Droit fiscal internationale

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DROIT FISCAL INTERNATIONAL

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  • DROIT

    FISCAL INTERNATIONAL

  • Prcis de la Facult de Droitde lUniversit Catholique de Louvain

    DROIT FISCALINTERNATIONAL

    IMPTS SUR LES REVENUS

    THORIE GNRALEDROIT BELGE

    LMENTS DE DROIT COMPAR

    par

    Jacques MALHERBEProfesseur lUniversit

    catholique de LouvainAvocat

    au barreau de Bruxelles

    Maison LARCIER, s.a.39, rue des Minimes

    1000 BRUXELLES1994

  • D/1994/0031/42

    ISBN du prsent ouvrage : 2-8044-0128-6ISBN de la collection Prcis de la Facult de droit de lU.C.L. : 2-8044-0012-3

    ! Maison LARCIER, s.a., Bruxelles, 1994

    Tous droits de reproduction, de traduction et dadaptation, mme partielles, sousquelque forme que ce soit, rservs pour tous pays.

    Ed. resp. : D. Vercruysse, adm. dl., dir. gn.,rue des Minimes 39, 1000 Bruxelles.

  • Les revenus de lEtat sont uneportion que chaque citoyen donne

    de son bien pour avoir la sretde lautre.

    Montesquieu , De lEsprit des lois.

  • AVANT-PROPOS

    Ce livre est n de lenseignement. Il est donc le fruit dun dialogueavec des gnrations dtudiants que je tiens remercier pour leurpatience, leurs remarques et leurs encouragements : tudiants de lUni-versit catholique de Louvain pour les droits belge et europen, tu-diants des Universits de Paris I (Panthon-Sorbonne), de Paris XII(Saint-Maur), de lUniversit de Bourgogne et de lcole suprieuredes sciences fiscales (ICHEC, Bruxelles) pour le droit compar, tu-diants des Facults dAnvers et de la Vlaamse Economische Hoge-school.

    Remonter dans le pass, cest me rappeler avec reconnaissance ceuxqui mont introduit au droit fiscal. Mes parents, Maurice et NadineMalherbe, pratiquant respectivement le droit civil et lhistoire ancienne,mont signal lsotrisme attirant de cette discipline alors peu popu-laire. Mes patrons, John Maes et les btonniers Henri et LucienSimont, ont guid un stagiaire et collaborateur. Paul Sibille, lcolesuprieure des sciences fiscales, le doyen Pierre Coppens, qui maccueil-lit Louvain comme son assistant, Marc Baltus, au Journal de droitfiscal, et, en France, Gilbert Tixier, Maurice Cozian, Guy Gest, Jean-Pierre Casimir et Bernard Castagnde mont aid tout au long de laroute universitaire.

    Lenseignement de Paul Coart-Frsart Louvain, dOliver O. Old-man, dErwin N. Griswold et de Stanley S. Surrey Harvard ma laissle plus stimulant des souvenirs.

    Leonard L. Silverstein et les membres du Tax Management Interna-tional Forum ont anim une recherche comparative permanente.

    Isabelle Heenen, ma femme, ma aid dans la premire rdaction deces textes et Philippe Malherbe, mon frre, partage depuis des anneslenseignement et la recherche qui en furent la base lcole suprieuredes sciences fiscales.

    Christine Schotte, Olivier Bertin et Olivier Van Herstraeten, assis-tants lUCL, ont corrig et amlior les preuves. Isabelle VanCleemput a vrifi la bibliographie.

  • Viviane Taymans et Danielle Rykers ont revu avec quanimit desdactylographies successives.

    Les erreurs et les imperfections sont ma seule responsabilit. Lvolu-tion annuelle de la lgislation et les observations des lecteurs moffrirontsans doute loccasion de les corriger.

    Les notes renvoient au Code des impts sur les revenus de 1992 et larrt royal dexcution du Code de 1992. Le commentaire adminis-tratif cit se rfre encore aux articles du Code ancien. Les exemplesne tiennent pas compte de la contribution complmentaire de crise ajou-tant trois centimes additionnels aux impts et prcomptes belges.

    Jacques Malherbe

    avant-propos8

  • INTRODUCTION

  • Si le droit fiscal est lensemble des rgles de droit en vertu des-quelles un Etat prlve des impts, cest--dire impose des contribu-tions qui ne sont pas la rmunration dune prestation dtermine, ledroit fiscal international prsente un rapport renforc avec le conceptde souverainet nationale sexerant sur un territoire (1).

    Les situations gnratrices de la dette dimpt prsenteront souventun aspect dextranit. Les Etats pourront ignorer celle-ci et prleverlimpt. Ils raliseront souvent quils ont avantage limiter cette per-ception, soit unilatralement, souvent charge de rciprocit, soitconventionnellement, en vertu de traits bilatraux, voire multilat-raux.

    Le droit fiscal international sera donc, au premier chef, lensembledes rgles de droit interne ou international rgissant la perception delimpt en rapport avec des faits gnrateurs comportant au moins unlment dextranit. Dans une perspective plus large, voire compara-tiste, le droit fiscal international sera ltude des techniques juridiquesappliques limposition de situations transfrontalires (2).

    Il sagit l dune problmatique essentielle, notamment pour lam-nagement des systmes dimposition des socits dans une perspectivedefficacit et dlimination des distorsions (3).

    La source loi interne ou trait international importera peu,puisque les sources de droit proprement internationales nont deffetdans les systmes tatiques que par la rception de la rgle internatio-nale en droit positif interne.

    En revanche, certaines rgles supranationales peuvent avoir uneffet direct en droit interne (4).

    (1) Pour une vision politique : Ruding , Fiscal Sovereignty in the Internal Mar-ket , Intertax, 1991, p. 249.

    (2) Rp. intern., vo Impts , p. 138, no 5. Cfr G. Joseph, L. Hinnekens , J. Mal-herbe, J. van Hoorn Jr., Het Belgisch internationaal belastingrecht in ontwikkeling.Nieuwe wegen voor het Belgisch internationaal belastingrecht ?, 1993, spc. L. Hinne-kens, De territorialiteit van de inkomstenbelastingen op nieuwe wegen en grondsla-gen , pp. 3 et s.

    (3) Voy. O.C.D.E., Limposition des bnfices dans une conomie globale, Questionsnationales et internationales, Paris, 1991.

    (4) Sur la thorie de leffet direct, voy. not. C.J.C.E., 4 dcembre 1974, aff. no 41/74, Rec., 1974, p. 1337.

  • CHAPITRE PREMIER. DOUBLE IMPOSITION

    Section 1. Dfinitions

    Ltat qui a instaur un systme dimpts sur les revenus estconfront un double problme fiscal naissant des relations interna-tionales des contribuables.

    Il doit dfinir ltendue de sa juridiction fiscale.

    1. Imposera-t-il les personnes domicilies sur son territoire etles entreprises qui y ont leur sige sur leur revenu mondial, de sourcenationale et trangre, ou se bornera-t-il les imposer sur les revenustrouvant leur source dans le pays, laissant limposition des revenustrangers aux pays o ces revenus sont ns ?

    2. Imposera-t-il les personnes et les entreprises non rsidentessur les revenus qui trouvent leur source dans le pays ?

    Dans les deux cas, il faudra dfinir :

    la rsidence des contribuables ; la source des revenus.

    Trs normalement, un tat imposera ses rsidents sur leur revenumondial et les non-rsidents sur le revenu qui trouve sa source dansle pays.

    Cette imposition, pratique par plusieurs tats, peut engendrer unedouble imposition juridique internationale : la mme personne seraimpose sur le mme revenu dans ltat de sa rsidence et dans ltatde la source du revenu.

    Il y aura encore double imposition :

    si deux tats dfinissent diffremment le critre dassujettissementglobal limpt, rsidence ou nationalit : une mme personnesera, par exemple, considre comme rsidente par deux tats ;

    si deux tats dfinissent diffremment le critre dassujettissementrel limpt, savoir la source du revenu.

    La double imposition juridique doit tre distingue de la doubleimposition conomique, par laquelle un mme revenu est impos charge de deux sujets de droit diffrents : le bnfice dune socit est,

  • par exemple, impos dabord dans le chef de celle-ci, puis chargede lactionnaire lorsquil lui est distribu.

    La double imposition, nuisible aux relations conomiques interna-tionales, peut tre limine unilatralement par chaque tat quiprend, cette fin, les mesures appropries.

    Elle peut galement tre limine par des traits bilatraux ou mul-tilatraux.

    Section 2. Mthodes de prventionde la double imposition

    Deux mthodes permettent un tat, unilatralement (1) ou partrait, dviter la double imposition du premier type envisag.

    1. Exemption

    Un tat renonce imposer certains types de revenus.

    Ltat de la rsidence nimpose pas certains revenus de sourcetrangre, voire mme renonce imposer tous les revenus de sourcetrangre : il applique, dans ce dernier cas, la taxation selon le prin-cipe de la source ou de la territorialit des revenus.

    Ltat de la source dun revenu renonce limposer.

    Applique par ltat de la rsidence, la mthode de lexemptionrevt deux formes.

    Lorsquil pratique lexemption intgrale, ltat de la rsidencenglige compltement le revenu tranger exempt et ntablit limptque sur les autres revenus du contribuable.

    Lorsquil pratique lexemption avec rserve de progressivit, ilprend le revenu exempt en considration pour dterminer le tauxprogressif dimpt applicable aux revenus non exempts.

    2. Imputation

    Ltat de la rsidence permet ses contribuables dimputer surlimpt national limpt support ltranger sur leurs revenus desource trangre.

    droit fiscal international14

    (1) Voy. Juch, Rapport gnral, XXXVe Congrs international de droit financier etfiscal, Berlin, 1981, Les mesures unilatrales pour viter la double imposition , Cah.dr. fisc. int., 1981, vol. LXVIb, p. 47.

  • Limputation intgrale permet la dduction de limpt national dela totalit de limpt tranger.

    Limputation limite ou ordinaire ne permet la dduction de lim-pt tranger que dans la mesure o il ne dpasse pas le montant delimpt national affrent au revenu tranger.

    introduction 15

  • CHAPITRE II. LVASION FISCALEINTERNATIONALE

    La diversit des rgles et le cloisonnement des systmes nationauxpermettent aux plus habiles ou aux moins honntes de se placer dansune situation de double non-imposition.

    Le concept dvasion fiscale (tax avoidance) vise les hypothses derecherche de la voie la moins impose par une utilisation anormaleou excessivement habile des dfinitions lgales et de leurs lacunes.Certes, lvasion fiscale se retrouve en droit interne, le lgislateur fis-cal semblant ouvrir des chappatoires, presque intentionnellement.Mais elle est grandement facilite par lexistence des frontires.

    Lvasion se distingue de la fraude fiscale (tax evasion) qui, consti-tutive dun dlit, comportera, outre llment matriel, un lmentintentionnel dfini par la loi (dol gnral ou dol spcial).

    Elle se distingue aussi mais malaisment de la simple strat-gie fiscale (tax planning), qui consiste dans la recherche admissible dela voie la moins impose (1).

    Lvasion fiscale internationale est indissolublement lie lexis-tence de paradis fiscaux (tax havens ou Steueroasen), pays territoriale-ment exigus, politiquement stables et offrant des services bancaires etfinanciers aussi sophistiqus que discrets. Les enfers fiscaux susci-tent ou entretiennent ces paradis, comme dessein, souvent dans leurpropre zone montaire (2).

