Droit Fiscal General

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1 DROIT FISCAL GENERAL Introduction I.- La notion d’impôt. Le nom impôt et le verbe imposer expriment on ne peut mieux le poids de la contrainte qui s’abat sur le redevable. Sous la révolution, le terme employé était contribution, qui suggère davantage une participation du citoyen au fardeau commun de la dépense publique. Aujourd’hui l’impôt peut être défini comme un prélèvement à caractère obligatoire et sans contrepartie, qui est perçu au profit d’une collectivité publique. Il sera perçu en fonction des facultés contributives des citoyens. Il doit être distingué de la taxe fiscale, qui s’analyse comme un prélèvement tout aussi obligatoire mais perçu à l’occasion de la prestation d’un service par la collectivité publique (mais sans proportion entre le montant de la taxe et la valeur du service rendu). Il doit être distingué de la redevance qui est le prix d’un service rendu par une entité publique au client qui en fait la demande (prix de l’entrée dans un musée par ex.). Elle se distingue par son mode de création, réglementaire, et par le fait qu’elle est en principe proportionnelle au service rendu, ce qui n’est pas le cas de la taxe fiscale. Le législateur manque toutefois parfois de rigueur dans ses dénominations puisqu’il qualifie de taxes des impôts (TVA, Taxe professionnelle), ou de taxe des redevances et inversement (redevance télévision). Enfin, il doit être distingué des taxes parafiscales, qui sont régies par l’ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances. Celles-ci sont doublement hybrides, par leur but d’abord, puisqu’elles sont perçues dans un but d’intérêt économique ou social mais au profit d’une personne morale de droit public ou privé autre que l’Etat, les collectivités territoriales et leurs établissements publics administratifs ; par leur régime juridique ensuite, puisqu’elles sont créées par décret, mais leur perception au-delà du 31 décembre de l’année d’imposition est subordonnée à leur inscription dans un état annexe à la loi de finances de l’année, ce qui permet une ratification par le parlement. Les taxes parafiscales stricto sensu comprennent la redevance télévision, parce que perçue au profit des chaînes publiques, et des prélèvements à finalité corporative qui sont perçus sur les ventes d’un secteur économique pour financer des actions communes de recherche ou de promotion. Envisagé lato sensu, le vocable de parafiscalité recouvre toutes les cotisations sociales, c’est-à-dire un domaine qui est économiquement mille fois plus important. On notera enfin que l’évolution des concepts est radicale puisque les impôts français les plus récents- la contribution sociale généralisée (CSG) et la contribution au remboursement de la

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Cours de Droit fiscal niveau L3 Droit en date de 2010 / 2011. Cours relatif aux principales recettes fiscales de l'Etat. Par exemple l'impôt sur le revenu ou encore l'impôt sur les sociétés.

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DROIT FISCAL GENERAL

Introduction

I.- La notion d’impôt.

Le nom impôt et le verbe imposer expriment on ne peut mieux le poids de la contrainte qui s’abat sur le redevable. Sous la révolution, le terme employé était contribution, qui suggère davantage une participation du citoyen au fardeau commun de la dépense publique. Aujourd’hui l’impôt peut être défini comme un prélèvement à caractère obligatoire et sans contrepartie, qui est perçu au profit d’une collectivité publique. Il sera perçu en fonction des facultés contributives des citoyens.

Il doit être distingué de la taxe fiscale, qui s’analyse comme un prélèvement tout aussi obligatoire mais perçu à l’occasion de la prestation d’un service par la collectivité publique (mais sans proportion entre le montant de la taxe et la valeur du service rendu).

Il doit être distingué de la redevance qui est le prix d’un service rendu par une entité publique au client qui en fait la demande (prix de l’entrée dans un musée par ex.). Elle se distingue par son mode de création, réglementaire, et par le fait qu’elle est en principe proportionnelle au service rendu, ce qui n’est pas le cas de la taxe fiscale. Le législateur manque toutefois parfois de rigueur dans ses dénominations puisqu’il qualifie de taxes des impôts (TVA, Taxe professionnelle), ou de taxe des redevances et inversement (redevance télévision).

Enfin, il doit être distingué des taxes parafiscales, qui sont régies par l’ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances. Celles-ci sont doublement hybrides, par leur but d’abord, puisqu’elles sont perçues dans un but d’intérêt économique ou social mais au profit d’une personne morale de droit public ou privé autre que l’Etat, les collectivités territoriales et leurs établissements publics administratifs ; par leur régime juridique ensuite, puisqu’elles sont créées par décret, mais leur perception au-delà du 31 décembre de l’année d’imposition est subordonnée à leur inscription dans un état annexe à la loi de finances de l’année, ce qui permet une ratification par le parlement.

Les taxes parafiscales stricto sensu comprennent la redevance télévision, parce que perçue au profit des chaînes publiques, et des prélèvements à finalité corporative qui sont perçus sur les ventes d’un secteur économique pour financer des actions communes de recherche ou de promotion. Envisagé lato sensu, le vocable de parafiscalité recouvre toutes les cotisations sociales, c’est-à-dire un domaine qui est économiquement mille fois plus important.

On notera enfin que l’évolution des concepts est radicale puisque les impôts français les plus récents- la contribution sociale généralisée (CSG) et la contribution au remboursement de la

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dette sociale (CRDS)- ne sont pas perçus au profit d’une collectivité publique mais des entités privées (URSSAF) qui gèrent le financement des régimes de sécurité sociale et des allocations familiales. La frontière entre les différentes notions tend donc à devenir plus floue.

II.- Les buts de l’impôt.

L’impôt poursuit conjointement deux séries de finalités.

Une mission essentielle, la collecte des fonds nécessaires à l’accomplissement des missions de l’Etat d’abord. Le pouvoir fiscal représente ainsi un des attributs essentiels de la souveraineté de l’Etat et celui-ci n’y renoncera que rarement : à preuve le refus des EM de l’UE d’abandonner le principe de l’unanimité ou encore l’âpreté qui imprègne la négociation des conventions internationales de lutte contre la double imposition.

Une mission plus contemporaine et plus volontaire des gouvernements ensuite qui traduit une volonté d’interventionnisme fiscal. Ce fut d’abord la redistribution sociale : l’impôt est perçu avec une intensité confiscatoire sur les contribuables riches, les sommes ainsi collectées étant affectées par l’Etat à la réalisation de dépenses sociales destinées à améliorer les sort des citoyens économiquement faibles. L’intention est généreuse mais le résultat pas toujours celui attendu. Ainsi en est-il de l’ISF, peu rentable économiquement, et auquel on reproche d’inciter certaines fortunes à s’expatrier.

La deuxième ambition fut d’attribuer à l’impôt un rôle de régulation conjoncturelle, en d’autres termes de le faire participer à la régulation des grands équilibres : lutter contre l’inflation, stimuler l’activité, contribuer au plein emploi. Là aussi l’expérience peut être décevante car les entreprises n’investissent pas davantage du seul fait que le législateur leur consent de nouvelles incitations fiscales, de même que les ménages n’adapteront pas toujours leur volume de consommation en fonction du poids de l’impôt. La confiance joue ici un rôle beaucoup plus décisif que les réformes fiscales.

La dernière ambition est plus modeste, plus contemporaine, moins volontariste et davantage marquée au coin de l’idéologie néo-libérale, c’est la neutralité de l’impôt . Un impôt neutre a pour vertu de ne pas peser sur le choix des opérateurs, lesquels se détermineront en fonction d’une rationalité économique et non pas sous l’influence de tel ou tel avantage fiscal. L’analyse du système fiscal français recèle ainsi quelques illustrations intéressantes de cette ambition comme le régime de déduction de la TVA pour les commerçants ou celui de l’imposition des bénéfices pour les entrepreneurs.

Toutefois si la neutralité est une ambition, elle ne peut être absolue. Justement parce que l’Etat est néolibéral, il ne peut pas orienter les comportements autrement qu’en édictant des incitations, c’est-à-dire des discriminations qui sont autant d’atteintes au dogme de la neutralité. Les gouvernements s’essaient donc au réalisme, par conséquent, ils panachent les trois ambitions, dans une proportion qui variera en fonction de leurs convictions et de la nécessité d’adapter leur action à la conjoncture.

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III.- L’établissement de l’impôt.

L’impôt du par chaque contribuable est l’aboutissement d’un processus fiscal en plusieurs étapes : la détermination de l’assiette, du contribuable, la survenance du fait générateur et de l’exigibilité, la liquidation de l’impôt et son recouvrement.

A.- L’assiette.

Elle s’analyse comme une détermination opérée dans la matière imposable pour délimiter une base de calcul à l’impôt. Elle peut être une réalité physique (l’hectolitre d’alcool pour les contributions indirectes), ou économique (le chiffre d’affaires ou le revenu) ou juridique (la propriété pour les droits de mutation).

Les différentes caractéristiques de l’assiette permettent d’élaborer des classifications de l’impôt.

La distinction entre impôts réels et impôts personnels d’abord privilégie un critère davantage économique et social. L’impôt personnel est celui qui se préoccupe d’envisager les facultés contributives du redevable, ses charges de famille par exemple, afin de personnaliser la charge fiscale qu’il devra assumer (c’est par ex. l’IR). L’impôt réel appréhende une chose, envisagée dans sa dimension strictement économique, sans se préoccuper du statut du contribuable ni de sa dimension personnelle (c’est par ex. la TVA).

La distinction entre impôts synthétiques (généraux) et impôts analytiques (particuliers) privilégie ensuite un critère technique. L’impôt synthétique appréhende une situation globale, tel l’IR ou l’IS qui est assis sur les revenus perçus par un foyer ou par une entreprise pendant une année civile ou pendant un exercice, ou bien encore l’ISF ou les droits de succession. L’impôt analytique découpe son assiette au scalpel pour ne retenir qu’un élément et le mettre à contribution chaque fois qu’il apparaît, tel l’impôt sur la consommation (TVA) ou la taxe sur la vente d’immeubles (droits d’enregistrement).

La distinction entre impôts directs ou impôts indirects enfin privilégie un critère juridique. Les impôts directs sont ceux qui sont perçus directement sur le contribuable, tel l’IR, sur le fondement du rôle. Le rôle est la liste des contribuables à un impôt direct, tenue dans chaque commune. Le contribuable reçoit ainsi l’extrait de rôle le concernant en guise d’avis d’imposition, tandis que les impôts indirects sont recouvrés sans rôle. Ils sont perçus par la collectivité publique auprès de collecteurs qui assument un rôle d’intermédiaires entre l’Etat et le contribuable effectif. C’est le cas de la TVA où le contribuable effectif est le consommateur tandis que c’est le commerçant intermédiaire qui la collecte pour le compte du Trésor.

Ce critère est imparfait car il est des impôts directs qui sont recouvrés sans rôle, tel l’IS. C’est toutefois la distinction préférée des fiscalistes, que l’on retrouve en outre dans le Code Général des Impôts et dans la loi de finances de l’année.

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B.- La détermination du contribuable.

Elle relève d’un choix politique puisqu’elle implique de désigner les personnes, physiques ou morales, qui seront appelées à supporter et/ou à verser l’impôt.

Il convient de distinguer le redevable légal du redevable effectif. Le premier est celui qui, aux yeux de la collectivité publique, doit acquitter l’impôt, mais par le jeu économique de la répercussion, que ce soit dans la vente ou dans la prestation de services, il parvient à le refacturer au second qui en supporte vraiment et définitivement le poids. Pour l’IR les deux qualités sont confondues en une même personne, en revanche pour la TVA le redevable légal est le commerçant mais le redevable effectif est le consommateur.

C.- Le fait générateur.

Le fait générateur de l’impôt s’analyse comme l’événement dont la survenance crée l’obligation fiscale dans son principe, c’est-à-dire une relation juridique de créancier à débiteur entre la collectivité publique et le contribuable. Le législateur le définit à partir d’un événement économique- la livraison de produits pour la TVA- ou d’un acte juridique-le transfert de propriété pour les droits d’enregistrement. Il faut attendre en revanche l’ exigibilité pour que le Trésor puisse prétendre percevoir l’impôt.

D.- La liquidation de l’impôt.

Elle comprend deux étapes : la première consiste à évaluer l’assiette, tandis que la seconde consiste à calculer le montant de la dette fiscale à partir de l’assiette.

L’évaluation de l’assiette imposable emprunte des techniques différentes selon les époques et les impôts. Le XIXè siècle a vu fleurir la méthode indiciaire, qui permettait à l’administration de déterminer l’impôt à partir d’éléments extérieurs et incontestables, dont les plus célèbres furent les portes et fenêtres. L’impôt frappe ici des éléments sans prendre en considération la situation personnelle du contribuable ni son aptitude à produire une richesse à partir de ces éléments. Cette méthode privilégie l’appréhension de signes extérieurs, sans chercher à atteindre une réalité plus profonde.

La méthode forfaitaire cherche davantage à approcher la vérité d’une situation économique mais sans pour autant l’atteindre. Elle consiste en effet pour l’administration à proposer au contribuable une imposition qu’elle a fixée selon des moyens empiriques. Cette approximation est permise par la loi fiscale, souvent parce que l’activité du contribuable est modeste, qu’il appartient à une catégorie plutôt défavorisée et que l’Etat trouvera sa rentabilité plutôt dans la gestion économique permise par la méthode forfaitaire que dans la coûteuse recherche de l’assiette exacte. C’est une méthode en déclin.

Enfin la méthode déclarative est la voie contemporaine, socialement juste et économiquement efficace qui est utilisée pour tous les grands impôts. Elle présume la bonne

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foi du contribuable, par conséquent l’impôt sera liquidé à partir des déclarations qu’il dépose, simplement l’administration pourra exercer un contrôle a posteriori pour s’assurer de la sincérité des déclarations. Le but est d’assurer, sous couvert d’égalité devant les charges publiques, une appréhension exhaustive de la matière imposable et un parfaite rentabilité.

Le calcul de l’impôt proprement dit sera opéré en retraitant éventuellement l’assiette imposable, c’est-à-dire en la diminuant de déductions ou d’abattements. Puis, sur cette assiette ainsi retraitée va être appliqué le taux de l’impôt, pour obtenir le montant de la cotisation fiscale due par le contribuable.

Le taux peut être défini comme le pourcentage de prélèvement effectué par l’administration fiscale sur un élément de la matière imposable. Il peut être fixé de deux manières. Dans le cadre d’un procédé de répartition d’abord, les gouvernants fixent à l’avance le produit de l’impôt attendu puis le répartissent entre les différentes assiettes de cet impôt détenues par les différents contribuables. Le taux est alors fixé a posteriori. Ce système est irréaliste car il ne tient pas compte du taux d’échec dans le recouvrement de l’impôt. Il est en outre assez injuste car il ne permet pas aux contribuables d’anticiper leur pression fiscale. De fait, la France a aboli son dernier impôt de répartition (qui revenait aux collectivités locales) en 1981. A l’inverse, dans un procédé de quotité, c’est le taux qui est fixé à l’avance et non le produit de l’impôt attendu. Bien entendu les gouvernants le détermineront en fonction de leurs prévisions de recettes et devront prendre en compte les aléas conjoncturels mais la sécurité juridique est bien plus grande puisque le contribuable connait à l’avance le taux qui lui sera applicable et disposera d’une certaine liberté pour adapter alors son assiette. Tous nos impôts actuels sont de quotité.

Le taux peut en outre être spécifique ou ad valorem. Il sera spécifique lorsqu’il est exprimé en unités monétaires par unité d’assiette (c’est par exemple le système des droits à payer pour enregistrer certains documents). Ce système a le mérite de la simplicité et de l’efficacité mais il est en revanche injuste et économiquement irrationnel puisqu’il pénalise les produits bon marché, qui vont incorporer dans leur prix la même dose d’impôt que des produits plus coûteux. C’est donc un système très peu utilisé. En effet aujourd’hui pour la plupart des impôts modernes, le taux est ad valorem c’est-à-dire qu’il est exprimé en pourcentage de l’assiette. Ainsi la TVA est perçue au taux de 19,6% ou l’IS au taux de 33,33%.

Enfin, lorsque le taux est fixé ad valorem, il peut être proportionnel ou progressif. L’impôt est proportionnel lorsqu’on lui applique un taux constant, par conséquent quelle que soit la valeur de l’assiette, la pression fiscale restera identique puisque le taux sera le même (la variation du produit dépendra uniquement de la taille de l’assiette). C’est le cas par exemple de la TVA ou de l’IS. L’impôt est progressif lorsque le taux appliqué va augmenter en même temps que l’assiette. Cette progressivité est conçue par tranches, c’est-à-dire que le tarif prend ici la forme d’un barème, qui découpe l’assiette en tranches successives et applique à chacune d’elles un taux, de plus en plus élevé au fur et à mesure de l’élévation dans le barème. C’est le cas par exemple de l’IR ou de l’ISF.

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E.- Le recouvrement de l’impôt.

Il assure le transfert des espèces du contribuable vers le Trésor public. Cet encaissement est organisé par des procédures qui peuvent varier d’un impôt à l’autre, mais la trame commune fait intervenir un comptable public pour gérer l’ensemble du processus.

Le paiement effectif de l’impôt intervient le plus souvent à l’initiative de l’administration : sur la base de la déclaration du contribuable elle liquide l’impôt et lui adresse un avis d’imposition (c’est le cas de l’IR). Parfois le paiement est spontané, parce que la loi a mis aussi à la charge du redevable une obligation de liquidation (IS, ISF), parfois le recouvrement sera effectué par un tiers, chargé de procéder à une retenue à la source sur les sommes qu’il verse (revenus de capitaux mobiliers, plus-values…).

Si le contribuable ne s’exécute pas, le comptable du Trésor doit mettre en œuvre des procédures de recouvrement forcé pour obtenir le règlement de l’impôt, en usant de moyens de contrainte liés au caractère exorbitant de cette créance publique, sous le contrôle du juge.

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PREMIERE PARTIE.- LES ELEMENTS STRUCTURELS DU PAYSA GE FISCAL FRANÇAIS.

Deux éléments d’inégale importance structurent le paysage fiscal français. Sur le plan juridique d’abord, ces sont les sources du droit fiscal (chapitre 1er), tandis que la gestion quotidienne de la fiscalité est assurée par les administrations fiscales (chapitre 2).

CHAPITRE 1 er.- LES SOURCES DU DROIT FISCAL.

Le droit fiscal est une branche du système juridique français, par conséquent, il reproduit chaque degré de sa hiérarchie des normes, chacune d’elles devant être conforme à toutes les règles qui lui sont supérieurs, mais il la complète aussi par une doctrine administrative abondante et dotée d’une mission singulière.

SECTION 1ère.- Les dispositions fiscales de la Constitution.

Le bloc de constitutionnalité au sens de la jurisprudence du Conseil constitutionnel inclut quatre dispositions fondatrices de l’impôt.

I.- Les articles 13 et 14 de la Déclaration du 26 août 1789.

A.- L’article 14 de la Déclaration.

Il fonde la compétence législative en matière fiscale puisqu’il dispose que «tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée».

B.- L’article 13 de la Déclaration.

Il pose à la fois la nécessité de l’impôt, conçu comme instrument privilégié de financement des dépenses publiques, mais aussi l’obligation de répartir sa charge de façon égalitaire tout en la pondérant en fonction des facultés contributives de chaque citoyen: «pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable, elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés». Deux principes fondamentaux du droit fiscal contemporain plongent leurs racines dans ce texte, l’égalité devant l’impôt et la personnalisation de l’impôt.

L’égalité devant l’impôt constitue le volet fiscal de l’un des principes fondateurs de la république française: l’égalité devant la loi. Invoqué pour la première fois dans une décision de 1981, ce principe s’avère cependant souvent trop général pour servir de façon opératoire. On citera néanmoins récemment la décision du 30 décembre 2009 rendue au sujet de la taxe dite carbone. La loi de finances pour 2010 prévoyait l’institution d’une contribution carbone de 17€ par tonne de dioxyde émis, perçue sur certains produits énergétiques. Au fil des débats parlementaires, des exemptions s’étaient multipliées de sorte que 93% des émissions de

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dioxyde d’origine industrielle se trouvaient, in fine, exonérées. Le Conseil Constitutionnel a censuré cette taxe en retenant que « le principe d’égalité ne fait pas obstacle à ce que soient établies des impositions spécifiques ayant pour objet d’inciter les redevables à adopter des comportements conformes à des objectifs d’intérêt général, pourvu que les règles qu’il fixe à cet effet soient justifiées au regard desdits objectifs ». Or, en l’espèce, le but de la taxe, qui était de lutter contre le réchauffement climatique, pouvait tout à fait répondre au souci de légitimité exigé par le Conseil, mais les dispositifs institués permettaient-ils d’y parvenir ? Le Conseil répond par la négative, en jugeant que « par leur importance, les régimes d’exemption totales sont contraires à l’objectif de lutte contre le réchauffement climatique et créent une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques ». Autrement dit, le Conseil considère que l’effet utile de la taxe n’est pas suffisamment caractérisé, au regard de l’objectif d’intérêt général de lutte contre le réchauffement climatique, pour justifier la rupture d’égalité devant l’impôt qu’elle implique.

On observe en outre que, si le juge constitutionnel interprète souplement le principe d’égalité devant l’impôt et admet des ruptures lorsque des politiques incitatives sont décidées par le gouvernement, il estime simplement que deux contribuables en situation identique doivent être traités de façon identique, ce qui ne protège pas des contribuables qui relèveraient de caractéristiques fiscales différentes. Plus récemment, le Conseil constitutionnel a même développé le principe d’égalité entre les contribuables qui lui permet de replacer la disposition incriminée dans un environnement plus global et plus technique. Invoqué pour la première fois en 1995 à propos d’une loi exonérant de droits les donations les biens professionnels «à la seule condition que les bénéficiaires les conservent pendant au moins 5 ans», ce principe a ainsi permis au Conseil constitutionnel d’affirmer que la loi établissait une rupture d’égalité entre les différents héritiers sans que celle-ci soit justifiée par des motifs d’intérêt général.

Quant à l’appel aux facultés contributives, il s’analyse comme une célébration de la personnalisation de l’impôt. Il entraîne des conséquences pratiques pour le régime des impôts dits personnels qui ne respecteront le précepte constitutionnel que s’ils minorent la charge de la contribution en fonction des charges de famille du redevable. Ce principe admet aussi la possibilité d’alléger le poids de l’impôt pour les contribuables qui auront exposé des dépenses d’utilité sociale (sous forme de dons, de souscription d’assurance-vie ou d’investissements immobiliers par ex.).

II.- L’article 34 al2 de la Constitution.

Il précise que la «loi fixe les règles concernant l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures». Il pose donc le principe de la légalité de l’impôt , dans le sens de l’article 14 de la déclaration de 1789. Cette attribution de compétence est théoriquement totale puisqu’elle intervient sous l’alinéa 2 de l’article 34 qui confie à la loi une compétence normative complète et non pas au titre de l’alinéa 3, qui ne donne au législateur que le soin de déterminer les principes. Il en résulte une impossibilité totale pour le

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pouvoir réglementaire autonome de l’article 37 d’intervenir en la matière. La loi reste donc en fiscalité le texte de base.

III.- L’article 55 de la Constitution.

Cette disposition donne aux traités régulièrement ratifiés, c’est-à-dire incorporés dans l’ordre juridique interne par un vote du Parlement, une valeur juridique supérieur à celle des lois, dans la mesure où les autres Etats parties au traité l’appliquent également (réserve de réciprocité). Le deuxième degré de la hiérarchie des normes sera donc formé par les traités internationaux.

IV.- Les articles 61-1 et 62, al.2 de la Constitution.

Ces nouvelles dispositions permettent aux justiciables, depuis le 1er mars 2010, de soutenir, lors d’une instance en cours, qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, créant ainsi la possibilité inédite d’un contrôle de constitutionnalité a posteriori, qualifié plus précisément de question prioritaire de constitutionnalité.

Dans un premier temps, la juridiction du fond saisie d’un moyen tiré de l’inconstitutionnalité de la loi doit statuer sans délai sur la transmission de la question prioritaire au Conseil d’Etat ou à la Cour de Cassation. Il s’agit bien en cela d’une question et non d’une exception puisque le juge saisi d’un tel moyen ne peut y répondre lui-même (pas plus qu’il ne peut l’invoquer d’office) mais doit transmettre la question, seul le Conseil Constitutionnel étant, in fine, compétent pour se prononcer. Il s’agit bien en outre d’une question prioritaire puisque le juge saisi doit se prononcer par priorité sur la transmission de la question et doit surseoir à statuer tant que le Conseil Constitutionnel ne s’est pas prononcé.

Cette transmission suppose que trois conditions soient remplies : la question doit être pertinente, de sorte que la disposition contestée doit être effectivement applicable au litige, nouvelle, de sorte que la disposition contestée ne doit pas déjà avoir été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil Constitutionnel et, enfin sérieuse.

Dans un second temps, le Conseil d’Etat ou la Cour de Cassation se prononce, dans un délai de trois mois, sur le renvoi de la question au Conseil Constitutionnel.

Enfin, dans un troisième temps, le Conseil Constitutionnel, là encore dans un délai de trois mois, statue sur la question de constitutionnalité au terme d’une procédure contradictoire et publique. Si la disposition est déclarée inconstitutionnelle, elle est abrogée pour l’avenir, le Conseil pouvant néanmoins déterminer les conditions et limites dans lesquelles les effets que la décision a produits sont susceptibles d’être remis en cause. L’effet est néanmoins beaucoup plus radical que le contrôle de conventionalité qui permet simplement d’écarter l’application d’une loi au litige en cause.

La question qui se pose ici, en termes de sources du droit fiscal, est de déterminer quelles perspectives cette nouvelle procédure ouvre en matière fiscale, dans la mesure où la question

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prioritaire de constitutionnalité ne peut porter que sur « les droits et libertés que la Constitution garantit » (Const., art. 61-1). Vraisemblablement, cette procédure pourra être invoquée lorsque la disposition législative applicable au litige porte atteinte au principe d’égalité devant l’impôt, au principe de nécessité de l’impôt, au respect de la propriété ou encore à l’intelligibilité ou à l’accessibilité de la loi (v. sur ce dernier principe, la décision du Conseil rendue le 29 décembre 2005 au sujet de l’introduction, par la loi de finances pour 2006, d’une mesure de plafonnement des niches fiscales, qui censure le dispositif au motif qu’il était « incompréhensible pour le contribuable et parfois ambigu pour le professionnel » et qu’il devait donc être « déclaré contraire aux exigences de clarté et d’intelligibilité de la loi découlant de l’article 16 de la Déclaration de 1789 »). Mais elle ne pourra en aucun cas être invoquée dans d’autres circonstances.

SECTION 2.- Les traités internationaux.

Trois catégories de traités ont pris une importance substantielle en matière fiscale : les conventions tendant à éviter les doubles impositions, les traités communautaires et la convention européenne des droits de l’homme.

I.- Les conventions tendant à éviter les doubles impositions.

Elles sont apparues au milieu du XIXème siècle mais ce sont surtout développées depuis 1950 sous l’égide de l’OCDE qui a vu dans ces instruments un moyen de développer le commerce international. L’essentiel de ces conventions sont bilatérales, les Etats maîtrisant mieux l’impact de leurs abandons de souveraineté fiscale dans ce cadre que dans un environnement multilatéral.

La France a ratifié plus de 90 conventions avec ses principaux partenaires économiques tandis qu’au niveau mondial le réseau des conventions dépasse 2500 (en effet à coté d’une convention franco-allemande il existe une convention germano-américaine…). Elles sont régulièrement mises à jour, au fil de l’évolution des législations fiscales, et font l’objet alors de renégociation globale ou de simple avenant (moins lourd à concevoir).

A.- L’objet des conventions.

Il est double puisqu’il consiste à la fois à éradiquer les phénomènes de double imposition dus au télescopage de deux législations fiscales nationales (dès lors qu’une personne ou une entreprise à une activité transnationale) et, plus récemment, à lutter contre la non-imposition, en colmatant les brèches qui peuvent apparaître dans l’articulation de deux systèmes fiscaux nationaux et dans lesquelles s’engouffrent certains contribuables astucieux ou bien conseillés.

Le domaine traité par les conventions est variable. Toutes traitent des impôts sur le revenu des personnes physiques et sur les bénéfices des entreprises, certaines évoquent en plus les droits de mutation et l’impôt sur la fortune, en revanche aucune ne se penche sur l’imposition du chiffre d’affaires parce que ce serait inutile: il existe en effet un principe général du droit fiscal international en la matière selon lequel une marchandise exportée l’est toujours en

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exonération, traverse en suspension de taxe les Etats de transit et ne subit l’imposition sur la consommation qu’à l’arrivée dans l’Etat de destination finale.

Le contenu des conventions dépend du degré d’accord auquel sont parvenus les Etats signataires néanmoins beaucoup reprennent les dispositions de la convention-modèle OCDE. D’autres sont plus minimalistes ou admettent même une part de double imposition, notamment pour certaines conventions passées entre des pays développés et des pays en voie de développement.

B.- Les moyens employés par les conventions.

Les moyens employés par les conventions pour atteindre les objectifs affichés sont au nombre de trois. Elles définissent d’abord un principe commun, celui de territorialité, selon lequel les Etats n’imposeront par principe que les revenus générés sur leur territoire. Dans ce cadre, elles définissent une méthodologie commune qui, à partir de la territorialité, permettra de déterminer auquel des deux Etats l’assiette de l’impôt est attribuée, dans chaque situation. Pour l’impôt sur le revenu, ce sera l’Etat de résidence du contribuable ou l’Etat de la source du revenu, pour l’impôt sur la fortune ce sera l’Etat d’implantation des immeubles tandis que pour l’impôt sur les successions ce sera l’Etat où a été ouverte la succession. Chaque critère est décliné en sous-critère. Ainsi, pour le critère de la résidence, la convention considérera comme résident d’un Etat la personne qui a dans cet Etat le centre de ses intérêts affectifs (son foyer) ou, à défaut (si il possède un foyer dans chacun des deux Etats), le centre de ses intérêts vitaux (économiques) ou a défaut son lieu de séjour principal (décompté physiquement) ou à défaut la nationalité.

Il appartient ensuite à chaque convention de définir des clés d’attribution c’est-à-dire de préciser pour chaque impôt les modalités d’attribution de la recette d’impôt. Le plus souvent celle-ci est attribuée en totalité à l’Etat de résidence, hormis le cas des revenus de capitaux mobiliers dont l’imposition va être partagée entre l’Etat de la source (qui percevra une retenue à la source sur le flux financier) et l’Etat de résidence du contribuable. Ce dernier pourra ensuite récupérer sur l’impôt dû dans son Etat de résidence, la retenue payée à l’étranger, considérée alors comme un crédit d’impôt déductible.

Enfin, pour compléter le dispositif, les conventions prévoient généralement la possibilité pour les administrations fiscales d’échanger les informations dont elles disposent (par une procédure d’échange de renseignements) voire de pratiquer une assistance plus poussée (par une procédure d’assistance administrative).

C.- L’autorité des conventions.

L’importance des conventions comme source de droit est contrastée. Leur multiplication a considérablement participé au développement du droit fiscal international et le juge interne les applique beaucoup plus souvent que naguère, en les interprétant lui-même bien souvent. Toutefois cette multiplication n’a pas empêché le développement d’Etats à fiscalité privilégiée (les paradis fiscaux) qui prospèrent justement parce qu’ils se tiennent à l’écart du réseau des

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conventions. Certes l’attitude récente les pays du G20, sous l’impulsion de l’OCDE, a fortement incité ces Etats à ratifier un certain nombre de conventions (la condition de sortie des listes grises établies par l’OCDE est d’ailleurs de ratifier au moins 12 conventions d’échange de renseignements) mais le phénomène est loin d’être éradiqué (beaucoup de paradis fiscaux ont ainsi conclus des conventions entre eux pour satisfaire purement formellement aux exigences de l’OCDE) et se maintient même au sein de l’Union européenne. Ainsi si Monaco ou l’Andorre viennent de sortir de la liste grise établie par l’OCDE, les îles anglo-normandes n’entendent toujours pas modifier leur régime…

II.- Les traités communautaires.

Une grosse partie du droit fiscal français porte aujourd’hui la marque du droit communautaire. Ainsi en est-il des droits de douane qui ont été totalement abolis depuis 1968 entre Etats membres pour assurer la libre circulation des marchandises et le principe du marché commun. Simultanément la Communauté mit en place un tarif douanier commun, que les administrations nationales ont mission de recouvrer aux frontières extérieures de la Communauté pour le reverser au budget de celle-ci dont il constitue une ressource propre.

Ainsi en est-il également de l’éradication des taxes et mesures d’effet équivalent à des droits de douane. Il s’agit en l’espèce d’une démarche sans fin, qui consiste pour la Commission à débusquer toutes les dispositions déguisées qui parsèment les législations nationales et aboutissent à restreindre la liberté de circulation en opérant une discrimination au détriment des produits en provenance d’autres Etats membres. Ces dispositions créent une protection tarifaire, par exemple au moyen d’une taxe de contrôle sanitaire qui ne frappera que les produits importés et les rendra par conséquent plus coûteux. La Commission met alors en demeure l’Etat concerné d’abolir cette disposition et, à défaut, le poursuit en manquement devant la CJCE.

Mais le domaine dans lequel l’influence du droit communautaire a été le plus prégnant concerne certainement l’harmonisation des impôts sur la consommation par l’adoption d’un système commun de TVA. En réalité, le traité de Rome du 25 mars 1957, qui a institué le marché commun, prévoyait le principe d’une harmonisation totale des fiscalités. Pourtant force est de constater que cette harmonisation n’est que très partiellement entamée en matière de fiscalité directe où seules quelques directives éparses ont été adoptées (et qui concernent essentiellement les flux transfrontaliers au sein des groupes d’entreprises). En matière de fiscalité indirecte en revanche, dès 1967, tous les Etats membres ont été tenus d’adopter le système de la TVA et d’abandonner leurs autres variantes d’imposition du chiffre d’affaires. Après cette première harmonisation structurelle, la sixième directive du 17 mai 1977 a su consacrer une harmonisation davantage fonctionnelle (certains la qualifièrent même de code européen de la TVA) et unifier les règles d’assiette de cet impôt, en termes de champ d’application, de base d’imposition et de déductions.

Cette assiette unifiée permet d’ailleurs de calculer une TVA communautaire au taux de 1,40% qui sert à financer le budget de Bruxelles. Cet impôt, levé sur chacun des Etats membres,

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constitue l’essentiel des ressources propres de l’Union européenne et explique certainement la relative rapidité de l’harmonisation fiscale indirecte.

Si l’institution du Marché commun a entraîné la suppression des frontières douanières, éliminant du même coup les droits de douane dans les échanges intracommunautaires, les frontières fiscales substituaient toutefois et quand elles passaient d’un pays à l’autre, les marchandises étaient contrôlées et subissaient la TVA à l’importation.

Le Traité de Maastricht du 7 février 1992 qui a institué l’UE et le Marché unique a précisément supprimé ces frontières fiscales et remis en cause tout l’équilibre les échanges intracommunautaires. En effet, avant la suppression des frontières fiscales, les choses étaient simples: comme la TVA est un impôt sur la consommation, il était logique de l’appliquer dans le pays de destination. Pour cela, il suffisait d’exonérer les exportations et d’imposer les importations (ce qui se fait d’ailleurs toujours pour les échanges extracommunautaires). La charge de la TVA était ainsi identique pour les produits nationaux et pour les produits importés. A partir de 1993, et faute de frontière permettant d’appliquer ce schéma, le projet de la Commission européenne était d’organiser la facturation de la TVA dans le pays de départ et non plus dans le pays de destination. Ainsi par exemple, en cas d’exportation de la France vers l’Allemagne, alors qu’avant 1993 la TVA était due en Allemagne, le nouveau projet imposait à l’entreprise française de facturer la TVA au taux français, l’entreprise allemande pouvant alors récupérer la TVA acquittée auprès du Trésor allemand (en la déduisant de sa TVA collectée en Allemagne). La logique du Marché unique était en effet pleinement respectée puisqu’il n’y aurait pas eu de différence pour les entreprises européennes qu’elles vendent dans leur pays ou dans un autre EM.

Devant la méfiance des EM (et faute de réelle harmonisation des taux de TVA ou de mécanismes de compensation convaincants), la Commission européenne a toutefois dû faire marche arrière et reporter à plus tard ce nouveau régime définitif. On s’en tient donc actuellement à un régime transitoire (depuis 1993!) où le principe de l’application de la TVA dans le pays de destination est maintenu. Le vocabulaire est toutefois modifié puisqu’on ne parle plus d’exportations ou d’importations (expressions maintenues pour le seul commerce extracommunautaire) mais de livraisons et d’acquisitions intracommunautaires (LIC et AIC). Ainsi aujourd’hui si une entreprise française vend une marchandise à une entreprise allemande, c’est celle-ci, dans le cadre de l’AIC qu’elle réalise, qui acquittera la TVA au taux allemand non au moment du franchissement de la frontière (puisqu’elle est supprimée) mais au moment de la réception dans ses locaux. Le système paraît simple, il est en réalité relativement complexe en raison de la multiplicité des formalités qui l’entourent (mais qui tendent toutefois de plus en plus à se dématérialiser).

Une nouvelle directive TVA vient d’être adoptée le 28 novembre 2006. Elle abroge et remplace la sixième directive de 1977. Elle est entrée en vigueur le 1er janvier 2007. Elle comporte 414 articles et 12 annexes. La nouvelle rédaction a été faite à droit constant et intègre donc toutes les modifications et adaptations successives apportées au texte initial de 1977.

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III.- La Convention européenne des droits de l’homme.

Plus ancienne que les traités communautaires (1950), c’est l’acceptation par la France du droit de recours individuel, en 1981, qui a permis son application effective comme source de droit. Les règles du droit fiscal français se sont ainsi enrichies d’un renforcement des exigences que doit remplir le «procès équitable» (art. 6-1) et de la condamnation de toute disposition qui aboutirait à porter atteinte de manière arbitraire et imprévisible et sans offrir les garanties procédurales élémentaires (art. 1 du Protocole additionnel n°1 de 1952). Ces textes sont appliqués par la Cour européenne des droits de l’homme mais aussi par le juge fiscal français, qui se réserve une marge d’appréciation sur l’applicabilité de tel ou tel article (et refuse par exemple d’invoquer l’article 6-1 pour consacrer un pouvoir de modulation des sanctions fiscales au juge de l’impôt. CE, avis du 5 avril 1996, Houdmond)

La jurisprudence rendue par la Cour européenne des droits de l’homme peut parfois avoir une incidence normative sur le droit fiscal. Ainsi par exemple lorsque la Cour censure la procédure française relative au droit de visite et de saisie de l’Administration fiscale (article L16B du Livre des procédures fiscales), parce qu’elle n’offrait pas au contribuable un recours contre l’ordonnance autorisant cette visite (arrêt du 21 févr. 2008, Ravon c. France), elle conduit le législateur français à modifier la procédure en question par l’article 164 de la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008.

SECTION 3.- La loi.

L’importance de cette norme est fondamentale. Cette affirmation doit toutefois être nuancée. Ainsi si le critère formel continue de régir le droit français, le rôle de la loi est érodé par un triple phénomène lié au développement des textes d’origine transnationale d’abord (ainsi la sixième directive en matière de TVA était tellement précise et détaillée que sa transposition dans l’ordre interne s’apparentait quasiment à une loi de «photocopie»), à l’impossibilité pour le parlement de légiférer sur toute la fiscalité ensuite, rendant de plus en plus nécessaire l’intervention du pouvoir réglementaire d’application, à la technicité des projets de loi de finances, enfin, qui transforme bien souvent le parlement en simple «chambre d’enregistrement» des projets du gouvernement (rares sont les députés qui comprennent parfaitement les subtilités techniques d’une loi de finances. En outre, ils ne disposent pas d’assez de temps pour en apprécier les termes, les amendements et les articles additionnels de dernière minute étant de plus monnaie courante en matière fiscale).

SECTION 4.- Le règlement.

Le règlement en matière fiscale est pour l’essentiel un règlement d’application qui prend surtout la forme de décrets et d’arrêtés mais qui peut intervenir parfois sous forme d’ordonnances, sur délégations du gouvernement, conformément à l’article 38 de la Constitution.

Les règlements ne doivent pas excéder les limites de la délégation consentie, faute de quoi ils sont illégaux. Les hypothèses de dépassement ne sont pas rares, et l’exception d’illégalité ou

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le recours pour excès de pouvoir sont des procédures de plus en plus utilisées en contentieux fiscal.

SECTION 5.- Le Code général des impôts (CGI).

Il s’agit d’une œuvre d’origine gouvernementale, qui n’est que le regroupement, sous une présentation différente, des normes législatives et réglementaires intervenues en cette matière. L’ouvrage est ordonnée en deux parties principales: le code proprement dit, qui regroupe les dispositions relatives au régime des différents impôts, en distinguant d’une part les textes législatifs et d’autre part les différents textes réglementaires classées en autant d’annexes que de catégorie de normes (partie de loin la plus volumineuse) et le Livre de procédures fiscales (LPF) qui regroupe les textes régissant les relations entre le contribuable et l’administration fiscale (procédures de contrôle et contentieux fiscal).

SECTION 6.- La doctrine administrative et sa portée.

La hiérarchie des normes devrait s’arrêter formellement en droit fiscal au degré des règlements, pourtant sa présentation serait incomplète si elle n’évoquait pas l’énorme masse de ces textes élaborés par les administrations centrales dans un but pédagogique pour leurs agents et qui ont pris une importance considérable. Il s’agit des instructions et circulaires publiées au Bulletin officiel des impôts, des notes de service, des réponses ministérielles aux questions écrites de parlementaires et des commentaires administratifs de jurisprudence, qui forment un ensemble disparate mais particulièrement foisonnant.

I.- La nature juridique de la doctrine administrative.

Il s’agit de mesures d’ordre intérieur au sens de la jurisprudence du Conseil d’Etat: elles s’imposent donc aux agents de l’administration fiscale en vertu du principe de hiérarchie mais elles n’ont pas de caractère juridique contraignant pour les contribuables puisqu’elles constituent de l’infra-droit, élaboré par des autorités administratives dépourvues du pouvoir réglementaire autonome.

Leur portée pratique est toutefois immense car elles viennent expliquer le sens du droit fiscal aux agents (mais aussi aux contribuables et à leurs conseils) dans le dessein de le rendre plus compréhensible et d’en assurer une application plus facile et uniforme sur l’ensemble du territoire. Depuis le 1er mai 2009, les circulaires et instructions publiées doivent être tenues à la disposition du public sur un site Internet relevant du Premier ministre, les circulaires et instructions signées avant cette date et non reprises sur ce site étant réputées abrogées.

Les agents de l’administration vont donc remplacer l’application de la norme par l’application de la doctrine, en d’autres termes cette dernière vient s’interposer entre la règle de droit fiscal et son destinataire qu’est le contribuable.

Quid alors lorsque la doctrine est illégale et ne respecte pas pleinement la loi qu’elle est censée interpréter?

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Si la circulaire que l’agent prétend appliquer à la situation du contribuable est illégale parce que plus sévère que la loi qu’elle entend interpréter, le juge saisi du litige donnera raison au contribuable en faisant valoir que seule la loi s’applique et écartera cette mesure administrative dont il ne peut pas connaître (CE, 29 janv. 1954, Notre-Dame du Kreisker).

Pour ce faire, le contribuable doit exercer un recours pour excès de pouvoir dans les deux mois qui suivent la publication de l’acte. Seule une publication au Journal officiel fait toutefois courir ce délai, par suite la publication des instructions et circulaires au Bulletin officiel des impôts, de même que la publication des réponses ministérielles dans une partie spéciale du Journal officiel, ne suffit pas à faire courir le délai de deux mois, ce qui fait qu’elles peuvent, en réalité, être contestées sans condition de délai. Il peut également invoquer par voie d’exception l’illégalité de la doctrine, sans condition de délai cette fois. Enfin, lorsque la doctrine est contraire à une disposition communautaire, un recours en manquement peut être intenté par la Commission contre la France (comme elle l’a fait en 1999 pour la tolérance administrative qui exonérait de TVA les pourboires).

En revanche le contribuable est désarmé s’il a bénéficié dans le passé d’une circulaire illégale parce que plus douce et sur la portée de laquelle l’administration entend revenir rétroactivement en faisant prévaloir la signification réelle de la loi. Théoriquement le juge devrait adopter la même attitude de rejet et donner raison à la loi de sorte que le contribuable serait redressé pour une situation fiscale qu’il avait organisée en conformité avec la circulaire et non avec la loi. Les conséquences d’un tel revirement sont toutefois apparues aux parlementaires comme excessivement lourdes, au regard notamment du principe de confiance légitime, aussi ont-ils décidé de les limiter.

II.- Les mécanismes de protection des contribuables contre les changements de doctrine administrative.

Ils se sont essentiellement au nombre de deux. L’article L80 A du LPF d’abord dispose que « lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l’interprétation que l’administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu’elle n’avait pas rapportées à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente ».

L’article L80 B du LPF quant à lui accorde la même protection lorsque l’administration avait formellement pris position sur l’appréciation sur des questions de fait à travers notamment la procédure du rescrit fiscal. La démarche intellectuelle est ici inversée: alors que l’interprétation part d’un texte légal et déduit les implications pratiques que l’on peut en tirer, la protection porte ici sur la qualification faite par l’administration d’une situation de fait. Le contribuable de bonne foi ne sera pas redressé sur son imposition antérieure si sa situation était conforme à la qualification qu’en avait donnée l’administration (même si elle est erronée!).

A.- Le mécanisme de l’article L 80 A du LPF.

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Si le juge de l’impôt estime que les conditions d’application de ce dispositif sont respectées, il donnera raison au contribuable en faisant prévaloir la doctrine administrative sur le sens de la loi, en contradiction complète avec la hiérarchie des normes. Cette «bousculade» peut être dénoncée comme étant constitutionnellement douteuse aussi le dispositif de l’article L 80 A du LPF est-il soumis à des conditions d’application restrictives. Ainsi, « il ne sera procédé à aucun rehaussement d’impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l’administration est un différend sur l’interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s’il est démontré que l’interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l’époque, formellement admise par l’administration ». Une réponse de la DGI à une demande de renseignement du contribuable ou une instruction publiée rempliront ces critères. En revanche le juge écartera des courriers émanant d’autres ministères (CE, 30 mars 1987), des instructions parues dans la partie non publique du bulletin officiel des impôts (CE, 5 juillet 1991) ou un ouvrage de vulgarisation du droit fiscal (CE, 1er mars 2004). On rappellera enfin que le dispositif de l’article L80A du LPF a été récemment étendu aux instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l’impôt et aux pénalités fiscales, ce qui est favorable au contribuable.

B.- Le mécanisme de l’article L 80 B du LPF.

Le rescrit, procédure inspirée du ruling anglo-saxon, permet au contribuable d’obtenir un avis de l’administration fiscale sur sa situation de fait. Il faut distinguer ici le rescrit individuel, qui concerne un seul contribuable, et le rescrit publié, opposable par tous les contribuables.

1.- Le rescrit individuel.

