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1 DROIT ADMINISTRATIF GENERAL

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DROIT ADMINISTRATIF

GENERAL

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Introduction générale

§1) Définition du droit administratif français. A] Droit administratif et droit constitutionnel. Le droit constitutionnel (DC) est le droit par rapport auquel on peut situer le droit administratif (DA). Les deux droits sont très liés et ensembles constituent le droit interne de l’Etat. Cela dit, ils peuvent aussi a priori se distinguer par leur objet. Le droit constitutionnel est la branche fondamentale car elle concerne le statut des organes supérieurs de l’Etat. Le droit administratif, par suite, apparaît plus concerner les pouvoirs de l’exécutif et l’exercice de ses pouvoirs. L e droit administratif organise l’Etat sous l’angle de la gestion des services publics. Aussi, l’un apparaît subordonner à l’autre, n’existe que dans le cadre défini par l’autre. « Il y a des bases constitutionnelles du droit administratif. »Georges Bedel. Cela dit, le droit constitutionnel, s’il permet de situer le droit administratif, n’en est pas moins aussi révélateur de la difficulté de donner une définition très précise. Si, en gros, on peut distinguer deux objets, la frontière est impossible à franchir. On peut distinguer mais très difficilement. Ex : le Président de la République (PDR, actuellement Monsieur Jacques Chirac) fait des décrets comme les maires, pourtant l’un est constitutionnel et l’autre administratif. La distinction des fonctions gouvernementales et administratives est très relative mais non pour autant dépourvue de portée juridique. En effet, on verra que le juge administratif (JA) se déclare incompétent pour connaître de certains actes : -ceux concernant les rapports entre exécutif et législatif (par exemple, le Président de la République qui saisirait le conseil constitutionnel). -ceux concernant les relations internationales qui sont des actes qualifiés « d’actes de gouvernement » et dont l’existence, aujourd’hui, tend à être justifiée en faisant référence à une fonction gouvernementale, laquelle alors se distingue de la fonction administrative. Attention : ici, un « acte de gouvernement » est tout sauf un acte du gouvernement. Les « actes de gouvernement » sont des actes dont le JA ne peut pas connaître. Ex : en 1995, M. Le Président Jacques Chirac voulut relancer les essais nucléaires en Polynésie. Le Conseil d’Etat (CE) s’est déclaré incompétent car ce type d’Acte de Gouvernement n’interresse que les relations internationales. B] Droit administratif et Administration. Il y a une Administration publique. Deux approches sont possibles à auxquelles l’on peut faire correspondre les deux grandes parties du DA. L’approche est soit Organique, soit Fonctionnelle. Au sens Organique, l’Administration est une organisation, i.e. un ensemble de services qui ont moultes misions à assurer. Au sens Fonctionnel, l’administration est un ensemble d’activités. Par suite, le DA est relatif soit à l’organisation (Administration), soit à l’action administrative (administration). Deux questions se posent alors : Quels organes sont visés ? De quelles activités s’agit-il ?

Généralement, l’on résolve la première question sans trop de difficultés. Au sens Organique, l’Administration ce sont des institutions qui ont en commun de relever de personnes publiques (et non pas de personnes morales). Il s’agit de personnes qui sont de deux sortes pour l’essentiel :

- des collectivités locales (= collectivités territoriales) telles que l’Etat, les Régions, les Départements, les Communes et Agglomérations …

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- des établissements publics. Etablissements rattachés à des collectivités locales mais agissant dans des domaines spécialisés (Universités par exemple).

Donc, le DA fixe la structure de ces personnes en établissant des organigrammes, la distribution des pouvoirs, les organes …, et aussi leurs relations avec l’Etat, les entreprises… Pensons à « hiérarchisation » et « décentralisation » par exemple ..

Pour la seconde question, celle-ci est plus délicate. Tout d’abord il s’agit, à 1ere vue,, d’activités de 2 sortes :

- soit juridiques (ex : code de la route, réglementation d’examens).

- Soit matérielles (ex : la réalisation d’une maison de l’Etudiant). Plus précisément les activités tendent à maintenir l’ordre public et la satisfaction des autres besoins d’intérêt général. Le problème se pose car ça ne donne pas de un critère précis. Une telle définition fonctionnelle de l’administration ne coïncide pas avec la définition organique. I.e., le DA n’est pas seulement le droit des organisations administratives mais aussi le droit des activités de cette organisation. Deux raisons à cela. La première est que l’Administration ne fait pas seulement que de l’administration. D’abord elle fait des actes de gouvernement au sens que nous l’avons vu. Ensuite, cette Administration agit souvent dans les mêmes conditions que les particuliers (Ex : locations d’immeubles, achats de matériels et matériaux…), et là l’Administration ne fait plus que de l’administration mais aussi autre chose. La seconde raison est que l’administration n’est pas seulement le fait de l’Administration. Les activités administratives ne sont pas seulement assurées par des personnes publiques, i.e. dans certains cas exercées par des personnes privées (ex : le cas des fédérations sportives qui avaient sanctionné Bernard Tapie, ici c’était un acte administratif. Idem pour les sanctions pour dopage qui relèvent aussi du JA). Conclusion, pour déterminer ce qui relève du DA, il faut soustraire certaines activités de l’Administration mais aussi rajouter d’autres activités. La question qui est posée est celle du critère d’application du DA. C] Définition approximative. Approximative cependant elle esquisse une réponse à deux grands problèmes. Tout d’abord, quel est l’objet du DA ? Ensuite, qu’est-ce qui caractérise ce droit ? Le DA est le droit applicable principalement à l’organisation et au fonctionnement des personnes publiques mais aussi à certaines activités des personnes privées. S’agissant des personnes publiques, l’on peut préciser par voie de délimitations successives pour dire celles qui relèvent du DA ou non :

- 1ère délimitation = le caractère organique. On peut exclure d’office certains organes tels que le législateur et les juges. En principe, ils ne font pas d’administration. Le DA ne vise que d’autres activités, d’autres organes.

- 2ème délimitation = le caractère matérielle. On va exclure d’abord les actes de gouvernement.

- 3ème délimitation = le caractère juridique. On va exclure ce qui relève du droit privé.

S’agissant des personnes privées, elles ont en principe des activités privées et ne font de l’administration qu’à titre d’exceptions (lorsqu’elles assurent, avec des moyens comparables, des activités semblables à celles des personnes publiques). Pour la seconde question, le DA est un « droit spécial » ou « exorbitant du droit commun ». Il l’est à deux points de vue. D’abord, ses règles, en principe, ne sont pas celles du droit privé, i.e. les fonctionnaires n’ont pas de statu comme dans le privé. Ensuite, ses règles ne sont pas appliquées par les mêmes juridictions. Il y a des juridictions administratives et des juridictions judiciaires. Si on néglige les problèmes et les exceptions, l’on peut dire que le DA peut aussi se définir comme le droit qu’applique le JA.

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§2) Indications méthodologiques. Bibliographie : René CHAPUS, Patrice CHRETIEN, la JCE, AJDA, RFDA, DRP, JCPA, Dalloz… A] Pas de dévotion prétentieuse. Ne pas considérer que l’étude du DA est seulement l’étude du contentieux administratif. B] Pas de fétichisme juridique. La tendance à faire du droit une sorte d’absolu, croire que l’on peut faire du droit en gommant toute référence sociale. Il n’y a pas que de la technicité et de la règle, mais aussi du social. Pensons à l’intérêt général, à la Police… Pour éviter cela, pas d’excès juridique. Le droit n’est pas tout dans la vie sociale. Il y a souvent des distorcions entre le droit et la réalité. Il y a des règles jamais appliquées. Ex : le droit de grève est interdit aux policiers ou pompiers mais ils le feront quand même. Il faut savoir relativiser les choses et être un peu sensible. C] L’étude d’un langage spécialisé. On devient interprètes de textes au langage spécialisé. Cela oblige à ne pas négliger le langage ordinaire, ne pas oublier la syntaxe et l’orthographe. Ensuite, il faut considérer que l’étude du DA est l’étude d’un langage spécialisé. Il faut faire attention au vocabulaire, au sens même d’un mot, la grammaire. C’est là tout l’intérêt du langage spécialisé mais, attention, ça peut aussi aller à l’encontre du langage courant. Ex : « acte de gouvernement », qui en DA, est tout sauf un acte du Gouvernement. Ex : « commissaire du gouvernement » qui en DA est quelqu’un qui existe au sein des juridictions administratives et qui est totalement indépendant et encore plus du Gouvernement. Ex : « le décret en CE », le CE ne prend jamais de décret. Ainsi le décret en CE est un décret pris avec l’avis du CE. Tout ceci n’est pas un problème d’étudiant seulement mais concerne aussi la pratique juridique, le droit lui-même. Le droit a un vocabulaire archaïque, les lois sont souvent mal rédigées. §3) Fondements historiques et problèmes actuels du DA. D’un côté, le DA est un produit d’Histoire. Le DA est un droit vivant, non poussiéreux comme d’autres, qui vit de l’actualité. Il est conseillé de faire des dossiers de Presse de tout ce qui concerne le DA. Pour les fondements historiques, pourquoi le DA est-il ce qu’il est aujourd’hui ? Le 1ers caractères qui apparaissent sont son extension t sa force. On constate son extension, ses capacités de renouvellement. Deux phénomènes peuvent expliquer cela :

- la centralisation. - le contentieux administratif (lire par exemple le livre de Pierre

Legendre « Histoire de l’administration de 1750 à nos jours » paru en 1968. Réédité en 1992 sous le titre « Trésors historiques de l’Etat en France ».

- François Burdeau, centré sur le DA, « Histoire du Droit administratif ».

- Grégoire de Bigot, « Introduction historique au Droit administratif depuis 1789 ».

A] Centralisation et constitution d’une puissance administrative. La centralisation se traduit par deux caractéristiques :

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- Dans l’organisation des pouvoirs publics, il y a prééminence de l’Etat sur les collectivités secondaires. A l’intérieur de cette prééminence, une centralisation géographique renforce la centralisation politique à Paris.

- Il s’en suit, selon Pierre Legendre, « deux impératifs permanents de la centralisation ».

- Elle impose le développement d’un Droit « d’en haut ». - « La centralisation tend à confisquer les initiatives ». I.e. on

reconnaît à l’Etat une capacité quasi-illimitée d’intervention et ça se traduit mécaniquement par l’extension du domaine administratif.

B] Contentieux administratif et attachement à un libéralisme compensatoire. Face à la centralisation, c’est le développement d’un contentieux administratif qui a

contribué à fixer les contours du DA. S’il y a eu constitution d’une puissante administration, il y a eu aussi, face à elle, le développement d’un contentieux qui se caractérise par le libéralisme. Ce contentieux administratif est né d’un vide juridique constitutif et consécutif à la proclamation, après 1789, du principe de la séparation de l’autorité administrative et de l’autorité judiciaire. Deux textes proclamèrent ce principe :

- La loi 16-24/08/1790 sur l’Organisation Judiciaire. Précisément l’article 13 de cette loi, « les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront séparées des fonctions administratives. Les juges ne pourront, à peine de forfaiture, troubler de quelle manière que ce soit les opérations des corps administratifs, liciter devant eux les administrateurs pour raison de leurs fonctions ».

- Décret du 16 Fructidor An III, « Défenses itératives sont faits aux tribunaux de connaître des actes d’administration de quelque espèce qu’il soit, avec peine de droit ».

C’est la conjoncture politique qui paraît les avoir déterminé. A la fin de l’Ancien Régime,

l’on se méfiait des Parlementaires. Cela dit, il y avait aussi des raisons idéologiques, en l’occurrence une certaine conception de la séparation des pouvoirs qui signifiait que le pouvoir judiciaire ne pouvait pas connaître des actes du pouvoir exécutif. On ne peut pas admettre ça. On peut proclamer la séparation des pouvoirs et admettre que l’autorité judiciaire connaisse des actes de l’administration, car en jugeant ces actes, elle ne fait qu’exercer sa fonction juridictionnelle. « Juger l’administration n’est pas administrer ». Ex : aux USA, le tribunal peut reconnaître des actes administratifs. Quoiqu’il en soit, le contentieux est né d’un vide juridique. Mais le principe crée un vide juridique car le principe est négatif. Les juges ne peuvent pas connaître des actes administratifs, or l’Assemblée Constituante ne veut pas créer de tribunaux administratif = l’administration n’est pas contrôlée et il n’y a pas de juge en cas de conflit = vide juridique. C’est l’administration elle-même qui tranchait les litiges. Il y avait en réalité un administrateur-juge ou ministre-juge. Un tel système n’était pas purement arbitraire dès lors qu’on considérait que juger l’administration était encore administrer, i.e. c’est juger mais tout en prenant compte de l’intérêt général. La juridiction administrative s’est progressivement développée d’une manière où elle apparaît remédier aux difficultés nées de la séparation des autorités. La 1ère étape est celle de l’An VIII, en 1799 :

- Constitution du 29 Frimère qui crée le CE. - Constitution de la loi du 28 Pluviose qui crée dans chaque

département un Conseil de Préfecture, ce qui deviendra en 1953 le tribunal administratif (TA).

Par rapport à la situation antérieure, le vide juridique est peu comblé. Les nouvelles institutions ne sont que des Conseils créés par des dirigeants autoritaires. Après l’An VIII, le contentieux administratif s’est développé car prévalait au CE un libéralisme qui incitait à infléchir le système juridique dans le sens d’un contrôle de plus en plus approfondi de l’administration. Citons Benjamin Constand. Tout au long de l’Histoire, il y a eu tout à la fois audace et prudence du CE. C’est révélateur de ce qu’à toujours était le CE. Pour imposer son contrôle, face à l’administration, il fallait faire preuve

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d’audace et s’affirmer. Mais en même temps, il ne fallait pas aller trop loin au risque de disparaître (ce qui a failli arriver dans les années 60). Le résultat est que tout en confortant le contrôle, le contentieux administratif s’est développé mais le CE n’a pas entravé l’expansion de l’administration. Il a plutôt accompagné et canalisé cette expansion. Le CE rend acceptable le fonctionnement de l’administration mais ne l’entrave pas, voilà une ambiguïté. Face au pouvoir politique, le CE reste prudent et réservé. En même temps il est audacieux pour garder une image libérale. Le mélange d’audace et de prudence fait parti de la coutume de toute institution. Quoiqu’il en soit, le CE eut un rôle important. En DA, il n’y a pas de code a contrario du droit civil. S’il y a eu à un moment un équilibre, c’est bien à la IIIème République, « l’âge d’or » du droit et du contentieux administratif. C’est l’époque d’une stabilisation, d’une puissance publique qui s’affirme, de grands principes libéraux…

C] « Crise sans catastrophe ? » (J.J. Bienvenu, 1986).

Peut-on parler aujourd’hui d’une crise ? « Depuis plus de 30 ans, la crise est devenue, pour la doctrine, le mode de distribution privilégié de l’état du DA. » J.J. Bienvenu, Crise sans catastrophe, 1986. Car après l’âge d’or, le DA aurait perdu de sa cohérence. Aussi, toutes ses grandes notions ont semblé se dissoudre et l’on s’interroge encore beaucoup aujourd’hui quant au service public. Ainsi ce constat fut conforté par un autre, à savoir le déséquilibre entre les deux fondements historiques. I.e., d’un côté le développement de l’Etat-Providence avec une augmentation du volume des règles et cela pendant très longtemps avec des règles instables et de qualité discutable. Mais à coté du contentieux administratif, la juridiction administrative a semblé avoir du mal à jouer son rôle de modérateur avec des délais de jugement se rallongeant de plus en plus, et même encore aujhourd’hui. A cela s’ajoute aujourd’hui deux éléments nouveaux :

- Le développement du droit communautaire. - Le développement de la décentralisation.

L’Etat est écartelé entre l’Europe et les collectivités locales, ainsi le DA se transforme. Qu’en est-il exactement de cette crise ?

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1ERE PARTIE : LES SOURCES DU DROIT

ADMINISTRATIF.

INTRODUCTION §1) La notion de « source ». On s’en tiendra à ce que les juristes appellent « sources formelles ». I.e., tout au long de cette 1ère partie, une même et seule question sera posée : Quelles sont les type de normes s’appliquant à l’organisation et à l’action administrative ? Qui produit ces normes ? Dans cette perspective seront considérées comme sources toutes les normes : Constitution, Lois, Réglements, Traités, mais aussi les décisions individuelles (ex : nomination d’un fonctionnaire) et contrats d’administration. Aussi, on se référera à la théorie normative de Kelsen. En DA, à propos des sources, le 1er problème est celui de l’importance respective de ces sources. Beaucoup disent, notamment René Chaput, que le DA « a une caractère fondamentalement jurisprudentiel ». I.e., parmi les sources, nous commencerons à traiter de la jurisprudence (JCE). §2) Le principe de juridicité (ou Principe de légalité). A] Signification du principe. Il signifie que l’administration, si elle dispose de certaines facilités pour l’exercice de ses misions, est aussi soumise au droit. Les facilités en question sont diverses. En premier lieu, il y a la protection (ex : l’administration échappe aux contrôles de juridictions judiciaires et a ses propres juges). Ensuite, l’administration a aussi des prérogatives, essentiellement trois :

- L’édiction d’actes unilatéraux qui s’imposent sans le consentement des intéressés (ex : le code de la route).

- « L’exécution prévisionnelle ». Un acte, même si sa régularité est contestée, peut être exécuté. Un acte administratif reste en vigueur tant qu’il n’a pas été annulé par un juge ou l’administration elle-même. Le recourt devant le JA n’a pas d’effet suspensif. La seule exception est celle du référé où il en va autrement.

- « L’exécution forcée ». Si on refuse de respecter un acte administratif, il y a des cas où l’administration peut user de la force publique (ex : l’envoi d’un véhicule en fourrière).

Cela dit, à côté de ces facilités, il y a toujours eu pour l’administration beaucoup de suggestions. A commencer par une globale qui est l’obligation de respecter l’ensemble de l’ordre juridique. Là est le principe de juridicité, principe de l’Etat de droit. Plus précisément, il y a soumission de l’administration :

- Au droit qui lui est supérieur (Constitution, lois, traités, JCE). - A ses propres décisions.

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Ajoutons que la structure du DA débouche de cette idée de soumission au droit. Toutes les sources externes (Constitution, Lois…) ou internes sont hiérarchisées. Pour l’essentiel, il y a une hiérarchie à base organique, i.e. une hiérarchie où les règles de droit sont placées en fonction de leurs auteurs. L’un des premiers à l’avoir souligné fut René Carré-de-Malbergue. Il en ressort de cette idée que ce sera la différence de puissance entre les autorités qui entraînera une différence de puissance entre leurs actes. Ex : en matière d’actes administratifs se trouvent :

- La hiérarchie des organes : le PDR, le 1erM, les ministres, les préfets, les maires et collectivités …

- La hiérarchie des actes en résulte : décrets du PDR, décrets du 1erM, arrêtés ministériels, arrêtés préfectoraux…

Cependant le critère organique se révèle souvent insuffisant. Il y a beaucoup d’incertitudes en droit : penser aux rapports conflictuels entre les Traités et la Constitution. Aussi, comment classer les actes d’une même autorité ? Le plus souvent, en cas de problème, la hiérarchisation se fait selon des critères procéduraux. Ex : le décret en CE (pris avec l’avis du CE) du 1erM l’emporte sur un décret simple (pris sans l’avis du CE) du même 1erM. Un décret en CE ne peut être, quant à lui, modifier que par un décret en CE. Arrêt du CE du 03/07/1998 « Syndicat national de l’environnement CFDT ». Cet arrêt annule un décret simple au motif qu’il n’avait pas été pris en CE alors qu’il modifiait des dispositions figurants dans un décret en CE. « Lorsqu’un décret comporte les mentions « le CE entendu » et ne précise pas que certaines de ces dispositions pourront être modifiées par décret simple, il ne peut être modifié que par un décret en CE ». En matière de décret, lorsque la consultation du CE est obligatoire, le décret porte la mention « le CE entendu ». Sinon, il y a simplement la mention « vu l’avis du CE ». Entre les actes édictés par l’administration et les normes supérieures, il y a une exigence de non-contrariété. Exigence plus ou moins grande qui s’exprime en termes de compatibilité ou de conformité. Le 1er terme évoque un rapport assez souple. Le 2nd vise les cas où l’acte de l’administration est prédéterminé par une norme supérieure. Il existe des mécanismes de sanctions des irrégularités, i.e. des violations de la hiérarchie des normes. Donc se trouve deux catégories de sanctions :

- Les sanctions politiques. Ex : mise en jeu de la responsabilité gouvernementale par la Presse. Ces sanctions restent insuffisantes.

- Les sanctions techniques : qui permettent d’obtenir, dans le cadre de procédures qui sont ou non juridictionnelles, soit l’effacement de l’acte / soit le versement d’une indemnité à la victime. Ex : la procédure de recours pour excès de pouvoirs. Cette procédure permet de demander au JA l’annulation des actes administratifs pour cause d’irrégularité(s).

B] Légalité ou juridicité ?

Le principe de Juridicité n’est pas l’exception dominante, cependant elle a le mérite d’être correcte. L’administration est soumise au droit, respecte l’ensemble des lois. Cela conduit à un engagement rigoureux. En cas de violation, on déclarera l’irrégularité. Deux inconvénients au principe :

- Il relève du jargon du juriste. - Il a le tort d’aller à l’encontre d’une exception consacrée. Cette

exception a une dimension symbolique et est au cœur de l’idée républicaine.

Le principe de Légalité fut imposé sous la III République. Le droit est la loi. Le légal est plus

important que le droit. Il y a là une véritable soumission de l’administration à la loi. Le principe repose sur la soumission au droit.

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TITRE 1er

DROIT ADMINISTRATIF ET

JURISPRUDENCE ADMINISTRATIVE.

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La CJCE n’est pas à proprement parler l’ensemble des décisions de justice. Deux sources existent :

- Les décisions de justice. - La JCE proprement dite qui est l’ensemble des normes que crée

le juge pour prendre ses décisions. On ne parle pas complètement du rôle de la JCE en DA.

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CHAPITRE 1er) Les juridictions administratives.

Séction I) L’organisation des juridictions administratives. §1) Le début des juridictions administratives. Elles sont nées d’un vide juridique. En 1799 (An VIII), suite à la séparation des autorités, ont été créé le CE et les Conseils de Préfectures (CP). Après l’An VIII jusqu’à aujourd’hui, la question fondamentale a été celle de l’affirmation de l’indépendance des juridictions administratives vis-à-vis de l’administration. A] Séparation des juridictions administratives et de l’administration active. Après les réformes de l’An VIII, il n’y a pas vraiment de séparation. Ebauche de séparation car les CP sont un peu juges : compétences juridictionnelles. Ils jugent en 1er ressort des différents contentieux comme ceux des travaux publics ou des contributions directes. Il y a déjà d’autres juridictions administratives, la Cour des Comptes est créée en 1807 pour juger les comptes des comptables publics. C’est une simple ébauche car la Cour des Comptes reste une juridiction d’exception. Au point de vue organisationnel, il n’y a aucune révolution. Le CE n’est encore que le « conseil juridique du Chef de l’Etat », le juge d’appel et de cassation. Il intervient parfois en 1er et dernier ressort = système de justice retenue par le Chef de l’Etat. Il est apparu que le Chef de l’Etat entérine les projets d’arrêts soumis à sa signature en CE. En droit, il y avait toujours une justice retenue avec le CE qui apparaît comme le véritable juge de l’administration et qui exerçait trois grandes fonctions contentieuses :

- Juger en 1er et dernier ressort pour des recours pour excès de pouvoirs.

- Juger en Appel pour les recours contre les décisions des ministres et des CP.

- Juger en Cassation pour les recours pour excès de pouvoirs contre les décisions des autres juridictions administratives.

La réforme décisive fut celle de 1872. La situation de faits est devenue le droit = le CE, en

vertu d’une loi du 24 mai 1872 (aussi connue pour avoir créée le Tribunal des Conflits, TC), a reçu le pouvoir de juger lui-même définitivement. Au système de « justice retenue » s’est substitué un système de « justice déléguée ». Cependant tout n’a pas été réglé pour autant car les ministres restent juges de droit commun en 1er ressort.

La séparation entre les juridictions administratives et l’administration active n’a été

véritablement consacrée qu’en 1889. Arrêt CADOT = sa lecture n’est pas aisée ni explicite car le CE ne fait qu’examiner des conclusions afin d’indemnisations dirigées contre la Ville de Marseille. René CHAPU « l’arrêt muet ». Sa portée vient de ce que en statuant, le CE s’est implicitement reconnu compétent en 1er et dernier ressort comme le juge de droit commun. Véritable coup de grâce pour la théorie du ministre-juge. S’il y a eu jusqu’en 1883 une juridiction ministérielle, aucun texte ne l’avait restitué. La solution aujourd’hui pas la même, le CE n’est pas juge de droit commun depuis 1953 = ce sont les tribunaux administratifs (TA). Cette séparation en 1889 s’est accompagnée pour le juge administratif (JA) d’une sorte d’autolimitation de ses pouvoirs. De 1874 à 1880, le CE a renoncé aux techniques utilisées par la Justice-retenue. Il a abandonné tous pouvoirs de réformation des actes, d’astreintes. Il n’a voulu que lire le droit et ne pas donner d’ordre à l’administration. Afin que cette situation change, il a fallu récemment qu’intervienne le législateur :

- Loi du 16/07/1980 « relative aux astreintes prononcées en matière administrative et à l’exécution des jugements par les

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personnes morales de droit public. Cela permet au CE de prononcer des astreintes contre l’administration.

- Loi du 08/02/1995 « relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative ». Toujours en vue de l’exécution de la chose jugée, d’une part cette loi investit le JA d’une pouvoir d’injonction, et d’autre part elle étend au TA et CAA la possibilité de prononcer des astreintes.

- Loi du 30/06/2000 « relative au référé devant les juridictions administratives ». Elle réorganise toutes les procédures d’urgence notamment elle crée le « référé liberté » qui permet au juge de prendre « toutes les mesures nécessaires » à la sauvegarde des libertés fondamentales menacées.

D’autres éléments peuvent faire douter de la réalité de la séparation. Notamment le

recrutement des JA est différent des juges judiciaires. Les JA sont recrutés par l’intermédiaire de l’Ecole Nationale de l’Administration. Cela induit un dédoublement des fonctions avec des compétences contentieuses et consultatives. A l’avenir il pourrait y avoir une remise en cause de ce dédoublement de fonctions en raison de la JCE CEDH. Arrêt Procola vs Luxembourg du 06/05/2003 : le Luxembourg fut condamné au motif que son CE ne constituait pas un tribunal indépendant et impartial car 4 de ses 5 membres ayant eu à se prononcer en contentieux sur la légalité d’un règlement dans le cadre de la fonction consultative.

B] La constitution de la dualité de juridictions. Les juridictions administratives ont aujourd’hui une valeur constitutionnelle. Cela résulte de deux décisions du Conseil Constitutionnel (CC) :

- Le 22/07/1980 : elle concerne « les validations législatives d’actes administratifs ». Dualité des juridictions par le biais d’une affirmation de l’indépendance des juridictions.

- Le 23/01/1987 : elle concerne le Conseil de la Concurrence qui, à l’occasion, affirme TC des JA « une réserve de compétences ». La loi adoptée transférait à la CA Paris le contrôle des décisions du Conseil de la Concurrence. D’où saisine du CC par des députés qui estimaient que le JA était compétent. Le Conseil de la Concurrence est une autorité administrative indépendante. Le transfert à la juridiction judiciaire est contraire à la séparation des autorités et le CC confirme que c’est un organe administratif mais admet la compétence de la CA. Il précise que le principe de la séparation des autorités n’a pas valeur constitutionnelle. A la fin du 18ème siècle, le principe était lié à une certaine conception de la séparation des pouvoirs. Aujourd’hui, il y a une juridiction administrative séparée de l’administration résonne comme en 1790, et pourrait conduire à lui interdire de juger des actes administratifs. Ce serait absurde. Il faut différencier, dit le CC, le principe de la séparation des pouvoirs et le principe de la séparation des autorités. Cela concerne toutes juridictions, implique leur indépendance et n’empêche pas le contrôle juridictionnelle de l’administration.

Il y a une conception française de la séparation des pouvoirs. Conformément à cette conception figure au nom des PFRLR celui selon lequel, à l’exception des matières réservées par nature à l’autorité judiciaire, relève en dernier ressort de la compétence de la juridiction administrative l’annulation ou la réformation des décisions prises dans l’exercice de leurs prérogatives de puissance publique par les agents, les collectivités locales de la République ou les organes publics placés sous leur autorité ou leurs contrôles. Trois remarques :

- La réserve de compétence ne concerne pas la totalité de l’actuel contentieux administratif. Le CC ne vise que l’annulation ou la réformation prise en 1er et dernier ressort.

- Le CC limite à la réserve de compétence à l’exception des matières réservées à l’autorité judiciaire. Ce cadre réservé est la protection des libertés individuelles, de la propriété privée immobilière, de l’état et de la capacité des personnes. Les

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décisions du Conseil de la Concurrence n’entrent pas dans ces matières.

- Il y a l’exception au principe constitutionnel de répartition des compétences. Le législateur peut, dans l’intention d’une bonne administration de la Justice, unifier les règles de compétences juridictionnelles au sein de l’ordre juridictionnel ; principalement lorsque l’application d’une loi de règlement pourrait engendrer des contestations entre les juridictions judiciaires et administratives. Le CC relève que les juridictions judiciaires et administratives ont souvent à connaître du droit de la concurrence donc il serait souhaitable d’unifier le contentieux.

§2) La structure de la juridiction administrative. A] Le Conseil d’Etat (CE)

Créé par la Constitution du 22 Frimaire an VIII (15 décembre 1799) à l’image du Conseil du Roi, le CE joue un rôle fondamentale dans la vie publique française qui va bien au-delà de ce que pourrait donner à penser sa seule place au sein de la juridiction administrative. Ses compétences sont doubles. Il est conseiller du gouvernement et juge de l’Administration : il fournit des avis au premier et, lorsqu’il statue au contentieux, prend des décisions habituellement appelées Arrêts.

a) En tant qu’Institution.

Il est divisé en 6 sections : - Une section de contentieux. - Cinq sections administratives dont 4 traditionnelles (de

l’intérieur, des fonctionnaires, des travaux publics, du social), et depuis 1985 s’ajoute la section du rapport et des études.

Depuis 1945, une mission permanente d’inspection des juridictions administratives a été

créée : article L121-1 du Conseil de Juridictions Administratives (CJA) « la présidence du CE est assurée par le vice-président ». Depuis 1963, le 1erM est le Président et comme il n’exerçait pas sa fonction, alors le vice-président (nommé par décret en Conseil des Ministres, C des M) prenait sa place. Aujourd’hui le vice-président est M. Renaud-Denoix de Saint Marc. En tant que vice-président, il préside tous les organes les plus importants.

b) En tant que corps.

Le CE comprend plus de 300 membres répartis en 6 grades : - Vice-président - Présidents de section - Conseillers d’Etat - Maîtres de requêtes - Auditeurs de 1ère classe - Auditeurs de 2nde classe

Le recrutement des auditeurs se fait sur concours dès la sortie de l’ENA. Un tiers des

conseillers d’Etat sont nommés par le Gouvernement. Les conseillers en service extraordinaire sont nommés pour 4 ans parmi les personnes qualifiées dans différents métiers, ils ne participent pas à l’activité consultative où ils ne peuvent juste faire que bénéficier au CE de leur expérience. Enfin, un quart des maîtres de requêtes peuvent être nommés « au tour extérieur » mais il faut avoir 30 ans et au moins 10 ans de service public.

Toute nomination doit être publiée au JO. Ce sont des fonctionnaires donc pas inamovibles. L’avancement n’intervient pas au choix mais à l’ancienneté.

c) Distinction de 3 éléments au sein de la section du contentieux.

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L’organe d’instruction, i.e. 10 sous-sections réunies, avec un Pdt et 2

assesseurs et 1 rapporteur qui instruisent les dossiers du contentieux. Trois organes du jugement qui se distinguent en fonction des affaires traitées :

- Les affaires courantes sont jugées par une, deux, ou trois sous-sections réunies.

- Les affaires présentant des spécialités ou des difficultés juridiques sont jugées par la section du contentieux avec le Pdt de la section générale du contentieux, les 3 Pdts-adjoints, 10 Pdts des sous-sections , 2 conseillers représentants les sections administratives et le rapporteur de l’affaire jugée. L’expression « section du contentieux » comprend la formation du jugement et l’organisation du contentieux.

- Les affaires ayant une « coloration politique » donc qui peuvent avoir des répercutions importantes, sont jugées par l’Assemblée avec le Vice-Pdt, les 5 Pdts des sections administratives, le Pdt de la section du contentieux et ses 3 adjoints, le Pdt de la sous-section ayant instruit et le rapporteur de l’affaire. Ils sont 12 et le Vice-Pdt a voix prépondérante.

Il n’y a aucune règle de répartition des affaires. Le rapporteur décide d’envoyer l’affaire aux sous-section ou à l’Assemblée qui, eux ou elle, peut ou peuvent décider de la renvoyer à la sous-section ou à l’Assemblée suivant le cas initial. L’indication de la formation du jugement, précisée en début de l’arrêt, peut donner l’indication sur l’importance de l’affaire. Les commissaires au Gouvernement sont choisis parmi les maîtres de requêtes. MP du CE, comparaison trompeuse pour deux raisons :

- Pas de MP car pas de hiérarchie au sein du CE. - Ils sont indépendants de l’administration.

Dans chaque affaire, le commissaire au Gouvernement présente, à la formation du jugement, les faits et les questions que présente à juger le recours et propose des solutions justifiées en les défendant dans ses conclusions. Ces dernières assurent la continuité et l’évolution de la JCE. La formation n’est pas tenue de les suivre et peut décider la même solution mais avec un raisonnement différent. Les conclusions sont lues à l’audience. Selon le CE, en les lisant, le commissaire au Gouvernement participe à la fonction de juger dévolu à la juridiction dont il est membre, et précisait que l’exécution de cette fonction n’est pas soumise au principe du contradictoire applicable à l’instruction. Arrêt ESCLATINE de 1998, le problème pour la CEDH : cette dame se plaignait de ne pas avoir eu connaissance de ces conclusions avant les lectures donc non-respect du principe. Arrêt KRESS vs France ,de la CEDH en 2001 : indique que le commissaire est soumis au principe du contradictoire et que la non communication des conclusions ne vide pas à ce principe dès lors qu’avant l’audience les avocats pouvaient demander le sens général des conclusions et que ceux-ci pouvaient alors répliquer par « une note en délibéré ». La CEDH précise que la présence ou la participation du commissaire viole l’art 6 §1. Suite à cet arrêt, le CE a considéré que ce qui a été condamner fut la participation du commissaire au Gouvernement aux délibérées mais non « l’assistance de celui-ci ».

Juridiction suprême de l’ordre administratif, le CE assure une fonction de régulation du contentieux administratif au moyen de compétences diversifiées qui le distinguent de la Cour de Cassation. En effet, il est juge de cassation mais il a gardé depuis 1953 d’importantes attributions comme juge de 1er ressort, et il reste aussi, bien que de façon réduite, un juge d’appel.

En 1er et dernier ressort, le CE n’est pas le juge de droit commun. Toutefois ses compétences sont nombreuses. D’une part il est saisi des recours contre des actes importants tels que les décrets, les ordonnances non ratifiées, les actes réglementaires des ministres ainsi que les décisions individuelles de ces derniers prises après avis obligatoire du CE, les décisions administratives des organismes collégiaux à compétence nationale ; de même il statue sur les litiges relatifs à la situation individuelle des fonctionnaires nommés par décret du Pdt de la République. D’autre part, le CE connaît sur le fondement des dispositions législatives particulières des « recours de pleines juridictions » contre certaines décisions (essentiellement des sanctions) d’autorités

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indépendantes : notamment le CSA, l’AMF (l’autorité des marchés financiers), l’ART (l’autorité de régulation des télécommunications), le Conseil de prévention et lutte contre le dopage… Enfin le CE a une compétence de 1er ressort en matière électorale notamment pour les élections au Parlement Européen et celles des conseillers régionaux. S’ajoute à cela une compétence établie pour remédier à la difficulté ou à l’impossibilité de déterminer un TA territorialement compétent. En appel, le CE n’a que des compétences limitées, les juges d’appel étant principalement les CAA. Il statue en appel dans les contentieux des élections municipales et cantonales, et sur les jugements en appréciation de légalité ou en interprétation rendus sur renvoi du juge judiciaire. De plus, il a une compétence en appel dans certaines procédures d’urgence. En cassation, le CE connaît depuis longtemps des recours formés contre les décisions de dernier ressort des juridictions spécialisées, et, depuis la création des CAA, des recours dirigés contre leurs arrêts. La loi du 31/12/1987 a modifié ses pouvoirs en lui ouvrant deux possibilités après l’annulation : soit il renvoie l’affaire au juge du fond qui statue de nouveau ; soit (et c’est une innovation) s’il estime que « l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifie » il rejuge lui-même l’affaire au fond et statue définitivement (il doit d’ailleurs le faire dans le cas d’un deuxième recours en cassation dans une même affaire). Le CE statue ainsi en cassation sur les décisions rendues en 1er et dernier ressort par des TA (cas de certaines procédures d’urgence) Toutes ces compétences contentieuse du CE se traduisent par des décisions juridictionnelles. Cependant en matière contentieuse, cette haute juridiction a une autre attribution instituée par la loi du 31/12/1987, dans le but de dire rapidement le droit et accélérer le jugement des litiges. En effet, les TA et les CAA peuvent, s’ils estiment être en présence d’une « question de droit nouvelle présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges », transmettre le dossier, pour « avis », au CE (et, dans ce cas, surseoir à statuer jusqu’à l’avis ou jusqu’à l’expiration d’un délai de 3 mois). Ils l’ont fait à 11 reprises en 2002. Si, en principe, l’avis ne lie pas la juridiction qui l’a demandé ni les autres juridictions administratives, celle-ci, en pratique, ne peuvent guère que le respecter. Ces « avis contentieux » du CE sont à distinguer de ceux émis en matière législative et administrative ils sont de la compétence des formations contentieuses et non des formations administratives. B] Les juridictions territoriales : les Tribunaux Administratifs (TA) et les Cours Administratives d’Appel (CAA).

a) Les Tribunaux Administratifs (TA).

Ils ont été créés en 1953 et remplacèrent les CP. Au passage, ils deviennent juge de droit commun. Deux raisons à cette création :

- Rapprocher la justice des justiciables. - Remédier à l’encombrement du CE.

Il en existe 37, dont 28 en Métropole. Le ressort de chacun d’eux correspond, en principe, à une région et ils sont désignés par le nom de la ville dans laquelle ils siègent : Amiens, Bastia, Besançon, Bordeaux, Caen, Cergy-Pontoise, Châlon-en-Champagne, Clermont-Ferrand, Dijon, Grenoble, Lille, Limoges, Lyon, Marseille, Melun, Montpellier, Nancy, Nantes, Nice, Orléans, Paris, Pau, Poitiers, Rennes, Rouen, Strasbourg, Toulouse, Versailles, Basse-Terre, Cayenne, Fort-de-France, Mamoudzou, Saint-Denis, Saint-Pierre, Papeete, Nouméa, Mata-Utu. Les TA, dont les décisions s’appellent des jugements, statuent en 1er ressort et, sous réserve d’appel devant le CE ou devant une CAA, sont juges de droit commun du contentieux administratif. Cela signifie que tous les litiges administratifs relèvent de leur compétence sauf si une disposition spéciale d’une loi ou d’un texte équivalent ne déroge à ce principe en attribuant compétence à une autre juridiction. En d’autres termes, tous les recours qui ne sont pas expressément réservés au CE ou à une autre juridiction administrative doivent être portées devant eux. Dans certaines procédures, ils statuent en 1er et dernier ressort (leurs décisions ne peuvent alors faire l’objet que d’un recours en cassation devant le CE). Quant à la compétence de chaque tribunal administratif le principe est que le tribunal territorialement compétent est celui dans le ressort duquel se trouve le siège de l’autorité dont l’acte est attaqué. Pour éviter l’encombrement du TA de Paris (du fait du très grand nombre de décisions prises dans les bureaux de la capitale), les textes ont, dès 1953, prévu des exceptions à cette règle dite du lieu de la décision : pour les litiges d’ordre individuel relatifs à un agent public, le tribunal compétent est celui du lieu d’affectation de l’agent ; pour les litiges relatifs à des immeubles, le tribunal compétent est celui dans le ressort duquel se trouve l’immeuble ; en

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matière de pensions, d’emplois réservés, de reconnaissance d’une certaine qualité (combattant, déporté), ou encore en cas de mesures individuelles de police, le tribunal compétent est celui du lieu de résidence des intéressés (article R 312-6 et suivants du CJA). Est-ce qu’une parti peut demander le renvoi vers une juridiction collégiale ? NON ! Les parties ne peuvent pas l’imposer. C’est le juge seul qui peut le décider. Ensuite, sont visés différents cas où il peut être statué uniquement par voie d’ordonnance : dans ce cas, pas de jugement, pas de commissaire. Ex : les désistements des parties, les irrecevabilités manifestes, les requêtes relevant d’une série de mêmes questions. Le développement de ce juge unique au sein de la juridiction administrative reste très controversé, notamment il est porté atteinte au caractère collégial des décisions souvent présenté comme une garanti. Or ici le juge est seul. Les décisions prises, sauf cas d’ordonnance, sont des JUGEMENTS ! ! ! Comme au CE, il y a également une fonction consultative. Sauf qu’ici, c’est le Préfet qui consulte. Contrairement au CE, les membres des TA sont de véritables magistrats administratifs. Une loi de 1986 a consacré leur inamovibilité (on ne peut pas changer leur affectation sans leur consentement). Et depuis 1987, ils forment avec les membres des CAA un corps unique dont la gestion est assurée depuis 1990 par le secrétaire générale du CE. Avant 1990, cette gestion était assurée par le ministre de l’Intérieur, ce qui était un peu déplacé eu égard à la fonction ministérielle.

b) Les cours administratives d’appel (CAA). Lors de la loi du 31/12/1987, elles étaient au nombre de cinq : Bordeaux, Lyon, Nancy, Nantes, Paris. En vertu d’une loi de 1995, deux autres se sont rajoutées : Marseille et Douai. En vertu d’une loi de 2004, et afin de désencombrer Paris, fut ajouté Versailles. Elles ont été crées en 1987 pour remédier à une situation comparable à celle de 1953 lorsque que l’on avait crée les TA afin de désengorger le CE. Cela dit, elles sont présidées par les Conseillers d’Etat. dans la structure, c’est assez comparable à la structure judiciaire. Outre les avis qu’elles peuvent formuler, elles rendent des ARRETS susceptibles d’un pourvoi en cassation auprès du CE. Notons que jusqu’en 1987, le contrôle de cassation était exceptionnel. Ensuite, des dispositions ont été prises pour éviter à la fois un encombrement du CE et un allongement des procédures. Il ne faut pas que tous les appels aillent en cassation donc trois dispositions :

- Article 11, le pourvoi en cassation est soumis « à une procédure préalable d’admission ». S’il est manifestement irrecevable et fondé sur des moyens peu sérieux, on peut rapidement le rejeter par une branche contentieuse.

