DROIT DES AFFAIRES -...

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    DROIT DES AFFAIRES - PRATIQUE PROFESSIONNELLE

    NUMERO6

    Janvier2016

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    DIRECTEUR DE PUBLICATION

    Dr Flix ONANA ETOUNDI, Magistrat, Enseignant-Chercheur HDR, Directeur Gnral de lERSUMA

    COMITE DE REDACTION

    Pr Patrice Samuel A. BADJI, Agrg des Facults de droit, Universit

    Cheick Anta Diop de Dakar, Sngal Dr Karel Osiris Coffi DOGUE, (LL.D. Montral), Chef des Services

    Etudes, Formations et Recherche, ERSUMA Dr Amina BALLA KALTO, Assistante la FSEJ/UAM Dr KENGUEP Ebnzer, Charg de cours la Facult des Sciences

    Juridiques et Politiques, Universit de Douala, Cameroun Madeleine LOBE LOBAS, Matre de Confrences en Droit priv, HDR,

    Universit de Haute-Alsace, Mulhouse, CERDACC, EA n 3992 Dr SUNKAM KAMDEM Achille, Charg de cours, Universit de BUEA,

    Cameroun. Dr DJILA Rose, Charge de cours FSJP, Universit de DSCHANG,

    Cameroun Dr. Priscille Grce DJESSI DJEMBA, Assistante la Facult des

    Sciences Juridiques et Politiques de lUniversit de Douala, Cameroun SECRETARIAT DE LA REVUE :

    Dr Karel Osiris Coffi DOGUE, (LL.D. Montral), Chef des Services Etudes, Formations et Recherche, ERSUMA

    Justin MELONG, Juriste traducteur/Interprte, ERSUMA Ghislain OLORY-TOGBE, (M.Sc.), Juriste de Recherche, ERSUMA Patrice TOSSAVI, Informaticien Webmaster, ERSUMA

    SOMMAIRE Doctrine

    1- Les orientions du lgislateur OHADA dans lAUSCGIE rvis par Patrice Samuel A. BADJI, Agrg des Facults de Droit, UCAD.. 9

    2- La loi camerounaise sur le crdit-bail l'aune des lgislations CEMAC et OHADA par Yvette Rachel KALIEU ELONGO, Professeur agrge de droit priv, Universit de Dschang 35

    3- Le formalisme de la saisie immobilire en droit OHADA , par Guy TSESA,

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    Magistrat,. 51

    4- La question de la dfinition du contrat en droit priv : essai dune thorie institutionnelle , par MONEBOULOU MINKADA Herv Magloire, Ph./D en droit priv,.. 89

    5- La protection des cranciers du vendeur de fonds de commerce dans l'espace OHADA par Dr Amina BALLA KALTO, Assistante la FSEJ/UAM ...129

    6- Linfraction datteinte au patrimoine des entreprises publiques et parapubliques dans lespace OHADA , par Dr. KENGUEP Ebnzer Charg de cours la Facult des Sciences Juridiques et Politiques Universit de Douala Et FOKOU Eric, Doctorant la Facult des Sciences Juridiques et Politiques, Universit de Douala ..... 157

    7- Le risque pnal li la gestion de la commune au Cameroun. Etude de droit compar , Madeleine LOBE LOBAS, Matre de Confrences en Droit priv, HDR, Universit de Haute-Alsace, Mulhouse, CERDACC, EA n 3992 .. 175

    8- Reflexions sur lespace judiciaire ohada , Vronique Carole Ngono, Assistante la FSJP de luniversit de douala.197

    9- Linformation des associs, une exigence fondamentale du droit des socits ohada ? , Marcel Williams Tsopbeing, Assistant la facult des sciences juridiques et politiques, de luniversit de Yaound 2 ..225

    10- Le cautionnement mutuel et linclusion financire en afrique , Willy Tadjudje, Docteur en droit priv, Charg de cours associ lUniversit du Luxembourg 259

    11- La preuve de la loi trangre en droit ivoirien , Alla Koffi Etienne, Enseignant-chercheur lUFR SJAP de lUniversit Flix Houphout-Boigny dAbidjan-Cocody, Cte dIvoire.273

    Etudes 1- Pratique de la conciliation en matire dinjonction de payer OHADA , par Dr Karel Osiris Coffi DOGUE et Valencia ILOKI 305 2- Rflexion sur le systme de rgulation institutionnelle de lactivit bancaire dans la CEMAC , par Dr SUNKAM KAMDEM Achille, Charg de cours, Universit de BUEA.... 327 3- La simplicit et la rapidit du recouvrement des crances sous OHADA : chec en Rpublique Dmocratique du Congo , par LEBON KALERA Marcellin, Assistant la facult de droit de lUniversit de Goma

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    Avocat au Barreau de Goma . 341 4- Focus sur la sanction par la jurisprudence camerounaise, des fautes de gestion des commissaires aux comptes auprs des entreprises du secteur public et para public , par Dr DJILA Rose, Charge de cours FSJP, Universit de DSCHANG, Cameroun 362 5- Le devoir dalerte du commissaire aux comptes dans les socits commerciales de lespace OHADA , par Dr. Priscille Grce DJESSI DJEMBA, Assistante la Facult des Sciences Juridiques et Politiques de lUniversit de Douala, 379 6- Le Ministre Public et la mise en mouvement de laction civile en droit de la proprit intellectuelle dans lespace OHADA , par NGOO Samuel Emmanuel, Juge dInstruction au Tribunal de Premire et Grande Instance de Nanga- Eboko et NGUELE MBALLA Fabrice, Juriste-Consult.. 403

    7- Scolie sur quelques points du formalisme de lexcution des dcisions de justice non rpressives en droit OHADA , par Sara Nandjip MONEYANG, Charge de Cours, Facult des sciences juridiques et politiques, Universit de Douala.. 417 8- Le droit de rtention dans le nouvel Acte uniforme portant organisation des srets : sret active ou passive ? , par Docteur NJUTAPVOUI Zakari, Assistant au Dpartement de Droit Priv Fondamental, Universit de Douala, Cameroun 433 9- Le rgime procdural de lautorit de la chose juge en procdure civile camerounaise : Rflexions sur une volution jurisprudentielle de la Cour suprme partir dun arrt de la C.C.J.A. , par Lon HOUNBARA KAOSSIRI, Assistant, Facult des Sciences Juridiques et Politiques, Universit de Ngaoundr (Cameroun) ... 449 10 - La procdure de saisie conservatoire des navires : le chemin de croix des justiciables camerounais , par Dr. KENGUEP Ebnzer, Charg de cours la Facult des Sciences Juridiques Et Politiques de lUniversit de Douala 469 11- La responsabilit pnale des dirigeants sociaux du fait dinfractions non intentionnelles , par Docteur DIKOR Alain Michel Ebele, Charg de cours la FSJP, Universit de Douala, Cameroun 487 12- Lassurabilit du risque de dveloppement dans lespace CIMA , par BEKADA EBENE Christianne Nicole, Assistante, Facult des Sciences Juridiques et Politiques, Universit de Douala, (Cameroun) . 503 Pratique Professionnelle

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    1- Le vu de pauvret des religieux en RDC: une embche lexcution des

    dcisions judiciaires conformment lacte uniforme sur les voies dexcution ? , par LELO PHUATI Evariste, Assistant lUniversit Prsident

    Joseph Kasa Vubu en R.D. Congo/Boma.... 529

    2- Le Rglement du contentieux communautaire par la Chambre Judiciaire de la Cour de Justice de la CEMAC par Georges TATY, Juge la Cour de Justice de la CEMAC. 545 3- La disharmonie1 sur la question de la responsabilit des auxiliaires de transport maritime en Afrique centrale : Un essai dharmonisation inacheve du lgislateur communautaire de 2012 , Par TANKEU Maurice, ATER FSJP- Universit de Dschang557 4- Libres propos sur lindpendance de lauditeur legal des socits anonymes OHADA , par DIDIER TAKAFO-KENFACK, Docteur en droit- Assistant a luniversite de Bamenda (Cameroun), 579 5- La confidentialit dans la procdure arbitrale dans lespace OHADA , par Cdric Carol. TSAFACK DJOUMESSI, ATER la Facult des Sciences Juridiques et Politiques de lUniversit de Dschang, Cameroun,..591 6- Vers la prevalence de lirresponsabilite arbitrale en droit OHADA ? , Par MAFO DIFFO Raymond, DOCTORANT A LUNIVERSITE DE YAOUNDE 2 SOA, 599

    1 Situation caractrise par une absence dharmonisation. Peuvent tre considrs comme synonyme les termes tels que disparit, discordance.

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    EDITORIAL Toujours fidle sa vocation et sa notorit dsormais incontestable, la Revue de lERSUMA narrte pas de surprendre avec la qualit et la diversit de ses articles. Cette sixime parution (numro 6) en est une fois encore la preuve clatante. La cuve intellectuelle actuelle se laisse dguster toute seule. Le comit de rdaction a slectionn pour vous en premier un article qui permet de cerner les grandes orientations du lgislateur OHADA dans lAUSCGIE rvis. Toujours relativement ce texte, le rle tendu du commissaire aux comptes galement auditeur lgal de la socit, a retenu lattention de trois contributions portant sur le devoir dalerte et la sanction par la jurisprudence des fautes de gestion que ce dernier peut commettre auprs des entreprises du secteur public et para public. En restant dans les eaux profondes des matires fondamentales du droit quon ne saurait occulter dans une publication scientifique de lordre de cette Revue, nous assistons travers un article de ce numro 6 une tentative de systmatisation dune thorie institutionnelle du contrat en droit priv tandis quun autre crit fait des dveloppements sur la protection des cranciers du vendeur de fonds de commerce dans l'espace OHADA. Le droit linformation des associs retient quant lui lattention heureuse dun autre contributeur. Toujours pour rendre compte de la richesse scientifique de cette parution, les contrats spcifiques daffaires notamment le crdit-bail trs peu document dans nos lgislations nationales et envisag comme domaine futur dharmonisation par le lgislateur de lOHADA, a proccup une auteure non moins connue du paysage universitaire africain, avec un focus en droit camerounais. LActe uniforme sur les procdures simplifies de recouvrement et les voies dexcution a galement la part belle dans cette parution de la Revue de lERSUMA. En effet, alors que des auteurs sy intressent quant leffectivit de la simplicit et de la rapidit du recouvrement des crances OHADA, cest un double exercice de critique doctrinal et jurisprudentiel dun mode alternatif de rglement des diffrends autre que larbitrage, que se livre dautres propos de la conciliation prvue dans la procdure dinjonction de payer de lOHADA. Le formalisme et la complexification procdurale en gnral de cet Acte uniforme sur les procdures simplifies de recouvrement et les voies dexcution sont ensuite largement mis lhonneur travers deux contributions relatives lune la saisie immobilire et lautre lexcution des dcisions de justice non rpressives dans lespace OHADA. En marge de cet Acte uniforme majeur, un contributeur a choisi le droit spcial de la saisie des navires comme champ inusit de sa production intellectuelle. Au titre des dernires contributions doctrinales, cest la responsabilit pnale des dirigeants sociaux pour des fautes non intentionnelles ainsi que le droit des assurances notamment lassurabilit du risque de dveloppement qui a occup deux auteurs retenus par le comit de rdaction dans cette parution.

