Droit du travail - corrigé cas pratique

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L3 – Relations collectives du travail 2010-2011 TD Relation collectives du travail Galop d’essai Monsieur BOUZEKRI travaille dans l’entreprise FUNPHONE, opérateur téléphonique qui emploie 127 salariés et dont les locaux sont situés à Mundolsheim. Les bureaux de la société sont organisés en « open space ». En octobre 2010, une terrible pandémie de grippe porcine s’est abattue sur l’Alsace. Dès la connaissance de la l’approche de la maladie, le lundi 25 octobre 2010, l’employeur a diffusé une note de service au sein de l’entreprise libellée comme suit : « Du fait de la pandémie de grippe porcine, et au regard de la gravité et de l’urgence de la situation, tous les salariés travaillant en « open space » sont tenus de porter un masque de protection au travail. » Les masques de protection ont été immédiatement déposés à l’entrée de chaque « open space », accompagnés de bouteilles de solution hydrolique, et de consignes pour éviter la contagion. Après seulement une semaine d’application de la note de service, Monsieur BOUZEKRI ne supporte plus le port du masque qu’il trouve inesthétique et qui le gêne dans son activité principale qui consiste à répondre au téléphone. Il s’insurge. Selon lui, l’employeur ne peut ainsi le contraindre à porter un masque. Il décide alors d’arrêter de le porter et vient travailler le mardi 2 novembre sans porter de masque. Le lendemain, dès son arrivée à son poste de travail, il reçoit, contre signature, une lettre de convocation à un entretien préalable de la main de son chef de service. « Suite à votre refus de porter un masque de protection au mépris de votre santé et de celle de vos collègues, une sanction disciplinaire est envisagée à votre encontre. L’entretien préalable aura lieu le lundi 8 novembre à 14 heures dans la salle de réunion du 4 ème étage. » 1

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Relations collectives du travail, L3 Droit S5, galop d'essai, corrigé du cas pratique

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L3 – Relations collectives du travail 2010-2011TD

Relation collectives du travailGalop d’essai

Monsieur BOUZEKRI travaille dans l’entreprise FUNPHONE, opérateur téléphonique qui emploie 127 salariés et dont les locaux sont situés à Mundolsheim.

Les bureaux de la société sont organisés en « open space ».

En octobre 2010, une terrible pandémie de grippe porcine s’est abattue sur l’Alsace. Dès la connaissance de la l’approche de la maladie, le lundi 25 octobre 2010, l’employeur a diffusé une note de service au sein de l’entreprise libellée comme suit :

« Du fait de la pandémie de grippe porcine, et au regard de la gravité et de l’urgence de la situation, tous les salariés travaillant en « open space » sont tenus de porter un masque de protection au travail. »

Les masques de protection ont été immédiatement déposés à l’entrée de chaque « open space », accompagnés de bouteilles de solution hydrolique, et de consignes pour éviter la contagion.

Après seulement une semaine d’application de la note de service, Monsieur BOUZEKRI ne supporte plus le port du masque qu’il trouve inesthétique et qui le gêne dans son activité principale qui consiste à répondre au téléphone. Il s’insurge. Selon lui, l’employeur ne peut ainsi le contraindre à porter un masque. Il décide alors d’arrêter de le porter et vient travailler le mardi 2 novembre sans porter de masque.

Le lendemain, dès son arrivée à son poste de travail, il reçoit, contre signature, une lettre de convocation à un entretien préalable de la main de son chef de service.

« Suite à votre refus de porter un masque de protection au mépris de votre santé et de celle de vos collègues, une sanction disciplinaire est envisagée à votre encontre. L’entretien préalable aura lieu le lundi 8 novembre à 14 heures dans la salle de réunion du 4ème étage. »

Monsieur BOUZEKRI a appris que vous étiez un juriste en droit du travail chevronné. Il sollicite donc votre aide. Selon lui, la note de service n’ayant aucune valeur juridique, l’employeur ne peut l’utiliser pour fonder une sanction disciplinaire. Il vous précise également que l’un de ses collègues et membre du comité d’entreprise, Monsieur MIDAL, l’a informé du fait que le comité d’entreprise et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail se sont vus communiquer la note de service au jour de sa diffusion, et, que l’inspecteur du travail n’a, à ce jour, émis aucun avis sur la note qui lui a été soumise.Par ailleurs, M. BOUZEKRI se demande si l’employeur a bien respecté le début de la procédure disciplinaire.