- Art 11 alinéa 2, contrairement aux règles habituelles de cassation, le CE peut régler lui-même l’affaire au fond (et il le fait souvent) puis doit statuer définitivement s’il s’agit d’une affaire qui fait l’objet d’un second pourvoi.

- Art 12, les TA et les CAA peuvent soumettre au CE une « question de droit nouvelle présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges ». L’idée est de fixer une JCE et d’éviter des appels ou des pourvois tout en accélérant les procédures. Aussi les conditions posées par la loi sont interprétées souverainement par le CE. Une fois saisi, le CE a 3 mois pour se prononcer et formuler « un avis ».

Attention, il y a maintenant deux sortes d’avis du CE :

- Les avis de formation administratives qui sont adressés au Gouvernement.

- Art 12 de la loi de 1987, les avis d’une sanction de contentieux qui s’adressent aux juridictions locales. Arrêt COFIROUTE de 1990.

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Si avec la réforme de 1987 la situation du CE s’est effectivement améliorée, celle des cours tend à se dégrader, elles sont mêmes réputées catastrophiques : 3 ans de délai d’attente pour un jugement. Pour y remédier est intervenu le décret du 23/06/2003 qui d’une part supprime la possibilité d’appel dans un certain nombre de litiges (seul le pourvoi sera possible), et d’autre part tend à généraliser le recours avec un avocat. Arrêt du 17/12/2003 : recours contre un décret qui renvoie au problème de la double prérogative du CE.

c) Les juridictions spécialisées.

Toutes les autres juridictions administratives. Elles sont nombreuses dans des domaines très divers. L’on peut citer l’exemple de la Cour des Comptes à laquelle se sont ajoutées en 1982 des Chambres Régionales de Comptes. Beaucoup de juridictions sont des instances disciplinaires. Par exemple le Conseil Supérieur de l’Education (CSE), le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA), ou encore le Conseil National de l’Enseignement Supérieur Et de la Recherche (CNESER). Mêmes choses pour les différents conseils d’ordre professionnel où l’on a des instances disciplinaires, notamment dans le domaine médical. Aussi, toutes relèvent du CE par la voie du recours en cassation. Aussi, il est parfois difficile de les identifier. Face à un organisme quelconque, il peut être très délicat de savoir s’il s’agit d’une juridiction rendant des jugements ou d’une autorité administrative prenant des décisions administratives. En effet, il n’y a pas de réponse à la question : qu’est-ce qu’une juridiction ? Le CE procède au cas par cas ce qui signifie qu’il se réfère à la volonté du législateur. Arrêt DAILLIERES de 1947 : concernait des jurys d’honneurs institués à la Libération. Une fois admis qu’il y ait une juridiction, reste à savoir si celle-ci est administrative ou judiciaire. Section II) Le fonctionnement du contrôle juridictionnel. §1) Les différentes catégories de recours contentieux. Tout d’abord, c’est Edouard LAFERRIERE qui est réputé être le 1er à avoir dégagé différentes catégories de recours contentieux. Il est connu pour avoir été vice-président du CE à la fin du 19ème siècle. Il a écrit aussi un traité de la juridiction administrative où il opéra à une classification des recours en prenant en compte les pouvoirs du juge. Il distingue ainsi quatre branches contentieuses :

- Le contentieux de pleine juridiction : celui où les pouvoirs du juge sont les plus larges comme en matière judiciaire. Le juge peut annuler un acte, mais aussi le reformer (lui substituer sa propre décision), ou encore prononcer une condamnation pécuniaire, selon les cas. Par suite ce contentieux présente une certaine complexité.

- Le contentieux de l’annulation : celui où les pouvoirs du juge se limitent à l’annulation d’un acte irrégulier.

- Le contentieux de l’interprétation : celui où le juge interprète et ne fait qu’apprécier la légalité. Tous les recours liés au mécanisme des questions préjudicielles (s'opposent à la question préalable). Est préjudicielle la question incidente qui se pose à un juge n’ayant pas compétence pour y répondre. Pour la question préalable, le juge peut directement trancher. En matière administrative, l’hypothèse est celle où le juge judiciaire est saisi d’un litige dont la solution dépend de l’interprétation d’un acte administratif.

- Le contentieux de la répression : où le juge est amené à condamner à payer une amende. Ex : lorsqu’il y a atteinte à certains biens public.

Si la classification de LAFFERRIERE reste admise, elle a toujours été discutée. Ex : avec la

répression, il n’y a pas de recours mais contentieux de poursuites et contentieux de recours.

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Peu importe, en pratique le contentieux de la répression existe mais reste marginal. Puis le contentieux de l’interprétation n’appelle pas d’études particulières. Par conséquent, il y a deux grandes catégories de recours contentieux :

- recours de pleine juridiction. - recours pour excès de pouvoirs.

A] Les recours de pleines juridiction ou encore « recours de plein contentieux ».

Elles marquent les pouvoirs du juge et fait apparaître le 2ème recours (recours pour excès de pouvoir) de moindre juridiction. Ils peuvent se classer suivant que le recours doit être ou non présenté au juge par le ministère ou l’avocat. les 1ers forment le contentieux général et les autres contentieux. Dans le contentieux général, il faut un avocat pour saisir le juge :

- Les actions en responsabilité - Les actions contractuelles - Les actions résultant de textes spéciaux.

Ex : le contentieux des installations classées pour la protection de l’environnement, le juge peut modifier les conditions fixées par l’arrêté préfectoral pour l’ouverture d’un installation. Par exemple, installer un élevage de porcs en centre-ville, le Préfet peut être d’accord mais pas le juge. Ex : le contentieux des immeubles menaçant ruine. Le maire peut obliger les intéressés à faire des travaux. Mais le juge peut ordonner la démolition. Donc dans ce contentieux, le juge a de forts pouvoirs. Par opposition, avec le contentieux spécial, il y a notamment celui où l’on peut agir sans avocat. Ex : le contentieux des pensions des agents ; le contentieux des élections administratives (élections du conseil municipal, conseils d’universités, chambres de commerce, élections européennes). Le juge peut modifier le résultat des élections. Tous ces recours ont en commun de relever en principe du 1er ressort des TA. Les appels sont de la compétence des CAA sauf ceux formés sur « les litiges relatifs aux élections municipales et cantonales » (loi de 1987). Alors en vertu du décret du 24/06/03, il faut pratiquement toujours un avocat. B] Le recours pour excès de pouvoir. Recours tendant à l’annulation d’un acte administratif unilatéral (AAU) en raison de son irrégularité. Donc l’on exclut tout de suite les contrats qui ne sont pas des AAU. Sauf exception, notamment en matière de déféré préfectoral (acte par lequel le Préfet saisit le TA d’un recours contre une AAU ou contractuel d’une collectivité locale) qui relève du plein contentieux. Du fait de règles propres à ce déféré s’est posé le problème de sa nature juridique. Finalement la JCE n’en a pas fait un recours spécifique et l’a assimilé au recours pour excès de pouvoirs. Là le Préfet défère un AAU ou un contrat au TA. Ce recours, pour le situer dans le temps, s’est progressivement développé, généralisé, là où il n’y avait pas de recours de pleine juridiction. Après l’an VIII (1799), il n’existera que sous la forme d’un recours administratif. En plus, il sera que très peu ouvert avec des conditions de recevabilité strictes et des moyens peu nombreux et rigides. Son développement résulte d’un décret de 1864 qui supprime les avocats. Malgré tout, c’est seulement ce recours, après 1872, qui s’est imposé. D’abord les conditions de recevabilités se sont assouplies et le contrôle surtout s’est approfondie. C’est en principe le TA qui est compétent en 1er ressort. Il peut y avoir appel et cassation. Les recours les plus importants relèvent toujours en 1er et dernier ressort du CE, notamment les cas où il s’agit :

- De décret ou d’ordonnance. - De litiges relatifs à la situation des fonctionnaires nommés par

décret.

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- D’arrêté réglementaires des ministres.

§2 ) Le scénario d’un procès. A] La requête ou acte introductif d’instance. La requête doit toujours comporter :

- L’exposé des faits. - Une copie de la décision attaquée. - L’énoncé des conclusions du requérant (ce qu’il demande). - Les moyens (arguments du requérant).

Le tout soit être rédigé en langue française, et ce depuis l’Arrêt IUUILLEVERE, 1985,

histoire d’un breton qui avait rédigé sa requête en breton : irrecevable ! ! Attention : désormais, il n’est plus nécessaire de joindre un timbre fiscal.

S’appliquent deux règles générales de procédure :

- La requête est nécessaire, i.e. la juridiction ne se saisit pas elle-même.

- La requête fixe le cadre de l’instance, i.e. le juge est tenu par les moyens et par les conclusions. Seuls font exception les moyens d’ordre public que le juge soulèvera d’office. sinon il n’est autorisé à ne soulever aucun moyen, donc à statuer infra petita et ultra petita.

Attention : de cette obligation d’examiner tous les moyens peut se déduire une règle de commentaire d’arrêt : pas de plan en 2 parties et 2 sous-parties. Si dans l’arrêt il y 4/5 problèmes n’ayant aucun rapport entre eux, mieux vaut s’abstenir de faire un plan car ce serait inenvisageable de tout regrouper en deux parties. On regroupe moyen par moyen. Pour le commentaire d’arrêt , il faut penser au cours sans pour autant oublier l’arrêt sur lequel l’on est en train de plancher. Ainsi il faut savoir distinguer trois étapes :

- que répond le juge à la question posée ? Attention à ne pas paraphraser car l’intérêt étant de dégager et l’essentiel.

- En oubliant la réponse du juge, au moment où la question fut posée, quel était l’état du droit positif et qu’a t-on appris sur cette question ?

- Qu’en penser ? Que penser de la réponse du juge au regard du droit positif ? Soit le juge confirme mais ça peut poser des problèmes ; soit il répond à autre chose que l’on a appris.

S’appliquent également à la requête deux règles propres au contentieux administratif. La règle est dictée de la décision préalable selon laquelle toute requête doit viser une décision. A défaut il faut en obtenir une en faisant un recours administratif (différent de contentieux qui lui se fait au juge). Il y a une exception : pas de décision préalable pour les litiges relatifs aux travaux publics. Aussi, si la décision peut être expresse, elle ne peut être aussi qu’implicite (i.e. on tient compte de l’hypothèse où l’administration ne répond pas). Aussi, en principe, le silence gardé pendant plus de 2 mois par l’administration est considéré comme valant décision de rejet ; et ce depuis une loi du 12/04/2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l’administrations (DCRA). Avant, le délai était de 4 mois. Le principe est le même quant au délai afin de pouvoir saisir la juridiction administrative afin d’un recours contentieux. Pour les décisions expresses, il commence à compter à partir de la divulgation, ou de la publication pour les actes réglementaires, ou de la notification pour les actes individuels. Pour les décisions implicites, il ne commence qu’au jour de l’expiration de la période de 2 mois sans réponse.

S’applique également la règle de « l’effet non suspensif ». Règle selon laquelle le dépôt d’une requête contre un acte n’empêche pas cet acte d’être exécuté. De cette règle se pose un problème car il y a en la matière des exigences contradictoires. D’un côté la règle risque de supprimer les effets d’un recours. Ou encore, si le juge traîne, alors ce sera peut – être trop tard. Pensons par exemple à un recours contre un permis de construire ; s’il faut l’immeuble sera déjà terminé quand le juge statuera. Va-t-on démolir ? Non ! Cela dit en même temps ça se justifie par la nécessité d’assurer l’exécution des décisions administratives car si l’on arrête tout à chaque

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recours alors rien ne se ferait. S’ajoute le fait que cette règle peut préserver l’intérêt de l’administré. Jusqu’à fin 2000, il y avait possibilité de demander au juge un « sursis à exécution ». Si le juge faisait droit à la demande, l’administration ne devait pas s’exécuter et donc attendre le jugement. Depuis le 01/01/2001, en application de la loi du 30/06/2000, il y a intervention possible du nouveau « juge des référés ». Ce juge est un juge unique, souvent le Pdt d’un TA, la loi lui donne le pouvoir d’ordonner la suspension de l’exécution d’une décision, même de rejet, « lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer en l’état de l’instruction un doute sérieux quant à la légalité de la décision = le référé suspension ». Au vue des textes, 3 nouveautés :

- Sont visées les décisions de rejets. - Il faut qu’il y ait urgence. - Il faut en l’état de l’instruction un doute sérieux quant à la

l’égalité de l’acte. Il est également précisé que le juge peut ordonner la suspension. Là, comme la JCE ancienne, ce n’est pas une obligation. Enfin, l’article 6 ajoute que toujours, si c’est justifié par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes les mesures nécessaires = « référé liberté ». Ce dernier est une nouveauté totale et remarquable. Il permet, dans certaines conditions précises, d’obtenir du juge « toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale ». Outre l’urgence, le comportement administratif susceptible de déclencher la procédure se caractérise par 3 éléments :

- La qualité de l’auteur. - Les effets qui en résultent, il faut par exemple une atteinte aux

libertés fondamentale. - La nature, soit l’atteinte grave et/ou illégale. Ne sont pas visés

ici que les actes unilatéraux mais tous agissements (occupation de locaux, expulsion de personnes, excès de pouvoirs…).

Le juge des référés doit se prononcer dans les 48 heures. Il a des pouvoirs renforcés comme celui d’ordonner toutes les mesures nécessaires (injonctions, astreintes…). B] L’instance. Quatre phases à distinguer que l’on soit en TA, en CAA, ou en cassation :

- L’instruction. - L’audience ; les avocats plaident ainsi que l’avocat général. - Le délibéré ; discussion au cour de laquelle les juges prennent

leur décision. - La décision ; TA = JUGEMENTS ; CAA et CE = ARRÊTS.

S’appliquent différentes règles générale de la procédure juridictionnelle :

- Il doit y avoir caractère contradictoire de la procédure. Fondamental au regard de l’article 6 de la DDHC.

- Il y a un caractère collégial des décisions. - Il y a toujours aussi possibilité d’obtenir pendant l’instance des

mesures par voie de référé. Ces mesures sont diverses : d’instruction (ex : la prescription par le juge d’une expertise = « référé instruction ») ; prescrivant provisions (c’est le « référé provision » : versement d’une somme d’argent en attendant la décision du juge).

Soulignons qu’à, ces règles diverses s’ajoutent 3 règles particulièrement caractéristiques du contentieux administratif :

- La procédure est « inquisitoire », attention elle n’est pas accusatoire. C’est le juge qui dirige l’instruction et qui essaie d’établir ce qu’il est car c’est mieux dans l’intérêt de l’administré étant donné que l’administration détient souvent les preuves dans des dossiers internes non accessibles par les administrés pourtant requérants. Si la procédure était accusatoire, la charge de la preuve incomberait au requérant et l’on a vu quel problème cela soulèverait. Arrêt BAREL CE AG 28/05/1954 – Arrêt CE/Sté Maison-Généstale, CE le 26/01/1968 : le

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justiciable n’a pas besoin d’apporter de présomptions sérieuses. L’administration n’est plus seulement invitée à communiquer ses dossiers mais il lui incombe aussi de se justifier. Limites : dans 2 cas au moins l’administration peut ne pas donner suite et ne pas répondre = en cas de secret médical – en cas de secret de défense nationale. Dans ces cas, pour y remédier, est intervenue la loi du 08/07/1998 (faisant suite aux histoires des écoutes téléphoniques de l’Elysée) instituant la « commission consultative de secret défense ». Cette dernière est une autorité administrative indépendante (AAI) et est chargée de donner un avis sur la déclassification et la communication d’informations ayant faits l’objet d’une classification. L’avis est rendu à la suite de la demande d’une juridiction française qui se heurte à l’administration.

- La procédure est secrète . I.e. tout au long de l’instruction il n’y a pas de publicité. Les mémoires ne s’échangent qu’entre les parties et le juge.

- La procédure est pour l’essentiel écrite. Mais l’oral se développe notamment depuis la loi sur les référés.

C] La décision.

Elle doit respecter certaines formes et se divise en quatre parties : - La République demande et ordonne à tous ceux qui ont le

pouvoir d’exécuter, d’assurer l’exécution. - Le dispositif. - Les motifs. - Les visas : analyses des mémoires et des textes en application.

Le tout se fait au nom du peuple français. Une seule phrase synthétise le tout. Soulignons

que la décision est revêtue de la chose jugée (formule exécutoire). De plus, elle est relative : article 1351 du code civile. En principe seulement car c’est assez différent pour les recours pour excès de pouvoirs où les décisions ont une autorité absolue. Ça veut dire que l’annulation vaut pour tous : l’acte annulé est censé n’avoir jamais existé pour personne.

§3) Efficacité du recours ? Le recours est-il efficace ? L’efficacité dépend d’abord de la manière dont se déroule l’instance, notamment de la rapidité de la procédure. La nouveauté est qu’il peut y avoir condamnation par la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) car l’article 6-1 précise qu’il « doit y avoir un procès équitable et dans un délai raisonnable ». Deux types de remèdes :

- La réforme de l’organisation et du fonctionnement des juridictions.

- Le développement des procédures d’urgence. Les réformes comme celle de 1987 ne suffisent pourtant pas. Quoiqu’il en soit, même avec une organisation magnifique et aboutie, il y aura toujours des délais. Qu’on se le dise.

L’efficacité dépend encore du contrôle qu’exerce le juge : est-il approfondi ou superficiel ?

ON peut admettre qu’il y a efficacité. L’efficacité dépend aussi de l’exécution par l’administration des décisions juridictionnelles. Si la décision reste sans effet, cela ne sert à rien. Mais il eut souvent des problèmes :

- En gros, l’administration exécute la décision sans rechigner. - L’inexécution peut souvent prendre des formes très diverses. Le

plus souvent, on fait « le mort » ou l’on reste inerte : l’on voit des services qui laissent traîner ou qui ne répondent pas… Il y a aussi des cas de mesures destinées de faire citer à la décision. Ex : au début du 20ème siècle où un maire avait révoqué son garde-champêtre. Ce dernier fit un recours et obtenu sa réintégration. Cependant le maire fit un recours, contre le sursis

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à exécution du juge, pour obtenir une décision révoquant la 1ère …cela a duré des années avec sursis/décison/sursis/décision…

Afin de remédier à ces exemples de situations douteuses, différentes réformes sont intervenues :

- En 1963, création de la « Commission du Rapport et des Etudes » qui est devenue une section administrative. Si après 6 mois il n’y a toujours pas eu exécution, la CRE peut être saisie. Elle demandera alors des éclaircissements, menacera éventuellement l’administration concernée de signaler l’affaire dans la hiérarchie ou les médias… Attention elle n’a pas de pouvoir décisionnaire.

- En 1973, création du « médiateur ». Devenu « médiateur de la République » en 1989.

- En 1976, le législateur permet au médiateur d’enjoindre à l’organisme mis en cause de se conformer à la décision de justice = intervention comparable à celle qui précède. La loi parle « d’injonction », pouvoir très théorique. Ex : une administration n’a pas exécuté une décision de justice. Le médiateur va enjoindre l’administration d’exécuter. Mais il ne peut pas lui imposer l’exécution.

- En 1980, une loi relative aux astreintes. Elle est essentielle car elle permet de prendre des mesures énergiques. Hypothèse des condamnations pécunieres : celles-ci doivent être exécutées dans un délai fixé, délai qui au départ était de 4 mois, ramené à 2 mois avec la loi DCRA. A défaut, s’il s’agit de l’Etat qui est condamné, le créancier peut présenter le jugement au comptable compétent qui devra payer. S’il s’agit d’une autre personne publique, le créancier peut s’adresser à l’autorité de contrôle ou de tutelle, laquelle doit procéder au mandatement d’office (Cf Cours Finances Publiques). En cas d’inexécution, le CE peut prononcer une astreinte (amende journalière). Il a fallu 5 ans au CE pour faire appliquer la loi. Arrêt MERRERET, 1985, 1er arrêt du genre : une délibération du Conseil Municipal autorise le maire de la commune à ne pas faire inscrire un nom sur le monument aux morts de sa commune. En 1977, le TA annule. En 1985, le CE a décidé qu’après un délai de 2 mois il y aurait astreinte de 200frs/jour de retard (soit dans cette affaire comptons 9 ans de procédure, donc 200 x 365 x 9 = 657 000 frs).

- En 1995, une loi relative à l’organisation des juridictions. Il en ressort que le requérant n’a plus à attendre que la décision de justice initiale reste inexécutée : il peut formuler une requête concernant l’exécution dès l’introduction de son recours principal. En gros, on demande par avance de prononcer des astreintes au cas où la décision ne serait pas exécutée. Cela vaut auprès de toutes juridictions administratives (CE, CAA, TA). En toutes hypothèses, si le jugement ou l’arrêt implique que l’administration prenne une mesure dans un sens déterminé, le juge peut prescrire celle-ci, ie l’assortir d’un délai d’exécution et, le cas échéant, d’une astreinte. Si la mesure ne peut être prise qu’après une nouvelle instruction par l’administration, faute de pouvoir être prescrite immédiatement par le juge, elle peut quand même aussi être assortie d’un délai d’exécution et d’une astreinte. S’il y a malgré tout inexécution d’un jugement ou d’un arrêt, la loi de 1995 donne à ces juridictions les pouvoirs conférés au CE par la loi de 1980.

§4) Prévention du contentieux.

Comment éviter les recours juridictionnels ? 120 000 recours sont formulés pour 5 TA ! ! !

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Voir l’étude adoptée par l’Assemblée Générale du CE en 1993, Grandes Documentations Françaises, « Régler autrement les conflits : conciliations, transactions, arbitrage en matière administrative ». Voir aussi un dossier dans l’AJDA de 1997, page 3 et suivantes sur les « Modes alternatifs de règlement des conflits ».

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CHAPITRE 2ème : La Jurisprudence.

Section I) Le rôle de la jurisprudence (JCE) administrative dans le développement du droit administratif (DA). Rôle qui prête à discussion. Si rôle il y a pu avoir, c’est en raison de l’affirmation de l’autonomie du DA et de l’absence de codification du DA. L’autonomie, ici, est :

- La mise à l’écart des principes du code civil. - La reconnaissance du caractère spécial des règles qui

s’appliquent à l’administration.

Le symbole de l’affirmation de cette autonomie est un arrêt du TC : arrêt BLANCO, 1873. Arrêt à bien situer dans l’Histoire des juridictions administratives. 1873, après 1872 avec la loi qui crée le TC, puis l’on est au début de la III République. Attention, il n’y a pas que lui en DA donc inutile de vouloir le sortir à tous bouts de champs dans une copie pour impression car cela énervera plus le correcteur qu’autre chose (c’est comme en Philosophie : il y a autre chose que « Je pense donc je suis » ou « Être ou ne pas être ?Telle est la question »). En l’espèce il s’agissait d’un accident provoqué par des ouvriers de la manufacture des tabacs de Bordeaux. Agnès BLANCO avait été renversée par un wagonnet que 4 ouvriers poussaient à travers la rue. Les tribunaux judiciaires furent saisis par son père d’une action en dommages et intérêts dirigée contre l’Etat considéré comme responsable des fautes commises par les ouvriers de la manufacture lui appartenant. L’Administration estimait que l’ordre judiciaire était incompétent, et le TC eut ainsi à se prononcer. Il conclut aux motifs que « la responsabilité qui peut être incombée à l’Etat pour des dommages causés aux particuliers par le fait de personnes qu’il emploie dans les services publics, ne peut être régie par les principes qui sont établis dans le code civil pour les rapports de particulier(s) à particulier(s). Cette responsabilité n’est ni générale ni absolue, elle a ses règles spéciales qui varient suivant les besoins du service et de la nécessité de concilier les droits de l’Etat avec les droits privés ». L’arrêt affirme donc « l’autonomie du DA », ici du DA de la responsabilité, conformément à cette idée qu’exprimait le commissaire du Gouvernement dans ses conclusions : « il nous semble impossible, en bonne raison et en bonne justice, d’assimiler complètement l’Etat à un simple particulier […] ».

Si la responsabilité est la seule visée, les principes posés valent pour toutes les matières administratives. A lui seul, l’arrêt BLANCO n’aurait pas suffi à faire devenir la JCE une source. Il dit seulement que l’administration a ses règles spéciales… et alors ? ? ! ! Ce qui a compté aussi est l’absence de codification administrative. En pratique, à défaut de textes, c’est le juge lui-même qui a décidé au cas par cas de ce que devaient être les règles. La JCE est essentielle. Produite à l’occasion du contrôle juridictionnel, elle se distingue des décisions de justice elles-mêmes, qui sont prises par le juge dans chaque espèce contentieuse et qui concerne directement les parties au litige. Elle n’est pas au moins étroitement liée à celles-ci. Pour la situer et la comprendre, il faut se représenter l’acte de juger. A lire les arrêts ou les jugements, c’est très simple : considérant que telle règle s’applique à telle situation, telle décision doit être prise. On conçoit que la science-fiction imagine qu’un ordinateur remplace le juge. Il semble être en question seulement de dégager les conséquences automatiques d’une norme en présence d’une situation de fait ; de construire un syllogisme dans lequel la conclusion se déduit inéluctablement d’une confrontation de la mineure à la majeure. Rien n’est toutefois plus trompeur que ce style de décision de justice. Pour en arriver à confronter une norme et un fait, il faut d’abord analyser les données factuelles et, la plupart du temps, préciser le sens du droit (« dire le droit »…). La JCE naît d’abord de la part d’incertitude inhérente à ces opérations. En élaborant le fondement logico-juridique de sa sentence, le juge joue un rôle créateur ; c’est un interprète. Par là même, il décide de la signification à donner aux énoncés juridiques. S’il estime être en présence d’une lacune de l’ordre juridique, il ne peut capituler car il commettrait un « déni de justice » (article 4 du code civil) : il se donne alors une règle (qu’il invente ou qu’il découvre).

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S’agissant de la Cour de Cassation ou du CE, ces hautes juridictions rendent, dit-on, un « arrêt de principe » qui s’oppose au simple « arrêt d’espèce » (sans contenu novateur), bien que ce ne soit pas un « arrêt de règlement » qui lierait les juges par une disposition générale comme le fait le législateur. Les « principes » et la « règle » ainsi dégagés forment la JCE. Ils sont caractérisés par leur souplesse, ce qui est une qualité primordiale, par l'équilibre qu'ils’ établissent entre l'équité et les impératifs de la sécurité juridique, ou bien encore entre le principe d’égalité et l’adaptation du droit de chaque cas particulier. Cela dit, ils ne sont pas sans défauts : relative précarité, ésotérisme (accentué par le laconisme persistant des arrêts du CE), rétroactivité (puisque le juge intervient évidemment après coup, et forge alors une norme qui s’applique au passé). Le fameux adage « nul n’est censé ignorer la loi » devient par trop artificiel s’il est élargi à la JCE : seuls de rares spécialistes parviennent à la connaître tant bien que mal, s’agissant du DA. Il est normal dès lors de critiquer son excessive complexité et sa subtilité très raffinée mais souvent nuisible. Les normes jurisprudentiel ont le plus souvent une portée impérative à l’égard des autorités administratives. Elles ont en effet, si le juge en décide ainsi, une valeur « supra-décrétale » : elles s’imposent à tout acte administratif, y compris les décrets. Toutefois, la solution contraire prévaut parfois, notamment pour certaines règles de procédure. La norme jurisprudentielle, dans ce cas, n’a qu’une portée supplétive. Arrêt Commune de Vigneux-sur-Seine, 1984, le CE considère que « sauf dans le cas où des dispositions législatives ou réglementaires ont organisé des procédures particulières, toute décision administrative peut être l’objet dans le délai imparti pour l’introduction d’un recours contentieux, d’un recours gracieux, ou hiérarchique qui interrompt le cours de ce délai ». Parmi les normes jurisprudentielles à portée impérative, certaines occupent une place à part, en raison de l’importance de leur contenu : ce sont les « principes généraux du droit » (PGD). Leur histoire et leur valeur révèlent l’originalité de cette source, leur diversité en montre l’étendue. Section II) Les normes jurisprudentielles. §1) Les normes jurisprudentielles autres que les principes généraux du droit (PGD). Voir l’ensemble du cours. §2) Les principes généraux du droit (PGD). A] Définition. Pas facile à définir. Ex : cf. définition donnée par le lexique des termes juridiques DALLOZ : « les PGD sont la principale source non-écrite du DA, représentée par des règles de droit obligatoires pour l’administration et dont l’existence est affirmée de manière prétorienne par le juge » = ça ne définit rien ! ! ! On ne voit pas en quoi les PGD se distinguent des autres normes jurisprudentielles. Tous les éléments sont exacts mais valent aussi pour les autres sources jurisprudentielles. Pour situer les PGD, il faut s’attacher à leur finalité. Et quand même à l’autorité particulière que le juge veut leurs donner. « Les PGD permettent au CE de soumettre la vie publique française à une éthique », Jean RIVEROT. A une époque, un conseiller d’Etat soulignait que les PGD sont une œuvre de la JCE réalisée pour des motifs supérieurs d’équité afin d’assurer la sauvegarde des droits individuels des citoyens. Arrêt Sté des concerts du Conservatoire : à côté des lois écrites existent des grands principes dont la reconnaissance comme règle de droit est indispensable pour compléter le cadre juridique dans lequel doit évoluer la notion étant donné les institutions politiques et économiques qui sont les siennes, et dont la violation a les mêmes conséquences que la violation de la loi écrite. Arrêt ARAMU,CE AG 26/10/1945 : l’expression « PGD » est réputée avoir été utilisée la première fois dans cet arrêt. Aramu, commissaire de Police, a été révoqué sans pouvoir se défendre. Pour annuler cette révocation, le CE juge « qu’il résulte des prescriptions d’une ordonnance, ainsi d’ailleurs que les PGD applicables même en l’absence de texte, qu’une sanction ne peut être prononcée sans que l’intéressé ait été mis en mesure de présenter sa défense ».

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Arrêt Dame veuve TROMPIER-GRAVIER, CE Sect°1944 : avait déjà consacré les principes des droits à la défense. Il adoptait la solution de l’arrêt ARAMU à la différence qu’il n’utilisait pas explicitement l’expression « PGD ». Cela signifie qu’en 1944, les PGD n’existent pas en tant que tel et donc ils se confondent encore avec les autres normes jurisprudentielles. Pourquoi 1945 ? ? L’on dit qu’après la période de la 2nde Guerre Mondiale, le CE a voulu rappeler les principes d’un Etat libéral. Cela lui a permis aussi de contribuer à oublier ce qu’a été le CE de 1940 à 1945. L’Histoire contemporaine du CE est comme celle des autres institutions : controverses sur Vichy, Papon…cette histoire s’est écrite en deux temps :

- Il y a eu toute une période d’occultation du passé. Ex : à la Libération, on pouvait lire un article d’un conseiller d’Etat montrant que le CE s’était toujours efforcé d’assurer une certaine continuité des PGD.

- A partir des années 1970, on a redécouvert qu’il y avait problème notamment du fait de la JCE concernant les Juifs. Cette JCE faisait suite à la loi de 1940 qui avait proclamé un statut des juifs et qui, entres autres dispositions, avait exclu ceux-ci du fonctionnariat. Suite à cette loi, il eut de nombreux contentieux afin de savoir si une personne était ou non juive.

Donc nous l’avons, apparition de manière explicite, en 1945, de l’expression « PGD ». partant de l’étique libérale qui gouverne le juge, les PGD se rattachent à 3 grands thèmes :

- L’égalité, devant l’impôt, devant les charges publiques ….. beaucoup de PGD. Arrêt Sté des concerts du Conservatoire, 1951 : la radio nationale de l’époque avait refusé de diffuser les concerts de cette société alors qu’elle diffusait ceux des autres. Le CE indiqua dès lors « le principe d’égalité qui régit le fonctionnement des services publics », donc un PGD. Tous ces principes montrent que les PGD ne sont pas création de la JCE mais prennent racine dans les textes (pensons à la DDHC de 1789). Les PGD généralisent à des endroits où il n’y a pas forcément de texte. Aussi ces PGD n’interdisent pas à l’administration une inégalité de traitement à la condition que celle-ci soit justifiée soit par l’existence de « différences de situations appréciables », soit par une nécessité d’intérêt général. Ensuite, ce que l’on appelle « discrimination positive » n’est pour l’essentiel qu’une variante de la 1ère hypothèse, celle où il peut y avoir différences de traitements en raison de différences de situations. Ie, face à certaines différences de situation, on ne dit plus seulement qu’il peut y avoir différences de traitements mais aussi un objectif politique de « réduction des inégalités ». Ex : la question de l’admission de lycéens de ZEP à Sciences-Politiques. Il y a souvent aussi des JCE très subtiles. Cela donne lieu à des JCE plus ou moins subjectives. Qu’est-ce qu’une différence de situation appréciable ? Avec le temps, le juge peut changer ses convictions ce qui peut par moment rendre des discriminations impossibles et inversement. Arrêt GENNEVILIERS vs NANTERRE, 1997 : « au nom du principe de l’égalité du service public, il ne peut y avoir des différences de tarifs entre les familles de revenus différents ». L’on voit ici un changement d’appréciation net, le CE admettant, eu égard à l’intérêt général qui s’attache, que le Conservatoire de musiques puisse être fréquenté par les élèves qui le souhaitent et sans distinction selon leurs possibilités financières.

- La liberté : comme pour l’égalité, il y a la liberté de conscience, d’association, du commerce et de l’industrie … Les textes ne manquent pas et confirment que les PGD ne sont pas pure JCE. Malgré ces principes la liberté n’est jamais illimitée (cf. chapitre sur la Police).

- La sécurité : protection des administrés. Outre le principe de non-rétroactivité des actes administratifs ou encore le principe selon lequel tout acte administratif est susceptible de recours pour excès de pouvoir.

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Attention, si la plupart des PGD peuvent rentrer dans ces 3 catégories, tous n’y rentrent pas. Ex : le principe selon lequel les biens des personnes publiques sont insaisissables.

Depuis 1991, de nouveaux principes furent consacrés. Toutefois, ils sont plus spécialisés et concernent plutôt « le droit des étrangers » ou « la matière sociale ». Arrêt Union Nationale CGT des affaires sociales, 1996 : arrêt qui consacre le principe de l’indépendance des inspecteurs du travail = s’ils sont spécialisés, ils ne sont plus généraux. Arrêt Groupement d’Informations et de Soutiens des Travailleurs Immigrés (GISTI). Arrêt Syndicat des commissaires et des hauts fonctionnaires de la Police Nationale, 2003, qui consacre l’obligation, de PGD, pour l’autorité administrative de publier dans un délai raisonnable les règlements qu’elle édicte. Tous ces principes apparaissent comme étant le reflet, à un moment donné, des préoccupations de la société. Cela signifie qu’ils ne sont pas présentés comme immuables. Ils ont en effet un caractère évolutif, ils ne sont pas donnés une fois pour toute et peuvent changer. Ex : le PGD de grève était autrefois interdit, ensuite admis, et là on le remet un peu en question car existe désormais le PGD sur la continuité des services publics. Section III) Le pouvoir normatif du juge. Le juge peut édicter des règles, des normes, hors des PGD. §1) Les méthodes du juge administratif (JA). Pour créer des normes, il en ressort que ce sont des méthodes de dissimulation. Car s’il y a bien en fait un pouvoir normatif, il ne s’affiche pas en tant que tel. D’un côté, ce pouvoir existe car il y a l’obligation de juger (article 4 du code civil) donc le juge a d’autres alternatives que de créer la règle. D’un autre côté, ce pouvoir n’est pas vraiment reconnu car le JA, comme les autres, est soumis à l’interdiction de faire des « arrêts de règlement » (article 5 du code civil). S’agissant du CE, on peut le constater à deux niveaux :

- Au niveau de la forme des arrêts, ils sont quelques peu hermétiques, électrique … une façon de ne pas énoncer de règle.

- Ensuite ils sont le plus souvent des « arrêts de rejet ». On le voit aussi au niveau de la manière dont les règles se présentent car plus qu’une création, souvent il semble y avoir qu’une découverte de ce qui existe déjà. On dit des PGD qu’ils sont recueillis par le juge et non pas crées, ie ils étaient déjà sous-entendu par les textes.

§2) L’autorité des normes jurisprudentielles.

Que valent ces normes ? A] L’autorité à l’égard du juge. A l’égard du juge qui a créé la norme : le juge n’est pas lié aux règles qu’il pose. Il peut y avoir des revirements jurisprudentielles. Cela dit, en fait, c’est quand même très différent. Si un juge dicte une règle, l’on peut penser que c’est parce qu’il la trouve bonne. Il y a quand même une grande stabilité de la JCE, le revirement reste rare. Cette stabilité dépend de plusieurs facteurs de faits :

- La formation du jugement :à quelques exceptions près, une JCE d’Assemblée Générale a plus de pouvoir que celle d’une sous-section.

- La qualité des conclusions et l’accueil de la doctrine.

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B] La place dans la hiérarchie des normes. Tout est simple si l’on s’en tient au critère organique : la place dans la hiérarchie

des normes dépend de la position de l’Organe. Cela donne, il suffit de situer le JA par rapport au Parlement et à l’Administration. Le juge n’est pas l’égal du Parlement. Toute règle jurisprudentielle est « infra - législative ». Dès lors qu’il y ait contrôle, l’Administration est au-dessus et donc si l’on décide ainsi, les règles qu’elle crée ont forcement une valeur « supra - décrétale ». Cela n’empêche pas certaines règles d’être supplétives. On le voit dans les arrêts qui précisent qu’elles s’appliquent, sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires. De fait, les PGD ont une valeur « supra – décrétale » mais « infra – législative ». Cela posa malgré tout quelques problèmes. D’emblée, après 1945, on s’est demandé si les PGD étaient supérieurs à la loi. La JCE était plus qu’ambiguë, notamment car il y avait interprétation de la loi au regard des PGD = Arrêt Dame LAMOTTE, CE AG le 17/02/1950 : une loi avait expressément exclu tout recours contre certains actes administratifs. Le CE juge « qu’elle n’a pas exclu le recours pour excès de pouvoirs, lequel existe même sans texte pour assurer, conformément aux PGD, le respect de la légalité ». Ici, le CE a fait prévaloir les PGD par rapport à la loi. La question a été relancée suite à la Constitution de 1958 lorsque le CE a décidé d’appliquer les PGD aux règlements autonomes de l’article 37. Arrêt Syndicat général des ingénieurs conseils, 1958. A partir de la fin des années 1960, c’est la JCE du Conseil Constitutionnel qui a de nouveau suscité des discussions. Dans cette JCE, de nombreux principes reconnus comme Constitutionnels sont aussi des PGD découverts à l’origine par le CE. De même il est apparu qu’il y avait des principes que le Conseil Constitutionnel ne considère pas comme Constitutionnels alors qu’ils sont consacrés PGD par le CE. Il y en a même qui sont consacrés PGD par le Conseil Constitutionnel et pas par le CE. L’on a pensé que les valeurs de chaque PGD dépendent désormais de la position adoptée par le Conseil Constitutionnel. Certains sont Constitutionnels car considérés comme tel. D’autres se situent au niveau de la loi donc peuvent être remis en cause par le législateur et, par exemple, le principe selon lequel le silence gardé par l’administration vaut décision de rejet (décision du 26/06/1969). Cela n’a pas empêché le CE de considérer l’année suivante que ce principe n’était pas un PGD s’imposant au pouvoir réglementaire ; Arrêt Commune de BOCAS, 1970. Au passage, la question est aujourd’hui réglée par la loi DCRA du 12/04/2000 = il y a bien un principe législatif. Toutefois, il est précisé que des dérogations peuvent être établies sous certaines conditions par décret en CE. L’on a pensé que les PGD n’étaient pas classable à partir de la JCE car il y a en réalité « dédoublement de l’ordre juridique » René CHAPUS. Constatons d’abord qu’un double usage peut être fait des mêmes principes. Pour le CE, dès lors qu’il parle de PGD, il est placé, en principe, au-dessus des actes administratifs. Le Conseil Constitutionnel, quant à lui, dès lors qu’il donne valeur Constitutionnelle au principe, il le place au-dessus des lois. Cela conduit à considérer que chaque juridiction a son propre système de principe. Il y a les principes constitutionnels du Conseil Constitutionnel, et les PGD du CE. Quand le CE parle de PGD, c’est un principe hors de tout texte. Pour le Conseil Constitutionnel, c’est un principe de la Constitution = d’où dédoublement. Aujourd’hui semble devoir co-exister tout à la fois le maintien du dédoublement et une tendance à la réunification. Maintien du dédoublement : ex : Arrêt ROUQUETTE, 1999, qui distingue le « principe constitutionnel d’égalité devant les charges publiques » et le « principe général d’égalité devant les charges publiques ». Réunification tout de même car depuis une dizaine d’années, le CE tend à s’aligner sur la JCE du Conseil Constitutionnel, ce qui signifie qu’il ne parle plus de PGD là où il peut s’en référer à la Constitution = voir évolution de la JCE BAREL, CE AG le 28/05/1954, concernant des candidats à l’ENA écartés de ce concours en raison de leurs opinions politiques (PC). Dans cet arrêt, le CE se fondait sur le « principe de l’égalité de l’accès à tous les français aux emplois et fonctions publiques ». En vertu de ce PGD, on ne prend pas en compte, par exemple, les opinions politiques.

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Aujourd’hui, dans des affaires équivalentes, le CE vise le « principe de l’égal accès des citoyens aux emplois publics » proclamé par l’article 6 de la DDHC de 1789 qui elle a valeur Constitutionnelle. Section IV) Droit administratif (DA) et mythologie. Formule de Pierre LEGENDRE : « les exploits de la doctrine ». Etant donné que les normes jurisprudentielles sont éparpillées dans des arrêts ou jugements, comment se fait la systématisation ? Comment en arrive-t-on à se représenter le tout comme un ensemble cohérent ? Si l’on admet la mise en forme par la doctrine, quel est le rôle de la doctrine ? Rappelons qu’elle n’est pas une source du droit. Malgré tout, ce que la doctrine raconte n’est pas sans produire des effets. §1) Historiographie et production d’une logique. Deux fonctions premières du discours doctrinal. L’on passe le temps, en doctrine, à classer et trier les textes = historiographie. A travers cette histoire, il y a production d’une logique car l’on développe des méthodes de raisonnement propres à résoudre n’importe quel problème de droit. §2) L’importance des phénomènes de prestige. Si les constructions doctrinales influent, elles dépendent aussi de celui qui parle en plus de ce qu’elles disent. Pour la période contemporaine, deux juristes ont particulièrement fait autorité :

- Maurice HAURIOU, né en 1856 et mort en 1929. - Léon DUGUIT, né en 1859 et mort en 1928.

L’Ecole de Toulouse voulut construire le DA autour de la « puissance publique ». L’Ecole de Bordeaux, quant à elle, fit sa réflexion sur la notion de « service publique ». Dans quelle mesure un certain prestige au sein de la doctrine permit-il d’influer sur ceux qui font les règles de droit ? ?

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Titre 2 : LES TEXTES.

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INTRODUCTION L’inflation normative. La prolifération des textes est la caractéristique la plus apparente du droit commun. En 1991, c’est le thème principale. Entre 1976 et 1990, on est passé de 7 000 à 17 000 pages au JO. En 2003, nous en sommes à 22 500 pages. Cela montre que la prolifération s’accompagne d’instabilités des textes et de leur dégradation. Cela peut représenter la sureté mais comment y remédier ? Au moins deux remèdes :

- Réduire l’inflation elle-même. Il pourrait y avoir une politique de déréglementation.