L’article L 80 B 1° du LPF d’abord concerne l’hypothèse où un contribuable a exposé sa situation personnelle à l’administration en lui demandant de se prononcer sur un point particulier. Si certaines conditions sont remplies, spécialement une condition de bonne foi, l’administration, si elle décide de répondre, est liée par sa réponse dès lors qu’elle a formellement pris position sur l’appréciation de la situation de fait du contribuable au regard d’un texte fiscal. Il s’agit d’un dispositif général qui suppose que l’administration accepte de répondre et de s’engager.

L’article L 80 B 2° à 7° du LPF quand à lui prévoit une même protection mais de façon beaucoup plus importante puisqu’il vise également les cas où l’administration s’est abstenue de répondre, dans un délai de trois mois, à certaines demandes expressément visées par la loi : le rescrit-établissement stable, où un investisseur étranger demande à l’administration de lui garantir que son implantation en France ne sera pas qualifiée d’établissement stable ; le rescrit-prix de transfert, où le contribuable va demander à l’administration de valider la détermination de sa politique de prix intra-groupe ; le rescrit-entreprise nouvelle, où le contribuable demande à l’administration s’il peut bénéficier des exonérations accordées aux entreprises nouvelles ; le rescrit-donation, où le contribuable demande à l’administration si elle accepte l’évaluation d’une entreprise qu’il veut transmettre par donation et, enfin, le rescrit-abus de droit, où le contribuable soumet un projet de montage à l’administration et lui demande de se prononcer sur sa validité. Dans ces deux derniers types

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de rescrit, le délai de réponse de l’administration est passé à 6 mois. Une procédure de recours contre les décisions de rescrit individuels a par ailleurs été instaurée au bénéfice du contribuable de bonne foi : ce dernier peut saisir l’administration, dans un délai de deux mois, pour solliciter un second examen de sa demande, à condition de ne pas évoquer d’éléments nouveaux (article L 80 CB du LPF).

2.- Le rescrit publié.

Lorsque l’administration se prononce sur un point particulier que lui soumet un contribuable, sa réponse n’est pas en principe publiée et ne peut donc pas être invoquée par d’autres contribuables, même s’ils sont dans une situation similaire. Pour pallier cette source d’inégalité, l’administration peut désormais, depuis 2006, lorsque sa réponse est susceptible d’intéresser d’autres contribuables, la rédiger sous forme de rescrit général publié. Il s’agit là d’une nouvelle source, de plus en plus utilisée, de diffusion de la doctrine fiscale.

SECTION 7.- La jurisprudence.

La hiérarchie des normes que l’on vient de présenter est doublée d’une hiérarchie symétrique des organes émetteurs de ces normes. Se pose alors la question de la place qu’il convient d’accorder au juge fiscal et aux principes non écrits qu’il fait prévaloir pour résoudre le litige ou pour censurer la norme soumise à son contrôle.

Sur le terrain des principes on observe que le juge s’efforce de conjuguer la lutte contre la fraude avec le respect du statut du contribuable et qu’il n’hésite pas, lorsque ces deux objectifs ne peuvent être conciliés, à considérer que le respect des libertés publiques doit l’emporter sur la préservation des intérêts du Trésor et ce alors même que le contribuable méritait sur le fond le redressement qui lui avait été appliqué. Le non respect d’une règle de procédure lors d’un contrôle fiscal par exemple entrainera ainsi la décharge totale des impositions mises à la charge du contribuable redressé sans même que le juge ai à en apprécier le bien-fondé.

Sur le plan méthodologique, le juge de l’impôt prend en compte le réalisme du droit fiscal. Comme toute branche du système juridique français, le droit fiscal est en effet libre de définir ses propres concepts ou de dégager une signification propre d’un concept préexistant dans une autre branche du droit. Le juge de l’impôt interprète donc souvent les textes dans un sens extensif pour assurer le respect de l’égalité devant les charges publiques et il n’hésite pas ce faisant à imposer des activités que d’autres branches du droit prohibent (prostitué, charlatan…).

Conclusion: la question des conditions d’application des textes fiscaux.

C’est essentiellement la question des conditions d’application dans le temps des textes fiscaux qui sera évoquée dans cette conclusion. En effet, et comme pour tout texte légal et réglementaire, l’entrée en vigueur des textes fiscaux est soumise aux règles posées par le décret du 5 novembre 1870 («les lois et décrets seront obligatoires un jour franc après leur

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promulgation ou leur publication au JO»).mais on observe que se développent de façon croissante des dispositions fiscales à effet rétroactif.

C’est d’abord le texte de loi lui-même qui peut spécifier qu’il est d’application rétroactive (l’article 2 du Code civil, selon lequel «la loi ne dispose que pour l’avenir, elle n’a point d’effet rétroactif» n’a en effet, sauf en matière pénale, qu’une valeur législative de sorte que tout autre loi, en particulier une loi fiscale, peut y déroger). Le législateur peut utiliser cette possibilité pour éviter les effets pervers de toute annonce de réforme fiscale. En effet le temps qui sépare l’annonce d’une mesure d’alourdissement de la fiscalité de la promulgation de la loi sera mis à profit pour échapper à cette mesure. A l’inverse, l’annonce d’une mesure d’allégement bloquera toutes les initiatives économiques jusqu’à sa promulgation. Le législateur peut alors décider de prévoir que la loi entre en vigueur à la date à laquelle le projet a été promulgué ce qui n’est pas en soi critiquable. Il n’en va pas de même lorsque la loi vient donner valeur législative à un décret ou à une circulaire que le juge vient d’annuler ou d’écarter. Cette volonté de rétroagir, heureusement beaucoup plus rare, est en revanche politiquement critiquable car elle a pour effet de circonscrire l’effet d’une décision de justice à la seule espèce qu’elle a tranchée. Cette attitude heurte en outre substantiellement le souci de sécurité juridique.

L’application rétroactive d’une loi peut également résulter de son caractère interprétatif. Une loi est dite interprétative lorsqu’elle exprime la prise de conscience, par le législateur, de l’ambiguïté d’une norme. Il décide alors de lever cette ambiguïté par l’adoption d’un nouveau texte législatif, destiné à éclairer le précédent, et qui a par conséquent vocation à être appliqué rétroactivement, simultanément et dans les mêmes conditions que le texte originel qu’il explicite. Le risque est que le gouvernement fasse adopter par le Parlement une loi qui, sous la dénomination de loi interprétative, va en réalité modifier la signification du texte initial, en reprenant parfois les termes d’un texte réglementaire que le juge vient d’annuler. Là encore une telle démarche est critiquable car elle amoindrit la portée des décisions de l’autorité judiciaire.

CHAPITRE 2.- LES ADMINISTRATIONS FISCALES.

SECTION 1.- La Direction générale des finances publiques.

Le ministère de l’Economie et des Finances, installé rue de Bercy, à Paris, constitue une véritable forteresse administrative dirigeant une armée spécialisée et hiérarchisée. Trois directions générales étaient traditionnellement compétentes en matière fiscale: la Direction générale des impôts (la DGI) d’abord, compétente pour l’assiette, le contrôle et le recouvrement des taxes sur les salaires, de l’IS, de la TVA, des droits d’enregistrement et de l’ISF. ; la Direction générale de la comptabilité publique ensuite, compétente pour le recouvrement de l’IR et des impôts directs locaux, les cellules de base étant constituées par les trésoreries principales relevant des services du Trésor et la Direction générale des douanes et des droits indirects enfin, que nous analyserons ultérieurement.

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La Direction générale des impôts a réorganisé ses services locaux de façon à calquer leur compétence sur la qualité des contribuables. Chaque contribuable peut ainsi s’adresser à un guichet fiscal unique pour l’ensemble des impôts dont il est redevable: les grandes entreprises doivent s’adresser à la Direction des grandes entreprises (DGE) dont le siège est à Pantin, en Seine-St-Denis, les petites et moyennes entreprises doivent s’adresser au service des impôts des entreprises qui leur est dédié et les simples particuliers s’adressent au service des impôts dont ils relèvent. Chaque PME est ainsi en relation avec un interlocuteur fiscal unique dont elle connait le nom et le numéro de téléphone.

Une véritable révolution a eu lieu dans cette organisation afin de rationaliser l’organisation administrative, d’améliorer la qualité du service rendu aux usagers et de diminuer le coût du recouvrement de l’impôt. Elle a pris la forme d’une fusion de la Direction générale des impôts et de la Direction générale de la comptabilité publique, par un décret du 3 avril 2008, et par la création d’une nouvelle direction qui porte le nom de Direction générale des finances publiques (DGFiP). Cette fusion est effective à l’échelon national et est en voie de réalisation à l’échelon local.

I.- L’organisation de la Direction générale des finances publiques au niveau national.

A l’échelon national, il faut distinguer les directions générales et les services à compétence nationale. L’administration centrale regroupe 3 000 agents avec, à leur tête, le Directeur général des finances publiques.

Concernant les directions générales, l’administration centrale a été organisée sur la base de trois missions qui lui sont dévolues (fiscales, comptables et transversales), elle comporte donc trois directions générales: la Direction de la fiscalité, qui regroupe le contrôle fiscal, les agréments, le service de la gestion fiscale et le service juridique de la fiscalité; la Direction de la gestion publique, composée des anciennes missions de recouvrement, regroupées dans deux services, le service comptable de l’Etat et le service des collectivités locales, qui est en charge de la gestion comptable et financière des collectivités ainsi que du conseil fiscal, financier et économique à ces collectivités et enfin la Direction du pilotage du réseau et de ses moyens, chargée de la gestion du personnel ainsi que des problématiques informatiques, composée de deux services, le service des systèmes d’information et le service du budget et de la performance. La Direction de la législation fiscale n’a quant à elle pas été concernée par cette réorganisation et sera étudiée ultérieurement.

Les services à compétence nationale sont les services ayant une compétence particulière sur l’ensemble du territoire français: la Direction des grandes entreprises (DGE) est chargée de gérer la fiscalité des entreprises réalisant plus de 400 millions de chiffres d’affaires, ainsi que de leurs filiales, la Direction des vérifications nationales et internationales (DVNI) est chargée de réaliser le contrôle fiscal des grandes entreprises, la Direction nationale des enquêtes fiscales (DNEF) est chargée de détecter les circuits de fraude fiscale et la Direction nationale de vérification des situations fiscales (DNVSF) enfin est chargée du contrôle de la fiscalité des particuliers les plus importants.

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II.- L’organisation de la Direction générale des finances publiques au niveau local.

Entre 2009 et 2012, dans chaque département, les trésoreries générales et les directions des services fiscaux seront fusionnées au sein d’une direction départementale et régionale des finances publiques. Cette direction sera placée sous l’autorité d’un responsable unique, l’administrateur général des finances publiques, qui vient en remplacement du trésorier-payeur général et du directeur des services fiscaux. Les directions spécialisées en matière de contrôle fiscale, les DIRCOFI, sont en revanche maintenues.

En pratique, les contribuables, qu’il s’agisse des particuliers ou des entreprises, n’auront plus à faire tantôt aux services des impôts (en matière d’assiette), tantôt au Trésor public (en matière de recouvrement) mais à un interlocuteur unique relevant d’un guichet fiscal unifié. Ce dernier, qui est une réalité concrète depuis 2009 sur près d’un tiers du territoire et qui sera totalement achevée en 2011, prend la forme d’un Service des impôts des particuliers en milieu urbain (où existaient auparavant un centre des impôts et une trésorerie) et d’un Accueil fiscal de proximité en milieu rural (où n’existait qu’une trésorerie).

SECTION 2.- La Direction générale des douanes et des impôts indirects.

Sa compétence englobe non seulement les droits de douane mais également la TVA due sur les importations (la TVA intracommunautaire étant gérée par la DGFiP) et les contributions indirectes (ou accises): taxes sur les alcools et les produits pétroliers, sans compter la surveillance du commerce international (notamment par la gestion des déclarations d’échanges de biens). Elle assure le recouvrement de 13% des recettes de l’Etat.

SECTION 3.- La Direction de la législation fiscale.

Cette direction est fondamentale car elle est impliquée dans la totalité du processus d’élaboration et d’application du droit fiscal. Son rôle principal consiste à honorer les commandes que lui passe le gouvernement. Cette direction prépare les projets de loi en matière fiscale, en explique les subtilités techniques à ses commanditaires, ses membres accompagnent le ministre au Parlement pour défendre le texte, tant en commissions qu’en séance plénière. Lorsque le projet est devenu loi, la Direction de la législation fiscale rédige les décrets d’application, ainsi que les instructions et circulaires destinées aux agents. C’est également à cette direction que revient le soin de rédiger les réponses ministérielles aux questions écrites posées par les parlementaires.

SECTION 4.- Les Commissions.

Ces institutions administratives répondent au souci de résoudre les problèmes d’assiette, parfois en impliquant activement le contribuable dans la recherche de la solution, parfois en interposant un échelon de contrôle avant la saisine du juge.

On retrouve ainsi la commission communale des impôts directs qui se réunit au sein de chaque commune au moins une fois par an pour déterminer la valeur locative des immeubles nouveaux ainsi que pour donner son avis sur les réclamations gracieuses, la commission

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départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires qui fixe les forfaits agricoles et qui émet un avis sur les questions de fait liées à un redressement de bénéfices industriels et commerciaux, de TVA et de bénéfices non commerciaux (une commission nationale vient également d’être créée pour les grandes entreprises), la commission départementale de conciliation, exclusivement compétente pour les insuffisances de prix ou d’évaluation en matière d’ISF et de droits d’enregistrement, la commission des infractions fiscales, qui donne l’avis décisif pour l’engagement de poursuites pénales contre les contribuables prévenus de fraude fiscale, le comité consultatif pour la répression des abus de droit, saisi à l’initiative du contribuable ou de l’administration lorsque cette dernière estime avoir détecté une construction juridique fallacieuse pour échapper à l’imposition normalement due et le comité du contentieux fiscal, douanier et des changes qui intervient pour se prononcer sur une demande de remise ou de modération d’impositions régulièrement établies ou de pénalités.

A côté de ces commissions et comités, il est enfin une institution plus prestigieuse, que le législateur a créée pour faire rapport sur l’application du droit positif, plus précisément pour constater la répartition de la charge fiscale et en mesurer l’évolution. Il s’agit du Conseil des prélèvements obligatoires, autrefois appelé le Conseil des impôts, crée en 1971 auprès de la Cour des comptes. Les rapports qu’il publie chaque année sont consacrés à un thème (par exemple en 2010 il portait sur la fiscalité locale) et leurs analyses font autorité.

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SECONDE PARTIE.- LA FISCALITE DE LA CONSOMMATION

(LA TVA).

CHAPITRE 1 er.- PRINCIPES ET CHAMP D’APPLICATION DE LA TVA.

SECTION 1ère.- Le principe et le mécanisme de la TVA.

La TVA a été instituée en France par la loi du 10 avril 1954 sous l’impulsion de M. Lauré, alors directeur général des impôts. C’est le principal impôt français qui rapporte à lui seul plus de la moitié des recettes fiscales de l’Etat et qui est acquitté par plus de trois millions et demi d’assujettis.

C’est un impôt réel sur la consommation dont l’assiette est constituée par le chiffre d’affaires réalisé par les entreprises à l’occasion de la vente de biens ou de prestations de services. En cela, la TVA est un impôt indirect dont l’assiette est liée à l’activité économique.

Son mécanisme est le suivant: les assujettis, c’est-à-dire les contribuables dont l’activité entre dans le champ d’application de la TVA, collectent pour le compte du Trésor la TVA sur les ventes ou les prestations qu’ils réalisent. En contrepartie, ils peuvent déduire la TVA ayant grevé leurs achats. Après imputation de la TVA déductible sur la TVA collectée, si le solde se révèle positif (c’est-à-dire si la TVA collectée est supérieure à la TVA déductible), l’assujetti devra s’en acquitter auprès du Trésor. Si, au contraire, il est négatif (c’est-à-dire si la TVA collectée est inférieure à la TVA déductible), l’assujetti dispose d’un crédit de TVA auprès du Trésor qu’il peut reporter sur ses futures TVA collectées ou, sous certaines conditions, se faire rembourser.

La TVA se caractérise donc par sa neutralité à tous les stades de production et de commercialisation et n’affecte réellement que le consommateur final qui supporte seul la totalité du poids de l’impôt sans possibilité de déduction.

Son modèle a ainsi été largement copié à l’étranger puisque plus de 120 Etats dont la Chine, l’Inde, le Japon ou encore la Russie, l’ont adopté.

C’est enfin, un impôt qui s’applique dans tous les pays européens de façon harmonisée depuis l’adoption d’un système commun de TVA par les directives du 11 avril 1967 et surtout du 17 mai 1977.

SECTION 2.- Le champ d’application de la TVA.

La plupart des opérations économiques et commerciales sont aujourd’hui soumises à la TVA. Cependant, certaines opérations économiques n’entrent pas dans le champ d’application de la TVA. De plus, des opérations entrent dans le champ d’application de la TVA mais sont exonérées par des dispositions législatives.

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I.- Les opérations imposables à la TVA.

A.- Les opérations imposables par NATURE.

L’article 256-1 du CGI définit ainsi le principe du champ d’application de la TVA: «sont soumises à la TVA les livraisons de biens et les prestations de services, effectuées à titre onéreux, par un assujetti agissant en tant que tel».

1.- La notion de livraison de biens et de prestations de services effectuées à titre onéreux.

a.- La notion de livraison de biens meubles.

L’article 256-II du CGI considère comme livraison d’un bien «le transfert du pouvoir de disposer d’un bien meuble corporel comme un propriétaire». Il s’agit donc du transfert de propriété de biens meubles, ce qui exclut les immeubles (qui relèveront des droits d’enregistrement) et les meubles incorporels (qui relèveront du régime des prestations de services). Il faut donc que l’opération soit passée entre deux personnes juridiquement distinctes (ce qui exclut les opérations internes dans une entreprise comme les livraisons à une succursale).

Ce transfert de propriété peut prendre différentes formes: livraison, délivrance ou remise matérielle ou encore apport en société. Par ailleurs sont assimilés à une livraison de biens, la fourniture d’électricité, de gaz, de chaleur et de froid, le transfert de propriété opéré en vertu d’une réquisition de l’autorité publique et le contrat de location vente, la vente à tempérament, la vente avec clause de réserve de propriété (a contrario, les opérations de crédit-bail ou de leasing s’analysent comme une location suivie d’une vente).

b.- La notion de prestation de services.

Faute de définition légale, tout ce qui n’est pas considéré comme une livraison de biens meubles est assimilable à une prestation de services (définition négative). On trouve à titre d’exemple les opérations de location, de courtage, de transport, les travaux immobiliers, les études et recherches, les conseils ou expertises, les cessions ou concessions de biens incorporels, type brevets et logiciels, les ventes à consommer sur place de produits alimentaires ou encore le travail à façon.

c.- l’exigence du caractère onéreux de l’opération.

L’opération est à titre onéreux lorsqu’elle comporte une contrepartie au service rendu. L’article 266-1 du CGI précise ainsi que la base d’imposition à la TVA est constituée par la contrepartie versée par le client, quelle qu’en soit la forme, bien ou numéraire. La simple évocation du prix serait en effet trop réductrice car la contrepartie peut prendre d’autres formes, d’un apport en société par exemple, voire même d’une prestation de services (lorsqu’un distributeur rémunère par exemple son fournisseur par un rabais). De même il importe peu que l’opération soit bénéficiaire ou déficitaire, la TVA frappant un chiffre d’affaires et pas un résultat bénéficiaire. A contrario, lorsque l’opération est réalisée à titre

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gratuit, il n’y pas de TVA. Enfin, la contrepartie peut être fournie par le client mais également par un tiers, sous la forme d’une subvention versée à l’entreprise par exemple.

2.- La notion de lien direct.

a.- L’origine du lien direct: la jurisprudence communautaire.

L’exigence d’un lien direct ne procède pas du CGI mais de la jurisprudence, sous l’impulsion du juge communautaire, qui s’est prononcé dans un arrêt de principe rendu par la CJCE le 8 mars 1988, Apple and Pear Development Council.

Ce comité avait pour objet la promotion des pommes et des poires produites en GB. Son budget était alimenté par des taxes pesant sur les producteurs. Estimant exercer une activité économique et avoir en conséquence la qualité d’assujetti à raison des services rendus aux producteurs, le comité avait soumis ses recettes à la TVA (dans le but de récupérer la TVA qui lui était par ailleurs facturée lors de ses achats). Mais l’administration fiscale anglaise lui a contesté ce caractère d’assujetti et sollicita l’avis du juge communautaire. Dans sa réponse, la CJCE a estimé qu’un lien direct entre le service rendu et la contrepartie perçue devait exister pour qu’une opération puisse être soumise à la TVA, ce qui implique que trois conditions soient remplies:

- le service doit être rendu à un bénéficiaire déterminé,

- il doit être individualisé et ne pas présenter un caractère collectif,

- il doit y avoir une équivalence entre le niveau de l’avantage retiré par le bénéficiaire et le montant de la contrepartie qu’il a versée (la contrepartie doit correspondre au coût du service rendu).

En l’espèce, la CJCE a estimé que le comité n’avait pas la qualité d’assujetti et était donc situé hors du champ de la TVA (le service était collectif et il n’existait pas de corrélation entre les taxes versées et le service rendu).

b- Les exclusions liées à l’absence de lien direct.

Ce lien direct existe fort heureusement pour la plupart des entreprises, les exclusions liées à l’absence de lien direct restant marginales. Elles concernent essentiellement:

Les comités économiques et les groupements professionnels, souvent financés par des subventions publiques ou par des cotisations privées. On doit leur appliquer strictement la jurisprudence de 1988 et constater que leur action est collective sans individualisation possible des bénéficiaires. Toutefois, la TVA redevient possible si l’individualisation est avéré et si, par exemple, un groupement professionnel donne à l’un de ses adhérents une consultation juridique et lui facture le prix correspondant à son coût réel (le lien direct réapparaît alors).

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Les subventions versées par des collectivités publiques (dans le cadre de l’aménagement du territoire par exemple). La collectivité recherche en effet non la satisfaction d’intérêts individuels mais celle d’intérêts collectifs dont elle a la charge. L’exclusion vaut également pour les aides inter-entreprises, qu’elles prennent la forme de subventions ou d’abandon de créances

Les indemnités, dans la mesure où elles ont pour objet de réparer un préjudice et non de rémunérer un service rendu (on serait bien en peine de trouver alors un lien direct). Echappent donc à la TVA les dommages et intérêts (contractuels et judiciaires), les indemnités d’assurance versées en cas de sinistre ou encore les intérêts moratoires en cas de paiement tardif.

3.- La notion d’assujetti agissant en tant que tel.

L’article 256-A du CGI dispose que «sont assujetties à la TVA les personnes qui effectuent de manière indépendante une activité économique, quelque soit leur statut juridique, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention».

a.- L’assujetti doit exercer une activité économique de manière indépendante.

L’article 256-A-3 al du CGI définit ainsi les activités économiques comme «toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataires de services y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées». Est notamment considérée comme une activité économique une opération comportant l’exploitation d’un bien meuble corporel ou incorporel en vue d’en retirer des recettes ayant un caractère de permanence.

Cet article vise d’abord les contribuables qui exercent une activité professionnelle qu’il s’agisse de commerçants, d’agriculteurs ou de professions libérales. A l’opposé les administrations publiques n’exercent pas d’activités économiques relevant de la TVA quant elles se limitent à leurs missions traditionnelles. C’est ainsi qu’il faut comprendre l’article 256 B du CGI lorsqu’il dispose que «les personnes morales de droit public ne sont pas assujetties à la TVA pour l’activité de leurs services administratifs, sociaux, culturels et sportifs lorsque leur non-assujettissement n’entraîne pas de distorsions dans les conditions de la concurrence». Echappent donc à la TVA par exemple les droits d’inscriptions à l’université. En revanche, il a été jugé que relèvent de la TVA des prestations de recherche exercées à titre onéreux par une université lorsqu’elle facture ses prestations à des entreprises qui ont commandé ces travaux (CJCE, 20 juin 2002).

A également la qualité d’assujetti le contribuable qui, sans exercer véritablement une activité professionnelle, se livre à l’exploitation lucrative d’un bien meuble corporel ou incorporel dont il est propriétaire (et loue par exemple ses bateaux ou ses camping-cars). Pour le cas particulier des brevets, s’ils font l’objet d’une concession d’exploitation, les redevances versées seront soumises à la TVA. En cas de cession unique, le CE (20 octobre 2000) a également décidé de soumettre le prix de vente à la TVA, la mise au point d’un brevet

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supposant selon lui l’exercice d’une véritable activité s’étalant dans le temps, ce qui est suffisant pour caractériser une exploitation lucrative.

En revanche lorsqu’un particulier gère un portefeuille de valeurs mobilières, il le fait dans le cadre de la gestion de son patrimoine privé: il n’exerce alors pas d’activité économique. La CJCE a en outre étendu ce raisonnement aux entreprises lorsqu’elles gèrent leurs participations financières: les dividendes perçus, les fruits des cessions de titres sont ainsi considérés comme étant hors du champ de la TVA.

Enfin pour être soumis à la TVA l’assujetti doit exercer son activité de façon indépendante ce qui va conduire à exclure de la qualité d’assujetti ceux qui, se trouvant dans un lien de subordination, travaillent pour autrui. Tel est le cas des salariés, des représentants de commerce ou encore des dirigeants de société. La qualité d’assujetti est en revanche indépendante du statut juridique de l’opérateur: il peut être de nationalité française ou étrangère, personne physique ou morale, organisme de droit privé ou de droit public, organisme à but lucratif ou non lucratif. C’est un des aspects de la neutralité de cet impôt.

b.- La notion d’assujetti agissant en tant que tel.

L’article 256-I du CGI précise que sont soumises à la TVA les opérations réalisées par des assujettis agissant en tant que tel. Cette précision est importante car il peut arriver qu’un assujetti n’agisse pas en tant que tel par exemple lorsqu’il réalise une opération hors du champ de la TVA. Le CE, dans un arrêt rendu le 29 décembre 1995, Société Sudfer, a ainsi considéré qu’une société spécialisée dans le négoce de métaux non ferreux qui avait revendu des lingots d’or achetés plusieurs années auparavant à titre de placement ne relevait pas de la TVA pour cette revente faute d’être, en l’espèce, un assujetti agissant en tant que tel. Ainsi les produits de placements financiers perçus par des entreprises dont ce n’est pas l’activité ou encore les placements en or échappent à la TVA.

c.- L’assujetti n’est pas nécessairement redevable de la TVA.

La plupart des assujettis sont redevables de la TVA et la paient effectivement. On peut toutefois être assujetti (du fait que l’on réalise des opérations entrant dans le champ de la TVA) et être dispensé de payer la TVA: c’est le cas lorsque l’assujetti est exonéré (médecins, banques, compagnies d’assurance…) Il faut donc bien distinguer les non assujettis (qui n’entrent pas dans le champ de la TVA) et les non redevables (qui sont assujettis mais qui sont exonérés).

B.- Les opérations imposables PAR DETERMINATION DE LA LOI.

L’article 257 du CGI énumère les opérations qui sont expressément soumises à la TVA. Il s’agit:

1.- Les livraisons à soi-même.

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On parle de livraison à soi-même lorsqu’un assujetti a, pour une même opération, la double qualité de fournisseur et de consommateur. Le principe de neutralité justifie qu’une telle opération soit soumise à la TVA bien qu’elle ne mette pas en présence deux personnes distinctes (ce qui explique que ces opérations soient soumises à la TVA par détermination de la loi et pas par nature). Mais ce principe comporte des aménagements qui varient selon que la livraison à soi-même recouvre une autoconsommation ou une auto-fabrication (article 257-8 du CGI).

a.- L’autoconsommation.

Il y a autoconsommation lorsque des biens sont utilisés pour des besoins autres que ceux de l’entreprise, c’est-à-dire lorsqu’ils sont prélevés pour la satisfaction des besoins privés de l’exploitant, de son personnel ou encore de personnes tierces. S’il n’y avait aucun correctif, cette forme de prélèvement permettrait la consommation finale des biens correspondants en franchise de TVA ce qui serait contraire au principe de neutralité. L’autoconsommation, c’est-à-dire les prélèvements, peut porter sur des stocks, sur des immobilisations ou sur des services.

Les prélèvements portant sur des stocks ou des immobilisations vont être soumis à la TVA si l’entrepreneur a pu la déduire au début. Par ex. si un négociant en appareils électroménagers prélève sur ses stocks un réfrigérateur pour son usage personnel, la TVA se calcule sur le prix d’achat du réfrigérateur. Celui-ci ayant déjà donné lieu à récupération de la TVA, l’opération reste donc neutre. En revanche, si l’entrepreneur n’a pas pu récupérer la TVA au début, l’autoconsommation ne sera pas elle-même soumise à la TVA.

Lorsque le prélèvement porte sur un service qu’une entreprise se rendrait à elle-même, l’application de la TVA est en revanche exceptionnelle parce qu’elle implique que deux conditions soient réunies. Le service doit d’abord être utilisé pour des besoins autres que ceux de l’entreprise, c’est-à-dire pour la satisfaction des besoins privés de l’exploitant, des salariés ou de personnes étrangères à l’entreprise. Autrement dit, les services que l’entreprise se rend à elle-même pour les besoins de son exploitation ne sont pas imposables au titre des livraisons à soi-même. Si par exemple un marchand de meubles effectue les transports avec ses propres camions, il n’a pas à acquitter la TVA sur le prix de revient de ce service. Il en serait tout autrement si ce camion était utilisé pour déménager un salarié. La TVA ayant grevé les composants du service doit en outre avoir été antérieurement récupérée. Par exemple dans le cadre d’utilisation à des fins privées d’un véhicule appartenant à l’entreprise, s’il s’agit d’un véhicule de tourisme n’ouvrant pas droit à déduction, il n’y a pas imposition du service autoconsommé. Il en va autrement s’il s’agit d’une voiture de société dont la TVA a été déduite au moment de l’acquisition, il y a dans ce cas imposition du service autoconsommé et la TVA se calcule sur le prix de revient du service

b.- L’auto-fabrication.

L’imposition des auto-fabrications s’explique par le souci d’assurer la neutralité fiscale entre les différents circuits économiques. Elle tend à supprimer l’avantage fiscal qu’aurait une

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entreprise à effectuer elle-même certaines opérations plutôt qu’à les commander à des tiers qui factureraient à cette occasion la TVA correspondante. L’imposition des livraisons à soi-même rétablit l’égalité de traitement fiscal. Il y a imposition lorsqu’une entreprise fabrique elle-même des biens matériels avec l’aide de son personnel et grâce à ses matériaux. Le régime de la TVA est alors le suivant: elle se calcule sur le prix de revient des biens fabriqués (article 266-1-c du CGI) et est exigible au moment de la première utilisation (article 175 de l’annexe II du CGI).

Les conditions d’imposition varient selon que les biens fabriqués constituent pour l’entreprise des immobilisations ou de stocks. En effet, pour les auto-fabrications d’immobilisations, lorsqu’une entreprise fabrique en interne une machine dont elle a besoin ou encore construit un nouvel atelier avec l’aide de son personnel, la TVA sera collectée sur le prix de revient et sera immédiatement déductible. Lorsque l’auto-fabrication porte en revanche sur des stocks, lorsqu’une entreprise confectionne ses emballages par exemple, la TVA ne devra être collectée que si le bien n’ouvre pas droit à déduction. Dans le cas des emballages, ils ouvrent droit à déduction, leur fabrication ne sera donc pas imposable. S’il s’était agi de cadeaux destinés au personnel en revanche, ceux-ci n’ouvrant théoriquement pas droit à déduction, la TVA devra être collectée sur leur prix de revient.

En revanche, si l’entreprise fabrique des services ou encore des biens immatériels qu’elle utilise pour les besoins de son exploitation, il n’y a pas imposition au titre des livraisons à soi-même. Ainsi lorsqu’une entreprise conçoit elle-même ses logiciels, il n’y a pas imposition au titre des livraisons à soi-même, même si les logiciels sont comptabilisés en immobilisations.

2.- Les importations et les AIC (acquisitions intra-communautaires).

Elles sont soumises à la TVA par détermination de la loi afin d’éviter toute distorsion concurrentielle avec les produits nationaux.

3.- Les opérations concourant à la production ou à la livraison d’immeubles.

L’article 257-7 du CGI soumet à la TVA «les opérations concourant à la production et à la livraison d’immeubles». Ce régime dit de la TVA immobilière s’applique essentiellement aux ventes de terrains à bâtir et aux ventes d’immeubles neufs, que ces opérations soient faites au profit d’entreprises ou au profit de particuliers. En revanche, les entreprises de travaux immobiliers relèvent de la TVA de droit commun, en tant que prestataires de services.

C.- Les opérations imposables sur OPTION.

L’option est ouverte, en vertu des articles 260 et suivants du CGI, à certaines personnes physiques ou morales qui peuvent ainsi solliciter leur assujettissement à la TVA pour des opérations normalement exonérées.

L’intérêt d’une telle option réside essentiellement dans le fait qu’elle ouvre pour l’entreprise la faculté de déduire la TVA portant sur ses achats et ses immobilisations. Par ailleurs ses

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clients se voient facturer de la TVA qu’ils peuvent eux-mêmes déduire. Enfin, l’option entraîne l’exonération de la taxe sur les salaires.

L’option est réservée aux exploitants agricoles réalisant moins de 46 000€ de recettes annuelles, aux collectivités locales pour certains services publics (de fourniture d’eau ou d’assainissement par exemple), aux personnes donnant en location un immeuble professionnel non équipé, aux banques (pour certaines commissions mais pas pour les intérêts ou les agios) et aux micro-entreprises bénéficiant du régime de la franchise en base.

Enfin, en ce qui concerne sa durée et dans le cadre du régime de droit commun, l’option initiale couvre une période initiale de 5 ans durant laquelle elle est irrévocable. Si l’assujetti bénéficie d’un remboursement de crédit de taxe pendant cette période, celle-ci est alors automatiquement reconduite pour une nouvelle période de 5 ans, ce qui fait un total de 10 ans. Pour les locations immobilières, il existe un régime dérogatoire qui double les durées (10 ans pour l’option initiale et 20 ans en cas de remboursement). Si le locataire est soumis à la TVA l’option est alors très avantageuse car celui-ci pourra récupérer la TVA qui lui est facturée sur ses loyers et l’entreprise bailleuse pourra récupérer toute la TVA qui lui a été facturée en amont, notamment si elle a construit elle-même l’immeuble (elle récupère alors la TVA facturée sur les coûts de construction).

II.- Les opérations exonérées de TVA.

L’exonération est salutaire lorsque les clients d’une entreprise ne sont pas assujettis, ils économisent en effet ainsi près de 20% sur leurs factures. Elle ne sert pas en revanche nécessairement l’entreprise exonérée qui se trouve pénalisée sur un double plan: elle ne peut elle-même récupérer la TVA qui lui est facturée par ses fournisseurs (ce qui augmente ses coûts de production) et elle subit une augmentation de ses charges salariales puisqu’elle sera redevable de la taxe sur les salaires.

Parmi les opérations exonérées il convient d’isoler les exportations et les livraisons intra-communautaires. Cette exonération est en effet dépourvue de tout effet pénalisant puisqu’elle n’affecte pas le droit à déduction de l’entreprise et est sans incidence sur la taxe sur les salaires. Il serait plus juste en réalité d’évoquer à propos des opérations de commerce international une taxation à taux 0. Il n’en va pas de même pour les autres cas d’exonération.

A.- Les activités intégralement exonérées.

Il s’agit des activités d’assurance (soumise à la taxe spécifique sur les opérations d’assurance), médicales (sont exonérés les services rendus par les médecins et auxiliaires médicaux, les laboratoires d’analyses médicales, les cliniques…), d’enseignement privé (établissement privé d’enseignement primaire, secondaire ou supérieur, organismes agrées de formation professionnelle… les établissements publics d’enseignement sont quant à eux exclus du champ d’application même de la TVA), d’utilité générale à caractère social, et philanthropique dont la gestion est désintéressée et de spectacles (dont l’entrée est soumise à la taxe sur les spectacles; l’exonération vaut également pour les clubs sportifs).

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B.-Les exonérations applicables à certaines opérations.

Il s’agit des locations immobilières nues à usage privé et de certaines opérations réalisées par les banques (notamment pour les intérêts et agios). Depuis un arrêt rendu par la CJCE le 27 octobre 1993 les intérêts des crédits accordés par une entreprise à l’un de ses clients sont assimilés aux intérêts de crédit bancaire et jouissent donc de la même exonération.

Conclusion.- Les régimes particuliers de TVA.

Ils concernent les livraisons à soi-même que nous avons déjà évoqué ainsi que la TVA immobilière sur laquelle nous ne nous étendrons pas davantage. Nous nous attacherons plus particulièrement à évoquer le régime des biens d’occasion et celui des locations immobilières.

Par objets d’occasion, il faut entendre les objets usagés susceptibles de remploi en l’état ou après réparation. Par principe les opérations portant sur des objets d’occasion sont soumises à la TVA, du moins quand elles sont effectuées par des assujettis (la vente réalisée par un particulier est ainsi hors du champ de la TVA). Il faut toutefois distinguer selon que l’assujetti est un simple utilisateur, qui revend un bien qu’il avait utilisé pour les besoins de son exploitation, ou un négociant, dont l’activité même est l’achat ou la revente de biens d’occasion. Pour les reventes faites par des utilisateurs, la TVA est due uniquement si la taxe ayant grevé leur acquisition a été déduite totalement ou partiellement, de sorte que la revente sera exonérée si l’acquisition n’a pas ouvert droit à déduction. Pour les reventes faites par les négociants, la TVA est systématiquement due (quand bien même les achats auraient été exonérés) et elle sera calculée soit sur le prix de vente totale soit sur la marge bénéficiaire.

Enfin en ce qui concerne les locations immobilières, elles font par principe parties du champ d’application de la TVA et sont effectivement imposables comme les locations immobilières professionnelles équipées, les locations de terrains de camping, de garages et de parkings, de meubles corporels et de droits incorporels (gérance de fonds de commerce, concession de brevets…). Sont en revanche exonérées, mais avec possibilité d’une option contraire, les locations immobilières professionnelles nues (le locataire doit alors donner son accord et l’option doit figurer sur le contrat de location) et les locations immobilières privées meublées (lorsqu’elles sont exploitées de manière professionnelle c’est-à-dire lorsqu’elles comportent en plus de l’hébergement au moins trois des prestations suivantes: petit-déjeuner, entretien, fourniture de linge et réception). Sont enfin exonérées, sans possibilité d’option, les locations immobilières privées nues.

CHAPITRE 2.- LA TERRITORIALITE DE LA TVA.

SECTION 1ère.- Les règles de territorialité.

En matière de territorialité, deux principes sont à retenir :

- les livraisons de biens sont imposées dans le pays où est transféré le droit d’en disposer comme un propriétaire (c'est-à-dire le pays de destination).

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- les prestations de services sont imposées dans le pays où le prestataire a le siège de son activité économique.

En conséquence, lorsqu’elles sont effectuées par un assujetti à la TVA en France :

- les exportations et les livraisons intra-communautaires (LIC) de biens sont exonérées de TVA.

- les importations et les acquisitions intra-communautaires (AIC) de bien sont imposées à la TVA.

Le territoire français comprend, au sens de la TVA : la France continentale et la Corse, Monaco, les eaux territoriales et le plateau continental (espace marin et sous-marin constitué par le prolongement du continent sous la mer jusqu’à une profondeur limitée à 200m). Le territoire de l’Union européenne comprend au sens fiscal : l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, le Danemark, l’Espagne, la Finlande, la France, la Grèce, l’Islande, l’Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Portugal, le Royaume-Uni, la Suède, depuis le 1er mai 2004 Chypre, l’Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie Malte, la Pologne, la Tchéquie, la Slovaquie et la Slovénie et depuis le 1er janvier 2007 la Roumanie et la Bulgarie. Quelques îles appartenant à ces états membres ne font toutefois pas parties du territoire communautaire fiscal et sont considérées comme des pays tiers (îles Canaries, îles anglo-normandes…). Les DOM sont considérés comme des territoires d’exportation par rapport à la France, à l’Union Européenne et autres DOM (sauf la Guadeloupe et la Martinique entre elles).

SECTION 2.- Les livraisons de biens meubles.

I.- Le régime applicable aux opérations réalisées avec les pays extérieurs à l’UE.

A.- Les exportations.

Elles sont exonérées de TVA. Il s’agit :

- des livraisons de biens expédiés ou transportés hors de France par le vendeur ou pour son compte.

- des livraisons de biens expédiés ou transportés hors de France par l’acheteur non établi en France ou pour son compte.

- des livraisons de biens placés sous un régime suspensif ou de transit.

L’exonération est étendue aux prestations de services se rapportant au trafic international de biens : transport, chargement et déchargement, prestations accessoires, opérations de façon, d’emballage, de gardiennage…

NB. Les exportateurs sont autorisés à s’approvisionner en franchise de TVA pour les biens qu’ils destinent à l’exportation.

B.- Les importations.

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Elles sont imposables à la TVA qui est perçue lors des opérations de dédouanement. Le redevable de la TVA est la personne désignées comme destinataire réel des biens sur la déclaration d’importation, néanmoins le déclarant en douane est solidairement tenu au paiement de la taxe.

II.- Le régime applicable aux opérations réalisées avec les pays de l’UE.

Depuis le 1er janvier 1993 et la réalisation du marché unique (qui a supprimé les frontières fiscales entre EM), les contrôles douaniers et la notion même d’exportation e d’importation entre EM ont disparu. La TVA devrait donc être totalement unifiée, payée au départ et reversée entre les EM. Faute d’harmonisation des taux et d’application d’un mécanisme satisfaisant de compensation entre EM, il a toutefois été privilégié un mécanisme transitoire de paiement de la TVA à l’arrivée (transition toujours d’actualité…). La terminologie employée a néanmoins été modifiée, ainsi les notions d’importation et d’exportation ont été remplacées par celles d’AIC et de LIC lorsqu’elles portent sur des opérations entre EM de l’UE.

En outre, chaque entreprise assujettie à la TVA à l’intérieur de l’UE est identifiée par un numéro national spécifique qu’elle doit communiquer à ses clients et à ses fournisseurs. Ce numéro est constitué par deux lettres indiquant le pays (FR pour la France) suivies de deux chiffres servant de clé vérification et du numéro SIREN.

Le régime applicable à ces AIC et LIC dépend désormais de la réalisation de cette identification :

- pour les LIC, si le client est identifié, la livraison est exonérée en France et imposée dans l’Etat de destination. En revanche, si le client n’est pas identifié, la livraison est taxée en France et exonérée dans le pays de destination.

- pour les AIC, si l’entreprise française a indiqué à son fournisseur européen son numéro d’identification, l’acquisition est taxée en France. En revanche si l’entreprise n’a pas communiqué à son fournisseur européen son numéro d’identification, l’acquisition est taxée dans le pays de départ et ne subit pas la TVA française.

Certaines personnes qui effectuent des AIC peuvent être autorisées, dans le cadre d’un régime dérogatoire, à ne pas soumettre ces opérations à la TVA. Il s’agit des personnes morales non assujetties à raison de l’activité pour laquelle l’acquisition est réalisée (comme l’administration publique) et des assujettis qui réalisent exclusivement des opérations n’ouvrant pas droit à déduction (comme les professions médicales).

Il existe en outre un régime spécifique applicable aux moyens de transport neufs. Le principe est que toutes les AIC de moyens de transport neufs (véhicules, bateaux de plaisance, certains avions) sont soumis à la TVA dans l’EM de destination. La portée réelle de ce régime concerne principalement les échanges effectués par les particuliers (par principe non identifiés et pour lesquels la TVA devrait donc être acquittée dans le pays de départ et non de destination).

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SECTION 3.- Les prestations de services.

La loi de finances pour 2010 vient de modifier substantiellement les règles en matière de prestations de services en transposant la directive du 28 novembre 2006 modifiée par la directive du 12 février 2008. Jusque là, le principe était celui de l’imposition des prestations de service au lieu d’établissement du prestataire. Toutefois, le critère posé était assorti de nombreuses exceptions, de sorte qu’il était pratiquement vidé de sa substance.

Les textes posent de nouveaux principes généraux applicables depuis le 1er janvier 2010, qui sont toutefois écartés pour certaines prestations.

I.- Le régime général des prestations de service.

Il faut désormais distinguer selon que le client du prestataire de services, appelé le preneur, est ou non assujetti à la TVA.

A.-Le preneur a la qualité d’assujetti.

Dans cette hypothèse, on parle de « transaction B to B » ou « Business to Business ». La prestation est alors taxable au lieu d’établissement du preneur c’est-à-dire au lieu de consommation du service (article 259-1° du CGI). Si le preneur est établi en France, c’est donc la TVA française qui sera due et si le preneur est établi dans un autre état de l’Union Européenne, on appliquera la TVA de cet état. C’est le preneur qui acquitte la TVA par un mécanisme d’auto-liquidation en vertu de l’article 283 du CGI (alors que théoriquement la TVA devrait être collectée par le prestataire puis reversée à l’état d’établissement du preneur).

La notion d’établissement est ici fondamentale car elle détermine le pays où la TVA sera acquittée. Plus précisément, un opérateur est réputé être établi en France lorsqu’il a établi en France le siège de son activité économique. Il faut selon l’administration tenir compte d’un faisceau d’indices : siège social statutaire ou siège social réel (lieu où sont prises les décisions essentielles). A défaut, on peut tenir compte du domicile ou de la résidence habituelle de l’opérateur.

B.- Le preneur n’a pas la qualité d’assujetti.

Dans cette hypothèse, on parle de « transaction B to C » ou « Business to Consumer ». La prestation est alors taxable au lieu d’établissement du prestataire (article 259-2° du CGI). Si le prestataire est établi en France, c’est donc la TVA française qui sera due et si le prestataire est établi dans un autre état membre de l’Union Européenne, on appliquera la TVA du pays du prestataire.

II.- Les règles dérogatoires.

Par dérogation à ces principes généraux, le lieu de certains services est défini par des règles spécifiques.

A.- Les prestations matériellement localisables (article 259 A du CGI).

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Pour ces prestations, où le lieu de consommation est facile à identifier, l’opération est taxée au lieu de consommation du service c’est-à-dire au lieu d’exécution du service, quelque soit le lieu d’établissement du prestataire ou du preneur. Certaines dérogations ne tiennent pas compte de la qualité du preneur, d’autres au contraire ne s’appliquent que si le preneur n’est pas un assujetti.

1.- Les dérogations générales.

Les prestations visées par ces dérogations générales vont être imposables en France si elles sont exécutées en France, quelque soit le lieu d’établissement des parties, que le preneur soit un assujetti ou pas.

a.- Les prestations concernant un immeuble (article 259 A, 2° du CGI).

Elles sont imposables en France lorsque l’immeuble y est situé. Sont concernés par exemple les travaux sur les immeubles, les opérations d’expertise, la fourniture de logement (hôtel, camping…), les opérations de location ou encore les prestations des agents immobiliers.

b.- Les locations de moyens de transport de courte durée (article 259 A, 1° du CGI).