    (1) Voy. Kirkpatrick , La libert de la voie la moins impose la lumire de lajurisprudence rcente , in Lentreprise et le choix de la voie la moins impose en droitfiscal belge, 1988, p. 13 ; Saunders, Principles of International Tax Planning , TaxPlanning International Review, 1991, no 12, p. 22.

    (2) Pour une approche pratique et corrosive, voy. Chambost, Guide des paradis fis-caux face 1992, 1990-1991. Cfr. aussi Gordon, Tax Havens and their Use by UnitedStates Taxpayers An Overview. A Report to the Commissioner of Internal Revenue,the Assistant Attorney General (Tax Division), and the Assistant Secretary of the Trea-sury (Tax Policy), 12 janvier 1981 ; Calderwood, International : Tax Havens :Concept, Magnitude of Problems and Methods Used , Eur. Tax., 1988, p. 330 ;Valenduc, Tax Havens and Fiscal Degradation in the European Community , E.C.Tax Review, 1994, p. 20.

  • Le droit fiscal international sefforce de lutter contre lvasion et lafraude fiscales, soit par des mesures unilatrales dictes par les tats,soit par la voie de la coopration bilatrale ou multilatrale entretats.

    introduction 17

  • CHAPITRE III. TRAITS

    Lorsque deux pays, non contents de prendre des mesures unilat-rales pour viter la double imposition, concluent une convention fis-cale dans ce but, ladoption dun instrument international permetdabord dassurer, mieux que par le droit interne, llimination de ladouble imposition entre tat de la rsidence et tat de la source.

    Les tats dcideront en effet conventionnellement : de partager entre eux la matire imposable, certains lments du

    revenu ntant taxables que dans lun des deux pays ; dadopter, pour les lments qui peuvent tre imposs dans les

    deux pays, une mthode de prvention de la double imposition.Le contribuable sera ainsi protg contre les variations ou lasym-

    trie des lgislations internes.En outre, le trait permettra ldiction des dfinitions communes.

    Ainsi, en dfinissant la notion de rsidence ou la source de certainsrevenus, il vitera les deux occasions supplmentaires de doubleimposition voques ci-dessus : la double rsidence ; la localisation de la source dun revenu dans deux pays.

    Les traits ne sappliquent quaux impts quils numrent. Ainsi,aux tats-Unis, les traits ne couvrent que les impts fdraux et nonceux des tats de lUnion (1).

    Unitary taxation

    Certains tats de lUnion, tels la Californie, ont recouru, pourimposer les socits ayant une activit sur leur territoire, lapplica-tion, non de la mthode directe, base sur le bnfice de ltablisse-ment local, mais de la mthode proportionnelle : on impose une frac-tion du bnfice global de lentreprise, proportionnelle au chiffre daf-faires, aux actifs et aux rmunrations localiss dans ltat.

    De plus, le bnfice global comprend, dans le cas dun groupe, lebnfice de toutes les filiales engages dans la mme activit, mme

    (1) Lazerow, U.S. Taxes Covered by Income Tax Treaties , International TaxJournal, vol. 14, 1987-1988, pp. 253 et 363.

  • trangres (integrated economic unit). La Californie a cependantrcemment permis aux entreprises dopter pour la limitation de las-siette aux entits ayant une activit aux tats-Unis (waters edge) (1).

    Section 1. Historique

    1er. SDN

    Ds 1921, la Socit des Nations, consciente des problmes posspar la double imposition internationale, avait suscit des travaux des-tins y remdier. Ces travaux, poursuivis aprs 1929 par un Comitfiscal permanent, aboutirent la rdaction de modles de conventionsfiscales bilatrales (modles de Mexico, arrts en 1943, revus Londres en 1946).

    2. OCDE

    Cr en 1956, le Comit fiscal de lOrganisation europenne decoopration conomique (OECE), devenue en 1961, lOrganisation decoopration et de dveloppement conomique (OCDE), tablit en1963 un premier projet de convention tendant viter les doublesimpositions en matire dimpt sur le revenu et la fortune.

    Le Comit, devenu en 1971 Comit des affaires fiscales, entreprit,en 1967, la rvision de ce projet et aboutit en 1977 la rdaction dunnouveau modle de convention de double imposition concernant lerevenu et la fortune, modifi en 1992 (2).

    3. ONU

    Ces modles, sils taient adapts aux relations entre pays indus-triels, convenaient moins bien, certains gards, aux rapports entre

    introduction 19

    (1) Leegstra, Eager et Stolte, The California Waters-Edge Election , Interna-tional Tax Journal, vol. 14, 1987-1988, p. 101 ; Plant, Miller et Crawford, UnitedStates : California Unitary Taxation and Waters-Edge Election , Eur. Tax., 1989,p. 211 ; Burgner, United States : International aspects of state and local taxation ,B.I.F.D., 1990, p. 112.

    (2) Hund , Towards a revised OECD-model tax treaty ? , Intertax, 1989, p. 212 ;Lthi, The revision of the 1977 OECD model convention An overview , Inter-tax, 1992, p. 653 ; Messere , The 1992 OECD Model Treaty : The Precursors andSuccessors of the New OECD Model Tax Convention on Income and Capital , Eur.Tax., 1993, p. 246.

  • pays dvelopps et pays en dveloppement (1). Ltat de la sourcerenonait frquemment son droit dimposition ou le limitait unefaible retenue. Or, les transferts de revenus entre pays en dveloppe-ment et tats industriels ne sont gnralement pas quilibrs par larciprocit quentranent des activits conomiques comparables. Ilssont unilatraux, allant des pays en dveloppement vers les paysexportateurs de capitaux.

    Pour encourager la conclusion de conventions fiscales entre pays endveloppement et pays dvelopps, le Conseil conomique et social delOrganisation des Nations unies a, en 1967, pri le Secrtaire gnralde constituer un groupe de travail spcial.

    Le Groupe spcial dexperts des conventions fiscales entre paysdvelopps et pays en voie de dveloppement, cr en 1968, a, en1974, adopt avec son huitime rapport un modle de convention desNations unies concernant les doubles impositions entre pays dve-lopps et pays en dveloppement.

    4. Modles nationaux

    En outre, les tats-Unis ont dvelopp leur propre Trait modle(1981), actuellement retir pour rvision. Les Pays-Bas ont fait demme (2).

    La mondialisation de la fiscalit est reflte dans un audacieux pro-jet de code fiscal mondial, destin aux pays en dveloppement, ycompris les pays de lEst, rcemment publi (3) et critiqu (4).

    5. CEE

    Le Trait instituant les Communauts conomiques europennescontient galement des dispositions fiscales.

    droit fiscal international20

    (1) Tomsett, Tax Treaties Between Developing Countries of Asia and NorthAmerica, Europe, Japan and Australia , Tax Planning International Review, 1985,vol. 12, no 3, p. 9 ; Dornelles , The Relevance of Double Taxation Treaties forDeveloping Countries , B.I.F.D., 1989, p. 383.

    (2) Van Raad , The Netherlands model income tax treaty , Intertax, 1988, p. 241.(3) Hussey et Lubik, Basic World Taxe Code and Commentary, Tax Notes Interna-

    tional, 1992, p. 1191.(4) Edgar, The Tax Treatment of Interest under the Basic World Tax Code, Tax

    Notes International, 1993, p. 347. Pour des vues prospectives, cfr Williams, Trends inInternational Taxation, 1991 ; Gammie et Robinson (ed.), Beyond 1992 : A EuropeanTax System, Proceedings of the fourth IFS Residential Conference, Oxford, 1989.

  • Alors que lharmonisation des impts indirects a dj abouti cer-taines ralisations concrtes, lharmonisation des impts directsnavait t envisage par le Trait instituant la Communaut cono-mique europenne, sign Rome le 25 mars 1957, que de manireaccessoire.

    Seul larticle 220 du Trait envisage llimination de la doubleimposition lintrieur de la Communaut. Il laisse cependant auxtats membres le soin dengager entre eux des ngociations cettefin.

    La Commission a toutefois labor diffrentes propositions dedirectives en matire dharmonisation des impts directs (1).

    Elle stait alors fonde sur larticle 100 du Trait, non spcifique-ment fiscal, prvoyant le rapprochement des dispositions lgislatives,rglementaires et administratives des tats membres qui ont une inci-dence directe sur ltablissement ou le fonctionnement du marchcommun.

    Conformment cet article, les directives doivent tre prises lunanimit par le Conseil sur proposition de la Commission et aprsque le Parlement europen et le Comit conomique et social aient tconsults.

    Les orientations de la Commission ont volu.Laction de la Commission en matire dharmonisation des impts

    directs sest concrtise par llaboration de propositions de directivesconcernant les domaines suivants : rgime fiscal commun applicable aux fusions, scissions et apports

    dactifs intervenant entre socits dtats membres diffrents ; rgime fiscal commun applicable aux socits mres et filiales

    dtats membres diffrents ; statut des socits anonymes europennes ; harmonisation des systmes dimpt des socits et des rgimes de

    retenue la source sur les dividendes ;

    introduction 21

    (1) Thilmany, Lharmonisation des lgislations des tats membres de la C.E.E. enmatires dimpts directs, R.P.S., 1981, p. 173 ; Scrivener, European Communities :Harmonization of Tax Law within the Community , Eur. Tax., 1990, p. 355 ; Hamae-kers, The EC on the Brink of Full Corporate Tax Harmonization ? , Eur. Tax.,1992, p. 102 ; Timmermans, Harmonization of corporate tax within the EC , Inter-tax, 1992, p. 21 ; Ruding , Harmonization of Company Taxation in Europe , E.C.Tax Review, 1992, p. 68 ; Vanistendael, Some basic problems on the road to taxharmonization , Eur. Tax., 1993, p. 22 ; Mavraganis , EC, Corporate Income TaxHarmonization in the Nineties , B.I.F.D., 1993, p. 220 ; Sass, Harmonization ofCorporation Tax Systems in the EC , E.C. Tax Review, 1993, p. 77.

  • limination des doubles impositions dans le cas de correction desbnfices entre entreprises associes ;

    assistance mutuelle des autorits comptentes des tats membresdans le domaine des impts directs ;

    harmonisation des dispositions relatives limposition des revenusen relation avec la libre circulation des travailleurs lintrieur dela Communaut ;

    harmonisation des lgislations des tats membres relatives aurgime fiscal du report des pertes des entreprises ;

    rgime fiscal du groupement europen dintrt conomique ; harmonisation des rgles dterminant le bnfice imposable des

    entreprises (1).La Commission considre toujours que toute forme dimposition

    des entreprises est susceptible dentraner des distorsions conomiquesparce quelle peut donner lieu des dcisions relatives la localisa-tion, la nature et au financement des investissements qui nauraientpas t prises en dautres circonstances.

    Par consquent, pour assurer une neutralit fiscale complte, uneharmonisation totale des rgimes nationaux dimposition des entre-prises devrait tre envisage.

    Toutefois, la Commission souhaite aujourdhui se montrer rservesur cette harmonisation et laisser les tats membres libres de dtermi-ner leurs rgimes dimposition, sauf si ceux-ci entranent des distor-sions importantes.

    Elle a donc renonc son projet dtablir un impt uniforme dessocits lintrieur des frontires europennes.

