailleauclub,j’aipenséqu’ilallaityavoirunesortedelienentrenous.

Cettefois-ci,sacolèrenefaisaitpasdedoute.–Est-cequetumenacesdevirerGwensijerefusederépondreàtesquestions?Merde!–Non!MonDieu,non!J’adoreGwen!Enfin,plusoumoins.–Entoutcas,jel’appréciebeaucoup,rectifiai-je.Vraiment.Elletravaillebien,c’esttout

àfaitlapersonnequejerecherchais,dis-jeenm’arrêtantpourreprendremonsouffleetmecalmer.Cequejeveuxdire,c’estqueleSkyLaunchestcommeunegrandefamille,etGwenyprendsaplacepeuàpeu,mêmesiparfoiselleestunpeutroppresséededirecequ’ellepense.

–C’est toutGwen, ça,ditNormaen riantdoucementavantdepencher la tête sur lecôté pour m’étudier. J’apprécie que tu lui aies donné ce boulot, au fait. J’ai remerciéHudson, mais il m’a dit que c’était toi qui l’avais engagée. Elle avait vraiment besoin departirdeL’Étage.D’ailleurs,jecroisqu’elleétaitaussidésespéréequetul’esmaintenant.

Ellerestasilencieuse;ellem’étudiait.–C’estpourcetteraison–pourcequetuas faitpourGwen–que jevais te faireune

confidence, dit-elle enfin avant d’appuyer sur son interphone. Boyd, tu peux venir s’il teplaît?

«Biensûr»,réponditsonassistant.LeregarddeNormaétaitrivésurlaporteferméedesonbureau.Jemeretournaipour

faire de même, curieuse de savoir comment son assistant allait pouvoir répondre à mesquestions.Avait-ellel’intentiondeluidemanderdemejeterdehors?

Boydfrappaàlaporteetentra,avantd’yêtreinvité.«Jepeuxvousaider?»Bon sang, quel sourire ! Il avait le sourire d’un collégien – tendre et expansif – et le

souriredeNormaétaitidentique.–Boyd,mademoiselleWithersveutsavoirsij’entretiensuneliaisonavecHudsonPierce.Sonsourires’évanouitetilrestabouchebée,endévisageantNormaetmoitouràtour,

puisilessuyanerveusementsesmainssursonpantalon.– Ne t’inquiète pas,mon grand. Tu peux dire la vérité. Sois aussi honnête que tu le

veux,dit-elled’unevoixquisous-entendaitquelesdeuxpartageaientunsecret.Était-ceBoydquiprenaitlesrendez-vousgalantsdesapatronne?–Non,ilsn’ontpasdeliaison,dit-ilenmeregardantdanslesyeux.Saréponseauraitdûmeréconforter,maisj’étaisdenaturesuspicieuse.–Commentpeux-tulesavoir?Est-cequetuassistesàleursréunions?

– Non, mais je sais qu’ils sont collègues et rien d’autre, dit-il en regardant Norma,commes’illuidemandaitlapermissiond’endiredavantage–cequ’ellesemblaluiaccorder.Elleneferaitpascelaàsonmec.Elleesttrèsfidèle,ajouta-t-il.

–Merci,Boyd,ceseratout,conclutNorma.Il hocha la tête et sortit. Je n’attendis pas qu’il ait refermé la porte pour poursuivre

moninterrogatoire.–Tusorsavecquelqu’un?Sesjouescramoisiesmedirenttoutcequej’avaisbesoindesavoir.–MonDieu!m’exclamai-je.C’estBoyd!Elle rougit de plus belle et sourit jusqu’aux oreilles. Mince, elle était complètement

accro.– Alors, tu penses vraiment que jem’amuserais à fricoter avec un collègue avecmon

amantdel’autrecôtédelaporte?–Pourquoiest-cequeHudsonnem’apasditquetuétaisencouple?Çaauraitsuffiàmerassurer,carmêmesiNormaavaitvoulutromperBoyd,ilétaitpeu

probablequ’elleflirteavecHudsonsoussesyeux.Surtoutqu’elleavaitl’airraidedinguedesonassistant.

Cependant,àpeineavais-jeprononcé leprénomdeHudsonque le souriredeNormas’évanouit.

– Hudson ne le sait pas, dis-je en comprenant enfin la situation. Pourquoi ? C’estsecret?

– Les règles chezPierce Industries sont très claires : onnepeut avoir de liaison avecquelqu’un qui travaille dans le même département. Boyd serait transféré dans un autreservice,etjeneveuxpasleperdre.Iltravailleavecmoidepuisdeuxans,etcelafaitunanqu’onestensemble.C’estlemeilleurassistantquej’aiejamaiseu–àtoutpointdevue.

–DonctulaissescroirequeHudsonteplaîtencore,pourqu’ilneprêtepasattentionàtarelationavecBoyd,c’estça?

Norma hocha la tête. En fait cette femme n’était pas du tout une garce, elle étaitsimplementinquiètequequelqu’undécouvresonsecret.

–Jecomprends,dis-jeenmesentantcoupable.Jemesensbête.Net’enfaispas,jenedirairienàHudson.

– Merci, dit-elle en hochant les épaules. En fait, c’est plutôt agréable de le dire àquelqu’un,ajouta-t-elleensouriantdenouveau.

–Jen’endoutepas.MarelationavecHudsonavaitétéunsecretaussi,audébut,etjemouraisd’enviedele

direàquelqu’un–n’importequi.JecomprenaistoutàfaitcequeressentaitNorma.Etpuis,parlerdesessentimentsfaisaitpartieduplaisirquandonétaitamoureux.

Endépitdematendanceàêtreparanoïaque,Normam’avaitconvaincuequ’ellen’avaitd’yeuxquepoursonassistant.Toutefois,celan’expliquaitpaspourquoiellepassaitautantdetempsavecmonmec.

–Donc,s’iln’yarienderomantiqueentrevous,pourquoies-tuautantavecHudson?J’avais envie d’entendre Normame dire lamême chose queHudson, c’est-à-dire que

c’étaitàcausedecedeal…etj’espéraisqu’ellem’endiraitdavantage.–Ilnetel’apasdit?demandaNormaenfronçantlessourcils.Jesecouailatêteetellesemblacomprendre.– Hmm, en même temps, ça ne m’étonne pas. Nous travaillons sur un contrat très

compliqué. Hudson possède des actions dans une entreprise, et il veut en rachetersuffisammentpouravoiruneparticipationmajoritaire.Saufqu’ilneveutpasqueleconseild’administrationdecetteentreprisesoitaucourant.Ducoup,ilestentrainderacheteruneautreentreprisequipossèdesuffisammentdepartsdanslapremièreboîteafinque,enplusdesactionsqu’iladéjà,ilarriveàcetteparticipationmajoritaire.Etcommeil fait toutceladans l’ombre,nousavonsdûêtreextrêmementdiscretspourquepersonnene l’apprenne.Unpeucommeunepartied’échecs.J’aidûmerenseigneràproposde loisetdestratégiesquejeneconnaissaispasjusque-là.Ceseraitunmiraclesiçamarchaitmais…jecommenceàcroireauxmiracles.

Ellemarquaunepause,commesielles’étaitunpeulaisséeemporter.– La gestiondes affaires deHudson est brillante.C’est fascinant de le voir en action,

conclut-elle.Sonregards’était illuminé, jecomprisquec’étaitbien lemanagerqui luiplaisaitchez

Hudson.–Ilestévidentquetuadorestonmétier,Norma.Hudsonestprobablementlepatronle

plusdouéquej’aierencontré,cedoitêtregénialdetravailleraveclui.Moi-même, j’aurais adoré travailler avec lui – c’était aussi excitant mentalement que

physiquement.–Oui,çal’est,acquiesça-t-elle,leregardànouveausérieux.Aufait,quandj’aiditque

tuétaismieuxpourluiquelaWerner,jelepensais.Ellelerendaittrèsmalheureux.Toi,tulerendspresquejoyeux.

Ce n’était pas la première fois que Norma insinuait que Hudson et Celia avaient étéensemble.Hudsonl’avaitdémentiendisantqueNormasetrompaitautantquelesautresetqu’ils’étaitservidesonignorancepourrepoussersesavances.Maismaintenantque j’avaisvulavidéo,jemedemandaiss’iln’yavaitpasuneautreraison.

– Pourquoi penses-tu qu’il était avec Celia ? C’est lui qui te l’a dit ? Tu les as vusensemble?

–Non,ilnel’ajamaisdit,c’estjustequecommeellel’accompagnaitsouventauxgalasouauxsoiréesd’entreprise,j’aisupposéqu’ilsl’étaient.Pourquoi,cen’étaitpaslecas?

J’ignoraisaquestion,presséed’obtenirdavantaged’informations.–Tulesasdéjàvuss’embrasserousetenirlamain?– Non, jamais, répondit-elle avant de marquer une pause, comme si elle se rendait

compteseulementmaintenantquec’étaitétrange.Enfait,c’estpourcelaquejeletrouvaismisérable – il n’y avait aucun signed’affection entre eux. Le regarddeHudsonnebrillaitpas comme lorsqu’il est avec toi. Il est rayonnant, même quand il parle de toi en tonabsence.

J’étaisbouchebée.–Ilparledemoi?–Toutletemps,dit-ellecommesicelan’avaitriend’anormal.–Jenem’enseraisjamaisdoutée,luirépondis-je,pendantquemoncœurbondissaitde

mapoitrine.

***

Jequittai lebureaudeNormaaveclecœurbienplus légerqu’enyentrant.ElleavaitapaisémesdoutessurlafidélitédeHudsonetsursarelationavecCelia.J’étaisdeplusenplusconvaincuequetoutecettehistoiren’étaitqu’unecomédie.

Cependant, ma bonne humeur se dissipa lorsque je réalisai que je devais repasserdevantlebureaudeHudson.SiJordanluiavaitécrit,ildevaitêtreàmarecherche,orjenesavaispassi jevoulais levoirounon.Si je lecroisais, ilallait falloirque je luiexpliquecequejefaisaisici.

En même temps… je le verrais, ce qui me paraissait tout à la fois merveilleux etdouloureux.

Jemarchai lentementdans lecouloiren faisantdemonmieuxpournepas faire tropclaquermestalonssurlesolenmarbre,lesyeuxrivéssurlaportedesonbureau,toujoursfermée.Ducoup,jeneremarquaiqu’ilétaitdevantmoiqu’enluirentrantdedans.

«Alayna.»Voilàcesonquej’aimaisentendreplusquen’importequelautre–monprénomdanssa

bouche,surleslèvresdel’hommequej’aimais.Illeprononçaittoujourscommesic’étaitunhymneouuneberceuse.Celaréveilladesémotionsquej’avaistâchéd’enfouirprofondémentenmoi.Jememisàfrissonneretmapoitrinemeparutsurlepointd’exploser.

J’auraisvouludirequelquechose,maisj’étaissansvoix.Hudson passa son bras autour de ma taille et me conduisit à son bureau. « Allons

discuterenprivé,situveuxbien.»–Suspendeztousmesappels,dit-ilàTrishavantdefermerlaportederrièrenous.Dans d’autres circonstances, son côté mâle dominant m’aurait excitée au plus haut

point.Bon,d’accord,mêmemaintenant–j’étaisexcitée.Enplus,j’avaisétéunevilainefille

enparlantàsonemployéedanssondos.Peut-êtrequ’ilallaitmedonnerlafessée.Waouh,monoptimismemesurpritmoi-même.–Ehbien,bonjour,H.–Quefais-tulà,Alayna?Ilavait l’air fatiguéet lavoixaussi.Sesyeuxétaientrougesetcernés.Était-ceàcause

de moi qu’il n’arrivait pas à dormir ? Ou bien était-ce à cause du travail, ou parce qu’ildormaitdansunautrelit?

Même avec des cernes, Hudson était sexy. Je m’étais souvent demandé si jem’habitueraisunjouràêtreavecunhommeaussibeau.Apparemment,pasaujourd’hui.Saprésence m’excitait, me rendait toute chose – et ça m’agaçait. En fait, ce mélanged’attirance,de frustrationetdedésespoirmemitdansunehumeurétrange…j’avaisenviedeflirteraveclui,toutenmesentantagressive.

– Pourquoi je suis dans ton bureau ? C’est toi qui viens de m’y emmener, tu tesouviens?répondis-jeenlaissantmamainsepromenersurledosducanapé.

–Nesoispasinsolente,dit-ild’unevoixoùpointaitsonenviedesourire.Qu’est-cequetufaisdansl’immeuble?

Jeleregardaipar-dessusmonépaule.–Peut-êtreque je suisvenue tevoir.Tusaisque j’ai tendanceàharceler leshommes

quimerejettent.Aprèstout,çapouvaitm’arriver.D’ailleursc’étaitdéjàarrivéavecHudson.–Tun’espas venuemevoir, dit-il en soupirant.Tu es arrivée à cet étage il y aplus

d’unedemi-heureetc’estseulementmaintenantquetutedirigeaisversmonbureau.Jemetournaibrusquementverslui.–Putain,maiscommenttusaistoujourscequejefais?C’estJordan?Tescamérasde

surveillance?Jesavaisquec’étaientmesgardesducorps,maisjevoulaisleluientendredire.Cefut

en luiposant laquestionque jeme rendis compteàquelpoint cette situationm’agaçait– c’était comme s’il épiaitmesmoindresmouvements. Du coup, pas question deme sentircoupabledefouinerdanssonpasséetsavieprivée.

–Jenevaispasculpabiliserdeprotégercoûtequecoûtecequim’appartient,dit-ilencroisantlesbras.

J’entendissesparolesmaisnerépondispas.Jemesuiscontentéedepassermalanguesurmeslèvres.

–Alayna?Jeme forçai à détourner mon regard pour stopper la transe dans laquelle ses mots

m’avaientplongée.–Quit’appartient,hein?Nemeprendspaspouruneimbécile.

Apparemment j’étais parvenue à la phase colérique de mon deuil. C’était unchangementappréciablecomparéà ladouleurconstantequim’avaitaccompagnée jusqu’àmaintenant.

MaragesemblaattisercelledeHudson.–Bonsang,Alayna,combiendefoisva-t-onavoircetteconversation?–Jenesaispas,rétorquai-jeenhaussantlesépaulesdefaçonexagérée.Peut-êtreune

bonnecentainedefois,puisqu’apparemmentjenecomprendspas.Il me tourna le dos et passa sa main dans ses cheveux. Lorsqu’il me regarda de

nouveau,ilparaissaits’êtrecalmé.–Pourquoi.Es.Tu.Là?Je ne savais si je préférais lui dire la vérité ou si je voulais la garder pourmoi, juste

pour l’agacer. J’avais envie de l’agacer,mais je devais néanmoinsme souvenir que jemebattaispourlui,etpascontrelui–lavéritél’emporta.

–JesuisvenuevoirNorma.–ÀproposdeGwen?demanda-t-ilenhaussantlessourcils.Je couvrismon visage avecmesmains avant de les laisser retomber le long demon

corps.–Àproposdetoi,espèced’andouille.Iln’yaquetoiquim’intéresses,dis-jeenravalant

la boule qui se formait dansma gorge.Combiende fois est-ce quemoi je dois avoir cetteconversationavectoi,Hudson?m’exclamai-je,ensentantquemacolèrereprenaitledessus.

–Tuesvenueparlerdemoiavecmonemployée?s’écria-t-il,mâchoireserrée.Je savais qu’il était énervé. Plus qu’énervé,même. J’avais espéré qu’il trouverait cela

romantique.–Jen’aipasàmesentircoupabledeprotégercequim’appartient,rétorquai-jeen lui

renvoyantsesparolesàlafigure.Sesyeuxbrillèrentsoudain.Maremarquel’avaittouchéet jefusheureusedevoirque

jepouvaisencorel’affecter.Mapossessivitél’avaitému,apparemment.Jeprofitaidesasurpriseetadoucismonapproche.– Je voulais seulement voir par moi-même si tu lui plaisais ou non. S’il se passait

quelquechoseentrevous,expliquai-jeavecunecertaineamertume.Etnet’avisepasdemeparler de confiance, parce que tu sais très bienqu’elleme rend jalouse, et tun’es plus làpourmerassurer.

Chacun de mes mots était dur et plein de rancœur. Je détestais me sentir aussidéboussolée,maisaumoinsjedisaiscequej’avaissurlecœur.

Hudsonappuyasahanchecontrelecanapéetm’étudiaintensément.Lorsqu’ilrepritlaparole,ilétaitcalmeetmaîtredelui,commetoujours.

–As-tutrouvécequetuvenaischercher?–Oui.

–Et?Jememordislalèvrepournepasluicéder,maisjefinisparavouercequejesavais,à

contrecœur.–Elleaunegrandeestimepour toi.Elle te respecteet elle t’admireet elle reconnaît

que,physiquement,tuesattirant…neprendspaslagrossetête.–Mais…–Mais elle a tourné la page. Tu ne lui plais plus comme avant. Je le vois dans son

regard.C’était lemeilleurmoyendenepas révéler le secretdeNorma.Etc’étaitvrai, cela se

voyaitdanssonregard.–Trèsbien.Alorstumecroisenfin,dit-ilenayantl’airsatisfait.–Leproblèmen’est jamaisvenudecequetumedisais,c’estcequetunemedispas

quinousempêched’avancer.–Tunepeuxpasexigerdetoutsavoir,rétorqua-t-il.Soudain,lesemblantdecalmequej’avaisréussiàtrouverdisparut.–Tu te fousdemagueule?m’écriai-je. Jepeuxdire lamêmechose sur toi : tum’as

espionnée, tu as fouillé dansmonpassé avantmêmequ’on se rencontre. Peut-être que jetrouveçainjuste,moiaussi.Maistut’enfiches,tufaiscequetuveuxsanstesoucierdelavieprivéedesautresetdeleurdroitàavoirunsecret.Etpuistantqu’onyest,quecesoitclair,étantdonnéquetuasdécidédenerienmedire,jemènemapropreenquête.

Hudsonneputmasquer l’inquiétudequiapparutdanssesyeux.Celam’encourageaàcontinuer.Jevoulaisledéstabiliser,commeilsavaitsibienlefaireavecmoi.

–Absolument.J’aiparcourutousleslivresqu’aenvoyésCelia,j’aiétévoirStacy,jeviensde voirNorma. Je suis les indices et je suis sûre que je finirai par découvrir ce que tumecaches. Tu ne crois pas qu’il vaudraitmieux que tume l’avoues plutôt que deme laisserl’apprendretouteseule?

–Alayna,arrêtedefouiller,dit-ild’unevoixtendueenfaisantunpasversmoi.Maispourquoinemedisait-ilpascequ’ilcachait?–TuprotègesencoreCelia,c’estça?–Cen’estpasCeliaquejeprotège.– Qui, alors ? Toi ? Moi ? hurlai-je sans me soucier de savoir si on pouvait nous

entendredanslecouloir.–Ilfautquetupartes.Toutdesuite,dit-ilenmesaisissantparlecoude.Sonordredissipatoutemacolère,mapeinerepritledessus.J’avaislesoufflecoupé,je

sentis mes larmes monter. Il voulait que je parte. Il ne voulait plus me voir. C’était ladernièrechosedontj’avaisenvie.

Nousétionssidifférents…nouspassionsnotretempsàlutter,sansjamaisprogresser.

– Tu m’enfermes encore dehors, Hudson, dis-je en essuyant une larme. Commetoujours.Tutecachesdanstaforteresse.Pourquoidevrais-jemebattrepourtoisitunemelaissesjamaisentrer?Quiest-cequetuprotèges,Hudson?Qui?

–Toi, bon sang ! s’écria-t-il enme serrant plus fort.C’est toi que je protège,Alayna.Toujourstoi.

Enunclind’œil,sabouches’emparadelamienne.Ilétaitautantenmanquequemoi–aussi désespérément seul. Son baiserme dit tout son désir et son amour, tus depuis troplongtemps.

Meslarmescessèrent.Jesaisislecoldesavestepourl’attireràmoi.Jepassaimajambeautour de sa taille, soulevantma jupe au-dessus demes cuisses. Jeme collai à lui etmecambraienfrottantmonsexecontrelesien.

L’instantd’après,ilm’avaitretournéeverslecanapé.Jem’yaccrochai.Ilm’enlevamonstring. Il gémit lorsqu’il plongea deux doigts en moi, me découvrant déjà mouillée –trempée,même.J’entendisensuite lebruitdesaceintureetdesabraguette.Puis je sentissesmainssurmesfesses.Ils’enfonçaenmoi,profondément,brusquement,encoreetencore.Chacun de ses coups de bassin était accompagné d’un grognement rauque. Ses testiculesbattaient contre mes fesses à chaque aller-retour et ses mains agrippaient mes hanchescommesisavieendépendait.

Il me baisait, j'étais penchée par-dessus son canapé, c’était incroyablement bon, etjamaisjenel’avaisautantdésiré.

Jenepouvaispasvoirsonvisagedanscetteposition,jenepouvaispasleregarderdanslesyeux,etjesavaisqu’illefaisaitexprès,pouréviterqu’onsoittropintimes,pourquenotrebaisenesoitqu’unactesexuel,etriend’autre.

Or ce n’était jamais que du sexe, entre Hudson etmoi. Il y avait toujours plus – uneunioncomplète,unefusionquinouscomplétait,quinousguérissaitetnousfaisaitatteindredessommetsinsoupçonnés.Jenepouvaispaslelaissermepriverdecela.

Jemeretournai,jetendislamainpoursaisirsachemise,ilouvritlesyeux.Jeplongeaimonregarddans lesien,cequi le fitralentir.Sesva-et-vientétaient toujoursrapidesmaismoinsbrutaux.C’étaitdecetteconnexionque j’avaisbesoin.Monsexe secontractaquandmontamonorgasme.Lafrictionaugmentamaisilcontinuasanschangerderythme,jusqu’àcequ’ilsedéverseenmoilentement,longuement,engémissantmonprénom.

Sonorgasmedécuplalemien,mavuesebrouilla,jefusprisedevertige.Jetombaitêtelapremièresurlecanapé,haletante,euphorique.Hudsons’écroulasurmoi,meserrantfortcontre lui pendant plusieurs merveilleuses secondes, jusqu’à ce que notre respirationredeviennerégulière.

Lorsqu’ilseretira,jemetournaipourmeblottirdanssesbras.Ilmeserraplusfort,jelevailatêtepourqu’ilm’embrasse.Ilgobamalèvreinférieureetlasuçatoutenprenantmatête entre ses mains. Nous ne nous étions jamais embrassés ainsi – nos bouches ne

bougeaient plus, nos corps s’accrochaient désespérément l’un à l’autre, nos souffles àl’unisson.

Lorsqu’onseséparaenfin,jel’entouraiavecmesbrasetdéposaiunesuitedebaiserslelong de sa mâchoire et de son cou. « Mon Dieu, tu me manques. Tu me manquestellement.»

« Tesoro… amore mio… piccolina… » Ses mains papillonnèrent sur mon visage, sonpoucecaressatendrementmesjoues.Ilétaittendre,parfait.Bienqu’ayantpeurderompreun si beaumoment, je voulus profiter de cette osmose et de l’effet qu’elle produisait surnous.Tremblante, je parvins àpeine à chuchoter la questionque j’avais si désespérémentbesoindeposer.

–Quandrentres-tuàlamaison?Ilappuyasonfrontcontrelemienetsoupiraenpassantsesmainsdansmanuque.–JedoisalleràLosAngelespourleweek-end,dit-ilenregardantsamontre.D’ailleurs

jesuiscensépartirdansvingtminutes.Je fusà la fois follede joieethorriblementdéçue.D’uncôté, ilnemerepoussaitplus

commeillefaisaitdepuisplusieursjours.Del’autre,s’ilrevenait,ceneseraitpascesoir.Je pris des précautions, mais j’essayai néanmoins de lui en faire dire plus. « Ça fait

partiedecedeal?AvecNorma?»Cela ne me gênait pas qu’elle y aille. En tout cas, pas autant qu’avant. J’étais

simplementcurieuse.Hudsoneffleuramonnezaveclesien.«Oui,avecNorma.Etàmonretourdevoyage,

sitoutvabien,ceserafini.»Jefermailesyeuxpourmieuxrespirersonparfum.Nousétionsàdeuxdoigtsderégler

tousnosproblèmes…jelesentaisdansmoncœur,danstoutmoncorps.Allions-nousdevoirtoutperdreàcausedesondépart?

Demande-moideveniravectoi,pensai-je.Viensavecmoi,allez,dis-le.Maisilneditrien.Ilmerepoussaetj’eusl’impressionqueçaledéchirait.Ilserhabilla

etrestafaceàmoi,unemainsurlahanche,commes’ilprenaitunedécision.Jefusétonnéed’êtreblesséedavantage.N’yavait-ilpasunelimiteau-delàdelaquelle

la douleur deviendrait tellement insupportable que je cesserais de ressentir quoi que cesoit?Siunseuilexistait, jene l’avaispasencoreatteint,parcequesonregardmepoussaencoreplusloinenenfer.

Je ne voulais pas être son problème. Je voulais être sa vie – après tout, il était lamienne.

Puis subitement, tout changea. Sa main retomba et son expression se transforma,comme si tout son corps se détendait. Pour la première fois depuis plusieurs jours, sonregardmeconfirmaitquej’étaistoutpourlui…lecentredesonunivers.

Ilmepritdenouveaudanssesbrasetilmeserrafort.

–Bonsang,Alayna,jenepeuxpascontinuercommeça,dit-ild’unevoixdouloureuse.Jenesupporteplusdenepasêtreavectoi.Tumemanquestellement.

–C’est vrai ? luidemandai-je en reculantmonvisagepour chercherdans ses yeux laconfirmationdontj’avaisbesoin.

Ilpritmonvisageentresesmainsetcaressamalèvreinférieureavecsonpouce.– Bien sûr, tumemanques… tellement,ma belle. Tu es tout pourmoi. Je t’aime. Je

t’aimetellement.Mon cœur se mit à battre comme un tambour et le monde entier disparut, pour ne

laisserqueHudsonetmoi.Ill’avaitdit.Ill’avaitditdeuxfois.Il l’avaitdit,etil lepensait.Jesentaissasincéritéà

travers chaque celluledemon corps.Et grâceà ces troispetitsmots, lesnuagesnoirs quim’avaientenveloppéedisparurent.Lesoleilbrilladenouveau.Jemesentaislégère,commesij’ouvraislesyeuxsurunmondenouveau.C’étaitluiquiavaitfaitlepremierpas,quiavaitsuffisamment changé pourm’offrir ce dont j’avais besoin, mais c’était moi qui subissais lamétamorphose.J’étaiscommeunpapillonsortantdesachrysalide:jepouvaisenfinvoler.

Cependant,j’avaisbesoind’êtrecertaine.–Qu-qu-quoi?–Tum’astrèsbienentendu,dit-ilensouriant.–Jeveuxl’entendreencoreunefois.Jeretinsmarespiration,craignantqu’unmouvementtropbrusquenerompelecharme

etquejemeretrouveseuledansnotrelit–quetoutcelas’avèren’avoirétéqu’unrêve.Orcen’étaitpasunrêve,et jen’étaispasseule.J’étaisdans lesbrasd’unhommequi

medisaitànouveau«Jet’aime».–Tum’aimes?– Je t’aime,ma belle, dit-il en effleurantmes lèvres avec les siennes. Je t’ai toujours

aimée. Dès l’instant où je t’ai vue. Je pense que je le savais bien avant que tu en aies lamoindre idée,ajouta-t-ilavantde repousserma têteenarrièrepourmeregarderdans lesyeux. Mais certaines choses… dans mon passé… m’ont empêché de te le dire. Etmaintenant… je dois faire ce… ce truc. Je dois finir ce deal. Et lorsque je rentrerai, nousparlerons.

–Onparlera?J’étais comme un perroquet qui répétait tous ses mots. J’étais si euphorique, si

éperdumentjoyeusequej’étaisincapabled’articulerunephrase.

CHAPITREDIX-SEPT

Hudsonetmoin’étionspasprêtsàmettrefinànosretrouvailles.Nousrestâmesdans

lesbras l’unde l’autreaussi longtempsquepossible.Noussortîmesde la tourPiercemaindans lamain et ilme proposa de l’accompagner jusqu’à l’aéroport. J’en avais envie,maisNorma partait avec lui, et je compris en le regardant dans les yeux que Hudson avaitl’intentiondemepeloter,quenoussoyonsseulsounon.

–Tuvasmemanquer,dit-ilenm’embrassantpourmedireaurevoir.Ilnesemblaitpasprêtàledire,alorsjedécidaideprendreletaureauparlescornes.–TupourraismedemanderdeveniravectoiàL.A.,tusais.–C’estmarrant,parcequed’habitude,tunecessesdemerappelerquetuasunclubà

diriger,répondit-ilenmecaressantlebras.Etjevaisêtretrèsoccupé,mabelle.J’adoreraisquetusoislàmaisjenepourraispast’accorderl’attentionquetumérites.

Je me demandai un instant s’il avait une autre raison de ne pas vouloir que jel’accompagne, mais je tâchai vite d’oublier mes doutes. Il avait raison – j’avais desresponsabilitésici,etlefaitqu’illereconnaisseenfinétaitungrandpasenavant.Celadit,jenepusm’empêcherdefairelamoue.

–Neboudepas,dit-ilenm’embrassantsurlefront.ResteicietvaaupotdedépartdeDavid,dimanche.Jeseraideretourlundi.

–Aupenthouse?J’avaisencorebesoind’êtrerassurée.Jepouvaissupportersonabsenceencorequelques

jourss’ilrentraitàlamaisonpourdebon.–Aupenthouse,oui,dit-ilenm’embrassantencoreavantdemonterdanslalimousine

etdepartirpourl’aéroport.

***

Hudsonetmoin’étionspasencoreensemblecommeavant–d’ailleurs ladistancequinousséparaitétaitbienplusgrande–,maisnousétionsànouveauencoupleetcelafaisaittouteladifférence.Nousétionsheureuxetamoureuxcommejamais.J’étaissigaieautravailqueGwenplaisantaenaffirmantquenousnenousétionsjamaisrencontrées.Desoncôté,David fut d’humeur lugubre toute la soirée. Il eut beau répéter que c’était parce que sondépart approchait à grandspas, je savais que j’en étais la cause, et qu’il avait espéréqueHudsonetmoirompionspourdebon.

Dieu merci, ce n’était pas le cas, et malgré la distance, Hudson me prouva que leschosesavaientchangé.Ilmefitlivrerdesfleurssauvagesautravail–lesmêmesquecellesqui poussaient autour de son chalet dans les Poconos – et il m’envoya de nombreuxmessages,cequiétaithabituellementtrèsrare.Lorsqueenfinj’eusletempsdejeteruncoupd’œilàmontéléphone,ilyenavaitdéjàplusieurs.

Jeviensd’atterrir.Tuasreçumesfleurs?J’enaifaitlivrerdansmachambred’hôtel,aussi,pourquejepuissepenseràtoi.C’esttoiquim’évites,maintenant?Cederniermessagemefitrire.Non,jenet’évitepas,jetravaille.Mercipourlesfleurs.Continuedem’écrire,jeliraichacun

detesmessages.Ilmeréponditpresqueimmédiatement,commes’ilavaitgardésontéléphoneàlamain,

enattendantqu’ilvibre.Sic’estundéfi,jel’accepteavecplaisir.Je continuai à recevoir des sms – tantôt romantiques, tantôt sexuels, parfois encore

drôlesoutendres–toutaulongdelasoiréeauxquelsjerépondisautantquepossible.Nousnouscomportionscommesinousvenionsdenousrencontreretquenousétionsdanscettephasebêtementjoyeuseoùl’onnepeutpassepasserdel’autre.

Le début de notre relation était loin d’avoir été traditionnel et nous n’avions jamaisconnu cette phase.De plus, nous avions vite rencontré des difficultés que nous avions eubeaucoup demal à surpasser, ce qui avait ralenti voire arrêté toute évolution au sein denotrecouple.

Lesamedi,jefusagréablementsurpriselorsquejereçusunnouveaubouquetdefleurs,au penthouse, cette fois-ci. Plus tard dans l’après-midi, Hudson ne se contenta pas dem’écrire,ilm’appela.