Lorsqu’un moyen de transport est loué pour une courte durée, et que ce moyen de transport est mis en France à la disposition du locataire, on en déduit que le bien sera utilisé en France : c’est donc la TVA française qui s’applique. La location est de courte durée lorsqu’elle ne dépasse pas 30 jours pour un moyen de transport terrestre ou 90 jours pour un moyen de transport maritime.

c.- Les prestations de transport de passagers (article 259 A, 4° du CGI)

Ces prestations sont en principe soumises à la TVA française pour la partie du trajet située sur le territoire national (c’est notamment le cas pour le transport ferroviaire). Mais pour privilégier les escales et les transits en France, les transports internationaux de passagers sont le plus souvent exonérés pour la totalité : c’est le cas des transports maritimes, aériens et par exception, de certains transports ferroviaires comme la ligne Paris-Londres (Eurostar).

d.- Les prestations matériellement exécutées en France (article 259 A, 5° du CGI).

Sont imposables en France lorsqu’elles y sont matériellement exécutées les prestations culturelles, artistiques, sportives, scientifiques, éducatives, de divertissement ou assimilées (foire, salons) ainsi que les opérations de vente à consommer sur place.

e.- Les prestations des agences de voyage (article 259 A, 8° du CGI).

Lorsqu’une agence de voyage a en France le siège de son activité économique ou dispose en France d’un établissement stable à partir duquel le service est rendu, la prestation est imposable en France.

2.- Les dérogations limitées au preneur non assujetti.

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Dans ces hypothèses, si le preneur est un assujetti, on revient au principe général du lieu d’établissement du preneur.

a.- Les prestations de transport de biens et les prestations accessoires.

Lorsqu’il s’agit d’un transport intracommunautaire de biens, on applique le critère du lieu de départ du transport (article 259 A, 3° du CGI). Ainsi, si le transport a pour point de départ la France, l’opération est soumise à la TVA en France.

Lorsqu’il s’agit d’un transport extracommunautaire de biens, seule la partie du transport réalisé en France est soumise à la TVA française, comme pour les prestations de transport de passagers.

Par ailleurs, les prestations accessoires au transport (chargement, déchargement, manutention et activités similaires) sont imposables en France si elles sont matériellement exécutées en France (article 259 A, 6° a du CGI).

b.- Les travaux et expertises portant sur des biens meubles corporels (article 259 A, 6° b du CGI).

Lorsque le client n’est pas assujetti à la TVA, on retient le critère du lieu d’exécution de la prestation. Si la prestation est exécutée en France, l’opération sera donc soumise à la TVA en France (alors que dès que le preneur est assujetti, on revient au principe général du lieu d’établissement du preneur).

c.- Les prestations fournies à un non assujetti par un intermédiaire agissant au nom et pour le compte d’autrui (article 259 A, 7° du CGI).

Il s’agit des cas où une prestation de services n’est pas effectuée directement par le prestataire mais par un intermédiaire agissant en son nom et pour son compte. Il y a lors deux opérations : l’opération principale et l’opération d’intermédiaire.

L’opération d’intermédiaire est imposable en France lorsque l’opération principale à laquelle elle se rapporte est située en France, par application de la règle de l’accessoire. Il faut donc vérifier si l’opération principale est bien imposable en France, en fonction des différents critères évoqués ci-dessus, pour savoir si la TVA sera due ou pas en France.

B.- Les prestations immatérielles (article 259 B du CGI).

Sont concernées les cessions et concessions de droits de propriété intellectuelle et industrielle (brevets, marques…), les prestations de publicité, les prestations de conseillers, ingénieurs, bureaux d’étude…, les travaux d’expertise comptable, les opérations bancaires, financières et d’assurance, la mise à disposition de personnel et les services de commerce électronique.

Il faut distinguer selon que la prestation est intra ou extracommunautaire.

1.- Les prestations de services immatérielles intracommunautaires.

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On retient les critères généraux de l’article 259 du CGI, c’est-à-dire le lieu d’établissement du preneur s’il est assujetti ou le lieu d’établissement du prestataire s’il n’est pas assujetti.

2.- Les prestations de services immatérielles extracommunautaires.

Pour ces prestations, les exportations de services sont exonérées et ne sont donc pas soumises à la TVA en France tandis que les importations sont, pour leur part, imposables en France.

Il y a exportation de services lorsque le prestataire est établi en France et que le preneur est établi dans un état tiers. Par exemple, l’avocat français qui fait une consultation pour un client américain ne facturera pas de TVA, l’opération étant exonérée.

Il y a importation de services lorsque le prestataire est établi dans un état tiers et lorsque c’est le preneur qui est établi en France. Dans cette dernière hypothèse il faut toutefois distinguer selon que ce preneur est ou pas assujetti. En effet, lorsque le preneur est assujetti à la TVA en France, on est en présence d’une importation de services imposable en France en vertu de l’article 259 du CGI (critère du lieu d’établissement du preneur). Lorsque le preneur n’est pas assujetti à la TVA en France, on est revanche toujours en présence d’une importation de services imposable en France mais en vertu de l’article 259 C du CGI qui retient comme critère d’imposition le lieu où les services sont utilisés ou exploités (critère du lieu de consommation du service).

Ce texte ne concerne pas les prestations matériellement localisables visées par l’article 259 A du CGI ni les services électroniques visés par l’article 259 D du CGI (v. ci-dessous), il est en revanche applicable à toutes les autres prestations, y compris donc les prestations immatérielles. Il vise expressément les locations de moyens de transport de longue durée.

C.- Les services électroniques (article 259 D du CGI).

Lorsque la prestation de services électroniques est intracommunautaire, on applique les règles générales de territorialité des prestations de services de l’article 259 du CGI. Si le preneur est un assujetti, on appliquera le critère de son lieu d’établissement et s’il n’est pas assujetti, on appliquera le critère du lieu d’établissement du prestataire.

Lorsque la prestation de services électroniques est extracommunautaire, et lorsque le preneur est assujetti, on applique également l’article 259 du CGI et le critère du lieu d’établissement du preneur. Lorsque le preneur n’est pas assujetti et qu’il est établi dans un état tiers (dans cette hypothèse c’est le prestataire qui est établi en France), on est en présence d’une exportation de services exonérée en France en vertu de l’article 259 B du CGI. Lorsque le preneur n’est pas assujetti et qu’il est établi en France (dans cette hypothèse c’est le prestataire qui est établi dans un état tiers), on est en présence d’une importation de services imposables en France en vertu de l’article 259 D du CGI (critère du lieu d’établissement du preneur).

SECTION 4.- Les taux de TVA.

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Le principe est l’application du taux normal de 19,6% à toutes les opérations sauf dispositions particulières conduisant à appliquer un taux spécifique.

Le taux est réduit à 5,5% pour les produits alimentaires et les ventes de boissons non alcoolisées, les livres, les médicaments non remboursés par la SS, les transports de voyageurs, le logement en hôtel et meublés, les spectacles culturels, les musées, les travaux réalisés dans des habitations, les abonnements au gaz et à l’électricité…

Il existe par ailleurs deux taux particuliers. Un taux de 2,10% pour la presse, la redevance audiovisuelle et les médicaments remboursés par la SS et un taux de 8,5% en lieu et place du taux normal et réduit dans les DOM.

Quant aux autres EM, ils pratiquent des taux normaux variant de 25% (en Suède par exemple) à 15% (au Luxembourg par exemple) qui est le taux normal minimum préconisé par Bruxelles. Le taux moyen au sein des 27 EM de l’UE est de 20,04% ce qui situe la France dans la moyenne. Quant aux taux réduits, ils varient de 18% (en Hongrie) à 5% (au Royaume-Uni par exemple), le taux réduit moyen au sein des 26 EM (le Danemark ne pratique pas de taux réduit) étant de 9,40% ou de 7,36%, certains états pratiquants deux taux réduits de TVA. Enfin, les taux super-réduits varient de 2,1% pour la France à 5% pour la Grèce, le taux super-réduit moyen au sein des seuls 7 EM le pratiquant étant de 3,7%.

Plus précisément, les taux de TVA applicables dans les 27 EM sont, au 1er mai 2010, les suivants :

Taux super réduit

Taux réduit Taux normal Taux parking

Allemagne - 7 19 -

Autriche - 10 20 12

Belgique - 6/12 21 12

Bulgarie - 7 20 -

Danemark - - 25 -

Espagne 4 7 16 -

Finlande - 8/12 22 -

France 2,1 5,5 19,6 -

Grèce 5 10 21 -

Irlande 4,8 13,5 21 13,5

Italie 4 10 20 -

Luxembourg 3 6/12 15 12

Pays-Bas - 6 19 -

Portugal - 5/12 20 12

Royaume Uni - 5 17,5 -

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Suède - 6/12 25 -

Chypre - 5/8 15 -

Estonie - 9 20 -

Hongrie - 5/18 25 -

Lettonie - 10 21 -

Lituanie - 5/9 21 -

Malte - 5 18 -

Pologne 3 7 22 -

République slovaque - 6/10 19 -

République tchèque - 10 20 -

Roumanie - 9 19 -

Slovénie - 8,5 20 -

Le taux parking est un taux qui ne peut être inférieur à 12 % et peut être appliqué, à titre provisoire, par les Etats membres qui appliquaient avant le 1er janvier 1991 un taux réduit à des produits qui ne figurent pas à l'annexe III de la directive 2006/112/CE, afin de leur permettre de s'acheminer plus aisément vers le taux normal.

CHAPITRE 3.-LE CALCUL DE LA TVA EXIGIBLE.

SECTION 1ère.- Le fait générateur et l’exigibilité de la TVA.

L’article 269 du CGI distingue le fait générateur et l’exigibilité de la TVA. Le fait générateur est l’évènement qui donne naissance à la créance fiscale du Trésor. L’exigibilité au contraire est l’évènement qui accorde au Trésor le droit de réclamer le paiement de la taxe.

Dans la pratique, c’est cette dernière notion qui est la plus importante. Pour le fournisseur en effet l’exigibilité permet de déterminer à quelle période d’imposition il convient de rattacher les opérations réalisées. Pour le client, la date à laquelle il peut récupérer la taxe qui lui est facturée. Fort heureusement, ces deux notions coïncident fréquemment, notamment pour le régime de livraisons de biens meubles corporels. En revanche les deux notions se succèdent par principe dans le régime des prestations de services et dans celui des travaux immobiliers.

I.- Le régime des livraisons de biens meubles corporels.

Dans les ventes, le fait générateur et l’exigibilité coïncident au moment de la livraison. Aussi est-il indispensable de bien définir la notion de livraison avant d’en indiquer les incidences.

A.- La notion de livraison.

L’article 256-II-1° du CGI définit la livraison comme « le transfert du pouvoir de disposer d’un bien meuble corporel comme un propriétaire ». Dans la pratique, la livraison correspond le plus souvent à la délivrance physique, c’est-à-dire à la remise matérielle du bien entre les mains de l’acquéreur. C’est à ce moment que le vendeur établit la facture en y mentionnant la TVA exigible.

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B.- Les incidences de la livraison.

L’exigibilité de la taxe est indépendante de la date de conclusion du contrat, de la date du transfert de propriété, de la date de paiement du prix, ce qui ne va pas sans poser certaine difficultés.

1.- Livraison et date du transfert de propriété.

Il peut arriver que le transfert de propriété précède la livraison : la TVA devient exigible si le bien n’a pas encore été livré à l’acquéreur. Au contraire si le transfert de propriété intervient après la livraison, comme en cas de location-vente ou de vente assortie d’une clause de réserve de propriété, la TVA est exigible dès la remise matérielle de la chose.

2.- Livraison et date de paiement du prix.

Lorsque le paiement intervient avant la livraison (acomptes, arrhes…), aucune TVA ne doit être pratiquée. Lorsque le paiement intervient après la livraison (vente à crédit), la TVA reste au contraire toujours exigible au moment de la livraison. Le client peut alors récupérer immédiatement une TVA qui lui est facturée mais qu’il ne réglera que plus tard, ce qui peut présenter un réel avantage de trésorerie.

3.- Incidences des impayés et des annulations.

Le vendeur a collecté pour le compte du Trésor une TVA qu’il ne pourra pas se faire payer par son client. Il peut demander alors, en vertu de l’article 272-1 du CGI, le remboursement de la TVA par voie d’imputation. Un certain nombre de conditions doivent toutefois être remplies : il faut en effet que la créance soit définitivement irrécouvrable (il faut notamment attendre la liquidation judiciaire du client) et que l’entreprise ait effectuée toutes les diligences nécessaires pour ce faire payer. L’entreprise devra en outre faire parvenir à son client un duplicata de la facture initiale comportant la mention « facture demeurée impayée pour la somme de … qui ne peut faire l’objet d’une déduction en vertu de l’article 272 du CGI ».

A l’inverse le client, s’il a déjà récupérer la TVA, bénéficie d’un avantage indu. Il doit donc reverser cette TVA à l’Etat dès qu’il reçoit la facture rectificative de son fournisseur.

II.- Le régime des prestations de services et des travaux immobiliers.

Pour les prestations de services, le fait générateur (l’exécution de la prestation) ne coïncide pas avec l’exigibilité (l’encaissement du prix). Une option est toutefois possible qui aligne le régime des prestations sur celui des ventes.

A.- Le principe : la taxe est exigible au moment de l’encaissement du prix.

Lorsque le paiement du prix intervient en une seule fois, la TVA est exigible globalement à cette date. S’il est fractionné, la TVA est exigible sur le montant de chaque encaissement. Ainsi par exemple, en cas de travaux immobiliers, la TVA est exigible autant de fois qu’il y a

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de paiements partiels : avances, acomptes, solde, retenue de garantie… de sorte que le prestataire, en matière de TVA, n’a pas à redouter les incidences des impayés).

1.- Le paiement direct de la créance.

En cas de paiement direct, il y a coïncidence entre la libération du débiteur et la satisfaction du créancier. Il en est ainsi lorsque le paiement a lieu en espèces ou par virement bancaire (on retient la date à laquelle le compte du fournisseur a été crédité). En cas de paiement par chèque, l’encaissement intervient en théorie lors de l’inscription au compte bancaire du fournisseur du montant du chèque. A titre de règle pratique toutefois, on retient la date de remise matérielle du chèque par le client ou de sa réception si le chèque est envoyé par la poste.

2.- Le paiement par mobilisation de la créance.

En cas de paiement par effet de commerce, l’exigibilité intervient à l’échéance de l’effet (l’éventuelle remise à l’escompte est sans incidence), la TVA étant calculée sur la valeur nominale et non sur le net perçu suite à l’escompte. En cas de paiement par voie d’affacturage, l’exigibilité intervient lors du paiement effectif du client par la société de factoring. Le CE vient en outre de décider que la cession de créances nées de contrats de prestations de services équivaut à l’encaissement du prix desdites prestations, quand bien même le prix de la cession de créances serait inférieur à celui des prestations en cause (CE, 24 juill. 2009, n°305222, SAS Groupe Cayon).

B.- L’option : la TVA est exigible au moment du débit.

Les entreprises qui réalisent à la fois des livraisons et des prestations de services peuvent être confrontées à des difficultés particulières du fait des différences d’exigibilité. Elles peuvent donc opter pour une TVA exigible sur les débits et rendre la TVA sur les prestations exigibles dès la facturation (c’est-à-dire en pratique comme pour les livraisons de biens meubles).

Le redevable doit alors indiquer sur la facture qu’il a opté pour le paiement de la TVA d’après les débits, ce qui permet au client de déduire immédiatement la taxe facturée, sans attendre le paiement.

En cas de versement anticipé (acomptes, avances…), l’entreprise doit revenir à la règle primitive et acquitter sa TVA désormais exigible, de sorte que l’option ne peut avoir pour conséquence de retarder l’exigibilité de la taxe.

III.- Les régimes particuliers.

En cas de livraisons à soi-même, la TVA est exigible au moment de la première utilisation.

Pour les acquisitions de terrains à bâtir et les ventes d’immeubles neufs, l’exigibilité résulte de la rédaction de l’acte notarié.

En cas d’importation, la TVA est due lors des opérations de dédouanement.

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En cas d’AIC, la TVA est exigible lorsque les marchandises proviennent à l’entreprise.

SECTION 2.- La base d’imposition à la TVA.

L’article 266-1-a du CGI précise que la base d’imposition est constituée par le prix total, tous frais compris, du produit ou du service.

I.- Les règles générales.

A.- Les éléments du prix qui sont imposables.

La TVA frappe l’ensemble des éléments constitutifs du prix, notamment les frais qui incombent normalement au fournisseur et qui sont facturés séparément au client. Cette facturation séparée n’empêche pas qu’il s’agisse d’éléments du prix de revient qui doivent être compris dans la base d’imposition à la TVA.

Il convient de prendre e compte le prix de base et tous les frais accessoires qui s’y rattachent : frais de transport, de commission ou de courtage, de montage, d’assurance, d’emballage, fiscaux (droits de douane, taxe intérieure sur les produits pétroliers…).

B.- Les éléments du prix qui ne sont pas imposables.

Certains éléments ne sont pas pris en considération dans la base imposable, soit qu’ils entraînent une diminution du prix (rabais, reprises…) soit qu’ils constituent des remboursements de frais (débours des mandataires…).

1.- Les rabais et ristournes.

Lorsque les rabais et les ristournent figurent sur la facture initiale, cela ne pose guère de problème. Lorsqu’ils sont en revanche accordés après, le fournisseur peut tout de même les déduire de son chiffre d’affaires. Il doit adresser une note rectificative à son client qui devra reverser la fraction de la TVA déjà déduite. Par mesure commerciale, le fournisseur peut renoncer à cette déduction, de sorte que le client n’aura rien à rembourser. On dit que le rabais est alors consenti « net de taxe » (indication qui doit formellement figurer sur la note d’avoir adressée au client).

2.- Les reprises.

Il s’agit de doubles ventes, chacune étant soumise à la TVA de façon séparée (sauf si l’objet repris n’a aucune valeur commerciale).

3.- Les débours des mandataires et des courtiers.

Le remboursement des débours par une entreprise (c’est-à-dire des frais avancés par un mandataire) n’est pas soumis à la TVA si les conditions suivantes sont respectées (article 266-1-b du CGI) : l’intermédiaire doit agir en vertu d’un mandat préalable et explicite, il doit rendre compte exactement à son commettant des dépenses effectuées et il doit justifier auprès du service des impôts du montant exact des débours. Ce régime permet alors aux mandataires

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et aux courtiers de n’être imposable que sur leur rémunération propre (à l’exclusion des frais avancés pour le compte de leur commettant).

II.- Les règles spéciales.

Dans certains cas, la TVA est calculée sur une base spécifique. Ainsi en cas de livraison à soi-même, la TVA est calculée sur le prix d’achat des biens prélevés (auto-consommation) ou sur le prix de revient des biens fabriqués (auto-fabrication). En cas de négoce de biens d’occasion, d’œuvre d’art et en cas de vente d’un immeuble par un marchand de biens, la TVA est due sur la marge bénéficiaire ‘c’est-à-dire sur la différence entre le prix de vente et le prix d’achat). En cas de transaction passée par une agence de voyages, la TVA est due sur la commission. En cas de mutation sur un immeuble neuf, la TVA est calculée sur le prix stipulé (ou valeur vénale). Enfin, en cas d’importation, la TVA est calculée sur la valeur déclarée en douane.

CHAPITRE 4.-LE CALCUL DE LA TVA DEDUCTIBLE.

En principe toute TVA facturée à l’entreprise ouvre droit à déduction mais cette déduction reste subordonnée à un minimum de conditions et supporte un certain nombre d’exceptions, sans compter les modalités pratiques auxquelles elle est soumise.

SECTION 1ère.- L’exercice du droit à déduction.

I.- Les conditions du droit à déduction.

A.- Les conditions de fond.

Elles procèdent de l’article 271 du CGI qui dispose que « la TVA qui a grevé les éléments du prix d’une opération imposable est déductible de la TVA applicable à cette opération ». Autrement dit la TVA ayant grevé un bien ou un service ne sera déductible que si ce bien ou ce service est affecté à l’exercice d’une activité soumise à la TVA.

Pour déduire la TVA il faut donc être assujetti et redevable de la TVA : sont exclus les particuliers (qui ne sont pas assujettis) et les assujettis exonérés (qui ne sont pas redevables).

En outre, parmi les assujettis redevables, il faut distinguer les assujettis totaux et les assujettis partiels, qui ne peuvent récupérer qu’une partie de la TVA qui leur est facturée.

Cette condition d’affectation est purement matérielle et ne doit pas être confondue avec l’affectation comptable : un bien fait l’objet d’une affectation comptable lorsqu’il est inscrit à l’actif d’une entreprise. Le respect de cette inscription est fondamental pour la détermination du bénéfice imposable. En effet, seuls les produits et les charges liés à un bien inscrit à l’actif d’une entreprise peuvent être pris en compte pour la détermination de son bénéfice imposable. Au regard de la TVA ce critère de l’affectation comptable est inopérant : une entreprise peut déduire la TVA d’un bien même si elle ne l’inscrit pas à son actif dès lors qu’elle l’affecte matériellement à son activité, elle ne pourra en revanche pas déduire les charges afférentes à ce bien s’il n’est pas affecté comptablement et inscrit à son actif.

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A l’inverse la TVA ne sera pas récupérable si le bien n’est pas matériellement affecté à l’exploitation même s’il est inscrit à l’actif du bilan de l’entreprise.

En conséquence, faute d’affectation matérielle possible, vont être exclus du droit à déduction :

- les dépenses personnelles,

- les dépenses constituant des actes anormaux de gestion,

- les dépenses somptuaires (de chasse, de pêche, de résidences et de bateaux de plaisance…).

Attention toutefois à l’application de la théorie de l’acte anormal de gestion à la TVA ! En effet, cette théorie a surtout vocation à s’appliquer en matière de BIC où elle conditionnera notamment la déductibilité des charges. Elle n’a en revanche pas la même place en matière de TVA qui reste un impôt fondamentalement réel. Ainsi, le CE, dans un arrêt rendu le 2 avril 2003, a-t-il rappelé que la TVA déductible était la TVA réellement facturée même si le prix facturé était anormalement élevé et n’aurait pas été intégralement pris en compte pour la détermination du bénéfice imposable. Autrement dit une TVA facturée est intégralement déductible même si le prix d’achat est excessif au regard des critères de gestion normal. De même les dépenses somptuaires qui sont considérées comme des actes anormaux de gestion par détermination de la loi en matière d’imposition des bénéfices doivent pouvoir être justifiés dans le cadre de la TVA.

Est-ce à dire que toute TVA facturée engendre automatiquement sa récupération ? La réponse mérite d’être nuancée : en effet il faut tout de même que la dépense sur laquelle elle porte ait été utile à l’entreprise et c’est certainement en ce sens qu’il faut interpréter l’exigence d’affectation réelle. Mais on ne saurait aller au-delà. D’ailleurs jusqu’en 2008, l’article 271 du CGI ne permettait aux entreprises de récupérer la TVA que lorsqu’elle portait sur des dépenses nécessaires à l’exploitation, et ce critère de nécessité était variablement interprété par le juge de l’impôt. Il a été depuis délibérément supprimé par le législateur qui n’entend donc vraisemblablement que se limiter à l’exigence d’utilité.

B.- Les conditions de forme.

En vertu de l’article 271-II du CGI, la TVA doit être mentionnée sur un document justificatif (facture, déclaration d’échange de biens pour les opérations intra-communautaires, documents douaniers pour les importations, déclaration d’entreprise pour les livraisons à soi-même ou acte notarié pour les ventes immobilières). En l’espèce la forme ne suppléait toutefois pas le fond puisque la TVA facturée dans des conditions illégales ou irrégulières ne devient pas déductible pour la seule raison qu’elle est mentionnée sur une facturé.

C.- Les conditions de délai.

C’est le même événement (livraison du bien ou encaissement du prix du service) qui entraîne l’exigibilité de la TVA chez le fournisseur ou le prestataire et qui ouvre droit à déduction chez son client : exigibilité et déduction vont donc de pair et doivent être réalisés en même temps.

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II.- Les exceptions du droit à déduction.

Ces exceptions, prévues sous l’article 236 et suiv. de l’annexe II du CGI sont en général plus larges en France que dans les autre états de l’UE. Il est vraisemblable que l’harmonisation européenne entraînera à terme une atténuation de ces exceptions, pour l’instant les états membres n’ont pas pu se mettre d’accord sur ce point délicat.

On notera que ces exceptions prévues en matière de TVA ne s’étendent pas automatiquement à l’imposition des bénéfices. Par exemple, les dépenses relatives aux logements de fonction des dirigeants ou les dépenses d’acquisition des véhicules de tourisme n’ouvrent pas droit à déduction de la TVA et sont donc déductibles pour le calcul du bénéfice imposable, au titre des frais généraux, toute taxes comprises (TTC) : l’entreprise peut donc récupérer indirectement une partie de la TVA.

On notera enfin, avant d’évoquer les différentes exceptions du droit à déduction, que d’une manière générale, le contribuable est privé de son droit à déduction lorsque les opérations qui fondent l’existence de ce droit sont constitutives d’une fraude ou d’un abus.

A.- Les dépenses de logement.

Les dépenses de logement engagées au profit des salariés et des dirigeants de l’entreprise ne permettent pas de récupérer la TVA. L’exclusion est large et concerne les frais d’acquisition de logement, de location, de chauffage, d’éclairage, de réparation et même les frais d’hôtel supportés lors des voyages professionnels (CE, 5 avril 2004). La seule exception concerne les frais de logement des gardiens sur place pour surveiller les locaux professionnels.

B.- Les véhicules de transport de personnes.

L’article 237 de l’annexe II du CGI exclut du droit à déduction tous les engins conçus pour le transport des personnes. Ne sont pas concernés les véhicules qui sont conçus pour le transport des marchandises (camions, camionnettes, véhicules de société…). Hors de là, il convient d’examiner l’étendue et les limites du droit à déduction.

1.- L’étendue de l’interdiction du droit à déduction.

L’interdiction est large et concerne ;

- tous les types d’engins de transport : automobiles, camping-cars, bateaux, avions…

- les véhicules à usage mixte qui servent à la fois au transport des personnes et des marchandises (NB : les véhicules de société qui ne comportent pas de siège arrière ouvrent droit à déduction),

- toutes les catégories de dépenses : frais d’acquisition, pièces détachées, réparation, location…

2.- Les limites à l’interdiction du droit à déduction.

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Ne sont pas visés :

- les constructeurs et revendeurs de véhicules (pour qui les voitures constituent des stocks et non des immobilisations)

- les transporteurs publics (taxi, auto-école…)

- les entreprises de location d’automobiles,

- les entreprises utilisant des véhicules pour le transport de leur personnel (il faut que le véhicule dispose d’au moins 8 places assises).

C.- Les dépenses liées au transport de personnes.

Quand un membre du personnel doit utiliser un moyen de transport public dans le cadre de ses voyages d’affaires, la TVA n’est pas déductible. La seule exception concerne les dépenses de déménagement suite à une mutation.

D.- Les biens cédés sans rémunération ou moyennant une rémunération symbolique.

Lorsqu’un bien est cédé gratuitement par une entreprise ou lorsqu’elle le vend moyennant une rémunération de faible valeur (inférieure à la valeur réelle), la TVA qu’elle a acquittée lors de son acquisition n’est pas déductible. Il en est ainsi des avantages en nature attribués aux salariés, des gratifications servies à des intermédiaires ou des objets remis à des distributeurs.

Il existe toutefois une exception concernant les cadeaux offerts par l’entreprise à son personnel ou à ses clients, dans le cadre de sa politique de publicité (échantillons, spécimens offerts, articles supplémentaires…). Dans cette hypothèse, si le montant des cadeaux n’excède pas 60€ TTC par an et par bénéficiaire, l’entreprise pourra déduire la TVA acquittée lors de leur achat.

E.- Les produits pétroliers.

Pendant longtemps, l’interdiction de déduire la TVA ayant grevé les produits pétroliers fut le principe et la possibilité de la déduire l’exception. La règle est désormais inversée : par principe les produits pétroliers ouvrent droit à déduction. Subsistent seulement quelques exceptions :

- pour l’essence, la TVA n’est jamais déductible, même si le véhicule concerné ouvre droit à déduction.

- pour le gazole, la TVA n’est pas déductible si le véhicule n’ouvre pas droit à déduction. L’interdiction est toutefois limitée à 20% de sorte que 80% de la TVA acquittée reste récupérable. La TVA est en revanche intégralement déductible lorsque le véhicule concerné ouvre droit lui-même à déduction.

F.- Les services afférents à des biens exclus du droit à déduction.

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Lorsqu’un bien est exclu du droit à déduction (comme un véhicule), les services qui s’y rapportent sont également exclus. Tel est le cas par exemple des travaux de réparation portant sur une automobile ou un immeuble d’habitation. De même si au lieu d’être acquis en propriété le bien est simplement loué, le montant de la location n’ouvre pas davantage droit à déduction. C’est ainsi qu’une entreprise n’est pas autorisée à déduire la TVA qui grève les redevances qu’elle paie à raison de la location d’une voiture de tourisme. Par exception, on peut récupérer la TVA ayant grevé les péages et les tickets de parking.

SECTION 2.- Les modalités du droit à déduction et le régime des régularisations globales.

La déduction est effectuée de façon globale. Cette opération s’effectue au moment de l’établissement de la déclaration du chiffre d’affaires, à partir des informations comptables. Quant aux modalités du droit à déduction, elles sont simples et relèvent du principe de l’imputation : chaque mois ou chaque trimestre, selon les cas, l’entreprise va recenser la TVA qu’elle a facturée sur ses ventes (c’est-à-dire la TVA qu’elle doit collecter) puis elle va lui imputer l’ensemble de la TVA qu’elle a acquittée sur ses achats (c'est-à-dire la TVA qu’elle a le droit de déduire). En cas d’omission, la TVA peut être déduite sur les déclarations suivantes jusqu’au 31 décembre de la deuxième année suivante.

Lorsque la TVA déductible est supérieure à la TVA collectée, l’entreprise peut soit reporter le solde de TVA déductible non imputé sur les périodes suivantes (sans limite de délai), soit en demander le remboursement, sous certaines conditions (lorsque le crédit est occasionnel et ne dépasse pas 150€, une demande par an est possible, au 31 décembre ; en cas de crédit permanent supérieur à 760€, la demande peut être trimestrielle ; enfin , lorsque le crédit résulte d’exportations ou de livraisons intra-communautaires, la demande peut être faite chaque mois).

Cette déduction de TVA est définitive. De la même façon, lorsque la TVA n’a pu être déduite initialement, l’interdiction est en principe définitive. Il existe néanmoins un certain nombre d’événements qui entraînent une remise en cause de la déduction initialement effectuée (il y a dans ce cas reversement total ou partiel de la TVA antérieurement déduite). D’autres événements autorisent quant à eux un réajustement lorsque la déduction initiale a été incomplète, a fortiori, lorsqu’elle a été interdite (l’entreprise a droit alors à un complément de déduction).

La matière a été refondue par un décret en 2007, les nouvelles règles étant applicables depuis le 1er janvier 2008. Désormais le CGI distingue deux types de régularisations en matière de TVA : celles annuelles (v. Section 3) et celles globales.

Une entreprise doit procéder à une régularisation globale de TVA essentiellement lorsque l’un des trois événements suivant intervient :

- en cas de cession,

- en cas d’affectation à un autre secteur,

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-en cas de cessation d’activité.

Il faut en outre distinguer selon que la régularisation concerne les immobilisations ou les valeurs d’exploitation et les services.

I.- Les régularisations globales concernant les immobilisations.

Au moment de l’acquisition d’une immobilisation, l’entreprise récupère en une fois le montant de la TVA qu’elle est en droit de déduire. Cette déduction globale repose sur le principe que ce bien restera affecté aux besoins de l’entreprise pendant au moins 5 ans (pour les immobilisations mobilières) ou 20 ans (pour les immobilisations immobilières).

Si les prévisions sont contredites, la déduction perd une partie de sa justification et doit être régularisée : cette régularisation s’opère par cinquième pour les meubles et par vingtième pour les immeubles.

Deux seuls cas de dispense de régularisation ont été prévus :

- en cas de transmission d’une universalité (vente d’un fonds de commerce, apport d’une entreprise individuelle à une société, succession, donation…)

- en cas de destruction ou de vol de l’immobilisation (dans ce cas une plainte doit avoir été déposée).

A.- Les régularisations pour cause de cession.

1.- La cession n’est pas soumise à la TVA.

Cette hypothèse concerne essentiellement les cessions d’immeubles acquis neufs sous le régime de la TVA et revendus après 5 ans sous le régime des droits d’enregistrement. La régularisation se fera en fonction de la durée restant à courir jusqu’à l’échéance des 20 ans.

Par exemple, une entreprise a acheté au cours de l’année N un immeuble neuf pour un prix de 1 000 000€ HT grevé d’une TVA immobilière de 196 000€. Si au cours de l’année N+7, elle revend cet immeuble, cette cession sera soumise aux droits d’enregistrement et devra donc faire l’objet de la régularisation suivante : 196 000€x12/20=117 600€ à reverser au Trésor (le nombre d’années restant à courir est de 12 ans).

2.- La cession est soumise à la TVA.

Deux hypothèses doivent alors être distinguées :

a.- La déduction initiale de TVA a été totale.

La TVA sera collectée sur le prix de vente, sans régularisation nécessaire.

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Par exemple, une entreprise achète au cours de l’année N une machine 1000€ HT. Elle aura alors déduit la TVA acquittée soit 196€. Si elle revend la machine en N+3, 600€, elle collectera 117,60€ de TVA et n’aura aucune régularisation à faire.

b.- La déduction initiale de la TVA n’a été que partielle.

Dans la mesure où la revente est soumise à la TVA sur le prix total, l’entreprise a droit à un complément de déduction.

Par exemple, une entreprise a un coefficient de déduction de 0,50 (cela veut dire qu’elle ne peut récupérer que 50% de la TVA qui lui est facturée). Elle achète en N un immeuble neuf soumis à la TVA immobilière pour un prix de 1 000 000€ HT. La TVA théoriquement déductible serait de 196 000€ mais l’entreprise ne pourra, compte tenu de son coefficient de déduction, déduire que 98 000€. Si elle revend l’immeuble en N+3, la revente est encore soumise à la TVA, elle peut alors récupérer 98 000€x16/20= 78 400€ de TVA déductible.

B.- La régularisation pour cause d’affectation à un autre secteur.

Lorsqu’une entreprise réalise plusieurs opérations entrant dans le champ d’application de la TVA mais dont certaines sont effectivement imposables et d’autres exonérées, elle doit constituer des secteurs distincts d’activité. L’affectation d’une immobilisation à un nouveau secteur (par exemple d’un secteur imposable à un secteur exonéré) est traitée au regard des régularisations comme une cession au profit de ce secteur. Il faut donc établir un prix de transfert et lui appliquer la TVA . L’opération n’est pas neutre pour l’entreprise qui affecte par exemple une immobilisation d’un secteur imposable vers un secteur exonéré car elle ne peut récupérer alors la TVA collectée (perte du droit à déductibilité pour le secteur exonéré).

C.- La régularisation pour cause de cessation d’activité.

La logique reste la même. Par exemple, si une entreprise acquiert au cours de l’année N une machine pour un prix de 10 000€ HT, elle déduira 1960€ de TVA. Si en N+2 elle cesse son activité, elle devra reverser une partie de la TVA initialement déduite dans les termes suivants : 1960€x2/5=784€ de TVA à reverser.

II.- Les régularisations globales concernant les valeurs d’exploitation et les services.

S’agissant des biens autres que les immobilisations (les stocks par exemple) ou les services, l’idée générale est que l’on doit reverser la totalité de la TVA initialement déduite s’il se révèle que celle-ci échappe par la suite à la TVA.

SECTION 3.- Les entreprises n’acquittant pas la TVA sur la totalité de leurs activités et le régime des régularisations annuelles.

Lorsqu’une entreprise ne réalise que des opérations soumises à la TVA, elle peut déduire la totalité de la taxe que lui facturent ses fournisseurs. Cela concerne l’immense majorité des assujettis lorsqu’ils se limitent à leur activité de base, qu’il s’agisse du secteur de la production, de la distribution ou des prestations de services.

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Les choses se compliquent lorsque certaines opérations réalisées par l’entreprise échappent à la TVA, soit qu’elles soient situées hors champ (l’entreprise est alors assujettie partielle), soit qu’elles soient exonérées (l’entreprise est alors redevable partiel, une entreprise pouvant en outre être cumulativement assujettie et redevable partiels).

Il faut alors créer des secteurs distincts d’activité et prendre en compte l’affectation des biens et services acquis par l’entreprise :

- s’ils sont affectés aux opérations ouvrant droit à déduction, la TVA correspondante sera elle-même déductible (la TVA déductible est de 100%).

- s’ils sont affectés aux opérations situées hors champ ou exonérées, la TVA correspondante ne sera pas déductible (la TVA déductible est de 0%).

Jusque là c’est la règle simple du tout ou rien qui s’applique. Mais quid en cas d’affectation mixte, à des opérations ouvrant droit à déduction et à d’autres exonérées par exemple ?

Dans ce cas les biens et services n’ouvrent droit à déduction que dans la proportion de leur affectation à des opérations effectivement soumises à la TVA (elles n’ouvrent pas droit à déduction pour le surplus).

Concrètement cette proportion prend la forme d’un coefficient de déduction (il s’agit de l’ancienne règle du prorata) que l’on appliquera à la TVA facturée. Ce coefficient peut être de trois ordres différents :

- le coefficient peut être de 1, lorsque les biens ou services sont exclusivement affectés à des opérations ouvrant droit à déduction. La déduction est alors intégrale.

Ex. TVA de 120€, 120€x1=120€ de TVA déductible.

- le coefficient peut être de 0, lorsque les biens ou services sont exclusivement affectés à des opérations n’ouvrant pas droit à déduction. Aucune déduction ne peut alors être pratiquée.

Ex. TVA de 120€, 120€x0=0€ de TVA déductible.

- le coefficient peut-être compris entre 0 et 1 en cas d’affectation mixte. Si par exemple le coefficient est de 0,85 la TVA déductible sera la suivante :

Ex. TVA de 120€, 120€x85%=102€ de TVA déductible.

Comment ce coefficient se calcule-t-il ? On applique la formule suivante : coefficient de déduction=coefficient d’assujettissement X coefficient de taxation X coefficient d’admission.

Le coefficient d’assujettissement d’un bien ou d’un service acquis par l’entreprise correspond à la proportion d’utilisation de ce bien ou de ce service pour la réalisation d’opérations imposables (on ne distingue pas si l’opération est effectivement imposable ou exonérée). Cette proportion est déterminée par l’entreprise sous sa propre responsabilité (en

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utilisant comme critère le chiffre d’affaires réalisée, la surface des locaux, le nombre de salariés…)

Le coefficient de taxation vient affiner le coefficient d’assujettissement en distinguant les opérations effectivement imposables et celles exonérées. On le calcule comme l’ancien prorata, de sorte que l’on va diviser le chiffre d’affaires des opérations ouvrant droit effectivement à déduction par celui total des opérations entrant dans le champ de la TVA (qu’elles soient effectivement imposables ou exonérées). On exclut du chiffre d’affaires total les subventions, les recettes immobilières et financières accessoires ainsi que les débours des mandataires. Sont également exclues du calcul les cessions d’immobilisations usagées et les livraisons à soi-même d’immobilisations.

Enfin, le coefficient d’admission est destiné à prendre en compte l’existence des cas particuliers d’exclusion ou de restriction prévus par la loi. Lorsque le bien ou le service ne fait l’objet d’aucune exclusion, le coefficient d’admission sera égal à 1.

Deux types de régularisation peuvent alors intervenir.

I.- Les régularisations à réaliser au cours de l’année d’acquisition.

Chaque coefficient de déduction est calculé de façon provisoire au moment de l’acquisition du bien ou du service en fonction du coefficient de l’année précédente.

Le coefficient définitif est calculé à la fin de l’année civile, les régularisations devant intervenir avant le 25 avril de l’année suivante.

La différence entre le montant définitif et le montant provisoire donnera lieu soit à un complément de déduction (en cas d’augmentation du coefficient), soit à un reversement au profit du Trésor (en cas de diminution du coefficient).

Cette régularisation doit être effectuée quelque soit l’écart entre le coefficient définitif et le coefficient provisoire.

Par exemple, une entreprise achète un ordinateur le 15 janvier N à un prix de 1000€ HT. Elle retient un coefficient provisoire de 0,70. Elle déduira en janvier 196€x70%=137,20€. Si au 31 décembre de l’année le coefficient de déduction définitif est porté à 0,74, elle aura droit à un complément de déduction de 196€x4%=7,84€ (les 4% correspondent à la différence entre les deux coefficients soit 0,04)

II.- Les régularisations annuelles.

Ces régularisations ne concernent que les entreprises partiellement soumises à la TVA, c'est-à-dire les entreprises n’acquittant pas la TVA sur la totalité de leurs activités ; tandis que les régularisations globales concernent toutes les entreprises.

Lorsque les proportions d’affectation à des opérations ouvrant droit à déduction varient d’une année sur l’autre (à ne pas confondre avec les régularisations à réaliser uniquement au

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cours de l’année d’acquisition), l’évolution des coefficients qui en résulte emporte en effet l’obligation de régulariser la TVA initialement déduite.

La régularisation ne s’impose toutefois que si les trois conditions suivantes sont remplies :

- la régularisation ne concerne que la TVA ayant grevé les immobilisations (et pas celle ayant grevé les valeurs d’exploitation et les services, contrairement aux régularisations globales)

- la régularisation ne s’impose que si la variation du coefficient de l’année est supérieure de 10 points au coefficient de référence (contrairement aux régularisations à réaliser au cours de l’année d’acquisition).

- la régularisation ne s’impose que pendant le délai de régularisation (qui est de 5 ans pour les immobilisations mobilières et 20 ans pour les immobilisations immobilières, comme pour les régularisations globales).

Chaque année, pendant le délai de régularisation, l’entreprise devra vérifier si les coefficients d’assujettissement et de taxation ont évolué :

- si le coefficient de l’année a augmenté de plus de 10 points (c’est-à-dire de plus de 10 centièmes) par rapport au coefficient de référence, l’entreprise aura droit à un complément de déduction.

- si le coefficient de l’année a diminué de plus de 10 points, elle devra reverser une partie de la TVA initialement déduite.

Pour les immobilisations mobilières, la régularisation se fait par cinquième, pour celles immobilières, par vingtième.

Par exemple, une entreprise achète le 1er mars N un nouvel ordinateur pour un prix de 4000€ HT, elle s’acquitte d’une TVA de 784€. Son coefficient de référence en N est de 0,50 de sorte que la TVA déductible en N sera de 784x50%=392€. Puis les coefficients varient de la manière suivante :

- en N+1, le coefficient est de 0,62. L’écart (par rapport au coefficient de 0,50) est supérieur à 10 centièmes et le coefficient a augmenté de sorte que l’entreprise aura droit à un complément de déduction de (784€x12%)/5=18,82€ (la régularisation se fait par cinquième car l’immobilisation est mobilière, le taux de 12% correspond à la différence entre 0,50 et 0,62).

- en N+2, le coefficient est de 0,44. L’écart (par rapport au coefficient de 0,50) est inférieur à 10 centième, il n’y a donc pas de régularisation à opérer.

- en N+3, le coefficient est de 0,20. L’écart (par rapport au coefficient de 0,50) est supérieur à 10 centièmes et le coefficient a diminué de sorte que l’entreprise devra reverser de la TVA au Trésor pour un montant de (784€x30%)/5=47,04€ (la régularisation se fait par cinquième car l’immobilisation est mobilière, le taux de 30% correspond à la différence entre 0,50 et 0,20).

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- en N+4, le coefficient est à nouveau de 0,50 il n’y a donc pas de régularisation à faire.

- à partir de N+5, le délai de régularisation étant expiré, il n’y a plus de régularisation à effectuer.

CHAPITRE 5.-LA DECLARATION ET LE PAIEMENT DE LA TVA .

Après avoir déterminé la TVA collectée et la TVA déductible de la période, les entreprises doivent calculer la TVA à payer. Cette opération est effectuée à l’occasion de l’établissement de la déclaration périodique de la TVA. Le règlement est ensuite effectué au Trésor public.

Les entreprises sont soumises à des règles générales en matière de déclaration et de règlement de la TVA et à des régimes particuliers liés au montant de leur chiffre d’affaires.

SECTION 1ère.- Les règles générales communes à toutes les entreprises.

Ces règles communes concernent d’abord le principe même de la déclaration qui doit être effectuée chaque mois (régime du réel normal) ou chaque année (régime du réel simplifié). Si la déclaration n’est pas déposée dans les délais, une majoration de 10% est due.

En ca qui concerne les modalités de paiement, le règlement peut d’abord se faire au comptant, c’est-à-dire en numéraire, en chèque bancaire ou postale, par mandat ou par virement bancaire. Il peut également se réaliser par télé-règlement (c’est-à-dire par voie électronique). Ainsi les entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse 500 000€ par an doivent désormais déclarer et régler leur TVA par internet, deux procédures pouvant être utilisées (celle du dispositif d’échanges de formulaires informatisés et celle du dispositif d’échanges de dossiers informatiques).

SECTION 2.- Les régimes particuliers liés au montant du chiffre d’affaires.

Trois régimes distincts sont applicables.

I.- Les modalités de paiement des entreprises soumises au régime du réel normal.

Le régime d’imposition et de paiement des entreprises dépend du montant de leur chiffre d’affaires annuel et de la nature de leur activité. Sont soumises au régime du réel normal, les entreprises qui satisfont aux conditions suivantes :

- ventes de marchandises et fourniture de logement : chiffre d’affaires supérieur à 766 000€ HT.

- prestations de services et loueurs d’immeuble : chiffre d’affaires supérieur à 231 000€ HT.

Les entreprises doivent alors établir chaque mois une déclaration CA3 de TVA (avec toutefois une possibilité d’option pour une déclaration trimestrielle si la TVA due est inférieure à 4000€ par an). La déclaration est divisée en quatre rubriques :

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- le montant des opérations réalisées au cours du mois en distinguant les opérations imposables et non imposables,

- la ventilation du chiffre d’affaires imposable par taux,

- le détail de la TVA déductible,

- la TVA nette exigible ou le crédit de TVA reportable .

La déclaration doit être adressée ou télé-déclarée, accompagnée de son règlement ou de son télé-règlement, entre le 15 et le 24 du mois suivant la période d’imposition.

II.- Les modalités de paiement des entreprises soumises au régime du réel simplifié.

Le régime réel simplifié d’imposition ne modifie pas l’assiette de l’impôt ni le montant de la TVA due au titre d’un exercice, mais il permet un allégement significatif des formalités pour le contribuable.

Son champ d’application est le suivant :

- ventes de marchandises et fournitures de logement : chiffre d’affaires compris entre 80 300 et 766 000€ HT (option possible pour le réel normal),

- prestations de services et loueurs d’immeubles : chiffre d’affaires compris entre 32 100 et 231 000€ HT.

Les redevables soumis au régime du réel simplifié établissent une déclaration annuelle CA12 qui détermine le montant de la TVA due au titre de l’année écoulée. L’entreprise doit en outre verser spontanément quatre acomptes trimestriels qui s’imputent sur le montant de la TVA due (en pratique l’administration adresse au contribuable en avril, juillet, octobre et décembre un avis d’acompte égal au quart de la TVA due au titre de l’année précédente), déterminé lors du dépôt de la déclaration annuelle, au plus tard le 30 avril.

En cas d’insuffisance par rapport aux acomptes versés, le solde est payé au Trésor, l’excédent éventuel constitue au contraire un crédit reportable.