- On pourrait produire moins en élaborant mieux. « Développement d’un droit mou, flou et à l’état gazeux » CE. Loi du 02/07/2003 : habilitant le Gouvernement à simplifier le droit. C’est l’objectif de la codification du DA aussi. En 1948, création d’une commission de codification ; malheureusement le projet fut abandonné car les codes n’étaient que de simples décrets et non-actualisés. En 1989, à l’initiative du 1er Ministre Michel ROCARD, il s’engage une politique de relance. La même année, institution d’une commission supérieure de la codification. A propos de cette codification, rien à voir avec ce que ça pouvait être au 18ème siècle ou au 19ème siècle. Il ne s’agit pas de faire un code analogie au code Napoléonien. L’on procède matière par matière et à chaque fois l’on rassemble les textes existants. Cette codification s’appuie normalement sur deux principes fondamentaux :

- La validation parlementaire ce qui donnera une valeur législative et donc pas seulement décrétale.

- Le droit constant : l’on ne modifie pas le fond du droit. La loi DCRA précise en son article 3 que « à droit constant, sous réserve et modifications nécessaires pour améliorer la cohérence rédactionnelle des textes rassemblés, assurer le respect de la hiérarchie des normes et harmoniser l’Etat de droit ».

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CHAPITRE 1er ) La Constitution de 1958.

Section 1ère ) Le bloc de constitutionnalité. §1er ) Les articles de la Constitution. Voir cours d’Introduction au Droit Constitutionnel. §2ème ) Le préambule. Voir cours d’Introduction au Droit Constitutionnel. Principes Fondamentaux Reconnus par les Lois de la République (PFRLR) : ces principes ont fait l’objet de discussions. Ils sont réaffirmés par le préambule de 1946. Depuis 1971, un certain nombre ont été dégagés, découverts par le Conseil Constitutionnel. Il s’agit de principes inscrits dans des lois promulguées avant 1946, ie au cours d’une période Républicaine. Ex : le principe de « l’indépendance de la juridiction administrative », il peut se déduire de la loi de 1872 concernant la loi de la justice déléguée. Le CE a lui aussi dégagé un tel principe dans l’arrêt KONE, CE AG le 03/07/1996, cet arrêt considère qu’une convention d’extradition doit être interprétée « conformément aux PFRLR, selon lesquels l’Etat doit refuser l’extradition d’un étranger lorsqu’elle est demandée dans un but politique ». Le CE avait été saisi par un Malien qui se plaignait d’avoir été extradé dans un but politique. Une convention France - Mali interdit seulement l’extradition demandée pour poursuivre une infraction politique. Soulignons que l’intérêt de découvrir dans cette affaire un PFRLR, et non-seulement un PGD comme le suggérait un commissaire au Gouvernement, était d’avoir un principe à valeur constitutionnelle incontestable. Ce qui a permis d’interpréter la Convention à la lumière de ce principe. Le CE en a déduis que la Convention interdisait, conformément au principe, l’extradition dans un but politique. Aussi, deux questions ont été au centre des commentaires de cet arrêt et ont fait l’objet de réponses opposées :

- Le CE est-il vraiment compétent pour découvrire un PFRLR ? N’est-ce pas le travail du Conseil Constitutionnel ?

- Est-ce que l’arrêt signifie qu’en cas de conflits ouverts entre une Convention et la Constitution, le CE écarterait la Convention ?

Si l’on peut toujours discuter la 1ère question, le CE a répondu par l’affirmative à la 2nde. Il a dit OUI à l’arrêt SARRAN et LEVACHER de 1998 : cet arrêt dit que la suprématie conférée par l’article 55 de la Constitution aux engagements internationaux sur les lois, « cette suprématie ne s’applique pas dans l’ordre interne aux dispositions de nature constitutionnelles », ie toujours prévaut la Constitution. Dans sa décision, le CE reste particulièrement obscure et ambigu Dans sa décision du 10/06/2004 relative à la loi sur la confiance dans l’économie numérique, le Conseil Constitutionnel a adopté une position comparable. Il souligne en effet que transposer en droit interne une directive communautaire « résulte d’une exigence constitutionnelle à laquelle il peut faire obstacle qu’en raison d’une disposition expresse contraire à la Constitution ». Le législateur n’a pas le chois : c’est une directive de la Communauté Européenne, il faut donc transposer en droit interne (article 88-1 de la Constitution, ajouté lors de la réforme constitutionnelle). Il n’y a pas moins primauté de la Constitution car cela résulté d’une exigence

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constitutionnelle à laquelle l’on ne peut faire obstacle qu’avec dispositions expresses contraire à la Constitution. §3ème) Des normes jurisprudentielles ? Compte tenu de ce qu’est le préambule, il s’agit de savoir si tous les principes ayant aujourd’hui valeur constitutionnelle y figurent. Ne faut-il pas ajouter des principes créés par le Conseil Constitutionnel ? Il peut sembler que OUI. Ex : le principe de « continuité du service public », voir décision de 1979 concernant le service public de la radiotélévision. Elle qualifie ce principe de « principe à valeur constitutionnelle » alors qu’il ne figure pas dans le bloc de constitutionnalité. Ex : le principe de « la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toutes forces d’asservissement et de dégradation ». La question reste discuté. Voir un article de Georges VEDEL : « Réflexion sur quelques apports de la jurisprudence du CE à la jurisprudence du Conseil Constitutionnel ». En 1979, le CE a cédé à une facilité de rédaction. Sans cela, il aurait pu trouver un double fondement, d’abord l’article 5 de la Constitution qui dispose de la continuité de l’Etat… A ce jour, il n’y a pas dans la JCE du Conseil Constitutionnel d’ensembles de principes comparables aux PGD. §4ème) Le problème des traités et accords internationaux. Selon la JCE du Conseil Constitutionnel, les traités et accords internationaux ne font normalement pas parti du bloc de constitutionnalité. Décision de 1975 concernant la loi sur l’IVG : une loi contraire a un traité ne serait pas forcement contraire à la Constitution. Arrêt NICOLO du CE, 20/10/1989 : selon l’Assemblée Générale, les traités ont une force supérieure à la loi. Arrêt VABRES du CC : même décision. Section 2ème) Les contrôle de constitutionnalité. Deux types de contrôles :

- Le Conseil Constitutionnel (CC). - Le Conseil d’Etat (CE).

§1er) Le Contrôle des lois par le Conseil Constitutionnel (CC). Le CC est seul à pouvoir exercer un contrôle. Le CE, de son côté, s’est TOUJOURS déclaré

incompétent. Ce contrôle s’est développé à partir de 1971 quand le CC tira parti du préambule. Voir cours d’Introduction au Droit Constitutionnel. §2ème) Le contrôle des normes administratives par le juge

administratif (JA).

Ce contrôle ne date pas de la 5ème République. Il est beaucoup plus systématique aujourd’hui. De nombreux articles de la Constitution concernent directement le CE. Ex : le contreseing. Aussi de plus en plus, il arrive au CE de se substituer des dispositions constitutionnelles aux PGD de même contenu.

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Aussi pour l’essentiel, ce contrôle n’a rien de spécifique. Dans le cas du recours pour excès de pouvoirs (REP), on confronte des normes administratives à des normes supérieures. Deux éléments peuvent malgré tout intervenir :

- Il y a parfois des lois qui empêchent le contrôle. - Il y a aussi la JCE du CC.

A] L’hypothèse de l’écran – législatif. Hypothèse où une loi vient faire écran entre la Constitution et un acte administratif

qui respecte cette loi. D’abord les problèmes éventuels viennent de ce que le JA ne peut contrôler la constitutionnalité de la loi. S’il est saisi d’un recours contre un acte administratif, il ne peut le contrôler qu’au regard de la loi, ce qui fait que lorsque la loi est contraire à la Constitution, le JA doit considérer l’acte comme régulier alors même qu’il est lui-même contraire à la Constitution.

Ex : les peines d’emprisonnement en matière de contravention. D’après la Constitution, le pouvoir réglementaire détermine les infractions constitutives de contraventions, il ne peut pas prévoir que leurs auteurs seront punis de peine d’emprisonnement. En fait, il s’est trouvé qu’il y avait des lois autorisant le pouvoir réglementaire. Le CE, saisi de recours contre les décrets, a toujours refusé d’annuler des décrets. Ce problème est aujourd’hui réglé, le code pénal, depuis 1994, supprime toute peine privative de liberté en matière contraventionnelle. Le seul remède serait l’institution d’un contrôle de la constitutionnalité des lois par « voie d’exception ». B] L’autorité des décisions du Conseil Constitutionnel (CC). Lorsque le CC exerce son contrôle, le JA doit tenir compte de ces décisions mais aussi de ces interprétations = article 62 de la Constitution. Malgré tout, le CC n’a pas le moyen d’imposer le respect de ses décisions. Le CE et le CC sont en effet souverains de leurs décisions.

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CHAPITRE 2ème) Les lois. Section 1ère) Définition et domaine de la loi. §1er) Définition. A] Définition traditionnelle. Elle se fait par référence au seul critère organique. La loi est l’acte voté par le Parlement. Par conséquent, elle ne tient pas compte du contenu et de ses considérations matérielle. Pour l’essentiel, elle n’a pas été remise en cause par la 5ème République et reste valable à deux réserves près :

- Il y a un domaine de la loi. - La loi n’est plus seulement l’acte du Parlement.

B] Textes assimilés.

Il existe des textes assimilés à des lois mais ne répondant pas à la définition traditionnelle. Ils sont très divers :

- La loi référendaire directement adoptée par le peuple. - Les ordonnances de l’ancien article 92, ordonnances prises par

le Gouvernement en 1958 et 1959. - Les ordonnances ratifiées par l’article 38. - Les décisions prises en application de l’article 16 dans le

domaine législatif. L’article 38 officialise la pratique antérieure des décrets – lois et autorise le Parlement à

déléguer temporairement au Gouvernement le pouvoir de prendre, par ordonnance, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi. Ces ordonnances sont élaborées selon la procédure en vigueur pour les décrets les plus importants, ce qui veut dire qu’elles sont soumises au CE. Elles sont délibérées en Conseil des Ministres et donc toujours signées par le Président de la République. Cela veut dire que ce sont des actes du Président alors même que l’article 38 fait des ordonnances une prérogative gouvernementale. Le Président peut refuser de signer des projets d’ordonnance proposés par le 1er Ministre. Tant qu’elles n’ont pas été ratifiées par le Parlement, les ordonnances ne sont que des actes administratifs et donc attaquables devant le CE par un REP (CE en 1er et dernier ressort). Ces ordonnances ne deviennent des lois que lorsqu’est adopté un projet de loi proposé par le 1er Ministre, tendant à leur ratification. A défaut, soit le 1er Ministre n’a pas déposé à temps et les ordonnances deviennent caduques, soit le vote du Parlement est défavorable et elles sont du même coup abrogées, soit le projet n’est pas discuté et voté par le Parlement. Les ordonnances ont donc une double nature : ce sont des lois dans la mesure où seules les lois les modifier ou les abroger ; mais ce sont aussi des actes administratifs dans la mesure où leur régularité peut être contestée devant le JA. Dans le cadre le l’article 16, dans le domaine législatif, les mesures susceptibles d’être prises par le Président sont de trois sortes. Cela résulte de l’arrêt RUBIN de SERVENS, CE AG 02/03/1962 où sont distinguées par cet arrêt :

- La décision de mise en application de l’article 16. Là c’est un acte de gouvernement = donc REP irrecevable.

- Les décisions qui, d’après l’article 34, sont du domaine de la loi = REP envisageable.

- Les décisions qui relèvent du domaine réglementaire. Ce sont des actes administratifs = REP envisageable.

Attention : s’il y a contrôle, cela risque d’être purement théorique. L’on ne contrôle pas grand chose du fait de circonstances exceptionnelles . Le JA peut ne pas sanctionner ce qui en temps normal apparaîtrait comme étant une irrégularité.

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§2ème) Les domaines de la loi. A] Matières réservées à la loi. Pour l’essentiel, ce sont des matières énumérées à l’article 34. Cela dit, cet article 34 n’est que la conséquence du développement continu du pouvoir réglementaire tout au long du 20ème siècle. Trois étapes de cette évolution :

- 1ère étape décisive = les deux arrêts du CE qui ont reconnus des pouvoirs propres au Président. Arrêt HEYRIES, 1918 : un fonctionnaire révoqué. En application d’un décret qu’il contestait, il n’avait pas droit à la communication de son dossier. Alors que le décret était effectivement contraire à une loi, le CE rejette le recours « le Président est placé à la tête de l’Administration et est chargé de surveillé l’exécution des lois […] Il incombe au Président de veiller à ce qu’à toutes les époques, les services publics institués par les lois et règlements soient en état de fonctionner, et à ce que les difficultés résultants de la guerre n’en paralysent pas la marche ». Le CE en conclut qu’un décret peut, en cas de circonstances exceptionnelles, édicter des règles contraires à une loi et cela pour assurer la continuité du service public. Le Président se voyait ici reconnaître des pouvoirs dépassant l’exécution proprement dite des lois. Puis l’arrêt LABONNE, 1919, confirmant le précèdent mais en dehors du cadre de circonstances exceptionnelles. Affaire concernant l’ancêtre du Permis de Conduire. Alors qu’aucune loi ne prévoyait de réglementer cela, il fut juger régulier, aux motifs qu’il appartient au Chef de l’Etat, en dehors de toute délégation législative et en vertu de ses pouvoirs propres, de déterminer celles des mesures de Police qui doivent en tout état de cause être appliquées dans l’ensemble du territoire.

- 2ème étape = la pratique des décrets – lois. Le Parlement permet au Gouvernement d’intervenir et même de modifier la loi.

- 3ème étape = la loi de 1948. Elle allait au-delà de la simple pratique des décrets – lois car elle dressait une liste des matières ayants par nature un caractère réglementaire. Aussi il y a une liste qui semble limitative des matières réservées à la loi. Cette liste est dans la Constitution. S’y ajoute une protection du domaine réglementaire contre les empiétements du législateur.

B] Souplesse du système. Le système mis en place en 1958 n’a pas conduit à une délimitation très rigide des domaines. Ainsi l’existence d’un domaine de la loi n’a pas empêché le Président d’intervenir en matière réglementaire. Ce sont les termes mêmes de l’article 41 qui le permettent. Lorsqu’une proposition de loi ou un amendement ne sont pas du domaine de la loi, le Gouvernement a la faculté (contraire d’obligation) de s’opposer à leurs adoptions en invoquant l’irrecevabilité. Section 2ème) Le pouvoir réglementaire de l’administration. §1er) La notion de pouvoir réglementaire. Quelle est la compétence dont il s’agit ? qu’est-ce qui la caractérise ? A] Définition. C’est le pouvoir de rendre des règlements. L’acte réglementaire, s’il se distingue de la loi par son auteur, lui est identique du point de vue matériel. C’est un acte normatif à portée générale et impersonnelle. Un acte qui s’adresse à une catégorie ouverte de personnes. Ie, peut

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importe qu’il s’agisse d’une situation unique = penser à un acte de règlement qui dit que le 1er Ministre est chargé de telle ou telle fonction … pourtant il n’y a qu’un seul 1er Ministre. Cette situation doit être ouverte à un nombre indéfini de personnes. Avec le 1er Ministre, on vise aujourd’hui M. Raffarin et ceux qui lui succéderont. Attention : acte réglementaire ne correspond nullement à un acte individuel où là les destinataires sont nommément désignés. Une pareille définition n’est simple qu’en apparence. Entre l’acte réglementaire (AR) et l’acte individuel (AI), il y a souvent des situations intermédiaires beaucoup plus difficile à identifier. Ex : la JCE sur les délocalisation de services administratifs, notamment arrêt Comité central d’entreprise de la SEITA (Sté d’Exploitation Individuelle des Tabacs et Allumettes), 1993 : était en cause la décision de transférer le siège de la SEITA par décret du 1er Ministre. Ce décret est-il un AR ou un AI ? ? L’arrêt en l’espèce admet que c’est un AR. Voir aussi la section 3ème de ce chapitre + AJDA 1993 page 199. B] Caractères généraux. Trois caractères généraux.

Tout d’abord, 1er point, il n’y a pas en principe de pouvoir réglementaire sans texte (Constitution, lois, décrets…). Cela dit il y a parfois des exceptions, notamment le JCE qui fonde la pouvoir réglementaire en l’absence de texte. Arrêt LABONNE, 1919, à propos des pouvoirs propres du Chef de l’Etat concernant le pouvoir réglementaire de Police. Le 1er Ministre s’est aujourd’hui substituer au Président mais la JCE reste valable. Aussi il s’en suit que le pouvoir réglementaire de Police du 1er Ministre puisse échapper à la distinction des articles 34 et 37. Il vaut en toute matière dès lors que l’on vise l’ordre public. Arrêt Association Autodéfense, 1992 : arrêt qui juge régulier un décret relatif à l’obligation du port de la ceinture de sécurité. L’association disait que le décret ne pouvait pas « obliger » car c’est le pouvoir même du législateur. Hé bien non ! ! alors même qu’il affecte l’exercice des libertés publiques qui sont normalement traitées par le législateur. Ex : d’un pouvoir réglementaire jurisprudentielle. Arrêt, CE Sect° le07/02/1936, concernant le pouvoir réglementaire des chefs de services. « Même dans le cas où les ministres ne tiennent d’aucune disposition législative un pouvoir réglementaire, il leur appartient, comme à tous chefs de services, de prendre les mesures nécessaires au bon fonctionnement de l’Administration placée sous leurs autorités ». C’est là un pouvoir réglementaire fondé sur la nécessité d’un fonctionnement régulier des services publics. Toute autorité doit disposer des moyens nécessaires à l’accomplissement de ses missions, même s’il n’y a pas de textes. Outre les ministres, normalement, sont chefs de services toutes autorités ayants un pouvoir hiérarchique (Préfets, Maires…). Aussi, s’il y a pouvoir réglementaire, il est tout de même limité aux mesures nécessaires au bon fonctionnement. Il n’existe que dans le cadre de la réglementation pour le compléter. Cela peut comprendre des mesures d’organisation interne de service : arrêt DEHAEME, 1950, concernant la réglementation du droit de grève des fonctionnaires. D’autre part, cela peut être des mesures pour les usagers de services publics. Ensuite, 2ème point, s’il y a souvent des pouvoirs discrétionnaires, l’exercice du pouvoir réglementaire peut aussi être une obligation. Tout d’abord, il y a obligation d’édicter les réglementations nécessaires à l’application d’un texte. En fait, indépendamment des règlements nécessaires à l’application des directives communautaires, cela concerne principalement les règlements d’application des lois. Il faut les prendre dans un « délai raisonnable » dit la JCE. C’est un délai qui s’apprécie compte tenu des difficultés d’élaboration des règlements et de l’ensemble des circonstances. C’est un délai aussi qui peut excéder celui que la loi a pu fixer, considéré comme n’ayant qu’une valeur indicative = arrêt DIEMERT, 1992, concernant un décret relatif au Permis à points. Ce décret avait été appliqué le 28/06/1992 alors qu’il aurait dû l’être avant le 01/01/1992. Ça a traîné. On a voulu casser le décret pour irrégularité. Refus du CE qui reconnaît quand même la faute. En effet, il

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n’annule pas au motif que le retard n’entraîne pas caducité. Si le législateur fixe une date, c’est pour que ça traîne un peu moins … c’est rituel. Il y a aussi obligation de prendre les règlements de Police lorsqu’une situation de fait l’exige. Ex : danger, risque de trouble … Voir chapitre sur la Police. Il y a aussi obligation d’abroger les règlements illégaux. Cette obligation est compliquée et fatigante. Cela s’est terminé par un arrêt : arrêt ALITALIA, 1989, il en ressort de cet arrêt que l’autorité compétente, saisie d’une demande tendant à l’abrogation d’un règlement illégal, est tenue d’y déférer. Soit que ce règlement ait été illégal dès la date de sa signature ; soit que l’illégalité résulte de circonstances de droit ou de faits postérieurs à cette date. L’obligation s’impose là :

- Qu’à propos de l’abrogation, ie de la suppression d’un acte pour l’avenir (différent du retrait qui, lui, est rétroactif).

- Que si une demande est adressée à l’Administration. - Que si le règlement est illégal, sans distinguer l’origine de

l’illégalité ; à savoir si c’est dès la signature ou après. - Cette obligation s’impose sans considération de délai.

Enfin, 3ème point, il n’y a pas de droit au maintien d’un règlement. Ie, le pouvoir

réglementaire n’est pas lié pour l’avenir : il est à tout moment abrogeable. Cela tente aujourd’hui à poser problème. Voyons l’actualité. Si du jour au lendemain il y avait une réglementation sans discussion, il y aura toujours des réticences. Il peut sembler encore manquer en France ce que la CJCE nomme « le principe de confiance légitime » (PGD). Principe corollaire du « principe de sécurité juridique » signifiant que les administrés doivent pouvoir compter sur une certaine stabilité de leur environnement juridique. Voir documents de TD, sur les PGD, l’extrait des conclusions sur l’arrêt FNSEA (Fédération Nationale des Services des Exploitants Agricoles).

§2ème) Les titulaires du pouvoir réglementaire. Quelles autorités ont compétence ? Il faut distinguer le pouvoir réglementaire général (PRG) et les pouvoirs réglementaires spécialisés (PRS). Le PRG s’exerce dans toutes les matières réglementaires sur tout le territoire. Les PRS s’exercent que dans certaines matières et/ou que sur une partie du territoire. A] Le pouvoir réglementaire général (PRG). S’il est en principe exercé par le 1er Ministre, il faut depuis 1958 compter avec le Président. Voir l’article 21 : il en ressort que le 1er Ministre assure l’exécution des lois et exerce le pouvoir réglementaire. Toutefois, il le fait « sous réserve des dispositions de l’article 13 », lesquelles prévoient que le Président signe les ordonnances et les décrets délibérés en Conseil des Ministres. Constat : l’article 13 ne précise pas quand il doit y avoir délibération en Conseil des Ministres et donc quand il doit y avoir signature du Président. Quelle est donc la compétence du Président ? Jusqu’en 1992, le CE considérait que la compétence du Président se limitait aux cas où une loi prévoyait que les règlements d’application de ladite loi seraient pris en Conseil des Ministres. Si c’est très restrictif, cela n’empêche pas d’admettre, s’il y a contreseing su 1er Ministre, la régularité des deux autres sortes de décrets. D’une part les décrets signés par le Président et délibérés en Conseil des Ministres alors même qu’aucune loi ne l’avait prévu. Et d’autre part les décrets signés par le Président mais non-délibérés en Conseil des Ministres. Pour nos deux hypothèses, voyons ce que répond le CE : Arrêt SICARD, CE le 27/04/1962 : dès lors qu’il y a contreseing du 1er Ministre, le CE considère qu’il s’agit en droit de décrets du 1er Ministre et que le décret est valable ; la signature du Président en reste alors uniquement que décorative.

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Si le CE voit cela ainsi, c’est très réaliste. Il apparaît quand même une condition, à savoir que doivent être respectées les règles relatives au contreseing du 1er Ministre = voir l’article 22 : il faut les contreseings des ministres chargés de l’exécution et non-pas seulement ceux des ministres responsables du texte (art 19). Enfin, il y a une conséquence : les décrets en question peuvent être modifiés ou abrogés par d’autres décrets du 1er Ministre. A partir de 1992, avec l’arrêt MEYET, CE AG du 10/09/1992, le CE admet que tout décret délibéré en Conseil des Ministres doit être signé par le Président. Et donc relève de la compétence du Président et sans besoin de distinguer que ce soit prévu ou non par la loi. Dès lors qu’il y a délibération, il faut la signature du Président et c’est le décret du Président. Cet arrêt ne remet pas en cause la JCE concernant les décrets signés par le Président mais non – délibéré en Conseil des Ministres = ceux-ci restent des décret du 1er Ministre. Cet arrêt consacre l’importance de la délibération en Conseil des Ministres. Il élargit aussi la compétence du Président. Arrêt CORBAS, 1996 : Cela dit, il n’empêche pas à un décret délibéré en Conseil des Ministres de comporter un article disposant que « le présent décret peut être modifié par décret du 1er Ministre ». B] Les pouvoirs réglementaires spécialisés (PRS). Les PRS sont multiples et exercés par des autorités nombreuses car la tendance du droit contemporain est à une certaine dilution du pouvoir réglementaire (PR). Arrêt JAMART, CE Sect° le 07/02/1936, concernant le pouvoir réglementaire des chefs de services. « Même dans le cas où les ministres ne tiennent d’aucune disposition législative un pouvoir réglementaire, il leur appartient, comme à tous chefs de services, de prendre les mesures nécessaires au bon fonctionnement de l’Administration placée sous leurs autorités ». C’est là un pouvoir réglementaire fondé sur la nécessité d’un fonctionnement régulier des services publics. Toute autorité doit disposer des moyens nécessaires à l’accomplissement de ses missions, même s’il n’y a pas de textes. Il y a aussi des lois et des décrets qui confèrent des PR à toute sorte d’autorité :

- Aux autorités traditionnelles à la tête de personnes publiques (Préfets, Ministres, Pdt Conseils généraux, municipaux…). Voir chapitre sur la Police. Pour ce qui est des autorités des collectivités locales, il y a eu consécration constitutionnelle. En effet, le nouvel article 72, tel qu’il résulte de la loi constitutionnelle du 28/03/2003 (réforme sur la décentralisation) précise que les collectivités « disposent d’un PR pour l’exercice de leurs compétences ».

- Aux autorités administratives indépendantes (AAI) telles que le CSA par exemple ; et désormais aussi les autorités publiques indépendantes (API). Contrairement à l’AAI, l’API est dotée de la personnalité morale.

- A certaines institutions de droit privée chargées de missions publiques : fédérations sportives, associations ayant des missions de service public…

Malgré cette évolution, les ministres n’ont toujours pas de PR, en principe. Car ce serait

source de désordre compte tenu des structures ministérielles qui sont variables et qui se chevauchent … cela est compensé par le fait qu’ils soient très associés à l’élaboration des décrets qu’ils auront à contresigner et dont ils doivent provoquer l’ediction. Il y a de nombreuses exceptions qui résultent de lois, ex : loi de 1984 sur l’enseignement supérieur ; l’article 17 de cette loi donne compétence au ministre de l’éducation pour les modalités d’admissions aux diplômes nationaux. A ces exceptions, diverses s’ajoutent en vertu de l’article 21 al 2 de la Constitution : possibilité pour le 1er Ministre de déléguer certains de ses pouvoirs aux ministres en cas d’absence ou d’empêchement …

Le CC a tout à la fois consacré la possibilité d’une dévolution du PR et fixé ses limites. Il a fait cela dans deux décisions concernant les AAI : en 1986 avec le CNCL (ancêtre du CAS), et en 1989 avec le CSA.

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Le CC considère que malgré l’article 21, il n’y a pas d’obstacle « à ce que le législateur confie à une autorité de l’Etat, autre que le 1er Ministre, le soin de fixer des normes permettant de mettre en œuvre une loi ». C’est à la condition que la hiérarchie des compétences soit respectée = en 1986, le CC n’a pas admis que des décrets puissent être subordonnés aux règles générales fixées par le CNCL. L’habilitation donnée par le législateur ne peut concerner « que les mesures de portées limitées, tant par leur champ d’application que par leur contenu » = en 1989, le CC censure le large PR du CSA. Voir aussi décisions de 1992. Section 3ème) Définition et classification des normes administratives (NA). L’acte réglementaire (AR) n’est qu’un exemple du pouvoir normatif du pouvoir exécutif. Reste à situer l’AR dans les NA. Il s’agit de situer l’AR dans les actes unilatéraux (AU) par rapports aux contrats. §1er) Acte unilatéral (AU) et Contrat. A] Le critère de la distinction. Le nombre des auteurs de l’acte n’est pas déterminant. Ce qui veut dire que le critère est qualitatif, ie prend en compte le contenu de l’acte, plus précisément la position par rapport à ce contenu des auteurs de l’acte et de ses sujets. Ainsi le contrat est l’acte dont le contenu règle les rapports mutuels de ses auteurs, les auteurs sont les sujets. Au contraire, l’AU est l’acte qui a pour objet de régler la conduite des personnes autres que ses auteurs, ie les sujets ne sont plus les auteurs. La norme s’impose aux sujets sans leur consentement. B] Décider ou négocier ? Acte unilatéral (AU) ou contrat ? ? Une fois la distinction faîte, la question est celle du chois des autorités administratives. Dans certains cas, il y a compétences liées. L’administration n’a pas le choix et doit agir par voie d’AU. Ex : une autorité qui a un PR ne peut pas s’auto-limiter par voie de contrat. Ex : une personne publique ne peut pas conclure avec ses fonctionnaires un contrat destiné à déroger à « leurs situations légales et réglementaires ». Hors ces cas, si la procédure unilatérale continue d’occuper en DA une place plus importante qu’en droit privé, il y a de plus en plus affirmation d’une volonté de négocier. Ainsi, la tendance est-elle à la « contractualisation des actions et des moyens publics d'interventions" » = l’administration noue des partenariats, des relations contractuelles là où il n’y en avait pas dans un domaine donné. Cela vise un mouvement d’ensemble, mouvement par lequel les relations contractuelles se multiplient au point de devenir le mode normal des relations : modernisation de l’administration et cela à deux niveaux :

- Dans les relations entre personnes publiques dès lors que l’Etat se décharge de certaines de ses prérogatives. Voir la loi de 1984 sur l’enseignement supérieur. Selon cette loi, ce sont des contrats qui fixent certaines obligations des établissements et prévoient les moyens et emplois correspondants pouvant être mis à leur disposition par l’Etat. Donc les rapports Universités – Etat sont contractualisés.

- Dans les relations Administration – administrés. Il y a là aussi tendance aux contrats.

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C] Les situations intermédiaires : à cheval entre contrat et acte unilatéral (AU).

S’il reste essentiel d’opposer les deux, l’opposition n’est pas très nette en pratique. Il y a d’abord des contrats ayants « un contenu entièrement défini par voie législative et réglementaire ». Inversement, il y a des AU qui ont des allures de contrats. L’existence d’une négociation n’empêche pas l’AU. C’est quand même très souvent ambigü. Des accords sont signés, des discussions sont établies … dans un but contractuel alors que, dans ces domaines, ce devrait être AU. Notons tout de suite : le principe est que le Droit Public n’admet pas le Contrat. Il y a des actes mixtes : contractuels et unilatéraux. Ex : « les contrats de concessions de services publics ». Ici l’administration confie, pour une durée déterminée, à son co-contractant, la charge d’assurer l’exécution d’un service public ou l’exploitation d’un service public. En principe le concessionnaire exécute le service public ou exploite l’ouvrage à ses frais et risques, tout en ayant à respecter un délai des charges. Il est rémunéré grâce aux redevances qu’il perçoit de ses usagers (ex : les péages). Dans ces types de contrats, il y a des clauses contractuelles concernant la durée de la convention ou les conditions financières. Mais il y a aussi des clauses considérées comme réglementaires et ce sont toutes celles relatives à l’exécution du service public et/ou à l’exécution de l’ouvrage. Ex : la Sté d’autoroute ne peut pas décider de fermer entre 10h30 et 11h15 pour une pause-café. L’existence de ces clauses réglementaires a toujours eu deux conséquences :

- L’autorité, l’administration, dans l’intérêt général, peut à tous moments les modifier à la condition que l’exploitation se fasse sous sa maîtrise.

- Les tiers, les usagers, peuvent, par voie de REP, demander l’annulation de toutes décisions qui ne les respectent pas. Depuis 1996, avec l’arrêt CAYZEELE, est aussi administratif un REP direct, ie une demande d’annulation des clauses réglementaires elles-mêmes.

§2ème) Classification des normes administratives (NA). Quelles sont, pour les contrats et les AU, les normes administratives ? A] Classification des contrats administratifs. Deux grandes catégories :

- « Les marchés publics » : ils sont aujourd’hui définis à l’article 1 du code des marchés publics adopté par décret du 07/01/2004. Décret qui reprend un décret du 07/03/2001. Ce sont « les contrats conclu à titre onéreux à des personnes publiques ou privées par une personnes morales de droit public » (les personnes morales de droit public autres que les EPIC de l’Etat) ou par leurs mandataires « pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures, ou de services ». D’ores et déjà subsiste, avec cette définition nouvelle, un critère organique. On vise les contrats conclu par une personne morale de droit public. Tout juste est-il administratif qu’il précise y avoir un mandataire.

- « Les conventions de délégation de service public » : elles sont aujourd’hui définies à l’article 3 de la loi du 11/12/2001 portant « Mesures Urgentes de Réforme à Caractère Economique et Financier (MURCEF) ». Selon cet article, une délégation de service public est un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d’un service public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l’exploitation du service. L’on voit là que c’est le mode de rémunération qui distingue ces conventions des marchés public. A la différence des marchés publics, il n’y a pas seulement

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paiement d’un prix mais aussi un résultat d’exploitation. La loi, du fait de reprendre une définition jurisprudentielle qui résultait d’un arrêt Préfet des Bouches – du – Rhône, 1996 qui utilisait cette définition. Suite à cet arrêt, on s’était demandé ce que voulait dire « substantiellement ». La JCE dit qu’il semble signifier « de manière suffisante ». Si l’administration peut verser un prix, celui-ci ne doit pas dépasser un certain montant. Voir cours DA S4. Il y a essentiellement deux sortes de « délégation de service public » : d’une part « la concession », voir doc sur l’acte mixte, c’est grâce à un prix perçu sur les usagers que la concession est rémunérée (ex : le péage d’autoroute) ; d’autre part « l affermage » qui distingue de la concession en ce que la personne publique elle-même qui assure les frais d’équipement. Ensuite une redevance lui est versée.

Si la concession et l’affermage sont des procédés traditionnels, qui existent depuis le 19ème

siècle, l’expression d’aujourd’hui désignée pour les regrouper (convention de délégation de service public) est récente. Elle ne s’est imposée que depuis la loi du 29/01/1993, relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique (loi dite anti-corruption). Cette loi fixe les règles mais ne définit pas les conventions de délégation de service public. D’où le problème et la JCE « Préfet des Bouches – du – Rhône » et concrétisation à la loi de 2001.

L’article 6 de la loi du 02/07/2003 habilite la Gouvernement à simplifier le droit et l’autorise

à « créer de nouvelles formes de contrat ». Voir doc TD page 64. Malgré tout l’article 6, en est résulté notamment une ordonnance du 17/06/2004 sur les contrats et partenariats. Il s’agit de contrats et partenariats publics et privés (PPP) destinés à réaliser des opérations complexes. L’idée est que la partenaire de l’administration a une mission globale, il finance, il construit et assure l’entretien, la maintenance, l’exploitation des ouvrages. Cela dit, si ces contrats ont été présentés comme n’étant ni des marches ni des conventions de délégation, il semble en réalité constituer les marchés publiques. Ce sont quand même bien des marchés car il y a une prestation qui est fournie. Alors même qu’ils sont différents des marchés définis dans le code. Voir le dossier AJDA 2004 page 1737 B] Les actes administratifs unilatéraux (AAU). Trois classifications possibles avec chacune leur régime juridique. Ils peuvent d’abord se placer en acte réglementaire (AR), acte particulier (AP) et acte individuel (AI). L’opposition essentielle reste celle des AR et des AI. La catégorie intermédiaire vise à prendre en compte l’existence de situations intermédiaire difficiles à classifier. C’est une catégorie fourre-tout avec un régime en partie de l’AR et en partie de l’AI. Le plus souvent, il s’agit d’actes qui appliquent à un cas d’espèce une réglementation générale et préalable qui ne s’en trouve pas modifiée. Ex : l’acte de tutelle : décision d’une autorité qui peut s’appliquer à une personne et/ou à un règlement. On peut dire que s’ajoute aussi des actes dont les destinataires peuvent être des individus mais alors, soit ils sont pris sous une qualité unique (ex : on dissout un Conseil Municipal, pas les conseillers municipaux en tant que tel) ; soit il s’agit d’une opération unique (ex : convocation d’électeurs pour une consultation déterminée). Pour classer un acte dans telle ou telle catégorie, la JCE est empirique. Ils peuvent aussi, aux actes créateurs de droit, s’opposer à des actes non-créateurs de droit. Cette distinction ne pose pas problème pour les AI car les AR et les AP ne sont en général pas créateurs de droit (voir chapitre sur les actes unilatéraux). Il est difficile de systématiser, de donner un critère précis de distinction. Ainsi ne crées pas de droit, par exemple :

- Les nominations aux emplois supérieurs à la discussion du Gouvernement (ex : Préfet).

- Les autorisations de Police ou de voirie. Ex : pour vendre sur le trottoir. Aussi l’administration peut revenir librement sur ses décisions.

- Les actes obtenus par fraude.

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Au contraire, sont créateurs de droit, par exemple : - Les autorisations de construire ou de démolir. - Les nominations de promotion dans la fonction publique. - Les décisions accordants avantages financiers, alors même que

l’autorité publique avait obligation de refuser cet avantage. Mais arrêt SOULIER, 2002 : revirement de JCE.

Dernière classification : aux décisions expresses s’opposent les décisions implicites. Voir le

scénario d’un procès. A côté des décisions implicites de rejet (silence de 2 mois), il existe des cas de décisions implicites d’acceptation. selon la loi DCRA, le silence gardé pendant 2 mois vaut acceptation dans les cas prévus par décret en CE. Il peut y avoir différents délais si la complexité ou l’urgence de la procédure le justifient.

Section 4ème) Délimitation de l’ensemble des normes administratives (NA) par rapports à d’autres actes ou normes. Quand une norme est-elle administrative ? Il faut identifier l’acte comme étant une norme administrative. §1) Normes administratives ou normes de droit privé ? La question se pose car il y a des compétences multiples. Compétences reconnues aux autorités publiques pour créer des normes de droit privé. Il faut faire le tri à partir de critères, lesquels sont autant de signes de reconnaissance. A] Les critères des contrats administratifs. N’oublions pas que la question ne se pose qu’en l’absence de texte. Ex : la loi du 28 Pluviose An 8 : cette loi donne compétence aux Conseils de Préfecture pour connaître des litiges relatifs aux marchés de travaux public. Ex : le décret de 1938 qui donne compétences aux Conseils de Préfecture pour les contrats comportant occupation du domaine public. Là aussi il y a acte administratif donc l’on ne se pose pas de question. Ex : article 2 de la loi du 11/12/2001, loi URSEF. Les marchés passés en application du Code des marchés publics ont le caractère de contrat administratif. Arrêt Commune de SAUVE. Ex : article 1 de l’ordonnance du 17/06/2004 : « les contrats de partenariat sont des contrats administratifs ». A défaut de texte, la JCE prend en compte d’une part « la qualité des parties », et d’autre part « les clauses » ou « l’objet du contrat ». S’il y a trois critères qui apparaissent, le 1er est obligatoire et les deux autres alternatifs (c’est l’un ou l’autre).

Il y a d’abord un critère organique qui prend en compte « la qualité des parties ». Si le contrat est conclu entre personnes publics (communes, départements…), le contrat est présumé administratif. Arrêt Union des Assurances de Paris (UAP), TC le 21/03/1983. Il n’en va autrement que lorsque le contrat, eu égard à son objet, ne fait naître entre les parties que des rapports de droit privé. A défaut de 2 personnes publiques, il faut en principe que l’une, au moins, des parties soit une personne publique. Des contrats entre personnes privées peuvent être des contrats administratifs. Tel est le cas d’abord lorsqu’une des personnes privée agit comme mandataire au nom d’une personne publique. Cela dit, à cela s’est ajouté une JCE qui résulté de l’arrêt TC vs Sté – entreprise PEYROT, TC le 08/07/1963 : une affaire relative à la construction de l’autoroute Esterel/Côte d’azur. afin de réaliser l’opération, il y avait eu concession à une Société d’Economie Mixte (SEM) qui rassemble des fonds privés et des fonds publics. Cette SEM est donc une personne privée. L’Etat conclut avec

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la SEM, laquelle lors des travaux, passe un contrat avec la Sté PEYROT (personne privée aussi). Avant cet arrêt, le contrat SEM/PEYROT n’aurait pu être que privé. Pour admettre la compétence administrative, raisonnement en trois temps :

- Le TC relève que la construction de routes nationales a le caractère de travaux publics et appartient par nature à l’Etat.

- Le TC ajoute que si de tels travaux sont exécutés en régie (ie, action assurée par l’administration elle-même ; opposé de délégation) directe (ie par l’Etat lui-même), tous les contrats auxquels il donne lieu sont de « droit public ».

- Le TC relève qu’il doit en être de même si la construction est assurée par un concessionnaire agissant en pareils cas pour le compte de l’Etat, que ce concessionnaire soit une personne morale de droit public ou une SEM.

Mettons l’accent sur le 1er temps du raisonnement du TC. Le TC considère que le contrat est administratif parce que sont en cause des travaux appartenant par nature à l’Etat. Sauf que d’autres s’en tiennent au 3ème temps. Ils en déduisent que ce qui fonde la compétence administrative est le fait que le concessionnaire agit pour le compte de l’Etat. L’analyse de la JCE en découle alors. Si l’on admet le 1er temps, il faut distinguer, depuis 1963, deux sortes de JCE :

- Une JCE directement issue de l’arrêt PEYROT, TC le 08/07/1963, concernant les travaux routiers nationaux.

- Des JCE qui se sont ajoutées, concernant d’autres travaux publics ou d’autres matières. Voir arrêt CULARD, 1976, concernant des prêts consentis par le Crédit Foncier en vertu d’une convention conclue avec l’Etat.

C’est seulement dans le cadre de ces deux JCE que l’on considère les relations existants entre l’un des co-contractants et les personnes publiques. Si le 1er agit pour le compte de la 2nde, le contrat qu’il passe avec une personne privée peut être administratif. Il le sera en matière de travaux public de part la loi du 28 Pluviose An VIII. Hormis les travaux publics, il le sera si au moins l’un des deux autres critères est rempli. Si l’on adopte la 2nde interprétation de l’arrêt PEYROT, il y a une seule et même JCE (PEYROT et CULARD pareils), celle selon laquelle il faut que le co-contractant ait agi « pour le compte de la personne publique ». S’il y a mandat, ce n’est qu’un mandat administratif et cela évoque la logique civiliste : « pour le compte de… », c’est un mandat. Si le critère organique est rempli, le contrat est administratif s’il contient des « clauses exorbitantes de droit commun ». L’expression est devenue usuelle depuis les années 1930 mais la règle est considérée comme issue d’un arrêt : arrêt Sté des granits porphyroïdes des Vosges, CE le 31/07/1912 : il qualifie « contrat de droit privé » un contrat conclu par une commune pour l’achat de pavés qui devaient être livrés « selon les règles et conditions des contrats intervenus entre particuliers ». l’expression « clauses exorbitantes de droit commun » est implicitement dite. Qu’est-ce qu’une clause exorbitante de droit commun ? Personne ne s’est jamais mis d’accord. Arrêt Sté du Vélodrome du Parc des Princes, 1965 : arrêt intérréssant car il dit que le contrat entre la Ville de Paris, qui loue le Vélodrome, et la Sté est administratif car il y a pour la ville :

- Le droit de résilier unilatéralement le contrat. - Le droit de contrôler les résultats financiers de l’exploitation. - Le droit de s’opposer à tout spectacle différent de ceux

énumérés par la convention.