Jerépondisaprèsladeuxièmesonnerie.–Jen’arrivepasàcroirequetum’appelles.J’avaistoujourseul’impressionquepourHudsonlesappels–commelessms–étaient

unepertedetemps.Ilsecomportaitàprésentcommesiplusrienn’étaitunepertedetempslorsquecelameconcernait.

Enrevanche, jedevaismepréparerpourallerautravail,et jen’avaisvraimentpas letempsdeluiparler.

–Àquoitupenses,H.?,demandai-jeaprèsplusieurssecondesdesilence.–Àtoi.Penchéesurlecanapédemonbureau.–C’estfaux,tumens,dis-jeenrigolant.–Jet’assure.Jepenseauxbruitsquetufaisais,àlafaçondonttum’asregardé…àtes

yeuxquandtuasjoui…MonDieu,Alayna,tunesaispasàquelpointtuesmagnifique.Jeme sentis rougir et je gigotai sous la couette. Comment pouvait-ilmemettre aussi

malàl’aiseautéléphone?–Sijelesuis,c’estgrâceàtoi.–Ça,c’estunmensonge.Jeneveuxplusjamaist’entendredirequejesuisresponsable

detabeauté.Jen’aiaucunmérite.Taperfectionnetientqu’àtoi.– Si tu le dis. En revanche, c’est grâce à toi que je suis heureuse, et à mes yeux le

bonheurestbeaucoupplusimportantquelabeauté.Ilrestasilencieuxunmomentetjecraignisdeluiavoirfaitpeur.–Qu’est-cequ’ilya,Hudson?– Je me demandais seulement ce que j’avais fait pour mériter que tu mettes ton

bonheurentremesmains.J’espèrequejenetedécevraipas.Peut-êtremaremarqueétait-elledéplacée,puisquec’étaitàcausedeluiquej’avaisété

simalheureusejusqu’àlaveille.Cependant,c’étaitlavérité:Hudsonavaitlepouvoirdemerendre merveilleusement heureuse, ce qui signifiait qu’il avait aussi celui de m’anéantir.Peut-êtreétait-cetropdepressionpourlui,maisc’étaitinhérentàlaviedecouple.

–Tuleméritesparcequetum’aimes,toutsimplement,dis-jeàvoixbasse.–Trèsbien.Qu’est-cequetuportes?demanda-t-ilenchangeantbrusquementdesujet.–Unstringnoirendentelleetundébardeurassorti, répondis-jeen regardant l’heure

surmontéléphone.Merde.Ilfallaitquejeraccrochebientôt.J’étaissurlepointdeprendreunedouche,dis-jeensortantdulit.

–Enlèvetonstring,ordonnaHudsonengrognant.–MonDieu,Hudson,jen’aipasletempspourça…Cependant,sij’allaisprendreunedouche,ilfallaitbienquejemedéshabille.–Tudoistedéshabiller,detoutefaçon.– En effet,mais seulement pour la douche. Etmaintenant, je vais raccrocher, tume

distraistrop,dis-jeenallantàlasalledebain.–Trèsbien,dit-iltendrement.Tumemanques.–Tumemanquesaussi,jet’aime.–Jet’aiaiméelepremier.Jem’arrêtai, lamain sur la porte de la douche, et je fermai les yeux, savourant ses

paroles.

–Maisjel’aiditenpremier,letaquinai-je.–Peut-être,maisjel’aipenséenpremier,conclut-il.Allez,vaprendretadouche.Nete

caressepassaufsitupensesàmoi.–Tuveuxque jepenseàquid’autre, espèced’idiot ? répondis-je en remarquantque

mestétonspointaientetquecen’étaitpasàcausedufroid.Jetepréviens,jevaist’écriredesmessages coquins toute la nuit, à tel point que quand tu rentreras, tu ne pourras plus teretenir.

– Je suisdéjà impatient, grogna-t-il.Allez file avant que je t’oblige à temasturber autéléphone.

Je soupirai et raccrochai à contrecœur. Je surpris alorsmon reflet dans lemiroir. Lafemme que je vis n’avait plus rien à voir avec celle que j’y avais vue les jours précédents.Plusqu’unjouroudeuxetilseraitderetour.J’avaishâtedevoirmonrefletàcemoment-là.

***

Nous étions dimanche après-midi. Le temps semblait s’être arrêté… les minutesduraient des heures et chaque fois que je regardais la pendule, il me semblait que lesaiguillesn’avaientpasbougé. Jene tenaisplus enplace.Normalement,dans cegenredesituation,jepouvaism’occuperenlisantunlivreouenregardantunfilm;maisj’avaistrophâte que Hudson revienne. J’avais réussi à supporter son absence pendant les joursprécédents,grâceàsesmessagesetàsesappels,maisilm’avaitécritpendantlanuitpourmeprévenirqu’ilseraitenréuniontoutelajournéeetqu’ilneseraitpasjoignable.

J’avaisdéjàfaitunfootingsurletapisdelasalledesportetj’avaisenvisagéd’allerfairedu shopping. Mais c’était Reynold qui était de service aujourd’hui et il n’était pas monchauffeurpréféré.Àdix-septheures, j’étaisdéjàprêtepour la fêtedeDavid– j’avaisdeuxheures à attendre et je n’avais pas lamoindre idée de comment je pourrais bien occupermontemps.

Et puis merde, pensai-je en attrapant ma sacoche d’ordinateur pour partir. Je misl’alarme en mode absent et sortis de l’appartement : je savais que les gardes du corpsétaientprévenuslorsquel’alarmeindiquaitquej’étaisàlamaison,maisjenesavaispass’ilsrecevaientunmessagelorsquejepartais.J’attendisplusieursminutesenbasdel’immeublepour voir si Reynold arrivait,mais ce ne fut pas le cas. Je regardai autour demoi et, nevoyantaucunegrandeblondedanslesparages,jepartisverslecaféducoin.

J’étaisseuledanslaruepourlapremièrefoisdepuis longtemps,etc’étaitgénial.Celanemegênaitpasd’être suivie enpermanenceparReynoldou Jordan,mais jenepouvaisplus rien faire de façon spontanée. Et puis, cette protection rapprochée était une idée deHudson–Celianemefaisaitpaspeur.

Bond’accord,si,ellemefaisaitpeur,maisc’étaitsansraison.Aprèstout,quepouvait-ellebienmefaire?

Iln’yavaitquequelquesclientsdanslecafélorsquej’arrivai.J’auraisaimém’asseoirenterrasse,mais jedécidaideprendrequelquesprécautionsetde resterà l’intérieurpuisquej’étaissansgardeducorps.Jeprisdoncmonthéglacéetmonpaniniavantdem’asseoiràunetablesituéejusteàcôtédelaporte.

Lorsque j’eus terminé mon sandwich, je sortis mon ordinateur et lus mes e-mails :quelques-unsconcernaientleclub,unautreétaitunee-carddemonfrère,etledernierétaitunmessagedeStacy.J’ignoraitoutleresteetouvrisimmédiatementceluideStacy.

Jenesaispasquiaécritlese-mails.Peut-êtrequesituenvoyaisun,celapourraitt’aider.Voicil’undespluslongs.

Elleavaitensuitetransféréune-mailprovenantdel’adresseH.Piercedontellem’avaitparlé.J’aiuninstantpenséquecertainesfemmesauraientdécidéqu’ilétaitinutiledelirecemessage;puisqueHudsonavaitprévudetoutmedire.

Maisjen’avaisjamaisété–etjeneseraijamais–cesautresfemmes.Jesavaisavantmêmed’avoirfinidelirelepremierparagraphequeHudsonn’enétait

pas l’auteur. C’était trop poétique, trop fleuri. Hudson évitait les analogies et lesmétaphores.Même lorsqu’il était romantique– cequ’il juraitne jamaisêtre–, sa façondes’exprimerétaitdirecte,ilallaitdroitaubut.

Cette lettre était faite de tout ce que Hudson n’était pas. Elle faisait référence à lanature, à des chansons, à sa famille. L’auteur parlait de sa mère comme étant le pointd’ancragedelafamille,etdesonpèrecommeétantunpatriarchepleindecompassion.Celan’avaitrienàvoiraveclesPiercequejeconnaissais.

Verslemilieudel'e-mail,j’euslaconfirmationqu’ilneprovenaitpasdeHudson.J’aiappris toutceque je saisdumondegrâceaux livresetauxvoyagesorganiséspour les

riches,maisj’aimeraispouvoirunjourquittermavieettoutesmesresponsabilitéspourvoyagerau gré de mes envies. Je peux dire aujourd’hui que j’aime Paris et Vienne, mais qu’en sais-jevraiment,alorsquejen’yaipasvécuetquejen’airienapportéàlaculturedecesvilles?Sansl’expérience,lesparolesn’ontaucunsens.

LadernièrephraseétaitunecitationdeLolita–etd’autresencoremesemblaienttiréesd’œuvres classiques. Hudson Pierce ne lisait pas les classiques. Sa bibliothèque était vide,avantquejen’emménage.Celia,enrevanche…

Unmouvementattiramonattentionde l’autrecôtéde lavitre.Je levai lesyeuxetvisque le couple qui était assis était en train de partir. Ce qui m’interpella vraiment fut lafemmeassiseàcôtéd’eux.

Bonsang.Enparlantduloup.Nos regards se croisèrent et elle m’offrit ce même sourire de garce qu’elle m’offrait

toujours.

J’hésitai àdéciderquoi faire. Jepouvais rester assise là et écrire àReynoldpourqu’ilviennemechercher,oujepouvaispartiretvoirsiellemesuivait.

Oualors,jepouvaisallerluiparler.Jen’avaisriendeparticulieràluidireetjesavaisqu’ellemeharcèleraitdavantagesije

lui demandais de me laisser tranquille. Lui demander pourquoi elle agissait ainsi ne memènerait nulle part, et même si elle me répondait, je ne pouvais pas croire ce qu’elleracontait.

Pourtant, j’étaiscurieusedesavoircequ’elleavaitàdire.Jenemelaissaidoncpas letempsdechangerd’aviset jeprismonsac, saisismonordinateur,et sortis sur la terrasse.Ellen’eutpasl’airsurprisequejem’assoieenfaced’elle.

– Je t’enprieLaynie, assieds-toi,dit-elled’un tonqui était à la fois condescendant etjoyeux, comme si elle était ravie de cette confrontation.D’ailleurs, c’était probablement lecas.

Sanspréambule,jetournaimonordinateurverselleetdésignailee-mail.–C’esttoiquil’asécrit,n’est-cepas?Ellelutlespremièreslignesetjevisdanssonregardqu’ellelereconnaissait.–Jenesaisabsolumentpasdequoituparles,Laynie.Elleaimait répétermonprénom– j’avaisapprisà l’écolequecette techniqueservaità

rabaisserlesgens.–Cete-mail,Celia,c’esttoiquil’asenvoyéàStacy.Jereconnaistonstyle.–Maisc’estcomplètementdingue,dit-elled’unevoixexagérée.C’estsignéHudson.Tu

as piraté son compte e-mail ? Je crois savoir que c’est typique des femmes qui ont tonproblème. D’ailleurs, Laynie, penses-tu vraiment que tu devrais être assise avec moi ? Jepourraisencoreporterplaintecontretoi,tusais.

Jepenchailatêtesurlecôtéetl’étudiai.Ellevoulaitquejelamenacedeporterplaintecontreelle–maiscetteconversationallaitsedéroulerselonmestermes.

–Ceque jenecomprendspas, c’est comment tuasconvaincuHudsonde jouerà tonpetitjeu.

–Queljeu?demanda-t-elled’unevoixinnocente.–Lebaiser.Je tournai l’écran vers moi et chargeai la vidéo, puis j’appuyai sur lecture et la lui

montrai.–Celui-ci.Elleregardalavidéoensilence,sanslaisserparaîtrelamoindreémotion,puiselleleva

lesyeuxversmoietpritunairtrèssérieux.–Alorstuasdécouvertnotrepetitsecret…Ellevoulaitquejecroiequecebaiserétaitsincère,etcen’étaitpaslecas.–QuevousavezmanipuléStacyensemble?Oui.

Elleéclataderire.–C’est ce qu’il t’a dit ? Je supposequ’il ne veutpas que tu saches à quel pointnous

étionsattachésl’unàl’autre.–Sansblague?Jen’ycroispasdutout.–Que j’étais l’amante deHudson ?Comme tu voudras.Mais tu sais, j’étais bien plus

que cela, ajouta-t-elle. Pourquoi penses-tu que j’avais une clef de son appartement ? Etquandjel’airamenédesHamptons…ilnepartaitpasenvoyaged’affaires.

Mensonges,mensonges,mensonges.Jesavaisqu’elledisaittoutcelapoursemerledoute.– Tum’as joué trop de sales tours pour que je te croie, rétorquai-je en fermantmon

ordinateuretenlerangeantdansmonsac.Jen’apprendraisriend’elle,enfindecompte.– Je pourrais te donner la preuve, si je le voulais, dit-elle enhochant les épaules. Je

saistoutcequ’ilfaitaulit.Est-cequ’ilaimetedominer?Est-cequ’ilaunsurnompourtoi?Mabelle,peut-être?

Je ne pus m’empêcher de la fusiller du regard lorsqu’elle prononça mon surnom.Commentsavait-ellecela?Hudsonm’avaitjuréquec’étaitprivé.

–C’estlecas,n’est-cepas?Tupensaisqu’iln’yavaitquetoiqu’ilappelaitainsi?Tunesaispasqu’ilappelletoutessesconquêtes,mabelle?Jepeuxtegarantirqu’iln’apasarrêtédemelerépéter–àchaquefoisqu’ilmeprenaitsauvagementsursonbureau–etjet’assurequecelaaeulieuplusd’unefois.Mabelle,mabelle.Jesuissûrequ’ilditçaparhabitude.

Peuimportaitqu’ellementeounon.Ellevenaitderuinerquelquechosedesacrépourmoietcefutlagoutted’eauquifitdéborderlevase.

–Peut-êtreque ce surnomn’estpasquepourmoi.Mais je t’assureque ça, c’estpourtoi.

Jefermailamainetluidécrochaiuncoupdepoingsirapidequ’ellenelevitpasvenir.Lebruitquisuivitm’indiquaquej’avaiscasséquelquechose.

–Espècedegarce!s’écria-t-elleensetenantlenez.–Jepensaislamêmechosedetoi,bienque«connasse»mesembleplusadapté.Dusangcoulaitentresesdoigtsettachaitsont-shirtblanc.–Tuveuxuntermeadapté?Quepenses-tude«casierjudiciaire»?Ce fut ladernièrechoseque j’entendisavantdem’enfuirvers lemétro,craignantque

Celian’interpellequelqu’unpourm’arrêter.Uncasierjudiciaire?Peuimportait.Çaenvalaitlargementlapeine.

CHAPITREDIX-HUIT

Je sautai dans le premier métro qui arrivait et trouvai un siège vide à l’arrière du

wagon.Mesmainstremblaientetmoncœurbattaitlachamade.MonDieu,qu’avais-jefait?Je ne savais pas si j’étais morte de peur ou gonflée d’adrénaline. Probablement un

mélangedesdeux.Bonsang,j’avais frappéCeliaWerner,et j’avaisprobablementcassésonjoli petit nez. Cela m’obtiendrait sûrement la visite d’un ou deux flics chez moi. Et avecl’argentqu’elleavaitetsesrelations,ilslaprendraientausérieux,c’étaitcertain.J’avaisdéjàeudesennuispar lepasséetunautre incidentdansmoncasier judiciairenem’enchantaitabsolumentpas.

En même temps… j’avais mis un coup de poing à Celia Werner ! Et c’était carrémentjouissif!

Ilfallaitquejefassequelquechose–quejelediseàquelqu’un.J’avaistoujourscouruvers Brian lorsque j’étais dans des situations compliquées, et notre relation en avait pâti.Maintenantquecelasepassaitmieuxentrenous,jenevoulaispaslemêleràcettehistoire.

CelaplaçaitHudsonenhautde la liste, et il était lemieuxéquipépour s’enprendreauxWerner.Cependant,sij’étaispresquesûrequ’ilmesoutiendraitàcentpourcentetqu’ilprendraittouteslesmesuresnécessaires,j’avaishontedel’appeler–surtoutparcequej’étaissortiesansgardeducorpsetquecelaneluiplairaitpas.

Jen’avaisderéseauqueparintermittencedanslemétro,et lorsquejeparvinsenfinàl’appeler,jetombaisursaboîtevocale.Ilm’avaitditqu’ilseraitenréuniontoutelajournée,et jedécidaidenepaslaisserdemessage.Aulieudecela, je luiécrivisdemerappelerauplusviteet jepriaipourqu’ilapprenne lanouvelleparmoietnonparCelia– j’étais sûrequ’elleessaieraitdel’appeler,elleaussi.

Demon côté, que penser de ce qu’ellem’avait dit ? J’avais beau faire demonmieuxpournepasmelaisseratteindreparsonpetitjeu,jenepouvaisoubliersesparoles.

Etlapreuvedontelleavaitparlé…

Arrête toutdesuite,pensai-je.D’une façonoud’uneautre,elleavaitappris le surnomqueHudsonavaitchoisipourmoi.C’étaitaussisimplequecela.Ilétait impossiblequ’il l’aitappeléeainsi.Etoui: ilétaitdominantaulit,mais ilsuffisaitdeleconnaîtreunpeupoursupposercela.

LaseuleraisonpourlaquellecelameperturbaitétaitparcequeHudsonnem’avaitpasencoreavouésonsecret.Était-cecequ’ilvoulaitmedire–qu’ilétaitavecCelia?Qu’ilavaitcouchéavecellealorsqu’ilétaitavecmoi?

Jene le croyaispas–en tout cas, jenevoulaispas le croire.C’était trop simple, tropprévisible,etHudsonétaittoutsaufprévisible.

Maissicen’étaitpascela…L’autresolutionquisedessinadansmatêteétaitpirequecequeCeliaavait suggéré.

Bienpire.À telpointquesiceladevaits’avérer,celam’anéantirait.Jenepouvaisypenserplus longtemps,mêmepour la réfuter, et je l’enfouisdansuncoindemonesprit jusqu’aumomentoùjedevraisl’affronter.Sijedevaisl’affronter.

Enattendant, ilme fallait trouver quelqu’unpourme conseiller. EndehorsdeBrian,quidoncsauraitgérercegenredesituation?JepensaiàDavidetÉlise,etmêmeàJackouMira,maisjefinisparappelerceluiqui,j’enétaissûre,pourraitm’aider.

Jordanréponditàlapremièresonnerie.–Salut,jesaisquetunetravaillespas,maisj’aiunsoucietj’aibesoindetonaide.–Jepeuxêtreaupenthousedansvingt-cinqminutes.Ilétaitdéjàsurlepointderaccrocherlorsquejel’arrêtai.–Enfait,jenesuispasaupenthouse.JesorsdumétroàGrandCentralStation.Ilmarquauneminusculepauseavantdedemander:–Reynoldn’estpasavectoi?–Non,dis-jed’untonquinereflétaitaucunregret.Jet’expliqueraiquandjeteverrai.

Est-cequetupeuxmeretrouverici?–Biensûr.D’ailleurs,situesàGrandCentral,jepeuxêtrelàdansdixminutes.Nous décidâmes d’un point de rendez-vous et je raccrochai. Jordan tint sa parole et

arriva dix minutes plus tard. Il doit habiter dans le coin, pensai-je en réalisant que je nesavaispresquerienàproposdecethomme.

Nous trouvâmesunbanc libre,où je lui résumai la situation,prenant soindene rienoublier,oupresque–jeneluidispascequeCeliaavaitditpourquejeluimetteuncoupdepoing.

Jordannesemblapassurprisetiln’émitaucunjugement.–As-tuappeléHudson?–J’aieusaboîtevocale.–Ne t’en faispas,cen’estpasurgent.Voicicequi risquedesepasser :Celiavaaller

aux urgences et, grâce à ses relations, elle va obtenir que la police prenne son dépôt de

plainte là-bas. Normalement, les flics n’interviennent pas pour un simple coup de poing.Mais,commec’estuneWerner,ilsnevontpastournerlapageaussifacilement.

–Est-cequ’ilsvontm’arrêter?– Ils vont te convoquer devant un juge, dit-il en secouant la tête.Mais il n’y aura ni

mandat, ni arrestation. Cela laissera tout le temps nécessaire à monsieur Pierce de fairedisparaîtretoutcela–cequ’ilferasansproblème.Tulesais,non?

–Oui,jelesais,dis-jeentriturantmesdoigts.Dumoins,jecrois.Maisjedétesteêtreunfardeaupourlui.

Jordanéclataderire,cequejenel’avaisjamaisvufaire.–Cethommeneteverra jamaiscommeunfardeau,Laynie. Ilaretournécielet terre

pourfairedisparaîtretadernièreinculpation.EtledealsurlequeliltravailleencemomentestbienplusdifficilequedesedébarrasserdelaplaintedeCelia.

–Enquoisondealmeconcerne?– Je suis désolé, Laynie, ce n’est pas àmoi de te l’apprendre.Ce que je voulais dire,

c’estquetun’espasunfardeau,tuessaraisond’être.JesavourailesparolesdeJordan–j’enavaisgrandbesoinencetinstant.Surtoutparce

quejenepouvaispasjoindreHudson.J’avaisbesoinquel’onmerappellequ’ilétaitencorelàpourmoi.

–MerciJordan.J’appréciecelabienplusquetunelepenses.Est-cequetusaisquandilrentre?

Jordan ne répondit pas tout de suite et je sus qu’il préparait sa réponse avecprécaution.

–Toutdépenddesréunionsqu’ilavaitaujourd’hui.Pourquoiavais-jel’impressionquetoutlemondeétaitaucourantdecedealsaufmoi?

Hudson,Norma,etmêmeJordan!J’avaiscomprisquecen’étaitriendegraveoud’illégal–pourquoinevoulait-ilrienmedire?

Hudsonavaitpromisdemediretoutcequejevoulaissavoiràsonretour.Cedealétaitsurmalistedequestions.Jepréféraisl’apprendredesaboucheplutôtquedecelledemongardeducorps,jen’insistaidoncpas.

Jeregardail’heuresurmontéléphone–encoreuneheureavantlepotdeDavid.Peut-êtredevrais-jeallerdirectementlà-bas,àmoinsquecelaneposeproblème…

–Leclubest fermé ledimanche,maisnousyorganisonsunpotdedépartpourmoncollègue.Tupensesquelapolicepeutsepointerlà-bas?Jeneveuxpasruinerlasoirée.

–Non,net’en faispas. Ils irontcheztoioubien ilsattendrontque leclubsoitouvertpourt’ytrouver.Toutirabien.

–Jesaisquejevaisdevoirlesaffrontertôtoutard,maisjepréféreraisvraimentquecenesoitpasaujourd’hui.

Bonsang,j’étaisunevraiepoulemouillée.

SiJordanétaitd’accordavecmoi,iln’enlaissarienparaître.–Voilàcequ’onvafaire:onvaprendrelemétrojusqu’auSkyLaunch.Lavoitureest

garée au penthouse, donc j’irai la chercher et je reviendrai au club. Comme cela nouspourronspartirdèsquetulevoudras.JenepensepasqueWernertecauseradesennuiscesoir.

–Non,tuasraison.Celadit,jenepusm’empêcherdesourireenimaginantlesdégâtsquej’avaisfaitsàson

visage.Jordanregardapasserlespassagersdumétrod’unairdétendu.Oupeut-êtrefeignait-il

d’êtredétendu.Plusj’enapprenaissurlui,plusjemerendaiscomptequ’ilétaittoujourssurlequi-viveetqu’ilpensaittoujoursàlaprochaineétape.

–Jepensequelapolicepasseratevoirdemainmatin,Laynie.Situpréfèresnepaslesvoir tant quemonsieur Pierce n’est pas rentré, je peux te déposer au loft ce soir après lafête.

–Cen’estpasunemauvaiseidée,jevaisyréfléchir.J’espérais surtout que lorsque je parviendrais enfin à joindre Hudson, il pourrait

s’occuperdetoutecettehistoirepourquejen’aiepasàmecacher.Cependant, même si Hudson pouvait me débarrasser de la plainte de Celia, il ne

pouvait me protéger d’elle pour toujours. Il n’avait pas réussi à mettre fin à sonharcèlement, et elle allait sûrement passer à la vitesse supérieure, à présent. Je repensaiaux conseilsde Jack– le seulmoyen de te débarrasser d’elle est de lui laisser croire qu’elle agagné. J’avais fait l’inverseen luimettantuncoupdepoingdans lenez.D’ailleurs, j’avaisprobablement empiré les choses. Je craignais plus que jamais qu’elle ne me laisse pastranquille,etjenesavaisvraimentpassiHudsonetmoipouvionssurvivreàcela.

***

Je découvris vite que je n’avais aucune envie d’être au Sky Launch, même pour m’ycacher.Heureusement,jen’avaisrienàfairepourpréparerlasoiréeàpartouvrirlesportespourletraiteur.Hudsonavaittoutprévu,ycomprisunopenbar,cequiétaitextrêmementgénéreuxde sa part. Peut-être était-ce sa façonde s’excuser d’être la cause dudépart deDavid.

Chaque employé avait été autorisé à venir accompagné, et en comptant les amis deDavid et quelques habitués du club, le nombre total d’invités atteignait environ centpersonnes.C’étaitunebonnefête,etjemeseraissansdouteamuséesiHudsonavaitétélàavecmoi.Àvingt-deuxheures,jen’avaistoujourspaseudesesnouvelles.

«Posece fichutéléphoneetviensdanseravecmoi», insistaÉlise.Je luiavaisracontélesévénementsde la journéelorsque j’étaisarrivée.Selonelle,si j’allaisdevoiraffronter la

policedemain,autantm’amusercesoir–cesurquoinosopinionsdivergeaient.–Laynie, jet’adoreet jesuis làpourtoisi tuasbesoindemoi.Maisapparemmenttu

préfèresbouderdanstoncoin.Doncjevaistelaisserfaireetallerm’amuser,dit-elleenmetirantlescheveux.Tunem’enveuxpas?

–Jetepardonne.Allez,vadanser.Ellem’embrassasur laboucheetpartitretrouverungroupebruyantetexubérantsur

lapistededanse.Jefisdemonmieuxpournepasmesentirabandonnée–aprèstout,cen’étaitpasÉlisequejevoulaisàmescôtés.

Déterminéeànepasgâcher lasoiréedetout lemonde, jem’assissurundescanapésqui bordaient la piste et sirotaima coupe de champagne en regardant la foule danser etdiscuter autour de moi. Peut-être valait-il mieux que je reste à l’écart, de toute façon,puisquelaplupartdesinvitésétaientmesemployés.J’étaissansdoutecenséemaintenirunedistanceetundegréderespectentreeuxetmoi.

Je me demandai soudain s’ils me respecteraient toujours si j’étais menottée etembarquée par les flics. Ça suffit, pensai-je. Jordan m’avait dit que je ne me ferais pasarrêter,et jesavaisqueHudsonrégleraittoutcelaenquelquescoupsdefil.Celadit, jeneseraispassurprisequeCeliaracontel’histoireauxmédias.MonDieu, lesmédias! Je fermailes yeux et grimaçai en pensant à une telle éventualité. Appelle-moi, s’il te plaît, Hudson.Appelle-moi!

–Çategênesijemejoinsàtoi?criaunevoixpar-dessuslamusique.J’ouvrislesyeuxetvisqueGwens’asseyaitsansavoirattendumaréponse.–Jet’enprie.Je balayai le club du regard. Tout le monde ne dansait pas, mais personne d’autre

n’étaitassisseul,commemoi.Était-cepourcelaqu’elleétaitvenues’asseoiravecmoi?Bonsang,j’espéraisquecen’étaitpaslecas,jen’étaispasd’humeuràcequel’onmeremontelemoral.Autantleluidiretoutdesuite.

– Pourquoi tu n’es pas sur la piste avec les autres ? demandai-je en espérant qu’ellecomprennelemessage.

Ellefronçalessourcilsetjemerendiscomptequeleverrequ’elletenaitn’étaitpassonpremier.Siellen’étaitpasdéjàsaoule,ellen’étaitpasloindel’être.

– Je n’aime pas vraiment…, commença-t-elle avant de s’arrêter, comme si elle avaitoubliécequ’ellevoulaitdire.

–Danser?–Enfait,j’allaisdirequejen’aimepasvraimentlesgens.Etpuis,cesontnosemployés,

jetrouvebizarrededanseraveceuxcesoiralorsquejevaisleurdonnerdesordresdemain.Mince,c’étaitvraimentunebonnemanager.–Gwen,jecommenceàvraimentt’apprécier.C’estdingue,non?

–Celanedurerapas,tuverras,dit-elled’unevoixquisous-entendaitqu’elleparlaitenconnaissancedecause.Peut-êtreavait-ellesimplementl’alcooltriste.

Si elle n’allait pas en parler d’elle-même, je n’allais pas l’y encourager. J’avais mespropres problèmes à gérer. Pour la dixième fois en quinze minutes, je regardai montéléphonepourvoirsijen’avaispasratéunappelouunmessage.

Rien.Jordanétaitdéjà revenuavec lavoitureet ilattendaitdans le salondesemployésen

regardantunmatchdebaseball.Jeluiécrivisunmessage.DesnouvellesdeHudson?Non.Maisiln’estque18hàL.A.Donne-luidutemps.Cela faisait déjà cinq heures que je lui avais écrit en lui demandant deme rappeler.

Combiendetempsluifallait-il?– Tu n’arrêtes pas de regarder ton téléphone. Tu attends un coup de fil ? demanda

Gwen.– J’attends que Hudson me rappelle, dis-je en rangeant mon téléphone dans mon

soutien-gorge. Il est à Los Angeles depuis quelques jours. Désolée, je ne savais pas quec’étaitaussiflagrant.

–MonDieu,tudégoulinesd’amour.C’estdégoûtant,grommela-t-elle.–Tun’approuvespasmarelationavecHudson?demandai-jeenpenchantlatêtesur

lecôté.– Jeme contrefiche deHudson et toi, dit-elle en haussant les épaules. C’est l’amour,

quejedésapprouve.J’yaidéjàassezdroitavecNorm–commença-t-elleavantdes’arrêter.Bref.J’ail’impressionquetoutlemondeestamoureuxencemoment.C’estpénible.

Ellenesavaitpasquej’étaisaucourantpoursasœuretBoyd,etjeneluidispasnonplus.Enrevanche,sonattitudeanti-romancem’intriguait.Sesentait-elleabandonnéeparsasœur depuis que celle-ci s’était mise en couple avec son assistant ? Difficile de le savoirpuisquejenesavaisriendeGwen.

Soudain,jecompris.–Aaah.Tuasdesproblèmesdecœur!m’exclamai-jealorsque,pour lapremièrefois

depuis ledébutde lasoirée, jem’intéressaisàautrechosequ’àmoi-même.C’estpourcelaquetuétaissipresséedepartirdeL’Étage?

Son regard se voila,mais jene savais si c’était à causede l’alcool ouparcequ’elle seremémoraitunsouvenir.Elleouvritlabouchepourparler,puisellehésita.

–Bienessayé.Jesuissaoule,maispasàcepoint,dit-elleavantdeboireunegorgéedewhisky tout en inspectant ma coupe de champagne. D’ailleurs, tu ne te joins pas à ladébauchecollective?

–Jenesuispasunegrandebuveuse.

Jetoléraissipeul’alcoolque jemesentaisdéjàunpeupompetteaprèsunecoupedechampagne,etjevoulaisêtresobrelorsquejeparleraisàHudson.

–Hmmm.Ellem’étudiapuiselleregardalafoulequisedéchaînaitsurlapistededanse.– Je t’ai entendu parler d’addiction avec Élise, dit-elle après avoir bu une nouvelle

gorgée.Tuétaisalcoolique?J’éclatai de rire. Elle semblait aussi curieuse à propos demoi que je l’étais à propos

d’elle.Peut-êtrequesi je luiracontaismonhistoire,ellemeraconterait lasienne.Celadit,encetinstantprécis,mefairedenouvellesamiesn’étaitpasmapriorité.