    Entre-temps, elle a pris des mesures fiscales destines rsoudre lesproblmes fiscaux lis lachvement du march intrieur prvu pour1993 (2).

    droit fiscal international22

    (1) Cette proposition est demeure officieuse. Kuiper , European Communities :EC Commission Proposes a Directive on the Harmonization of Rules for the Determi-nation of Taxable Profits of Enterprises , Eur. Tax., 1988, p. 319.

    (2) van Thiel, Rattr et Mer , European Communities : Corporate IncomeTaxation and the Internal Market without Frontiers : Adoption of the Merger andParent-Subsidiary Directives , Eur. Tax., 1990, p. 326 ; Langbein et Rosenbloom , The direct investment tax initiatives of the European Community : a view from theUnited States , Intertax, 1990, p. 452 ; Cazieux, Les rcents dveloppements dudroit fiscal communautaire tat davancement des propositions fiscales en vue delachvement du grand march intrieur , Fiscalit europenne Revue, 1989, no 2, p. 3 ;Burgio, Une avance importante du droit fiscal europen : les textes adopts et pro-poss en matire de fiscalit des entreprises en 1990 , Fiscalit europenne Revue, 1990,no 4, p. 3 ; Fox , European Community Tax Directives , International Tax Journal,

  • Les directives adoptes ont t mises en vigueur dans la plupart destats membres (1) et de nouvelles propositions sont formules (2).

    La collaboration fiscale avec les pays de lEst a notamment donnnaissance un projet complet de code fiscal, uvre du professeurJoachim Lang, qui reprsente en soi un effort dharmonisation poten-tielle (3)

    Section 2. Rapports entre traitset droit interne

    Hirarchie des normes

    La question de la hirarchie des normes entre traits et droitinterne est classique en droit constitutionnel et international (4). Lespays anglo-saxons adoptent gnralement une conception dualiste,dans laquelle les traits sont considrs comme rgissant les relationsentre tats et nappartiennent pas comme tels lordre juridiqueinterne. Ils y sont introduits par une loi qui nest pas dun rang sup-rieur celui des autres dispositions lgislatives. Une loi postrieurepeut donc y droger mme si ltat, ce faisant, viole ses obligationsinternationales.

    Certains droits nuancent cette doctrine en faisant du trait une loispciale, laquelle les lois ordinaires ne sont censes droger que sielles lindiquent expressment. Tel est le cas en Allemagne o cettergle est codifie dans le 2 de lAbgabenordnung. La jurisprudencesuisse admet la mme solution (5).

    introduction 23

    vol. 17, 1990-1991, p. 45 ; de Hosson et Van Noordenne , Current Status of theImplementation of the Direct Tax Directives , E.C. Tax Review, 1992, p. 156.

    (1) Raby , National Implementation of the Parent-Subsidiary Directive : SomeProblems and Opportunities Identified , E.C. Tax Review, 1992, p. 216 ; Sass, Implementation of the EC Merger and Parent-Subsidiary Directives and the Arbitra-tion Convention , Tax Planning International Review, 1993, vol. 20, no 7, p. 3.

    (2) Thmmes, The new EC Commissions proposals for directives on cross-borderinvestments , Intertax, 1991, p. 158 ; Schelpe, Two New Proposals for a DirectiveAmending the Merger and Parent-Subsidiary Directives , E.C. Tax Review, 1993,p. 200.

    (3) Lang, Entwurf eines Steuergesetzbuchs im Auftrage der Bundesrepublik Deutsch-land vertreten durch den Bundesminister der Finanzen, Schriftenreihe des Bundesministe-riums der Finanzen, Heft 49, Bonn, 1993.

    (4) Langbein, Double Taxation Agreements : caught in the conflict betweenNational Law and International Law , Intertax, 1985, p. 145.

    (5) Vogel, Double Taxation Conventions, 1991, p. 18.

  • 1er. Droit compar

    A. tats-Unis

    Aux tats-Unis, tant la Constitution et les lois des tats-Unis queles traits conclus par ceux-ci forment le droit du pays (1). Les traitset les lois fdrales sont donc dun rang lgislatif gal. En cas deconflit, la disposition la plus rcente recevra application (2).

    Code de 1954

    Toutefois, il tait admis quune loi ne serait considre commedrogeant un trait que si lintention dy droger rsultait claire-ment du texte de la loi ou des travaux prparatoires (3). De plus,deux dispositions lgislatives particulires traitaient de ce problme.

    La section 7852 (d) de lInternal Revenue Code disposait qu au-cune disposition du prsent titre ne doit tre applique dans tous lescas o son application serait contraire une convention, conclue parles tats-Unis, en vigueur la date de la promulgation du prsenttitre . Cette disposition donnait aux seuls traits conclus avant len-tre en vigueur du Code de 1954 prminence sur les dispositions dece dernier. Lors de la rforme fiscale de 1986, qui aboutit la pro-mulgation du Code de 1986, les amendements prvus cette disposi-tion furent omis par erreur. Lapplication du texte voulait ds lorsque tous les traits postrieurs 1985 priment les dispositions ducode.

    Une autre disposition, la section 894 (a), prvoyait que les reve-nus de toute nature, dans la mesure requise par une conventionconclue par les tats-Unis, ne doivent pas tre inclus dans le revenubrut et doivent tre exempts dimpts [...] . Cette disposition assu-rait la prminence de tous les traits sur la loi, mais seulement dansla mesure o ils prvoyaient une exonration.

    Lois votes entre 1954 et 1986

    Bien entendu, ces deux dispositions taient elles-mmes de naturelgislative et il pouvait y tre drog. Ainsi, le Revenue Act de 1962,qui crait notamment les controlled foreign corporations, cartait lap-

    droit fiscal international24

    (1) Constitution des tats-Unis, art. VI, 2.(2) Reid. v. Covert, 354 US 1 (1956).(3) Cook v. US, 288 US 102 (1933).

  • plication de la section 7852 (d) pour les modifications quil apportaitau Code (1).

    Le Foreign Investors Tax Act de 1966 qui, supprimant notammentla force attractive de ltablissement stable, tait gnralement favo-rable au contribuable, assurait au contraire de faon gnrale la pr-minence des traits en vigueur sa date (2).

    Le Foreign Investment in Real Property Tax Act de 1980 incluaitau contraire une disposition cartant lapplication des sections 894 (a)et 7852 (d) aux rgles quil introduisait en vue de la taxation dans lechef des non-rsidents des plus-values sur immeubles et sur parts desocits holdings immobilires amricaines. Il prvoyait que lesclauses contraires des conventions cesseraient de sappliquer aprs le1er janvier 1985 (3). Le systme amricain de la prminence destraits sur les lois a donc toujours t une prminence tempo-raire (4).

    Lois de 1988

    Le Technical and Miscellaneous Revenue Act de 1988 (Tamra)modifie les sections 7852 (d) et 894 de faon renforcer la prmi-nence des lois postrieures aux traits sur ceux-ci, tout en clarifiantle domaine des modifications apportes aux traits par la rforme fis-cale de 1986.

    Il est dabord prvu, par un retour la disposition du Code de1954, que les traits antrieurs celui-ci conservaient leur pri-maut (5). En revanche, toute disposition postrieure au Code de1954 peut modifier ces traits.

    Le texte confirme galement la supriorit des lois postrieures surles traits antrieurs, mais en prvoyant expressment que pourdterminer la relation entre la disposition dun trait et une loi fiscaledes tats-Unis, ni le trait ni la loi naura un statut prfrentiel enraison de leur nature de trait ou de loi . Il nest donc plus nces-saire de prouver lintention spciale du Congrs de droger untrait. Au contraire, afin de faire prvaloir un trait sur une loi post-

    introduction 25

    (1) 31.(2) 110.(3) Cons. McDaniel & Ault, Introduction la fiscalit internationale amricaine,

    1982, p. 195.(4) Gest, Limposition des bnfices des socits franaises aux tats-Unis, 1979,

    p. 19.(5) 7852 (d) (2).

  • rieure, il faudrait fournir la preuve ngative de lintention du Congrsde ne pas droger au trait lors du vote de la loi. Une telle preuveest pratiquement impossible (1).

    Dautre part, la section 894 a t amende pour spcifier quellesappliquerait en ayant dment gard aux obligations des tats-Unis rsultant des traits applicables aux contribuables, avec rf-rence la section 7852 (d). Cette disposition perd ainsi tout effetpropre (2). La loi prcise quelles sont les dispositions de la rformede 1986 qui drogent aux traits : il sagit des limitations lutilisa-tion du crdit dimpt tranger pour limpt ordinaire (3) et pourlimpt alternatif minimum (4).

    En revanche, la loi prvoit la prminence des traits sur les dispo-sitions suivantes de la rforme fiscale de 1986 :

    assujettissement limpt de certaines bourses dtudes (5) ;

    imposition dune retenue la source de 4 % sur certains revenusdrivs du transport et amendement des rgles dexonration rci-proques applicables certains revenus drivs du transport pardes non-rsidents (6) ;

    amendements lexonration dimpt applicable aux gouverne-ments trangers (7) ;

    traitement comme revenu effectivement li une activit daffairesamricaine du gain rsultant de la vente dactifs utiliss dans uneactivit daffaires amricaine aprs sa cessation dans certaines cir-constances (8) ;

    cration de nouvelles rgles de source concernant le revenu dutransport (9) et les paiements effectus par les socits dites 80/20 (10), sauf toutefois dans la mesure o ces rgles sont utilisespour dterminer lutilisation du crdit dimpt tranger ;

    droit fiscal international26

    (1) Sanderson Schade, Tax Treaty Overrides , in The Technical and Miscella-neous Revenue Act of 1988, B.I.F.D., 1989, p. 215.

    (2) Ibid., p. 216.(3) Tax Reform Act of 1986, 1201.(4) 701.(5) 123.(6) 1212 (b) et (c).(7) 1247.(8) 1242.(9) 1212 (a).(10) 1214.

  • application de la branch level interest tax traitant comme revenude source amricaine lexcdent de lintrt pay par les succur-sales de socits trangres sur lintrt dduit (1) ;

    rduction de la proportion de revenus amricains entranant ladbition dune retenue la source amricaine sur les paiements dedividendes effectus par une socit trangre (2) ;

    dfinition de la source du revenu tir de certaines ventes de biensimmobiliers (3).

    En raison de la complication de la situation ainsi cre, la loioblige le contribuable qui considre, pour la rdaction de sa dclara-tion, quun trait carte lapplication dune disposition de droitinterne, rvler cette prise de position dans sa dclaration ou, dfaut de dclaration, en informer ladministration fiscale (4). Lesrglements dapplication peuvent droger cette disposition pour cer-taines catgories de situations.

    Lois de rforme fiscale de 1986

    La loi de rforme fiscale amricaine de 1986 avait rgl elle-mmeun problme particulirement important de conflit entre les disposi-tions nouvelles et les traits. Avant la loi, une retenue la source de30 % en principe tait due sur les dividendes pays par une socittrangre ds lors que plus de la moiti de son revenu brut, pendanttrois ans prcdant lanne de paiement des dividendes, tait effective-ment lie une activit daffaires amricaine. La retenue la sourcesappliquait la portion des dividendes attribuable au revenu effecti-vement li lactivit daffaires amricaine.