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    Pour ce qui est de la pratique professionnelle, le droit bancaire sinvite ensuite au travers dune rflexion sur le systme de rgulation institutionnelle de lactivit bancaire dans la CEMAC. Et comme des poupes russes, la recherche effrne du lucre appelant souvent des infractions, les critiques du systme bancaire dpeintes par lauteur font place encore une srie darticles sur le droit pnal des affaires dont le lecteur se dlectera dans cette parution. La symphonie intellectuelle ne sarrte pas l puisque qui dit droit bancaire, dit sret et cest donc tout naturellement que le secretariat scientifique de la Revue a retenu pour vous des articles sur le droit de rtention comme sret nouvelle de lOHADA. A la suite de ces matires, de nombreux autres domaines du droit des affaires en Afrique sont concerns dans cette parution notamment le droit des socits coopratives, le contentieux communautaire, le droit du transport maritime, le droit de larbitrage, etc. Au regard de ce qui prcde, et en notre qualit de Directeur de publication, il ne nous reste plus qu souhaiter, nos lecteurs de parcourir ce numro avec autant de plaisir que nous avons eu dabngation finaliser sa conception et sa publication. Notre dernier mot cependant en est un de remerciement, lendroit de la communaut scientifique dAfrique et dailleurs, qui continue de faire montre dun engouement et dun intrt renouvels pour la Revue de lERSUMA : Droit des affaires et pratique professionnelle au fil des annes. Cest elle justement qui nous permet de continuer crire en lettres dor, et notre manire lhistoire intellectuelle de lAfrique !

    Le Directeur Gnral

    Flix ONANA ETOUNDI

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    Les orientions du lgislateur OHADA dans lAUSCGIE rvis Patrice Samuel A. BADJI

    Agrg des Facults de Droit, UCAD. 1. Aucun droit nvolue en vase clos et ce depuis lavnement de la mondialisation2 et de linfluence rciproque des disciplines3, mme si galement lunification du droit, et notamment du droit priv est pour le moment utopique. Cependant, chaque droit subit linfluence dautres droits, ce qui peut amener le lgislateur concern orienter son droit. Le droit OHADA nchappe gure cette influence. En effet, depuis belle lurette, un important mouvement de rforme du droit des affaires OHADA a vu le jour en vue de faciliter lactivit juridique et sadapter son rythme4. Ces rformes entreprises qui sont la proccupation fondamentale des juristes de lespace OHADA tmoignent de ladaptation du droit au fait qui se drobe au fil des annes5. On serait tent de se poser la question suivante : en reformant son droit des socits6, quelles orientations7 le lgislateur OHADA a-t-il pris ? Celles-ci sont-elles conformes la marche du monde ? 2. De faon gnrale, lorientation prise par le lgislateur OHADA est lattractivit du droit8, en vue dattirer les investisseurs. Ainsi, il savre ncessaire de livrer aux lecteurs, sans prtendre lexhaustivit, les ides forces des 920 articles de lAUSCGIE rvis, de dcouvrir travers ces dispositions, le fil conducteur de la nouvelle lgislation9. 3. Une fois les orientations du lgislateur dceles, dautres questions simposent : na-t-on pas ignor des questions importantes-ce qui est vident vu limmensit de la tche et les dangers de vouloir tout prvoir10-do sa probable amlioration. Cest dire que codifier est un art difficile11 et quil ny a aucun droit des affaires fig.

    2 V.Zaki Laidi, Mondialisation et droit, D.2007, P.2712. 3 V. Lanalyse conomique du droit (est-ce que le droit est performant ?), la law and managment ,(les entreprises peuvent-elles tirer profit du droit ?), law and finance. Un auteur (Pierre de Montalivet, La marketisation du droit , Rflexions sur la concurrence des droits, D.2013. P.2923.) parle galement de marketisation du droit.

    4F. Terre, Lentreprise franaise de rnovation des codes, RJPIC, n 1, Janvier-Mars, 1966, P.247. 5 F. Terre, op.cit., p.245. 6 LActe uniforme relatif au droit des socits commerciales et du GIE a t adopt le 30 juin 2014 Ouagadougou et publi au Journal officiel de lOHADA le 04 fvrier 2014. 7 Lorientation est dfinie comme laction de donner une direction dtermine, une tendance par le nouveau Petit Robert de la langue franaise, dition 2007. 8 V. Xavier Lagarde, Brves rflexions sur l'attractivit conomique du droit franais des contrats, Recueil Dalloz 2005 p. 27459 V. Pour une tude comparative, S. Guichard, Rflexions critiques sur les grandes orientations du Code sngalais de la famille, Penant, 1978, p.176, n 1. 10 On peut se remmorer la clbre formule de Portalis (Discours prliminaire sur le projet de Code civil, PP.6-8) un code doit se garder de la dangereuse ambition de vouloir tout rgler et tout prvoir... Un code, quelque complet qu'il puisse paratre, n'est pas plutt achev que mille questions inattendues viennent s'offrir au magistrat : une foule de choses sont donc ncessairement abandonnes l'empire de l'usage, la discussion des hommes instruits, l'arbitrage des juges... L'office de la loi est de fixer, par de grandes vues, les maximes gnrales du droit ; d'tablir des principes fconds en consquences, et non de descendre dans

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    4. Les orientations sinscrivent dans linnovation et dans la consolidation12. Il sagit galement dune codification droit constant13, dune codification dimitation14. Ainsi, le mode de financement de la socit anonyme a t facilit avec les valeurs mobilires composes et subordonnes. De mme, la nullit a tendance prendre le pas sur les clauses rputes non crites. En effet, une telle manire de procder montre bien que, mme si la socit rsulte dun acte de volont, la thorie institutionnelle [rvle du reste par larticle 1832 du code civil] prdomine dans le droit des socits contemporain15. En ralit, la libert contractuelle est fortement restreinte par le caractre impratif et dtaill des dispositions lgales, au point que, pour lui redonner vigueur, il a fallu instituer une autre forme de socit, la socit par actions simplifie16 5. En revanche, on peut se poser la question de savoir si le capital social est gage des cranciers sociaux17 ou si le droit de vote est un attribut des associs, si le trac des pouvoirs du Conseil dadministration et du Prsident directeur gnral est si clair quon serait port le croire18 ? 6. Avec lAUSCGIE rvis, le lgislateur OHADA sest inscrit dans une dynamique douverture voire de sensibilit aux autres systmes juridiques certes19, mais sans aller jusquau bout. Ainsi, si lanalyse des nouvelles dispositions permet de comprendre la direction emprunte par le lgislateur OHADA (I), des incertitudes demeurent

    le dtail des questions qui peuvent natre sur chaque matire... C'est au magistrat et au jurisconsulte, pntrs de l'esprit gnral des lois, den diriger l'application... . Mais les questions sur lesquelles le lgislateur OHADA ne sest pas prononc ne relvent gure du dtail et sont tellement importantes quelles ncessitent une intervention lgislative ; ce qui nexclut pas un interventionnisme judiciaire. 11 V. F. Terr et Anne Outin-Adam, Codifier est un art difficile (A propos dun Code de commerce ), D.1995. P.99. Pour ces auteurs, laborer un code, c'est d'abord dlimiter les corps de rgles destins y figurer, ce qui signifie : inclusions et exclusions. 12 Se contenter de recenser et de mettre en ordre les rgles existantes, parses, sans aucune modification de fond pour reprendre lexpression de P. Poncera et P. Lacunes, propos des codes [Reformer le code pnal, ou est pass larchitecte ?, collection, les voies du droit, PUF 1998, p.23. ces auteurs tablissent des principes de codification : cohrence, compltude, absence de contradiction dans les solutions quil envisage, clart, maniabilit, publicit. 13 Notamment rcrire les rgles anciennes, utiles et appliques quand elles sont devenues difficilement comprhensibles (V. Marc Suel, Essai sur la codification droit constant, Prcdents, Dbats, Ralisation, 1993, p. 210) 14 V. B. Oppetit, De la codification, D.1996, P.33. 15 B. Bouloc, Remarques sur lentre en vigueur du droit nouveau des socits, d la loi du 15 mai 2001, Mlanges Y. Guyon, Dalloz, 2003, p.142. 16 P. Bissara, Interdpendance et coopration des organes sociaux de la socit anonyme classique, Mlanges Y. Guyon, p.119. 17 V. B. Lecourt, Avenir du droit franais des socits et droit europen, Revue des socits 2/2004, p.251. Le lgislateur OHADA na pas permis comme en droit franais aux SARL dmettre des obligations V. Sur cette question en droit franais ; B. Saintourens, Lattractivit renforce de la SARL aprs lordonnance n 2004-274 du 25 mars 2004, Revue des socits 2/2004, p.207. 18 V. Article 435 et 465 alina 3 AUSCGIE. Pour un auteur, [P. Bissara, Interdpendance et coopration des organes sociaux de la socit anonyme classique, Mlanges Y. Guyon, op.cit., p.117], limprcision du vocabulaire renforce bien entendu le flou des frontires de comptences : quelles sont exactement les diffrences entre administration, gestion et direction, et a laquelle de ces catgories appartient la notion de question intressant la bonne marche de la socit ? 19 Nous pensons au systme de la common law et de la civil law notamment le droit franais.

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    nanmoins, do par souci de cohrence, inciter le lgislateur OHADA achever luvre entame (II). I/ Les orientations affirmes 7. Le lgislateur OHADA a cherch associer les travailleurs la gestion et au rsultat de lentreprise [A]. De plus, il soriente vers linstauration de plus de dmocratie dans le fonctionnement de la socit [B]. A/ Modification de la relation capital- travail dans le fonctionnement de la socit 8. Rendre le proltariat propritaire et l'ouvrier boursicoteur, voil une vieille lune qui a la vie dure20 . Voila un bien lointain souhait car les dmocraties sont des rgimes gostes, qui ne se proccupent pas de lintrt des non-citoyens, hier les esclaves, aujourdhui les trangers21. Partenaires qui participent troitement au devenir de lentreprise, ils se trouvent pourtant aux marchs de la socit qui lorganise. Il sagit de leur reconnaitre une vocation y entrer mais pour raliser une plus-value22. En effet, louvrier est, par l mme hors de lentreprise dans laquelle il travaille. Il nest ni copropritaire de lentreprise ni associ dans lentreprise. Il ne participe ni la proprit ni la gestion de lentreprise. Le contrat de travail qui lie le salari lentreprise, est un contrat de subordination ; ce nest pas un contrat dassociation23. Est-ce la justice ? La dignit du travailleur est-elle respecte ? Lquilibre entre les lments qui collaborent lentreprise : capital et travail, est-il ralis24 ? En effet, dans un monde extrmement concurrentiel, dans lequel les capitaux ne sont pas en eux-mmes crateurs de richesses, et ou les diffrentiations concurrentielles entre les entreprises et les crateurs de valeur dpendent principalement de linnovation, de la crativit, des ides et du travail des quipes des entreprises, lapport du capital humain est essentiel25. 9. Le lgislateur OHADA est sensible la situation des salaris qui concourent au dveloppement de la socit commerciale. Cela sest manifest dabord par la possibilit pour ces derniers dtre membre du conseil dadministration, ensuite, le rachat de ses propres actions par la socit pour les attribuer aux salaris et enfin avec la rforme, la possibilit pour les salaris de se voir attribuer de faon gratuite des actions. Cette dmarche est symbolise par ce que les conomistes appellent la

    20 F. Znati, RTD civ. 1987. 182, n 54. 21 Y. Guyon, op.cit., p.143, bas de page 28. 22 J.P.Gastaut, Lassoci de passage ou lintressement du crateur dentreprise et des salaris, Mlanges Honorat, p.267. 23 L.mazeaud, La doctrine sociale de Mater et Magistra : droit du travail et droit des socits, Mlanges J. De la Morandiere, Dalloz, 1964, P.387. 24 L. Mazeaud, ibid 25 J. Paillusseau, La logique organisationnelle dans le droit. Lexemple du droit des socits, Mlanges J. Beguin, Droit et actualit, Litec, 2005, P.589, note de bas de page 39.