–Raté.Tuastessecrets,j’ailesmiens.–Trèsbien,j’accepte,dit-elleensouriant.–Ah, c’est ici que se passe la fête ?! s’exclamaDavid en arrivant derrière nous et en

passantsatêteentrecelledeGwenetlamienne.– Ha. Ha. Ha. J’adore ton sarcasme, rétorqua Gwen en finissant son verre et en le

posantsurlatablebassedevantnous.Davidl’ignoraettournalatêteversmoi.–Cette soirée estmadernière avecmes amis préférés. Etmon amiepréférée s’apitoie

sursonsortdansuncoin.Qu’est-cequ’ilsepasse?Jefusgênéequ’il fasseréférenceàmoicommesonamiepréférée,mais ils’apprêtaità

quitterlavilleetjen’avaisaucuneraisondem’inquiéteràproposdesesintentions.Deplus,ilavaitraison,c’étaitsasoirée,paslamienne.

– Merde, je suis désolée, David. C’est censé être une fête et je la gâche avec mamauvaisehumeur.

Ilfitletourducanapéets’assitsurlatablebasse.– Pourquoi es-tu de mauvaise humeur, d’ailleurs ? Tu étais si joyeuse, ces derniers

jours. Il y a de l’eau dans le gaz avec Pierce ? demanda-t-il en haussant les sourcils, leregardpleind’espoir.

J’étaispresquetouchéequ’ilnebaissejamaislesbras.–Jesuisnavréedetedécevoir,maisjenecroispas.Celadit,peut-êtrequ’ilyenaurait,unefoisquej’auraisditàHudsonquej’avaisfrappé

Celia. Mais pourquoi n’avait-il pas encore appelé ? Jordan connaissait-il vraiment laprocédurepénaledeNewYork?

–Enrevanche,ilsepourraitquejemefassebientôtarrêter,dis-jeenregardantDavid.DavidregardaGwenenécarquillantlesyeux.–Nemeregardepas,ellenemeditrien,àmoi,répondit-elle.–Ilvafalloirquetum’endisesdavantage,réponditDavid.Pendant une demi-seconde, j’envisageai de tout lui raconter.Mais ce serait injuste. Il

avaittoujoursétéunbonmanageretunbonami.Cen’étaitpasunefaçondeluifairemes

adieux.–Non,cen’estrien.Oubliecequej’aidit,jet’ensupplie.Jedisn’importequoi.Entoutcas,jel’espérais.–Tumeledirais,sijepouvaisfairequoiquecesoit,hein?C’étaittoutDavid:iln’insistaitjamaismaisils’assuraitquejesachetoujoursqu’ilétait

là pour moi en cas de besoin. À une époque, je m’étais persuadée que cela pourrait mesuffireparcequ’avecluijenerisquaispasdedevenirfolle.

Je savais désormais que j’avais eu tort. Si Hudson était tout l’inverse de David, qu’ilinsistaitsanscesseetqu’ilétaitparfoisinsupportable,jen’avaisjamaisétéaussibienqu’aveclui.Etc’étaitpourcelaqu’ilmemanquaittantàprésent.

Cependant,memorfondre en son absence ne le ferait pas arriver plus vite. Et c’étaitunefaçonhorriblededireaurevoiràunami.Ainsi,jedégainaimonplusbeausourireetfisdemonmieuxpouravoirl’airheureuse.

– Tu sais ce que tu peux faire,David ? Tu peuxme remonter lemoral, dis-je enmelevant.Etsionallaitdanser?

–J’aicruquetunemeledemanderaisjamais.Au lieu de nous diriger vers la foule, nous allâmes dans un coin vide de la piste.Au

boutdequelquesminutesàpeine,jemesentaisdéjàmieux.Celafaisaituneéternitéquejenem’étais pas lâchée ainsi,mettant de côtémes problèmes pour profiter dumoment. Jefermai les yeux et laissai la musique m’envoûter, laissant mes pieds et mes hanches semouvoiràleurguise.Desgouttesdesueurrecouvraientmonfrontetj’étaisessoufflée,maisje me sentais vivante. J’avais l’impression de renaître – seul le club m’apportait cettesensation. Bientôt, toute mon angoisse se dissipa et je ne pensai qu’à la musique, auxlumièresduclub,àl’amiquiétaitdevantmoi.C’étaitjustementcedontj’avaiseubesoin.

JenesavaisdepuiscombiendetempsnousdansionslorsqueleDJpassaunechansonpluslente.LeclubnepassaitjamaisdeslowsetjeregardaiDavidenhaussantlessourcils.

–Quelqu’unadûlademander,ditDavidenmetendantlesmains.Nelagâchonspas,d’accord?

Unepetitevoixdansma têtemeditquecen’étaitpasunebonne idée.SiDavidétaitceluiquiavaitdemandécettechanson–cedontj’étaiscertaine–,celasignifiaitqu’ill’avaitfait pour moi. Pour avoir une excuse pour me prendre dans ses bras, ce qui serait mal.J’avaisuncopainque j’aimaisde toutmoncœur.CelaneplairaitpasàHudson, et c’étaituneraisonsuffisantepourrefusercettedanse.

Cependant,jeressentaiscommeunbesoindetournerlapagepourdebon–unepointede nostalgie pour la relation que nous avions eue. Peut-être était-ce dû à l’alcool et àl’adrénaline, ou simplement au besoin d’être dans les bras de quelqu’un après la durejournéequej’avaiseue.

Etpuis,Hudsonn’étaitpaslà,aprèstout,unedanseneferaitdemalàpersonne.

Sansyréfléchirdavantage, jepris lamaindeDavidet le laissaim’attirerà lui.J’avaisoubliélachaleurqu’ildégageait,commeunnounoursgéant.Iln’étaitpasaussimuscléqueHudson,maisilétaitfortet…confortable.

Jeposaimatêtesursonépauleetnouslaissâmeslamusiquenousbercer.Jefermailesyeuxetécoutailesparolesdelachanson.Jereconnaissaislavoixduchanteurmaisjenemesouvenaisplusdesonnom.Ils’adressaitàlafemmequ’ilaimait,luidisantqu’ill’avaitdanslapeauetqu’elleétaittoujoursdanssespensées.

LesparolesmefaisaientpenseràHudson–nousétionssi fusionnelsqu’ilmesemblaitque c’était son sang qui coulait dans mes veines. Il était ma raison d’être, et chaquebattementdemoncœurdéclenchaitunenouvellevagued’amourdansmoncorps.

Unétrangemélangedepaniqueetdetristesses’emparademoilorsquejeréalisaiquec’étaitprécisémentcequeDavid ressentaitpourmoi.Mêmesi j’enavaisdouté,celadevintonnepeutplusclairlorsqu’ilsemitàchanterlesparolesdansmonoreille.«Jenepeuxpast’oublier.»

Je cessai de danser et reculai la tête pour le regarder dans les yeux. Il savait que cequ’il faisait était mal, n’est-ce pas ? Que j’appartenais à quelqu’un d’autre et que je neressentaispaslamêmechosepourlui?

Peut-être le savait-il,mais ilétaitévidentqu’il s’en fichait. Il sepenchaetm’embrassaavant que je n’aie compris ce qui se passait. Son baiser me surprit et je le repoussaiimmédiatement.

LeregardattristédeDavidmetransperçaetmedéchira–jeconnaissaisl’étenduedesapeineet jenesupportaispasd’enêtrelacause.Cependant, jenepouvaisrienfaireàpartsecouerlatêteetravalermeslarmes.

David s’apprêtaitàdirequelquechose–à s’excuserouàmeconvaincrede lui laisserune autre chance –, mais son regard se posa derrière moi et il eut l’air aussi surpris etanéantiquejel’avaisétéparsonbaiser.

Je n’eus pas besoin de tourner la tête pour savoir qui se tenait derrièremoi. Était-ceune vengeance du destin ? Une façon de me punir pour toutes les conneries que j’avaisfaitesdansmavie?

C’était pour cela qu’il n’avait pas répondu àmes appels – il était déjà en route pourrentrer. Jeme tournai lentement versHudson. Il avait enlevé sa veste et sa chemise étaitfroissée.Ilavaitdesserrésacravateetunebarbenaissantecouvraitsesjoues.Cependant,jeregardai surtout son regard. La peine qui j’y vis n’était rien à côté de celle deDavid. Sesyeuxexprimaientuneangoisseetunesouffrancesi insupportablesque jemedemandais’ilmeseraitpossibledelesapaiser.

Pourladeuxièmefoisdelajournée,jemedemandai,MonDieu,qu’est-cequej’aifait?

CHAPITREDIX-NEUF

Ilmefalluttoutemaforcepournepascéderàlapanique.Jedevaisrestercalmesije

voulais rectifier la situation. «Hudson, dis-je en allant vers lui, ce n’est pas ce dont ça al’air.»Cependant,jen’avaisaucuneidéedecequ’ilavaitvu.M’avait-ilvurepousserDavid?

Sonvisagerestademarbre.–Peut-êtredevrions-nousparlerdecelaenprivé.–D’accord,répondis-jed’unevoixfluetteavantdemedirigerverslebureau.Ilm’emboîtalepasetnousgravîmeslesescaliersensilence.Jenesentaispassesyeux

surmoi –mon Dieu, est-ce qu’il m’en voulait au point de ne pas pouvoir me regarder ?J’étaisdésespérée…j’avaistellementeuhâtedelevoiretjevenaisdetoutgâcher.Unefoisdeplus.

Je me tournai vers lui dès qu’il eut fermé la porte du bureau et je le regrettaiimmédiatement.Sonregardétaitencoreplustristeàprésent.Jenesavaispassijepouvaisfairequoiquecesoitpourl’effacer,maisilfallaitquej’essaie.

–C’estluiquim’aembrassée,Hudson,pasl’inverse.Etjel’airepoussé.Aprèstout,c’étaitlavérité.Peut-êtreavait-ilétélàassezlongtempspourlevoir?–Pourquoiétais-tudanssesbras,detoutemanière?demanda-t-il.Savoixétaitgraveetchargéed’émotion, luiqui semaîtrisait sibienhabituellement…

c’étaitunevéritabletorture.–Ondansait,toutsimplement.C’estunefête,répondis-jetandisqu’unelarmecoulasur

majoue.–Tu étais dans ses bras,Alayna, rétorqua-t-il enme foudroyant du regard.Dans les

brasdequelqu’unquinefaitrienpourcacherlessentimentsqu’ilapourtoi.Tut’attendaisàquoi?

Il avait raison sur de nombreux points – j’avais su que c’était risqué et j’avaisimmédiatementvoulumettrefinàsonétreinte.Cependant,jen’avaispasvoululuidonner

quelque espoir que ce soit : c’était un simple câlin d’adieu etmes pensées étaient restéesfixéessurHudson.

–C’étaitparfaitementinnocent,insistai-je.J’avaisbesoindequelqu’unetilétaitlàpourmoialorsquetoitunel’étaispas.

L’angoissequim’avaitpousséedanslesbrasdeDavidrevintmehanteretmapeinesechargead’amertume.

–D’ailleursoùétais-tuaujourd’huiquandj’avaisbesoindetoi?demandai-je.Sarancœurrivalisaaveclamienne.–Dequoiavais-tubesoin,Alayna?Dequelqu’unpourtetenirchaud?– C’est horrible, comment peux-tu dire cela ? rétorquai-je en ravalant le sanglot qui

menaçaitdes’échapper.–Cequiesthorrible,c’estdetesurprendreentraind’embrasserquelqu’und’autre.Ma poitrine se serra en imaginant sa douleur. Ou plutôt, je n’avais pas besoin de

l’imaginercarjel’avaisvuembrasserCeliadanslavidéoetlamêmetourmentem’avaitsaisieplustôtlorsquecettegarceavaitsous-entenduqu’ilsétaientamants.

–Ouais,net’enfaispas,jesaiscequecelafait.–Ahbon,tucrois?cracha-t-il.–Absolument,répondis-je,soudainfurieuse.Laisse-moivoirsijepeuxl’expliquer.C’est

comme si quelqu’un avait saisi tes entrailles pour les tordre lentement avant de te lesarracher?Entoutcasc’estcequej’airessentilorsqueCeliam’aditquetulabaisaisduranttoutletempsoùonétaitensemble.

–Quoi?Il avait l’air véritablement surpris,pas commeunhommepris en flagrantdélit.De la

même façon qu’il n’avait pas compris pourquoi j’insinuais qu’il avait eu une relation avecStacy,ilsemblaitnepassavoirdequoiparlaitCelia.

–Quanda-t-elleditça?demanda-t-il.–Aujourd’hui,marmonnai-jeenregrettantd’avoirabordélesujetdecettefaçon.– Tu l’as vue aujourd’hui ? Est-ce que c’est en rapport avec le message qu’elle m’a

laissé?–Jesavaisqu’ellet’appellerait!Qu’est-cequ’elleadit?PourquoiHudsonnem’avait-ilpasappeléeaprèsavoirécoutélemessagedeCelia?–Jenesaispas,elleracontaitn’importequoi.Elleparlaitdetoietdesonavocat.J’ai

supposéquecelafaisaitpartiedesonjeuetj’aieffacélemessage.Hudson avança vers moi et je vis que ses traits s’étaient adoucis, affichant de

l’inquiétudeplutôtquedelapeine.–Que s’est-ilpasséavecelle ?Est-cequ’elle te suivait ?Qu’a-t-elle fait ?Etpourquoi

est-cequeReynoldnem’apasappelé?–Ilnelesavaitpas,expliquai-jeenm’asseyantsurleborddubureau.

Jemesentaiscoupabled’avoirlâchémongardeducorps,maisaussi–etsurtout–envoyant la vitesse à laquelleHudsonmettait sa tristesse de côté lorsqu’il était inquiet pourmoi.

–Neme regardepas commeça,Hudson, continuai-je. Je suisdésolée. Je tournais enrond à la maison alors j’ai pris mon ordinateur et je suis allée me chercher un café. Jepensais que Reynold serait prévenu lorsque j’indiquais sur l’alarme que je n’étais pas là,maisapparemmentcen’estpaslecas.

–Ilsnesontprévenusparmessagequelorsquetusignalesquetuesàlamaison.Jefuslégèrementsurprisequ’iln’aitpasfaitensortedepouvoirsuivretousmesva-et-

vientetjemepromisdel’enféliciteràl’avenir.– Bref. Je suis seulement allée au café au coin de la rue et Celia a débarqué. Et j’en

avaisraslebol,alorsjesuisalléelavoir.–C’esttoiquiluiasparlé?Samâchoireétaitcontractéeetsesmainstremblaient.Jene l’avais jamaisvudansun

telétat.Pourquoiétait-ilaussiencolère?–Oui.Jesaisquec’étaitidiot.MaisStacym’avaitenvoyéundese-mailsquetuescensé

luiavoirécrit,etj’étaisentraindelelire.Jesavaisqu’iln’étaitpasdetoi,etj’aireconnuunedescitationsqueCeliaasurlignéedansundeslivres.Jesaisquec’estellequiaécritcete-mail,alorsj’aivoululaconfronter.

J’avaisparlésivitequejen’étaispascertainequ’ilaitcomprisquoiquecesoit,maisiln’avaitaucunmalàmesuivre.

–Etc’estlàqu’elleaditqu’onétaitensemble?Commeça,sanspréambule?Jegrimaçai.Jesavaisque lasuitene luiplairaitpas,mais ilvalaitmieuxtout luidire

d’uncoup.–D’abord,jeluiaimontrélavidéo.Etc’estlàqu’elleaditquevouscouchiezensemble

et que vous étiez en couple. Que tu l’avais baisée le soir du colloque de Stern et que cen’étaitnilapremièreniladernièrefois.

Le visage deHudson était tellement rouge que je n’aurais pas été surprise que de lavapeurs’échappedesesoreilles.

–Ettul’ascrue?–Çam’arenduefuraxetjeluiaimisuncoupdepoing,dis-jesuruntonquitrahissait

mafierté.–Tul’asfrappée?s’écria-t-il.– Tu sais quoi ? Si tu continues à me soumettre à cet interrogatoire, je m’en vais,

rétorquai-je,déçueparsaréaction.Hudson se mit à faire les cent pas en passant sa main dans ses cheveux. Lorsqu’il

s’arrêtaetsetournaànouveauversmoi,ils’étaitunpeucalmé,mêmesisonangoisseétaitencorevisible.

–Je suisdésoléd’être stressé,Alayna. Je teprometsquec’est seulementparceque jesuisinquietpourtoi.

Je l’étudiaiquelquessecondeset jesusqu’ildisait lavérité :qu’il tremblaitdepeuretnondecolère.Ilsefaisaitdusoucipourmoietj’enfustouchée.Celam’aidaàmecalmeretjedécidaidemettredecôtémafrustrationetd’êtrehonnêteaveclui.

–Oui, je l’ai frappée. Je crois que je lui ai cassé le nez. Je suppose qu’elle va porterplaintepourcoupsetblessures.C’estpourçaquej’avaisbesoindetoi.

– Alayna, dit-il en fixant surmoi un regard plein d’amour. Pourquoi tu nem’as pasappelé?

–C’est ce que j’ai fait !Mais ton téléphone était éteint. Je n’ai pas laissé demessageparce que je ne voulais pas que tu l’apprennes de cette manière. Et je ne voulais pasinterrompretaréunionparcequejesavaisqu’elleétaitimportante.

–Pasaussiimportantequetoi.Jesentaisqu’ilvoulaitvenirversmoi,meprendredanssesbras,maisilseretintetalla

s’asseoirsurlecanapé.–Est-cequelapolicet’acontactée?demanda-t-il.–J’avaispeurderetourneraupenthouse,dis-jeensecouantlatête,alorsjesuisvenue

t’attendreici.–Quand tum’as écrit j’étais déjà dans l’avion, dit-il en baissant les yeux. Je n’ai pas

voulut’appelerparcequejet’auraisditquejerentraisàlamaison,etjevoulaisquecesoitunesurprise.J’aipréféréfaireunesieste,maisj’auraismieuxfaitdet’appeler,dit-ilenriantsèchement.

–Jen’auraispasdûperdremonsang-froid.–Jevaism’occuperdetout.Net’enfaispas,ellenet’embêteraplusjamais.Ilavaitditcelaavecunetelleconvictionque jen’eusd’autrechoixquede lecroire. Il

allaittrouverunmoyendemeprotégerdeCelia,maisdemoncôtéilfallaitquejesuivesesconsignes.Sij’avaisfaitceladepuisledébut,ellenem’auraitpaspousséeàboutetHudsonn’auraitpasàmesortirdecepétrin.

–Merci,Hudson.Mareconnaissanceetmonsoulagementne furentquedecourtedurée,car je fusvite

prise de remords. Si je n’avais pas frappé Celia, aurais-je fini dans les bras de David ?Quelquechosemedisaitquenon.

–Hudson,jesuisdésolée,dis-jed’unevoixtremblante.–Ne lesoispas.Etpuisc’estbien faitpourelle.Elleméritebienpire, si tuveuxmon

avis,répondit-ilensouriant.Jevoulaisluirenvoyersonsourire,maisjenelepouvaispas.Pasencore.–JevoulaisdirequejesuisdésoléepourDavid.–Ah.

Ses traits s’assombrirent à nouveau et sa tristesse réapparut. Lorsqu’il parla, chaqueparoleétaitmesurée,précise,etlourdedesens.

–Dis-moijusteunechose.Est-cequeturessensencorequoiquecesoitpourlui?–Non.Non,rien.Riendutout.Jetel’aidéjàdit,etjelepensais.Jesaisquecequetu

asvucesoirpeuttefairedouter,maisj’étaismalàl’aisequandj’étaisdanssesbras.Jenepensaisqu’à toi.Tumemanquais,H.Tellement…Jenepensaispasàceque je faisais.Jesuistellementdé,dédéso…bégayai-jealorsquemagorgesenouait.

Ilseprécipitaversmoiavantquejen’aiepufinirmaphraseetilmepritdanssesbras.Voilà,cequej’avaischerchédanslesbrasdeDavidetdontj’avaistantbesoin.

–Tum’asmanquéaussi,mabelle,dit-ilenenfouissant sonvisagedansmescheveux.J’avaistellementbesoindeterevoir,j’aitoutfaitpourreveniraussivitequepossible.

–Etj’aigâchétasurprise.Jesuistellementdésolée.–Jem’enfiche.Çafaitmal,maisjet’aiblessée,aussi.Tantquetumeprometsqueça

nevoulaitriendire…–Rien.Jetelejure.Iln’yaquetoi,Hudson,dis-jeenl’embrassantdanslecou.Ettoi…

Est-ceque…turessensquelquechosepourCelia?Soncorpsseraiditetilreculalatêtepourmeregarderdanslesyeux.–Alayna…Jen’aijamaisrienressentipourCelia.–Tuveuxdirequecen’étaitquedusexe?Jenepouvaistairecertainesquestions,mêmesilesréponsesétaientdéjàévidentes.–Jen’aijamaisétéavecelle,dequelquefaçonquecesoit,dit-ilensecouantlatête.–Ellementait,alors,répondis-je.–Oui,ellementait.–C’estbiencequejepensais.J’auraisdûêtresoulagée…pourquoiétais-jeencoreplusangoissée?Parce que son aveu au sujet de la vidéo n’était pas qu’ilm’avait trompée avec Celia.

Quelquechosemeditquejesavaisdéjàcedontils’agissait.Jel’avaismisdecôtéplustôt,maiscelarejaillitàprésent.Etcettefois-ci,jenepouvaispasl’ignorer:jedevaisl’affronter.

Lentement,àcontrecœur,jequittailachaleurdesesbras.–Leproblème…c’estquej’auraispresquepréféréquecesoitvrai.Ilhaussalessourcils.–Comprends-moi,jesuissoulagéedesavoirquetunecouchaispasavecelleenmême

tempsquemoi,mais j’auraispréféréquetumedisesquetuétaisavecellequandStacyt’avu. J’aurais pu l’accepter, même si ça aurait été une véritable torture. Je crois que j’aitoujourssuqu’iln’yavaitrienentrevous,quecesoitmaintenantouaumomentdelavidéo.

–C’estvrai.Jen’aijamaisétéavecelle.Incapablequej’étaisdeleregarderdanslesyeux,jegardailesyeuxrivéssursapomme

d’Adam,enleregardantavalersasalive.

–Donc cela veut dire que cette histoire avec Stacy n’était qu’un jeu. J’ai voulu croirequec’étaitCeliaquitenait lesrênesetquetu laprotégeais,maistum’asditquecen’étaitpas le cas. Or tu as été jusqu’à l’embrasser, ce qui signifie que tu t’amusais à manipulerStacy,toiaussi.

Jemarquaiunepause,accordantàmoncerveauletempsdedigérermesparoles,d’encomprendrel’importance.

– J’ai pensé un instant que c’était peut-être le secret que tume cachais.Mais je saisdésormaisquecen’estpas lecas.Biensûr,c’esthorriblepourStacy,mais jesavaisque tuavaisfaitcegenredechoseparlepassé.Ettusavaisquej’étaisaucourant.Sic’étaitcela,tumel’auraisdit.Celasignifiequelavidéorévélaitautrechose,quelquechosedepireencore.

Jelevaienfinlesyeuxversluietplongeaimonregarddanslesien.– C’est à cause du soir où a été filmée cette vidéo, n’est-ce pas ? J’ai cru que tu ne

voulaispasquej’apprennequetumanipulaisencorelesgensàcetteépoque,maiscen’estpasçanonplus,jemetrompe?

–Alayna…Cen’étaitqu’unmurmure,maisilétaitlourddesens,commeunemiseengarde.Ilme

suppliait de ne pas aller plus loin. Cependant, nous étions destinés à avoir cetteconversation depuis la première fois qu’ilm’avait vue. Qu’il le veuille ou non, lemomentétaitvenudeparler.

–Cen’estpaslavidéoenelle-même,c’estcequis’estpasséensuite,dis-jecommesijecomprenaisleschosesseulementmaintenant.

Inconsciemment,jel’avaisprobablementtoujourssu.Hudson continua à répéter mon prénom pour attirer mon attention, mais je restai

concentréesurmonraisonnement.–SiCeliaétaitavectoiavantlecolloque,jepeuxsupposerqu’elleyestalléeavectoi.

Etsiellet’aaccompagné,elledevaitêtrelàlorsquetum’asvuepourlapremièrefois.Etsi,àcetteépoque,vousmanipuliezencoredesgens…

Unfrissonglacialparcourutmesveinesetunevaguedenausées’emparademoi.J’euslachairdepouleetmesoreillesbourdonnèrentsifortquej’entendisàpeineHudsonparler.

–Jevoulaisteledire,disait-il.Jesuisrevenupourteledire.J’étudiai son visage, écoutant à peine son explication alors que j’acceptais enfin la

vérité.– C’est la pire erreur de ma vie, Alayna, dit-il en faisant un pas vers moi, ses traits

déformésparlapeur.C’estlapirechosequej’aifaitedetoutemavie.Jenemedoutaispasde l’ampleur des sentiments que j’aurais pour toi. Je n’ai jamais pensé pouvoir te blesserautantetjenesavaispasquecelam’affecteraitautant.Ilfautquetucomprennes,Alayna,jet’ensupplie.

Jecomprenais.Beaucouptropbien.

–C’étaitça,alors?Unjeu?Jen’étaisqu’unjeu.Votrepetitedistractionsordideàtouslesdeux,dis-jeenm’effondrant.MonDieu.MonDieu.MonDieu!

–Alayna,ditHudsonens’accroupissantdevantmoipourmeprendredanssesbras.Jereculai,tremblantdelatêteauxpieds.–Nemetouchepas!hurlai-je.J’étaisaveugléeparlacolère,parledésespoir.Monestomacsetordaitcommesij’allais

vomirdehaine. J’étais incapablede formuler lamoindrepensée etHudsonneme laissaitpasderépitpourréfléchir.

–Cen’est pas ceque tu crois,Alayna.Çaa commencé commeun jeu –organiséparCelia.Maisjen’yaiparticipéqueparcequec’étaittoi–parcequetum’attiraisdéjà.

Jeledévisageaietclignaiplusieursfoisdesyeux.Soudain,cefutcommesijelevoyaispourlapremièrefois.Aufond,j’avaistoujourssuquejen’étaisqu’unpion.Pourquoiavais-jesystématiquement balayé cette possibilité ? Notre relation avait commencé de façon siétrange et inhabituelle : il avait acheté le clubpuis ilm’avait payéepourmettre fin à sesfiançaillesimaginaires.Pourquoin’avais-je jamaisvraimentremisenquestionl’étrangetédecettesituation?

Etmaintenant, ilcherchaità justifier toutcela?Monestomac fitunsautpérilleux,etj’eusdeshaut-le-cœur,necrachantquedelabile.

–Alayna,laisse-moite…Jelevailamain,paumetournéeverslui,pourl’empêcherdem’approcher.– Je ne veuxpas de ton aide, putain, dis-je enm’essuyant la bouchedu revers de la

main.Jeveuxdesréponses!–Toutceque tuveux.Je tedirai tout, s’empressa-t-ildedire, commes’ilpensaitque

sesréponsesjoueraientensafaveur.Je savais que rien de ce qu’il dirait ne pourrait réparer ce qui avait été fait et que

chaquejustificationseraitplus insoutenableencorequelaprécédente,mais il fallaitque jesachetoutel’histoire.

Mesonglesplongèrentdanslamoquettealorsquejecherchaisàm’accrocheràquelquechose,n’importequoi,pourmedonnerdelaforce.

–Tuétaisattiréparmoi?dis-jed’untonamer.Alorstuasdécidédem’utilisercommeundivertissement?

– Non, répondit-il en passant ses deux mains dans ses cheveux. Non, je voulaist’aborderetleplandeCeliam’aservid’excuse.

–Etquelétaitceplan,Hudson?“Lafillequiparlemaintenant,faisensortequ’elletombeamoureusedetoiet…”quoi?

Ilsecouavivementlatête.–Non,çanes’estpaspasséainsi.–Alorsexplique-moi!Dis-moi!criai-jeenfrappantlesoldetoutesmesforces.

Ilcherchasesmots.Jamaisjenel’avaisvuaussidéboussolé,aussimisérable.–Jet’aivue,commejetel’aidit,etj’aitoutdesuiteétéattirépartoi,commejamaisje

nel’avaisétéparquiquecesoit.–Jet’aiplu,alorstuasdécidédem’anéantir,c’estça?Ehbiensonplanavaitmarché:j’étaisdétruiteetjenepourraisplusjamaismerelever.Hudsonsecoualatêteunenouvellefois.– Ce n’est pas ainsi que je voulais te le dire, ce n’est pas du tout comme ça que je

voulaistel’expliquer.–Tuveuxdirequesitumel’expliquaisautrement,tupourraismanipulerlesfaitspour

quecelasemblemoinslugubre,dis-jealorsquejetremblaissifortquemesdentsclaquaientlorsquejeparlais.

–Jel’aimérité,dit-ilengrimaçantcommesijel’avaisgiflé.Maiscen’estpascequejevoulais dire, dit-il en s’approchant lentement puis en s’arrêtant lorsque je le fusillai duregard. Laisse-moi t’expliquer les événements tels qu’ils se sont déroulés. Ce ne sera pasmieux,ceseratoujourshorrible,maisaumoinsceseravrai.

Je reculai pourm’adosser au bureau. Je ne voulais plus rien entendre,mais il fallaitquejesache.

–Vas-y,jet’écoute.–Jet’aivue,etCelial’aremarqué.Elleatoutdesuitesuquetumeplaisais.Quelques

joursplustard,elleestvenuemevoiravecdesinformationssurtoi.–C’estellequiafaitdesrecherchessurmoi?m’exclamai-je.Mon interruptionparut fairevolerenéclats lediscoursqu’il semblaitavoirapprispar

cœur.Ehbientantmieux.Ilétaithorsdequestionquejeluirendelatâchefacile.– Oui, Celia a fait une enquête sur toi. Elle m’a montré le rapport de police et

l’ordonnancedu juge indiquantqu’il t’était interditd’approcherPaulKresh, enplusd’unecopiedetonbilanpsychiatrique.

Une nouvelle vague de nausée s’empara de moi à l’idée que c’était Celia qui avaitdécouvertmessecrets.Hudsonsemblaliremondégoûtets’empressadevouloirl’effacer.

– C’était en totale contradiction avec ce que j’avais perçu chez toi, Alayna. Lesinformations qu’ellememontrait n’avaient rien à voir avec la femme confiante que j’avaisvue sur scène au colloque. Si ces choses avaient fait partie de toi dans ton passé, il étaitévidentquetuallaismieux.

–C’étaitlecas,déclarai-jecommes’ilavaitditlecontraire.J’allaismieux.–Oui,tuallaismieux.Çasevoyait.LathéoriedeCeliaétaitquetupouvaissombrerà

nouveau.Etmoijen’étaispasd’accord.Il resta silencieux, comme s’il me laissait le temps d’entendre ses paroles. À quoi

s’attendait-il?Pensait-ilquej’allaismeleveretluidonnerunemédailleparcequ’ilétaitdemoncôté?Parcequ’ilavaitditqu’ilnepourraitpasmefairecraquer?

Celanel’avaitpasempêchéd’essayer!Quoiqu’ilensoit,ilavaiteutort.Ilavaitfaitpire.Ilm’avaitanéantie.Ilcontinuaàparleretmoncerveaueuleplusgrandmalàcomprendresespropos.– Alors elle a décidé d’en faire un pari. Elle voulait te faire rompre nos fausses

fiançailles, et après un certain temps, je devais te quitter en te disant que la mascaraden’étaitplusnécessaire.Ensuite,elleattendraitdevoirtaréaction.Cependant,jen’aijamaisvoulu…

–Alorscen’étaitquedesconneries.Toutenotrehistoiren’étaitqu’unmensonge,dis-jelentement,lesmotsmevenantdifficilement.

–Non!s’exclama-t-il.Mêmeaudébut,çan’ajamaisétéunjeupourmoi.Jen’étaispascensé te séduire. Jen’étaispas censé tomberamoureuxde toi.Et j’avaisdéjà fait lesdeuxavantmêmequetuacceptesdeprendrepartàcettemascarade.

Jelevailatêteetlefusillaiduregard.–Saufquetun’espastombéamoureuxdemoi.C’estimpossible,parcequ’onnefaitpas

quelquechosed’aussiatroceauxgensqu’onaime!–Jen’avais jamaisaimépersonne,Alayna. Jenecomprenaispasceque je ressentais.

