Dreptul Instit.ue
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Winston ChurchillZurich, 19 septembre 1946
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs,
J'ai l'honneur aujourd'hui d'être reçu par votre vénérable université et je voudrais vous parler de la tragédie de l'Europe. Ce continent magnifique, qui comprend les parties les plus belles et les plus civilisées de la terre, qui a un climat tempéré et agréable et qui est la patrie de tous les grands peuples apparentés du monde occidental. L'Europe est aussi le berceau du christianisme et de la morale chrétienne. Elle est à l'origine de la plus grande partie de la culture, des arts, de la philosophie et de la science du passé et du présent. Si l'Europe pouvait s'unir pour jouir de cet héritage commun, il n'y aurait pas de limite à son bonheur, à sa prospérité, à sa gloire, dont jouiraient ses 300 ou 400 millions d'habitants. En revanche, c'est aussi d'Europe qu'est partie cette série de guerres nationalistes épouvantables déclenchées par les Teutons dans leur course à la puissance et que nous avons vus au XXe siècle. La paix a été ainsi troublée et les espérances de l'humanité entière réduites à néant.
Et qu'est-il advenu dans tout cela de l'Europe ? Quelques petits États ont atteint une certaine prospérité, mais de vastes régions de l'Europe offrent l'aspect d'une masse d'êtres humains torturés, affamés, sanglotants et malheureux, qui vivent dans les ruines de leurs villes et de leurs maisons et voient se former un nouvel amoncellement de nuages, de tyrannie et de terreur qui obscurcissent le ciel à l'approche de nouveaux dangers. Parmi les vainqueurs, c'est un brouhaha de voix ; chez les vaincus : silence et désespoir. Voilà tout ce que les Européens rassemblée en d'anciens États et nations, voilà ce que la race allemande a atteint en allant répandre au loin la terreur. La grande république au-delà de l'Atlantique a compris avec le temps que la ruine ou l'esclavage de l'Europe mettrait en jeu son propre destin et elle a alors avancé une main secourable faute de quoi les âges sombres seraient revenus avec toutes leurs horreurs. Ces horreurs, Messieurs, peuvent encore se répéter.
Mais il y a un remède ; s'il était accepté par la grande majorité de la population de plusieurs États, comme par miracle toute la scène serait transformée, et en quelques années l'Europe, ou pour le moins la majeure partie du continent, vivrait aussi libre et heureuse que les Suisses le sont aujourd'hui. En quoi consiste ce remède souverain ? Il consiste à reconstituer la famille européenne, ou tout au moins la plus grande partie possible de la famille européenne, puis de dresser un cadre de telle manière qu'elle puisse se développer dans la paix, la sécurité et la liberté. Nous devons ériger quelque chose comme les États-Unis d’Europe. C'est la voie pour que des centaines de millions d'êtres humains aient la possibilité de s'accorder ces petites joies et ces espoirs qui font que la vie vaut la peine d'être vécue. On peut y arriver d'une manière
fort simple. Il suffit de la résolution des centaines de millions d'hommes et de femmes de faire le bien au lieu du mal, pour récolter alors la bénédiction au lieu de la malédiction.
Mesdames, Messieurs, l'Union paneuropéenne a fait beaucoup pour arriver à ce but et ce mouvement doit beaucoup au comte Coudenhove-Kalergi et à ce grand patriote et homme d'État français que fut Aristide Briand. Il y a eu aussi cet immense corps de doctrine et de procédure, qui fut créé après la première guerre et à laquelle s'attachèrent tant d'espoirs, je veux parler de la Société des Nations. Si la Société des Nations n'a pas connu le succès, ce n'est pas parce que ses principes firent défaut, mais bien du fait que les États qui l'avaient fondée ont renoncé à ces principes. Elle a échoué parce que les gouvernements d'alors n'osèrent pas regarder les choses en face. Il ne faut pas que ce malheur se répète. Nous avons maintenant davantage d'expérience, acquise à un prix amer, pour continuer de bâtir.
C'est avec une profonde satisfaction que j'ai lu dans la presse, il y a deux jours, que mon ami le président Truman avait fait part de son intérêt et de sa sympathie pour ce plan grandiose. Il n'y a aucune raison pour que l'organisation de l'Europe entre en conflit d'une manière quelconque avec l'Organisation mondiale des Nations unies. Au contraire, je crois que l'organisation générale ne peut subsister que si elle s'appuie sur des groupements naturellement forgés. Il existe déjà un tel groupement d'États dans l'hémisphère occidental. Nous autres Britanniques, nous avons le Commonwealth. L'organisation du monde ne s'en trouve pas affaiblie, mais au contraire renforcée et elle y trouve en réalité ses maîtres piliers. Et pourquoi n'y aurait-il pas un groupement européen qui donnerait à des peuples éloignés l'un de l'autre le sentiment d'un patriotisme plus large et d'une sorte de nationalité commune ? Et pourquoi un groupement européen ne devrait-il pas occuper la place qui lui revient au milieu des autres grands groupements et contribuer à diriger la barque de l'humanité ? Afin de pouvoir atteindre ce but, il faut que les millions de familles collaborent sciemment et soient animées de la foi nécessaire, quelle que puisse être la langue de leurs pères.
Nous savons tous que les deux guerres mondiales que nous avons vécues sont nées des efforts vaniteux de l'Allemagne nouvellement unie de jouer un rôle dominateur dans le monde. La dernière guerre a été marquée par des crimes et des massacres tels qu'il faut remonter jusqu'à l'invasion des Mongols, au XIVe siècle, pour trouver quelque chose d'approchant, et tels aussi que l'histoire de l'humanité n'en avait encore jamais connu jusqu'alors. Le coupable doit être châtié. Il faut mettre l'Allemagne dans l'impossibilité de s'armer à nouveau et de déclencher une nouvelle guerre d'agression. Quand cela sera chose faite, et cela le sera, il faudra que se produise ce que Gladstone nommait jadis « l'acte béni de l'oubli ». Nous devons tous tourner le dos aux horreurs du passé et porter nos regards vers l'avenir. Nous ne pouvons pas continuer de porter dans les années à venir la haine et le désir de vengeance tels qu'ils sont nés des injustices passées. Si l'on veut préserver l'Europe d'une misère sans nom, il faut faire place à la foi en la famille européenne et oublier toutes les folies et tous les crimes du passé. Les peuples libres de l'Europe pourront-ils se hisser au niveau de cette décision ? S'ils en sont capables, les injustices causées seront partout lavées par la somme de misères endurées. L'agonie doit-elle se prolonger ? La seule leçon de
l'histoire est-elle que l'humanité est fermée à tout enseignement ? Faisons place à la justice et à la liberté. Les peuples n'ont qu'à le vouloir pour que leurs espoirs se réalisent.
