Droit Civil Personnes Famille 2010

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  • UNIVERSITE DE MONTPELLIER I FACULTE DE DROIT

    Droit Civil, 1re anne de droit (L1) 20092010 Les personnes, la famille

    Volume I Les personnes physiques

    D. Mainguy

    Professeur la facult de droit de Montpellier, Directeur du Centre de droit de la consommation et du march

    Illustration de Lucien Solanet, Le Droit samuse , Les ditions des Arceaux, 1958. : E. Morin, minent professeur la facult de Droit de Montpellier ici croqu avait publi en 1938 un ouvrage

    rest clbre : La rvolte des faits contre le Code.

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    DROIT DES PERSONNES ET DE LA FAMILLE

    Prsentation introductive

    Aprs lintroduction gnrale ltude du droit vient le temps de ltude, plus technique, des rgles du droit priv, les premires. Celle-ci dbute en premire anne et sachve, en 4me anne, ou en 5me, ou jamais, pour certains. La premire anne de droit est, essentiellement, une anne de dcouverte, dcouverte de la facult, dcouverte des tudes suprieures, dcouverte de la matire...

    Cest la raison pour laquelle, la Facult de droit de Montpellier, nous avons choisi dtudier le droit des personnes et le droit de la famille matires plus aisment accessibles que dautres, comme le droit des obligations (2me anne), le droit des biens ou des contrats (3me anne), des srets, des rgimes matrimoniaux ou des successions (4me anne). Cette progression sera taye par un cours polycopi, diffus en ligne. Chacun de ces polycopis (il y en aura vraisemblablement six) sera prsent au fur et mesure de lavance du cours, sous un format pdf. En termes de mthode, si les personnes reoivent une certaine considration dans le Code civil, il nen est pas de mme de la famille, traite dans le Livre I du Code civil, avec les personnes. Il est vrai que les liens entre les deux institutions sont trs troits : la famille est un groupement de personnes, le groupement de personnes par excellence (avec dautres, comme lassociation, la socit) qui dveloppe ses propres intrts, lintrt de la famille, susceptible de transcender la somme des intrts des personnes qui la composent. Limportance de la famille se manifeste sur divers plans. Social en premier lieu, le corps de rgles du Code civil tant assist dun Code de lAction sociale et de la famille (CASF) en matire de protection de lenfance, daides sociale, ou bien encore la question des allocations familiales. Socital galement : si la famille dite traditionnelle faite de personnes maries et avec enfant demeure une rfrence sinon un modle, la famille du dbut du XXIme sicle est traditionnelle, clate, recompose, monoparentale, homoparentale, internationale, maris, pacse ou en concubinage, etc. Politique : un ministre charg des affaires familiales demeure et dveloppe une politique de la famille, en matire sociale comme dj vu mais encore fiscale. Juridique enfin, bien entendu, avec des conceptions de la famille qui dpendent des circonstances socitales, de la domus domine par le pater familias romain, au foyer, dans lequel se dveloppent des changes humains et financiers, soit en application de la loi (rgime matrimoniaux, successions) soit sous forme de

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    conventions, entre membres de la famille (conventions matrimoniales, libralits) soit dun membre de la famille qui la reprsente avec des tiers (logement familial, dpenses ncessaires lentretien de la famille, etc.). Dans ce contexte, la personne est la base de la famille mais pas uniquement, la personne tant considre en tant que telle, dune part parce que des personnes peuvent nouer des relations autres que familiales, des socits, des contrats, des relations fondes sur des faits juridiques, mais galement parce que la personne est la base des rgles du droit civil, le sujet de droit, sujet de droit dont la considration est lhritire des thories philosophiques librales du XVII et XVIII sicle, fondement de lindividualisme philosophique, puis juridique. La personne, sujet de droit, est lentit la base du dveloppement humain et social et sa considration individuelle, indpendamment donc du groupe auquel elle pourrait appartenir (corporation, socit, nation), la rend apte tre titulaire de droit : tre propritaire, contracter, ester en justice. Les rgles du Code civil ont t, aprs avoir t adoptes sur cette base, en 1804, globalement stables jusqu la fin de la seconde guerre mondiale, sauf quelques ajustements ou rformes, notamment pour admettre une (relative jusquen 1985) galit entre hommes et femmes. Le renouveau du droit des personnes et de la famille a commenc en 1964, sous la houlette de jean Foyer, alors ministre de la Justice qui avait confi Jean Carbonnier le soin de procder aux rformes ncessaires en la matire.

    Il en rsult un renouveau total, souvent objet de renouvellement depuis dailleurs assez ordonn jusqu la fin des annes 1970 puis plus dsorganis et surtout double, la considration de al personne physique comme sujet de droit, la personnalit juridique, stant ajout la considration de la personne en tant que telle, le droit de la personne humaine : lappropriation de son corps, des lments de son corps, les conventions ayant pour objet le corps, les lments du corps, les exprimentations scientifiques sur le corps, etc. la suite des grands bouleversements scientifiques dalors, les premires FIV, lexprimentation sur embryons, les conventions de mre porteuse, etc. mais galement la considration juridique de question jusqualors ignores ou tabous, leuthanasie, le transsexualisme, etc.

    Ces rformes sont, sans exhaustivit, les suivantes : 14 dc. 1964, rforme des tutelles 13 juill. 1965, rforme du mariage et des rgimes matrimoniaux, 11 juill.1966, rforme de ladoption 3 janv. 1968, rforme des incapacits 4 juin 1970, rforme de lautorit parentale 3 janv. 1972, rforme de la filiation 11 juill. 1975 rforme du divorce 1975, loi Veil sur lavortement 28 dc. 1977, rforme de labsence 22 juill. 1987, rforme de lautorit parentale 8 janv. 1993, rforme de lautorit parentale et toilettage gnral 29 juill. 1994 Lois biothique 5 juill. 1996 rforme de ladoption 30 juin 2000, rforme des prestations compensatoires 3 dc. 2001 Rforme des successions ; 4 mars 2002, rforme du nom ;

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    18 juin 2003, Dvolution du nom de famille 26 mai 2004, rforme du divorce 6 aot 2004 rforme des lois biothique ; 4 juill. 2005 rforme de la filiation 23 juin 2006, rforme du droit des successions et toilettage des rgles en

    matire de mariage, du nom, du Pacs, etc. 2007, rforme des incapacits Il convient dajouter les rgles prvalant en matire de droit europen ayant

    pour source la Convention europenne des droits de lhomme limpact considrable sur le droit interne, la protection constitutionnelle assure par le conseil constitutionnel et relay demain par le juge judiciaire, les rgles internationale comme le pacte international des droits civiques et politique de new York de 1966, la convention sur les droits de lenfants de 1989, etc. Lvolution est considrable : en droit de la famille bien entendu, le nom de famille rompt avec une tradition sculaire dattribution du nom du pre, la famille nest plus divise en famille lgitime et naturelle, lautorit parentale est dtache de la garde, le divorce est simplifi lextrme, trop diront certains. Mais cest surtout le cas du droit des personnes : la rvolution juridique en la matire est globalement la hauteur de la rvolution scientifique, thique, philosophie, biologique, gntique, etc. dont les Etats gnraux de la biothique, en 2009, ont notamment rendu compte, lesquelles dpassant le seul cadre de la biothique, dont la smantique renvoie des proccupations de droit de la sant (peut-on breveter un gne, un procd tabli partir dun gne, peut-on cloner une personne humaine, peut-on raliser des expriences sur le corps humain, sur les embryons, peut-on on vendre son corps, des parties de son corps) dont les enjeux donnent le tournis, ce sont bien des proccupations de droit de la personne dont il sagit. Le droit des personnes associe dsormais deux ralits : une premire ralit, classique, sintresse la personne juridique, identifie la personnalit juridique, laquelle identifie une conception abstraite, dtache de la personne humaine, et qui peut sattacher des entits non humaines (socit, association, collectivit ou tablissement public, organisation, internationale, etc.) et aux questions de protection de la personne notamment travers la question de la capacit juridique et des incapacits, des mineurs et des majeurs. une seconde approche, beaucoup plus profonde, sattache la personne prise comme substance, comme ralit cellulaire, et pose la question de la considration juridique de la personne humaine, du corps humain, des lments et des produits du corps humain, notamment depuis la loi biothique de 1994 rvise en 2004. Lintrt est dune part de lever le voile sur ce tabou juridique :le corps humain entre dans le champ du droit civil, par la grande porte, dailleurs, un chapitre intitul Du respect du corps humain tant intgr depuis 1994 dans le Code civil, et dautre part, de poser les questions du rapport juridique dune personne sur son corps et donc, celle de lapprhension juridique du corps humain : relve-t-il du champ de la personne (donc des non-choses), des droits de la personnalit ou bien doit-on, assez logiquement et en suivant les travaux essentiels de chercheurs rcents, synthtiss notamment (lorsquils nont pas t dirigs par ceux-ci) par Frdric Znati et Thierry Revet (Droit des personnes, Puf, 2007) que la personne juridique

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    dispose de droits sur la personne humaine, alors considrer comme objet de droit et, allant plus loin comme une chose, mais une chose bizarre, extraordinaire, une chose humaine au rgime particulier ? Telle sera lune de apprhension de ce cours, non pas la seule, mais assurment la plus essentielle.

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    Tout le monde il est beau (Zazie, artiste interprte) Tout le monde il beau, tout le monde il est gentil (Jean Yanne, Cinaste)

    Ce billet que voici Ne peut pas taccorder une goutte de sang ;

    Une livre de chair , ce sont les propres termes, Tiens-t-en ton billet, prends ta livre de chair,

    Mais si en la coupant, tu verses une seule Goutte de sang chrtien, tes terres et tes biens

    Devront tre, en vertu des lois de la cit, Confisqus au profit de lEtat de Venise

    (W. Shakespeare, Le marchand de Venise, IV, 1, 12)

    PARTIE I - LES PERSONNES ET LES INCAPACITES

    Les personnes sont les sujets de droit, les sujets du droit et, ce titre, les units lmentaires du droit. On prsente cela gnralement comme une vidence alors quil sagit de lune des plus grandes avances de ces trois cent dernires annes : lirruption de la souverainet de lhomme sur sa propre personne pour les lumires cossaisses, Hobbes en particulier, avec plusieurs types de rponse, celle, individualiste et librale, fonde sur les passions et les intrts, de la guerre entre des hommes libres et gaux dous dune gale capacit avoir des dsirs et dune gale capacit pouvoirs les satisfaire, en appelant pour rsoudre ce conflit au Leviathan, le Monarque absolu, ou bien au contraire, celle de Locke fonde sur la coopration, rendue possible par lapport de Hume et le dilemme du prisonnier, lensemble fondant trs largement lessentiel de la philosophie librale, jusqu John Rawls, ou bien au contraire fonde sur les vertus, incarnes dans la Rpublique et le contrat social de Rousseau.