Document autorisé : Code du travail

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Corrigé

Problèmes juridiques :

- La valeur juridique et la validité de la note de service.

- La validité (a priori) de la sanction disciplinaire.

I. La validité de la note de service

A. La valeur juridique de la note de service

Le règlement intérieur est un acte unilatéral de l’employeur fixant les règles applicables dans l’entreprise en matière de santé, sécurité et discipline hygiène (L.1321-1 C. trav.).

La loi fait obligation à l’employeur d’établir un règlement intérieur dans les entreprises ou établissement occupant habituellement au moins 20 salariés (L.1311-2 C. trav.)En l’espèce, l’entreprise FUNPHONE compte 127 salariés. Elle est donc, en principe, dotée d’un règlement intérieur.

Dans l’exercice de son pouvoir de direction, l’employeur a vocation à adopter certaines prescriptions par voie de note de service, circulaire ou autre directive. Concernant ces documents, le législateur considère que dès lors que leurs prescriptions présentent un caractère général et permanent, et qu’elles relèvent de l’objet du règlement intérieur tel que défini par l’article L.1321-1 C. trav. (santé, sécurité, discipline), ces notes ou documents assimilés sont considérés comme des adjonctions au dit règlement. A ce titre, ils sont soumis au même régime juridique.Ainsi, la note de service adoptée par l’employeur le 25 octobre 2010 sera considérée comme une annexe au règlement intérieur, si elle remplit deux conditions :

- si elle comporte des prescriptions générales et permanentes,En l’espèce, la note de service impose une obligation de port d’un accessoire de protection (un masque de protection) à l’encontre de « tous les salariés travaillant en « open space » ». Ses prescriptions présentent donc un caractère général. Elles présentent également une certaine permanence, puisque cette obligation semble être imposée sans limitation de durée, sans viser une circonstance particulière.

- si elle comporte des prescriptions relevant de l’objet du règlement intérieur.L’article L.1321-1 C. trav. encadre, de manière limitative et obligatoire, le contenu du règlement intérieur. Ainsi, ce document ne peut comporter que des dispositions relatives à la discipline, la santé et la sécurité.En l’espèce, la note de service impose aux salariés travaillant dans les « open space » le port d’un masque de protection, en raison de la pandémie grippale qui s’est déclarée en Alsace, afin de limiter les risques de contagion. Cette prescription est justifiée par des motifs d’ordre sanitaire, et relève, à ce titre, de l’objet du règlement intérieur.

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Conclusion : La note de service du 25 octobre 2010 constitue donc bien une adjonction au règlement intérieur. Elle est donc soumise au même régime juridique.

Il convient dès lors de vérifier la validité de la note de service au regard du cadre juridique du règlement intérieur, défini par les articles L.1311-1 et suivants C. trav.

B. La validité des obligations imposées par la note de service

Le règlement intérieur est soumis à certaines règles de fond et de forme, auxquelles doit également se conformer l’employeur lors de la diffusion de document venant modifier ou compléter le règlement. Tel est le cas de la note de service du 25 octobre 2010.

1) La validité au fond de la note de service

Les clauses du règlement intérieur doivent répondre à un certain nombre de conditions.

Ainsi, pour être licites, elles doivent tout d’abord entrer dans l’objet du règlement intérieur. L’objet du règlement intérieur, tel que nous l’avons déjà indiqué, est défini par l’article L.1321-1 C. trav. et vise les dispositions relatives à la santé, à la sécurité et à la discipline (à ce contenu, s’ajoutent un certain nombre de clauses énonciatives définies par l’article L.1321-2 C. trav.)En l’espèce , tel que cela a déjà été démontré, l’obligation du port d’un masque de protection entre dans le contenu limitatif du règlement intérieur, au titre des dispositions sanitaires.