J'en viens maintenant à une déclaration qui va vous étonner. Le premier pas vers une nouvelle formation de la famille européenne doit consister à faire de la France et de l'Allemagne des partenaires. Seul, ce moyen peut permettre à la France de reprendre la conduite de l'Europe. On ne peut pas s'imaginer une renaissance de l'Europe sans une France intellectuellement grande et sans une Allemagne intellectuellement grande. Si l'on veut mener à bien sincèrement l'œuvre de construction des États-Unis d'Europe, leur structure devra être conçue de telle sorte que la puissance matérielle de chaque État sera sans importance. Les petits pays compteront autant que les grands et s'assureront le respect par leur contribution à la cause commune. Il se peut que les anciens États et les principautés de l'Allemagne, réunis dans un système fédératif avec leur accord réciproque, viennent occuper leur place au sein des États-Unis d'Europe. Je ne veux pas essayer d'élaborer dans le détail un programme pour les centaines de millions d'êtres humains qui veulent vivre heureux et libres, à l'abri du besoin et du danger, qui désirent jouir des quatre libertés dont parlait le grand président Roosevelt et qui demandent à vivre conformément aux principes de la Charte de l'Atlantique. Si tel est leur désir, ils n'ont qu'à le dire et l'on trouvera certainement les moyens d'exaucer pleinement ce voeu.
Mais j'aimerais lancer un avertissement. Nous n'avons pas beaucoup de temps devant nous. Nous vivons aujourd'hui un moment de répit. Les canons ont cessé de cracher la mitraille et le combat a pris fin, mais les dangers n'ont pas disparu. Si nous voulons créer les États-Unis d'Europe, ou quelque nom qu'on leur donne, il nous faut commencer maintenant.
En ces jours présents, nous vivons curieusement sous le signe, on pourrait dire sous la protection, de la bombe atomique. La bombe atomique est toujours aux mains d'un État et d'une nation dont nous savons qu'ils ne l'utiliseront jamais autrement que pour la cause du droit et de la liberté. Mais il se peut aussi que d'ici quelques années, cette énorme puissance de destruction soit largement connue et répandue, et alors la catastrophe engendrée par l'emploi de la bombe atomique par des peuples en guerre, signifierait non seulement la fin de tout ce que nous nous représentons sous le mot de civilisation, mais aussi peut-être la dislocation de notre globe.
Je veux maintenant formuler ces propositions devant vous. Il faut que notre but permanent soit d'accroître et de renforcer la puissance de l'Organisation des nations unies. Il nous faut re-créer la famille européenne en la dotant d'une structure régionale placée sous cette organisation mondiale, et cette famille pourra alors s'appeler les États-Unis d'Europe. Le premier pas pratique dans cette voie prendra la forme d'un Conseil de l'Europe. Si, au début, tous les États européens ne veulent ou ne peuvent pas adhérer à l'Union européenne, nous devrons néanmoins réunir les pays qui le désirent et le peuvent. Le salut de l'homme quelconque de toute race et de tout pays, ainsi que sa préservation de la guerre ou de l'esclavage, ont besoin de fondements solides et de la volonté de tous les hommes et de toutes les femmes de mourir plutôt
que de se soumettre à la tyrannie. En vue de cette tâche impérieuse, la France et l'Allemagne doivent se réconcilier ; la Grande-Bretagne, le Commonwealth des nations britanniques, la puissante Amérique, et, je l'espère, la Russie soviétique - car tout serait alors résolu - doivent être les amis et les protecteurs de la nouvelle Europe et défendre son droit à la vie et à la prospérité.
Et c'est dans cet esprit que je vous dis : En avant, l'Europe !
[Le discours prononcé par Winston Churchill à l'université de Zurich, le 19 septembre 1946, est souvent cité en raison de l'appel à la constitution des « États-Unis d'Europe », mais il est généralement présenté de manière tronquée, en négligeant le fait que le rassemblement proposé est celui des nations vaincues à tour de rôle durant la guerre et qui doivent être placées sous la protection des vainqueurs.]
Après la défaite des conservateurs aux élections anglaises de 1945, Winston Churchill, ancien Premier ministre et
héros du conflit qui vient de se terminer, se mue en chantre de la réconciliation franco-allemande. En tant que leader
de l'opposition, il fait de l'Europe unie son principal cheval de bataille en politique étrangère. Au cours de ses
voyages en Europe et en Amérique, il expose à plusieurs reprises ses vues sur l'avenir de l'Europe. Le 19 septembre
1946, il prononce à l'université de Zurich un discours sur l'unité européenne qui fait sensation. Churchill est en effet
le premier, parmi les hommes politiques de premier plan, à prendre parti dans un débat où s'opposent jusqu'alors
quelques activistes de manière assez confidentielle. Momentanément dégagé de toute contingence électorale,
Churchill destine avant tout son discours aux leaders internationaux.
Dans son intervention, Churchill répète des idées connues depuis longtemps mais auxquelles il donne cette fois un
impact sans précédent. En prônant le rapprochement franco-allemand et en proposant "une sorte d'États-Unis
d'Europe", mais sans y associer la Grande-Bretagne, Churchill dresse le tableau d'une future fédération de l'Europe
occidentale non-communiste. Il se déclare ainsi favorable à une troisième voie européenne susceptible de trouver sa
place entre les États-Unis et l'Union soviétique. Il prône aussi la création d'un Conseil de l'Europe.
Le discours prononcé par Winston Churchill à Zurich peut être considéré comme le véritable point de départ du
mouvement d'opinion en faveur de l'Europe unie d'après-guerre. Car dans le même temps, diverses associations
militantes sont en train de se former en Europe et elles profitent directement de l'écho du discours de Zurich pour
sortir de leur isolement médiatique.
La déclaration Schuman du 9 mai 1950
Texte intégral
La paix mondiale ne saurait être sauvegardée sans des efforts créateurs à la mesure des dangers qui la menacent.
La contribution qu'une Europe organisée et vivante peut apporter à la civilisation est indispensable au maintien des relations pacifiques. En se faisant depuis plus de vingt ans le champion d'une Europe unie, la France a toujours eu pour objet essentiel de servir la paix. L'Europe n'a pas été faite, nous avons eu la guerre.
L'Europe ne se fera pas d'un coup, ni dans une construction d'ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes créant d'abord une solidarité de fait. Le rassemblement des nations européennes exige que l'opposition séculaire de la France et de l'Allemagne soit éliminée. L'action entreprise doit toucher au premier chef la France et l'Allemagne.
Dans ce but, le gouvernement français propose immédiatement l'action sur un point limité mais décisif.
Le gouvernement français propose de placer l'ensemble de la production franco-allemande de charbon et d'acier sous une Haute Autorité commune, dans une organisation ouverte à la participation des autres pays d'Europe.
La mise en commun des productions de charbon et d'acier assurera immédiatement l'établissement de bases communes de développement économique, première étape de la Fédération européenne, et changera le destin de ces régions longtemps vouées à la fabrication des armes de guerre dont elles ont été les plus constantes victimes.