    Le sujet de droit donc, en une conception dynamique de la personne : une entit doue dintrts capable de conclure des contrats et de sinsrer dans le commerce juridique, seules des personnes pouvant sadonner au commerce juridique (tre propritaire, contracter, ester en justice) lequel a pour objet essentiellement (et en principe) des choses, cest--dire des non-personnes. Les personnes sont en effet opposes aux choses, comme nous lavons dj tudi.

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    Etre une PERSONNE, c'est en principe tre apte tre titulaire de droits, cest disposer de la personnalit juridique. C'est ce que nous tudierons dans un Titre premier.

    1re remarque : la personne ainsi considre relve dune conception abstraite, dtache de la ralit humaine de la personne. La personnalit juridique peut ainsi ne pas tre reconnue une personne humaine, comme ce fut le cas de lesclavage, reconnu en France jusquen 1848 et comme cest encore le cas dans certains pays du monde, par la mort civile (cf. infra), ou bien encore par la reconnaissance de la personnalit juridique des fictions comme des socits, des associations, des personnes publiques, des collectivits locales, des tablissements publics, des organisations internationales, etc.

    Sur cette considration, se dveloppent des rgles qui ont longtemps t lessentiel des rgles du droit des personnes fondes sur lidentification des personnes, laction des personnes (les droits et libert, libert dinformation, protection de la vie prive, etc.) ou leur protection. La facult dune personne dtre un sujet de droit peut parfois en effet tre amoindrie ou paralyse par une inaptitude exercer les droits dont on est titulaire. Cet amoindrissement ou cette paralysie feront l'objet du Titre second consacr aux INCAPACITES.

    Lensemble constitue ce que lon appelle traditionnellement le droit des personnes, dont le Code civil fut, en 1804, le premier grand systme de rgulation. Auparavant, la personne humaine tait peut-tre lobjet dattentions juridiques, mais pas avec autant dassiduit et surtout, en 1804, le droit des personnes devient un droit civil des personnes, entendons un droit tatique, nationalis, des personnes. Comparons un systme de droit civil, le ntre, et un systme de droit non civil, religieux notamment comme il est pratiqu dans nombre de pays arabes, le cas du Liban tant symptomatique. Une personne est tout la fois titulaire dune citoyennet, libanaise, et confessionnelle, maronite, grecque catholique, grecque orthodoxe, armnienne, catholique, protestant, druze, chiite, sunnite, etc. Chaque confession propose alors sont propre systme juridique assurant les rgles au mariage, aux incapacits, la filiation, fondant ce que lon appelle le statut personnel, ce qui emporte des difficults particulires en cas de rapports interconfessionnels : quelle rgle sapplique, quelle juridiction (ecclsiale) est comptente, etc. Un systme de droit, tel que le droit franais en assure le modle est donc, tout la fois une exigence laque et dordre public en raison des principes qui sous-tendent le droit civil : le droit civil est en premier garanti par lEtat, un Etat dmocratique, il assure lgalit civile et reconnat la personnalit juridique tous.

    2me remarque : le droit des personnes senrichit dune considration, nouvelle sur ltre, la personne en tant que telle, en tant que personne humaine, le corps humain, son appropriation le statut du gnome, les expriences gntiques, la biopharmacie, la biothique, les conventions sur les lments du corps humain, mais aussi La question, aujourdhui, les passions noues autour dune rforme quelconque en la matire, quil sagisse de biothique, davortement, de nationalit (question que nous naborderons pas cette anne), montrent que lenjeu dune telle nationalisation du droit civil nest pas neutre.

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    TITRE I - LES PERSONNES

    La fresque de Michel Ange qui orne le plafond de la Chapelle Sixtine le les doigts tendus de Dieu et dAdam Rome est cense exprimer l'origine divine de la personne humaine. De faon totalement inverse, Aldous Huxley, dans Le meilleur des mondes, montre lhorreur et la btise dune civilisation totalement diffrente de la ntre : Dieu y est remplac par Henri Ford, le machinisme, la productivit, lorganisation tant roi, les hommes sont distingus en catgories : les alpha +, les alpha, les bta, etc, jusqu les epsilon sortes de gnomes esclaves, mi animaux mi humains, par slection la gestation, artificielle bien entendu, toute ide de reproduction humaine tant bannie.

    Le droit des personnes est en effet totalement tributaire du choix de socit ralis : un systme subjectif, fond sur la personne comme sujet de droit, et les relations noues autour de la personne.

    Dans notre systme juridique, tel quil dcoule de la dclaration des droits de lhomme et du citoyen de 1789, les personnes sont les sujets de droits, les seuls sujets de droit. En mme temps, toutes les personnes sont des sujets de droit. Jusquen 1848 pourtant, en France, et ailleurs dans bien des pays (aux Etats-Unis jusqu la fin de la guerre de scession, dans dautres bien aprs), lhomme pouvait tre une non personne, cest--dire une chose, par lesclavage.

    La dclaration universelle des droits de lhomme de 1948 bannit aujourdhui, par son article 6, lesclavage, en proclamant que chacun a le droit la reconnaissance en tous lieux de sa personnalit juridique .

    Si l'animal peut faire l'objet d'une protection lgale, il n'est pas sujet de droit et ne peut avoir de droits : l'animal est comme les choses inanimes, une chose, un objet (voir J.-P. Margueneau, "L'animal en droit priv", PUF, septembre 1992).

    De mme, lenvironnement bnficie dune protection, demain dorigine communautaire, le vgtal, le minral ne sont pas des sujets de droits, ils ne sont pas des personnes.

    Est ainsi vrifie la summa divisio fondamentale entre les personnes, sujets de droit, et les choses, objets de droit.

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    Quand il dnombre les sujets de droit, le Droit civil reconnat chacun d'entre nous en tant que personne humaine et, mieux, en tant que PERSONNES PHYSIQUES (SOUS-TITRE I). Mais le Droit reconnat galement les socits, les associations, les syndicats : ce sont les PERSONNES MORALES (SOUS-TITRE II).

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    SOUS-TITRE I - LES PERSONNES PHYSIQUES

    Nous avons le sentiment que du seul fait que nous vivons, nous disposons de droits inhrents tout tre humain; en ce sens, nous disposerions tous des mmes droits, nous serions tous gaux en droit.

    Mais, dans le mme temps, nous prouvons aussi le sentiment que chacun est unique et que chaque tre est diffrent en considrant son ge, son sexe, sa famille, sa nationalit, sa profession.

    Le statut juridique que le Droit civil donne aux personnes physiques reflte cette dualit. - Sous certains rapports, tous les tres sont semblables : les personnes ont, sous le couvert de l'galit civile, la mme personnalit juridique. - Sous d'autres rapports, le droit consacre une distinction civile des personnes en rglementant leur identit : chaque individu est dans une situation propre qui constitue son tat-civil. - Surtout, sous un rapport totalement nouveau, les personnes sont unique en tant que personne humaine et dveloppe un rapport, juridique, sur leur propre corps, original et en cours dlaboration, lintersection entre la philosophie, la morale, la sciences, lconomieet le droit qui fusionne tout ces intrts pour fonder les rgles du droit de la personne humaine.

    Nous tudierons dans un premier temps la PERSONNALITE JURIDIQUE et l'galit civile (Chapitre 1), dans un second temps L'IDENTITE JURIDIQUE ET L'ETAT CIVIL (Chapitre 2).

    CHAPITRE 1 - LA PERSONNALITE JURIDIQUE ET LA PERSONNE HUMAINE

    Le principe fondamental premier en droit civil est celui de lgalit civile proclam par larticle 1er de la Dclaration des droits de lhomme et du citoyen, tous les hommes naissent libres et gaux en droit mais galement celui de la souverainet dune personne sur elle-mme qui fonde le principe, ancien, de lassise

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    des droits et liberts des personnes sujet de droit, mais galement le principe, nouveau de la considration de la personne humaine.

    Cette galit juridique est virtuelle, ou plus exactement, simplement juridique : elle n'a pas pour fonction d'assurer concrtement tous la jouissance des mmes avantages conomiques ou de la mme position sociale. Lgalit civile nest donc pas une galit conomique ou sociale.

    Dire que tous les individus sont gaux en droit signifie que tous sont des personnes juridiques dont lexistence doit tre mesure (tant entendu quil aurait t possible de dvelopper ici, une prsentation gnrale de la personne, quelle soit physique ou morale, puisquil sagit essentiellement de baliser le champ de la personnalit juridique, donne abstraite commune aux deux institutions) (Section 1), que tous les tre humaines bnficient, en tant que tels, d'une certaine protection et surtout dune considration (Section 2).

    SECTION 1 - L'EXISTENCE DE LA PERSONNE

    A premire vue, la personnalit juridique apparat avec le dbut de la personnalit juridique, dont la naissance, ( 1) et disparat avec la mort ( 2).

    A plusieurs gards, ce n'est qu'une approximation notamment parce qu'il y a un tat d'incertitude entre la vie et la mort : les doutes sur lexistence de la personne : labsence et la disparition ( 3).

    1 LE DEBUT DE LA PERSONNALITE JURIDIQUE

    La personnalit commence avec la naissance et sachve avec la mort. Ce principe est connu (I), il rencontre cependant des limites et surtout bien des difficults dapplication (II), la question tant domine par les consquences de la personnalit juridique, la possibilit de disposer dun patrimoine, de succder, ce qui suppose une certaine autonomie physique, en premier, de conscience ou de discernement en second, question qui relve du traitement de la capacit et des incapacits (cf. infra).

    I LE PRINCIPE : LA NAISSANCE

    A Enonc du principe

    En principe, tout homme acquiert la personnalit juridique par le seul fait de sa naissance. La naissance est donc juridiquement distingue de la procration, laquelle ne fait pas apparatre la personne, au sens juridique du terme, en serait-ce que parce que lembryon, le ftus, lenfant natre ne sont pas distingus du corps de la mre.

    Aussi la naissance doit tre dclare la mairie du lieu daccouchement dans les trois jours de celui-ci (art.55 C.civ.). La charge en incombe au pre ; en pratique

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    celui-ci, nanti dun document attestant la naissance de lenfant ralis par la sage-femme qui a assist la mre, se prsente en mairie (art.56 C.civ.).