Souvent, comme dans cet arrêt, c’est un ensemble de clauses et non-pas une seule qui conduit à considérer qu’il y a « ambiance de droit public ». Toujours à propos du critère du contrat administratif, compte aussi le « régime ». Arrêt Sté d’exploitation électrique de la rivière du SANT, CE Sect° le 19/01/1973 : le JA, en raison de leur régime, juge administratifs les contrats par lesquels EDF (à l’époque public) achète l’électricité à des producteurs autonomes au motif qu’ils sont soumis par la loi à un régime exorbitant de droit commun. Dans l’arrêt, deux éléments de ce régime sont relevés :

- Il y a, en vertu des textes régissant ces contrats, obligation pour les producteurs de contracter pour vendre leur électricité.

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- Il y a aussi obligation, en cas de litige, de saisir le ministre chargé de l’électricité et cela dans tous contentieux. On ne considère pas les clauses du contrat mais uniquement les dispositions extérieures : extension de la JCE traditionnelle.

Il y a une exception au critère tiré des clauses : quelque soit leurs clauses au régime, les contrats conclu par les SPIC avec leurs usagers et avec leurs agents sont en principe de droit privé. A défaut de clause au régime exorbitant, le contrat peut être encore administratif en raison de son objet et toujours si le critère organique est rempli. Si la référence à l’objet est ancienne, l’état actuel du droit date pour l’essentiel de 1956. Arrêt THERON, 1910, avait considéré comme administratif tous contrats conclu dans l’intérêt du service public. A cette JCE s’est opposée, dès 1912, celle de la Sté des granites porphyroïdes des Vosges L’on se réglera la situation en 1956 avec deux arrêts : arrêt Epoux BERTIN (CE Sect° 20/04/1956) et arrêt Consorts GRIMOUARD (CE Sect° 20/04/1956). Ces arrêts s’en réfèrent à l’objet du contrat mais il a été admis alors, et depuis, que ça n’empêche pas de se référer aux clauses. Précisons que tout en faisant référence à l’objet, les deux arrêts correspondent à des hypothèses différentes :

- Dans arrêt Epoux BERTIN, le contrat confie aux intéressés l’exécution même du service public, ici les particuliers se sont engagés à héberger des réfugier.

- Dans arrêt GRIMOUARD, le contrat constitue l’une des modalités d’exécution du service public. Là est en cause un contrat par lequel l’Etat s’est engagée à reboiser un terrain privé. La JCE concerne plus généralement les usagers des services publics administratifs (SPA) ici.

Le contrat est aussi administratif s’il a pour objet de faire travailler une personne physique pour le compte d’un SPA. Arrêt Préfet de la région Rhône – Alpes (affaire dite BERKANI), du TC le 25/03/1996 : les personnels non-statutaires travaillants pour une SPA sont des agents contractuels de droit public quelque soit leur emploi. Avant 1996, seuls étaient administratifs les contrats des personnels participants directement à l’exécution des SPA. B] Les critères de l’acte administratif unilatéral (AAU). En principe, les actes unilatéraux des personnes publiques sont administratifs. Deux exceptions qui concernent deux catégories d’actes non-réglementaires. Sont de droit privé les actes non-réglementaires relatifs à la gestion du domaine privé. C’est une exception traditionnelle car on la trouve tout au long du 19ème siècle et qui vient de ce que les personnes publiques gèrent leurs domaines privés comme les particuliers gèrent leurs propriétés. Toutefois cette exception ne vaut que si les actes ne sont pas « détachables de la gestion du domaine privé ». Ie, ne sont pas liés à l’exécution d’un service public. Ex : arrêt COURRIERE de 1975 : l’acte fixant les coupes de bois dans une forêt du domaine privé est administratif parce qu’il se rattache à l’exécution du service public de la forêt et donc se détache de la gestion du domaine privé. Sont aussi de droit privé les actes non – réglementaires relatifs à la gestion des SPIC. Ici leur mode de gestion est privé. Attention : l’exception ne vaut que pour les actes réglementaire. La 2nde exception est plus récente que la 1ère, la notion de SPIC n’ayant été consacrée qu’au 20ème siècle. Si les actes de personnes privées sont quant à eux en principe « privés », les examens sont de plus en plus nombreux. Le fait est qu’il n’y a pas de critère organique pour que ce soit administratif. La voie d’un abandon du critère organique a été ouverte par l’arrêt MONPEUR, de l’Assemblée Générale du CE le 31/07/1942 : étaient en cause ici les actes d’organismes corporatifs créés par une loi de 1940 pour organiser la production industrielle. « Ces comités, bien que le législateur n’en est pas fait des établissements publics, sont chargés de participer à l’exécution du

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service public. Les décisions qu’ils sont amenés à prendre dans la sphère de leurs attributions, soit par voie de règlement, soit par voie de dispositions d’ordre individuel, constituent des actes administratifs ». Attention, il n’est pas dit que les comités sont des personnes privées (bien que …). Cela dit ce qui compte est le fait que les organismes participent à une mission de service public. Il avait déjà été admis, hors concessions, qu’un organisme privé gère un service public : arrêt Caisse Primaire de Protection concernant le mécanisme de la Sécurité Sociale, de 1938. Ce qui est nouveau est le fait qu’il puisse y avoir un acte administratif alors qu’il ne s’agit pas de personnes publiques. Il a fallu attendre les années 1960 pour que la JCE confirme et précise. Ainsi :

- Elle distingue le cas des SAP et celui des SPIC. - Chaque fois, elle ne s’en tient pas à la seule référence à une

mission de service public, il y a des conditions supplémentaires. Lorsqu’une personne privée gère un SPA, ses actes sont administratifs s’ils sont pris en

vertu de prérogatives de puissance publique. Peut faire référence l’arrêt MAGNIER, du CE en 1961 : ici étaient en cause les actes de groupements privés créés en vertu d’une ordonnance de 1945 pour la protection des végétaux contre les parasites et les petits animaux qui les menacent. Dans cette affaire, le CE relève 3 éléments caractéristiques des groupements avant d’arriver à une qualification :

- Ils ont une mission de service public. - Ils ont des prérogatives de puissance publique (ex : ils ont le

monopole dans chaque départements ; ils bénéficient d’une imposition spéciale liée à la fiscalité locale ; ils peuvent agir d’office notamment pour exécuter une mission ; ils agissent sous le contrôle de l’administration ; …).

Qu’est-ce q’une prérogative de puissance publique ? Il n’y a pas de réponse. Voir arrêt PASCAU, du CE en 1988, fiches TD. Les organismes privés aujourd’hui concernés sont très divers comme les actes administratifs qu’ils font. Il y a des organismes professionnels, sociaux, sportifs … Quand une personne privée gère un SPIC, ses règlements sont des actes administratifs s’ils se rapportent à l’organisme du service public. Arrêt Cie AIR FRANCE vs Epoux BARBIER, TC le 15/01/1968 : le règlement d’Air France avait interdit le mariage des hôtesses de l’air = administratif car cela concerne l’organisation des services publics. Le terme « organisation » ne s’oppose pas au « fonctionnement », il est pris dans un sens large comme synonyme de gestion du service public.

§2ème ) Norme administrative ou acte ne faisant pas grief ? Problème de qualification = tous les actes qui se présentent comme administratifs ne sont

pas des normes administratives susceptibles de REP. Certains sont insusceptibles de recours car ils ne font pas grief. Trois catégories sont à distinguer.

A] Les mesures d’ordre intérieur. Ce sont à différentier des deux catégories (circulaire dénuée de caractère impératif

et directives). Ce sont de véritables décisions. Il y en a toujours eu deux sortes : - Des mesures de gestion internes qui portent sur le

fonctionnement des services administratifs. - Des mesures de Police internes qui peuvent être des sanctions

prononcées par une autorités administrative envers les personnes dont elle est responsable. Sont visés : armée, prisons, établissements d’enseignement. Il a toujours été difficile de donner un critère. L’idée est que le recours est trop peu important pour donner lieu à un contentieux. Il n’y a jamais eu de JCE précise. Dans les années 1980, certaines de ces mesures pouvaient avoir un certain caractère de gravité : arrêt CAILLOL, de 1984, mesure de placement d’un détenu en quartiers de plus grande sécurité.

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Si la JCE pouvait se justifier, elle a été très critiquée. L’irrecevabilité du recours pouvait aller à l’encontre des principes mêmes de l’Etat de droit. Ça peut sembler contraire à la CEDH. La cour a une conception très extensive du droit à un recours. Il en est résulté une tendance à la diminution des cas d’irrecevabilité. Les conséquences = JCE des sports et son évolution avec notamment :

- Arrêt Club Athlétique de Mantes la Ville, 1984 = pas de recours contre les décisions d’arbitrage.

- Arrêt VIGIER, 1991, pas de recours contre les décisions d’arbitres.

- Arrêt KOINY (laïcité), 1998, contentieux sur les règlements intérieurs.

- Arrêt MARIE vs HARDOUIN, 1995, concerne les mesures prises dans les prisons. Il revient sur la JCE CAILLOOL et admet le recours contre la sanction de mise en cellule de punition pour une durée de 8 jours avec sursis.

La notion de « mesures d’ordre intérieur » subsiste mais les cas sont beaucoup plus restreints. Arrêt FREROT, 08/12/2000 : refus d’un directeur de Maison d’Arrêts d’acheminer un courrier entre deux détenus. B] Les circonstances dénuées de caractère impératif. Depuis l’arrêt DUVIGNERES de 2002, elles sont à différencier des circulaires impératives, lesquelles sont griefs = susceptible de recours pour excès de pouvoirs (REP). Jusqu’en 2002, l’arrêt de référence était l’arrêt Institution Notre-Dame de Kreissker, 1954, lequel différencier entre les circulaires interprétatives et les circulaires à caractère réglementaire. D’une manière générale les circulaires sont des textes que les autorités administratives adressent à leurs subordonnés pour leur donner des explications, des commentaires sur le contenu des lois et des règlements qu’ils sont chargés d’appliquer et/ou de faire appliquer. La pratique est telle qu’il y a souvent des problèmes de délimitations. Il y a souvent dans les circulaires des dispositions allant au-delà de la simple interprétation car il y a création d’une nouvelle norme. Attention : c’est irrégulier si l’autorité n’a pas de pouvoir réglementaire. Le CE recherche s’il y avait ou non des dispositions réglementaires dans la JCE de 1984 ; si OUI, le recours était recevable. Avec la JCE nouvelle, la recevabilité du recours dépend non de l’objet de la circulaire (l’interprétation) mais de son effet (obligation). Une circulaire interprétative peut faire l’objet d’un recours. L’on admet le recours quand une circulaire ne fait que rappeler un règlement antérieure irrégulier. Selon la JCE de 1954, elle était interprétative et donc insusceptible de recours. Selon la JCE de 2002, si elle st impérative, il peut y avoir recours et donc examen par voie d’exception des règlements antérieurs. C] Les directives. Ce sont des actes d’orientation du pouvoir discrétionnaire donc des actes par lesquels peut être fixée une ligne de conduite ou une doctrine pour des décisions à prendre. L’objectif est de limiter les discriminations involontaires et de faciliter l’action administrative quand il y a liberté de choix. Il ne s’agit pas toujours de l’acte d’un supérieur à ses subordonnées. Une autorité peut se fixer pour elle-même des directives. Ces directives n’ont RIEN A VOIR avec les directives européennes. Ce sont aussi des actes qui à partir des années 1960 ont posé problème. Ces années voient l’époque du développement du pouvoir discrétionnaire notamment en matière d’interventionnisme économique. Pour s’adapter aux circonstances, l’administration ne souhaite pas que des décrets soient pris puis auraient liés son pouvoir discrétionnaire. Il lui paraissait nécessaire de fixer les principes de son action pour elle-même et en informer les intéressés. La solution actuelle résulte de l’arrêt Crédit Foncier de France de 1970 : une décision prise en application d’une directive n’est pas de ce seul fait irrégulière. C’est à la condition que la directive pas obstinément le respect des principes qu’elle contient. Les autorités doivent conserver leur pouvoir d’appréciation, procéder à un examen des situations individuelles et pouvoir déroger des directives en raison des particularités.

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La règle juridique des directives en découle. Dès lors qu’elles ne sont pas réglementaires, elles ne sont pas susceptibles de REP. Elles sont opposables aux administrés et aux intéressés, à l’administration aussi. Les administrés peuvent s’en prévaloir contre l’administration. l’on peut contester leur régularité à l’occasion des recours exercés contre les décisions qui en font application. Il apparaît que c’est très ambigü. La directive est un acte qui ne modifie pas la situation juridique du particulier mais qui la « modifie tout de même ». Section 3ème ) Normes administratives ou actes de gouvernement ?

Les actes de gouvernement étaient, à l’origine du 19ème siècle, des actes que le CE se refusait à contrôler en raison de leur mobile politique. Tel n’est plus le cas, toute référence au mobile politique a été abandonné par l’arrêt Prince Napoléon, 1875 : était en cause la décision de rétablir le Prince sur la liste des Généraux. Cela n’a pas empêché le CE de s’estimer toujours incompétent pour connaître de certains actes d’autorité administrative. S’il y a eu autant de controverse concernant l’existence de ces actes qui relèvent d’une fonction gouvernementale distinct de la fonction administrative proprement dite = une telle explication ne donne pas de critère d’identification. C’est un problème. Il y a des actes qui intéressent les rapports Président/Gouvernement. D’autres actes sont relatifs aux relations internationales de l’Etat. Ex : tout ce qui concerne l’élaboration des traités et accords internationaux. Ex : tout ce qui concerne la protection diplomatique. Deux sortes d’actes sont exclus de cette catégories :

- De nombreux actes considérés comme « détachables » des relations internationales. Ne sont pas détachables les actes dont le juge ne pourrait connaître sans s’immiçer dans les relations extérieurs = actes tournés vers l’ordre international. Ex : arrêt de 1995 GREENPEACE, sur la reprise des essais nucléaires. Sont aussi détachables les actes tournés vers l’ordre interne. Ex : tous les actes en matière d’expulsion des étrangers.

- Les traités et accords internationaux eux-mêmes. Tout au long du 20ème siècle, la tendance est encore et toujours à la réduction des actes de

gouvernement. Même si on dit que ça relève d’une fonction gouvernementale, l’immunité juridictionnelle dont il bénéficie risque de paraître comme contraire au principe « d’Etat de droits ». voir arrêt Royaume – Uni, 1993 : qu’admettant la recevabilité de recours du Royaume – Uni, le CE ne considère plus comme « acte de gouvernement » le refus d’extradition opposé par la France à un Etat étranger. Pour la décision d’extrader, le recours est déjà possible en 1937, par l’arrêt DECHERF. Voir aussi l’arrêt Association ornithologique et mammalogiste. L’arrêt juge que la décision du 1er Ministre refusant de saisir le CC afin qu’il ne déclasse pas une loi relevant du domaine réglementaire n’est pas un acte de gouvernement. C’est la procédure 37-2 : le Gouvernement peut saisir le CC et peut demander le déclassement. Mais le recours est irrecevable car ce n’est pas un acte de Gouvernement. Toute cette évolution ne signifie pas la disposition de la catégorie « acte de gouvernement ». Arrêt BA, 1966, qui déclare irrecevable le recours contre une décision du Président, notamment d’un membre du CC.

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CHAPITRE 4ème) Les normes internationales.

Elles jouent un rôle de plus en plus important. Il y a une hausse quantitative du droit international en raison du contrôle du juge et du contrôle des normes. Section 1ère) Les normes internationales applicables dans l’ordre juridique interne. Le CE a admis implicitement l’applicabilité de la coutume internationale. Mais il a jugé qu’aucune disposition constitutionnelle ne permet au JA de faire prévaloir la coutume sur la loi en cas de conflit. Cela résulte de l’arrêt AQUARONE de 1997. L’applicabilité de cette coutume, comme celle des traités et accords, est soumise à la condition que la règle qu’elle pose puisse être regardée comme étant d’effet direct, i.e. comme étant susceptible d’avoir d’elle-même une influence sur les administrés. Voir arrêt GISTI : était en cause la convention de New – York de 1990 relative aux droits de l’enfant. le CE décide et apprécie article par article et considère que n’ont pas d’effet direct les stipulations trop générales et imprécises. §1er) Les traités et accords. Les deux étant de même nature. Ce sont des stipulations conventionnelles. Il subsiste une distinction tout de même :

- Les traités sont négociés et ratifiés par le Président. - Les accords sont négociés et approuvés par le 1er Ministre et les

Ministres si besoin. Ils ont en commun de s’appliquer sous certaines conditions. A] Modalités d’introduction dans le droit interne.

Art 55 de la Constitution : « les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie ». Donc trois caractéristiques soulignées :

- Il faut un acte de ratification ou d’approbation. depuis l’arrêt SARL Parc d’activités de BLOTZHEIM (Alsace), 1998 : le CE accepte d’en contrôler la régularité. En l’espèce, il contrôle le respect par l’exécutif des dispositions constitutionnelles qui exigent que, pour certains traités, la ratification soit autorisée par le Parlement (art 53). Avant 1998, il y avait acte de gouvernement. Attention : le Parlement autorise mais ne ratifie pas, c’est le Président qui ratifie.

- Il faut une publication, comme pour les lois. Contrôle de l’existence de la régularité.

- Il y a une exigence de réciprocité sous réserve de son application par l’autre partie. Cette réciprocité n’est pas automatiquement vérifiée : ce n’est pas un moyen d’ordre public que le juge soulèverait d’office. il faut donc qu’une partie l’invoque. En cas de doute, le CE considère qu’il doit saisir à titre préjudiciel (i.e. il ne s’estime pas compétent pour le faire)

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le ministre des affaires étrangères qui est le seul à disposer de moyens de vérification. Cela dit le CE ne doit plus, comme il l’a toujours fait, jusqu’en 2003, se considérer comme lié par l’avis du ministre. En effet, par un arrêt CHEVROL vs FRANCE, du 12/02/2003, la CEDH a condamné la France pour violation de l’article 6 §1 de la convention. La CEDH considère qu’en se remettant au ministre, le juge suit l’avis d’une partie (le ministre = Administration) et donc il n’y a plus de procès équitable. Ce qu’il faut c’est que la parti adverse puisse répondre.

Il est fait exception pour le droit communautaire et aussi pour les conventions à caractère humanitaires. B] Interprétation. Il y a pour le juge, en matière de normes internationales, des problèmes et par suite des procédures spécifiques.

Pour ce qui concerne le droit international général (c’est le droit général sauf le droit communautaire), la solution actuelle résulte d’un arrêt GISTI, CE en AG le29/071990. Attention à ne pas confondre avec d’autres arrêts GISTI que l’on a déjà vu. Jusqu’en 1990, le JA ne s’estimait pas compétent pour interpréter les traités et accords, et donc il saisissait à titre préjudiciel le ministre es affaires étrangères. Donner un sens à un traité peut mettre en jeu les relations internationales de la France. Selon la JCE nouvelle, au contraire, le JA apparaît compétent pour interpréter. Il admet toujours de consulter le ministre pour avis et soumet aussi à la discussion contradictoire des parties les indications qui lui sont données. Cependant, la JA a le dernier mot. Pour justifier le revirement, le commissaire du gouvernement s’est référé à l’article 6§1 de la CEDH. Avant 1990, on pouvait penser que l’on s’en remettrait à l’une des parties : problème de l’équité du procès. Ce revirement apparaît être la conséquence de l’arrêt NICOLO du CE en AG le 20/10/1989 (les traités ont valeur supra - législative). Si le JA est compétent pour apprécier la conformité d’une loi par rapport à un traité, il est logique qu’il le soit aussi pour l’interpréter. Dans le cadre du droit communautaire est organisé un système de renvoi à la CJCE. Deux cas sont distingués :

- Toute juridiction interne dont les jugements sont susceptibles de recours (appel ou cassation) peut surseoir à statuer et renvoyer à la Cour.

- Toute autre juridiction doit renvoyer. Cela ne vaut que s’il y a difficulté(s) sérieuse(s).

Malgré les obligations de renvoi, les juridictions ont la possibilité de jouer plus ou moins le jeu. Jusqu’en dans les années 1980, l’on a souvent reproché au CE de ne pas renvoyer et de faire usage abusif de la « théorie de l’acte clair ». §2ème) Les actes dérivés des communautés européennes. Ils sont pris par le CE ou la Commission ou par le Parlement conjointement avec le CE. Ils sont appelés :

- Règlements. - Directives. - Décisions.

Une nouvelle technologie apparaît dans le Projet de Constitution Européenne ; ce projet

énumère la Loi Européenne, le Règlement Européen, la Décision Européenne. A] Caractères généraux. Ils sont obligatoires et, comme les traités, ils l’emportent sur le droit interne.

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Qu’est-ce qui fonde cette primauté de ce droit communautaire ? Est-ce qu’elle découle de sa nature spécifique originale ? Ils peuvent porter sur l’essentiel des matières dans lesquelles intervient l’administration. qu’en est-il exactement de cette influence ? B] Règlements, décisions, directives.

1) Définitions.

D’après l’article 249 du traité instituant la CE, « le règlement a une portée générale. Il est obligatoire dans tous ses éléments et il est directement applicable dans tout Etat membre ».

La décision est « un acte individuelle. Elle s’applique aussi directement mais à compter de

la notification au destinataire qu’elle désigne ». La directive est « un acte qui lie tout Etat membre destinataire, quant aux résultats à

atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant aux formes et aux moyens ».

S’il n’y a plus de directive dans le Projet de Constitution Européenne (PCE), on retrouve la

même formule pour la loi – cadre et pour le règlement. Si ce PCE est ratifié, la directive deviendra « loi – cadre ». Ainsi pour la directive telle qu’elle existe encore, elle est obligatoire pour les Etats, i.e. s’impose comme les règlement et décisions. Toutefois, elle n’est pas d’applicabilité directe, i.e. elle s’applique par l’intermédiaire des mesures prises par les autorités publiques. Mais il appartient aux Etats de voir comment faire. La CJCE, en 1970, l’a admis. Selon elle, cet effet direct s’impose aux juridictions et aux autorités administratives. C’est pourtant contraire à la notion de directive ! ! Très vite, les directives prennent des allures de règlements. Le CE en AG, en 1978, dans un arrêt COHN – BENDIT, refusa de suivre la CJCE et donc n’a pas admis l’effet direct. « Quelque soit d’ailleurs les précisions qu’elles contiennent, les directives ne sauraient être invoquées par des ressortissants d’Etats membres à l’appui d’un recours dirigé contre un acte administratif individuel ». Depuis 1978, chacun reste fidèle à ses principes. Il y a eu malgré tout tendance au rapprochement des positions. D’abord la CJCE a précisé et limité la portée de sa JCE :

- L’effet direct ne se produit qu’à l’expiration du délai imparti à l’Etat pour introduire les dispositions dans le droit national.

- Il ne peut que créer des droits, jamais des obligations.

Le CE, quant à lui, fait en sorte que le problème ne se pose pas. Il contrôle rigoureusement que l’Etat ne soit pas défaillant. Section 2ème) Le contrôle des normes administratives au regard des normes internationales. C’est un contrôle assez récent ; apparu avec la 4ème République, et qui résulte d’un arrêt KIRKWOOD, 1952 : arrêt qui contrôle la conformité d’un décret d’extradition à une convention. Ce revirement a été constitutif à la Constitution de 1946 : « la République française se conforme aux règles de droit public international ». §1er) L’hypothèse de l’écran – législatif.

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Hypothèse comparable à celle déjà vu à propos de la Constitution. Seulement, c’est comparable mais il n’y a problème que si la loi faisant écran est postérieure au traité. Si elle est antérieure, le juge fera toujours prévaloir le traité. A] La jurisprudence « Syndicat général des fabricants de semoule de France », 1968. JCE de 1968, appliquée jusqu’en 1989. Le CE refusait de faire prévaloir les traités sur les lois postérieures qui lui sont contraires. La loi fait écran. Ce qui fondait cette JCE était le principe suivant lequel « il n’appartient pas au JA de contrôler la constitutionnalité des lois ». Le CE n’ignorait pas pour autant l’article 55. Seulement, il ne s’estimait pas compétent pour en contrôler le respect. B] La jurisprudence « Nicolo », 1989. L’arrêt lui-même n’est pas très explicite. Il ne dit pas comment ce qui était impossible deviendrait possible. Il n’explique pas le revirement. Cet arrêt considère tout juste que les règles posées par une loi de 1977, relatives à l’élection au Parlement Européen, ne sont pas incompatibles avec les « stipulations claires du Traité de Rome ». Tout au plus, on trouve le fondement de la décision dans le 1er visa : « Vu la Constitution de 1958, notamment son article 55 … ». Il faut lire les conclusions du commissaire au gouvernement Patrick FRYDMAN pour reconstituer et comprendre la logique qui a pu conduire à ce revirement. Il raisonne en deux temps :

- D’abord, il estime que le contrôle de la conformité des lois aux traités antérieurs n’est pas un véritables contrôle de constitutionnalité des lois. Donc le JA peut contrôler, et pour ce faire, il s’appuie sur la décision du CC de 1975 sur l’IVG, décision où le CC affirme qu’une loi contraire à un traité ne serait pas pour autant contraire à la Constitution.

- Ensuite, FRYDMAN propose une autre lecture de l’article 55, selon laquelle il comporte « nécessairement par lui-même, une habilitation donnée implicitement au juge à l’effet de contrôler la conformité des lois aux traités ».

En lisant ainsi l’article 55, le CE assimile le Traité de Rome à un traité ordinaire. Il ne suit

pas la JCE de la CJCE selon laquelle il y a spécificité du droit communautaire. Par conséquent, en présence d’un acte communautaire à la Constitution, il ne donnerait pas, à la différence de ce qui est supposé par la CJCE, écarter de la Constitution. Tout JA doit écarter toutes règles internes contraires au droit communautaire.

Arrêt SARAN et LEVACHER, CE AG de 1998 : selon cet arrêt, la suprématie conférée aux engagements internationaux sur les lois par l’article 55 ne s’applique pas dans l’ordre interne aux dispositions de nature constitutionnelle ». L’article 55 permet au JA de contrôler la loi mais pas la Constitution. Cette position rejoint celle du CC, tel en ressort de sa décision du 10/06/2004 concernant la loi pour « la confiance dans l’économie numérique ». Le législateur est tenu de transposer les directives tant qu’il ne s’agit pas de « dispositions expresses contraire à la Constitution ». Arrêt du CC le 19/11/04, sur le traité établissant Constitution pour l’Europe. Ici, le CC estime que l’affirmation de la primauté du droit de l’Union ne change rien à l’état actuel des choses. S’est posé quand même le problème de l’application de la JCE NICOLO aux actes communautaires. Finalement ce n’est pas le cas. Arrêt BOIDET admet les règlements communautaires et le contrôle des lois au regard des règlements. Donc supériorité des règlements sur les lois. Arrêt SA ROTHMANS PHILIP MORRIS, 1992, admet le contrôle des lois aux regard des directives. Donc supériorité des directives sur les lois et règlements français. §2ème) La jurisprudence relative à l’application des directives communautaires.

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C’est une JCE consécutive aux arrêts COHN – BENDIT et SA ROTHMANS PHILIP MORRIS. Peuvent être directement contrôler, par rapport aux directives, des règlements et des lois mais non des actes individuels. Le contrôle est particulier car de part la nature des directives, il s’agit seulement pour le juge de contrôler si les moyens mis en œuvre sont compatibles avec les objectifs. I.e. ce n’est jamais un contrôle de conformité mais de compatibilité. Les résultats de ce contrôle sont variables car si le règlement peut être annulé (par REP), la loi est écartée. S’il n’est pas possible d’invoquer directement, contre une directive, à l’appui d’un recours, un acte individuel, on peut toujours invoquer l’irrégularité des mesures d’application et demander l’annulation de l’acte individuel. Il peut y avoir contrôle même en l’absence de mesure d’application. Arrêt TÊTE, CE AG du 06/02/1998 : concerne une affaire où, malgré une directive, aucun changement n’était intervenu dans le droit interne. Le CE considère en conséquence que les règles applicables, donc celles élaborées avant la directives, n’étaient pas compatibles avec les objectifs de la directive et, donc, ne pouvaient pas donner de base légale à l’acte individuel. A l’occasion du contrôle des règlements par le JA ont été précisées les obligations des autorités administratives. Elles ne doivent pas prendre de règlements incompatibles avec des directives. Elles sont aussi tenues de prendre les règlements nécessaires à la transposition. Arrêt Cie ALITALIA, 1985 : les autorités administratives ne peuvent, après l’expiration des délais impartis, laisser subsister des dispositions réglementaires qui ne seraient plus compatibles avec les directives = il y a obligation de satisfaire toutes les demandes tendant à satisfaire leurs abrogations. S’agissant des lois, une fois admises l’application de la JCE NICOLO s’est posé un problème de responsabilité . Arrêt SA ROTHMANS PHILIP MORRIS, 1992. Arrêt ARIZONA TABACO, 1992. Dans le second arrêt, les fabriquant de tabac se plaignaient d’un arrêté ministériel ayant, en vert d’un décret d’application d’une loi, fixé les prix du tabac. Ils estimaient la loi contraire à une directive et ils demandaient réparation du manque à gagner consécutif à un prix du tabac selon eux trop bas.

La responsabilité de l’Etat peut-elle être engagée du fait d la non-transposition, par le

législateur, de la directive ? Pour la CJCE, cela va de soi d’après un arrêt FRANCOVICH & BONIFACI, CJCE le 19/11/1991 : il faut réparer le préjudice causé dans le « cadre du droit national de la responsabilité ». Dans le cadre du DA français, ce n’est pas aussi évident, toute responsabilité du fait des lois n’est pas exclue. Arrêt SA des produits laitiers LA FLOWETTE, 1957 : l’arrêt admet, à condition que le législateur n’ait pas refusé tout droit à l’indemnisation en responsabilité de l’Etat quand une loi, reposant sur des motifs d’intérêt général, a pour conséquence de causer spécialement à un administré un dommage grave excédent la charge que doit supporter un citoyen au nom de l’intérêt public. Il peut, en principe, y avoir responsabilité sans faute. Toutefois, elle reste exceptionnelle = le CE considère que les conditions ne sont pas remplies. Jamais une responsabilité pour faute n’a été admise. Revenons aux affaires quant au prix du tabac : le CE était coincé entre les exigences communautaires et la logique du droit français. Pour le CE, le moyen d’indemniser en évitant la question est l’acte en cause : arrêté ministériel qui applique un décret appliquant la loi. Pour le requérant, la loi est incompatible aux directives. Selon la JCE NICOLO, il contrôle la loi au regard de la directive. Après l’avoir écarté, il juge que le décret pris pour son application est dépourvu de base légale. C’est ce décret, et non la loi, qui apparaît comme le fait générateur du préjudice. Il peut y avoir moyen d’indemniser sans que le législateur soit mis en cause. Le pouvoir réglementaire aurait pu ne pas appliquer la loi, il a commis une faute en application de la loi …

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2ème partie : Régles relatives à l’organisation administrative.

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Introduction Générale

Pour une première définition, voire l'introduction. L'administration au sens organique est un ensemble des services et d'autorité ayant en commun de relever du droit public. Il a toujours été difficile de définir avec précision ce qu'est l’administration. Différentes approches sont en effet possibles et ne se combinent pas. L'article 1 de la loi DCRA du 13 avril 2000 qui précise le champ d'application de la loi (ce que sont pour lui « les administrations ») énonce : « sont considérées comme autorités administratives au sens de la présente loi les administrations de l'État, les collectivités territoriales, les établissements publics à caractère administratif, les organismes de sécurité sociale, et les autres organismes chargés de la gestion d'un service public administratif ». Il n'y a pas là exactement la définition organique. D'une part, parmi les personnes publiques énumérées on précise les établissements publics administratifs ce qui exclut les établissements publics à caractère industriel et commercial. D'autre part, sont visés les organismes de sécurité sociale et les autres organismes chargés de la gestion d'un service public administratif. Parmi les premiers, il y a les caisses nationales qui sont des services publics administratifs mais aussi les caisses locales qui sont des organismes privés. Quant au second, même si la loi ne dit pas, ce sont des personnes privées (fédérations sportives). La loi, quand elle évoque des administrations, exclut des personnes publiques et inclut des personnes privées. Ainsi, la loi vise les autorités ayant des activités proprement administratives (c'est pourquoi exclut les SPIC et EPIC qui fonctionnent généralement selon les règles du droit privé). Même de ce point de vue ce n'est pas homogène : en incluant la sécurité sociale, la loi inclut des activités qui relèvent très largement du droit privé sans être industrielles et commerciales.

I. La notion de personne morale C'est une notion qui n'est pas propre droit public (cf. personnes publiques ou personne morale de droit public ?). =) voire dictionnaires juridiques. La personne morale a une capacité juridique (elle peut être titulaire de droits et obligations) ; des compétences, des habilitations à créer des normes peuvent être données à des autorités administratives. La personne morale est en principe déterminée par les pouvoirs publics. Elle n'est jamais qu'un procédé légal d’individualisation d'un intérêt collectif. Le cas de l'État est particulier.

� S'il y a la personnalité juridique, d'où lui vient-elle ? Complexe ! Dès lors qu'il a été souverain, l'État a pu s'insérer dans le commerce juridique. Ainsi l'État s'est peu à peu constitué en personne juridique (pas d'acte créateur). De par son origine, l'État n'apparaît pas comme une personne morale comme les autres, c'est une personne souveraine : c'est la personne morale dont toutes les autres dépendent.

II. La centralisation et la décentralisation

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La centralisation « est tout à la fois un processus et le résultat du processus qui consiste à confier l'exécution de toutes les tâches, tant politiques qu'administratives, aux autorités et services de l'État » (définition du dictionnaire administratif, A. Collin). Ainsi défini, la centralisation est première. En effet, cet État qui s'est peu à peu personnalisé est un État centralisé qui ne semble pas pouvoir faire place à d'autres personnes publiques (cf. centralisation et constitution puissante administration). Aujourd'hui, toutefois, si « la France est une république indivisible (…) Son organisation est décentralisée » (constitution de 1958 article 1, réforme constitutionnelle du 28 mars 2003). La précision est symbolique ; elle vise surtout à conférer à la décentralisation le même rang constitutionnel que principe d'indivisibilité ou d'égalité. Cela dit elle désigne une réalité qui n'est pas nouvelle car l'État progressivement, tout en affirmant sa personnalité a admis en son sein différentes autres personnes publiques qui sont dites aujourd'hui décentralisées.

A- La centralisation Il y a normalement deux modalités de la centralisation : la concentration et la déconcentration. Avec la concentration, le pouvoir de décision appartient à des autorités centrales diverses compétences sur l'ensemble du territoire (au sein des services centraux). Avec la déconcentration, certains pouvoir de décision sont délégués à des autorités non centrales qui exercent leurs compétences dans une circonscription déterminée, tout en restant soumis à l’autorité hiérarchique des autorités centrales (au sein de ce qu'on appelle depuis 1992 des services déconcentrés). =) avant 1992, on parlait de « service extérieur ». Pour l'État, ce qui fait le service central est la compétence nationale et non la position géographique. Quant aux services déconcentrés, ce qui le caractérise est sa compétence limitée à une circonscription, la soumission à une autorité hiérarchique du centre. En principe, on pourrait envisager cela pour toutes collectivités. Aujourd'hui, on trouve aussi au sein de l'État une situation intermédiaire est donc une troisième catégorie de services. Il s'agit en droit d'une catégorie très récente. Si en fait elle existe depuis longtemps, elle a été consacrée que par un décret du 9 mai 1997 : il y a des services à compétence nationale.

ils ne s'exercent pas dans une circonscription non centrale en même temps, ils présentent par rapport aux services centraux une double particularité :

� ils ont des missions de production ou de prestations de services, missions qui ne sont plus qu'en principe celles des services centraux.

� Ils ont une certaine autonomie Il y a en a environ une centaine (quelques milliers d'agents). =) archives nationales, service central des états civils, musées et domaines de Fontainebleau, décret du 9 septembre 2004 qui crée l'agence des participations de l'État, SNC placée sous l'autorité du directeur du trésor pour que l'État puisse mieux assurer son rôle d'actionnaire. La déconcentration va donc de pair avec la décentralisation : ce ne sont pas des processus alternatifs. Cela n'en a toujours été ainsi car pendant longtemps on s'est méfié de la décentralisation, et donc à la place on déconcentrait. Le changement d'état d'esprit a été consécutif à la politique décentralisation de 1982. Avec cette politique s'est notamment posée la question de l'unité nationale, de l'autorité de l'État.

� Si on développe trop le pouvoir local =) éclatement Face collectivités diverses, il devait y avoir un interlocuteur proche, unique, sur le terrain, aux côtés de l'État. C'est ce qui ressort de la loi de 1992 relative à « l'administration territoriale de la république ». Son article 1 précisait que cette administration « est assurée par les collectivités & les services déconcentrés de l'État ».

B- La décentralisation

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À la différence de la centralisation qui implique une seule personne juridique, la décentralisation suppose la création de personnes publiques autres que l'État. Dans le cas de la centralisation, on organise les relations hiérarchiques au sein d'une même personne morale. Dans la décentralisation, s’établissent des rapports entre des personnes morales différentes et le lien n'est plus hiérarchique. Il y a de la part État soit contrôlé, soit tutelle sur des entités distinctes.

L'État, en France, reste toujours « maîtres du jeu » .La terminologie elle-même en atteste, marque une limite infranchissable. En effet, il y a toujours un centre à partir duquel l'État dé- centralise. On part d'un centre qui n'est pas remis en cause : c'est le centre qui décentralise comme il peut déconcentrer. Il n'y a pas comme en Espagne ou l'Italie de régionalisation. La structure de l'administration française reste décentralisée. Les personnes publiques susceptibles d'être créées se distinguent selon qu'elles sont ou non territoriales. L'article 1 de la constitution vise les collectivités territoriales, celles visées à l'article 72 de son « les collectivités territoriales ». S'ajoutent à celle-ci d'autres catégories de personnes publiques. « Les collectivités territoriales de la république sont les communes, les départements, les régions, les collectivités à statuts particuliers et les collectivités d'outre-mer régies par l’article 74 » (nouvel article 72 de la constitution). Avant la réforme étaient seulement énumérés les communes, les départements, et les territoires d'outre-mer. Se sont ajoutées par conséquent les régions. Celle-ci existaient mais créées par une loi de 1982, elle avec qu’un fondement législatif. Se sont également ajoutées les collectivités à statuts particuliers. L'expression est nouvelle. Cela vise la Corse et Paris. Avec certaines particularités, la « collectivité territoriale Corse » correspond en gros à la région. Elles coexistent avec de départements (a été rejeté par référendum du 6 juillet 2003 le projet de création d'une collectivité unique). Se sont ajoutées également les collectivités d'outre-mer (COM). C'est une expression nouvelle qui regroupe dans le territoire d'outre-mer (Polynésie française, Wallis-et-Futuna) et des collectivités déjà à statuts particuliers (Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon). Selon le nouvel article 34 de la constitution de 1958 c'est collectivités « ont un statut particulier qui tient compte des intérêts propres de chacune d'elles au sein de la république ». Reste ouverte par l'article 72 de la constitution comme par le passé la possibilité pour la loi de créer tout autres collectivités territoriales. De même, il est toujours précisé que « dans les conditions prévues par la loi ces collectivités s'administrent librement par des conseils élus ». Seule innovation de la réforme, l'article 72 ajoute « et elles disposent d'un pouvoir réglementaire pour l'exercice de leurs compétences ».

� Que fait l'article 73 de la constitution de 1958 ? Les départements et régions d'outre-mer « peuvent faire l'objet d'adaptation tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités ». Sont concernées : la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane et la Réunion. Il est précisé que loi peut crée une collectivité se substituant à un département et une région ou instituer une assemblée délibérante unique pour ces deux collectivités sous réserve du consentement des électeurs inscrits dans le ressort. Comme en Corse, il y a eu en Martinique et en Guadeloupe le 7 décembre 2003, une consultation où chaque fois il y a eu rejet. Subsistent par ailleurs sans changement le titre de XIII de la constitution relatif à la Nouvelle-Calédonie. Anciens territoires d'outre-mer, celle-ci a accédé en 1998 à un statut d'autonomie renforcée qui ouvre la voie de l'indépendance. Pour la répartition des compétences entre les collectivités, doit en principe s'appliquer le principe de subsidiarité. cf. article 72 de la constitution alinéa 2 « les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en oeuvre à leur échelon » ( ! Il n'est pas dit subsidiarité).

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Il peut y avoir d'expérimentation : « les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent (…) déroger à titre expérimental (…) Aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent leurs compétences ».

→ à première vue, il peut sembler y avoir là rupture avec la logique traditionnelle uniformité.

→ L'impression première de rupture se dissipe par le processus est très encadré. Tout d'abord, il faut que la loi ou le règlement des prévues, c'est pour un objet et une durée limité, c'est impossible lorsque « sont en cause les conditions essentielles d'exercice des libertés publiques ou d'un droit constitutionnel garanti » : loi du 1er août 2003 : elle prévoit notamment qu’après l'expiration du délai fixé pour l'expérimentation - qui ne peut excéder cinq ans- et au vu de son évaluation, la loi détermine selon les cas :

♦ les conditions d'une prolongation (modification) pour une période ne pouvant excéder trois ans

♦ le maintien et la généralisation des mesures prises à titre expérimental ♦ l'abandon d'expérimentation

Il en résulte que l'on reste dans une logique d'uniformité parce qu'à la fin de l'expérimentation il n’y a d'autres alternatives qu'abandonner ou généraliser. À défaut d'ouvrir la voie d'une diversité, cette expérimentation outre qu'elle peut améliorer les conditions d'élaboration de la règle de droit, peut apparaître aussi aller de pair avec le subsidiarité. C'est elle qui devrait à l'avenir permettre de déterminer le meilleur niveau d'administration. Peut être désigné une collectivité « chef de file ». [ =) subsidiarité- expérimentation- chef de file] La constitution de 1958, article 72 alinéa 5 commence par rappeler qu'aucune collectivité ne peut exercer tutelle sur une autre. Lorsque « l'exercice des compétences nécessite le concours de plusieurs collectivités territoriales la loi peut autoriser l'une d'entre elles pour un de leurs groupements à organiser les modalités de leur action commune ». Cela peut s'interpréter comme constitutionalisant la contractualisation des rapports entre collectivités. Dès lors qu'il n'y a pas de tutelle, le chef de file est condamné s'il veut qu'il est action commune à obtenir l'accord de ses partenaires. C'est ce qu'illustrait le projet de loi relatif aux responsabilités locales (projet devenu la loi du 13 août 2004 relatif aux libertés et responsabilités locales). L'article 1511-1 du code des collectivités territoriales dispose que « la région est responsable du développement économique sur son territoire sous réserve des mission incombant à l'État . Elle coordonne les interventions économiques des collectivités territoriales et de leurs groupements. À cet effet, les conseils régionaux adoptent un schéma régional de développement économique, après avoir organisé une concertation avec les autres collectivités ». ! Le texte final est beaucoup plus ambigu, la région n'est plus responsable, elle est ne fait que coordonner. Pour l'essentiel, les personnes publiques autres que les collectivités territoriales sont les établissements publics. En tant que personne morale chargée d’une mission d’intérêt général, ils sont soumis à trois principes :

� principe d’autonomie : ils ont leur propre structure, un budget. � Principe de rattachement à une ou plusieurs collectivités lesquelles exercent

sur eux une certaine tutelle � Principe de spécialité : ils n’ont pas de compétence générale, ils ont seulement

des compétences limitativement énumérées. La constitution ne les ignore pas. En effet, l’article 34 de la constitution de 1958 précises que la loi fixe les règles concernant « la création de catégories d’établissements publics » ( ?). S’il est permis à leur propos de parler de décentralisation, il ne s’agit que d’une décentralisation fonctionnelle.