La solidarité de production qui sera ainsi nouée manifestera que toute guerre entre la France et l'Allemagne devient non seulement impensable, mais matériellement impossible. L'établissement de cette unité puissante de production ouverte à tous les pays qui voudront y participer, aboutissant à fournir à tous les pays qu'elle rassemblera les éléments fondamentaux de la production industrielle aux mêmes conditions, jettera les fondements réels de leur unification économique.
Cette production sera offerte à l'ensemble du monde sans distinction ni exclusion, pour contribuer au relèvement du niveau de vie et au développement des oeuvres de paix. L'Europe pourra, avec des moyens accrus, poursuivre la réalisation de l'une de ses tâches essentielles: le développement du continent africain.
Ainsi sera réalisée simplement et rapidement la fusion d'intérêts indispensable à l'établissement d'une communauté économique qui introduit le ferment d'une communauté plus large et plus profonde entre des pays longtemps opposés par des divisions sanglantes.
Par la mise en commun de productions de base et l'institution d'une Haute Autorité nouvelle, dont les décisions lieront la France, l'Allemagne et les pays qui y
adhéreront, cette proposition réalisera les premières assises concrètes d'une Fédération européenne indispensable à la préservation de la paix.
Pour poursuivre la réalisation des objectifs ainsi définis, le gouvernement français est prêt à ouvrir des négociations sur les bases suivantes.
La mission impartie à la Haute Autorité commune sera d'assurer dans les délais les plus rapides : la modernisation de la production et l'amélioration de sa qualité, la fourniture à des conditions identiques du charbon et de l'acier sur le marché français et sur le marché allemand, ainsi que sur ceux des pays adhérents, le développement de l'exportation commune vers les autres pays, l'égalisation dans le progrès des conditions de vie de la main-d'oeuvre de ces industries.
Pour atteindre ces objectifs à partir des conditions très disparates dans lesquelles sont placées actuellement les productions des pays adhérents, à titre transitoire, certaines dispositions devront être mises en oeuvre, comportant l'application d'un plan de production et d'investissements, l'institution de mécanismes de péréquation des prix, la création d'un fonds de reconversion facilitant la rationalisation de la production. La circulation du charbon et de l'acier entre les pays adhérents sera immédiatement affranchie de tout droit de douane et ne pourra être affectée par des tarifs de transport différentiels. Progressivement se dégageront les conditions assurant spontanément la répartition la plus rationnelle de la production au niveau de productivité le plus élevé.
A l'opposé d'un cartel international tendant à la répartition et à l'exploitation des marchés nationaux par des pratiques restrictives et le maintien de profits élevés, l'organisation projetée assurera la fusion des marchés et l'expansion de la production.
Les principes et les engagements essentiels ci-dessus définis feront l'objet d'un traité signé entre les Etats et soumis à la ratification des parlements. Les négociations indispensables pour préciser les mesures d'application seront poursuivies avec l'assistance d'un arbitre désigné d'un commun accord; celui-ci aura charge de veiller à ce que les accords soient conformes aux principes et, en cas d'opposition irréductible, fixera la solution qui sera adoptée.
La Haute Autorité commune chargée du fonctionnement de tout le régime sera composée de personnalités indépendantes désignées sur une base paritaire par les gouvernements; un président sera choisi d'un commun accord par les gouvernements; ses décisions seront exécutoires en France, en Allemagne et dans les autres pays adhérents. Des dispositions appropriées assureront les voies de recours nécessaires contre les décisions de la Haute Autorité.
Un représentant des Nations Unies auprès de cette autorité sera chargé de faire deux fois par an un rapport public à l'ONU, rendant compte du fonctionnement de
l'organisme nouveau, notamment en ce qui concerne la sauvegarde de ses fins pacifiques.
L'institution de la Haute Autorité ne préjuge en rien du régime de propriété des entreprises. Dans l'exercice de sa mission, la Haute Autorité commune tiendra compte des pouvoirs conférés à l'Autorité internationale de la Ruhr et des obligations de toute nature imposées à l'Allemagne, tant que celles-ci subsisteront.
Cette déclaration a été prononcée par Robert Schuman, ministre des affaires étrangères français, le 9 mai 1950. Il y propose la création d'une Communauté européenne du charbon et de l'acier, dont les pays membres mettraient en commun leur production de charbon et d'acier.
La CECA (membres fondateurs: France, Allemagne de l'Ouest, Italie, Pays-Bas, Belgique et Luxembourg) est la première des institutions supranationales européennes qui donneront naissance à ce qu'on appelle aujourd'hui «l'Union européenne».
Contexte historique
En 1950, les pays européens peinent encore à effacer les ravages de la Deuxième Guerre mondiale, qui a pris fin cinq ans plus tôt.
Résolus à empêcher un autre conflit aussi dévastateur, les gouvernements font le pari qu'avec la mise en commun des productions de charbon et d'acier, toute guerre entre la France et l'Allemagne, historiquement rivales, deviendra — pour citer Robert Schuman — «non seulement impensable, mais matériellement impossible».
La réunion des intérêts économiques contribuera à relever les niveaux de vie et sera un premier pas vers une Europe plus unie, pense-t-on alors — avec raison. La CECA est ensuite ouverte à d'autres pays membres.
Principales citations
«La paix mondiale ne saurait être sauvegardée sans des efforts créateurs à la mesure des dangers qui la menacent.»
«L'Europe ne se fera pas d'un coup, ni dans une construction d'ensemble: elle se fera par des réalisations concrètes créant d'abord une solidarité de fait.»
«La mise en commun des productions de charbon et d'acier (...) changera le destin de ces régions longtemps vouées à la fabrication des armes de guerre dont elles ont été les plus constantes victimes.»
Le plan Marshall
Définition
Le Plan Marshall, ou European Recovery Program (ERP), est le principal programme des Etats-Unis pour la reconstruction de l'Europe à la suite de la Seconde guerre mondiale. L'initiative américaine doit son nom au secrétaire d'Etat George Marshall ; elle est largement une création de ce ministère avec pour principaux responsables des gens comme William L. Clayton et George F. Kennan. Le plan a été développé lors d'une réunion de juillet 1947 à laquelle participaient les européens. L'URSS et ses Etats satellites d'Europe centrale étaient invités mais Staline considérait le plan comme une menace et n'autorisa la participation d'aucun pays sous son contrôle. Au cours des quatre années fiscales suivantes, environ 13 milliards de dollars d'assistance économique et technique (l'équivalent de 100 milliards de dollars de 2006, lorsque l'on ajuste cette somme pour tenir compte de l'inflation) ont été accordés pour aider à la reconstruction des pays européens regroupés au sein de l'Organization for European Economic Cooperation (aujourd'hui OCDE). L'Europe de l'Est n'a pas vu l'argent du Plan Marshall et a reçu très peu d'aide du "grand frère" soviétique. L'URSS a établi le COMECON en opposition politique au plan Marshall mais dans une logique très différente : transférer des ressources vers Moscou, et permettre au centre de mieux contrôler le tout (notamment dans les secteurs stratégiques comme l'énergie, en lien avec le pacte de Varsovie).