Toutcequejesavais,c’estquejedevaisêtreavectoietquec’étaitleseulmoyen,dit-ild’unevoix tremblante. Je ne cherche pas à me disculper, mais je t’explique. Je te supplied’essayer…d’essayeretde…

–Dequoi?Devoirleschosesdetonpointdevue?Detepardonner?m’écriai-je.Jepenchai la tête sur le côté etplongeaimon regarddans le sien, voulantm’assurer

qu’ilentendraitlasuitedemespropos.–C’estimpardonnable,Hudson!Jamaisjenepourraioubliercequetum’asfait.– Ne dis pas ça. Ne dis jamais ça, supplia-t-il d’une voix pleine de remords et de

souffrance.Ehbienqu’ilsouffre!Jeleferaissouffrirdavantage,sijelepouvais.–Qu’est-cequetuneveuxpasentendre,aujuste?Quejenepeuxpastepardonner?

C’estlecas.Jenepourraijamaistepardonnercequetuasfait.Jamais.–Alayna!Jet’ensupplie!cria-t-ilenvenantversmoi,maisjemedébattis.–C’est fini,Hudson, hurlai-je en luimettant un coupdepieddans le bras. Fini ! Tu

comprends?Jamaisjenepourraitefaireconfianceaprèsça!Il se rassit lentement, mais j’étais certaine qu’il essaierait de m’approcher encore, et

c’étaitladernièrechosequejevoulais.Jenepouvaismêmeplusleregarder.Ilfallaitquejeparte.Jemismamainparterrepourm’aideràmeredresser.

–Jem’envais.N’essaiepasdem’arrêter.Nevienspasaprèsmoi.C’est terminé,dis-jelorsquejeréussisenfinàmerelever.

–Cen’estpas terminé,Alayna,dit-il en se levantà son tour.Ona réussi à se refaireconfiancequandtuascassé…

– Ne t’avise pas de comparer ce que j’ai fait à ça ! hurlai-je en me tournantbrusquementverslui.Meserreursn’ontrienàvoir!C’estlapiredeschosesquetuauraispufaire. La pire que tu… je ne peuxmême pas… je ne peux plus respirer… sifflai-je enmecourbantpourreprendremonsouffle.

– Arrête, dis-je lorsqu’il posa sa main sur mon dos. Plus jamais. Ne me touche plusjamais.Nem’appellepas,n’essaiepasdeme joindre.C’est fini,Hudson.Fini ! Je ne veuxplusjamaistevoir.

La stupeur qui m’anesthésiait avait disparu en me laissant bouillante de rage. Jevoulaismedébarrasserdetoutcequejeressentais,devomirtouslessentimentsquej’avaispour lui, qu’ils soient bons ou mauvais. Je voulais être libre de toute émotion. Mais madouleurnedisparutpas…elleétaitsansfond,sansfin,insoutenable.

–Nedispascela,Alayna.Dis-moicomment jepeuxréparerça,dit-ild’unevoixaussidésespéréequelamienne.Jeferain’importequoi,ildoitforcémentyavoirunmoyen.

Jesaisislebureaupournepasperdrel’équilibre.–Comment?Commentpourrait-ilyavoirunmoyendecontinueraprèscequejeviens

d’apprendre?Jen’étaismêmepascertainedepouvoircontinueràvivreaprèscela,mêmesanslui.–Jen’aipasencoretouteslesréponses.Maisonpeutytravaillerensemble.Onpeutse

réparer l’un l’autre, se guérir, tu te souviens ? Je t’aime, Alayna. Je t’aime. Cela veutforcémentdirequelquechose.

J’avaisrêvéd’entendrecesmotspendantsi longtemps,etmaintenantil lesprononçaitavecaisanceetlégèreté,commes’ils’enmoquait.

–Non,çaneveutplusriendireàprésent.–S’ilteplaît,tunesaispascequetudis,dit-ilensaisissantmonpoignet.–Nemetouchepas!hurlai-jeenluiarrachantmonbras.Illevalesmainsenl’airensignedecapitulationetilfitunpasenarrière.–Tum’avaisdit… tum’avaisdit que tum’aimerais suffisammentpouroutrepasser ce

quej’avaisàt’avouer…Je savaisqu’ilme jetteraitmapromesseà la figure, j’étaismême surprisequ’ilne l’ait

pasfaitplustôt.– Étant donné que tout ce que tum’as dit n’était qu’unmensonge, je neme sens pas

obligéed’honorermapromesse,Hudson.Cependant, que je le veuille ou non, je l’aimais encore. Si ce n’était pas le cas, je ne

seraispasdansun telétatdedésespoir.C’était justement l’ironiedusort : j’avais tenumapromesse. Je ne cesserais pas de l’aimermalgré lemal atroce qu’ilm’avait fait.Mais peuimporte.Celan’avaitplusd’importance,puisquecesurquoireposaitmonamourn’avaitétéqu’unleurre,qu’unemascarade.

Quelqu’un frappa doucement à la porte, puis celle-ci s’ouvrit et David passa sa têtedansl’entrebâillement.

–Est-cequeçava,Laynie?M’avait-il entendue crier ?Ou avait-il décidé qu’il avait laissé passer suffisamment de

temps et qu’il pouvait désormais s’assurer que j’allais bien ? Quoi qu’il en soit, je n’avaisjamaisétéaussiheureusedelevoir.

–Non,çanevapas.Davidnousregardatouràtour,nesachantpasquoifaire.Hudsonessayaunedernièrefois:–Alayna…Jen’avaisplus rienà luidireni rienà luioffrir. Je secouai simplement la tête.C’était

terminé.Pourdebon.Ilcontinuaàmesupplierduregardquelquessecondespuisilsecoualatêteàsontour.

– Jevaispartir,dit-il àDavid. Je suisdésoléd’avoir gâché ta fête.Mercide t’occuperd’elle.

Ilsetournaversmoiunedernièrefois,leregardpleindepeine,deremords,d’envie.Jesavaisqu’ilpensaitquejemejetteraisdanslesbrasdeDaviddèsqu’ilseraitpartietquecelale torturait. Il faisait un sacrifice énorme en me laissant seule avec lui, mais ce sacrificearrivaittroptard.Tantpispourluis’ilsouffrait.J’étaisanéantie.

Jeluitournailedos,nesupportantplusdelevoir.Jesusqu’ilétaitpartilorsqueDavidme prit dans ses bras. Je le laissai faire un instant mais, contrairement à ce que pensaitHudson, je ne cherchais pas du réconfort auprès de David. Je voulais seulement pleurerquelquepart jusqu’àcequeladouleurquimerongeait jusqu’àlamoelledisparaisse.Orjenesavaispassic’étaitpossible.J’allaissansdoutesouffrirpendanttrès,très,longtemps.

–Qu’est-cequejepeuxfaire?demandaDavidlorsquejereculaimonvisage.J’essuyaimeslarmesdureversdelamain.–VachercherÉlise,s’ilteplaît.

CHAPITREVINGT

Elisefutunange.

Elle parvint à suffisamment me calmer pour que je puisse sortir du club sans attirerl’attentiondesemployés,puis,commejetenaisàpeinedebout,ellemelaissam’appuyersurelle lorsque nous allâmes au taxi que David avait hélé pour nous. Elle ne fit aucuncommentairesurlefaitquejel’obligeaisàpartirdelafêteplustôt,etellenemedemandapasdeparlerdecequis’étaitpassé.Ellemepritsimplementdanssesbrasetmecaressalatêtetandisquejepleuraisduranttoutletrajetjusqu’àsonappartementàBrooklyn.

Lorsquenousfûmesarrivéeschezelle,ellememitdanssonlitavecunverredetequilaet elleme borda. Elle avait beau avoir un canapé-lit dans son salon, elle resta avecmoitoute la nuit, blottie derrièremoi, et lorsque j’émergeais des courtsmoments de sommeildanslesquels jesombrais,sachaleuretsaprésenceapaisaientmescrisetmessanglots.Jen’avaispastraverséundeuilpareildepuislamortdemesparents,etmêmelà,jenem’étaispassentieaussitrahie.

Car le pire était ce sentiment de trahison. Si Hudson m’avait fait cet aveu plus tôt,quand je n’avais pas pris autant de risques, j’aurais peut-être été capable d’y survivre. Jel’auraistoutdemêmequitté–jen’auraispaspuresteravecluiaprèscela–,maisçaauraitétémoinsdifficileàencaisser.Latrahisonultimeétaitd’avoirattenduaussilongtempspourme ledire, surtoutaprèsque l’oneutautantparléd’honnêtetéetde transparence.C’étaitbiencelaleplusdouloureux.

Jepassailesdeuxpremiersjoursdansunbrouillardcomplet.Élisecuisinaetm’obligeaàmanger.Elleécoutamonhistoiretellequejelaracontais,parpetitsbouts,faisantdesonmieuxpourrassemblerlespiècesdupuzzle,toujourssansm’obligeràparler.Etduranttoutce temps, elle remplitmonverredès qu’il était vide.Dansun raremomentde lucidité aucoursduqueljenepensaiplusàmapeine,jemedemandaisimonpèreavaitpassésavieàboire pour oublier quelque chose, lui aussi. Et si oui, qu’est-ce qui lui avait fait autant demal?N’était-cepastristequejenelesachepas?

Mes autres pensées étaient faites de prises de conscience – tous mes souvenirssemblaientdésormaisamers.JemeremémoraidesdizainesdefoischaqueconversationqueHudsonetmoiavionseue.Parfoisjenepouvaisrienfaired’autrequepleurer,parfoisj’étaisencolère–jecassaiplusd’unverredurantmesexcèsderage.

J’envisageaimêmedeprendreunboutdeverrebriséetdemecouperlesveines–maispastropprofond.Oupeut-êtretropprofond,justement.

Heureusement, Élise était là pour ramasser les morceaux avant que je ne puisse encacher un. Et puis je ne voulais pas vraiment mettre fin à ma vie, seulement à masouffrance.

Je finis par atteindre un stade où je tentai de mettre les morceaux bout à bout, dedéchiffrercequiavaitétésincère,cequiavaitétévrai.J’imaginailerôlequeCeliaavaitjouédansmarelationavecHudson.Lafaçondontilavaitlaissélibrecoursàmajalousieouqu’ilavaitencouragémonbesoindefouiner.Encouragesonobsession,devait-elledire.Ne t’énervepassiellesecomportecommeunefolle.

Je pensais également au fait qu’ellem’avait craché au visage le surnom queHudsonm’avaitattribué.Était-ce son idéeaussi?Donne-luiun surnom,quelque chose comme«monange»ou«mabelle».

Je me souvins de l’anniversaire de Sophia, où je les avais vus discuter, après quoiHudsons’étaitmontrédistantavecmoi.Luiavait-ellerappeléquejen’étaisqu’unpiondansleurjeuetdurôlequ’ilétaitcenséjoueravecmoi?

Je devais reconnaître que Hudson n’avait pas toujours menti. Lorsque notre histoireavaitcommencé,sesproposexactsavaientété:«Jevaisfairedeschosesromantiquesquineserontpassincèresetj’aibesoinquetutesouviennesquecen’estpassincère.Enrevanche,lorsquel’onneserapasenpublic,jeteséduirai.Etça,ceseravrai.Maisilnefautpasquetuprennescelapourdel’amour.»

Quand cela avait-il changé ? À quel moment est-ce que sa fausse romance étaitdevenue sincère ? Avait-elle jamais été sincère ? Était-il en cemomentmême en train defêterladestructiondemonâmeavecsapartenairedecrime?

Hélas,jenelesauraisjamais.Jenepouvaisêtrenostalgiquederien,carjedoutaisdelasincéritédetoutcequenousavionsvécuensemble.Ilm’avaitsibienmanipuléequejenesavaispascequiétaitvraietcequifaisaitpartiedelamascarade.

C’étaitcetteprisedeconsciencequiremplissaitmonverre.Cenefutquemardisoirquejefusassezsobrepourmesouvenirdemesresponsabilités.

Je m’adossai à la tête de lit et appelai Élise, qui était dans la cuisine. « Le club… »,commençai-jeàdire.

Elles’appuyacontrelemur.«J’aidéjàappelépourdirequetuétaismalade.»MonDieu,elleétaitvraimentgéniale.

Ellen’avaitpaseubesoindementir.Elleavaitexpliquéquejepouvaisàpeinesortirdulit,etencoremoinsdel’appartement.J’avaispleurési fortquej’avaisvomiplusd’unefois.J’étaisbeletbienmalade.

Puisque je n’avais pas besoin de travailler, j’envisageai de me remettre à boire et àdormir. Cependant, lorsque je me grattai la tête, je me rendis compte que mes cheveuxétaient gras et emmêlés, il fallait vraiment que je prenne une douche. Et je devais mechanger.Enavais-jevraimentquelquechoseàfaire?Oui.Celaindiquaitquej’allaisunpeumieux,non?

Cependant,jen’avaispasd’affaireschezÉlise.–Est-cequesijemelave,tupeuxmeprêterdesvêtements?Elle hocha vigoureusement la tête. « Prends ce que tu veux. » Après tout, elle en

profiteraitautantquemoi:jesentaisvraimentmauvais.Ladouchemefitautantdemalquedebien.Jemesentisunpeumieux,maiscelaeut

pourconséquencedemefairepenseràl’avenir.Oùallais-jevivre?Oùallais-jetravailler?Pourrais-jeretournerauSkyLaunch?JetravaillaisauclubavantdeconnaîtreHudson,jene voulais pas perdre ce job. Cependant, même s’il me laissait y bosser, est-ce que jesupporteraisd’yêtre?

Peut-être.Peut-êtrepas.Chaque chose en son temps. Tout d’abord, je ne pouvais pas rester terrée dans la

chambred’Élise.Cesoir-là,jemigraisurlecanapé-lit.–Monlitestàtoi,machérie,dit-ellealorsquejepréparaismoncouchage.Jefustentéed’acceptersaproposition,maisjerestaiétonnammentforte.– Je me sens déjà coupable d’avoir envahi ton espace, et puis il faut bien que je

commenceàvivretouteseule,mêmesijenecommencequ’endormantseule.–Comme tu voudras, dit-elle enme jetantunoreiller. Et tu es la bienvenue ici aussi

longtempsquetulevoudras.Jepassaimesbrasautourducoussinetmelaissaitombersurlelit.–Jecroisquejevaisenavoirpourunmoment,tuessûrequetonoffretienttoujours?–Absolument.Aumoins,celaréglaitlaquestiondesavoiroùj’allaisvivrepourl’instant.Tôtoutard,il

me faudrait récupérer mes affaires au penthouse. Je n’avais pas grand-chosemais j’avaisbesoin de vêtements. Pas ceux que Hudson m’avait achetés puisque je prévoyais de lesbrûler,maisjevoulaislesmiens.

Et puis il me fallait un nouveau téléphone, car celui que j’avais était un cadeau deHudson. Je l’avais déjà donné à Élise en lui demandant de le garder pour moi. Ainsi, siHudsonavaitdécidéd’ignorermarequêteetqu’ilm’avaitappelée,jenelesauraispas.Jenevoulaispaslesavoir.

Cependant,ilyavaitlapossibilitéqueCeliaaitportéplaintecontremoi…

–Est-cequelapoliceacherchéàmejoindre?demandai-jeenmeredressantsoudain.Hudson m’avait dit qu’il s’en occuperait, mais sa parole n’avait plus aucune valeur,

désormais.Élises’assitauborddulit.–Non,etilsnetecontacterontpas.Hudsonm’aappeléesurmonportablehiermatin,

ajouta-t-elle en réponse àmon regard confus. Il voulait que je te dise que l’affaire a étédéclaréesanssuite.

Alors il sait où je suis. Cela dit, ce n’était pas difficile à deviner. En outre, j’avais lesentimentquesecacherdeHudsonn’étaitpaschosefacile.

Jenepusretenirmonenvied’ensavoirdavantage.–Est-cequ’iladitautrechose?–Iladitbeaucoupdechoses.J’aidécidéquecelanet’intéressaitpas.– Bien vu. C’était le cas, dis-je enm’allongeant sur le côté, la tête appuyée surmon

coude.Maisçam’intéresse,maintenant.Qu’est-cequ’iladit?– Qu’il voulait te laisser ton espace, mais qu’il avait hâte de te parler dès que tu le

voudrais, si tu le voulais un jour. Il a dit qu’il ferait ce que tu voulais à propos du club,mêmesicelaimpliquaitdenerienfaire.Etiladitquetupouvaisretourneraupenthousesitulesouhaitais,qu’ilrestaitdanssonautreappartement.

–Sonloft…Son invitationne servaità rien, jen’avaisaucuneenviede retournerquelquepartoù

j’avaisétéaveclui.Saufpeut-êtreauclub–mêmesijen’avaispasencoreprisdedécisionàcesujet.

–Ouais, le loft,dit-elleenbaissant lesyeux. Ilaaussi insistépourque je tedisequ’ilt’aime.

–Ça,jeneveuxpasl’entendre.Cela avait beau n’être qu’un mensonge, ce n’était pas pour autant que cela ne

m’affectaitpas.Mapoitrineseserraetleslarmesmebrûlèrentlesyeux.Pisquetout,ilyeutquelquepartdansmoncœurunéclatde…jenesaispas.D’espoir,peut-être?Etcelamesurprit – avant de me dégoûter. Après tout ce qu’il m’avait fait, comment est-ce qu’unepartiedemoipouvaitencoreespérerquesonamoursoitsincère?

–C’estcequejeluiaidit,maisilaréponduquecelanesignifiaitpasquecen’étaitpasvrai.

Cette nuit-là, lorsque je m’endormis en sanglotant, je ne versai pas des larmes detrahison. Jepleurai car jeme sentais seule.Mes lèvres cherchaient celles deHudson,messeins brûlaient de sentir sesmains,mon corps entier se sentait abandonné. Et au lieu deregretterd’avoirconnucethomme,d’avoirunjourentendusonprénom,jeregrettaid’avoirsulavérité.Ilsembleraitquemoinsonensavait,mieuxonseportait.

***

–Jet’avaisditquec’étaitnaze,ditGwenlorsquej’appelai lemercredipourmeporterdenouveauabsente.

–Qu’est-cequiestnaze?demandai-je,rendueconfuseparsespropos.J’auraisdûdemanderàÉlised’appeler:ilétaitmoinsfaciledeparlerauxgensqueje

nelecroyais.– L’amour, ma chère, chanta-t-elle d’un air joyeux. L’amour. C’est la pire chose au

monde.Apparemment,ellenem’avaitpascruelorsquejeluiavaisditquej’avaislagrippe.

***

Jeudi,j’étaispresqueredevenueunepersonnenormale.Unefilletristeetconfuse,maisc’était une amélioration par rapport à la masse sanglotante que j’étais quelques joursauparavant.Jesentaisdenouveaumespieds,etjeréussismêmeàboireautrechosequedelatequila.

Élisesemblapenserquej’étaisprêteàallerplusloinencore.–Iltefautunedistraction,unmoyendetelâcher.Peut-êtrequetudevraistetâterun

peuleminou.Jepeuxteprêtermonvibropendantquejevaisauboulotcesoir.–Nonmerci,répondis-jeengrimaçant.–Danscecas,onpourraitallervoirlenouvelappartementdeDavidàAtlanticCity.Tu

saisqu’ilteprendraitsauvagementsituleluidemandais.–Toutd’abord,Davidestincapabledeprendrequiquecesoitsauvagement.Jen’avais jamaiscouchéavec lui,maisnousavionsétésuffisamment intimespourque

jesachequ’iln’étaitriend’autrequ’ungrosnounours.–Deuxièmement,jeneveuxplusjamaiscoucheravecquiquecesoit.Hudson avait ruinéma vie sexuelle – aucun homme ne pourrait jamais êtremeilleur

quelui.Personnenepouvaitêtreplusoffrant,plusexigeantetplusépanouissant.C’étaitlaseulechosequiavaitétésincèreentrenous.J’enétaispersuadée,mêmemaintenant,malgrélesmensonges.Aucunhommenepourraitrivaliseraveclui.

D’autrepart,j’avaisunetroisièmeraisondenepasalleràAtlanticCity.Samediétaitlejourde la réouverturedeChezMirabelle. Jenepouvaispasyaller,bien sûr– l’envisagerseraitridicule.Cependant,jedétestaisavoiràluiannoncerlanouvelle.Ornousétionsjeudietjenepouvaisattendrepluslongtemps.

JeprisuneprofondeinspirationettendislamainàÉlise.–Enparlantdeweek-end,est-cequejepeuxempruntertontéléphone?

Ellemeletenditpromptement.Jecherchailenumérodelaboutiqueetl’appelai.Celaallaitêtrelevéritabletest,carMiraavaittoujoursétéunefanducoupleAlaynaetHudson,et je savais qu’elle serait aussi tristequemoi.Bon,peut-êtrepasaussi triste,maispresque.Son esprit était si romantique que j’étais certaine qu’elle essaierait deme convaincre queHudsonetmoiavionsencoreunechance.

Peut-êtreétait-ceunemauvaiseidéedel’appeler,aprèstout.–VousêteschezMirabelle,commentpuis-jevousaider?Troptard.–SalutMira.– Laynie ! s’exclama-t-elle. Je voulais t’appeler pour prendre de tes nouvelles. Les

grandsespritsserencontrent.Lesretouchesdetarobeontétéfaitesetellet’attend.Est-cequetuveuxpasserlaprendreavantsamedioutupréfèrestechangerici?Sinonjepeuxlafairelivrercheztoi.

Merde. Hudson ne lui avait pas dit que nous avions rompu. Je détestais devoir luiapprendre,maisj’yétaisbienobligée,maintenant.

–Je…Mira…Jenepeuxpasvenirsamedi,dis-jeendécidantdechangerdestratégie.Jesuisdésolée,c’estpourcelaquejet’appelais.

Jeprisletempsdedéglutiravantdepoursuivre.–Hudsonetmoi…avonsrompu.Pourquoiétait-cesidouloureuxdeledireàvoixhaute?J’avalaiunenouvellefoismasaliveenmepréparantàlaréactiondeMira.– Je sais, dit-elle doucement, avant de reprendre sa voix guillerette. C’est justement

pourçaquejeluiaiinterditdevenirsamedi.Jemefichequ’ilvienneàlaréouverture.Maistoi,Laynie,ilfautquetuviennes.J’aibesoindetoi.Dis-moiquetuvasvenirquandmême,çacompteénormémentpourmoi.

Mabouches’étaitsoudainasséchée.Émotionnellement,jen’étaispasprêteàsupporterlamoindresurprisenilamoindrepreuvedegentillesse.

–Mira… non, bafouillai-je. Tu ne peux pas faire ça. Tu ne peux pas interdire à tonfrèredevenir.

–Biensûrquesi, insista-t-elle.Lamodene l’intéressepas.C’estmoiqui l’intéresse.Ettoi.

Ah,c’étaitcetteMirabellequej’attendais.Jefermailesyeuxpourréprimerunenouvellevaguedelarmes.–S’ilteplaît,nedispasça.Jeneveuxpasentendreparlerdesesprétenduesémotions.– D’accord, d’accord. Pas de souci. Je ne voulais pas me mêler de votre histoire. Je

voulaissimplementdirequ’ilm’avaitdéjàproposédenepasveniravantmêmequejeleluiinterdise. Il m’a dit qu’il voulait que toi et moi soyons heureuses et qu’il ne voulait pasgâchermajournée.Jepréféreraisquevoussoyez làtous lesdeux,biensûr,maissi jedois

choisirentreluiettoi,c’esttoiquejechoisis.Tuesl’undemesmodèles,maissurtout,tuesmonamie.Tuescommeunesœurpourmoi,Laynie.

Jemeretrouvaiàpeserlepouretlecontrealorsque,lorsquejel’avaisappelée,ilavaitétéhorsdequestionquej’ailleàlaréouverturedesaboutique.Jenepouvaispasyêtres’ilyétait.Jeseraisincapabledefaireledéfilédevantlui.

En même temps… J’étais d’accord avec elle. Nous étions devenues amies et j’avaisespéré que l’on devienne sœurs un jour. Elle avait beaucoup fait pour notre couple,maisdavantage encore pour moi. Peut-être que si j’allais à son événement cela m’aiderait àtournerlapage?

–D’accord,jevaislefaire.Est-cequejevenaisvraimentd’accepter?–Mais tuas intérêtàme jurerqu’ilneserapas là.J’espèrequecen’estpasuneruse

pournousremettreensemble.– Je teprometsqu’iln’y serapas. Je le jure surmonbébé,dit-elle avantdemarquer

unepause.Celadit,cettenotionderusen’estpasmauvaise…–Mira!– Je plaisante ! s’exclama-t-elle d’une voix quime laissa deviner son sourire. Super !

MerciLaynie!–Jet’enprie.Maisnet’attendspasàcequejesoissouriante.–Tun’aurasqu’à incarner lemodèle sombreetmystérieux, il en faut toujoursun.Et

quecesoitclair, jenesaispascequecetabrutia faitpour tout foutreen l’air,mais ilestmisérable.Sincèrement,c’estlamentable.

Pendant une fraction de seconde, je me sentis joyeuse. Véritablement. Était-ce parceque j’étais heureuse que ce connard soit aussi malheureux que moi, ou parce que sonmalheurrévélaitsessentiments?

Je ne pouvais pas m’attarder sur la source de ses émotions, car cela me tuerait. Jedevaiscesserd’ypenser.

–Mira,situasl’intentiondemeparlerdelui,jevaisannuler.–Non,nefaispasça!s’écria-t-elle,paniquée.Jevoulaisjustequecesoitdit,maisj’ai

finimaintenant.Promis.– D’accord, mais ne dis plus rien, dis-je d’une voix tremblante. Je me changerai sur

placesamedi,ajoutai-jeaprèsavoirprisunelongueinspiration.–J’aitellementhâte!Àsamedi!Jesouriaispresquelorsquejeraccrochai.–Ehbien,regardez-moiça,ditÉliselorsquejeluirendisletéléphone.Est-ceunpeude

couleurquejedétectesurtesjoues?–C’estimpossible,répondis-jeenlesfrottant.

Bon sang qu’il était épuisant d’être en deuil. Ennuyeux, aussi. Je devais trouver unmoyen d’avancer. Si le défilé de Mira était une bonne étape, cela ne suffisait pas. Il mefallaitparexempledéciderdecequej’allaisfairedemavie.

Àpeineavais-je formulécettepenséequ’une larmecoula surma joue.Sérieusement?N’avais-jepasbientôtfinidepleurer?Maissi,illefallait.Jesaisisunmouchoiretm’essuyailesyeux.

–Je…euh,jeveuxallerautravail,dis-jeàÉlise.–Tuessûre?demanda-t-elleaprèss’êtreraclélagorge.Apparemment,meslarmesnel’avaientpasconvaincue.–Pascesoir,maisdemain,oui.J’aibesoindesavoir si jepeuxyêtre.Jenepeuxpas

prendrelabonnedécisionàproposdemonavenirsansessayerd’yfaireunservice.Pendanttoutletempsqu’avaitprismaguérison,leSkyLaunchavaitétécequim’avait

leplusaidéeàsurpassermesobsessions.C’étaitlaseulechosequim’avaitévitédetoucherlefond.J’étaisdenouveauenchutelibre–n’était-cepasl’endroitquimesauverait?

Sicen’étaitpaslecas,ilmefallaittrouvercequiyparviendrait.Jecommençaisdéjààressentircetteagitationdansmonventre,cechatouillementanxieuxquifaisaitdemoiuneaddict, quel que soit mon état de santé. C’était un signe supplémentaire que je devaispenseràmonavenir.

LorsqueÉliseallaautravail,cettenuit-là,jem’obligeaiàtrouverquelquechoseàfaire,en dehors de dormir et de pleurer. Autre chose que deme repasser en boucle lesmêmessouvenirs. J’allumaimon ordinateur et cherchai un roman à télécharger, car Élise n’avaitpaslemoindrelivrechezelle.

Cependant, je n’arrivais pas àme concentrer surma lecture, et rien à la télé ni surInternet n’était assez divertissant pour occuper mon cerveau. Je ne pouvais cesser deréfléchir et, à mesure que je faisais mon deuil de Hudson, mes pensées devenaientobsessionnelles,commetoujourslorsquejesouffrais.Certainesidéesn’étaientpasformulées,elles étaient comme des pulsions à l’état brut : par exemple, le besoin de le voir. Je nevoulaismême pas lui parler, seulement le voir de loin. Ou comme sentir son parfum, ouencoreentendresavoix.

Cedésirintensemerenditfolle.Etfurieuse,carjemepensaisplusfortequecela.J’étaisplus forte que Hudson Pierce et Celia Werner. Il était hors de question que je les laissem’abaisseràlapersonnequej’étaisautrefois.

Celiapensaitqu’ellepouvaitmedétruire?Ehbienqu’elleaillesefairevoir.J’avaisdéjàsurvécuàunmald’amour,j’ysurvivraisdenouveau.

Soudain, une vague d’adrénaline déferla dans mes veines et je me sentis invincible.Peut-êtreinvincibleétait-cetropambitieux.Jemesentaiscapable.Roar,deKatyPerry,futlachansonsuivantesurmaplaylist–jebondisd’unboutàl’autredelapièceenchantantlesparolesaussifortquepossible,etjemesentismieux.Revigoréeeténergisée.

Cependant,SoEasydePhillipPhillipssuivitKatyPerry,ettoutemaforces’évapora.«Sifacilede tomberamoureux», chanta-t-il, et jen’entendisque la voixdeHudsonprononcercesparoles.

Alorsquecen’étaitqu’unmensonge.Jem’effondraialorsenunemassedemorveetdesanglots.Peut-êtrequ’unenouvelle

nuitàpleurern’étaitpaslapirechoseaumonde,aprèstout.Jeseraiplusfortedemain.

CHAPITREVINGTETUN

Jenemesentispasplusfortelelendemain,maisj’étaisdéterminée.Envisagerl’avenir

était toujours effrayant, mais j’avais décidé de prendre les choses un jour après l’autre.J’avaisapprisenthérapiequ’ilnefallaitpasvouloirallertropvite.

Jeprisunefeuilleetyinscrivislesheuresdelajournée:celarendaitleschosesmoinsimpressionnantes.Commej’avaisdécidédetravaillercesoir-là,jecommençaiparlebasdelapage.

20h00–3h00:travail.Avantcela,j’iraisàunethérapiedegroupe.JeregardaisurInternetetentrouvaiuneà

Dix-huitheures.Parfait–jelenotaisurmonplanning.Enhautdelapage,j’écrivis:petitdéj’,douche,s’habiller.Ensuite,fileraupenthousepour

prendredesvêtementsendouce.J’eusdumalàécrireladernièrephrase.Celameterrorisait.TheBoweryétaitlelieuoù

Hudsonetmoiavionscommencénotrevéritablehistoireetjesavaisquej’allaisytrouverdesmilliersdesouvenirsdouloureux.

Cependant,affrontercessouvenirsfaisaitpartiedelaguérison.Enfait,jen’euspastropdemalàaccomplirlespremièrestâchessurmaliste.Jeréussis

ànepasvomirmonpetitdéjeuneretjetrouvaiunshortàcordonsdanslacommoded’Élise.–Est-cequetuveuxquejet’accompagne?demanda-elleenmordantdanssonbagel.– Non, merci. J’ai besoin de faire ça toute seule, dis-je en m’attachant les cheveux.

J’auraibesoinde toi laprochaine fois,quand j’irai chercher toutesmesaffaires,mais cettefois je vais justeprendreassezdevêtementspour tenirquelques jours.Çamemanquedeporterdessous-vêtements,dis-jeenmelevantetenregardantmespiedsnus.Merde,jen’aiquelestalonsaiguillesquejeportaisàlasoiréedeDavid.

–Jepeuxteprêterdeschaussures.–Onnefaitpaslamêmepointure.

Élise était beaucoup plus grande et musclée que moi. Sans le cordon de son short,celui-citomberaitaumoindremouvement.