    Lofficier dtat civil dresse lacte de naissance. Dans cet acte de naissance, il nest pas obligatoire dindiquer le nom du pre ni celui de la mre. Ces indications, quand elles seront faites produiront des consquences importantes au plan de la filiation (art.57 C.civ.).

    B Conditions dapplication du principe

    Pour tre une personne, l'enfant doit natre vivant et viable.

    Les enfants morts-ns ou ns vivants mais non viables ne sont pas des personnes (ex. art. 725-2 C.civ.). Larticle 725 dispose en effet, dans sa rdaction datant de la loi du 3 dcembre 2001 que pour succder, il faut exister linstant de louverture de la succession ou, ayant dj t conu, natre viable .

    Larticle 318 du Code civil (ancien art. 311-4) du Code civil pose de faon plus gnrale que aucune action nest reue quant la filiation dun enfant qui nest pas n viable .

    Un enfant nat vivant lorsqu' sa naissance il respire compltement. La viabilit est la capacit naturelle de vivre. Le pouvoir d'apprciation de ces qualits est laisse au mdecin.

    Toutefois, la considration, ne serait-ce que de la souffrance morale, de la mre qui met au monde un enfant mort-n, et surtout en 1804 o la mortalit infantile tait considrable de lordre de 300/1000 (et de lordre de 4/1000 aujourdhui, contre 50/1000 dans les annes 1950) a conduit admettre lacte de prsentation dune enfant sans vie, ds 1806, solution reprise dans la loi du 8 janv. 1993 (C ; civ., art. 79-1, al.2). Quelles en sont les conditions ? On admettait un dlai, 22 semaines et un poids, 500g, notamment dans une circulaire de 1993, jusqu un arrt, trs discut, du 6 fvrier 2008 (06-16498, 06-16499, 06-16500, JCP, 2008, II, 10045) qui a admis quun tel acte, dans larticle 79-1, al. 2 ne supposait pas une condition particulire de dveloppement de l enfant sans vie (les guillemets se justifie pour ne pas confondre la notion denfant, qui suppose lexistence dune personne, et l enfant sans vie qui na pas accd la considration de la personne juridique).

    Exemple 1. Les mdecins estiment certaine la non viabilit pour un enfant hydrocphale (prsence d'une trop grande quantit de liquide cphalo-rachidien dans le cerveau). Le pouvoir ainsi confr la mdecine est redoutable. Exemple 2. Une femme enceinte apprenant la mort de son mari accouche subitement. L'enfant, n vivant, dcde peu aprs.

    - Si l'enfant tait viable : il a hrit, un court instant, de son pre. A la mort de l'enfant, c'est la mre qui, son tour, hrite.

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    - L'enfant n'est pas n viable. Il n'a jamais hrit, l'hritage du pre va aux parents du mari. C'est celui qui conteste la personnalit d'un enfant rapidement dcd de dmontrer que celui-ci n'tait pas n viable.

    Exemple 3. Une femme dcde en mettant au monde un enfant : - Lenfant nest pas viable, il na pas hrit, les autres enfants ou les parents

    de la mre hritent de celle-ci. - Lenfant est n viable, il a hrit de la mre, il dcde peu aprs, son pre

    hrite de lenfant.

    II LES LIMITES ET DIFFICULTES DAPPLICATION

    Infans conceptus Selon un adage, dont les articles 725 et 906 du Code civil sinspirent, lenfant est rput n du jour de sa conception sil y trouve un intrt, intrt successoral notamment : infans conceptus pro nato habetur quoties de commodis ejus agitur .

    Larticle 725 et 906 posent cependant une condition lapplication des rgles du droit civil lenfant simplement conu, il faut en effet quil naisse vivant et viable.

    Consquences :

    - L'enfant peut recueillir une succession qui s'est ouverte pendant sa gestation, avant sa naissance (art.725 C.civ.).

    - Il en va de mme pour les donations et les legs (art.906 C.civ.).

    - Si l'enfant est un enfant naturel (c'est--dire que les parents de l'enfant ne sont pas maris), il peut tre reconnu par son pre ou sa mre avant sa naissance.

    Bien plus, la loi va parfois au-del de l'adage. Ainsi la loi du 13 juillet 1930 permet de contracter une assurance sur la vie au bnfice de l'enfant natre et qui n'est pas encore conu (art. L.132-8 al.3; v. Cass. civ. I, 10 dc. 1985, D.1987, p.449). Mais c'est une exception.

    Autre est la question du statut de lembryon ou du ftus, qui relve de la considration de la personne (cf. infra, Section 2).

    2 LA FIN DE LA PERSONNE PHYSIQUE : LA MORT

    La personnalit juridique cesse avec la mort, puisque la personne prise en tant que sujet de droit doue dintrts, cesse avec le dcs de cette personne.

    Le droit franais ne connat plus la mort civile abolie par une loi du 31 mai 1854, qui frappait les condamns de lourdes peines. Les morts civils , bien que vivants, taient dpourvus de toute personnalit juridique. Ils n'taient plus sujets de droit (religieux prononant des vux perptuels, condamns des peines

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    afflictives et infamantes). Par consquent, ils taient dchus de toute capacit juridique, dexercice et de jouissance, et une succession souvrait, comme en cas de dcs physique .

    Dsormais, tout homme conserve sa personnalit jusqu' sa mort physique, mdicale. Larticle 718 du Code civil ne connat plus que le dcs comme cause douverture dune succession. La personnalit juridique dure autant que la vie et les consquences juridiques dun dcs sont trs importantes : dissolution dun rgime matrimonial, si la personne dcde, le de cujus (ce qui vient de la locution de cujus successionis, de la personne dont on succde, dans le vocabulaire du droit des successions), tait marie, dvolution de ses biens par leffet dune succession ou de leffet des libralits, rupture des contrats conclus intuitu personae (en considration de la personne, Cf ; M. Bhar-Touchais, Le dcs du contractant, LGDJ, 1988), notamment.

    S'agissant alors de la seule mort naturelle, celle-ci soulve des problmes qui tiennent sa preuve (I) et ses effets (II).

    I - LA PREUVE DE LA MORT

    Le dcs mdicalement constat, doit tre dclar l'officier de l'tat civil.

    Puis, comme la naissance, la mort doit tre constate dans un acte de dcs dress par un officier d'tat civil (de la commune o a eu lieu le dcs, art.78 C.civ.).

    Mais pour que soit dress un acte de dcs, encore faut-il :

    1. Qu'il y ait eu vie : si un enfant est dcd avant que sa naissance ait t dclare :

    Si un certificat mdical atteste que l'enfant tait n vivant et viable (en prcisant ses jours et heures de naissance et de dcs), l'officier de l'tat civil tablit un acte de naissance et un acte de dcs (C.civ. art.79-1 al.1).

    A dfaut, il dresse un acte d'enfant sans vie, inscrit sa date sur les registres de dcs et ne prjugeant pas de savoir si l'enfant a vcu ou non; tout intress pourra saisir le tribunal de grande instance l'effet de statuer sur cette question, dans les conditions dj vues.

    2. Qu'il y ait un corps, un cadavre : si le corps du dfunt, bien que le dcs soit certain, n'a pu tre retrouv, un acte de dcs ne saurait tre rdig. Un jugement dclaratif de dcs, rendu par le tribunal de grande instance (si la mort s'est produite sur un territoire relevant de l'autorit de la France, le tribunal comptent est celui du lieu o la mort s'est produite; dfaut, comptence appartient, en principe, au tribunal du domicile ou de la dernire rsidence du dfunt, C.civ. art.89) la demande du ministre public ou de tout intress - hriter notamment -, en tiendra lieu (C.civ. art.88 al.3).

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    3. Quil y ait mort, qui est un tabou juridique, non dfini par la loi et qui, pour la Cour de cassation est une question de fait laiss lapprciation des juges du fond (donc aux mdecins). Le sens commun y voit un arrt du cur quun simple examen clinique permet de constater, sans donc quil soit ncessaire quil rsulte dun constat mdical (non ncessaire dailleurs pour dclarer un dcs). Cependant, larrt cardiaque est un signal physique de la mort et non la mort elle-mme, laquelle rsulte de larrt des fonctions crbrales.

    Aussi, la dfinition de la mort fait lobjet dun dcret du 2 dcembre 1996 (C.s.p., art. L. 671-7 et R. 671-7-1), pris pour permettre le prlvement dorganes des fins thrapeutiques ou scientifiques .

    Si la personne prsente un arrt cardiaque et respiratoire persistant, trois des quatre critres suivants doivent tre observs pour quun constat de dcs soit effectu :

    absence totale de conscience et dactivit motrice spontane abolition de tous les rflexes du tronc crbral absence totale de ventilation spontane examen prcis pour vrifier le caractre irrversible de la destruction

    encphalique.

    II - LES EFFETS DE LA MORT

    La mort entrane en principe la disparition de la personnalit du dfunt. Que deviennent alors les droits et actions attachs la personne du de cujus dont celui-ci tait le titulaire, le sujet :

    Certains disparaissent : ce sont les droits viagers (ex. : l'usufruit).

    Mais la plupart des droits du dfunt survivent ce dcs : ils sont transmis par succession aux hritiers (droit de proprit, droit de crance et dettes). Les hritiers sont les continuateurs de la personnalit du dfunt.

    D'autre part, bien que la personnalit disparaisse au dcs, elle peut encore produire certains effets ultrieurs (c'est ce qui explique l'effet obligatoire du testament qui par hypothse ne prend effet qu'au dcs du testateur).

    Cest notamment le cas de certains droits de la personnalit. Ainsi le droit dauteur survit pendant 70 ans, au profit de ses hritiers, au dcs de lauteur, tandis que le droit moral de lauteur est imprescriptible. De mme certains droits demeurent (ou naissent) comme le droit au respect du corps de la personne humaine, comme le tribunal de grande Instance de Paris lavait admis la suite de la publication de la photographie de la dpouille de F. Mitterrand (TGI Paris, 13 juill. 1997, D. 1997, p. 255), par ailleurs pnalement sanctionn (C. pn., art. 225-17, al. 1er).

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    3 LES DOUTES SUR LEXISTENCE DE LA PERSONNE : L'ABSENCE ET LA DISPARITION

    Le dcs emporte la disparition de la personne mais, demeure une incertitude lorsquune personne a physiquement disparu.