Lorsqu’elles entrent dans l’objet limitatif du règlement intérieur, les prescriptions générales et permanentes, pour être licites, doivent encore respecter un certain nombre de limites posées par l’article L .1321-3 C. trav . Ainsi, ces dispositions ne doivent pas présenter de caractère discriminatoire (3°) ; elles ne doivent pas porter atteinte aux droits et libertés individuels et collectifs, sauf lorsque de telles atteintes sont justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché (2°) ; elles doivent être compatibles aux dispositions légales et règlementaires ainsi qu’aux dispositions conventionnelles applicables à l’entreprise (1°).En l’espèce, l’obligation de porter un masque de protection est imposée à « tous les salariés travaillant dans les « open space » » ; elle ne semble pas être réalisée de différences de traitement discriminatoire.Au regard des informations qui nous sont soumises, cette obligation ne paraît pas violer une quelconque règle légale ou règlementaire, ou des dispositions conventionnelles.

Par contre, imposer le port d’un masque de protection vise à imposer le port d’une tenue particulière. Les salariés pourraient dès lors alléguer une atteinte à leur liberté de se vêtir.

Néanmoins, le législateur, s’il interdit en principe les atteintes aux droits et libertés individuels et collectifs, autorise certaines dérogations à cette prohibition dès lors que ces atteintes sont justifiées par la nature de la tâche à accomplir et sont proportionnées au but recherché (art. L.3121-3, 2°) C. trav .).En l’espèce,

- Sur la justification : tel que cela a déjà été évoqué, l’obligation imposée par la note de service est justifiée par la pandémie grippale qui s’est déclarée en Alsace. Cette mesure a bien pour objet de limiter les risques de transmission entre les salariés de l’entreprise de

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cette maladie à fort potentiel de contagion ; cette contagion serait en effet facilitée eu égard aux conditions matérielles de travail : les open space qui sont des bureaux ouverts. De plus, l’obligation du port du masque de protection est imposée aux seuls salariés travaillant dans ces espaces « à haut risque ».L’obligation est donc bien justifiée.

- Sur la proportionnalité : l’obligation du port du masque de protection semble être une contrainte assez limitée, surtout au regard de la finalité poursuivie : protection sanitaire. De plus, seul le port du masque est imposé, il s’agit d’un accessoire et non d’une tenue complète. L’obligation est donc proportionnée.

2) La régularité formelle de la note de service

La note de service dès lors qu’elle est considérée comme une adjonction au règlement intérieur, doit être élaborée dans le respect des règles de procédure posées pour l’édiction du règlement intérieur.En ce sens, l’article L.1321-4 C. trav. prévoit qu’avant son entrée en vigueur, le règlement intérieur doit être soumis, pour avis, aux représentants du personnel (comité d’entreprise, ou à défaut, les délégués du personnel, et le comité d’hygiène, de santé et des conditions de travail pour les dispositions qui concernent sa mission). Le projet de règlement est ensuite communiqué, avec les avis des représentants du personnel, à l’inspecteur du travail pour contrôle. Le règlement intérieur entre en vigueur un mois après la réalisation de formalités de publicité (affichage dans divers lieux au sein des locaux de l’entreprise) et de dépôt (dépôt au secrétariat-greffe du Conseil de Prud’hommes, dans le ressort duquel l’entreprise a son siège).En l’espèce, la note de service est entrée en vigueur le 25 octobre 2010, alors que l’état de pandémie grippale a été déclaré en Alsace début octobre. Moins d’un mois s’est donc écoulé entre le fait générateur ayant justifié l’adoption de la note de service et son entrée en vigueur.La procédure ne semble donc pas avoir été respectée.

Cependant, l’article L.1321-5 C. trav . prévoit, en son alinéa 2, que « lorsque l’urgence le justifie, les obligations relatives à la santé et à la sécurité peuvent recevoir application immédiate. Dans ce cas, ces prescriptions sont immédiatement et simultanément communiquées aux secrétaires du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail et du comité d’entreprise, ainsi qu’à l’inspection du travail. »En l’espèce, les dispositions de la note de service du 25 octobre 2010 sont relatives à la santé. Elles ont été adoptées par l’employeur et appliquées immédiatement par celui-ci en raison de « la pandémie de grippe porcine ». « L’urgence et la gravité » de la situation justifiaient en effet que ces dispositions soient prises sans délai, en violation de la procédure d’élaboration du règlement intérieur décrite par l’article L.1321-4.