Elleenlevadedeuxcoupsdepiedlestongsqu’elleportait.–Tiens,metsça.Ellessonttailleunique,detoutefaçon.–D’accord,dis-jeenlesmettant.Bon.J’yvais.Souhaite-moibonnechance.–Tun’aspasbesoindechance.Tugères,dit-elleenmeprenantdanssesbras.Tues

sûrequ’ilneserapaslà?–Certaine.J’avaisappeléNormapourm’enassurer.Elleavaitvérifiéauprèsdesasecrétaireetelle

m’avaitditqu’ilétaitenréunionaubureauduranttoutl’après-midi.IlavaitaussiditàÉlisequ’ilnedormaitpasaupenthouse.Peut-êtren’yétait-ilmêmepasretournédepuisqu’ilétaitrentrédeLosAngeles.Bref,j’allaisbientôtlesavoir.

Ilétaitencoretôtalorsjeprismontempspourm’yrendre.Jeprislemétroplutôtqu’untaxi et je ne me dépêchai pas pour changer de ligne. Cependant, j’eus beau traîner despieds,jefinispararriveràdestination.

Lessouvenirsm’assaillirentavantmêmequejen’aiepénétrédansl’immeuble.Jerestaiplantéedevant les lettresgravéesdans lapierreau-dessusde laporte.TheBowery. Jemerevislapremièrefoisquej’étaisvenue–j’avaisététoutaussinerveuseetincertainedecequim’attendait à l’intérieur. À l’époque, cependant, demerveilleux papillons voletaient dansmonventrealorsqu’aujourd’huijeneconnaissaisqu’unenauséeatroce.

Jeprisuneprofondeinspirationetentraidansl’immeuble.Dansl’ascenseur, jedécidaidenepasm’attarder.Jefilaitoutdroitverslachambreet

mon placard dès que les portes s’ouvrirent. Jemis une culotte et enfilai une robe et deschaussures dans lesquelles je pourrais aller travailler. Je remplis ensuite un sac avec lesaffairesqu’ilmefaudraitpourlasemainequiarrivait.Jefusprêteàpartirmoinsdequinzeminutesaprèsêtrearrivée.

Toutàcoup,unevaguedenostalgies’abattitsurmoietm’empêchadepartirsansavoirfaituntourdel’appartement.Jeparvinspresqueàmeconvaincrequec’étaitleseulmoyendenerienoublier.

Maisbiensûr…L’endroitétaitpresqueidentiqueàl’étatdanslequeljel’avaislaissé,saufquelafemme

deménageétaitvenue.Lespoubellesetlelave-vaisselleavaientétévidés.Leseuldésordreétaitdûauxlivreséparpilléssurlesoldelabibliothèque.L’appartementmesemblaitvide,abandonné.Jem’ysentisseule.Lachaleurquil’emplissaitauparavantavaitdisparu.Lelieusemblaitn’êtrequ’unmodèled’expositioncommeceuxque l’onvoyaitdans lescatalogues,et dans lesquels personne n’habite. C’était comme si rien de beauni de spécial n’avait eulieuici.

Cela aurait pu être lamaison de n’importe qui. Il n’y avait rien qui y reflétait notrepersonnalité.Commentn’avais-jepasremarquécelaavant?

Cela dit, ce vide n’était-il pas symbolique ? Le problème fut que cela m’attristadavantage encore. Je m’étais préparée à être frappée par les fantômes de notre passéensemble,etj’étaisencoreplusbouleverséeden’entrouveraucun.

Soudain, j’eus lebesoinpressantdetrouverunsignedenousquelquepart.N’importeoù,n’importequoi.Jeposaimonsacetcourusdansnotrechambre.Jemejetaisurlelitetenfouismon visage dans l’oreiller. Il sentait le propre. Les draps avaient dû être changésdepuis qu’on y avait dormi ensemble. Dans le dressing deHudson, je ne trouvai que desvêtementspropresetunpanieràlingesale–vide.Jefinispartrouversongeldouchedanslasalledebainetjel’ouvrispourenrespirerleparfum.

Mesgenouxsemirentàtrembler.MonDieu,c’étaitluisansêtrelui.L’odeurm’enivraetraviva mon souvenir, réveillant les sentiments que j’avais tant voulu oublier. Or en cetinstant, jenevoulaispasoublier.Jevoulaism’accrocherà toutcequimerestaitde lui,etsonsavonn’étaitpassuffisant.Ilmanquaitleplusimportant,jevoulaisplus,jevoulaistout.Etjeneletrouvaisnullepart.

Je reconnus immédiatement cette pulsion soudaine. Si je faisais de gros efforts deconcentration, si je la remplaçais par un substitut sain, je pouvais la faire disparaître. Leproblèmeétaitquejen’enavaispasenvie.J’avaisenviedecéderàcebesoinetdelelaisserme guider – de ne pas lutter. Je voulaisme laisser retomber dansmes habitudes passéespourqu’ellesm’engloutissent.

Peut-êtrepouvais-jemelepermettre…seulementpouraujourd’hui.Jepouvaisallerauloft,m’y faufilerpendantqueHudsonétaitenréunion,et sentir saprésencedans l’espaceoùilvivait.

Ce n’était pas sain, mais cela n’arriverait qu’une fois. Ce n’était pas assez pour medétruire. Et après cela, je pourrais tourner la page. J’irais à ma thérapie de groupe, jereprendraismesbonneshabitudes,etjecommenceraismanouvellevie–sansHudson.

L’idéemeparaissaitdivine.Commeunplaisircoupable.Aussiinnocent,finalement,quede dévorer un bac entier de glace Ben and Jerry’s. Je n’y réfléchis pas plus longtemps etdécidaidelefaire.JehélaiuntaxietfilaiendirectiondePierceIndustriesavantdechangerd’avis.

J’étais reconnaissanteenversNormadem’avoirparléde la réuniondeHudson,car jen’étaispasinquièteàlapenséedelecroiser.Ilseraitaccaparéparsesaffairesetnesauraitjamaisquej’étaisjusteàl’étageau-dessus.Celaajoutaitunpeudepimentàmonescapade.

Jelesentisdèsquej’ouvrislaporteduloft.Jesentisimmédiatementsaprésence–nonseulement son parfum, mais sa chaleur. J’eus la chair de poule et frissonnai de plaisir :c’étaitjustementcequejerecherchais.

Je posai mon sac par terre et m’aventurai plus loin, me rappelant ce lieu où nousavions eu notre première fois. Je promenaimamain sur son canapé en cuir, puis sur lespapiers qui traînaient sur son bureau. J’allai jusqu’à l’ascenseur qui menait à un seulendroit:sonbureau.J’étaisàquelquesmètresdeluiàpeine.Jemismamainsurlemétalfroiddelaporte.

J’étaissiprès,etpourtantsiloin.Danslacuisine,jerestaibloquéeuninstantsurunetassedecaféàmoitiévide.Ilabu

dans cette tasse. Ses lèvres l’avaient touchée. Je pris lemug et l’appuyai surma joue. Elleétait froide, mais j’en imaginais la chaleur lorsqu’il avait siroté son café quelques heuresauparavant.

J’avaisconsciencedemecomportercommeunefolle,mais jem’enfichais.D’ailleursjen’auraispaspum’enempêchermêmesijel’avaisvoulu.

Je fus bientôt dans sa chambre, là oùnous avions fait l’amour pour la première fois.Unepremièrefoisquiavaitétéincroyableetbouleversante.Jem’étaissentiesurpasséetoutenfaisantdemonmieuxpourtrouvermaplacedanssavie–commeillesouhaitait.

Mon regard se posa sur la porte de la salle de bain. Si j’y allais, l’odeur deHudsonembaumerait-elle lapièceaprès sadouchedecematin? Jem’y rendraisen suivant,maisd’abord…lelit.

Je me laissai tomber sur le matelas et, cette fois-ci, lorsque j’inspirai, son parfumm’envoûta.Jeprissonoreillerdanslesbrasetfermailesyeux,respirantsonodeur,encoreetencore.Unvoilem’enveloppaalorsetmecalma, soulageant légèrementmasouffrance.La tensionprésentedansmes tempes s’estompa et, pour la première fois depuis plusieursjours,jemesentisbien.

Jem’autorisaiàrêver,àoublierlemalqu’ilm’avaitfaitenmetrahissant,et j’imaginaiqueHudsonetmoipourrionsànouveauêtreensemble.J’imaginaiseslèvressurlesmiennes– des baisers fantômes le long de mon cou puis sur ma poitrine, me faisant frissonner,faisant se recroquevillermesorteils. Puis je sentis sesmains caresser et palpermon corps,ravivantmapeauparunsimpletoucher.Jelerevismevénéreravectantdeconcentrationetd’attentionquecelanepouvaitvenirqued’unamoursincèreetpur.

J’étaisallongéesur le lit,perduedansmonrêve, lorsque l’ascenseurprivéarrivadanslapiècevoisine.

J’ouvrisbrusquementlesyeux.L’avais-jeimaginé?LavoixdeHudsonemplitl’appartement.Merde!Ilparlaitàquelqu’un,iln’étaitpasseul!Jeme dépêchai de descendre du lit etm’accroupis en réfléchissant à la suite demes

actions.Ilmesemblaitqu’ilétaitencoredel’autrecôtéduloft,prèsdelacuisine.Jerampai

jusqu’aumurprèsdelaporte,d’oùjepouvaisjeterunœiletmieuxévaluerlasituationtoutenrestantcachée.Dumomentqu’ilnevenaitpasdanslachambre,toutiraitbien.

Cependant,s’ilsdécidaientdevenirjusqu’ici…Je prismon courage à deuxmains et sortis la tête. Je vis Hudson, debout devant le

frigoouvert.Ilpritunebouteilled’eauetsetournaverssoninvité–etmoi.Jemecachaidenouveauderrièrelemur.M’avait-ilvue?Non,jenelepensaispas.Merde,merde,merde.J’allaisdevoirmecontenterdeprierpourqu’ilnemetrouvepas.

Etd’écouter.« Ça fait longtemps que je ne suis pas venue ici, dit son invitée, que je reconnus

immédiatementsanslavoir.J’avaisoubliéquej’avaisfaitdusibonboulot.»CeliaWerner.Ma poitrine se serra et j’eus les larmes aux yeux. Nous étions séparés depuis moins

d’une semaine et il l’emmenait déjà à son loft ? Pourquoi ? Pour fêter ma chute ? Pourprévoirleurprochainjeu?

Pourrenouer?Chaqueéventualitémesemblaitpireque laprécédente.C’étaitcommedusel surune

plaie–uneleçonpourm’apprendreàneplusjamaiscéderàmespulsions.LestalonsdeCeliaclaquèrentsurlesolenbéton.Où allait-elle ? Je retins mon souffle et mon cœur battit plus vite encore. Peut-être

devrais-jemecacherdanslasalledebain,desortequ’ilsnemetrouventpass’ilsvenaientici.Maisalorsjen’entendraispluscequ’ilsdisaient.Etpuis,s’ilsallaientaulit…

Quellehorreur.Jenepouvaispaspenseràcela.–Tutesouviensquej’avaisdûteconvaincredechoisirlecanapéencuir?demanda-t-

elle.Elleétaitdanslesalon.S’ilsrestaientlà-bas,peut-êtrepouvais-jem’ensortir.–Onn’estpaslàpourparlerdubonvieuxtemps,réponditHudsond’unevoixglaciale.LespasdeCelias’arrêtèrent.–Pourquoisommes-nouslà,alors?OuiHudson,jet’enprie,dis-lui.Cependant,jen’étaispascertainedevouloirlesavoir.–Parcequenousavonsàparleretquejepréfèrenepaslefairedansmonbureau.–Dans ce cas, jenepeuxpasm’empêcherdepenseraubonvieux temps.Nosautres

conversationsn’étaientpasadaptéesàtonbureau,nonplus.Ses talons claquèrent de nouveau puis le bruit cessa et j’entendis le cuir du canapé

grincertandisqu’elles’yasseyait.Jelibéraienfinl’airquejeretenaisdansmespoumons.CefutautourdeHudsondesedéplacer.–Situveuxteremémorercetteépoque,jeteprieraidelefairequandtuesseule.Savoixserapprochaitdemoi.Merde,putain,faitchier!Ilvenaitversmoi!

J’entendisalorsletintementdeglaçonsdansunverre.Jetournailentementlatêtesurlecôté.Ilétaitlà,àdeuxmètresàpeinedemoi,entraindeseservirunverre.S’iltournaitlatêteetbaissaitlesyeux,ilmeverrait.

Je restai parfaitement immobile, n’osant pas même cligner des yeux, sans respirer,priant pour que lemurm’engloutisse.Mon cœur battait si fort que j’étais persuadée qu’ilpouvaitl’entendre.

Maiscenefutpaslecas.IlfinitdepréparersonverrepuisilsetournaversCelia.– Aller Hudz, dit-elle d’un ton enjoué qui était radicalement opposé au sien. Tu te

comportescommesionnes’étaitjamaisamusés.–C’étaitilyauneéternité,Celia,répondit-ild’unevoixdistante.Ilesttempsdepasser

àautrechose.–Àcaused’elle?s’exclama-t-elleenpouffantderire.–Qui?Alayna?Un frisson parcourut mon corps – bon sang, sa manière de prononcer mon prénom

avaituneffetmonstresurmoi,mêmelorsqu’ils’adressaitàquelqu’und’autre.–Oui.Etnon,ajouta-t-il.Nousnesommesplusensemble.L’entendredirecelaétaitaussidouloureuxquelorsquejel’avaisditàMira.Lefaitdele

verbaliserrendaitcelasivrai,siirrémédiable.Celia,desoncôté,semblaseréjouirdelanouvelle.–Est-cequejesuiscenséeêtretriste?–Pourquoileserais-tu?C’estcequetuvoulaisdepuisledébut,aprèstout.Ilavançaverselleetjenepuspluslevoir.J’entendisunautregrincementetjedevinai

qu’ils’étaitassisdanslefauteuilenfaceducanapé.J’eus du mal à les écouter mais j’hésitais à ramper de l’autre côté de la porte : s’il

revenaitaubar,jeseraismieuxcachée.Maissil’und’entreeuxallaitauxtoilettes,jeseraisdécouvertetoutdesuite.

–Non, disait Celia,mon but était de la rendre folle après votre séparation et qu’elleretombedanssesobsessionscompulsives.

Jedécidaidenepasbouger.–Ehbiencelan’aurapaslieu.Elleestplusfortequetunelepensais.Hélas, n’étais-je pas là, planquée dans la chambre de Hudson parce que j’avais

justement fait cequ’elleavaitprédit ?Celam’anéantitde savoirqu’ilpensait l’inverse, carcelamontraitàquelpointilignoraitsacapacitéàmedétruire.N’avait-ilpascomprisàquelpointjetenaisàlui?

Celia,elle,semblaitcomprendre.Peut-êtreétait-ceuntrucdefemme.– Peut-être. Mais je n’en suis pas si sûre. Ça fait combien de temps que vous avez

rompu?–Quelquesjours.

–Alorslaisse-luiletemps.Ellereviendra.Cettefilleétaitdinguedetoi.Ellenevapaspartiraussifacilement.Cen’estpaslegenre.

Jegrimaçaiendécouvrantlajustesseaveclaquelleellemedécrivait.Celamedonnalaforce de ne pas craquer pour ne pas lui donner raison. Techniquement, elle avait déjàgagné, puisque j’étais ici. Mais si elle ne le savait pas, elle ne pouvait se vanter de savictoire…

–Celia,arrête,aboyaHudson.–Tuveuxtoujoursmeconvaincrequetul’aimes?Saquestionmedonnalachairdepoule.Illuiavaitditqu’ilm’aimait?Est-cequecela

signifiaitquec’étaitvrai?Ilneréponditpasverbalement,maisildutacquiescercarCeliagloussadenouveau.– C’est ridicule,Hudson. Tu n’as jamais aimé personne. Ce n’est pas dans ta nature.

Elletefascine,pouruneraisonquej’ignore.Maiscen’estpasdel’amour.–Quesais-tudel’amour?demanda-t-ilsèchement.–Toutcequetum’asappris,ricana-t-elle.Cen’estqu’uneémotionpassagèrequipeut

êtremanipulée et fabriquée de toutes pièces. Le véritable amour est impossible. Cela n’ajamaisexisté.

–Ilesttempsquetutetrouvesunnouveaumentor,carcen’estplusdutoutcequejecrois.

Je ramenai mes genoux sous mon menton. Il croyait à l’amour, désormais. Grâce àmoi ? Cette découverte me pinça le cœur et je commençai à voir notre relationdifféremment.Bonsang,j’avaistantenviedem’accrocheràsonamour.Jevoulaistantquel’onaitunechanced’êtredenouveauensemble.

Mais c’était impossible. Sonmensonge était trop grand. Peu importe qu’il soit tombéamoureux. Ilméritait de connaître une déception amoureuse. Peut-être était-ce le karma,justement.

–Peut-êtrequejedevraisendosserlerôledeprofpendantunmoment,suggéraCelia.Ilesttempsderevoirnotrejeu,detoutefaçon.

J’entendisdesglaçonsetimaginaiHudsonboiredanssonverre.–Jeneveuxplusjouer,Celia.–TuavaisditcelaavecStacy,ettuasfiniparchangerd’avis.–Tuestoujoursrestéemaîtressedujeu.Jet’aijusteaccordéunbaiser,c’esttout.Etce

n’étaitpaspourtoi,c’étaitpourelle.Jenesaispasexactementcommenttulamanipulais,maisilétaittempsquetuarrêtes.Jesavaisquecebaiserymettraitfin.

–TuveuxmefairecroirequetuavaisdessentimentspourStacy,aussi?–Tuutilisaismonnompour torturer l’assistantedemasœur.Celaallaitme retomber

dessustôtoutard.Etc’étaitunefillegentille,elleneméritaitpascequetuluifaisais.

Leursrépliquess’étaientenchaînéesmaisilsmarquèrentdésormaisunepause,chacunbuvantunegorgéedanssonverre.

–Cesontlesseulesraisonspourlesquellesj’aiacceptédet’aider.Sesparolesmerendirentfollederage.Jenevoulaispaslepercevoircommelehérosde

lasituation.Iln’avaitprispartaujeudeCeliaquepouraiderStacy,etalors?Ilauraitpul’aiderd’uneautrefaçon,celanesuffisaitpasàlepardonner.

J’entendis de nouveau le cuir du canapé couiner et jeme raidis, craignant que Celian’ait décidé de se lever. Cependant, je n’entendis pas de bruits de pas – elle avait dû sepencherverslui.

– Et pourquoi as-tu décidé de prendre part au jeu avecAlayna ?Nemedis pas quec’étaituneexcusepourêtreavecelle.

Hudsonduthocherlatête,carCelialetraitadementeur.–Onparledetoi,Hudson.HudsonPierce.Tuauraistrouvéunmoyend’êtreavecelle.–Dèsl’instantoùj’aimontréunintérêtpourelle,tuenasfaitdemême.Jen’avaispas

d’autrechoix,sijevoulaislaprotéger.–Jenetecroispas,ditCeliaenfaisantéchoàmespensées.Sic’estvrai,etquec’estton

attirancepourellequiaaiguisémonintérêt,alorslemeilleurmoyenpourtoidelaprotégerauraitétédenejamaisl’approcher.Tuavaisenviedejouer,c’estévident.

Jedétestaisl’admettre,maiselleetmoiétionssurlamêmelongueurd’onde,pourunefois.MaiscefutlaréponsedeHudsonquimesurprit.

–Tuasraison.J’auraisdûm’enfuiretneplusjamaislavoir,maisjen’aipaspu.Alorsj’aichoisileplanB.

Unsouvenirmevintsoudainàl’esprit: lapremièrefoisqu’ilétaitvenuaubar.J’avaistoutdesuitesuquejedevraislefuir,maisjel’avaislaissém’approchernéanmoins.Pouvais-jeluienvouloird’avoirfaitlamêmechose?

– Je ne voulais pas jouer à ton jeu avec elle, ajouta-t-il. Et je ne veux plus jamais yprendrepart.

IlyeutdenouveaudumouvementlorsqueHudsonretournaaubar.J’auraisdûbouger. J’auraisdûbouger !Moncœurbattaità tout rompreet je cessaide

respirer.–Tunelepensespas,Hudson,ditCeliaenselevant.Mon Dieu, faites qu’elle ne le rejoigne pas.Au moins, Hudson était concentré sur son

verre.J’étaissûrequeCeliameverrait.Heureusementpourmoi,ellen’allapasverslui.–Tune te souvienspasde cettemontéed’adrénaline?De lapréparationdu jeu,du

début jusqu’à la fin, lorsqu’on sait à l’avance tout ce qui va se passer parce qu’on aparfaitementbienétudiélespersonnagesetqu’oncomprendchacunedeleursréactions–iln’yariendemeilleuraumonde.

–Tudétruislaviedesgens!

–C’esttoiquim’asapprisàlefaire!–Alorsapprendslaleçonsuivante.C’étaitmal.J’avaistort.Tort,Celia.Ils se crachaient leurs paroles et mon cœur continua de battre la chamade en les

écoutant,excitéed’entendreHudsonsedisputeravecelle.Est-ce que le fait que je veuille qu’il gagne la bataille voulait dire que je voyaisCelia

commeune pire ennemie queHudson ? Jusqu’à présent, je les avais perçus comme étantuneéquipe,maismonopinionchangeaittrèslégèrement.

Hudsonsetournaverselle.–De toutes lesviesque j’aidétruites,Celia, celleque je regrette leplusest la tienne.

Maisjenepeuxplusmesentirresponsable.C’estàtoidedéciderquelgenredepersonnetuveuxêtre.Moi,j’aidécidédechanger.

Satanéeslarmes.Jen’osaispasbougertantqu’ilpouvaitmevoiretjeleslaissaicoulerlibrement.J’étaisfièredelui,s’ilétaitvraiqu’ilenavaitréellementterminéaveccesjeux.

Quantàsavoirpourquoicelam’affectait,jen’enavaispaslamoindreidée.– Très bien, fais comme tu veux. Mais moi je n’ai pas terminé l’expérience Alayna

Withers.Monestomacfitunsautpérilleux–maruptureavecHudsonauraitdûmettrefinàson

harcèlement.Neserais-jejamaistranquille?Apparemment,Hudsonpensaitquesi.–Ahsi,elleestbeletbienterminée,dit-ilenallantverselle.Etnemeredispasquetu

jouespourgagner.Jepourraisciterdesfoisoùtuasperdugros.–Tuessanscœur,dit-elled’unevoixblessée.Jenepensaispasqu’elleétaitcapablederessentirquoiquecesoit.–Ah,maisn’est-cepaslarègled’orpourpouvoirjouer?Sontonacerbeétaitàlafoiseffrayantetexcitant–ilm’étaitdésagréabledesavoirqu’il

avaitcelaenlui,maisj’étaisheureusequ’ils’enservecontremonennemie.– Dis-moi, je suis curieux, continua-t-il. Quel était ton plan avec Alayna, au juste ?

Quandjet’aiditquejenevoulaisplusfairepartiedetonjeuetquej’airefusédelaquitter,tuasmisaupointtonprojetdelafairepasserpourunefolleendisantqu’elleteharcelait.Etquandcelan’apasfonctionnénonplus,qu’avais-tuprévu?Lescitationsdansleslivres,leharcèlement…quelétaittonbut?

–Jenesaispas.Jepensais lapousseràbout.Faireensortequ’elledoutedetoipourvouséloignerpetitàpetit.

–J’aicommel’impressionquetun’avaispaslamoindrestratégieetquetoutcelaétaitaupif.Cen’estpasainsiquel’onjouait.

–Maiscelaamarché,non,puisquevousn’êtesplusensemble?Bonsang,j’avaistantenviedelagiflerpourluifaireperdresontonjoyeux!C’étaitun

despiresaspectsdenotrerupture–Celiaprenaitcelapoursavictoire.

– Crois-le ou non, notre séparation n’a rien à voir avec ce que tu as fait, corrigeaHudson.

– Ah bon ? Je pensais l’avoir fait craquer pour de bon en lui disant qu’on avait étéamants.Surtoutquandjeluiaidonnélapreuve.

–Etcommentas-tupuprouverquelquechosequin’ajamaiseulieu?Il avait beau m’avoir dit qu’ils n’avaient jamais été ensemble, cela n’avait pas fait

disparaître tousmes doutes, puisque sa parole n’avait plus aucune valeur. À présent… jepouvaisenêtrecertaine–ilsétaientamisetriendeplus.C’étaitdéjàça.

–Jeluiaiditquetum’avaisdonnélemêmesurnomqu’àelle.Çal’aanéantie.–Demonpointdevue,elles’estpasmaldéfendue.–Desblessuresdeguerre,riendeplus,dit-ellesimplement.Son visage ! J’avais presque oublié – mince j’aurais aimé voir les dégâts que j’avais

causés.–Dequelsurnomparles-tu,detoutefaçon?Saquestionrévélaqu’ilneleluiavaitjamaisdit.Jetournailatêtepourmieuxentendre

lesexplicationsdeCelia.–Mabelle,réponditCelia.–Commentas-tuapprisça?s’écriaHudson,furieux.Alors c’étaitbienmon surnom, jepouvais enfinm’accrocheràquelque chose– le seul

souvenirquiresteraitpuretintactdansmatête.–J’aiprissontéléphoneunjour,quandonmangeaitensemble.J’aivuvosmessageset

j’aivuquetul’appelaismabelle.Quellesalope!J’avaisenviedemeleveretde luisauterdessus.Celavalaitpresque la

peinederévélermaprésence.Presque.L’expressiondeHudsondutmontrerqu’iln’étaitpasravi,carCeliapoursuivit.–Oh,çava,c’étaituncoupbrillantdemapart.Tuvasmedirequecelan’avaitrienà

voiravecvotreséparation?–Non.Honnêtement,jecroisqu’elleyauraitsurvécu.C’estlavéritéquinousaséparés.–Lavérité?Tuluiasdit…–Tout,dit-ilenluicoupantlaparole.–C’estcontrelesrèglesdujeu!–Iln’yaplusderègles,Celia.C’estfini!Jenejoueplus.Etjeneparleraiplusd’Alayna

avectoi.Lesujetestclos.J’imaginaisaposture,son langagecorporel : lesépaulesenarrière, levisagefermeet

impassible.Ilétaitimpossibledes’opposeràluilorsqu’ilétaitainsi.Les talons de Celia claquèrent de nouveau et je m’immobilisai, puis j’entendis de

nouveaulecuirducanapé.–C’estpourçaquetum’asemmenéeici?Pourmedirequetudémissionnes?

Elle faisait de son mieux pour ne pas avoir l’air ennuyée mais sa déception étaitperceptibledanssavoix.

–Detoutefaçon,celafaitdesannéesquejen’aipasvraimentjoué,saufpourt’aiderdetemps en temps, dit-il alors que je l’entendais se rasseoir dans son fauteuil.Mais non, cen’estpaspourcelaque je t’ai invitée.Je l’ai faitpourtedireque toi, tuenas finiavec tespetitsjeux.C’estterminéCelia,tunejouerasplusjamais.

–Tuplaisantes,j’espère.Tunepeuxpasprendrecettedécisionàmaplace.Sij’étaisimpressionnéequeHudsonpensepouvoirconvaincreCeliaaussifacilement,je

devaisreconnaîtreàcettepestesonassurance.Ellen’abandonneraitpasaussivite,voirepasdutout,mêmesiHudsonleluidemandaitgentiment.

–Tuasraison.Jenepeuxpassurveillertouslesaspectsdetavie,réponditHudson.Etje n’en ai pas l’intention, mais je peux te dire que tu ne manipuleras plus jamais ni mafamille,nimesemployés,nimoi,etsurtoutpasAlayna.

Ill’avaitredit.Lesondemonprénomsurseslèvres,prononcéavectantdeprécaution,tant de vénération, comme s’il prenait soin d’un objet précieux. Ses attentions pour moiétaientsi…profondes,jedevaisl’admettre,etcelamefitplusmalencore.

Heureusement,laréponsedeCeliam’empêchadefondreenlarmessur-le-champ.–Jetrouvehilarantquetupensesavoirlemoindrecontrôlesurmoi.Ettesproposne

fontquem’inciteràvouloirteprouverquetuastort.D’ailleurs,mêmesij’aiacceptédenepasporterplaintecontreelle,jen’enaipasterminéavecmonexpérienceAlayna.

– Je te dis que c’est fini, Celia, aboya-t-il d’un ton autoritaire. J’avais espéré que tulaisserais tomber par amitié pourmoi –même si cela fait longtemps qu’elle est révolue –,maisjenesuispassurprisqueturefuses.Doncj’aiassurémesarrières.

–Tiensdonc,jesuiscurieuse.Etmoidonc.– Laisse-moi te parler de l’entreprise que je viens d’acheter, dit Hudson d’une voix

inhabituellementjoyeuse.Non,jevaisfairemieux,jevaistemontrerlespapiers.Mon rythme cardiaque s’accéléra de nouveau lorsque Hudson bougea, mais j’eus

l’impression qu’il s’éloignait de moi. J’entendis ensuite des papiers – il devait être à sonbureau.Puisilrevintàsonfauteuil.J’entendisdespapiersfrottéslesunscontrelesautres,commesiquelqu’unlespassaitenrevue,etdecourtssilenceslorsqu’ilsétaientparcourus.

Dequois’agissait-il?Jemouraisd’enviedelesavoir.Mêmesijenepouvaispasvoircequ’elle était en train de lire, je ne pus m’en empêcher, il fallait que je regarde. Jem’agenouillaidenouveauetsortistrèslégèrementlatête.

Jenepusquesourireenvoyantl’énormepansementquirecouvraitsonnez.Soudain,elleécarquillalesyeuxetlevalatêteversHudson,quiétaitdosàmoi.Jeme

rassisvite,depeurqu’ellenemevoie.–Commentas-tupu…?

–Enétanttrèsdiscret,dit-ild’untonpleindefierté.Jedoisadmettrequecelan’apasétéfacile.J’aidûconvaincreuneautreentreprised’acheterunepartiedesactions,etensuitej’airachetécettemêmeboîte–maislesdétailsnet’intéressentpas,si?

LedealsurlequeliltravaillaitconcernaitCelia?– Les contrats sont signés, à présent, poursuivit-il. C’est tout ce qui compte. Je suis

officiellementl’actionnairemajoritairedelaWernerMediaCorporation.Jeplaquaimamainsurmabouchepourm’empêcherdecrier,maiscefutunpeutrop

tard.Merde !M’avaient-ils entendue?Moncœurbattaitplus fortencoreet j’étais certainequ’ilspouvaientl’entendre.

–Toiquidisaisquetunevoulaisplusjouer,ditCeliad’untonamer.–J’avaisunderniertourdansmonsac.Alors c’était ça : Hudson avait acheté l’entreprise familiale des Werner ? C’était

énorme!Celiaexpiralentement,bruyamment–dumoinsjesupposaisquec’étaitelle,puisqueje

nelavoyaispas.–Alorsc’estéchecetmat?–C’estàtoidemeledire.–Quelssonttesplanspourlaboîte?Elleallaitdonc sebattre jusqu’à la fin– sadéterminationétait impressionnante.Mais

ellenem’impressionnaitpasautantqueHudson.– Pour lemoment, je n’ai rien prévu. L’entreprise est prospère, ton père est un bon

directeurgénéral.Cependant,sijamaisj’avaislamoindreraisondepenserquesaprésencen’étaitplusrequise…

–Ilseraitanéanti,chuchotaCelia.– Je suppose qu’il serait anéanti par la simple nouvelle qu’il n’est plus l’actionnaire

majoritaire,non?Pour l’instant,personnen’estaucourantdecela. Ilnesaitpasqu’iln’aplusdepouvoirdedécision.Voudrais-tuqu’ill’apprenne?

–Non,répondit-elle.–As-tul’intentiondefairequoiquecesoitquipourraitmefairerevoirmastratégie?–Non,dit-elled’unevoixlugubre.–Danscecas,oui,c’estbienéchecetmat.Lesilencerégnaalorspendantplusieursminutes.Mapeaupicotatandisquejeprenais

conscience de la victoire de Hudson. Un sourire se dessina sur mes lèvres alors que denombreusesémotionss’emparèrentdemoi.J’étaissurprise, reconnaissante,soulagée, fière.D’autres sentiments étaient trop difficiles à percevoir derrière la peine qui enveloppaitencoremoncœur.S’ycachait-ildupardon?Unepincéed’espoir?

Del’amour.Ilyavaittoujoursdel’amour,c’étaitcertain.–Ilesttempsquejeparte,ditCelia.