    L'hypothse est la suivante : une personne disparat, un beau jour, sans qu'on sache avec certitude si elle est ou non dcde. Ce peut tre une absence, une personne qui, tout dun coup nest plus prsente sans que lon puisse savoir ce quelle est devenue, partie, enleve, dcde accidentellement, nul ne le sait. Ce peut tre une disparition la personne nest plus prsente mais il de forte prsomption quelle soit dcde. On voque bien entendu le cas des disparitions denfants mais bien des adultes disparaissent galement ; cest galement le cas de disparitions accidentelles. A loccasion dune catastrophe climatique ou du crash dun avion, voire de situation ordinaires de la vie courante, des personnes ont disparu.

    Quelle est alors la situation de la personne qui est ainsi absente ou disparue ? Que deviendra son patrimoine ? Son conjoint peut-il se remarier ?

    La solution est diffrente selon le degr de certitude du dcs et le droit franais connat deux rgimes : celui de L'ABSENCE (I) et celui de LA DISPARITION (II), dans un ordre croissant de vraisemblance de mort.

    I - L'ABSENCE

    Labsence est l'tat dans lequel se trouve un individu dont on ne sait pas s'il est vivant ou mort. Cest celui qui annonce quil descend chercher un journal (on disait autrefois des cigarettes) et qui ne rentre pas chez lui. Est-il parti avec une autre femme (cf. Le bonheur est dans le pr, dEtienne Chatiliez, 1995), sest-il engag dans la Lgion trangre pour chapper on ne sait quel destin, a-t-il t enlev par des terroristes martiens, a-t-il t victime dun accident, hospitalis et amnsique ?

    Le mystre de cette absence, de cette non-prsence, est prcisment encadr par la loi. Seuls les non-prsents sont viss : on peut tre absent physiquement, parce que parti pour un long voyage, mais prsent juridiquement car on sait o est cette personne ( moins quelle ne subisse un accident : elle sera alors disparue, cest le cas des voyages en mer par exemple, ce qui complique lanalyse).

    Le rgime de l'absence avait t soigneusement prvu par le Code civil de 1804 en raison des troubles rvolutionnaires, des squestrations abusives, des tueries, des migrations rapides de la noblesse, etc.

    Le rgime de l'absence a t modifi par la loi du 28 dcembre 1977 : C. civ., art. 112 132, au sein dun Titre du Code civil particulier, intitul Des absents , et non au sein des dispositions relatives au dcs comme cest le cas de linstitution de la disparition.

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    Larticle 112 prcise que labsence est caractrise lorsquune personne a cess de paratre au lieu de son domicile ou de sa rsidence sans que lon en ait eu de nouvelles C. civ., art. 112). Les rgles du Code civil proposent alors les techniques de prise en compte des affaires de labsent, en un rgime organis en deux tapes successives et constates par le juge : la prsomption dabsence dure dix ans (A) puis la dclaration d'absence (B).

    A - La prsomption d'absence

    La prsomption dabsence est une prsomption de vie. On suppose que labsent est vivant, mme si on ne sait o et donc quil peut, quil va revenir, car aucun lment ne permet de suspecter la mort de la personne.

    Elle joue dans certaines conditions, elle produit certains effets.

    1) Les conditions de mise en oeuvre de la prsomption d'absence sont prvues par l'article 112 du Code civil. Pour qu'une prsomption d'absence puisse tre constate, il faut et il suffit qu'une personne ait cess de paratre au lieu de son domicile ou de sa rsidence sans que l'on en ait eu de nouvelles.

    La loi n'impose aucun dlai. La prsomption d'absence doit tre demande auprs du dernier domicile de celui dont on cherche faire dclarer l'absence. La demande peut tre forme par toute personne intresse ou par le Ministre public.

    2) Les effets de la prsomption d'absence relvent des articles 113 et suivants du Code civil.

    - Le prsum absent est prsum vivant (articles 128 a contrario et 725 du Code civil). On organise la protection du patrimoine du prsum absent par voie de reprsentation : le juge dsigne un parent de l'absent (ou un tiers) pour le reprsenter (sauf si l'absent a laiss une procuration ou si le rgime matrimonial suffit : le conjoint de l'absent le reprsentera) ; il sera ladministrateur lgal judiciairement contrl, de labsent. Il sagit en effet dassurer la protection des biens, des affaires de labsent, comme sil devait revenir.

    Le juge des tutelles assure le contrle de ladministrateur lgal qui il doit des compte, il fixe le montant des sommes ncessaire lentretien de la famille, des enfants, la rmunration ventuelle de ladministrateur lgal, etc.

    D'un point de vue extrapatrimonial, le prsum absent existe, son mariage n'est pas dissous : - Si le prsum absent reparat (art.118 C.civ.), il reprend possession de ses biens.

    - Si le prsum absent ne reparat pas, s'ouvre la deuxime phase du mcanisme.

    B. La dclaration d'absence

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    Si l'absence se prolonge, la mort devient probable pour expliquer labsence ; il faut en outre rgles le problme des biens de labsent, la situation de son pouse. Le tribunal peut alors prononcer un jugement de dclaration d'absence dont les effets sont importants (2) et les conditions rigoureuses (1).

    1. Les conditions de la dclaration d'absence

    Elles sont prvues par les articles 122 et suivants du Code civil. La loi impose en l'occurrence un dlai qui varie selon les cas :

    - s'il y a eu constatation en justice de la prsomption d'absence, le dlai est de 10 ans compter du jugement de prsomption dabsence; - s'il n'y a pas eu de constatation judiciaire de prsomption d'absence, la dclaration d'absence est possible au bout de 20 ans compter des dernires nouvelles (C. civ., art. 122).

    Le juge comptent est, ici, le Tribunal de Grande Instance (et non plus le juge des tutelles). La requte adresse au tribunal peut tre faite toute personne intresse ou par le Ministre public. Mais la loi exige qu'une large publicit soit donne celle-ci : la requte doit tre publie dans la presse du lieu o l'absent a eu sa dernire rsidence, dans deux journaux diffrents, voire procder toute mesure de publicit quil jugerait utile. Le jugement ne peut tre rendu qu'un an, au moins, aprs cette publication. Le jugement dclaratif d'absence est soumis la mme publicit que la requte. Il est retranscrit sur les registres de l'tat civil et devient opposable aux tiers.

    2. Les effets de la dclaration d'absence (C.civ., art.128 et s.)

    La dclaration d'absence est prononce par le TGI et elle produit, sans rtroactivit, tous les effets du dcs : ouverture de la succession du dclar absent et dissolution de son mariage.

    La dclaration d'absence prsume la mort : la succession de labsent est ouverte, le rgime matrimonial est dissous, etc.

    Si l'absent reparat ou si son existence est prouve avant le jugement de dclaration dabsence (par exemple aprs la requte), il reprend tous ses droits.

    Si labsent reparat ou que son existence est prouve aprs le jugement, labsent ou le ministre public peut demander son annulation (C. civ., art. 129) et le jugement dannulation fera lobjet de mesures de publicit similaires celles du jugement de dclaration dabsence.

    Les effets de lannulation sont cependant limits.

    - du point de vue patrimonial, les hritiers doivent lui restituer tous ses biens, mais dans l'tat o ils se trouvent ou le prix de ceux qui ont t alins (les hritiers conservent les revenus des biens sauf si la dclaration d'absence a t frauduleuse);

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    - du point de vue extra-patrimonial : en tout tat de cause, le mariage de l'absent demeure dissous (art.132 C.civ.). Le conjoint de celui dont l'absence a t dclare peut se remarier l'esprit tranquille (pas de risque de polygamie).

    Mais il est certains cas dans lesquels ce rgime parat inadapt tant le dcs de l'absent parat certain. Le rgime de la disparition pourvoit ces hypothses.

    II - LA DISPARITION (C. civ., art. 88 92)

    A l'origine, le Code civil n'autorisait la preuve du dcs que par un acte de dcs dress aprs constatation de la mort en prsence du corps. Mais, dans le mme temps, la procdure de l'absence paraissait inadapte aux personnes disparues lors de catastrophes minires, de naufrages et de guerre.

    Depuis 1945, le juge peut constater judiciairement le dcs lorsqu'une personne a disparu dans des circonstances de nature mettre sa vie en danger (C. civ., art. 88), sans que son corps n'ait t retrouv, ce qui est le cas des personnes victimes de catastrophes, de victimes de certains actes de guerre ou daventuriers victimes daccidents : le marin perdu en haute mer, le soldat qui ne revient pas dune mission, les passagers dun vol cras en montagne, les alpinistes perdus en montagne, les millions de personnes dportes et massacres en Allemagne pendant la Seconde guerre mondiale, etc. Dans ces situations, une forte prsomption de dcs pse sur la personne disparue, malgr labsence de corps pour en assurer la preuve, et lincertitude doit tre leve dune faon ou dune autre.

    Le droit franais permet lorganisation dune procdure de dclaration judiciaire de dcs dun franais disparu en France ou hors de France (, C. civ., art. 88, al. 1), dun tranger ou dun apatride disparu en France ou bord dun btiment ou dun aronef franais, ou encore ltranger sil avait sa rsidence habituelle en France (C. civ. Art. 88, al. 2).

    La juridiction comptente est le Tribunal de Grande Instance du lieu de la disparition ou du domicile du disparu.

    - Le tribunal est saisi par le Ministre public ou par toute personne intresse qui doit le faire par lintermdiaire du Ministre public, selon des rgles de comptence assez complexes dtermines par larticle 89 du Code civil. - Le tribunal fixe, par le jugement dclaratif de dcs, la date prsume du dcs en tenant compte des circonstances de la cause, sinon au jour de la disparition. Le jugement vaut alors acte de dcs et est publi sur le registre de lEtat civil. - Sauf cette possible rtroactivit, les effets du jugement sont ceux d'un jugement dclaratif d'absence : la personne est donc rpute dcde, la succession est ouverte, le mariage est dissous, etc.

    Si cependant, par extraordinaire, le dcd revient (et si cest le mme, Comp. Le retour de Martin Guerre et Voyage au bout de lenfer (Deer Hunter), de M.

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    Cimino), le prsum dcd peut demander lannulation du jugement dclaratif dans les mmes conditions quen matire dabsence.

    SECTION 2 LA CONSIDERATION DE LA PERSONNE HUMAINE

    Ici tout est dans ladjectif : personne humaine. Parce qu'elle est unique et sacre, le juge et le lgislateur protgent la personne humaine sous son aspect physique et sous son aspect moral travers plusieurs questions : Celle de l'intgrit physique de la personne ( 1), Celle de la libert physique de la personne ( 2), Celle des attributs de la personnalit ( 3).