◙ On peut parler de décentralisation parce qu’il y a création d’une personne morale.

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◙ La portée est très différente de celle de la décentralisation territoriale notamment parce qu’il n’y a pas de libre administration (article 72 de la constitution), il n’y a qu’une simple autonomie de gestion.

Ainsi, certains estiment que c’est une erreur de parler de décentralisation fonctionnelle, qu’il ne s’agit que d’un mode de déconcentration. D’autres personnes publiques s’ajoutent aux établissements publics. Dans les années 1980, sont apparus les G.I.P. (groupement d’intérêt public). Les premiers résultent d’une loi de 1982 sur la recherche. C’est la loi de 1984 sur l’enseignement supérieur qui a précisé qu’il s’agit de personnes publiques. Dans le cadre de ses lois, ils sont constitués par des établissements publics ayant une activité de recherche et d’enseignement soit entre eux, soit avec d’autres personnes morales de droit public ou de droit privé. Ce qui est original est le mode de constitution car il y a un contrat entre les membres. Pour le reste, il y a un objet d’intérêt général, une structure mise en place (conseil, assemblée). On n’est pas loin de l’établissement public. Dans un avis de 1986, le conseil d’État a considéré que les G.I.P. devait être soumis aux mêmes règles que les établissements publics. Néanmoins, un arrêt Verdier du tribunal des conflits de 2000 : précise qu’il s’agit de « personne publique soumise à un régime spécifique » lequel, sous réserve de l’application de l’article 34 de la constitution, se caractérise par une « absence de soumission de plein droit » aux lois et règlements régissant les établissements publics. La formule du G.I.P. a eu beaucoup de succès : sur la même base contractuelle de nombreux G.I.P. sont possibles, sur des objets divers.

→ ARH (agence régionale de l’hospitalisation) créé par l’ordonnance de 1996 portant réformes de l’hospitalisation. C’est un cas particulier car la création est rendue obligatoire par la loi. Sont réunis dans ces G.I.P., les services déconcentrés de l’État et les organismes de sécurité sociale ; et cela pour céder de la répartition des crédits dans les hôpitaux et des investissements.

Des G.I.P. se distingue encore désormais les API (autorité publique indépendante) ; catégorie récente appelée à se développer. Deux ont été créés par la loi de sécurité financière du 1er Août 2003. Tout d’abord, l’AMF (autorité des marchés financiers) ; et la CCANIP (commission de contrôle des assurances, des mutuelles et des institutions de prévoyance). Une est ajouté, créé par la loi du 13 août 2004 sur l’assurance-maladie : l’HAS (Haute autorité de santé).cf. développement ultérieur sur les AI, l’API s’en distingue car elle a la personnalité morale mais participe de la même logique.

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Chapitre 1

L’ADMINISTRATION D’ETAT Cette administration d’État, tout comme celle des collectivités locales, est en pleine transformation, modernisation etc. Prévaut notamment pour cela un principe de subsidiarité. L’idée est la même qu’en droit communautaire ou en droit des collectivités territoriales : le centre n’intervient qu’à titre subsidiaire, tout ce que l’on peut bien faire au niveau local doit y être fait. Cela est notable car on renverse la logique traditionnelle centralisée, les autorités déconcentrées devenant les autorités compétentes de droit commun. Chaque type de service à sa fonction, doit s’organiser en conséquence. Deux fonctions sont distinguées :

� Fonction de régulation qui consiste « à prévoir, analyser, concevoir, légiférer et évaluer » (circulaire Juppé, 1995) : services centraux

� Fonction d’opérateurs qui consistent « à gérer, à appliquer des règlements ou à servir des prestations » (circulaire Juppé, 1995) : services déconcentrés.

SECTION 1 – LES SERVICES CENTRAUX

I. Les ministères.

A- Nombre et « hiérarchie ». Se pose tout d’abord à leur propos une gestion quantitative.

� Combien doit y est y en avoir ? Aucun texte ne le précise, comme la configuration, la dénomination des ministères.

→ dans les années 80, il existait « un ministère du temps libre ». Cela est variable. Leur nombre tend à augmenter depuis le XXe siècle (environ 40-50). Cela peut poser problème car ce n’est pas toujours rationnel. Il y a eu depuis quelques années une volonté de resserrer les choses et notamment avec Jospin (son premier ministère comptait 26 membres). Aujourd’hui, on est revenu à un nombre plus traditionnel, le gouvernement Raffarin comptant 41 membres. Si tout membre gouvernement a droit à l’appellation deux ministres, le gouvernement peut comprendre différentes catégories de membres : ministre, ministre d’État, ministre délégué, secrétaire d’État. Tous les ministères n’ont pas une égale importance. Il y a les prestigieux comme des affaires étrangères ; ceux qui ont beaucoup de personnel ou non, une personnalité etc. Il y a toujours eu plus ou moins prépondérance du ministère de l’économie et des finances (aujourd’hui appelé ministère de l’économie, des finances et de l’industrie).

B- Structures A la tête des ministères, il y a le ministre, à la fois membre du gouvernement est chef d’une administration. En tant que chef d’une administration, il représente l’État dans son domaine, il est aussi compétent pour organiser les services dont il est le supérieur hiérarchique (Arrêt Jamart, 1936). Aux côtés du ministre, il y a le cabinet avec à sa tête un directeur de cabinet composé des proches collaborateurs du ministre choisi par lui de manière purement discrétionnaire. Se pose encore à leur propos en problème de nombre : il constitue une administration parallèles, symbole d’une bureaucratie, technocratie, écran entre le ministre et son administration.

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L’administration centrale se divise en direction générale, direction, services, sous direction.

II. La présidence de la république et les services du premier ministre (« Sommet de l’État »).

Le Sommet de l’Etat est en France particulier du fait du dualisme, deux autorités interviennent. Ces autorités partagent le pouvoir réglementaire (cf. : chapitre sur les normes administratives). Elles se partagent aussi le pouvoir de nomination aux emplois civils et militaires les plus importants. Néanmoins le rôle du premier ministre est limité selon une ordonnance de 1958 qui étend en ce domaine les pouvoirs du président de la république. Elles se partagent un rôle de direction et de coordination administrative et cela dans le cadre des divers conseils et comités, et avec les deux de services propres. Le premier ministre joue ici un rôle essentiel.

A- Les conseils et comités de coordination. Tout d’abord, il y a le conseil des ministres qui se réunit le mercredi matin à l’Élysée. !!Les délibérations non pas valeur de décision par elle-même. Elle n’existait après signature des actes par les autorités compétentes. Il y a ensuite des Conseils et des comités interministériels. Dans un domaine particulier, ils réunissent tous les membres du gouvernement concernés.

B- Les services de l’Élysée et de Matignon

A l’Élysée, il n’y a qu’un appareil léger d’état-major (environ 700 personnes). Ceci est liée à ce qu’est la fonction présidentielle. Le président de la république définie les grandes orientations, a une influence mais ce n’est pas lui qui administre.

À Matignon les structures sont beaucoup plus développées (environ 100 000 personnes) car le premier ministre est au centre du réseau de pouvoir, c’est à lui de garantir la cohérence, la solidarité gouvernementale. Le cabinet joue un rôle essentiel, c’est l’état-major politique du premier ministre. Il y a aussi différent état-major administratif :

� SGG : secrétariat général du gouvernement (environ 100 personnes) qui assure la continuité du fonctionnement des pouvoirs publics.

� SGDN : secrétariat général de la défense nationale. � SGCI : secrétariat général du comité interministériel pour les questions de

coopération économique européenne (environ 160 personnes), tente d’assurer la cohérence des positions françaises sur des questions européennes.

S’ajoutent d’autres services qui ont en commun d’être service premier ministre. → conseil supérieur de la langue française, la direction des journaux officiels, etc.

III. Les organismes consultatifs Ils sont très nombreux. On ne cesse d’en créer dans toutes les administrations (aujourd’hui environ 4700). L’administration contemporaine est consultative.

A- Le Conseil d’état.

La procédure, en matière consultative, peut varier en fonction de l’affaire (comme pour le contentieux). Dans la procédure habituelle, l’une des quatre sections administratives est consultée et formule un avis au nom du conseil d’État.

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Le cas échéant se réunissent des formations plus solennelles : il peut y avoir de sections et réunit, l’assemblée générale ordinaire (vice-président, président de sections, un président adjoint de la section du contentieux et 21 conseillers d’État) ; l’assemblée générale dite plénière (avec tous les conseillers d’État). Pour les affaires les plus importantes, les membres de la section du contentieux sont appelés à intervenir.

Pour le gouvernement, la consultation est soit obligatoire, soit facultative. Elle est obligatoire pour les projets de loi et les ordonnances, pour les projets de décrets pris en vertu de l’article 37 al 2 de la constitution de 1958, et dans tous les cas où des dispositions législatives le prévoient. Si elle n’est pas toujours obligatoire, elle est toujours possible. Le conseil d’État lui-même, de sa propre initiative, peut faire des propositions (rapport annuel publié à la documentation française).

En toute hypothèse, le conseil d’État formule des avis (cf. chapitre sur l’action unilatérale). Ces avis par définition ne sont jamais obligatoires.

B- Le Conseil économique et social. Ce conseil est consacré par la constitution aux articles 69 et 70. Il fait des rapports.

IV. Les autorités (administratives) indépendantes (AAI) Ce sont des autorités indépendantes, elles n’en sont pas moins administratives (contradiction des termes).

Elles sont de création récente. C’est en 1978 à propos de la CNIL (commission nationale de l’informatique et des libertés) que l’expression a été utilisée par le législateur. Elle s’est ensuite appliquée à divers organismes. Dans son rapport de 2001, le conseil d’État a répertorié 34 (rapport du conseil d’État numéro 52).

→ médiateur de la république (depuis 1989) ; le CSA ; comité national d’évaluation des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel ; commission nationale des interceptions de sécurité ; autorité de régulation des communications (ART); commission d’accès aux documents administratifs (CADA) etc.

On ne cesse d’en créer. → ainsi, depuis 1998 : la loi du 10 juillet 1998 a crée les commissions

consultatives du secret de la défense nationale ; la loi du 23 mars 1999 à créer le conseil de prévention et de lutte contre le dopage (CPLD) ; la loi du 12 juillet 1999 a crée l’autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires ; la loi du 10 février 2000 a crée la commission de régulation de l’électricité (CRE) devenue en 2003 la commission de régulation de l’énergie, la loi de finances rectificatives du 30 décembre 2004 article 117 précise que la CRE « dispose de la personnalité morale et de l’autonomie financière » ; la loi du 6 mars 2000 a créé le défenseur des enfants (aujourd’hui Madame C.Brissay) ; la loi du 27 février 2002 à créer la commission nationale du débat public ; la loi du 30 décembre 2004 à créer la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité.

Nb : future loi sur la régulation des activités postales votée le 20 janvier 2004 à l’assemblée nationale en première lecture. En outre elle transforme l’ART en ARCEP (autorité de régulation des communications électriques et des postes).

« Elle participe d’un mouvement, général au grand pays démocratique qui tend à un nouveau mode de répartition et d’exercice du pouvoir d’État » (rapport du conseil d’État).

Selon le conseil d’État, il y a deux explications : � méfiances, suspicions à l’égard de l’État traditionnel. Il est contesté dans sa

toute-puissance, mis en cause dans son impartialité. � L’aspiration à de nouveaux modes de régulation sociale ; il s’agit de faire

plus de place à la médiation, au compromis négocié, à la mise en œuvre effective des règles.

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De nature administrative, elle dispose d’une autorité et présente des garanties d’indépendance !!!!!!!!!!!!!!!!!!!! En tant qu’autorité, elles ne sont pas de simples organismes consultatifs et disposent de certains pouvoirs de réglementation, d’autorisations individuelles, de contrôle, d’injonction, de sanctions, de nomination. Si elles sont de nature administrative, les AAI ne sont pas extérieures à l’État (agissent en son nom). Elles ne sont pas des personnes morales indépendantes de l’État. Indépendantes, les AAI ne sont pas attachées aux structures hiérarchiques de l’administration ; elles ne reçoivent ni ordre ni instruction et possèdent à l’inverse des garanties d’indépendance qui permettent d’agir en pleine autonomie « sans que leur action puisse être orientée et sanctionnée, si ce n’est par le juge ». Il n’y a pas une indépendance absolue (contrôle juridictionnel). Cinq missions principales se dégagent :

♥ Médiation ♥ Régulation de certains secteurs d’activité ♥ Protection des libertés publiques ♥ « garant de l’impartialité de la puissance publique dans des domaines

qui, sans que la protection des libertés soit nécessairement en cause de façon directe, ont paru risquer de donner prise au soupçon d’arbitraire ».ex : commission consultative du secret de défense nationale, commission des sondages.

♥ Evaluation et expertise. Toutes ces missions non pas un contenu homogène.

Des AAI se distinguent aujourd’hui et depuis 2003 les API dotées de la personnalité morale. Cette personnalité est censée permettre une plus grande souplesse de fonctionnement (possibilité de disposer de recettes fiscales affectées, d’avoir son patrimoine, son personnel). Elle doit permettre aussi à l’autorité d’être pleinement responsable de ses actes. Pour le reste, ce sont des institutions comparables (même logique).

� Certaines AAI ne devrait-elle pas être transformé en API ? C’est ce que l’on a fait pour l’AMF, « pour rationaliser, renforcer la régulation financière » ; l’AMF est venu remplacer trois AAI : COB (commission d’observation de la bourse), CMF (commission des marchés financiers), CDGF (conseil de discipline de la gestion financière).

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SECTION 2- LES SERVICES DECONCENTRES

Selon la loi de 1992 relatives à l’administration territoriale, les services déconcentrés sont organisés dans le cadre de trois circonscriptions territoriales : régionale, départementales et d’arrondissement.

Cette organisation est ancienne. L’assemblée nationale constituante, par la loi des 26 février-4 mars 1790 à diviser la France en département (à l’époque 83). !!!Le département n’est plus ce qu’il était en 1790. En tant que ressort géographique, il désigne tout à la fois une circonscription territoriale de l’État une collectivité territoriale (avec la personnalité juridique). L’arrondissement a succédé à partir de la loi du 28 pluviôse An VIII aux districts. La région, plus récente, résulte de décret de 1964. Elle est née au XXe siècle des insuffisances du département. Il y a eu multiplication de circonscriptions de manière anarchique, c’est pour y remédier que l’on a créé 26 régions (unifié). Cette organisation a fait l’objet du titre VIII de la loi du 13 Août 2004 relatives libertés et responsabilités locales. Précédemment été intervenu le décret du 29 avril 2004 relatif « au pouvoir des préfets, à l’organisation et à l’action des services de l’État dans les régions et départements ». Ainsi, le décret d’application est intervenu avant la loi. Parallèlement à la politique de décentralisation, une architecture territoriale de l’État est en train de se mettre en place.

I. Les services déconcentrés dans la circonscription départementale

Le préfet reste l’autorité administrative principale. Il est nommé par décret

en conseil des ministres. Il peut être mis fin à tout moment à ses fonctions. Il y a une obligation de loyalisme politique. Selon l’article 72 de la constitution, il est plus précisément « le représentant de l’État, représentants de chacun des membres du gouvernement (…) il à la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois » dans le cadre du département. L’expression de « représentants de l’État » est nouvelle, elle a remplacé en 2003 (réforme constitutionnelle) celle de « délégué du gouvernement ». Autrement dit, à une appellation politique, a été préféré une appellation plus juridique. Il conserve quand même un rôle politique. C’est l’intermédiaire entre le pouvoir central et les élus. Il a aussi de multiples pouvoirs juridiques :

� C’est l’autorité de police administrative du département (« il y a la charge de l’ordre public »)

� Il est le représentant du contrôle des collectivités et de la tutelle des établissements publics

� Il est le seul à recevoir des délégations de pouvoir au titre de la déconcentration

Sauf exception, il dirige les services déconcentrés. Jusqu’en 1992, deux types de services étaient à distinguer :

♥ Les services de préfecture avec : → Un directeur de cabinet (fonctionnaires nommés par le gouvernement) → Différents services correspondants aux attributions du ministre de

l’intérieur (délivré les passeports, etc.). ♥ les services extérieurs créés par les différents ministères

(DDASS, DDE, …) Il y a toujours eu des problèmes de cohérence sur cet ensemble. Le préfet apparaissait comme le représentant du ministre de l’intérieur et non de l’ensemble. Si la distinction subsiste plus ou moins, la tendance est à la recomposition. En devenant en 1992 « services déconcentrés », les services extérieurs ont changé en principe de nature.

→ avant 1992, la TV est le service extérieur d’un ministère ; « services déconcentrés » s’intègrent dans un ensemble.

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Ils ont vocation à s’intégrer dans un ensemble au service du préfet. Pour accélérer ce mouvement, depuis un décret de 1999, c’est le préfet qui arrête « (…) l’organisation des services déconcentrés (…) ». Lorsqu’il y a des actions à plusieurs services, il peut « constituer un pôle de compétences dont il désigne le responsable » ; peut même être envisagé « une fusion totale ou partielle ». Les textes de 2004 vont dans le même sens, ils ajoutent que désormais le préfet préside un « collège des chefs de service », que notamment le préfet consulte avant d’arrêter le P.A.S.E.D (projet d’action stratégique de l’État dans le département).

II. Les services déconcentrés dans la région

Un préfet est l’autorité administrative principale. C’est le préfet du département chef-lieu de la région qui est le préfet de région.

→ Haute-Normandie : Seine-Maritime et l’Eure, le chef-lieu est Rouen donc le préfet de Seine-Maritime.

Dans divers domaines qu’énumère la loi du 13 août 2004 (aménagement du territoire, culture, emploi, logement, développement économique, environnement etc.) « les préfets de départements prennent des décisions conformes aux orientations fixées par le préfet de région et lui en rendent compte ». Dans tous ces domaines, une certaine hiérarchie existe, c’est le préfet de région qui est le garant de la cohésion de l’État. Ce pouvoir suppose l’autorité sur les services déconcentrés de l’État sur la région.

Outre un secrétariat général pour les affaires régionales (SGAR) existe un comité de l’administration régionale (CAR) composé notamment de préfets du département, du trésorier-payeur général de la région, et des chefs de pôles régionaux de l’État qui sont des groupements de fonctionnaires des services qui associent des établissements publics et des GIP (décret du 5 octobre 2004).

→ pôle éducation et formation.

III. Les services déconcentrés dans la circonscription d’arrondissement.

Il y a une sous-préfecture et un sous-préfet. Alors qu’à une certaine époque il est apparu que son existence était menacée (années 70-80), il a malgré tout était conforté en 1992 de façon à faire du sous-préfet le coordonnateur de l’action de l’État dans la circonscription. Avec la décentralisation, c’est devenu essentiel (multiplication des politiques locales, partenariat, etc.). Le sous-préfet constitue le lien.

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Chapitre 2

LES COLLECTIVITES DECENTRALISEES

SECTION 1- LA POLITIQUE DE DECENTRALISATION

I. La politique de décentralisation jusqu’en 1982

Tout n’a pas commencé en 1982 ! Dès la Monarchie de Juillet, ont été prises des mesures décentralisatrices. Par exemple, en 1831 et en 1833, ont été instituées l’élection du conseil général existant dans le département et celle du conseil municipal dans la commune. Ensuite, il y a eu sous la IIIe République, de grandes lois décentralisatrices : en 1871 pour le département et en 1884 pour les communes (ce qui explique les termes de la constitution de 1958 « s’administre librement (…) »).

Dans le cadre de la constitution de 1958, il n’y a toutefois que les départements et communes, et la décentralisation reste limitée. Le préfet reste l’organe exécutif du département (avant 1982) comme collectivités décentralisées donc il était à la fois agent de l’État et exécutif de la collectivité décentralisée. Ceci a longtemps posé problème (on tente d’y mettre fin à la constitution de 1946). S’exerce un contrôle appelé tutelle. Cette tutelle revêt différents aspects. En effet il pouvait y avoir :

� Approbation préalable des actes � Pouvoir de suspension � Pouvoir d’annulation, de réformation et de substitution

Chaque fois ce pouvoir peut s’exercer pour irrégularités ou pour simple inopportunité. ! Telle que définie, cette tutelle n’équivaut pas au pouvoir hiérarchique. Elle n’est pas sans rapport avec lui car tous les aspects décrits sont ceux d’un pouvoir hiérarchique. Malgré tout, à la différence du pouvoir hiérarchique qui est de droit commun, la tutelle est l’exception, elle se présume pas, elle existe dans la mesure où la loi là prévue.

→ si pour une compétence donnée, la loi ne dit rien =) la tutelle ne s’exerce pas : « pas de tutelle sans texte, pas de tutelle au-delà des textes ».

Même avant 1982, la tutelle avait tendance à s’alléger, cela restait quand même lourd d’autant plus qu’à la tutelle « officielle » s’ajouter de nombreuse tutelle dite « indirecte » (les tutelles financières, technique, etc.). La région n’existe pas en tant que collectivité (c’est une circonscription depuis 1964). En 1969, il y a eu un projet de création du général De Gaulle soumis à un référendum en

même temps que la réforme du Sénat. A seulement été créé en 1972, des établissements

publics régionaux suite à l’échec du référendum. Mais il n’y a pas de libre administration. C’était

un peu tordu car ils agissaient établissements publics avec une assise territoriale.

II. Les lois de 1982 Les lois du 22 mars et du 22 juillet 1982, la deuxième étant intervenue après la décision du conseil constitutionnel censurant les dispositions de la première. Le ministre de l’intérieur est alors Gaston Defferre. Les lois de 1982 ont été suivies de nombreuses autres, le tout ayant été codifié en 1996 : code général des collectivités territoriales dont (une loi est adoptée relative à la partie législative). Cinq aspects sont à retenir :

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� La région a été transformée en collectivité territoriale � En toute hypothèse, les présidents des assemblées

délibérantes deviennent les autorités exécutives � Un contrôle a été substitué à la tutelle.

Toutes les tutelles ont en principe été supprimées (État sur les collectivités, collectivités sur les collectivités). Il y a quelques exceptions comme par exemple en matière de police, où il existe encore après mise en demeure, pouvoir de substitution du préfet. En fait, subsistent des tutelles techniques. S’agissant du contrôle mis en place, ont été distingué :

� Le contrôle de légalité des actes � Le contrôle budgétaire et financier

Le premier contrôle qui ne porte que sur la régularité (et non plus sur l’opportunité) est a posteriori et est juridictionalisé par le juge administratif suite à un déféré préfectoral. Il y a trois grandes différences avec la tutelle : rien que la régularité, a posteriori et par le juge. La loi distingue entre les actes secondaires de gestion courante qui entrent en vigueur après publication et notification et les actes plus importants qui ne deviennent exécutoires qu’après transmission aux représentants de l’État. Ces actes font l’objet d’une énumération : sont visés aussi bien les actes unilatéraux que les contrats (qui doivent avoir un caractère administratif). Sauf exception, aucun délai n’est prévu pour la transmission. Dans les deux mois qui suivent la transmission, le représentant de l’état peut déférer au tribunal administratif s’il l’estime irrégulier. Cette procédure, normalement déclenchée par le préfet, peut l’être aussi par un tiers lésé qui saisit le préfet. Il a aussi été admis que les actes non soumis à la transmission peuvent être déféré. Le préfet n’a jamais obligation de déférer, c’est à lui d’apprécier.

Conseil d’État, Brasseur, 1991 : le refus de déférer du préfet n’est pas susceptible de recours pour excès de pouvoir, il s’agit d’un pouvoir discrétionnaire.

Le préfet peut demander la suspension des actes déférés. Il existe donc un régime particulier qui n’a pas été remis en cause an 2000 (loi des référés). En vertu de ce régime, la demande est soumise à une condition : il faut que leurs moyens apparaissent en l’état de l’instruction propre « créer un doute sérieux quant à la légalité de l’acte » (il n’y a pas ici de conditions d’urgence). Le juge se prononce dans un délai d’un mois. L’appel est possible dans un délai de 15 jours. En matière de liberté publique, le juge doit statuer dans les 48 heures. L’appel est possible devant le conseil d’État. Il existe un contrôle particulier sur les actes budgétaires. En effet, dans différents cas que la loi énumère (budget non voté dans les temps, dépenses obligatoires non-inscrites, etc.) intervient à un organisme : la chambre régionale des comptes. Si le préfet constate une irrégularité budgétaire, il saisit la chambre qui formule des propositions. Si la collectivité n’agit pas en conséquence, le préfet exerce, après mise en demeure, un pouvoir de substitution (action d’office) ; il peut même « s’écarter des propositions faites par la cour » (marge de manœuvre importante).

� Il y a eu transfert de compétences entre l’État et les collectivités territoriales. Pour l’essentiel, il résulte des lois de 1983 (mais sont dans la logique des lois de 1982).

� Il y a eu globalisation des concours financiers de l’État. L’État continue à financer largement les collectivités, ne le fait plus au coup par coup. Il y a une dotation globale (autonomie des collectivités).

III. La loi constitutionnelle du 28 mars 2003 (« An II de la

décentralisation »). Si la France est une république indivisible, son organisation est décentralisée (article 1 de la constitution de 1958). L’article 72 de la constitution énumère les collectivités. =) subsidiarité- expérimentation – chef de file.

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Sans remettre en cause la conception antérieure de la décentralisation (l’unité de la république), l’objectif premier a été de permettre une plus grande diversité, introduire une décentralisation à géométrie variable, renoncer, dans une certaine mesure à l’uniformité.

→ collectivités à statut particulier Diverses dispositions tendent à renforcer la démocratie locale. Ainsi, le nouvel article 72 al. 1 de la constitution introduit « un référendum décisionnel » : « des projets de délibérations ou d’actes relevant de la compétence d’une collectivité territoriale peuvent, à son initiative, être soumis par voie de référendum à la décision des électeurs de cette collectivité ». S’ajoute encore un article 72 al. 2 concernant les ressources des collectivités. Très souvent, il est renvoyé à des lois organiques ou ordinaires. Outre la loi sur l’expérimentation, sont intervenus :

� lois organiques du 1er août 2003 sur le référendum local � loi du 11 avril 2003 relative à l’élection des conseils régionaux � loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales. C’est le

texte de l’année en matière de décentralisation ! En matière de contrôle, elle apporte quelques modifications. Il y en a principalement trois :

⊂ le nombre des actes soumis à la transmission aux représentants de l’État a été réduit (l’idée est d’en transmettre moins pour qu’il puisse réellement y avoir contrôle =) renforcement du contrôle)

⊂ la transmission peut se faire par voie électorale ⊂ est institué un délai de transmission, pour les décisions individuelles

créatrices de droit, de 15 jours à compter de la signature.

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PARTIE TROISIEME

REGLES RELATIVES A

L’ACTION ADMINISTRATIVE

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Titre I

REGLES RELATIVES AUX

MOYENS D’ACTION

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Chapitre 1

LES PERSONNELS DE L’ADMINISTRATION Selon le rapport du conseil d’État de 2002 sur la fonction publique, les collectivités territoriales et leurs établissements publics emploient de 4,8 millions d’agents (2,3 pour l’État, 0,250 pour les établissements publics hors entreprises publiques, 1,4 pour les collectivités et leurs établissements publics et 0,840 pour les hôpitaux) soit un salarié sur cinq en France. Avec d’autres sources, on peut trouver des chiffres différents. Il y a des difficultés pour établir des chiffres précis.

SECTION 1 – LES DIFFERENTES CATEGORIES DE PERSONNEL

Il n’y a pas que des fonctionnaires même si c’est la catégories la plus nombreuse : fonction publique. Il y a d’autres catégories qui relèvent soit d’un droit administratif qui n’est pas le droit de la fonction publique, soit du droit privé. Le rapport du conseil d’État donne le chiffre de 823 000 agents publics non fonctionnaires. Les agents des SPIC relèvent en principe du droit privé quel que soit leur mode de recrutement et même si ils ont des contrats contenant des clauses exorbitantes du droit commun. Il y a des exceptions qui relèvent de la jurisprudence ROBERT LAFREGEYRE de 1923 : relèvent du droit public le directeur des services et le comptable publique. Il y a aussi des SPIC entier qui de par la loi n’ont que des agents publics (c’est le cas des services qui à l’origine étaient administratifs et ont été transformés.

→ 1990 : poste et France Telecom : la loi qui a transformé ce qui étaient des administrations de l’État, des établissements publics =) EPIC. Pour éviter les problèmes, les SPIC pourront conserver leurs agents administratifs (450 000 personnes !).

→ loi de 1996 relatives à l’entreprise nationale France Telecom : la transformation de France Telecom en personne privée n’a pas fait perdre au personnel intéressé leur statut de fonctionnaire. Aujourd’hui encore, il en a un peu plus de 100 000 et la loi du 31 décembre 2003 relatif obligations du service public des télécommunications et France Telecom (qui permet la privatisation), contient encore toute une partie sur les conditions d’emploi des fonctionnaires de France Telecom.

Pour ce qui concerne les services publics administratifs, les différentes catégories se distinguent à partir de la manière dont les agents sont recrutés :

� soit il y a conclusion d’un contrat � soit il y a nomination par acte unilatéral.

I. Les agents des services publics administratifs recrutés par contrat

Ils sont aujourd’hui toujours des agents publics, leurs contrats sont administratifs. Le recrutement se justifie pour des raisons de souplesse. On peut le faire que dans des conditions particulières, c’est très réglementé. C’est également très discuté car il conduit à des situations précaires. Ainsi, cela explique la mise en place ponctuelle de politique délimitation d’un tel recrutement.

→ projet de loi de transposition à la fonction publique du droit communautaire de : il prévoit la possibilité de CDI limitant à six ans les contrats en CDD. L’idée est d’éviter les CDD qui se renouvellent trop fréquemment.

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II. Les agents des services publics administratifs nommés par acte unilatéral

Il y a tout à la fois :

� Une distinction à faire : fonctionnaires et agents non titulaires � Un point commun a souligné : tous sont placés dans une situation

légale et réglementaire.

A- Les fonctionnaires et les non titulaires (stagiaires, auxiliaires). Les fonctionnaires sont nommés et titularisés tandis que les titulaires n’ont été que nommés.

D’après les textes, les fonctionnaires sont en principe des personnes unilatéralement nommés dans un emploi permanent et titularisés dans un grade de la hiérarchie des administrations de l’État, des collectivités territoriales des hôpitaux publics. Il y a trois éléments à identifier :

☼ Nature publique de l’employeur. Ce n’est pas toujours vrai. → exception : France Telecom

☼ Nominations dans un emploi permanent ☼ Titularisation dans un grade qui peut intervenir de manière

concomitante à la nomination ou être différée. C’est l’acte qui intègre dans la hiérarchie administrative elle donne une place (le grade) dans un corps.

La possibilité de différer l’intégration fait qu’il y a des stagiaires. Ils ne sont par titulaires mais ont vocation à le devenir. À côté, on a là les élèves des écoles préparant à la fonction publique (ENA, IRA,…). ; Tous ont un statut.

Il y a également des auxiliaires ; eux aussi ont un statut mais sont en situation précaire. Normalement, il ne devrait être que du personnel d’appoint. Mais, moins rémunérés que les fonctionnaires et plus facile à licencier ils ont été massivement recrutés notamment dans l’enseignement ou la Poste. Ils ont souvent été une cause de malaise, l’objet de revendications syndicales. Pour y faire face, des droits et avantages ont été reconnus, qui forment une sorte de « statut ». D’autre part, ont été fait des efforts de résorption. =) loi du janvier 2001 relative à la résorption précaire et la modernisation du recrutement dans l’emploi public. Elle prévoit sur une durée de cinq ans la titularisation des personnels vacataires, contractuel, auxiliaires ayant travaillés au moins trois ans au cours des huit dernières années.

B- « Une situation légale et réglementaire » C’est une situation statutaire et non pas contractuelle. Il en résulte d’importantes conséquences. La situation est fixée à l’avance par des règles générales (pas de négociations). La situation, à tout moment, est entièrement modifiable par le législateur, par l’autorité compétente détenant le pouvoir réglementaire. Du point de vue du droit, il n’y a jamais droit acquis de leur statut car les services publics doivent savoir s’adapter. Tous les règlements, actes individuels peuvent être attaqués par des voies de recours pour excès de pouvoir sauf les mesures relatives à l’organisation et au fonctionnement du service. Sous cette réserve, tout agent peut agir à propos de ce qui est relatif à son statut mais aussi à l’exercice du pouvoir disciplinaire etc. Les syndicats et associations de fonctionnaires peuvent agir dès lors qu’ils le font dans l’intérêt collectif. Malgré tout, il y a une relativité de la distinction entre contrat et acte unilatéral. Tout d’abord, la situation légale et réglementaire n’empêche pas la contestation.

→ contractualisation. Et inversement, la situation des agents contractuels d’État n’est pas sans rappeler celle des agents nommés. Il est vrai qu’il y a des aménagements. Mais ces agents sont largement régis par des textes (statut). À l’avenir pourrait être introduit une

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part de contractuel=. Sans remettre en cause le statut, il s’agirait de produire un peu plus de souplesse (ou de précarité).

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SECTION 2- LE REGIME JURIDIQUE DE LA FONCTION PUBLIQUE

(Appliqué aux seuls fonctionnaires) ! On pourrait également dire : « des régimes de la fonction publique ». Il n’y a pas un seul régime.

I. Les sources

A- Les lois

Dans le cadre de la constitution de 1958, c’est la loi qui « fixe les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires ». Il y a des lois qui fixent un statut général. Les premières datent d’avant 1958. La première est en 1941 déclarée nulles en 1944 ; elle est remplacée en 1946 et à nouveau par une ordonnance en 1959 (qui ne concernait que les fonctionnaires de l’État).

D’où, après 1982, une réforme d’ensemble pour améliorer notamment le statut des fonctionnaires des collectivités décentralisées et les mettre sur un pied d’égalité avec les agents de l’État. Il en résulte quatre lois :

♥ Loi sur la fonction publique de l’État (11 janvier 1984) ♥ Loi sur la fonction publique territoriale (26 janvier 1984) ♥ Loi sur la fonction publique hospitalière (9 janvier 1986) ♥ Loi du 13 janvier 1983 avait commencé à fixer les droits et obligations

communs aux fonctionnaires. Il y a aujourd’hui un « statut général des fonctionnaires » qui se présente en quatre titres mais qui regroupe trois fonctions publiques distinctes. S’ajoute une quatrième fonction publique, résultant d’une loi de 1972, le statut des militaires.

→ projet de loi le modifiant est en cours de discussion au Parlement (adopté en première lecture au Sénat le 2 février) =) problème de la liberté d’expression du fonctionnaire. Il y a des limites au domaine d’application du statut général. N’en relèvent

pas les magistrats judiciaires, les fonctionnaires des services des assemblées parlementaires, « les personnels enseignants et hospitaliers », « les praticiens hospitaliers ». Ils ont des statuts autonomes. N’en relèvent que partiellement les magistrats appartenant au corps des conseillers des tribunaux administratifs, des cours administratives d’appel ainsi que ceux appartenant au corps de la chambre régionale des comptes.

B- Les règlements Pour mettre en œuvre le statut général, il y a deux sortes de décret en conseil d’État :

� Décret d’application � Décret « portant statut particulier » qui permet une adaptation des

textes généraux aux différentes situations.

II. L’organisation de la fonction publique de l’État Il y a une administration de la fonction publique. Il existe différents organes de gestion, lesquelles gèrent des personnes réparties en corps.

A- Les organes de gestion

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Il y a tout d’abord le Premier ministre qui en tant que chef de l’administration définit la politique de la fonction publique ; contrôle les formations etc. En fait, il n’exerce pas lui-même ses attributions. Actuellement, c’est le ministre de la fonction publique et de la réforme de l’État (M. Renaud Dutreil). Ce ministre dispose de la DGAFP: direction générale de l’administration de la fonction publique. Il préside le conseil supérieur de la fonction publique de l’État, organisme paritaire qui comprend en nombre égal des représentants de l’administration (État) et des syndicats. Cet organisme est consulté pour avis et intervient aussi comme organe de recours pour les mesures individuelles. Pour la gestion des différents corps s’ajoutent dans tous les départements ministériels des directions du personnel (ou RH) avec différent autre organisme consultatif.

B- Les corps

Les corps sont les cadres juridiques dans lesquelles sont recrutés les fonctionnaires et dont ils sont membres. Ainsi, ils groupent les fonctionnaires soumis aux mêmes statuts particuliers et ayant vocation au même grade (à faire la même carrière).

→ conseil d’État, des professeurs des écoles, les inspecteurs de bibliothèque etc. Dans les années 90, on disait qu’il y en avait environ 1500 toujours pour la fonction

de l’État. Ils sont considérés comme trop nombreux. C’est pourquoi, depuis 1998, il y a une politique de fusion des corps.

Ils sont classés en trois catégories selon leur niveau de recrutement : � A : au niveau de l’enseignement supérieur � B : baccalauréat � C : reste

Tout corps comprend un ou plusieurs grades (qui peuvent pour l’organisation de l’avancement se diviser en classes qui elles-mêmes se divisent en échelons). En principe, les grades correspondent à des fonctions qui sont distingués selon le niveau hiérarchique.

- corps où il n’y a pas de hiérarchie = un seul grade =) professeur des universités C’est le grade qui définit la place dans la hiérarchie administrative. Le grade est le titre qui confère à son titulaire vocation à occuper un des emplois qui lui correspond. Le grade se distingue de l’emploi. Elles ne sont pas sans rapport mais si le grade « appartient aux fonctionnaires », l’emploi est à la disposition de l’autorité administrative. S’il y a vocation à occuper un emploi, ce n’est pas un droit : dans l’intérêt du service, on peut être affecté un autre emploi. Il en va de même s’il emploi est supprimé. C’est là la distinction fondamentale de la fonction publique. Elle signifie que l’organisation de la fonction publique n’est pas d’abord liée à celle des emplois mais repose sur la réglementation des personnels. C’est pourquoi les fonctionnaires sont recrutés pour appartenir à un corps et non pas à un emploi.

→ Est ce que moderniser la fonction publique ne suppose pas de remettre en cause le système ? Est-il trop rigide ?

III. Le recrutement et la carrière des fonctionnaires

A- Le recrutement par concours

C’est le procédé de droit commun mais il y a des dérogations comme par exemple :

☼ Nominations directes au tour extérieur ☼ Nominations destinées à pourvoir des emplois réservés (victimes de

guerre, militaire, handicapés etc.).

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A ces exceptions traditionnelles, la loi du 3 janvier 2001 ajoute la possibilité de recruter son concours dans les corps de catégorie C (sous certaines conditions et à titre expérimental). Un tel accès est appelé à se développer. Un projet de loi instituant des PACTE est en cours d’élaboration, pour les personnels de catégorie C : parcours d’accès aux carrières de la territoriale, de l’hospitalière et de l’État. Il y a des « PACTE JUNIOR» pour les 16-25 ans et des « PACTE SENIOR » pour les plus de 50 ans. Il devrait permettre de recruter plus de 50 % du personnel des catégories C. Mais, il y a un problème de constitutionnalité, les concours devant permettre d’assurer l’égalité. C’est une conséquence du principe d’égal accès aux emplois publics proclamé par l’article 6 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Pour se présenter il faut remplir certaines conditions (5) énoncées par l’article 5 du titre I du statut général :

♥ Il faut en principe posséder la nationalité française. Il existe des dérogations résultant de divers textes : � Dans certains corps en raison de la nature des fonctions (recherche,

enseignement en université, etc.) � En vertu d’une loi du 26 juillet 1991, les ressortissants des

autres états de l’union européenne ont accès aux emplois qui «soit, sont séparables de l’exercice de la souveraineté, soit ne comportent aucune participation directe ou indirecte à l’exercice de prérogatives de puissance publique de l’État ou des autres collectivités publiques». Au vu du traité de Rome, il n’était pas évident qu’il devait y avoir dérogation parce que l’article 48 exclu du domaine d’application du principe de libre circulation des travailleurs « les emplois dans l’administration publique ». C’est en réalité la Cour de justice des communautés européennes qui est à l’origine de la loi, estimant que le traité ne désigne que les « activités spécifiques de l’administration », elle a notamment jugé en 1986 que la France manquait à son obligation en réservant aux nationaux les emplois d’infirmiers dans la fonction publique.

→ Est ce qu’il ne faudrait pas généraliser ce système pour les ressortissants communautaires, l’admettre pour tout étranger ?

- projet de transposition du droit communautaire qui reformulait les termes de la loi de 1991.

♥ Il faut jouir de ses droits civiques ♥ Les mentions portées au bulletin n°2 du casier judiciaire ne doivent

pas « être incompatible avec de l’exercice des fonctions ». ♥ Il faut être en position régulière au regard du code du service

national ♥ Il faut l’aptitude physique à l’exercice des fonctions postulées.

Les hommes et les femmes ont l’égal accès aux emplois publics. C’est relativement récent. Le droit à évoluer difficilement.

Commentaire sur l’arrêt BOHART qui reconnaissait « l’aptitude légale des femmes aux emplois publics » tout en permettant de nombreuses dérogations.

L’état actuel du droit résulte du droit communautaire. Suite à une directive de 1976, transposée en 1982 et confirmée en 1984, seuls restent possibles pour certains corps l’organisation de recrutement distinct si « l’appartenance à l’un ou l’autre sexe constitue une position déterminante pour l’exercice des fonctions assurées par les membres de ces corps ». Tous les corps sont donc mixtes mais les conditions d’accès peuvent être différenciées. ! D’après la loi, cela doit être exceptionnel. Aujourd’hui, c’est en voie de disparition (au moment de la loi : 15 corps, aujourd’hui : 2 corps)

- attaché des maisons d’éducation de la Légion d’honneur, maison pénitentiaire. Si parmi les agents publics, les femmes sont plus nombreuses, des disparités subsistent.

- ainsi, parmi les employés il y a plus de 60 % de femmes ; parmi les personnels de direction de 10 à 12 %.

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Même si les conditions sont remplies, il n’y a pas de droit à concourir parce que toute candidature doit être agréée par l’autorité administrative qui a compétence pour arrêter la liste des candidats. À l’occasion, elle doit d’une part à préciser si les conditions sont remplies et d’autre part « apprécier dans l’intérêt du service si les candidats présentent les garanties requises pour l’exercice des fonctions de postuler ». L’appréciation de ces garanties doit se faire dans le respect du principe égal accès aux emplois publics. On ne peut pas, par exemple, écarter un candidat pour ses opinions politiques et, même chose pour les croyances religieuses.