Analyse
Genèse
Il y avait un consensus sur l'idée de ne surtout pas répéter les erreurs commises après la Première guerre mondiale. Harry S. Truman était décidé à poursuivre une politique étrangère active, mais le Congrès était bien moins intéressé. En 1947 un hiver rigoureux aggrava une situation européenne déjà peu reluisante. La situation était spécialement mauvaise en Allemagne ou en 1946-47 le nombre moyen de calories par jour et par personne était de 1 800, un montant insuffisant pour la santé à long terme. William Clayton reporta à Washington que "des millions de gens meurent lentement de faim". Aussi importante était la pénurie de charbon, une ressource cruciale pour se chauffer à l'époque. Or les ressources américaines (agricoles, minières, pétrolières…) étaient énormes, sa base manufacturière intacte, et le pays bénéficiait d'une économie robuste, de réserves d'or à leur zénith et d'une expertise évidente en matière de logistique, avec des milliers d'hommes déjà présents sur place. La santé a long terme de l'économie américaine dépendait toutefois du commerce international ; les secteurs exportateurs avaient intérêt à stimuler la prospérité des clients européens. De fait, Le plan Marshall sera largement utilisé par les Européens pour acheter des biens manufacturiers venus des Etats-Unis.
Une autre motivation forte des Etats-Unis, et une différence importante par rapport a la période qui suivit la Première guerre mondiale, résidait dans le début de la guerre froide. Les actions soviétiques suscitaient une méfiance croissante. George Kennan prédisait déjà une division bipolaire du monde ; selon lui, le plan Marshall était une pièce centrale dans une stratégie de containment. Lorsque le plan a été initié, la grande alliance était toujours de mise et la guerre froide n'avait pas vraiment débuté. Pour ceux qui l'ont développé, la peur de l'Union soviétique n'était pas la motivation première. Par contre, la popularité des partis communistes indigènes dans de nombreux pays d Europe de l'Ouest était considérée comme inquiétante. En France et en
Italie, la pauvreté et les pénuries faisaient le jeu de partis communistes forts (environ un vote sur quatre), inféodés a Moscou et légitimés par leur rôle dans les mouvements de résistance lors de la guerre. Il y avait également le vague espoir que des pays d Europe de l'Est pourraient se joindre au plan et ainsi sortir du bloc soviétique en formation.
Avant même le plan Marshall, les Etats-Unis dépensaient beaucoup pour aider l'Europe à se relever. On estime que 9 milliards de dollars ont été dépensés entre 1945 et 1947. Le gros de cette aide était indirecte (sous forme d'accords de prêts ou d'assistance militaire à la Grèce et à la Turquie) ou en nature (efforts des troupes américaines pour restaurer les infrastructures et aider les réfugiés). Les jeunes Nations Unies lancèrent également une série de programmes humanitaires, presque tous financés par les Etats-Unis. Il faut aussi mentionner le rôle des fondations privées américaines, comme la fondation Rockefeller. Toutes ces initiatives étaient importantes mais un peu désorganisées, elles échouaient à rencontrer certains besoins fondamentaux des Européens et surtout elles manquaient de visibilité politique.
Bien avant le discours de Marshall, des plans de reconstruction de l'Europe avaient été élaborés, de la part du Secrétaire d'Etat James Byrnes et de son adjoint Dean Acheson notamment. Une alternative à l'aide américaine massive parfois avancée consistait a prendre les ressources manquantes en Allemagne ; une option connue sous le nom de "plan Morgenthau", du nom du secrétaire au Trésor Henry Morgenthau, prévoyait d'extraire des réparations d'Allemagne pour aider les autres pays et prévenir son relèvement). Une autre variante consistait à faire de l Allemagne un pays agricole et, partant, durablement inoffensif. Assez proche était le plan français dû à Jean Monnet qui proposait de donner à la France le contrôle sur les régions charbonnières de la Ruhr et de la Sarre. En 1946, les puissances occupantes s'accordaient pour poser de strictes limites à la réindustrialisation de l'Allemagne, mais cette position devint rapidement intenable : le marasme allemand bloquait toute l'Europe et occasionnait des dépenses importantes de la part des alliés. Les plans Monnet et Morgenthau furent écartés. Il est à noter que l'idée d'un plan de reconstruction avait fait son chemin aux Etats-Unis lors de la Great Depression (croyance que le marché libre ne peut répondre aux situations désespérées) ; beaucoup de ceux qui avaient conçus les programmes du New Deal se retrouvèrent a organiser les aides du plan Marshall.
Marshall fit son grand discours à l'université de Harvard le 5 juin 1947. Le discours, écrit par Charles Bohlen, ne contenait ni détails ni chiffres. Le point le plus important était l'appel lance aux Européens de se rencontrer et de créer leur propre plan de reconstruction, avec la promesse que les Etats-Unis le financerait.
Le 12 juillet les Européens se rencontrèrent à Paris. Seule l'Espagne de Franco n'avait pas été invitée. La Tchécoslovaquie et la Pologne acceptèrent l'invitation mais ne purent aller plus loin. La peur de l URSS amena également la défection de la Finlande. Convertir la promesse américaine en réalité supposait des négociations entre européens (a) et entre les institutions de Washington (b).
a/ Entre Européens, les choses n'étaient pas simples : les Français étaient obnubilés par l'idée que l'Allemagne puisse rebâtir son potentiel ; les pays du Benelux, plus proches de l'économie allemande, souhaitaient au contraire le prompt rétablissement de leur principal fournisseur et
client. Les Suédois ne souhaitaient pas couper les ponts avec les pays de l'Est et étaient très attachés à garder leur neutralité. Les Anglais réclamaient un statut spécial puisqu'en cas de traitement égal (i.e au prorata des destructions) ils ne recevraient pratiquement pas d'aide. Quant aux Américains, ils soulignaient l'importance du libre-échange et de l'unité des Européens face au bloc communiste. Les Européens demandèrent finalement 22 milliards de dollars, une somme prodigieuse à l'époque ; Truman réduisit la note à 17 milliards avant de l'envoyer au Congrès.
b/ A Washington, le plan rencontra une vive opposition au Congrès. Il fut attaqué par des gens de droite comme Robert A. Taft (car il coûtait fort cher) et par des gens de gauche comme Henry A. Wallace (au prétexte qu'il s'agissait de subventions déguisées au secteur exportateur et que le résultat serait une polarisation Est-Ouest). Cette opposition fut réduite à très peu de choses par le choc que constitua le coup de Prague en février 1948. Peu de temps après, une première tranche de 5 milliards de dollars passa l'épreuve du Congrès avec un fort soutien bipartisan. En première ligne face au communisme, et conformément avec la doctrine Truman de l'endiguement, la Grèce et la Turquie furent les premiers pays aidés.