    La rforme substitue cette second level withholding tax une taxesur les profits des succursales amricaines de socits trangres(branch profits tax), applicable la partie de ces profits qui est lqui-valent dun dividende (dividend equivalent amount). Ce montant estgal aux gains et profits de la socit trangre effectivement lis son activit daffaires aux tats-Unis, rduits par limpt sur cesgains et par toute augmentation dactif net amricain (US net equity)et augments par toute diminution dactif net amricain (5).

    introduction 27

    (1) 1241 : IRC 884 (f) (1) (A).(2) IRC 861 (a) (2) (B).(3) 1211 : IRC 865.(4) IRC 6114.(5) Tax reform act of 1986, 1241 : IRC 884.

  • La clause conventionnelle de non-discrimination interdisant detraiter les tablissements stables dune socit de ltat cocontractantde faon moins favorable que les entreprises amricaines, contenue,par exemple, dans le trait existant entre les tats-Unis et la Belgique,interdit clairement le prlvement dune branch tax. Dans ce cas, laloi prvoit que la taxe ne sera pas applique.

    Si le trait permet la perception dune second level withholding taxsur les dividendes, elle sappliquera. En droit commun, le seuil derevenus effectivement li une activit daffaires amricaine dclen-chant le paiement de cette taxe a t abaiss 25 %. Le cas chant,le taux prvu par la convention se substituera au taux de droitinterne. De mme, la quotit dclenchant le paiement de la taxe seracelle qui est prvue par le trait.

    Le trait ne sera pas appliqu dans les situations dfinies commetant des situations de treaty shopping, cest--dire quand plus de50 % de la valeur des actions de la socit trangre sont dtenus pardes personnes qui ne sont pas des rsidents de ltat cocontractant ouquand 50 % ou plus des revenus de la socit trangre sont utilisspour couvrir des dettes vis--vis de personnes qui ne sont pas des rsi-dents de ltat co-contractant. Une exception existe si les titres de lasocit sont cots ou si les titres de sa socit mre sont cots. Demme, un rglement dapplication peut prvoir les cas o les action-naires ne sont pas considrs comme pratiquant le treaty shopping.

    Dans une situation de treaty shopping, si le trait prvoit lapplica-tion de la second level withholding tax sur les dividendes, celle-ci seraapplique. Si son application nest pas possible, par exemple parceque le seuil de profit conventionnel nest pas atteint par ltablisse-ment stable amricain de la socit trangre, la branch tax sappli-quera.

    Lorsquun trait permet lapplication de la branch tax, mais enlimite le taux, le taux rduit sappliquera, sauf dans une situation detreaty shopping.

    Si le trait ne prvoit pas expressment le prlvement dune branchtax, mais ne linterdit pas davantage, la branch tax sera perue autaux prvu pour les retenues la source sur dividendes dinvestisse-ments directs. Le taux de 30 % sera toutefois appliqu en cas de

    droit fiscal international28

  • treaty shopping. Le trait conclu entre les tats-Unis et le Grand-Duch de Luxembourg tombe dans cette dernire catgorie (1).

    B. France et pays du Benelux

    Lorsquun accord international ne peut constituer une sourcedirecte de droits et dobligations pour les particuliers, lordre juridi-que interne et lordre international forment deux systmes spars(dualisme). Dans les autres cas, les deux ordres juridiques se trouventdans une relation dintgration (monisme).

    Dans certains pays monistes , la Constitution tablit une prioritdes traits sur les lois, parfois sous rserve de rciprocit. Telle est largle de larticle 55 de la Constitution franaise de 1958. Pendantlongtemps, le Conseil dtat sest estim incomptent pour examinerla conformit dune loi un trait antrieur, en vertu du principe dela sparation des pouvoirs (2). Il considrait toutefois les traits fis-caux comme des lois spciales par rapport la plupart des lois votespar le Parlement franais. Il ny a donc pas dexemple dapplicationde cette jurisprudence au contentieux fiscal (3).

    En 1989, le Conseil dtat a abandonn sa jurisprudenceancienne (4).

    Dans les pays du Benelux, seule la Constitution nerlandaise tablitexpressment la prminence des traits internationaux sur les loisinternes dans les termes suivants :

    Binnen het Koninkrijk geldende wettelijke voorschriften vinden geen toepas-sing indien deze toepassing niet verenigbaar is meer eenieder verbindende bepalin-gen van verdragen en van besluiten van volkenrechtelijke organisaties (art. 94).

    Au Grand-Duch, la Cour suprieure de justice reconnut ds 1954la prminence des dispositions dun trait international sur cellesdune loi interne, mme postrieure (5).

    En Belgique, un arrt de la Cour de cassation du 26 novembre1925 est considr comme confirmant, dans le conflit entre traits etlois postrieures, le principe lex posterior priori derogat. Alors que le

    introduction 29

    (1) Cfr Delta , New branch profits tax, chapter 62 in The Tax Reform Act of1986, vol. II, Detailed analysis, Tax Management, 1987 , p. 62 : 1 7 ; Ferrigoldet Berg, Whither The Branches ? , Tax Law Review, vol. 44, p. 247.

    (2) Cons. t. fr., 1er mars 1968, Syndicat gnral des fabricants de semoule deFrance, A.J.D.A., 1968, p. 235.

    (3) Gest et Tixier, Droit fiscal international, 2e d., 1990, p. 64.(4) Cons. t. fr., 20 octobre 1989, Nicolo, R.J.F., 11/1989, no 1266.(5) Cour suprieure de justice du Grand-Duch de Luxembourg, 14 juillet 1954 et

    note P. De Visscher, R.C.D.I.P., 1955, p. 296.

  • Trait de Versailles excluait les ressortissants allemands qui pouvaientacqurir la nationalit dune puissance allie lissue dun plbiscitedes mesures relatives la mise sous squestres des biens ennemis, laloi belge du 17 novembre 1921 avait priv les Sarrois du bnfice decette disposition. La Cour de cassation estimait quil appartient aulgislateur belge, lorsquil dicte des dispositions en excution duneconvention internationale, dapprcier la conformit des rgles quiladopte avec les obligations liant la Belgique par trait ; que les tribu-naux nont pas le droit de refuser dappliquer une loi pour le motifquelle ne serait pas conforme, prtendument, ces obligations (1).

    Un arrt de la Cour de cassation du 27 mai 1971, en cause Froma-gerie Franco-Suisse le Ski, marqua, dans le sens dune doctrine quasiunanime, un revirement complet par rapport la jurisprudenceancienne. Une loi belge avait, en violation de larticle 12 du Trait deRome, interdisant lintroduction de prlvements quivalent desdroits de douane, tabli des droits sur limportation de produits lai-tiers. La Cour de cassation estima :

    Que, mme lorsque lassentiment un trait, exig par lar-ticle 68, alina 2, de la Constitution, est donn dans la forme duneloi, le pouvoir lgislatif, en accomplissant cet acte, nexerce pas unefonction normative ;

    que le conflit qui existe entre une norme de droit tablie par untrait international et une norme tablie par une loi postrieure, nestpas un conflit entre deux lois ;

    [...] que la rgle daprs laquelle une loi abroge une loi antrieuredans la mesure o elle la contredit est sans application au cas o leconflit oppose un trait et une loi ;

    [...] que, lorsque le conflit existe entre une norme de droit interneet une norme de droit international qui a des effets directs danslordre juridique interne, la rgle tablie par le trait doit prvaloir ;

    que la prminence de celle-ci rsulte de la nature mme du droitinternational conventionnel (2).

    droit fiscal international30

    (1) Cass., 26 novembre 1925, Pas., 1926, I, 76.(2) Cass., 27 mai 1971, Pas., I, 886, J.T., 1971, p. 460 ; cfr Salmon, Le conflit

    entre le trait international et la loi interne en Belgique la suite de larrt rendu le27 mai 1971 par la Cour de cassation , J.T., 1971, p. 509.

  • Quelques combattants darrire-garde proposrent, en labsencedune cour constitutionnelle, de renvoyer les conflits entre lois ettraits aux chambres lgislatives (1).

    2. Prservation des avantagesdu droit interne

    Limpt est peru sur base des dispositions du droit interne. Lesconventions fiscales internationales ont pour objet de limiter le droitdes tats percevoir limposition prvue par leur loi nationale lors-que lapplication de celle-ci conduirait une double imposition. Enprsence dun trait, il ny a donc lieu imposition que si, outre lesconditions du droit interne, celles du trait sont runies (2).

    On dduit gnralement de ces considrations un principe de subsi-diarit des traits par rapport au droit interne.

    Lorsque les moyens tirs de la loi nationale suffisent rsoudre leproblme pos, il ny a pas lieu dexaminer ceux qui sont dduits desconventions (3).

    De ce principe se dduit celui de la non-aggravation de la situationdu contribuable par les traits ou de la prservation des avantagesaccords par la loi interne. Si le droit interne accorde une exonrationl o le trait permet au pays concern dimposer, aucune impositionne pourra rsulter du seul trait.

    Les tats-Unis ont introduit en ce sens dans leur trait modle unedisposition reprise dans la plupart des conventions signes par eux : Les dispositions de la prsente convention ne restreindront en rienles exonrations, abattements, crdits ou autres dductions qui sontou seront accords :

    a) par les lois de lun des tats contractants oub) par tout autre accord intervenu entre les tats contractants (4) .

    introduction 31

    (1) Proposition de loi de M. Kempinaire , Doc. parl., Ch. repr., 1971-1972, no 200/1,27 avril 1972 ; cfr R. Senelle, De onschendbaarheid van de wet , R.W., 1971-1972,641 et la critique de J.-V. Louis, Le droit belge et lordre juridique international ,J.T., 1972, p. 437.

    (2) Vogel, Double Taxation Conventions, 1991, pp. 11-12.(3) Plagnet, Droit fiscal international, 1986, p. 44 ; Gest et Tixier, Droit fiscal

    international, 2e d., 1990, p. 65 ; Rivier , Droit fiscal international, p. 106 ; Vogel, op.cit., p. 75 ; Cons. t. fr., 19 dcembre 1975, Droit fiscal, 1976, no 27, Comm. 925,concl. Fabre ; Cons. t. fr., 1er fvrier 1978, Droit fiscal, 1978, no 41, Comm. 1551,concl. Rivier .

    (4) Trait modle amricain, 16 juin 1981, art. 1.2. ; Convention belgo-amricaine,art. 28 ; Convention entre les Pays-Bas et les tats-Unis, art. 25.1.

  • Un texte du mme genre se trouve dans les conventions signes parles tats-Unis en matire de droits de succession. Ainsi, la conventiondu 15 juillet 1969 entre les Pays-Bas et les tats-Unis, relative laprvention de la double imposition en matire de droits de successionet donation prvoit : Behoudens voor zover in deze Overeenkomstanders is bepaald, heft iedere Staat zijn belasting en verleent hij vrijs-tellingen, aftrekken, verrekeningen en andere tegemoetkomingen inovereenstemming met zijn wetgeving (1).

    La mme convention prvoit toutefois (2) : Verrekeningen : Ver-rekeningen die op grond van dit artikel worden verleend treden inplaats van, en worden niet verleend naast een verrekening die opgrond van de onderscheidene wetgevingen van de Staten wordt ver-leend voor de belasting van de andere Staat .