On notera en outre que le contribuable a la possibilité de diminuer le montant d’un acompte s’il estime que ce montant est supérieur d’au moins 10% à la taxe réellement due au titre du trimestre.

III.- Les modalités de paiement des entreprises relevant du régime des micro-entreprises.

Les entreprises de vente de marchandises et de fourniture de logement, lorsqu’elles réalisent un chiffre d’affaires inférieur à 80 300€ HT et les entreprises de prestation de services et de location immobilière, lorsqu’elles réalisent un chiffre d’affaires inférieur à 32 100€ HT sont dispensées du paiement de la TVA. On dit qu’elle bénéficie d’une franchise en base.

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Lorsque cette franchise s’applique, ces redevables ne peuvent plus récupérer la TVA qui leur est facturée, ne doivent plus mentionner de TVA sur leurs factures et doivent formellement y indiquer « TVA non applicable en vertu de l’article 293-B-I du CGI ».

Les redevables concernés par la franchise peuvent y renoncer sur option. L’option porte sur deux années et a pour conséquence de soumettre le redevable à l’ensemble des obligations relatives à la TVA.

On notera enfin que pour la TVA, le régime des micro-entreprises vaut quelque soit la structure de l’entreprise, individuelle ou sociétale alors que pour l’imposition des bénéfices, le régime des micro-entreprises est réservé aux entreprises individuelles. Il existe en outre nécessairement une concordance entre le mode d’imposition des bénéfices et le mode d’imposition du chiffre d’affaires. Si par exemple, une entreprise relevant par principe du régime du micro opte pour le régime du réel simplifié, l’option vaut à la fois pour les BIC et la TVA.

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TROISIEME PARTIE.- L’IMPOSITION DES RESULTATS DES ENTREPRISES INDIVIDUELLES (ET DES SOCIETES ASSIMILE ES).

Les entreprises individuelles (et les sociétés assimilées, c’est-à-dire les sociétés relevant de l’IRPP), qu’elles soient commerciales, industrielles ou artisanales, n’ont pas la personnalité fiscale. Le patrimoine de ces entreprises correspond aux éléments qui sont nécessaires à l’exploitation. Par ailleurs, l’entrepreneur peut décider d’affecter dans le patrimoine professionnel de l’entreprise certains éléments de son patrimoine personnel.

Les opérations que l’entreprise réalise sont de nature commerciale et revêtent le caractère de BIC (bénéfices industriels et commerciaux). Leur imposition s’effectue dans le cadre de l’IRPP de l’entrepreneur, les BIC participant, ainsi que les autres catégories de revenus perçus par le foyer fiscal, à la détermination du revenu annuel imposable.

Le calcul précis du résultat imposable des entreprises individuelles et des sociétés de personnes revêt donc une importance particulière et d’autant plus grande que ce type d’entreprise est, de loin, celui qui constitue l’essentiel du tissu économique français.

Il convient également de noter que la plupart des règles de détermination du bénéfice imposable dans cette catégorie se retrouvent également pour la détermination du résultat imposable des sociétés commerciales (soumises à l’impôt sur les sociétés ou IS) qui jouissent pour leur part de la personnalité morale et fiscale.

Le calcul précis du résultat imposable des entreprises individuelles et des sociétés de personnes revêt donc une importance particulière et d’autant plus grande que ce type d’entreprise est, de loin, celui qui constitue l’essentiel du tissu économique français.

Il convient également de noter que la plupart des règles de détermination du bénéfice imposable dans cette catégorie se retrouvent également pour la détermination du résultat imposable des sociétés commerciales (soumises à l’impôt sur les sociétés ou IS) qui jouissent pour leur part de la personnalité morale et fiscale.

CHAPITRE 1.- LES PRINCIPES GENERAUX DE L’IMPOSITION DES RESULTATS DES ENTREPRISES.

Les bénéfices réalisés par les entreprises constituent des revenus soumis à l’impôt, quelque soit le type de société.

Les règles qui définissent le redevable, la matière imposable, le calcul et les taux applicables dépendent en revanche du statut juridique de l’entreprise.

Ainsi, le résultat fiscal des entreprises peut être imposé de deux manières :

- soit au titre de l’IRPP dans la catégorie des BIC. Ce sont alors les propriétaires de l’entreprise qui sont imposables, et non l’entreprise elle-même.

- soit au titre de l’IS au taux de 33,33%. C’est la société qui est alors redevable de l’impôt.

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SECTION 1.- La détermination du résultat imposable.

C’est l’article 38.1 du CGI qui définit le bénéfice imposable : « le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d’après les résultats d’ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d’éléments quelconque de l’actif soit en cours, soit en fin d’exploitation ». Et de poursuivre, « le bénéfice est constitué par la différence entre les valeurs de l’actif net à la clôture et à l’ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l’impôt, diminuée des suppléments d’apport et augmenté des prélèvements effectués au cours de cette période par l’exploitant ou par les associés. L’actif net s’entend par l’excédent des valeurs d’actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiées ».

On observe que cet article donne une double définition du bénéfice imposable :

- la première est analytique et semble fondée sur la théorie du compte de résultat. Elle montre que le bénéfice imposable englobe l’intégralité des opérations réalisées au cours de l’exercice.

- la seconde est synthétique et semble davantage fondée sur la théorie du bilan. Elle considère que le bénéfice imposable relève de la variation de l’actif net, indicateur de l’enrichissement ou de l’appauvrissement de l’entreprise.

Dans la pratique toutefois, le résultat fiscal est toujours déterminé à partir du résultat comptable. Il ne lui correspond toutefois pas totalement et certaines corrections devront être apportées par l’intermédiaire de réintégrations ou de déductions fiscales. Ces corrections dites extracomptables illustrent le principe d’autonomie du droit fiscal.

Néanmoins, la définition du bénéfice imposable telle qu’elle résulte de l’article 38.1 du CGI peut être utile, en cas de contentieux avec l’administration fiscale, pour certaines situations particulières (comme l’éventuel profit résultant de la perception d’une indemnité d’expropriation par exemple).

Ainsi si l’on devait dégager une méthodologie générale de la détermination du bénéfice imposable, on distinguerait 2 étapes :

- dans un premier temps, l’entreprise va déterminer son résultat comptable en tenant compte uniquement des règles du droit comptable (sans se soucier des incidences fiscales). Elle va comptabiliser les produits et déduire les charges.

- dans un second temps, à la clôture de l’exercice, et une fois le résultat comptable dégagé, elle va le retraiter pour déterminer le résultat fiscal. Elle va pour ce faire procéder à un certain nombre de corrections extracomptables qui vont venir en déduction du résultat comptable ou, au contraire, qui vont être réintégrées à ce dernier. Par exemple, les pénalités fiscales ou économiques ne sont pas déductibles fiscalement : l’entreprise les a déduit de façon comptable mais doit les réintégrer pour la détermination de son résultat fiscal. A contrario, certains revenus ont dû être comptabilisés comme les dividendes par exemple mais

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ne sont pas imposables fiscalement : ils doivent être déduits pour déterminer le résultat fiscal. C’est ensuite sur ce résultat fiscal définitif que sera appliqué le taux de l’impôt.

SECTION 2.- La comparaison des modalités d’imposition des entreprises.

I.- Le régime de l’IRPP.

A.- Pour les entreprises individuelles.

L’entreprise individuelle n’étant pas considérée comme le contribuable en matière d’impôt sur les bénéfices (c’est l’exploitant qui est en effet considéré comme le redevable de l’impôt), l’IRPP dû par l’exploitant se calcule à partir d’un résultat établi en deux temps :

- dans un premier temps, l’exploitant calcul le résultat fiscal de son entreprise (voir la section 1) qui va constituer ses BIC imposables.

- puis dans un second temps, l’exploitant détermine le revenu imposable global de son foyer fiscal en ajoutant à ses BIC d’autres sources éventuelles de revenus comme les TS (traitements et salaires), les RF (revenus fonciers), les RCM (revenus de capitaux mobiliers), les BNC (bénéfices non commerciaux), les BA (bénéfices agricoles), les PV (plus-values) …dont lui ou les autres membres de son foyer ont pu disposer.

L’IRPP est ensuite calculé par l’administration fiscale à partir d’un barème progressif et en prenant en considération les charges de famille du contribuable (par l’intermédiaire du quotient familial).

En comptabilité, l’entreprise individuelle, après avoir déterminé le résultat de l’entreprise, ne supporte aucune charge d’impôt sur les bénéfices : c’est l’exploitant qui supporte l’impôt dans son IRPP.

B.- Pour les sociétés assimilées (sociétés de personnes relevant de l’IR et, depuis 2008, certaines sociétés de capitaux).

Le résultat fiscal est déterminé selon les règles similaires à celles qui concernent les entreprises individuelles. Ces sociétés n’étant pas dotées de la personnalité fiscale, elles sont en outre considérées comme transparentes en matière d’impôt. Ainsi, à la clôture de l’exercice, leurs associés sont réputés avoir appréhendé la quote-part de résultat correspondant à leurs droits dans la société et chaque associé est imposé suivant son régime fiscal propre. Il importe peu que les bénéfices aient été effectivement distribués aux associés, il s’agit en réalité d’une fiction du droit fiscal pour imposer les résultats d’une entité dont il ne reconnaît pas l’existence.

II.- Le régime de l’IS.

Ce régime d’imposition concerne les entreprises ayant une personnalité juridique propre et qui sont soumises de ce fait par le droit fiscal (parfois sur option) à l’IS.

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Il s’agit principalement, et en principe de façon obligatoire, des sociétés commerciales (SA, SARL, SCA, SAS, EURL personne morale, SCS pour les commanditaires et les associés dont la responsabilité est limitée, société civile quand son activité est commerciale et associations à but lucratif) et, sur option, des SNC, des sociétés en participation, des sociétés de fait et des sociétés civiles (sous certaines conditions). La loi pour la modernisation de l’économie de 2008 a toutefois assoupli la règle de l’assujettissement obligatoire des sociétés de capitaux. Ainsi les SA, SAS et SARL peuvent opter pour l’IR sous certaines conditions (lorsqu’elles ne sont pas cotées, lorsqu’elles disposent de moins de 50 salariés, lorsqu’elles réalisent moins de 10 millions de chiffre d’affaires, lorsqu’elles ont été créées depuis moins de 5 ans et lorsqu’elles sont détenues au moins à hauteur de 50% par des personnes physiques et au moins à hauteur de 34% par leurs dirigeants. L’option est alors valable 5 ans).

Ces sociétés, contrairement aux précédentes, ne sont pas transparentes mais opaques. Elles ont une personnalité fiscale autonome de celle de leurs associés et sont considérées comme les redevables légaux de l’impôt. En conséquence, elles Sont imposées en tant que telles sur leurs résultats et ce sont elles qui acquittent l’impôt. Le résultat qui apparait au compte de résultat est un bénéfice net après impôt. Les associés ne seront imposables qu’en cas de distribution effective (il n’existe pas de fiction comme pour les sociétés relevant de l’IR) et selon leur régime fiscal propre (IR ou IS) : il s’agira alors de dividendes imposables comme tels et non de BIC.

Prenons l’exemple récapitulatif suivant : une SNC est détenue à hauteur de 60% par son dirigeant, à hauteur de 30% par ses deux fils et à hauteur de 10% par six autres associés. Elle réalise un bénéfice comptable de 192 000€. La rémunération du dirigeant s’élève à 69 600€ et a bien été déduite de façon comptable. Elle ne l’est en revanche fiscalement que pour les sociétés relevant de l’IS. Par ailleurs, les autres charges non déductibles fiscalement s’élèvent pour l’exercice à 18 000€. On précise enfin que 20% du bénéfice est mis en réserve. Calculons le résultat fiscal de la société selon qu’elle relève de l’IR (régime de plein droit), de l’IS (sur option) et déterminons, pour chaque hypothèse, la part de bénéfice revenant à chaque associé.

- calcul du résultat fiscal de la SNC imposable à l’IR : Bénéfice comptable : 192 000€ Application des corrections fiscales Réintégration du salaire du dirigeant : + 69 600€ Autres charges non déductibles : + 18 000€ Résultat fiscal : 279 600€. Comptablement, l’entreprise ne supporte aucune charge d’impôt. - calcul du résultat fiscal de la SNC après option pour l’IS : Bénéfice comptable : 192 000€ Application des corrections fiscales Autres charges non déductibles : + 18 000€ Résultat fiscal : 210 000€ IS : 210 000€X33,33% (taux de l’IS)=70 000€

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Bénéfice net après impôt : 210 000€-70 000€=140 000€ - part de bénéfice revenant à chaque associé : Si la SNC a été imposée à l’IR, le solde du bénéfice fiscal est réputé attribué à chaque associé au prorata de ses parts, que ce bénéfice soit effectivement distribué ou mis en réserve. Le dirigeant devra donc déclarer dans son propre IRPP 60% de 279 600€ (ainsi que sa rémunération de 69 600€), ses fils 30% et les autres associés 10%. Ces montants devront être déclarés en tant que BIC . Si au contraire la SNC a opté pour l’IS, chaque associé ne reçoit que la part des bénéfices effectivement distribués. Il faut donc retirer 20% de 140 000€ qui doivent être mis en réserve (soit 28 000€), le dirigeant étant imposable à hauteur de 60% du solde distribuable (soit 60% de 112 000€), ses fils à hauteur de 30% et les autres associés à hauteur de 10%. Ces montants devront être déclarés en tant que dividendes (imposables dans la catégorie des RCM ). CHAPITRE 2.- L’IMPOSITION DES BIC. SECTION 1.- Le champ d’application des BIC. I.- Les activités imposables. Le CGI distingue dans ses articles 34 et 35 les activités commerciales par nature et par assimilation. Il faut y ajouter les activités commerciales par accessoire visées à l’article 155. A.- Par nature. Les activités commerciales par nature sont définies par l’article 34 du CGI qui dispose que « sont considérées comme des BIC, pour l’application de l’IR, les bénéfices réalisés par des personnes physiques et provenant de l’exercice d’une profession commerciale, industrielle ou artisanale ». L’exercice d’une profession commerciale consiste en l’accomplissement à titre habituel, dans un but lucratif, d’opérations à caractère industriel ou commercial par des personnes agissant pour leur propre compte, ce qui correspond à la définition des activités commerciales du C.Com. (art L110-1 et suiv.), de sorte qu’il n’y a aucune autonomie du droit fiscal en la matière. Ces opérations concernent notamment : - l’achat de marchandises destinées à la revente en l’état ou après transformation, - les activités de services, de location de biens meubles et de transport, - les opérations de commission et de courtage, - les opérations de banque, - les activités d’hôtellerie, d’hébergement et de restauration. B.- Par disposition de la loi.

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Ce sont des activités dont les bénéfices sont, bien que réalisés par des personnes n’ayant pas la qualité de commerçant, qualifiés de BIC. On distingue les activités commerciales par assimilation et par attraction. 1.- Les activités commerciales par assimilation. L’article 35 du CGI désigne en particulier les personnes et les activités suivantes : - les activités de marchands de bien, de lotisseurs et les agents immobiliers, - les personnes qui donnent en location un établissement commercial ou industriel muni du matériel ou du mobilier nécessaire à son exploitation, - les activités de location-gérance de fonds de commerce. 2.- Les activités commerciales par attraction. Certaines entreprises dont l’activité relève principalement des BIC peuvent également exercer à titre accessoire des activités non commerciales (BNC) ou agricoles (BA). Un boucher par exemple, qui relève des BIC, peut gérer en même temps une activité d’élevage agricole, qui relève des BA. L’article 155 du CGI considère alors que le résultat de ces opérations doit être inclus dans les bases de calcul de l’activité relevant des BIC (elles deviennent donc des activités commerciales accessoires). Dans notre exemple, le boucher pourra déclarer ses BA dans la catégorie des BIC. Pour que cette attraction puisse se réaliser il faut toutefois que deux conditions soient remplies : - il faut qu’il existe un lien étroit entre l’activité commerciale et l’activité agricole ou non commerciale, ce qui est le cas dans notre exemple puisqu’on peut considérer que les bestiaux vont directement de la ferme à la boucherie. Il a en revanche été jugé qu’un laboratoire d’analyses médicales (qui relève des BNC), ne constitue pas le prolongement naturel d’une pharmacie (c’est en effet le médecin et non le pharmacie qui prescrit les analyses biologiques). V. CE, 10 mai 1991. - il faut également que l’activité commerciale soit prépondérante, en termes de chiffre d’affaires ou de bénéfice. C.- Les activités exonérées. Les seuls cas d’exonération concernent : - les personnes qui louent en meublé une partie de leur habitation principale à un locataire dont c’est la résidence principale et à condition que le loyer soit raisonnable, - les personnes qui louent en meublé un logement soit à un organisme agréé sans but lucratif dont l’objet est le logement des personnes défavorisées, soit à une personne bénéficiaire du RMI, soit à étudiant bénéficiant d’une bourse d’enseignement supérieur.

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II.- Les personnes imposables. Sont visées : - les personnes physiques exploitantes individuelles qui exercent des activités imposables, - les associés de sociétés de personnes ou, sous certaines conditions, de capitaux, dans la mesure où ces sociétés exercent une activité industrielle ou commerciale et n’ont pas opté pour l’assujettissement à l’IS. SECTION 2.- L’AFFECTATION DU PATRIMOINE DE L’EXPLOI TANT. Comme toute personne, l’exploitant individuel ne possède qu’un patrimoine, en vertu du principe de l’unicité du patrimoine, que ses biens soient inscrits ou non à l’actif de son entreprise. Néanmoins, l’imposition des revenus tirés des différents éléments de son patrimoine varie selon qu’ils sont ou non affectés à son entreprise. Il convient donc de distinguer en matière fiscale selon que les éléments d’un patrimoine sont affectés à l’entreprise ou sont maintenus dans le patrimoine personnel de l’exploitant. Ainsi, si un élément est inscrit à l’actif, ses produits seront imposables dans la catégorie des BIC et ses charges seront déductibles du résultat imposable. En outre, en cas de sortie du patrimoine, pour cession à un tiers ou pour rejoindre le patrimoine personnel de l’exploitant par exemple, c’est le régime des plus ou moins values professionnelles qui s’appliquera. De même, l’inscription d’un élément au passif d’une entreprise, comme un crédit contracté par l’exploitant, engendrera des charges déductibles du résultat imposable (le remboursement du crédit dans notre exemple). Un exploitant est-il libre d’affecter ainsi les éléments de son patrimoine à son entreprise ? En principe oui, mais certains éléments indispensables au fonctionnement d’une entreprise, comme un fonds de commerce par exemple, sont réputés inscrits à l’actif, même si ils ne le sont pas réellement. En contrepartie, les charges afférentes à ces éléments seront également réputées déductibles du résultat imposable. SECTION 3.- La période d’imposition. L’entreprise fixe librement la date de clôture de son exercice comptable. Deux situations peuvent alors se présenter : - soit l’exercice comptable coïncide avec l’année civile, l’année d’imposition correspond alors à l’année civile suivante. Par exemple, si l’exercice comptable s’étend du 01/01/N au 31/12/N, les BIC réalisés durant cette année seront imposés au titre de l’IR en N+1.

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- soit l’exercice comptable ne coïncide pas avec l’année civile, l’année d’imposition correspond alors à l’année suivant celle de clôture de l’exercice. Par exemple, si l’exercice comptable s’étend du 01/06/N au 31/05/N+1, les BIC réalisés durant cet exercice seront imposés en N+2. L’imposition sera bien établie au cours de l’année civile suivante. CHAPITRE 3.- LES PRODUITS IMPOSABLES. Ils sont composés des produits d’exploitation , c’est-à-dire des produits réalisés par l’entreprise dans le cadre de son objet social, et des revenus accessoires, qu’une entreprise peut obtenir dans le cadre de sa gestion patrimoniale ou à titre exceptionnel. SECTION 1.- Les produits d’exploitation. La comptabilisation de ces produits permet de déterminer le bénéfice imposable. Celui-ci peut être défini de la façon suivante :

(Ventes-Achats) +/- Variation des stocks. En effet, les stocks sont considérés comme un produit de l’exercice, leur valorisation permet de neutraliser les frais que l’entreprise a supportés, qu’elle a comptabilisé et déduits, pour leur acquisition ou leur fabrication. Il n’est pas question de comptabiliser ici par anticipation une quelconque marge financière ou commerciale mais de prendre en compte les produits qui résulteront de ses achats. Si le stock, une fois évalué, augmente au cours d’un exercice, l’entreprise est appelé à augmenter ses ventes donc à s’enrichir. Elle sera davantage imposée. Si au contraire la variation est négative, l’entreprise est appelée à s’appauvrir et cela doit minorer son résultat imposable.

Quant aux ventes et aux achats, ce sont, plus exactement, les créances et les dettes d’une entreprise qu’il convient de prendre en compte. Ces différents éléments, même s’ils répondent à des natures distinctes, souffrent d’une problématique commune liée à leurs règles de rattachement et d’évaluation. Il est en effet fondamental de savoir, pour chacun d’eux, quand et pour quel montant on doit les prendre en compte pour déterminer le résultat imposable. I.- Les règles de rattachement et d’évaluation des créances et des dettes. A.- Les règles de rattachement des créances et des dettes et le principe de la comptabilité d’engagement. Les règles comptables et fiscales sont presque similaires sur ce point. Ainsi, aux termes de l’article 15 du C. Commerce qui définit les obligations comptables, « seuls les bénéfices réalisés à la clôture d’un exercice peuvent être inscrits dans les comptes annuels ». L’article 38-2 bis du CGI quant à lui rappelle que « les produits correspondants à des créances sur la

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clientèle ou à des versements reçus à l’avance en paiement du prix sont rattachés à l’exercice au cours duquel intervient la livraison des biens pour les ventes ou opérations assimilées et l’achèvement des prestations pour les fournitures de services ». On peut déduire de ces deux dispositions le postulat suivant : seul le bénéfice réalisé au cours de la période d’imposition est imposable. Ce bénéfice n’inclut que les créances et dettes certaines dans leur principe et déterminées dans leur montant, indépendamment des dates d’encaissement ou de décaissement (puisque l’on raisonne dans une logique de comptabilité d’engagement et non de caisse comme pour les particuliers). En conséquence, pour les ventes, le principe général est que l’exercice d’imposition est l’exercice au cours duquel la livraison est intervenue. Lorsque la vente est assortie d’une clause de réserve de propriété, la règle reste la même et ne prend donc pas en considération la date de transfert de propriété. Pour les fournitures de services, le principe général est que l’exercice d’imposition est l’exercice d’achèvement des prestations. En cas de prestations continues (location, prêt entraînant la perception de loyers et d’intérêts), le rattachement à l’exercice se fait au fur et à mesure de l’exécution de la prestation. Pour les travaux d’entreprise, qui donnent lieu à réception, le rattachement se fait lors de l’inventaire, au coût de revient des travaux. Enfin pour les contrats à long terme, qui dépassent un exercice, deux méthodes peuvent être utilisées : - celle de l’avancement des travaux : si l’entreprise peut évaluer de façon précise le bénéfice global, elle peut comptabiliser à la date de clôture de l’exercice, les produits et créances correspondants à l’exécution des travaux, dégageant ainsi un résultat partiel. - celle de l’achèvement des travaux : aucun bénéfice n’est pris en compte en cours d’exécution du contrat. Le produit et la créance sont constatés en fin de contrat, lors de la réception des travaux. B.- Les règles d’évaluation des créances et des dettes et le principe du nominalisme monétaire. Pour les avoirs, les créances et les dettes de la zone euro, les créances et les dettes libellées en euros sont retenues pour leur valeur nominale. Pour les avoirs, les créances et les dettes libellées en monnaies étrangères, les créances et les dettes doivent d’abord être comptabilisées dès qu’elles sont engagées, à leur cours du jour. Puis, à la date de clôture de l’exercice, si elles n’ont pas encore été réglées, les créances et les dettes libellées en monnaie étrangère doivent faire l’objet d’une nouvelle évaluation en tenant compte du dernier cours du jour. En droit comptable, les éventuels écarts de conversion sont sans incidence et sont juste indiqués à titre informatif. En droit fiscal au contraire, ils doivent être pris en compte pour la détermination du résultat imposable, qu’il s’agisse de gain ou de

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perte. Les écarts de conversion font alors l’objet d’une réintégration extracomptable (gain de change) ou d’une déduction extracomptable (perte de change). Prenons l’exemple d’une entreprise française qui possède une créance de 6 300$ sur un client américain. Cette créance a été enregistrée le 5/12/N. Au 31/12/N, le client ne l’a toujours pas réglé. Le cours du $ était, le 5/12/N, de 1€=1,3$ et, le 31/12/N, de 1€=1,2$. L’entreprise a d’abord comptabilisé sa créance le 5/12/N pour une valeur dite historique de 6 300$/1,3=4846,1€, puis le 31/12/N pour une valeur dite réelle de 6 300$/1,2=5250€. L’entreprise réalise en l’espèce un gain de change de : 5250-4846,1=403,9€. Le droit comptable considère, en vertu du principe de prudence, que tant que ce profit n’est pas réellement réalisé (ce qui est le cas puisque le client américain n’a toujours pas réglé sa dette), il ne doit pas être comptabilisé. Le droit fiscal au contraire entend l’appréhender et impose à l’entreprise de réintégrer de façon extra comptable le gain pour déterminer le bénéfice imposable. II.- Les règles de rattachement et d’évaluation des stocks et productions en cours. A.- La classification des stocks et des productions en cours. Pour calculer le bénéfice, on a vu qu’il fallait tenir compte de la variation des stocks entre l’ouverture et la clôture de l’exercice. Les stocks regroupent l’ensemble des biens et des services qui interviennent dans le cycle d’exploitation pour être vendus, transformés ou consommés. Ils comprennent les marchandises, les matières premières, matières et fournitures consommables, les produits intermédiaires, finis et résiduels, les emballages non récupérables et les productions en cours. B.- L’inventaire des stocks et productions en cours. L’article L123-12 du C. Commerce dispose que « toute personne physique ou morale ayant la qualité de commerçant doit contrôler par inventaire, au moins une fois par an, l’existence et la valeur des éléments actifs et passifs du patrimoine de l’entreprise ». Les stocks doivent donc faire l’objet d’une évaluation annuelle dont on mesure aisément les enjeux : minorer la valeur d’un stock permet en effet de réduire un résultat imposable ! Même si une entreprise tient sur le plan comptable un inventaire permanent de ses stocks, elle doit à la date de clôture de l’exercice procéder à un inventaire physique qui s’effectue de façon extracomptable. Lorsque cet inventaire physique est achevé, il convient de procéder à son évaluation, ce qui peut s’avérer une opération délicate. C.- L’évaluation des stocks et des productions en cours.

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Aux termes de l’article 38-3 du CGI, « les stocks sont évalués au prix de revient ou au cours du jours à la clôture de l’exercice, si ce cours est inférieur au prix de revient ». Le principe est l’évaluation au coût de revient, à moins que le cours du jour ne soit inférieur à ce coût. 1.- Le principe : l’évaluation au coût de revient. a.- Pour les produits achetés. Pour évaluer les produits achetés par l’entreprise il faut prendre en compte leur prix d’achat augmenté des frais accessoires (transport, assurance, douane, commission) en principe HT (si l’entreprise est assujettie à la TVA et si cette dernière est récupérable). Mais encore faut-il pouvoir identifier, au sein d’un stock, ses différentes éléments afin de savoir à quelle date et à quel prix ils ont été acquis. Dans la négative, lorsque ces derniers sont interchangeables et ne permettent pas une telle identification, deux méthodes alternatives sont offertes aux entreprises : - la méthode du prix de revient moyen pondéré, - la méthode FIFO (« First in, first out » c’est-à-dire « Premier entré, premier sorti »). Pour illustrer ces méthodes prenons l’exemple d’un inventaire qui révèlerait l’existence de 1500 unités non identifiables entre elles. La durée de rotation des stocks est de trois mois. Les achats réalisés au cours des trois derniers mois sont les suivants : - 1000 unités à 100€ (soit 100 000€) puis, - 2000 unités à 130€ (soit 260 000€). Pour évaluer la valeur des 1500 unités restantes, si l’on utilise la méthode du prix de revient moyen pondéré, on obtiendra le résultat suivant : (100 000€+260 000€)/3000=120€. Ainsi les 1500 unités restantes seront évaluées pour un montant de 1500X120€=180 000€. Si l’on utilise au contraire la méthode FIFO, on estime que les 1500 unités existantes proviennent des premiers achats effectués. Ainsi on évaluera les 1000 premières unités à un prix de 100€ soit 100 000€ et les 500 dernières à un prix de 130€, soit 65 000€, soit une valeur totale de 165 000€. On note qu’en fonction de la méthode choisie, la valorisation (et donc le résultat imposable!) diminue de 15 000€. NB. Seule la méthode FIFO est autorisée, celle LIFO (« Last in, first out » soit « Dernier entré, premier sorti ») est interdite. b.- Pour les produits fabriqués et les productions en cours.

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Pour évaluer les produits fabriqués par l’entreprise on doit prendre en compte le coût des matières premières utilisées et les charges directes ou indirectes de production (charges salariales, amortissement et provisions qui se rapportent aux facteurs de production). Le montant de ces charges est en principe déterminé par la comptabilité analytique (système de comptes ajustés à la comptabilité générale qui permet de rapprocher chaque produit de ses coûts), à défaut il est déterminé par voie statistique. D’une manière générale, il convient de prendre garde à trois règles importantes : - les frais généraux de l’entreprise, comme les frais administratifs ou les amortissements d’immobilisations qui ne concourent pas à la production, ne doivent pas être pris en compte dans les charges de production. - les amortissements des moyens de production ne peuvent être retenus que s’ils correspondent à une dépréciation réelle (seuls les amortissements techniques peuvent être pris en comptes, pas les amortissements dérogatoires). - les évaluations ne doivent jamais intégrer une quote-part de bénéfices (on ne peut comptabiliser à l’avance un bénéfice qui n’est pas encore réalisé!). 2.- L’exception : l’évaluation au cours du jour. Quand le coût de revient d’un produit est supérieur a cours du jour (c’est-à-dire au prix du marché), cela signifie que l’entreprise subira une perte lors de la vente. Elle doit pratiquer alors une dépréciation (ou provision pour dépréciation). SECTION 2.- Les revenus accessoires. I.- Les revenus fonciers. En vertu du principe de liberté d’affectation comptable, le commerçant est libre d’inscrire ou pas à l’actif de son entreprise les immeubles qu’il possède, qu’ils soient ou pas affectés à l’exploitation. S’il ne les inscrit pas, leurs produits relèveront de la fiscalité des ménages. S’il décide au contraire de les inscrire, leurs produits relèveront de la fiscalité des entreprises. Ainsi, si un immeuble est inscrit à l’actif d’une entreprise, ses revenus issus de sa location relèveront du régime des BIC. De même si l’immeuble est utilisé comme résidence par l’exploitant, il conviendra néanmoins de déterminer sa valeur locative et de l’imposer comme des BIC. Cette inscription à l’actif est une solution judicieuse car elle autorise symétriquement à déduire du bénéfice imposable toutes les charges immobilières : frais d’acquisition, frais d’entretien, frais financiers et amortissements.

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Le seul inconvénient résidait dans le régime applicable en cas de cession de l’immeuble ou de cessation d’activité : c’était en effet le régime des plus-values des entreprises qui s’appliquait et qui prévoyait une imposition systématique, alors que dans le cadre de la fiscalité des particuliers, la plus-value était exonérée au bout de 15 ans (10% par an au delà de 5 ans). Aujourd’hui cet inconvénient n’existe plus puisque l’exonération totale au bout de 15 ans a été étendue aux entreprises pour les plus-values afférentes à des immeubles affectés à l’exploitation. II.- Les produits financiers. Ils sont comptabilisés en tant que tels puisqu’ils concourent comme les autres produits à la formation du résultat comptable. En revanche, ils ne sont pas systématiquement pris en compte pour la détermination du résultat fiscal, de sorte que certaines corrections extra comptables devront être réalisées. Il faut distinguer en réalité : - les intérêts de créances (de prêts, d’obligations) inscrites à l’actif de l’entreprise qui sont pris en compte pour la détermination du résultat fiscal de l’entreprise (comme des BIC, sans correction puisque le résultat comptable coïncidera sur ce point avec le résultat fiscal) ; - les dividendes d’actions et de parts sociales qui, lorsque les titres sociaux sont inscrits à l’actif de l’entreprise, relèvent des produits financiers de l’entreprise. Toutefois, pour la détermination du résultat fiscal, on, va devoir retrancher ces revenus (c’est-à-dire les déduire de façon extra comptable) non parce qu’ils sont exonérés mais parce qu’ils vont être imposables au nom de l’exploitant, au même titre que les autres dividendes provenant de son patrimoine privé, dans la catégorie des RCM (Revenus de Capitaux Mobiliers) et non des BIC. L’intérêt pour l’exploitant est alors de bénéficier du régime des dividendes des particuliers, c’est-à-dire d’une réfaction de 40%, d’un abattement et d’un crédit d’impôt ou d’un prélèvement libératoire de 30,10%. III.- Les subventions. Il faut distinguer les subventions d’équilibre (dites de fonctionnement), accordées en fonction des résultats (souvent pour les compenser lorsqu’ils sont insuffisants) par l’Etat, des collectivités locales ou des tiers, qui sont imposables dans les résultats de l’exercice au cours duquel elles ont été attribuées et les subventions d’équipement (dites d’investissement) qui sont accordées par l’Etat, les collectivités locales ou des organismes publics pour financer l’acquisition d’immobilisations déterminées. Elles sont également imposables au titre de l’exercice au cours duquel elles ont été attribuées mais les entreprises bénéficiaires peuvent néanmoins opter pour l’étalement de l’imposition dans les conditions suivantes : - la subvention vise-t-elle à financer une immobilisation amortissable ? OUI, la subvention est alors rapportée aux bénéfices des exercices suivants proportionnellement aux amortissements pratiqués,

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- NON, il faut alors rechercher l’existence d’une clause d’inaliénabilité (qui interdit la revente de l’immobilisation subventionnée pendant un certain temps). Si une telle clause existe, l’étalement se fait par fractions égales pendant la durée d’inaliénabilité (par exemple si elle est de 4 ans, l’étalement sera de ¼ de la subvention chaque année). Si une telle clause n’existe pas, l’étalement se fait sur 10 ans (par 1/10ème chaque année). Par exemple, une entreprise acquiert une machine le 01/01/N pour un prix de 12 000€ HT. Cette machine est amortie linéairement sur 5 ans. L’entreprise a obtenu une subvention de 4 000€ pour acquérir cette machine. Elle peut soit reprendre la subvention pour son intégralité dans son résultat imposable de N, soit étaler son imposition sur la durée d’amortissement (c’est-à-dire sur 5 ans). Dans cette hypothèse, chaque année elle va amortir 20% de sa machine (elle va donc déduire au titre des amortissements 20% de 12 000€ soit 2 400€) et réintégrer 20% de sa subvention (soit 20% de 4000€ soit 800€). NB. Si l’entreprise opte pour un étalement de l’imposition il faut qu’elle déduise de façon extra comptable, la première année, le montant de la subvention afin d’éviter toute double imposition ! NB. En cas de vente d’une immobilisation financée par une subvention d’équipement, la part de la subvention non encore reprise (c’est-à-dire non encore réintégrée) à la date de la cession constitue un produit imposable de l’exercice de cession. Dans notre exemple, si la machine était vendue en N+1, l’entreprise devrait réintégrer 800€X4 soit 3 200€. IV.- Les indemnités. Toutes les indemnités, de quelque nature qu’elles soient, constituent par principe un profit imposable. Il en est ainsi par exemple des dommages et intérêts qui sont octroyés à un commerçant en réparation du préjudice qu’il a subi (en cas de concurrence déloyale par exemple). Il en est de même des indemnités qui sont perçues à la suite d’un sinistre, d’une éviction (en cas de non renouvellement de bail par exemple) ou encore d’une expropriation. Dans ce cas, il faut bien vérifier la nature du préjudice que répare l’indemnité perçue : - si elle compense la disparition de stocks ou la survenance de charges d’exploitation ou encore un manque à gagner, elle est taxable au taux normal de l’impôt comme un simple profit d’exploitation. - si elle compense au contraire la disparition d’un élément de l’actif immobilisé (la destruction d’une machine par exemple), on l’assimile à un prix de vente et on lui applique le régime des plus-values et des moins-values (avec l’application éventuelle d’un taux réduit d’imposition). Il faut alors déduire de façon extra comptable l’indemnité pour la fiscaliser selon son propre régime et pour qu’elle cesse de figurer dans le résultat d’exploitation. V.- Les diminutions de passif.

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Lorsqu’une entreprise a une dette et que cette dernière disparaît (par exemple parce qu’un de ses créanciers a abandonné la créance qu’il avait sur elle), cela diminue son passif et constitue donc un enrichissement pour elle. Ainsi l’abandon de créance ou la remise de dette, qui sera déductible pour l’entreprise créancière, dans la mesure où elle constitue un acte normal de gestion, sera corrélativement imposable chez l’entreprise bénéficiaire. En cas de dégrèvement d’impôt, lorsque le Trésor rembourse un trop perçu par exemple, la logique sera la même et l’entreprise devra le déclarer dans ses résultats imposables. Dans cette dernière hypothèse toutefois il faut vérifier le régime de déductibilité de l’impôt sur lequel le dégrèvement porte : s’il était déductible pour l’entreprise lors de son paiement initiale (ce qui n’est pas systématiquement le cas fiscalement), son dégrèvement sera imposable. En revanche, s’il n’était pas déductible (et avait dû faire l’objet lors de son paiement d’une réintégration extra comptable), son dégrèvement ne sera pas imposable et devra être déduit de façon extra comptable. CHAPITRE 4.- LES CHARGES DEDUCTIBLES. En vertu de l’article 13 du CGI, le revenu imposable est un revenu net, calculé sous déduction des différentes dépenses effectuées en vue de son acquisition et de sa conservation. S’agissant plus particulièrement des BIC, l’article 39-1 du CGI précise en outre que le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, c’est-à-dire des frais généraux, des amortissements et des provisions. L’enregistrement des charges doit s’effectuer selon les prescriptions du plan comptable général. Leur comptabilisation influe directement sur le montant du résultat comptable mais n’implique pas que leur déduction soit systématiquement admise par le droit fiscal. Ainsi les charges dont la déduction n’est pas admise fiscalement devront être réintégrées au résultat comptable pour la détermination du résultat fiscal. Cette réintégration s’effectue de façon extra comptable. Avant d’étudier les différentes sortes de charges déductibles nous étudierons donc leurs règles générales de déduction. SECTION 1.- Les règles générales de déduction. I.- Les conditions de déductibilité. A.- Les conditions de fond.

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Une charge n’est déductible fiscalement que si elle correspond à l’intérêt de l’entreprise, c’est-à-dire si elle comporte une contrepartie suffisante pour cette dernière. Tel n’est pas le cas des actes anormaux de gestion, des dépenses somptuaires, de certaines sanctions pécuniaires et de certaines dépenses de corruption. 1.- Les actes anormaux de gestion. Une charge peut-être considérée comme relevant d’un acte anormal de gestion lorsqu’elle est injustifiée dans son principe, exagérée dans son montant ou lorsqu’elle engendre un manque à gagner pour l’entreprise. Ainsi les dépenses qui n’ont, dans leur principe, aucun intérêt pour l’entreprise doivent voir leur déductibilité fiscalement rejetée. Il en est par exemple des avantages consentis à un parent, à un ami ou à une société apparentée. Dans d’autres cas, ce n’est pas la nature même de la dépense qui est en cause mais seulement son montant. Une rémunération excessive versée à un dirigeant pourra ainsi voir sa déductibilité rejetée. Enfin l’acte anormal de gestion peut également être caractérisé négativement, lorsqu’une entreprise renonce sans contrepartie et sans justification à un profit qu’elle pourrait réaliser, en consentant des locations gratuites par exemple ou en accordant des avances sans intérêt. 2.- Les dépenses somptuaires. Ils s’agit de dépenses limitativement énumérées par l’article 39-4 du CGI que l’on qualifie également d’actes anormaux de gestion par détermination de la loi (dispensant l’administration fiscale, en cas de contrôle, de tout souci de preuve). Ces dépenses sont systématiquement interdites de déduction, même si elles ont été engagées dans l’intérêt de l’entreprise. Il s’agit : - des dépenses de chasse et de pêche, - des dépenses d’utilisation de yachts et de bateaux de plaisance, - des dépenses se rapportant aux résidences de plaisance et d’agrément, - des annuités d’amortissement des voitures de tourisme pour la fraction du prix de revient qui excède 18 300€ ou 9 900€ (véhicule polluant) (pour un exemple, voir ci-dessous dans les développements relatifs aux amortissements). Concernant les dépenses se rapportant aux résidences de plaisance et d’agrément on notera que par exception, constituent des charges déductibles les dépenses relatives aux œuvres sociales de l’entreprise (colonies de vacances par exemple) et celles se rapportant aux demeures historiques classées. De même sont déductibles les dépenses afférentes aux résidences de plaisance que l’exploitant individuel ou le dirigeant utilise comme domicile tout en y fixant l’adresse de l’entreprise ou le siège de la société. La solution est identique pour les

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dépenses afférentes aux résidences de plaisance qui, faisant partie intégrante d’un établissement de production, servent à l’accueil de la clientèle. 3.- Les pénalités légales. Selon l’article 39-2 du CGI « les sanctions pécuniaires et pénalités de toute nature mises à la charge des contrevenants à des obligations légales ne sont pas admises en déduction des bénéfices soumis à l’impôt ». L’interdiction est générale et vise notamment les pénalités fiscales et les amendes pénales. Elle ne concerne pas en revanche les pénalités pour violation d’une obligation contractuelle (clause pénale ou dommages et intérêts) qui restent bien déductibles pour l’entreprise qui doit les acquitter. 4.- Les dépenses de corruption. Concernant les dépenses de corruption le droit fiscal fait preuve d’une redoutable autonomie puisqu’il ne prend en compte que l’intérêt financier de l’entreprise et considère qu’une dépense même illicite (pour obtenir un marché public par exemple) n’est pas un acte anormal de gestion si elle a été engagée dans l’intérêt de l’entreprise. Seule est interdite, en vertu de l’article 39-2 bis du CGI, la déduction des bakchichs versés à des agents publics étrangers dans le cadre de transactions commerciales internationales (afin notamment de se conformer aux exigences de la Convention OCDE sur la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers). B.- Les conditions de forme. Les charges doivent être comptabilisées au cours de l’exercice auquel elles se rapportent. Cette comptabilisation doit en outre s’accompagner des justificatifs correspondants (factures). Les sociétés doivent en outre joindre à leur déclaration annuelle de leurs résultats un relevé détaillé de certains frais généraux. Les entreprises individuelles en sont dispensées ; elles sont seulement tenues de mentionner sur leur déclaration de résultat deux catégories de frais : - les cadeaux (à l’exception des cadeaux publicitaires d’une valeur unitaire inférieure à 30€ à ne pas confondre avec le seuil de 60€ en matière de TVA !), - les frais de réception. Les omissions sont sanctionnées par une amende de 5%, ramenée à 1% pour les charges déductibles fiscalement. Les entreprises doivent également déclarer les commissions, honoraires et autres rémunérations de même nature qu’elles versent à leur personnel non salarié dès lors que leur montant dépasse 600€ par an et par bénéficiaire. Les omissions sont également sanctionnées par une amende de 5%.