–Oui.Jeteraccompagne.Ils ne passaient pas par le bureau, et je paniquai en pensant à mon sac resté dans

l’entrée.Hudson la raccompagnait-il en bas ou seulement jusqu’à la porte ? Je retinsmarespiration.J’entendisunpetitgrincement.Jepouvaisjeterunœilpuisqu’ilsmetournaientle dos.Hudson tenait la porte à Celia, qui sortit, puis il commença à la fermer.Mince, ilrestaitlà!Soudain,sesyeuxtombèrentsurmonsac.

Ils’arrêtaunedemi-seconde,puissonregardbalayalapièce.Jenebougeaipas–est-cequejevoulaisqu’ilmetrouve?

Cefutlecas.Nos regards se croisèrent et, si je n’étais pas certaine de tout ce que je ressentais, je

n’eusaucundoutequantàsessentiments:surprise,joie,etamour.J’étaissûreques’ilvenaitversmoi,jeretomberaisdanssesbras.Heureusement,jen’en

euspasl’occasion.–Bloquelaporte,dit-ilàCeliasansmequitterdesyeux.Ilmesouritàmoitiépuisilsetournaetfermalaportederrièrelui.

CHAPITREVINGT-DEUX

Aprèsm’êtrecouchéeàtroisheures,leréveilàneufheuresdumatinarrivabeaucoup

tropvite.J’entrouvrislesyeux,éblouieparlesoleilquienvahitsoudainlapièce.–Aargh,grognai-je.J’avaisfermélesrideauxpouruneraison.– Dommage. Tu as ton défilé, dit Élise en chatouillantmon pied qui dépassait de la

couette.Debout!–Maaaaiiiis…Jeveuxpasyaller…Jemefrottailesyeuxetm’assisdanslelit,puisjeregardail’heure.Ilétaitneufheures

passées.J’avaisdûappuyersurleboutonpourrepoussermonréveilplusd’unefois.–Pourquoituesréveillée,toi?Contrairementàmoi,Éliseavaitfaitlafermeture,cequisignifiaitqu’ellen’avaitdormi

qu’uneoudeuxheures.C’étaitétrangequ’ellenem’aitpasréveilléeenrentrant.Soudain,jeréalisaiquec’étaitsonarrivéequim’avaitréveillée.–Undeshabituésm’aramenée,dit-elleenjouantdessourcils.Etonafaitunoudeux

détoursavantderentrer.Elleavaitbonnemine;sesjouesétaientrougesetsesyeuxbrillants.Unepartiedemoi

avait toujours été jalouse de sa capacité à coucher avec des inconnus sans s’attacher.Aujourd’hui,lesimplefaitdepenserausexemerendaittriste.

Mon visage avait dû révéler mes pensées car, soudain, Élise s’était glissée sous lacouetteetm’avaitprisedanssesbras,enmeserrantleplusfortpossible.

Jesoupiraietmelaissaialler,soulagéedemesentirtouchée,d’êtreaimée.–Çavaalleraujourd’hui?demanda-t-elleaprèsm’avoirembrasséesurlatempe.Jehaussailesépaules.–Hudsonn’estpascenséalleraudéfilé,doncçadevraitlefaire.Prononcer son prénom était à la fois délicieux et déprimant. Après qu’il fut parti du

loft, jem’étais attendue à ce qu’il vienne au clubpendant que j’y travaillais, ou à ce qu’il

m’appelle.Ilyavaittantdechosesàdireaprèstoutcequej’avaisentendu,maispeut-êtrequecelanel’intéressaitplus.

Élisemelâchaettapotaleboutdemonnezavecsondoigt.–Alorsd’oùvientcetteminerenfrognée?Tuauraisaiméqu’ilyaille,n’est-cepas?–Jen’ensaisrien,avouai-je.Jenevoulaispasnécessairementlevoir,maisjevoulaisqu’ilaitenviedemevoir.–Pourquoitupensesqu’iln’apasessayédemecontacter?demandai-jeenramenant

mesgenouxcontremapoitrine.–Peut-êtrequ’ilveutrespectertonespace.–Hudsonnes’est jamaisarrêtéàça,auparavant,dis-jeenrepensantà toutes les fois

oùilm’avaitobligéeàluifaireuneplacedansmavie.Peut-êtrequecethomme-làn’étaitpaslevéritableHudsonPierce.Entoutcas, ilétait

plusagréabledepensercelaplutôtquedecroirequ’ilavaitbaissélesbrasaussifacilement.– Je pensais juste qu’il se battrait pourmoi, continuai-je. Surtout après ce qu’il a fait

hieretaprèsqu’ilm’avue.–Tuveuxsavoircequejepense?demandaÉlise.–Probablementpas,maisjesupposequetuvasmeledirequandmême.–Absolument. Jepensequ’il est trop tôtpour savoir s’il va sebattrepour toi etpour

quetudécidessituveuxqu’ilessaiedetereconquérir.–Jeneveuxpasqu’ilmecoureaprès.–Na-ah.C’esttroptôt,dit-elleenremuantsonindex.Peut-être avait-elle raison. J’avais connu tant d’émotions au cours de la dernière

semaine,commentsavoirlaquelleallaitdurer?Dequoiaurais-jeenvied’iciunmois?Dansun an ? Est-ce que je me sentirais toujours trahie ? Est-ce que je souffrirais encore ?L’aimerais-jeencore?

Éliseavaitraison.Ilétaittroptôtpourlesavoir.Ellepritmamainetlaserra.– Mais je suis fière de toi. Tu as survécu à cette semaine, tu as travaillé hier soir,

aujourd’huituvasaudéfilédesasœur,ettun’ascraquéqu’uneseulefois.Jetrouvequetut’ensorssuperbien.

Dans la bouche d’Élise, le simple fait de vivre sonnait comme un compliment.Cependant,jedevaisavouerquej’étaisfièredemoi,également.Mêmesicettedouleursous-jacentenemequittaitjamais.

–Maisilmemanque,dis-jeenmemordantlalèvre.– Je sais, répondit-elle enm’embrassant sur le front.Tudois tepréparer à ceque ça

empireavantqueçaaillemieux,tusais.–Ouais,jesais.

***

LaboutiquedeMirabelleétaitsensdessusdessouslorsquej’arrivaicar l’événementnecommençaitquedansdeuxheures.Lesfleuristes,lestraiteursetlesmannequinss’agitaientd’un bout à l’autre de la pièce sous la direction des nouveaux employés. Il me fallut unmomentpourtrouverdesvisagesfamiliersdanslafoule,maisjefinisparrepérerAdamquigoûtait–ouplutôtquiengloutissait–unesélectiondepetitsfours.

Ilfinitdemâchersabouchéeavantdemerépondre.–Laynie!Jesuiscontentdetevoir.Ilmepritdanssesbras,cequiétaitunpeuétrangeétantdonnéqu’iln’avaitjamaisété

tactileavecmoi.–Jesuis tellementsoulagéquetusois là,dit-il.Je t’ensupplie, tupeuxfaireensorte

queMiraarrêtedecourirpartout? Il fautqu’elle s’asseyeetqu’elle sedétende. Je te jurequ’aprèsaujourd’hui,siellenesecalmepasunpeu,jevaisl’enchaîneraulit.

–Jepréfèrenepassavoircequisepassedansvotrechambre,dis-jeenriant.Oùest-elle?

Adammemena en coulisse, où je trouvai encore plus demannequins et d’employés,ainsiqueMira,donnantdesordresàtoutlemonde.

–Tueslà!s’exclama-t-elleenmevoyant.Elle avait beau sourire jusqu’aux oreilles et être resplendissante, les cernes sous ses

yeuxtrahissaientsafatigue.–J’avaispeurquetumeposesunlapinàladernièreminute!– Non, je suis venue, répondis-je en souriant. Tu as le temps de me faire une visite

guidée de ta nouvelle boutique ? demandai-je en espérant que cela lui permettrait de sedétendreetdefairebaissersa tensionartérielle.Peut-êtrequetupréfèresque jem’habilleavant?ajoutai-jeenréalisantquecelapourraitl’angoisserégalement.

–Habille-toi,etaprèsjetefaisvisitermonnouveaupalais.Larobequ’elleavaitchoisieétait incroyable,maintenantquelesretouchesavaientété

faites.Lorsquejemeregardaidanslemiroir,jenepusm’empêcherderepenseraujouroùjel’avaisessayéepourlapremièrefois–lejouroùStacym’avaitenvoyélavidéo.Celaavaitétéledébutdelafin,n’est-cepas?Siseulementjen’avaispaslaissémacuriositéprendreledessus…

Jesecouailatêteetm’obligeaiàneplusypenser.Jenevoulaispasquecettejournéesoittriste.C’étaitlegrandjourdeMiraetjenevoulaispaslaluigâcher.Enoutre,mêmesij’avaismisdumascarawaterproof,monmaquillageseraitfoutusijememettaisàsangloterdenouveau.

Detoutefaçon,jenepouvaispasregrettermacuriosité.J’avaisétéheureuseauxcôtésde Hudson, même si notre relation avait été fondée sur des mensonges. La vérité aurait

émergétôtoutard.Etmieuxvalaittardquejamais.Une fois en tenue, je retournai voir Mira qui s’était installée dans une chaise pour

aboyersesordres.Adamavaitdûl’obligeràs’yasseoir.Ellebonditdeboutenmevoyant,lesyeuxécarquillés.–OhmonDieu,tuesmagnifique!Tuferaslefinal.Mince,j’auraistellementaiméque

Hudson tevoie,dit-elleavantdeplaquersamainsursabouche.Désolée !C’est sorti toutseul.Ilvamefalloirunmomentpourm’adapterauchangement.

–Oui,jecomprends.– Laisse-moi temontrermon bébé, dit-elle en passant son bras autour dema taille.

Enfin,monautrebébé.La boutique avait été agrandie de façon simple et avec goût. Il y avait plus de place

pour exposer les articles, denouvelles cabinesd’essayage,mais aussi unplus grand salonpourlesemployésainsiqu’unpetitpodium.

–Parlasuite,lepodiumservirapourlesdéfilésprivés,expliquaMira.Certainesvieillesbourges qui viennent ici sont trop fainéantes pour essayer leurs propres habits, donc onengagedesmodèlespourlefaireàleurplace.

J’éclataide rire.Mira étaitunePierce,doncelle étaitprobablementplus richeque laplupartdesesclientes,maisellen’étaitpasfainéanteetellenesecomportaitjamaiscommeunevieillebourge.Cependant,jevoyaistrèsbiensamèreagircommel’unedecesfemmes.

–EnparlantdeSophia,dis-jeenbalayantlaboutiqueduregard,oùest-elle?Ellenevientpas?

–Euh,non,dit-elleensepenchantpourenleverunfilcolléàmajupe.Jel’aibannie,commeHudson.

–Quoi?Jen’étaispasdéçueparsonabsence,vulascènequ’elleavaitprovoquéladernièrefois

qu’elles’étaitmontréeivreenpublic,maisj’étaissurprise,néanmoins.Miraseredressamaisgardalesyeuxrivéssurlesol.–J’aisuivitesconseils.Onafaituneintervention.–MonDieu,Mira!m’exclamai-jeenluiprenantlamain.–Cen’étaitpasfacile,maisHudson,ChandleretAdamsontvenus,etmêmepapaya

pris part. On l’a confrontée en lui disant qu’il fallait qu’elle se fasse aider, dit-elle enmeregardantdanslesyeuxetenseforçantàsourire.

–Quandest-cequevousavezfaitça?EtcommentvaHudson?–Hiersoir.Audébut,ellen’arienvouluentendre,bienévidemment.Maisquandjelui

ai dit qu’elle ne pouvait plus être dans ma vie si elle ne se soignait pas, elle a accepté.Hudson,papaetChandlerl’ontemmenéedansuncentrededésintoxicationcematin.

–Waouh.

Lapeinequejeressentaisétaitdifférentedecellequim’avaitaccompagnéecesderniersjours.AulieudesouffriràcausedeHudson,jesouffraispourlui.

–Tusais,jen’aijamaisvumamèresobre–peut-êtrequ’elleresteraunegarce.Maisaumoins,jeneseraipasmortedetrouilleàl’idéequ’ellefassetombermonbébé.

J’oubliaiHudsonuninstantetétudiai lafemmemerveilleusequisetenaitdevantmoi.Elle avait beau n’avoir que vingt-quatre ans – deux ans de moins que moi –, je réalisaisoudain qu’elle était la personne la plus sincère et la plus mature que je connaissais.Radicalementdifférentedesonfrère.Etdemoi.

–Quoi?demanda-t-elleenrougissant.–Tum’impressionnesvraiment.Cen’estpasfaciledeconfronterunepersonnequel’on

aimedecettefaçon,etaujourd’huituascedéfilé…commentfais-tupourtenir?–Honnêtement,jesuisunpeufatiguée,maisàpartça,jemesenssuperbien.Maseule

sourced’inquiétudeesttonhistoireavecmonfrère.Jelâchaisamain.–Jemesenssuffisammentmalcommeçasansmesentircoupabledetonmalheur,dis-

jeenbaissantlesyeux,craignantdecraquersijelaregardaisdanslesyeux.–Ilnousaditcequ’ilt’avaitfait.–Quoi?m’exclamai-jeenlevantbrusquementlatête.–Pendantl’interventionavecmaman.Iladitquesionvoulaitavoirunechanced’être

une famille, il fallait que chacun d’entre nous accepte ses défauts et ses erreurs. Il arecommencéàvoirunpsycettesemainequil’aencouragéàêtrehonnêteavecnous.Alorsilnousaavouécequ’ilt’avaitfait,expliqua-t-elled’unairattristé.Jesuisdésoléequetuaiessubi ça, Laynie. Je ne vais pas le défendre. Je peux juste te dire qu’il est rongé par lesremords.

–Je…Bonsang,Mira,tuvasmefairechialer!Ellemesaisitparlesépaules.–Nepleurepas!Sinonjevaispleureraussietceseraundésastre.Finilesdiscussions

sérieuses.Maisilfautquetusachesquejet’aime.Mercid’êtrelà.–Jenerateraisçapourrienaumonde.

***

Jedécouvrisqu’êtremodèlenerequéraitpasseulementdesetenirdeboutensouriant.Jedevaismarcherjusqu’auboutdupodium,prendreunepose,etfairedemi-tour.J’avaiseul’impressionqu’ilyavaitdesdizainesdemannequins,maisnousn’étionsqueseptàdéfiler,cequinouslaissaletempsdenousentraînersuffisammentdefoispourque,lorsqueleshowcommença,jenesoispasaussinerveusequ’enarrivant.

Pourêtrehonnête,j’étaissoulagéederessentirautrechosequedelatristesse.

Laboutiqueouvritàquatorzeheures.L’événementn’étaitpasaussi spectaculairequecelui que Sophia Pierce organisait chaque année, mais il était néanmoins élégant etimpressionnant. Mira fut comme un petit oiseau exotique, voletant d’une pièce à l’autre,prenantletempsdeparlerauxgrandsdesignersetàsesplusgrosclients.

Ilyavaitaussilapresse,quin’entraitquesurinvitationetquiétaitcantonnéederrièrela scènede sortequece soitmoins intimidant. Jepris soindene jamaisêtreassezprochepour être assaillie par leurs questions. S’ils voulaient des nouvelles deHudson etmoi, ilsn’avaientqu’àlesluidemander.

Celadit, seraient-ils intéressés ? Lorsqu’uneautre fille arriverait à sonbras lorsde laprochaine soiréemondaine, lui demanderaient-ils ce qui était arrivé à lamanager de sonclub,commeilsavaientparlédeCeliadevantmoi?

Cescénarioétaitsidéprimantque jedusemployer lesgrandsmoyenspour lebalayerdemonespritenbuvantunecoupedechampagne.

Àtroisheuresmoinslequart,jemeplaçaiauxcôtésdesautresmodèlessurleLdelascène, où nous attendions chacune notre tour. Je regrettais d’être la dernière car celam’obligeaitàattendreuneéternité.Stacydécrivaitchacunedes tenues,annonçant lenomdustylisteetexpliquantlesretouchesquiavaientétéfaitesparlaboutiquepourenfairelarobeparfaite.

Ce futenfinmon tour. Jemarchaiauboutdupodiumenaffichantunsourirequimesurprit par sa sincérité. J’eus des papillons dans le ventre lorsque je dus garder la posependantqueStacydécrivaitmarobe,éblouieparleflashdesphotographes.Cependant,laboutiquen’étaitpasplongéedanslenoiretjepouvaisvoirlesvisagesdupublic.

CequiexpliquaquejeremarquaifacilementHudson.Aufond,adosséaumur,lescheveuxenbataille,vêtud’unt-shirtetd’unjean,lesyeux

rivéssurmonvisage,lesseulsquejesentaismalgrélesdizainesd’yeuxposéssurmoi.Mêmeàtraverslapièce,jesentiscecourantélectriqueentrenous.

Nosregardssecroisèrentet,sansquejepuisseyremédier,monsourires’élargit.Bonsangqu’ilétaitbondelevoir.Puis Stacy termina sa description et il fut temps pourmoi de retourner àma place.

Désormaisdosàlui,jesentismajoiesubites’évanouirettoutmerevint:sonmensonge,mapeine.Iln’étaitpascenséêtrelà!

J’avais beau être la dernière à défiler, je dus rester sur scène pendant que StacyprésentaitMira, puis pendant queMira décrivait les changements qui avaient été faits etqu’elleremerciaitceuxquil’avaientaidée.J’étaistoujourssouslefeudesprojecteurs,maisjenepusm’empêcherdegigoteretd’essuyermesmainsmoitessurmarobe.

Ilestlà.Ilestlà,ilestlà!Qu’est-cequejefais?Je fis demonmieux pour rester concentrée surMira,mais je ne pusm’empêcher de

jeter des coups d’œil dans la direction de Hudson. Chaque fois, je découvrais qu’il me

regardait déjà. J’allais avoir dumal à lui échapper, surtout parce que je ne pouvais pasm’enfuirencourantpuisquemonsacetmesaffairesétaientencoulisse. Jepouvais laissermesvêtements,maisilmefallaitdel’argentpouruntaxi.Cependant,ilétaitàl’autreboutde la pièce, et la boutique était bondée, peut-être arriverais-je à partir avant qu’il nemerejoigne.

Dès que les applaudissements finals retentirent, je déguerpis aussi discrètement quepossible,espérantqueHudsonnemesuivraitpas.

Ou peut-être que j’espérais qu’il me suivrait, justement ? Il m’était impossible de lesavoir.

Bien évidemment, mes affaires étaient dans la dernière cabine d’essayage, mais jeréussis à y aller sans que personneme suive. Je prismes vêtements en tremblant, puis jeréalisaiquejen’avaispasdesacdanslequellesmettre.Merde.Jepouvaismechanger,ouvenirleschercherplustard.

Plustard.J’auraisaumoinspulesplier,maisjeleslaissaitelsquelssurlachaise,saisismonsacà

mainettournailestalons.Ilétaitlà,dansl’embrasuredelaporte.Mesépauless’affaissèrentetmoncœurstupidesemitàbattrelachamade,toutexcité.Il était encore plus beau de près. Était-ce possible qu’il soit devenu encore plus

séduisantdepuisque l’on s’étaitquittés?Son t-shirtgris-bleumoulait sesmuscles,quimesemblaientplusprononcésqu’avant,et ilportait son jeanbassurseshanches.Sonregardétaitàlafoisdouxettristeetilarboraitlesmêmescernesquesasœur.Etquemoi.

Quantàsafaçondemeregarder…commesijen’étaispasqu’unegaminenaïvedontlecœurétaitbrisé.Commesijecomptais,commes’ilm’aimait.

–Salut,chuchota-t-il.Moncorpsfutparcourudefrissons–était-ilconscientdel’effetqu’ilavaitsurmoi?Àle

voir ainsi, les mains dans les poches comme un adolescent parfaitement innocent, je mepermisdepenserqu’ilnelesavaitpas.

Cependant, ilpouvaitavoir l’airaussi innocentqu’il levoulait, ilne l’étaitpas. Ilétaitloindel’être.Etilsemontrait–encore–manipulateurenvenantici.

Jecroisailesbras,commesicelapouvaitmeprotégerdesonregardperçant.–Tun’espascenséêtrelà,Hudson.Miramel’avaitpromis.–Cen’estpaspourMiraquejesuisvenu.Je faillis lui aboyer dessus, puis jeme souvins de l’endroit où il était censé être et je

m’adoucis.–TunedevaispasemmenerSophiaencurededésintox?Surtoutn’yvapasparquatrechemins,Alayna.

J’aurais voulu dire quelque chose de plus réconfortant, pour qu’il sache que jecompatissais,maisj’avaispeurqu’ilnel’interprètemal,alorsjenedisplusrien.

–C’estdéjàfait.Jemesuisdépêchéderevenir,dit-ilenfaisantunpasversmoi.Pourteparler.

Il parlait d’une voix si calme que cela me déstabilisa. Comme sa présence, de façongénérale.

Jesoupirai,passantd’unpiedsur l’autre.J’auraisdûpartir,mais jevoulais l’entendredirecertaineschoses,mêmesijenepouvaispascroiretoutcequisortaitdesabouche.

–Situavaistantenviedemeparler,pourquoituesparti,hier?–Ilfallaitquejesoischezmesparentspourl’intervention.Sij’étaisresté,jesavaisque

j’auraisétéincapabledepartir.J’aieuassezdemalcommeçaàtetournerledos,dit-ilenpenchantlatête.Etj’aipenséquetuavaisbesoind’espace.

S’ilavaitl’intentiondenedirequelesbonneschoses,j’étaisfoutue.Maisquiest-cequejecherchaisàberner?J’étaisfichue,quoiqu’ilarrive.

Jem’adossaiaumurderrièremoi.–Maistueslà,maintenant.Alorsqu’ilavaitpromisdenepasvenir.–Tuasdécidéquejen’avaisplusbesoind’espace?ajoutai-je.Était-cecequejevoulais?Jeneconnaissaispaslaréponseàcettequestion.D’uncôté,j’avaisl’impressionqueles

mursseresserraientsurmoi.Del’autre,ilmesemblaitqueladistanceentreHudsonetmoiétaitplusgrandequeleMississippi.

–Jen’aipaspum’empêcherdevenir.Pourquoiétais-tuauloft?Jen’aipaspum’enempêcher.–Parcequejesuismoinsfortequecequetucrois.Ilfixaunpointsurlemuretsegrattalanuque.–J’espéraisquecen’étaitpaspar faiblesse.J’espéraisqueçavoulaitdireque tuavais

encore des sentiments pour moi, dit-il en plongeant encore une fois son regard dans lemien.

Jefailliséclaterderire.–Biensûrquej’aiencoredessentimentspourtoi.Jet’aime,ettum’asbrisélecœur.Ilfermalesyeuxplusieurssecondes.–Alayna,laisse-moiréparerlasituation.–Tunepeuxpas.–Maisjepeuxessayer.–Comment?demandai-je,parfaitementconscientequ’iln’yavaitpasderéponseàma

question.Mêmesij’arrivaisàtepardonner,jenepourraisplusjamaistefaireconfiance.Jenepourraisjamaisêtresûrequetunecontinuespastonpetitjeutordu.

–J’aiabandonnétoutça,tum’asentenduledireàCelia.–Peut-êtrequetusavaisquej’étaischeztoipendanttoutcetempsetquetuasditce

quejevoulaisentendre,répondis-jeenhaussantlesépaules.Jesavaisparfaitementquecen’étaitpaslecasetqu’ilavaitvraimentétésurprisenme

voyant.Maisj’avaisunetonned’amertumeàrecracher.–Tunecroispascequetudis.–Ilm’estdifficiledecroirequoiquecesoitquandonm’aautantmenti.–Pourcequeçavaut,jenet’ai jamaismentiàproposdenous.Toutcequej’aiditet

toutcequej’aifaitavectoiétaitsincère.–Saufqu’onacommencéparunmensongequandj’aifaitsemblantd’êtretacopine!– Oui, mais c’est tout. Chaque caresse, chaque baiser, chaque moment que l’on a

partagé,mabelle…rienn’étaitfaux.Jen’aijamaisvoulufairesemblantavectoi.Jevoulaistoutvivreavectoi,jevoulaisquechaqueinstantsoitsincère.Tueslapremièrepersonneàquijemesuisouvert,lapremièrequiaconnuceluiquejesuisvraiment,dit-ilenbaissantlavoix.Tueslapremièrepersonnequej’aiaimée,Alayna.Etjesaisquetuserasladernière.

Ses paroles étaient insupportables. Ilme disait tout ce que j’avais rêvé d’entendre etplusencore.

–Jenesaispas,dis-jeenappuyantmonindexsurmatempe.Jenesaispas,jenesaispas.Jenesaispascommentjepourraiscroirequeturessenscequetuprétends.

Ilfitundeuxièmepasversmoi.–Jesais,jecomprends.Maisj’aitrouvéunmoyendeteprouverquejesuisàtoicorps

etâme.Nousétionsàmoinsd’unmètrel’undel’autre.–Alayna,épouse-moi.–Quoi?m’exclamai-jeenécarquillantlesyeux.–Épouse-moi,toutdesuite.Monjetestprêtàdécoller.Tun’asqu’àdireouietonpart

immédiatementàVegas.–Quoi?répétai-je,souslechoc.–Jesaisquetuméritesdelonguesfiançaillesetunecérémonieenbonneetdueforme,

maisonpourralefairequandtuvoudras.Dansl’immédiat,tuasbesoind’êtrerassurée.Ilnecessaitdegesticulerenparlant,cequ’ilne faisait jamais.Était-il ivre?Drogué?

Nerveux?Fou?–Tuasbesoindesavoirquejesuisvéritablementengagédansnotrecouple,Alayna,et

iln’yapasdemeilleurmoyenpourte lemontrerquedet’épouser.D’écrirenoirsurblancquejesuisàtoietquejeprometsdet’aimerpourtoujours.

Ilétaitcomplètementdingue.–Hudson,tuesdevenufou.

– Et on ne fera pas de contrat de mariage, non plus, poursuivit-il en s’essuyant lesmains sur son jean. Je suis prêt à te donner tout ce que j’ai, àme rendre complètementvulnérable,commetul’asfaitpourmoitantdefois.

–Pasdecontrat?C’estclair,tuasvraimentperdulatête.Etapparemmentj’étaisfolleaussipuisquejelelaissaipoursuivresarêverie.–Ouijesuisfou.Jesuisfousanstoi,dit-ilensepassantlamaindanslescheveux.Tu

es la seule personne àm’avoir guéri. Je suis complètement à tamerci, je suis à tes pieds,Alayna.Parcequesitudisnon,situmerejettes,j’auraiperdulaseulechosedevaleurdansmaviepathétique.Enrevanche,situdisoui,ceseraàmoidetefaireconfiance,parcequetupourraism’épouserpourensuitedivorcerpourprendrelamoitiédecequim’appartient.

Sonargentn’avaitaucunevaleuràmesyeux.–Jemefichedeton…–Jesais,jesaisquetuneferaisjamaisça.Cequejeveuxdire,c’estquetupourraisle

faire,dit-ilenfaisantlescentpas.C’estleseulmoyenquej’aitrouvépourteprouverquejesuis prêt à me mettre à nu pour toi. Que je crois en toi, ajouta-t-il en se tournant denouveauversmoi.Etquemêmesijeneleméritepas,jesuisdéterminéàmebattrepourtoietàregagnertaconfiance.Mêmes’ilfautquejemebattejusqu’àlafindemesjours.

J’étaiscomplètementsouslechoc.J’étaisassailliepartantdepenséesetd’émotionsquejenesavaisplusquoiressentir,quoidire.Detoutes lesréactionsquej’auraispuavoir, j’enchoisisuneauhasard.

–Tuparlesd’unedemandeenmariage:épouse-moipourquejeteprouvequetupeuxavoirconfianceenmoi.

–Non,Alayna,répondit-ild’unevoixgrave.Épouse-moiparceque je t’aime,plusquemaproprevie.Épouse-moiaujourd’hui,pourquejepuisseteprouverquejelepense.

–Hudson,c’estcomplètementdingue.Iln’avaitmêmepasdebague!– Tu as détruit tout ce que l’on avait construit, tu ne peux pas tout arranger enme

demandantdet’épouser!–Pourquoipas?demanda-t-il,l’airabattu.Il était désespéré – cela s’entendait au ton de sa voix et se voyait dans son langage

corporel.–Pourquoipas?répéta-t-il.Onestfaitspourêtreensemble.Malgrétoutesleserreurs

quel’onacommises–quej’aicommises–,tunepeuxpasnierquel’onvamieuxlorsqu’onest ensemble. Tu reconnais que tu m’aimes. Et je t’aime aussi. Pourquoi n’est-on pasensemble?Parcequ’ons’estfaitdumal?Est-cequetuvasmieuxdepuisquejenesuispaslà?Tuesvenueauloft,Alayna.Jesaisquetupensesencoreàmoi.Laseuleraisonlogiqueque tuasdenepasm’épouser, c’estque tunemecroispasquand je tedisque je t’aime.Épouse-moiettun’endouterasplus.

Ilbaissaletondesavoixetm’imploraduregardtandisqu’ilrépétaitsademande.–Épouse-moi.S’ilteplaît.J’yavaispenséplusd’unefois.J’avaisenvisagédepasserlerestedemesjoursauxcôtés

de Hudson Pierce. Et il y avait déjà fait allusion. Si je le croyais lorsqu’il disait que lamajorité de notre relation avait été sincère, alors sa demande n’était pas vraimentimpromptue.

Etjelecroyais–passeulementparcequejevoulaislecroiremaisparcequepourmoi,notre relation avait été sincère. L’amourque j’avais pour lui n’était paspossibledansunerelation à sens unique. J’avais vécu cela par le passé et j’en reconnaissais les signes.Monamour pour lui n’était possible que parce qu’il était réciproque. Si beaucoup de chosesavaientétéfausses,nossentimentsn’étaientpassurlaliste.

Cependant,endépitdecequejepensaisetdecequejeressentais,nousavionsencorebesoindetempspourcomprendre,pourguérir.MelancerdansunenouvellehistoireavecHudson–sansparlerdemariage–équivaudraitàretournerbronzersansavoirguérid’uncoupdesoleil.

Étapeparétape.Le mariage était un pas gigantesque. Et honnêtement, je ne savais pas si je voulais

avancerdanscettedirection.Danssadirection.Ilattendaitmaréponse,jedevaislaluidonner.–Non.Hudsonn’était pashabitué à se voir refuser quoi que ce soit et il devait être choqué,

surtoutencetteoccasion.–Non,répétai-je.Non.Tunepeuxpastoutréparerenmedemandantdem’enfuiravec

toi.J’arriveàpeineàteregarderdanslesyeux–tucroisvraimentquejepourraisaccepterdet’épouser?

Ilouvritlabouchepourparleretjem’empressaideleverlamainpourl’enempêcher.–Nedis rien.Jeneveuxpasderéponse.J’aideschosesàdire.Oui, je suisvenueau

loft parce que tumemanquais.Désespérément.Mais si j’avais su que tu serais là, j’auraistrouvé un moyen de résister. Je ne regrette pas d’être venue parce que j’ai obtenu lesréponses qu’ilme fallait. Et je te suis reconnaissante pour ce que tu as fait. En revanche,cela ne change pas la situation, c’est simplement plus facile pour moi de passer à autrechose.

–Neparlepasdepasseràautrechose,Alayna.Pardon,continue,dit-illorsqu’ilréalisaquejen’avaispasterminé.

Le fait qu’il acceptede s’écraserdevantmoi faillitme faire changerd’avis – cedevaitêtre tellementdifficilepour lui, ilmarquaitunpointpourcela.Cependant, ilpartaitde siloinqu’unpetitpointridiculenechangeaitrien.

–Mêmesi jepouvais te faireconfiance,Hudson, jen’épouseraispasunhommeparcequ’il s’en veut de m’avoir trahie. Et surtout pas à Vegas. Je voudrais que mon frère soitprésent,toutcommeMiraetJacketAdam.MêmeSophia.

Sonvisages’illumina.–Tuvoudraisquemafamilleassisteànotremariage?Est-cequecelasignifiequej’ai

unechanced’êtrelemarié?–Tuenavaisune,avant.Maismaintenant…MonDieucelamedéchiraitdedevoirledire.–…jenevoispascommentcepourraitêtrepossible.Ilm’étaitdifficiledeledire,maisilétaitencoreplusdifficilepourHudsondel’entendre.