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    valeur partenariale de lentreprise26. Ce terme largit les proccupations des dirigeants aux autres parties prenantes27. 10. Les salaris attributaires dactions gratuites acceptent-ils les risques auxquels les associs sont exposs ? Au regard de larticle 626-1 de lacte uniforme relatif au droit des socits28, il faut rpondre par la ngative. En effet, lattribution gratuite dactions est une mesure de fidlisation et dintressement des salaris. On cherche les impliquer davantage dans la famille entreprise savoir les socits anonymes. Mais la contrepartie cest la stricte rglementation de la procdure dattribution gratuite car le nombre dactions possdes ne doit tre suprieur 10%. De mme, on ne peut attribuer un salari ayant plus de 10% du capital social des actions gratuites. Plus encore, les actions attribues ne donnent pas droit aux dividendes.29 11. Si lattribution gratuite dactions permet de faire participer les salaris la gestion de la socit commerciale, elle peut nanmoins susciter des rserves et ce, eu gard lexpression certaines catgories dentre eux contenue larticle 626-1 prcit, propos des salaris. Sur quel critre se baser pour discriminer certains salaris au profit dautres. Cette discrimination si justifie soit-elle peut elle apaiser le climat social ? Rien nest moins sr. 12. De plus, les salaris nont pas le droit, comme en France, travers le comit dentreprise, de demander une expertise de gestion, de dclencher lalerte, la dsignation dun mandataire charge de convoquer une assemble gnrale des actionnaires en cas durgence. 13. Ils ne bnficient pas non plus du wistleblowing ou alerte professionnelle, thique. Une doctrine en a propos la dfinition suivante : un dispositif d'alerte professionnelle est un ensemble de rgles organisant la possibilit pour un salari ou toute autre personne exerant une activit dans une entreprise de signaler au chef d'entreprise ou d'autres personnes dsignes cet effet : - des actes contraires des dispositions lgislatives ou rglementaires, aux dispositions des conventions et accords collectifs de travail applicables l'entreprise ou des rgles d'origine thique ou dontologique, qui nuisent gravement au fonctionnement de l'entreprise ; - des atteintes aux droits des personnes et aux liberts individuelles qui ne seraient pas justifies par la nature de la tche accomplir ni proportionnelle au but recherch ;

    26 B. Marois, P. Bompoint, Gouvernement dentreprise et communication financire, Economica, 2004, Collection connaissance de la gestion , P.87. A ct de la valeur partenariale, il y a celle actionnariale. 27 Il sagit des fournisseurs qui approvisionnent lentreprise en matires premires, composants ou quipements, des clients que la socit doit satisfaire si elle souhaite les conserver et des salaris qui dtiennent le savoir et le savoir faire. V. B. Marois, P. Bompoint, ibid. 28 Aux termes de cet article, lassemble gnrale extraordinaire peut, sur le rapport du conseil dadministration ou de ladministrateur gnral, autoriser le conseil dadministration accorder aux salaris des actions gratuites. 29 Article 640 alina 7 AUSCGIE.

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    - des atteintes la sant physique et mentale des salaris30 . 14. Quelle est la position de la Cour de cassation franaise et de la CNIL sur la question ? Dans un arrt rendu le 8 dcembre 2009, la Cour de cassation s'est prononce sur le contenu de l'un de ces codes labors dans la mouvance de la loi amricaine Sarbanes-Oxley, adopte aprs les scandales Enron et Worldcom. L'affaire concerne Dassault Systmes, une filiale franaise du groupe Dassault cote au Nasdaq et qui, en octobre 2004, a rsolu de faire signer ses salaris un document intitul Code de conduite des affaires. Destin faciliter le dclenchement d'alertes pour prvenir les malversations ou des cas de corruption, ce texte soumettait les salaris employs en France une obligation de rserve drastique et prvoyait notamment que, au-del de l'interdiction classique de divulgation d'informations confidentielles (processus, recherches, contrats en discussion, etc.), un salari ne pouvait diffuser des informations caractre interne qu'aprs autorisation pralable de la direction. Ce mme code instaurait un dispositif d' alerte professionnelle , afin de permettre tout salari de rapporter anonymement, via une plate-forme sur l'Intranet de l'entreprise, des faits qui, en dfinitive, pouvaient ne pas se rvler dlictueux puisque le salari disposait du choix de cocher, sur cette page, une case : corruption , dlit d'initi , malversations ... ou autres . Craignant la fois le billon et la dlation , et estimant qu'un tel document portait atteinte aux liberts fondamentales des salaris, un syndicat saisit avec succs le tribunal de grande instance (TGI) de Nanterre d'une demande visant l'annuler. Censure par la cour d'appel de Versailles, la position des premiers juges a cependant t confirme par la Cour de cassation, dont la dcision conforte, nous semble-t-il, l'opinion selon laquelle - loin d'chapper toute analyse juridique -, le concept de responsabilit sociale des entreprises (RSE), au nom de laquelle sont donc adopts codes et autres normes, s'exerce aujourd'hui dans un cadre juridiquement contraignant31. Pour la CNIL, lalerte doit remonter jusquaux dirigeants et faire intervenir dautres organes tels que le commissaire aux comptes et les reprsentants du personnel. Cest ainsi que le 26 mai 2005, elle a refus dautoriser deux projets de lignes thiques destines au signalement par des salaris de comportements fautifs imputables leurs collgues de travail au motif que ces projets pourraient conduire un systme organis de dlation professionnelle32 15. Enfin, lpargne salariale nest pas prvue. Celle-ci sinscrit dans une logique de participation financire33. Cette notion regroupe lintressement des salaris lentreprise, la participation aux rsultats de lentreprise, les plans dpargne et les plans dpargne collectif.

    30 P.-H. Antonmattei et Ph. Vivien, Chartes d'thique, alerte professionnelle et droit du travail franais : tat des lieux et perspective. Rapport au ministre dlgu l'emploi, Doc. fr., 2007, p. 35. 31 Chambre sociale de la Cour de Cassation du 8 dcembre 2009, Droit ouvrier, 2010, note J. Porta, p. 244 cite par I. Desbarats, Alertes, codes et chartes thiques lpreuve du droit franais, D.2010, P.548. 32 G. Lhuilier, P. Dalion, Droit des socits, 2e dition Catherine Maug, 2012, collection Manuel & Applications , P.592. 33 Jean-Philippe Lieutier, Participation financire, participation la gestion : philosophies et ambiguts de l'pargne salariale et de l'actionnariat salari, Droit social 2014, P.500.

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    Lintressement et la participation ont pour objet dassocier les salaris aux rsultats et performances de la socit, tandis que lpargne salariale est un outil de gestion des sommes ainsi perues. Aux Etats Unis, il existe des fonds de pension qui runissent les retraites des entreprises par un systme de capitalisation34. Lintroduction de ceux-ci sest pose en France o le systme de retraite comporte deux tages ; notamment celui de la scurit sociale et des cotisations des professionnelles gres par des reprsentants des salaris et employeurs35. 16. Le mutisme du lgislateur OHADA concernant la participation financire des salaris et les fonds de pension peut sexpliquer en partie par labsence dun Acte uniforme sur le droit du travail36. Au-del de lamoindrissement de la fracture capital et travail, le lgislateur OHADA sest donn pour objectif de promouvoir plus de dmocratie dans le fonctionnement de la socit. B/ La promotion dun fonctionnement plus dmocratique de la socit 17. Selon certains auteurs, le pouvoir dans la socit nappartiendrait pas au peuple des actionnaires runi en assembles gnrales37. En ralit, il serait exerc par les dirigeants, qui lont confisqu, de telle sorte que le fonctionnement de ces socits serait plus technocratique que dmocratique38. Peut-on transposer les techniques de la dmocratie aux socits commerciales ? Pour un auteur, cela nest pas possible dabord cause des objectifs poursuivis par la socit39, ensuite cause de la qualit des personnes en prsence savoir les actionnaires40 et le vote du budget de la socit41. Mais lauteur prcit nexclut pas toute ide danalogie entre la socit anonyme et le rgime dmocratique. A son avis, si dans les socits anonymes, la dmocratie nest pas une fin, elle est le moyen pour lactionnaire de sassurer que la socit est administre et dirige dune manire conforme ses intrts42. Les manifestations de la dmocratie sont la loi de la majorit, la sparation des pouvoirs, la protection des minorits, la diversification des

    34 P.Bezard, La mondialisation, la crise des marches financiers et lvolution de la rglementation applicable aux socits, Mlanges Y. Guyon, p.88. 35 Pour un approfondissement de la question, V. C. Qument, Les fonds de pension, RDSS, 1996, P.158. 36 Il y a un Avant-projet dActe uniforme relatif au droit du travail. V. Actes uniformes, in Encyclopdie OHADA, sous la direction de P.G. Pougou, Lamy, 2011, P.163. 37 V.J. Paillusseau, La modernisation du droit des socits commerciales, D.1996.291. 38 Y. Guyon, La socit anonyme, une dmocratie parfaite !, Mlanges C. Gavalda, Propos impertinents de droit des affaires, Dalloz, 2001, P.133, n 1. 39 Y. Guyon, op.cit., p.134, n 1. Pour lauteur, lobjectif principal de la socit cest de faire des bnfices ou de raliser des conomies. Par consquent, mieux vaudrait pour lactionnaire une socit dirige de manire dictatoriale, mais qui raliserait des profits, plutt quune socit parfaitement dmocratique qui ne gnrerait que des pertes. 40 Y. Guyon, p.134, n 2. Cest parce que dans un Etat, on parle de citoyens et dans une socit commerciale dactionnaires. Il sagit donc dans celle-ci dune dmocratie des capitaux et non des personnes physiques 41 Dans une socit, les assembles gnrales ne votent pas le budget, elles ne font quapprouver celui-ci, une fois lexercice clos. 42 Y. Guyon, op.cit., p.134, n 3.

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    modes de prises de dcisions43, la transparence, le renforcement des rgles du gouvernement dentreprise, la libert contractuelle et lintervention du juge.

    1. Renforcement des rgles du gouvernement dentreprise 18. La notion de gouvernement dentreprise dsigne les relations entre le conseil dadministration, les actionnaires et la direction de lentreprise44. Elle pose avec acuit la question de la rpartition du pouvoir au sein du conseil dadministration45 plus particulirement et de la socit commerciale de faon gnrale. Il ne faut pas se mprendre car la notion de pouvoir est multiforme et difficile cerner. Ce qui a fait dire un auteur quen droit priv, le terme pouvoir recouvre des sens si varis quil parait vain de prtendre en faire une quelconque thorie gnrale46. La dmocratie suppose que des contrles permettent de sassurer que le pouvoir sexerce bien dans lintrt de tous47. A titre dexemples de contrle, nous pouvons citer lexpertise de gestion et la prsence du commissaire aux comptes.

    a. Labaissement du pourcentage requis pour demander lexpertise de gestion.