MARSHALL PLAN
Le 5 juin 1947, dans un discours à Harvard, le secrétaire d'État George C. Marshall
propose un plan qui porte son nom. La situation économique et politique de l'Europe étant
instable, les États-Unis, dit-il en substance, ne sauraient demeurer indifférents ; leurs
intérêts sont en jeu. La politique américaine n'est dirigée « contre aucune doctrine ni aucun
pays, mais contre la faim, la pauvreté, le désespoir et le chaos ». Washington propose, en
conséquence, de fournir aux Européens les dollars dont ils ont besoin, à condition qu'ils
déterminent eux-mêmes leurs besoins et assurent la répartition des crédits américains.
Cette proposition, généreuse et intéressée à la fois, fait suite à l'exposition de la doctrine
Truman, qui date du 12 mars 1947 et vise à secourir les gouvernements grec et turc
menacés par la « subversion communiste ». Pourtant, elle s'adresse à tous les pays
européens, y compris l'Union soviétique. Moscou semble hésiter ; puis, à la fin de juin, à la
Conférence de Paris, Molotov fait connaître le refus de son gouvernement. L'U.R.S.S.
n'admet pas que les nations qui font partie de sa sphère d'influence puissent exprimer une
opinion divergente de la sienne et contraint la Tchécoslovaquie et la Pologne à refuser à
leur tour. En rejetant fermement le retour à l'isolationnisme, en se proposant de « remettre
économiquement l'Europe sur ses pieds », les États-Unis s'efforcent de réactiver le
commerce international, dont ils ont besoin, et de porter secours aux Européens, qui
manquent de denrées alimentaires, de produits industriels, de combustibles et d'argent. Ils
veulent aussi les préserver du danger communiste : 1947 marque la rupture des partis
communistes français et italien avec les coalitions au pouvoir. Le plan n'en contribue pas
moins à accélérer la coupure en deux blocs du vieux continent.
Seize pays européens se réunissent à Paris au cours de l'été 1947 pour répondre à
l'invitation du secrétaire d'État américain. De leurs délibérations naîtront un programme
commun et une organisation nouvelle, l'O.E.C.E., fondée le 16 avril 1948. Du 3 avril 1948
au 31 décembre 1951, douze milliards de dollars seront fournis par les États-Unis (5/6 sous
forme de don, 1/6 sous forme de prêt) ; 26 p. 100 iront à la Grande-Bretagne, 23 p. 100 à la
France (2 800 000 dollars). L'aide Marshall sera relayée par une aide militaire, puis
fusionnera avec elle.
Malgré ses conséquences politiques (rupture entre l'Europe occidentale et l'Europe de
l'Est), le plan Marshall a permis à l'Europe occidentale de retrouver le chemin de la
prospérité et d'entreprendre ses premiers efforts vers l'unification.
Le Conseil de l’EuropeQuatre ans après la fin de la deuxième guerre mondiale, dix pays d’Europe occidentale décidèrent le 5 mai 1949, à Strasbourg de s’unir au sein d’une nouvelle institution afin de défendre des valeurs communes - les droits de l’homme et la démocratie. Le 5 mai 1949 est créé le Conseil
de l’Europe, lui-même issu du congrès de la Haye de 1948, première rencontre des mouvements de l’après-guerre. Structure intergouvernementale, sans grands moyens financiers, le Conseil a toujours fait figure de parent pauvre dans la galaxie des institutions européennes, un forum de dialogue et de coopération au potentiel inexploité. Il réunit aujourd’hui 41 pays d’Europe.Compétences étendues, moyens resteintsLe traité de Strasbourg du 5 mai 1949, définissant le statut du Conseil de l’Europe, a été signé par dix pays : Belgique, Danemark, France, Irlande, Italie, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède. Il précise, dans son article Ier, que le but du Conseil est de « réaliser une union plus étroite entre ses membres afin de sauvegarder et de promouvoir les idées et les principes qui sont leur patrimoine commun et de favoriser leur progrès économique et social ». L’ « union plus étroite » n’est donc pas l’objectif final du statut, mais le moyen de préserver et développer un
patrimoine commun au coeur duquel se situent les principes auxquels les Etats membres doivent souscrire : liberté individuelle, liberté politique et prééminence du droit. En revanche, l’ « union sans cesse plus étroite entre les peuples de l’Europe » est la finalité affichée de l’Union européenne.
Les compétences du Conseil sont en principe très larges (économiques, sociales, culturelles, scientifiques, juridiques), seules les questions de défense lui échappant en raison de l’existence du traité de Bruxelles du 17 mars 1948, qui allait donner naissance à l’Union de l’Europe
occidentale (UEO), et surtout de celle du traité de l’Atlantique Nord, signé un mois plus tôt, le 4 avril 1949. Cela n’a pas empêché le Conseil d’exprimer son opinion sur les aspects politiques des problèmes militaires.
Les moyens dont il dispose sont cependant très faibles puisqu’il se réduisent à « l’examen de questions, la conclusion d’accords, l’adoption d’une action commune ». Néanmoins il a donné naissance à un véritable espace juridique européen : 173 conventions avaient été établies en juillet 1999, conventions acquérant un caractère contraignant pour les législations nationales une fois ratifiées par chaque État.La Convention européenne des droits de l’homme de 1950 est une des clés de voute du système. Les nombreux arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme ont permis de faire évoluer les législations nationales. Devant l’augmentation du nombre de requêtes, les moyens de la Cour ont été renforcés. Depuis le 1er novembre 1998, la Cour siège à temps plein et est composée de 41 juges. La Cour peut être saisie directement par les citoyens. De manière spectaculaire, elle a condamné la France, en l’an 2000, pour torture en raison de mauvais traitements infligés à un prévenu dans un commissariat parisien.Aux droits civils et politiques garantis par la Convention, la Charte sociale européenne (1961) apporte un complément avec la garantie desdroits
économiques et sociaux. La fin de la guerre froide a donné une nouvelle orientation au Conseil : assistance politique et technique aux pays d’Europe centrale et orientale pour leur passage à l’État de droit.L’organe exécutif du Conseil, le Comité des ministres, est un organe intergouvernemental de type classique, dans lequel les décisions sur les questions de fond se prennent à l’unanimité.Le Secrétaire général est nommé par l’Assemblée parlementaire, sur recommandation du comité des ministres pour cinq ans renouvelables. Si à l’origine les textes ne lui attribuaient qu’un rôle essentiellement administratif visant à assister les organes du Conseil, la pratique a permis de développer cette fonction : il peut prendre des initiatives et se faire le porte-parole de l’organisation.L’Assemblée consultative du Conseil de l’Europe, dont la dénomination actuelle - Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe - a été adoptée le 3 juillet 1974, fut le premier forum international réunissant des parlementaires nationaux et non pas des représentants des gouvernements. Elle comprend, pour la France, des députés et sénateurs. Les membres de l’Assemblée parlementaire peuvent émettre des avis, à la demande du Comité des ministres, ou desrecommandations à son intention qui n’ont pas de valeur contraignante.