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En outre, les entreprises doivent joindre à leur déclaration un tableau récapitulant les immobilisations détenues et les amortissements pratiqués. Le défaut de production de ce tableau ou l’omission de certains amortissements ne fait cependant pas obstacle à la déduction des amortissements comptabilisés par ailleurs. Seule est encourue une amende de 15€ par omission. Enfin, les provisions doivent être mentionnées sur un relevé spécial. Si l’entreprise ne respecte pas cette obligation formelle, elle encourt une amende fiscale dont le taux normal est de 5% du montant des provisions non mentionnées. Le taux est ramené à 1% si la provision est déductible fiscalement. II.- La distinction entre immobilisations et frais généraux. Les dépenses d’immobilisation et les dépenses de frais généraux constituent toutes deux des charges déductibles mais leur incidence sur l’actif net est différente de sorte que leurs modalités de déductibilité ne seront pas les mêmes. Une dépense d’immobilisation n’entraîne pas en effet de diminution de l’actif net mais, au contraire, une source d’enrichissement pour l’entreprise puisqu’elle augmente son patrimoine. En conséquence elle ne sera pas immédiatement déductible, comme une dépense de frais généraux, mais de façon étalée dans le temps, par la technique de l’amortissement. Au contraire, une dépense de frais généraux appauvrit l’entreprise et entraîne une diminution de l’actif net . Il est logique qu’elle soit alors immédiatement déductible. Il est donc fondamental pour une entreprise, lorsqu’elle engage une dépense, de savoir dans quel cadre elle le fait afin d’éviter tout risque de redressement par l’administration fiscale en cas de contrôle. Les critères de distinction proposés tant par le droit fiscal que par le droit comptable qui, sur ce point, se rejoignent, sont les suivants : doivent être considérées comme des dépenses d’immobilisation - les dépenses ayant pour conséquence l’entrée de nouveaux éléments dans l’actif immobilisé de l’entreprise, à l’exception de l’acquisition du petit matériel, de l’outillage, des articles de bureaux et des logiciels dont la valeur unitaire est inférieure à 500€, - les dépenses qui augmentent la valeur d’un élément de l’actif immobilisé, - les dépenses qui augmentent d’une manière significative la durée de vie d’un élément de l’actif immobilisé et qui relèvent, le plus souvent, de dépenses de remplacement, à l’exception des simples dépenses d’entretien et de réparation (ainsi par exemple, si une entreprise décide d’acheter un nouveau moteur pour un camion immobilisé elle devra l’amortir et ne pourra considérer cette dépense comme des frais généraux). A contrario,

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toutes les autres dépenses doivent être considérées comme de simples dépenses de frais généraux. Ces critères, d’apparence facilement applicable, ne sont toutefois pas adaptés à toutes les immobilisations. Ainsi en est-il des immobilisations dites incorporelles pour lesquelles il a fallu attendre un arrêt rendu par le CE le 21/08/1996, SA Sife, selon lequel « ne doivent suivre le régime fiscal des éléments incorporels de l’actif immobilisé de l’entreprise que les droits constituant une source régulière de profits, dotés d’une pérennité suffisante et susceptibles de faire l’objet d’une cession ». Il s’agissait en l’espèce d’un président de SA qui avait concédé à sa société une licence d’exploitation en France d’une marque d’électroménagers dont il était titulaire. La concession était rémunérée par le versement d’une redevance de 0,5% du chiffre d’affaires dégagé par la vente des appareils électroménagers. Lors d’un contrôle fiscal, l’administration avait contesté à la SA le droit de déduire les redevances versées au prétexte que la licence avait pour la société la nature d’une immobilisation incorporelle et ne constituait donc pas une dépense de frais généraux déductible. Saisi ultérieurement du contentieux, le Conseil d’Etat en profitait donc pour définir la notion même d’immobilisation incorporelle et pour rechercher si la licence avait bien constitué une source régulière de profits, si elle était dotée d’une pérennité suffisante (les droits précaires pouvant faire l’objet d’une résiliation annuelle par le concédant sont ainsi trop fragiles pour être traités comme des immobilisations) et si elle était susceptible de faire l’objet d’une cession (par application du critère de patrimonialité). Cette dernière condition n’étant pas remplie en l’espèce, la CE rejeta l’activation des redevances faite par l’administration (c’est-à-dire son assimilation à une immobilisation incorporelle) et confirma leur déductibilité au titre des dépenses de frais généraux, entraînant ainsi la décharge des redressements envisagés. On notera enfin que les frais accessoires liés à l’acquisition à titre onéreux d’une immobilisation doivent par principe être rattachés à son coût de revient. Ainsi les frais de transport, de mise en route, de montage ou d’assurances ne constituent pas des charges déductibles et doivent être en principe immobilisés et amortis selon les mêmes règles que l’immobilisation. Il existe toutefois un régime particulier pour les droits de mutation, les honoraires ou commissions et les frais d’acte. Ils peuvent en effet, en vertu de l’article 38 quinquies 1 a, ann. III au CGI être comptabilisés en charge et faire l’objet d’une déduction immédiate, l’option étant globale et irrévocable. III.- L’exercice d’imputation. Le dispositif de l’article 38-2 bis du CGI ne vise que les règles de rattachement des produits mais ne prévoit pas de régime similaire pour les charges. On sait que les produits doivent être comptabilisés quand la créance de l’entreprise est certaine, tant dans son montant que dans son principe, de sorte que c’est son exécution qui conditionne son rattachement, quelque soit la date de son paiement. Dans le silence de la loi, on transposera ces règles au rattachement des charges et on considérera que l’enregistrement du produit chez le créancier et celui de la

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charge correspondante chez le débiteur interviennent à la même date, celle de l’exécution de son obligation par le créancier. Les charges sont donc déductibles des produits de l’exercice au cours duquel elles ont été engagées et suivant les principes de l’indépendance des exercices et du rattachement des charges aux produits, une entreprise n’est pas en droit de déplacer des charges d’un exercice sur un autre. La date du paiement est, comme pour les produits, sans incidence : une charge engagée au cours d’un exercice mais restant à payer à sa clôture doit être déduite de l’exercice au cours duquel elle a été engagée. Une entreprise qui se voit facturer sa consommation électrique de façon trimestrielle doit ainsi par exemple comptabiliser une estimation de sa consommation au 31/12 d’une année même si elle ne la règlera effectivement qu’en janvier. Inversement, une charge payée au cours d’un exercice mais qui concerne l’exercice suivant (charges constatées d’avance) n’est pas déductible de l’exercice au cours duquel elle a été payée mais de celui qui la concerne. Par exemple, si une entreprise paie par avance un loyer commercial le 31/12/N pour le premier trimestre N+1, elle doit attendre le mois de mars de l’année N+1 pour le déduire de son résultat imposable et devra le réintégrer de façon extra comptable pour la détermination de son résultat imposable de N. La seule exception à ce régime concerne les frais d’établissement, c’est-à-dire les frais de constitution et de restructuration de sociétés (augmentation de capital, fusions…) qui peuvent, sur option, être étalés linéairement pendant 5 ans. SECTION 2.- Le régime de déduction des frais généraux. On observe une grande variété de frais généraux : les frais de personnel, les frais financiers, les frais fiscaux, les frais de location, les frais d’assurance, les dépenses d’entretien et de réparation, les dons et subventions et, enfin, les frais de recherche et de propriété industrielle. I.- Les frais de personnel. Les rémunérations (salaires, primes diverses, avantages en nature…) ainsi que les charges sociales correspondantes, versées au personnel salarié, sont normalement déductibles sous réserve qu’elles correspondent à un travail effectif et que leur montant ne soit pas excessif eu égard au service rendu. Dans le cadre des entreprises individuelles, des règles spéciales ont en outre été aménagées pour l’exploitant et son conjoint. Ainsi les rémunérations perçues par l’exploitant individuel ne sont pas déductibles dans la mesure où il n’est pas censé se verser un salaire à lui-même mais seulement être rémunéré par les bénéfices de son entreprise. En revanche les cotisations sociales (régime de base ou complémentaire) sont, depuis la loi Madelin de 1994, déductibles. Le régime applicable à son conjoint dépend quant à lui de son statut : s’il est co-exploitant ou collaborateur, son régime sera le même que celui de l’exploitant (non déductibilité du salaire

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mais déductibilité des cotisations sociales) ; s’il est salarié et si l’entreprise adhère à un centre de gestion agrée, les salaires seront déductibles. Au contraire, si l’entreprise n’adhère pas à un tel centre, le salaire annuel versé au conjoint ne sera déductible qu’à hauteur de 13 800€ (l’éventuel surplus devant être réintégré de façon extra comptable). Les charges sociales sont systématiquement déductibles. II.- Les frais financiers. Dans une entreprise individuelle, l’exploitant ne peut se verser à lui-même des intérêts déductibles, les sommes figurant au compte de l’exploitant ne donnant pas lieu à rémunération. Les seuls frais déductibles sont ceux qui se rapportent à des emprunts contractés auprès de personne autres que l’exploitant : établissements bancaires, amis, autres entreprises… Ainsi les intérêts d’emprunt sont déductibles lorsque celui-ci a été souscrit dans l’intérêt de l’entreprise, lorsqu’il a été inscrit au passif de cette dernière et lorsque les taux d’intérêt pratiqués sont normaux (en vertu de la théorie de l’acte normal de gestion). On rappellera en outre que seuls les intérêts courus sont déductibles, quelque soit leur date d’échéance ou de règlement. III.- Les frais fiscaux. Les impôts qui se rapportent à l’exploitation sont en principe déductibles, à l’exception de ceux expressément exclus par une disposition légale (comme la taxe locale d’équipement, l’impôt sur les sociétés et la taxe sur les véhicules de société pour les sociétés). En revanche tous les impôts personnels de l’exploitant, comme l’impôt sur le revenu, l’impôt sur la fortune, la taxe d’habitation, la CSG ou la CRDS ne peuvent être déduits, même s’ils ont été réglés par l’entreprise. Il faut alors procéder à leur réintégration extra comptable. En cas de redressement fiscal, le rappel d’impôt suit son régime (le rappel de TVA sera ainsi déductible mais pas celui d’IS) mais les pénalités fiscales éventuelles, d’assiette ou de recouvrement, ne sont jamais déductibles. IV.- Les frais de location. Les loyers et les charges locatives sont par principe, lorsqu’ils procèdent de location faites dans l’intérêt de l’entreprise, déductibles. Certains régimes particuliers doivent toutefois être mentionnés. Le droit d’entrée, analysé par la jurisprudence comme ayant la nature de loyers payés d’avance, doit ainsi être traité comme tel. Il convient de l’étaler sur la durée du bail, comme si on l’amortissait.

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Le pas de porte, qui est le prix versé au précédent locataire en contrepartie du droit au bail qu’il cède à son successeur, doit quant à lui être considéré comme une composante du fonds de commerce ayant la nature d’une immobilisation incorporelle non amortissable. Le dépôt de garantie versé au bailleur et ayant vocation à être restitué au locataire en fin de bail ne peut être éventuellement déduit qu’à cette période et en l’absence de restitution (en cas de défaut de paiement de loyer ou de détérioration par exemple). Il doit, dans cette attente, faire l’objet d’une réintégration extra comptable l’année de son versement. Enfin, les loyers versés dans le cadre de contrat de crédit-bail, mobilier ou immobilier , sont en principe intégralement déductibles. Toutefois, un régime particulier concerne les opérations de crédit-bail ou de location de voiture de tourisme. Par souci d’équité on leur applique en effet le même régime que celui qui gouverne les acquisitions et qui relève des dépenses dites somptuaires, en vertu de l’article 39-4 du CGI, de sorte qu’une entreprise qui loue ses voitures est soumise aux mêmes limites de déduction que si elle les a achetées. Ainsi, la part de loyer non déductible correspond au montant des amortissements qui ne seraient pas déductibles si l’entreprise était propriétaire , les contrats de crédit-bail inférieurs à une durée de trois n’étant toutefois pas concernés par cette limitation. Prenons l’exemple d’une entreprise qui loue, pendant 1 an, un véhicule d’une valeur marchande de 30 000€ TTC pour une mensualité de 450€ TTC et, pendant deux mois, un véhicule d’une valeur marchande de 54 000€ TTC pour une mensualité de 790€ TTC. Les loyers versés pour le véhicule d’une valeur de 54 000€ TTC, d’un montant global de 1 580€ TTC, sont intégralement déductibles car le bail a été conclu pour une durée inférieure à trois mois et n’est donc pas concerné par la limitation. En revanche, les loyers versés pour le véhicule d’une valeur de 30 000€ TTC ne sont que partiellement déductibles. Pour calculer le montant que l’entreprise doit réintégrer de façon extra comptable il faut d’abord calculer les amortissements non déductibles qui auraient été réintégrés si l’entreprise était propriétaire (pour mémoire un véhicule s’amortit linéairement sur 5 ans avec, fiscalement, un plafond de 18 300€) : 30 000€ X 20%=6 000€ d’annuités comptables, 18 300€ X 20%=3 666€ d’annuités fiscalement autorisées soit 2 334€ d’annuités à réintégrer annuellement. Puis il faut déterminer le montant des loyers annuels versés (déduits de façon comptable) : 450€ X 12=5 400€ avant d’en calculer la différence : 5 400€-2 334€=3 066€. Ainsi l’entreprise a déduit 5 400€ de loyer mais n’a fiscalement le droit que de déduire 3 066€ (elle doit donc réintégrer 2 334€). V.- Les frais d’assurance. Par principe, tous les frais d’assurance présentant un caractère indemnitaire sont déductibles. Ainsi, les primes des contrats d’assurance souscrits pour garantir les risques sur les éléments d’actif (incendie, dégât des eaux…), du fait de la responsabilité de l’entreprise (civile, décennale…) ou liées à l’exploitation (non-paiement de créances, grève…) sont déductibles du résultat imposable.

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Tel n’est pas le cas des primes d’assurance-vie qui répondent à une autre logique, celle d’un placement financier effectué à titre de prévoyance. L’entreprise recevra en effet un capital déterminé à l’avance, soit à une échéance donnée, soit lorsqu’un événement précis se réalisera (comme le décès d’un collaborateur par exemple). Les primes annuelles ne seront pas alors déductibles puisqu’elles ont la nature de placements financiers. A l’échéance du contrat ou si l’événement assuré se réalise, le capital ou les indemnités versées étant imposables, les primes seront toutefois globalement déductibles, mais uniquement à cette date. En revanche, si l’assurance-vie présente un caractère indemnitaire comme dans les assurances garantissant le remboursement des emprunts (et souscrites à la demande de l’organisme prêteur) ou dans les assurances « homme-clé » (qui garantissent l’entreprise des pertes d’exploitation qu’elle subirait en cas de disparition de son dirigeant ou de ses principaux collaborateurs), les primes redeviennent déductibles au moment où elles sont versées. NB. Dans les entreprises individuelles, l’exploitant ne peut bénéficier de la qualification d’homme-clé. VI.- Les dépenses d’entretien et de réparation. Les charges d’entretien et de réparation sont en principe déductibles au titre des dépenses de frais généraux. Il faut toutefois bien s’assurer qu’il ne s’agit pas de dépenses présentant le caractère d’investissement amortissable. La jurisprudence du CE est assez éclairante sur ce point. Elle considère en effet traditionnellement que seules les dépenses qui ont pour but de maintenir en état d’usage ou de fonctionnement des éléments d’actif sont admises en charges déductibles, le montant de la réparation ou le fait que la réparation ait lieu pendant ou après la période d’amortissement n’ayant aucune incidence. A contrario, les dépenses qui se traduisent par une augmentation de la valeur de l’actif, ou qui prolongent notablement la durée d’utilisation du bien, doivent faire obligatoirement l’objet d’un amortissement. Le montant des travaux par rapport au prix de revient est sans incidence. NB. Les dépenses consacrées à la remise en état d’un matériel acquis d’occasion sont considérées comme faisant partie intégrante du prix d’acquisition de l’immobilisation. VII.- Les dons et les subventions. Une entreprise n’étant pas un organisme philanthropique, les libéralités qu’elle consent ne sont pas a priori déductibles au titre des frais généraux. Toutefois, les entreprises peuvent être amenées à consentir, dans leur intérêt, des dons et des subventions. Les petites gratifications ou les subventions aux œuvres sociales du personnel (crèche) ne posent guère de problème de

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déductibilité. On s’attachera plus spécifiquement au régime des cadeaux, du parrainage et du mécénat. Les cadeaux sont déductibles s’ils sont faits, selon l’administration fiscale, « dans l’intérêt de la bonne marche ou du développement de l’affaire ». Plus spécifiquement ce sont la qualité du bénéficiaire (qui sera un client ou un fournisseur) et la valeur du cadeau en comparaison du chiffre d’affaires traité avec ce dernier qui seront pris en compte. Les dépenses de parrainage engagées à l’occasion de manifestations culturelles, sportives ou encore artistiques sont déductibles lorsqu’elles sont faites dans l’intérêt de l’entreprise (pour améliorer son image de marque notamment) ; lorsque son identité apparaît et lorsque les dépenses sont en rapport avec le chiffre d’affaires de l’entreprise. La déductibilité des dépenses est alors réelle. Parallèlement il existe un crédit d’impôt (directement imputable sur l’impôt lui-même alors que les dépenses de frais généraux sont simplement déductibles du bénéfice imposable), visant à encourager le mécénat d’entreprise, correspondant à 60% des dépenses engagées (dans la limite de 5%o du chiffre d’affaires HT de l’entreprise). Les deux dispositifs ne peuvent toutefois pas se cumuler de sorte que les dépenses de mécénat ouvrant droit au crédit d’impôt ne peuvent être déduites du résultat imposable et les dépenses de parrainage déduites de ce résultat cessent d’être éligibles au régime du crédit d’impôt. VIII.- Les frais de recherche et de propriété industrielle. Il faut distinguer, parmi ces frais, ceux de recherche fondamentale qui, par principe, n’aboutissent pas encore à un projet opérationnel et qui sont obligatoirement comptabilisés en charges (en tant que dépenses de frais généraux) et ceux de recherche appliquée qui se rapportent au contraire à des projets individualisés et qui ont des chances de rentabilité commerciale. Ces derniers peuvent en effet être, au choix de l’entreprise, soit comptabilisés en charges immédiatement déductibles soit immobilisés pour être ensuite amortis (article 236 du CGI). Quelque soit le choix de l’entreprise, le traitement fiscal et comptable doit impérativement coïncider de sorte que si elle a décidé d’amortir de façon comptable elle ne peut fiscalement bénéficier de l’avantage de la déduction immédiate. On notera enfin l’existence de deux régimes particuliers qui méritent d’être étudiés : - celui des dépenses de création et de conception de logiciels d’abord où le traitement comptable et fiscal peut être différent. Ainsi, une entreprise peut décider d’immobiliser son logiciel et de l’amortir de façon comptable mais fiscalement de bénéficier de l’avantage de la déduction immédiate. Comment ? Par la technique de l’amortissement dérogatoire, qui est un

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amortissement fiscal qui permet à une entreprise de « rattraper » la différence entre les dépenses réellement engagées et celles déjà amorties de façon comptable. L’amortissement dérogatoire va venir s’ajouter à l’amortissement comptable de sorte que les dépenses vont être intégralement amorties dès la première année. C’est pour cette raison que l’on dit que les logiciels peuvent être amortis sur 12 mois. - celui des dépenses de création par l’entreprise de son site internet ensuite, où l’on doit distinguer trois phases : la phase de recherche où les dépenses engagées sont déductibles immédiatement en tant que charges, la phase de développement où les dépenses sont assimilées à des dépenses de conception de logiciels et la phase d’exploitation où les dépenses sont considérées comme des frais de maintenance et sont immédiatement déductibles au titre des dépenses de frais généraux. Il existe en outre, comme en matière de dépenses de parrainage et de mécénat un crédit d’impôt visant à encourager la recherche des entreprises. Son dispositif est déjà ancien mais la loi de finances pour 2008 l’a rendu encore plus attractif. Le nouvel article 244 quater B du CGI est ainsi l’un des plus généreux au monde. Son régime est réservé aux entreprises industrielles, commerciales et agricoles (à l’exclusion donc des entreprises se livrant à une activité libérale) et prévoit un crédit d’impôt de 30% des dépenses de recherche engagées, dans la limite de 100 millions d’euros (au-delà, le crédit d’impôt passe à 5%). Sont visées les dotations aux amortissements quand les dépenses ont pu être immobilisées, les dépenses de personnel afférentes aux chercheurs, les frais de maintenance des brevets et les dépenses de veille technologique. Le dispositif est partiellement cumulable avec la déduction des dépenses de frais généraux (à hauteur de 75%) contrairement au crédit d’impôt mécénat. SECTION 3.- Le régime de déduction des amortissements. L’amortissement a pour objet de constater la perte de valeur des éléments de l’actif immobilisé de l’entreprise du fait de leur usage ou tout simplement du temps qui s’écoule. C’est par exemple le cas d’un véhicule acquis par une entreprise. Cette acquisition contribue à accroître son patrimoine et appartient donc en principe à l’actif immobilisé (le prix d’achat ne peut dès lors pas être déduit du résultat imposable de l’entreprise car il ne constitue pas une charge). Pour autant, le véhicule perd de sa valeur au cours du temps. Dès lors, le véhicule sera amorti sur plusieurs exercices : sa valeur comptable diminuera d’exercice en exercice et, du fait de la diminution de la valeur de l’actif de l’entreprise, le bénéfice imposable de l’entreprise fera de même. Ce mécanisme présente un double intérêt. D’abord, en traduisant chaque année sur le plan comptable la dépréciation de la valeur d’actif, il garantit une certaine transparence de la situation financière de l’entreprise. Ensuite, cette prise en compte doit théoriquement permettre à l’entreprise de dégager les sommes nécessaires au renouvellement de l’élément d’actif qui fait l’objet de l’amortissement. En effet, l’entreprise est censée déduire chaque année de son résultat le montant correspondant à sa perte de valeur afin d’utiliser les sommes

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économisées pour le renouveler. A cet égard, le régime des amortissements constitue une sorte d’instrument d’incitation fiscale à l’investissement. En la matière, les règles comptables et fiscales étaient auparavant parfaitement identiques. Depuis le 1er janvier 2005 sont toutefois entrées en vigueur de nouvelles normes comptables dont les conséquences sur le régime fiscal restent cependant limitées. La principale innovation portée par cette réforme tient à l’obligation faite aux entreprises de distinguer les différents « composants » d’une immobilisation corporelle ayant une durée d’utilisation différente de celle de l’immobilisation, afin de les soumettre à un plan d’amortissement spécifique. L’idée consiste dorénavant à décomposer l’immobilisation pour tenir compte du rythme d’usure spécifique de chacun de ses composants, afin d’amortir ces derniers en conséquence. Ainsi par exemple un organisme propriétaire et gestionnaire de logement doit désormais amortir distinctement la structure des bâtiments sur 50 ans, le chauffage collectif sur 25 ans, les travaux d’étanchéité et les ascenseurs sur 15 ans, etc. Toutefois, cette distinction des composants ne bouleverse pas le traitement fiscal des amortissements dont les règles restent les mêmes. I.- La notion de bien amortissable. Le droit fiscal pose plusieurs conditions de principe pour qu’un bien soit amorti. La première condition, qui peut être qualifiée de condition de patrimonialité, suppose que le bien soit rattaché au patrimoine de l’entreprise ou de l’exploitant et soit inscrit à son bilan. Cette « patrimonialisation » concerne essentiellement des biens dont l’entreprise est juridiquement propriétaire mais également ceux qu’elle contrôle et dont elle tire certains avantages (notamment pour les droits incorporels). En revanche, les biens loués par une entreprise, notamment à travers un contrat de crédit-bail, ne doivent pas être inscrits à l’actif du locataire et ne peuvent donc pas être amortis. Ils peuvent cependant donner lieu à la déduction des loyers versés comme de simples charges. La seconde condition, qui peut être qualifiée de condition d’immobilisation , suppose que le bien fasse parti de l’actif immobilisé de l’entreprise, qu’il s’agisse d’une immobilisation corporelle (terrains, bâtiments, installations, machines, matériel, mobilier…), incorporelle (fonds de commerce, brevets, licence d’exploitation…) ou financière (titres, participations, prêts..). Ainsi, ni les stocks (qui composent l’actif circulant), ni les biens qui ne contribuent pas à un accroissement de l’actif ne peuvent être amortis. La troisième condition, qui peut être qualifiée de condition de dépréciation, suppose que le bien immobilisé fasse l’objet d’une dépréciation avérée et définitive. En pratique, la jurisprudence estime que la plupart des biens répondent à cette condition. Ainsi, pour les immobilisations corporelles, seuls les terrains et les œuvres d’art ne bénéficient pas de la possibilité d’être amortis. Il est en revanche plus rare que les immobilisations incorporelles fassent l’objet d’amortissement car, en principe, elles ne se déprécient pas de manière

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irréversible (art. 38 sexies de l’Ann.III du CGI). Ainsi, les éléments formant le fonds de commerce, notamment la clientèle, ne sont pas amortissables. Cependant, le juge admet que certains de ces éléments incorporels dont la durée de vie est effectivement limitée puissent être amortis. Par exemple, cela peut être le cas des brevets dont dispose une entreprise, des droits d’exploitation d’un film ou encore des droits détenus par un délégataire de service public sur les installations qu’il exploite. Enfin, la quatrième et dernière condition, qui peut être qualifiée de condition de normalité et de moralité, suppose que le bien immobilisé ait fait l’objet d’une acquisition normale ou morale. Ainsi, les biens somptuaires acquis par l’entreprise (yachts, résidence de plaisance…) ne peuvent être amortis (art. 39,4 du CGI) ni les biens acquis par l’entreprise au mépris de son intérêt, c’est-à-dire au terme d’un acte anormal de gestion. Enfin, les voitures particulières acquises par l’entreprise ne peuvent être amorties que pour la fraction de leur prix d’achat inférieur à 18 300€ (ou 9 900€ pour les véhicules émettant plus de 200gr de CO2 par km2). II.- Les différents régimes d’amortissement. A.- Les amortissements fiscalement déductibles. Les amortissements fiscalement déductibles sont susceptibles de faire l’objet d’un double ajustement, en fonction de la durée d’utilisation des biens sur lesquels ils portent d’une part et en fonction de la technique d’amortissement privilégiée d’autre part. 1.- Les ajustements liés à la durée d’utilisation. Pour évaluer le montant annuel des amortissements il faut déterminer la durée d’amortissement des biens d’actif et donc leur taux d’amortissement. En principe, cette durée doit correspondre à la durée de vie du bien (celle au terme de laquelle le bien doit être remplacé). Pourtant cette durée est difficile à déterminer à l’avance et, surtout, subjective : une entreprise peut ainsi légitimement souhaiter changer fréquemment certains matériels là ou une autre préfèrera un renouvellement moins fréquent. L’article 39,1,2° du CGI a donc fait le choix de renvoyer aux usages de chaque nature d’industrie, de commerce ou d’exploitation (ce qu’on appelle les usages de la profession) pour déterminer ces durées. Le droit fiscal tient donc compte de la durée d’utilisation normale, en fonction des usages, et non de celle réelle du bien dans l’entreprise considérée et permet de dégager certaines constantes : les véhicules de tourisme sont normalement amortis sur 5 ans, les véhicules utilitaires et les camions sur 4 ans, les hangars industriels sur 10 ans, les ordinateurs sur 3 ans… Quant aux immeubles, les nouvelles normes comptables conduisent à en distinguer les différentes composantes. En principe la structure ou le gros œuvre doit désormais être amorti sur une durée comprise entre 40 et 70 ans, les aménagements intérieurs sur 15 ans, la toiture sur 20 ans et la plomberie sur 25 ans…

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Certaines dérogations sont cependant admises. L’administration fiscale entend ainsi laisser une certaine liberté aux entreprises pour déterminer leur durée d’amortissement et tolère qu’elles puissent s’écarter, dans la limite de 20%, de la valeur d’usage. Surtout, dans tous les cas, l’entreprise peut faire état de circonstances particulières d’utilisation justifiant un taux d’amortissement différent de l’usage. C’est par exemple le cas pour une entreprise faisant fonctionner ses machines 24 heures sur 24, là où ses concurrents se contentent de les utiliser durant la journée. On soulignera enfin que ces règles ne concernent que le droit fiscal, le résultat comptable tenant compte quant à lui de la durée réelle d’amortissement, de sorte que le bénéfice comptable doit être corrigé si elle ne correspond pas aux constantes précitées. 2.- Les ajustements liés à la technique d’amortissement. Les normes comptables n’imposent pas de méthode particulière pour le calcul des amortissements. Il revient aux entreprises de choisir celles qui traduisent le mieux le rythme de consommation des avantages économiques qu’elles attendent de l’exploitation de l’immobilisation. On distingue néanmoins deux principales méthodes : celle linéaire d’une part, qui fait figure de droit commun, et celle dégressive d’autre part, dont l’application est en revanche réglementée. En outre, des dispositions exceptionnelles autorisent le recours à des amortissements dérogatoires de nature exclusivement fiscale. Quelque soit la technique d’amortissement privilégié, les valeurs à retenir pour le calcul des amortissements doivent être préalablement déterminées. a.- Les bases de calcul. L’amortissement est calculé par principe en fonction de la valeur d’acquisition du bien, c’est-à-dire de son prix d’achat HT augmenté des frais accessoires de transport et d’assurance, d’installation et de douanes (et diminué le cas échéant les rabais, remises ou ristournes). Les biens n’ouvrant pas droit à récupération de la TVA, comme les véhicules de tourisme par exemple, doivent en revanche être amortis sur la base de leur prix d’achat TTC. Si le bien a été obtenu gratuitement, c’est sa valeur vénale qui sera retenue, s’il a été apporté à l’entreprise, sa valeur d’apport et s’il a été produit par l’entreprise, son prix de revient (c’est-à-dire la somme de ses coûts de production à l’exclusion des charges financières). b.- L’amortissement linéaire. La technique de l’amortissement linéaire est la plus simple et la plus fréquemment utilisée : elle permet à l’entreprise de déduire tous les ans le même montant, celui-ci étant calculé afin que la somme des déductions soit équivalente à la valeur du bien. On dit alors que l’amortissement est calculé en appliquant un taux constant à la valeur d’origine. Par

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exemple, si une machine s’amortit sur 5 ans, l’amortissement linéaire conduit l’entreprise à déduire tous les ans 1/5ème du prix de la machine de ses bénéfices. Le taux d’amortissement sera donc de 20%. Dès lors, si l’entreprise a payé la machine 1000€ HT, elle pourra déduire 5 annuités de 1000€x20%=200€. La valeur inscrite à l’actif diminuera d’autant chaque année et sera équivalente à 0 à la fin de la cinquième année d’usage. Le point de départ de l’amortissement est déterminé par la date de mise en service et lorsque cette dernière intervient en cours d’exercice, l’entreprise doit appliquer la règle du prorata temporis. Par simplification, l’exercice est alors réputé compter 12 mois de 30 jours chacun, soit une année de 360 jours. Si un bien est mis en service le 15 février par exemple, et si l’exercice coïncide avec l’année civile, la première annuité ne pourra porter que sur la période allant du 15 février au 31 décembre (et sera donc affectée par le coefficient 315/360) et la dernière annuité sur la période allant du 1er janvier au 15 février (et sera affectée par le coefficient 45/360). c.- L’amortissement dégressif. La technique de l’amortissement dégressif est plus complexe et d’application facultative : elle permet à l’entreprise de déduire de façon dégressive, c’est-à-dire de déduire des annuités d’un montant plus élevé les premières années d’utilisation, et moins élevées ensuite. L’entreprise est ainsi encouragée à réinvestir plus tôt, sans attendre la fin de vie du bien amorti, sachant que l’essentiel de l’amortissement sera réalisé avant la fin de la durée normale. Tous les biens ne sont pas éligibles à cette technique d’amortissement : il faut en effet qu’il s’agisse de biens d’équipement mobilier acquis neuf (matériel, outillage, machines… la liste figure sous l’article 22 de l’Ann. II au CGI) dont la durée d’utilisation est d’au moins trois ans. L’amortissement est calculé en appliquant un coefficient multiplicateur du taux de l’amortissement linéaire. Celui-ci est de 1,25 lorsque la durée d’utilisation du bien est de 3 ou 4 ans, de 1,75 lorsqu’elle est de 5 ou 6 ans et de 2,25 au-delà. Ainsi par exemple, un bien d’une durée d’utilisation de 5 ans sera amorti de façon dégressive en appliquant un taux de 20% (taux de l’amortissement linéaire) x 1,75%= 35%*. *Pour les biens acquis entre le 4 décembre 2008 et le 31 décembre 2009, les coefficients ont été temporairement

majorés d’un demi-point, leur montant étant égal à 1,75 ; 2,22 ; 2,75. Pour des raisons pratiques nous n’en tiendrons pas compte lors des exercices.

Le taux ainsi obtenu est ensuite appliqué chaque année à la valeur résiduelle du bien, c’est-à-dire à sa valeur diminuée, chaque année, des annuités déjà déduites. Ainsi dans notre exemple, si le bien a été acquis pour une valeur de 20 000€, l’entreprise déduira la première année 20 000 x 35% = 7 000€ (au lieu de 20 000 x 20% = 4 000€ en mode linéaire). La deuxième année, le même taux de 35% frappera la valeur résiduelle du bien, soit 20 000-

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7 000 = 13 000€. La deuxième annuité déductible sera donc de 13 000 x 35% = 4 550€ et ainsi de suite, jusqu’à la cinquième année. Le calcul des dernières annuités impose cependant quelques aménagements. En appliquant le taux de l’amortissement dégressif à la valeur résiduelle on observe en effet que l’on ne peut totalement amortir le bien. Il est donc admis de retenir comme annuité le quotient de la valeur résiduelle par le nombre d’années restant à courir dès que ce quotient est supérieur au montant normal de l’annuité dégressive. Dans notre exemple, la troisième annuité serait en effet de 13 000- 4 550 = 8 450€ x 35% = 2 957,50€ ; la quatrième de 8 450 – 2 957,50 = 5 492,50€ x 35% = 1 922, 37€ et la cinquième de 5 492,50 – 1 922,37 = 3 570,12€ x 35% = 107, 10€. Si l’on additionne toutes les annuités on observe que seul 16 537€ ont été amortis (sur les 20 000€ d’investissement). Or, on constate lors de la quatrième année que si l’on divise la valeur résiduelle (5 492,50€) par le nombre d’années restant à courir (2, c’est-à-dire l’année en cours et la cinquième année) on obtient la somme de 2 971,25€ qui est supérieure au montant normal de l’annuité dégressive (1 922,37€). Pour la quatrième et la cinquième année, l’annuité déductible sera donc de 2 971,25€. On observe alors, si l’on additionne toutes les annuités, que l’intégralité des 20 000€ d’investissement a été déduite*. * Comment savoir quand appliquer ce quotient ? C’est toujours l’année suivant celle où l’annuité dégressive

devient inférieure à celle linéaire. Dans notre exemple c’est au cours de la troisième année que l’annuité dégressive (2 957,50€) devient inférieure à l’annuité linéaire (4 000€) : c’est donc à partir de la quatrième année qu’il faut appliquer le quotient.

On notera enfin que comme dans le système de l’amortissement linéaire, la première annuité est réduite prorata temporis en cas d’acquisition en cours d’exercice. De même, la dernière annuité est réduite prorata temporis lorsque l’immobilisation est cédée en cours d’exercice. Deux différences doivent toutefois être observées par rapport à l’amortissement linéaire : - le point de départ de l’amortissement dégressif est situé à la date d’acquisition et non à la date de mise en service comme pour l’amortissement linéaire, - la première annuité et la dernière annuité se calculent en mois et non en jours, le mois d’acquisition étant retenu pour sa totalité (et pour une année entière si l’on applique la méthode du quotient pour les dernières annuités). En revanche, le mois de cession n’est pas pris en compte. d.- Exemples d’application. Une entreprise achète du matériel de manutention le 15/11/2001 pour un montant de 120 000€ HT et le met en service le 15/12/2001. La durée normale d’utilisation du bien est de 10 ans. - amortissement linéaire : Taux : 100% /10 = 10% Annuité constante de 120 000€ x 10% = 12 000€ 2001 : 12 000€ x 15/360 (date de mise en service le 15 décembre) = 500€

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2002 à 2010 : 12 000€ par an 2011 : 12 000€ x 345/360 = 11 500€ Soit, si l’on additionne l’intégralité des annuités déduites, la somme de 120 000€ amortie. - amortissement dégressif : Taux : 10% x 2,25 = 22,50% 2001 : 120 000€ x 22,50% x 2/12 (date d’acquisition le 15 novembre, le mois d’acquisition est retenu pour sa totalité) = 4 500€ 2002 : (120 000€- 4 500€) x 22,50% = 25 988€ 2003 : (115 500€- 25 988€) x 22,50% = 20 140€ 2004 : (89 512€- 20 140€) x 22,50% = 15 609€ 2005 : (69 372€- 15 609€) x 22,50% = 12 097€ 2006 : (53 763€- 12 097€) x 22,50% = 9 375€ Attention, en 2006 l’annuité dégressive (9 375€) devient inférieure à l’annuité linéaire (12 000€). On appliquera donc le quotient dès 2007. 2007 : 32 291€/4 = 8 072€ 2008 : 8 072€ 2009 : 8 072€ 2010 : 8 072€ On ne pratiquera aucune annuité pour 2010, car lorsqu’on applique la méthode du quotient l’exercice d’acquisition est décompté pour une année entière, même lorsque l’acquisition se situe en cours d’exercice. Si l’on additionne l’intégralité des annuités déduites, la somme de 120 000€ est bien amortie. e.- L’amortissement dérogatoire. L’amortissement dérogatoire est une mesure fiscale d’aide à l’investissement. L’entreprise peut, en effet, dès la première année, pratiquer un amortissement massif que ne justifie aucune dépréciation particulière. Cet amortissement exceptionnel prend l’allure d’une subvention fiscale, remboursable puisque les annuités ultérieures seront réduites d’autant, de sorte que l’avantage n’est que de trésorerie. Les amortissements dérogatoires se pratiquent sur une durée de 12 mois. En cas d’acquisition en cours d’année, il convient de respecter la règle du prorata et d’étaler l’amortissement sur deux exercices. Certains amortissements dérogatoires répondent au souci de favoriser l’introduction des nouvelles technologies dans les entreprises (acquisition de logiciel ou de sites Internet), d’autres correspondent à des préoccupations de nature écologique (matériels destinés à économiser l’énergie ou à lutter contre le bruit, véhicules électriques et autres véhicules non polluants, immeubles anti-pollution).

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La pratique d’un amortissement dérogatoire n’exempt pas l’entreprise de pratiquer l’amortissement linéaire de droit commun. Simplement, certaines rectifications devront être faites. On donnera l’exemple suivant pour l’illustrer : une entreprise achète le 1/10/2010 un logiciel pour un montant de 45 000€. Sa durée normale d’utilisation est de 5 ans. - amortissement fiscal : 2010 : 45 000€ x 3/12 = 11 250€ 2011 : 45 000€ x 9/12 = 33 750€ - amortissement linéaire : 2010 : 45 000€ x 20% x 90/360 = 2 250€, il faut donc déduire de façon extra comptable la différence soit 9 000€ au titre de l’amortissement dérogatoire. 2011 : 45 000€ x 20% = 9 000€, il faut donc déduire de façon extra comptable la différence soit 24 750€ au titre de l’amortissement dérogatoire. 2012 à 2014 : 45 000€ x 20% = 9 000€ qu’il faut réintégrer de façon extra comptable 2015 : 45 000€ x 20% x 270/360 = 6 750€ qu’il faut réintégrer de façon extra comptable (c’est pour cela que l’on dit que l’amortissement dérogatoire est remboursable puisqu’il faut ensuite réintégrer les annuités linéaires). B.- Les amortissements non déductibles fiscalement. Certains amortissements, régulièrement pratiqués sur le plan comptable, ne peuvent être déduits des résultats imposables, soit totalement, soit partiellement, en raison d’une interdiction expresse de la loi fiscale. Ils doivent donc être réintégrés extra-comptablement. Ces restrictions concernent les biens somptuaires, les voitures de tourisme et les biens donnés en location. 1.- Le régime des biens somptuaires. On a vu que les charges relatives à certains biens dits somptuaires (chasse, pêche, résidence de plaisance, yachts) ne sont pas déductibles. L’exclusion vise l’ensemble des charges, y compris les annuités d’amortissement, de sorte que si l’entreprise acquiert la propriété d’un bien de cette nature, las amortissements qui s’y rapportent ne peuvent être déduites des bénéfices imposables. L’exclusion peut être considérée comme totale. 2.- Le régime des véhicules de tourisme. L’article 39-4 du CGI interdit la déduction des amortissements se rapportant aux véhicules de tourisme pour la faction de leur prix d’acquisition, TTC, qui dépasse un certain plafond. Celui-ci est de 18 300€ TTC (plafond de droit commun) ou de 9 900€ TTC (plafond concernant les véhicules polluants, c’est-à-dire émettant plus de 200 gr de dioxyde de carbone par km). La limitation vaut également pour les véhicules à usage mixte mais pas pour les véhicules de sociétés.

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Selon la doctrine administrative, la limitation ne joue pas si l’entreprise apporte la preuve que le véhicule est strictement nécessaire à l’exercice de son activité professionnelle (taxis, auto-écoles, ambulances, sociétés de location de véhicule de tourisme, sociétés de crédit-bail de véhicules de tourisme). On donnera, pour illustrer ce régime, l’exemple suivant : un véhicule de tourisme figure à l’actif d’une entreprise. Il a été acheté en N pour un montant de 20 000€ TTC. Quelles sont les annuités d’amortissement fiscalement déductibles ? Un véhicule de tourisme s’amortit linéairement sur une durée de 5 ans. Chaque année et pendant 5 ans l’entreprise pourra donc amortir de façon comptable 20 000€ x 20% soit 4 000€ et fiscalement 18 300€ x 20% soit 3 660€. Elle devra à chaque fois réintégrer la différence de façon extra- comptable (soit 340€) afin de déterminer son résultat imposable. On observe que l’exclusion n’est que partielle. 3.- Le régime des biens donnés en location. Afin d’éviter que des entreprises, en pratiquant des loyers trop faibles (inférieurs aux annuités d’amortissement déduites), ne génèrent des déficits et défiscalisent ainsi leurs investissements, une règle stricte a été établie en la matière : ainsi, par principe, l’amortissement fiscalement déductible d’un bien donné en location ne peut excéder le montant du loyer perçu diminué des autres charges afférentes au bien susvisé. Il existe en outre un régime encore plus sévère lorsque la location est consentie au profit d’un membre de l’entreprise. Dans ce cas, l’amortissement déductible est limité au montant des loyers perçus augmenté de l’avantage en nature déclaré et diminué du montant des charges afférentes à ce bien. Ainsi si une entreprise met à la disposition de l’un de ses cadres un immeuble d’habitation d’une valeur de 200 000€ amortissable fiscalement sur 25 ans et si l’avantage en nature déclaré à l’administration s’élève à 8 500€ tandis que les dépenses prises en charge par l’entreprise s’élèvent à 1 500€, l’entreprise pourra déduire de façon comptable l’annuité suivante : 200 000€ x 4% = 8 000€ mais ne sera autorisée fiscalement qu’à déduire une annuité limitée à 8 500€ - 1 500€ = 7 000€, de sorte qu’elle devra réintégrer la différence (1 000€). On observe que l’exclusion n’est que partielle. C.- Le régime des amortissements différés. Lorsque des entreprises ont des résultats faibles, voire déficitaires, elles peuvent être tentées de ne pas comptabiliser leurs annuités d’amortissements (par nature déductibles) afin de ne pas aggraver ces résultats. Elles peuvent également être tentées plus tard de récupérer ces annuités de façon différée, lorsque leurs résultats redeviennent bénéficiaires.

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Le droit fiscal n’est pas par principe hostile à une telle démarche mais exige toutefois qu’une annuité minimale soit comptabilisée, qui correspond à l’amortissement linéaire. Si l’entreprise a pris de l’avance par rapport à cette annuité minimale, en utilisant notamment la technique de l’amortissement dégressif (où les annuités sont plus importantes dans un premier temps), elle est donc autorisée à différer, c’est-à-dire à ne pas comptabiliser les annuités. On dit que les amortissements sont régulièrement différés. L’entreprise pourra alors déduire ultérieurement (lors du premier exercice bénéficiaire) sans qu’on lui oppose aucun délai, les annuités ainsi différées. Dans l’hypothèse contraire en revanche, les amortissements sont irrégulièrement différés et ne peuvent être récupérés ultérieurement. Par ailleurs, en cas de cession, le calcul de la plus-value ou de la moins-value se fera comme si l’amortissement avait été pratiqué. SECTION 4.- Le régime des dépréciations. La dépréciation*, comme l’amortissement, est destinée à constater la perte de valeur d’un élément d’actif. Mais alors que l’amortissement constate une perte de valeur irréversible (définitive), la dépréciation constate une perte réversible (susceptible d’être remise en cause). En outre, alors que l’amortissement concerne les immobilisations, la dépréciation peut également porter sur des stocks ou des créances. *La terminologie comptable a été modifiée en 2005. On parlait en effet auparavant de provision pour

dépréciation là où on n’évoque plus aujourd’hui que le terme de dépréciation. La terminologie du CGI n’a toutefois toujours pas été modifiée.

I.- La notion de dépréciation. Les actifs sont inscrits au bilan pour leur valeur d’origine. Si cette valeur évolue on ne peut la modifier pour autant. Toutefois, le principe de sincérité du bilan impose que l’on constate cette évolution. Ainsi, à la date de clôture de l’exercice, l’entreprise doit vérifier si la valeur actuelle de chaque actif n’est pas devenue inférieure à sa valeur nette comptable (c’est-à-dire à sa valeur d’origine diminuée des amortissements pratiqués). Dans l’affirmative, elle doit constater en comptabilité sa dépréciation. Le montant de la dépréciation doit alors s’imputer sur la valeur nette comptable de sorte que la base d’amortissement se trouvera amoindrie pour les exercices à venir. La dépréciation n’étant toutefois pas définitive, elle devra être réajustée à la clôture des exercices ultérieurs (si l’actif a repris de la valeur ou en a reperdu) : les ajustements des nouvelles bases amortissables se feront donc à la hausse ou à la baisse. En matière de dépréciation, le droit comptable et le droit fiscal coïncide : la dépréciation ou l’ajustement à la baisse constituera une charge déductible de façon comptable et fiscalement, aucune correction ne devant être réalisée. L’ajustement à la hausse constituera au contraire un

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produit imposable de façon comptable et fiscalement, aucune correction ne devant là non plus être réalisée. L’attitude des entreprises à cet égard est parfois ambivalente : certaines vont être tentées de majorer ces dépréciations pour minorer leurs résultats imposables, tandis que d’autres, spécialement les sociétés cotées, peuvent être tentées de les minorer pour ne pas ternir leurs comptes et faire fuir les investisseurs. Cela peut s’avérer très dangereux. Ainsi, par exemple, dans l’affaire des « subprimes » américaines, lorsqu’il s’est ouvertement avéré que leur valeur était très inférieure à celle déclarée dans les actifs des banques américaines, des dépréciations soudaines et massives ont du être réalisées ce qui explique les difficultés rencontrées alors sur le plan mondial et la nécessité de l’intervention des plans d’aide gouvernementaux. II.- La variété des dépréciations. A.- La dépréciation des immobilisations. Lorsque l’immobilisation est amortissable, c’est normalement par la voie de l’amortissement annuel que la dépréciation doit être prise en compte. Ce n’est que si la valeur de l’immobilisation devient inférieure à sa valeur nette comptable que la dépréciation doit être constatée. Lorsque l’immobilisation n’est pas amortissable, c’est uniquement par voie de dépréciation que l’on peut constater la perte de valeur de l’immobilisation. Par principe, la dépréciation viendra en déduction des résultats imposables. Toutefois, lorsqu’il s’agit de titre de participation, c’est le régime des plus-values à long terme qui devra s’appliquer (voir ci après les développements relatifs au régime des plus-values). B.- La dépréciation des stocks et des productions en cours. Si, à la date de l’inventaire, le cours du jour (c’est-à-dire le prix de vente sur le marché) est inférieur au coût de revient, l’entreprise doit constater une dépréciation. L’évaluation doit se faire produit par produit. C.- La dépréciation des créances. Une créance n’est qu’une espérance de paiement : lorsqu’elle est douteuse dans son recouvrement, du fait des difficultés ou de l’insolvabilité du débiteur, l’entreprise doit pratiquer une dépréciation. Il ne fait pas confondre ces créances douteuses avec les créances incertaines (qui, n’étant pas certaines dans leur principe ou dans leur montant, n’ont pas à être comptabilisées), les créances litigieuses (qui doivent également faire l’objet d’une dépréciation) et les créances

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irrécouvrables (qui doivent être considérées comme des pertes définitives, être déduites et qui doivent cesser de figurer au bilan). C’est l’entreprise qui détermine sous sa responsabilité le montant de la dépréciation (c’est-à-dire le risque d’impayé) : elle peut être totale ou partielle et pourra être réajustée en fonction de l’évolution de la situation du débiteur. Il faut toutefois que le risque d’impayé soit sérieux, que le débiteur ait par exemple été mis en redressement judiciaire. La seule détérioration économique du marché ne suffit pas. SECTION 5.- Le régime de déductibilité des provisions. Lorsqu’un particulier sait qu’il devra faire face à une dépense prévisible, il met de l’argent de côté afin de pouvoir la régler le moment venu. De même, une entreprise prévoyante se doit de mettre de côté une fraction de son bénéfice pour faire face à des charges qu’elle sait probables. C’est à cette préoccupation que répond la constitution des provisions mais il ne s’agit pas d’une mesure facultative de prévoyance mais d’une obligation juridique. Une provision peut ainsi être définie comme constituant une anticipation de charge déductible, à ce titre, tant fiscalement que comptablement de l’exercice au cours duquel elle est réalisée. Lorsque la charge devient réelle et effective, la provision doit alors être réintégrée dans un premier temps (on dit que la provision est reprise) puis déduite ensuite (comme une charge définitive), de sorte que l’opération est neutre sur le plan du résultat fiscal. Depuis la suppression des provisions pour dépréciation, en 2005, il n’existe désormais plus que deux catégories de provisions : les provisions pour risques et charges d’une part, et les provisions réglementées, d’autre part, qui toutes répondent aux mêmes conditions de déductibilité et aux mêmes modalités de reprise. I.- Les conditions de déductibilité et les modalités de reprise des provisions. A.- Les conditions de déductibilité. La constitution de provisions est nécessaire en comptabilité pour respecter les principes de prudence et de sincérité. Mais l’appréciation du risque ou de la perte probable, subjective pour une bonne part, pourrait conduire à des fraudes ou à des phénomènes d’évasion fiscale. Plus simplement, une entreprise « anxieuse » peut être tentée de majorer ses provisions, par définition déductibles, et minorer ainsi artificiellement son résultat imposable. Des règles précises ont donc été établies pour apprécier la déductibilité des provisions.