    19. Lexpertise de gestion est prvue larticle 159 de lAUSCGIE modifi. Avant la rvision de lActe uniforme, seuls les associs reprsentants les 1/5 du capital social pouvaient demander la dsignation dun expert de gestion. Aujourdhui, ce sont les associs reprsentant le 1/10 du capital social qui ont ce privilge. Il sagit dune action attitre comme prvue larticle 1-2 du dcret 2001-1151 du 31 dcembre 2001 modifiant le Code de Procdure civile au Sngal48. Si en droit franais, la mise en uvre de lexpertise de gestion nest envisage que dans les SARL49 et les socits par actions50, en droit OHADA, lexpertise de gestion est possible dans toutes les formes de socits. Le rapprochement entre le droit OHADA et le droit franais que lon peut noter au del de la mise en place de linstitution, cest la condition de recevabilit de lexpertise de gestion notamment dans les SARL franaises51. 20. Linformation est-elle le seul critre de la demande dexpertise de gestion ? Un quilibre doit tre trouv la manire des juges parisiens dans un arrt du 9 dcembre 1994: si l'absence d'informations suffisantes sur la gestion d'importantes rserves et la dissolution d'une filiale justifient une demande d'information complmentaire, l'actionnaire minoritaire ne fournit aucun lment susceptible de

    43 Le vote par correspondance et le systme de visioconfrence. A propos de cette dernire, un auteur disait [C. D. Favard, Grandeur et dcadence des assembles gnrales dactionnaires, Mlanges Y. Guyon, op.cit., p.362] que la visioconfrence ne se limite pas mettre en correspondance ; elle introduit lactionnaire loigne dans le cnacle de lassemble. La prise de dcisions par visioconfrence est prvue larticle 535 alina 3. Pour le vote par correspondance, voir les dispositions communes toutes les socits commerciales notamment larticle 133-1 AUSCGIE. 44 B. Marois et P. Bompoint, Gouvernement dentreprise et communication financire, Economica, Collection connaissance de la gestion , 2004, P.105. 45 D. Hurstel, Est-il urgent et indispensable de rformer les droit des socits au nom de la corporate governance?, Revue des socits, 1995, P.633. 46 E. Gaillard, Le pouvoir en droit priv, Economica, 1985 collection Droit civil , P.7. V. J.J.Caussain, Le gouvernement dentreprise, Le pouvoir rendu aux actionnaires, Litec, 2005, p.89 et s.47 Y. Guyon, p.145, N 16. 48 J.O. n6052 du samedi 22 juin 2002. 49 Article L 223-37 du Code de commerce 50 Article L 225-231 du Code de commerce 51 Voir article L223-37 Code de commerce franais et 159 AUSCGIE.

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    faire prsumer que la gestion tait soit irrgulire, soit contraire l'intrt social. Aussi, n'y a-t-il pas lieu d'ordonner l'expertise sollicite sur ce fondement52 . Au regard de cette jurisprudence, il apparait que le juge franais fait de lintrt social le critre dterminant de la recevabilit de la demande dexpertise de gestion53. De mme, lexpertise de gestion ne peut tre demande que si elle est utile pour le demandeur. Cest pourquoi le juge franais a estim que tel nest pas le cas si le demandeur est suffisamment inform sur les oprations critiques54. 21. Un auteur a relev des ambigits de lexpertise de gestion 55prvue dans lAUSCGIE version ancienne. La dnonciation est loin de connaitre un pilogue tant entendu que les modes de saisine du juge devant autoriser la mesure ne sont pas prciss. Ce dernier doit-il tre saisi par requte aux fins de dsignation dun expert de gestion ou une assignation ? En labsence de prcision de la part du lgislateur OHADA, doit-on conclure quil sagit dune assignation en rfr en vue dobtenir une expertise de minorit comme en droit franais vu lidentit des conditions de mises en uvre de lexpertise de gestion entre les deux droits ? Le Tribunal Rgional Hors classe estime que son Prsident ne peut tre saisi que par requte ; par consquent, la procdure dexpertise de gestion nest pas en soi une procdure durgence56. Ce faisant, le recours au juge des rfrs nest envisageable que lorsquon est en prsence dune urgence57 Ce qui demeure certain cest lexistence dune urgence saisir le juge aux fins de dsignation dun expert de gestion.

    b. La gnralisation de la prsence du commissaire aux comptes dans les socits commerciales

    22. Depuis lAUSCGIE rvis, la dsignation dun commissaire aux comptes est envisageable de faon expresse dans des socits de personnes. Ainsi, aux termes de larticle 289-1 de lAUSCGIE, les socits en nom collectif qui remplissent, la clture de lexercice social, deux des conditions suivantes, sont tenues de dsigner au moins un commissaire aux comptes. Il sagit du total du bilan suprieur deux cent cinquante millions (250.000.000), du chiffre daffaires annuel suprieur cinq cent millions (500.000.000) et dun effectif permanent suprieur 50 personnes. Lassoci ou les associs reprsentant un dixime du capital social peuvent galement designer un commissaire aux comptes. Cette rgle sapplique galement aux socits en

    52 Bull. Joly 1995, 42, note P. Le Cannu. 53 V. RJDA, fvrier 1995, n268 et RJDA, juin 1998, n736. 54 V. Chambre commerciale de la Cour de cassation, 12 fvrier 2008, Comit central dentreprises de la Banque des Antilles franaises c/ Banque des Antilles franaises, note sous Adeline Cerati-Gautier, Revue des socits 2008, P.600. 55 S. Sorel Tamegh, Quelques ambiguts de lexpertise de gestion dans lActe uniforme OHADA relatif au droit des socits commerciales et du groupement dintrt conomique , Recueil dtudes sur lOHADA et lUEMOA, Vol. 1, dir. Jacques Mestre, Presses universitaires dAix-Marseille, coll. HJA, Aix-en-Provence, 2010, pp. 147-178 56 Tribunal rgional Hors classe de Dakar, Ordonnance de rfr n901 du 9 aot 1999, Hassane Yacine c/ Socit Nattes industries, Ibrahima Yazback et autres, Ohada.com/Ohadata J-02-198. 57 Cour dappel de Cotonou, arrt n256/2000 du 17/8/2000 RG n314/2000,affaire Socit continentale des Ptroles et dInvestissements et autres c/ Etat bninois, in OHADA, Jurisprudences nationales, n1-Dcembre 2004, P.81.

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    commandite eu gard larticle 293-158. La nature de lobligation qui pse sur le commissaire comptes est dtermine par la doctrine59 ; il sagit dune obligation de moyens60 23. Ces diffrentes dispositions viennent combler un vide : est-il obligatoire dans les socits de personnes (SNC et SCS) de dsigner un commissaire aux comptes ? Le mutisme du lgislateur OHADA avant la rforme en la matire a pouss croire que la dsignation est loin dtre obligatoire sauf clause contraire des statuts. Avec le nouvel Acte uniforme, si les conditions prvues par la loi sont remplies, la dsignation est obligatoire et aucune clause statutaire ou extrastatutaire ne peut y droger. On remarque que le besoin de transparence par le contrle exerc par le commissaire aux comptes sur lexercice du pouvoir nest pas lapanage exclusif des socits responsabilit limite61, dont dailleurs les conditions de dsignation dun commissaire aux comptes (CAC) ont volu, et des socits par actions62. c. La transparence concernant les rmunrations 24. Limportance en valeur absolue ou en valeur relative de la rmunration des dirigeants a, dit-on, pour contrepartie, la prcarit du statut des dirigeants des socits, rvocables ad nutum dans la socit anonyme de type classique63. Les rmunrations sont nombreuses : jetons de prsence64, rmunrations exceptionnelles65, indemnit de fonction66 remboursement des frais67, le salaire dcoulant du contrat de travail68. Le conseil dadministration lit un prsident et dtermine sa rmunration. Or, on trouve frquemment la pratique suivante : le conseil dlgue au comit de rmunration tous pouvoirs pour ce qui est de la rmunration du prsident, aux fins

    58 Les dispositions relatives aux socits en nom collectif sont applicables aux socits en commandite simple, sous rserve des rgles prvues au prsent livre. Le livre 2 en question intitul Socit en commandite simple est relatif la dfinition de la socit, aux rgles de constitution, de grance, de prise de dcisions, de contrle et de dissolution de la SCS. 59 P. Merle, Droit commercial, Soc. Com. Dalloz, 6e d., n519. 60 V. Cour dappel de Bordeaux, 7 mars 1990, Revue de jurisprudence commerciale, 1991, P.215. Pour la Cour de cassation, Com, 9 fvrier 1988, Revue des socits, 1988, P.555. 61 Avant le nouvel Acte uniforme, la dsignation dun commissaire aux comptes ntait obligatoire dans les SARL quaux conditions alternatives suivantes : capital social suprieur dix millions, chiffre daffaire annuel suprieur 250.000.000 et effectif permanent suprieur 50 et lorsque un ou plusieurs associs dtenant au moins le dixime du capital social lexigent. Avec lacte uniforme rvis, toutes les autres conditions sont requises sauf celle relative au capital social remplac par le total du bilan qui doit tre suprieur 125.000.000. 62 Il sagit de la socit anonyme, de la socit capital variable et de la socit par actions simplifie. A rappeler que la socit capital variable est soit une socit anonyme tenue de dsigner un commissaire aux comptes et un supplant lorsquelle ne fait pas appel public lpargne et au moins deux commissaires aux comptes et deux supplants dans lhypothse contraire au sens de larticle 702 AUSCGIE, soit une socit par actions simplifie dans laquelle la dsignation dun commissaire aux comptes obit aux mmes conditions que celles des SARL. 63 E. De Pontavice, La fixation de la rmunration des organes de direction et de surveillance de la socit anonyme, Mlanges en lhonneur de Daniel Bastian, Tome 1, p.177. Pourtant, il existe une maxime dAuguste Dtour selon laquelle les dirigeants nont pas droit la scurit. 64 Le juge franais a estim que cest le conseil dadministration et non son Prsident qui est comptent pour accorder des jetons de prsence, [CA Paris, 28 septembre 1990, D.1990, IR 269]. 65 Article 432 AUSCGIE. 66 Article 431 AUSCGIE. 67 Article 432 alina 1. 68 V. article 515 AUSCGIE pour ladministrateur gnral.