Quatre cents organisations non-gouvernementales sont dotées du statut consultatif auprès du Conseil, apportent leurs contributions à différents secteurs et son régulièrement associées à la préparation des grandes conférences.
Le Conseil de l’Europe comprend actuellement 41 membres, le dernier admis étant l’ex-république soviétique de Géorgie. Pour quatre autres - L’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Bosnie-Herzégovine et Monaco - les procédures d’adhésion sont en cours, alors que l’examen des candidatures de la Biélorussie et de la République fédérale de Yougoslavie est suspendu en raison de leur régime autoritaire. La Turquie, membre depuis 1961, fait régulièrement l’objet d’interpellations de l’assemblée consultative et de menaces de suspension...
Communauté européenneLa Communauté européenne était une organisation supranationale réunissant la plupart des États européens et caractérisée par des transferts de compétence importants consentis dans de nombreux secteurs par les États membres. L'entrée en vigueur du traité de Lisbonne le 1er décembre 2009 a mis fin à la Communauté européenne en tant qu'entité juridique, sa personnalité juridique étant transférée à l'Union européenne qui en était dépourvue jusque-là.
La dénomination « Communauté européenne » a remplacé celle de « Communauté économique européenne » le 1 er novembre 1993. L'adjectif « économique » a été retiré de son nom par le traité de Maastricht en 1992. Elle était, avec la Communauté européenne de l'énergie atomique (Euratom), un élément de ce qu'on appelle les Communautés européennes Note 1 (au pluriel). Ces communautés européennes formaient, avant l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, un des trois piliers de l'Union européenne.
Le traité de Maastricht est basé sur l'Acte unique européen et la Déclaration solennelle sur l'Union
européenne dans la création de l'Union européenne. Le Traité fut signé le 7 février 1992 et prit effet
le 1er novembre 1993. Il a remplacé les Communautés européennes, les transformant en un
des trois piliers de l'Union. Le premier président de la Commission de l'Union
européenne fut Jacques Delors, qui conserva brièvement son mandat de la CEE avant l'arrivée
de Jacques Santer en 1994.
Le traité d'Amsterdam a transféré les responsabilités de la liberté de mouvement des individus (tel
que les visas, l'immigration illégale, l'asile) du pilier Justice et affaires intérieures (JAI) à la
Communauté européenne (JAI fut renommé Coopération policière et judiciaire en matière pénale)1.
les traités d'Amsterdam et de Nice ont aussi étendu la procédure de codécision à presque tous les
domaines politiques, conférant au Parlement des pouvoirs égaux au Conseil dans la Communauté.
En 2002, le traité de Paris qui avait créé la Communauté européenne du charbon et de l'acier (une
des trois Communautés européennes) prit fin, ayant atteint sa limite de 50 ans (en tant que premier
traité, il était le seul limité dans le temps). Aucune tentative de remplacement ne fut amorcée car il
était considéré comme superflu ; et au lieu de ça, le traité de Nice transféra ses composantes
au traité de Rome et, de là, son effet continu en tant que partie des attributions de la CEE.
Le 1 er décembre 2009, l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne a mis fin à la structure en pilier de
l'Union, et par conséquent à l'existence de la Communauté européenne.
Traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l'acier, traité CECA
Le traité CECA, signé à Paris en 1951, réunit la France, l'Allemagne, l'Italie et les pays du Benelux
dans une Communauté qui a pour but d'organiser la liberté de circulation du charbon et de l'acier
ainsi que le libre accès aux sources de production. En outre, une Haute autorité commune
surveille le marché, le respect des règles de concurrence ainsi que la transparence des prix. Ce
traité est à l'origine des institutions telles que nous les connaissons aujourd'hui.
NAISSANCE
La première organisation communautaire est née au lendemain de la seconde guerre mondiale
alors qu'il apparaissait nécessaire de reconstruire économiquement le continent européen et
d'assurer une paix durable.
C'est ainsi qu'est née l'idée de mettre en commun la production franco-allemande de charbon et
d'acier et que la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA) a vu le jour. Ce choix
n'était pas seulement inspiré par une logique économique mais aussi politique, car ces deux
matières premières étaient à la base de l'industrie et de la puissance de ces deux pays. L'objectif
politique sous-jacent était bien de renforcer la solidarité franco-allemande, d'éloigner le spectre
de la guerre et d'ouvrir la voie de l'intégration européenne.
Le ministre des affaires étrangères de la République française, Robert Schuman, propose, le
9 mai 1950 dans sa fameuse déclaration , de placer la production franco-allemande de charbon et
d'acier sous une Haute Autorité commune, dans le cadre d'une organisation ouverte à la
participation d'autres pays européens.
La France, l'Allemagne, l'Italie, la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas acceptent le défi et
commencent à négocier un traité. Cette démarche va à l'encontre de la volonté originaire de Jean
Monnet, haut fonctionnaire français et inspirateur de l'idée, qui avait proposé un mécanisme plus
simple et technocratique. Cependant, les six États fondateurs n'étaient pas prêts à accepter une
simple ébauche et se sont mis d'accord sur une centaine d'articles formant un ensemble
complexe.
Finalement, le traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l'acier est signé à
Paris le 18 avril 1951 et entre en vigueur le 23 juillet 1952, avec une durée de vie limitée à
50 ans. Le traité a expiré le 23 juillet 2002.
Le marché commun qu'il préconisait s'est ouvert le 10 février 1953 pour le charbon, le minerai de
fer et la ferraille et le 1er mai 1953 pour l'acier.
OBJECTIFS
Le but de ce traité est de contribuer, grâce au marché commun du charbon et de l'acier, à
l'expansion économique, au développement de l'emploi et à l'amélioration du niveau de vie, tel
qu'affirmé dans le deuxième article du traité. Ainsi, les institutions doivent veiller à
l'approvisionnement régulier du marché commun en assurant un égal accès aux sources de
production, en veillant à l'établissement des prix plus bas et à l'amélioration des conditions pour
la main d'œuvre. Tout cela doit être accompagné du développement des échanges
internationaux et de la modernisation de la production.
En vue de l'instauration du marché commun, le traité instaure la libre circulation des produits,
sans droits de douane ni taxes. Il interdit les mesures ou pratiques discriminatoires, les
subventions, les aides ou les charges spéciales de l'État ainsi que les pratiques restrictives.