Arrêt BAREL, 1954 : concernant des candidats à l’ENA qui estimait écarter parce que communistes

Arrêt ABBE BOUTEYRE, 1912 Les garanties requises sont les garanties d’impartialité, de neutralité, de réserve dans les manifestations d’opinion. Ne peuvent en pratique être écartés que les candidats dont le comportement est constitutif de ce que l’on appelle, pour les fonctionnaires, un manquement à l’obligation de réserve. En fait, les cas d’exclusion sont très rares parce que la réserve exigée est logiquement moindre que celle des fonctionnaires en exercice.

Arrêts MULSANT et RAOULT de 1983 : il s’agissait de deux candidats qui n’avaient pas été admis par le garde des sceaux à se présenter au concours de l’ENM. Pour le premier, la décision a été annulée car il avait participé à des manifestations d’étudiants au cours desquelles des enseignants avaient été retenus quelques heures dans une salle de cours. Pour le second, il y a eu rejet du recours : pendant son service militaire, il avait participé à la distribution aux nouvelles recrues d’un journal clandestin d’un comité de soldats hostiles à l’institution militaire.

Dans ces arrêts, le conseil d’État exerce un contrôle normal alors que jusque-là il s’en tenait un contrôle restreint. Il censure l’erreur dans la qualification juridique des faits, là où il ne contrôlait que l’erreur manifeste d’appréciation. Une fois le concours commencé, lors du déroulement des épreuves, il doit y avoir impartialité du jury. Si le juge ne peut connaître de l’appréciation faite sur la valeur des candidats, il peut y avoir censure des erreurs de droit, de fait ou du détournement de pouvoir.

Arrêt CLOHARS CARNOET, 1966 : le maire s’était déclaré, par principe, hostile à l’accès d’une femme à un emploi de secrétaire de mairie. Sa seule présence comme membre du jury a entraîné l’annulation des résultats. Le classement « par ordre de mérite » des candidats ne donnent pas un droit à

être nommés. L’ordre de mérite doit être respecté mais l’administration garde la faculté de décider en fonction des besoins du service. C’est révélateur de ce qu’elle droite administrative : d’un côté, les principes (égalité, égal accès, etc.) et de l’autre, les besoins du service : équilibre instable.

B- Le déroulement de la carrière Sauf exception, tout se passe au sein d’un corps dans le respect du principe d’égalité et en position d’activité.

Il peut y avoir un avancement : � Soit d’échelon « à l’ancienneté » entraînant une augmentation de

traitement � Soit de grade ou de classe selon les mérites au choix, par voie

d’inscription sur un tableau d’avancement, soit un concours. Les décisions de notation, après avoir été considérés comme des mesures d’ordre intérieur, sont depuis l’arrêt CAMARA de 1970 susceptibles de REP. Parfois, l’avancement est accéléré : ont été prises ces dernières années des mesures pour inciter les fonctionnaires à travailler dans les quartiers urbains difficiles.

- loi de 1991 a accordé un avantage d’ancienneté d’un mois par année d’exercice d’un emploi dans un tel quartier.

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En cas de manquement aux obligations, le statut général fixe une liste de sanctions (de l’avertissement à la révocation). Ces sanctions interviennent dans le cadre d’une procédure très réglementée où le fonctionnaire a le droit à la communication de l’intégralité de son dossier. En cas de REP, depuis l’arrêt LEBON de 1978, le juge contrôle s’il n’y a pas de disproportion manifeste entre la gravité de la faute et la sévérité de la sanction. Il s’agit là d’un exemple de contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation.

IV. Obligations et droits des fonctionnaires

A- Les obligations professionnelles Trois sont énumérées par la loi du 13 juillet 1983 :

� L’obligation de se consacrer à sa fonction (exclu tout cumul d’activité sauf dérogation)

� L’obligation de discrétion professionnelle et de secret � L’obligation d’obéissance hiérarchique. Cela pose quand même un

problème de limites. → Doit-on obéir aux ordres illégaux ? la loi de 1983 reprend la jurisprudence selon

laquelle il faut obéir sauf si l’ordre est « manifestement illégale et de nature à compromettre gravement un intérêt public »

- procès PAPON

B- « Les droits du fonctionnaire employé » Ces droits sur la contrepartie de ces obligations professionnelles. Il y a les traitements pour les services actuels selon la règle du service fait qui se transforment en pensions de retraite.

C- Les droits du fonctionnaire citoyen

Ils ont toujours posé problème. Le fonctionnaire, en raison de la nature des fonctions, n’est pas tout à fait un salarié comme les autres. Mais, en tant que citoyen il a le droit au respect de ces libertés fondamentales. Il y a donc un équilibre à trouver.

� Les libertés d’opinion et d’expression La liberté d’opinion ne pose pas de problème. La loi de 1983 la réaffirme : « est prohibée toute distinction entre fonctionnaires en raison de leurs opinions politiques, syndicales, philosophiques ou religieuses ». La liberté d’expression est aussi reconnue mais le législateur a toujours évité d’en traiter parce qu’elle serait trop délicate à circonscrire. Si elle existe, c’est seulement hors du service mais avec une obligation de réserve. Dans le service, il n’y a pas de liberté et il y a même strict devoir de neutralité. Hors du service, la liberté est la règle. Le fonctionnaire peut exprimer, manifester ses opinions et même être candidat à des élections politiques. De par l’obligation de réserve, il faut cependant faire preuve d’une certaine retenue dans l’extériorisation des opinions.

→ Qu’est-ce que cette « retenue dans l’extériorisation » ? S’il n’y a pas de définition légale, c’est le type même de la notion fonctionnelle, la jurisprudence donne quelques repères. Tout d’abord, l’obligation varie selon que l’on exerce ou non des responsabilités syndicales. Ensuite, elle varie aussi d’après la nature des fonctions et le rang dans la hiérarchie.

- un magistrat a une obligation plus forte qu’un préposé des postes Il y a contrôle du juge (le droit français est en la matière plutôt libéral, peu de sanctions).

� Le droit de grève Il pose de nombreux problèmes complexes de par les répercussions sur le service public. Le droit de grève des fonctionnaires se heurte au principe de continuité du service public.

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Longtemps, le droit de grève n’a pas été reconnu aux fonctionnaires. Arrêt WINKELL de 1909 qui analyse le droit de grève comme un acte illicite, une rupture « du contrat de droit public » liant le fonctionnaire à l’administration. Même à cette époque, la référence à contrat était quelque peu hasardeuse parce que déjà on considérait que le fonctionnaire n’était pas lié par une situation contractuelle. L’idée de contrat a vite été abandonnée mais pas la condamnation de la grève.

L’évolution s’est faite en 2 temps : ♥ La constitution de 1946 : le droit de grève s’exerce dans le cadre

des lois qui le réglementent. On ne vise pas les fonctionnaires mais il n’y a pas de raison de les exclure. Le problème est alors qu’il n’y a pas de loi.

Arrêt DEHAENE de 1950. Le conseil d’État considère « quand l’état actuel de la législation, il appartient au gouvernement, responsable du bon fonctionnement des services publics, de fixer lui-même sous contrôle du juge (…) [les limitations qui doivent être apportées au droit de grève] en vue d’en éviter un usage abusif ou contraire aux nécessités de l’ordre public ».

! Belle illustration du pragmatisme et du réalisme de la jurisprudence administrative. L’alternative était la suivante : soit suspendre le droit de grève jusqu’aux lois, soit l’admettre sans limitation. Le conseil d’État écarte l’une et l’autre de ces solutions, et imagine une solution intermédiaire. Là où la constitution donne compétence au législateur, est admise intervention de l’autorité administrative. Cela est possible grâce à la jurisprudence JAMART sur les chefs de service. Depuis 1950, diverses lois sont intervenues : pour interdire la grève à certaines catégories de fonctionnaires.

- CRS, police, fonctionnaires de l’administration pénitentiaire, magistrats judiciaires. D’autres lois, organise l’exercice du droit de grève. Ainsi, la loi du 31 juillet 1963 qui exige notamment un préavis de cinq jours, qui formule aussi la règle du 30e indivisible ( = si on fait une grève moins d’une journée, on perd une journée de salaire). Ainsi encore d’autres lois organisent un service minimum pour les services de la sécurité de la navigation aérienne et pour le service public de la radiotélévision. À ce jour, il n’y a pas de loi prévoyant pour tous les services publics, un service minimum. En complément des lois intervenues, il y a toujours place, conformément à la jurisprudence DEHEANE pour des réglementations administratives. Ces réglementations résultent en principe de décret du premier ministre ou de règlements des chefs de service. Ces réglementations doivent réaliser « la conciliation nécessaire entre le droit de grève et la sauvegarde de l’intérêt général » ce qui permet de prendre des mesures susceptibles d’assurer un fonctionnement minimal du service. « Le droit de grève existe chaque fois que nous pouvant nuire à personne il n’est d’aucun secours pour ceux qui l’exercent » (Jean RIVERO). En la matière, c’est moins le droit qui compte que l’état des rapports de force.

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TITRE II

REGLES RELATIVES AUX

NORMES ADMINISTRATIVES

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INTRODUCTION S’il y a pour l’essentiel des règles différentes pour le contrat et l’acte unilatéral, il y a également des règles communes, des règles générales (compétence du juge administratif) mais aussi particulières.

- dans le cadre du contrôle des actes des collectivités, le déféré préfectoral (loi de 1982 vise indifféremment).

- Dans le cadre de la politique d’amélioration des rapports administration-administrés*, le droit d’accès aux documents administratifs tels que le consacre la loi du 17 juillet 1978.)

→ *Faut-il encore parler d’administrés, ou d’usagers, citoyen, clients, consommateurs (le conseil d’État applique aujourd’hui le code de la consommation en matière administrative) ?

La question se pose parce qu’il y a un certain flou révélateur de l’évolution de l’administration. On ne parle plus beaucoup d’administrés, on continue de parler d’usagers. Il est de plus en plus question de clients. Cette tendance se double d’une autre tendance, s’impose l’idée qui conduit à parler des citoyens. Cf. Loi DCitoyenRA. Pour être communicable, il faut selon l’interprétation jurisprudentielle que les documents soient administratifs c’est-à-dire qu’ils relèvent en cas de litige du contentieux administratif.

- exclut les contrats de droit privé de l’administration, et inclut les documents des organismes privés, « des organismes, fussent-ils de droit privé, chargés de la gestion d’un service publics ».

Parmi les documents administratifs, la loi dans sa rédaction initiale distingue deux catégories de documents :

♥ les documents de caractère non nominatif dont l’accès très largement ouvert, qui sont très divers (norme, avis, circulaires, etc.) ; qu’il s’agisse de documents écrits ou non (enregistrement sonore, etc.). ! S’agissant des avis, il est fait exception des avis du conseil d’État, des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, ils sont en principe secrets (sauf s’il y a des fuites ou que le destinataire est d’accord).

♥ Les documents non nominatifs dont l’accès réservé aux personnes concernées.

- copies d’examen. Il s’est révélé difficile de distinguer entre les deux catégories. La jurisprudence a distingué ce qui est nominatif – adresse, date de naissance et en contractant – de ce qui ne l’étaient pas (nom, prénoms des cocontractants). La loi DCRA du 12 avril 2000 à supprimer la référence au caractère nominatif ou non. Toutefois, elle précise que ne sont communicables qu’à l’intéressé les documents « portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique nommément désignée ou facilement identifiable ». Il en va de même si cela fait apparaître un comportement dont la divulgation pour lui porter préjudice. Pour le secret médical cette loi a précisait encore que le communiqué ne peut se faire que par l’intermédiaire d’un médecin. Depuis, la loi du 4 mars 2002 (relative aux droits des malades), l’accès est directe sauf si on désigne un praticien. En cas de refus de communication d’un document, l’administrée peut saisir dans les deux mois qui suivent le refus, la commission d’accès aux documents administratifs (CADA). Il s’agit d’une AAI qui compte 36 membres : différents aux fonctionnaires, un député, un sénateur et un conseiller d’État qui préside la commission. Ce n’est qu’un organisme consultatif. Dans le mois de la saisine, elle formule un avis sur le caractère communicable ou non du document. Elle est le préalable à la saisine du juge. La loi DCRA a étendu les compétences de la CADA. Pour l’essentiel, on notera trois extensions :

� la CADA peut donner un avis sur le caractère communicable de documents administratifs résultant de traitement automatisé d’informations nominatives (fichier) qui jusque-là relevaient de la seule

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loi du 6 janvier 1978 sur l’informatique, les fichiers, la liberté ( a crée le CNIL).

� La CADA peut également donner un avis en matière d’archives publiques. Pour ces archives, il y a une autre loi (que celle de 1978) du 3 janvier 1979 qui organise la communication publique : elle fixe un délai de droit commun de 30 ans, ou plus pour certains (=) années 90, beaucoup de problèmes avec les archives de Vichy). Dans les années 90, on a voulu créer une autre AAI mais pour éviter la multiplication on a rattaché à la CADA.

� La CADA peut donner un avis sur la plupart des documents administratifs dont l’accès régi par des dispositions spéciales (il y a des exceptions). La loi du 9 décembre 2000 de simplification du droit, dans son article 1er autorise le gouvernement à intervenir par voie d’ordonnance pour compléter ou modifier la loi du 17 juillet 1978 (// dématérialisation de l’administration change la doctrine)

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Chapitre 1

LE CONTRAT ADMINISTRATIF

SECTION 1- LA FORMATION DU CONTRAT Il existe des règles qui pour l’essentiel, sont fixées par des textes. Il y a eu depuis une vingtaine d’années multiplication de ces textes (on est dans le domaine où il y a le plus d’inflation législative).

○ décret du 7 mars 2001 portant réforme sur le code des marchés publics ○ loi du 11 mars 2001 (MURCEF : mesures urgentes de réforme à caractère

économique et financier) sur les conventions de délégations de service public et qui dit que les marchés publics sont des contrats administratifs

○ décret du 7 janvier 2004 portant code des marchés publics et qui abroge le précédent et fixe de nouvelles règles ; décret publié au journal officiel du 8 accompagnés « d’une circulaire portant manuelle d’application du code des marchés publics ».

○ article 6 de la loi du 2 juillet 2003 habilitant le gouvernement a simplifié le droit autorise à créer « de nouvelles formes de contrats » (contrats globaux confiant au cocontractant une mission portant sur le financement, la réalisation, l’exploitation d’ouvrages moyennant rémunération versée par la collectivité contractante). En est résulté l’ordonnance du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat.

○ Décret du 26 novembre 2004. Pour l’essentiel il supprime toutes mesures de publicité et de mise en concurrence pour les marchés < 4000 euro. A première vue c’est simplificateur. Mais le code dit encore que les marché quel que soit leur montant doivent respecter les mesures de publicité et de concurrence. Cela semble de nature à faire réapparaître des pratiques corruptibles.

Cela pose problème au niveau de la jurisprudence européenne. D’autres textes sont annoncés :

○ loi de simplification du 9 décembre 2004 autorise à adopter par ordonnance un code de la commande publique, qui devrait concerner tous les contrats publics.

○ Deux nouvelles directives communautaires sont intervenues en 2004 et doivent transposer avant le 31 janvier 2006.

Cette pression du droit communautaire ne date pas d’aujourd’hui mais des années 1988 – 89. Elle est pour une large partie à l’origine de la multiplication des textes, de la modification du droit. À cela, s’est ajouté une volonté de renforcer les contrôles dans le cadre de la lutte anticorruption.

I. La transposition des directives communautaires et la prévention de la corruption

Il s’agit d’abord de directives adoptées en matière de marchés publics pour assurer

le respect des principes de non-discrimination et de libre circulation. S’il n’y avait rien dans le traité de Rome sur les marchés publics ; c’est la logique même de ce traité de s’y intéresser et de les régir en particulier (on ne vise, pour l’essentiel, que les conditions dans lesquelles les contrats sont passés : il faut qu’il y ait concurrence, que les ressortissants des autres états ne soient pas a priori exclus).

Quatre de ces directives intervenues entre 1989 et 1992 ont été transposés par quatre lois.

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☺ Loi du 3 janvier 1991 relative à la transparence et à la régularité des procédures de marché et souhaitant la passation de certains contrats à des règles de publicité et de mise en concurrence.

☺ La loi du 4 janvier 1992 relative au recours en cas de violation des règles éditées par la précédente.

☺ Loi du 11 décembre 1992 relative à certains contrats dans les secteurs (dit « exclus » ou « spéciaux ») de l’eau, de l’énergie, des transports et des télécommunications. Si ces quatre secteurs peuvent paraître hétéroclites, ils ont en commun d’avoir toujours au sein des états membres, été traités à part, ils correspondent aux industries en réseau. Les états ont toujours plus ou moins concédé des contrats exclusifs d’exploitation (monopole).

☺ La loi du 29 décembre 1993 relative au recours en matière de secteurs exclus. ! Au vu des ces lois, étonnant que le code résulte d’un décret. Selon un arrêt du conseil d’État de 2003, Ordre des avocats à la cour de Paris, cela vient tout à la fois de l’article 34 de la constitution qui n’exige pas de loi pour les marchés de l’État et d’un décret-loi de 1938 qui donnent compétence au pouvoir réglementaire pour étendre au marché des collectivités des dispositions applicables aux marchés de l’État. Il en ressort que les critères communautaires des marchés ne sont pas exactement ceux du droit interne. Il peut s’agir de contrats passés par des personnes privées dès lors que celles-ci sont soumises à l’influence des pouvoirs publics : le critère organique est ignoré (plus floues, souple). Les règles communautaires s’appliquent tout à la fois aux marchés publics et à certains contrats de droit privé concluent entre des personnes de droit privé. Le droit communautaire s’applique par-delà des marchés publics.

D’autres règles résultent de la loi anticorruption du 29 janvier 1993 (loi Sapin). Elles étendent des principes de publicité et de mise en concurrence contenue dans le code des marchés publics à des contrats qui n’en relèvent pas.

- par exemple, sont visés les contrats de SEM et de SA d’HLM. Elle institue également une procédure d’appel d’offres pour les conventions de délégations de service public.

Les deux directives du 31 mars 2004 (a transposé avant le 31 janvier 2006) remplacent les précédentes. L’une est générale et porte sur la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux de fournitures et des services. L’autre et relative aux marchés dans les secteurs de l’eau, de l’énergie des transports et des services postaux. Il s’agit d’améliorer la situation, les échanges transfrontaliers.

- ces dernières années, seuls 7 % des marchés donnent lieu à une publicité au niveau communautaire. Il n’y a guère que 3 % des contrats qui sont conclus avec des entreprises d’autres états.

D’ores et déjà, l’ordonnance sur les contrats de partenariat fait application des nouvelles règles.

Arrêt du conseil d’État, 29 octobre 2003, SUEUR : était contestée l’ordonnance sur les contrats de partenariat.

Conclusion : s’impose « un droit commun de la commande publique » (conseil constitutionnel, décision du 26 juin 2003 relative à la loi habitant le gouvernement simplifier le droit). Des articles 6 et 14 DDHC découlent divers principes de valeurs constitutionnelles qui sont ceux « rappelés à l’article premier du code des marchés publics ». « Les marchés publics respectent les principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures » (article 1 du code des marchés publics). Le lien avec la DDHC est très indirect. Il est ajouté « l’efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publiques sont assurés par la définition préalable des besoins, le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence, ainsi que par le choix de l’offre économiquement la plus avantageuse ». En matière de marchés publics, on choisit toujours le « mieux-disant » et non le « moins-disant » ce qui explique la disparition de l’adjudication. Des principes comparables existent en droit

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communautaire, que la cour de justice des communautés européennes fait découler du principe de non-discrimination.

II. Le choix du cocontractant Des problèmes de compétences peuvent se poser car il faut déterminer l’autorité administrative qui pourra signer le contrat, ce que le code appelle « personne responsable des marchés » (PRM). Pour l’État, en principe ce sont les ministres sous réserve de délégation. Pour les autres personnes publiques, ce sont les organes exécutifs qui interviennent avec là aussi possibilité de délégation. Cette compétence peut être subordonnée soit à l’autorisation préalable de l’organe délibérant (conseil municipal par exemple), soit exceptionnellement à l’approbation de l’autorité de tutelle.

Arrêt MARTIN de 1905 : depuis cet arrêt, tous les actes unilatéraux pris par les autorités compétentes relatives à la formation des contrats (l’autorisation), s’analysent comme des actes détachables susceptibles de REP. D’où le problème :

→ Comment tirer les conséquences de tels actes détachables ? Il y a à cet égard de règles :

� En principe, l’annulation est sans conséquence sur le contrat � S’il est saisit par l’une des parties d’un litige relatif à l’exécution du

contrat, le juge du contrat ne peut qu’en tirer les conséquences. → Le problème est alors de faire en sorte qu’il y ait saisine du contrat.

Arrêt LOPEZ, 1994 : le conseil d’État a jugé que, suite à une annulation pour détournement de pouvoir d’une délibération autorisant la passation d’un contrat, il appartient à la collectivité publique, à défaut d’y être parvenu par d’autres voies, de saisir le juge afin qu’il tire les conséquences.

Arrêt SOCIETE HERTZ France, 1999 : le conseil d’État usant des pouvoirs que le reconnaît la loi du 8 février 1995, enjoint à l’autorité mise en cause de provoquer la résolution du contrat.

Le cocontractant peut être une personne privée ou publique. S’il y a toujours eu des contrats entre personne publique, c’est nouveau en matière de marchés publics. De même, en matière de services publics.

Arrêt du 16 octobre 2000, compagnie méditerranéenne exploitation des services d’eaux. Il est confirmé qu’un service public peut se porter candidat des personnes privées mais aussi des personnes publiques.

S’applique aux contrats comme aux actes unilatéraux, sous contrôle du juge administratif, le droit de la concurrence.

Arrêt Société des Million et Marais, 1996 : était en cause un contrat de concession conférant un droit exclusif sur la prestation à la société des pompes funèbres générales.

A- Le choix en cas de marchés publics

Outre les personnes responsables du marché, intervient très souvent une commission d’appel d’offre. Pour l’État, elle formule un avis et c’est la PRM qui attribue le marché (fonction consultative). Pour les collectivités, c’est la commission qui attribue le marché. Il n’y a pas toujours d’appel d’offres. Selon l’article 3 du décret de 2004, l’appel d’offres est « la procédure par laquelle la personne publique choisit l’offre économiquement la plus avantageuse, sans négociations, sur la base de critères objectifs préalablement portés à la connaissance des candidats ». A défaut, s’il n’y a pas appel d’offres, il y a ce que le même code appel « procédure négociée ». Le choix est fait après consultation des candidats et négociations des candidats au marché.

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En toute hypothèse, sauf depuis le décret du 26 novembre 2004 pour les marchés < 4000 €, doit tout d’abord être fait une publicité. Les exigences varient selon le montant du marché.

○ en dessous du seuil de 90 000 € HT, il faut « une publicité adaptée et suffisante ».

○ entre 90 000 € et le seuil communautaire, il faut procéder à une publicité déterminée par le code.

○ Au-dessus du seuil communautaire, il faut une publicité nationale et européenne. C’est seuils sont 250 000 euruo pour l’État et de 230 000 euro pour les communautés s’il s’agit de fourniture de services.

○ Pour les marchés de travaux, le seuil de 5,5 millions d’euros. En dessous, il n’y a pas de publicité européenne.

Sauf depuis le décret de 2004, pour les marchés < 4000 €, il faut faire une mise en concurrence :

○ au-dessus des seuils communautaires (si marchés de fourniture de services) : 150 millions pour l’État et de 150 000 € pour les collectivités

○ Si marchés de travaux : le seuil et de 250 000 €. L’appel d’offres est en principe la procédure de droit commun. La procédure négociée est possible dans des cas énumérés. En dessous de ce seuil communautaire, les marchés sont conclus selon une procédure adaptée. Différentes procédures particulières sont aussi prévues dont celle qui est dite du « dialogue compétitif ». Sont visées des marchés complexes (important, etc.) où la personne publique n’est pas encore en mesure de définir ses besoins. Pour les nouveaux contrats de partenariat, l’ordonnance du 17 juin 2004 prévoit deux des procédures applicables aux marchés publics : celle du dialogue compétitif et en cas d’urgence l’appel d’offres (plus rapide).

B- Le choix en cas de délégations de service public Lorsqu’un service public doit être confié à une personne publique ou privée, la loi anticorruption oblige la personne publique a engagé une procédure en deux temps :

1. elle doit assurer la publicité de ce projet de façon a provoqué la mise en concurrence

2. elle doit établir la liste des candidats admis à présenter des offres et adresser à chacun un document donnant toute précision sur le service à assurer.

S’il s’agit de services publics locaux, la loi prévoit en plus l’intervention d’une commission composée d’élus de la collectivité. Cette commission donne un avis sur les offres avant que la décision ne soit réellement engagée. Depuis la loi MURCEF du 11 décembre 2001, cette commission dresse la liste des candidats admis à présenter une offre. Au terme de cette procédure, le principe reste celui de la liberté de choix du délégataire.

III. Les contentieux précontractuel. Ce sont les contentieux antérieurs à la conclusion de contrats en vertu des directives communautaires. Ils se sont ajoutés au contentieux a posteriori. Ils permettent à des tiers de s’immiscer dans la formation d’un contrat. L’objectif visé est d’éviter que la violation des règles communautaires ne se résolve uniquement après la conclusion du contrat par des dommages et intérêts. Ces directives laissaient aux états la possibilité de confier la procédure de recours soit à une juridiction soit à l’administration. La loi du 4 janvier 1992 institue deux types de recours :

♥ L’un ouvert devant les juridictions judiciaires pour les contrats de droit privé

♥ L’autre devant le juge administratif pour les marchés relevant du droit public.

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Dans les deux cas, les recours se portent devant le président de la juridiction (TGI, TA) lesquels statuent en premier et dernier ressort en la forme d’un référé « préjudiciel au principal » (statuer au fond). En effet, s’il ne peut pas octroyer des dommages et intérêts, il peut rendre d’une part des mesures provisoires (injonction à la personne mise en cause de se conformer à ses obligations, suspension de la procédure, etc.) et d’autre part des mesures d’annulation. Alors qu’en 1992, seul pouvait être invoquée la violation du droit communautaire, la loi anticorruption du 29 janvier 1993 l’a étendue la procédure à la violation de toutes les règles de passation des marchés ; elle l‘a étendue aussi aux conventions de délégations de service public. La loi du 30 décembre 1993 institue quant à elle deux autres types de recours pour les contrats passés dans les secteurs dits « exclus ». Le dispositif n’est pas tout à fait le même : le juge, judiciaires ou administratifs, peut toujours avant la conclusion du contrat, ordonner à l’auteur du manquement de se conformer à ses obligations (injonction). Mais, il est précisé dans la loi, qu’il peut seulement prononcer une astreinte provisoire ou si le manquement n’est pas corrigé, une astreinte définitive. Apparaît ici, une nouvelle possibilité d’astreinte (avant la loi de 1995) mais il n’est pas question de suspendre la passation d’un contrat.

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SECTION 2- L’EXECUTION DU CONTRAT Il existe niveau de l’exécution du contrat, des règles essentiellement jurisprudentielles. Ces règles se caractérisent surtout par l’importance des pouvoirs conférés à l’administration.

I. Les prérogatives de l’Administration

A- Le pouvoir de modification unilatéral

Le pouvoir de modifications unilatérales existe et se justifie par l’exigence de l’intérêt général. À l’origine de sa reconnaissance, deux arrêts concernant la concession :

Arrêts compagnie nouvelle du gaz de Deville les Rouen, 1902 : relatif aux conflits des gaziers et des électriciens. La commune avait concédé le monopole de l’éclairage à une compagnie de gaz. Mais se développe éclairage électrique. =) que faire ? Le conseil d’État admet que l’éclairage pour être concédé un tiers, si la compagnie après mise en demeure refuse s’en charger (éclairage électrique).

Cet arrêt montre la nécessité d’une certaine mutabilité du contrat mais il n’y a pas reconnaissance expresse du pouvoir de modification.

Arrêt compagnie générale française des tramways, 1910 : le préfet avait imposé à la compagnie, au nom de l’État, d’augmenter le nombre de rames pour satisfaire les besoins de la population. Le conseil d’État reconnaît au préfet ce pouvoir, plus précisément « de prescrire les modifications et les additions nécessaires pour assurer dans l’intérêt du public la marche normale du service ».

Ce pouvoir de modifications reste limité. Il n’est pas discrétionnaire, il est conditionné par des changements de circonstance et il ne vise qu’à la seule satisfaction de l’intérêt général. Il ne peut aller jusqu’à changer l’objet du contrat ou « en bouleverser l’économie ». Il ne s’applique jamais aux clauses financières. S’il cause un préjudice, le cocontractant a le droit à une indemnité.

Malgré ses limites, on s’est toujours plus ou moins interrogé sur sa portée. Deux types d’analyses sont susceptibles d’être faites :

☺ Il est possible de considérer qu’il y a dérogation à l’article 1134 du Code civil. Par conséquent, ce qui caractérise le contrat administratif est sa mutabilité.

☺ D’autres sont plus nuancés et soulignent que s’il n’y a pas intangibilité ; il n’y a pas non plus principe de mutabilité car ce serait nier la logique contractuelle.

B- Le pouvoir de résiliation

C’est en plus radical le complément des pouvoirs de modification. S’il ne suffit plus de procéder à des aménagements, si le contrat ne convient plus aux besoins du service public, il peut être résilié. En cas de préjudice, le cocontractant a droit à indemnisation.

C- Les pouvoirs de contrôle, de direction et sanction

L’administration peut à tout moment exiger des renseignements, faire toute vérification sur l’exécution du contrat.

Elle peut aussi imposer certaines modalités d’exécution non prévue au contrat. - fixer l’ordre des opérations, fixé l’utilisation de procéder etc.

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En cas de méconnaissance des clauses ou d’inobservation des instructions, l’administration peut infliger elles-mêmes des sanctions, sans avoir à saisir le juge et après simple mise en demeure, même si le contrat ne le prévoit pas. Trois types de sanctions existent :

� pécuniaire � coercitive : il s’agit de faire en sorte que le contrat soit quand même

exécuté. L’administration exécute ou fait faire à la charge cocontractant défaillant.

� résolutoire : il s’agit en cas de faute grave de résilier le contrat ( ! # du pouvoir de résiliation). Il y a des exceptions au pouvoir de résiliation pour faute. Ainsi, en matière de concession, la « déchéance du concessionnaire » ne peut (sauf si le contrat le prévoit) être prononcée que par le juge sur demande de l’administration.

II. Les obligations du cocontractant

A- L’obligation d’exécution personnelle

Le cocontractant (de l’administration) ne peut être dispensé de ses

obligations que par la force majeure. Il ne peut en décider lui-même. En effet, contrairement à l’administration il n’y a pas de pouvoir d’action unilatérale. Il ne peut donc que saisir le juge. Trois conditions sont exigées :

1. le fait invoqué doit avoir été indépendant de la volonté du cocontractant 2. le fait invoqué doit n’avoir pu être prévu ou empêché 3. le fait invoqué pour l’exécution du contrat impossible.

Arrêt compagnie des messageries maritimes, 1909 concernant la grève du personnel d’une concession que le conseil d’État reconnaît comme force majeur ( ! histoire particulière).

Le caractère personnel de l’obligation a longtemps posé un problème : celui de la cession du contrat et de la sous-traitance. Aujourd’hui, la cession est possible mais sur autorisation expresse de l’administration. Pour la sous-traitance, il faut tout à la fois acceptation du sous-traitant et l’agrément des conditions prévues pour sa rémunération. Ce sous-traitant a droit à être rémunéré directement par l’administration (cela permet de garantir en cas de défaillance du partenaire de l’administration). La loi MURCEF précise que la possibilité de paiement direct est réservée aux sous-traitants de premier rang (exclusion des sous-traitants de sous-traitants). La même loi interdit d’ailleurs, la sous-traitance de la totalité du marché public.

B- Le droit au paiement du prix et à l’équilibre financier

Outre le paiement initialement prévu, il y a droit pour le cocontractant à rémunération intégrale des prestations supplémentaires (v. arrêt de 1910 : tout en reconnaissant le droit de modification, il avait le droit à l’équilibre financier).

Au nom du même droit à l’équilibre financier, il peut y avoir rémunération de sujétions imprévues.

- travaux : aléas d’ordre technique : difficultés non prévues comme la composition géologique du sol.

Il appartient au cocontractant de prouver qu’il s’agit de difficultés anormales, exceptionnelle, imprévisible et bouleversant l’économie du contrat. L’indemnisation n’est pas automatiquement intégrale. Dans la jurisprudence, le plus souvent il y a partage des responsabilités.

C- Le droit à indemnisation en cas de « fait du prince »

C’est une expression peu claire. On trouve au moins trois définitions du « fait du prince » :

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� Une conception extensive : où cela désigne l’ensemble des interventions de personnes publiques touchant à l’équilibre contractuel initial (cocontractant, législateur qui modifie la fiscalité etc.).

� Une conception intermédiaire où l’on vise les mesures prises par la personne publique contractante

� Une conception restrictive où l’on ne vise que certaines des mesures prises par la personne publique contractante, celles qu’elle prend en agissant en qualité autre que celle de puissance contractante.

- création par un maire, agissant comme autorités de police, d’un sens interdit qui a pour effet d’allonger le parcours des véhicules d’une concession de transport.

De ces trois conceptions, la dernière est la plus rigoureuse et c’est sûrement elle qui est retenue par la jurisprudence. Dans cette conception, le fait du prince est légal ; n’empêche pas l’administration d’exercer ses pouvoirs à condition que ce ne soit pas irrégulier. Ce fait du prince peut donner lieu à indemnité. La jurisprudence est rare et réputée « difficile à interpréter ». Lorsque le cocontractant est seul atteint, il semble y avoir indemnisation intégrale. Quand au contraire, le fait du prince a une portée générale, concerne l’ensemble des contrats, le principe d’absence d’indemnité prévaut.

D- Le droit à indemnisation en cas d’imprévisions

Il s’agit d’une construction jurisprudentielle qui prolonge celle des sujétions imprévues. Elle est née dans le contentieux des services locaux à la suite de la guerre 1914 – 18. Aujourd’hui, elle subsiste et s’applique quel que soit les contrats. A l’origine de cette construction, il y a :

un arrêt compagnie général d’éclairage de Bordeaux, de 1916. il s’agissait d’une concession d’éclairage au gaz qui utilisait du charbon dont le prix du fait de la guerre avait été multiplié par trois en deux ans. Par conséquent, il demandait que la ville supporte les conséquences de ses charges. D’un côté, logique contractuelle. Mais d’un autre côté, il y avait nécessité d’assurer la continuité du service public. Tout en admettant une indemnisation, le conseil d’État a fixé les conditions pour que joue cette théorie de l’imprévision :

→ il faut des événements extérieurs, complètement indépendants de la volonté des parties.

→ Il faut que ces événements « bouleversent l’économie du contrat »

→ Il faut que ces événements aient été imprévisibles au moment où le contrat a été signé.

L’indemnité ne couvre pas l’intégralité des charges nouvelles. Elle vise à assurer la continuité du service public, à permettre au cocontractant de traverser une période difficile. Mais elle tend aussi à un partage des charges.

L’indemnité ne doit être qu’un expédiant provisoire en attendant un retour à la normale. Il s’ensuit que le cocontractant n’est jamais dispensé de ses obligations. S’il s’arrête, il commet une faute pouvant donner lieu à une sanction. Toutefois lorsque le retour à la normale s’avère impossible, la prévision se transforme en cas de forces majeures justifiant la résiliation.

compagnie des tramways de Cherbourg, 1932.

III. Le contentieux contractuel Il y a deux règles : En principe, le juge du contrat, n’accepte pas les recours en annulation dirigée contre les actes d’exécution d’un contrat (ces actes ouvrent seulement, s’il y a contentieux, à des dommages et intérêts). C’est une règle que l’on n’explique guère. « Il est parfaitement inutile de chercher une explication juridique (…) [il s’agit d’un] principe séculaire, irrationnel est insatisfaisant » (Chapus).

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Il y a des exceptions : une traditionnelle, qui concerne les décisions de résilier certains contrats ; l’autre, plus récente a été consacrée par l’arrêt commune d’Ivry-sur-Seine de 1992. Cette exception concerne les contrats conclus entre deux personnes publiques ayant pour objet l’organisation d’un service public. Sauf exception (concernant notamment les actes réglementaires) les actes d’exécution d’un contrat ne peuvent être pour le cocontractant, considérés comme détachable (susceptibles d’un recours pour excès de pouvoir). Il en va autrement pour les tiers. Les tiers, n’ayant pas accès au contentieux contractuel, peuvent faire recours pour excès de pouvoir. Un même acte pour le cocontractant va être justiciable contractuel et pour un tiers pourra faire l’objet d’un REP.

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Chapitre 2

L’ACTE UNILATERAL

SECTION 1- L’ELABORATION DE L’ACTE UNILATERAL

I. L’analyse de l’acte L’expression « acte unilatéral » prend deux sens différents :

♥ Elle peut désigner la norme elle-même (un certain contenu) ♥ Elle peut désigner l’opération formatrice : elle vise alors, outre

le contenu, tout ce qui intervient pour l’élaboration de la norme. Au second sens de l’expression, l’acte unilatéral peut se découper en 7 éléments : - Contenu, - Auteur, - Procédure (l’ensemble des opérations qui interviennent pour la préparation de

la décision et pour son entrée en vigueur), - la forme (l’ensemble des indications portées sur l’acte, présentation du

document avant l’énoncé du contenu mais aussi avec différentes mentions qui renvoient aux autres éléments =) motivation, écrire les motifs sur l’acte, etc.) ;

- les motifs, les conditions de fond de l’acte ; il s’agit de l’ensemble des données de fait extérieures et antérieures à l’acte qui le rendent nécessaires ou du moins possible ; les raisons de fait ou de droit.

- le but, le mobile : objectifs visés par l’auteur, élément psychologique difficile à cerner qui fait néanmoins l’objet de règles.

- le lieu et le moment. En un lieu et à un moment donné, au vu de motifs et dans un certain but, un auteur décide d’un certain contenu, selon une procédure et avec des formes : c’est l’opération normatives (représentation du droits de la réalité).

Chacun des éléments distingués peut faire l’objet de règles qui s’imposent à l’administration sous contrôle du juge de l’excès de pouvoir. Ces règles se répartissent en deux blocs. Tout d’abord, la légalité externe avec tout ce qui concerne l’auteur de l’acte, sa procédure et sa forme. Ces éléments sont dits externes car il vise la façon dont on décide et non ce qui est décidé. Ensuite, la légalité interne avec tout ce qui concerne le contenu, les motifs et buts de l’acte. Si les deux expressions sont consacrées, notamment par le juge, elles sont impropres et inexactes car visent toutes les normes. N’apparaissent pas, les coordonnées spatiaux temporels ; c’est parce qu’il n’y a pas à leur propos de règles spécifiques. Le lieu est indifférent. Quant au moment, s’il est essentiel (notamment parce qu’il fixe dans le temps un point pour apprécier le droit et les faits applicables) et s’il y a des règles qu’il détermine (fixe le délai pour agir,…) ce sont :

☺ Soit des règles de procédure - délai fixé pour la durée des enquêtes publiques

☺ Soit des règles de compétence - article 38 de la constitution, compétence du gouvernement, peut agir certain

délai.

II. La légalité externe

A- Règles relatives à l’auteur de l’acte (règles de compétence).

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L’autorité compétente pour prendre une décision est aussi compétente, même en l’absence de texte, pour modifier ou abroger : règle du parallélisme des compétences.

En cas d’absence, d’empêchement de l’autorité compétente, il peut y avoir suppléance ou intérim. La suppléance prévue est organisée par un texte alors que l’intérim ne l’est pas mais est décidée par l’autorité supérieure. Si la suppléance tend à être automatique, ce n’est pas le cas de l’intérim.

- suppléance : remplacement du président de la république par le président du Sénat - intérim : remplacement du premier ministre en son absence par un ministre

Il peut y avoir délégation des compétences. Elles sont de deux sortes : ♥ la délégation de pouvoirs consentis à une autorité désignée de

façon abstraite (indépendamment de la personne) et réalise un véritables transferts juridiques compétences. Le délégataire prendra en son propre nom, des actes qui se situeront à son rang dans la hiérarchie administrative. L’auteur de la délégation est dessaisi.

♥ La délégation de signature consentie à une autorité nominativement désignée et donc elle ne fait que décharger le démettant de l’exercice d’une compétence qui est la sienne et qu’il peut continuer d’exercer. Cette délégation cesse dés qu’il y a changement dans la personne du délégataire.

Si les règles de compétence sont très strictes, sont rigoureusement contrôlées, il y a malgré tout des assouplissements, des aménagements possibles.

B- Règles relatives à la procédure (précédant l’acte)

Ce sont des règles non codifiées. Il y a en la matière un mélange de texte, de jurisprudence. Ce qui est source de complexité. C’est souvent très critiqué : on dit qu’il manque un code de procédure administrative non contentieuses. Prochainement, cela pourrait changer parce que la loi de simplification de droits du 9 décembre 2004, en son article 84 autorise à adopter par ordonnance un code de l’administration. C’est un code qui devrait être destiné aux usagers et qui devrait regrouper tout ce qui concerne les procédures et structures administratives. Il est en chantier depuis 1995…

Il y a d’abord des règles qui organisent des consultations pour avis. Elles régissent les organismes consultatifs et les modalités de leur consultation. Elles précisent aussi les effets de la consultation. Trois hypothèses sont à distinguer : Soit la consultation est facultatif et l’autorité compétente à une entière liberté de décision Soit la consultation est obligatoire et il faut prendre l’avis sans être tenu de le suivre. Selon la jurisprudence du conseil d’État, il suffit en principe, que la consultation ait portée sur l’ensemble du problème. Seules sont exclues les questions véritablement nouvelles. Il en va autrement pour les avis du conseil d’État. La jurisprudence est beaucoup plus rigoureuse car c’est le texte même du gouvernement ou celui du conseil d’État qui doit être adopté. Si le gouvernement veut changer, il faut refaire la consultation. Le conseil constitutionnel, dans sa décision du 3 avril 2003, sur l’élection des conseils régionaux a estimé que la consultation du conseil d’État sur un projet de loi doit avoir porté sur « l’ensemble des questions posées par le texte adopté par le conseil des ministres ». En excluant seulement les questions nouvelles, le conseil constitutionnel applique aux avis du conseil d’État sur les projets de loi, une règle que le conseil d’État écarte lorsqu’il s’agit des avis rendus sur des projets de décrets. Soit la consultation, tout en étant obligatoire, est aussi destinée à recueillir l’avis conforme. C’est beaucoup plus exceptionnel en droit administratif. D’autres règles imposent des procédures contradictoires (TROMPIER- GRAVIER, ARAMU =) à propos de décision ayant le caractère de sanctions, est consacré le principe du droit de la défense).

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La jurisprudence n’a pas limité le principe aux seules sanctions. Normalement, sont concernées toutes les décisions qui ont un caractère de gravité suffisant et sont prises en fonction du comportement de la personne. S’est ajouté l’article 8 du décret du 28 novembre 1983 selon lequel les décisions de l’État et des établissements publics qui doivent être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979, ne peuvent intervenir « qu’après que l’intéressé ait été mis à même de présenter des obligations écrites » (décisions autres que celles qui font suite à une demande). Même s’il y a des exceptions (cas d’urgence, circonstances exceptionnelles, nécessité de l’autre public) le champ d’application de ce texte est plus large que celui de la jurisprudence.