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    de fixer cette rmunration69. Au surplus, aucun procs-verbal ultrieur ne porte approbation formelle du conseil sur le montant de cette rmunration, pas mme un bref compte rendu des accords intervenus. Tant et si bien que le commissaire aux comptes ne dispose daucun lment juridique pour contrler si les rmunrations servies sont rgulires70. 25. En France, sous lempire de larticle 40 de la loi de 1867, laccord sur la rmunration des dirigeants par le conseil dadministration tait une convention passe entre la socit et un administrateur. Mais aujourdhui, cest un acte unilatral et institutionnel. Cest le cas en droit OHADA71. 26. Les comits peuvent-il fixer la rmunration ? Il est logique que le comit des rmunrations soit appel jouer un rle important en dterminant la part variable de la rmunration des mandataires sociaux et en apprciant aussi lensemble des rmunrations et avantages perus par les dirigeants et ventuellement les avantages en matire de retraite72. Seulement les avis des comits ne simposent pas au conseil dadministration. Cela est comprhensible, vu que cest le conseil qui fixe la composition et les attributions des comits. Ces derniers exercent leur activit sous sa responsabilit73. La chambre commerciale de la Cour de cassation franaise a refus de valider la procdure suivie qui avait consist faire fixer la rmunration par une Commission ad hoc74. Pour le juge, il appartenait au Conseil dadministration de se prononcer sur la question 27. Qui doit avoir des informations sur la rmunration des organes de direction ? En la matire, il y a une constante : les pesanteurs du secret des affaires et des rmunrations. En effet, le secret est une libert fondamentale, plus que l obligation de transparence. Aprs tout, lhomme nest transparent que devant Dieu75. Pourtant, afin de rpondre cette seconde question, il convient denvisager les rapports organes de direction et actionnaires et organes de direction et personnel de lentreprise. 28. Dans le premier cas, le rapport spcial prvu dans lAUSCGIE notamment en son article 432 alina 2 est destin lassemble des associs. Si lon devait se limiter larticle prcit, on peut dire que les rmunrations perues par les dirigeants ne doivent pas tre portes la connaissance des salaris. De mme, seules les rmunrations exceptionnelles, lexclusion de celles lies aux fonctions dadministrateurs doivent tre connues des seuls associs. Mais cest sans compter avec larticle 831-3 AUSCGIE qui exige la publicit du rapport rdig par le prsident du conseil dadministration (PCA) contenant la composition du conseil dadministration, ses conditions de fonctionnement, les dispositions cartes et les

    69 E. De Pontavice, op.cit., P.197. 70 E. De Pontavice, ibid., p.197. 71 V. Les articles 467 AUSCGIE pour le PDG, 474 AUSCGIE pour le DG adjoint, et 482 pour le PCA, 490 pour le DG. 72 P. Bezard, op.cit., p.101. 73 Article 437 AUSCGIE. 74 V. Chambre commerciale de la Cour de cassation, 4 juillet 1995, de la Fournire c/ Aymard et socit Banque Transatlantique, D. 1996, P.186, note J.-C Hallouin. Cet arrt rendu le 4 juillet 1995 a t confirm par un autre du 13 fvrier 1996 (RJDA, juin 1996, n801). 75 Parleani, in Rev. Trim.dr.civ. 1996.522.

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    raisons de cette exclusion lorsque la socit se rfre volontaire un code de gouvernement dentreprise. Cest ce mme rapport qui doit contenir les rmunrations alloues aux mandataires sociaux. Il sagit non seulement des golden hello qui ne sont pas les bienvenus76 en droit franais et des parachutes dors voire des pensions de retraite. 29. Quelle devrait tre la place des actionnaires en matire de rmunrations des mandataires sociaux : doivent-ils avoir un mot dire ? Cest le fameux say on pay , principe du vote consultatif des actionnaires sur la rmunration individuelle des dirigeants mandataires sociaux77. Ce principe a t institu afin quil y ait une corrlation entre la rmunration et la performance des entreprises. Les golden hello, parachutes dors et pension de retraite prvus larticle 831-3 AUSCGIE doivent-ils tre soumis la procdure des conventions rglementes ? En permettant aux actionnaires davoir une voix consultative sur la rmunration des mandataires sociaux ne modifie-t-on pas le principe de hirarchie78 ? Lengagement-pour rpondre la premire question-que prend la socit au bnfice de ses mandataires sociaux est une convention dfinie comme tant un accord de volont destin produire un effet de droit quelconque79. En acceptant le versement dune prime darrive ou dun parachute dor, la socit cherche quelques fois et respectivement attirer les dirigeants comptents, les motiver et pallier les inconvnients de la rvocation ad nutum. Cest donc daccord-parties avec les dirigeants que ces primes sont verses. Il donc normal que la procdure de la convention rglemente soit respecte, do lexclusion de toute ide de modification du principe de hirarchie. Il faut noter que le lgislateur OHADA sest inspir de la loi n 2005-842 du 26 juillet 2005 pour la confiance et la modernisation de l'conomie et les socits par actions dite loi Breton80 qui, de faon expresse, a consacr la soumission des rmunrations dues en raison de la cessation ou de la prise de fonctions accordes aux mandataires sociaux la procdure des conventions rglementes. Seulement, le lgislateur OHADA est rest muet sur la procdure

    76 V. P. Le Cannu et B. Dondero, La prime darrive nest pas la bienvenue en droit des socits, RTDCom 2010, P.748. La question qui tait pose tait celle de savoir si un dirigeant en fonction est fond percevoir une somme dargent, gnralement importante, de la socit du seul fait de sa prise de dcision. La Cour dappel de Paris, le 27 fvrier 2009 a dclar le dirigeant dune SAS coupable dabus de biens sociaux parce quil sest fait verser une prime darriver de 785 112, 44 euros. Elle a t suivie par la Cour de cassation. Il faut galement faire remarquer quau sein de lopinion franaise, la prime darrive na pas bonne presse. Cest ce qua pu constater Jean-Louis Porquet, journaliste au canard enchain (in Que les gros salaires baissent la tte !, Michalon, 2005, P.81) : pour souhaiter la bienvenue aux nouveaux pdgs, les Amricains ont coutume de leur offrir une liasse de dollars. Ils appellent a le golden hello. Toujours curieux des coutumes trangres, nos pdgs nationaux-certains dentre eux, du moins-ont tellement apprci ce rite folklorique quils lont import ! 77 Y. Paclot, Gouvernance d'entreprise : la rvision du code Afep-Medef prfre la loi, Bull. Joly 2013. 556. 78 Suivant ce principe, au sommet de la socit anonyme il y a lassemble des associs, puis le conseil dadministration et enfin les directeurs gnraux. V. P. Bissara, Interdpendance et coopration des organes sociaux dans la socit anonyme classique, Mlanges Y. Guyon, Aspects actuels du droit, 2003, P.118, n3. 79 Lexique des termes juridiques, 12e dition, 1999 (dir. Raymond Guillien et J. Vincent), P.152. 80 J.O, 27 juillet 2005, P.12160.

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    applicable. Il en est de mme de son silence sur le rapport tablir entre la rmunration perue et les performances de la socit prvu en droit franais par la loi n 2007-1223 du 21 aot 2007 relative au rgime des rmunrations, indemnits et avantages caractre diffr en faveur des dirigeants de socits anonymes inscrites sur un march rglement81 . 30. En tout tat de cause, le besoin de transparence est beaucoup plus pressant lgard des pargnants, cest--dire ceux qui prtent de largent la socit, sans avoir la qualit dassocis82. Ces pargnants peuvent tre qualifis d investisseurs si lon sen tient larticle 832 AUSCGIE. d. La conscration du principe appliquer ou expliquer . 31. Sont concernes les socits qui font appel public lpargne. Si lexpression appel public lpargne est supprime en France, au profit de celle d offre de titre au public , tel nest pas le cas en droit OHADA. Les entreprises la recherche de financements pour assurer leur dveloppement ou leur permettre de surmonter leurs difficults ont la possibilit de sadresser des organismes de crdit ou de se tourner vers les marchs financiers83. Elles sadressent souvent, pour des raisons de souplesse et de contraintes moindres, vers les marchs financiers ou elles placent, selon la politique quelles entendent suivre, des titres de capital ou de crances84. Cest dans ces socits o lexistence de transparence est la plus exige. Ainsi, le principe comply or explain en droit OHADA est prvu larticle le 831-2 AUSCGIE alina 2. 32. Deux hypothses sont prvues. La premire est celle o un code existe et la socit dcide certes de sy rfrer mais en cartant certaines dispositions. La seconde est celle dans laquelle un code existe certes, mais la socit dcide de ne pas sy rfrer. Dans le premier cas, la socit met en vidence les dispositions exclues et les raisons de cette exclusion. Dans le second cas, la socit indique les rgles de substitution et les raisons de non application daucune disposition du code de gouvernement dentreprise. 33. Ce principe repose essentiellement sur une dmarche volontaire85. Mais comment concevoir que ces principes soient essentiels et qu'ils puissent dans le mme temps, avec parfois une justification sommaire, tre substantiellement carts86 ? Cest se demander si ce principe nest pas un leurre87. Doit-on faire comme en grande Bretagne savoir rendre obligatoire la rfrence un code de gouvernement dentreprise88 ? Ne doivent tre concernes par le principe appliquer ou expliquer

    81 V. A. Couret, Rmunrations des dirigeants sociaux : lintroduction partielle du critre de performance dans la loi, Droit social 2008, P.521. 82 Y. Guyon, Trait des contrats, Avant propos, P.23, N9. 83 P. Bezard, La mondialisation, la crise des marchs financiers et lvolution de la rglementation applicable aux socits, Mlanges Yves Guyon, Aspects actuels du droit des affaires, Dalloz, 2003, p.87. 84 P.Bezard, ibid. 85 Catherine Malecki, Rgulation financire : les codes d'entreprise feront-ils grise mine ? Recueil Dalloz 2009 p. 109586 Catherine Malecki ; ibid. 87 Magnier, Le principe se conformer ou s'expliquer, une conscration en trompe-lil ?, JCP E 2008. Actu. 280 88 V. Lapplication de la rgle appliquer ou s'expliquer (comply or explain) au Royaume-Uni, Rev. Socits 2013. 66.

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    que les socits faisant appel public lpargne ? Que peut faire le juge en la matire ? Et la problmatique dactualisation des codes ? Peut-on mettre des avis sur les explications proposes ? Si oui quel est lorgane habilit le faire89 ? Ces diffrentes questions non abordes par le lgislateur OHADA relance le dbat de lopportunit de ce principe en droit des socits. Il nest pas exclu que la pratique professionnelle, voire le juge trouve des rponses ces interrogations. e. Revalorisation du rle de ladministrateur : le droit individuel linformation 34. La chambre commerciale de la Cour de cassation a estim que la Cour dappel qui, pour rejeter la demande dune administratrice dune socit anonyme tendant lannulation de la dlibration dun Conseil dadministration, cette dernire faisait valoir quelle navait pas t mise mme dexercer son mandat dadministrateur dans des conditions dinformation suffisantes, a dclar quaucun texte nimpose au PCA de joindre la convocation quil adresse aux membres de celui-ci, son projet de rapport ou des documents conomiques et financiers se rapportant lordre du jour. Pour la Cour de cassation, le juge dappel na pas recherche si ladministratrice avait reu au pralable et dans un dlai suffisant linformation laquelle elle avait droit. Le problme juridique est celui de savoir si un membre isol du conseil a droit linformation90. 35. Mais si le droit individuel dinformation de ladministrateur doit tre protg, une autre protection est due la socit, notamment contre les demandes de renseignements irrgulires ou abusives91. De mme, pour le juge franais, un administrateur a le devoir, partir du moment o il accepte dassumer cette charge, de rclamer toutes les liberts et moyens de contrle ncessaires son accomplissement clair92. Il a donc lobligation de sinformer. 36. Quelles sanctions dcoulent du non respect du droit individuel linformation de ladministrateur ? Si lon se rfre larticle 345 et 525 AUSCGIE, la sanction est la nullit de la dlibration prise en violation de lobligation de communication des documents exigs93. Le juge statuant bref dlai peut sous astreinte, obliger la socit communiquer lactionnaire les documents demands. Il sagit dune injonction de faire94. f. Amlioration du fonctionnement du conseil dadministration par la cration des comits et administrateurs indpendants 37. Le respect des principes du gouvernement dentreprise suppose la dynamisation des conseils dadministration par la cration de comits spcialiss et des

    89 B.Franois, Rapport parlementaire sur la transparence de la gouvernance des grandes entreprises Rapport d'information sur la transparence de la gouvernance des grandes entreprises prsent par MM. les dputs J.-M. Clment et Ph. Houillon, Assemble nationale, 20 fvr. 2013, n 737, www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/rap-info/i0737.pdf, Revue des socits, 2003, P.249.90 Cass. Com, 2 juillet 1985, Mme Cointreau et autres, c/ SA Rmy Mastin, JCP1985, II, 20518, note Viandier. 91 Viandier, note sous Cass.com 2 juillet 1985 ; Mme Cointreau et autres c SA Rmy Martin 92 Cour dappel dAix-en Provence, 2e chambre, 3 fvrier 1966 ; JCP 1966.II.14861 ; note R. Perceron. 93 Il sagit des tats financiers de synthse, du rapport de gestion, du texte des rsolutions proposes et le cas chant du rapport gnral et spcial du commissaire aux comptes. 94 V. F. Manin et E. Jeuland, Les incertitudes du rfr injonction de faire en droit des socits, Revue des socits 2004, P.1.