STRUCTURE
Le traité est divisé en quatre titres. Le premier concerne la Communauté européenne du charbon
et de l'acier, le deuxième les institutions de la Communauté, le troisième les dispositions
économiques et sociales et le quatrième les dispositions générales. Il comporte également deux
protocoles, l'un sur la Cour de justice et l'autre sur les relations de la CECA avec le Conseil de
l'Europe. Il inclut également une convention relative aux dispositions transitoires qui concerne la
mise en application du traité, les relations avec les pays tiers et les mesures générales de
sauvegarde.
INSTITUTIONS
Le traité CECA est à l'origine des institutions telles que nous les connaissons aujourd'hui. Il
instaure une Haute Autorité, une Assemblée, un Conseil des ministres et une Cour de justice. La
Communauté est dotée de la personnalité juridique.
La Haute autorité est l'exécutif collégial indépendant, ayant pour tâche d'assurer la réalisation
des objectifs fixés par le traité et d'agir dans l'intérêt général de la Communauté. Elle est
composée de neuf membres (dont pas plus de deux par nationalité) désignés pour six ans. Il
s'agit d'une véritable instance supranationale dotée d'un pouvoir de décision. Elle veille à la
modernisation de la production et à l'amélioration de sa qualité, à la fourniture des produits à des
conditions identiques, au développement de l'exportation commune et à l'amélioration des
conditions de travail dans les industries du charbon et de l'acier. La Haute autorité prend des
décisions, formule des recommandations et émet des avis. Elle est assistée par un comité
consultatif composé de représentants des producteurs, des travailleurs, des utilisateurs et de
négociants.
L'Assemblée est composée de 78 députés, délégués des Parlements nationaux. Ils sont au
nombre de 18 pour l'Allemagne, la France et l'Italie, de 10 pour la Belgique et les Pays-Bas et de
4 pour le Luxembourg. Le traité confère à cette Assemblée un pouvoir de contrôle.
Le Conseil comprend six représentants délégués des gouvernements nationaux. La présidence
du Conseil est exercée à tour de rôle par chaque membre pour une durée de trois mois. Le
Conseil a pour rôle d'harmoniser l'action de la Haute autorité et la politique économique générale
des gouvernements. Son avis conforme est nécessaire pour les décisions importantes prises par
la Haute autorité.
La Cour de Justice est composée de sept juges nommés d'un commun accord par les
gouvernements des États membres pour six ans. Elle assure le respect du droit dans
l'interprétation et l'application du traité.
MISSIONS
Le traité prévoit des interventions de la Haute autorité fondées sur l'information que les
entreprises sont censées lui fournir et la prévision à l'égard de la production du charbon et de
l'acier. Dans la poursuite de son but, la CECA dispose de moyens d'information et de pouvoirs de
consultation, accompagnés d'un pouvoir de vérification. En cas de non-soumission des
entreprises à ces pouvoirs, la Haute autorité dispose de moyens répressifs, telles que les
amendes (maximum de 1 % du chiffre d'affaires annuel) et les astreintes (5 % du chiffre
d'affaires journalier moyen par jour de retard).
Sur la base de cette information, des prévisions sont faites pour orienter l'action des intéressés et
déterminer l'action de la CECA. Pour compléter les informations reçues des entreprises et des
associations, la CECA mène de son côté des études sur l'évolution des prix et des marchés.
Le financement de la CECA se fait à partir de prélèvements sur la production de charbon et
d'acier et en contractant des emprunts. Les prélèvements doivent servir à couvrir les dépenses
administratives, l'aide non remboursable à la réadaptation et la recherche technique et
économique, qui doit être encouragée. Les emprunts ne peuvent être utilisés que pour consentir
des prêts.
Dans le domaine de l'investissement, mis à part les prêts, la CECA peut également octroyer sa
garantie aux emprunts conclus par les entreprises avec des tiers. Par ailleurs, la CECA dispose
d'un pouvoir d'orientation sur les investissements qu'elle ne finance pas.
En ce qui concerne la production, la CECA joue principalement un rôle indirect, subsidiaire, à
travers la coopération avec les gouvernements et les interventions en matière de prix et de
politique commerciale. Cependant, en cas de réduction de la demande ou de pénurie, elle peut
mener des actions directes, en imposant des quotas en vue d'une limitation organisée de la
production ou, en cas de pénurie, en fixant les priorités d'utilisation, la répartition des ressources
et les exportations dans les programmes de fabrication.
En matière de fixation des prix, le traité interdit les discriminations exercées par le prix, les
pratiques déloyales de concurrence et les pratiques discriminatoires qui consistent à appliquer
des conditions inégales à des transactions comparables. Ces règles sont également valables dans
le domaine du transport.
En outre, dans certaines circonstances, telles qu'une crise manifeste, la Haute autorité peut fixer
les prix, maxima ou minima, à l'intérieur de la Communauté ou ceux appliqués vis-à-vis de
l'extérieur.
Dans un souci de respect de la libre concurrence, la Haute autorité doit être informée de toutes
les actions des États membres susceptibles de la mettre en danger. En outre, le traité s'occupe
spécifiquement des trois cas qui peuvent fausser la concurrence: les ententes, les concentrations
et les abus de position dominante. Les ententes ou associations d'entreprises, peuvent être
annulées par la Haute autorité si elles empêchent, restreignent ou faussent directe ou
indirectement, le jeu de la concurrence.
Les salaires et les mouvements de main d'œuvre constituent un autre chapitre du traité.
Bien que les salaires restent de compétence nationale, la Haute autorité peut intervenir en cas
de salaires anormalement bas et de baisses de salaires, dans certaines conditions explicitées par
le traité.
Des aides financières peuvent être consacrées par la Haute autorité à des programmes qui ont
pour but de pallier les effets négatifs qu'une avancée technique appliquée à l'industrie peut avoir
sur la main d'œuvre (indemnités, allocations et rééducation professionnelle).
En ce qui concerne la mobilité de la main d'œuvre qualifiée, le traité prévoit la suppression de la
part des États des restrictions à l'emploi qui seraient fondées sur la nationalité. Pour les autres
catégories de travailleurs, et en cas de pénurie de ce type de main d'œuvre, les États sont
appelés à effectuer les modifications nécessaires dans le domaine de l'immigration pour faciliter
l'engagement de travailleurs non-nationaux.
Le traité aborde également la politique commerciale de la CECA à l'égard des pays tiers. Bien
que la compétence nationale reste de mise, la Communauté dispose de quelques prérogatives,
telles que la fixation des taux maxima et minima pour les droits de douane, le contrôle de l'octroi
de licences d'exportation et d'importation ou le droit d'être informée au sujet des accords
commerciaux portant sur le charbon et l'acier.
Il y a en outre un domaine dans lequel la compétence de la Haute autorité est prédominante. Il
s'agit des cas de dumping, de l'utilisation par des entreprises échappant à la juridiction de la
Communauté de moyens de concurrence contraires au traité ou d'une hausse importante
d'importation qui peut porter un préjudice sérieux à la production communautaire.