    Ainsi, en excution du trait existant entre le Canada et les tats-Unis, le transporteur tait exonr dimpt dans le pays de la sourcesur les revenus tirs de transports entre des points situs dans le paysde la source et dans le pays de sa rsidence. En droit amricain, lesdpenses lies des revenus exonrs ntaient pas dductibles. Untransporteur canadien, disposant dune succursale aux tats-Unis,prfra dclarer son revenu tir de transports, qui aurait normale-ment t exonr, parce que ses dpenses dpassaient ses revenus. Ilfut dcid, en application de la clause de prservation des avantagesde droit interne figurant dans le trait, quil avait ce droit (3).

    Aux tats-Unis, cette conception est en conformit avec le droitconstitutionnel : les mesures fiscales doivent trouver leur origine auCongrs, alors que les traits sont conclus par le Prsident avec leconsentement du Snat. Il serait donc critiquable quun trait puissecrer une aggravation dimpt (4).

    Ladministration franaise est rticente admettre une doctrinegnrale de la non-aggravation (5). Cette position sexplique sansdoute par lexistence dune disposition spciale rservant la Francele droit de taxer tout revenu dont limposition lui est attribue parune convention internationale relative aux doubles impositions (6).

    droit fiscal international32

    (1) Art. 5.1.(2) Art. 11.7.(3) Rev. Rul., 80-147, 1980, 23 IRB 16.(4) Vogel, Double Taxation Conventions, 1991, art. 1.44, p. 76.(5) Gest et Tixier, Droit fiscal international, 2e d., 1990, p. 67.(6) C.G.I., art. 4bis, 2o, 165bis et 209 i, introduit par lart. III de la loi du

    28 dcembre 1959.

  • Cette disposition na quune porte limite : elle ne sappliquera pasen prsence dune exonration gnrale, mais jouera uniquementdevant une exonration base sur la localisation du revenu. Son butest en effet dviter les doubles exonrations. Elle ne sappliquera passi le droit dimposer a t attribu expressment la France, non acontrario, en raison de la non-attribution de ce droit lautre tatcontractant (1). Son application sera carte par des clauses conven-tionnelles du type de celle qui est prvue par le trait modle amri-cain et qui est dailleurs reprise dans les conventions franco-amri-caines (2).

    Une telle clause est ncessaire dans un pays qui, comme la France,applique limpt des socits la rgle de la territorialit, lorsquellechoisit le crdit dimpt comme mthode dlimination de la doubleimposition. Quand la France accorde un crdit dimpt pour limptpay ltranger par un tablissement stable, il faut quelle taxe cerevenu, ce que son droit interne ne prvoit pas (3).

    Saving clause

    La clause permettant un tat contractant de taxer ses ressortis-sants ou ses rsidents comme si la convention ntait pas envigueur (4) lgitime, dans ce cas, la prdominance de la loi interne surle trait et restreint considrablement la porte de celui-ci.

    Les tats-Unis acceptent en gnral dexclure de lapplication decette clause deux sries de dispositions conventionnelles. La premirevise des dispositions concernant tant les nationaux que les trangersrsidant aux tats-Unis : entreprises associes, pensions, prventionde la double imposition, non-discrimination et procdure amiable. Laseconde concerne les seuls trangers : fonctions publiques, tudiants,agents diplomatiques et consulaires (5), nexcluant de son applicationque les rmunrations publiques et les pensions. Le trait modleamricain veut inclure parmi les contribuables viss par la rserve detaxation nationale les citoyens qui ont perdu leur nationalit dans unbut dvasion fiscale, du moins pendant une priode de dix ans.

    introduction 33

    (1) Gest et Tixier, Droit fiscal international, 2e d., 1990, p. 67.(2) Convention franco-amricaine de 1967 concernant les impts sur le revenu et la

    fortune, art. 22, 3 ; convention franco-amricaine de 1978 concernant les droits desuccession et de donation, art. 12.

    (3) Cfr par exemple Convention franco-turque de 1987, art. 7.1. et 23.(4) Trait modle amricain, art. 1.3.(5) Convention belgo-amricaine, art. 23.1. ; Convention amricano-nerlandaise,

    art. 19.1.

  • Le citoyen amricain qui, rsidant ltranger, peroit un revenuexonr par le trait, sera nanmoins tax aux tats-Unis sur base desa nationalit. Il pourra alors se prvaloir du crdit dimpt trangerqui est prvu par la convention.

    3. Interprtation des traits fiscaux

    Lorsque lun des tats parties une convention fiscale appliquelquivalence entre traits et lois, son Parlement pourra droger autrait. Il en rsultera une situation claire de violation de celui-ci ou,le cas chant, de dnonciation implicite.

    Trs frquemment, le problme ne se posera pas sous la forme dunconflit direct, mais mettra en jeu linterprtation dune disposition dedroit interne quun contribuable estimera contraire au trait, alorsque ladministration la jugera conforme celui-ci.

    Il sagira alors dinterprter le trait. Dans les pays du Benelux, lestribunaux se reconnaissent le pouvoir dinterprter les traits. Le jugefranais, au contraire, surseoit en principe statuer sur linterprta-tion des traits en la renvoyant au ministre des Affaires trangres.Cette rgle a toutefois t fortement attnue. Le juge administratifrecourt frquemment la thorie de lacte clair, lorsque la dispositionconventionnelle appliquer a un sens clair et certain. La Cour de cas-sation ne met dexception la comptence judiciaire que si la ques-tion dinterprtation pose un problme de droit international publicqui risque de susciter un incident diplomatique. Il en sera ainsi desclauses dimmunit fiscale (1).

    Les rgles dinterprtation des conventions fiscales seront en pre-mier lieu dduites, comme celles de tous traits internationaux, de laConvention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traits (2), donton admet trs largement quelle a codifi la pratique internationaleexistante. Daprs larticle 31 de la Convention, un trait doit treinterprt de bonne foi suivant le sens ordinaire attribuer auxtermes du trait dans leur contexte et la lumire de son objet et deson but.

    Le contexte comprend les accords conclus loccasion du trait etles instruments mutuellement accepts ayant rapport celui-ci.

    droit fiscal international34

    (1) Gest et Tixier, Droit fiscal international, 2e d., 1990, pp. 97-100.(2) La Convention de Vienne du 23 mai 1969 a t ratifie en Belgique par la loi

    du 10 juin 1992 (M.B., 25 dcembre 1993) ; elle sapplique tous les traits conclus parla Belgique partir du 1er octobre 1992.

  • Outre le contexte, il sera tenu compte daccords et pratiques ult-rieurs appliquant ou interprtant le trait.

    En revanche, il ne pourra tre recouru des moyens complmen-taires dinterprtation, tels que les travaux prparatoires ou les cir-constances dans lesquelles le trait a t conclu, que si linterprtationreste ambigu ou obscure ou conduit un rsultat absurde ou drai-sonnable (art. 32).

    Lorsquun trait existe en plusieurs langues et quune diffrence desens apparat dans les textes authentiques, lon adoptera, dfautdune interprtation satisfaisante, le sens qui, compte tenu de lobjetet du but du trait, concilie le mieux les textes (art. 33).

    Les traits prventifs de la double imposition en matire dimptssur le revenu et la fortune, conclus selon le modle de lOCDE,contiennent toutefois une clause particulire selon laquelle, pourlapplication de la convention par un tat contractant, toute expres-sion qui ny est pas dfinie a le sens que lui attribue le droit de cettat concernant les impts auxquels sapplique la convention, moins que le contexte nexige une interprtation diffrente (1).

    La principale question que pose cette disposition est de savoir silfaut se rfrer, pour linterprtation du trait, la lgislation interneen vigueur lors de la signature du trait (interprtation statique ouhistorique) ou sil faut tenir compte des modifications ultrieures dudroit interne des tats contractants (interprtation volutive).

    Certains auteurs tiennent pour une interprtation strictement histo-rique. Ils se fondent souvent sur larrt rendu par la Cour suprmedu Canada, en cause Melford (2). Une loi canadienne postrieure la convention germano-canadienne avait inclu parmi les intrts sou-mis retenue la source les commissions de garantie. La Coursuprme, tout en admettant le pouvoir du Parlement de modifier uneloi introduisant un trait dans lordre juridique interne, a considrque seule une loi drogeant expressment la convention internatio-

    introduction 35

    (1) Modle OCDE, art. 3.2., version 1977. La version 1963 se rfrait au sens attri-bu aux termes par la lgislation de ltat. Shannon, United States income taxtreaties : References to domestic law for the meaning of undefined terms , Intertax,1989, p. 453. Sur le modle 1992, cfr van Reaad , 1992 additions to articles 3 (2)(interpretation) and 24 (non-discrimination) of the 1992 OECD model and commen-tary , Intertax, 1992, p. 671.

    (2) The Queen v. Melford Developments Inc., 1982, DTC 6281 ; Boidman, Canada : Supreme Court interprets Canada-Germany tax treaty Intertax, 1983,p. 17 ; Langbein, The overriding of tax treaties by national legislation or : the Mel-ford case revisited A German view , Intertax, 1987, p. 4.

  • nale pouvait tre interprte dans le sens souhait par ladministra-tion. Interprtant la disposition du trait renvoyant au droit interne,la Cour a estim que les dispositions comprenant une nouvelle dfini-tion des procdures et mcanismes de taxation concernant un revenunon taxable aux termes du trait ntaient pas comprises dans le droitinterne tel que vis par celui-ci. La Cour a ajout que linterprtationcontraire reviendrait autoriser la modification unilatrale du traitpar chaque pays. Cette motivation peut se lire autrement que commepar une simple rfrence linterprtation historique des dispositionslgales en vigueur lpoque du trait.

    Quoi quil en soit, la dcision a t suivie dune loi canadienneadoptant linterprtation volutive sous rserve du recours aucontexte du trait.

    La rgle dinterprtation historique a t trs clairement dfinie parM. Leenaerts : In Belgi [...] moet elke latere wijziging, hoe duide-lijk ook, van een nationale rechtsterm gencorporeerd in een dubbelbelastingverdrag, buiten toepassing blijven m.b.t. de werking van ditverdrag : de historische intepretatie die in het licht van voorwerp endoel van het dubbel belastinverdrag als enig aanvaardbare moet wor-den weerhouden geniet na de receptie van het verdrag in de Belgischerechtsorde absolute voorrang totdat het verdrag op de daarinbepaalde wijze wordt beindigd (1).

    La majorit des commentateurs se rallie une interprtation volu-tive des dispositions de droit interne dans le cadre de larticle 3.2. dela Convention modle de lOCDE. Les termes non dfinis par letrait seront pris dans le sens que leur donne la loi interne lpoqueo linterprtation est ncessaire et non lpoque de la signature dutrait, sous une double rserve, expresse et implicite. Daprs lestermes du trait mme, linterprtation donne par le droit internepeut tre contraire au contexte de la convention, si celui-ci exige uneinterprtation diffrente. On y ajoute gnralement une limitationimplicite, selon laquelle une modification du droit interne ne pourraitaltrer lquilibre ou la substance du trait ou encore, comme certainstraits le prvoient, lors du renvoi un rgime interne de crdit dim-pt, affecter le principe gnral quon souhaite appliquer. Il sagiraitdonc, mme en labsence de textes, dune interprtation volutivelimite. Il est probable que, dans toutes les conventions qui limitent

    droit fiscal international36

    (1) Leenaerts, De voorrang van de verdragen bij fiscale normenconflicten. Tref-zeker uitgangspunt of toevallige uitkomst ? , Fiskofoon, 1984, p. 78.