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    administrateurs indpendants95. En effet, suite aux scandales financiers qui ont eu lieu dans les pays anglo-saxons, plusieurs conseils dadministration ont t indexs. Il leur a t reproch leur attitude de faiblesse vis--vis des mandataires sociaux quils sont chargs de contrler. Afin daider les conseils mieux dlibrer, lide a t mise de se faire assister par divers comits et des administrateurs indpendants. La cration des comits est la fois une facult96 et une obligation97 en droit OHADA. Le comit daudit est compos dadministrateurs indpendants. Un administrateur est indpendant sil na ni lien de subordination, ni mandat social qui pourrait le rendre redevable lgard de la socit. Il doit avoir la fois une indpendance desprit et une indpendance matrielle98. 2. La libert contractuelle 38. Les socits commerciales doivent-elles tre rgies par des normes uniformment dfinies par le lgislateur ou bien faut-il laisser aux associs une large libert contractuelle pour amnager comme ils l'entendent l'organisation et le fonctionnement statutaire de leur entreprise99 ? La libert en droit des socits a exist traditionnellement dans les socits en nom collectif, en commandite simple et le GIE. Dans les SNC, les associs sont libres de prvoir, pour contourner lunanimit requise en matire de cession des parts sociales, une procdure de rachat. En outre, dans les SCS, la libert des associs est certes limite quant la mise en place des formules de cession, mais pas concernant le choix. En effet, lvolution vers la contractualisation et vers la souplesse des rgles simpose dautant plus qu une poque ou se dveloppe dune faon acclre la mondialisation des changes et ou le crateur dentreprise dispose de la plus grande libert pour choisir son lieu dimplantation, il est bien vident que sera prise en considration limportance des contraintes applicables au lieu du futur sige social100. Le droit des socits est plus que jamais soumis deux tendances contradictoires : dun cot la prolifration dune rglementation de plus en plus tatillonne, de lautre laspiration a davantage de souplesse et de libert dans lorganisation et le fonctionnement de ces personnes morales101.

    95 Peut-on nanmoins amliorer le fonctionnement du conseil dadministration en y intgrant le sexe suppos faible ? A cette question le lgislateur franais a rpondu par laffirmative non sans tre confront la rticence du juge notamment constitutionnel. Selon une tude du cabinet Ethics et Boards, la part des femmes dans les conseils dadministrations des socits du CAC 40 a atteint au premier juin 2014, 30,3%95 soit une progression de deux points (2) en un an. Aux termes de larticle L225-18-1 du Code de commerce issu de la loi n2011-103 du 27 janvier 2011 relative la reprsentation quilibre des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance et l'galit professionnelle (dite loi Cop-Zimmermann ), la proportion des administrateurs de chaque sexe ne peut tre inferieure 40% dans les socits dont les actions sont admises aux ngociations sur un march rglement. V.B. Franois, Femmes administratrices, Etude du cabinet Ethics et Boards, juin 2014, Revue des socits 2014, P.46696 Aux termes de larticle 437 alina 2 le Conseil dadministration peut dcider la cration de comits composs dadministrateurs. 97 Article 829 AUSCGIE. 98 V. M. Cozian, A. Viandier et F. Deboissy, Droit des socits, 25e dition Lexisnexis, 2012, P.308, n550. 99 Philippe Bissara, L'inadaptation du droit franais des socits aux besoins des entreprises et les alas des solutions, Revue des socits, 1990.553. 100 P. Bezard, Le droit franais est-il encore exportable?, Mlanges C. Gavalda, P.53. 101 Y. Guyon, Avant-propos, Traite des contrats, Les socits, 4e dition, L.G.D.J, 1999, p.7.

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    40. Avec le nouvel Acte uniforme, lune des manifestations du libralisme, cest la cration dune SAS. Dans ce type de socit, il y a des pactes dassocis. Les pactes dassocis ou dactionnaires sont des conventions conclues par les associs ou les actionnaires dune socit ou par certains dentre eux102. 41. Le droit de retrait tait prvu en France dans les socits civiles par la loi du 4 janvier 1978 notamment larticle 1869. Mais dans les socits capital variable rgies par la loi du 24 juillet 1867, ce droit a galement exist. Selon le juge franais, les statuts sociaux peuvent limiter lexercice de ce droit de retrait mais seulement dans la mesure compatible avec le respect de la libert individuelle103. Pourquoi le droit de retrait nest pas admis dans les socits commerciales capital fixe ? On parle principalement du caractre institutionnel des socits commerciales capital fixe, une fois constitues. Permettre des associs de se retirer librement, et par consquent de rcuprer leurs apports, ce serait laisser la socit vivre ou mourir au gr des volonts individuelles, alors que le destin de celle-ci ne doit rsulter que dune volont collective104. 42. Le lgislateur OHADA semble tre conquis par cet argument vu que la fluctuation du capital social du fait du retrait ou de la mise par les associs de leurs apports ou de ladmission de nouveaux associs nest envisageable que dans les socits capital variable qui ne peuvent revtir que la forme de socits anonymes ne faisant pas appel public lpargne ou de socits par actions simplifies. Le retrait dassoci peut tre unilatral ou statutaire105. Quen est-il du juge ? LAUSCGIE ne prvoit pas de faon expresse la possibilit pour le juge dexclure un associ106 ; seule la rvocation est admise. En droit franais, larticle 1869 du Code civil prvoit la possibilit pour le juge dautoriser le retrait de lassoci pour justes motifs dans les socits civiles. Cest le cas en prsence dun conflit entre associs en instance de divorce107. 43. Le libralisme en droit des socits se manifeste par la conclusion de pactes extrastatutaires qui, il faut le rappeler doivent tre inferieurs aux statuts comme le prcise larticle 2-1 AUSCGIE. La Cour de cassation franaise soutient que viole larticle R.522-3 du Code rural, la Cour dappel qui pour apprcier la dure de lengagement dun cooprateur retient celle figurant dans le bulletin dadhsion et non celle plus courte fixe par les statuts108. La conscration des diffrentes clauses dans les statuts des socits anonymes permet de se rendre compte que lintuitu personae nest pas absent dans les socits par

    102 Etude juridique-Socit par actions simplifie- janvier 2002, P.121 103 Cass.civ 1e 27 avril 1978, Rev.soc. 1978, p.772, note Atias. 104 V. Yves Chartier, J. Mestre, Les grandes dcisions de la jurisprudence, Les socits, P.U.F, 1988, P.74. 105 V. article 269-6 AUSCGIE. 106 Peut-tre que le lgislateur OHADA est influenc par la jurisprudence franaise [Cass.com du 12 mars 1996, SNC Nollet et compagnie Impression Location Service et autres c/ Salon et autre, D.1997, P.133] qui prcise quaucune disposition lgale ne donne pouvoir la juridiction saisie dobliger lassoci qui demande la dissolution par application de larticle 1844-7, 5, du Code civil cder ses parts cette dernire et aux autres associs qui offrent de les racheter. 107 Civ.3e , 17 dcembre 2008. Dr. socits, 2009, comm, n 48, note R. Mortier. 108 V. Revue des socits, 1995, P.75, Cour de cassation, 1e civ, Cave cooprative Hunawihr c/ Mme Meyer, note Y. Guyon.

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    actions109. Du coup, cette notion nest plus un critre suffisant pour distinguer les societes de personnes des socits par actions. 3. Lintervention du juge 44. Lorsquune socit traverse une crise grave, les tribunaux se reconnaissent comptence pour dsigner un administrateur provisoire qui remplace les dirigeants jusqu ce quune solution ait pu tre trouve110. La crise doit tre temporaire, soluble et actuelle111. Ainsi, le juge statuant bref dlai112 peut, comme prvu larticle 160-1 de lActe uniforme, dsigner un administrateur provisoire. Une jurisprudence traditionnelle admet quen cas de carence dun organe de socit anonyme, un administrateur provisoire peut tre dsign par le juge des rfrs si cette carence est prjudiciable aux intrts sociaux et sil y a urgence113. Les conditions de dsignation dun administrateur provisoire sont dtermines par le lgislateur OHADA. Il sagit dun fonctionnement normal de la socit rendu impossible114 . Cette expression est tout sauf claire et va susciter des problmes dinterprtation. Il appartiendra au juge, au cas par cas, de dire si le fonctionnement normal de la socit est impossible. Ainsi, au Sngal, le juge des rfrs a nomm un administrateur provisoire aprs avoir constat que la msentente tait grave et de nature porter atteinte gravement aux intrts de la socit115. Le juge sngalais a mme fait part de la disparition de laffectio societatis dans cette affaire. 45. Pour le juge franais, cest bon droit que, pour dsigner un administrateur provisoire une socit anonyme, le juge des rfrs se fonde sur lexistence dune msintelligence grave et persistante entre administrateurs et actionnaires ainsi que sur la prcarit des dcisions prises une infime majorit et sur la perte du capital social

    109 I. Pascual, La prise en considration de la personne physique dans le droit des socits, RTDCom, 1998, P.273. Cette prise en considration se manifeste travers les clauses dagrment, dinalinabilit. 110 Y. guyon, Les missions des administrateurs provisoires de socits, Mlanges de D. Bastian, Librairies techniques, tome 1, p.103 111 Y. Guyon, op.cit., p.106, N 4. 112 Lexpression juge statuant bref dlai est une nouveaut introduite par le lgislateur OHADA. Cest dabord dans lActe uniforme portant droit commercial gnral notamment aux articles 106, 107, 111, 117, 120 et 122 quelle a fait son apparition. Aujourdhui, on la retrouve en droit des socits. Pour un auteur, [A.P.Santos, Commentaire de lActe uniforme portant droit commercial gnral, OHADA, Trait et actes uniformes comments et annots, Juriscope, 2012, p.291], le juge statuant bref dlai nest pas un juge durgence ou de rfr ; il sagit dune juridiction qui juge au fond mais statue bref dlai. Il y a certes, de la part de lauteur une tentative de dtermination du juge statuant bref dlai, mais qui nest pas satisfaisante car pourquoi le juge doit-il statuer dans un court dlai, nest-ce pas parce quil y a urgence ? Il faut maintenant se demander quel est le domaine dintervention du juge : est-ce le fond de laffaire ou pas ? Rpondre par laffaire signifie exclue la comptence du juge des rfrs. Il reste donc celle du juge des requtes. Le mode de saisine du juge dtermine la comptence de ce dernier. Si en droit commercial gnral ce mode de saisine nest pas identifiable, en droit des socits, le lgislateur prcise que le juge statuant bref dlai est saisi la requte des organes de gestion, de direction ou dadministration ou par un ou des associs. 113 V. Cour dappel dAmiens, 11 fvrier 1964, RTD Com, 1964, p.797, chronique de lgislation et de jurisprudence franaise. 114 Article 160-1 AUSCGIE. 115 T.R.H.C Dakar, ordonnance de rfr, n 939 du 16 septembre 1996, Aduo kouame c/Sadibou Ndiaye es qualit et socit Abdoulahat Shiping company.