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Ces règles procèdent logiquement des conditions générales de déductibilité des charges que nous avons étudiées précédemment. Plus précisément, les pertes ou charges prévisibles qui font l’objet d’une provision doivent : - être déductibles par nature (ce qui exclut les provisions pour amendes, pour pénalités fiscales ou encore les provisions ayant pour contrepartie une augmentation de l’actif ou concernant les charges personnelles du dirigeant), - être nettement précisées, ce qui signifie que leur existence doit être probable et non purement éventuelle et que leur évaluation soit fiable et non purement arbitraire (le droit fiscal tolère toutefois les provisions fondées sur des calculs statistiques notamment pour les créances impayées et pour les mises en œuvre de garantie), - résulter d’événements en cours à la clôture de l’exercice, de sorte qu’une provision ne saurait être fondée sur des faits postérieurs à la date de clôture de l’exercice. B.- Les modalités de reprise. A la différence des amortissements qui sont définitifs, les provisions ne sont que provisoires et doivent toujours, un jour ou l’autre, être rapportée au résultat imposable. Ainsi, lorsque la perte ou la charge provisionnée, c’est-à-dire anticipée, se réalise il faut la comptabiliser (en tant que charge déductible) puis il faut réintégrer la provision (en tant que produit imposable) de sorte que, si la provision a été calculée de façon exacte, l’opération soit parfaitement neutre. En revanche, si la provision est inférieure à la perte réelle, la différence diminuera d’autant le résultat imposable et si elle lui est supérieure, elle augmentera d’autant ce dernier. La reprise d’une provision, lorsqu’elle devient nécessaire, doit être faite spontanément par l’entreprise. Si elle oublie de le faire et si elle maintient au bilan une provision devenue sans objet (ou si la provision constituée était dès l’origine irrégulière), elle risque, lors d’un contrôle fiscal, d’être redressée par l’administration fiscale même si la provision remonte à un exercice couvert par la prescription (dans la limite toutefois du délai de prescription général de 10 ans !). II.- La variété des provisions. A.- Les provisions pour risques et charges. 1.- Les provisions pour charges. Parmi les provisions pour charges on trouve d’abord les provisions pour charges de personnel dès lors que l’entreprise est en présence de frais de personnel probables mais dont

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le principe ou le montant restent incertains. Sont essentiellement concernées les provisions pour indemnités de licenciement mais uniquement pour motif personnel et bien sûr si la décision de licenciement est prise avant la clôture de l’exercice. Les provisions pour indemnités de licenciement pour motif économique sont en revanche interdites fiscalement et doivent faire l’objet d’une rectification extra comptable. Les provisions pour indemnités de départ à la retraire sont également interdites fiscalement. On trouve ensuite les provisions pour impôts dès lors qu’elles portent sur un impôt lui-même déductible. La nécessité de pratiquer des provisions s’explique en l’espèce par le décalage qui peut exister pour certains impôts entre le fait générateur et l’exigibilité. Ainsi les taxes annuelles assises sur les salaires (comme la taxe d’apprentissage ou la participation à la formation professionnelle) sont calculées sur le montant des salaires versés au cours d’une année civile (c’est le fait générateur) mais ne seront effectivement payées qu’en avril de l’année suivante (c’est l’exigibilité) : au 31 décembre l’entreprise peut donc provisionner le montant des taxes dont elle connait déjà l’assiette. On trouve enfin les provisions pour litige, pour faire face aux éventuelles conséquences financières d’un procès mal engagé, ou encore les provisions pour garanties données aux clients, si la mise en jeu de la garantie est probable pour l’ensemble des biens vendus et si elle peut être quantifiée statistiquement. En revanche, toutes les autres provisions sont interdites fiscalement et doivent être réintégrées de façon extra comptable si elles ont été comptabilisées : tel est le cas des provisions pour amendes et pénalités, des provisions pour perte de change, des provisions pour charges à répartir ou encore des provisions de propre assureur. Dans certains cas, s’agissant par exemple du risque d’incendie, au lieu de contracter une assurance, certaines entreprises, dès lors qu’elles sont suffisamment importantes, préfèrent en effet constituer elles même des provisions, dites de propre assureur, destinées à faire face aux sinistres non assurés. Le Conseil d’Etat a jugé que ces provisions n’étaient pas déductibles fiscalement car elles ne correspondaient qu’à des risques éventuels, échappant à toute individualisation précise. Les entreprises n’ont pas davantage le droit de pratiquer des provisions de propre assureur pour se garantir du vol, de la mise en cause de leur responsabilité ou encore des grèves de leur personnel ! C’est par la voie de l’assurance qu’il convient de se prémunir, les primes annuelles étant d’ailleurs considérées comme des charges déductibles. 2.- Les provisions pour risques. L’entreprise peut constituer de telles provisions dès lors qu’il est probable que l’exécution d’un contrat à long terme se soldera par une perte (on parle de provision pour pertes à terminaison). Ces provisions font l’objet d’une restriction en droit fiscal. Ainsi, la provision pour pertes sur opérations en cours à la clôture d’un exercice est limitée à la différence constatée à cette date

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entre le coût des travaux réalisés à la clôture de l’exercice et le montant de la facturation de ces travaux (on ne peut donc pas prendre en compte les pertes prévisionnelles résultant du coût des travaux restant à effectuer). Ainsi, par exemple, si à la date de clôture de l’exercice l’état d’avancement des travaux correspond à 30% du marche, la dépréciation déductible, sous forme de provision, sera limitée à 30% de la perte prévisible. B.- Les provisions réglementées. Les provisions réglementées sont des « fausses » provisions qui ne sont pas destinées à faire face à des pertes ou charges précisées et que des évènements en cours rendent probables mais qui relèvent plus de l’idée d’aide fiscale (puisqu’elles permettent de constituer des réserves financières affranchies d’impôt). Formellement en revanche, elles répondent au même mécanisme que les provisions traditionnelles et doivent être comptabilisées et récapitulées sur le relevé spécial des provisions. Bien plus, elles présentent un même caractère provisoire et doivent donc, à terme, être reprises, de sorte que l’on peut considérer qu’elles présentent les caractéristiques d’une aide fiscale certes mais remboursable (de sorte que l’affranchissement d’impôt n’est que provisoire) ! On distingue essentiellement deux types de provisions réglementées : les provisions pour hausse des prix et les provisions pour investissement. 1.- Les provisions pour hausse des prix. Les prix des matières premières ou des stocks peuvent varier d’une année à l’autre. A l’inventaire, si le cours d’une matière première ou d’un stock est inférieur au coût de revient, l’entreprise est susceptible de subir une perte lors de l’écoulement de son stock (elle vendra en effet moins cher que ce que cela lui a coûté) : elle peut donc constituer une provision pour dépréciation des stocks appelée aujourd’hui dépréciation des stocks. A l’inverse, le cours d’une matière première ou d’un stock peut augmenter. Dans cette hypothèse, on autorise également l’entreprise à constituer une provision en prévision de ses dépenses futures de réapprovisionnement qui seront plus importantes. On parle alors de provisions pour hausse des prix qui peut être constituée si le produit en cause fait l’objet d’une hausse de prix supérieur à 10% par rapport au prix du début de l’année en cours. Elle sera déductible fiscalement mais de façon provisoire, la provision devant être reprise dans les 6 ans. 2.- Les provisions pour investissement. En principe, la charge qui fait l’objet d’une provision doit être déductible par nature, ce qui exclut les dépenses ayant pour contrepartie une augmentation de l’actif. Pourtant, les PME constituées sous la forme d’entreprises individuelles (ou d’EURL relevant de l’IR), créées depuis moins de 3 ans, peuvent constituer des provisions pour amortissement pour un montant annuel maximal de 5 000€ par investissement (avec un cumul des dotations annuelles plafonné à 15 000€). La provision doit être affectée au financement d’immobilisation

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amortissable (à l’exception des véhicules de tourisme et des immeubles) dans un délai de 5 ans. Lorsque la provision est utilisée conformément à son objet, elle est réintégrée sur 5 ans (sur l’exercice d’acquisition de l’immobilisation puis sur les 4 années ultérieures). CHAPITRE 5.- LE REGIME DES PLUS ET MOINS -VALUES. En cours d’activité, une entreprise peut être amenée à céder certaines de ses immobilisations, qu’elles soient corporelles, incorporelles ou financières. Si un écart apparait entre la valeur réelle constatée lors de la cession et la valeur d’origine telle qu’elle figure au bilan, l’entreprise est alors susceptible de réaliser une plus-value (si la valeur réelle est supérieure à la valeur d’origine) ou une moins-value (si la valeur réelle est inférieure à la valeur d’origine). Ces plus ou moins-values n’apparaissent pas en comptabilité, l’entreprise se contentant d’inscrire en produit le prix de cession et en charge la valeur nette comptable (c’est-à-dire le prix d’achat moins les amortissements déjà pratiqués avant la cession). En revanche, elles sont soumises à un traitement fiscal particulier en vertu de l’article 39 duodecies du CGI qui prévoit que « par dérogation aux dispositions de l’article 38, les plus-values provenant de la cession d’éléments de l’actif immobilisé sont soumises à des régimes distincts suivant qu’elles sont réalisées à court terme ou à long terme ». Des mesures de retraitement fiscal sont donc généralement nécessaires, par la voie des rectifications extracomptables. En outre les entreprises sont tenues de joindre à la déclaration de leurs résultats imposables un imprimé spécial qui détaille les différentes plus et moins-values réalisées. Ce régime a toutefois tendance à disparaître, la fiscalité moderne tendant à supprimer ce particularisme. Ainsi, pour les entreprises qui relèvent de l’IR, les plus-values échappent fréquemment à toute imposition, notamment lorsque le chiffre d’affaires réalisé ne dépasse pas certains seuils (de sorte que 95% des entrepreneurs individuels ne sont pas concernés par ce régime). L’article 151 septies du CGI prévoit en effet que les entreprises dont les recettes annuelles ne dépassent pas 350 000€ pour les entreprises de vente et 126 000€ pour les prestataires de services, lorsqu’elles exercent, à titre professionnel et depuis au moins 5 ans, une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, sont exonérées de façon totale ou dégressive, selon le montant de leur chiffres d’affaires. SECTION 1.- Le régime général des plus et moins-values. I.- Le fait générateur des plus et moins-values : la cession de l’immobilisation. Le régime fiscal des plus et moins-values ne s’applique qu’en cas de cession d’un élément de l’actif immobilisé et ne saurait jouer lorsque l’entreprise cède des stocks et constate un produit ou une charge. Il faut par ailleurs que l’immobilisation ait été inscrite au bilan de l’entreprise. Ainsi, si par application du principe de liberté d’affectation comptable, l’entrepreneur individuel a maintenu l’immobilisation dans son patrimoine privé, c’est le

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régime le régime des plus et moins-values des particuliers (et non des professionnels) qui s’appliquera en cas de cession. Le régime des plus et moins-values s’applique en revanche dès que l’immobilisation cesse de figurer au bilan, quelle qu’en soit la cause, volontaire (vente, donation) ou pas (expropriation, sinistre). Il importe peu également que la sortie d’actif soit réalisée à titre gratuit (donation) ou onéreux (vente, expropriation, sinistre indemnisé). Un contribuable qui déciderait de transférer un élément immobilisé de son actif professionnel dans son patrimoine privé serait ainsi soumis au régime des plus et moins-values. II.- La détermination de l’assiette des plus et moins-values. La plus-value est égale à la différence entre la valeur de cession et la valeur nette comptable des biens cédés. Si la différence est négative, on est en présence d’une moins-value. La valeur de cession est constituée du prix de vente en cas de vente, de la valeur des titres reçus en cas d’apport en société, du montant de l’indemnité perçue en cas d’expropriation, du montant de l’indemnité d’assurance perçue en cas de sinistre ou de la valeur vénale en cas de donation ou de transfert dans le patrimoine privé de l’exploitant. La valeur nette comptable correspond quant à elle à la différence entre la valeur d’origine et les amortissements déjà pratiqués, si le bien cédé était amortissable, ou à la seule valeur d’origine, si le bien ne l’était pas. Les amortissements non déductibles fiscalement (partiellement comme pour les voitures de tourisme, ou totalement comme pour les biens somptuaires) sont en revanche pris en compte pour le calcul de la valeur nette comptable. De même, si une dépréciation a été pratiquée, elle doit être reprise dans les résultats comptables et le calcul de la plus-value se fait à partir de la valeur d’origine. III.- Le traitement fiscal des plus et moins-values. Le régime des plus et moins-values varie selon qu’elles sont à court terme ou à long terme. Pour les qualifier il faut vérifier si le bien cédé a été ou non amorti et depuis combien de temps il était inscrit au bilan. Biens détenus

depuis moins de 2 ans

Biens détenus depuis moins de 2 ans

Biens détenus depuis plus de 2 ans

Biens détenus depuis plus de 2 ans

MV PV MV PV Biens non amortissables

CT CT LT LT

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Biens amortissables

CT CT CT CT à hauteur des

amortissements pratiqués, LT

pour le surplus Ensuite, à la clôture de l’exercice, on compense entre elles les plus-values à long terme et les moins-values à long terme et les plus-values à court terme et les moins-values à long terme (jamais le long terme et le court terme ensemble !) et on obtient une plus ou moins-value nette à court et/ou à long terme. La moins-value nette à court terme est déductible du résultat imposable au taux normal de sorte qu’il n’y a aucune correction extracomptable à réaliser. La plus-value nette à court terme est imposable au taux normal comme le résultat d’exploitation de sorte qu’il n’y a là encore, en principe, aucune correction extracomptable à réaliser. L’entreprise peut néanmoins décider d’étaler sur 3 ans l’imposition de cette plus-value. Elle devra alors déduire la première année les 2/3 de la plus-value puis en réintégrer 1/3 lors des 2 années suivantes. La moins-value nette à long terme n’est pas déductible du résultat imposable au taux normal. Elle pourra seulement être imputée sur les plus-values à long terme qui seront réalisées au cours des dix exercices suivants. Il faut donc la réintégrer de façon extracomptable. Enfin, la plus-value nette à long terme peut recevoir trois affectations : - elle doit d’abord être neutralisée par l’affectation des moins-values à long terme subies au cours de l’un des dix exercices antérieurs (si elles existent), - elle peut ensuite être imputée sur le déficit, si l’entreprise est déficitaire, - elle est imposée enfin, sur la fraction qui subsiste, au taux réduit de 28,10% (16% au titre des taxes d’Etat et 12,10% au titre des contributions sociales).Il faut donc la déduire de façon extracomptable, non parce qu’elle est exonérée mais parce que c’est la seule façon de l’isoler pour la soumettre à un taux réduit d’impôt. On comprend mieux dès lors le régime particulier applicable aux biens amortissables détenus depuis plus de deux : les amortissements pratiqués ayant été déduits du résultat imposable au taux normal, il est logique que dans la même limite, la plus-value soit imposable au même taux, ce qui explique qu’elle soit considérée comme étant à court terme. Au-delà, la plus-value peut bénéficier d’une imposition allégée et être considérée comme étant à long terme. C’est le même raisonnement qui explique que la moins-value subie lors de la cession d’un bien amortissable figurant au bilan depuis plus de deux ans soit toujours à court terme, et donc déductible des résultats imposables au taux normal. On présume en effet que la moins-value résulte d’une insuffisance d’amortissement.

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On pourra illustrer ces règles par les exemples suivants : Un fonds de commerce acquis en 2007 pour un prix de 125 000€ est revendu en 2010 pour un montant de 168 000€, la plus-value est de 43 000€ et comme il s’agit d’un bien non amortissable détenu depuis plus de 2 ans, elle sera à long terme et déductible de façon extracomptable. S’il avait été vendu en 2008, la plus-value aurait été à court terme et n’aurait donc nécessité aucun retraitement. Un matériel industriel acquis en 2007 pour un prix de 45 000€ est revendu en 2010 pour un montant de 10 000€. Les amortissements pratiqués s’élèvent à 36 150€. La valeur nette comptable s’élève à 8 850€ (45 000€-36 150€) et la plus-value à 1 150€ (10 000€-8 850€). Comme il s’agit d’un bien amortissable détenu depuis plus de 2 ans, la plus-value est entièrement à court terme (puisque inférieure au montant des amortissements pratiqués) et ne nécessite aucun retraitement. Si le prix de cession avait été de 7 500€, une moins-value de 1 350€ (7 500€-8 850€) aurait été réalisée, à court terme également donc sans retraitement particulier. Enfin, si le prix de cession avait été de 54 000€, la plus-value de 45 150€ (54 000€-8 850€) aurait été à court terme à hauteur des amortissements pratiqués, c’est-à-dire à hauteur de 36 150€ (sans retraitement) et à long terme pour le surplus, c’est-à-dire à hauteur de 9 000€ (à déduire de façon extracomptable). Une entreprise a réalisé en 2010 une plus-value nette à long terme de 17 000€ et une plus-value nette à court terme de 6 000€ qu’elle entend étaler. Par ailleurs, une moins-value nette à long terme de 8 000€ a été réalisée en 2009. Le résultat comptable de l’exercice est de 150 000€. Il faut, pour déterminer le résultat fiscalement imposable, déduire le montant de la plus-value nette à long terme ainsi que les 2/3 de la plus-value nette à court terme : 150 000€- 17 000€-4 000€= 129 000€ de résultat fiscal imposable au taux normal. Par ailleurs, la moins-value nette à long terme réalisée en 2009 va devoir être compensée avec la plus-value nette à long terme de l’année : 17 000€- 8 000€= 9 000€ imposable au taux réduit de 28,10%. SECTION 2.- Les régimes particuliers des plus et moins-values. I.- Le régime du portefeuille-titres. Le portefeuille d’une entreprise se compose d’actions ou d’obligations qui peuvent être qualifiées distinctement de titres de participation, lorsqu’elles sont acquises dans le dessein de contrôler d’autres sociétés (ce qui concerne rarement les entreprises individuelles mais que nous étudierons néanmoins dans ce développement pour des raisons pratiques) ou de titres de placement, lorsqu’elles sont acquises uniquement dans le but de tirer un revenu immédiat (même si là aussi, dans la pratique, ces titres figurent rarement dans le patrimoine des entreprises individuelles mais plutôt dans celui personnel de l’entrepreneur) .

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La particularité de ces titres est qu’ils relèvent du régime des plus et moins-values non seulement au moment de leur cession mais également lors de leur évaluation à la clôture de chaque exercice. A.- L’application du régime des plus et moins-values aux dépréciations de titres. Les titres doivent être évalués à la clôture de chaque exercice. Pour les titres de participation , on retiendra leur valeur d’utilité c’est-à-dire la valeur que l’entreprise accepterait de débourser si elle devait acheter les titres à ce jour. Cette valeur est nécessairement subjective et ne correspond pas toujours, pour les sociétés cotées, à la valeur en bourse. Une entreprise peut en effet accepter de payer au prix fort une participation qui lui permet de constituer une minorité de blocage ou au contraire, de prendre le contrôle d’une société. Pour les titres de placement, les titres cotés en Bourse sont évalués au cours moyen du dernier mois et, pour les titres non côtés, à leur valeur probable de négociation. Lorsque cette valeur dite d’inventaire est supérieure à la valeur d’origine, la plus-value latente qui en découle n’a pas être comptabilisée. En revanche, si la valeur d’inventaire est inférieure à la valeur d’origine, la moins-value latente doit faire l’objet d’une dépréciation mais contrairement au régime général des dépréciations, elle n’est pas déductible du résultat imposable au taux normal mais est traitée comme une moins-value à long terme à réintégrer de façon extracomptable (même si les titres sont détenus depuis moins de 2 ans). Corrélativement si cette dépréciation doit être reprise lors d’un autre exercice (si la valeur d’inventaire augmente), une plus-value à long terme devra être constatée et déduite de façon extracomptable. B.- L’application du régime des plus et moins-values aux cessions de titres. Lorsque les titres sont considérés comme faisant partie de l’actif immobilisé, c’est-à-dire lorsqu’ils sont détenus depuis plus de 2 ans ou, lorsqu’ils sont détenus depuis moins de 2 ans, lorsque le portefeuille comprend des titres de même nature depuis plus de 2 ans, la cession relève du régime des plus ou moins-values, à court terme ou à long terme (les titres n’étant pas des biens amortissables, selon la durée de détention). Lorsque les titres ne sont pas considérés comme relevant de l’actif immobilisé (c’est-à-dire lorsqu’ils sont détenus depuis moins de 2 ans et que le portefeuille ne dispose pas de titres de même nature depuis plus de 2 ans), le gain ou la perte constatée est traité comme une perte d’exploitation déductible ou un produit imposable dans les conditions de droit commun. Lorsque la cession porte sur des titres de même nature acquis à des dates et à des prix différents, et lorsqu’on ne peut donc pas les identifier individuellement pour apprécier les critères d’immobilisation, la cession est réputée porter d’abord sur les titres acquis à la date la plus ancienne : c’est le système FIFO*, « first in, first out », PEPS dans la traduction française, « premier entré, premier sorti ».

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*La méthode LIFO, « last in, first out » est en revanche formellement interdite.

Ainsi par exemple, si une entreprise a souscrit, au cours de l’exercice N, 2 000 actions d’une valeur nominale de 100€ puis, deux ans plus tard, 500 actions supplémentaires d’une valeur nominale de 120€ et si elle décide, en N+3 de vendre 200 de ces actions au prix unitaire de 150€, la cession sera réputée porter sur les premières actions acquises en N. La plus-value sera donc à long terme pour un montant de: (200 X 150€) - (200 X 100€) = 10 000€. II.- Le régime des brevets. Le régime est applicable aux cessions et concessions des brevets, procédés de fabrication industrielle et inventions brevetables. Sont en revanche exclus du dispositif les logiciels, les marques, les dessins et les modèles. Par ailleurs, pour bénéficier de ce régime, les brevets doivent faire parti de l’actif immobilisé depuis plus de 2 ans (aucun délai n’est toutefois exigé si l’entreprise a mis au point elle-même les droits cédés ou concédés ou si elle les a acquis à titre gratuit). A défaut c’est en effet le droit commun qui s’applique car le législateur entend favoriser les entreprises qui inventent mais pas celles qui spéculent sur la propriété industrielle. Le régime des plus et moins-value applicable aux brevets est plus intéressant que celui du droit commun dans la mesure où le profit tiré d’une cession ou d’une concession est considéré intégralement comme une plus-value à long terme y compris donc pour les amortissements pratiqués. Pour les concessions, le régime est d’autant plus favorable que les redevances devraient logiquement être traitées comme de simples profits d’exploitation. III.- Le régime des cessions de contrats de crédit-bail mobilier. Une entreprise qui finance par crédit-bail une immobilisation dont elle a l’usage n’en n’est pas propriétaire et ne peut donc pas la céder. Elle en est simplement locataire ce qui justifie la déduction des redevances versées. Elle peut en revanche céder le contrat de crédit-bail dont elle est titulaire. Le prix alors obtenu est considéré comme une plus-value imposable de la façon suivante : si la cession de contrat a lieu moins de 2 ans après sa conclusion, le prix est imposé comme une plus-value à court terme. Si la cession de contrat a lieu plus de 2 ans après sa conclusion, la plus-value est à court terme à hauteur des amortissements que le cédant aurait pu pratiquer s’il avait été propriétaire et à long terme pour le surplus. La base à prendre pour le calcul des amortissements correspond au prix d’achat du bien par la société de crédit-bail diminué du prix de la levée d’option convenu dans le contrat. Ainsi, par exemple, si une entreprise conclue un contrat de crédit-bail portant sur une machine d’une valeur de 400 000€ amortissable sur 10 ans moyennant une redevance mensuelle de 5 500€ et prévoyant un prix de levée d’option de 20 000€ et si elle cède son contrat après 3 ans pour un prix de 210 000€, la plus-value sera à court terme à hauteur des amortissements que le cédant aurait pu pratiquer s’il avait été propriétaire, c’est-à-dire à hauteur de (400 000€

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- 20 000€) x 10% x 3 = 114 000€ et à long terme pour le surplus de 96 000€ (210 000€ - 114 000€). IV.- Le régime des indemnités d’expropriation et d’assurance. Une plus ou moins-value peut être constatée suite à une expropriation ou à un sinistre. Dans ce cas l’indemnité perçue est assimilable au prix de vente. Néanmoins, des mesures d’assouplissement permettent à l’entreprise d’étaler sur une période plus longue que celle prévue dans le cas général de la plus-value à court terme (qui est normalement plafonnée à 3 ans) : ainsi la plus-value à court terme réalisée suite à la perception d’une indemnité d’expropriation ou d’assurance peut être étalée sur une durée correspondant à la durée moyenne des amortissements déjà pratiqués. Par ailleurs, en cas de plus-value à long terme, le paiement de l’impôt peut être différé de 2 ans. V.- Le régime des plus-values immobilières. Il existe un régime très intéressant pour les particuliers en matière immobilière puisqu’ils bénéficient d’abattements qui engendrent, au bout de quelques années, l’exonération de la plus-value. Ce régime n’existait pas pour les entrepreneurs qui avaient choisi d’inscrire leur immeuble à l’actif de leur entreprise plutôt que de le conserver dans leur patrimoine privé. La loi de finances pour 2006 est venue heureusement modifier cette situation : désormais un abattement de 10% s’applique pour chaque année de détention au-delà de la cinquième année, de sorte qu’au bout de 15 ans, l’exonération de la plus-value est totale. Les plus-values à court terme restent en revanche imposables dans les conditions de droit commun. CHAPITRE 6.- LA DETERMINATION DU RESULTAT FISCAL IM POSABLE. On vient d’examiner les produits imposables d’une part, les charges déductibles d’autre part. C’est la différence entre ces deux masses qui donne la mesure du résultat, bénéficiaire ou déficitaire qui sera déclaré. Mais auparavant, on va pouvoir y imputer les déficits éventuellement reportables, réduire l’imposition si l’entreprise est nouvelle ou, enfin, appliquer certains abattements si elle adhère à un centre de gestion agréé. Les régimes d’imposition varieront ensuite en fonction de la taille et de l’importance de l’activité de l’entreprise. SECTION 1.- Le calcul du résultat imposable. I.- Le régime des déficits reportables. Contrairement au régime de l’IS (où le déficit constitue une charge déductible du bénéfice des exercices suivants), le déficit réalisé dans le cadre d’une entreprise individuelle s’impute sur

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le revenu global du foyer fiscal de la même année. L’excédent de déficit qui n’aurait pu être imputé est reporté sur les revenus globaux des années suivantes dans la limite de 6 ans. II.- Le régime des entreprises nouvelles. Il s’agit, en vertu de l’article 44 sexies du CGI de mesures temporaires (reconduites en fait chaque année) ne visant que des implantations nouvelles réalisées au plus tard le 31 décembre 2010. Les allégements fiscaux sont réservés aux entreprises véritablement nouvelles qui s’implantent dans des régions défavorisées souffrant de handicaps géographiques (zones d’aides à finalité régionale) ou de handicaps économiques (zones de redynamisation urbaine ou de revitalisation rurale). Les bénéfices réalisés au cours des 5 premières années d’activité sont exonérés en totalité pour les deux premières années, puis de façon dégressive pour les trois années suivantes. III.- Les avantages liés à l’adhésion à un centre de gestion agréé. Les centres de gestion ont pour mission de porter une assistance comptable et fiscale à leurs adhérents et de surveiller la cohérence de leurs déclarations. L’avantage essentiel de l’adhésion à de tel centre consiste en une dispense de majoration de 25% des bénéfices imposables*. En effet, les entreprises non adhérentes sont imposées sur un montant égal à 125% des bénéfices réalisés. De même, en l’absence d’adhésion, le salaire versé au conjoint n’est déductible que dans la limite annuelle de 13 800€. *Depuis 2010 toutefois, la dispense de majoration est également accordée aux contribuables qui recourent aux

services d’un professionnel de la comptabilité (comme un expert comptable).

Parmi les autres avantages de l’adhésion on citera la limitation du droit de reprise de l’administration fiscale, en cas de contrôle de 3 à 2 ans ainsi que le crédit d’impôt de 915€, imputable sur l’impôt lui-même et non sur le bénéfice imposable, lorsque le chiffre d’affaires annuel de l’entreprise est inférieur au plafond du régime du micro et si l’exploitant a opté pour le régime de l’évaluation réelle. SECTION 2.- Les régimes d’imposition. Il existe trois régimes d’imposition des bénéfices réalisés dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux qui dépendent de la nature de l’activité d’une part et du montant du chiffre d’affaires annuel d’autre part. Nature du régime Secteur des ventes Secteur des prestations de

services Régime de l’évaluation réelle normale

CA annuel supérieur à 766 000€

CA annuel supérieur à 231 000€

Régime de l’évaluation réelle simplifiée

CA annuel compris entre 80 300€ et 766 000€

CA annuel compris entre 32 100€ et 231 000€

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Régime des micro-entreprises et des auto-entrepreneurs

CA annuel ne dépassant pas 80 300€

CA annuel ne dépassant pas 32 100€

Ces seuils ne sont pas impératifs, de sorte que les entreprises peuvent toujours opter pour le régime correspondant au chiffre d’affaires supérieur (par exemple, un contribuable relevant du régime de l’évaluation réelle simplifiée peut opter pour celui de l’évaluation réelle normale mais non l’inverse). De même, l’option doit être globale et porter à la fois sur les BIC et la TVA. Quant aux différents régimes eux-mêmes, l’idée générale est que la lourdeur et la complexité des déclarations et des documents comptables à tenir vont varier avec la taille de l’entreprise et son volume de chiffre d’affaires. Ainsi, dans le cadre du régime de l’évaluation réelle normale, qui est le régime le plus perfectionné et qui est donc réservé aux entreprises les plus importantes, la déclaration des résultats doit être faite sur l’imprimé n°2031 et doit être accompagnée d’une véritable liasse fiscale composée d’un tableau comptable (bilan, compte de résultat, amortissements, provisions), d’un tableau fiscal (état n°2058-A de passage du résultat comptable au résultat fiscal, déficits et provisions non déductibles, plus et moins values) et de documents divers expliquant le calcul des provisions réglementées, l’état d’affectation des voitures de tourisme… Dans le cadre du régime de l’évaluation réelle simplifiée, la déclaration des résultats est faite sur le même formulaire mais la liasse fiscale est allégée puisqu’elle n’est composée que d’un bilan abrégé, d’un compte simplifié de résultat fiscal, d’un tableau des immobilisations et des amortissements et d’un relevé des provisions. Dans le cadre du régime des micro-entreprises, les obligations comptables sont réduites au minimum. Le contribuable doit tenir un registre des achats et un livre journal des recettes, les frais sont évalués forfaitairement à 71% des recettes pour les ventes et 50% pour les prestations de services et le montant des recettes annuelles est porté directement sur une ligne spéciale de la déclaration générale des revenus. Enfin, le régime des auto-entrepreneurs, mis en place en 2008, prévoit un système de prélèvement libératoire de l’impôt sur le revenu de 1% du chiffre d’affaires pour le secteur des ventes et de 1,7% pour le secteur des prestations de services. Il se cumule avec un système de prélèvement libératoire des cotisations sociales de 12% pour le secteur des ventes et de 21,3% pour le secteur des prestations de services, le versement global étant effectué chaque mois ou chaque trimestre directement auprès de l’URSSAF. C’est un système qui présente l’avantage de proportionner exactement le montant des charges fiscales et sociales au volume de l’activité, en temps quasiment réel, mais qui se révèle plus couteux que les autres régimes.

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QUATRIEME PARTIE.- L’IMPOSITION DES RESULTATS DES SOCIETES.

On a vu que les entreprises individuelles (et les sociétés assimilées, c’est-à-dire les sociétés relevant de l’IRPP), qu’elles soient commerciales, industrielles ou artisanales, n’ont pas la personnalité fiscale et que les opérations qu’elles réalisent sont de nature commerciale et revêtent le caractère de BIC (bénéfices industriels et commerciaux). Leur imposition s’effectue dans le cadre de l’IRPP de l’entrepreneur, les BIC participant, ainsi que les autres catégories de revenus perçus par le foyer fiscal, à la détermination du revenu annuel imposable.

Les sociétés au contraire (à l’exception des sociétés de personnes qui relèvent de l’IR), sont redevables d’un impôt qui leur est propre, l’impôt sur les sociétés ou IS, et sont considérées comme opaques, de sorte que ce sont elles qui seront considérées comme le contribuable et le redevable effectif de l’impôt. On trouve néanmoins un grand nombre d’éléments communs à ces deux types d’imposition, tant du point de vue des principes que des règles de détermination du résultat imposable, leurs opérations relevant d’un régime quasiment similaire à celui des BIC.

Les sociétés font toutefois l’objet de règles spécifiques qui ne peuvent pas avoir d’équivalent dans le cadre des entreprises individuelles : on étudiera ainsi dans un second chapitre l’imposition des bénéfices dans les groupes de sociétés puis, dans un troisième chapitre, l’imposition des bénéfices distribuées par les sociétés. Mais on abordera d’abord, dans un premier chapitre, le régime général de l’imposition des bénéfices dans les sociétés.

On précisera auparavant que l’IS est général, c’est-à-dire qu’il concerne la totalité du revenu fiscal de la personne morale concernée. Il est calculé à taux proportionnel de 33,33% sur les bénéfices fiscaux des sociétés selon des règles d’assiette en grande partie communes à toutes les entreprises (individuelles ou sociétés). Il est annuel, calculé et liquidé spontanément par la société. Son rendement prévu dans le projet de loi de finances pour 2011 est de 44,3 milliards d’euros (alors que celui de la TVA est de 130,6 milliards et celui de l’IR de 52,1 milliards), ce qui représente un peu plus de 17% du budget de l’Etat.

Les recettes fiscales nettes du PLF 2011 en milliards d'euros en % du total Taxe sur la valeur ajoutée 130,6 51,3 Impôt sur le revenu 52,1 20,5 Impôt sur les sociétés 44,3 17,4 Taxe intérieure sur les produits pétroliers 14,2 5,6 Autres recettes nettes 13,2 5,2 Total 254,4

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CHAPITRE 1.- LE REGIME GENERAL DE L’IMPOSITION DES BENEFICES DANS LES SOCIETES.

SECTION 1.-Caractéristique et domaine de l’IS.

I.- L’application du régime des BIC aux sociétés relevant de l’IS.

On vient de présenter en détail le régime des BIC dans le cadre des entreprises individuelles. Or, ce régime est transposable aux sociétés de capitaux pour le calcul de l’IS : cette assimilation concerne tant les règles de rattachement des produits que de déduction des charges (frais généraux, amortissements, provisions).

Bien sur, il peut y avoir quelques ajustements : on a vu ainsi que l’exploitant ne pouvait déduire de son résultat imposable ni la rémunération de son travail, ni celle de ses fonds propres. Au contraire, dans le cadre d’une société relevant de l’IS, rien ne s’oppose à la déduction des rémunérations versées aux dirigeants ou à celle des intérêts des comptes courants d’associés.

On étudiera toutefois plus spécifiquement deux régimes qui méritent une analyse séparée : celui du portefeuille-titres et celui des plus et moins values.

On précisera enfin qu’en matière d’IS, c’est la forme juridique de la société qui dicte le régime applicable (celui des BIC) et pas la nature de l’activité (comme pour les entrepreneurs individuels et les sociétés assimilées). Ainsi, l’article 205 du CGI définit l’IS comme « l’impôt qui frappe l’ensemble des bénéfices ou revenus réalisés par les sociétés ou les autres personnes morales », de sorte qu’une société qui réalise à la fois des bénéfices commerciaux et non commerciaux sera soumise à l’IS pour l’intégralité de ses bénéfices (en appliquant le régime des BIC) alors que la même activité réalisée par un exploitant individuel aurait alternativement relevé des BIC et des BNC.

II.- Le champ d’application de l’IS.

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De façon traditionnelle, les sociétés à risque limité relèvent de l’IS tandis que les sociétés à risque illimité relèvent de l’IR.

Ce critère n’est toutefois pas absolu :

- certaines sociétés à risque limité peuvent opter pour l’IR.

- certaines sociétés à risque illimité peuvent opter pour l’IS.

- certaines sociétés civiles peuvent être assujetties d’office à l’IS lorsqu’elles exercent une activité relevant des BIC.

A.- Les sociétés soumises par principe à l’IS.

Il s’agit : des sociétés par actions (SA, SAS, SCA-option possible pour l’IR),

- des SARL (les SARL de famille peuvent toutefois opter pour l’IR),

- des EURL crées par des personnes morales,

- des SCS (commanditaires)

- des SEL (sociétés d’exercice libéral)

- des sociétés en participation (associé dont la responsabilité est limitée ou dont l’identité n’est pas révélée à l’administration).

Depuis 2008, les SA, SAS et les SARL peuvent opter à l’IR sous plusieurs conditions :

- tenant à la société : il ne faut pas qu’elle soit cotée, il faut qu’elle exerce une activité commerciale, agricole ou libérale, il faut qu’elle emploie moins de 50 salariés, qu’elle réalise moins de 10 millions de CA et qu’elle ait été crée depuis moins de 5 ans/

- tenant aux associés : le capital social doit être détenu au moins par moitié par des personnes physiques et au moins pour le tiers par les dirigeants.

L’option est valable 5 ans et peut faire l’objet d’un renoncement (ce qui n’est pas le cas de l’option inverse pour l’IS quand l’entreprise relève de l’IR). Elle peut être intéressante en cas de déficit car celui-ci sera alors imputable sur le revenu global des associés.

B.- Les sociétés soumises par option à l’IS.

L’option concerne toutes les sociétés de personnes (EURL créée par une personne physique, SNC, SCI, EIRL ou entrepreneur à responsabilité individuelle, nouveau statut crée en 2010) à l’exclusion des GIE et GEIE. Elle est irrévocable et devient préférable dès que le niveau des bénéfices atteint un certain seuil.

C.- Les sociétés soumises par inadvertance à l’IS.

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On peut exercer une activité civile dans une société commerciale mais pas l’inverse : une société civile qui exercerait une activité commerciale dégénèrerait ainsi en société créée de fait et relèverait, en vertu de l’article 206-2 du CGI, de l’IS.

L’administration fiscale n’hésite pas, lors de contrôle fiscaux, à appliquer ce dispositif dès lors que la tolérance légale de 10% d’opérations commerciales (rapportées aux autres opérations) est dépassée. Par exemple, dans le cadre de SCI louant des immeubles meublés ou équipés, le CE, dans un arrêt rendu le 21 juillet 1995, à soumis à l’IS le propriétaire d’un studio à la montagne donné en location meublé 4 mois par an. De la même façon, dans le cadre des sociétés civiles agricoles, le CE, dans un arrêt rendu le 24 avril 1981, a soumis à l’IS une société civile constituée entre agriculteurs en vue de conditionner et de commercialiser les produits de leurs exploitations. Il a également requalifié, dans un arrêt rendu le 22 mars 1985 une société civile organisant des séjours linguistiques à l’étranger et, dans un arrêt rendu le 5 mars 1999, une société civile jouant le rôle d’une centrale de trésorerie au sein d’un groupe.

Ces requalifications sont dangereuses pour les sociétés concernées parce qu’elles entraînent également des redressements de TVA et de TP (CET), parce qu’elles remettent en cause l’éventuelle imputation des déficits sur le revenu global des associés et parce qu’elles permettent à l’administration, dans l’hypothèse inverse, si les associés se sont partagés des bénéfices, d’exiger le paiement de l’IS et de taxer les associés sous le régime des distributions irrégulières.

SECTION 2.- Le portefeuille-titres.

I.- Les titres de participation.

Ces titres permettent à une société de prendre le pouvoir au sein d’une autre société, d’en assurer le contrôle ou au moins d’y exercer une influence notable. Fiscalement, pour que le régime des titres de participation s’applique, il faut que deux conditions soient remplies :

- ils doivent ouvrir droit au régime des sociétés mères (le seuil de participation doit être d’au moins 5%) ou avoir été acquis en exécution d’une OPA ou d’une OPE.

- ils doivent être inscrits dans un compte de titres de participation.

Il faut distinguer alors trois questions lorsque l’on étudie le régime des titres de participation :

- celui de leur frais d’acquisition d’abord (droits de mutation, honoraires, commissions et frais d’acte) qui peuvent être, sur un plan comptable, amortis ou déduits au titre des frais généraux mais qui doivent impérativement, sur le plan fiscal et en vertu de l’article 209 VII du CGI, être rattachés au coût de revient des titres et amortis linéairement sur une période de 5 ans (de sorte que des rectifications extracomptables peuvent être nécessaires). Les titres de participation ne sont quant à eux jamais amortissables !

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- celui de leur évaluation ensuite, qui doit l’être, par principe, à leur valeur de souscription à la date d’acquisition mais qui peut également l’être, par exception, à leur valeur d’utilité à la clôture des exercices. Si cette valeur est supérieure, à la clôture de l’exercice, à la valeur d’origine, qui correspond normalement à la valeur de souscription, la plus-value latente n’est pas prise en compte sur le plan fiscal. Inversement, si cette valeur est inférieure à la valeur d’origine, la moins-value latente donne lieu à la constatation d’une dépréciation. Celle-ci n’est toutefois pas, sur le plan fiscal, déductible du bénéfice imposable (il faudra donc la réintégrer de façon extracomptable). Cette interdiction de déduction fiscale est le corolaire de l’exonération des plus-values à long terme sur cession de titres de participation puisqu’il ne saurait y avoir de charge déductible là où il n’y a pas de profit imposable.

- celui des plus-values enfin qui sont exonérées, sous réserve du paiement de l’impôt au taux normal sur une quote-part de frais et charges de 5% calculée sur le montant des plus-values nettes à long terme de l’exercice. La France était en effet le seul grand Etat européen à taxer les plus-values dégagées lors de la cession des titres de participation ce qui incitait les groupes français opérant à l’international à se délocaliser. Pour lever ce handicap en terme d’attractivité, la loi de finances rectificatives pour 2004 a donc prévu l’exonération, par principe, des plus-values à long terme dégagées lors de la cession de titres de participation.

Ainsi, à la clôture de l’exercice, si une entreprise a réalisé des cessions de titres de participation elle devra d’abord calculer le montant des plus ou moins-values réalisées par différence entre leur valeur de cession et leur VNC (puisque les titres de participation ne sont pas amortissables, cette VNC correspond à leur seule valeur d’origine) puis elle compensera entre elles les plus et moins-values en distinguant le court terme (titres détenus depuis moins de 2 ans) et le long terme (titres détenus depuis plus de 2 ans). Lorsque des titres de même nature ont été acquis à des dates différentes, elle pourra utiliser la méthode FIFO ou celle du prix de revient moyen pondéré.

Les plus et moins-values à court terme constituent, comme pour toutes les cessions d’éléments quelconque de l’actif immobilisé, des profits imposables (ou des charges déductibles) au taux normal de l’IS, sans qu’aucune rectification extracomptable ne soit nécessaire. Seules les plus ou moins-values à long terme bénéficieront d’un traitement particulier. La plus-value à long terme étant fiscalement exonérée devra être déduite de façon extracomptable à l’exception d’une quote-part de frais et charges de 5% qui devra être réintégrée (pour être soumise ensuite, avec le reste du bénéfice imposable, au taux de droit commun de l’IS). Quant à la moins-value à long terme, elle n’est pas déductible fiscalement et devra donc être réintégrée de façon extracomptable.

Prenons l’exemple d’une SA qui acquiert le 1er juin 2007 des titres de participation pour 1500€ avec des frais d’acquisition qui s’élèvent à 30€. Dans le souci d’aligner son régime comptable sur celui fiscal, l’entreprise opte pour l’amortissement de ces frais : elle les rattache donc aux titres acquis et les comptabilise pour une valeur de 1530€. Chaque année elle pourra en amortir 20%. Elle déduira ainsi en 2007 30€x20%x210/360=3,5€, puis chaque année suivante 30€x20%=6€. Si elle revend ces titres le 1er janvier 2010 pour un prix de 2000€, elle

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réalisera la plus-value suivante : 2000€ - [1530€ - (3,5€+6€+6€)]=485,5€ qui sera considérée comme une plus-value nette à long terme exonérée sous réserve de l’imposition d’une quote-part de 5%. L’impôt à payer sera alors de (485,5€x5%)x 33,33%=8,10€.

II.- Les titres de placement.

Contrairement aux titres de participation, les titres de placement sont des instruments de rendement et de sécurité, la société cherchant pour ses disponibilités les solutions les plus rentables et les plus sures. Les règles d’évaluation à la clôture de l’exercice sont les mêmes que pour les entreprises individuelles. Lorsque la valeur d’inventaire des titres est supérieure à leur valeur d’origine, la plus-value latente n’est pas comptabilisée. A l’inverse, la moins-value latente doit faire l’objet d’une dépréciation. Celle-ci, contrairement au régime des titres de participation, est déductible du résultat imposable au taux normal. Quant aux plus ou moins-values de cession, elles sont imposées ou déduites comme de simples produits, de sorte que le régime fiscale applicable sera le même que la plus ou moins-value soit à court ou à long terme. Il s’agit là de la règle de droit commun en matière de plus ou moins-value dans le cadre de l’IS. L’exonération de la plus-value à long terme des cessions de titres de participation n’a ainsi pas d’équivalent pour les titres de placement.

SECTION 3.- Le traitement fiscal des plus et moins-values.

Quand une société soumise à l’IS cède une immobilisation elle réalise une plus ou une moins-value, les règles d’assiette étant les mêmes qu’en matière de BIC. En outre, comme pour les entreprises individuelles et les sociétés assimilées, la société doit, à la clôture de son exercice, compenser entre elles les plus ou moins-values de même nature (c’est-à-dire à court ou à long terme).

Le régime des plus ou moins-values nettes à court terme est identique à celui des entreprises individuelles : elles seront ainsi considérées comme un profit imposable au taux de droit commun (régime des plus-values) ou comme une charge déductible du bénéfice imposable (régime des moins-values). Aucune rectification extracomptable ne devra être réalisée. En outre, contrairement aux entreprises individuelles, une société ne peut bénéficier de la faculté d’étalement de sa plus-value à court terme (sur 3 ans, comme pour les entreprises individuelles et les sociétés assimilées).

Le régime des plus ou moins-values à long terme déroge au contraire aux règles applicables aux entreprises individuelles, les plus-values à long terme réalisées par les sociétés relevant de l’IS étant par principe imposées au taux normal de l’impôt (et pas au taux réduit de 28,10% comme pour les entreprises individuelles et sociétés assimilées). Corrélativement, les moins-values à long terme sont considérées comme des charges déductibles du résultat imposable. Le traitement des plus ou moins-values, qu’elles soient à court ou à long terme n’implique donc aucun retraitement fiscal en matière d’IS.

Ces principes sont néanmoins assortis de deux exceptions. La première concerne le régime d’exonération applicable aux plus-values à long terme sur cession de titres de

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participations (v.ci-dessus). La seconde, les plus-values sur cession de certains droits de la propriété industrielle, qui sont imposables au taux réduit de 15%.

Plus précisément, ce régime de faveur concerne les cessions et concessions de licence de brevets et inventions brevetables, lorsqu’ils ont été acquis à titre onéreux et lorsqu’ils sont détenus depuis au moins 2 ans, de sorte que sont imposées au taux réduit les plus-values à long terme sur cession de brevet et les redevances perçues à raison des licences d’exploitation. Tous les autres droits de propriété industrielle, comme les logiciels, les marques, les dessins et les modèles ne sont en revanche pas éligibles à l’imposition à taux réduit.