    Cest une considration trs rcente (Comp. P. Murat, rflexions sur la distinction tre humain et personne juridique, Dr. Famille, 1997, Chr., n9, X. Bioy, Le concept de personne humaine en droit public, Dalloz, 2003). Que celle de la personne humaine en tant que substance, en tant que telle, en tant que ralit cellulaire, chromosomique mais aussi pensant, crbral : une personne considre comme telle, comme susceptible de dmembrements, divisable en lments et produits du corps humain, comme personne disposant dune intimit, dune image, etc. toute question radicalement diffrentes, et ignores des rgles du droit civil classique, sauf pour la question de la protection de la vie prive. Ce sont surtout les progrs de la science contemporaine, de la science biologique, mdicale, gntique mais galement les volutions de la socit de linformation, qui ont modifi lapproche faite sur la personne humaine, dune part par une conscience du regard de lhomme sur son propre corps, sur sa vie, mais galement de la convoitise sur ces lments, la marchandisation du corps et des informations sur les personnes (comp. M. Crichton, Next, 2006, A. Huxley, Le meilleur des mondes, 1931).

    Les premires rflexions ont t portes sur le respect de la personne dans sa personnalit, travers la thorie des droits de la personnalit, la fin du XIXme et surtout au cours du XXme sicle, permettant une personne de se protger, par voie dactions en justice, pour assurer le respect de sa vie prive (C. civ., art. 9.), de son domicile, etc. Le plus souvent sur le fondement des rgles du droit de la responsabilit civile : constitue une faute le fait de ne pas respecter ces droits de la personne (physique ou morale, dailleurs).

    Cependant, llment le plus novateur, le plus discut et ce faisant le plus complexe et le plus intressant, reste celui de la considration du respect de la personne prise comme corps humain, au-del de la personne prise comme pesonnalit.

    1 LE CORPS HUMAIN, L'INTEGRITE PHYSIQUE DE LA PERSONNE : LA PROTECTION DE LA VIE ET DU CORPS HUMAIN

    De corpore jus. Le droit sest toujours proccup, des degrs divers, de la protection du corps humain. Le droit pnal en est laspect le plus remarquable, o de nombreuses incriminations rpriment les atteintes l'intgrit corporelle (l'homicide volontaire ou non, les coups et blessures, le viol).

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    Toutefois, cette prise en compte du corps humain est trs indirecte et ce nest pas le corps humain qui intresse le pnaliste, mais la protection de la socit ou des victimes en tant qulment de ce corps social, point le corps humain comme la base de droits, de rgles juridiques particulires, de mme que les rgles civiles que la naissance ou la mort taient, et sont toujours, envisages comme des rgles consquentialistes :ce sont les effets de la naissance ou de la mort qui importent.

    Cest la rvolution mdicale, biologique, gntique qui a emport les plus grandes rflexions et bouleversement, la fin du XXme sicle.

    Deux grands principes cohabitent, le principe de l'indisponibilit du corps humain, c'est--dire qu'on ne peut disposer soi-mme de son propre corps. Ainsi le Droit civil dclare nulles toutes les conventions concernant le corps humain : on dit de la personne humaine qu'elle est hors du commerce (ex. : TGI Paris, 3 juin 1969, Aff. de la rose tatoue et comp. Le Tatou) et le principe de linviolabilit du corps humain.

    Les progrs de la science, biologique, mdicale, biomdicale, gntique ont singulirement acclr cet intrt.

    - Ds 1887 une loi assurait la possibilit pour une personne de faire don de son corps la science .

    - En matire de greffes : la loi n49-890 du 7 juillet 1949 permettant la pratique de la greffe de corne grce l'aide de donneurs d'yeux volontaires et surtout la loi n76-1181 du 22 dcembre 1976 relative aux prlvements d'organes dite loi Caillavet qui, en l'absence de refus de la personne dcde, prsume son consentement et n'admet aucune contrepartie pcuniaire. La loi adopte le 23 dcembre 1993 a en outre rorganis le systme de gestion des transplantations en crant un tablissement public ad hoc.

    - En matire de don de sang, la loi de 1952 a impos le bnvolat et la loi n93-5 du 4 janvier 1993 relative la scurit en matire de transfusion sanguine est venue rorganiser le systme transfusionnel franais en confirmant les principes thiques de bnvolat, de gratuit et d'anonymat.

    - En 1967, en matire de contraception, la loi Neuwirth admettait la contraception fminine : la pilule

    - En matire de procration mdicalement assiste, l'article 13 de la loi n91-1406 du 31 dcembre 1991 portant diverses dispositions d'ordre social a pos le principe de la gratuit du don de sperme, interdit l'insmination avec du sperme frais et rserv des tablissements autoriss le recueil et la conservation du sperme (CECOS). Quant aux activits du PMA, elles sont encadres par les deux dcrets Barzac n88-327 et 88-328 du 8 avril 1988 qui ont organis le contrle des tablissements autoriss

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    recourir ces techniques et institu une Commission nationale de mdecine et de biologie de la reproduction.

    - En matire de diagnostic prnatal, un arrt du 12 avril 1988 soumet autorisation les laboratoires qui pratiquent ces examens.

    - Enfin en ce qui concerne les exprimentations mdicales sur l'homme, la loi Huriet du 20 dcembre 1988 modifie relative la protection des personnes se prtant des recherches biomdicales et ses consquences sur les essais en matire d'innovation thrapeutique mdicamenteuse autorise de telles recherches, mme lorsqu'elles ne sont pas effectues au bnfice individuel direct des personnes qu'elles utilisent, mais les soumet leur consentement libre, clair et exprs et les place sous la surveillance de comits consultatifs de protection des personnes (CCPPRB).

    - La loi du 15 janvier 1975 sur linterruption volontaire de grossesse a lgalis lavortement. Elle a t rvise par une loi du 4 juillet 2001.

    - Le tout aboutissant la loi dite biothique du 29 juillet 1994, rvise par la loi du 6 aot 2004, qui inscrit, dans le Code civil, un chapitre intitul, Du respect du corps humain , consacrant le droit du corps humain, de corpore jus, travers des rgles de principe, dordre public, assurant la primaut et la dignit de la personne humaine, la garantie du respect de ltre humain ds le commencement de sa vie, lextra-commercialit des lments du corps humain, la prohibition de certaines pratiques comme leugnisme ou les conventions de gestation pour autrui, etc., non sans un certain paradoxe puisque, ce faisant la juridicisation du corps humain assure lentre du corps humain dans le commerce juridique.

    - Enfin, la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et la qualit du systme de sant, comprend nombre de dispositions qui compltent ou fondent certaines de ces rgles.

    Toutes ces rgles peuvent tre regroupes en plusieurs catgories : la juridicisation du corps humain (I) ce qui conduit la protection de la vie (II) et la protection du corps humain (III).

    I. LA CONSIDERATION JURIDIQUE DU CORPS HUMAIN

    Cest un grand mystre juridique, un vritable tabou, peu lev (comp. cependant et notamment le trs excellent F. Znati et T Revet, Droit des personnes, Puf, 2007, n269 s. o les auteurs, aprs avoir pos les lments de la notion de corps humain et avoir dfini le rapport dune personne sur son corps comme une relation dappropriation, tablissent son rgime en utilisant, dessein, le vocabulaire du droit des biens), dans lequel sont essentiellement tablis des principes : celui de linviolabilit du corps humain, de son non patrimonialit, le principe de la dignit de la personne humaine qui permettent dassurer la protection de la vie et du corps humain, linterdiction des pratiques eugniques, comme le

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    clonage, dans les conditions notamment poses par larticle 16-4, al. 3 et 4 du Code civil :

    Nul ne peut porter atteinte l'intgrit de l'espce humaine. Toute pratique eugnique tendant l'organisation de la slection des

    personnes est interdite. Est interdite toute intervention ayant pour but de faire natre un

    enfant gntiquement identique une autre personne vivante ou dcde. Sans prjudice des recherches tendant la prvention et au traitement

    des maladies gntiques, aucune transformation ne peut tre apporte aux caractres gntiques dans le but de modifier la descendance de la personne .

    Deux hypothses peuvent tre formules.

    Classiquement, on admet que le corps humain ntant pas dans la catgorie des biens, puisque la patrimonialit du corps est exclue, il en rsulte, par logique, que le corps relve de la catgorie des personnes et, dailleurs, tout le rgime rvle un rgime de protection propre celui des personnes. Le corps serait ainsi lobjet dun droit de la personnalit ou bien, plus rapproche de la conception suivante, il serait une chose commune non susceptible dappropriation.

    Cette considration est cependant difficile ds lors que le corps humain est entr dans le paysage juridique comme cest le cas depuis 1994 notamment. La personne ainsi envisage, dans sa ralit physique, cellulaire, nest pas la personne, sujet de droit, des rgles classiques du Code civil, mais au contraire comme un objet de droit, aboutissant cet apparent paradoxe que la personne juridique dispose ainsi de droit sur sa personne humaine : chacun droit au respect de son corps proclame ainsi larticle 16-1, al.1 du Code civil. Chacun, cest--dire toute personne juridique, dispose dun droit, subjectif, par exemple le droit au respect, qui porte sur cet objet de droit quest le corps.

    Cest ainsi que le corps, les lments du corps, les produits du corps humain sont des objets de droit et, ce faisant des choses, des choses particulires, ne relevant pas de la catgorie des choses ordinaires, les choses humaines (E. Bayer, Les choses humaines, Th. Toulouse, 2003). Simplement, les rgles posent que cet objet de droit quest le corps ne peut faire lobjet dun droit patrimonial ou de convention ayant pour effet de lui donner une valeur patrimoniale. F. Znati et T. Revet considrent alors que le droit de la personne sur son corps est un droit de proprit.

    Le statut de lembryon pose alors de grandes difficults. Tout dpend de la conception de lon adopte de la personne et de la personne juridique, tant entendu que la personne nexiste, en tant que personne juridique et en tant que personne humaine, quavec la naissance, lembryon tant une partie du corps de sa mre.

    Mais le droit a modle la nature, ou en tout cas est une interprtation de la nature. Reconnatre cette infirmit du droit permet alors denvisager des solutions alternatives, par exemple lorsque larticle 16 du Code civil dispose, comme entame

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    du chapitre consacr au respect du corps humain que La loi assure la primaut de la personne, interdit toute atteinte la dignit de celle-ci et garantit le respect de l'tre humain ds le commencement de sa vie . Ltre humain ds le commencement de sa vie , il y a l une contradiction observer le commencement de la vie, au moment de la procration, et identifier alors, un tre humain .