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    concurrence de plus des trois quarts116. Faisons remarquer la suite de cette dcision de justice que la simple msintelligence nest pas une cause de nomination dun administrateur provisoire. Ce faisant, cette cause doit tre rapproche de celle concernant la dissolution de la socit pour justes motifs117. Le juge franais, travers la dcision prcite met en vidence les critres dapprciation de lurgence notamment lexistence dune contestation grave [action en dissolution, assembles houleuses, accusations portes par certains actionnaires minoritaires]. Pour lui, lurgence doit sapprcier non dans la personne de celui qui agit mais dans celle de la personne morale en ce sens que celle-ci doit tre expose un prjudice certain et imminent118. Lautre critre est dordre financier plus particulirement plus des trois quarts du capital nominal de 5.500.000 francs119. 46. La nomination dun administrateur provisoire peut galement tre motive par la cession dactions aboutissant une fermeture dusine. Malgr son importance, la dsignation dun administrateur provisoire soulve des questionnements. Une certitude existe quant la personne de ladministrateur provisoire savoir quil doit tre obligatoirement une personne physique, la dure maximum des fonctions de ladministrateur provisoire120. 47. Dabord la dtermination des pouvoirs de ce dernier. Quels sont les actes que ladministrateur provisoire est habilit accomplir : les actes de disposition, conservatoire ou dadministration ? Dans la jurisprudence franaise prcite121, les pouvoirs de ladministrateur provisoire taient limits aux actes dadministration et de gestion. 48. Ensuite, lopposabilit aux tiers des clauses limitant les pouvoirs de ladministrateur. Etant donn que la dsignation de ladministrateur provisoire dessaisit122 les organes sociaux, on leur appliquera la rgle en vigueur. On peut se servir de la thorie du mandat apparent cest--dire croyance lgitime du tiers aux pouvoirs de ladministrateur provisoire. 49. Si la socit est de nouveau gre par ses dirigeants normaux, quel est le sort des mesures dcides par ladministrateur ? Il ne fait de doute que les dirigeants revenus aux affaires respecteront les mesures prises que celles-ci soient favorables ou pas la socit. Cest une sorte de continuit de lintrt de la socit. 50. Le juge aussi peut designer un mandataire ad hoc pour reprsenter la socit en justice en cas de conflits intrts entre la socit et ses dirigeants123 . Ce faisant, avec

    116 Cour dappel dAix, 6e ch., 14 novembre 1957; Ste immobilire Aix-Termal c. Bigonnet et autres, JCP, 1957,II, 10304. 117 V. Article 200 AUSCGIE. 118 V. galement en ce sens, Paris, 28 mai 1947 : JCP.1948, II, 4116, note Bastian. 119 Le bilan du 31 dcembre 1956 fait ressortir 2.125.291 francs de pertes pour lexercice clos et 3.862.233 francs de pertes antrieures rapportes. 120 Elle ne doit pas excder 6 mois. Donc le juge peut fixer une dure moindre. Cest ainsi que dans laffaire Aduo Kouame c/Sadibou Ndiaye prcite, la dure des fonctions dadministration tait de deux mois et au plus la fin de lexercice social notamment le 31 dcembre 1997. A rappeler que lordonnance de nomination de ladministrateur provisoire a t rendue le 16.09.1996. 121 JCP1957 II 10304. 122 Pour la Cour de cassation franaise [Cass.com.6 mai 1986 : Bull.civ.IV, n 77.], ladministrateur provisoire est investi judiciairement des pouvoirs confrs par la loi un dirigeant social. 123 Voir article 167 et suivant.

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    le nouvel acte uniforme, les associs ne sont plus les seuls habilits exercer laction ut singuli. Le mandataire ad hoc peut intervenir en cas dabus de minorit124 ou dgalit. Mais celle-ci ne senvisage t-elle que lors de lexercice du droit de vote ? Cest dire que labus dont on parle consiste sopposer ce que des dcisions soient prises. Ainsi, il y a abus en cas de blocage par de minoritaires daugmentation de capital indispensables la socit125, de refus systmatique et sans motivation valable par un associ galitaire dadopter les rsolutions prsentes par un coassoci grant ; privant la socit damliorer ses rsultats126. De notre point de vue, on peut parler dabus dgalit ou de minorit lorsque les associs concerns ne se prsentent pour voter alors que celle-ci est obligatoire. 51. La sanction prvue en cas dabus de minorit ou dgalit est la responsabilit des associs. Mais elle nest pas la seule. Ainsi, la prsence du mandataire ad hoc sapprcie en matire dabus de minorit ou dgalit. Le juge peut dsigner un mandataire ad hoc pour reprsenter une prochaine assemble les associs minoritaires ou galitaires les associs dont le comportement est jug abusif127. Ce faisant, le lgislateur OHADA fait sienne la jurisprudence Vitama128 et Flandin129. Le juge peut, la demande de tout associ, rvoquer le grant pour juste motif. En la matire, il y a une modification de la nature du motif de rvocation. On est pass dune rvocation pour cause lgitime une rvocation pour cause lgitime. Quentendre par cause lgitime ? En labsence notre connaissance, de jurisprudence OHADA et nationale sur la question, nous pouvons nous rfrer celle franaise. Pour le juge franais, la cause lgitime renvoie une faute intentionnelle de particulire gravit, incompatible avec lexercice normal des fonctions sociales intrt social130. 52. Si lexamen des dispositions de lAUSCGIE rvis permettent de savoir o va le lgislateur OHADA, quelle est sa philosophie en la matire voire quels sont les principes directeurs du droit des socits, il nest pas inutile de faire remarquer que sur certaines questions le flou demeure.

    124 Labus de minorit a t dfini en France dans larrt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 15 juillet 1992, Six c/ Tapisseries de France SA, note sous Ph. Merle, Revue des socits, 1993, P.400 ; D.1993, P.279. 125 Lyon 20 dcembre 1984 ; Revue de jurisprudence commerciale 1988.89 ; note D. Vidal. 126 Trib.com. Salon 29 juin 1990 ; Bull. Joly 1991.306 ; note D. Bompoint. 127 Article 131 alina 3 AUSCGIE. 128 Sarl Vitama c. Tehranchi ; Revue socits 1992.44 ; note P. Merle ; hormis lallocation dventuels dommages et intrts ; il existe dautres solutions permettant la prise en compte de intrt social . 129 Cass.com., 9 mars 1993 ; Revue socits 1993 ; P.403 ; note Merle. Le juge ne pouvait se substituer aux organes sociaux lgalement comptents et quil lui tait possible de dsigner un mandataire aux fins de reprsenter les associs minoritaires dfaillants une nouvelle assemble et de voter en leur nom dans le sens des dcisions conformes lintrt social mais ne portant pas atteinte lintrt lgitime des minoritaires . 130 Cour de cassation ; 3e civ ; 12 mars 2014 ; n13 14.374 ; Rev soc 2014 ; P.391.

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    II/ Les orientations envisageables 53. Allons-nous nous adonner lart de la divination en parlant de la direction que va emprunter le lgislateur OHADA dans les rformes qui vont venir ? Il semble que non pour une raison toute simple : on ne peut parler de gouvernement dentreprise sans responsabilit sociale de celle-ci. De mme, il ne sert rien de chercher rendre moins prcaire le statut des dirigeants et des associs si on ne leur permet pas, lors de leur exclusion de la socit ou de leur rvocation, de se dfendre. A/ Vers une prise en compte plus pertinente de la valeur partenariale. 54. Lintitul de cette sous-partie peut laisser perplexe vu les efforts dploys par le lgislateur OHADA pour prendre en compte les intrts des parties prenantes. Seulement, il se justifie puisque certains auteurs soutiennent la prise en compte par le lgislateur OHADA des questions environnementales travers la notion dintrt social131, la possibilit pour les dirigeants des socits de capitaux dengager la socit mme quand ils dpassent lobjet social132, par les articles 8 alina 1 et 2, 29 et 30 de lActe uniforme portant organisation et harmonisation des comptabilits des entreprises. Il faut dire que le lgislateur OHADA ne doit pas se proccuper que dinvestissement.

    1. De la ncessaire inclusion des lments non financiers dans linvestissement 55. Tout pays a besoin dinvestissement tranger pour financer son conomie. En effet, linvestissement est la base de toute activit conomique. Par linvestissement priv, lentreprise prpare son avenir en anticipant un surcroit de consommation, en constituant des stocks ou en recherchant une plus grande productivit, en dveloppant ainsi ses activits de recherche. Par linvestissement public, lEtat ou les collectivits dcentralises soutiennent la conjoncture, maintiennent en tat les infrastructures publiques, dveloppent lducation ou la sant publique133. 56. Les gouvernements des pays en voie de dveloppement, conscients de linsuffisance de laide publique, se tournent de plus en plus vers les puissants groupes industriels et financiers internationaux qui peuvent leur apporter les capitaux ncessaires leurs investissements134. Il sagit le plus souvent des multinationales. 57. La terminologie multinationale na pas fait lunanimit au sein des conomistes. Pour les uns une entreprise peut revtir successivement le caractre international, multinational, transnational ou mme supranational135. Pour les autres, il y a des firmes ethnocentriques, tournes vers le pays dorigine, les firmes polycentriques, orientes le ou les pays daccueil et les firmes gocentriques, totalement dnationalises et dorientation mondiale136defforcent de dresser une typologie des firmes multinationales. Daucuns dfinissent les multinationales comme toute socit qui a des activits, autre que la vente, dans plus dun pays137 ou bien

    131 V.E.Mauleon, Essai sur le fait juridique de pollution des sols, cit par Y.A.Tairou, Proccupations environnementales et droit de lentreprise dans lespace OHADA, LHarmattan, 2013, P.49. 132 Y.A.Tairou, op.cit., P.59. Lauteur soutient quil sagit dune action en faveur de lenvironnement alors que lobjet social de la socit ny porte gure. 133 Lamy Droit public des affaires, dition 2008, N 1560. 134 B. Oppetit, Socits multinationales et Etats nationaux, Mlanges D. Bastian, op.cit., p.164, N 5. 135 R. Robinson, International business policy [Rinchart and Winston, 1964]. 136 H. Perlmutter, Lentreprise internationale : trois conceptions : Rev. Econ. Et soc. 1965, P.151 et s. 137 B. M.L et Renner, H.L, La stratgie de lentreprise multinationale, Sirey, 1973.