  • le recours au droit interne par les existences du contexte, une limita-tion de linterprtation volutive peut se dduire dune clause expressesans recours une restriction implicite (1).

    La pratique dmontre que lapplication concrte de ces rgles din-terprtation demeure extrmement difficile. On en verra plus loinquelques exemples emprunts notamment aux modifications de lalgislation belge.

    Nous examinerons ci-aprs : la dfinition de la rsidence des personnes physiques et des

    socits ; limposition des diffrentes catgories de revenus lorsquils sont

    soit dorigine trangre, soit attribus des non-rsidents. cette occasion, les rgles de source propres chaque catgorie de

    revenus seront voques, ainsi que le mode de prvention de ladouble imposition gnralement appliqu ces revenus.

    Compte tenu de luvre commune qui rsulte de lapplication gn-ralise des conventions modles, les principes de ces conventionsseront exposs en premier lieu. Le droit interne de la Belgique seraexamin par une comparaison avec ces principes.

    Des lments de droit compar seront ensuite voqus.

    introduction 37

    (1) Dans le sens de linterprtation volutive, cfr ltude approfondie dAvery Joneset al., The interpretation of tax treaties with particular reference to article 3.2. of theOECD model , British Tax Review, 1984, p. 13, laquelle ont particip pour le Bene-lux, MM. Depret et Ellis ; Avery Jones, Article 3 (2) of the OECD Model Conven-tion and the Commentary to it : Treaty Interpretation , Eur. tax., 1993, p. 252 ; dansle mme sens, Vogel, Double Taxation Conventions, 1991, art. 3.67, pp. 138-139 ; Gestet Tixier, Droit fiscal international, 2e d., 1990, p. 105 ; van Raad , Interpretatie vanbelastingverdragen , MBB, 1978, p. 49 ; Peeters, De interpretatie van dubbelbelas-tingovereenkomsten , T.F.R., 1993, pp. 188-190.

  • PREMIRE PARTIE

    CONCEPTSJURIDICTIONNELS

  • TITRE PREMIER

    RSIDENCE

    SOUS-TITRE PREMIER

    DROIT CONVENTIONNELGNRAL

    CHAPITRE PREMIER. PERSONNESPHYSIQUES

    1er. Critre principal

    La Convention OCDE renvoie en principe au droit interne destats contractants pour dfinir la notion de rsidence.

    Le rsident dun tat sera celui qui y est assujetti limpt en rai-son de son domicile, de sa rsidence ou dun autre critre de natureanalogue. Il y est assujetti intgralement limpt, en raison dun lienpersonnel avec ltat concern.

    Appliquant un critre analogue, un tat pourrait par exemple assu-jettir limpt celui qui y sjourne pendant un certain temps. Ladouble imposition natra de la coexistence de dfinitions diffrentesde la rsidence ou dinterprtations concurrentes de la mme notion.

    Le Trait modle amricain ajoute ces critres la nationalit (1).La Convention OCDE exclut des rsidents dun tat les personnes

    qui ny sont assujetties limpt que sur les revenus trouvant leurssource dans le pays. Tel sera parfois le cas des agents diplomatiqueset consulaires trangers.

    (1) La nationalit est parfois utilise comme critre anti-abus. Un citoyen nerlan-dais dplaant son foyer dhabitation permanent dans la zone frontalire belge, maistravaillant dans la zone frontalire nerlandaise reste imposable aux Pays-Bas sur sesrmunrations (Protocole la convention belgo-nerlandaise, point XI modalisant lar-ticle 15, 3, 1o). Il ny a l ni discrimination arbitraire, ni violation du principe dga-lit (C.A., 16 octobre 1991, FJF, no 91/211).

  • La Convention ONU ne reprend pas cette limitation, voulantconserver la qualit de rsident aux contribuables dun tat lorsquecelui-ci impose uniquement les revenus de source interne.

    2. Critres subsidiaires : prventionde la double rsidence

    La double rsidence sera vite par lapplication de critres subsi-diaires lun par rapport lautre (tie-breakers) (1) : la disposition dun foyer dhabitation permanent, cest--dire am-

    nag de faon durable ; la localisation du centre des intrts vitaux, caractris par lexis-

    tence des liens personnels et conomiques les plus troits : rela-tions familiales et sociales, occupations, activits politiques etculturelles, sige des affaires ; ce critre sappliquera la personnequi a un foyer dhabitation dans les deux tats ;

    le lieu du sjour habituel : ce critre sappliquera :l la personne qui a un foyer dhabitation dans deux tats et

    dont on ne peut dterminer le centre des intrts vitaux ;l au double rsident qui na de foyer dhabitation dans aucun des

    deux tats ; la nationalit.

    Si le double rsident a la nationalit des deux tats ou na la natio-nalit daucun deux, sa rsidence sera dtermine par la voie de laprocdure amiable.

    droit fiscal international42

    (1) Avery Jones, Dual residence of individuals : the meaning of the expression inthe OECD model convention , British Tax Review, 1981, pp. 15 et 104 ; id., Ladouble rsidence des personnes physiques : linterprtation de cette notion dans laconvention modle de lOCDE , Fiscalit europenne Revue, 1981, no 6 et 1982, no 1 ;van Raad , International : Dual Residence , Eur. Tax., 1988, p. 241.

  • CHAPITRE II. PERSONNES MORALESET GROUPEMENTS SANS PERSONNALIT

    JURIDIQUE

    1er. Critre principal

    La Convention OCDE incluant parmi les personnes les per-sonnes physiques, les socits et tous autres groupements de per-sonnes, la rsidence de ces deux derniers types de contribuables seradtermine par leur assujettissement limpt sur base de leur sigede direction ou dun critre analogue.

    Les tats-Unis notamment y ajoutrent le lieu denregistrement(place of incorporation).

    2. Critres subsidiaires

    La Convention OCDE rsout le conflit de rsidence des personnesmorales et groupements en faveur du pays du sige de direction effec-tive (1).

    Le Trait modle amricain lui prfre le pays denregistrement.Les conventions fiscales internationales recourent trois concepts.Le terme personne comprend les personnes physiques, les

    socits et autres groupements de personnes (2).Le terme socit dsigne toute personne morale ou toute entit

    qui est considre comme une personne morale aux fins dimposi-tion (3).

    Le terme rsident dun tat contractant dsigne, en dehors despersonnes physiques, toute personne qui, en vertu de la lgislation de

    (1) Voy. Rivier , Rapport gnral, XLIe Congrs international de droit financier etfiscal, Bruxelles, 1987, La rsidence fiscale des socits , Cah. dr. fisc. int., 1987,vol. LXXIIa, pp. 38-39 ; van Gennep , Dual-Resident Companies : The Second Sen-tence of Article 4(1) of the OECD Model Convention of 1977 , Eur. Tax, 1991,p. 141 ; Ebenroth et Daiber , Germany (Federal Republic) : Dual-Resident Compa-nies under German Law , Eur. Tax., 1990, p. 175 ; id., Germany (Federal Repu-blic) : The Real Seat Theory Revisited , ibid., p. 323 ; Betten, Netherlands : Dual-Resident Companies and the Netherlands Dividend Tax Again , ibid., p. 257.

    (2) Convention OCDE, art. 3.1.a.(3) Convention OCDE, art. 3.1.b.

  • cet tat, y est assujettie limpt en raison de son sige de directionou dun critre de nature analogue (1).

    La question de savoir si une entit ou un groupement est un sujetdimpt distinct doit tre rsolue selon le droit interne de chaquetat (2).

    Que se passe-t-il quand un groupement est considr comme unsujet dimpt distinct dans un tat et pas dans lautre ?

    Sil est sujet dimpt dans le pays de son sige, mais que ltat dela source impose les associs directement, ltat de la source devrareconnatre aux associs le bnfice du trait conclu avec le pays dusige, peine de vider de sens le droit du groupement dinvoquer letrait (3).

    Si le groupement est sujet dimpt dans le pays de la source, maisnon dans celui de son sige, lapplication du trait ne pourrait trecarte au motif que le groupement ne serait pas rsident du pays deson sige. peine de ne donner aucun effet la reconnaissance dugroupement comme personne, il faut considrer comme rsident toutgroupement qui, sil tait imposable, serait imposable sur lensemblede ses revenus (4).

    Cette interprtation audacieuse permettrait une association belgesans personnalit juridique de revendiquer lapplication duneconvention conclue par la Belgique avec un pays o elle serait traite,pour son imposition la source, comme un sujet dimpt.

    3. Exclusions

    Parfois, afin de contrecarrer lvasion fiscale, certaines socits rsi-dentes de ltat cocontractant sont exclues du bnfice de la conven-tion ou des rductions de retenue la source :

    les holdings luxembourgeoises ;

    droit fiscal international44

    (1) Convention OCDE, art. 4.1.(2) Vogel, Double Taxation Conventions, 1991, art. 1/23, pp. 65-66.(3) Vogel, op. cit., art. 1/24, p. 67. Vogel estime que, si les associs rsident dans

    un autre pays li par un trait au pays de la source, ils pourront invoquer le trait leplus favorable. Nous ne pouvons le suivre sur ce terrain. Lapplication juridiquementjustifie du trait conclu avec le pays du sige carte la possibilit dappliquer le traitconclu avec le pays des associs, si les deux traits sont rdigs en termes identiques.

    (4) Vogel, Double Taxation Conventions, 1991, art. 1/25, pp. 67-68.

  • certaines socits suisses contrles par des personnes ne rsidantpas en Suisse (1).

    concepts juridictionnels 45

    (1) Convention belgo-suisse, art. 22, conforme dailleurs la lgislation internesuisse visant prvenir labus des conventions.

  • SOUS-TITRE II

    DROIT BELGE

    CHAPITRE PREMIER. PERSONNESPHYSIQUES

    Section 1. Droit interne

    1er. Dfinitions

    En droit interne belge, sont considres comme habitants duroyaume les personnes physiques qui ont tabli en Belgique leurdomicile ou le sige de leur fortune (1).

    Sont soumis limpt des non-rsidents et non limpt des per-sonnes physiques ceux qui nont tabli en Belgique ni leur domicileni le sige de leur fortune.

    La mme dfinition est donne par larticle 1er du Code des droitsde succession (2). Elle correspond celle qui tait donne par lar-ticle 37, 2, des lois coordonnes relatives aux impts sur les revenuspour lapplication de limpt complmentaire personnel, issu lui-mme de larrt royal du 22 fvrier 1935 (3). Lexpos des motifsprcise, sub article 37, que les non-habitants du royaume sont ceuxqui nont pas tabli en Belgique leur domicile ou le sige de leur for-tune (4).

    MM. Schreuder (5) et Donnay (6) notamment ont dmontr quecette dfinition trouvait son origine dans la loi du 27 dcembre 1817sur les droits de succession, adopte sous le rgime hollandais. Unepremire version de la loi voulait imposer la succession de lhabitantdu royaume sans distinction sil est tabli depuis peu ou depuis

    (1) C.I.R., art. 3.(2) A.R. 31 mars 1936.(3) Expos des motifs de la loi de rforme fiscale, sub art. 2, Pasin., 1962, p. 1321.(4) Id., Pasin., 1962, p. 1345.(5) Lhabitant du royaume , Ann. not. enr., 1967, pp. 6-33.(6) Succession (Droit de), Lhabitant du royaume , Rec. gn., 1975, no 21936,

    p. 223.