Techniquement, ces plus-values seront traitées comme pour les entreprises individuelles. On les déduira de façon extracomptable puis on les neutralisera d’abord par le solde (éventuel) de moins-values à long terme réalisé au cours des 10 exercices précédents, puis on les imputera sur les résultats déficitaires de la société (s’ils existent et si cette dernière le souhaite), enfin leur solde sera soumis au taux réduit de 15%. Les moins-values nettes à long terme quant à elles ne seront pas déductibles du résultat imposable au taux normal : il faudra les réintégrer de façon extracomptable puis les imputer sur les plus-values à long terme des exercices suivants.

SECTION 4.- Les taux d’IS.

En matière d’IS, le taux de droit commun est de 33,33% (en vertu de l’article 219-I du CGI). Il est accompagné d’un taux réduit de 15% pour certaines plus-values à long terme (v.ci-dessus).

En outre, pour les PME, c’est-à-dire pour les sociétés réalisant moins de 7 630 000€ de CA HT et contrôlées par des personnes physiques à concurrence de 75% au moins, le taux d’imposition est abaissé à 15% à concurrence de 38 120€ de bénéfice par exercice. Au-delà, c’est le taux de droit commun qui s’applique. L’économie d’impôt n’est pas négligeable et augmente d’autant les capacités d’autofinancement de ces entreprises. Pour en bénéficier il faut donc que leur capital social ait été entièrement libéré et que les associés aient mis à la disposition de leur entreprise les fonds qu’ils s’étaient engagés à verser. En revanche, aucune condition quand à la nature de l’activité exercée n’est aménagée de sorte qu’une société de type patrimoniale, comme une SCI ayant opté pour l’IS, peut y prétendre.

Ce taux d’IS, de droit commun ou réduit, s’accompagnait d’un impôt forfaitaire annuel (ou IFA) que toutes les sociétés soumises à l’IS devaient acquitter, même si leurs résultats étaient déficitaires ou nuls. Le montant de cet impôt était progressif et variait en fonction du CA de l’entreprise. A titre d’exemple, les entreprises dont le chiffre d’affaires était en compris entre 400 000 et 750 000€ devaient acquitter un IFA de 1300€ annuel (en deçà elles étaient exonérées) et celles dont le chiffre d’affaires étaient supérieur à 500 000 000€, un IFA de 110 000€ annuel. La loi de finances pour 2009 a posé le principe de la disparition progressive de cet impôt. Aujourd’hui, la suppression concerne les sociétés dont le chiffre d’affaires est inférieur à 15 000 000€. A partir du 1er janvier 2011, elle concernera toutes les sociétés.

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Enfin, une contribution sociale de 3,3% est exigible, qui s’ajoute à l’IS lui-même. Toutefois, les PME (dans les mêmes conditions que pour l’éligibilité au taux réduit d’IS) en sont exonérées. Cette contribution est calculée sur l’IS lui-même (et pas sur le bénéfice imposable, elle ne porte donc pas le taux de l’IS à 36,63%) au taux normal ou au taux réduit, sous déduction d’un abattement de 763 000€ de sorte que les sociétés dont l’IS est inférieur à 763 000€ n’y sont pas soumises. Dans la pratique, seules 4000 sociétés sont aujourd’hui concernées par cette fiscalité additionnelle.

SECTION 5.- Le calcul et le paiement de l’IS.

I.- La déclaration de résultat de l’entreprise.

Elle doit être déposée dans les 3 mois de la clôture de l’exercice (les sociétés clôturant le 31 décembre peuvent toutefois déclarer jusqu’au 30 avril).

Les sociétés relèvent, selon le montant de leur chiffre d’affaires, du régime de l’évaluation réelle normale ou simplifiée (avec des seuils identiques que pour les entreprises individuelles) mais il n’existe pas de régime des micro-entreprises ou d’auto-entrepreneurs. Dans tous les cas, une déclaration de base (n°2065) dite déclaration annuelle des résultats doit être déposée. A cette déclaration, d’autres documents vont se joindre en fonction de la nature du régime d’évaluation applicable.

Par exemple, dans le cadre du régime normale, la société devra fournir une liasse fiscale composée, outre la déclaration annuelle de résultats, de 18 tableaux normalisés :

• 2050 : Bilan - Actif • 2051 : Bilan - Passif • 2052 : Compte de résultat de l'exercice (en liste) • 2053 : Compte de résultat de l'exercice (suite) • 2054 : Immobilisations (et, le cas échéant, 2054 bis : Tableau des écarts de réévaluation

sur immobilisations amortissables) • 2055 : Amortissements • 2056 : Provisions inscrites au bilan • 2057 : Etat des échéances des créances et des dettes à la clôture de l'exercice • 2058-A : Détermination du résultat fiscal • 2058-B : Déficits, indemnités pour congés à payer et provisions non déductibles • 2058-C : Tableau d'affectation du résultat et renseignement divers • 2059-A : Détermination des plus et moins-values • 2059-B : Affectation des plus-values à court terme et des plus-values de fusion ou

d'apport • 2059-C : Suivi des moins-values à long terme • 2059-D : Réserve spéciale des plus values à long terme et Réserve spéciale des

provisions pour fluctuation des cours • 2059-E : Détermination de la valeur ajoutée produite au cours de l'exercice • 2059-F : Composition du capital social

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• 2059-G : Filiales et participations

Elle devra en outre renseigner les informations suivantes : un état des répartitions des bénéfices entre les associés, un compte-rendu des délibérations du conseil d’administration ou de l’assemblée générale statuant sur l’affectation des résultats et un relevé détaillé de certains frais généraux (rémunérations directes et indirectes versées aux cinq ou dix personnes les mieux rémunérées, leurs frais de voyage ou de déplacement, les charges afférentes à leurs véhicules et à leurs logements, les cadeaux, les frais de réception). En cas d’omission, la société encourt une amende de 5% du montant des frais non mentionnés, amende ramenée à 1% si la charge est déductible fiscalement.

II.- Le calcul et le paiement de l’impôt.

La société doit calculer elle-même l’impôt et le payer spontanément : c’est la servitude d’auto-liquidation de l’IS (contrairement au régime applicable aux entrepreneurs individuels ou aux sociétés assimilées où l’entreprise déclare le bénéfice mais où c’est l’administration fiscale qui calcule l’impôt sur le revenu et qui en sollicite le règlement).

Pour calculer le montant de l’IS, il faut appliquer aux bénéfices de l’exercice le taux de l’IS, puis imputer sur ce montant les réductions d’impôts ou crédits d’impôts dont la société peut bénéficier (comme le crédit d’impôt mécénat ou le crédit d’impôt recherche, v. ci-dessus)

L’impôt est acquitté en 6 étapes : l’entreprise verse d’abord l’IFA, puis 4 acomptes et, enfin, le solde. Le paiement par voie électronique est obligatoire lorsque le montant du chiffre d’affaires HT de l’exercice précédent excède 500 000€ (a compter du 1er octobre 2011, il passera à 230 000€).

Les acomptes à verser se calculent en fonction du bénéfice imposable au taux normal de l’exercice précédent (considéré comme bénéfice de référence). Chacun des acomptes représente 8,33% du bénéfice de référence. Ils sont payés au plus tard le 15 mars, le 15 juin, le 15 septembre et le 15 décembre.

Le solde est versé en principe à l’expiration du délai de déclaration des résultats, c’est-à-dire dans les 3 mois de la clôture de l’exercice. Si les acomptes versés sont supérieurs à l’impôt exigible, l’excédent est remboursé dans les 30 jours du dépôt du relevé du solde.

On pourra donner l’exemple de recouvrement de l’IS suivant : soit une société dont l’exercice coïncide avec l’année civile et dont le bénéfice de 2008 a été de 180 000 € et celui de 2009 de 200 000€, les acomptes de 2010 seront les suivants :

-1er acompte (le 15 mars 2010, le bénéfice de 2009 n’est souvent pas encore connu, de sorte que l’on va retenir le bénéfice de 2008) : 180 000€ x 8,33%=14 994€.

- 2ème acompte (le 15 juin 2010, le bénéfice de 2009 est connu) : 200 000€ x 8,33%=16 667€. Il faut également régulariser le 1er acompte qui aurait également du être de 16 667€ (et qui n’a été que de 14 994€) : il faut donc verser la différence soit 1673€.

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- 3ème acompte (le 15 septembre 2010) : 200 000€ x 8,33%=16 667€.

- 4ème acompte (15 décembre 2010) : 200 000€ x 8,33%=16 667€.

- solde (au plus tard le 30 avril 2011), si le bénéfice de 2010 est de 240 000€, IS dû au titre de 2010 sera de 240 000 € x 33,33%=80 000€. Comme la société a déjà versé 66 668€ d’acomptes, le solde à payer sera de 13 332€.

SECTION 6.- Le traitement des déficits.

Le régime normal est le report en avant des déficits, c’est-à-dire leur imputation sur les bénéfices des exercices futurs. Toutefois, et par exception, les entreprises peuvent opter pour le report en arrière, c’est-à-dire leur imputation sur les bénéfices déjà taxés des exercices antérieurs.

I.- Le report en avant des déficits.

Il est prévu par l’article 209-I du CGI qui dispose que les déficits d’un exercice s’imputent sur les bénéfices des exercices ultérieurs. L’imputation donne lieu à rectification extracomptable : il sera déduit des premiers bénéfices imposables au taux normal des exercices suivants, sans limitation de durée (contrairement aux BIC où le déficit n’est reportable sur le revenu global que pendant 6 ans).

Tel n’est plus le cas en revanche lorsque la société disparait, le déficit ne pouvant être en principe utilisé au sein d’une autre entité. La seule exception concerne l’hypothèse où la société est absorbée dans le cadre d’une fusion : il faut alors un agrément administratif pour que le déficit soit transposable à la société absorbante

II.- Le report en arrière des déficits.

Quand les résultats d’une société sont déficitaires alors que ceux des exercices antérieurs étaient bénéficiaires, la société a la possibilité d’imputer le déficit actuel sur les bénéfices des exercices précédents. Il s’agit d’une rétro-imputation ou report en arrière directement inspiré du régime du carry-back anglo-saxon. Toutefois aux EU par exemple, le Trésor rembourse immédiatement l’impôt antérieurement payé, ce qui constitue un système très avantageux. En France au contraire le régime est moins favorable puisqu’il aboutit seulement à la constatation d’une créance fiscale imputable sur les impôts futurs ou remboursables 5 ans plus tard. Ce régime, dérogatoire et facultatif, est prévu par l’article 220 quinquies du CGI.

Ses modalités de mise en œuvre sont les suivantes :

- Le report en arrière n’est possible que sur les 3 exercices précédents (contrairement au reporte en avant qui est illimité).

- Le report en arrière n’est possible que sur le bénéfice imposable au taux normal (sans prendre en compte les éventuelles plus-values à long terme). L’Etat ne rembourse donc que

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l’impôt de droit commun, par exception cependant, le report en arrière est possible sur les bénéfices des PME imposables aux taux réduit de 15%.

- Le report en arrière n’est possible que sur le bénéfice effectivement imposé (il faut que le bénéfice ait effectivement donné lieu au paiement de l’impôt et on ne prend donc pas en compte les bénéfices exonérés ou ceux diminués de crédits d’impôts). La solution est logique. L’état ne rembourse pas sur ce qui n’a pas été payé.

- Le report en arrière n’est possible que sur le bénéfice non distribué (peu importe qu’il soit mis en réserve ou incorporé au capital).

L’imputation se fait alors par priorité sur les exercices les plus anciens et le déficit qui n’a pu être imputé sur les bénéfices antérieurs reste reportable sur les bénéfices reportables (on peut donc panacher le report en arrière et en avant).

Quant à la créance fiscale, elle est égale au montant du déficit imputé multiplié par le taux de l’IS à 33,33% (ou 15% pour les PME). Sur le plan comptable, cette créance est un produit de l’exercice déficitaire. Pour ne pas qu’elle soit soumise à l’impôt, il faut donc la déduire de façon extracomptable. On peut ensuite l’utiliser pour payer son IS exigible au cours des cinq exercices suivants (pour les acomptes et/ou pour le solde). Cette créance est donc limitée au paiement de l’IS : elle ne peut en aucun cas être utilisée pour s’acquitter d’un autre impôt comme la TVA par exemple.

Si, à l’échéance des cinq années, la créance n’a pas pu être éteinte par compensation avec l’IS dû, le solde est alors remboursé par le Trésor. En outre, un remboursement anticipé peut être demandé en cas de dépôt de bilan. En cas de fusion enfin, la créance sur le Trésor est transférable de plein droit à la société absorbante.

On pourra donner l’exemple de mise en œuvre d’un report en arrière suivant :

Une société présente les résultats suivants :

2007 : résultat nul 0

2008 : bénéfice d’exploitation 300 000€ (dont 100 000 € ont été distribués)

2009 : bénéfice d’exploitation 450 000€ (dont 150 000 € ont été distribués)

2010 : déficit fiscal 600 000€

Elle opte pour le report en arrière de ces déficits. L’imputation doit se faire par priorité sur les exercices les plus anciens et ne peut porter que sur les bénéfices non distribués :

- imputation du déficit sur le bénéfice de 2008 : 300 000€ - 100 000€=200 000€ imputables sur les 600 000€. Reste 400 000 € à imputer.

- imputation du déficit sur le bénéfice de 2009 : 450 000€ - 150 000€=300 000€ imputables sur les 400 000€. Reste 100 000€ à imputer.

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- calcul de la créance fiscale : montant du déficit imputé multiplié par le taux de l’IS.

200 000€ + 300 000€ = 500 000€ x 33,33% = 166 666€.

Cette créance servira à payer l’IS au cours des 5 exercices prochains ou sera remboursée, au bout de 5 ans, si elle n’a pas pu être utilisée. Les 100 000€ de déficits qui n’ont pu être reportés, faute de bénéfices suffisant, pourront être reportés en avant, de façon illimitée.

CHAPITRE 2.- L’IMPOSITION DES BENEFICES DANS LES GR OUPES DE SOCIETES.

Par principe, chacune des sociétés appartenant à un groupe est imposée personnellement sur ses seuls résultats. Le groupe n’a en effet pas de personnalité morale fiscale autonome qui se substituerait à celle de ses membres. Portant un régime propre aux distributions de dividendes au sein des groupes a été mis en œuvre pour éviter les phénomènes de double imposition (Section 1). De même, depuis 1988, un régime d’intégration fiscale a été crée qui permet de globaliser l’intégralité des bénéfices (et des déficits) des différentes filiales d’un groupe au sein d’une société tête (Section 2). Enfin, les opérations réalisées entre sociétés apparentées présentent des particularités dont le droit fiscal tient compte, notamment dans le cadre du renflouement des filiales en difficulté (Section 3).

SECTION 1.- L’exonération des dividendes dans le régime des sociétés-mères.

Lorsqu’une entreprise détient des actions d’une autre société, elle est susceptible de percevoir des dividendes. Se pose alors le problème de leur double imposition. En effet, ces dividendes correspondent aux résultats d’une société qui a décidé de distribuer ses bénéfices. Or ces derniers ont déjà étaient soumis une première fois à l’IS au sein de la société distributrice et ils le seront à nouveau en tant que dividendes distribués entre les mains des bénéficiaires, qu’il s’agisse de personne physique ou morale.

Ce phénomène est néfaste sur le plan économique puisqu’il n’incite guère les sociétés à investir dans le capital d’autres sociétés, ni les groupes internationaux à se constituer. Un régime particulier a donc été institué dans le cadre des groupes de sociétés qui appliquent le régime des sociétés mères et filiales : il permettra que les dividendes soient distribués en exonération d’impôt.

I.- Les conditions de l’exonération des dividendes.

Ce régime, aménagé sous les articles 145 et 216 du CGI, est facultatif. Son option n’est soumise à aucune condition de forme, une simple mention sur la liasse fiscale suffisant. En revanche, un certain nombre de conditions de fond doivent être remplies.

A.- Les conditions tenant aux sociétés.

Elles doivent toutes et impérativement relever de l’IS. En revanche, aucune condition de nationalité ne joue : le régime des sociétés mères s’applique en effet quelque soit la nationalité des sociétés en cause dès lors qu’elles sont soumises en France à l’IS. Ainsi, une société mère

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française sera exonérée à raison des dividendes qui lui sont versés à la fois par ses filiales françaises et par ses filiales étrangères. De la même manière, une société mère étrangère qui dispose d’une filiale en France pourra en bénéficier dès lors qu’elle y est soumise à l’IS.

Dans cette dernière hypothèse toutefois, le lieu d’implantation de la société mère n’est pas sans incidence. Si elle est implantée dans un Etat tiers à l’UE, c’est en effet le principe général selon lequel les revenus distribués à un non résident sont soumis à une RAS de 25% qui s’appliquera (articles 119 bis 2 et 187-1 du CGI). Si une convention fiscale bilatérale est applicable, elle pourra toutefois aménager un taux réduit de RAS (le plus souvent à 19%), voire prévoir une exonération pure et simple.

Si elle est implantée dans un EM de l’UE au contraire, une directive du 22 décembre 2003 a supprimé toute RAS en cas de distribution de dividendes par une filiale française à une société mère établie dans l’UE dès lors que la participation dans le capital de la filiale atteint un certain seuil, fixé à 10% depuis le 1er janvier 2009 (article 119 ter du CGI).

Enfin, si la société mère est établie dans un « Etat ou territoire non coopératif » au sens de l’article 238-0 A du CGI, c’est-à-dire schématiquement dans un paradis fiscal, la RAS est non seulement maintenue mais son taux passe à 50% !

B.- Les conditions tenant aux titres de participations.

En ce qui concerne d’abord la nature des titres éligibles à ce régime, seuls sont retenus les titres nominatifs, détenus en pleine propriété (CJUE, 22/12/2008) et qui comportent à la fois un droit de vote et un droit aux dividendes.

En ce qui concerne le pourcentage de participation ensuite, les titres doivent représenter au moins 5% du capital, c’est-à-dire 5% des droits de vote et 5% des titres financiers.

En ce qui concerne la durée de détention enfin, les titres doivent être détenus depuis au moins deux ans ou, si la société-mère vient de les acquérir, doivent faire l’objet d’un engagement de conservation pendant au moins 2 ans. A défaut, non seulement la société-mère devra s’acquitter auprès du Trésor du montant de l’IS normalement dû mais également de l’intérêt de retard de 0,40% par mois.

II.- La mise en œuvre de l’exonération des dividendes.

Lorsque ces conditions sont remplies, les dividendes sont réputés distribués exonérés et doivent être déduits de façon extracomptable chez la société-mère qui les reçoit. Ils peuvent ainsi circuler librement à l’intérieur du groupe sans péage fiscal à acquitter.

La société-mère supporte toutefois un certain nombre de charges liées à la gestion de ses filiales. On connaît le principe selon lequel il n’y a de charge déductible que s’il y a un produit imposable. A l’inverse, si le produit est exonéré (ce qui est le cas des distributions de dividendes), les charges engagées pour son acquisition ne sont pas déductibles : la société-

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mère ne peut donc pas déduire les frais de gestion de ses filiales et doit donc les réintégrer de façon extracomptable.

Il peut cependant lui être difficile de les évaluer réellement et précisément, aussi le droit fiscal tolère qu’ils soient déterminés de façon forfaitaire, sous la forme d’une quote-part de frais et de charges évaluée à 5% du montant des dividendes bruts perçus.

Ainsi par exemple, si une société réunissant toutes les conditions pour bénéficier du régime des sociétés-mères perçoit 9 000 000€ de dividendes provenant de ses différentes filiales, elle devra déduire de façon extracomptable cette somme de ses résultats (afin de bénéficier de l’exonération, les dividendes ayant logiquement étaient inscrits en comptabilité dans la mesure où ils ont été reçus) et réintégrer par ailleurs une quote-part de frais et charges de 450 000€ (soit 5% de 9 000 000€).

SECTION 2.- Le régime d’intégration des filiales à 95%.

Le régime des sociétés-mères permet une circulation des dividendes en franchise d’impôt. Il ne constitue toutefois pas un véritable régime fiscal des groupes de société puisqu’il n’organise pas la neutralité des opérations intra-groupe ni la circulation des déficits. Pour pallier à ces lacunes, l’article 223 A du CGI a mis en place, depuis 1988, un régime d’intégration fiscale à l’égard des filiales et sous-filiales dont la société tête de groupe possède au moins 95% du capital. Il s’applique sur simple option de la société tête de groupe après accord de chacune des filiales intégrées. L’option est valable 5 ans et est reconductible tacitement. Le régime rencontre un succès important.

Nous étudierons successivement les modalités de détermination du périmètre d’intégration, véritable clef de voûte du système, puis celles de calcul du résultat intégré.

I.- Le périmètre d’intégration.

Il faut distinguer les conditions applicables à la société tête de groupe, dite société intégrante, de celles applicables aux filiales et sous-filiales intégrées.

La société intégrante doit relever de l’IS et ne pas dépendre, directement ou indirectement, à plus de 95%, d’une autre société française soumise à l’IS (mais elle peut dépendre d’un groupe étranger ou d’une société française non soumise à l’IS comme une société holding constituée sous forme de société civile par exemple).

Les filiales et sous filiales intégrées doivent relever de l’IS et être détenues à au moins 95% par la société intégrante. Sous cette réserve, la société intégrante fixe librement son périmètre d’intégration : elle peut en exclure certaines filiales portant détenues à plus de 95% ou, à tout moment, mettre fin à l’intégration d’une filiale. On notera enfin que suite à une condamnation de la France par la CJUE dans un arrêt rendu le 27 novembre 2008 (jurisprudence Papillon) pour atteinte au principe de liberté d’établissement, la loi de finances rectificatives pour 2009 propose d’autoriser, pour la détermination du périmètre d’intégration, l’interposition entre une

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société tête de groupe française et ses sous-filiales également françaises, d’une société filiale intermédiaire située dans un autre EM.

II.- Le calcul du résultat intégré.

Alors qu’en droit commun, il y a autant de redevables que de sociétés composant le groupe, dans le régime de l’intégration, seule la société tête de groupe a cette qualité. Outre la déclaration de ses propres résultats, elle doit donc établir une déclaration de résultats d’ensemble du groupe et payer les impôts correspondants. Cela ne signifie pas que les filiales soient réduites à de simples succursales : elles conservent leur personnalité morale, tant juridiquement que fiscalement, et doivent établir leurs propres déclarations de résultats. L’administration fiscale pourra ainsi faire les recoupements nécessaires avec la déclaration souscrite par la société tête de groupe. La société intégrée reste par ailleurs solidairement tenue au paiement des impôts (correspondant à ses résultats). Techniquement, les sociétés intégrées concluent avec leur société tête de groupe une convention d’intégration qui répartit la charge d’impôt entre elles. Par principe, chaque filiale doit supporter la charge d’impôt qui serait la sienne à défaut d’intégration, tout écart entre l’impôt théorique et l’impôt réellement subi du fait de l’intégration étant traité comme une subvention octroyée par la société intégrante (on n’en tire toutefois aucune conséquence du fait de la neutralisation des aides interentreprises dans le cadre de l’intégration).

Lorsque la société intégrante établi sa déclaration de résultat d’ensemble du groupe, elle doit réaliser un certain nombre de rectifications afin d’éviter toute double déductions ou toute double impositions.

Il ne faut pas en effet que certaines charges ou certains risques soient pris en compte deux fois. Si par exemple, une filiale est déficitaire, ce déficit sera reporté sur le résultat d’ensemble ; mais dans sa comptabilité, la société-mère peut avoir déjà une dépréciation des titres de participations de cette dernière. Elle ne pourra donc imputer ce déficit sur le résultat d’ensemble tant que la dépréciation n’aura pas été réintégrée. Il en va de même pour les provisions pour créances douteuses ou pour risques lorsqu’elles concernent une filiale déficitaire.

De la même manière, il ne faut pas non plus que certains produits soient pris en compte deux fois de sorte que certaines déductions extracomptables seront nécessaires pour neutraliser certains revenus. C’est le cas des ventes intra-groupe, des aides interentreprises sous forme d’abandons de créances ou de subventions ou encore des distributions internes de dividendes. Pour ces derniers, la réintégration d’une quote-part de 5% au titre des frais et charges ne sera même pas nécessaire car on estime que l’on est simplement en présence de mouvements de trésorerie.

On notera enfin que la technique de l’intégration fiscale permet d’optimiser l’IS lui-même puisque les déficits et les crédits d’impôts de chacune des filiales pourront s’imputer sur l’impôt dû par la société intégrante. De la même manière, la globalisation des plus et moins-values à long terme entre elles pourra être opérée au sein de cette dernière.

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SECTION 3.- Le régime de renflouement des filiales en difficulté.

Au sein des groupes de sociétés, en cas de difficultés ou de besoins spécifiques en financement, les sociétés peuvent être amenées à se consentir de subventions ou à abandonner des créances qu’elles détenaient l’une sur l’autre.

Pour apprécier les conséquences fiscales de ces aides, il faut distinguer selon leur caractère commercial ou financier :

Les abandons de créances et les subventions présentent un caractère commercial lorsqu’ils sont justifiés par les relations d’affaires qui unissent les partenaires. Celui qui abandonne sa créance ou qui accorde sa subvention entend ainsi prioritairement maintenir une source de débouché ou d’approvisionnement. Peu importe qu’il existe ou pas de liens juridiques entre les parties. Ces abandons ou subventions sont déductibles intégralement chez la société qui les accorde dès lors qu’ils constituent un acte normal de gestion pour elle. Corrélativement, ils constituent des bénéfices imposables pour la société qui en bénéficie (l’imposition est souvent théorique car elle est neutralisée par l’imputation des déficits).

Les abandons de créances et les subventions présentent au contraire un caractère financier lorsqu’ils sont uniquement justifiés, pour la société qui les accorde, par la volonté de maintenir la valeur de sa participation dans l’autre société. Ils n’ont donc vocation à être pratiqués qu’entre sociétés juridiquement liées. Leur régime de déductibilité est moins intéressant que celui applicable pour les abandons et subventions à caractère commercial. Ainsi, ils sont :

- intégralement déductibles (et corrélativement intégralement imposables) dans la limite de l’apurement du passif de la société bénéficiaire,

- déductibles au-delà, c’est-à-dire pour la fraction du résultat qui devient bénéficiaire, dans la limite du pourcentage de droits des associés minoritaires dans la société bénéficiaire.

Par exemple, si une société-mère possède une créance de 110 000€ sur sa filiale détenue à 80% (de sorte que 20% de ses titres sont détenus par des associés minoritaires), et si cette dernière présente une situation nette négative avant abandon de 50 000€, l’abandon intégral de sa créance par la société-mère non seulement apurera son passif mais créera une situation bénéficiaire à hauteur de 60 000€. Le traitement fiscal applicable à l’abandon sera le suivant :

- il sera intégralement déductible pour la société-mère dans la limite de l’apurement du passif de la société bénéficiaire, c’est-à-dire à hauteur de 50 000€ (et corrélativement imposable pour la société bénéficiaire),

- il sera partiellement déductible pour la société-mère pour la fraction du résultat devenue bénéficiaire à hauteur du pourcentage de droits détenus par les associés minoritaires, c’est-à-dire à hauteur de 60 000€ x 20%=12 000€ (et partiellement imposable pour la société bénéficiaire).

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La société-mère qui a déduit de façon comptable l’intégralité de l’abandon (soit 110 000€), n’avait en réalité le droit de déduire de façon fiscale que 62 000€ (50 000€+12 000€) et devra donc réintégrer de façon extracomptable la différence (soit 110 000€-62 000€=48 000€).

Il convient enfin de noter que l’exonération des 12 000€ est subordonnée à l’engagement pris par la filiale d’augmenter son capital dans les 2 ans pour un montant égal à l’aide consentie (article 216-A du CGI). En effet, dans la mesure où l’abandon rend la situation nette de la filiale positive, il y a augmentation correspondante de la valeur réelle des titres détenus par la société-mère : celle-ci ne s’appauvrit donc pas, l’opération est assimilée à un apport.

CHAPITRE 3.- L’IMPOSITION DES BENEFICES DISTRIBUES PAR LES SOCIETES.

Les sociétés relevant de l’IS étant par principe opaque fiscalement, le régime d’imposition des bénéfices distribués est très différent de celui applicable aux entreprises individuelles et aux sociétés assimilées. Nous étudierons successivement l’imposition des bénéfices distribués aux associés puis celui des rémunérations versées aux dirigeants avant d’analyser le traitement des comptes courant d’associés.

SECTION 1.- L’imposition des bénéfices distribués aux associés.

Dans les entreprises individuelles et les sociétés assimilées, le bénéfice est imposé dès qu’il est réalisé, qu’il soit effectivement distribué ou mis en réserve. L’entreprise individuelle n’ayant pas de personnalité fiscale, l’impôt n’est payé qu’une seule fois, entre les mains de l’entrepreneur ou des associés. Il en va différemment des sociétés soumises à l’IS : les bénéfices sont soumis à l’impôt au niveau de la société et le solde peut être soit mis en réserve, soit distribué sous forme de dividendes (avec le risque de double imposition des bénéficiaires). Les mesures adoptées pour y remédier dépendent du caractère régulier ou irrégulier des distributions.

I.- Les distributions régulières.

Ce sont les distributions régulièrement décidées par les organes compétents de la société, comme les dividendes, les distributions faisant suite à une réduction de capital social ou les répartitions du boni de liquidation en cas de dissolution de la société.

Le régime fiscal applicable à ces distributions dépend de la qualité du bénéficiaire :

- si c’est une personne physique, on applique le régime de la demi-base aménagé sous les articles 158-3 et 200 septies du CGI. Dans ce cas les dividendes bruts reçus bénéficient d’abord d’un abattement de 40% (de sorte de seuls 60% des dividendes bruts reçus sont à déclarer), puis d’un abattement général de 1525€ par personne (ou 3050€ pour un couple) puis, enfin, d’un crédit d’impôt de 50% des dividendes perçus (avec un plafond de 115€ par personne ou 230€ pour un couple). Ainsi, par exemple, un couple percevant 10 000€ de dividendes bruts ne sera en réalité imposable pour l’IRPP qu’à hauteur de : 10 000€ -

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40 000€= 60 000€ - 3050€= 2950€. Il pourra en outre déduire un crédit d’impôt de (10 000€ x 50%) 5000€ plafonné à 230€ sur le montant même de son impôt.

Ce régime s’applique pour tous les dividendes reçus par des résidents français, qu’ils aient été versés par des sociétés françaises, européennes ou étrangères.

- si c’est une personne morale, il faut analyser le pourcentage de participation de la société bénéficiaire dans le capital de la société distributrice. Si la société bénéficiaire détient moins de 5% du capital de la société distributrice, les dividendes sont imposés au taux de droit commune de l’IS (c’est-à-dire à 33%). Si la société bénéficiaire détient plus de 5% et moins de 95% du capital de la société distributrice, et si elle est éligible au régime des sociétés mères et filiales, les dividendes sont exonérés d’impôt sous réserve d’une quote-part de frais et charges de 5%. Si enfin, la société bénéficiaire détient plus de 95% du capital de la société distributrice et si elle est éligible au régime de l’intégration fiscale, les dividendes sont intégralement exonérés d’impôt.

II.- Les distributions irrégulières.

Ce sont toutes les distributions qui ne sont pas en principe conformes au droit des sociétés et qui sont qualifiées par le CGI de sommes réputées distribuées. Plus précisément, l’article 109-1 du CGI vise les distributions camouflées comme les renonciations anormales de rémunération (prêt sans intérêt) ou les charges indûment supportées (paiement de dépenses personnelles des dirigeants). L’article 111-a concerne quant à lui les distributions présumées, c’est-à-dire les sommes mises à la disposition des associés directement ou par personnes ou sociétés interposées à titre d’avances, de prêts ou d’acomptes. Le bénéficiaire peut toutefois apporter la preuve contraire et démontrer par exemple que le prêt a été consenti moyennant le versement d’intérêts. Ce régime ne concerne pas en outre les groupes de sociétés lorsque la société-mère, par l’intermédiaire de convention de trésorerie, accord des avances à ses filiales. Enfin, l’article 111-c évoque les distributions occultes c’est-à-dire essentiellement les rémunérations et avantages occultes (bakchichs, caisse noire…).

Le régime fiscal applicable à ces distributions irrégulières sera le suivant :

- pour les sociétés considérées comme distributrices, les sommes ne seront pas considérées comme déductibles du résultat imposable de sorte qu’il faudra les réintégrer de façon extracomptable.

- pour les personnes, physiques ou morales, considérées comme bénéficiaires, les sommes seront imposables dans la catégorie des RCM sur une base majorée équivalent à 125% du montant des distributions, en vertu de l’article 158,7-2° du CGI. Cette imposition suppose toutefois que l’identité du bénéficiaire soit connue, ce qui n’est pas évident, notamment dans le cadre des distributions occultes. Dans cette dernière hypothèse, si la société considérée comme distributrice refuse d’identifier le bénéficiaire, elle devra alors s’acquitter d’une amende de 100% des avantages occultes, amende par principe non déductible !

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SECTION 2.- L’imposition des rémunérations versées aux dirigeants.

I.- Le régime des jetons de présence.

Il faut distinguer, en matière de rémunération versées aux dirigeants, les rémunérations versées aux organes de direction et celles versées aux organes d’administration.

Les rémunérations versées aux organes de direction (gérants, PDG, DG, DG délégués, président du CA et les membres du directoire) sont considérées comme des traitements et salaires pour les bénéficiaires et sont imposées comme tel, notamment avec un abattement de 10% pour les frais professionnels (v.ci-dessous le régime de l’IRPP). Elles sont en outre, et par principe, considérées comme des charges intégralement déductibles pour la société qui les verse.

Les rémunérations versées aux organes d’administration (membres du CA, du Conseil de Surveillance et président du Conseil de Surveillance) sont considérées non comme des revenus du travail mais du capital et sont qualifiées de jetons de présence. Ces jetons sont imposables pour les bénéficiaires comme des RCM sans abattement (article 117 bis du CGI) et ne sont déductibles pour la société qui les verse que sous certaines conditions visées sous l’article 201 sexiés du CGI :

- lorsque la société emploie moins de 5 salariés, le montant des jetons déductibles est limité à 457€ par bénéficiaire.

- lorsque la société emploie au moins 5 salariés, le montant des jetons déductibles est limité à 5% de la moyenne annuelle des 5 ou 10 personnes les mieux rémunérées (selon que la société comporte moins ou plus de 200 salariés) multiplié par le nombre d’administrateurs ou de membres du conseil de surveillance.

Prenons l’exemple d’une SA dirigée par un CA de 8 membres. La moyenne annuelle des rémunérations des 10 personnes les mieux payées est de 91 200€. Chaque administrateur a reçu 5000€ de jetons de présence. Dans quelle mesure l’entreprise pourra-t-elle les déduire ? Il faut d’abord calculer le plafond de déductibilité : 5% x 91 200€ x 8 = 36 480€. Il faut ensuite calculer le montant total des jetons versés : 5000€ x 8 = 40 000€. Il faut ensuite réintégrer de façon extracomptable la différence soit 3520€.

II.- Le contrôle des rémunérations.

Il porte essentiellement sur les remboursements de frais, le caractère normal ou excessif des rémunérations et les avantages en nature accordés. En cas de rectification, les rémunérations sont réintégrées dans le résultat de la société et sont considérées comme des distributions irrégulières pour les bénéficiaires (v.ci-dessus).

Concernant les remboursements de frais, l’entreprise peut privilégier un remboursement forfaitaire ou réel. Lorsque le bénéficiaire est un simple salarié, les remboursements sont déductibles pour la société et sont exonérés pour le bénéficiaire. La règle du non-cumul

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s’impose toutefois de sorte que l’entreprise doit choisir le mode réel ou forfaitaire mais ne peut pratiquer les deux. Si cette règle n’est pas respectée, les allocations forfaitaires sont imposées comme des suppléments de salaires pour le salarié et l’entreprise ne peut plus les déduire de ses résultats imposables. La sanction frappe donc tant l’entreprise que le salarié. Lorsque le bénéficiaire est un dirigeant de la société, la solution est différente puisque les remboursements forfaitaires sont systématiquement considérés comme des suppléments de salaire imposables, même s’ils n’ont pas fait l’objet par ailleurs de remboursement réel. Les dirigeants ont donc intérêt à être remboursés réellement et non forfaitairement. Sous cette réserve, les remboursements sont déductibles pour l’entreprise qui les verse.

Concernant le contrôle des rémunérations excessives ensuite, l’article 39-1-1° du CGI dispose que les rémunérations ne sont déductibles que si elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l’importance du service rendu. Cette disposition concerne l’ensemble des salariés mais dans la pratique, elle est surtout invoquée à l’égard des dirigeants. Déterminer le caractère réel ou fictif d’un emploi est assez aisé pour l’administration. En revanche, apprécier le niveau normal ou excessif d’une rémunération peut poser plus de difficultés. Concrètement, l’administration établit des moyennes par comparaison avec les salaires versés par d’autres sociétés similaires (en termes d’activité et de chiffre d’affaires) puis compare le salaire vérifié avec cette moyenne. Si les salaires versés excèdent cette moyenne, elle pourra réintégrer la partie qu’elle juge excessive. L’entreprise peut toutefois justifier de ses pratiques salariales et démontrer, par exemple, que l’étendue des responsabilités d’un dirigeant justifie une rémunération plus élevée (pour éviter cela, l’entreprise a cependant plus intérêt à distribuer des dividendes lorsqu’elle entend avantager un salarié par ailleurs actionnaire, une rémunération excessive pouvant en outre être qualifiée pénalement d’abus de biens sociaux).

Concernant les avantages en nature enfin, comme l’attribution d’une voiture ou d’un logement de fonction, ils sont par principe déductibles pour la société qui les accorde et imposables comme des suppléments de salaires pour les bénéficiaires. Ils sont toutefois contrôlés comme les rémunérations au sens strict et l’administration vérifie notamment que leur montant n’est pas exagéré. Formellement, les avantages en nature doivent figurer sur le relevé spécial des frais généraux et sur un document comptable annexe. A défaut, ils sont considérés comme des distributions occultes et sont réintégrés et imposés comme tels chez le bénéficiaire (v. ci-dessus).

SECTION 3.- Le traitement des comptes courants d’associés.

En principe, c’est par la voie de l’augmentation de capital que les associés participent au financement de leur société. Ils peuvent toutefois utiliser également la technique des avances en compte courant d’associés. Ces avances constituent juridiquement des prêts consentis par les associés à leur société et sont rémunérés par le versement d’intérêts. Ces derniers sont déductibles pour la société qui les verse mais sous une double limite, aménagée sous l’article 39-1-3° du CGI, afin d’éviter tout abus :

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- le montant du capital social doit d’abord être entièrement libéré, une société n’ayant pas a priori à emprunter auprès de ses associés tant qu’ils n’ont pas intégralement libéré le capital qu’ils ont souscrit.

- le taux d’intérêt pratiqué par la société ensuite ne doit pas dépasser le taux du marché pratiqué par les établissements de crédit (taux fixé à 4,81% pour 2010).

Les intérêts sont en revanche considérés comme des RCM imposables pour les associés bénéficiaires (avec option possible pour le prélèvement libératoire. V. ci-dessous).

Lorsque ces conditions ne sont pas remplies, les intérêts ou la fraction des intérêts non déductibles (qui sont considérés comme des charges financières sur le plan comptable) sont réintégrés de façon extracomptable chez la société débitrice et sont considérés comme des distributions camouflées chez les associés bénéficiaires (imposables sur 125% de leur montant. V.ci-dessus).

On notera en outre qu’il existe, depuis 2007, un régime spécial pour les avances consenties entre sociétés affiliées à un même groupe (article 212.II du CGI). Outre les conditions que l’on vient d’évoquer, deux autres conditions sont en effet aménagées :

- il ne faut pas que le montant des avances accordées à une société dépasse une fois et demie le montant de ses capitaux propres.

- il ne faut pas que le montant des intérêts versés dépasse de plus de 25% les résultats de la société.

C’est un dispositif préventif qui vise à éviter la pratique des sous-capitalisations de sociétés au sein des groupes.

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CINQUIEME PARTIE.- L’IMPOT SUR LE REVENU DES PERSON NES PHYSIQUES.

L’IRPP est un impôt déclaratif qui frappe les revenus des ménages. C’est un des rares impôts qui tienne effectivement compte de la situation familiale et personnelle des contribuables et qui se révèle progressif de sa mise en œuvre.

C’est de plus, un impôt qui constitue un instrument privilégié de la politique économique et sociale du gouvernement, dans la mesure où la pratique des abattements, des crédits d’impôt ou des diverses déductions fiscales permet de stimuler directement et de façon sélective les dépenses des ménages. Cela explique la multiplication de ce type de mesures jugées plus efficaces qu’une intervention générale sur le niveau ou le barème de l’impôt (même si une refonte générale du barème de l’IRPP a été menée en 2006).

L’IRPP constitue, enfin, le deuxième impôt en France par son importance, après la TVA, et son montant a été évalué dans le projet de loi de finances pour 2011 à 52,10 milliards d’euros (soit 20,5% des recettes fiscales de l’Etat).

CHAPITRE 1.- LES DIFFERENTS REVENUS CATEGORIELS.

L’article 1er A du CGI, qui définit le revenu net global, dispose qu’il est « établi un impôt annuel unique sur le revenu des personnes physiques désigné sous le nom d’impôt sur le revenu. Cet impôt frappe le revenu net global du contribuable (…). Ce revenu net global est constitué par le total des revenus nets des catégories suivantes :

-Revenus fonciers ;

-Bénéfices industriels et commerciaux ;

-Rémunérations, d'une part, des gérants majoritaires des sociétés à responsabilité limitée (…) et des gérants des sociétés en commandite par actions et, d'autre part, des associés en nom des sociétés de personnes et des membres des sociétés en participation lorsque ces sociétés ont opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux ;

-Bénéfices de l'exploitation agricole ;

-Traitements, salaires, indemnités, émoluments, pensions et rentes viagères ;

-Bénéfices des professions non commerciales et revenus y assimilés ;

-Revenus de capitaux mobiliers ;

-Plus-values de cession à titre onéreux de biens ou de droits de toute nature».

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On étudiera donc successivement ces différents revenus catégoriels qui forment le revenu net global imposable à l’IRPP.

SECTION 1.- Les traitements et salaires.

I.- Leur champ d’application.

Les TS comprennent les revenus professionnels perçus par les contribuables qui possèdent la qualité de salarié, c’est-à-dire qui sont liés par un contrat de travail à leur employeur et qui subissent de ce fait un état de subordination juridique. Entrent également dans cette catégorie les pensions et les rentes viagères.

Plus précisément vont être imposées les rémunérations ayant le caractère d’un salaire (c’est-à-dire les rémunérations principales et les revenus assimilés comme les commissions, les pourboires, les rémunérations des artistes de spectacle, des assistantes maternelles, des mannequins et top models, des sportifs professionnels, des journalistes, des VRP, des apprentis et des travailleurs à domicile), les traitements des fonctionnaires, les rémunérations versées aux dirigeants de certaines sociétés (comme le président du conseil d’administration et le directeur général dans les SA et les gérants minoritaires et les associés non gérants dans les SARL), les salaires versés au conjoint de l’exploitant individuel, les pensions de retraite et d’invalidité et les rentes viagères.

En outre, parmi les rémunérations imposables, on retrouve à la fois les rémunérations principales comme les salaires (quel que soit leur appellation : gage, indemnité, vacation, commission...) et les indemnités de chômage, les rémunérations accessoires comme les primes, les indemnités de frais professionnels, les indemnités versées par la Sécurité Sociale et les prestations sociales, les avantages en nature et les sommes perçues en fin d’activité (toutefois les indemnités de licenciement ou de mise à la retraite à l’initiative de l’employeur sont partiellement exonérées).

En revanche, sont exonérés, les remboursements de frais avancés pour le compte de l’entreprise, les indemnités perçues en cas de rupture du contrat de travail, les sommes perçues au titre de la participation et les tickets restaurant. En outre, les étudiants de moins de 26 ans qui travaillent pour financer leurs études bénéficient d’une exonération plafonnée à trois fois le SMIC mensuel soit 3 963€, qu’ils soient imposés personnellement ou qu’ils soient rattachés au foyer de leurs parents.

II.- La détermination du revenu net.

En principe, le revenu net est constitué par la somme des rémunérations brutes non exonérées relatives à l’année d’imposition, déduction faite des dépenses effectuées pour l’acquisition ou la conservation du revenu.

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Ces dernières sont constituées des cotisations sociales obligatoires, d’une partie de la CSG (à concurrence de 5,10%) et des frais professionnels

Pour ces derniers, deux régimes sont alternativement applicables :

- soit la déduction est opérée forfaitairement, à hauteur de 10%, avec un plancher (c’est-à-dire une déduction minimum) de 415€ et un plafond (c’est-à-dire une déduction maximum) de 13 948€.

- soit la déduction est opérée de façon réelle, le contribuable pouvant alors déduire tous les frais professionnels réellement engagés dès lors qu’ils sont justifiés, c’est-à-dire qu’ils ont été nécessaires à l’exercice de la profession (condition de fond) et qu’ils ont été accompagnés d’une facture (condition de forme). Le contribuable peut déduire ses frais de transport (de son domicile jusqu’à son lieu de travail), ses frais de missions ou de voyages, ses frais vestimentaires spécifiques, ses frais de documentation, les dépenses engagées pour l’acquisition d’un diplôme ou d’une qualification, ses frais de déménagement ou de double résidence, ses dépenses de mobilier, de matériel ou d’outillage, ses cotisations syndicales, les dépenses relatives à l’acquisition et à l’entretien d’un local professionnel, ses frais de repas et ses frais d’usage d’une voiture personnelle à des fins professionnelles (en fonction d’un barème kilométrique).

Il existait autrefois en outre un abattement général de 20% sur les traitements et salaires qui a été supprimé en 2006 et intégré dans la refonte du barème de l’impôt.

SECTION 2.- Les revenus de capitaux mobiliers (RCM).

Leur imposition pose de délicats problèmes au législateur. Il faut en effet à la fois :

- préserver la justice sociale qui exige que les revenus du capital ne soient pas moins taxés que ceux du travail,

- garantir la compétitivité économique de la France qui implique la constitution d’un volume suffisant d’épargne pour financer le développement des entreprises (ce qui justifie des allégements fiscaux en faveur de l’épargne)

- et satisfaire l’intégration européenne et son principe de libre circulation des capitaux qui permet aux épargnants de placer leur épargne là où la fiscalité leur est le plus favorable (ce qui implique également des allégements fiscaux pour éviter le risque de fuite de l’épargne).

Le régime fiscal français des revenus de capitaux mobiliers doit donc contenir toutes ces considérations.

I.- Le régime d’imposition des intérêts.

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A.- Le principe de l’imposition à taux normal.

Par principe, ils relèvent du taux normal de l’IRPP, quel que soit leur nature : intérêt de créance, d’obligations, de dépôts en banque, de comptes courant d’associés…

Il faut y ajouter 12,10% de contributions sociales de sorte que le contribuable qui atteint la tranche de l’IRPP la plus élevée (40%) sera imposé à hauteur de 52,10%.

B.- L’option pour le prélèvement libératoire.