    En effet, laffirmation que tout homme acquiert la personnalit juridique du seul fait de la naissance ne rgle pas la question de la dfinition de la personne : est-ce que la notion de personne est la mme que celle de personne juridique : avant la naissance, lembryon ou le ftus ne sont donc pas une personne, ou peut-on distinguer la notion de personne et celle de personne juridique ? La distinction est essentielle : dans le premier cas, la protection de la personne est consubstantielle de la reconnaissance de la personnalit juridique, de la naissance donc. Dans le second, la protection de la personne peut tre assure malgr le fait quelle ne dispose pas de la personnalit juridique, ds la conception. Ces questions sont absolument fondamentales, nous les aborderons galement (V. A. Mirkovic, La notion de personne humaine, Th. Paris II, 2001). Par exemple, le Comit consultatif National dEthique avait mis un avis, le 23 mai 1984, par lequel lembryon ou le ftus doit tre considr comme une personne humaine potentielle qui est ou a t vivante et dont le respect simpose (JCP 1985, I, 3191). Par ailleurs, loccasion de lexamen de la loi Biothique de 1994, le Conseil constitutionnel avait, dans sa dcision du 27 juillet 1994 (JO 29 juill. 1994, p. 11024) considr que le principe du respect de tout tre humain ds le commencement de la vie nest pas applicables aux embryons in vitro qui ne bnficient que de garanties spciales , confirmant loption de la non protection de lenfant simplement conu choisie par la loi biothique de 1994. Ainsi, lembryon, peut tre congel, dtruit, rimplanter, faire lobjet dexprimentations, etc.

    Dune faon gnrale, le droit civil franais sen tient ces quelques principes qui alimentent le flou de la distinction alors mme quils reposent sur un socle apparemment sr :

    Lembryon, cest--dire lenfant simplement conu, lenfant in utero, nest en principe pas une personne.

    Il nest pas une personne mais il nest pas non plus trait comme une chose. Ainsi peut-il tre accueilli (adopt ?) ans des conditions particulires, par exemple par un couple strile, dans des conditions contrles par la loi : ce sont toutes les procdures de fcondation in vitro, les procrations mdicalement assistes (PMA) que nous tudierons plus tard.

    Il nest pas une personne ce dont il rsulte que la mre peut librement disposer de lenfant conu in utero : elle dispose dune droit de procder une interruption volontaire de grossesse, par curetage ou par aspiration. Pourtant, la loi du 15 janvier 1975 sur lIVG pose des conditions assez strictes. Ainsi, la mre qui dcide de procder une IVG doit prsenter un Etat de dtresse dont elle est seule juge pendant les douze premires semaines. Au-del, ce sont les mdecins qui peuvent en dcider.

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    Il nest pas une personne et peut donc, tre tu. Cest toute la question du dcs accidentel de lembryon comme un arrt du 29 juin 2001 de lassemble plnire de la cour de cassation lavait pose. Le conducteur dun vhicule avait t poursuivi pour atteinte volontaire la vie dun enfant natre alors quil avait bless une femme enceinte de six mois, victime dune fausse couche la suite de cet accident : le principe de lgalit des dlits et des peines, qui impose une interprtation stricte de la loi pnale, soppose ce que lincrimination prvue par larticle 221-6 du Code pnal, rprimant lhomicide involontaire dautrui, soit tendue au cas de lenfant natre dont le rgime juridique relve de textes particuliers sur lembryon ou le ftus (JCP 2001, II, 10560, note M.-L. Rassat).

    Il en rsulte dont que le ftus ou lembryon, ntant pas une personne, il nest pas autrui dans le cadre de larticle 221-6 du Code pnal. Lenjeu est considrable : reconnatre la protection de lembryon est-il de nature concurrencer la loi de 1975 sur lIVG ?

    La loi sur lIVG reconnat le droit la vie, dune part, et limite les possibilits de supprimer les embryons dans ces cas exceptionnels. Est-ce pour autant admettre que lembryon est une chose, un petit amas de cellules sans vie ? Peut-on admettre quun embryon est une personne sans remettre en question le droit lIVG ? La distinction est peut-tre trop subtile pour le commun des justiciables et les esprits faibles. Dailleurs, la proposition de loi Garaud sur linterruption volontaire de grossesse (IIG), se prsente comme non contradictoire avec la loi sur lIVG ; elle a soulev un tel toll quelle a d tre retire

    II. LA PROTECTION DE LA VIE

    A. Droit la vie

    1. La protection de la vie met en jeu la question de lIVG, en premier. Larticle 1er de la loi Veil du 15 janvier 1975 relative lIVG dispose que la loi garantit le respect de tout tre humain ds le commencement de la vie de sorte quil ne saurait tre port atteinte ce principe quen cas de ncessit .

    De mme larticle 16 du Code civil, institu par la loi biothique de 1994, assure que la loi assure la primaut de la personne, interdit toute atteinte la dignit de celle-ci, et garantit le respect de ltre humain ds le commencement de la vie , de mme encore que la plupart des grandes dclaration universelles modernes (Dclaration universelle des droits de lhomme de 1948, art. 3, Pacte international de New York de 1966, art. 6 1,CEDH, art. 2, Charte de lUE, art. 3 1)

    Le droit la protection de la vie est cependant un droit qui nest pas absolu puisque la mre peut, pendant les 12 premires semaines de la grossesse, dcider dy mettre fin (C.s.p., art. 2212-1) en raison de son tat de dtresse , voire au-del en cas de pril grave pour sa sant ou en cas de risque que lenfant soit atteint dune affection particulirement grave et incurable. On mesure cependant la distance qui existe entre la reconnaissance juridique dun droit la vie ds la conception et la non

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    reconnaissance de la personne ds ce moment, et les conceptions philosophiques ou religieuses qui prtendent le contraire : la mre et lembryon forment-ils une unit cellulaire et organique ou au contraire une pluralit, lie lunicit originelle de lenfant ? Cest la rponse cette question, extraordinairement complexe, qui est en jeu dans la mesure o de cette rponse dpend la validit de lIVG, voire de certaines techniques de contraception.

    2. Les techniques de procration mdicalement assiste (PMA) prennent une part active ce dbat, en opposant les techniques de reproduction naturelles et les techniques mdicalement assistes. Lavantage pour les couples striles est vident. Les inconvnients, ct, sont drisoires et pourtant essentiels : on passe dun droit de lenfant, dans lequel il est le centre, un droit lenfant, un droit au profit de ses parents.

    B. Droit la mort ?

    Paralllement, et surtout depuis quelques annes, se pose la question du droit la mort.

    1. La question concerne le fait de se donner la mort, par le suicide. Autrefois, le suicide tait prohib : on faisait le procs dun cadavre. Labsence de rglementation daujourdhui ne signifie pas que le suicide est autoris, cela na pas de sens, mais quil nest pas sanctionn. La diffrence est fondamentale : si le suicide nest pas interdit, il nen rsulte cependant pas que la personne dispose dun droit sur son propre corps.

    2. Le question concerne, n second, leuthanasie, la mort douce en grec. Plusieurs propositions de loi ont t dposes (V. J. Pousson-Petit, Propos paradoxaux sur leuthanasie partir de textes rcents, Dr. Famille, fev. 2001, p. 4) et lon pourrait se demander si linstauration dun principe de respect de la dignit de la personne humaine (C. s. p. art. 1110-2) dans la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malade et la qualit du systme de sant ne lgitime pas certaines formes deuthanasie. De faon minimale, la lgislation soriente vers la notion de soins palliatifs, par exemple travers larticle 1110-5 du C.s. p., toujours la suite de la loi du 4 mars 2002, qui dispose que toute personne a le droit de recevoir des soins visant soulager sa douleur, celle-ci doit en toute circonstance tre prvenue, value, prise en compte et traite, les professionnels de sant mettent en uvre tous les moyens leur disposition pour assurer chacun une vie digne jusqu la mort .

    Il reste donc que leuthanasie est interdite en France ce qui soumet ses auteurs aux foudres du droit pnal, comme laffaire rcente du jeune Vincent Imbert en a fait la dmonstration. On distingue cependant les formes deuthanasie active, des formes deuthanasie passive et du refus de soins par le patient, autoris depuis la loi du 9 juin 1999. Mais ces frontires sont trs floues dans la mesure o la loi prvoit que le patient peut sopposer toute forme dacharnement thrapeutique et alors que le mdecin doit, aux termes du Code de dontologie mdicale, sefforcer de soulager les douleurs du patient. Il demeure cependant que la jurisprudence reste ferme pour maintenir le principe de linterdiction de leuthanasie (Cf. CE 20 dc. 2001, D. 2001,

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    IR, 595, suspension dun mdecin qui avait procd une injection de chlorure de potassium). Cependant, la pratique pnale montre une relative clmence envers les personnes pnalement poursuivie du chef dhomicide dans une situation deuthanasie, les meurtriers par piti , comme on les appelle parfois.

    La question rebondit depuis la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et la fin de vie qui permet un patient dimposer au mdecin son choix de fin de vie. Larticle L. 1111-10 du CSP dispose ainsi que : Lorsqu'une personne, en phase avance ou terminale d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause, dcide de limiter ou d'arrter tout traitement, le mdecin respecte sa volont aprs l'avoir informe des consquences de son choix. La dcision du malade est inscrite dans son dossier mdical. Le mdecin sauvegarde la dignit du mourant et assure la qualit de sa fin de vie en dispensant les soins viss l'article L. 1110-10 et permet ainsi de protger le mdecin confront un refus de soin dun patient, la dcision de ce dernier tant consigne dans son dossier mdical.

    Ces rgles renversent donc la jurisprudence passe qui imposaient au mdecin de ne pas suivre lavis du patient et donc leur imposaient un certain acharnement thrapeutique, validant donc leuthanasie passive.

    Toutefois, larticle L. 1110-5 du CSP dispose galement propos du droit de chacun dtre inform de son tat de sant et de recevoir des soins appropris et notamment en cas daffection grave et incurable (dernier alina), la possibilit dappliquer un traitement susceptible dabrger sa vie :

    Toute personne a, compte tenu de son tat de sant et de l'urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit de recevoir les soins les plus appropris et de bnficier des thrapeutiques dont l'efficacit est reconnue et qui garantissent la meilleure scurit sanitaire au regard des connaissances mdicales avres. Les actes de prvention, d'investigation ou de soins ne doivent pas, en l'tat des connaissances mdicales, lui faire courir de risques disproportionns par rapport au bnfice escompt.