- Par exemple, les mesures de police que la jurisprudence jusque-là excluait, peuvent être visées (//développement sur la motivation).

L’intéressé doit aussi pouvoir s’il le demande être entendu. L’article 24 de la loi DCRA du 12 avril 2000 a confirmé en la matière le décret de 1983. Du même coup, compte tenu du champ d’application plus large de cette loi, il en a étendu la portée. S’ajoutent encore deux règles générales :

� règle dite de l’examen particulier des circonstances selon laquelle toute décision non réglementaire ne peut être prise qu’après un examen réel et complet des données propres a l’affaire. Mais la directive ne dispense pas d’appliquer chaque cas particulier (arrêt crédit foncier de France)

� Règles du parallélisme des procédures (comparable à celle qui vaut pour la compétence) : pour les actes réglementaires, des procédures obligatoires lors de l’édiction s’imposent en principe pour la modification et pour l’abrogation. Pour les actes non réglementaires, ce n’est pas automatique : il faut voir si ce qui justifie la procédure lors de l’édiction reste ensuite utile.

- les garanties procédurales qui valent pour la nomination d’un fonctionnaire, ne sont pas utiles pour mettre fin à ses fonctions

Se sont ajoutées (depuis 25 – 30 ans) diverses règles d’amélioration des procédures : la loi DCRA en rappelle et en précise. Toute personne tenue de respecter une date limite ou un délai pour présenter une demande, déposer une déclaration, exécuter un paiement, prendre un document etc. peut satisfaire à cette obligation au plus tard à la date prescrite au moyen d’un envoi postal, le cachet de la poste faisant foi, ou d’un procédé télématique ou informatique permettant de certifier la date d’envoi. Toute demande fait l’objet d’un accusé de réception qui doit comporter certaines mentions. Selon un décret de l’application du 6 juin 2001, doit par exemple être mentionné le délai à l’expiration duquel à défaut de décision expresse la demande sera réputée acceptée ou rejetée. De même, doivent être précisé les délais et les voies de recours contre une décision implicite de rejet. Lorsqu’une demande est adressée à une autorité incompétente, celle-ci doit la transmettre à l’autorité compétente. D’autres mesures peuvent être prises aujourd’hui par voie d’ordonnance en vertu de la loi de simplification du droit : la loi du 2 juillet 2003 et la loi du 2 décembre 2004 : l’article 1 créé le conseil d’orientation de la simplification administrative (COSA) ; l’article 2 fixe les objectifs à atteindre. L’amélioration va de plus en plus de pair avec la généralisation des téléprocédures (dématérialisation) parallèlement au développement des sites Internet publics. Tend à se mettre en place une « administration a accès pluriel ». Il ne s’agit pas de faire tout l’un ou tout l’autre, mais de multiplier les accès et procédures.

C- Règles relatives à la forme

Le droit administratif n’est pas formaliste, s’impose la liberté des formes. Il n’y a pas par exemple de règles relatives aux visas (= mention sur un acte, de tous les actes antécédents). S’il est d’usage de les mentionner, il n’est jamais obligatoire. Cela

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a deux conséquences : puisque ce n’est pas obligatoire, une erreur dans les visas ne constitue pas une irrégularité (peu importe que l’on vise un texte ou un autre, ce qui compte est le texte effectivement appliqué). Le visa ne qualifie pas l’acte.

Arrêt FRAMPAR, 1960 : alors même qu’un préfet avait visé un texte relatif à la police judiciaire, le conseil d’État considère qu’au vu de l’acte, il s’agit en fait d’un acte de police administrative.

De manière générale, cette absence de formalisme se justifie par l’idée que ce qui compte c’est le fond et non les formes. Cela n’empêche pas que la forme peut être essentielle.

- circulaire du premier ministre du 30 janvier 1997 : elle fait de la forme des actes d’améliorer la qualité juridique des textes et faciliter leur bonne compréhension par les administrés. « la rédaction (…) doit être clair, sobre, et grammaticalement correcte (…) les mots employés du vocabulaire juridique doivent être utilisés dans leur bon sens »

Outre les règles relatives contreseing ministériels, il y a malgré tout (article 19 et 22 de la constitution) :

○ obligation de signature des actes par leur auteur ○ obligation de motivation de certains actes

La motivation est pour l’essentiel régi par la loi du 11 juillet 1977 (telle que complétée par une loi de 1986). Le conseil d’État estime que cette loi n’a pas remis en cause le principe de non motivation. Ce principe subsiste en dehors des cas visés par cette loi, d’autres textes et la jurisprudence. Cette loi n’est pas la seule à imposer une motivation : il est aussi les textes et jurisprudences. - CGCT, sont visés certains règlements des polices municipales (article L. 22 – 13 L.2) Cette loi prescrit la motivation de deux catégories de décisions individuelles :

♥ les « décisions individuels défavorables » : celles qui restreignent l’exercice des libertés publiques ou de manière générale constituent une mesure de police ; celles qui infligent une sanction ; celles qui subordonnent la délivrance d’une autorisation à des conditions restrictives ; celles qui retirent ou abrogent une décision créatrice de droit ; celles qui opposent une forclusion ou déchéance ; celles qui refusent un avantage constituant un droit. S’ajoutent depuis 1986 celles qui refusent une autorisation.

♥ « les décisions individuelles positives ou négatives qui dérogent aux règles générales fixées par les lois et règlements » : ce n’est pas rare.

- urbanisme, droit du travail etc. Elle fixe trois limites :

� si des motifs concernent des faits couverts par le secret � si il y a urgence absolue � s’il s’agit d’une décision implicite

Si la première limite est définitive (tant que les faits sont couverts par le secret), les deux autres sont momentanées : le destinataire peut exiger une motivation a posteriori dans le délai du recours contentieux. Si elle se justifie aisément, il y a toujours eu plis ou moins de discussions sur sa portée exacte. Elle se justifie quand elle répond à trois exigences :

• exigences de démocratie : dans une démocratie, l’administration doit se justifier

• exigences de bonne administration (permet d’examiner les motifs) • exigences de bon contrôle de l’administration.

Il y a des discussions sur la règle et notamment la facilité de la détourner.

III. La légalité interne Il n’y a que des règles propres à chaque acte. Il y a toujours des règles relatives au contenu. Tout acte doit avoir une base légale (base juridique). Toutes normes administratives est forcément une norme dérivée.

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Il n’y a pas forcément de règles, imposant pour prendre l’acte, l’existence de certains motifs de fait. Tout dépend de la nature de l’acte. Les actes non réglementaires sont le plus souvent conditionnés. Tel n’est pas le cas au contraire pour les actes réglementaires ( ! cela ne veut pas dire que les actes réglementaires sont dépourvus de tout motif mais le droit n’impose pas tel ou tel motif). Deux sortes de règles sont possibles :

☺ Les unes, en présence de certains faits obligent à prendre l’acte - police =) trouble =) intervenir

☺ Les autres ne font que le permettre En pratique, pour l’application de ces règles, deux opérations sont à faire et doivent être distinguées :

☼ Il faut examiner la matérialité des faits ☼ Il faut effectuer la « qualification juridique des faits »

Concernant le but, il y a au moins une règle qui vaut pour tous les actes : toujours fait en vue de l’intérêt général. D’un point de vue négatif, cela écarte une série de but notamment les actes faits dans un but privé. Indépendamment de la règle générale qui vaut pour tous les actes, il y a deux sortes de règle : � Règles d’assignation de but spécifique � Règle d’adéquation de l’acte au but. Il ne suffit pas que le but soit régulier, il

faut encore que l’acte soit adapté au but.

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SECTION 2- L’EXECUTION DE L’ACTE UNILATERAL

I. L’entrée en vigueur

Une fois l’acte élaboré et signé, c’est en principe la publicité qui indique la date à partir de laquelle il entre en vigueur et devient obligatoire pour les administrés (qui marque en conséquence le point de départ du délai du recours pour excès de pouvoir). Cette publicité ne suffit pas toujours. - actes des collectivités territoriales =) certains doivent faire l’objet d’une transmission

au préfet. Pour les actes individuels, il y a précisément notification au destinataire.

Parfois, s’ajoute l’obligation d’informer les tiers concernés. L’entrée en vigueur peut-être antérieure à la notification. Selon la jurisprudence, si la notification est nécessaire c’est seulement pour imposer des obligations. Il en résulte que des décisions favorables entre vigueur dés la signature.

Pour les autres, il y a normalement publication ou affichage. Traditionnellement, sauf texte précis, l’administration dispose d’une certaine liberté. Dans certains cas, comme pour les lois, il doit y avoir publication journal officiel. Il en est ainsi selon l’ordonnance du 20 février 2004 relatif aux modalités et effets de la publication des lois et certains actes administratifs. Pour les décrets, les ordonnances et certains actes, il en est ainsi lorsqu’une loi le prévoit. La même ordonnance précise que la « publication au journal officiel est assurée sur papier est sous forme électronique de manière permanente et gratuite ». Les actes en question entre en vigueur à la date qu’il fixe à défaut le lendemain de leur publication.

Si l’administration ne fait pas ce qu’il faut (publicité insuffisante) il n’y a pas irrégularité ; l’acte n’est pas opposable et le délai de recours n’est pas déclenché. Peut être attaqué le refus de publier un règlement.

Arrêt du conseil d’État, 12 décembre 2003, syndicat des commissaires et aux fonctionnaires de la police nationale. À l’occasion, est consacré le PGD selon lequel l’autorité administrative est tenue de publier dans un délai raisonnable les règlements qu’elle édicte.

Toutes ces règles de fond font que souvent l’acte existe avant d’être en vigueur. Il existe dès la signature. Cela trois conséquences :

☼ C’est à la date de cette signature qu’on apprécie sa régularité

☼ Il peut servir de fondement à d’autres actes ☼ Il peut faire l’objet d’un REP

Il n’est pas alors en principe opposable aux administrés. Il ne sera opposable que lorsqu’il aura fait l’objet d’une publicité adéquate. L’entrée en vigueur est en principe non rétroactive. Il y a des exceptions en vertu de loi et d’une manière générale :

1. lorsqu’il faut tirer les conséquences d’une annulation juridictionnelle 2. lorsque l’administration dispose de pouvoirs d’annuler elle-même ses

actes en décidant leur retrait.

II. Le retrait et l’abrogation Le retrait et l’abrogation ne sont que des cas particuliers de la sortie en vigueur. Le plus souvent, l’acte disparaît de lui-même. Ce sont des cas où la disparition de l’acte résulte d’un acte distinct de l’acte initial.

A- Le retrait

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L’acte de retrait est une décision d’annulation rétroactive d’un acte initial

déjà existant. C’est un acte qui a les mêmes effets qu’une décision juridictionnelle. Son régime juridique dépend de ce qu’est l’acte initial. Chaque fois, il faut se demander : si l’acte est régulier ou non, s’il est ou non créateur de droit. Si l’acte crée des droits, il faut en assurer le respect et normalement le retrait est impossible. Trois règles peuvent se dégager de la jurisprudence. Qu’ils soient réguliers ou non, l’acte non créateur de droit peut en principe être retiré à toute époque. Il existe des exceptions comme celle des règlements devenus définitifs. Ils ne peuvent être abrogés dès lors que leur application a fait naître des droits. S’il est régulier, l’acte créateur de droit ne peut en principe être retiré. Il y a une exception : s’il est retiré en vertu d’une loi, si l’intéressé le demande et si cela ne porte pas atteinte aux tiers. S’il est irrégulier, l’acte créateur de droit peut être retiré pour des motifs d’irrégularités dans le seul délai de recours contentieux.

Arrêt DAME CACHET, 1922. Quand un acte individuel est à la fois notifié à son destinataire et publié, il peut être retiré tant qu’il n’est pas notifié et publier, et tant que les délais ouverts ne sont pas expirés. Il faut ici faire trois précisions ;

Arrêt Ville de BAYEUX, 1966. Il s’agissait d’un permis de construire notifié mais non publié, le délai avait été ouvert et avait expiré pour le destinataire mais pas pour les tiers. Par la suite, l’acte n’était pas devenu définitif, il y avait toujours possibilité pour l’administration de le retirer.

Si cette jurisprudence est logique, elle conduit à une solution discutable. Elle peut aboutir à prolonger indéfiniment la période pendant laquelle l’administration peut retirer une décision créatrice de droit et cela alors que c’est l’administration qui n’a pas fait la publicité nécessaire.

Arrêt DAME DE LAUBIER, 1997. Des exceptions à la règle existent. Quand une législation organise un mécanisme de décisions implicites d’acceptation, ou d’autorisation sans publication, la formation de la décision implicite provoque le dessaisissement de l’administration de sorte que tout retrait devient impossible alors même que la décision serait irrégulière et pourrait encore être attaquée devant le juge administratif par un tiers.

Arrêt SIEUR EVE, 1969 : autre logique et que « de Bayeux », il va dans le sens d’une plus grande sécurité juridique.

L’article 28 DCRA remet en cause la jurisprudence EVE permettant le retrait pour illégalité d’une décision implicite d’acceptation : trois hypothèses sont distinguées dans la loi. S’il y a eu des mesures d’information des tiers, le retrait est possible pendant le délai de recours contentieux, sinon il y a pendant les deux mois suivant la date selon laquelle la décision est intervenue. Il est encore, en cas de recours, pendant la durée de l’instance. Cette solution est considérée comme plus équitable que celle de la jurisprudence EVE car on ne permet pas définitivement le retrait mais il n’est pas non plus complètement exclu.

L’administration ne peut désormais se prévaloir de la circonstance qu’elle n’a pas mentionnée, les voies et délais de recours à l’encontre des décisions individuelles (dans la notification qu’elle en a adressée à l’intéressé) pour retirer cette décision au delà du délai de deux mois après notification (Arrêt Dame Laubier de 1997).

Un décret de 1983 oblige indiquer aux administrées les voies et délais de recours possibles étant entendu que si ce n’est pas fait, le délai de recours contre l’acte ne commence pas à courir. L’administration qui n’aurait pas mentionné les voies et délais de recours prétendait pouvoir retirer l’acte à tout moment : à admettre ce raisonnement, la règle du décret de 1983 se serait retourner contre l’administré. C’est ce qu’a refusé le conseil d’État.

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B- L’abrogation Elle met aussi fin à une décision antérieure mais le fait pour l’avenir. Elle ne possède donc, contrairement au retrait, aucun effet rétroactif.

Quant à la possibilité d’abroger, la jurisprudence dégage deux règles : si l’acte n’est pas créateur de droit, il peut toujours être abrogé. S’il est créateur de droit, il ne peut être abrogé, sauf si les textes organisent sa disparition par un acte réglementaire. - la nomination d’un fonctionnaire peut être abrogée selon la procédure de révocation,

la mise en retraite etc. S’ajoutent d’autres règles qui dans certains cas obligent à abroger. Ces règles résultent de jurisprudence.

Jurisprudence ALITALIA de 1989 sur l’obligation de déférer à une demande d’abrogation d’un règlement illégal

Jurisprudence « Association les verts » de 1990 sur l’obligation d’un acte réglementaire irrégulier qui n’a pas créé des droits. La règle de 1990 n’est pas exactement ce qui prévaut pour les règlements. Dans

cette jurisprudence, l’obligation ne vaut que sur les décisions et « devenues illégales à la suite de changements ou de circonstance de droit ou de faits postérieurs à son édiction ». Il n’est pas dit qu’elle vaut aussi lorsqu’elle est illégale de sa signature.

La différence de solution n’est qu’une conséquence des règles relatives à l’exception d’illégalité. De manière générale, soulever l’exception d’illégalité d’un acte à l’occasion d’un recours dirigé contre un acte ultérieur est toujours possible à l’encontre d’un acte réglementaire alors qu’à l’égard d’un acte non réglementaire, ce n’est pas possible ou seulement dans le délai de recours contentieux. Deux conséquences à en tirer :

� Il est logique de pouvoir demander l’abrogation d’un acte réglementaire devenu définitif

� Il est aussi logique de pouvoir demander l’abrogation d’un acte non réglementaire devenu définitif car son l’irrégularité ne peut être invoquée que dans le délai contentieux.

Toutes les solutions prolongent une vieille jurisprudence issue de l’arrêt DESPUJOL de 1930. Cela permettait de demander l’abrogation ou la modification d’un règlement en cas de changement des circonstances de fait ou de droit ayant motivé son édiction. L’arrêt ALITALIA a repris et étendu l’obligation d’abroger au règlement irrégulier dés sa signature. L’arrêt DEVERT a étendu la jurisprudence DESPUJOL aux actes réglementaires non créateur de droit

III. Les moyens de faire face à refus d’exécution

→ L’administration peut-elle sanctionner ou forcer à exécuter ? Elle le peut mais dans des conditions très restrictives. Elle le peut au nom de l’intérêt général. C’est quand même restrictif car c’est toujours susceptible de porter atteinte aux libertés, aux droits de propriété.

A- Les sanctions administratives De par la séparation des pouvoirs, c’est en principe le juge répressif qui peut prononcer des sanctions. C’est pourquoi, il y a de nombreux textes administratifs qui prévoient des sanctions pénales. Il y a malgré tout, possibilité de sanctions qui vont être dites administratives c’est-à-dire d’actes qui par leur contenu sont répressifs mais qui sont par leurs auteurs administratifs. Jusqu’au début des années 40, il n’y en a quasiment pas, elles étaient exceptionnelles. Il ne faut pas les confondre avec les sanctions contractuelles ou disciplinaires. Elles se distinguent aussi des mesures de police : à la différence de ces mesures préventives, elles sont répressives.

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Le conseil constitutionnel a admis leur constitutionnalité de la décision sur le CSA de 1989. Toutefois, il a fixé deux limites :

1. il ne peut y avoir de peine privative de liberté (le pouvoir de les infliger est exclusif de toute peine privative de liberté)

2. Ce pouvoir doit être assorti de mesures protectrices du droit des administrés : sont applicables, tous les principes constitutionnels valant pour le droit pénal.

B- L’exécution forcée (exécution d’office).

Il ne s’agit plus de sanctions : il s’agit d’utiliser la force pour contraindre à exécuter. Le principe est celui de l’absence d’exécution forcée.

♥ ROMIEN conclusions sur l’arrêt du tribunal des conflits, société immobilière de Saint-Just de 1902 : « normalement, c’est l’emploi de sanction pénale qui doit assurer l’application des décisions administratives ».

L’exécution forcée n’est possible que dans trois cas : ♪ Si la loi et l’autorise expressément (de plus en plus de texte)

- ordonnance de 1945 sur les étrangers : peut faire l’objet d’une exécution forcée, des arrêts de reconduite à la frontière.

♪ S’il y a urgence ♪ S’il y a aucun autre moyen : aucune sanction pénale, aucune

sanction administrative, « à défaut de tout autre procédure ». En toute hypothèse, il faut que l’acte à exécuter soit légal, qu’il y ait réellement refus exécuté. Et surtout, seuls doivent être prises les mesures strictement nécessaires : il doit y avoir adéquation des actes au but. À défaut, l’administration peut être condamnée au paiement de dommages et intérêts par le juge administratif, ou par le juge judiciaire s’il y a voie de fait.

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TITRE III

REGLES RELATIVES AUX OBJECTIFS

DE L’ORGANISATION ADMINITRATIVE

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Chapitre 1

LA POLICE ADMINISTRATIVE Ici, la police sera étudiée comme une activité normative destinée à assurer certain but de l’intérêt général. Elle se distingue des actes matériels qui accomplissent les personnels de police.

SECTION 1- LES OBJECTIFS DE LA POLICE ADMINISTRATIVE

Il s’agit de préserver l’ordre public (police générale). Des objectifs spécifiques qui ajoutés constituent les polices spéciales.

I. La police générale

A- La notion d’ordre public

« L’ordre public au sens police et l’ordre matériel et extérieur » (M. HAURIOU). Il s’agit d’empêcher les atteintes :

♥ A la sécurité publique ♥ A la tranquillité publique ♥ A la salubrité publique.

Tel qu’il est ainsi conçu, cet ordre public résulte du développement au XXe siècle de l’État libéral. Cet ordre public correspond à un État où il y a des libertés publiques et où les mesures de police qui les restreignent ne doivent pas être la règle mais l’exception.

La notion n’en reste pas moins très contingente et relative. Il en va de même pour déterminer ce qu’elle exige : c’est variable dans le temps et dans l’espace. - police municipale est très liée aux circonstances locales

Il y a d’autant plus d’incertitude que la conception traditionnelle tend à se renouveler. En effet, le juge administratif a fait de la moralité publique, du respect de la dignité de personne humaine et de la protection des mineurs des composantes de l’ordre public (qui s’ajoute aux composants traditionnels évoqués par HAURIOU). Diverses jurisprudences sont à retenir.

Jurisprudences concernant le cinéma, conseil d’État, société des films LUTECIA de 1959 qui admet l’interdiction municipale d’un film lorsque sa projection est susceptible « d’être à raison du caractère immoral dudit film et des circonstances locales, préjudiciable à l’ordre public ».

Cette jurisprudence a toujours été très discutée, considérée comme particulièrement dangereuse pour les libertés. Cf. conclusions du commissaire du gouvernement : « l’autorité de police ne peut prévenir les désordres moraux sans porter atteinte à la liberté de conscience : ou alors elle tend à imposer l’ordre moral ». Le caractère immoral du film ne suffit pas. Il faut qu’il y ait des circonstances locales. - diffusion d’une œuvre blasphématoire dans une ville de pèlerinage - diffusion de films sur un crime dans la localité où il s’est produit

jurisprudences concernant les lancers de nains : le conseil d’État, communes de Morsang-sur-Orge et conseil d’État, ville d’Aix-en-Provence (1995). Cette jurisprudence admet même en l’absence de circonstances locales particulières l’interdiction d’une attraction qui porte atteinte au respect de la dignité de la personne humaine, lequel le respect est « une des composantes de l’ordre public ». Étaient en cause des arrêtés municipaux ayant interdit le spectacle de lancer de nains dans les discothèques, le conseil d’État les juges réguliers. L’intéressé avait perdu son travail, l’atteinte était de le priver d’emploi.

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Le commissaire du gouvernement soulignait que cette jurisprudence devait rester exceptionnelle, restrictive (Friedman).

Il y a des différences avec la jurisprudence sur les films : ☺ pas de référence aux circonstances locales car s’agissant de la

dignité humaine, peu importe les circonstances. ☺ Il s’agit d’un domaine où à la différence des films, il n’y a pas de

réglementations nationales. La jurisprudence est venue combler un vide juridique.

Jurisprudence concernant « le couvre-feu imposé aux mineurs » : conseil d’État, ordonnance du juge des référer, préfet du Loiret de 2001 admet que pour « contribuer à la protection des mineurs », le maire peut faire usage de ses pouvoirs de police, s’il y a des circonstances locales et à une double condition : que les mesures « soient justifiées (…). Etait en cause un arrêté du maire ayant interdit la circulation la nuit de mineurs de moins de 13 ans non accompagnés de personnes majeures. Il s’agit de protéger l’intérêt de l’enfant, de responsabiliser les parents etc. // transformations sensible de la notion d’ordre public.

B- Le caractère préventif des mesures prises

C’est ce qui distingue police administrative et police judiciaire. L’une est

préventive, elle vise à éviter que l’ordre publique soit troublée, l’autre est répressive (constate l’infraction, rassemblant les preuves, etc.). Si cela est simple à énoncer, il est difficile à mettre en œuvre. Il y a souvent beaucoup d’incertitudes. Il en est ainsi au moins pour deux raisons :

� La communauté des personnels : les autorités compétentes et personnels d’exécution sont généralement les mêmes (agissent parfois comme police administrative ou police judiciaire). Toutes les autorités peuvent être amenées à faire de la police administrative et judiciaire. Certaines entretiennent la confusion

Arrêt FRAMPAR de 1962. Le préfet qui déguise de la police administrative en police judiciaire.

� La polyvalence de nombreuses opérations de police car elles présentent des aspects préventifs et répressifs.

Il en est résulté des règles qui dans certains cas permettent de simplifier. - en matière de contrôle d’identité, une loi de 1983 a donné compétence à la police

judiciaire pour connaître de tous les litiges sans qu’il y ait à distinguer selon la nature du contrôle.

Jurisprudence du tribunal des conflits, société le profil de 1978. Elle unifie le contentieux en décidant que lorsqu’une opération change de nature lors de son déroulement, la compétence est déterminée par la nature de l’opération qui est « essentiellement à l’origine du litige ». La surveillance d’un transfert de fonds (police administrative) s’est transformée en poursuite des malfaiteurs, attaque à main armée et vol des fonds (police judiciaire). Le tribunal des conflits a estimé que la compétence était uniquement administrative car le préjudice était essentiellement dû à la partie administrative.

II. Les polices spéciales. Elles sont de deux sortes :

� Certaines ne concernent qu’un aspect déterminé de l’ordre public

- police des édifices menaçant ruine, police et des débits de boissons � D’autres ont une finalité différente

- police du cinéma qui existe niveau national et vise la protection des bonnes mœurs, les intérêts économiques du cinéma, … ; police de la chasse, police des étrangers, de la pêche côtière etc.

Il n’en existe pas de définition générale est pas de liste exhaustive. Elles traduisent les préoccupations du moment.

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SECTION 2- LE REGIME JURIDIQUE DES ACTES DE POLICE ADMINISTRATIVE

Il s’agit toujours d’actes unilatéraux. Ce sont aussi toujours des actes non créateurs de droit et qui restreignent l’exercice des libertés individuelles, donc ce sont des actes très réglementés parce que « la liberté est la règle, la police l’exception ».

I. Les autorités compétentes

A- En matière de police générale

Jusqu’en 2004, seules trois catégories de personnes publiques pouvaient intervenir : État, communes, départements. Avec la loi du 13 août 2004 relatives liberté et responsabilités locales, s’ajoutent les EPCI (établissements publics de coopération intercommunale) à fiscalité propre (forme plus élaborée de la coopération communale : en effet, les maires des communes membres peuvent transférer au président de l’établissement certaines compétences de police, dans 5 domaines et dans des conditions fixées par la loi). S’agissant des autorités étatiques, trois niveaux de compétences peuvent être distingués :

♪ Le niveau national. Il y en principe en vertu de la jurisprudence LABONNE compétence du premier ministre. À cette compétence, s’ajoutent les compétences du président de la république (article 13 et 16 de la constitution) ; mais il n’y a pas de pouvoirs de police générale pour les ministres. Le premier ministre peut néanmoins renvoyer à des arrêtés ministériels. Les ministres ont autorité sur la police nationale et la gendarmerie (défense, intérieur). Aujourd’hui, le ministre de l’intérieur, pour l’exercice de ses missions de sécurité est aussi « responsable de l’emploi des services de la gendarmerie nationale » (décret du 15 mai 2002), dans un objectif de coordination. Pour les mêmes raisons, il existe un conseil de sécurité intérieure que préside le président de la république.

♪ Au niveau départemental. Il y a compétence du préfet, lequel, en vertu de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure anime et coordonne la prévention de la délinquance et l’ensemble du dispositif de sécurité intérieure. En ce sens, l’article premier de la LSI précise que l’État associe à la politique de sécurité, les collectivités territoriales, les EPCI et tous ceux qui peuvent être amenés à intervenir. Cela se traduit par des contrats locaux de sécurité (CLS) c’est-à-dire des contrats qui tentent d’organiser le partenariat entre les acteurs de la sécurité (//Contractualisation).

Quatre compétences du préfet sont à distinguer : → Compétences pour prendre des mesures nécessitées par le maintien de la

sécurité sur les routes nationales (hors agglomération car celles-ci, ce sont les maires qui sont compétents).

→ Compétences pour les mesures de police dont le champ d’application excède le territoire d’une commune.

- périodes de sécheresse : toutes mesures pour éviter le gaspillage de l’eau. → Vis-à-vis des maires et du président du conseil général (+ président de

l’EPCI), il a un pouvoir de substitution d’actions. Si ces autorités ne prennent pas les mesures qui relèvent de leur compétence, le préfet peut après mise en demeure restée sans résultat, agir à leur place au nom des collectivités concernées. La loi de 1982 a donc ici laissé une tutelle.

→ Compétence pour le maintien de la tranquillité publique dans les communes où a été instituée une police d’État, une police nationale avec des personnels de police. Jusqu’en 1995 (depuis 1941) il s’agissait des communes inférieures à 10 000 habitants. La loi du 15 janvier 1995 a supprimé ce seuil et désormais, il

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peut y avoir police d’État dans une commune « en fonction de ses besoins en matière de sécurité ». A Paris, existe un régime d’exception parce qu’il y a un préfet de police qui a des pouvoirs beaucoup plus importants que les autres préfets (pouvoirs comprenant tout ce qui relève de la circulation, du stationnement, de l’environnement) ; pouvoirs qu’il exerce non autour de l’État mais au nom de la Ville de Paris.

♪ Le niveau communal où il y a en tant qu’agent de l’État compétence du maire. Si le maire est pour l’essentiel agent de la commune, il est parfois agent de l’État. C’est le cas « pour assurer l’exécution des mesures de sûreté prescrites par le gouvernement » (dédoublement fonctionnel).

S’agissant des autorités communales, seuls les maires (sous réserve de transfert et d’arrêté pris conjointement avec le président d’EPCI) sous le contrôle du préfet exerce un pouvoir de police. C’est un de ses « pouvoir propre » (qu’il tient en tant que maire et sans rien redevoir au conseil municipal c’est-à-dire qui ne le tient pas de son pouvoir exécutif). Même lorsqu’il y a police d’État, il conserve en matière de tranquillité certaines compétences concernant notamment les bruits de voisinage et les rassemblements habituels (marché, foire, etc.). Pour l’exécution des arrêtés de police, l’existence d’une police d’État empêche que la commune de créer à ses frais une police municipale. V. 1995 =) récent, cette loi confirme la législation de police municipale fait en 1987, le régime est organisé qu’en 1999.

S’agissant du département, le président du conseil général a une compétence qui est récente et qui reste limitée. Elle résulte de la loi de décentralisation du 2 mars 1982, loi qui l’investit « de pouvoir afférent à la gestion du domaine départemental (…) notamment en ce qui concerne la circulation pour ce domaine ». Cette compétence, bien que limitée est quand même appelée en pratique à prendre plus d’importance avec la loi du 13 août 2004 sur le transfert au département d’une autre partie des routes jusque-là nationale.

B- En matière de polices spéciales Deux sortes d’autorités peuvent avoir compétence :

☺ Autorité qui n’ont pas le pouvoir de police générale : � Autorité de l’État comme ministre de la culture pour la police du

cinéma � Autorité ou toute autre personne publique comme le

président de l’université pour le maintien de l’ordre dans les locaux universitaires.

☺ Autorité qui ont le pouvoir de police générale. Elles ont alors compétences :

♥ Soit dans des domaines relevant de leur compétence générale comme la police des édifices menaçant ruine appartient au maire: il y a des pouvoirs et procédures spécifiques

♥ Soit dans des domaines ne relevant pas de leurs compétences comme la police des gares et aérodromes et qui appartient au préfet.

C- Les concours de police

Il faut combiner, faire coexister toutes les compétences. Trois hypothèses sont à distinguer :

Le concours des pouvoirs de police générale Arrêt de communes de Néris-les-Bains de 1902 : si l’autorité des niveaux inférieurs ne peut empiéter sur les pouvoirs de l’autorité supérieure, elle peut compléter les prescriptions mais seulement en aggravant leur sévérité et à condition que les circonstances locales le justifient.

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- circulation automobile : si le code de la route fixe en agglomération la vitesse à 50 Km/h, il le peut aller dessus mais en dessous oui (virage dangereux =) limitation à 30 Km/h) Le concours des polices spéciales et de la police générale.

Soit la loi établissant la police spéciale, interdit l’intervention de la police générale et dans ce cas il n’y a pas de problème : toute intervention de la police générale est irrégulière. Soit l’intervention de la police générale n’est pas exclue et elle peut aggraver une mesure spéciale si les circonstances locales justifient. - jurisprudence LUTETIA : le ministre a autorisé le film mais le maire refuse le concours des polices spéciales :

Chaque police ayant ses objectifs, il ne doit pas y avoir empiètement de l’une sur l’autre. Ce n’est simple qu’en principe.

II. La règle d’adéquation aux buts C’est la règle selon laquelle doivent être prises les mesures nécessaires à la réalisation des objectifs. Le but pour la police est l’ordre public.

S’il y a réellement risque de troubles, l’autorité de police est tenue d’intervenir.

Arrêt DOUBLET, 1959 : les termes de cet arrêt sont assez respectifs parce qu’il n’est question que de l’obligation de faire cesser un péril grave résultant d’une situation particulièrement dangereuse. Il y a une relative incertitude sur l’obligation d’agir.

D’un côté, on peut penser que cela ne se limite pas au cas de périls graves. Mais d’un autre côté, force est de constater que le juge n’accepte guère d’annuler les décisions refusant de prendre des mesures de police. S’il y a bien obligation, il ne saurait y avoir obligation de remettre l’ordre public à n’importe quel prix. En cas d’inaction, la responsabilité peut être facilement engagée. - en matière de baignade C’est dans le cadre du contentieux de la responsabilité de l’inaction est sanctionnée.

Certaines mesures sont en principe prohibées. On peut intervenir pour édicter des interdictions. Mais, par exemple, il n’est pas possible par voie de règlement de subordonner l’exercice d’une activité à une déclaration préalable ou à une autorisation.

Arrêt DAUVIGNAC, 1951 : le conseil d’État annule l’arrêté d’un maire considérant qu’il ne pouvait sans porter atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie (LCI) subordonner l’exercice de la profession de photographes sur la voie publique à la délivrance d’une autorisation.

Seul en principe, la loi peut le faire. - loi relative à la sécurité quotidienne de 2001, article 53 concernant « les

rassemblements exclusivement festifs à caractère musical, organisé par des personnes privées, dans des lieux qui ne sont pas au préalable aménagés à cette fin ».

Sont a priori suspects les interdictions générales et absolues. Elles ne sont pas nécessairement irrégulières mais à leur propos, il faut toujours, quelle qu’elle soit, se demander si elles ne sont pas trop générales et absolues. Seul est admis en matière de police, ce qui est strictement indispensable.

Arrêt BENJAMIN, 1933 : concernant une conférence interdite par un maire. Le conseil d’État commence par rappeler qu’il faut concilier l’exercice des pouvoirs de police avec le respect de la liberté de réunion. Il conclut qu’au vu des circonstances, le maire aurait pu « sans interdire la réunion, maintenir l’ordre en édictant les mesures qui lui appartenaient de prendre ».

Jugements des tribunaux administratifs de 1995 qui annulent les arrêtés interdisant la mendicité.

Arrêt ARICQ, 1997 : admet une interdiction, interdiction des tondeuses à gazon le dimanche matin de mai à octobre.

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Chapitre 2

LES AUTRES SERVICES PUBLICS Comme le mot « police », l’expression « service publique » à de multiples sens. Elle désigne couramment les activités ou les objectifs visés mais aussi les organes qui les assurent, les administrations. Elle apparaît également dans de multiples expressions. - modernisation du service public ; démantèlement du service public ; avoir le sens du

service public ; etc. C’est pourquoi, il y a souvent des malentendus. - l’expression est « saturée de significations multiples qui se superposent,

s’entrecroisent, (…) ». Au singulier, l’expression désigne principalement une notion, un principe unificateur : elle qualifie certaines activités, activités auxquelles s’appliquent un certain régime juridique. À son propos, deux questions surtout se posent :

� quelles activités sont concernées ? � quel est le régime juridique ?

Est ainsi essentiellement retenu, une conception fonctionnelle (matérielle) du service public car on met l’accent sur la fonction, l’activité et non l’organe. - définition du dictionnaire de droit administratif (A. Collin) : le service public est «

activité d’intérêt général assurée ou assumée par une personne publique et régie au moins partiellement par des règles de droit public ».

Au pluriel, les services publics sont toutes les activités qualifiées de service public. !!!

SECTION 1- LA NOTION DE SERVICE PUBLIC

I. Evolution de la notion de service public En schématisant, quatre périodes sont à distinguer :

� La théorisation � La crise � Le retour � Le face-à-face avec l’Europe

Au XIXe siècle, l’expression « service public » a pu figurer dans des arrêts (notamment BLANCO de 1873), la notion n’a vraiment été théorisée qu’à la fin du XIXe siècle, début XXe siècle notamment par « l’Ecole du service public » (l’école de Bordeaux en référence à Léon DUGUIT par opposition à l’école de Toulouse, Maurice HAURIOU). Alors, à cette époque, il y a trois éléments de définition du service public : Activités visant à satisfaire l’intérêt général Activités prises en charge par une personne publique S’applique un droit spécial, exorbitant des règles de droit privé

Service public = personne publique = droit administratif La notion de service public serait « la pierre angulaire du droit administratif » parce qu’elle détermine le champ d’application du droit administratif et la compétence du juge administratif. Il y a malgré tout d’emblée des difficultés. Tout d’abord, l’équation député limpide, n’est pas toujours vrai : il y a des services publics qui échappent au droit administratif, mais il y a aussi pour les autres services publics une part de gestion privée. Ensuite (et peut-être surtout), il y a incertitude sur le premier élément de la définition (notion d’intérêt général). DUGUIT considère comme services publics, toutes activités « indispensables à la réalisation et au développement de l’interdépendance sociale (…) de nature telle qu’elle ne peut être réalisée que par l’intervention de la force gouvernante » (il reprend l’idée de DURKHEIM, solidariste). Cela reste très grave. On n’a jamais fait mieux.

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Gaston JEZE a précisé qu’il fallait s’en tenir à la seule notion des gouvernants. Selon lui, faute de critères objectifs, est un service public tout besoin d’intérêt général « que les gouvernements d’un pays donné, à une époque donnée ont décidé de satisfaire par le procédé du service public ». Cela simplifie mais contribue à admettre qu’il n’y a pas de notion précise.

A partir de 1920, et donc de l’extension des interventions de la puissance publique s’est produite un double éclatement et par suite une crise. Aux incertitudes concernant le but, s’est ajoutée dans le droit positif le rejet des deux autres éléments de définition . Premier éclatement. Sont apparus les SPIC suite à l’arrêt :

Tribunal des conflits, société commerciale de l’Ouest africain de 1921 (qui marque une rupture) : un bateau qui transportait des voyageurs et véhicules sur le littoral de la Côte d’Ivoire, avait coulé endommageant un véhicule de la société.

� Y a-t-il compétence administrative ? Le tribunal des conflits considère, pour conclure à la compétence judiciaire, que « la colonie de la Côte d’Ivoire exploite un service de transport dans les mêmes conditions qu’un industriel ordinaire ». Il n’est pas question de service public. Seule apparaît une gestion privée d’une activité par une personne publique. L’arrêt a malgré tout été lu est interprété comme admettant que des services publics tout entier puissent relever du droit privé. C’est ce qui a donné naissance à la notion de service public à caractère industriel et commercial. Cela permettait de justifier le développement des interventions publiques en matière industrielle et commerciale. Deuxième éclatement. Il y a eu recours à des personnes privées pour gérer les services publics.

Arrêt MONTPEUR et MAGNIER Au terme de cette évolution, le service public n’implique ni l’application du droit administratif, ni même l’activité d’une personne publique. Ne subsiste de la définition première que l’élément le plus flou : le but d’intérêt général. D’où, dès les années 20 – 30, un discours sur la crise de la notion de service public.

A partir des années 1950, il y a eu retour en force du service public dans le droit public. Il y a eu différentes manifestations. La jurisprudence a utilisé la notion pour les contrats.

Arrêt BERTIN et GRIMOUARD C’est aussi le cas pour les travaux publics.

Arrêt, société le béton : c’est parti du publics un bien affectés à un service public.

Les grands principes du service public ont été réaffirmés par le conseil d’État : égalité, continuité, Mutualité. La notion n’a jamais cessé d’être utilisée comme point de référence par le législateur. - loi relative au service public des télécommunications. !! La notion dont il s’agit n’est plus la notion conçue par l’école du service public (début du XXe siècle). C’est une notion purement fonctionnelle. Si on compare avec la définition première, on ne dit plus que c’est une fonction assurée, mais « assumée ». De même, on dit désormais que le service public et « régit au moins partiellement par une personne publique » (=) SPIC).

Dans les années 1980, se posent des problèmes de conciliation entre la notion de service public et notion de service intérêt économique générale (SIEG) et de service universel, notion qu’utilise droit communautaire. Le droit communautaire n’utilise pas les mêmes notions.

� Est-ce que ces notions se recouvrent ou non ? est-ce que le droit communautaire ne remet en cause la notion de service public ?

Le traité de Rome ignorait pour l’essentiel la notion de service public. On n’y trouve quand même une fois l’expression à propos de la politique commune des transports. Mais il s’agit d’un domaine particulier et c’est marginal. - On la retrouve à l’article 3 – 338 du traité pour l’établissement d’une constitution en

l’Europe. L’ignorance du traité de Rome à leur sujet à poser des questions sur leur avenir.

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Il y a néanmoins eu évolution. On peut distinguer trois périodes : o Une période d’ignorance, d’indifférence : le droit

communautaire dérivé comme le traité de Rome ignorait les services publics.

o Dans les années 1980, période de recherche d’une concurrence sans nuance au détriment des services publics qui apparaissaient comme des obstacles. Le traité est interprété dans la seule perspective du développement de la concurrence.

o Période d’une lecture plus nuancée des textes, soucieuse d’établir un équilibre entre l’intérêt général et le marché.

- article 3 – 122 du traité constitutionnel. Il ne parle pas de service public mais souligne l’importance des services d’intérêt général ( ! débats).

A l’origine de cette évolution, il y a notamment : arrêt CJCE, PAUL CORBEAU de 1993.

Ce sont les notions de SIEG et de services universels qui ont été les instruments de cette évolution. En droit communautaire, sont distingués les entreprises et l’autorité publique. Les entreprises (qu’elles soient publiques ou privées) relève en principe des mêmes règles (de concurrence). Sont entreprises, toute entité exerçant une activité économique indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement (droit communautaire). Ce critère est très large. Sont ainsi visées de très nombreux services publics (tous les SPIC). !! Si toute entreprise est assujettie aux règles de la concurrence, il a la faculté d’y déroger lorsqu’une entreprise est chargée d’un SIEG. - article 86 – 2 du traité (repris par le projet du traité constitutionnel article 3 – 166 –

2) � qu’est-ce qu’un « SIEG » ? � quelles dérogations sont possibles ?

La CJCE a eu tendance à admettre de plus en plus facilement tout à la fois l’existence d’un SIEG et la possibilité de déroger (arrêt Paul Corbeau, 1993).

Arrêt commune d’ALMELO : confirme la solution de l’arrêt corbeau (1994).

Ainsi, il y a eu rapprochement avec la notion française de services publics parce que des activités dans l’intérêt général peuvent fonctionner selon des règles particulières. La notion de service universel quant à elle est apparue parallèlement comme « une notion plancher » : dans un secteur donné, elle désigne un ensemble minimal de services qui doivent être mis à disposition des citoyens. Trois éléments la caractérisent :

→ Universalité : tout le monde doit avoir accès aux services en tout point du territoire

→ La qualité du service → Le prix abordable (« abordabilité du prix »)

Ce service universel ne se confond pas avec le SIEG parce qu’il correspond à un minimum : rien n’empêche les états d’aller au-delà. - loi de 1996 sur les télécommunications transposant une directive, elle introduit dans

ce secteur un service universel lequel n’est qu’un élément parmi d’autres du service public.