Néanmoins, l’article L.1321-5 alinéa 2 prévoit certaines formalités qui restent à la charge de l’employeur même dans ces hypothèses : en parallèle de l’entrée en vigueur de la note de service, l’employeur devait en effet communiquer le document au comité d’entreprise et au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, ainsi qu’à l’inspecteur du travail.

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En l’espèce, M. BOUZEKRI nous relate les dires de M. MIDAL, membre du comité d’entreprise. Selon ses propos, la note de service semble avoir été transmise au comité d’entreprise et au CHSCT, ainsi qu’à l’inspecteur du travail.

Conclusion   : La note de service est donc valide. Etant considérée comme une adjonction du règlement intérieur, elle a la même valeur juridique que celui-ci. A ce titre, les obligations qu’elle impose sont opposables aux salariés concernés. Ces derniers pouvant être sanctionnés en cas de violation de ses prescriptions.

II. La validité de la sanction disciplinaire

M. BOUZEKRI, après une semaine d’application de la note de service, a décidé de ne plus se soumettre à l’obligation du port du masque de protection. Cette obligation constituant, à ses yeux, une contrainte bien trop lourde. Etant venu travaillé, le lundi 2 novembre, sans le masque imposé, le salarié a reçu dès le lendemain une lettre de convocation à un entretien préalable à sanction disciplinaire.

Problèmes juridiques :- M. BOUZEKRI peut-il faire l’objet d’une sanction disciplinaire en raison de son

manquement à l’obligation imposée par la note de service ?- La procédure disciplinaire suivie jusqu’alors par l’employeur est-elle régulière ?

A. La justification de la sanction disciplinaire à venir

Une sanction disciplinaire n’est valide que si elle est justifiée par une faute disciplinaire.

Le législateur n’a pas défini la faute disciplinaire. Des éléments dégagés par la jurisprudence, l’on peut considérer la faut disciplinaire comme la violation d’une obligation professionnelle licite, imputable au salarié.En l’espèce, l’employeur a convoqué M. BOUZEKRI à un entretien préalable en raison du refus du salarié de porter le masque de protection imposé par la note de service diffusée le 25 octobre 2010. Tel qu’on l’a déjà démontré, l’obligation résulte d’une note de service considérée comme une adjonction au règlement intérieur licite. Elle s’impose à ce titre aux salariés concernés, qui peuvent être sanctionnés en cas de manquement. Ce refus pourrait s’analyser en un acte d’insubordination, qui peut même être constitutif d’une faute grave (si refus réitéré).

Le refus du salarié de porter le masque de protection s’analyse donc en une faute disciplinaire permettant de justifier la sanction disciplinaire qui sera prononcée.

B. La régularité de la procédure disciplinaire

L’employeur qui souhaite infliger une sanction à un salarié qu’il considère comme coupable d’une faute disciplinaire, doit se soumettre à une procédure disciplinaire, fixée par la loi, et les éventuelles dispositions conventionnelles applicables à l’entreprise.

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Les règles légales relatives à la procédure disciplinaires sont posées par les articles L.1332-1 et suivants C. trav.

1) Le déclenchement des poursuites disciplinaires

a. Le délai de prescription des faits fautifs

L’employeur ne peut prononcer une sanction disciplinaire à l’encontre d’un salarié fautif, qu’à condition n’initier les poursuites disciplinaires dans le délai de prescription des faits fautifs. En effet, l’article L.1332-4 C. trav . dispose qu’ « aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois, à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance […]. » Passé ce délai, les faits fautifs sont prescrits et ne peuvent donc plus faire l’objet de sanction.L’acte interruptif de ce délai est le déclenchement des poursuites disciplinaires. L’acte déclencheur de la procédure disciplinaire est la notification au salarié de la lettre de convocation à l’entretien préalable. C’est donc la date de la convocation à l’entretien préalable qui constitue l’engagement des poursuites disciplinaires (CE, 12 fév. 1990, RJS 1990.243, n°325).En l’espèce, M. BOUZEKRI s’est présenté le mardi 2 novembre à l’entreprise sans le masque de protection, violant par là-même l’obligation imposée par la note de service entrée en vigueur le 25 octobre 2010.Le mercredi 3 novembre, le salarié s’est fait remettre en mains propres la lettre de convocation à l’entretien préalable. Le délai de prescription de deux mois n’était donc pas échu au jour de la convocation.