  • longtemps sur le territoire du royaume, ni sil a en mme temps undomicile fixe en pays tranger .

    Ce texte fut repouss par crainte de voir rapparatre lancien droitdaubaine, susceptible dattirer les reprsailles de pays trangers. Unenouvelle dfinition fut cherche dans un arrt royal du 25 juin 1817sur la milice, composant celle-ci des habitants du royaume, cest--dire de ceux qui ont tabli dans le royaume leur domicile et le sigede leur fortune . Le lgislation fiscal substitua toutefois la conjonc-tion et la conjonction ou .

    Cette dfinition a t applique par larrt de la Cour de cassationdu 7 septembre 1965 en cause Derks (1). Le pourvoi tait dirigcontre un arrt de la Cour dappel de Lige qui avait relev que lerequrant, rsidant Monaco, tait propritaire dimmeubles situsen Belgique et de la quasi-totalit des titres de socits belges, tantladministrateur-prsident de lune de ces socits. La Cour de cassa-tion rejeta le pourvoi, estimant :

    Que larrt dduit lgalement de ces constatations souveraines en fait que ledemandeur, bien quayant pris domicile ltranger, a le sige de sa fortune enBelgique ;

    Quainsi, par la constatation de lexistence de lune des conditions alternative-ment prvue par larticle 37, 2, des lois coordonnes, larrt justifie lgalement laqualit dhabitant du royaume du demandeur .

    Si lunit du domicile fiscal est ainsi remise en cause (2), on ne peuttoutefois identifier le sige de la fortune la situation matrielle desbiens, mais au lieu o ils sont administrs. Ce dernier concidera, saufcas exceptionnels, avec le domicile.

    Un arrt plus rcent de la Cour de cassation le dmontre (3). Unredevable avait t considr comme habitant du royaume aux seulsmotifs quil y avait gard une domiciliation administrative et unimmeuble o rsidaient sa femme et ses enfants, aux besoins desquelsil subvenait par un compte en banque belge.

    La Cour de cassation accueillit le pourvoi, considrant que : Aux termes de larticle 3 du Code des impts sur les revenus, est

    un habitant du royaume celui qui a tabli en Belgique son domicileou le sige de sa fortune ;

    droit fiscal international48

    (1) Pas. 1966, I, 34, J.P.D.F., 1965, p. 327, obs. Baltus, Rec. gn., 1966, no 20972,p. 354, obs. M.D.

    (2) Baltus, note sub arrt prcit, J.P.D.F., p. 331.(3) Cass., 7 fvrier 1979, Prade, Pas., I, 673, J.D.F., 1979, p. 411. Comp. Garabe-

    dian, Limpt successoral belge et lextranit , in Verwilghen et De Valkeneer(d.), Relations familiales internationales, 1993, p. 391.

  • Que si les lments de fait permettant de dterminer lexistence decette situation relvent de lapprciation souveraine du juge du fond,en revanche, leur qualification seffectue sous le contrle de la Cour ;

    Que, au sens de la loi fiscale, le domicile est un domicile de fait,caractris ncessairement par une certaine permanence ou conti-nuit, et le sige de la fortune, lendroit, caractris naturellement parune certaine unit, do elle est gre ;

    Que les motifs que le moyen reproduit et sur lesquels larrt sefonde pour affirmer la qualit dhabitant du royaume dans le chef dudemandeur, ne justifient pas lgalement cette dcision .

    Cette position rejoint celle des juridictions de fond.

    Une ancienne dcision considrait dj que des absences tempo-raires plus ou moins longues dun lieu dtermin ne sont pas exclu-sives de la conservation du domicile fiscal en ce lieu et que leBelge qui, pour une dure limite, prend du service dans la Colonie,tout en gardant en Belgique sa demeure o il laisse sa femme et sesenfants, doit tre considr comme momentanment absent de sondomicile belge (1).

    La Cour dappel de Bruxelles eut connatre du recours de lem-ploy dune socit belge, radi des registres belges de la population,mais propritaire dun appartement qui restait sa disposition lors deses retours de mission et titulaire dun compte belge o ses fondstaient dposs. Lorsquil ntait pas en mission, il exerait ses fonc-tions en Belgique pour le mme employeur. Pour la cour, il faut enconclure que le requrant na jamais manifest lintention ou lavolont de transfrer son domicile et le sige de sa fortune ltran-ger et quil a conserv en Belgique le centre de ses intrts et y aconserv son domicile (2).

    De mme, celui qui est envoy par la socit Solvay faire un sjourde formation de dix mois aux tats-Unis sans rupture de son contratdemploi et alors que la socit prend en charge ses frais de voyageet dinscription aux cours et lui alloue une indemnit forfaitaire resteun habitant du royaume :

    Le requrant na pas eu lintention de transporter ltranger lesige principal de ses affaires ;

    concepts juridictionnels 49

    (1) Dc. 12 dcembre 1914, Rec. gn., 1920, no 15608, p. 19 ; Donnay , Succession(Droit de), Lhabitant du royaume , Rec. gn.,1975, no 21936, p. 241, no 9.

    (2) Bruxelles, 21 octobre 1976, J.D.F., 1977, p. 260.

  • Son sjour essentiellement temporaire aux tats-Unis ne peut treconsidr comme une installation permanente dans ce pays ;

    Le sige de ses affaires est rest situ en Belgique (1).

    La notion de domicile fiscal a t lobjet de dveloppements juris-prudentiels et doctrinaux rcents.

    Traditionnellement, le domicile dune personne physique est le lieuo elle habite dune manire effective et continue, o elle tablit sonfoyer familial, ainsi que le sige de ses activits professionnelles et deses intrts patrimoniaux.

    Face aux situations de plus en plus frquentes o ces divers l-ments constitutifs ne convergent pas vers un seul endroit, il sestavr ncessaire de leur octroyer une pondration selon leur impor-tance relative afin de dterminer lappartenance de la personne uneseule juridiction fiscale.

    Ainsi lhabitation permanente est-elle un lment prpondrant : Le domicile fiscal est un domicile de fait caractris par une cer-taine permanence ou continuit (2).

    La notion de permanence nest cependant pas clairement dfinie.

    La loi prvoit en effet quune personne peut tre traite commenon rsidente alors quelle sjourne en Belgique pendant toute unepriode imposable (3).

    Lexamen de la jurisprudence ne permet pas de dterminer le tempsque doit durer un sjour afin de rpondre lexigence de permanencede lhabitation.

    La Cour dappel de Bruxelles a en effet conclu dans certains casrcents la qualit de non-habitant du royaume pour des Belgesayant exerc une activit professionnelle ltranger pendant despriodes de deux huit ans (4).

    Il a par ailleurs t dcid quun sjour professionnel de trois ans ltranger navait pas suffi faire dune personne un non-rsi-dent (5). Le pourvoi contre cette dernire dcision a t rejet parlarrt prcit du 15 novembre 1990 de la Cour de cassation.

    droit fiscal international50

    (1) Lige, 2 mai 1972, Rec. gn., 1974, no 21774, p. 100.(2) Cass., 30 juin 1983, Pas., I, 1226, F.J.F., no 83/189 ; Cass., 15 novembre 1990,

    Pas., 1991, I, 280, R.G.F., 1991, p. 218.(3) C.I.R., art. 244.(4) Bruxelles, 13 mars 1990, 15 mai 1990 et 25 septembre 1990, R.G.F., 1991,

    pp. 216 et s.(5) Bruxelles, 21 mars 1989, F.J.F., no 89/167.

  • Le critre de la situation du foyer familial doit galement tre prisen considration.

    cet gard, sil est prsent admis que la qualit dhabitant duroyaume est dtermine pour les poux ut singuli et non plus demanire globale et commune, il convient dexaminer, au regard dl-ments de fait, si, quoiquils aient des lieux dhabitation spars, lespoux nen ont pas moins un domicile ou foyer familial commun.

    Ainsi, lorsque la sparation sexplique par le fait que chacundentre eux exerce une profession ou par des raisons de sant oudducation des enfants, il est admis quil ny ait pas de foyer familialet, partant, que lun des poux soit habitant du royaume et lautrenon (1).

    Lorsque la sparation nest pas ainsi justifie, les deux pouxseront rattachs un domicile commun considr comme leur foyerfamilial, nonobstant le fait que lun dentre eux habite effectivement ltranger (2).

    Ainsi, si lhabitation effective, condition quelle soit rellementdurable et quelle napparaisse pas comme un sjour limit unecourte dure, forme un critre suffisant, le poids du foyer familialdevient plus important dans lapprciation du domicile de fait lorsquela dure de lhabitation personnelle dans une juridiction fiscale dis-tincte diminue (3).

    Le sige de la fortune apparat dans le texte de la dfinition lgaledhabitant du royaume comme un critre alternatif celui de domi-cile. Cette notion ne dsigne pas la situation matrielle des biens,mais plutt le lieu do ils sont grs, ce dernier concidant souventavec le lieu de lhabitation effective et du foyer familial (4).

    Dans ltat actuel de la jurisprudence, le sige de la fortune estretenu comme un lment suffisant en soi, indpendamment desautres critres voqus ci-dessus.

    Cette interprtation du texte lgal est toutefois vivement critique.

    concepts juridictionnels 51

    (1) Mons, 14 mars 1984, F.J.F., no 84/189 ; Bruxelles, 13 mars 1990, 15 mai 1990 et25 septembre 1990, R.G.F., 1991, pp. 216 et s. ; Mons, 10 avril 1992, R.G.F., 1993,p. 29, obs. L. Hinnekens .

    (2) Bruxelles, 21 mars 1989, F.J.F., no 89/167 ; cass., 15 juillet 1990, R.G.F., 1991,p. 218.

    (3) L. Hinnekens , Nouvelles tendances de la jurisprudence relative la notiondhabitant du royaume , R.G.F., 1991, p. 211.

    (4) Cass., 28 octobre 1982, F.J.F., no 83/41 ; cass., 30 juin 1983, F.J.F., no 83/189 ;cass., 15 novembre 1990, Pas., 1991, I, 280, R.G.F., 1991, p. 218.

  • M. Hinnekens (1) considre notamment que le sige de la fortunene peut confrer la qualit dhabitant du royaume que lorsque il estnon seulement distinct, mais dune importance telle quil doit nces-sairement prvaloir sur le domicile effectif et le foyer familial.

    Linscription au registre national ne constitue quune prsomptionde qualit dhabitant du royaume qui peut tre renverse par des l-ments de fait, comme dit ci-dessus.

    La nouvelle rglementation relative linscription au registre de lapopulation, qui prvoit que les administrations locales doivent vri-fier le bien-fond des demandes dtablissement dune rsidence prin-cipale, devra emporter une certaine unification de la notion de domi-cile en droit civil et en droit fiscal. La loi du 19 juillet 1991 relativeaux registres de la population (2) dfinit la rsidence civile principalecomme tant le lieu o vivent habituellement les membres dunmnage compos de plusieurs personnes unies ou non par des liensde parent (3). Larrt royal dexcution du 16 juillet 1992 (4) pr-cise, quant lui, en son article 16, 1er, que la dtermination de larsidence principale se fonde sur une situation de fait, cest--dire laconstatation dun sjour effectif dans une commune pendant la plusgrande partie de lanne.