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    toute firme qui ralise des investissements directs ltranger138, dautres soutiennent quil sagit de toute entreprise qui accomplit ses principales oprations, de fabrication ou de fourniture de services, dans au moins deux pays139. La plupart des pays en voie de dveloppement, demandeurs en capitaux trangers, ont promulgu des codes des investissements trangers subordonnant lentre des capitaux certaines exigences140. Nous pouvons citer le cas du Sngal avec la loi n 74-06 du 22 avril 1974 portant statut de la zone franche industrielle de Dakar141. 58. Les modalits dentente entre les multinationales et les Etats nationaux sont varies. Il peut sagir de la joint-venture ou entreprise commune. 59. Cette formule a reu tout spcialement des applications en matire ptrolire : en effet, elle permet lEtat producteur, associ 50% avec le groupe ptrolier dans lentreprise commune, de participer lui-mme directement la recherche, lextraction, voire la commercialisation, des richesses du sous-sol142. 60. Il peut galement sagir dun partenariat public-priv qui lato sensu est dfini comme toute forme de collaboration entre dune part, les pouvoirs publics et dautre part, les entreprises prives143. Stricto sensu, le partenariat public-priv peut se dfinir comme la collaboration, autour de projets, de lEtat ou de ses dmembrements, dune part, des entreprises prives, dautre part144. 61. De nombreuses critiques qui sont adresses aux multinationales. On leur reproche dtre linstrument dexploitation des pays pauvres par les pays riches, dexporter vers ces mmes pays pauvres les rapports de production capitalistes, daccroitre la dpendance conomique de ces pays en leur imposant une spcialisation troite dans le cadre de la division internationale du travail145. En effet, lune des difficults avec les multinationales cest que les droits et les obligations manant du droit international classique s'appliquent aux seuls tats - et aux organisations intergouvernementales cres par eux - et ne concernent pas l'action des entreprises multinationales146. Le lgislateur OHADA nignore gure ce fait conomique quest la multinationale. On peut le constater travers la notion de groupe de socits147.

    138 Dunning, J.H., International production and multinational enterprise, Allen and Unwin, London, 1981. 139 B. M.L et Renner, op.cit. 140 PH. Kahn, Problmes juridiques de linvestissement dans les pays de lancienne Afrique franaise ; Clunet 1965, pp.338 et s. 141 J.O.R.S du 18 mai 1974. Larticle premier de cette dispose que le but assign cette zone est de constituer un cadre daccueil attractif pour inciter les investisseurs trangers venir y implanter des entreprises industrielles. 142 Socits multinationales et tats nationaux, op.cit., p.171, N 19. 143 P. Lignieres, Partenariats public-priv, 2e dition, Litec, 2005, P.2, n 5. 144 P. Lignieres, ibid. 145 V. J. P. Anastassopoulos, G. Blanc et P. Dussauge, Les multinationales publiques, PUF, 1985, collection de linstitut de recherche et dinformation sur les multinationales, P.55. 146 G. Spyropoulos, Les relations professionnelles dans le tourbillon de la mondialisation, Droit social 1999, P.230. 147 Le rgime des groupes de socits est prvu par les articles 173 175 AUSCGIE. Quant aux articles 179 et 180, ils donnent la dfinition de la filiale, de la socit-mre et de la filiale commune. En gnral, les entreprises multinationales revtent ces structures juridiques ; V. C. Leben, Entreprises multinationales et droit international conomique, RSC 2005, P.777 et s. Pour cet auteur, On appelle entreprise multinationale (EMN) ou socit transnationale (appellation la plus courante dans les publications des Nations Unies), un

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    Comment lutter contre les abus des multinationales ? On peut utiliser des armes du droit des socits OHADA comme aller au del. 2/ Les modalits dinclusion des lments en question 62. Ces modalits peuvent tre tires du droit des socits ou du droit des Etats parties. 63. Dans la premire occurrence, on peut citer la jurisprudence Fruehauf148 qui peut servir de prtexte la rsistance contre les multinationales, la doctrine Maison rouge selon laquelle la firme doit se comporter dans chaque pays comme un bon citoyen149 . 64. On peut lutter contre les multinationales, en intgrant dans la lgislation OHADA, le concept de responsabilit sociale de lentreprise150, dinvestissement socialement responsable. Il faut souligner demble quil y a une difficult dissocier ces deux notions, mme si un auteur affirme quil y a eu un passage de la responsabilit socitale des entreprises linvestissement socialement responsable151 ou quil existe des dynamiques de promotion de linvestissement socialement responsable internes aux marchs financiers notamment la gouvernance dentreprise, le capital immatriel [marques, image, rputation, brevets, systmes dinformation], les fonds thiques [fonds socialement responsables, fonds de dveloppement durable, fonds dexclusion] et des dynamiques externes de la promotion de linvestissement socialement responsable aux marchs financiers savoir le dveloppement durable, le management de la qualit et la responsabilit sociale de lentreprise152. Si nous partons de cette dernire conception, nous pouvons affirmer que linvestissement socialement responsable englobe la responsabilit sociale de lentreprise. 65. Fondamentalement, le concept de responsabilit sociale de l'entreprise est une coquille vide permettant aux entreprises de signifier aux tats et aux organisations internationales qu'elles sont de bonne volont et qu'il n'est nul besoin de rgles htronomes, de contrle juridictionnel et administratif153. La responsabilit sociale de lentreprise traduit trs exactement l'ide d'entreprise citoyenne, d'une entreprise dont l'activit, au-del des contraintes lgales, peut et doit intgrer une dimension morale, une dimension thique dans les domaines sociaux et environnementaux154. Elle a plusieurs dimensions : environnementale, sociale notamment le respect des

    groupe multinational de socits, c'est--dire un ensemble de socits rparties dans des Etats diffrents et obissant une stratgie commune dfinie par une ou plusieurs socits-mres. 148 Cour dappel de Paris, 22 mai 1965, J.C.P. 1965. 14274 bis, Conclusions Nepveu ; D.1968, P.147, note R. Contin. 149 J. Maison rouge, Problmes poss par les affaires multinationales [humanisme et entreprise, avril 1968]. 150 Sur la dimension interne de la RSE savoir les actionnaires, les salaris et la dimension externe notamment la protection de lenvironnement, relations avec les fournisseurs, sous-traitants, associations, ONG, riverains et autorits publiques, V. M. P. Blin-Franchomme, Entreprise et dveloppement durable, Approche juridique pour lacteur conomique du XXIe sicle, Lamy, 2011, collection Axe droit P.21, n 6. 151F. Dejean, Linvestissement socialement responsable, tude du cas franais, Vuibert, 1991, Collection FNEGE, P.12. 152 V. C. De Brito et alii, Linvestissement socialement responsabilit, Economica, 2005, Collection Gestion, srie Politique gnrale, finance et Marketing, P.15-48. 153 Isabelle Meyrat, Le droit du travail lpreuve de l thique des affaires , Rev. Travail, 2010, P.572. 154F. G.Trebulle, Responsabilit sociale des entreprises [entreprise et thique environnementale] N 9, Rpertoire de droit des socits, mars 2003, dernire mise jour, janvier 2014.

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    conditions de travail, droits fondamentaux notamment la prise en compte des droits de lhomme. Si le droit des affaires englobe des questions qui relvent, en principe, dautres branches du droit, il semblait jusqu' une priode rcente indiffrent au droit de lenvironnement155. Ce que lon constate, cest un mutisme du droit OHADA sur les questions environnementales au point que lon soit tent de se poser la question de savoir si le droit de lenvironnement fait partie du droit des affaires. Si lon se rfre larticle 2 du trait de lOHADA, il faut exclure toute ide dinclusion du droit de lenvironnement dans le droit des affaires156, moins que le Conseil des Ministres en dcide autrement. 66. Dans la seconde occurrence, il y a larticle 13 du dcret n 2004-627 du 7 mai 2004, dcret dapplication du code des investissements au Sngal qui impose aux entreprises ligibles au Code des investissements de se conformer aux exigences environnementales. Il en est de mme de larticle de la loi n 98-05 portant code ptrolier au Sngal157, qui dispose que les oprations ptrolires doivent tre conduites de manire assurer la conservation des ressources nationales et protger lenvironnement158. En droit franais, la responsabilit sociale de lentreprise (RSE) ne se rsume plus en une dmarche volontaire de lentreprise159. Cet exemple dmontre que la RSE ne rsulte pas exclusivement de la soft law et qu'elle peut puiser son fondement dans une rgle de droit valeur contraignante, la hard law160. Ils tmoignent corrlativement de la vocation des valeurs ou principes thiques accder la juridicit161. Pour faire respecter lenvironnement, il faut que les consommateurs, les actionnaires ragissent162 [questions crites aux dirigeants], les entreprises peuvent galement signer des codes de bonne conduite163. De mme, on peut faire jouer le capital rputation et consacrer la responsabilit pnale des personnes morales164

    155 F. G. Trebulle, Lenvironnement en droit des affaires, Mlanges Y. Guyon, Aspects actuels du droit, Dalloz, 2003, P. 1035. 156 Pourtant, lexploitation industrielle des mines, carrires et de tout gisement de ressources naturelles constitue un acte de commerce par nature au sens de larticle 3 de lActe uniforme portant sur le droit commercial gnral. 157 J.O.R.S, n 5786 du 21 fvrier 1998. 158 V. Egalement lexpos des motifs de la loi 98-32 du 14 avril 1998 portant code de la pche maritime, JORS 24 avril 1998. 159 Voir article L225-102-1 alina 5 du code de commerce. 160 Roxana Family, La responsabilit sociale de lentreprise, Du concept la norme, Recueil Dalloz, 2013, P.1558 et s. 161 F.G.Trebulle, Responsabilit sociale des entreprises, op.cit, n 28 et s. 162 Ils vont peut-tre verser dans lactivisme actionnarial qui se traduit par la pression que les actionnaires exercent sur les entreprises afin de modifier leur comportement, en les orientant sur des principes de conduite conformes aux valeurs quils dfendent. V.F. Dejean, Linvestissement socialement responsable, op.cit., PP.28-29 qui a cit le cas du rvrend Lon Sullivan, administrateur de gnral Motors qui a dict un code de conduite lintention des socits intervenant en Afrique du Sud, afin de lutter contre la discrimination sur les lieux de travail. 163 Un auteur (C. Neau-Leduc, Les accords sur la responsabilit sociale de lentreprise, Droit social, 2008, P.75) a fait remarquer lexistence daccords sur la responsabilit sociale de lentreprise. Les accords

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    67. Linvestissement socialement responsable est apparu aux tats-Unis et s'est dvelopp en Europe depuis quelques annes. Il traduit une dmarche d'investissement qui repose sur des critres ngatifs : pas d'entreprises polluantes ou faisant travailler des enfants ; ou positifs : seulement des entreprises qui manifestent leur prise en compte de l'environnement, des droits fondamentaux. Se dveloppe de la sorte u