b. La lettre de convocation à l’entretien préalable

Selon l’article L.1332-2 C. trav., « lorsque l’employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l’objet de la convocation. »

La convocation à l’entretien préalable doit être écrite. En l’espèce, une lettre de convocation a été remise au salarié. Cette formalité est respectée.

La lettre de convocation est adressée au salarié soit par lettre recommandée avec accusé de réception, soit remise en mains propres contre décharge.En l’espèce, la lettre de convocation a été remise à M. BOUZEKRI en mains propres contre signature par son chef de service.

La lettre de convocation à l’entretien préalable doit comporter un certain nombre de mentions (art. R.1332-1 C. trav .) :

- l’objet de l’entretien : elle doit préciser qu’une sanction disciplinaire est envisagée à l’encontre du salarié. Il n’est néanmoins pas exigé que l’employeur y indique les griefs qu’il reproche au salarié (Cass. soc., 17 déc. 1992, Bull. civ. V, n°603).

En l’espèce, la lettre de convocation précise que « suite à votre refus de porter un masque de protection au mépris de votre santé et de celle de vos collègues, une sanction disciplinaire est envisagée à votre encontre. » Elle indique ainsi expressément qu’une sanction disciplinaire est

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envisagée à l’encontre du salarié, et décrit également les griefs que l’employeur lui reproche, ce qui permettra à M. BOUZEKRI de se préparer au mieux à l’entretien préalable.

- la date et l’heure de l’entretien, ainsi que le lieu de l’entretienEn l’espèce, la lettre de convocation indique de manière précise que l’entretien préalable aura lieu le lundi 8 novembre à 14h, dans la salle de réunion du 4e étage.

- la possibilité pour le salarié de se faire assister par la personne de son choix appartenant à l’entreprise.

En l’espèce, une telle possibilité n’est pas précisée dans la lettre de convocation. Cette irrégularité pourra donc être soulevée par le salarié.La Chambre sociale de la Cour de cassation considère que cette omission méconnaît l’une des formalités imparties pour la protection du salarié et encourt une sanction fût-elle de principe (Cass. soc., 28 mars 1978, Dr. soc. 1979.292, note J. SAVATIER). Il n’est néanmoins pas certain que cette irrégularité entraîne la nullité de la sanction disciplinaire qui serait ensuite prononcée, les juges du fond ayant toujours la faculté d’allouer à la place au salarié des dommages et intérêts. Il semblerait que la nullité sera prononcée si cette omission a réellement causé un préjudice au salarié, s’il n’a pu exercer correctement ses droits de la défense en ne faisant pas jouer ce droit de se faire assister en raison de l’absence d’information sur ce point.

2) L’entretien préalable

Le prononcé d’une sanction disciplinaire suppose nécessairement qu’un entretien entre l’employeur et le salarié fautif ait été au préalable organisé (art. L.1332-2 ). Au cours de cet entretien, une véritable discussion doit s’instaurer entre l’employeur et le salarié : l’employeur doit indiquer au salarié les griefs qu’il retient à son encontre et le salarié doit être mis en mesure de s’expliquer. Si l’employeur refuse de fournir des explications au salarié, ou s’il refuse d’entendre le salarié, la procédure sera considérée comme irrégulière (Cass. soc., 5 fév. 1992, Dr. soc. 1992.267, RJS 1992.176, n°285).

Il convient de préciser que les propos tenus par le salarié pendant cet entretien bénéficie, sauf abus, d’une immunité disciplinaire, l’employeur ne pouvant se fonder sur ces propos pour justifier une sanction (Cass. soc., 8 janv. 1997, Bull. civ. V, n°5).