RÉSULTATS
Le bilan de la CECA est positif. La Communauté a su faire face aux crises, assurant un
développement équilibré de la production et de la distribution des ressources et facilitant les
restructurations et reconversions industrielles nécessaires. La production d'acier a quadruplé par
rapport aux années 50 et l'acier est meilleur, moins cher et plus propre. De son côté, le charbon
a vu sa production diminuée, ainsi que sa main d'œuvre, mais le secteur a atteint un niveau
élevé de développement technologique, de sûreté et de qualité environnementale. Les systèmes
CECA de gestion sociale (retraite anticipée, indemnités transitoires, aides à la mobilité,
formation…) ont pris une grande importance face aux crises.
EXPIRATION DU TRAITÉ CECA
Cinquante ans après son entrée en vigueur, le traité a expiré comme prévu le 23 juillet 2002 .
Avant son abrogation il a été modifié à plusieurs reprises par les traités suivants : traité de fusion
(Bruxelles 1965), traités portant modifications de certaines dispositions financières (1970 et
1975), traité sur le Groenland (1984), traité sur l'Union européenne (TUE, Maastricht, 1992), acte
unique européen (1986), traité d'Amsterdam (1997), traité de Nice (2001) et les traité d'adhésion
(1972, 1979, 1985 et 1994).
Au début des années 90 et suite à un vaste débat, son expiration a été considérée comme la
solution la plus pertinente, comparée au renouvellement du traité ou à une solution de
compromis. Ainsi, la Commission a proposé une transition graduelle de ces deux secteurs dans le
traité instituant la Communauté européenne dont les règles s'appliquent depuis l'abrogation du
traité CECA au commerce du charbon et de l'acier.
Un protocole relatif aux conséquences financières de l'expiration du traité CECA et au fonds de
recherche du charbon et de l'acier a été annexé au traité de Nice. Ce protocole établit le transfert
du patrimoine actif et passif de la CECA à la Communauté européenne. La valeur nette de ce
patrimoine est destinée à la recherche dans les secteurs liés à l'industrie du charbon et de l'acier.
Des décisions de février 2003 contiennent les mesures nécessaires à la mise en œuvre des
dispositions du protocole, les lignes directrices financières et les dispositions relatives au fonds
de recherche du charbon et de l'acier.
MODIFICATIONS APPORTÉES AU TRAITÉ
Le présent traité a été modifié par les traités suivants :
Traité de Bruxelles, dit «traité de Fusion» (1965)
Ce traité remplace les trois Conseils des ministres (CEE, CECA et Euratom) d'une part et les deux
Commissions (CEE, Euratom) et la Haute Autorité (CECA) d'autre part par un Conseil unique et
une Commission unique. À cette fusion administrative s'ajoute la constitution d'un budget de
fonctionnement unique.
Traité portant modifications de certaines dispositions budgétaires (1970)
Ce traité remplace le système de financement des Communautés par contributions des États
membres par celui des ressources propres. Il met également en place un budget unique pour les
Communautés.
Traité portant modifications de certaines dispositions financières (1975)
Ce traité donne au Parlement européen le droit de rejeter le budget et de donner décharge à la
Commission sur l'exécution de celui-ci. Il institue une Cour des comptes unique pour les trois
Communautés, organisme de contrôle comptable et de gestion financière.
Traité sur le Groenland (1984)
Ce traité met fin à l'application des traités sur le territoire du Groenland et établit des relations
spéciales entre la Communauté européenne et le Groenland, modelées sur le régime applicable
aux territoires d'outre-mer.
Acte unique européen (1986)
L'Acte unique européen constitue la première grande réforme des traités. Il permet l'extension
des cas de vote à la majorité qualifiée au Conseil, l'accroissement du rôle du Parlement européen
(procédure de coopération) et l'élargissement des compétences communautaires. Il introduit
l'objectif du marché intérieur à l'horizon de 1992.
Traité sur l'Union européenne dit «Traité de Maastricht» (1992)
Le traité de Maastricht réunit sous le même chapeau l'Union européenne, les trois Communautés
(Euratom, CECA, CEE) et les coopérations institutionnalisées dans les domaines de la politique
étrangère, de la défense, de la police et de la justice. Il renomme la CEE qui devient la CE. De
plus, ce traité crée l'union économique et monétaire, met en place de nouvelles politiques
communautaires (éducation, culture) et développe les compétences du Parlement européen
(procédure de codécision).
Traité d'Amsterdam (1997)
Le traité d'Amsterdam permet l'accroissement des compétences de l'Union avec la création d'une
politique communautaire de l'emploi, la communautarisation d'une partie des matières qui
relevaient auparavant de la coopération dans le domaine de la justice et des affaires intérieures,
les mesures destinées à rapprocher l'Union de ses citoyens, la possibilité de coopérations plus
étroites entre certains États membres (coopérations renforcées). Il étend d'autre part la
procédure de codécision ainsi que le vote à la majorité qualifiée, et opère une simplification et
une renumérotation des articles des traités.
Traité de Nice (2001)
Le traité de Nice est essentiellement consacré aux «reliquats» d'Amsterdam, c'est-à-dire aux
problèmes institutionnels liés à l'élargissement qui n'ont pas été réglés en 1997. Il s'agit de la
composition de la Commission, de la pondération des voix au Conseil et de l'élargissement des
cas de vote à la majorité qualifiée. Il simplifie le recours à la procédure de coopération renforcée
et rend plus efficace le système juridictionnel.
Traité de Lisbonne (2007)
Le traité de Lisbonne procède à de vastes réformes. Il met fin à la Communauté européenne,
supprime l’ancienne architecture de l’UE et procède à une nouvelle répartition des compétences
entre l’UE et les États membres. Le mode de fonctionnement des institutions européennes et le
processus décisionnel font également l’objet de modifications. L’objectif est d’améliorer la prise
de décision dans une Union élargie à 27 États membres. Le traité de Lisbonne réforme de plus
plusieurs des politiques internes et externes de l’UE. Il permet notamment aux institutions de
légiférer et de prendre des mesures dans de nouveaux domaines politiques.
Le présent traité a également été modifié par les traités d'adhésion suivants :
Traité d'adhésion du Royaume-Uni, du Danemark et de l'Irlande (1972), qui porte
le nombre d'États membres de la Communauté européenne de six à neuf.
Traité d'adhésion de la Grèce (1979)
Traité d'adhésion de l'Espagne et du Portugal (1985), qui porte le nombre d'États
membres de la Communauté européenne de dix à douze.
Traité d'adhésion de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède (1994), qui porte le
nombre d'États membres de la Communauté européenne à quinze.
Traité d’adhésion de Chypre, l’Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie,
Malte, la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie et la Slovénie (2003). Ce traité
porte le nombre d’États membres de la Communauté européenne de quinze à vingt-cinq.
Traité d’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie (2005). Ce traité porte le
nombre d’États membres de la Communauté européenne de vingt-cinq à vingt-sept.