Ilfermalesyeuxetsamâchoiresecontractaalorsquesoncorpsentiersemblaits’affaisser.Jeréalisaisoudainquenosrôlesétaientinversés,àprésent.D’habitude,c’étaitluiquiavaitle contrôle de ses émotions pendant que demon côté je pataugeais sans savoir où aller.C’étaitluiquiétaitfortalorsquejenesavaispasoùdonnerdelatête.

Bizarrement, iln’étaitpasplusagréabled’êtreà saplace.J’avaisbeauavoir l’air sûredemoi, intérieurement, j’avais l’impression deme liquéfier. Était-ce ce queHudson Pierceavait l’habitudederessentir?Jenepouvaispluspenseràcela.Àriendetoutcela.Ilétaittempsdedescendredecegrandhuitémotionneletdetournerlapage.

Maisjenepouvaissortirsansluipasserdevant.–Ilfautquejeparte,maintenant,Hudson.–Alayna,onn’apasfinid’endiscuter.Peut-êtrequ’onnepeutpassemarier,maisilya

forcémentautrechose.Lesimplefaitdeteparlerestagréable.–Jenepeuxpas.J’aibesoindesortir.–Alayna…–S’ilteplaît,dis-jed’unevoixtremblante.Laisse-moipartir.Lentement,àcontrecœur,ilfitunpassurlecôtépourmelaissersortir.Mais,alorsque

j’allaispasser le seuilde laporte, il revintdevantmoi. Ilmit sesmainsdechaquecôtédel’embrasure,sansmetoucher,m’obligeantàresterlà.

–Non.Jene te laisserai jamaispartir.Jevais te laisseryallermaintenant,mais jenevaispasbaisserlesbras.Jevaistepoursuivrecommejen’aijamaispoursuiviquiquecesoit,etjemebattraipourtoijusqu’àcequetunepuissesplusdouterquejet’aimedetoutemonâme.

Ilétaitsiprèsdemoi,jepouvaislesentir,respirersonodeurcommejel’avaisrespiréesur sonoreillerdans le loft.Mais cette situationétaitmeilleureencorecarc’étaitvraimentlui.Jesentaissachaleuretl’appeldesesbras.Jen’auraisqu’àmepenchertrèslégèrementpournichermonvisagedanssoncou.

Quant à ses paroles… comment y résister ? C’est alors que les conseils d’Élise merevinrent.Ilétaittroptôt.J’avaisbesoindetemps.

–Hudson,dis-jesanscroisersonregard.Laisse-moisortir.Ilattenditunesecondepuisils’effaçaetjepassaidevantluienprenantsoindenepas

le toucher, bien que mon corps brûle de sentir sa peau, ne serait-ce qu’une fraction deseconde.

Jeréussisàgarder la têtehautetandisque jem’éloignai,mêmelorsqu’il renouvelasapromesse.

–Jenebaisseraijamaislesbras,Alayna.Jeteprouveraiquejet’aime.Tuverras.

CHAPITREVINGT-TROIS

Lorsquej’arrivaiautravail,cesoir-là,uncolism’attendaitsurmonbureau.

–Qu’est-cequec’est?demandai-jeàGwen.– Aucune idée. Un livreur l’a déposé il y a trente minutes. Il n’y a pas de message,

répondit-elleavantderecompterl’argentdanslecoffre-fort.Leseulmoyende lesavoirétaitde l’ouvrir.J’y trouvaiunKindletoutneuf.Jen’avais

jamais eu de liseuse, mais j’utilisais l’application Kindle de mon ordinateur. Lorsque jel’allumai, jedécouvrisque labibliothèqueétaitdéjàpresquepleine.Jeparcourus les titresdeslivresetréalisaiqu’ils’agissaitdesmêmesqueceuxdelabibliothèquedeHudson.Jeprisl’emballageetycherchaiunmot–jefinispartrouverunepetitecartedevisite.«Aucasoùteslivrestemanqueraientautantquetumemanques.H.»

Mon regard resta rivé sur la carte pendant plusieursminutes tandis que j’essayai decalmer mon rythme cardiaque. Alors il allait vraiment se battre pour moi – je devaisadmettrequecelam’emballait.Celadit,lescadeauxn’allaientpassuffire,jemefichaisdeschosesmatérielles.Enrevanche,jegarderaisprécieusementsonmot.

Gwenfermalaporteducoffre-fortetregardapar-dessusmonépaule.–Ah.Alorstonchériessaiedetereconquérir?–Apparemment, dis-je en rangeant lemotdansmon soutien-gorge enattendant son

discourshabituelsurlefaitquel’amour«étaitnaze».Cependant,sondiscoursnevintpas.–Ilyapire,danslavie,dit-elled’unevoixlégèrementmélancolique.Peut-êtren’avait-ellepastort.

***

Ledimanche,un servicede livraisonarriva chezÉlise avecunnouveaumatelaspourson clic-clac, bien plus épais et de meilleure qualité que l’ancien. Cette fois-ci, la carte

disait:«Tuméritesdebiendormir,mêmesicen’estpasmoncas.H.»JedévisageaiÉlise.–Commentsait-ilquejedorssurtoncanapé?–Peut-êtreque je l’aimentionnédansundemesmessages,répondit-elleenhaussant

lesépaules.–Tuluiécris?Est-cequ’ellen’étaitpascenséeêtredemoncôté?–L’autresoir,ilafaitlivrerlechargeurdetontéléphoneauclub.Ilavaitcomprisque

c’étaitpourçaquetuneluirépondaispas.Jel’aimisàchargeretbonsang,Laynie,ilétaitremplidemessages.Certainsd’entreeuxm’onttellementtouchéequejeluiairépondu.

–Tutefousdemoi?m’exclamai-jeenluifrappantl’épaule.–Jeluiaiditquec’étaitmoiquiécrivais,pastoi.Commesic’étaitcelaquim’énervait.–C’estprivé,Élise!–Ilfautbienquequelqu’unleslise,dit-elleenhaussantlesépaules.Elle se tourna vers le livreur qui venait de revenir pour obtenir une signature. Élise

gribouillasonnomavantdeseretournerversmoi.–Ilestbranchésurlefrigo,situescurieuse.Ce ne fut que plus tard, alors que je ne pouvais dormir en dépit de mon nouveau

matelasmoelleux,que jecouruscherchermontéléphone. Ilyavaitplusdecentmessagesnon lus, enplusd’unedizainequiavaientété lusparÉlise.Apparemment,ellen’enavaitouvertquequelques-uns.

Jem’installaidansmonlitetmemisà lire.Toutcommelesmotsquiaccompagnaientses cadeaux, la plupart étaient tendres. D’autres étaient sexy, d’autres encore étaientdésespérés. Je pris le temps d’absorber chaque message en pleurant ou en souriant, etparfoismêmeenéclatantderire.

J’avaisbeaun’avoirréponduàaucundesessms,ilavaitécritchacuncommesij’allaislefaire.Jelevailesyeuxaucielenlisantundeceuxqu’ilm’avaitenvoyésdanslajournée.

Jemesuisaussiachetéclic-clac.Peut-êtrequejemesentiraiplusprochedetoiendormantdessus.

Plustard,versvingt-troisheures,ilenavaitenvoyéplusieursd’affilée.Bonsang,c’estvraimentpourri.Jenedormaispasavant,maisaumoinsj’étaisàl’aise.Maisjen’abandonnepas.Situdorscommeça,alorsmoiaussi.Tusais,onpourraittouslesdeuxêtredansnotre litaupenthouse.Si jemesouviensbien,

notremanquedesommeiln’avaitrienàvoiraveclematelas;)Jerépondisavantmêmedepouvoirm’enempêcher.HudsonPierceutilisedesémoticônes…cesserai-jeunjourd’êtreétonnée?Ilétaitdeuxheuresdumatinetilréponditinstantanément.Ilnedormaitvraimentpas.

J’espèrequenon.Sij’ailachancedetetenirdenouveaudansmesbras,jeserail’hommeleplusétonnéaumonde.Bonnenuit,mabelle.

Cettenuit-là,jedormisavecletéléphoneàmescôtés.Jenerépondispassouvent,maisjelisaisdésormaischaquemessagequ’ilenvoya.Jen’enrataipasun.

***

Lescadeauxcontinuèrentd’arriveraucoursdelasemaine–desbijoux,desbilletspourunesymphonie,unnouvelordinateur.Lesjoursoùjetravaillais,lescolisarrivaientauclub,cequim’indiquaitqueHudsoncontinuaitàsuivremonplanningetc'étaitàlafoisirritantetexcitant.

Cependant,lorsquej’arrivaiaubureaulejeudi,aucunpaquetnem’attendait.Jemedisqu’ilétaitridiculed’êtredéçue–iln’avaitpasbesoindem’offrirquelquechosetouslesjourspourmeprouverqu’ilpensaitàmoi.Etdetoutemanière,jenevoulaispasqu’ilpenseàmoitoutletemps,n’est-cepas?

J’ypensaisencore–ouplutôtjepensaisencoreàlui–lorsqueleclubouvritsesportes.Commeunedesbarmaidsétaitmalade, jepris saplacederrière lebarde l’étage.Le clubétaitdéjàpleinàcraqueràvingt-troisheuresetj’étaisoccupéelorsqueÉlisevintmeparler.

–Tuasvulecostardàl’autreboutdubar?–Non,dis-jeengrimaçant.Elleseplantaitcomplètementsiellepensaitquej’avaisenviedematerquiquecesoit.–Ilvautlecoupd’œil,dit-elleenjouantdessourcils.Jefinisderemplirlapintequej’étaisentraindeserviretjecédaiàmacuriosité.Hudsonétait assis aumêmeendroitoù il s’était installé lapremière foisque je l’avais

vu,etjenepensaispasmetromperenremarquantqu’ilportaitlemêmecostume.Quantàsa façon de me regarder… Ses yeux brûlaient avec le même feu que ce soir-là – et cen’étaientpasdesflammesdedésir,c’étaitbienplusencore–,c’étaitdelapossession.

Était-cemaldeluisourire?Lorsque jepusenfinarrachermonregardausien, jepréparaiunwhisky,puret sans

glaçons,etjeleluiapportai.–Leserviceiciestexcellent,dit-ilenprenantleverrequejeluitendaissansmanquer

d’effleurermesdoigts.Maispeut-êtreétait-cemoiquiavaiseffleurélessiens?Quoiqu’ilensoit,cecontactmefitfrissonner,depuismesbrasjusqu’àlapointedemes

pieds.Cela faisaitsi longtempsque jene l’avaispas touché–moncorpsmesuppliade luidonnerplusalorsquematêtemeditdeprendremesjambesàmoncou.

Et dans tout cela, mon cœur s’efforçait de rester impartial, préférant ne prendreaucunedécision.

Jenesavaisniquoidireniquoifaire.J’étaisfigée,monregardperdudanslesien,etjemesentaissibienquejen’essayaipasd’ymettrefin.Pouvais-jemepasserdecettesensationdurantlerestedemavie?

–J’aiunecommande ! criaune serveuseà l’autreboutdubar. JeclignaidesyeuxetsortisdelatransedanslaquelleHudsonm’avaitplongée.

–Jedoisyaller,dis-jealorsquejen’avaispasbesoindemejustifier.Euh,est-cequetuenvoudrasunautre?

– Nonmerci. Mais je vais rester là encore un peu, si ça ne te gêne pas. La vue estsplendide,dit-iltandisquesonregardsepromenaitlentementsurmoncorps.

Jetournailestalonsavantqu’ilnemevoierougir.Lorsqu’il partit, une heure plus tard, il régla l’addition auprès d’Élise, et je ne

remarquaiqu’ils’enallaitquelorsqu’ellemetendituneenveloppe.–Delapartducostard.Jel’ouvrisetytrouvaiunbilletdecentdollarsenplusd’unbonpoursonspadansle

Vermont–lesmêmescadeauxqu’ilm’avaitoffertscesoir-làaumoisdemai.–Élise,euh,jerevienstoutdesuite.J’étaisdéçuedelevoirpartiretjetrouvaiuneexcusepourluicouriraprès.–Hudson!criai-jelorsquejeletrouvaidehors,marchantendirectionduparkingsous-

terrain.Ils’arrêtaetattenditquejelerattrape.–Jenepeuxpasaccepter.Jesuislaresponsableici,jenepeuxpaspartirunesemaine

pourallerauspa,dis-jeenluitendantl’enveloppe.Soudain, je réalisai que nous n’avions pas parlé demon travail au club depuis notre

rupture.–Àmoinsquetupréfèresquejenetravailleplusici.–Je t’interdisdepenserça,dit-ild’unevoixautoritaire.Si tunesupportespasque je

soistonpatron,jetedonneleclub.Etjesavaisqu’illeferait,sijeleluidemandais.Biensûr,jenepouvaispasaccepter.–Jeveuxsimplementgardermonboulot.– Il sera à toi tant que tu le voudras, dit-il d’une voix plusdouce.Quant au chèque-

cadeau,conserve-le.Tupourrast’enservirquandbontesemblera.Ilrepoussal’enveloppeetsesdoigtss’attardèrentsurlesmiens.Était-ceceàquoinous

étionsréduits?Ànouseffleurerdèsque l’occasionseprésentait?À inventerdesprétextespourpouvoirseparler?

Jeretiraimamain.–Trèsbien,commetuvoudras.Un frisson me parcourut bien que la nuit soit chaude, et je cherchai désespérément

autrechoseàluidire.

–Ilyaautrechose.Quelquechosequej’évitaisdepuistroplongtempsdéjà.–Ilfautquejeviennerécupérermesaffairesaupenthouse.–Jepréféreraisquetunelefassespas,répondit-il.J’ignoraisaremarque,cequiétait laréponselaplussimplepourmoi,surtout lorsque

j’aimaisautantcequ’ildisait.–Jeveuxvenirchercherlerestedemesaffaireslundi.–JepeuxlesfaireemballeretlivrerchezÉlise,situveux.–Jepréfèrelefairemoi-même.S’ils’enoccupait,jesavaisquejeretrouveraisdestasdechosesquin’étaientpasàmoi

dansmes cartons. Et aussimignon que ce soit, je ne voulais pas de ses cadeaux. D’autrepart, jen’auraispaslaplacedelesstockerchezÉliseet,mêmesionlouaituntrois-pièces,comme on en avait discuté, on n’avait pas les moyens de prendre quelque chose de trèsgrand.

– Laisse-moi aumoins louer un camion pour toi, insista-t-il alors que son regardmesuppliaitd’accepter.

–D’accord,répondis-je,parcequeceseraitpénibledelefairemoi-même.–C’estcommesic’était fait,dit-ilenesquissantunsourire.Çaneveutpasdireque je

vaisarrêterdemebattrepourtoi.– Je n’ai jamais pensé cela, dis-je en réprimant un sourire qui s’entendit néanmoins

dansmavoix.Hudsonpenchalatêtesurlecôtéetm’étudiaquelquessecondes.–Tudisçacommesituaimaismevoirramperàtespieds.Je levai les yeux au ciel et tournai les talons en lui faisant un signe de la main.

Cependant,jenerésistaipasàl’enviederépondre.–Commentveux-tuquejelesache,H.?Jenet’aiencorejamaisvuramper.

***

Vendredi et samedi, de nouveaux cadeaux furent livrés – un livre de photos desPoconosainsiquedesplacespourleconcertdePhillipPhillips.

– Il est en train de te rappeler tout ce que vous avez vécu, c’est ça ? demanda Élisedimanchelorsquej’ouvrislecartonquiétaitarrivécematin-là.Jesuisdésoléedeteledire,maisilestplutôtdoué.

Jeroulaienboulelepapiercadeauetluijetaiàlafigure.–Tais-toi!–Alors,c’estquoi?–Jenesaispasencore.

Je sortis leCDde John Legend que je trouvai dans le carton et lus la liste des titresinscriteaudos. Je connaissais l’artistedenommais jen’avais jamaisécouté sesmorceaux.J’ouvrisleboîtieretytrouvaiunmotdeHudson.

C’estlachansonquimefaitpenseràtoi.Plage6.H.Du R&B ? Hudson n’écoutait que rarement de la musique avec moi, et il m’avait

toujourslaisséchoisir.Jenesavaismêmepasquelgenreilaimait–était-cedoncleR&B?Jetournaileboîtieretcherchailetitredelachanson.–Allofme,dis-jeàvoixhaute.Jenelaconnaispas.Tuconnais,toi?–Jen’enaijamaisentenduparler.Vas-y,mets-la.Jeprismonnouvelordinateur,y insérai lecdetcliquaisur laplagesix.Jem’installai

danslecanapéetmepréparaiàl’écouter.Lachansoncommençaitparunairdepianomélancoliqueetenvoûtant,puisunevoix

deténorchantaleslouangesd’unefemmequiavaitjetéunsortauchanteur.Ilétaitravagé,maisc’étaitunebonnechoseparcequ’elleavaitbeaulerendrefou,elleétaittoutpourlui.

Ce fut le refrain quime fit fondre en larmes, lorsqu’il proposa à sa bien-aiméede luioffrirtoutcequ’ilétaitetinversement.«Allofme,lovingallofyou».

Biensûrcen’étaitqu’unechanson,maisHudsonavaitvouluquecesoitunmessage,etjel’avaisbienreçu.S’ilpouvaitvraimentm’offrirtoutcequ’ilétait–sansplusdebarrièrenidesecrets–,qu’est-cequinousséparait?Lepassé?

Lemienn’étaitpasparfait,etjeluiavaismontrémesdéfautsplusd’unefois.Ilm’avaitpardonnée,etilétaitrestéavecmoi.Ilm’avaittrouvée,guérie,etilm’avaitcomplétée.

Maintenant…Jenedisrienetremislachansonaudébut.Élises’assitàcôtédemoietm’attiracontre

elle.–Élise,jen’yarriveplus,sanglotai-je.Jesaisquejenedevraispasêtreaveclui,maisje

nepeuxpasvivresanslui.J’aimelapersonnequejesuisquandilest là.Jemefichedecequ’ilafaitdanslepassé.Laseulechosequim’importe,c’estqu’ilsoitlààl’avenir.

Ellemeberçad’avantenarrière,tendrement,m’embrassantsurlatête.– Personne ne te dit ce que tu dois faire ou non. Quoi que tu fasses, tu auras mon

soutien.–Tantmieux,parcequejecroisquejevaisluidonneruneautrechance.Je n’étais pas certaine de savoir en quoi consisterait cette chance. Un dîner ? Un

rancard?Unesériederancards?Cettedécisionpouvaitattendrelelendemain.

***

Je n’avais pas grand-chose à récupérer au penthouse, mais je voulais commencersuffisamment tôt pour ne pas risquer d’être là lorsque Hudson rentrerait du boulot.Cependant,j’eusleplusgrandmalàfairebougerÉliseavantmidi.

–Peut-êtreque jepourrais te rejoindreplus tard,dit-elle en enfouissant sa têtedanssonoreiller.

–Maisj’aibesoindetoidudébutàlafin,râlai-je.S’ilteplaît?Cela semblamarcher,mais elle essaya de nouveau de s’esquiver alors qu’onmontait

dansletaxi.Puis,lorsquel’onarrivaauBowery,elleproposad’allernouschercherdescafésetdereveniraprès.

–IlyaunesuperbemachineàexpressochezHudson.Jeteferaiautantdetassesquetuledésires.

–Trèsbien,situinsistes.J’eusmoinsdemalàentrerdansl’immeubleavecÉliseàmescôtés.Dansl’ascenseur,je

laprisparlataille,reconnaissantequ’ellesoitlà.Déménagerétaitunegrosseétape,mêmesicelafaisaitdeuxsemainesquejenevivaisplusaupenthouse.Celasymbolisaitvraimentlafindenotre relation.Etmaintenantque j’avaisdécidéde laisserunechanceàHudson,cen’était pas vraiment ce que je cherchais. J’avais besoin d’Élise pour m’empêcher de fairequelquechosequejeregretterais,commedéciderdelaissermesaffaireschezlui.

Lorsque laportes’ouvrit, j’attendisqu’Élisesorted’abord.Ellenebougeapas,alors jeladevançaipuisjemetournaienmettantlamainsurlaportepourlabloquer.

–Tunevienspas?–Euh…Elle écarquilla les yeux, puis elle dégagea mon bras et appuya sur les boutons de

l’ascenseur.«Nemedétestepas!»,cria-t-ellealorsquelaporteserefermait.Àquoiellejouebonsang?Jesoupirai,exaspérée,etfermailesyeux.Soitelleavaitun

autrerendez-vousqu’ellenevoulaitpasrater,soitelleavaitmanigancéquelquechose.Silasecondesolutionétaitlabonne,jesavaisqueHudsonyseraitmêlé.

Autantsavoirdequoiils’agissait.J’ouvris lesyeuxetregardaidans lesalon. Ilétaitcomplètementvide.Et jeneparlais

pasd’unmanquededécoration. Iln’yavaitplus lemoindremeuble. J’entraidans lapiècepourm’assurerquejen’étaispasfolle.

Jeregardaidanslasalleàmanger–videégalement.Bizarrement,l’appartementnemesemblaitpasplusfroidqueladernièrefoisquej’étaisvenue.Cependant,celameperturba–quelétaitlemessage?Est-cequemesaffairesavaientdisparuaussi?

Jefisdemi-touretouvrislaportedelabibliothèque,quiétaitpresquevideégalement.Lesmeublesn’étaientpluslà,maisilyavaitencoremeslivresetmesDVDsurlesétagères.Les romans qui avaient été gâchés par Celia n’étaient plus par terre, mais il y avait des

cartons empilés contre le mur. Jemarchai vers la pile, voulant voir s’ils renfermaient leslivresàjeter,maisilsétaientscellésparduscotch.

«Cesontdenouveauxlivres.»Ah,levoilà…JemetournaiverslaporteoùsetenaitHudson.Ilétaitenjeanetent-shirt–iln’avait

doncpasprévud’allerautravail.Etilétaitsupercanon,cequ’ilavaitprobablementprévu,enrevanche.

Ilhochalatêteendirectiondescartons.–Ilssontpourtoi.Pourremplacerlesautres.–Ah,dis-jeenfronçantlessourcils.–Qu’est-cequ’ilya?–Jen’ainullepartoùlesmettre…Jen’avaispasprévudelesprendre.Ilsétaientmerveilleux,etjelesadorais,maisnous

étionsàNewYork,c’étaitunluxed’avoirautantdelivres.Ilsoupiraetjesusqu’ilétaitblesséquejerefusesoncadeau,quellequesoitlaraison.–Jepeuxlesgarderpourtoiaussilongtempsquetulesouhaites,dit-ilsimplement.–Merci.Jemesurprisàlereluquer–ilm’étaitimpossibledenepaslefaire.Ilétaitdivinement

beauetilmemanquait.J’avaisbeauavoirprévudedéménagerpendantsonabsence,j’étaiscontentedelevoir.Ravie,même.

Jemedemandais’ildevinaitlefonddemespensées.–Jenepensaispasquetuseraislà.Maisj’ensuisravie.–Tunem’aspasditquetuvoulaisquejesoisabsent.–Maisc’étaitsous-entendu,letaquinai-je.–Tun’aspasl’airdéçuedemevoir,dit-ilenplongeantmonregarddanslesien.Bon sang, j’avais des papillons dans le ventre et ce n’étaient pas ceux que j’avais

lorsque je faisais une fixation sur quelqu’un, c’étaient ceux que je ne connaissais qu’avecHudson. Cela m’avait perturbée la première fois, mais je savais les identifier à présent :c’étaitunmélangedenervosité,d’excitation,d’attiranceetdetrépidation.

Jefusétonnéededécouvrirquecelaéclipsaitlesblessuresencorefraîchescauséesparsa trahison.Cependant, j’avais peur, et je ne savais pas ce qu’il avait en tête. Ses affairesn’étaientpluslàetjen’aimaispascequecelalaissaitenvisager.

–Pourquoiest-cequel’appartementestvide?–Tesaffairessontencorelà,dit-illabouchepincée.–Maislestiennes?Il prit une longue inspiration, regardabrièvementpar la fenêtre, puisme regardade

nouveaudroitdanslesyeux.

–Jenepeuxpasvivreicisanstoi,Alayna.–Alorstudéménages?Jenesavaisvraimentpasquoienpenser.Ouplutôtsi–çanemeplaisaitpasdutout.

C’était ici que notre vraie relation avait commencé, et je détestais l’idée que quelqu’und’autreyvive.Quantaufaitqu’ildéménageparceque jen’étaispas là…Celavoulaitdirequ’ilpensaitquejenereviendraisjamais.

C’étaittroptard.Ilbaissaitlesbras.–Enfait,j’espèreplutôtquec’estl’inverseetquejeréaménage,dit-il.J’étaiscomplètementperdueetsurlepointdecraquer.Ilallaitfalloirtirercelaauclair

avantquejenem’effondrepourdebon.– H., tu me perturbes déjà assez quand ce n’est pas ton intention. Est-ce que tu

pourraisdirequelquechosequejesuisenmesuredecomprendre?–Jeteperturbe?demanda-t-iltandisquesonregards’illuminait.–Tuessurpris?Ilhaussalesépaules.–Donctureviensvivreici?demandai-je.Bonsang,pourquoiétait-cetoujourssicompliqué?Ilsemblavoirquej’étaisauboutdurouleauetildécida–enfin–derépondre.–Unjour,jel’espère.Maispourl’instant,jeveuxquetuvivesici.–Quoi?Sa demande enmariage n’était pas suffisante pourme chambouler, il fallait qu’ilme

demandedevivredanssonpenthouseàplusieursmillionsdedollarssanslui?Entoutcas,ilsavaitcréerlasurprise.

Enrevanche, iln’avaitpaslamoindreidéedecequej’attendaisdeluinidecequejevoulaisréellement.

–Jenepeuxpasvivreicisanstoi,mabelle,dit-ilsuruntondouxetsérieux.Maisjeneveux pas le vendre, parce que j’adore être ici avec toi. Un jour, nous vivrons de nouveaudanscetappartement,toietmoi.Maispendantquejet’attends–ouplutôtquejerampeàtespiedspourobtenirtonpardon–,ilseraitdommagedelelaisservide.Éliseettoipourriezhabiterici.

–Jenepeuxpasaccepterça,H.–Jemedoutaisquetudiraisça,dit-ilensoupirant.Alorsilresterainoccupé.Jemeretinsdedireque l’onpourraityhabiter tous lesdeuxet jeproposaiuneautre

solution.–Tupourraislelouer.–Jepourraistelelouer,àtoi?demanda-t-ilenhaussantlessourcils.J’éclataiderire.

– Tu aurais le meilleur loyer de la ville – cela te coûterait seulement un dîner parsemaineaveclepropriétaire.

–Arrête,dis-jeensouriant.–Touteslesdeuxsemaines,alors,jesuisprêtànégocier.–Hudson.Ilnesavaitpasqu’ilm’avaitdéjàconvaincuedeluiaccorderunrancard.–Trèsbien,unefoisparmois.Jeprendstouteslesmiettesquetuveuxbienmedonner,

dit-ilenm’étudiant.Tuenvisagesdemedonnerdesmiettes,c’estça?–Peut-être.Commentsavait-iltoujourscequejepensais?Etpourquoiétait-cesifaciled’êtreavec

luialorsqu’ilm’avaitfaittantdemal?Cettequestionmefichaitlatrouillealorsj’évitailesujet.– Non mais sérieusement, où sont toutes tes affaires ? Tu as loué un autre

appartement?Toussesmeublesnepouvaientpasrentrerdanssonloft,si?–J’aitoutdonnéàuneœuvredecharité,dit-ilensecouantlatête.–Aaaah,cequecedoitêtresimpled’êtrericheetpuissant.Jenepouvaispasdirequesesmeublesmemanquaient.Ilsétaientmagnifiques,maisils

avaientétéchoisisparCelia,etj’étaisheureusequedesgensdanslebesoinenprofitent.–Jenetenaispasàtoutesceschoses,dit-ilenavançantdanslapièceetendésignant

l’espacevide.Toutavaitétécalquésurmesgoûtsetsurmonstyledevie,maisjenemesuisjamaissentichezmoi ici,expliqua-t-ilavantdes’arrêteràunmètredemoi.Pas jusqu’àcequetuvienneshabiteravecmoi,Alayna.C’est toiquiasdonnévieàcetappartement.Lesmeublesavaientétéchoisisparquelqu’undont jeneveuxplusentendreparler.Lesseuleschosesquiyrestentsontlesseuleschosesquimedonnaientenvied’yvivre.Tesaffaires.Toi.

–Je…Magorgeétaittropserréepourquejepuisseparler.– Et quand je réaménagerai, on pourra tout redécorer et meubler à notre goût.

Ensemble.Toietmoi.–Tuesdoncsicertainquel’onseremettraensembleunjour.–J’enai l’espoir,oui,dit-ilenesquissantunsourirediabolique.Est-cequetuvoudrais

quejetemontreàquelpointjel’espère?–Pourquoipas.Ce que je voulais vraiment, c’était qu’il me prenne dans ses bras. J’étais presque

certainequenotreconversationfiniraitainsi,maiscepetitjeuavaitéveillémacuriosité.Hudsonmitsamaindanssapocheetensortitunpetitobjetargenté.–J’aiachetéça.

Iltintl’objetdesortequejenevoiepastoutdesuitecequec’était,maisjefinisparlecomprendreetj’eneuslesoufflecoupé.C’étaitunebague.Unebagueincroyable.

Il la déposa dans ma main pour me laisser l’examiner. Elle n’était pas du tout enargent,elleétaitenplatine,sijenemetrompaispas.Lediamant–d’aumoinsdeuxcarats,voire trois ou quatre – était magnifiquement mis en valeur par deux pierres précieusesrectangulairesplacéesdechaquecôté.

J’eus les larmes aux yeux et mon cerveau fut soudain incapable de réfléchir. Il mel’avaitdonnée–cen’étaitpasunedemande.Alorsqu’est-cequecelasignifiait?Est-cequ’ilcherchaitàm’embrouiller?

–Ilyauneinscriptiongravéeàl’intérieur,dit-ilàvoixbasse,commes’ilsavaitàquelpointj’étaisconfuse.

Jeclignaidesyeuxpourpouvoirlire:Igiveyouallofme 1.Puisils’agenouilladevantmoi,ungenourelevé.Alorsc’étaitunedemandeenmariage.J’étaissansvoix–incapabledepensernimême

derespirer.–J’ai réaliséquelquechose, ladernière foisque j’ai fait ça. Jem’y suismalpris.Tout

d’abord, jen’avaispasdebague.Ensuite, j’auraisdûmemettreàgenoux.Maissurtout, jenet’aipasdonnécequ’ilfallait.Jet’aiofferttoutcequej’avais,pensantquec’étaitainsiquejeconquerraistoncœur.Maiscen’étaitpasdutoutcequetusouhaitais.Laseulechosequetum’aiesdemandée,etlaseulechosequejenet’aijamaisdonnée,c’estmoi.

Unsanglotm’échappa,maispourlapremièrefoisdepuisplusieursjours,cen’étaitpasunsanglotdetristesse.

–Maintenant,si,dit-ilenlaissanttombersesbrasdechaquecôtédesonbuste.Jesuislà,mabelle. Jemedonne entièrement à toi, sans retenue. Entièrement,Alayna – tout ceque je suis. Sans aucune barrière, sans jeux, sans mensonges. Je suis tout à toi. Pourtoujours,situveuxdemoi.

Il prit la bague dans ma main tremblante et, d’une main étonnamment stable, il lapassaàmondoigt.

Je ne quittai pas des yeux cette étoile brillante qui illuminaitmamain après la nuitnoiredanslaquellejevivaisdepuisdeuxsemaines.Medemandait-ilvraimentdel’épouser?Meproposait-ilunvraimariage?Étais-jeprêteàl’envisager?

J’avais prévu de lui refaire une place dans ma vie, mais de manière plus simple etmoinsradicale–commeundîneretunciné,quelquechosecommeça.Pasdesfiançailles!

Toutefois, Hudson avait toujours été ainsi. Il avançait vite, avec ferveur, et quand ildésiraitréellementquelquechose,ils’engageaitcorpsetâmeàl’obtenir.Sijeluidisaisnon,sijerefusaissademande,jesavaisqu’illaréitérerait–encoreetencore.