    Cette constatation seffectue sur la base de diffrents lments,notamment le lieu que rejoint lintress aprs ses occupations profes-sionnelles, le lieu de frquentation scolaire des enfants, le lieu de tra-vail, les consommations nergtiques et les frais de tlphone, lesjour habituel du conjoint ou des autres membres du mnage .

    Il apparat donc que la qualit dhabitant du royaume doit tre ta-blie au moyen dune pondration des diffrents lments constitutifs(domicile de fait, foyer familial, sige de la fortune, registre national)en accordant une prfrence lhabitation individuelle, conditionquelle soit suffisamment durable.

    2. Prsomption lgale

    La loi a introduit une prsomption, selon laquelle sont considrsavoir tabli en Belgique leur domicile ou le sige de leur fortune ceux

    droit fiscal international52

    (1) L. Hinnekens , Nouvelles tendances de la jurisprudence relative la notiondhabitant du royaume , R.G.F., 1991, p. 214.

    (2) M.B., 3 septembre 1991.(3) Art. 3.(4) M.B., 15 aot 1992.

  • qui sont inscrits au registre national des personnes physiques (1). Ceregistre reproduit les donnes figurant au registre de la population etau registre des trangers tenus dans chaque commune ainsi que dansles registres tenus dans les missions diplomatiques et les consulatsbelges ltranger (2).

    Cette prsomption peut tre renverse. La tche de ladministrationsera simplifie, puisque celui qui affirme tre non-rsident, bienquinscrit au registre, devra communiquer ladministration les cir-constances de fait propres son cas.

    Le Conseil dEtat est sans comptence pour se prononcer sur lacontestation concernant la dtermination du domicile fiscal. Commece dernier a une influence sur le montant de limpt, le contribuabledoit suivre la voie de la rclamation porte devant le directeur descontributions (3).

    3. Agents diplomatiques et consulaires

    Les agents diplomatiques et consulaires belges accrdits ltran-ger sont considrs comme ayant la qualit dhabitants du royaumeet sont donc soumis galement limpt des personnes physiques.

    Sont exclus du champ dapplication de limpt des personnes phy-siques et inclus ds lors, sous rserve des exonrations applicables,dans celui de limpt des non-rsidents :

    1o les diplomates et consuls de carrire trangers accrdits en Bel-gique ;

    2o sous condition de rciprocit, les autres membres du personnel decarrire de la mission diplomatique ou consulaire trangre et silsne sont pas Belges, les membres de leur famille vivant leurfoyer ;

    3o sous condition de rciprocit, les agents dtats trangers, de leurssubdivisions et dtablissements publics trangers, sils ne sont pasBelges et nexercent pas leur fonction dans le cadre dune activitindustrielle ou commerciale (4).

    concepts juridictionnels 53

    (1) C.I.R., art. 3, 2.(2) Loi du 8 aot 1983 sur le registre national des personnes physiques, art. 2.(3) Cons. t., 11 septembre 1985, no 25.605, F.J.F., no 86/39.(4) C.I.R., art. 4. Cfr Van den Einde, Aperu des privilges diplomatiques,

    consulaires et internationaux en matire dimpts sur les revenus et de taxe de circula-tion , Bull. contr., 1988, 1re partie : no 677 spcial, p. 1 et 2e partie : no 688 spcial,p. 147.

  • Ces rgles sont lapplication des conventions internationales sur lesrelations diplomatiques et consulaires et dautres conventions sur lesprivilges et immunits.

    Le lgislateur semble avoir oubli dexclure les pouses et membresde la famille des diplomates et consuls eux-mmes.

    Section 2. Droit conventionnel

    Les conventions fiscales internationales suivront le modle delOCDE, dfinissant le rsident dun tat contractant comme toutepersonne qui, en vertu de la lgislation de cet tat, y est assujettie limpt en raison de son domicile, de sa rsidence ou de tout autrecritre de nature analogue (1).

    Pour cette dtermination, la Belgique pourra donc appliquer saprsomption lgale.

    Toutefois, un conflit de rsidences sera rsolu par lapplication,lun dfaut de lautre, des critres conventionnels de rattachementqui sappliqueront indpendamment de la prsomption :

    foyer dhabitation permanent ; centre des intrts vitaux, identifi aux liens personnels et cono-

    miques ; sjour habituel ; nationalit (2).

    Les normes conventionnelles de solutions de conflit de rsidencesnont quun rle limit : elles rgissent la rpartition entre les deuxtats contractants du droit dimposer les revenus du contribuable.

    Si la Belgique, conventionnellement, nest pas ltat de la rsi-dence, elle doit renoncer imposer les revenus dont limposition estattribue ltat de la rsidence et limiter conformment la conven-tion la taxation des revenus quelle peut taxer en tant qutat de lasource.

    Toutefois, ds lors que le pouvoir de taxer un revenu lui est attri-bu par la convention, le droit interne belge retrouve son empire : lecontribuable qui, pour lapplication de la convention, est un rsidentde lautre tat, sera, sur ses revenus imposables en Belgique, taxcomme un habitant du royaume.

    droit fiscal international54

    (1) Convention OCDE, art. 4.1.(2) Convention OCDE, art. 4.1.

  • Il sera impos limpt des personnes physiques, non limpt desnon-rsidents. Les revenus dont limposition est attribue lautretat seront pris en considration pour fixer le taux de limpt belge.

    Pour lapplication dautres conventions, conclues par exemple entrela Belgique et un tat do le contribuable tirerait des revenus, il seraconsidr comme un rsident belge (1).

    concepts juridictionnels 55

    (1) Com. Conv., 4/02 ; Vogel, Double Taxation Conventions, 1991, art. 4/13,pp. 150-151.

  • CHAPITRE II. SOCITS

    1er. Socits rsidentes

    Une socit, une association, un tablissement ou un organismequelconque possde son domicile fiscal en Belgique ds lors quil y a :

    soit son sige social ou son principal tablissement ; soit, lorsquil sagit dune socit qui na pas proprement parler

    de sige social ou de principal tablissement, son sige de direc-tion ou dadministration (1).

    Le sige qui est constitutif de domicile fiscal est donc un sige defait et non un sige de droit, le lieu o sexerce la direction de lasocit. Normalement, cette direction manera du conseil dadminis-tration et de lassemble gnrale et le lieu des runions de cesorganes sera indicatif du lieu o est tablie la direction. Il nen esttoutefois pas ncessairement ainsi. Si le sige statutaire ne concidepas avec le principal tablissement de la socit, cest ce dernier quisera dterminant : lindication dun sige dans les statuts nexprime eneffet que lintention dune socit dtablir son principal tablissementen Belgique. Il faudra voir si elle sest confirme dans les faits.

    Ont t considres comme assujetties limpt des socits en Bel-gique :

    une socit belge ayant ltranger un sige administratif, mmesi elle y traitait presque toutes ses affaires, ce sige ntant quunsige dexploitation soumis au contrle du sige social belge (2) ;

    une socit de droit congolais ayant son sige social Lopold-ville, parce que les assembles gnrales se tenaient au sige admi-nistratif de Bruxelles et que les administrateurs et administrateursdlgus y exeraient leurs fonctions (3) ;

    une socit luxembourgeoise dont la correspondance manaitdune adresse belge, dont le fond de pouvoir exerait son activit

    (1) C.I.R., art. 2, 2, 2o. Lagae, De migratie van vennootschappen en de Bel-gische inkomstenbelastingen , in Liber Amicorum E. Krings, 1991, p. 1031.

    (2) Bruxelles, 27 dcembre 1937 et 11 juillet 1938, Antwerpia III, Bull. contr., 144,pp. 372 et 139, p. 148.

    (3) Cass., 16 dcembre 1955, Pas., 1956, I, 376.

  • principalement en Belgique, dont lactionnaire tait une banqueluxembourgeoise spcialise dans la cration de holdings et dontlactivit principale consistait en la dtention dune crance surune socit belge (1) ; tel sera souvent le cas des socits botesaux lettres constitues dans les paradis fiscaux. La doctrine esttoutefois divise ce sujet : si les organes sociaux se runissenteffectivement ltranger et se bornent excuter les instructionsdun rsident belge, faut-il donner la priorit la direction for-melle ou la direction effective (2) ?

    une socit franaise dont ladresse du sige social en France cor-respondait une simple bote aux lettres, qui nexerait aucuneactivit daffaires en France, alors quelle tait en relation daf-faires constante avec une socit belge : les administrations fis-cales belge et franaise taient daccord de considrer la socitcomme rsidente de la Belgique (3). La consquence, en lespce,tait que la rmunration du grant devenait taxable.

    Souvent, le statut mme des socits privilgies tablies dans cer-tains paradis fiscaux implique quelles soient diriges au dpart dunautre pays. Il sera alors difficile de prtendre quelles ny ont pas leurprincipal tablissement.

    Dans le cas o une socit formellement belge, concessionnaire demines au Portugal, tait en fait dirige par ladministrateur-dlgutabli dans ce pays, le conseil dadministration et lassemble gnralequi se runissaient Bruxelles ne faisant quentriner les dcisions deladministrateur-dlgu, il a t jug que cette socit ntait pas sou-mise limpt sur les socits belges, ntant pas dirige partir dela Belgique.

    Pour la Cour, la prsence du sige social statutaire en Belgique necre quune prsomption ; la loi vise une situation relle plutt quunesituation formelle ou fictive (4).

    concepts juridictionnels 57

    (1) Bruxelles, 9 avril 1963, Perfita, Rev. fisc., 1964, p. 229.(2) Pour la premire solution, voy. Afschrift, La constitution dune personne

    morale de droit tranger dans lunique but dluder limpt belge , Mlanges offerts Raymond Vander Elst, Bruxelles, 1986, p. 39.

    (3) Lige, 9 novembre 1988, Bull. contr., 1991, no 709, p. 2243.(4) Bruxelles, 29 juin 1982, Mines dAljustrel, F.J.F., no 82/119.

  • 2. Socits trangres

    A. Droit interne

    Sont soumises limpt des non-rsidents les socits qui nont pasen Belgique soit leur sige social, soit leur principal tablissement ouleur sige de direction ou dadministration et qui se livrent uneexploitation ou des oprations de caractre lucratif autres que cellesqui permettent une association sans but lucratif dchapper lim-pt des socits.

    Ces socits sont imposables dans deux hypothses :

    lorsquelles ont la personnalit juridique ; lorsque, sans possder la personnalit juridique, elles sont consti-

    tues sous une forme juridique analogue celles que vise lar-ticle 2, 2, du Code. La loi vise donc toutes les socits et toutesles organisations de droit belge, rgies par le Code de com-merce socits de capitaux et socits de personnes ou pardautres textes (socit agricole, groupement dintrt conomi-que, etc.) (1).

    Si une socit trangre a la personnalit juridique, elle sera impo-se comme telle limpt des non-rsidents, mme si, dans le pays deson sige, elle est traite comme fiscalement transparente et si limptest tabli charge de ses associs.

    Si une socit trangre na pas la personnalit juridique, encorefaudra-t-il vrifier si elle nest pas constitue sous une forme analogue celle dune socit ou dun organisme belge dot de la personnalitjuridique.

    Cette rgle vise sans doute viter la difficult que rencontre letaxateur lorsque le concept de personnalit juridique tranger diffredu concept belge. Elle permettrait, par exemple, dimposer dessocits en nom