    Ces actes ne doivent pas tre poursuivis par une obstination draisonnable. Lorsqu'ils apparaissent inutiles, disproportionns ou n'ayant d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent tre suspendus ou ne pas tre entrepris. Dans ce cas, le mdecin sauvegarde la dignit du mourant et assure la qualit de sa vie en dispensant les soins viss l'article L. 1110-10.

    Les dispositions du premier alina s'appliquent sans prjudice de l'obligation de scurit laquelle est tenu tout fournisseur de produit de sant, ni des dispositions du titre II du livre Ier de la premire partie du prsent code.

    Toute personne a le droit de recevoir des soins visant soulager sa douleur. Celle-ci doit tre en toute circonstance prvenue, value, prise en compte et traite.

    Les professionnels de sant mettent en uvre tous les moyens leur disposition pour assurer chacun une vie digne jusqu' la mort. Si le mdecin constate qu'il ne peut soulager la souffrance d'une personne, en phase avance ou terminale d'une affection grave et incurable, quelle qu'en

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    soit la cause, qu'en lui appliquant un traitement qui peut avoir pour effet secondaire d'abrger sa vie, il doit en informer le malade, sans prjudice des dispositions du quatrime alina de l'article L. 1111-2, la personne de confiance vise l'article L. 1111-6, la famille ou, dfaut, un des proches. La procdure suivie est inscrite dans le dossier mdical .

    3. La question concerne galement le problme de lindemnisation de la personne ne handicape, la suite de laffaire Perruche (Ass. pln., 17 nov. 2000 : JCP 2000, II, 10438, concl. J. Sainte-Rose, rapp. P. Sargos, note F. Chabas D. 2000, 336 note P. Jourdain ; RTD civ. 2001, p. 146, obs. P. Jourdain. V. A. Plissier, L'incidence de l'arrt Perruche sur la responsabilit mdicale : Cah. dr. ent. 2001/1 et et rfs. ; Ass. Pln., 13 juill. 2001, D. 2001, 2325, note P. J. Jourdain ; Gaz. Pal. 7-8 sept. 2001, note J. Guigue ; JCP 2001, II, 10601, concl. J. Sainte-Rose, note F. Chabas ; RGDA 2001, n 3, p. 751, note L. Mayaux ; Resp. civ. et assur. sept. 2001, p. 3, obs. H. Groutel ; Ass. Pln. 28 nov. 2001 cit. in. A. Plissier, Le point sur la prcision de larrt Perruche par lAssemble plnire, cah. dr. ent. 2002/1) : le petit Nicolas Perruche avait subi tout une srie de malformations congnitales dues la rubole contracte par sa mre durant sa grossesse. Or, sa mre avait procd un examen de faon reprer une ventuelle rubole et fait savoir quelle entendait procder une IVG en cas dexamen positif. Le laboratoire danalyse mdicale rpondit que tel ntait point le caset se trompa. Il y avait prjudice, pour les parents, comme pour lenfant, il y avait faute mdicale, mais y avait-il un lien de causalit, la faute tait-elle la cause du dommage ? Oui rpondit la Cour de cassation, provoquant une dferlante mdiatique, dans la mesure o la cause est, pour le moins, trs indirecte : la faute est lorigine de la naissance de lenfant (lIVG na pas eu lieu) mais la faute nest pas lorigine du handicap. La loi du 4 mars 2002 a prvu dans un Titre consacr la solidarit avec les personnes handicapes une disposition spciale pour casser la jurisprudence Perruche, que Nul ne peut se prvaloir dun prjudice du seul fait de sa naissance , interdisant donc de demander rparation du fait dtre n handicap et donc de ne pas avoir t supprim au cours de la gestation. Or, ce texte a t,n en quelques sorte, cart par une srie dimportants arrts de la premire chambre civile de la Cour de cassation du 24 janvier 2006 (Bull. civ. I, n 28, 29, 30, 31 p. 26, JCP , d. G, 2006, II, II, 10062, obs. A.Gouttenoire et S. Porchy-Simon). Lessentiel de ces arrts se trouve ainsi prsent :

    Attendu que, comme lavait retenu bon droit la cour dappel, ds lors que la faute commise par le mdecin dans lexcution du contrat form avec Mme Y... avait empch celle-ci dexercer son choix dinterrompre sa grossesse pour motif thrapeutique afin dviter la naissance dune enfant atteinte dun handicap et que les conditions mdicales dune telle interruption taient runies, lenfant pouvait, avant lentre en vigueur de larticle 1er-I de la loi n 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et la qualit du systme de sant demander la rparation du prjudice rsultant de son handicap et caus par la faute retenue ;

    Attendu que larticle 1er-I de ladite loi, dclar applicable aux instances en cours nonce que nul ne peut se prvaloir dun prjudice du seul fait de sa naissance, que lorsque la responsabilit dun professionnel de sant est engage vis--vis des parents dun enfant n avec un handicap non

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    dcel pendant la grossesse la suite dune faute caractrise, les parents peuvent demander une indemnit au titre de leur seul prjudice, que ce prjudice ne saurait inclure les charges particulires dcoulant tout au long de la vie de lenfant, de ce handicap et que la compensation de ce dernier relve de la solidarit nationale ;

    Attendu, toutefois, que si une personne peut tre prive dun droit de crance en rparation dune action en responsabilit, cest la condition selon larticle 1er du protocole n 1 la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des liberts fondamentales, que soit respect le juste quilibre entre les exigences de lintrt gnral et les impratifs de sauvegarde du droit au respect des biens ; que tel nest pas le cas en lespce, ds lors que larticle 1er-I, en prohibant laction de lenfant et en excluant du prjudice des parents les charges particulires dcoulant du handicap de lenfant tout au long de la vie, a institu un mcanisme de compensation forfaitaire du handicap sans rapport raisonnable avec une crance de rparation intgrale, quand les poux Y... pouvaient, en ltat de la jurisprudence applicable avant lentre en vigueur de cette loi, lgitimement esprer que leur fille serait indemnise au titre du prjudice rsultant de son handicap ; do il suit, ladite loi ntant pas applicable au prsent litige, que le premier moyen pris en sa premire branche du pourvoi form par la Fondation Bagatelle et Mme X... et le moyen unique du pourvoi form par la socit Axa assurances sont inoprants et que le premier moyen du pourvoi form par la Fondation Bagatelle et Mme X... pris en sa seconde branche nest pas fond .

    III. LA PROTECTION DU CORPS HUMAIN

    A - Le respect du corps humain

    Le corps humain est le support charnel de la personne mais galement de son esprit : mens sana in corpore sano, le corps et lme ne font quun, etc, lunit du corps est retenue depuis toujours. Lvolution des pratiques mdicales, de recherche et thrapeutiques, a justifi la prise en compte juridique de ces conceptions, par la loi Biothique n94-653 du 29 juillet 1994, introduisant les articles 16 et suivants dans le Code civil, aujourdhui en voie de rvision.

    Lensemble des difficults repose sur la difficile question de lappropriation du corps humain, des lments du corps humains (organes) et des produits du corps humain (lait, cheveux, sang, gamtes, etc) ? Est-il une chose et en ce cas qui en est propritaire ? Nest-il pas une chose, et en ce cas quel est le rgime de sa protection ? Est-il une chose au rgime spcial ?

    On peut envisager deux grands principes qui en dcoulent, le principe de linviolabilit du corps humain (1), et celui de lindisponibilit du corps humain (2).

    1. Le principe de linviolabilit du corps humain

    a. Contenu du principe de linviolabilit du corps humain

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    Larticle 16 du Code civil dispose que la loi assure la primaut de la personne et interdit toute atteinte la dignit de celle-ci et garantit ce respect ltre humain ds le commencement de sa vie . Larticle 16-1, al.2 du Code civil poursuit de manire encore plus claire : Le corps humain est inviolable .

    Le corps humain est inviolable (C. civ., art. 16-1, al.2). Cest laffirmation du caractre sacr du corps humain : Noli me tangere.

    La formule est formidable, grande et sobre mais dj pleine de contradictions ou dimprcisions. La loi garantit ce respect ltre humain mais le peut-elle ? et comment ? et o ? Le commencement de sa vie dterminant le dbut du principe de primaut de ltre humain est-il conforme la loi Veil par exemple ? et cette protection stend jusqu quand, lheure o les dbats sur leuthanasie menacent le respect de la personne humaine la fin de la vie.

    La loi va donc bien au del du seul respect de l'intgrit physique pour protger la dignit mme de l'homme. On peut se demander si un texte de loi tait bien utile cette fin au regard de la jurisprudence antrieure qui assurait dj cette police.

    Dans le mme esprit, la loi nouvelle affirme l'existence d'un vritable droit subjectif de chacun sur son propre corps (art.16-1 al.1er) : Chacun droit au respect de son corps. Le corps humain est inviolable .

    Bien entendu, ce texte justifie les sanctions pnales des atteintes au corps (coups et blessures, etc .) et des tolrances sont admises par lusage, notamment lexemple classique des corrections, pour autant quelles soient lgres, dans le cadre de lducation des enfants. En revanche, ce texte, dailleurs renforc par larticle 3 de la CEDH qui interdit la torture, les traitements inhumains ou dgradants et qui permet de sanctionner des atteintes physiques ou morales ou humiliantes, mais encore toute forme de dtention dune personne, autre quordonne en matire pnale.

    La possibilit dautoriser une atteinte au corps humain. Larticle 16-3 enchane : il ne peut tre port atteinte lintgrit du corps humain quen cas de ncessit mdicale pour la personne ou titre exceptionnel dans l'intrt thrapeutique d'autrui. Le consentement de l'intress doit tre recueilli pralablement hors le cas o son tat rend ncessaire une intervention thrapeutique laquelle il n'est pas mme de consentir.

    Latteinte au corps humain est donc possible mais de manire exceptionnelle, avec le consentement pralable ou en cas durgence de lintress, et surtout pour satisfaire des ncessits mdicales.

    Observons que, depuis 1999, le terme mdical , large, a remplac le terme thrapeutique plus troit de faon tenir compte des aspects psychologiques de la question, en matire de chirurgie esthtique non rparatrice mais de confort, ou bien sagissant du transsexualisme et que la loi de 2004 a ajout lhypothse de lintrt thrapeutique dautrui, qui vise les cas de transplantation dorganes, et du recueil du consentement.