Cependant,cen’étaitpasuneraisonpouraccepter.

La bonne raison de lui dire oui était que j’aimais Hudson Pierce de tout mon cœur.Mêmesesdéfautsetsesimperfectionsm’attiraient–ilsfaisaientdeluilapersonnequ’ilétait.Etjelevoulaisdanssatotalité.Commejevoulaismedonneràluitoutentière.

Ilavaitencoreàseracheter–leseulmoyendeluidonnerunechanced’yparvenirétaitpeut-êtrejustementdeluiaccorderl’éternitépouryarriver.

–Alayna,jet’aime,dit-il.Je quittai la bague des yeux et plongeai mon regard dans le sien, dans son regard

sauvagementpassionné–unregardquibrillaitplusquelediamantsurmondoigt.– Veux-tu m’épouser ? Pas aujourd’hui, pas à Vegas, mais dans une église si tu le

souhaites,oùdanslesHamptons,àMabelShores…–Ouau jardinbotaniquedeBrooklynquand lescerisiersserontenfleur? jesuggérai

lorsquejeretrouvaimavoix.–Oui,toutcequetuvoudras.Ilécarquillalesyeux.–Est-cequec’estun…–Oui,dis-jeenhochantlatête.C’estoui.Hudsonm’attira sur son genou et dans ses bras si vite que je n’eus pas le temps de

clignerdesyeux.–Redis-le.–Oui,chuchotai-jeenposantmamainsursajoue.Oui,jeveuxt’épouser.Ses lèvres trouvèrent lesmiennes etm’offrirent un premier baiser tendre et hésitant.

Nos bouches s’ouvrirent et nos langues se caressèrent. Notre baiser fragile devint alorspassionné, désespéré, alors qu’il plongeait unemain dansmes cheveux tandis que l’autreprenaitmonmenton,commes’ilcraignaitquejenerestepas,quejedisparaisse.

Jeletinsdelamêmefaçon,passantmonbrasautourdesoncou,m’agrippantàluidetoutesmesforces.Nouseûmesbientôtbesoindeplusdecontactetilsaisitmacuissepourlapasser autour de sa taille tandis qu’il se levait. Je relevai mon autre jambe, croisant leschevillesdanssondosenmecambrantpourfrottermonbassincontrelesien.

MonDieuquecelam’avaitmanqué.Ilm’avaitmanqué–toutchezluim’avaitmanqué.Sontoucherétaitbrûlantetsonbaisermefitfondre.Lapuissancedesoncorps,laforcedeses bras, son torse musclé – il était mon ancre, il me stabilisait de façon durable.Permanente.

Ilétaitàmoipourtoujours.Nous étions déjà dans le couloir lorsque je réalisai que je ne savais pas où il

m’emmenait.Silamaisonétaitvide,pourquoichangerdepièce?Cependant, pour le lui demander, il me faudrait rompre notre baiser et ses

gémissementsm’enrendaientincapable.J’eusvitemaréponse,cependant,carHudsonnousemmenadansnotrechambreet,ducoindel’œil,jevisnotrematelasposéparterre.

Ilenlevaseschaussuresendeuxsecondesettombasurlelitavecmoi.–Tuasgardélematelas?demandai-jecommeilenlevaitmont-shirt,suivideprèspar

lesien.– Je l’ai choisi moi-même. Et puis, je ne pouvais pas m’en séparer, trop de bons

souvenirsysontliés.Jenepouvaisqu’êtred’accordaveclui.Et nous n’avions pas fini d’en créer de nouveaux – pendant toute une vie, d’ailleurs.

MonDieu,touteunevieavecHudson.Il pencha la tête pourmordiller un téton à traversmon soutien-gorge,me ramenant

brutalementàl’instantprésent,etuncrim’échappa.– Tu vasme dire que tu n’étais pas sûr dem’entendre dire oui ? demandai-je entre

deuxgémissements.– Si, peut-être, dit-il alors que sa bouche trouvait de nouveau la mienne et qu’il

dégrafaitmonsoutien-gorge.–Tumeconnaisparcœur,n’est-cepas?Ilsouritetbaissalesyeuxsurmesseins.–Jeveuxteconnaîtremieux,dit-ilenléchantuntéton.Et jeveuxteconnaîtremieux

toutdesuite.Putain,toncorpsm’atellementmanqué.Mon Dieu, ce qu’il me faisait m’avait tant manqué, aussi. Y avait-il un manuel

expliquant comment donner du plaisir à Alayna ? Si c’était le cas, Hudson avait dû lemémoriserparcœur,oualorsc’étaitluiquil’avaitécrit.Ilconnaissaitmieuxmoncorpsquemoi.

Alors qu’il s’occupait de mes seins, m’étourdissant de désir, je saisis son érection àtraverssonjean–sachaleur,safermeté…jemouillaisrienquedelasentir,mêmesousletissu.

Jelecaressailentementdebasenhaut.–Tiens,çamerappelledessouvenirs,chuchotai-je.– Mais d’abord, on va s’occuper de toi, dit-il tandis que sa main glissait sous mon

leggingpourétayersespropos.–Mais j’aime tellement ça, chuchotai-je en le caressant de nouveau.On ne peut pas

s’enpasser.–Net’enfaispas,onnes’enpasserapas.Il se cambra contremamain puis il se concentra sur l’action de ses doigts et de son

poucequitournoyaitautourdemonclitoris,exerçantlapressionparfaite.Je remuai, regrettant que l’on ne soit pas nus et qu’il ne soit pas déjà enmoi.Mais

Hudsonmefitattendre,plongeantundoigtenmoi,m’arrachantuncriperçant.– Bon sang, Alayna, tu mouilles tellement. Tu sais à quel point ça m’excite ? Tu es

tellementmouillée et juteuseque j’ai enviede te lécher jusqu’à cequ’ilne resteplus rien.

Mais tu m’as manqué et j’ai besoin d’être en toi aussi vite que possible. J’attendrai leprochainroundpourtesavourer.

–Leprochainround?dis-jeensouriant.Il ajouta un deuxième doigt et les plia pour frotter cet endroitmagique que lui seul

savaittrouver.Monventresecontractabientôtetmesjambessemirentàtrembler.–Tuestellementexcitée,tuvasbientôtjouir,n’est-cepas,mabelle?Sesparolessuffirentàmefairechavirer.Unegigantesquevaguedeplaisirdéferladans

mesveinesetjegémislonguement,plantantmesonglesdanssondostandisqu’ilcontinuaitàmedoigterjusqu’àcequeledernierspasmem’aittraversée.

Hudsonléchalelobedemonoreilleavantdemeféliciter.–C’estbien,mabelle.Tuestellementsexyquandtujouis,çamefaittellementbander

quec’estpresquedouloureux.Bonsang,sesparolesdéclenchèrentpresqueundeuxièmeorgasme.Ilenlevasamainpourbaissermonleggingetmonstring.–TutesouviensdenotrepremièrenuitdanslesHamptons?Quandjet’aifaitl’amour

tantdefoisquetuétaiscourbatuelelendemain?–Commentl’oublier?demandai-jeenleregardantsedéshabilleràsontour.Sonsexejaillitdesaprison,plusduretplusépaisquejenel’avaisjamaisvu.HudsonPierce,àpoil.Ilmefallutdéglutir–unefois,deuxfois.Riensurterrenememettaitautantl’eauàla

bouche.Etilétaitàmoi.Pourtoujours.Hudsons’allongeasurmoi,couvrantmoncorpsaveclesien.–Ehbienceneserariencomparéàcetaprès-midi,mabelle.J’ail’intentiondetefaire

l’amour tendrement,doucement.Puis jevais tebaiser si fort,pendantsi longtempsque tasuperbechatteseraàvif.Tunepourrasnimarcherni tenirdebout.Etaprèsça, jevais telécherjusqu’àcequetufrissonnesetquetujouissesdansmabouche.Etenfin,onreviendraàlacasedépartpourtoutrecommencer.

Monsexesecontractaenréponseauxpromessesqu’illuifaisait.–Cen’estqueduvent,memoquai-je.– J’espère que c’était un défi, dit-il en s’installant entremes cuisses. Si c’est le cas, je

l’acceptevolontiers.Alorsça,c’étaitunjeuquinemedéplaisaitpas.J’enroulaimes jambesautourde sa taille,prêteà cequ’ilmepénètre,mais il s’arrêta

lorsquesonglandeffleuramonentrée.–Dépêche-toi,dis-jeenmecambrant.Jeveuxtesentir.Ilpassasamaindansmescheveuxetm’embrassasurleboutdunez.–Patience,mabelle.Onatoutnotretemps,etjeveuxtesavourer.

Il me pénétra alors, lentement, avec une patience infinie. Je hurlai de plaisir en lesentant m’étirer et me remplir alors qu’il s’enfouissait en moi. Et quand je crus qu’il nepouvait aller plus loin, il poussa mes cuisses vers ma poitrine et s’enfonça plusprofondémentencore.

Jelesentaispulsercontremesparoistandisqu’ilplongeaittoujoursplusloinenmoi.– C’est tellement bon,ma belle, dit-il en se retirant légèrement pourme pénétrer en

dessinantuncercleavecsonbassin.Quepréfères-tu:doux,brutal?–J’ailedroitdechoisir?demandai-jeenécarquillantlesyeux.–Pourcettefois,dit-ilensouriant.La seule chose qui comptait pour moi était qu’il se donne à moi – peu importait la

manière.–Àtoidedécider.Jetefaisconfiance.Et c’était vrai. Peut-être pas autant que par le passé, mais nous avions le temps d’y

remédier.Maréponsesembla luiplaire–sonregardbrillaetsestraitss’adoucirent. Ilsaisitmes

mainsetappuyasonfrontcontrelemiensansarrêtersesva-et-vientenmoi.–Jet’aime,Alayna.Mabelle.Monamour.On dansa ensemble, profitant l’un de l’autre, nous aimant l’un l’autre, nous offrant

toujours plus de plaisir, comme on l’avait appris par le passé, mais par d’autres moyensaussi.Cen’étaitni tendrenibrutal,etcen’étaitnisauvagenidoux–c’était toutcelaà lafois.Tout.Etc’étaitparfait.

1.Jetedonnetoutcequejesuis.

EPILOGUE

Avril

ElleestlaplusbellemariéequiaitmislespiedsdanslejardinbotaniquedeBrooklyn.

Quedis-je:c’estlaplusbellemariéequiaitmislespiedssurTerre.Jenepeuxlaquitterdesyeux. Sa robe moule ses seins magnifiques et ses hanches étroites avant de tomber encascadederrièreelle.Etdanssondos,leslacetsducorsetsontjusteincroyables.J’aihâtedelesdéfaireplustard.Celadit,j’ail’impressionqueceserafrustrantplusqu’autrechose.

En même temps, la frustration peut être excitante, parfois. Et elle est nécessaire.CommeditAlayna, « Il n’y a pasdeprogrès sans bataille ».C’est quelque chose qu’elle aappris en thérapie et qui est souvent adapté à notre relation. Elle l’a répété tant de foisdurantlesneufderniersmoisquejesuissurprisqu’ellenesoitpasbrodéesurlesserviettesdenotremariage.

Honnêtement, je suis frappé par la justesse de cette simple phrase. J’ai beau être unhommequines’engagequ’àcentpourcentetquin’apaspeurd’undéfi,leparcoursentrenosfiançaillesetnotremariageétaitseméd’embûches.Mêmesiellem’aditouienaoût,jesuis certain qu’elle a regretté sa promesse plus d’une fois. Dans des moments où je mefermais et où j’oubliais de la laisser entrer, dans des jours où je la repoussais parce quej’étaispersuadédenepasméritersonamour.

Et puis, il y avait le plus gros problème de tous : la confiance. J’avais brisé celle quiavaitexistéentrenous,et ilnousa falludutempspour lareconstruire.Etdenombreusesheuresenthérapie–passeulementpourmoimaispournousdeux,entantquecouple.Sijepensaisqueréglermesproblèmesétaitdifficile, imaginezcequec’est lorsqu’onajouteceuxd’unedeuxièmepersonne.

Nous avions tant de blessures à cicatriser… Il était naturel pour moi d’accepter lesobsessions d’Alayna, mais je dus apprendre à ne pas m’attacher à ses jalousies et à sesdoutes, car cela pouvait l’encourager et, pour autant que j’aie envie qu’elle ait besoin de

moi, je l’aime encore plus depuis qu’elle va bien et qu’elle n’a pas besoin de mon aide.Lorsqu’elleestforteetqu’elleaconfianceenelle.

Encequimeconcerne,maguérisonn’apasétésimplenonplus.Ils’avéraqueleplusfacile fut d’abandonner le jeu auquel j’avais joué toute ma vie. Avec Alayna, je n’avaisaucune envie d’infliger ma cruauté. Cependant, mon penchant manipulateur est ancréprofondément en moi, et je ne me rends pas toujours compte de ce que je fais. CommeAlaynaestune femmedouceetclémente,ellenedénoncepas toujours lesmomentsoù jememontretropdominant,etjesaisqueparfoiscelaluiplaît.Mais,commemoi,elleneveutpas laisser trop de place à mes faiblesses et elle me rappelle à l’ordre de plus en plussouvent.Demoncôté,jem’efforcedelaisserleschosessuivreleurcoursetdenepasvouloirtoutcontrôler.

C’est cela qui a été le plus difficile pourmoi. Cependant, les progrès que l’on a faitssont incroyables.On ne serait pas là aujourd’hui si nous n’avions pas autantœuvré pourrenforcernotrecouple.Et,bienque jesoiscertainquenousn’avonspas finideprogresserjusteparceque je lui aipassé labagueaudoigt,nous savons tous lesdeuxque le jeuenvautlachandelle.

Qu’elleenvautlachandelle.Vousvousrendezcomptedemarécompense?Mêmesansmariage,elleestàmoi.Etje

suisàelle.Lacérémonieaétésimple,sanschichi–c’estcequ’elledésirait,etjesuissonserviteur.

Mirabelle, Élise, et Gwen – qui est devenue une amie très proche d’Alayna – étaient sesdemoisellesd’honneur.Lerosepâledeleursrobesétaitparfaitementassortiauxfleurssurlevoiled’Alaynaetsur lesarbresdu jardin.Jen’aipas lamoindre idéedecequ’afaitmasœurpourréussircela.Je laremercieraiplus tardd’avoirautantcontribuéaubonheurdemafemmeencejour.

Mafemme.Jenemelasseraijamaisdedirecela–mafemme.Quiauraitcruquejememarierais?

Jenel’avaisjamaisenvisagé;mesparentsn’avaientpasincarnélecoupleidéaletjen’avaispaslamoindrenotiondecequ’étaitl’amouroularomance.C’estAlaynaquim’aouvertlesyeux,quim’atoutappris.Ellen’auraitpaspuêtrepluspatienteetclémente.C’estbienplusquecequejemérite.

Elle déteste que je dise cela, d’ailleurs – que je ne la mérite pas. Je suppose qu’elleressent la même chose que moi lorsqu’elle parle de son passé en se culpabilisant – ladifférenceétantquesesfaiblessesn’ontpasfaillinousdétruirecommel’ontfaitlesmiennes.Certains jours, j’ai dumal àme supporter lorsque je repense aumensonge auquel je l’aimêlée,mais sonamourparvient toujoursàm’apaiser. «Onne se serait jamais trouvés sanstonjeu»,dit-elle.

Cependant,jenelacroispas.J’auraisinventéd’autresmoyensdelatrouver.

Je n’exagère pas lorsque je dis que ça a été le coup de foudre. C’est presque uneuphémisme,carl’effetqu’elleaeusurmoiestinqualifiable,indescriptible–àtelpointquelorsque je veux l’expliquer, cela ne reflète en rien la magie du moment. Sincèrement, lafemmequise tenaitsurscènece jour-làm’avait laissésansvoix,etcelan’avaitpasgrand-chose à voir avec son intelligence en affaires. Ses idées avaient beau être innovantes etjustes,ilyadesfemmesbrillantesàchaquecoinderue.Monadmirationallaitau-delà.Jene sais même pas si c’étaient ses gestes ou sa façon de parler, ni même la profondeurensorcelantedesesgrandsyeuxchocolat.Quoiqu’ilensoit,monâmeareconnulasienne.Quelquechosenousaunisdèslapremièrerencontre,etunepartiedemoi-mêmeatoujourssuqu’elleétaitquelquepartdanslanature,attendantqu’elleviennemerameneràlavie.

Ilm’afalluuncertaintempspourreconnaîtrequecesentimentétaitdel’amour,carjen’avais jamaisconnucela.Mêmeaujourd’hui, je continuededirequece termereflètemaltout ce que je ressens pour elle. Cependant, je n’ai pas trouvémieux et je le lui dis aussisouventquepossible,puisj’essaiedeluiexpliquercequejeveuxvraimentdireenutilisantcemot.Jeluiexpliquequecelasignifiequ’ellen’estpasseulementlecentredemonunivers–qu’elleestmonunivers.Qu’ellen’estpas seulementma raisondevivre–qu’elle est l’airque je respire. Qu’elle est la raison derrière chacune de mes pensées, derrière chaquebattement demon cœur, chaque murmure de ma conscience. Qu’elle est tout pour moi.C’estaussisimple–etaussicomplexe–quecela.

Jenesaispassiellelecomprendraunjour,maisjesuisprêtàconsacrermavieentièreàleluimontrer.

Jebalayelafouledesyeuxetjeréalisequ’ilestdrôlequemaintenantquejesaiscequecelasignified’aimeretd’êtreaimé,jevoisl’amourpartoutautourdemoi.Jelevoisdansleregardd’Adamlorsqu’iltientsonbébéetqu’ilsuitMirabellealorsqu’ellevoled’uninvitéàl’autre. Je le vois dans la façon dont mon père a tenu la main de ma mère durant lacérémonie, dans la tendresse du regarddeBrian lorsqu’il a accompagné sa petite sœur àl’autel.Ya-t-iltoujourseuautantd’amourdanslemonde?Commentai-jepunepaslevoiravantderencontrerAlaynaWithers?

AlaynaPierce,désormais.Çasonnebien,n’est-cepas?Elle vient vers moi, à présent, et mon sourire s’élargit. Je n’ai pas cessé de sourire

depuisqu’elleestapparuedansl’église.Jesuissûrquej’ail’airridicule.–Salut,beaugosse,dit-elledesavoixsuavequimefaitbanderinstantanément.Ilest

l’heurepournotrepremièredanse.Jelalaissememeneraucentredelapiste.Jesuisimpressionnédevoiràquellevitesse

l’équipe de déco a transformé le lieu de la cérémonie en lieu de réception. On aurait puallersouslaverrière,maisAlaynavoulaitquetoutaitlieudehors,entouréparlescerisiersen fleur. Et c’était une bonne idée. Le Brooklyn Botanic Society n’a pas l’habitude de

privatisertoutlejardinpourdesmariages–c’estfoucequ’ilssontprêtsàfaireenéchanged’uneénormedonation.

Le maître de cérémonie annonce notre première danse tandis que j’attire la mariéedansmesbras.

–Quellechansonaccompagneranotrepremièredanse,madamePierce?Jenesaisriendecequ’elleaprévupourlaréception.Alaynas’estoccupéedetousles

détails concernant le mariage. Je lui ai proposé mon aide, mais elle a préféré mesurprendre.Les rôles seront inversés lorsque je lamettraidans l’avionpournotre lunedemiel. Elle ne se doute pas que je l’emmène passer trois semaines dans une cabane isoléedans lesMaldives. J’avais envisagé de l’emmener en Italie ou enGrèce, car je sais qu’ellemeurtd’envied’yaller,mais j’aiétéégoïsteet j’aichoisiunclimat tropical,car il seraplusfacilepourelled’êtrenuesuruneplageprivéequedansunmuséeouaumilieuderuinesromaines.

–Patience,monsieurPierce,dit-elle.Lamusiquecommenceetjesouris.Bienévidemment.Allofme.Elle senichedansmesbraset jecollema joueà la sienne, respirant sonparfumà la

fleurdecerisierquisemêlesibienàceluiquiembaumetoutle jardin.Cependant,riennepeutmasquerl’odeurdélicieusedesapeau–unmélangesucréetsaléquejenepeuxpasdécriremaisquejereconnaîtraisn’importeoùaumonde.

J’aimerais la tenir contremoiet savourercettedanse, j’ai l’impressionque j’aiàpeineeuletempsdeluiparleraujourd’hui,etjenepeuxm’empêcherdeprofiterdecemoment.

–Lemariageestsublime,Alayna.Tuasfaitdusuperboulot.Jelasenssourirecontremonépaule.–Merci.J’aieubeaucoupd’aide,grâceàtonargent.–Notreargent,jecorrige.Commepromislapremièrefoisquejel’avaisdemandéeenmariage,jen’aiprévuaucun

contratdemariage.Cequiest àmoiest à elle, sansexception.Mais je croisqu’ellene s’yhabituerajamais.

–Notreargent,répète-t-elle.Etj’ail’impressionquetoutsepassebien,oui.–Trèsbien,eneffet.–TuasremarquéqueChandlersuivaitGwenpartoutcommeunchiotabandonné?J’avais remarqué, oui,mais il y a trop de désir dans le regard demon frère pour le

compareràunpetitchiot.–Çan’apasl’airdelagêner,dis-je.Alaynavoit-elleledésirdanslesyeuxdeGwen,elleaussi?–Non,c’estvrai.Ettoutlemondesembleêtreheureux.–Absolument.Maisc’estmoileplusheureux.

Ellem’embrassedanslecouetmonsexesursaute.–Mêmetamèrearéussiàresterpolie.Aussitôt,monsexeretombe.–C’estvraiqu’ellesemblemieuxsemaîtrisermaintenantqu’elleestsobre.Sophian’estrentréeàlamaisonquedepuisjanvier.Ellearatélanaissancedubébéde

Mirabelleetjecroisqu’elleleregretteprofondément.Ellevabeaucoupmieuxàprésent,etjecroisquemêmeellepensequelesacrificeenvalaitlapeine.

–Maisc’esttoujoursunevieillepeauinsupportable,n’est-cepas?jedemande.Alayna éclate de rire et ses cheveux chatouillentmon cou tandis quemon cœur bat

plusviteenentendantlapuretédesonrire.–C’esttoiquil’asdit,pasmoi.Jelaserreplusfortetl’embrassesurlatempetandisquejemedisquetoutcequej’ai

puvouloirdansmavie,et toutceque jenepensaispasvouloir,estdansmesbras.Enfin,presquetout.Ilresteencoreunechose.

Je décide d’aborder le sujet que j’ai tant évité de façon indirecte. Peut-être est-cemanipulateur,maisjesuisfaitainsi.

–Jet’aivueavecAnne-Marise,toutàl’heure.Tut’yprendstellementbienavecelle.Anne-Marise Sitkin est la fille d’Adam et de Mirabelle. Ma sœur a insisté pour lui

donnerunprénomaussi longpourque je sois obligéde l’appelerpar son surnomou sondiminutif, comme tout le monde, mais j’ai décidé de l’appeler Anne-Marise, juste pourl’agacer.Elleacinqmoisetdemietellepassesesjournéesàrireetàmanger.Elleestpetite,mais pleine d’énergie, comme sa mère. Cela dit, on ne remarque sa taille qu’en lacomparantàBraden,leneveud’Alayna,quin’aquequatremoismaisquiestdeuxfoisplusgrandqu’Anne.

Alaynaetmoin’avonsjamaisparléd’avoirdesenfants.Jel’aivueavecAnneetBradenet je suis tombéencoreplusamoureuxd’elle,alorsque jenepensaispascelapossible.Latendresse et la gentillesse qu’elle leur accorde est simplement éblouissante. Mais je n’aijamais abordé le sujet. Peut-être que celame faisait peur avant,mais ce n’est plus le casmaintenantquejesaisqu’elleestàmoi.

Jereculemonvisageetjeplongemonregarddanslesien,hésitantàattendrequel’onsoittouslesdeuxpourenparler.Maisjenepeuxmeretenir.

–Est-cequetu…Est-cequetuveuxavoirdesenfants?Ellesepenchepourembrassermoncoupuis,lesyeuxbaissés,ellerépond.–Jecroisquejelestraumatiserais…C’estbiencequejepensais.Etsic’esttropstressantpourelle,jelaisseraitomberl’idée.–Est-cequetuvoudraisqu’onlestraumatiseensemble?Elleéclatederireetmeregardedanslesyeux.–Oui,répond-ellesanshésiter.J’adorerais.

–Tantmieux,dis-jeenlafaisanttourneravantdelareprendredansmesbras.Alorsoncommence ce soir dans l’avion.Ou tout de suite, si tu préfères. J’ai repéré un gros chênedansundes petits jardins. Je suis presque sûr qu’onpourrait s’y planquer,même avec tarobeénorme.

–Jeseraiscurieusedevoircommenttut’yprendraisavectousmesfroufrous.– Ma belle, je chuchote en lui mordillant l’oreille, je suis plein de ressources. Ai-je

besoindeterappelerquejesuisunhommequiobtienttoujourscequ’ilveut?Etquiconqueoseendoutern’aqu’àmeregarderencemomentpoursavoirquec’estvrai.Toutcequej’aijamaisvouluestici,dansmesbras.

–Jet’aime,murmure-t-elle.–Jet’aiaiméeenpremier.Etjet’aimeraiendernier.Je l’embrasse tendrement sous les regards attendris de nos invités, avec juste ce qu’il

fautdepiquantpourqu’ellesachequejepensecequejedis.Notredansetoucheàsafinetilesttempspourellededanseravecsonfrèreetmoiavecmère.

Jelalibère,àcontrecœur.Jepeuxsupportercesquelquesminutessanselle.Elleestàmoipourlerestedemavie.

REMERCIEMENTS

Nous voilà arrivés aumoment le plus difficile. Sérieusement, écrire 110000mots est

simple comparé à devoir en écrire quelques milliers pour dire merci. Je sais que je nementionneraipas tout lemonde, j’espèrequevousnepenserezpasque jevousaioubliés,c’estsimplementquemoncerveauestunpeucuit.

Toutd’abord,àmonmari,Tom–jet’aiaiméenpremier,etjet’aimeraiendernier.À mes enfants, qui pensaient voir davantage leur mère parce qu’elle travaillait à la

maison –merci pour votre patience et votre compréhension. Je vous aime, je vous adore,mêmequandjevouscriedessuspourquevoussortiezdemonbureau.

Àmamère–mercidem’avoirélevéedesortequejepoursuivemesrêvessansoublierlesautres.Commetoi,j’espèrequejenechangeraijamais.

ÀGenniferAlbin,pourlescouverturesdemesromansetpourm’avoircomprisemieuxquebeaucoupdegens.C’estcertain,2014estnotreannée.

ÀBethanyTaylor,pourtescorrectionsetpourtouslessalonsdulivre,maisaussiparcequetusaist’apitoyersurtonsort,cequimerassurelorsquej’enfaisdemême.Etmercidem’avoir appris à être rigoureuse et gentille (oui, tu m’as bien entendue espèce de faussedétraqueuse).

MerciàKaytiMcGeepouravoirétémapartenairedecomplotetpouravoirincarnéunesoumisesuperbe.J’assumecomplètementd’avoirdominétoutesnosconversations.Etmercide m’avoir prêté ton oreille et pour toutes tes propositions. Je promets de venir àBoulder/Longmontpourtevoir,mêmesilaloiachangé–jetelepromets!

Jeremerciemespartenairescritiquesetmespremièreslectrices.MonDieu!Jen’auraisjamais réussi sans vous, surtout quand j’avais autant de retard. Merci pour toutes voslecturesetvossuggestionssirapides.Surtout,merciàtoiLisaOttod’avoirlibérédutempspour moi malgré ton emploi du temps chargé, et merci pour ta franchise. Je remercieTristinaWrightpoursaconnaissanceparfaitedemespersonnagesetpouravoirsucorrigerleur comportement. À Jackie Felger pour m’avoir toujours fait sentir que j’avais une

meilleure plumeque je ne le pensais tout en corrigeant plus de virgules qu’une personnenormalement constituée. À Melissa B. King pour m’avoir confirmé que les scènes hotfonctionnaient.ÀJennaTylerpour lescorrectionsdedernièreminute,mêmelorsquejeneteledemandaispas–tuesuneamiemerveilleuse.ÀAngelaMcLain,pourtapassionettonsoutien–j’aidelachancedeconnaîtreuneaussibellepersonne.MerciàLisaMauer,pourtonenthousiasmeetl’amoursincèrequetuportesàmesromans,j’aiparfoiseul’impressiond’écrirepour toiplusquepourquiconque.ÀBetaGoddess, tu te reconnaîtras,mais tunepourras jamaissavoiràquelpoint je tesuisreconnaissanted’avoirréparé,ou« fixé»monbouquin. J’attendaisde lire tesnotesavecunmélanged’enthousiasmeetd’angoisseparceque je savais toujours que tu serais sévère, mais que tu rendrais l’histoire meilleure.MERCI!!!

À tous ceuxquiont rendu tout celapossible :monagent,BobDiForio ;CaitlinGreerpour lesmaquettes ; Juliede chezAToMRBookTours ;ShanynDayetK.P.SimmonsdechezInkslinger–vousêtestouslesdeuxincroyables;MelanieLoweryetJolindaBivinspourm’avoir fait un super swag ; à mes « autres » éditrices, Holly Atkinson, qui m’a appris àpenserauxespacesinsécables,etEileenRothschild,quisoutienttousmeslivresetpasjusteceluiqu’elleaacheté.

ÀmesSUPERBESassistantes,LisaOtto,AmyMcAvoyetTarynMaj.Jen'enrevienspasd'avoireulachancedetravailleravecvoustroisdurantcetteannée.D’unecertainefaçon,celaaétélapartielaplusamusanteduboulot.

Àmes âmes sœurs, TheNAturals : Sierra, Gennifer,Melanie, Kayti et Tamara. Je nesais vraiment pas ce que j’aurais fait sans vous. Vous aimez les gens que j’aime et vousdétestezceuxquejedéteste–vousêtesmesréférences.Jecroisquec’estMelquiaditçaenpremier, mais j’ai décidé de lui piquer : si quelqu’un m’avait dit, il y a trois ans, que jepouvais aimer des personnes rencontrées sur Internet plus que des personnes rencontréesdanslavieréelle, jen’yaurais jamaiscru.Etpuis jevousairencontrées.Nichons etamourpourtoujours.

ÀJoe,l’annéedernièreétaitnotreannée,jetelaisseimagineràquelpointonseracooll’anprochain!

Auxauteursquiontaidéladébutantequejesuis,quim’ont inspiréeparleursuperbeplume,etquim’onttantconseillée,surtoutKristenProby,LaurenBlakelyetGenniferAlbin.C’estvraimentunhonneurdevousconnaître.Mercidem’avoirtransmisvotresavoir.

AuxWrAHMsetauxBabesoftheScribes–j’aihâtedevousrencontrerauWrAHMpageetdevousserrerassezfortpourvousétouffer.

Àtouteslesbloggeusesetlescritiquesquiontpartagémonlivreavecenthousiasme.Jene pourrais jamais toutes vous citer,mais il y en a certaines que je n’ose pas passer soussilence:AestasduAestasBookBlog;Amy,JesseetTriciadeSchmexyGirls;TheRockStars

ofRomance;AngiedeAngie’sDreamyReads;LisaetBrookeduTrueStoryBookBlog;KarietClaradeABookWhore’sObsession;AngieetJennaduFanGirlBookBlog;JenniferWolfeldeWolfel’sWorld of Books. Bien que nous ayons une relation de travail symbiotique, je vousconsidèrecommedesamies.Mercipourvotreamouretvotresoutien.

Aux lectrices quim’ont permis deme consacrer à l’écriture à plein temps et de fairevivrema famillegrâceàmes revenus. Jevous suis si reconnaissanteque j’enai les larmesaux yeux rien qu’en y pensant. Je sais que vous avez un choix énorme lorsqu’il s’agit desélectionnerunlivre–merciinfinimentd’avoirchoisilemien.

À mon Créateur, qui m’a donné bien plus que je ne mérite – j’espère continuer àcomprendrelerôlequ’ilm’aattribuédanscettevieetàl’accepteravechumilité.