- Loi de 1999 sur l’aménagement du territoire (loi Voynet) où un article introduit la notion de service universel postal.

S’il reste beaucoup d’incertitudes, il n’y a pas, avec ces notions, remise en cause (!!*) de la notion de service public. Tout ce que fait le droit communautaire est d’obliger à insérer des services publics dans un environnement concurrentiel. !!* Droit communautaire ou pas, l’évolution aurait sûrement été inévitable parce que d’autres facteurs ont été déterminants. - mondialisation, progressé que de logiciels, etc.

II. Eléments d’identification des services publics

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Il n’y a pas de critères très précis, incontestable. Beaucoup considèrent que le service public n’est qu’un « label », une étiquette posée discrétionnairement sur une activité quelconque. Si c’est en partie vrai, toute réflexion sur les services publics est d’abord politiques parce que la détermination des activités sur lesquelles on va mettre l’étiquette « service public » est politique.

Force est malgré tout d’avoir quelques repères. Dans cette perspective, deux éléments d’identification semblent s’imposer :

♥ La mission d’intérêt général ♥ Le rattachement une personne publique.

Il ne peut y avoir service public que s’il y a mission d’intérêt général. Cela ne veut pas dire grand-chose mais cela reste l’élément premier.

Arrêt ROLIN, 1999 concernant le loto et les jeux de hasard : cette activité est-elle un service publics ?

Arrêt TA, TROGRLINC, 2002 concernant l’exploitation d’un restaurant interentreprises dans une zone industrielle.

S’il doit y avoir rattachement à une personne publique, celui-ci peut être direct ou indirect. Il est direct si la personne elle-même assure l’activité. Il est indirect si l’activité est assurée par une personne privée. C’est alors qu’il peut être délicat d’identifier l’activité.

Arrêt NARCY, 1963 : il en ressort que deux types d’indices interviennent :

� Les prérogatives de puissance publique � Le contrôle de la personne publique

(L’existence de prérogatives de puissance publique implique qu’il y ait contrôle). � Pour qu’il y ait service public, faut-il toujours que il y ait prérogatives de

puissance publique ? Cela reste discuté parce qu’il y a des affaires où l’existence de telles prérogatives n’est pas évidente mais il y a quand même services publics parce qu’un contrôle est exercé.

Arrêt ville de Melun, conclusions du commissaire du gouvernement

III. Service public administratif et service public industriel et commercial.

� Quelles sont les catégories de service public ? Cette question est essentielle parce qu’elle détermine le droit applicable. Un service public est présumé administratif. Cette présomption ne cède que si trois conditions se trouvent simultanément remplies.

L’objet du service doit être analogue à celui d’une entreprise privée Le fonctionnement du service doit être assuré pour l’essentiel par le prix où

la redevance que paient les usagers. S’il y a financement par l’impôt, ou encore uniquement par des subventions, c’est administratif. Il s’agit de l’élément le plus précis, mais sa mise en œuvre n’est pas évidente.

Les conditions de fonctionnement doivent renvoyer aux usages du commerce, à des règles de droit privé.

Avis contentieux, conseil d’État 20 octobre 2000, Mme T. concernant les activités de l’établissement français du sang. Il y a service public administratif parce qu’il y a mission de santé publique qui se rattache par son objet au service public administratif. Peu importe, souligne expressément le conseil d’État, que le financement et certaines règles de fonctionnement soient semblables à ceux des SPIC.

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SECTION 2- L’ORGANISATION ET LE FONCTIONNEMENT DES SERVICES PUBLICS

I. La création et la suppression des activités de service public.

� Quelles sont les autorités compétentes ? � Quelle est l’étendue de leurs compétences (pouvoir discrétionnaire

encadré) ?

A- La compétence du législateur La constitution de 1958 ne lui donne pas expressément compétence mais différentes dispositions font qu’il continue à jouer un rôle essentiel. Il fixe notamment les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques. Cette formule donne compétence générale du législateur dans la mesure où toute création de service public tend à une limitation des libertés. Si la création (et la suppression) est en principe une question d’opportunité, il y a des services publics imposés par la constitution.

Décision du conseil constitutionnel, 1986 sur les privatisations Il en ressort qu’il y a des « services publics constitutionnels ». La jurisprudence ne les énumère pas, c’est relativement flou. Il y a au moins les services publics correspondant aux fonctions de souveraineté, aux fonctions régaliennes. - police, défense, affaires étrangères, etc. Au vu du préambule 1946, il y en a sûrement d’autres tels que l’enseignement, la santé, etc. La création doit aussi se faire dans le respect du droit communautaire notamment dans le respect des règles de la concurrence sous réserve des dérogations des SIEG. Il faut aussi adapter à ces règles les services existants.

B- La compétence des autorités administratives S’agissant des collectivités territoriales, il y a des services publics dont la création par l’assemblée délibérante est légalement obligatoire. Il y a aussi des cadres où il n’y a que « faculté » prévue ou non par la loi.

Arrêt chambre syndical de commerce de détail de Nevers de 1930. Il reconnaît sa compétence tout en fixant des limites compte tenu notamment de la liberté du commerce et de l’industrie. Il considère que « les entreprises ayant un caractère commercial restent, en règle générale, réservées à l’initiative privée et les conseils municipaux ne peuvent ériger des entreprises de cette nature en services publics communaux que si, en raison de circonstances particulières de temps et de lieux, un intérêt public justifient leur intervention en cette matière ».

Suite à cet arrêt, tout au long du XXe siècle, la jurisprudence s’est montrée de plus en plus favorable à l’intervention locale. Les principes dégagés à propos des collectivités locales valent aussi pour l’État. En toute hypothèse, la création de se faire dans le respect de la concurrence. Si en droit, les personnes publiques peuvent très facilement intervenir et donc concurrencer les entreprises privées, il doit y avoir égale concurrence entre les unes des autres : c’est cela qui aujourd’hui pose problème.

II. Les modes de gestion

Il y a là un problème d’organisation car il faut choisir entre les modes possibles. Il y en a deux grandes catégories :

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� La gestion directe (la régie) : le service public n’a pas une personnalité juridique distincte de la collectivité de rattachement

� La gestion déléguée à un établissement public ou un organisme de droit privé. Cela peut se faire sur la base d’un contrat ou d’un acte unilatéral.

III. Les différents régimes juridiques

Les régimes juridiques des services publics varient en fonction de la nature des activités. S’il y a services administratifs, les rapports avec les usagers, le personnel et les tiers sont en principe régis par le droit administratif. Inversement, s’il y a SPIC ces rapports sont en principe régis par le droit privé. Si l’organisme est privé, son statut relève toujours de droit privé (droit administratif reste l’exception. Au contraire, c’était une personne publique, son statut, ses biens, ces travaux etc. relèvent du droit public.

IV. Les principes généraux de fonctionnement Différents grands principes traditionnels régissent les services publics (« les Lois ROLLAND »).

☺ Le principe de Mutualité : le régime des services publics doit pouvoir être adapté à tout moment à l’évolution des besoins. Ce principe explique le pouvoir de modification unilatérale dans les contrats, le caractère mixte des contrats de concession et également l’absence de droits acquis au maintien du service public.

☺ Le principe de continuité : il est nécessaire de satisfaire sans interruption aux besoins d’intérêt général. Ce principe exige la prévision, les règles relatives à la grève.

☺ Le principe d’égalité : des situations identiques doivent être traitées de la même manière. Il ne s’agit pas là d’une égalité absolue, abstraite. Il peut y avoir des différences de traitement s’il n’y a pas la même situation.

☺ Le principe de neutralité : corollaire du principe d’égalité. Il renvoie également à d’autres considérations. Il résulte tout autant du principe de laïcité. Selon la jurisprudence du conseil d’État, sa portée n’est pas la même pour les agents et les usagers du service public.

Dans le cadre de la politique de modernisation administrative, de nouveaux principes tendent à s’imposer. - circulaire du premier ministre, 1995 relatives à la réforme de l’État : été affirmé la

nécessité de « donner corps à des principes nouveaux – la qualité, l’accessibilité, la simplicité, la rapidité, la transparence, la médiation, la participation, la responsabilité (…) » ????

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TITRE IV

REGLES RELATIVES A LA RESPONSABILITE ADMINISTRATIVE

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INTRODUCTION

I. L’affirmation de la responsabilité administrative Cette affirmation résulte de l’arrêt BLANCO de 1873.

A- De la loi des 16 et 24 août 1870 à l’arrêt BLANCO. Après la loi de 1790, le principe avait été celui de l’irresponsabilité de l’État. Il y avait en conséquence que quelques régimes spéciaux. Ainsi, en matière de travaux publics de par la loi du 28 Pluviôse An VIII qui donnait compétence au conseil de préfecture. Pour la gestion du domaine privé, avec très vite été admis une compétence judiciaire parce que l’on considérait le domaine privé comme une propriété comme une autre. La même solution était retenue pour les collectivités locales (commune considérée comme une association privée). La charge de la responsabilité était normalement reportée sur les fonctionnaires qui, suite à l’article 75 de la constitution de l’An VIII pouvaient être poursuivis devant les tribunaux judiciaires. En réalité, cela était très restreint, théorique en raison de la « garantie des fonctionnaires » : il fallait une autorisation du conseil d’État pour poursuivre un fonctionnaire, qui n’était jamais donnée.

B- Les arrêts BLANCO (TC, 1873) et PELLETIER (TC, 1876) L’arrêt BLANCO pose le principe selon lequel la responsabilité de l’État « a ses règles spéciales » et a précisé que cette responsabilité est « ni générale, ni absolue ». Cela reste restrictif. Il marque deux limites. La formule renvoie en effet à deux hypothèses :

◘ La responsabilité n’est pas générale en raison de l’irresponsabilité qui reste attachée à certaines activités

◘ La responsabilité n’est pas absolue parce qu’il y a des cas où la responsabilité est subordonnée à une faute d’une certaine gravité (faute lourde).

L’arrêt PELLETIER a distingué la faute personnelle relevant du juge judiciaire de la faute de service qui relève du juge administratif et seule engage la responsabilité de l’État. Il fait suite à un décret de 1870 supprimant la garantie des fonctionnaires. Il en donne une interprétation restrictive. En effet, alors qu’on aurait pu penser que les fonctionnaires pourraient toujours être poursuivis devant les tribunaux judiciaires, le tribunal des conflits juge que cette possibilité ne vaut que s’il y a de leur part une faute personnelle c’est-à-dire une faute qui « révèle l’homme avec ses faiblesses, ses passions, ses imprudences » (E. LAFFERIERE). Il doit y avoir une faute détachable des fonctions, susceptible d’être appréhendée en elle-même indépendamment de toute appréciation du fonctionnement des services. Si le service est mis en cause, si « l’acte dommageable est impersonnel, s’il relève d’un administrateur plus ou moins sujet à erreur », la compétence ne peut être qu’administrative.

II. L’évolution de la responsabilité administrative

A- L’extension de la responsabilité administrative

La première extension résulte de l’unification du contentieux de l’État et de celui des collectivités locales. Deux autres arrêts complètent les précédents.

Arrêt TERRIER, 1903 : concernant la responsabilité contractuelle d’un département (histoire d’un chasseur de vipères).

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Arrêt FEUTRY, 1908 concernant la responsabilité quasi délictuelle (histoire d’un fou échappé d’un hôpital psychiatrique).

D’autres extensions ont eu pour effet, tout à la fois de supprimer en matière administrative des cas d’irresponsabilité et de réduire les cas où une faute lourde est exigée. Avec évolution, la responsabilité est devenue générale mais pas absolue. Deux arrêts symbole de cette évolution aux deux extrêmes du XXe siècle :

Arrêt TOMASO GRECCO, 1905 qui reconnaît que l’État est responsable même pour les activités de police

Arrêt M. et Mme V., 1992 : il abandonne l’exigence une faute lourde dans le contentieux de la responsabilité hospitalière.

A côté de ses responsabilités pour faute, s’est également développé une responsabilité sans faute. En toute hypothèse, on peut admettre que c’est le principe d’égalité des citoyens devant les charges publiques qui fonde la jurisprudence. En matière de responsabilité pour faute, on estime anormal que les services fonctionnent bien pour certains et non pour d’autres. Si du fait d’une faute, des administrés sont victimes d’un dommage, c’est que leur intérêt privé a été sacrifié au profit de l’intérêt général. C’est le même principe qui explique en partie les limites actuelles de la responsabilité administrative. Si la vie en société comporte des avantages, il faut aussi accepter certains inconvénients. Toute rupture de l’égalité n’est pas indemnisée. Il faut que le dommage soit anormal c’est-à-dire excèdent les inconvénients normaux de toute vie en société. À ces limites, s’en ajoute une autre qui vient de la multiplication des cas de compétences judiciaires. Il n’y a pas extension de la responsabilité proprement dite (pas seulement !) parce que celle-ci n’apparaissant pas toujours suffisante ou adaptée, il y a des cas où au nom « de la solidarité nationale » le législateur a prévu des systèmes d’indemnisations originaux indépendamment des actions en responsabilités qui peuvent être engagées par ailleurs contre les auteurs des dommages. Quatre exemples. - loi du 9 septembre 1986 relatif à la lutte contre le terrorisme et aux

atteintes à la sûreté de l’État. Dans un domaine où il est difficile d’établir une faute de l’État et où le conseil d’État s’est refusé à admettre une responsabilité sans faute (au motif que la cause du fait dommageable est étrangère à l’activité de l’État), la loi institue un fonds spécial d’indemnisation des victimes.

- L’article 47 de la loi du 31 décembre 1991 concernant l’indemnisation des victimes contaminées par le VIH suite à une transfusion de produits sanguins. Un fonds est créé (doté de la personnalité civile), il indemnise et est subrogé dans les droits que possède la victime.

- La loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 (loi du 23 décembre 2000) crée un fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante lequel est un établissement public national à caractère administratif (EPA).

- La loi du 4 mars 2002 : si la responsabilité d’un professionnel ou d’un établissement de santé n’est pas engagée (s’il n’y a pas eu faute de leurs parts) « un accident médical, une infection iatrogène ou nosocomiale ouvrant droit à la réparation des préjudices du patient au titre de la solidarité nationale lorsqu’ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic et de soins et qu’ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l’évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité fixée par décret ».

Pour la mise en œuvre, a été créé dans chaque région une commission régionale de conciliation et d’indemnisation. Le rôle de cette commission est de favoriser les règlements amiables est de déterminer l’indemnisation, le régime à appliquer c’est-à-dire accident fautif ou aléa thérapeutique. A également été créé une Office nationale d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) : il s’agit d’un EPA d’État chargé de l’indemnisation. Une fois que la commission a formulé un avis sur le régime appliqué, elle fait une offre la victime et l’Office indemnise.

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B- Les cas de compétences judicaires

Ces cas sont relativement nombreux, listes hétéroclites au gré des circonstances…

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Chapitre 1

LE FAIT GENERATEUR DE RESPONSABILITE

SECTION 1- LA RESPONSABILITE POUR FAUTE

I. La faute de services La faute administrative n’est pas exactement conçue comme la faute civile. En droit civil, on part de la conduite, on vise une conduite n’est pas celle du « bon père de famille ». Il s’agit essentiellement de la faute « d’un homme individualisé ». En droit administratif, cela n’est pas tout à fait indifférent mais d’une manière générale, on dit que c’est moins la faute d’un individu qui compte que celle d’une organisation, d’un système. Peuvent être fautifs soit des actes juridiques, soit des opérations matérielles (des agissements). Pour les premiers, c’est simple : toute irrégularité fautive. ! La règle ne signifie pas que toutes fautes génèrent un préjudice indemnisable, au moins pour deux raisons :

♪ Souvent des actes annulés (vice de procédure) ne donnent pas droit à indemnité parce qu’au fond, ils sont justifiés.

♪ Il reste des cas où une faute lourde est exigée. Pour le reste, il est difficile de dégager des règles générales : si un agent est en cause, on va rechercher le comportement qui aurait dû être adopté (« le bon fonctionnaire »). - affaires de l’amiante, arrêt de 2004 : faute de l’État du fait de la carence de l’État

dans la prévention des risques. Dans certains cas, une faute simple ne suffit pas, il faut une faute lourde (plus restrictifs). Ces cas ont beaucoup diminué.

Arrêt Monsieur et Madame V. de 1993 =) matière hospitalière. - activités de secours et de sauvetage : certains arrêts ont retiré l’exigence d’une faute

lourde. Sont concernés le transport médical d’urgence, sauvetage en mer, secours élu contre l’incendie.

Arrêt CHABBA, 2003 : administration pénitentiaire, ils les jugent qu’un suicide en prison apparaît comme être la conséquence « d’une succession de fautes imputables au service pénitentiaire ».

Dès lors qu’il n’est pas fait allusion à la gravité de la faute, on est dans un système de faute simple. Restent malgré tout des activités où il faut toujours en principe une faute lourde. Les juridictions administratives : au départ il s’agit d’une responsabilité pure et simple. L’évolution était consécutive à une loi de 1972 sur les juridictions judiciaires qui admet en principe une faute lourde ; cette évolution résulte précisément d’un arrêt DARMONT de 1978 : pour les juridictions administratives, il faut une faute lourde. Indépendamment de cette jurisprudence, la responsabilité de l’État peut aussi être engagée en raison de la durée excessive d’une procédure.

Arrêt MAGIERA, démis de points L’exercice d’un contrôle de légalité.

Avec commune de Saint-Florent, 2000 : préfet qui ne défère pas au tribunal administratif 9 délibérations du conseil municipal alors que des prises de décisions ont des conséquences financières catastrophiques. C’est un arrêt qui casse un arrêt de cour d’appel qui admettait une faute simple.

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Pour d’autres activités, l’exigence une faute lourde varie selon les circonstances. Deux exemples. - les services fiscaux : depuis un arrêt BOURGEOIS de 1990, la faute lourde n’est

exigée que lorsque le fisc se heurte à des difficultés particulières. - La police. Au départ, il y avait exigence d’une faute lourde (arrêt Tomaso Grecco,

1905). Ont ensuite été distinguées, les activités de terrain et les activités bureaucratiques : la faute lourde ne subsistait que pour les premières. C’est encore en partie vraie, mais la jurisprudence n’est pas systématique (elle procède au cas par cas) car il s’est révélé que des activités de terrain ne posaient pas de problème tandis que des activités de réglementation si. Les tribunaux varient en fait en fonction de la marge de manœuvre (pouvoir discrétionnaire) qu’on entend laisser à la police.

S’agissant de l’usage des armes à feu, le régime particulier : □ Il y a régime de faute simple, si la personne atteinte était celle

qui était visée. □ Il y a responsabilité sans faute s’il s’agit d’un tiers.

Arrêt LECOMTE, 1949.

II. La répartition de la responsabilité entre l’administration et ses agents. La répartition continue de se faire sur la base des principes de l’arrêt PELLETIER de 1873. De la faute de services qui engage la responsabilité de l’administration, se distingue la faute personnelle qui engage la responsabilité de l’agent. Il y a toujours eu tendance au développement d’une responsabilité administrative. Il s’agit de permettre aux victimes de poursuivre administration plutôt que ces agents (plus sûr d’être payé). Ce développement de la responsabilité administrative s’est fait de deux manières :

► Conception restrictive de la faute personnelle Arrêt THEPAZ, TC, 1935 : il considère que même une faute pénale peut ne pas être personnelle.

► « des théories du cumul »

A- Les théories du cumul Alors que l’arrêt PELLETIER paraissait considérer que les deux sortes de fautes étaient exclusives l’une de l’autre, la jurisprudence a admis l’action contre l’administration même lorsque le dommage résulte une faute personnelle. A été admis, le « cumul des fautes ».

Arrêt ANGUET, 1911 : s’il y a plusieurs fautes à l’origine d’un seul et même dommage, tout à la fois fautes de service et personnel, la victime peut alors réclamer l’intégralité de la réparation à l’administration, soit agir contre le fonctionnaire.

Il s’agissait d’un bureau de poste qui ferme avant l’heure =) faute de services. Deux agents sortent violemment un usager (jambe cassée) =) dommage qui résulte de deux fautes.

A été admis, le « cumul des responsabilités ». Arrêt LEMONNIER, 1918 : il s’agit toujours de permettre à la victime de choisir son action. Dans l’hypothèse où le dommage causé par une faute unique qui s’analyse comme une faute personnelle ou une faute de services.

Maire qui autorise un stand de tir au bord d’une rivière, mais promenades de l’autre côté…passants se font tirer dessus =) faute personnelle et de services, il pourra donc y avoir action contre le maire personnellement et d’administration.

B- Les actions récursoires Dès lors que la responsabilité de l’administration a pu être engagée en raison de fautes personnelles, le problème s’est posé de la possibilité pour l’administration de se retourner contre ses agents.

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Dans un premier temps, toute action récursoire est apparue impossible. N’existait alors qu’un mécanisme de subrogation. La victime ayant attaqué à la fois l’administration et l’agent ne pouvait recevoir deux indemnités. Cette absence d’action récursoire conduisait à une quasi irresponsabilité des agents. Ce sont deux arrêts de 1951 qui ont admis la possibilité d’action récursoire.

Arrêts LA RUELLE et DELVILLE Ses actions relèvent toujours du juge administratif. C’est le cas même s’il s’agit d’apprécier une faute personnelle. Il s’agit pour le juge de régler la contribution finale de l’administration et de l’agent à la charge des réparations. Ce ne sont plus là des problèmes qui intéressent la victime.

Arrêt PAPON, 12 avril 2000

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SECTION 2- LA RESPONSABILITE SANS FAUTE

L’anormalité ne se situe plutôt au même niveau. Dans la responsabilité pour faute c’est le fait générateur qui est anormal. Pour la responsabilité sans faute, c’est le préjudice qui est anormal.

Certaines conditions doivent être réunies pour qu’il y ait préjudice anormal. Deux de ces conditions sont positives :

� Il doit être le « spécial » c’est-à-dire particulier à un individu ou un groupe d’individus

� Il doit être grave Deux de ses conditions sont négatives :

� Il ne doit pas s’analyser comme la réalisation d’un aléa normalement assumé par la victime.

Arrêt manufacture du Haut Rhin, 1962 : marchands d’arme à qui le gouvernement refuse de passer un contrat. Il ne pouvait ignorer l’aléa qu’impliquait de passer de tels contrats.

� La réparation ne doit pas avoir été exclue par le législateur. On distingue deux types de responsabilité pour faute :

♥ La responsabilité pour risques (accident) ♥ La responsabilité pour rupture directe de l’égalité devant les charges

publiques. Il ne faut pas exagérer la portée de cette distinction. Dans les deux cas, c’est le même principe qui fonde la responsabilité : la seule différence est que dans un cas il y a accident mais pas dans l’autre.

I. Le risque

A- Les dommages subis par les collaborateurs du service public A été admise la responsabilité pour risques professionnels.

Arrêt CANES, 1895 Il ne concerne que les collaborateurs permanents à l’exception des fonctionnaires militaires. En effet, pour ceux-ci existaient déjà des régimes forfaitaires d’indemnisation. Des lois ultérieures lui ont fait perdre sa portée. - loi de 1946 sur la sécurité sociale.

Arrêt Commune de Saint-Priest de la Plaine, 1946 a étendu la jurisprudence CANES aux « collaborateurs occasionnels du service public ».

Trois services publics sont concernés : ● Lutte contre l’incendie ● Le secours aux accidents ● L’organisation des réjouissances publiques

Ce n’est pas exhaustif. Cela vaut pour tout type de service public. - parents qui accompagnent des enfants en sortie. En toute hypothèse, trois conditions doivent être réunies :

➫ il faut participer aux services publics (jurisprudence souple). ➫ La collaboration doit être agréée par l’autorité publique ➫ La collaboration doit être justifiée

La jurisprudence réputée extensive, veille à ne pas décourager les volontés.

B- Les dommages procédant d’un risque exceptionnel

A été admise la responsabilité pour risques de voisinage. Arrêt REGNAULT DES ROZIERS de 1919 concernant l’explosion d’un dépôt de munitions.

Par extension, on trouve aujourd’hui la jurisprudence sur les armes à feu. Aux choses dangereuses, ce sont ajoutées certaines activités administratives. Sont visés les dommages causés par des détenus ayant bénéficié de permission de sortie,

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libération conditionnelle, etc. On est aussi des jurisprudences sur des mineurs relevant des CES ou les malades d’hôpitaux psychiatriques. Existe aussi une responsabilité du fait des attroupements et rassemblements selon une loi de 1914. Elle a d’abord pesé sur les communes (judiciaire). Depuis 1983, c’est une responsabilité d’État. Depuis 1986, elle relève du juge administratif. Il faut que le fait dommageable ait un caractère collectif et que les manifestants soient livrés à des actes de violence constitutive de crimes et délits.

Arrêt AGF, 2000. A été admis une responsabilité sans faute, par la jurisprudence, pour certains actes diagnostiques ou actes thérapeutiques comportant des risques.

Arrêt BIANCHI, 1993 : il admettait une responsabilité mais restait restrictif comme la jurisprudence ultérieure.

C’est pour aller au-delà de cette jurisprudence, pour indemniser plus largement « l’aléa thérapeutique » est intervenu la loi de 2002 sur les droits des malades. S’est encore ajoutée en 1995, une responsabilité des centres de transfusion sanguine à raison des produits qu’ils fournissent.

Arrêt du 26 mai 1995 (3). Les centres sont responsables des dommages causés par la mauvaise qualité de leurs produits

Depuis cette jurisprudence, il y a une réforme de la transfusion sanguine. En vertu de la loi du 31 juillet 1998 au lieu des 41 centres existants, il y a depuis 2000 un établissement français du sang qui est un établissement public de l’État (opérateur unique).

II. La rupture directe de l’égalité devant les charges publiques Elle fonde la responsabilité du fait des lois et du fait des conventions internationales. La responsabilité du fait des lois a été admise par l’arrêt LAFLEURETTE (1938). Il y a eu extension aux conventions internationales en 1966.

Arrêt compagnie général des énergies radioélectriques Tout cela reste encore très théorique. Elle fonde aussi la responsabilité du fait des décisions et agissements non fautifs de l’administration. Le premier exemple, longtemps isolée, a concerné le refus de prêter le concours de la force publique pour l’exécution des décisions judiciaires.

Arrêt COUITEAS, 1923. Sur un domaine de 38 000 ha vivent 80 000 personnes. Le propriétaire obtient un jugement qui ordonne leur expulsion. Il demande et se voit refuser le recours à la force publique au motif que l’opération ne pourrait se faire sans trouble grave. Le conseil d’État admet ce refus tant qu’il y a « un danger pour l’ordre et la sécurité » mais il ajoute que le préjudice en résultant ne saurait « s’il excède d’une certaine durée, être regardé comme charges incombant normalement à l’intéressé ».

- jugement ordonnant l’expulsion de locataires. En 1997, il y avait eu environ 88 000 jugements de la sorte. Dans toutes les affaires le problème de savoir si le refus est ou non justifié. S’il refus n’est pas justifié, il y aura indemnisation sur le terrain de la faute.

En dehors de COUITEAS, c’est seulement à partir des années 1960 que la jurisprudence a clairement admis la responsabilité du fait des actes réguliers notamment en matière de police. Sont concernés :

➸ les actes non réglementaires =) cas d’entraves à l’utilisation du domaine public

➸ les actes réglementaires =) avec commune de G. , 1963 : maire réglemente l’accès au cirque, réserve une partie du chemin aux piétons, une autre aux touristes à cheval. Il y a recours d’un marchand de souvenirs qui se trouvent du côté cheval. Le principe de la responsabilité est admis alors même que l’arrêté est considéré comme légal.

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SECTION 3 – LES DOMMAGES DE TRAVAUX PUBLICS Il s’agit de dommages résultant des travaux publics et, par extension, des ouvrages publics.

� Pourquoi sont-ils traités à part. � Le droit présente la matière une certaine autonomie. Il est

précédent au régime des générales (loi du 28 Pluviôse An VIII) � S’il y a une part de responsabilité sans faute, cela reste discuté.

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Chapitre 3

LA MISE EN ŒUVRE DE LA RESPONSABILITE

SECTION 1- L’IMPUTABILITE DU PREJUDICE

Il faut un lien de causalité entre le préjudice et le fait générateur. I l faut identifier la personne responsable du dommage. Normalement, il n’y a pas de difficulté, c’est la personne qui assure le service. C’est parfois moins évident notamment quand les agents d’une collectivité sont appelés à effectuer une tâche qui relève de la compétence d’une autre collectivité. Alors, la responsabilité encourue est en principe celle de la personne chargée du service. - police : domaine où les services d’État (préfet) peuvent intervenir au nom de la

commune =) ils engagent alors la responsabilité de la commune. Arrêt PAPIN, 2004 concernant l’exercice de la fonction juridictionnelle. Il juge que même lorsque cette fonction est assurée par des instances qui ne relèvent pas de l’État, la responsabilité est toujours celle de l’État. Était en cause la sanction de conseil d’administration d’université constituée en formation disciplinaire.

S’il apparaît que le dommage n’est pas imputable à la seule activité administrative mais l’est aussi à une cause dite « étrangère », la responsabilité est susceptible d’être atténuée voire supprimée. Trois principales catégories de cause étrangère.

La force majeure : fait extérieur aux parties imprévisible et irrésistible, qui entraîne le rejet de toute indemnisation (sauf si du fait de son action l’administration aggrave les dommages)

La faute de la victime qui conduit à un partage de la responsabilité sauf si la faute de la victime est extrêmement grave

Arrêt SARL 57, 1980 concernant l’incendie d’un dancing qui avait fait 147 victimes. Les dirigeants de l’établissement avaient demandé une indemnisation à la commune soutenant qu’elle n’avait pas assez surveillé les conditions de sécurité =) rejet. Le fait d’un tiers qui n’intervient que dans les cas de responsabilité

pour faute.

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SECTION 2- LE PREJUDICE INDEMNISABLE Le préjudice indemnisable est un préjudice anormal (faute, autre condition). À cela, s’ajoutent différentes conditions :

� Le préjudice doit être certain est réel. Cela pose problème lorsqu’il est invoqué la perte d’un avantage futur.

- diplôme non donné irrégulièrement =) perte de la chance d’avoir un emploi ? � Le préjudice doit constituer une atteinte à un intérêt

juridiquement protégé. � Le préjudice doit être appréciable en argent. Peuvent être

indemnisés les dommages matériels mais aussi « la douleur morale ».

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SECTION 3- L’INDEMNISATION

� Déterminer le montant, les modalités, etc. Quelques remarques sur l’action en indemnité devant le juge.

Les tribunaux administratifs sont juges de droit commun. Depuis 1989, le conseil d’État n’est plus que le juge de cassation, normalement sur recours dirigés contre les arrêts des cours administratives d’appel. ! Dans certains cas, les tribunaux administratifs se prononcent en premier et dernier ressort. Cela résulte d’un décret du 24 juin 2003 relatifs au cours administratives d’appel.

Sauf en matière de travaux publics, il faut avoir fait une demande préalable à l’administration.

� Si la décision expresse de rejet, il y a deux mois pour saisir le juge.

� S’il y a silence prolongé de deux mois, il y a décision implicite de rejet. Alors toutefois, la règle n’est pas celle qui vaut en matière de recours pour excès de pouvoir parce que l’expiration du délai ne fait pas courir le délai de recours contentieux (il n’y a pas de délai sauf la prescription quadriennale). Il en va de même en matière de travaux publics.

Le ministère d’avocat est en principe obligatoire. Indépendamment des règles relatives au délai, il peut y avoir prescription. Selon une loi de 1831 (telle que modifié en 1938) sont prescrites « les créances qui n’ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l’année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ». C’est une règle purement comptable parallèlement aux règles de la responsabilité.

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PARTIE QUATRIEME

INTRODUCTION AU DROIT DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF

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Chapitre 1

LE RECOURS POUR EXCES DE POUVOIR

SECTION 1- LES CONDITIONS DE RECEVABILITE DU RECOURS POUR EXCES DE POUVOIR

� Faut-il y juger ?

Quatre sortes de données sont à prendre en compte.

I. La requête (l’acte introductif à l’instance). V : organisation des juridictions (conditions concernant la requête elle-même et les délais).

II. Le requérant Il lui faut la capacité d’agir en justice. En principe, s’applique les règles de droit commun. Il y a néanmoins quelques aménagements. - incapable en hôpital psychiatrique peut faire un recours pour excès de pouvoir contre

la décision de l’interner. Il n’y a aucune condition concernant la nationalité. Depuis 1864, il n’y a pas besoin d’avocat (tout au moins devant le tribunal administratif). Pour l’essentiel (décret de 2003) ce n’est pas vrai devant les cours administratives d’appel et cela ne vaut pas pour le conseil d’État. Il faut justifier d’un intérêt à agir (intérêts matériels mais aussi d’ordre moral, tout intérêt qui n’est pas illicite). S’applique le principe général de procédure : Pas d’intérêts, pas d’action. Lors du développement du recours pour excès de pouvoir cette application a été très discutée. En effet, dès lors que le recours était dit « objectif » il n’était censé tendre qu’au respect du droit, on ne pouvait estimer qu’il devait être ouvert à tout administré, qu’il doit être « une action populaire ». Finalement, la jurisprudence s’est située entre deux positions extrêmes :

� d’un côté, on ne peut pas se prévaloir simplement de sa qualité de citoyen, d’administré.

� D’un autre côté, il n’est pas nécessaire que l’intérêt invoqué soit propre, spécial au requérant.

Une personne physique doit justifier d’un intérêt personnel suffisant. Il lui faut « établir que l’acte attaqué l’affecte dans des condition suffisamment spéciales, certaines et directes ». - tout usager ou candidat usager d’un service public peut contester les actes

d’organisation ou de fonctionnement du service, il suffit que le service soit directement mis en cause.

- Étudiants peuvent attaquer la nomination d’un professeur mais pas d’un inspecteur général.

Arrêt Croix de Seguey Tivoli, 1906 : Léon Duguit avec des habitants de son quartier se plaignaient de la suppression d’une ligne de tramway.

L’intérêt d’une personne morale, quant à lui, s’apprécie normalement en fonction de son objet social. L’intérêt à agir d’une personne publique contre une autre est également largement admis (tout comme celui de certaines autorités administratives).

Arrêt commune Néris-les-Bains (1902) qui reconnaît l’intérêt à agir du maire contre un acte du préfet intervenant comme autorité de tutelle.

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III. L’acte attaqué On ne peut attaquer n’importe quoi par recours pour excès de pouvoir. Il faut attaquer tout à la fois un acte normateur, unilatéral et administratif. (Voir le chapitre sur les normes administratives). Sont exclus :

〜 Les actes de gouvernement 〜 Les contrats sauf dans le cadre du déféré préfectoral, et sauf

également, depuis l’arrêt ville et de Lisieux de 1998, les contrats par lesquels les collectivités recrutent leur agent non titulaire. Cela confirme la tendance contemporaine à admettre le recours pour excès de pouvoir pour les contrats.

IV. La juridiction saisie

Il faut saisir le juge compétent. C’est en principe le tribunal administratif, parfois le conseil d’État… Il faut aussi qu’il n’y ait pas de « recours parallèle » c’est-à-dire qu’il n’existe pas d’autre recours juridictionnel permettant d’obtenir le même résultat. C’était une condition essentielle au milieu du XIXe siècle. Au départ, beaucoup de recours était considérés comme parallèles. - si on contestait un règlement de police, on considérait il y avait recours parallèle car il

y avait alors des poursuites devant les juridictions judiciaires (où l’administré pouvait se défendre).

La plupart des hypothèses ont disparu car il n’apparaissait pas comme équivalent au recours pour excès de pouvoir.

Arrêt LAFAGE, 1912. Malgré cela, la disparition n’est pas totale. - recours fiscal contre un acte individuel d’imposition devant le juge de l’impôt. Ce

recours est toujours considéré comme parallèle.

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SECTION 2- LES CAS D’OUVERTURE (LES MOYENS SUSCEPTIBLES D’ÊTRE AVANCES)

C’est en négatif, les règles relatives à l’acte. On distingue deux catégories :

irrégularités internes irrégularités externes.

I. Les irrégularités externes.

A- L’incompétence.

Elle peut être négative. - si une autorité refuse de prendre la décision qu’elle devait prendre - si l’autorité se considère à tort de respecter un avis. Elle peut-être positive si une autorité excède les limites de sa compétence. Trois hypothèses sont à distinguer :

� un compétence matérielle : intervention dans une matière étrangère à sa compétence

� incompétence territoriale : décision allant au-delà de sa circonscription � incompétence temporelle : personne qui n’est pas encore ou plus

compétente. Pour permettre au juge de soulever d’office irrégularité, certains vices de procédures sont assimilés à l’incompétence. - lorsque le gouvernement n’a pas respecté la procédure de consultation du conseil

d’État. C’est justifié par le fait qu’en principe les avis du conseil d’État sont secrets =) artifice qui permet de soulever d’office.

B- Le vice de procédure et le vice de forme

Il y a irrégularité entraînant l’annulation s’il y a omission d’une procédure ou forme obligatoire. Il en va de même s’il y a « une irrégularité substantielle » c’est-à-dire une irrégularité telle que la règle a été dénaturée. - s’il y a motivation =) le fait qu’elles soient superficielles, stéréotypés. - Avis =) organisme mal composé est donc qui ne garantit pas l’impartialité. Il n’y a pas annulation :

� Si l’irrégularité est non substantielle : toute irrégularité de forme ou de procédure n’entraîne pas l’annulation

� Si l’irrégularité, bien que substantielle, est considéré comme ne devant pas être sanctionnée.

- procédure dans le respect s’est révélée impossible =) organisme qui doit être consulté refusent de se prononcer =) organisme qui doit être consulté n’est pas encore constituer (texte qui le prévoit miner pas instituer en pratique).

II. Les irrégularités internes

A- « La violation directe de la loi »

Il s’agit des irrégularités concernant le contenu de l’acte. La « loi » ici, c’est le droit.

B- Le détournement de pouvoir C’est l’irrégularité relative au but de l’acte Elle est très souvent invoquée mais donne rarement lieu à une annulation, pour deux raisons :

1. elle est difficile à prouver (élément psychologique)

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2. il y a souvent interférence d’intérêts différents. Les intérêts publics et privés se mélangent de telle sorte qu’il n’y a pas toujours de quoi justifier une décision.

- l’expropriation pour cause d’utilité publique. Des intérêts privés sont facilement admis dès lors qu’ils ne sont pas déterminants et que d’autres intérêts peuvent justifier la décision.

Arrêt ville de Sochaux, 1971 : affaire où il y avait une expropriation pour construire une déviation routière facilitant l’accès aux usines Peugeot. Malgré cet intérêt privé, il n’y a pas eu détournement de pouvoir car il est « conforme à l’intérêt général de satisfaire à la fois les besoins de la conciliation publique et les exigences du développement d’un ensemble industriel qui joue un rôle important dans l’économie régionale ».

C- L’inadéquation de l’acte au but

C’est difficile à établir et toujours plus ou moins discuté. Sous couvert de contrôler la régularité, le juge tend en réalité à ne faire qu’un contrôle de régularité de l’acte. - police et expropriation pour cause d’utilité publique, domaine où les mises en œuvre

une « théorie du bilan ». Arrêt ville nouvelle Est, 1971 (aujourd’hui Villeneuve-d’Ascq)

D- Les irrégularités relatives au motif

Au moins quatre irrégularités peuvent être distinguées :

� L’erreur de droit : erreur concernant le sens où la portée d’une norme (application d’une norme inapplicable, irrégulière, erreur d’interprétation)

� L’erreur de fait : hypothèse où la décision prise est fondée sur des faits « matériellement inexacts » cette erreur n’est contrôlée que depuis :

Arrêt CAMINO, 1916 (étape importante de l’histoire du recours pour excès de pouvoir) : avant il n’appartenait pas au juge d’apprécier les faits, c’était le rôle de l’administration.

� L’erreur de qualification juridique des faits : une décision est prise fondée sur des faits qui ne sont pas de nature à la justifier Cette erreur n’est contrôlée que depuis l’arrêt GOWEL de 1914. Cet arrêt est antérieur de deux ans à l’arrêt CAMINO, c’est dû de au hasard du contentieux, même si ça paraît aberrant. Après l’arrêt GOWEL, le contrôle a eu tendance à se généraliser. Mais à subsister des domaines où il ne s’est pas exercé (où le conseil d’État a voulu laisser un pouvoir discrétionnaire à l’administration).

� L’erreur manifeste d’appréciation C’est l’erreur de droit dont le contrôle a été progressivement développé à partir des années 1960 dans les domaines où n’était pas contrôlée la qualification.

Arrêt MASPERO, 1973 S’il n’y a jamais contrôle identique à celui exercé en vertu de la jurisprudence GOWEL, c’est malgré tout un contrôle de même nature. La seule différence est qu’il est plus superficiel. Il ne conduit qu’à sanctionner les erreurs grossières, évidentes.

Lorsque est seulement contrôlée l’erreur manifeste, il y a contrôle restreint. Le contrôle n’est restreint qu’en ce qui concerne la qualification juridique des faits. Il n’empêche pas le contrôle des autres cas d’ouverture. Lorsque le contrôle n’est pas restreint, il est « normal ». Le contrôle peut aussi être moins que restreint ou plus que normal. Il est moins que restreint s’il n’y a pas contrôle de l’erreur manifeste (contrôle ultra minimum). C’est plus que normal quand il y a contrôle de l’adéquation de l’acte but (police, expropriation, etc.).

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En toute hypothèse, l’étendue du contrôle peut toujours évoluer. La tendance est au développement du contrôle.

Arrêt MULSANT et RAOULT

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SECTION 3 – LES EFFETS DU RECOURS POUR EXCES DE POUVOIR

« L’annulation d’un acte administratif qui implique en principe que cet acte est réputé n’être jamais intervenu ».

Arrêt association AC !, 11 mai 2004 (association agir ensemble contre le chômage). Ce principe n’est pas nouveau. C’est aussi ancien que le recours pour excès de pouvoir. Ce principe signifie que l’administration doit se placer à la date où l’acte avait été pris afin, le cas échéant, de reconstituer tout ce qui se serait passé s’il n’y avait pas eu irrégularité et annulation.

C’est souvent en pratique très complexe. Le principe est donc à la fois une nécessité et une fiction. Il y a des exigences contradictoires à concilier.

Arrêt RODIERES, 1925. La loi de 1995, permet, en cas de difficultés, au juge d’intervenir directement, de prescrire les mesures à prendre. L’arrêt association AC ! tout en réaffirmant le principe de l’effet rétroactif des annulations, admet qu’il puisse y être dérogé à titre exceptionnel. (cf. Fiche RD). L’arrêt admet également que l’annulation ne prenne effet qu’à une date ultérieure déterminée par le juge. Alors qu’il est du 11 mai 2004, il annule certaines dispositions des actes contestés à compter du 1er juillet 2004 (révolution en droit administratif). La jurisprudence risque de rester très restrictive. En atteste par exemple :

Arrêt du 23 février 2005, association pour la transparence et la moralité des marchés publics (ATMMP). C’est un arrêt qui annule certaines dispositions du code des marchés publics et qui considère « qu’il n’y a pas lieu dans les circonstances de l’espèce de limiter dans le temps les effets des annulations prononcées ».