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    En outre, cela ninterdit pas des pratiques dauto-atteinte, comme les tatouages, le percing, voire des relations sadomasochistes (Comp. CEDH, 17 fvr. 2005, K.A et A.D c/Belgique), RTDCiv. Obs. J.-P. Margunaud) lesquelles sont justifies par le consentement des personnes qui sy adonnent et du droit au respect de la vie prive, avec cette rserve que les demandes darrts de la personne doivent tre entendues (dans larrt de 1995, une personne tait dcde).

    Bien entendu ces rgles sont dordre public (C. civ., art. 16-9) de telle manire quil nest pas possible, par convention, de renoncer cette inviolabilit.

    Ce principe interdit donc :

    - lexprimentation mdicale non consentie ; - le traitement thrapeutique non consenti, sauf urgence ou impossibilit de recueillir ce consentement ; - le traitement non thrapeutique, mme consenti (les rebouteux et lexercice illgal de la mdecine).

    L'inviolabilit du corps humain est individuelle (voir article 16-3) mais elle est aussi collective : nul ne peut porter atteinte l'intgrit de l'espce humaine (article 16-4) : nul ne peut porter atteinte lintgrit de lespce humaine de sorte que toute pratique eugnique tendant lorganisation de la slection des personnes est interdite (Comp. Aldous Huxley, Le meilleur des mondes, nouveau et A. Niccol, Bienvenue Gattaca, 1998). La loi fournit deux illustrations de telles atteintes qui tiennent aux pratiques eugniques et aux transformations gntiques dans le but de modifier la descendance d'une personne (art.16-4 al.3).

    b. Limites du principe de linviolabilit du corps humain

    Il peut tre port atteinte l'intgrit de la personne en cas de ncessit thrapeutique ou de recherche scientifique (art.16-3 et 16-4 al.3) : le mdecin qui, ncessairement, porte atteinte la personne effectue une atteinte lgitime. Ces formules restrictives paraissent exclure toute autre exception la rgle de l'inviolabilit.

    Le consentement de l'intress est ncessaire sauf si celui-ci n'est plus mme de consentir sauf dans quelques hypothses, par exemple en matire de don dorganes. Cependant, le don dorgane ou de produit du corps humain (don de sang, de sperme, dovocytes, etc,) ne peut tre effectu qu titre gratuit

    De faon plus gnrale, les limites ce principe sont lgion, notamment, en matire dIVG voire de techniques de strilisation (cf . CSP, art. L. 2123-1).

    De la mme faon, le principe pos par larticle 16-4, interdisant leugnisme est dune porte pratique assez faible, interdisant essentiellement le clonage humain, type brebis Dolly, ce qui justifie dailleurs la rvision de la loi propos du clonage des fins thrapeutiques ou de recherche. Mais la slection des personnes natre est dj possible, que ce soit grce la lIVG ou grce aux techniques de diagnostic prnatal.

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    Les principes poss par la loi sont donc insuffisants et contradictoires : notamment, larticle 16-1 dispose que le corps humain ses lments et produits ne faire lobjet dun droit patrimonial, alors pourtant que larticle 16-6 autorise le don dorganes ou de produits, mme titre gratuit, ce qui justifie la patrimonialisation des produits et lments du corps humain. De mme la directive n98-44 du 7 juillet 1998 autorise la brevetabilit des inventions biotechnologiques et la prise de brevet sur un lment isol du corps humain, voire sur une squence gntique.

    2. Le principe de l'indisponibilit du corps humain

    a. Le contenu du principe

    Le principe de lindisponibilit du corps humain est un corollaire du principe de le non patrimonialit du corps humain, tel que pos par larticle 16-1, al. 3 du Code civil Le corps humain, ses lments et ses produits ne peuvent faire l'objet d'un droit patrimonial , mais galement larticle 16-5 : Les conventions ayant pour effet de confrer une valeur patrimoniale au corps humain, ses lments ou ses produits sont nulles , 16-6, 16-7, etc., le tout assorti de sanctions pnales (C. pn., art. 511-2, 511-4).

    Le corps humain, ses lments et ses produits ne sont pas susceptibles dappropriation, cest ce quexprime le principe de non patrimonialit.

    Le texte de larticle 16-3, al. 3 du Code civil rvle cependant une grande ambigut : les lments ou produits du corps humain sont-ils des choses mais des choses sont hors commerce, indisponibles donc qui ne peuvent faire lobjet de contrats (on ne peut vendre son sang, ses gamtes, ses cheveux, son lait) ou sont-ils indisponibles parce quils ne sont pas des choses, malgr la formule maladroite du Code civil ? (Sur ces points V. par exemple F ; Znati et T. Revet, Droit des personnes, Puf, 2007, n268 s., F. Terr et D. Fenouillet, Les personnes, la famille les incapacits, Dalloz, n 65, Adde M. Gobert, Rflexions sur les sources du droit et les principes dindisponibilit du corps humain et de ltat des personnes, RTD civ. 1992, p . 489, M.-A. Lhermitte Le corps hors du commerce, hors du march, Arch. Phil. Dr., t. 55, 1988, p. 333).

    Le principe est permanent, avant (*) comme aprs (**) les lois biothique de 1994, quil est projet de rformer (et v. documents annexes).

    *. Avant la loi de 1994, la protection de l'intgrit physique de la personne restait assure par des dispositions ponctuelles, dont laffaire dite de la maternit de substitution dite aussi maternit pour autrui (les conventions de portage d'un enfant pour le compte d'un tiers sont nulles) offre un exemple fulgurant.

    La pratique est la suivante. Un couple strile en raison de la femme et dsireux d'avoir un enfant trouve une mre porteuse (il suffit de consulter lInternet : on y trouve tout, surtout le pire). La mre porteuse conclut un contrat avec un couple strile. Lobjet de ce contrat est le suivant : le mari du couple va

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    raliser un don de gamtes avec lesquelles sera procde une insmination artificielle de la mre porteuse . Celle-ci porte l'enfant au cours de la gestation. A la naissance de lenfantil est dclar au seul nom du pre, la mre porteuse , mre gestatrice, abandonne lenfant et le couple strile procde l'adoption plnire de l'enfant, le tout bien entendu de faon rmunre, disons entre 15 000 et 30 000 .

    Ces conventions ont t annules par la jurisprudence comme contraires l'ordre public. Le Conseil d'Etat a considr que l'engagement d'abandon de l'enfant est contraire un principe civil d'ordre public et l'article 353-1-3 du Code pnal (C.E. Ass. 22 janvier 1988, Association Les Cigognes ).

    Ce fut surtout laffaire Alma mater (du nom dune association qui promouvait largement ce type de convention). Le TGI de Marseille, qui avait qualifi le contrat de contrat de prt d'utrus et avait analys la convention comme une promesse de cession et la renonciation l'octroi en reconnaissance contre rmunration , constatait la nullit d'une telle convention au motif qu'elle est contraire l'ordre public fix notamment par l'article 311-9 du Code civil dans un jugement du 16 dcembre 1987.

    La Cour de cassation avait cependant prfr se fonder sur l'article 1128 du Code civil, c'est--dire sur la nullit de la convention portant sur les fonctions reproductives de la mre et sur l'enfant (V. par ex : Civ. 1re, 13 dc. 1989, D. 1990, p. 273, rapp. J ; Massip, JCP 1990, II, 21526, note A. Sriaux, Defrnois 1990, I, 743, obs. J.-L. Aubert, RTD civ. 1990, p. 254, obs. J. Rubellin-Devichi).

    La cour d'appel de Paris avait cependant rsist et estim, l'inverse, que la maternit substitue ne heurtait pas l'ordre public franais. Ces conventions seraient licites car chacun aurait un droit naturel fonder une famille. Autrement dit, les droits naturels fonderaient des droits subjectifs sur la personne d'autrui.

    Cette analyse qui se rapproche de la jurisprudence amricaine (voir par exemple cour de district du New Jersey, affaire Baby M..., 1986), a toutefois t infirme par la Cour de cassation dans le trs important arrt Alma mater de lassemble plnire du 31 mai 1991 (D. 1991, p. 417, rapp. Y. Chartier, note D. Thouvenin, JCP 1991, II, 21752, comm. J. Bernard, concl. Dontemville ; note F. Terr, Defrnois, 1991, I, 1267, obs. J.-L. Aubert, RTD civ. 1991, p. 517, obs. D. Huet-Weiller, GADC, n 60) qui a estim que ces pratiques taient contraires aux principes d'indisponibilit du corps humain : "... Attendu que la convention par laquelle une femme s'engage, ft-ce titre gratuit, concevoir et porter un enfant pour l'abandonner sa naissance contrevient tant au principe d'ordre public de l'indisponibilit du corps humain qu' celui de l'indisponibilit de l'tat des personnes...". Larticle 16-7 du Code civil confirme cette rgle depuis 1994 toute convention portant sur la procration ou la gestation pour le compte dautrui est nulle.

    Afin d'clairer les pouvoirs publics sur ces questions a t cr en 1983 le Comit consultatif national d'thique qui rend des avis sur les problmes soulevs par l'volution rcente de la mdecine et de la biologie.

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    Parmi ces avis, on relvera plus particulirement sept avis relatifs la recherche en matire gntique et ses applications (diagnostic prnatal en 1985, tests gntiques en 1989, 1991 et 1992, non commercialisation du gnome humain en 1991 et thrapie gnique en 1990), une douzaine d'avis se rapportant la procration artificielle et aux utilisations de l'embryon, enfin une dizaine d'avis portant sur la recherche biomdicale pratique sur l'homme.

    Toutefois et pour reprendre les propos tenus par le prsident d'honneur du Comit, le Professeur Jean Bernard, l'occasion du Xme anniversaire du Comit, le 8 fvrier 1993 : l'thique de la biologie n'appartient pas un petit groupe de philosophes, de thologiens, de juristes, de mdecins, de biologistes... De larges ouvertures sont ncessaires. Et d'abord vers le droit .

    Cet appel l'intervention du lgislateur marque avec pertinence les limites du rle et de la lgitimit du Comit, si prestigieuse soit sa composition.

    **. Depuis 1994, la loi a affirm expressment ces principes, mais maladroitement (cf. supra).

    Ajoutons alors que larticle 16-5 qui prolonge ce principe affirme que les conventions ayant pour effet de confrer une valeur patrimoniale au corps humain, ses lments ou ses produits sont nuls . Ce texte participe de lambigut dj releve : est-ce que ces contrats sont interdits par principe et parce lobjet contractuel serait impossible ou est-ce que ces contrats sont possible mais nul sils ont pour effet de confrer une valeur patrimoniale au corps humain ? Il semble bien que lon soit, dj