Lors de l’entretien préalable, le salarié peut se faire assister par un membre du personnel de l’entreprise (art. L.1332-2, al.2).

Si le législateur n’a pas fixé de délai entre la convocation à l’entretien et le jour où doit se dérouler l’entretien préalable, la jurisprudence considère que l’employeur doit laisser s’écouler un délai suffisant, délai devant permettre au salarié de préparer sa défense (Cass. soc., 19 mars 1991, Bull. civ. V, n°146). En ce sens, la jurisprudence a considéré qu’un délai de trois-quarts d’heure n’était pas suffisant (Cass. soc., 12 déc. 1983, Bull. civ. V, n°607)

En l’espèce, l’entretien préalable est prévu le lundi 8 novembre 2010, à 14h, soit trois jours ouvrables après la remise de la lettre de convocation au salarié. Ce délai semble suffisant.

M. BOUZEKRI pourra donc se faire assister lors de l’entretien préalable par la personne de son choix appartenant à l’entreprise. L’employeur devra lui présenter les griefs retenus à son

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encontre et recueillir les explications du salarié. A défaut, l’entretien sera entaché d’irrégularité qui pourra être sanctionnée par les juges du fond. L’on peut penser que dans une telle hypothèse, les juges choisissent de prononcer la nullité de la sanction disciplinaire ensuite survenue, l’entretien préalable étant considéré comme l’étape fondamentale de la procédure disciplinaire.

A l’issue de l’entretien préalable, l’employeur arrêtera sa décision quant à la sanction à prononcer. Il aura plusieurs options :

- soit décider de ne pas sanctionner le salarié, s’il considère que les explications de M. BOUZEKRI sont suffisantes pour justifier son comportement ou s’il décide de l’ « excuser ». En effet, l’employeur, lorsqu’il engage une procédure disciplinaire, n’est pas tenu de prononcer à l’issue de la procédure une sanction.

- soit décider d’aller au bout de la procédure et sanctionner le salarié. L’employeur notifiera alors la sanction choisie au salarié. La notification de la sanction disciplinaire est également légalement encadrée. L’employeur devra donc respecter certaines formalités : art. L.1332-2, al.4 (notification écrite de la sanction, par lettre motivée + notification ne pourra avoir lieu qu’après un jour franc après l’entretien et avant un délai d’un mois à compter dudit entretien, art. R.1332-2 C. trav. (lettre notifiée soit par lettre recommandée avec avis de réception, soit par lettre remise en mains propres contre décharge).

NB   : L’employeur, en ne faisant pas jouer la procédure simplifiée prévue par l’article L.1332-2, semble envisager une sanction plus lourde que l’avertissement. Néanmoins, ce n’est pas parce qu’il a choisi de suivre la procédure légale que l’employeur a lié son pouvoir disciplinaire : il pourra toujours choisir de prononcer un avertissement, s’il estime cette sanction suffisante (Cass. soc., 16 avr. 2008, D. 2008, Pan.2314, obs. AMAUGER-LATTES).

Conclusion : M. BOUZEKRI, à ce stade la procédure, ne peut contester la justification de la sanction disciplinaire qui sera éventuellement prononcée, puisqu’il s’est rendu coupable d’une faute disciplinaire en violation une obligation professionnelle licite (la note de service).Néanmoins, il pourra alléguer d’une irrégularité formelle concernant l’absence de mention dans la lettre de convocation de la possibilité de se faire assister par un membre du personnel de l’entreprise. La sanction de l’inobservation d’une règle formelle est laissée à la libre appréciation des juges du fond (Cass. soc., 8 juil. 1985, Bull. civ. V, n°406). Ils pourront soit annuler la sanction (art. L.1333-2.   Sauf si la sanction prononcée est un licenciement, art. L.1333-3), soit allouer des dommages et intérêts (en effet, le pouvoir d’annulation reconnu au juge par la loi n’est qu’une faculté, le juge pouvant préférer une réparation par voie d’indemnisation. Cf. Cass. soc.. 23 mars 1989, Dr. soc., 1989.504, note J. SAVATIER)

M. BOUZEKRI pourra donc, si une sanction lui est infligée, saisir le Conseil de Prud’hommes de ce grief.

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