Toutefois, à titre d’option, ils peuvent relever d’un prélèvement libératoire au taux global de 30,10% (18% d’impôt et 12,10% de contributions sociales). Le prélèvement est effectué à la source par l’établissement financier qui paie les intérêts, de sorte que le contribuable reçoit un intérêt net d’impôt.

Afin de respecter le principe communautaire de libre circulation des capitaux, cette option est également ouverte aux intérêts versés à des résidents français par des débiteurs établis dans un autre Etat Membre de l’UE.

II.- Le régime d’imposition des dividendes.

A.- Le régime traditionnel de taxation à l’IRPP.

Dans le cadre des dividendes, c’est le régime de la demi-base qui a vocation à s’appliquer (v. ci-dessus). Les dividendes bruts perçus bénéficient donc d’un abattement de 40% puis d’un abattement général de 1525€ par personne (ou 3050€ pour un couple) puis, enfin, d’un crédit d’impôt de 50% des dividendes bruts perçus, plafonné néanmoins à 115€ par personne ou 230€ pour un couple.

Deux précisions doivent toutefois être faites :

- la CSG est en partie déductible du montant des dividendes perçus, comme en matière de traitements et salaires, mais à un taux plus favorable (à hauteur de 5,80% au lieu de 5,10%). Ainsi, une personne qui reçoit 10 000€ de dividendes bruts pratiquera en réalité le mécanisme de la demi-base sur 10 000€- 580€= 9420€.

- à l’IRPP, il faut ajouter les contributions sociales calculées au taux de 12,10%.

B.- Le régime nouveau d’option pour le prélèvement libératoire.

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Depuis 2008, le bénéficiaire de dividendes bénéficie de la même option pour le prélèvement libératoire que pour les intérêts (à 30,10%). Ce prélèvement s’applique sur le montant brut des dividendes perçus, sans déduction d’abattement ou de crédit d’impôt. C’est la société distributrice qui prélève ce montant sur les dividendes distribués, s’en acquitte au Trésor puis verse le montant net aux associés.

L’option est globale et concerne tous les intérêts que le contribuable est susceptible de percevoir Elle est en outre irrévocable. On estime qu’elle est intéressante dès lors que le contribuable dispose de plus de 39 000€ de dividendes par an.

SECTION 3.- Les bénéfices non commerciaux (BNC).

I.- Le champ d’application des BNC.

Ces derniers peuvent être de nature professionnelle ou non professionnelle.

A.- Les BNC professionnels.

Les BNC professionnels sont ceux qui procèdent d’une activité libérale c’est-à-dire de la pratique personnelle d’une science ou d’un art exercé en toute indépendance. Ils concernent notamment les professions médicales et paramédicales (médecins, infirmiers, kiné), les professions techniques (ingénieurs-conseils, inventeurs, architectes), les professions juridiques (avocats, notaires, avoués, huissiers), les professions comptables (les experts comptables, commissaires au compte) et les professions artistiques (auteurs-compositeurs- qui peuvent toutefois opter pour une imposition dans le cadre des traitements et salaires, peintres).

B.- Les BNC non professionnels.

Les BNC non professionnels concernent, en vertu de l’article 92-1° du CGI, les gains résultant de « toutes les occupations, exploitations lucratives et source de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus ». Les BNC constituent donc également une sorte de catégorie résiduelle dans laquelle on impose tous les revenus que l’on ne peut imposer autre part comme ceux réalisés par les prêtres, les sous-loueurs, les voyantes et les cartomanciennes, les prostituées…

II.- Les méthodes d’évaluation des BNC.

Il existe trois méthodes d’évaluation de ces bénéfices : la méthode de la déclaration contrôlée, celle des micro-entreprises et celle des auto-entrepreneurs.

A.- Le régime de la déclaration contrôlée.

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C’est le régime qui correspond à celui de l’évaluation réelle en matière de BIC. Il s’applique obligatoirement aux contribuables réalisant des BNC dont les recettes annuelles sont supérieures à 32 100€ HT.

Quant au bénéfice imposable, il est déterminé par principe à partir des recettes encaissées et des dépenses acquittées au cours de l’exercice, en vertu des règles de la comptabilité de caisse (article 93 du CGI). Il s’agit d’une comptabilité rudimentaire, beaucoup moins sophistiquée qu’en matière de BIC, limitée à la tenue de deux documents : le livre journal, contenant le détail quotidien des recettes et des dépenses, et le registre des immobilisations et des amortissements (il n’y a pas de bilan). Pour la détermination du résultat, on tient compte de l’amortissement mais pas des provisions. Enfin, en cas de cession, c’est le régime des plus ou moins-values professionnelles qui s’applique. Le déficit quant à lui n’est pas imputable sur le revenu global, comme en matière de BIC, mais sur les revenus de même catégorie, c’est-à-dire sur les BNC, des 6 exercices futurs.

Une option est toutefois offerte aux titulaires de BNC qui leur permet d’aligner leur régime d’évaluation sur celui applicable aux BIC et d’appliquer donc les règles de la comptabilité d’engagement (article 93 A du CGI). Le régime de l’option est intéressant pour les professionnels en relation avec le monde des affaires, comme les architectes ou les experts comptables, mais pas pour ceux en relation avec les particuliers, comme les médecins. Des provisions pour créances douteuses pourront alors être pratiquées (mais pas pour risques et charges). Cette option se limite en réalité à la prise en compte des créances et des dettes et n’entraîne pas l’obligation d’établir un bilan.

II.- Le régime des micro-entreprises.

Les contribuables dont les recettes annuelles sont inférieures à 32 100€ HT et qui bénéficient par ailleurs de la franchise en base de TVA, peuvent bénéficier du régime des micro-entreprises. Dans ce cas, le montant des frais est fixé forfaitairement à 34% du montant des recettes brutes annuelles. La seule obligation est la tenue d’un livre-journal détaillant les recettes journalières. Ce régime est attractif pour les contribuables qui ne réalisent que des opérations accidentelles ne nécessitant que des frais minimes. Les autres, notamment les titulaires de BNC professionnels, ont intérêt à opter pour le régime de la déclaration contrôlée qui leur permet de déduire l’ensemble de leurs frais (et surtout leurs cotisations sociales). Une option pour le régime de la déclaration contrôlée est toujours possible. Elle est valable 2 ans.

III.- Le régime des auto-entrepreneurs.

Les titulaires de BNC peuvent, comme les titulaires de BIC, opter pour le régime des micro-entrepreneurs. Le montant du prélèvement libératoire de l’IRPP est alors de 2,2% et celui des cotisations sociales de 18,3%.

SECTION 4.- Les bénéfices agricoles (BA).

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Ce sont les bénéfices provenant de la culture, de l’élevage ainsi que des exploitations forestières, des marais-salants et de la pisciculture. L’exploitation agricole peut être assurée par le propriétaire lui-même (au titre du faire-valoir direct) ou par un fermier. Dans ce cas, seul le fermier a la qualité d’agriculteur, le propriétaire étant imposé dans la catégorie des revenus fonciers pour les fermages qu’il reçoit.

Il faut noter que certains revenus des agriculteurs relèvent des BIC : c’est le cas notamment lorsqu’ils exercent une activité commerciale utilisant une installation permanente (de vente des produits dans une boutique par exemple) ou des méthodes relevant d’une activité industrielle (de fabrication de conserves par exemple).

En ce qui concerne les règles d’évaluation du bénéfice imposable, deux régimes existent : celui de l’évaluation forfaitaire et celui de l’évaluation réelle.

I.- L’évaluation forfaitaire.

Elle procède d’un forfait établi par la commission départementale des impôts à partir d’un bénéfice moyen à l’hectare établi pour les différents agriculteurs exerçant le même type de culture ou d’élevage dans une même région. Ce bénéfice moyen est ensuite multiplié à la superficie de l’exploitation de l’agriculteur afin de déterminer ses bénéfices agricoles imposables. Elle est réservée aux exploitants dont la moyenne des recettes annuelles calculées sur les deux années consécutives précédentes est inférieure à 76 300€. Ils sont alors imposés, dans la mesure notamment où ils ne peuvent adhérer à un CGA, sur un montant égal à 125% de leur forfait. On considère heureusement que la technique de l’évaluation forfaitaire conduit plutôt à minorer les bénéfices agricoles imposables.

II.- L’évaluation réelle.

Elle concerne les exploitants dont les recettes annuelles dépassent une moyenne appréciée sur 2 années consécutives.

Le régime réel normal s’applique si ces recettes sont supérieures ou égales à 274 400€, ce régime est alors analogue à celui des BIC avec quelques particularités néanmoins.

Le régime réel simplifié s’applique dans le cas où ces recettes sont inférieures à 274 400€ mais supérieures à 76 300€. Les obligations des contribuables sont allégées par rapport au régime du réel normal, notamment au niveau de l’enregistrement des opérations journalières et des obligations déclaratives. Une option pour le régime supérieur est possible.

En outre, comme les commerçants, les agriculteurs bénéficient des deux avantages suivants :

-s’ils adhèrent à un CGA, ils ne sont plus imposés sur un montant équivalent à 125% de leur résultat.

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- leurs plus-values peuvent être, dans certains cas, exonérées.

Enfin, quant les résultats sont déficitaires, le déficit est reportable sur le revenu global imposable. Toutefois, si les autres revenus de l’exploitant dépassent 104 648€, le déficit agricole n’est reportable que sur les BA des 6 exercices futurs.

SECTION 5.- Les revenus fonciers (RF).

Les revenus fonciers sont constitués du produit des locations immobilières des propriétés appartenant aux membres du foyer fiscal auquel un certain nombre de charges peuvent être retranchées.

I.- Les revenus imposables.

A.- Les loyers.

Il s’agit des revenus des propriétés bâties (appartement ou maisons, immeubles commerciaux, bureaux…), des terrains et des propriétés non bâties assimilées (mines, carrières, étangs…) ainsi que des parts de SCI.

Les loyers imposables sont ceux qui ont été effectivement encaissés, même s’ils se rapportent à une autre année.

Sont exonérés les logements et les locaux d’habitation (ainsi que leurs dépendances immédiates) dont le propriétaire se réserve la jouissance.

Sont, enfin, imposables dans la catégorie des BIC les revenus d’immeubles inscrits à l’actif d’une entreprise industrielle, commerciale ou artisanale, s’ils sont accessoires à l’activité principale ; ainsi que les locations d’établissements industriels et commerciaux équipés du matériel nécessaire à l’exploitation et, enfin, les revenus des locations en meublés. Les revenus provenant de la sous-location d’immeubles non équipés relèvent au contraire des BNC.

B.- Les revenus accessoires.

Son également concernés par les revenus fonciers les revenus accessoires ou exceptionnels procurés par un immeuble comme le droit d’entrée (pas de porte) versé par un commerçant lors de la conclusion d’un bail commercial, les loyers correspondant au prix d’un bail à construction ou encore les recettes provenant du droit de chasse ou du droit d’affichage.

Les sommes versées au titre du dépôt de garantie (caution) ne sont en revanche pas imposables lorsqu’elles sont acquittées, au début du contrat de location. Elles ne le seront que si elles ne sont pas restituées, à la fin du contrat de bail, pour remettre le bien en état par exemple.

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II.- Les charges déductibles.

A.- La déduction réelle de certaines charges.

Certaines charges peuvent être déduites réellement, c’est-à-dire pour leur montant effectivement payé. Il s’agit des dépenses d’entretien et de réparation, des frais de gérance et de rémunération des concierges, des taxes foncières, des intérêts d’emprunts, des primes d’assurances et des éventuels frais de procédures. Les frais de gestion (de correspondance, de téléphone …) sont en revanche évalués forfaitairement à 20€ par bien loué.

B.- La déduction des dépenses d’amélioration.

Il faut distinguer les dépenses d’amélioration, qui permettent d’installer le chauffage central ou une salle de bain par exemple, et qui sont déductibles, des dépenses de reconstruction ou d’agrandissement qui sont exclues du droit à déduction.

C.- La déduction des déficits fonciers.

Les déficits fonciers résultant des dépenses autres que les intérêts d’emprunt sont imputables sur le revenu global, mais sous certaines conditions :

- l’immeuble doit rester loué pendant au moins 4 ans.

- la déduction est plafonnée à un montant de 10 700€ par an.

- au-delà, le déficit d’une année peut être reporté sur le revenu global des 10 années suivantes.

D’autres régimes particuliers existent par ailleurs. Le plus récent, intitulé le dispositif Sellier, permet ainsi de déduire, au titre d’un crédit d’impôt, 25% du prix d’achat d’un immeuble (sur un montant plafonné à 300 000€), étalé sur 9 ans.

SECTION 6.- Les plus et moins-values des particuliers.

I.- Le régime des cessions immobilières.

Les plus-values réalisées à l’occasion de la cession de certains biens immobiliers par les particuliers, lorsqu’elles ne sont pas exonérées, sont soumises à l’IR dans cette catégorie, en vertu des articles 150 U à 150 VH du CGI. Depuis 2004, le régime fiscal applicable a en outre été simplifié puisqu’il prévoit une imposition au taux unique de 28,10% (soit 16% d’impôt d’état majoré de 12,10% de contributions sociales, comme pour les entreprises) et, surtout, une imposition par retenue à la source effectuée directement lors de la vente par le notaire.

A.- Le régime général des immeubles cédés par des personnes physiques.

1.- Le domaine des plus-values imposables.

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a.- Le principe d’imposition.

Pour qu’une plus-value imposable soit réalisée, il faut que le cédant soit une personne physique agissant dans le cadre de la gestion de son patrimoine privé et, surtout, qu’il s’agisse d’une cession à titre onéreux (vente, échange, apport en société) de sorte qu’aucune plus-value ne sera imposable en cas de cession à titre gratuit, dans le cadre d’une donation ou d’une succession.

b.- Les exonérations.

Vont, en outre, être exonérées :

- les résidences principales,

- les immeubles acquis depuis plus de 15 ans (dans la mesure où un abattement de 10% par an est réalisé au bout de la cinquième année d’acquisition),

- les cessions d’immeubles de faible valeur (15 000€ ou 30 000€ pour un couple),

- les expropriations pour cause d’utilité publique (contrairement au régime des entreprises) mais uniquement si le montant de l’indemnité est réinvesti dans un délai maximum de 1 an dans un autre investissement immobilier.

2.- Le calcul des plus-values imposables.

Les particuliers relèvent de la comptabilité de caisse, pourtant c’est la date du transfert de propriété du bien immobilier (c’est-à-dire la date de l’acte notarié), et pas celle de paiement effectif de son prix (même si elle coïncide le plus souvent), qui doit être retenue comme fait générateur de la plus ou moins-value.

La plus ou moins-value est ensuite calculée comme pour les entreprises, par la différence entre le prix de cession et la valeur d’acquisition (on ne parle pas néanmoins de valeur nette comptable dans la mesure où il ne saurait y avoir d’amortissement). Un certain nombre de frais vont pouvoir cependant être pris en compte, de même que certains abattements pratiqués.

a.- Les frais.

Lorsque l’acquisition initiale a été faite à titre onéreux, un certain nombre de frais vont venir en majoration du prix d’acquisition et donc, en minoration de la plus-value imposable (plus le prix d’achat est élevé en effet, moins la plus-value sera importante). Il s’agit des frais d’acquisition c’est-à-dire essentiellement des droits d’enregistrement, des honoraires de notaire et des commissions d’agences immobilière, qui peuvent être retenus pour leur montant réel ou pour un montant forfaitaire équivalent à 7,5% du prix d’achat.

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Il s’agit également des travaux d’agrandissement, de rénovation ou d’amélioration qui ont été réalisés depuis l’acquisition du bien. Lorsqu’ils sont effectués dans les 5 années de l’acquisition, ils sont retenus pour leur montant réel (sous réserve de justifications). En cas de cession de l’immeuble au-delà de 5 ans après la date d’acquisition, ils sont retenus, au choix du contribuable, pour leur montant réel ou sur une base forfaitaire équivalent à 15% du prix d’acquisition. En revanche ne sont pas déductibles les travaux faits par le contribuable lui-même (pour le coût des matériaux) ni les travaux déduits au titre des revenus fonciers si le bien était loué.

Lorsque l’acquisition initiale a été faite à titre gratuit, dans le cadre d’une donation ou d’une succession, seuls les frais d’acquisition sont déductibles, c’est-à-dire essentiellement les droits de mutation, et uniquement pour leur montant réel (il n’y a pas de déduction forfaitaire possible).

b.- Les abattements.

Il existe d’abord un abattement variable en fonction de la durée de détention de l’immeuble, de l’ordre de 10% par an au-delà de la cinquième année de détention (de sorte que la plus-value sera exonérée au bout de 15 ans).

Il existe également un abattement fixe de 1000€ pour chaque cession réalisée, porté à 2000€ si l’on est en présence d’un couple soumis à une imposition commune.

3.- Le paiement de l’impôt.

C’est le notaire qui se charge de calculer, de déclarer et de payer l’impôt sur les plus-values, en même temps que les droits d’enregistrement.

Il le prélève à la source de sorte que le vendeur reçoit un prix net d’impôt sur les plus-values.

Par exemple, si un contribuable marié a acheté, avec son épouse, un immeuble de rapport en avril 1998 pour un montant de 250 000€ et s’il le revend en septembre 2010 pour un montant de 380 000€ il réalisera la plus-value suivante :

Prix de cession : 380 000€

- Prix d’achat : 250 000€

- Forfait frais d’acquisition : 250 000€ x 7,5% = 18 750€

- Forfait dépenses de travaux : 250 000€ x 15% = 37 500€

Plus-value brute : 73 750€

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- Abattement pour durée de détention : 10% x 7 = 70%

73 750€ x 70% = 51 625€

- Abattement fixe 2000€

Plus-value nette imposable 20 125€

Impôt 20 125€ x 28,10% = 5 655€

Somme nette revenant au vendeur 380 000€ - 5 655€ = 374 345€.

Lorsque c’est une moins-value au contraire qui a été réalisée, hypothèse rare mais qui n’est pas un simple cas d’école, celle-ci ne peut pas s’imputer sur les plus-values immobilières réalisées au cours de la même année ni sur celles réalisées ultérieurement. Elle ne peut pas non plus être imputable sur le revenu global. C’est le seul cas où un contribuable ne peut pas tirer parti d’une moins-value.

B.- Le régime des sociétés à prépondérance immobilière relevant de l’IR.

De plus en plus, les immeubles sont détenus non pas directement pas les particuliers en tant que personnes physiques, mais par des structures juridiques autonomes relevant de l’IR, le plus souvent sous forme de sociétés civiles immobilières ou SCI.

Le régime applicable dépend alors des modalités de la cession, l’immeuble pouvant être cédé directement par la société elle-même ou indirectement par l’intermédiaire de la cession des parts sociales de la société par ses associés.

1.- La cession de l’immeuble par la société.

Lorsque c’est la société qui cède l’immeuble dont elle est propriétaire, le régime applicable est le même que celui des immeubles cédés par les personnes physiques. La plus ou moins-value est calculée de la même façon, en appliquant le même régime de frais et d’abattements. Et si l’immeuble était occupé par un des associés au titre de sa résidence principale, la même exonération sera acquise.

2.- La cession des parts sociales par l’associé.

Lorsqu’un associé cède les parts qu’il détient dans une société immobilière relevant de l’IR, la plus-value qu’il réalise est imposée selon le régime général des plus-values immobilières (avec notamment les mêmes abattements et les mêmes exonérations) au taux de 28,10%.

Quelques particularités doivent néanmoins être mentionnées :

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- les frais d’acquisition ne peuvent être pris en compte que pour leur montant réel (pas de déduction forfaitaire de 7,5% possible).

- les dépenses de travaux ne peuvent être prises en compte car elles ont été supportées par la société et non par l’associé.

II.- Le régime des cessions de biens meubles.

A.- Le régime général d’imposition.

Les plus-values imposables en matière de cession de biens meubles sont extrêmement rares dans la mesure où sont exonérées les cessions de meubles usuels comme les meubles meublants, les appareils ménagers, les véhicules automobiles… En outre, sont également exonérées les cessions de biens dont la valeur n’excède pas 5 000€ (ou 10 000€ pour un couple soumis à imposition commune).

En réalité seules les plus-values portant sur les chevaux de course, les bateaux de plaisance ou les avions de tourisme sont effectivement imposables.

Le régime applicable est alors le même que celui des plus-values immobilières et le taux d’imposition est également de 28,10%. En revanche, l’abattement variable de 10% est plus avantageux car il commence dès la deuxième année de détention (de sorte que la plus-value est exonérée au bout de 12 ans).

B.- Le régime spécial applicable aux métaux et aux objets précieux.

C’est un système de taxe sur les ventes des métaux et des objets précieux qui a été privilégié plutôt qu’une véritable fiscalité des plus-values, trop lourde à mettre en œuvre. Son taux est fixé à 4,50% du prix de vente pour les œuvres d’art et 7,50% pour les métaux précieux comme l’or, l’argent ou la platine. Elle est payée par le cédant.

En outre, comme dans le régime général, en sont exonérées les cessions dont le prix n’excède pas 5 000€ pour une personne, porté à 10 000€ pour un couple.

Enfin, pour les objets précieux, le cédant peut opter pour le régime général et bénéficier ainsi de l’abattement variable de 10% dès la deuxième année de détention.

III.- Le régime des cessions de droits sociaux et de valeurs mobilières.

A.- Champ d’application.

1.- Le principe de l’imposition.

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Le régime des plus-values sur valeurs mobilières et droits sociaux est fixé par les articles 150-OA à 150-OD du CGI. Il vise toutes les personnes qui, dans le cadre de la gestion de leur patrimoine privé, réalisent des plus-values ou subissent des moins-values lorsqu’elles cèdent des titres composant leur portefeuille financier. Seules les cessions à titre onéreux sont imposables de sorte qu’en cas de donation ou de succession, les plus-values échappent à l’impôt.

Les plus-values de cession de valeurs mobilières et droits sociaux sont imposables au taux de 30,10% (soit 18% de taxe d’Etat et 12,10% de cotisations sociales) mais uniquement si le montant annuel des cessions excède un certain seuil, réévalué chaque année. Pour les cessions réalisées en 2010, ce seuil est de 25 830€. Il déclenche également la prise en compte des moins-values pour leur montant total.

2.- Les exonérations.

Il existe de nombreux régimes d’exonération concernant les titres figurant dans un PEA ou encore les titres acquis dans le cadre de l’épargne salariale. On se contentera d’évoquer ici trois d’entre eux.

Le premier concerne l’exonération des plus-values mobilières réalisées par les associés « passifs » (c’est-à-dire qui n’exercent pas d’activité dans la société) des sociétés de personnes qui n’ont pas pour objet la gestion de leur propre patrimoine . Aménagée dans la loi de finances pour 2009 mais applicable uniquement aux cessions réalisées à compter du 1er janvier 2014, elle concernera les hypothèses où les associés ont conservé les titres depuis au moins 8 ans avant de les céder et où les recettes de la société n’ont pas dépassé certains seuils. Elle ne s’appliquera qu’à la taxe d’Etat de 18% (la plus-value restant imposable aux cotisations sociales de 12,10%).

Le second concerne l’exonération accordée aux dirigeants de PME partant à la retraire. Ils peuvent bénéficier d’un abattement d’un tiers des plus-values si les titres cédés sont détenus depuis au moins 6 ans ; d’un abattement des deux tiers s’ils sont détenus depuis au moins 7 ans et d’une exonération totale s’ils sont détenus depuis au moins 8 ans. Là encore, ces mesures d’allègement ou d’exonération ne concernent que la taxe d’Etat de 18%.

Le troisième concerne l’exonération accordée en cas de cession à un membre du groupe familial si la participation au capital excède 25%. Cette mesure d’exonération concerne les hypothèses où la cession intervient entre les membres du même groupe familial. Il faut pour cela :

- que le cédant et les membres de sa famille détiennent au moins 25% des droits de la société,

- que la société soit soumise à l’IS,

- que la cession soit réalisée à titre onéreux à un membre de la famille,

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- que l’acquéreur s’engage à conserver les titres pendant au moins 5 ans.

B.- Les règles d’imposition.

1.- L’assiette des plus-values mobilières.

Les plus-values ou moins-values sont calculées par la différence entre le prix de cession et le prix d’acquisition ou de souscription des titres.

Il faut ensuite appliquer un abattement pour durée de détention d’un tiers par année de détention au-delà de la cinquième de sorte que l’exonération sera totale au terme de la huitième année. L’abattement ne concerne que les titres de sociétés soumises à l’IS et qui n’ont pas pour objet la gestion de leur propre patrimoine, autrement dit les sociétés opérationnelles et non simplement patrimoniales. Il ne concerne en outre que la taxe d’Etat de 18%.

Le régime n’étant applicable que depuis 2006, l’exonération complète ne jouera donc que pour les cessions réalisées au cours de l’année 2014, l’abattement du tiers jouant pour la première fois en 2012. On a vu cependant que ce régime s’applique déjà aux dirigeants de PME qui cèdent leurs titres sociaux lors de leur départ à la retraite.

2.- Les modalités d’imposition.

La plus-value nette est imposable au taux de 30,10%, la taxe d Etat de 18% n’étant cependant due que si le montant des cessions de titres réalisées au cours de l’année dépasse le seuil de 25 830€. Les contributions sociales de 12,10% s’appliquent en revanche dès le 1er euro de plus-values.

La moins-value nette peut être imputée sur les plus-values de même nature des 10 années suivantes et non sur les autres revenus de l’année. Les moins-values ne sont toutefois reportables qu’autant que le montant des cessions de l’année excède le seuil d’imposition fixé par la loi.

CHAPITRE 2.- L’IMPOSITION DU REVENU GLOBAL.

SECTION 1.- La globalisation des revenus.

Les contribuables reçoivent au cours du mois de mai, une déclaration pré-remplie comprenant les TS, les pensions et les indemnités de chômage déclarés par ceux qui les versent. Ils doivent vérifier si ces chiffres sont exacts et compléter la déclaration en indiquant les revenus professionnels (BIC, BNC, BA), les RF, les RCM et les réductions diverses.

I.- La globalisation matérielle.

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L’évaluation du revenu se fait au niveau de chaque catégorie fiscale. C’est ensuite la somme de ces revenus nets catégoriels qui donne le revenu brut global. Ne sont toutefois pas pris en compte les revenus qui sont imposés séparément comme :

- les plus-values à long terme professionnelles,

- les plus-values mobilières ou immobilières des particuliers,

- les intérêts et dividendes pour lesquels le contribuable a opté pour un prélèvement libératoire.

Théoriquement, ce revenu imposable étant un revenu global, les déficits catégoriels devraient pouvoir y être imputés. Pour éviter les abus, un certain nombre de déficit catégoriel échappe toutefois à cette règle. Il s’agit :

- des déficits des BIC ou des BNC non professionnels,

- des déficits agricoles, si les autres revenus excèdent un certain seuil,

- les déficits fonciers, au-delà de 10 700€,

- les déficits mobiliers,

- les moins-values mobilières et immobilières.

Ces déficits sont seulement imputables sur les revenus de même nature des 6 prochaines années (10 pour les déficits fonciers et les moins-values mobilières). Les moins-values mobilières sont quant à elles interdites de report.

Quels sont alors les déficits qui restent reportables sur le revenu global ?

- les déficits fonciers, jusqu’à 10 700€,

- les déficits en matière de TS, qui sont rares et qui concernent par exemple les dirigeants de société qui se sont engagés comme caution.

II.- La globalisation personnelle.

Il est fait une seule déclaration de revenus par famille ou plus précisément par foyer fiscal. On additionne donc ensemble les revenus personnels de chacun des époux, de même que ceux des enfants qui sont à leur charge. En outre, les partenaires pacsés font également une déclaration commune.

A.- La situation des couples mariés et pacsés.

Le principe est l’imposition commune, tant que le mariage ou le PACS n’est pas dissous de sorte que les époux ou les partenaires, même séparés de fait, doivent déposer une déclaration commune.

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Dans le cas des époux, ce principe comporte 3 exceptions, fondées sur le défaut de communauté. Font ainsi l’objet d’une imposition séparée :

- les époux en instance de divorce ou séparés de corps,

- les époux séparés de biens et ne vivant plus ensemble,

- lorsqu’un des époux a abandonné le domicile conjugal et que chacun dispose de revenus distincts.

B.- La solidarité de paiement de l’impôt.

L’article 1691 bis 1 du CGI dispose que les conjoints et les pacsés sont tenus solidairement au paiement de l’IR lorsqu’ils font l’objet d’une imposition commune, solidarité étendue au paiement de la taxe d’habitation, lorsqu’ils vivent sous le même toit, et au paiement de l’ISF.

En cas de disproportion marquée entre le montant de la dette fiscale et la situation financière et patrimoniale de l’époux à qui le passif fiscal est demandé, ce dernier peut toutefois demander une décharge de solidarité. Celle-ci peut notamment être accordée dans les mêmes cas de dispense que dans le cadre des exceptions à la déclaration commune.

Enfin, en cas de gêne ou d’indigence, un contribuable peut toujours demander à bénéficier de la procédure gracieuse de remise d’impôts prévue sous l’article L.247 du Livre des Procédures Fiscales (LPF).

C.- La situation des enfants.

Les enfants qui sont mineurs sont rattachés par principe au foyer de leurs parents. Ceux-ci peuvent toutefois, sur option, faire l’objet d’un détachement du foyer fiscal de leurs parents : leurs revenus seront alors imposés séparément.

Dès qu’ils deviennent majeurs, les enfants constituent en principe un foyer fiscal autonome. Ils peuvent toutefois demander à être rattachés au foyer de leurs parents jusqu’à l’âge de 21 ans sans condition et jusqu’à 25 ans s’ils poursuivent des études (article 6-3 du CGI). Les pensions alimentaires versées aux enfants majeurs non rattachés sont déductibles du revenu global dans la limite de 5 753€ par an.

Un enfant ne peut pas donner lieu à la fois à un rattachement au foyer fiscal, et donc à l’attribution d’une part pour la détermination du quotient familial, et à l’attribution d’une pension alimentaire déductible. Il faut choisir !

SECTION 2.- Le calcul et le paiement de l’impôt.

I.- Le calcul de l’IR.

Lorsque tous les revenus catégoriels nets ont été additionnés, il convient, pour calculer l’IR, de déterminer le quotient familial.

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A.- Le quotient familial.

Le mécanisme du quotient familial permet de prendre en compte les charges de famille des contribuables pour atténuer la progressivité de l’impôt. Il consiste à diviser le revenu global par un nombre de parts qui sera d’autant plus élevé qu’il y a d’enfants à charge.

1.- Le décompte des parts.

Le décompte des parts s’établit de la façon suivante :

- une personne seule, 1 part

- un couple, 2 parts

- chaque enfant à charge (pour les 2 premiers), ½ part.

- chaque enfant à charge supplémentaire (à partir du 3ème), 1 part.

En cas de garde alternée des enfants suite à un divorce, les parts peuvent être réparties entre les parents. Elles sont alors divisées par deux.

En outre, jusqu’à présent, une ½ part supplémentaire de quotient familial était accordée, à vie, au contribuable célibataire, divorcé, séparé ou veuf, vivant seul et qui avait élevé au moins un enfant. Ce régime, aménagé sous l’article 195-1 du CGI, est désormais durci puisque le contribuable doit avoir supporté la charge effective d’au moins un enfant et pendant au moins cinq années durant celles au cours desquelles il vivait seul, pour en bénéficier.

Enfin, lorsqu’un enfant qui remplit les conditions pour être rattaché est marié, il peut demander à être rattaché avec son épouse. Le couple n’ouvre toutefois pas droit à des ½ parts supplémentaires lors du calcul du quotient familial, mais les parents peuvent déduire du revenu global une somme égale à 5 753€ par personne (soit 11 506€ pour un couple).

Ainsi, par exemple, si M. et Mme X ont 4 enfants dont

- un aîné, âgé de 24 ans, étudiant et marié

- un deuxième, âgé de 20 ans, étudiant,

- une troisième et une quatrième, mineures et collégiennes,

Ils bénéficieront de 2 parts, pour eux, d’une ½ part pour leur deuxième enfant et pour leur troisième enfant (leur ainé et son conjoint ne donnant lieu qu’à un abattement) et d’une part pour leur quatrième enfant, soit un total de 4 parts.

2.- L’application du quotient familial.

La division du revenu global par ce nombre de parts donne ensuite le montant du quotient familial. On l’utilise alors pour calculer l’impôt dû pour une part puis on multiplie le chiffre obtenu par le nombre total de parts pour obtenir le montant de l’impôt exigible.

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Cette technique permet d’atténuer sensiblement les effets de la progressivité de l’impôt sur le revenu. Elle est fondée sur 5 tranches d’imposition :

- lorsque le quotient familial est inférieur à 5 852€, le taux d’imposition est de 0%.

- lorsque le quotient familial est compris entre 5 852€ et 11 673€, le taux est de 5,5%.

- lorsqu’il est compris entre 11 673€ et 25 926€, le taux est de 14%.

- lorsqu’il est compris entre 25 926€ et 69 505€, le taux est de 30%.

- lorsqu’il est supérieur à 69 505€, le taux est de 40%.

Ainsi, par exemple, si M et Mme X ont un revenu global de 51 211€, leur quotient familial sera de 51 211€/4= 12 803€. Il n’y aura pas d’impôt sur la fraction du quotient allant jusqu’à 5 852€, puis un impôt de 5,5% sur la fraction allant de 5 852€ à 11 673€ (soit 320,20€ d’impôt) puis un impôt de 14% sur la fraction allant de 11 673€ à 12 803€ (soit 158,20€ d’impôt). L’impôt pour une part sera donc de 320,20€ + 158,20= 478,40€ et l’impôt total exigible de 478,40 x 4= 1 913,60€.

3.- Le plafonnement du quotient familial.

On observe que le système du quotient familial est d’autant plus avantageux que le revenu imposable est élevé. Le législateur a donc décidé de plafonner ses effets. Le plafond évolue chaque année, il est aujourd’hui de 2 301€ par ½ part supplémentaire accordée du fait des enfants à charge.

Dans notre exemple, il y a 4 ½ parts supplémentaires accordées du fait des enfants à charge (1/2 pour les deux premiers enfants et 2 ½ pour le troisième), la réduction d’impôt liée au mécanisme du quotient familial ne pourra donc excéder le plafond suivant : 2 301€ x 4 = 9 204€.

Comment vérifie-t-on que le plafond est dépassé ou pas ? On calcule l’IR sans tenir compte des enfants à charge puis on le compare avec celui calculé avec la prise en compte des enfants. On observe alors nécessairement une économie d’impôt. On rapporte alors cette économie au plafond : si l’économie est inférieure au plafond, on n’a pas de correction à faire ; si au contraire l’économie est supérieure à ce plafond, on ne pourra que retenir ce dernier pour le calcul de l’impôt.

Dans notre exemple, l’impôt du en prenant en compte les enfants est de 1 913,60€. L’impôt du sans prendre en compte les enfants sera de : 51 211€/2 (puisqu’on ne prend en compte que les deux parts de M. et Mme)= 25 605,50€. Il n’y aura pas d’impôt sur la fraction allant jusqu’à 5 852€, puis un impôt de 5,5% sur la fraction allant de 5 852€ à 11 673€ (soit 320,20€ d’impôt), puis un impôt de 14% sur la fraction allant de 11 673€ à 25 605,50€ (soit 1950,55€ d’impôt). L’impôt pour une part sera de 320,20€+ 1950,55€= 2 270,75€ et l’impôt total exigible de 2 270,75€ x 2 = 4 541,50€.

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On observe qu’en prenant en compte les enfants, M. et Mme X ont réalisé une économie de 4 541,50€ - 1913,60€ = 2 627,90€. Cette économie est inférieure au plafond du quotient familial qui est de 9 204€. M. et Mme X ne sont donc pas concernés par cette mesure et peuvent prendre en compte l’intégralité de leur quotient familial pour le calcul de leur impôt sur le revenu qui reste de 1913,60€.

B.- Les réductions et les crédits d’impôt.

Ils vont s’imputer sur le montant de l’impôt normalement exigible. Si la réduction ou le crédit dépasse le montant de l’impôt du, l’excédent est restitué au contribuable s’il s’agit d’un crédit d’impôt ou pas s’il s’agit d’une simple réduction.

Ces avantages fiscaux sont extrêmement variés et dépendent des stratégies gouvernementales. Ils poursuivent des objectifs très différents : financer l’acquisition et améliorer l’équipement des résidences principales ; favoriser les sources d’énergie renouvelable ; alléger les frais de scolarisation (réduction de 61€ pour les collégiens, de 153€ pour les lycéens et de 183€ pour les étudiants) ; inciter à l’acquisition de véhicules propres ; développer les services à la personne (les chèques emploi-services ouvrent ainsi droit à une réduction de 50% du coût salarial dans la limite annuel de 12 000€, majorée de 1500€ par enfant à charge).

De même, l’Etat incite les particuliers à faire des dons aux œuvres d’intérêt général, qui seront déductibles à hauteur de 66% dans la limite de 20% du revenu global.

Pour éviter que, de niches en niches fiscales, un contribuable arrive à ne plus payer d’impôt, la loi de finances pour 2010 a toutefois instauré une mesure de plafonnement global : les déductions du revenu global, les réductions d’impôt et les crédits d’impôt sont ainsi plafonnés à 20 000€ par foyer majoré d’une somme égale à 8% du revenu imposable (ce qui laisse toutefois un plafond élevé).

II.- Le paiement de l’impôt.

Après avoir déposé ou télé-déclaré leurs déclarations de revenus, les contribuables reçoivent un avis d’imposition indiquant le montant de l’impôt du, la date limite de paiement et les sanctions encourues en cas de retard (majoration de 10%).

Chaque contribuable doit, s’il n’est pas mensualisé, verser deux acomptes égaux chacun au tiers de l’impôt payé l’année précédente (le 15 février et le 15 mai). Le solde est déterminé en fonction des revenus de l’année et doit être versé pour le 15 septembre.

III.- La CSG.

De façon traditionnelle, la protection sociale est financée en France par des cotisations assises sur les salaires. Les prélèvements sociaux ont toutefois tellement augmenté qu’ils grevaient trop le coût du travail et pénalisaient ainsi l’emploi. Pour lutter contre le chômage, les cotisations sociales furent donc réduites et de nouveaux prélèvements furent crées : il s’agit de

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la contribution sociale généralisée (CSG), créée en 1990 et de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), en 1996.

La CSG frappe l’ensemble des revenus, notamment ceux du capital, lesquels échappaient auparavant à toute cotisation sociale. Elle est destinée au financement de la protection sociale mais présente pourtant la nature d’un impôt (DC 28/12/1990) de sorte qu’elle se cumule avec l’IR et frappe les mêmes revenus. Son taux n’est pas progressif comme le sien mais proportionnel :

- il est de 7,50% sur les TS. La CSG est alors précomptée par l’employeur et versée à l’URSSAF. Une partie de la CSG (5,10%) est toutefois déductible des TS à déclarer pour le calcul de l’IR. Les chômeurs sont redevables d’un taux de 6,20% et les retraités de 6,60%. La CRDS est quant à elle de 0,50%.

- il est également de 7,50% sur les BIC, les BNC et les BA, la base étant composée du bénéfice imposable majoré des cotisations sociales (la base est donc plus large que celle de l’IR). La CRDS y est également de 0,50%.

- il est, enfin, de 8,20% sur les RF et les RCM ainsi que sur les plus-values mobilières et immobilières. La CSG est alors déductible à hauteur de 5,80% lorsque les revenus sont soumis au barème progressif de l’impôt. En revanche, notamment pour les RCM, lorsque le contribuable a opté pour le prélèvement libératoire, elle cesse de l’être.

Pour les revenus et les gains du capital, la CSG est en outre accompagnée de la CRDS, au taux de 0,50% comme pour les autres revenus, mais également d’un prélèvement social de 2%, d’une contribution additionnelle de 0,30% et d’une contribution destinée à financer le RSA de 1,10%, de sorte que le montant total des contributions sociales s’élèvent à 12,10% (qui se cumulent on le rappelle avec le taux de l’IR lui-même).

IV.- L’IR en droit fiscal international.

Il est de plus en plus fréquent qu’un contribuable résident en France dispose de source de revenus étrangère ou qu’un contribuable résidant à l’étranger dispose de source de revenu française.

Il en résulte un risque de double imposition puisque chacun des Etats concernés peut être tenté d’appréhender les revenus, l’un parce qu’il est l’Etat de résidence du contribuable, l’autre parce qu’il est l’Etat de la source du revenu.

Pour évoquer cette question, il faut d’abord se situer dans le cadre exclusif du droit interne puis dans celui des conventions fiscales bilatérales.

A.- L’IR en l’absence de convention fiscale bilatérale.

Cette situation est exceptionnelle car la France a conclu des conventions fiscales internationales avec beaucoup d’Etats. C’est alors l’article 4 A du CGI qui s’applique et qui dispose que « les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de cet impôt

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à raison de l’ensemble de leurs revenus, de source française ou étrangère. Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt à raison de leurs seuls revenus de source française ».

A la lecture de cet article, on constate que le critère du domicile fiscal est fondamental puisqu’il conditionne l’étendue de l’obligation du contribuable.

1.- La notion de domicile fiscal.

Cette notion est indépendante de celle du domicile civil ou encore de celle de la nationalité. Un contribuable est censé avoir son domicile fiscal en France lorsqu’il y dispose :

- de son foyer (c’est-à-dire de sa résidence habituelle permanente),

- de son lieu de séjour principal (c’est-à-dire plus de 183 jours par an),

- de son activité professionnelle,

- du centre de ses intérêts économiques (c’est-à-dire le siège de ses affaires).

Depuis un arrêt de principe rendu par le CE en 1994 dans l’affaire Larcher, ces critères sont d’application alternative et, surtout, successive. Ainsi, ce n’est que si le critère du foyer est inopérant (lorsque notamment un contribuable a son foyer dans chacun des Etats concernés) que le critère du lieu de séjour principal pourra être retenu et ainsi de suite.

2. -Le régime d’imposition du contribuable ayant son domicile en France.

Lorsqu’un contribuable est considéré comme domicilié fiscalement en France, il s’y trouve soumis à une obligation fiscale illimitée puisqu’il est non seulement imposé sur ses revenus de source française mais également sur ses revenus de source étrangère. Le risque de double imposition est toutefois limité par le fait que le revenu mondial imposé en France sera un revenu net des impôts éventuellement acquittés à l’étranger. Si, par exemple, un revenu de source étrangère de 100 a subit à sa source un impôt de 30, il ne sera imposable en France qu’à hauteur de 70.

3.- Le régime d’imposition du contribuable n’ayant pas son domicile fiscal en France.

Lorsqu’un contribuable n’est pas considéré comme domicilié fiscalement en France, il ne s’y trouve soumis qu’à une obligation fiscale limitée puisqu’il ne sera imposable en France que sur ses revenus de source française (avec toutefois un taux minimum d’IR de 25%).

En outre, lorsque le contribuable ne dispose pas de revenu de source française mais lorsqu’il dispose en France d’une ou plusieurs résidences secondaires (en tant que propriétaire ou locataire), il doit, en vertu de l’article 164 C du CGI, acquitter un impôt forfaitaire égale à 3 fois la valeur locative réelle des résidences. Cet impôt n’est toutefois pas du lorsque le contribuable :

- dispose d’autres sources de revenus en France,

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- ou est de nationalité française,

- ou est domicilié dans un Etat lié avec la France par une convention fiscale bilatérale.

B.- L’IR en présence de convention fiscale bilatérale.

Les conventions fiscales, lorsqu’elles sont établies sur le modèle de l’OCDE, vont d’abord définir la notion de résidence fiscale, équivalent conventionnel à celle de domicile fiscal du droit interne. Elles précisent ensuite les règles de rattachement des revenus en les répartissant entre l’Etat de la résidence et l’Etat de la source. Elles proposent enfin des méthodes de calcul destinées à éviter la double imposition.

1.- La notion de résidence fiscale.

Avant de définir cette notion, il faut rappeler l’existence, en droit fiscal international, du principe de subsidiarité. L’articulation du droit interne et du droit international présente en effet en droit fiscal une originalité par rapport aux autres branches du droit. Ainsi, en droit privé, le juge peut rechercher quel est le droit applicable et il peut appliquer lui-même la loi étrangère. Le juge fiscal ne peut agir de la sorte car il n’a pas vocation à appliquer le droit étranger mais seulement le droit interne. Quand survient un litige comportant un élément d’extranéité, le juge de l’impôt doit vérifier si l’imposition est conforme au droit français. Dans la négative, il doit considérer que l’imposition est sans fondement légal, il ne peut invoquer une convention fiscale pour la légaliser. Ce n’est que dans l’hypothèse inverse, lorsque l’imposition est régulière au regard du droit interne, qu’il doit vérifier que l’application de la convention ne doit pas conduire à l’écarter.

En matière de résidence fiscale, le juge doit donc prioritairement se référer au droit interne et vérifier que le contribuable peut bien être considéré comme fiscalement domicilié en France. Il vérifiera ensuite si la convention fiscale qui lui est applicable ne prévoit pas des solutions différentes.

Précisément, la convention modèle de l’OCDE prévoit quatre critères qui sont également d’application alternative et successive :

- le critère du foyer d’habitation permanent,

- le critère du centre des intérêts vitaux (en tenant compte des liens personnels et économiques du contribuable),

- le critère du lieu de séjour habituel,

- le critère de nationalité.

En cas de double nationalité, l’Etat de résidence du contribuable est fixé par négociation amiable des deux Etats concernés.

2.- Les règles de rattachement des revenus.

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a.- Les revenus rattachés à l’Etat de résidence.

Il va s’agir des RCM, des BIC (à défaut d’établissement stable dans l’autre Etat), des redevances de toute nature et des pensions privées. Pour les RCM et les redevances, il y a en réalité un partage de l’imposition puisque l’état de la source a le droit de prélever une retenue à la source. La double imposition est alors écartée grâce à l’imputation de la retenue à la source dans l’Etat de résidence.

b.- Les revenus rattachés à l’Etat de la source.

Il va s’agir des RF, des BA, des PV immobilières, des BIC (en présence d’un établissement stable dans cet Etat), des revenus des artistes et des sportifs et des TS.

3.- Les méthodes de calcul de l’impôt.

Deux méthodes peuvent être proposées :

- celle de l’exemption est la plus radicale car pour les revenus ainsi visés, la convention va accorder à l’Etat (de la résidence ou, exceptionnellement, de la source) le droit exclusif de l’imposer.

- celle de l’imputation est plus souple car elle organise un certain partage, l’Etat de la source ayant le droit de prélever une retenue qui s’imputera sur l’impôt du dans l’Etat de résidence. En outre, afin de préserver la progressivité de l’IR, cette méthode peut se conjuguer avec la pratique d’un taux effectif qui permettra à l’Etat de résidence de prendre en compte l’intégralité des revenus, y compris ceux qui relèvent par principe de l’Etat de la source, afin de déterminer le taux de l’IR normalement applicable. Celui-ci est ensuite utilisé pour les seuls revenus que l’Etat de résidence a le droit d’appréhender (de sorte que si les revenus étrangers sont bien exonérés, ils sont pris en compte pour l’application de la progressivité).

La méthode de l’exemption est traditionnellement utilisée lorsque les revenus sont rattachés à l’Etat de la source tandis que la méthode de l’imputation peut être utilisée lorsque les revenus sont rattachés à l’Etat de la résidence (ex. RCM et redevances).